Article 9
(Non modifié)
I. – Au sixième alinéa de l’article L. 362–1 du code de l’éducation, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne ».
II. – L’article L. 362–1–1 du même code est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa des I et II, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne » ;
b) Le 3° du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette justification n’est pas requise lorsque la formation conduisant à cette profession est réglementée dans l’État membre ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel elle a été validée. »
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il est retiré, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 29 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
I. – L’article L. 411-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « de la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « de l’Union européenne ou » ;
2° Le 2° est complété par les mots : « ; cette justification n’est pas requise lorsque la formation conduisant à cette profession est réglementée dans l’État membre ou partie dans lequel elle a été validée ».
II. – Au premier alinéa de l’article L. 411-1-1 du même code, les mots : « de la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « de l’Union européenne ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 30 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 16.
Mme Mireille Schurch. L’article 10 de ce projet de loi que nous proposons de supprimer avec notre amendement a pour objet d’appliquer la directive Services aux assistants de service social, c’est-à-dire, pour utiliser la formulation ancienne et plus connue, aux assistantes sociales.
En réalité, il s’agit de réduire de manière importante les conditions d’exercice de la profession d’assistant de service social, puisque, une fois la directive transposée, le demandeur ressortissant d’un État membre, détenteur d’un titre de formation sanctionnant une formation réglementée, même si la profession ne l’est pas dans l’État membre où il a obtenu ce titre, sera dispensé de justifier de deux années d’expérience en tant qu’assistant de service social.
Comme vous le savez, le fait qu’en France une profession soit réglementée est gage de qualité ; c’est une sécurité particulière pour les personnes qui, un jour, peuvent avoir besoin de l’aide d’une assistante sociale.
Or ce que vous prévoyez revient à autoriser à venir exercer en France des personnes titulaires de diplômes obtenus dans d’autre pays, là où la profession n’est pas réglementée, c’est-à-dire où les exigences quant à la formation sont moindres.
Cela présente certains risques, qui sont loin d’être négligeables puisque, par définition, les assistants de service social interviennent auprès de publics déjà très fragilisés pour qui ces professionnels sont souvent l’ultime rempart. Celles et ceux qui interviennent dans l’intimité des gens doivent naturellement disposer de compétences particulières en matière d’accompagnement de la personne, d’insertion, de réinsertion, mais aussi d’une maîtrise des sciences humaines : sociologie et psychologie.
Cette transposition nous semble donc plus à même de satisfaire les règles économiques qui font de la liberté à tout prix leur règle première, que de rechercher la satisfaction, dans les meilleures conditions possibles, des besoins spécifiques des populations.
Aussi, considérant qu’en la matière la France aurait tout à fait pu décider de refuser l’application de la directive Services au nom « des raisons impérieuses d’intérêt général », nous proposons, par cet amendement, de supprimer l’article 10.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 30.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet article tend à transposer aux assistants de service social la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles.
Selon l’article 3 de cette directive, une profession réglementée s’entend comme une activité dont l’accès est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées.
Dans le cadre d’une profession réglementée, l’État membre d’accueil doit permettre l’accès à la profession et son exercice dans les mêmes conditions qu’aux nationaux, dès lors que le demandeur est titulaire d’un titre de formation obtenu dans un autre État membre lui permettant d’accéder à la profession dans son État d’origine, et dès lors que cet État réglemente aussi la profession.
Si la profession n’est pas réglementée dans le pays d’origine, le demandeur doit justifier, en plus d’un titre de formation, de deux années d’expérience professionnelle pendant les dix dernières années. L’État d’accueil peut aussi subordonner la reconnaissance des titres de formation à l’accomplissement d’une mesure de compensation.
Or la profession d’assistant social est évidemment réglementée en France, et l’article L. 411–1 du code de l’action sociale et des familles définit bien les obligations précitées pour venir s’installer en France. Alors pourquoi apporter des modifications ? On peut s’interroger sur l’opportunité de cette transposition.
Le Gouvernement aurait été pleinement fondé à invoquer des raisons impérieuses d’intérêt général, compte tenu de la fragilité des publics en charge des assistants sociaux et de la difficulté inhérente à l’exercice de cette profession.
Le métier d’assistant de service social a beaucoup évolué. Il se complexifie et son champ d’intervention, auprès d’un public divers et relativement fragile dans un environnement en constante évolution, est de plus en plus large.
De la petite enfance au public en insertion, de la personne handicapée à la personne âgée dépendante, l’assistant social doit avoir une maîtrise parfaite de la législation sociale française et des dispositifs y afférents, à savoir, notamment, le RSA – revenu de solidarité active –, l’AAH – allocation aux adultes handicapés – et la PAJE – prestation d’accueil du jeune enfant.
Nous ne pouvons pas accepter une déréglementation de la profession d’assistant social. Aussi, nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer, par cet amendement, l’article 10.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
Je veux le préciser, les garanties liées à la profession réglementée d’assistant social ne sont pas remises en cause, puisqu’elles figurent à l’article L. 411–1 du code de l’action sociale et des familles. Sont prévus en particulier les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession et une épreuve d’aptitude ou un stage d’adaptation, dans le cas où la formation suivie comporterait des différences importantes avec la formation française.
L’article 10 du projet de loi ne visant à supprimer aucune de ces garanties, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous ne partageons pas le point de vue de Mme la secrétaire d’État. Au demeurant, Annie Jarraud-Vergnolle a très bien décrit la réalité de la profession très difficile d’assistant de service social. Elle est devenue aujourd’hui, dans un contexte d’explosion de la pauvreté et de la précarité, la pierre angulaire, ou plutôt le dernier recours des personnes exclues.
Nous considérons donc que l’adoption de cet article aurait pour conséquence d’ouvrir la porte à la déréglementation. À nos yeux, il est grave de permettre l’exercice, en France, du métier d’assistant de service social à des personnes ne pouvant justifier de deux ans d’expérience.
Cet article s’inscrit donc pleinement dans un processus que nous avons maintes fois décrit, et qui vise à la fois à déréglementer et à tirer vers le bas la réalité sociale d’un certain nombre de professions.
Nous voterons, bien entendu, ces amendements de suppression de l’article 10.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en arrivons à l’examen du chapitre III. En attendant l’arrivée de M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, je vais suspendre la séance quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous en sommes parvenus au chapitre III du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Chapitre III
Dispositions relatives aux communications électroniques
Article 11
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi :
1° Les dispositions de nature législative nécessaires pour transposer la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques ;
2° Les dispositions de nature législative nécessaires pour transposer la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs ;
3° Toutes dispositions modifiant la partie législative du code des postes et des communications électroniques, autres que celles mentionnées aux 1° et 2°, afin d’accroître l’efficacité de la gestion des fréquences radioélectriques, notamment en encourageant le développement du marché secondaire des fréquences et en renforçant le dispositif de contrôle des brouillages et de lutte contre les brouillages préjudiciables ;
4° Toutes dispositions de nature législative, autres que celles mentionnées aux 1° et 2°, de nature à :
– renforcer la lutte contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances dans le domaine des communications électroniques, en adaptant et complétant les infractions et les peines prévues par l’article 226–3 du code pénal et les dispositions selon lesquelles sont recherchées et constatées ces infractions ;
– soumettre l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques au respect des règles portant sur les prescriptions nécessaires pour répondre aux menaces et prévenir et réparer les atteintes graves à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques ainsi que des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332–1 et L. 1332–2 du code de la défense, en adaptant et complétant l’article L. 33–1 du code des postes et des communications électroniques et en modifiant toute autre disposition à des fins de mise en cohérence ;
5° Toutes dispositions modifiant la partie législative du code des postes et des communications électroniques, afin de remédier aux éventuelles erreurs et en clarifier les dispositions.
II. – Les dispositions de l’ordonnance peuvent être étendues ou adaptées à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités d’outre-mer.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de l’entracte qui vient de nous être proposé, nous abordons maintenant la partie concernant la transposition du troisième paquet télécoms.
Je veux tout d’abord exprimer des regrets sur les conditions tout de même assez peu satisfaisantes dans lesquelles nous nous apprêtons à examiner ce texte important à mes yeux. J’attire en effet votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’il est vingt-trois heures cinquante-six et que nous sommes un jeudi. Les meilleures conditions de travail ne sont donc pas réunies pour examiner un texte, je le répète, d’une grande portée.
Je regrette ensuite que ce chapitre du projet de loi, contrairement au chapitre précédent que nous venons d’examiner, vise notamment à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, pour transposer plusieurs directives.
Un tel choix est d’autant moins compréhensible que, pour la transposition de troisième paquet télécoms, nous n’avions pas encore pris de retard, ce qui est tout de même rare et méritait d’être souligné. Nous avions en effet jusqu’au mois de mai 2011 pour agir, ce qui n’était pas le cas, cela a été dit, de la directive Services, qui aurait dû être transposée avant 2009, et encore moins de la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles, dont la transposition aurait dû avoir lieu voilà déjà quatre ans.
Je regrette enfin que, au travers de cette transposition que l’on va faire à la va-vite et même à la sauvette, nous ne puissions mener aucun vrai débat de fond sur des sujets qui concernent les communications électroniques.
Pour ne pas être trop long, je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de l’inclusion dans le service universel du haut débit, la directive autorisant désormais – je ne dis pas qu’il faille le faire – une telle évolution.
Très attachés à ces sujets, nous sommes nombreux au sein de la Haute Assemblée à déplorer régulièrement que la couverture du territoire en haut débit ne soit pas satisfaisante. Le cadre européen permettant désormais d’élargir le service universel au haut débit, ce sujet aurait au moins mérité que nous l’évoquions.
Pour ma part, je ne suis pas forcément convaincu que cette solution soit la meilleure. Quoi qu’il en soit, il nous faut trouver très rapidement les moyens d’arriver enfin à un véritable haut débit pour tous. Dans la bouche des opérateurs et du Gouvernement, il existe, mais dans la réalité de nos territoires, tel n’est pas le cas.
Ce débat me paraît autrement plus important que celui qui nous occupera en grande partie au cours de cette nuit, et sur lequel nous reviendrons, à savoir la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
Pourtant, si j’évoque ce point, c’est qu’il existe tout de même un lien avec le sujet qui précède. En effet, nous le savons bien, si le Gouvernement a soudain eu la merveilleuse idée de créer un commissaire auprès de l’ARCEP, c’est parce qu’il souhaite que les fréquences du dividende numérique destinées à la 4G soit attribuées sur des critères de valorisation financière, alors que l’ARCEP, fidèle en cela à la volonté du législateur, entend faire prévaloir des critères d’aménagement du territoire.
Par conséquent, mes chers collègues, ces sujets concernent vraiment les représentants des territoires que nous sommes. J’ose espérer que M. le ministre ne fuira pas ce débat et nous présentera enfin la conception du Gouvernement en matière de couverture numérique de nos territoires.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par MM. Teston et Raoul, Mme Herviaux, MM. Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mme Khiari, MM. Lise, Madec et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoult, Repentin, Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 38 rectifié est présenté par MM. Collin, Barbier, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry, Fortassin, Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Michel Teston. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit lors de la discussion générale, je voudrais néanmoins indiquer les raisons de forme évidentes, mais aussi de fond, pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
Le Gouvernement nous fait injonction de l’autoriser à transposer par ordonnance les directives qui composent le troisième paquet télécoms, alors que nous avons effectué, ici au Sénat, depuis 2008, un travail important qui devrait permettre l’adaptation des textes européens dans notre droit au plus près des préoccupations de nos concitoyens.
La méthode de transposition par ordonnance, qui est, semble-t-il, devenue la règle, nuit à la transparence et au débat parlementaire.
Surtout, cet article 11, tel qu’il est rédigé, prévoit la transposition par ordonnance d’un règlement et de deux directives qui modifient, elles-mêmes, cinq directives existantes.
Ces textes contiennent des dispositions relatives, notamment, aux conditions de desserte du territoire en services à très haut débit, mais aussi à la qualité des prestations de téléphonie et d’Internet.
Le Gouvernement prive les parlementaires d’un vrai débat sur des sujets aussi importants que ceux que M. Maurey a rappelés, à savoir la séparation fonctionnelle des réseaux – séparation dont l’utilité n’est pas prouvée –, la réorganisation du spectre radioélectrique, le service universel et encore toute une série de mesures destinées à protéger le consommateur.
Cette réforme aurait pu nous permettre d’aborder la question récurrente de la reconnaissance du service universel. Il aurait été tout aussi important d’échanger sur la question du dividende numérique et d’une juste répartition des fréquences disponibles entre les services audiovisuels, le haut débit et le très haut débit.
Voilà, brièvement résumées, les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 17.
Mme Mireille Schurch. Le présent article tend à permettre au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance afin de transposer en droit interne le troisième paquet télécoms adopté en novembre 2009 par le Parlement et le Conseil européens.
À ce titre, vous ne manquez jamais d’arguments pour justifier ce dessaisissement des parlementaires au profit du pouvoir exécutif : souvent, vous invoquez l’urgence, mais, pour ce chapitre, c’est l’argument de la technicité que vous nous opposez.
Vous tentez de rassurer les parlementaires en indiquant qu’ils seront associés à la confection de l’ordonnance puisque l’avant-projet leur a été soumis. Le pouvoir de décision est remplacé ici par une simple consultation.
Pourtant, les questions relatives à ce troisième paquet télécoms sont nombreuses, qu’il s’agisse du service universel, de la garantie du droit effectif à la neutralité du Net ou encore des moyens accrus de l’ARCEP en lieu et place de la puissance publique.
Autant de questions dont il serait utile de débattre au sein de notre hémicycle puisque, si certains aspects peuvent apparaître techniques, ces questions sont avant tout politiques.
En effet, si ces directives comportent, certes, quelques protections pour les consommateurs, celles-ci ne font pas le poids face aux lacunes et menaces pour les droits fondamentaux contenues dans le reste du texte, mais également dans notre législation nationale.
Nous estimons que ce texte ne règle pas la question de la neutralité du Net et les récentes déclarations du secrétaire d’État nous confortent dans cette analyse.
Ce principe qui exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise est pourtant un principe fondateur du web.
Or, aujourd’hui, de nombreux opérateurs de télécommunications souhaitent remettre en cause la neutralité du Net dans le but de développer des modèles économiques fondés sur une gestion discriminatoire du trafic Internet.
De même, des gouvernements, de par le monde, cherchent à mettre en place des techniques de filtrage du réseau en vue de rétablir le contrôle dont ils jouissent sur les médias traditionnels.
Les enjeux sont donc très importants et la réponse du pouvoir politique devrait être à la hauteur.
Tel n’est pas le cas ici. Le secrétaire d’État a, en effet, annoncé mardi dernier qu’il fallait autoriser le filtrage en « instaurant des voies prioritaires ». Par ailleurs, le pré-rapport parlementaire sur la neutralité du Net réalisé, notamment, par la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale estime qu’« il n’y a pas de raison d’empêcher les opérateurs de réseaux de proposer des services d’acheminement avec différents niveaux de qualité ».
Nous voyons donc poindre ici la possibilité d’émergence d’un nouveau marché, celui de la qualité de l’acheminement, dont le risque patent est qu’il se développe au détriment des contenus non commerciaux.
Sur le fond, nous proposons la suppression de cet article qui, une nouvelle fois, prive les parlementaires de leurs prérogatives.
Nous demandons à l’inverse que, sur cette question, nous soit soumis un véritable projet de loi permettant la définition d’un haut niveau de service public et, notamment, l’intégration du très haut débit dans le service universel, la protection des consommateurs et la garantie effective de la neutralité des réseaux et des contenus.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.
M. Daniel Marsin. Comme nos collègues du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, nous regrettons la transposition par voie d’ordonnance d’un texte aussi important que le troisième paquet télécoms.
Celui-ci contient de nombreuses dispositions concernant les pouvoirs des autorités de régulation nationales, la protection des consommateurs, de la vie privée, de la liberté de communication, la neutralité des réseaux ou encore la gestion du spectre.
Sur plusieurs de ces points, le Sénat a effectué un travail important. Il a notamment adopté le 24 mars 2010 une proposition de loi présentée par nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.
J’ai moi-même déposé une proposition de loi relative aux télécommunications visant à imposer l’interopérabilité des équipements et des réseaux mobiles ainsi que la gratuité du déverrouillage en cas de renouvellement d’abonnement. Ce texte a été adopté à l’unanimité en décembre dernier par le Sénat, après que celui-ci l’eut judicieusement amélioré.
Neutralité des réseaux, service universel, couverture du territoire, protection des consommateurs, de leur vie privée, etc. : tous ces sujets méritent un vrai débat que ne permet pas le recours aux ordonnances.
Certes, vous avez transmis – et c’est la moindre des choses – le projet d’ordonnance. Il n’en demeure pas moins que cela signifie que le Parlement se défait de ses prérogatives législatives au profit du Gouvernement, ce qui est très loin d’être satisfaisant.
Nous en sommes réduits à proposer, hors du contexte, des amendements qui reprennent les réflexions déjà menées par le Sénat.
Sur un tel sujet qui concerne tous nos concitoyens, un projet de loi s’imposait. C’est pourquoi, nous vous proposons de supprimer l’article 11. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie sur ces trois amendements identiques ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. La commission de l’économie émet un avis défavorable sur ces trois amendements, monsieur le président.
Je reconnais qu’il n’est jamais agréable, pour un parlementaire, de voter un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnance. Néanmoins, dans le cas présent, le Gouvernement offre des garanties comme rarement nous avons pu en bénéficier dans le passé lorsque nous avons accepté de nous dessaisir de notre pouvoir législatif.
Premièrement, – et c’est, selon moi, la meilleure des garanties – l’avant-projet d’ordonnance a été soumis à consultation publique depuis un an. Pouvez-vous me citer beaucoup de projets d’ordonnance qui aient fait l’objet du même traitement ? Non !
Deuxièmement, mes chers collègues, nous n’avons pas abdiqué notre droit d’amender le texte qui nous est soumis. Ainsi, nous examinerons tout à l’heure plusieurs amendements déposés par certains d’entre vous.
Troisièmement, le Parlement sera saisi d’un projet de loi de ratification qui lui permettra de contrôler très précisément le contenu des ordonnances qu’aura prises le Gouvernement.
Ces trois garanties nous permettent aujourd’hui de travailler en toute sérénité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Au préalable, et sans vouloir me pousser du col ni user d’une étiquette sans doute quelque peu surannée à vos yeux, je me permets de vous signaler, madame Schurch, que j’ai été promu ministre voilà plus de deux ans. Cela dit, j’ai vu dans vos propos une forme d’hommage au secrétaire d’État chargé du développement de l’économie au numérique que j’étais auparavant. Vous avez voulu souligner la continuité de mon action, et je vous en remercie. (Sourires.)
Je remercie également M. le rapporteur pour avis des propos qu’il a tenus. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, nous avons l’obligation de respecter l’échéance de transposition fixée au 25 mai 2011 ; à défaut, notre pays s’exposerait à des sanctions financières significatives. De fait, le délai dont nous disposons est très bref.
Comme M. le rapporteur pour avis l’a signalé, le Gouvernement a tenu à associer à la fois le Sénat et l’Assemblée nationale à la rédaction du projet d’ordonnance. Des discussions ont été organisées réunissant des parlementaires de toutes sensibilités politiques, ainsi qu’en est convenu François Brottes, porte-parole du groupe socialiste sur cette question à l’Assemblée nationale.
Je rappelle aussi que les règles et principes majeurs applicables au secteur des communications électroniques tels qu’ils ont été adoptés dans les directives de 2002 et transposés par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle restent valides et n’appellent pas de changements particuliers. De ce fait, pour notre pays, les marges de manœuvre sont extrêmement faibles.
S’agissant de la neutralité du Net, madame Schurch, vous auriez pu citer l’intégralité de mes propos, tant qu’à faire. Je mentionnai en effet à quel point nous étions attachés au principe de neutralité du Net, à la liberté de l’information, au caractère non discriminatoire du transport de ces données.
Précisément, qu’ai-je visé ? Le fait qu’un certain nombre de sites – Facebook, Google, Ebay et quelques autres – utilisent des infrastructures – les bandes passantes – qui coûtent de l’argent à la fois aux pouvoirs publics et aux opérateurs et qu’ils les utilisent sans payer le moindre impôt en France.
À la suite de la création de ce qu’on appelle la « taxe Google » – dénomination inexacte, à mon avis, puisque, précisément, elle touche non pas Google, mais les PME et les PMI françaises –, un débat parlementaire va être engagé dans le but d’étudier la façon dont ces entreprises de service, ces moteurs de recherche, ces réseaux sociaux, que nous utilisons tous, pourraient être mis à contribution sans pour autant être stigmatisés. La solution idéale pourrait être de leur demander de louer les « autoroutes », les bandes passantes qu’elles utilisent. Voilà ce que j’ai dit.
Tant l’Assemblée nationale que le Sénat, ainsi que la Commission européenne, ont engagé une réflexion et une étude approfondies sur le sujet. Aussi, rassurez-vous, nous aurons l’occasion de débattre ensemble très prochainement sur ce principe de la neutralité du Net, principe sur lequel, me semble-t-il, nous partageons les mêmes objectifs.
Pour les raisons que j’ai évoquées en introduction, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.