M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Madame Létard, la longueur de ma réponse sera inversement proportionnelle au plaisir que j’ai à vous retrouver ici !
M. Jean-Jacques Mirassou. Quel beau compliment…
M. Éric Besson, ministre. Je vous apporterai des éléments plus détaillés par écrit, et j’aurai l’occasion de revenir sur les points que vous avez soulevés lors de mon audition par la commission d’enquête sur l’industrie ferroviaire, le 17 mai prochain.
Pour l’heure, je vous confirme que ces secteurs font bien partie des priorités de l’action du Gouvernement. Comme vous l’avez souligné, l’État y consacre des moyens importants dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Le véhicule du futur est un concept qui concerne aussi le ferroviaire, et pas seulement l’automobile. J’ajoute que le pôle I-Trans pourra être conforté grâce aux outils que nous sommes en train de développer.
M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Lors du déplacement de la mission commune d’information dans le Nord-Pas-de-Calais, j’ai été impressionné par le travail mené en commun par les chercheurs et l’industrie ferroviaire, ainsi que par le degré d’excellence atteint.
On présente souvent le Nord-Pas-de-Calais comme une région dont les industries périclitent. On ne le voit pas assez comme une région d’avenir, qui a misé sur les technologies du futur, en particulier en matière de ferroutage, l’un de ses domaines d’excellence.
Le développement du ferroutage doit faire l’objet d’une décision politique dans notre pays, afin de permettre le basculement de la route vers le rail, indispensable si l’on veut réduire les émissions de CO2, diminuer l’engorgement de notre réseau routier et améliorer la sécurité des Français. Cela va dans le sens de l’histoire. J’ajoute que la mise aux normes des tunnels ferroviaires aurait une incidence très importante sur l’emploi dans le secteur des travaux publics.
Le développement du ferroutage relève aussi de l’échelon européen. À cet égard, il serait bon que nous montrions la voie à nos partenaires dans ce domaine, afin que l’excellence française devienne une excellence européenne.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Je voudrais à mon tour saluer l’initiative de M. Bourquin et féliciter de leur travail l’ensemble des membres de la mission commune d’information.
Le renforcement de l’attractivité des territoires pour les entreprises est au cœur du rapport de la mission. Or cette attractivité ne repose pas seulement sur le niveau des prélèvements sociaux et fiscaux, mais dépend également de la qualité des infrastructures, de la qualité et de l’accessibilité des services collectifs non marchands, tels que l’éducation ou le système de santé et de protection sociale : les économistes parlent de passage de la mesure des avantages compétitifs des entreprises à celle des avantages comparatifs des territoires.
Nos infrastructures ont jusqu’à présent renforcé l’attractivité de la France. Dans cette optique, le fret ferroviaire est un atout majeur au service de l’activité d’innombrables entreprises. C’est sans doute pour cette raison que les cheminots, les élus territoriaux et les entreprises dénoncent tous le choix fait par la SNCF d’abandonner le wagon isolé, les fermetures de sites, la suppression de milliers d’emplois, ainsi que les conséquences pour l’environnement de telles décisions tendant à réduire le fret ferroviaire.
Pourtant, le fret ferroviaire représente en France 50 % des flux de la sidérurgie, 60 % de ceux de la chimie et 80 % de ceux des constructeurs automobiles.
Ainsi, la SNCF acheminait chaque année pour le compte de Dunlop France, entreprise implantée à Montluçon, dans mon département de l’Allier, des milliers de tonnes de noir de carbone et d’oxyde de zinc, qui sont des matières polluantes. Pourtant, elle vient d’annoncer sans concertation l’arrêt de cet acheminement à compter du 31 octobre prochain, laissant cette entreprise sans solution.
De même, les responsables de l’usine chimique Adisseo, à Commentry, de l’entreprise de fabrication de laine de roche Rockwool, à Saint-Éloy-les-Mines, du projet biomasse Poweo de Commentry, qui implique l’acheminement de 100 000 tonnes de bois, de l’usine Potain de Moulins et de bien d’autres PME du département m’ont interpellée sur la brusque augmentation des tarifs de fret décidée unilatéralement par la SNCF. Dans ces conditions, ces entreprises s’interrogent, avec raison, sur le maintien de leur activité sur ce territoire.
D’un côté, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, affiche son attachement à la défense de la compétitivité de nos territoires dans le cadre de la concurrence mondialisée ; de l’autre, il impose à la SNCF de mener une politique contreproductive et, je le crains fort, irréversible. Il y a là une contradiction majeure !
Monsieur le ministre, pourrait-on raisonner en termes de filière industrielle globale et agir en conséquence pour que les entreprises de nos territoires, de tous nos territoires, puissent se maintenir et se développer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Madame la sénatrice, je ne puis répondre à certaines des questions que vous avez soulevées, car elles relèvent de la compétence de mes collègues Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani.
S’agissant de la filière industrielle, vous avez entièrement raison. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous essayons de tisser des liens beaucoup plus étroits entre donneurs d’ordres et sous-traitants, entre grands groupes et PME. Un certain nombre des dossiers que vous avez évoqués sont entre les mains du médiateur de la sous-traitance, M. Jean-Claude Volot. Nous pourrions faire le point avec lui.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que, en matière de désindustrialisation, le constat était contrasté selon les territoires et les activités. Or, dans mon département de la Dordogne, il ne l’est malheureusement pas du tout !
Si l’État actionnaire est en train de réfléchir, ce qui est une bonne chose, aux moyens de réindustrialiser notre pays, il se comporte plutôt mal. Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.
Le premier concerne le bassin d’emploi du Bergeracois, dont le fleuron industriel était un site de la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE. L’État est l’actionnaire principal de la SNPE. À la suite de son désengagement total, la SNPE est vendue à la découpe, et 400 salariés vont se retrouver sur le carreau dans mon département…
Le second exemple concerne le bassin d’emploi de Périgueux. Les salariés des ateliers SNCF de Coulounieix-Chamiers disposent d’un réel savoir-faire en matière de réalisation de matériels de voie. Or ce savoir-faire est en train de disparaître, car leur nombre diminue en raison de la non-compensation des départs à la retraite. Pourtant, les besoins sont grands, liés notamment à la réalisation des lignes à grande vitesse ou à la nécessaire régénération des lignes de TER, en Aquitaine et dans d’autres régions.
Dans ces conditions, ma question est simple : que compte faire l’État actionnaire pour mettre en accord ses actes et ses politiques ? (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, je vous propose de faire ensemble le point avec le médiateur de la sous-traitance, comme je l’ai déjà suggéré à Mme Schurch.
Pour ce qui concerne la SNPE, ce dossier a été traité par ma collègue Christine Lagarde et par l’Agence des participations de l’État. Je puis simplement vous dire, à ce stade, que cette dernière recherche actuellement des solutions pour le bassin d’emploi du Bergeracois. N’ayant pas été informé à l’avance de la teneur de votre intervention, je ne suis pas en mesure de vous en apprendre davantage dans l’immédiat. Je propose que nous reparlions ensemble dans un autre cadre de ce dossier, l’un des 1 200 que nous suivons actuellement…
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le ministre, concernant le domaine des énergies renouvelables, vous vous êtes exprimé sur le photovoltaïque et l’éolien. Pourriez-vous nous indiquer ce que vous envisagez de faire pour favoriser le développement des techniques et des filières dans le secteur de la production d’énergie à partir de la biomasse ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Pensant que vous vouliez m’interroger sur le photovoltaïque, j’avais préparé une belle réponse, très documentée… (Sourires.)
Pour ce qui concerne la biomasse, une étude est en cours afin d’établir un diagnostic et de présenter des propositions au Gouvernement. Quel est exactement le potentiel de la France en la matière ? Comment pouvons-nous soutenir et accélérer le développement de cette filière ? Je disposerai de ce rapport d’ici à un mois : nous pourrons alors reparler ensemble de ce sujet. Pour l’heure, je vous fais porter la belle réponse que j’avais préparée sur le photovoltaïque !
M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. En ce qui concerne le photovoltaïque, il faut faire attention à ne pas rater le train de l’histoire ! Dans ce domaine, il est exact qu’il y a eu des effets d’aubaine et que 90 % des capteurs photovoltaïques sont importés, notamment de Chine ou d’Allemagne. Cela étant, « couper les vivres » à cette filière est une erreur.
Il aurait fallu prendre en compte, par exemple, la dimension environnementale de l’utilisation des capteurs photovoltaïques pour fixer le tarif de rachat de l’électricité produite et accorder des aides. Cela aurait permis d’apporter un fort soutien à une industrie naissante, qui représente de 20 000 à 25 000 emplois. Dans une région comme la mienne, la Franche-Comté, où prédomine une mono-industrie, des entreprises s’étaient déjà diversifiées dans cette direction. Or tout s’arrête, les investissements sont gelés…
La question des énergies renouvelables doit être prise à bras-le-corps par le Gouvernement, mais aussi par le Parlement. Nous devons mettre tous les moyens en œuvre pour favoriser le développement de l’utilisation des énergies renouvelables. Ne ratons pas ce train ! Nous devons à la fois garantir une sécurité optimale pour la filière nucléaire et définir un mix énergétique nouveau, qui nous permette d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. Se contenter d’une petite dose d’énergies renouvelables à côté d’une filière nucléaire prépondérante serait à mon sens un contresens historique ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur Bourquin, il faudra un jour sortir de l’ambiguïté ! Un kilowattheure d’origine photovoltaïque coûte aujourd’hui dix fois plus cher à produire qu’un kilowattheure d’origine nucléaire. Rien n’est gratuit : ce surcoût est financé par le biais de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, qui figure sur la facture d’électricité de tous les Français.
Il faut sortir de la schizophrénie : que ce soit ici ou à l’Assemblée nationale, chaque fois que l’on évoque la perspective d’une augmentation, même limitée, du coût de l’électricité, vous nous expliquez que le Gouvernement devrait « geler » les prix, à rebours de ce qui se pratique dans tous les autres pays !
M. Jean-Jacques Mirassou. La loi NOME, ce n’est pas nous !
M. Éric Besson, ministre. Mais lorsqu’il s’agit de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, rien n’est trop cher, rien ne devrait être refusé. Je vous invite à écrire noir sur blanc vos propositions, parce qu’il est trop facile d’affirmer qu’il faut un nouveau mix énergétique sans jamais aborder la question du coût ! (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Vous devrez alors dire la vérité en face à nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Monsieur le ministre, je ne m’attendais pas à une contradiction aussi vive !
Cette question de l’énergie est au cœur de la politique industrielle. Si notre politique énergétique n’est pas à la hauteur des enjeux, nous connaîtrons inéluctablement de graves problèmes en matière industrielle.
Il faut donner la priorité aux énergies renouvelables dans notre politique énergétique, qu’il s’agisse de l’éolien, de l’hydraulique ou du photovoltaïque. Par exemple, il faut faire en sorte de perfectionner les usines marémotrices.
Il n’est pas question de remettre en cause notre filière nucléaire, mais il faut anticiper, avoir deux coups d’avance, comme aux échecs.
M. Philippe Leroy. C’est du bavardage !
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Je vous renvoie à cet égard à un article très intéressant paru aujourd’hui dans La Tribune : un spécialiste reconnu souligne qu’il existe une façon moins dangereuse d’exploiter l’énergie nucléaire.
Inévitablement, le secteur des énergies renouvelables va connaître un emballement ! Après ce qui vient de se passer au Japon, plus rien ne sera comme avant. Faire l’autruche serait une erreur complète ! Nous devons au contraire diversifier les sources d’énergie.
En ce qui concerne le financement des surcoûts, je relève que, selon les services du Trésor, sur 170 milliards d’euros de revenus du capital, seulement 20 milliards d’euros figurent dans les déclarations de revenus !
M. Philippe Leroy. Cela n’a rien à voir…
M. Martial Bourquin, président de la mission commune d’information. Dans le même temps, 90 % des revenus du travail sont fiscalisés ! À quand une fiscalité plus juste, un grand impôt progressif sur tous les revenus, y compris ceux du capital ? Si nous entendons mener une grande politique industrielle, il faudra bien s’en donner les moyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. S’agissant de la filière photovoltaïque, un état des lieux partagé est certes nécessaire, mais le problème de fond n’est pas abordé : des personnes qui avaient monté des projets sont aujourd’hui laissées au bord du chemin, en raison de la rétroactivité de la mesure prise.
Cela étant dit, je voudrais souligner que le mot « désindustrialisation » recouvre des réalités difficiles : un cortège de délocalisations, donc de départs, qui induit un climat de morosité dans nos territoires. Si les pôles de compétitivité sont incontestablement des noyaux générateurs d’activité, des territoires ruraux sont un peu délaissés, d’autant que la PAC est désormais moins généreuse qu’autrefois.
Ma nature ne me porte pas à la critique, monsieur le ministre. Je sais que les choses sont plus faciles à dire qu’à réaliser. J’évoquerai néanmoins les friches industrielles. Dans certains départements, notamment ruraux, on ne compte plus ces grands bâtiments à toiture grise, construits dans les années soixante et soixante-dix, à une époque où l’activité économique était en plein essor, mais désormais inoccupés. Je sais que la question est difficile, mais ne serait-il pas possible d’instaurer des incitations au réemploi de ces locaux ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Que certaines de nos grandes entreprises s’installent et créent des activités à l’étranger n’est pas, en soi, une mauvaise nouvelle, à condition qu’il s’agisse non pas de délocaliser des activités dans l’espoir, souvent déçu, de produire moins cher ailleurs, mais bien de réaliser des investissements en vue de toucher de nouveaux marchés.
Il est vrai que, dans de trop nombreuses zones de notre territoire, la mono-industrie a longtemps prévalu. Dans ce cas, lorsque l’entreprise principale ferme, tout le bassin d’emploi en subit les conséquences, directes et indirectes. Quand on cherche à évaluer le poids de l’industrie en France, il faut aussi prendre en compte tous les services connexes qui dépendent de celle-ci.
C’est pourquoi le Gouvernement a essayé de multiplier les outils de revitalisation et de réindustrialisation. Le Fonds national de revitalisation des territoires est à mes yeux le plus important d’entre eux. Créé voilà trois ans sur l’initiative du Président de la République, ce dispositif donne de bons résultats. Il s’agit d’un fonds de garantie, doté de 45 millions d’euros par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, qui doit permettre d’accorder 135 millions d’euros de prêts bonifiés sans garantie. En 2010, soixante-cinq territoires ont été déclarés éligibles à ce fonds dans une vingtaine de régions, et 252 prêts ont été accordés, 55 autres étant actuellement à l’étude. Ces prêts, octroyés principalement à de très petites entreprises du secteur industriel, engendrent un effet de levier important, pour un montant cumulé estimé à 430 millions d’euros. Xavier Bertrand, Bruno Le Maire et moi-même avons demandé qu’il soit procédé à une évaluation du dispositif, afin d’envisager comment nous pourrons poursuivre cette action de revitalisation au-delà de 2012.
Je partage donc votre diagnostic, monsieur le sénateur, et nous allons essayer d’affiner les moyens mis en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, en octobre 2010, la direction américaine de l’entreprise Molex décidait de déposer le bilan de sa filiale française et de la placer en liquidation judiciaire pour punir les salariés de Villemur-sur-Tarn, coupables d’avoir osé engager une action devant les prud’hommes, destinée tout simplement à contester la réalité du motif économique de leur licenciement.
Cette décision inadmissible, prise au mépris du droit français, s’accompagnait mécaniquement d’un refus de continuer à financer le plan social, ce qui privait les dix-neuf représentants du personnel de leur congé de reclassement et de leurs indemnités de licenciement.
Au tout début du mois de novembre dernier, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’avais interpelé votre prédécesseur à ce sujet, en faisant remarquer que, au moment où je parlais, paradoxalement, l’un des dix-neuf salariés que j’ai évoqués répondait à une convocation des services de police : ce n’était pas, vous l’avouerez, le moindre des paradoxes !
Dans sa réponse, M. Christian Estrosi avait évoqué la possibilité que l’État finance lui-même en totalité le fonctionnement de la cellule de reclassement, ajoutant qu’un liquidateur avait été nommé et que le Gouvernement accompagnerait sa démarche d’une action judiciaire, dans le cadre d’un recours en responsabilité pour insuffisance d’actifs. M. Estrosi avait d’ailleurs souligné que lorsque l’on ne respecte pas le droit des salariés de notre pays, le Gouvernement est fondé à mettre en œuvre, avec toute l’énergie nécessaire, les moyens adéquats pour défendre ces derniers.
Si mes renseignements sont bons, monsieur le ministre, le sort de ces dix-neuf salariés n’est toujours pas réglé à l’heure actuelle, qu’il s’agisse de leurs indemnités ou du volet judiciaire. Pourriez-vous m’éclairer sur l’état de ce dossier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Mon prédécesseur Christian Estrosi a, en effet, beaucoup travaillé sur ce dossier.
Comme vous le savez sans doute, les négociations sur les modalités de versement par Molex de leurs indemnités aux dix-neuf salariés que vous avez évoqués sont toujours en cours, sous l’autorité du liquidateur, maître Pierrel. Tous les autres salariés ont été intégralement indemnisés.
Le Gouvernement suit de très près ce dossier. Nous n’envisageons pas, pour l’heure, de recours juridique, mais nous avons bon espoir de voir les négociations prochainement aboutir.
M. Jean-Louis Carrère. Comme pour les otages, le Gouvernement se contente de suivre le dossier !
M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler.
Mme Esther Sittler. Le rapport de la mission commune d’information contient une très intéressante analyse comparative des situations respectives de l’industrie en France et en Allemagne.
La primauté allemande a souvent été relevée. Nous partageons la même monnaie et nous avons les mêmes concurrents, la France et l’Allemagne vendent les mêmes produits aux mêmes pays, mais, depuis plusieurs années, les deux pays ne suivent ni les mêmes politiques économiques ni les mêmes stratégies industrielles. En outre, en termes de compétitivité, les progrès de l’un peuvent se faire au détriment de l’autre. Dans certains domaines, la France a donc décroché par rapport à l’Allemagne, et il s’agit d’un recul historique.
Cette constatation est peu à l’avantage de notre pays, et je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la problématique transfrontalière, notamment en matière d’emploi.
Tous les travaux conduits sur ces zones dressent le même constat d’un manque d’initiatives publiques pour relever le défi de la compétitivité et de difficultés d’organisation et de gouvernance des zones transfrontalières.
Couvrant 20 % du territoire national et regroupant 10 millions d’habitants, les zones frontalières françaises subissent une perte de compétitivité, dans certains domaines, par rapport à celles de notre voisin.
Les disparités constatées au fil des ans témoignent d’une situation complexe en matière d’emploi, de délocalisations, voire de disparitions d’entreprises, induisant une perte de ressources pour les collectivités et l’État.
Cette question a une dimension non seulement nationale, mais aussi, et peut-être surtout, européenne. En effet, les régions frontalières comme l’Alsace sont des régions majeures pour la construction et l’intégration européennes.
Monsieur le ministre, quelles réponses le Gouvernement peut-il apporter afin de réduire les disparités qui affaiblissent notre pays ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. La première réponse consiste bien évidemment à renforcer la compétitivité de notre outil industriel.
Je disais tout à l’heure que le diagnostic méritait d’être nuancé en fonction des territoires. Il doit également l’être selon les pays : par rapport à certains de ses voisins européens, la France est toujours compétitive.
Cela étant, reconnaissons-le, l’Allemagne est aujourd’hui le pays le plus performant en Europe. Elle est à la fois notre premier partenaire, notre premier fournisseur, notre premier client et notre premier concurrent. Nous avons aujourd’hui, incontestablement, un déficit de compétitivité par rapport à l’Allemagne, que nous nous efforçons de combler mesure par mesure.
Ainsi, lorsque Xavier Bertrand et Nadine Morano s’efforcent d’améliorer la formation en alternance et de favoriser le recours à l’apprentissage, ils œuvrent en faveur non seulement des jeunes concernés, mais aussi de la compétitivité de la France, tous les rapports soulignant que le développement de la formation en alternance constitue l’une des clefs de la réussite.
De même, pour ce qui concerne les filières industrielles, nous essayons de favoriser l’émergence d’une sorte d’esprit de groupe, qui existe presque naturellement en Allemagne. Un grand groupe allemand qui remporte un appel d’offres à l’international entraîne derrière lui, presque mécaniquement, des PME et PMI allemandes. En France, ce « patriotisme des affaires », moins spontané, a besoin d’être encouragé, et c’est ce que nous essayons de faire à travers la politique de filières.
Je souligne enfin que la situation n’a pas toujours été celle que nous connaissons aujourd’hui. Voilà une quinzaine d’années, l’Allemagne donnait au contraire le sentiment de stagner en matière de compétitivité, mais elle a finalement très bien absorbé le choc de la réunification. Elle a su se tourner vers un certain nombre de filières porteuses, comme ses parts de marché à l’exportation pour les produits à forte valeur ajoutée le démontrent. Elle a également adopté une politique dite de modération salariale, peut-être discutable, mais qui porte incontestablement ses fruits en termes de compétitivité à l’export. Enfin, l’Allemagne est probablement le pays où la solidarité entre entreprises a le mieux joué pendant la crise.
Cela étant, nous ne sommes pas là pour tresser des lauriers à nos partenaires et amis Allemands.
M. Jean-Louis Carrère. C’est ce que vous faites, pourtant !
M. Éric Besson, ministre. Ils connaîtront d’autres formes de difficultés, notamment d’ordre démographique : la très grande faiblesse de l’Allemagne, c’est sa démographie, qui va la conduire à mettre en place une nouvelle politique d’immigration pour pallier la décroissance de sa population active.
Par ailleurs, l’Allemagne sera confrontée à des difficultés en matière de production énergétique et électrique. Contrairement à ce que l’on entend dire, l’Allemagne n’est pas dans une position de force dans ce domaine, notamment d’un point de vue environnemental. En France, on décrit volontiers l’Allemagne comme le temple de la vertu à cet égard, mais nos voisins d’outre-Rhin rejettent dans l’atmosphère une fois et demie plus de CO2 par habitant que nous. J’ajoute que les entreprises allemandes paient leur électricité une fois et demie plus cher que les entreprises françaises et que les ménages allemands la paient deux fois plus cher que les ménages français.
M. Jean-Louis Carrère. C’est une obsession !
M. Jean-Louis Carrère. Vous nous bassinez !
M. Éric Besson, ministre. … mais elle est d’une importance vitale. Je vous invite à relire les discours du président Obama : vous verrez qu’il fait de l’indépendance et de la sécurité énergétiques la clé de voûte de son action ! Il en va de même dans tous les pays. Pardonnez-moi d’évoquer cette question !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes complètement obsédé !
M. Éric Besson, ministre. Madame Sittler, votre question est aussi un appel à un renforcement de la coopération européenne. Les Allemands ne sont pas que nos concurrents, ils sont aussi nos partenaires.
M. Jean-Louis Carrère. Encore !
M. Éric Besson, ministre. Monsieur Carrère, je réponds à une question qui porte sur les rapports transfrontaliers entre la France et l’Allemagne. Dois-je cesser de parler ?
M. Jean-Louis Carrère. Non, je vous en prie !
M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre !
M. Éric Besson, ministre. Nous allons essayer de partager avec l’Allemagne un certain nombre de nos dispositifs : je pense aux clusters et aux pôles de compétitivité. Mon homologue allemand et moi-même sommes en train de développer un certain nombre d’outils de partenariat, qui profiteront à nos deux pays.
J’évoquerai à cet égard l’exemple du véhicule électrique : nous avons besoin, pour le développer, de normes communes. Si un véhicule électrique allemand ne peut pas recharger sa batterie en France ou vice-versa, nous n’offrirons pas un marché potentiel suffisant à nos industriels.
Madame Sittler, voilà un certain nombre de pistes sur lesquelles nous travaillons pour renforcer notre compétitivité et pour mieux coopérer avec nos amis Allemands. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)