Sommaire
Présidence de Mme Monique Papon
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Marc Massion.
2. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendements identiques nos 74 rectifié de M. Jacques Mézard, 197 de Mme Éliane Assassi et 415 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mme Éliane Assassi, MM. Richard Yung, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 75 rectifié de M. Jacques Mézard, 198 de Mme Éliane Assassi et 416 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 417 de M. Richard Yung. – MM. Ronan Kerdraon, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 501 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 47 ter et 48. – Adoption
Amendement n° 199 de Mme Éliane Assassi. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 76 rectifié de M. Jacques Mézard et 200 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 77 rectifié de M. Jacques Mézard et 201 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Josiane Mathon-Poinat.
Amendement n° 419 de M. Richard Yung. – Mme Gisèle Printz.
Amendement n° 502 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 99 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 77 rectifié, 201 et 419 ; adoption des amendements nos 502 et 99.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 204 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 418 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 206 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 205 de Mme Éliane Assassi et 420 de M. Richard Yung. – MM. Ronan Kerdraon, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 51
Amendement n° 421 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 503 à 505 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 207 de Mme Éliane Assassi et 422 de M. Richard Yung. – Mme Éliane Assassi, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 78 rectifié bis de M. Jacques Mézard et 424 de M. Richard Yung. – MM. Jacques Mézard, Richard Yung, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels avant l’article 57 A
Amendement n° 101 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 425 de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 101 rectifié ; rejet de l’amendement no 425.
Amendement n° 506 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 210 de Mme Éliane Assassi et 427 de M. Richard Yung. – Mmes Marie-Agnès Labarre, Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 428 de M. Richard Yung. – Mme Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendements identiques nos 209 de Mme Éliane Assassi et 426 de M. Richard Yung. – Mmes Marie-Agnès Labarre, Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 211 de Mme Éliane Assassi et 429 de M. Richard Yung. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Adoption des deux amendements.
Amendements identiques nos 208 de Mme Éliane Assassi et 431 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 79 rectifié de M. Jacques Mézard, 212 de Mme Éliane Assassi et 430 de M. Richard Yung. – MM. Jacques Mézard, Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 432 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 213 de Mme Éliane Assassi. – MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 433 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 434 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 436 de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.
Amendement n° 435 de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.
Amendement n° 214 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement n° 507 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 437 de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 436, 435, 214 et 437 ; adoption de l’amendement no 507.
Amendement n° 216 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement n° 438 de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 217 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 59
Amendements identiques nos 80 rectifié de M. Jacques Mézard et 440 de M. Richard Yung. – MM. Jacques Mézard, Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 441 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 442 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 60 bis et 60 ter (supprimés)
Amendements identiques nos 218 de Mme Éliane Assassi et 443 de M. Richard Yung. – Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 445 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 508 de la commission. – M. le rapporteur.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 218, 443 et 445 ; adoption de l’amendement no 508.
Amendements identiques nos 219 de Mme Éliane Assassi et 444 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 61
Amendement n° 220 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 446 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 221 de Mme Éliane Assassi et 448 de M. Richard Yung. – Mmes Marie-Agnès Labarre, Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 447 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 223 de Mme Éliane Assassi. – MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 450 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 222 de Mme Éliane Assassi et 449 de M. Richard Yung. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre, Jacques Mézard. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements nos 509 à 511 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 224 de Mme Éliane Assassi et 451 de M. Richard Yung. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 65
Amendement n° 225 de Mme Éliane Assassi. – Mme Josiane Mathon-Poinat.
Amendement n° 452 de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 225 et 452.
Amendement n° 453 de M. Richard Yung. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 67
Amendements identiques nos 226 de Mme Éliane Assassi et 454 de M. Richard Yung. – MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 227 de Mme Éliane Assassi et 455 de M. Richard Yung. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Articles 67 bis et 68. – Adoption
Amendement n° 81 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement n° 228 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 456 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.
Amendement n° 82 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
MM. le rapporteur, le ministre, Richard Yung. – Rejet des amendements nos 228 rectifié, 456 et 82 rectifié.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
Article additionnel après l'article 72
Amendement n° 457 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. François Fortassin, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 84 rectifié de M. Jacques Mézard, 229 de Mme Éliane Assassi et 458 de M. Richard Yung. – M. François Fortassin, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 230 de Mme Éliane Assassi. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 74 bis
Amendements identiques nos 243 rectifié de Mme Éliane Assassi et 472 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 85 rectifié de M. Jacques Mézard, 233 de Mme Éliane Assassi et 461 de M. Richard Yung. – M. François Fortassin, Mme Mireille Schurch, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 482 rectifié de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 234 de Mme Éliane Assassi. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 459 rectifié de M. Richard Yung. – M. Ronan Kerdraon.
Amendement n° 235 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Mireille Schurch.
Amendements identiques nos 86 rectifié de M. Jacques Mézard, 236 rectifié de Mme Éliane Assassi et 460 de M. Richard Yung. – MM. Jacques Mézard, Ronan Kerdraon.
Amendement n° 16 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 238 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.
Amendements identiques nos 237 rectifié de Mme Éliane Assassi et 477 rectifié bis de M. Richard Yung. – Mme Éliane Assassi, M. Ronan Kerdraon.
M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des amendements nos 482 rectifié, 234, 459 rectifié, 235 rectifié, 86 rectifié, 236 rectifié, 460
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Alima Boumediene-Thiery. – Adoption de la première partie, rejet de la seconde partie et adoption de l’ensemble des amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis modifiés, les amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 5 de M. Joseph Kergueris, 92 de M. Jean Arthuis et 464 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – MM. Louis Duvernois, Jean Arthuis, Richard Yung, le rapporteur, Mme la ministre, M. Christian Cointat. – Adoption des trois amendements supprimant l'article.
M. Richard Yung.
Amendement n° 240 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 87 rectifié de M. Jacques Mézard, 241 de Mme Éliane Assassi et 466 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mmes Marie-Agnès Labarre, Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 467 de M. Jean-Étienne Antoinette. – Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l’article 75 ter
Amendements identiques nos 244 de Mme Éliane Assassi et 469 de M. Richard Yung. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 247 de Mme Éliane Assassi et 474 de M. Richard Yung. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. le président de la commission. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 242 de Mme Éliane Assassi et 471 de M. Richard Yung. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Patricia Schillinger, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 470 de M. Richard Yung. – Mme Patricia Schillinger, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 250 de Mme Éliane Assassi et 476 de M. Richard Yung. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Patricia Schillinger, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des deux amendements.
Article 75 quater A. – Adoption
Articles additionnels après l'article 75 quater A
Amendement n° 232 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 462 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Raymonde Le Texier.
Amendement n° 249 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendements identiques nos 245 rectifié de Mme Éliane Assassi et 473 rectifié de M. Richard Yung. – Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Raymonde Le Texier.
M. le rapporteur, Mmes la ministre, Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des amendements nos 462 rectifié, 249 rectifié, 245 rectifié et 473 rectifié.
Amendement n° 251 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Richard Yung. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 75 quater
Amendement n° 483 de M. Jean-Étienne Antoinette. – Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 246 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 248 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 468 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari.
M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des amendements nos 246 rectifié, 248 rectifié et 468 rectifié.
Amendements nos 478 rectifié et 479 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 252 de Mme Éliane Assassi. – Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 254 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 255 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 256 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 257 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 259 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 260 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 262 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 512 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 263 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 513 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 83
Amendement n° 485 rectifié de M. Jean-Étienne Antoinette. –MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 484 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Mmes la ministre, Lucienne Malovry. – Rejet.
Amendements identiques nos 88 rectifié de M. Jacques Mézard et 264 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 265 de Mme Éliane Assassi. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 514 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
MM. Yves Détraigne, Richard Yung, Jacques Mézard, Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery, M. Jacques Gautier, Mmes Bariza Khiari, Nicole Borvo Cohen-Seat.
Adoption du projet de loi.
M. le ministre.
3. Adaptation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques. – Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement ; Mme Colette Giudicelli, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
Mmes Mireille Schurch, Patricia Schillinger, M. Daniel Marsin.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
4. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
5. Adaptation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale (suite) : M. Yves Détraigne, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Michel Teston.
Clôture de la discussion générale.
Mmes Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.
Amendements identiques nos 9 de M. Guy Fischer et 21 de Mme Patricia Schillinger. – M. Guy Fischer, Mmes Patricia Schillinger, Colette Giudicelli, rapporteur de la commission des affaires sociales ; la secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 22 de Mme Patricia Schillinger et 33 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Mme Patricia Schillinger, M. Denis Detcheverry, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État, Roselle Cros, M. Guy Fischer. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 10 de M. Guy Fischer. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 34 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Denis Detcheverry.
Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 10 et 34 rectifié.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 73 rectifié de M. Alain Gournac. – M. Marcel-Pierre Cléach, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 11 de M. Guy Fischer, 23 de Mme Patricia Schillinger et 35 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Guy Fischer, Mme Patricia Schillinger, M. Denis Detcheverry, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 12 de M. Guy Fischer, 24 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et 36 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Mmes Mireille Schurch, Annie Jarraud-Vergnolle, M. Denis Detcheverry, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État, MM. Guy Fischer, Jean Desessard. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 75 du Gouvernement. – Mmes la secrétaire d'État, le rapporteur, M. Guy Fischer. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 5 ter et 5 quater. – Adoption
Amendements identiques nos 13 de M. Guy Fischer, 25 de Mme Patricia Schillinger et 37 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Guy Fischer, Mme Patricia Schillinger, M. Denis Detcheverry, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État, M. Michel Teston, Mme la présidente de la commission des affaires sociales, M. Jean Desessard. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 14 de M. Guy Fischer et 26 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Mmes Mireille Schurch, Annie Jarraud-Vergnolle, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 15 de M. Guy Fischer et 28 de Mme Patricia Schillinger. – M. Guy Fischer, Mmes Patricia Schillinger, le rapporteur, la secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 29 de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 16 de M. Guy Fischer et 30 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Mmes Mireille Schurch, Annie Jarraud-Vergnolle, le rapporteur, la secrétaire d'État, M. Guy Fischer. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
M. Hervé Maurey.
Amendements identiques nos 4 de M. Michel Teston, 17 de M. Guy Fischer et 38 rectifié de M. Yvon Collin. –M. Michel Teston, Mme Mireille Schurch, MM. Daniel Marsin, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 11
Amendement n° 5 de M. Michel Teston. – MM. Michel Teston, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre, Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 41 rectifié de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 32 rectifié de M. Pierre Hérisson. – MM. Pierre Hérisson, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre, Jean Desessard. – Adoption.
Amendement n° 6 de M. Michel Teston. – MM. Michel Teston, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 12
Amendements identiques nos 7 de M. Michel Teston et 43 rectifié de M. Hervé Maurey. – MM. Michel Teston, Hervé Maurey, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement n° 39 rectifié de M. Daniel Marsin. – MM. Daniel Marsin, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l’article 12 bis
Amendements identiques nos 20 rectifié ter de M. Jean-François Le Grand et 42 rectifié de M. Michel Teston. –M. Hervé Maurey, Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Amendement n° 1 rectifié de M. Philippe Leroy.
MM. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre, Hervé Maurey. – Retrait de l’amendement no 20 rectifié ter ; rejet de l’amendement no 42 rectifié ; adoption de l'amendement n° 1 rectifié insérant un article additionnel.
Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; Hervé Maurey, Guy Fischer.
Amendements identiques nos 8 rectifié de M. Michel Teston, 19 de M. Jean Desessard, 40 rectifié de M. Yvon Collin et 44 rectifié de M. Hervé Maurey. – MM. Michel Teston, Jean Desessard, Daniel Marsin, Yves Détraigne, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre, Hervé Maurey, Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l’économie. – Adoption des quatre amendements supprimant l'article.
Amendement n° 74 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 13 bis
Amendement n° 45 rectifié de M. Yves Détraigne. – MM. Yves Détraigne, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 63 rectifié de M. Yves Détraigne. – MM. Yves Détraigne, Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; le ministre. – Retrait.
Amendements identiques nos 18 de M. Guy Fischer et 31 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Mmes Mireille Schurch, Annie Jarraud-Vergnolle, la présidente de la commission des affaires sociales ; M. le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 14
Amendement n° 3 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. – Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; M. le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Michel Teston, Guy Fischer.
Adoption du projet de loi.
6. Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Immigration, intégration et nationalité
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (projet n° 27, texte de la commission n° 240, rapport n° 239).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre III, à l’article 42.
Titre III (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L’ÉLOIGNEMENT
Chapitre II (suite)
Dispositions relatives au contentieux de l’éloignement
Article 42
L’article L. 552-8 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 552-8. – À peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la seconde prolongation. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 74 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 197 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 415 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement tend à la suppression de l’article 42. Ce dernier pose en effet un problème de procédure puisqu’il dispose ceci : « À peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la seconde prolongation. »
Il s’agit là, en fait, non pas de faire la chasse aux immigrés, mais de faire la chasse aux nullités, ce qui correspond malheureusement à la même chose compte tenu du contexte.
L’article 42 est le pendant de l’article 8 dont nous avions déjà demandé la suppression. Il institue l’impossibilité de soulever pour la première fois des irrégularités de procédure en appel à moins qu’elles ne soient postérieures à la décision de première instance, c’est-à-dire en contradiction évidente avec le principe de l’effet dévolutif de l’appel.
Notre droit reconnaît dans toutes ses branches que les parties sont libres d’invoquer en appel des moyens nouveaux de fait et de droit. Je rappelle que l’article 561 du code de procédure civile définit l’objet de l’appel comme remettant « la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ». L’article 563 dispose que « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».
La prohibition de moyens nouveaux en procédure civile et pénale ne s’applique que dans le cadre de procédures ordinaires où les parties disposent de temps. A contrario, l’article 42 se situe totalement dans le cadre de l’urgence, puisque l’appel doit être formé dans les vingt-quatre heures suivant la notification de la décision du juge de première instance.
En quoi, pour reprendre les termes de l’exposé des motifs, cet article sécurise-t-il le régime juridique de l’appel ? En quoi y aurait-il alors aujourd’hui insécurité juridique ?
Le recul des droits de la défense est manifeste et tout à fait disproportionné puisque cela viole le droit à un recours effectif protégé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 197.
Mme Éliane Assassi. Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter les raisons de notre refus de souscrire au système relatif aux nullités que vous avez introduit pour les zones d’attente à l’article 8 de ce projet de loi et que vous prévoyez d’appliquer également à la rétention.
J’évoquerai donc de nouveau, mais de façon très succincte, les raisons qui nous amènent à refuser qu’« aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la seconde prolongation. »
Une telle disposition réduit le pouvoir de contrôle du juge d’appel ; elle restreint les droits de la défense, d’autant plus que la procédure est extrêmement rapide ; elle opère une discrimination à l’égard des étrangers par rapport au droit commun : eux seuls se voient appliquer ce régime ; une telle disposition permet aussi de maintenir l’étranger en rétention alors que l’irrégularité de l’administration peut porter sur des choses primordiales comme les conditions d’interpellation et de la garde à vue ; elle aboutit in fine à une négation des droits fondamentaux des étrangers au profit de l’impunité d’une administration toute puissante.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 415.
M. Richard Yung. Nous avons déjà développé notre argumentation lors de la présentation d’un amendement précédent.
Je rappelle que, pour nous, le juge des libertés reste le garant essentiel des libertés individuelles inscrites dans la Constitution, notamment celle d’aller et venir.
L’article 42 laisse transparaître une défiance à l’égard du juge judiciaire – plus de la moitié des tribunaux sont d’ailleurs en grève aujourd'hui ! –, qu’illustre la procédure de purge des nullités prévue.
Si un étranger n’invoque pas une irrégularité de procédure à la première audience, il ne pourra plus la soulever ensuite. Cette procédure est, à mon avis, unique dans le droit français. C’est même une première ! On est en train d’écrire un nouveau droit, celui de la limitation de la liberté d’appréciation des juges.
Un juge qui constate une irrégularité manifeste de nature à violer les droits de l’étranger, ou de toute autre personne d’ailleurs, devrait feindre de ne pas la voir au prétexte qu’elle n’a pas été invoquée lors de la première audience. Voilà une situation pour le moins paradoxale.
Telle est la raison du dépôt de cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’article 42 précise que les irrégularités liées au contrôle d’identité, à l’interpellation, au placement en garde à vue ou en rétention de l’étranger ne peuvent être soulevées lors de l’audience relative à la seconde prolongation de la rétention.
Cette disposition se justifie par la nature différente des deux audiences devant le juge des libertés et de la détention. En effet, la seconde audience a pour seul objectif de vérifier que le maintien en rétention de l’étranger est strictement nécessaire et que la demande par l’administration d’un délai supplémentaire ne résulte pas d’une négligence de sa part.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié, 197 et 415.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’article 43 a été supprimé par la commission.
L'amendement n° 271, présenté par M. J. Gautier, est ainsi libellé :
Rétablir ainsi cet article :
Après l'article L. 552-9 du même code, il est inséré un article L. 552-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-9-1. - À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité formelle antérieure à la décision du premier juge ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L’article 43 demeure supprimé.
Article 44
(Non modifié)
À la troisième phrase de l’article L. 552-10 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 75 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 198 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 416 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l’amendement n° 75 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 44, qui est, pour la rétention, le pendant de l’article 11 relatif au maintien en zone d’attente, fait passer de quatre heures à six heures le délai accordé au parquet pour demander au premier président de la cour d’appel de donner un caractère suspensif à son appel contre une décision de refus de prolongation de la rétention administrative.
Nous avons déjà expliqué hier les raisons pour lesquelles nous contestions l’allongement de ce délai qui n’est pas neutre, puisqu’il équivaut pratiquement à un accroissement de 50 %, et les explications qui nous ont été données ne m’ont pas convaincu.
Au demeurant, je rappelle une fois encore, monsieur le ministre, que la mesure prévue entraînera des dépenses supplémentaires, l’escorte devant rester deux heures de plus.
Telles sont les motivations de cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 198.
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous avons déjà exposé lors de l’examen de l’article 11 et de l’article 40 bis les raisons pour lesquelles nous refusons l’allongement du délai accordé au parquet.
L’article 44 accorde davantage de latitude au parquet pour contester des mesures qui bénéficient à l’étranger : la remise en liberté décidée par le juge des libertés et de la détention. Ainsi, il fait passer de quatre heures à six heures le délai dont dispose le parquet pour donner un caractère suspensif à son appel contre une décision de refus de prolongation de la rétention administrative. Ce faisant, l’étranger sera à la disposition de la justice durant deux heures supplémentaires.
Cet article accentue sans raison le déséquilibre existant entre les droits des étrangers et les prérogatives du parquet. La variable d’ajustement doit être non pas l’efficacité de la rétention, mais bien le respect des droits humains, dont les étrangers doivent bénéficier au même titre que tous les citoyens français.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 416.
M. Richard Yung. Je partage les arguments qui viennent d’être développés par mes deux collègues, et que nous avions d’ailleurs déjà évoqués lors de la défense d’un précédent amendement.
L’article 44 précarise la situation de l’étranger en rétention et rend plus difficile encore le travail de l’avocat. C’est pourquoi nous demandons également la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission s’est déjà expliquée sur le fond. Elle a émis un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 rectifié, 198 et 416.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 44.
(L'article 44 est adopté.)
Article 45
(Supprimé)
Chapitre III
Dispositions diverses
Article 46
(Non modifié)
L’article L. 511-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 511-2. – Le 1° du I et le a du 3° du II de l’article L. 511-1 sont applicables à l’étranger qui n’est pas ressortissant d’un État membre de l’Union européenne :
« 1° S’il ne remplit pas les conditions d’entrée prévues à l’article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
« 2° Si, en provenance directe du territoire d’un État partie à la convention précitée signée à Schengen le 19 juin 1990, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, de cette même convention. » – (Adopté.)
Article 47
(Non modifié)
L’article L. 513-2 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière » sont remplacés par les mots : « fait l’objet d’une mesure d’éloignement » ;
2° Au 1°, après les mots : « de réfugié », sont insérés les mots : « ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ». – (Adopté.)
Article 47 bis (nouveau)
Les deux derniers alinéas de l’article L. 521-2 du même code sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation aux dispositions du présent article, l’étranger visé aux 1° à 5° peut faire l’objet d’un arrêté d’expulsion en application de l’article L. 521-1 s’il a été condamné définitivement à une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.
« 6° Le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui séjourne régulièrement en France depuis dix ans. »
Mme la présidente. L'amendement n° 417, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. L’article 47 bis, ajouté par le Gouvernement par voie d’amendement en commission, qui l’a adopté, vise à transposer le 3° de l’article 28 de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
Bref, le Gouvernement se met en règle en proposant l’inscription dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile du principe d’interdiction d’expulsion des ressortissants communautaires qui ont séjourné pendant dix ans en France, sauf en cas de motifs graves de sécurité publique.
Nous nous réjouissons de cette nouvelle disposition dans la mesure où il était jusqu’à maintenant possible d’expulser un ressortissant communautaire s’il avait été condamné à une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.
Toutefois, nous déplorons que cette possibilité perdure pour les autres étrangers, c’est-à-dire les parents d’enfants mineurs français, les conjoints de Français mariés depuis au moins trois ans, les étrangers non communautaires qui résident en France depuis au moins dix ans et, enfin, les personnes victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle dont le taux d’incapacité est égal ou supérieur à 20 %.
J’attire particulièrement votre attention sur les parents d’enfants mineurs français et les conjoints de Français mariés depuis au moins trois ans, car ils font partie des catégories de personnes protégées de l’expulsion par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet article vise à transposer la directive Libre circulation, qui est favorable aux ressortissants de l’Union européenne. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 501, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Le ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui séjourne régulièrement en France depuis dix ans. »
II. - En conséquence, alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 47 bis, modifié.
(L'article 47 bis est adopté.)
Article 47 ter (nouveau)
Le chapitre I du titre II du livre V du même code est complété par un article L. 521-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 521-5. – Les mesures d’expulsion prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-3 peuvent être prises à l’encontre des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de leur famille, si leur comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.
« Pour prendre de telles mesures, l’autorité administrative tient compte de l’ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée de leur séjour sur le territoire national, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle dans la société française ainsi que l’intensité des liens avec leur pays d’origine. » – (Adopté.)
Article 48
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 531-1 du même code, les références : « L. 512-2 à L. 512-4 » sont remplacées par les références : « L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4 ». – (Adopté.)
Article 49
I. – (Non modifié) L’article L. 213-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 213-1. – L’accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l’ordre public ou qui fait l’objet soit d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire, soit d’un arrêté d’expulsion, soit d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1, soit d’une interdiction de retour sur le territoire français. »
II. – Le titre III du livre V du même code est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Autres cas de reconduite
« Art. L. 533-1. – L’autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu’un étranger, sauf s’il est au nombre de ceux visés à l’article L. 121-4 du présent code, doit être reconduit à la frontière :
« 1° Si son comportement constitue une menace pour l’ordre public.
« La menace pour l’ordre public peut notamment s’apprécier au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales sur le fondement des articles du code pénal cités au premier alinéa de l’article L. 313-5 du présent code, ainsi que des 1°, 4° à 6° et 8° de l’article 311-4 et de l’article 322-4-1 du code pénal ;
« 2° Si l’étranger a méconnu les dispositions de l’article L. 5221-5 du code du travail.
« Le présent article ne s’applique pas à l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois.
« Les articles L. 511-4, L. 512-1 à L. 512-3, le premier alinéa de l’article L. 512-4, le premier alinéa du I de l’article L. 513-1, les articles L. 513-2, L. 513-3, L. 514-1, L. 514-2 et L. 561-1 du présent code sont applicables aux mesures prises en application du présent article. »
Mme la présidente. L'amendement n° 199, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 49 permettra de multiplier les cas de reconduite à la frontière et étendra excessivement les possibilités de refuser l’accès au territoire français. Il consacre le règne de l’insécurité juridique en permettant l’expulsion des étrangers sous des conditions aussi floues que subjectives. Il n’a pour objectif que de limiter l’entrée des étrangers par tout moyen, quitte à bafouer les règles de droit les plus élémentaires.
Ainsi, sont amalgamés travailleurs clandestins, étrangers reconduits pour trouble à l’ordre public ou dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public au regard de la commission de certains faits passibles de poursuites pénales sans que celles-ci aient besoin ni d’être effectives ni d’être exclusives ; mais nous reviendrons plus précisément sur ce point lors de l’examen d’un amendement qui viendra en discussion ultérieurement.
Les dispositions prévues dans cet article ne répondent à aucune exigence de transposition d’une directive européenne, bien au contraire ! La directive européenne du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres affirme, dans son article 27, que les États membres peuvent apporter des restrictions à la liberté de circulation pour des motifs d’ordre public, mais que le comportement de l’étranger doit constituer « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », condition que cet article, à l’évidence, ne respecte pas. C’est pourquoi nous demandons la suppression pure et simple de ce dernier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 49.
En effet, cet article est nécessaire dans la mesure où il fixe le régime des reconduites à la frontière qui peuvent être prononcées à l’encontre d’étrangers en court séjour. Le droit positif comporte déjà des dispositions de même nature, mais la réécriture des mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière prévues par l’article 23 du présent texte impose ces nouvelles dispositions.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 76 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Detcheverry, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 200 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
soit d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1,
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié.
M. Jacques Mézard. Par cet amendement, nous demandons la suppression de la possibilité instituée par l’article 49 de refuser l’accès au territoire à une personne qui a précédemment fait l’objet d’une mesure d’éloignement, alors qu’elle vivait régulièrement sur le territoire et y exerçait un emploi sans autorisation, y compris lorsqu’il s’agit d’un ressortissant communautaire. On imagine bien quel est l’objectif du Gouvernement.
Ce refus pourra être motivé par la menace pour l’ordre public, dont l’appréciation est laissée au juge national dans les limites du droit communautaire. Or l’article 28 de la directive relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres énonce très clairement les catégories protégées contre la notification d’une mesure d’éloignement motivée par la menace de trouble à l’ordre public : l’administration doit prendre en compte les éléments personnels de l’intéressé comme la durée du séjour, l’âge, l’état de santé, la situation familiale et économique, l’intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et l’intensité de ses liens avec le pays d’origine.
De plus, l’article 27 de la même directive dispose que « les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné », ajoutant que « l’existence de condamnations pénales antérieures ne peut, à elle seule, motiver de telles mesures. Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. »
À l’évidence, les garanties posées par le droit communautaire sont absentes de cet article, puisque le refus d’accès au territoire français pourra être fondé sur les motifs prévus aux alinéas 7 et suivants, qui ne sont ni légitimes ni conformes aux principes du droit communautaire.
On peut d’ailleurs lire à la page 161 de l’excellent rapport de notre collègue François-Noël Buffet, qui, une fois de plus, a été très objectif : « votre rapporteur s’est interrogé sur la pertinence de cette sélection, au sein du code pénal, d’infractions qui constitueraient une atteinte à l’ordre public. » Il poursuit : « En effet, soit l’on considère que le code pénal pose les interdits fondamentaux indispensables à la vie en société, et dans ce cas toute infraction pénale est une atteinte à l’ordre public. Soit, selon une jurisprudence constante du Conseil d’État, il s’agit toujours d’évaluer la proportionnalité entre le degré de menace contre l’ordre public et la réaction des pouvoirs publics à cette menace. »
Comme mes collègues l’ont souligné, nous assistons, une fois encore, à un glissement qui n’est pas conforme à nos principes, ni à la jurisprudence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 200.
Mme Josiane Mathon-Poinat. À défaut de supprimer totalement l’article 49, nous souhaitons que le délai de trois ans d’interdiction de retour sur le territoire français ne s’applique pas aux travailleurs clandestins. En effet, une personne vivant régulièrement sur le territoire pourrait être reconduite à la frontière parce qu’elle exerce un emploi sans autorisation.
Face à l’irrégularité commise, qui est ici le seul fait de travailler, les conséquences, à savoir l’expulsion et l’interdiction de retour pendant trois ans, paraissent totalement disproportionnées, et ce d’autant plus que cette disposition vise indistinctement les ressortissants communautaires et extracommunautaires, ce qui constitue, de fait, une violation du droit communautaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Tout d’abord, les craintes des auteurs de l’amendement n° 76 rectifié ne sont pas fondées. En effet, l’article L. 533-1 relatif à la reconduite à la frontière pour menace à l’ordre public ne s’appliquera plus aux ressortissants communautaires, car la commission a adopté des amendements du Gouvernement qui les excluent du présent dispositif.
Par conséquent, la commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 200 souhaitent supprimer la possibilité de refuser l’accès du territoire aux personnes ayant fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1.
Or il est nécessaire de conserver cette disposition, puisqu’elle recouvre notamment les cas de reconduite pour menace contre l’ordre public. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 76 rectifié et 200.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 77 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 201 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 3 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié.
M. Jacques Mézard. Dans la continuité de notre précédent amendement, nous demandons la suppression des dispositions qui instituent un dispositif autorisant la reconduite à la frontière pour des motifs que nous estimons illégitimes et contraires au droit communautaire.
Nous l’avons déjà rappelé, la menace à l’ordre public revêt, selon le droit communautaire, une définition très précise, respectueuse de la proportionnalité et de l’adéquation à l’objectif visé. Or les alinéas 3 à 11 sont manifestement très imprécis, de façon volontaire selon moi.
Les termes « au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales » justifient qu’une mesure d’éloignement pour menace à l’ordre public puisse être prononcée en l’absence de condamnation pénale, donc d’intervention d’un juge.
Un étranger en situation régulière résidant depuis moins de trois mois pourrait ainsi se voir notifier une obligation de quitter le territoire à l’issue d’une simple garde à vue. Cela nous paraît encore plus dangereux quand on connaît la situation déplorable de notre droit en la matière. Cela donne d’ailleurs lieu à un projet de loi en cours de discussion !
En établissant ainsi un lien entre le soupçon qui pèse sur l’étranger et son éloignement, ces alinéas entretiennent une confusion qui nous paraît tout à fait illégitime.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 201.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ces alinéas laissant planer de nombreuses zones d’ombre, leur maintien aboutira à une grande insécurité juridique.
La possibilité d’expulsion « au regard de la commission de faits passibles de poursuites pénales » est particulièrement problématique. Avec la rédaction actuelle, on pourrait comprendre qu’un étranger séjournant régulièrement sur le territoire français qui ne ferait l’objet d’aucune condamnation pénale, mais qui aurait été interpellé pour des faits passibles de poursuites pénales pourrait alors être reconduit à la frontière. Cela signifie que le simple soupçon de la police pourrait remettre en cause la régularité du séjour d’un étranger.
De plus, la notion de trouble à l’ordre public est particulièrement floue. Le droit communautaire précise pourtant, dans l’article 27 de la directive de 2004 : « Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.
Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. »
Les références faites aux articles du code pénal, par exemple l’occupation illégale d’un terrain, ne rentrent manifestement pas dans ces critères.
La procédure de reconduite à la frontière ne peut être automatique ; elle doit être étudiée au cas par cas, selon des critères proportionnés et en considération de la situation personnelle de l’intéressé.
Ce n’est manifestement pas le cas de ces alinéas, qui établissent des critères arbitraires et disproportionnés, sans appréciation personnelle, sans garanties de procédure et, plus grave encore, sans possibilité de recours.
Mme la présidente. L'amendement n° 419, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. L’alinéa 8 de l’article 49 tend à expliciter la notion de « menace pour l’ordre public » pouvant justifier le prononcé d’un arrêté de reconduite à la frontière à l’encontre de personnes entrées en France pour un court séjour – moins de trois mois.
D’après le texte soumis à notre examen, cette notion pourrait « notamment » s’apprécier au regard de la commission de certains faits passibles de poursuites pénales.
Cette disposition introduite à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement fait partie des mesures autonomes du présent projet de loi. Elle n’est prescrite par aucune des trois directives déjà mentionnées.
Le caractère imprécis et juridiquement peu rigoureux de la rédaction de cette disposition est source d’insécurité juridique. Il est à craindre qu’un étranger n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pénale puisse se voir notifier un arrêté de reconduite à la frontière.
Si cette disposition était adoptée en l’état, des personnes en situation régulière qui seraient simplement soupçonnées par la police de la commission de certains faits risqueraient également de tomber sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière.
Une telle disposition n’est pas acceptable. Des migrants ne sauraient être expulsés en raison d’infractions pour lesquelles ils n’ont pas été condamnés ! À l’instar de toutes les personnes présentes sur le territoire français, les ressortissants étrangers doivent pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence, principe fondamental de notre État de droit !
Par ailleurs, l’énumération de certaines infractions, telles que l’occupation illégale d’un terrain public ou privé et l’exploitation de la mendicité, vise clairement les ressortissants d’États tiers d’origine rom.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 8 de l’article 49.
Mme la présidente. L'amendement n° 502, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il convient d’user avec beaucoup de prudence de l’adverbe « notamment ».
Utilisé pour des énumérations qui pourraient être incomplètes, il n’a aucune portée normative. Dans le cas présent, il est inutile ; c’est pourquoi nous souhaitons sa suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 99, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
ainsi que des 1°, 4° à 6° et 8° de l'article 311-4 et de l'article 322-4-1 du code pénal
par les mots :
ainsi que des 1°, 4° à 6° et 8° de l'article 311-4, de l'article 322-4-1 et des articles 222-14, 224-1, 227-4-2, 227-4-3, 227-5, 227-6, 227-7 du code pénal
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le présent amendement vise à permettre l’éloignement de notre territoire d’étrangers ayant commis des faits passibles de condamnation pour violences conjugales, déplacements illicites d’enfants ou violation des ordonnances prises par le juge aux affaires familiales en cas de violences.
Alors que près d’un mariage sur trois se fait avec un étranger, il nous paraissait important de pouvoir protéger les victimes potentielles, le nombre de dossiers étant déjà en augmentation très sensible.
À l’instar des autres mesures prévues par cet article, la présente disposition ne s’appliquera pas à l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois, puisque, dans ce dernier cas, des dispositions sont déjà prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements nos 77 rectifié et 201 tendent à supprimer des dispositions de l’article 49 qui ne font que reprendre celles qui figurent actuellement à l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il s’agit de la possibilité, ajoutée par la loi du 26 novembre 2003, de reconduire à la frontière un étranger en court séjour légal qui cause un trouble à l’ordre public.
Cette disposition paraissant nécessaire à la commission des lois, celle-ci a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 419 vise à supprimer l’énumération des faits passibles de poursuites pénales pouvant justifier une reconduite à la frontière des étrangers en court séjour, au motif d’une menace pour l’ordre public.
Il est vrai que les énumérations présentent toujours le risque d’être incomplètes, ce qui explique d’ailleurs l’utilisation au même alinéa de l’adverbe « notamment », qui n’est pas normatif et dont je vous ai proposé par amendement la suppression.
En l’occurrence, la notion d’atteinte à l’ordre public s’apprécie toujours en fonction d’un ensemble d’éléments, parmi lesquels figure la commission de faits passibles de poursuites pénales. Préciser de quels faits il s’agit n’apporte aucun élément normatif supplémentaire. En revanche, il est à craindre qu’il faille bientôt compléter l’énumération par de nouvelles références au code pénal.
Pour ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 419.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 99, le texte applicable aujourd’hui permet déjà, sans aucune difficulté, de poursuivre les faits énumérés dans le cadre de sanctions pénales. Les faits sont aussi couverts par les atteintes à l’ordre public.
La commission a émis un avis défavorable, afin de ne pas allonger encore l’énumération.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Mézard, tout d’abord, la mesure proposée ne s’applique pas aux ressortissants communautaires ; aucune ambiguïté ne doit subsister sur ce point.
Ensuite, je vous encourage à être vigilant. Vous regrettez en quelque sorte l’absence de condamnation pénale. Si je vous suis, cela signifie que vous rétablissez la double peine. Toutefois, si je proposais un tel rétablissement, vous seriez mécontent, et à juste titre. Par conséquent, quelle que soit notre position, elle ne fait pas votre bonheur. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Or il faut bien, à un moment donné, faire preuve d’un peu de cohérence !
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements identiques nos 77 rectifié et 201.
Il est également défavorable, comme M. le rapporteur, à l’amendement n° 419.
Il s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 502 de la commission.
Enfin, contrairement à la commission, madame Garriaud-Maylam, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 99, par lequel vous souhaitez ajouter les faits passibles de condamnations pour violences conjugales à la liste des infractions pouvant justifier une mesure de reconduite à la frontière pour des motifs d’ordre public.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je vous remercie !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 rectifié et 201.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 49, modifié.
(L'article 49 est adopté.)
Article 50
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 553-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. »
Mme la présidente. L'amendement n° 204, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avions déposé à l’article 10 un amendement visant à interdire la détention des mineurs en centre de rétention, que vous avez bien évidemment repoussé.
Il paraît fort contestable qu’aucune catégorie de personnes n’échappe à l’allongement de la durée d’enfermement prévu par ce projet de loi. Vous savez pourtant que l’enfermement d’enfants a été sévèrement critiqué et considéré par les juges comme un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’article 17 de la directive Retour, reprenant la rédaction de l’article 37, alinéa b, de la Convention internationale des droits de l’enfant, dispose en outre que les familles comportant des mineurs ne doivent être placées en rétention qu’en dernier ressort et pour la période la plus brève possible.
Pour notre part, et au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, nous estimons nécessaire que celui-ci ne puisse faire l’objet d’aucune mesure d’enfermement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement visant à supprimer l’article 50, la commission y est bien évidemment défavorable.
Sur le fond, le fait de mentionner, sur le registre des CRA, les centres de rétention administrative, l’état civil des enfants mineurs accompagnant les personnes à l’encontre desquelles a été prise une mesure de placement en rétention permettra d’assurer au mieux l’exercice par les familles des droits qui leur sont garantis en rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 418, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette mention sera effacée du registre à sa sortie du centre.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à réguler la tenue du registre de l’état civil des centres de rétention.
Dans un certain nombre de cas, les enfants suivent les parents en centres de rétention. Peut-être est-ce d’ailleurs une meilleure solution que celle qui consisterait à les séparer. Je signale à ce propos que le commissaire européen aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg, vient de publier un rapport sur la question, dans lequel il évoque un certain nombre de solutions, notamment celles qui ont été retenues au Royaume-Uni, pays qui possède des structures spécifiques.
En France, nous sommes confrontés à la présence de mineurs en centre de rétention, puisque les enfants y suivent leurs parents.
L’article 50 prévoit d’ajouter à la liste des éléments devant figurer sur le registre des CRA l’état civil des enfants, ce qui me paraît juste. Il faut en effet savoir qui entre et qui sort de ces centres.
En revanche, nous pensons que cette mention ne doit pas suivre les enfants tout au long de leur existence, afin que ceux-ci ne puissent pas être pointés du doigt du fait de leur séjour en centre de rétention de telle à telle période.
C’est pourquoi, dans l’intérêt de l’enfant et pour assurer la protection de son identité et de sa dignité, nous demandons que cette mention soit effacée, à la fin de son séjour, du registre d’entrée ou de sortie du CRA.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. Brice Hortefeux, ministre. En réalité, pour résumer votre intervention, monsieur le sénateur, vous craignez le fichage. Je pense sincèrement que vos inquiétudes ne sont pas fondées et que vous n’avez à nourrir aucune crainte sur ce point. À quoi cela pourrait-il bien servir, puisque, comme vous le savez, les mineurs ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement ?
Par ailleurs, la tenue du registre d’un CRA ne constitue pas un fichage « moderne » : il s’agit d’un recensement papier et non pas d’un logiciel de rapprochement !
Enfin, je rappelle que la CIMADE, qui a été évoquée hier par vous-même ou par M. Mermaz, tient précisément un registre des personnes qu’elle suit. Les dispositions de l’article 50 procèdent exactement du même état d’esprit.
Par conséquent, si je comprends parfaitement votre préoccupation, monsieur Yung, je pense cependant sincèrement que vous pouvez être rassuré en la matière : ce registre ne résulte d’aucune volonté de fichage.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 50.
(L'article 50 est adopté.)
Article 51
(Non modifié)
I. – L’article L. 553-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’exercice du droit d’accès des associations humanitaires aux lieux de rétention. »
II. – Au second alinéa de l’article L. 223-1 du même code, les mots : « à la zone » sont remplacés par les mots : « aux zones ».
Mme la présidente. L'amendement n° 206, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos 206 et 205.
L’article 51 vise à transcrire dans ce projet de loi les termes de la circulaire présentée par Éric Besson et Michèle Alliot-Marie en novembre 2009 et tendant à garantir l’immunité des personnes aidant des étrangers en situation irrégulière à titre « humanitaire ».
Lors de la présentation de ce texte, M. Besson, qui avait tenu à clarifier les choses, déclarait ceci : « l’action humanitaire, c’est une réponse à une situation d’urgence, à un état de nécessité, à un besoin immédiat et ponctuel de protection et de prise en charge ; ce n’est pas un soutien actif et continu à la clandestinité pour des raisons lucratives ou pour faire délibérément obstacle à la législation applicable en matière d’entrée et de séjour en France. Et c’est à la justice, en cas de doute, qu’il revient de trancher. »
Néanmoins, au regard de la neutralisation de l’intervention des magistrats, de la considération dont ils font l’objet et de la remise en cause perpétuelle de l’aide aux étrangers malades, on peut légitimement douter de la portée de cet article !
De nombreuses associations se mobilisent au quotidien, en accueillant et accompagnant des personnes en très grande difficulté. Elles pratiquent un accueil inconditionnel qui s’adresse aux personnes ayant besoin non pas seulement de boire et de manger, mais aussi d’être soutenues psychologiquement eu égard aux difficultés diverses qu’elles rencontrent.
Or, pour nous, comme pour l’ensemble des associations qui interviennent dans les lieux de rétention, la définition de l’action humanitaire que je viens de vous rappeler remet en cause le « principe de l’accueil inconditionnel de toute personne, fût-elle sans papiers » sur lequel elles fondent leur mission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission, considérant que cet article constitue une avancée supplémentaire, a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 206.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 205 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 420 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
humanitaires
L’amendement n° 205 a déjà été défendu.
La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l’amendement n° 420.
M. Ronan Kerdraon. Le paragraphe 4 de l’article 16 de la directive Retour dispose que « les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention […]. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation préalable. »
Ainsi, la directive Retour permet à un large spectre d’organisations de venir en aide aux étrangers détenus dans les centres de rétention. Nous regrettons donc que l’article 51 du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ne mentionne, en l’état, que les associations humanitaires.
En effet, autoriser l’accès aux centres de rétention à ces seules associations restreint la portée du paragraphe 4 de l’article 16 de la directive Retour, dénaturant ainsi sa logique.
Par ailleurs, une telle restriction porterait préjudice aux étrangers détenus dans les centres de rétention, dont la situation déjà précaire ne doit pas être aggravée par une limitation de l’aide et des services qui leur sont offerts par les différentes organisations ayant accès à ces lieux.
À titre d’exemple, les associations chargées de l’assistance juridique apportent une aide primordiale aux étrangers détenus dans les centres de rétention. Pour s’en convaincre, il suffit d’étudier avec attention leur bilan d’activité. Malgré des moyens limités et des conditions de travail souvent difficiles, leur expertise juridique s’est souvent révélée capitale. La pertinence et l’utilité de leurs conseils sont manifestes, notamment en matière de protection et de reconnaissance des droits des étrangers.
Par conséquent, nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer, au sein de cet article, le qualificatif « humanitaires ». L’esprit de la directive Retour n’en sera que mieux respecté, et les droits des étrangers détenus dans les centres de rétention, préservés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission souhaite conserver le qualificatif « humanitaire ». En effet, la formulation retenue à l’article 51 est celle de l’article L. 223-1 relatif aux zones d’attente du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui est d’ores et déjà en vigueur.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 205 et 420.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 51.
(L'article 51 est adopté.)
Article additionnel après l'article 51
Mme la présidente. L'amendement n° 421, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 553-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 553-7 ainsi rédigé :
« Art L. 553-7. - Le port d'armes dans l'enceinte des lieux de rétention administrative est interdit. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. J’ai déjà eu l’occasion de défendre des amendements similaires à l’occasion de l’examen d’autres textes.
Il s’agit de prohiber le port d’armes dans l’enceinte des lieux de rétention administrative, à savoir les vingt-six centres de rétention administrative, ou CRA, et les cinquante-six locaux de rétention administrative, ou LRA.
Actuellement, aucune disposition législative ne prévoit une telle interdiction et les règlements intérieurs pris en application de l’article R. 553-4 du CESEDA n’abordent pas la question du port d’armes.
Or, d’après le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que nous avons auditionné, le port d’armes par les fonctionnaires de police ou de gendarmerie dans l’enceinte des lieux de rétention fait partie des mesures qui paraissent « malaisément justifiables ». Cette pratique est d’autant moins justifiable que la rétention administrative a pour fonction non pas de sanctionner la commission d’une infraction pénale, mais d’organiser le départ du territoire d’étrangers n’ayant pas le droit d’entrer sur le territoire ou d’y séjourner.
J’ajoute que la présence d’armes au sein des lieux de rétention peut également avoir un effet traumatisant sur les personnes retenues, en particulier les enfants.
En outre, dans son rapport d’activité pour l’année 2008 – il l’a d’ailleurs rappelé plus récemment –, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté faisait observer que certains fonctionnaires ou militaires « contestent la nécessité et même l’opportunité » d’une telle pratique.
Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur, avait affirmé partager l’interrogation du Contrôleur général sur le port de l’arme de service par les fonctionnaires de police dans les lieux de rétention, indiquant également qu’une réflexion allait être engagée sur cette question.
Le 10 septembre dernier, lors de l’examen en première lecture au Sénat du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, vous aviez indiqué, monsieur le ministre, que votre réflexion sur cette question était achevée et que vous aviez décidé de maintenir le port d’armes au sein des lieux de rétention administrative.
Votre réponse nous avait déçus, d’autant que certains responsables de lieux de rétention ont déjà proscrit le port de l’arme individuelle.
C’est la raison pour laquelle je défends de nouveau cet amendement aujourd’hui, dans l’espoir que votre position aura évolué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission considère qu’une telle disposition relève du domaine réglementaire. En conséquence, elle a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 421.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Yung, vous venez de présenter votre analyse sur ce sujet, tout en rappelant mon propre point de vue.
Je persiste à penser que, dans des cas exceptionnels – bien évidemment –, le port d’armes doit être autorisé. Qu’est-ce qui est exceptionnel ? Concrètement, je pense aux rébellions et aux rixes, qui se produisent de temps et temps et peuvent se révéler violentes.
C’est la raison pour laquelle, préférant que nous en restions à la situation actuelle, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 421.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 52
(Non modifié)
La seconde phrase de l’article L. 742-3 du même code est ainsi rédigée :
« Le a du 3° du II de l’article L. 511-1 n’est pas applicable. » – (Adopté.)
Article 53
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 742-6 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « abroge », sont insérés les mots : « l’obligation de quitter le territoire français ou » ;
2° Au début de la seconde phrase, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle ». – (Adopté.)
Article 54
(Non modifié)
I. – À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 523-3, à la dernière phrase des articles L. 523-4 et L. 523-5, au dernier alinéa de l’article L. 531-3 et à l’article L. 541-3 du même code, la référence : « L. 513-4 » est remplacée par la référence : « L. 561-1 ».
II. – Au 2° de l’article L. 541-2 et à l’article L. 624-4 du même code, la référence : « L. 513-4, » est supprimée et la référence : « ou L. 523-5 » est remplacée par les références : «, L. 523-5 ou L. 561-1 ».
III. – Au 5° de l’article L. 521-3 et à la première phrase de l’article L. 523-4 du même code, les mots : « qu’il ne puisse effectivement bénéficier » sont remplacés par les mots : « de l’indisponibilité ».
Mme la présidente. L'amendement n° 503, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
à la dernière phrase des articles L. 523-4 et L. 523-5
par les mots :
à la dernière phrase de l'article L. 523-4 et à la troisième phrase de l'article L. 523-5
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 504 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
et à l'article L. 624-4
II. - Après l'alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II bis. - L'article L. 624-4 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « L. 513-4, » est supprimée et la référence : « ou L. 523-5 » est remplacée par les références : «, L. 523-5 ou L. 561-1 » ;
2° Au dernier alinéa, la référence : « L. 513-4 » est remplacée par la référence : « L. 561-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement de coordination avec la LOPPSI 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 505, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, rendu nécessaire à la suite de la suppression, par la commission, de l'article 17 ter relatif au droit de séjour des étrangers gravement malades.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 54, modifié.
(L'article 54 est adopté.)
Article 55
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale, après le mot : « français », sont insérés les mots : « d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 207 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 422 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 207.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement de coordination, nous tenons à réitérer notre volonté de bannir de notre droit le principe d’interdiction de retour.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 422.
M. Richard Yung. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 207 et 422.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 78 rectifié bis est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 424 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
quitter le territoire français
supprimer la fin de cet article
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié bis.
M. Jacques Mézard. L’article 55 du présent projet de loi a pour objet de modifier la rédaction de l’article 729–2 du code de procédure pénale en insérant, à la première phrase du premier alinéa, après le mot « français », les mots « d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français ».
Fidèles à la position que nous avons défendue hier lorsqu’a été abordée la question de l’interdiction de retour sur le territoire français, nous présentons cet amendement qui a pour objet de supprimer cette référence dans l’article précité du code de procédure pénale.
Monsieur le ministre, vous nous reprochiez voilà quelques instants de nous en tenir à une opposition de principe ; c’est faux : nous soutenons simplement des principes.
Permettez-moi de vous renvoyer à la lecture d’un article très intéressant paru dans le journal Le Monde. (Mouvements divers sur certaines travées de l’UMP.) Si tout n’est pas parfait dans Le Monde – sans jeu de mots ! (Sourires.) –, il se trouve néanmoins qu’il porte un regard juste sur ce que nous sommes en train de faire, ici, au Sénat.
Voici ce que l’on peut y lire : « Néanmoins, sous les assauts répétés des textes sur la sécurité ou sur l’immigration, ces positions de principe ne cessent de s’effriter. Au fil des lectures successives de la LOPPSI 2, par exemple, le Sénat a ainsi dû accepter des propositions qu’il jugeait au départ irrecevables. Certains principes “intangibles”, comme l’individualisation des peines ou la protection des mineurs, le sont devenus un peu moins. »
Le journaliste conclut son article par ces mots qui devraient tous nous interpeller : « Et quand les vagues, l’une après l’autre, s’attaquent à la falaise, le résultat est connu par avance : à la fin, cela se termine en éboulis. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Très bien vu !
M. Robert del Picchia. Et le copyright ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 424.
M. Richard Yung. Nous sommes opposés à l’interdiction de retour sur le territoire français, et je ne peux que saluer l’éloquence avec laquelle notre collègue Jacques Mézard a excellemment défendu son amendement, qui est identique au nôtre.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 78 rectifié bis et 424.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 55.
(L'article 55 est adopté.)
Article 56
(Non modifié)
Au quatrième alinéa de l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, après la référence : « L. 511-1 », est insérée la référence : « L. 511-3-1, ». – (Adopté.)
Titre IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES DROITS SOCIAUX ET PÉCUNIAIRES DES ÉTRANGERS SANS TITRE ET À LA RÉPRESSION DE LEURS EMPLOYEURS
Chapitre premier
Dispositions relatives au travail dissimulé
Articles additionnels avant l’article 57 A
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 101 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 57 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à entamer le processus de ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille avant le 31 décembre 2011.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Les migrants bénéficient de droits garantis par les textes internationaux, et ces droits doivent être respectés quelles que soient les dispositions juridiques et législatives applicables sur le plan national.
Pourtant, la France n’a pas engagé le processus de ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1990 et entrée en vigueur en juillet 2003.
Cette convention réaffirme l’importance qui s’attache au respect des droits fondamentaux de la personne humaine, leur donnant plus de force s’agissant d’une population particulièrement vulnérable. Discrimination, pauvreté extrême, exclusion de l’emploi et des prestations sociales sont autant de situations dénoncées par Amnesty International.
Ces droits ne sont pas nouveaux et sont, pour l’essentiel, posés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont notre pays se targue si souvent d’être la mère patrie.
Parce que tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits, il est nécessaire que la France réaffirme de manière formelle son attachement à ces droits fondamentaux ; ceux-ci ne peuvent plus relever d’une rhétorique utilisée pour mieux minimiser ou camoufler leur violation.
Alors que les dérives identitaires font ressurgir le spectre de droits différenciés, du rejet de l’autre, de la stigmatisation de l’étranger, dont l’Histoire a pourtant fourni de dramatiques exemples, il est particulièrement nécessaire que la France entame le processus de ratification de cette convention internationale qui accorde des droits économiques, sociaux et culturels aux migrants, dont la dignité est égale à celle des ressortissants français.
Ce n’est qu’une fois que ces bases auront été posées qu’une véritable réflexion sur l’immigration et l’intégration pourra être entamée. À défaut, ce projet de loi ne pourra se résumer qu’à une série d’atteintes aux droits de ces populations.
Mme la présidente. L'amendement n° 425, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 57 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les perspectives de ratification de la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. La Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille a été adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1990 et est entrée en vigueur le 1er juillet 2003 : quarante-deux pays l’ont déjà ratifiée, mais pas la France. Le 28 juillet 2005, le ministère des affaires étrangères arguait qu’il souhaitait « solliciter l’avis de [ses] partenaires de l’Union européenne sur la ratification éventuelle de cette convention ». Celle-ci vise principalement à protéger les travailleurs migrants et leur famille d’une violation de leurs droits fondamentaux et à lutter ainsi contre la déshumanisation dont ils sont victimes.
Parmi les droits énumérés par cette convention figurent notamment le respect des libertés fondamentales – droit à la vie, liberté de conscience et de culte, condamnation des traitements inhumains et dégradants, respect de la vie privée –, l’égalité entre migrants et ressortissants nationaux, la garantie d’accès aux soins et à l’éducation.
Ainsi, dans un avis adopté à l’unanimité le 23 juin 2005, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, « recommande aux autorités françaises de signer et ratifier dans les meilleurs délais ce nouvel instrument, afin de lui donner toute sa portée dans le cadre national, communautaire et international ».
De surcroît, elle ajoute que « la ratification française serait un signal fort pour marquer notre engagement en faveur de l’universalité et de l’indivisibilité des droits de l’homme, sans discrimination de race, de sexe, de langue ou de religion ».
Par conséquent, il nous semble opportun que le Gouvernement présente au Parlement le fruit des diverses concertations qu’il a engagées en vue d’une éventuelle ratification de la convention par la France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 101 rectifié, car nul ne peut adresser une injonction au Gouvernement.
Elle émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 425. Il ne lui semble par opportun de demander au Gouvernement de produire un nouveau rapport ; d’autres moyens peuvent être utilisés pour obtenir les informations sollicitées, en particulier les questions au Gouvernement. (Mouvement divers sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 101 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission et celui du Gouvernement sont défavorables.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 157 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 425.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 57 A
(Non modifié)
Les deux derniers alinéas de l’article L. 8222-1 du code du travail sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° Du paiement des cotisations et contributions dues aux organismes de protection sociale ;
« 3° De l’une seulement des formalités mentionnées aux 1° et 2°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin, de ses ascendants ou descendants.
« Une attestation sécurisée de fourniture des déclarations et de paiement, soumise, le cas échéant, à un contrôle préalable, permet de vérifier si le cocontractant s’est régulièrement acquitté de ses obligations sociales. Le modèle, les conditions de délivrance de cette attestation et les vérifications prévues par le présent article sont définis par décret. »
Mme la présidente. L'amendement n° 506, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I - L'article L. 8222-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « s'acquitte » ;
2° En conséquence, au début du deuxième alinéa (1°) les mots : « s'acquitte » sont supprimés.
II. - Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Les trois derniers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
III. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
dues aux organismes de protection sociale
par les mots :
auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale et L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime
IV. - Alinéa 4
1° À la première phrase
Après les mots :
et de paiement,
insérer les mots :
délivrée dans les conditions définies à l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale,
2° À la seconde phrase
Supprimer les mots :
Le modèle, les conditions de délivrance de cette attestation et
et remplacer le mot :
définis
par le mot :
définies
V. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Au début de la première phrase de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, les mots : « au 1° bis » sont remplacés par les mots : « au 2° ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence de l’article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2011, qui concerne l’instauration, dans le code du travail, d’une attestation d’être à jour des déclarations et du paiement des cotisations de sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 57 A, modifié.
(L'article 57 A est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à l’emploi d’étrangers sans titre de travail
(Division et intitulé nouveaux)
Article 57 B
Au premier alinéa de l’article L. 8251-1 du code du travail, les mots : « ou par personne interposée » sont remplacés par les mots : « ou indirectement ».
Mme la présidente. L'amendement n° 98, présenté par Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 8251-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas opposables aux employeurs qui, sur la base de l’un des titres mentionnés à l’article R. 5221-3 présenté par le salarié étranger, ont procédé aux déclarations aux organismes de protection sociale prévues à l’article L. 1221-10, à la déclaration unique d’embauche prévue à l’article R. 1221-14 et à la vérification des titres auprès de l’autorité administrative compétente prévue à l’article L. 5221-8. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 57 B.
(L'article 57 B est adopté.)
Article 57
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre II de la huitième partie du même code est complété par un article L. 8251-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 8251-2. – Nul ne peut, directement ou indirectement, recourir sciemment aux services d’un employeur d’un étranger non muni d’un titre. »
II. – L’article L. 8271-17 du même code est complété par les mots : « et de l’article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d’un employeur d’un étranger non muni d’un titre ».
III. – (Non modifié) Au b de l’article L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales, au b de l’article 4 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et au 2° de l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, la référence : « et L. 8251-1 » est remplacée par les références : « , L. 8251-1 et L. 8251-2 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 210 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 427 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
sciemment
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 210.
Mme Marie-Agnès Labarre. La commission des lois du Sénat a supprimé la possibilité de plaider la « bonne foi » pour les entreprises soupçonnées d’avoir employé des sans-papiers, car cette bonne foi donnait la possibilité aux employeurs de se défausser par… mauvaise foi.
Nous pensons qu’il est à présent nécessaire d’affirmer dans la loi une interdiction claire.
Préciser que le recours aux services d’un employeur d’un étranger sans titre est interdit lorsque ce recours est fait « sciemment », c’est-à-dire en connaissance de cause, serait dans la pratique indémontrable et revient à réinsérer la possibilité qui avait été supprimée ici même en commission.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ce terme, qui rendra indubitablement inefficace la lutte contre le travail irrégulier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 427.
Mme Patricia Schillinger. L’article 57 tend à compléter le code du travail par un article L. 8251-2 qui permet d’imputer l’infraction d’emploi d’un étranger sans titre aux personnes physiques et morales qui recourent sciemment, directement ou indirectement, aux services d’un employeur d’un étranger non muni d’un titre.
La rédaction actuelle n’est pas satisfaisante, notamment du fait de l’utilisation du mot « sciemment ». Nous souhaitons affirmer dans la loi une interdiction claire.
En effet, préciser que le recours aux services d’un employeur d’un étranger sans titre est interdit lorsque ce recours est fait en connaissance de cause, sera dans la pratique indémontrable. Une telle rédaction vide cette interdiction de son intérêt. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le mot « sciemment ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’article 57 introduit une nouvelle infraction, le recours volontaire aux services d’un employeur d’un étranger sans titre, afin de responsabiliser les donneurs d’ordre. La peine encourue pour ce délit sera de cinq ans de prison et d’une amende de 15 000 euros.
Rappelons que les personnes qui recourent aux services d’un employeur doivent vérifier que leur cocontractant n’emploie pas des étrangers sans titre. À cette fin, ils doivent se faire remettre, par leur cocontractant, la liste nominative des salariés étrangers soumis à autorisation de travail. À défaut, le donneur d’ordre engage sa responsabilité financière.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 210 et 427.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 428, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
non muni d'un titre
par les mots :
non muni d'une autorisation de travail
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
non muni d'un titre
par les mots :
non muni d'une autorisation de travail
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement tend à faire disparaître toute référence à la notion de défaut de titre de séjour dans les dispositions du code du travail relatives à la lutte contre le travail illégal. Le code prévoit déjà le défaut d’autorisation de travail. Cette notion est efficace et paraît suffisante.
Toute la législation sur la prévention et la répression de l’emploi illégal des travailleurs étrangers est fondée sur l’emploi de travailleurs étrangers démunis d’autorisation de travail. L’article de référence est l’article L. 8251-1 du code du travail.
Par ailleurs, la mise en œuvre de l’article 57 écarterait la possibilité de sanctionner le recours à un employeur d’un étranger sans autorisation de travail. Or, c’est pourtant le seul critère objectivable d’un emploi irrégulier.
En effet, pour certains étrangers, le titre de séjour n’est obligatoire qu’à partir de trois mois de présence en France. Ainsi, un étranger qui travaille sans être muni d’un titre de séjour n’est pas forcément dans une situation d’emploi irrégulier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission ayant déjà procédé à la rectification visée par l’amendement, elle considère que ce dernier est satisfait et en demande le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Schillinger, l'amendement n° 428 est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 428 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 209 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 426 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À cet effet, toute personne ayant recours aux services d'un employeur, directement ou indirectement vérifie, selon la procédure établie par la réglementation en vigueur, auprès des administrations territorialement compétentes, l'existence du titre autorisant tout nouveau salarié étranger embauché par son cocontractant et figurant sur la liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier, à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par pôle emploi.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 209.
Mme Marie-Agnès Labarre. Par cet amendement, nous proposons que l’employeur qui sous-traite soit tenu à la même obligation de vérification des conditions de légalité des salariés embauchés que le sous-traitant lui-même.
La procédure de vérification organisée par l’article R. 5221-41 du code du travail impose la transmission, par l’employer, à l’administration d’une copie du document produit par l’étranger aux services préfectoraux dans les deux jours précédant l’embauche. L’administration notifie alors sa réponse dans un délai de deux jours ouvrables. À défaut de réponse, l’obligation de vérification est réputée accomplie.
Ainsi, pour que l’employeur qui sous-traite ne soit pas tenu solidairement responsable, il devra prouver qu’il a effectué les démarches de vérification.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 426.
Mme Patricia Schillinger. L’article 57 du présent projet de loi crée un délit de recours aux services d’un employeur d’étrangers non munis d’un titre de séjour. Cette disposition a ainsi pour objet de créer une nouvelle infraction visant plus spécifiquement les donneurs d’ordre.
Nous considérons qu’il faut aller plus loin : il conviendrait d’obliger les donneurs d’ordre à vérifier en amont les autorisations de travail des employés du sous-traitant.
Notre amendement a pour objet d’amener l’employeur qui sous-traite une prestation à vérifier les conditions d’embauche des travailleurs recrutés pour effectuer cette prestation. L’employeur qui sous-traite serait ainsi tenu à la même obligation de vérification des conditions de légalité des salariés embauchés que le sous-traitant lui-même.
La procédure de vérification est en effet organisée par l’article R. 5221-41 du code du travail, qui impose la transmission, par l’employeur, à l’administration d’une copie du document produit par l’étranger aux services préfectoraux dans les deux jours précédant l’embauche. L’administration notifie alors sa réponse dans un délai de deux jours ouvrables. À défaut de réponse, l’obligation de vérification est réputée accomplie.
Ce faisant, pour ne pas être tenu solidairement responsable, le donneur d’ordre devrait simplement apporter la preuve qu’il a bien effectué préalablement les démarches de vérification.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission estime que ces deux amendements identiques sont satisfaits par le droit positif. Par conséquent, elle sollicite leur retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 209 et 426.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 57.
(L'article 57 est adopté.)
Article 58
L’article L. 8252-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« À défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d’une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; » ;
2° Au 2°, le mot : « un » est remplacé par le mot : « trois » ;
3° Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Le cas échéant, à la prise en charge par l’employeur de tous les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il est parti volontairement ou a été reconduit.
« Lorsque l’étranger employé sans titre l’a été dans le cadre d’un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l’article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 211 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 429 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° A Au 1°, après le mot : « légales », il est inséré le mot : «, conventionnelles » ;
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 211.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, si vous m’y autorisez, mon intervention vaudra défense des amendements nos 208, 212 et 213, que nous avons déposés sur cet article.
L’article 58 précise la nature des droits du salarié étranger sans titre de travail et le montant des sommes qui lui sont dues par l’employeur.
Les quatre amendements que nous avons déposés à cet article visent à rétablir une égalité de traitement entre les salariés, conformément aux dispositions du code du travail.
D’une part, si le préjudice a été reconnu et qu’il donne lieu à indemnités, le versement de celles-ci doit, en toute logique, se faire sur la base d’un temps plein et des minima salariaux.
À ce titre, le versement de la rémunération due à l’étranger employé sans titre de travail doit s’accompagner de la remise et de l’envoi de bulletins de paie et d’un certificat de travail, afin qu’il puisse à tout moment faire valoir ses droits.
D’autre part, les dispositions de l’article L. 8252-2 du code du travail ne visent pas les minima conventionnels. L’employeur ayant embauché un travailleur sans autorisation de travail pourrait, en cas de non-respect de l’interdiction d’emploi d’étrangers démunis de titre de séjour, s’exonérer des règles conventionnelles, et payer l’étranger à un taux inférieur à celui qui est applicable dans la branche ou l’entreprise.
Or, si l’on entend véritablement renforcer la responsabilisation des employeurs, il est nécessaire de faire en sorte qu’ils ne puissent s’abriter derrière la réglementation relative aux travailleurs étrangers pour refuser au salarié le paiement des heures supplémentaires.
Enfin, il nous semble important de préciser que ces sommes sont dues même si l’étranger a fait usage de faux documents, afin que ce motif ne puisse pas être invoqué dans le but de ne pas verser les indemnités relatives au travail effectué.
Tel est l’objet des amendements nos 211, 208, 212 et 213.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 429.
M. Roland Courteau. L’article L-8252-2 du code du travail prévoit que le salarié étranger a le droit, au titre de sa période d’emploi illicite, « au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi… »
Cette rédaction prive le travailleur des avantages résultant des conventions collectives applicables dans son secteur d’activité. Ainsi, l’employeur pourrait, en cas de non-respect de l’interdiction d’emploi d’étrangers démunis de titre de séjour, s’exonérer des règles conventionnelles, et payer l’étranger à un taux inferieur à celui qui est applicable dans la branche ou l’entreprise.
C’est pourquoi nous proposons d’insérer dans l’article L. 8252-2 du code du travail l’obligation, pour l’employeur d’un étranger sans titre de travail, de respecter les dispositions conventionnelles lors du paiement du salaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission estime que ces deux amendements identiques sont satisfaits par le droit positif, mais elle admet qu’une précision pourrait clarifier la situation. C’est pourquoi elle a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Très sincèrement, je ne vois pas l’utilité de cet amendement, mais compte tenu de l’avis de M. le rapporteur, et soucieux d’être attentif aux propositions de l’opposition, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. (Merci ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Nous progressons !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 211 et 429.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 208 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 431 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
six
L’amendement n° 208 a été défendu.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 431.
M. Roland Courteau. Par ce projet de loi, le Gouvernement entend améliorer le sort des salariés sans papiers. C’est à ce titre que l’article 58 prévoit d’augmenter l’indemnité forfaitaire de rupture. Il est institué une présomption d’antériorité de relation de travail de trois mois, contre un mois actuellement. Cette indemnité est systématiquement due dès lors que la relation est rompue.
Nous considérons que cette amélioration des droits pécuniaires à verser aux travailleurs sans papiers est sans commune mesure avec le préjudice qu’ils subissent du fait de la précarité de leur situation administrative.
Par ailleurs, il aurait été plus protecteur de combattre l’inégalité de traitement entre victimes de l’emploi dissimulé selon qu’elles ont ou non des papiers, et de prévoir le versement d’une indemnité de rupture plus substantielle.
L’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale pose une présomption d’antériorité d’emploi de six mois pour tout salarié employé illégalement, quelle que soit sa nationalité.
On ne peut pas prévoir une présomption d’antériorité d’emploi qui varie en fonction de la nationalité du salarié employé en violation du code du travail et qui serait moins favorable pour les salariés étrangers employés illégalement.
C’est pourquoi nous proposons de mettre cet article en conformité avec les dispositions du code de la sécurité sociale. La présomption d’antériorité de la relation de travail serait alors de six mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission rappelle que le salarié étranger irrégulièrement employé percevra six mois de salaire : trois au titre de la présomption de la relation de travail et trois mois au titre de l’indemnité forfaitaire pour rupture de la relation de travail.
Aux termes de l’article 58, les salariés employés sans titre de travail bénéficient du même traitement que les travailleurs dissimulés, indemnisés forfaitairement à hauteur de six mois.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 208 et 431.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 79 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 212 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 430 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur la base d'un temps plein et des minima salariaux
La parole est à M. Jacques Mézard., pour présenter l’amendement n° 79 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 58 et, d’une manière générale, le titre IV, vont dans le bon sens. Nous connaissons tous les pratiques détestables qui existent en matière d’emploi d’étrangers sans titre. Il convient donc de rendre notre législation du travail conforme à l’article 6 de la directive européenne.
Cet amendement vise à préciser que les sommes dues aux salariés étrangers employés sans titre de travail doivent correspondre à une relation de travail présumée d’une durée de trois mois sur la base d’un temps plein et des minima salariaux. Nous entendons, par cette précision rédactionnelle, éviter toute ambiguïté, notamment au regard des salariés employés à temps partiel.
Mme la présidente. L’amendement n° 212 a été défendu.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 430.
M. Roland Courteau. Selon le droit en vigueur, en cas de rupture du contrat de travail en raison de la situation irrégulière du travailleur, celui-ci bénéficie d’une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire. L’article 58 fixe cette indemnité à trois mois de salaire.
Par l’amendement n° 431, nous avions proposé de la porter à un montant équivalent à six mois de salaire. Avec le présent amendement, nous souhaitons préciser que l’indemnité devra être calculée sur la base d’un salaire à temps plein et des minima salariaux. Cette précision constitue, à nos yeux, une garantie supplémentaire pour les travailleurs étrangers en situation irrégulière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dans la mesure où la rémunération s’effectuera au moins sur la base du salaire minimum légal et du contrat de travail, la commission considère que les amendements sont satisfaits et souhaite donc leur retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Considérant, comme la commission, que ces amendements sont satisfaits, le Gouvernement émet un avis défavorable.
J’ajoute, monsieur Mézard, que je préfère que vous vous référiez à l’édition d’Aurillac de La Montagne plutôt qu’au journal que vous avez cité tout à l’heure… (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 rectifié, 212 et 430.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 432, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
six
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le projet de loi vise à améliorer le sort du salarié sans papiers. À ce titre, l’article 58 prévoit d’augmenter l’indemnité forfaitaire de rupture et d’instituer une présomption d’antériorité de relation de travail de trois mois, contre un mois actuellement. Cette indemnité est systématiquement due dès lors que la relation est rompue.
Nous considérons que cette amélioration des droits pécuniaires à verser aux travailleurs sans papiers est sans commune mesure avec le préjudice qu’ils subissent du fait de la précarité de leur situation administrative.
En outre, l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale pose une présomption d’antériorité d’emploi de six mois pour tout salarié employé illégalement, quelle que soit sa nationalité.
Comme je l’ai dit tout à l'heure, on ne peut pas prévoir une présomption d’antériorité d’emploi qui varie en fonction de la nationalité du salarié employé et qui est moins favorable pour les salariés étrangers employés illégalement. Ce serait une violation du code du travail.
C’est pourquoi nous proposons de mettre cet article en conformité avec les dispositions du code de la sécurité sociale. La présomption d’antériorité de la relation de travail serait alors de six mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les dispositions de l’article 58 établissent bien une égalité de traitement entre les salariés étrangers employés sans titre et les travailleurs dissimulés.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 432.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 213, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le licenciement d'un travailleur étranger prononcé pour présentation de faux documents dissimulant une situation administrative irrégulière ne peut priver le salarié étranger de cette indemnité forfaitaire. » ;
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 433, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
sans titre
par les mots :
sans autorisation de travail
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’indiquer, nous refusons que soit insérée dans le code du travail l’infraction de défaut de titre de séjour, le défaut d’autorisation de travail nous paraissant efficace et suffisant.
La mise en œuvre de l’article 58 supprimerait la possibilité de sanctionner l’employeur qui a recours à un étranger sans autorisation de travail. C’est pourtant le seul critère objectivable d’un emploi irrégulier. En effet, pour certains étrangers, le titre de séjour n’est obligatoire qu’à partir de trois mois de présence en France. Ainsi, un étranger qui travaille sans être muni d’un titre de séjour n’est pas forcément dans une situation d’emploi irrégulier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les demandes des auteurs de l’amendement n° 433 sont satisfaites par la rédaction du texte de la commission. Cet amendement appelle des observations identiques à celles que j’ai formulées sur l’amendement n° 428 à l’article 57.
La commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 434, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
bénéficie
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
des dispositions de l'article L. 8223-1, ainsi que des dispositions du présent chapitre.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le présent amendement tend à permettre à l’étranger salarié de continuer à cumuler, comme c’est le cas aujourd’hui, l’indemnité de rupture de la relation de travail d’un travailleur sans papiers non déclaré, égale à un mois de salaire, et l’indemnité de rupture d’un salarié dissimulé, correspondant à six mois de salaire. Dès lors que le travailleur sans papiers est aussi un travailleur dissimulé, il bénéficie ainsi d’une indemnité équivalente à sept mois de salaire.
Le présent projet de loi prévoit l’augmentation de l’indemnité forfaitaire de rupture en portant son montant à l’équivalent de trois mois de salaire, au lieu d’un mois actuellement. En revanche, l’étranger salarié ne pourra plus cumuler cette indemnité et celle qui est due au titre du travail dissimulé ; il ne pourra prétendre qu’à l’indemnisation la plus avantageuse.
Nous considérons que la situation actuelle, qui est plus favorable aux étrangers, doit être maintenue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La Cour de cassation a précisé l’articulation des textes en l’absence de disposition expresse.
Selon un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 15 octobre 2002, l’indemnité forfaitaire due au titre du travail dissimulé « ne se cumule pas avec les autres indemnités auxquelles le salarié pourrait prétendre au titre de la rupture de son contrat de travail, seule l’indemnisation la plus favorable devant lui être accordée ».
Il en résulte que le salarié étranger ne peut pas cumuler l’indemnité forfaitaire égale à six mois de travail au titre du travail dissimulé avec l’indemnité forfaitaire équivalente à un mois de salaire au nom de l’emploi d’étranger sans titre, puisque cette dernière a le même fondement, à savoir la rupture de la relation de travail.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 58, modifié.
(L'article 58 est adopté.)
Article 59
Le chapitre II du titre V du livre II de la huitième partie du même code est complété par un article L. 8252-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 8252-4. – Les sommes dues à l’étranger sans titre, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l’article L. 8252-2, lui sont versées par l’employeur dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande correspondante. Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative en application de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du même code ou lorsqu’il n’est plus sur le territoire national, ces sommes sont déposées sous le même délai auprès d’un organisme désigné à cet effet, puis reversées à l’étranger.
« Lorsque l’employeur ne s’acquitte pas des obligations mentionnées au premier alinéa, l’organisme recouvre les sommes dues pour le compte de l’étranger.
« Les modalités d’application des dispositions relatives à la consignation, au recouvrement et au reversement des sommes dues à l’étranger sans titre ainsi que les modalités d’information de celui-ci sur ses droits sont précisées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 436, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 8252-4. - Les sommes dues à l'étranger sans titre de travail, dans chacun des cas prévus par l'article L. 8252-2, lui sont versées, accompagnées des bulletins de paie et du certificat de travail, par l'employeur dans un délai fixé par décret en Conseil d'État. Lorsque l'étranger est placé en rétention administrative en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du même code ou lorsqu'il n'est plus sur le territoire national, ces sommes et ces documents sont déposées et adressés sous le même délai auprès d'un organisme désigné à cet effet, puis reversées et remis sans délai à l'étranger. »
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. L’étranger employé sans titre de travail est considéré comme un salarié régulièrement embauché et a ainsi droit à toutes les garanties prévues par le code du travail en matière de durée du travail, de santé et de sécurité.
Il a également droit, au titre de la période d’emploi illicite, à l’intégralité du salaire et de ses accessoires. Ainsi, il doit bénéficier du SMIC ou du salaire conventionnel applicable, des indemnités de congés payés, des primes et indemnisations diverses. En cas de rupture du contrat de travail, l’étranger sans titre de travail perçoit une indemnité forfaitaire.
Cependant, le code du travail ne prévoit aucune disposition concernant la délivrance obligatoire des bulletins de salaire et du certificat de travail. Or il est de jurisprudence constante que l’employeur est tenu de délivrer un certificat de travail, même si le contrat est nul. La cour d’appel de Paris, dans sa décision du 6 décembre 1990, estime que l’employeur est tenu de délivrer un certificat de travail au moment de la rupture du contrat d’un salarié étranger en situation irrégulière.
Nous proposons de traduire cette jurisprudence constante dans le code du travail. C’est pourquoi nous suggérons une nouvelle rédaction de l’article L. 8252-4 imposant à l’employeur la remise obligatoire des bulletins de salaire et du certificat de travail à l’étranger employé sans titre de travail.
Mme la présidente. L'amendement n° 435, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
sans titre
par les mots :
sans autorisation de travail
II. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
sans titre
par les mots : sans autorisation de travail
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Cet amendement a été excellemment défendu par mon collègue Roland Courteau lorsqu’il a présenté l’amendement n° 433.
Mme la présidente. L'amendement n° 214, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
I. - Première phrase
Après le mot :
versées
insérer les mots :
accompagnées des bulletins de paie et du certificat de travail
II. - Seconde phrase
Après le mot :
sommes
rédiger ainsi la fin de la dernière phrase du même alinéa :
et ces documents sont déposés et adressés sous le même délai à un organisme désigné à cet effet, puis reversés et remis sans délai à l'étranger.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma collègue Josiane Mathon-Poinat a déjà défendu cet amendement qui vise à obliger l’employeur à remettre des bulletins de paie et un certificat de travail à l’étranger.
Mme la présidente. L'amendement n° 507, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
À la fin de cette phrase, remplacer les mots :
la réception de la demande correspondante
par les mots :
la constatation de l'infraction
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit de fixer le point de départ du délai imparti à l’employeur pour verser à l’étranger irrégulièrement employé les sommes qui lui sont dues à compter de la constatation de l’infraction, qui correspond en réalité à la rupture de la relation de travail. Ce décalage permettrait au salarié de pouvoir être indemnisé plus rapidement.
Mme la présidente. L'amendement n° 437, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Après les mots :
du même code
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
, ces sommes sont déposées sous le même délai auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration puis reversées à l'étranger.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Le présent amendement a pour objet de préciser quel est l’organisme compétent pour récolter, puis reverser à l’étranger salarié, les sommes qui lui sont dues par son employeur lorsqu’il est placé en rétention administrative ou assigné à résidence.
Nous considérons que l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, serait le mieux à même d’effectuer cette tâche. En effet, d’une part, cet organisme existe déjà, ce qui évite de créer un nouvel établissement ; d’autre part, il couvre un territoire important et significatif : il dispose en effet de nombreux bureaux à l’étranger, notamment dans les principaux pays de départ des migrants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 436 est satisfait par les articles L. 3243-1 et L. 3243-2 du code du travail. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Les amendements nos 435 et 214 étant eux aussi satisfaits, la commission en demande également le retrait ; à défaut, elle y sera défavorable.
Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 437. Je ne rappelle pas le dispositif en vigueur pour le paiement des indemnités aux salariés étrangers sans titre. L’organisme chargé du recouvrement, de la consignation et du versement des sommes dues sera désigné par décret en Conseil d’État. La mesure relève donc du pouvoir réglementaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 216, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Sans préjudice du droit de l'étranger sans titre de travail de saisir le conseil de prud'hommes lorsque l'employeur ne s'acquitte pas des obligations mentionnées au premier alinéa, l'organisme recouvre auprès de celui-ci ou de la personne mentionnée à l'article L. 8254-1 du présent code les sommes dues pour le compte de l'étranger accompagnées des bulletins de paie et du certificat de travail. Le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges liés à ce recouvrement.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La rédaction de l’article L. 8252-3 du code du travail proposée par l’article 59 ne répond pas aux exigences de l’article 6 de la directive 2009/52/CE du 18 juin 2009, qui précise que les États membres de l’Union européenne mettent en place des procédures efficaces pour permettre au salarié étranger employé sans titre de travail de percevoir ce qui lui est dû en raison de sa relation de travail.
La rédaction proposée pour l’article L. 8252-3 laisse en effet à la bonne volonté de l’employeur le soin de payer ou de consigner la rémunération due ou de saisir un organisme tiers, qui ne dispose a priori d’aucune information particulière sur cette relation de travail dont il ignore l’existence.
La protection des droits sociaux du salarié étranger sans titre dépend de ce fait uniquement de son employeur, qui n’a aucune raison de consigner ou de se manifester auprès de l’organisme désigné, dès lors qu’il ne paie pas spontanément la rémunération qu’il doit.
Par ailleurs, rien n’est dit sur la façon dont l’organisme sera informé ; c’est pourtant essentiel !
De fait, l’article 59 ne garantit pas le paiement des rémunérations qui sont dues. Il n’améliore nullement la situation qui perdure depuis près de trente ans, dans laquelle les étrangers reconduits ne perçoivent quasiment jamais leur salaire. Cela constitue par ailleurs une prime à l’emploi illégal et un avantage économique inacceptable pour les employeurs d’étrangers sans titre de travail.
Il s’agit donc à la fois de prévoir que les sommes dues au salarié étranger sans titre de travail peuvent être recouvrées également auprès du donneur d’ordre et de conférer davantage de pouvoirs à l’organisme chargé de verser au salarié les sommes qui lui sont dues.
Mme la présidente. L'amendement n° 438, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Sans préjudice du droit de l'étranger sans titre de travail, de saisir le conseil de prud'hommes, lorsque l'employeur ne s'acquitte pas des obligations mentionnées au premier alinéa, l'Office français de l'immigration et de l'intégration recouvre auprès de celui-ci ou de la personne mentionnée à l'article L. 8254-1, les sommes dues pour le compte de l'étranger, accompagnées des bulletins de paie et du certificat de travail. Le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges liés à ce recouvrement.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Cet amendement a pour objet de modifier la rédaction de l’alinéa 3 de l’article 59 qui n’est pas suffisamment précise, car elle renvoie à un décret en Conseil d’État, c’est-à-dire au pouvoir réglementaire, la fixation des « modalités d’application des dispositions relatives à la consignation, au recouvrement et au reversement des sommes dues à l’étranger sans titre ainsi que [celle des] modalités d’information de celui-ci sur ses droits ».
Nous considérons qu’il appartient au Parlement de définir ces dispositions fondamentales pour les étrangers salariés en cas de rupture de relations de travail.
En conséquence, nous proposons qu’il soit précisé, d’une part, que l’intervention de l’Office français de l’immigration et de l’intégration – et non de n’importe quel organisme – ne prive pas le salarié étranger du droit de saisir personnellement le conseil des prud’hommes et, d’autre part, que l’Office est également compétent pour juger le contentieux lié au recouvrement des sommes dues au salarié.
De plus, il est important que les sommes dues à l’étranger sans titre de travail puissent être recouvrées également auprès du donneur d’ordre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 216 et 438. Le code du travail et le texte de la commission répondent parfaitement aux demandes qui sont ici formulées. J’indique que l’étranger est informé en toutes circonstances et à tous les niveaux de ses droits et de ses possibilités. De ce point de vue, aucune difficulté particulière n’apparaît.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 217, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L'organisme informe de cette situation les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales.
« L'étranger employé sans titre de travail et les agents des services de contrôle compétents pour relever l'infraction à l'article L. 8251-1 sont habilités à communiquer à cet organisme toutes informations et tous documents lui permettant de mettre en œuvre les dispositions des deux premiers alinéas du présent article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Afin que les cotisations et contributions sociales soient effectivement versées, il convient de prévoir que l’organisme informe les instances de recouvrement compétentes.
Par ailleurs, dans le but d’éviter que l’action de l’organisme ne soit paralysée ou ne devienne totalement vaine, il est nécessaire de lui reconnaître un droit d’information par des personnes habilitées sur les situations d’emploi illégal de salariés étrangers sans titre de travail.
Ce n’est pas l’employeur qui se manifestera auprès de cet organisme, alors qu’il ne paie pas spontanément à l’étranger ce qui lui est dû et qu’il encourt des sanctions pénales si cet emploi illégal est révélé. Dans ce genre de situations, les employeurs ne cherchent pas à se faire remarquer !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’information de l’OFII est assurée par les dispositions de l’article R. 8253-5 du code du travail qui prévoit la transmission à l’Office des procès-verbaux d’infraction par le directeur départemental chargé du travail.
Cet amendement étant satisfait, la commission en demande ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 59, modifié.
(L'article 59 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 59
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 80 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 440 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 8252-4 du même code, il est inséré un article L. 8252-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 8252-5. - En cas de constat par procès verbal d'une infraction d'emploi d'étranger sans titre de travail, un document est remis à chaque salarié concerné, relevant sa présence dans l'entreprise lors du contrôle et l'informant de ses droits pécuniaires définis à l'article L. 8252-2 ou le cas échéant à l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail. Les modalités de délivrance du document sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 80 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous sommes bien évidemment favorables au renforcement des droits des travailleurs sans titre, que nous considérons comme les victimes d’employeurs peu scrupuleux. Dans cette optique, cet amendement a pour objet de mettre en place un mécanisme d’information utile et efficace à destination des salariés sans titre de travail. Par définition, l’accès au juge n’est pas conditionné à la résidence en France et permet donc à l’étranger de faire valoir ses droits, même après son éloignement.
En revanche, la connaissance de ses droits par le salarié étranger sans titre fait aujourd’hui gravement défaut et risque d’affaiblir le dispositif d’indemnisation que lui ouvrent la directive Sanctions et un certain nombre d’articles qui sont insérés dans le titre IV de ce projet de loi. C’est pourquoi nous proposons que soit systématisée, en cas d’infraction, la remise à ces salariés d’un document leur rappelant leurs droits afin qu’ils puissent, le cas échéant, les faire valoir.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 440.
M. Richard Yung. Je ne sais par quelle heureuse coïncidence M. Mézard et moi-même avons, sans nous être concertés, déposé le même amendement ! Sans doute faut-il y voir le signe de l’expérience ! (Sourires.)
Souvent, lors des contrôles effectués dans les entreprises, les travailleurs étrangers sans titre disparaissent subrepticement, sans laisser de traces, ...
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Richard Yung. ... soit par peur pour eux-mêmes, soit sous la pression de l’employeur, qui veut les celer. Il est donc utile de les informer de leurs droits. Si notre amendement est adopté, chaque salarié disposera d’un document lui permettant de connaître ses droits, ce qui constituera un progrès incontestable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements identiques sont satisfaits par les dispositions de l'article 59, que le Sénat vient tout juste d’adopter.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 80 rectifié et 440.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 60
L’article L. 8254-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 8254-2. – La personne qui méconnaît l’article L. 8254-1 est tenue solidairement avec son cocontractant, sans préjudice de l’application des articles L. 8222-1 à L. 8222-6, au paiement :
« 1° Du salaire et des accessoires de celui-ci dus à l’étranger sans titre, conformément au 1° de l’article L. 8252-2 ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Des indemnités versées au titre de la rupture de la relation de travail, en application soit du 2° de l’article L. 8252-2, soit des articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 du présent code ou des stipulations contractuelles, lorsque celles-ci conduisent à une solution plus favorable pour le salarié ;
« 4° De tous les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel l’étranger est parti volontairement ou a été reconduit, mentionnés au 3° de l’article L. 8252-2 ;
« 5° (nouveau) De la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
Mme la présidente. L'amendement n° 441, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
sans titre
par les mots :
sans autorisation de travail
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est satisfait. Par conséquent, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 442, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
l'article L .8252-2
insérer les mots :
ou de l'article L. 8223-1
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous proposons que le donneur d’ordre soit également tenu au paiement de l’indemnité due au titre de la législation sur le travail dissimulé, et qu’il soit contraint de payer ce qu’il doit.
Nous souhaitons que cette disposition soit ajoutée à l’article L. 8223-1 du code du travail, qui prévoit une indemnité pour les salariés dans une situation de travail dissimulé dont l’employeur rompt la relation de travail. Cet article du code à vocation à s’appliquer à tous les salariés, quelle que soit leur nationalité, d’autant plus que les travailleurs sans papiers ont plus de risques que quiconque de pâtir du travail dissimulé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 442 est satisfait par les dispositions de l’article L. 8222-5 du code du travail, qui prévoit expressément la responsabilité solidaire du donneur d’ordre au paiement des salaires et indemnités dus au salarié illégalement employé.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 60.
(L'article 60 est adopté.)
Article 60 bis
(Supprimé)
Article 60 ter
(Supprimé)
Article 60 quater (nouveau)
Au second alinéa de l’article L. 8253-4 du même code, les mots : « pénalités, majorations de retard et » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 61
Après l’article L. 8254-2 du même code, sont insérés deux articles L. 8254-2-1 et L. 8254-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 8254-2-1. – Toute personne mentionnée à l’article L. 8254-1, informée par écrit par un agent mentionné à l’article L. 8271-1-2, par un syndicat de salariés, un syndicat ou une association professionnels d’employeurs ou une institution représentative du personnel que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger non muni d’un titre de séjour enjoint aussitôt à son cocontractant de faire cesser cette situation.
« L’entreprise mise ainsi en demeure informe la personne mentionnée au premier alinéa des suites données à l’injonction. Si celle-ci n’est pas suivie d’effet, la personne mentionnée au premier alinéa peut résilier le contrat aux frais et risques du cocontractant.
« La personne qui méconnaît le premier alinéa est tenue ainsi que son cocontractant, solidairement avec le sous-traitant employant l’étranger sans titre de séjour, au paiement des rémunérations et charges, contributions et frais mentionnés à l’article L. 8254-2.
« Art. L. 8254-2-2. – (Non modifié) Toute personne condamnée en vertu de l’article L. 8256-2 pour avoir recouru sciemment aux services d’un employeur d’un étranger sans titre de séjour est tenue solidairement avec cet employeur au paiement des rémunérations et charges, contributions et frais mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 8254-2. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 218 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 443 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 8254-2-1. - Toute personne mentionnée à l'article L. 8254-1, constatant auprès des services de l'administration, que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre, enjoint son cocontractant, par lettre avec accusé réception, de faire cesser cette situation dans un délai de 24 heures suivant la réponse de l'administration.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 218.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, avant de présenter cet amendement, qui vaudra défense de l’amendement no 219, je rappellerai la définition de l’expression in solidum.
On dit que de deux ou de plusieurs personnes qu’elles sont tenues in solidum lorsqu’elles ont contracté une obligation au tout. Le juge saisi d’un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l’encontre d’un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d’eux à la condamnation.
Le projet de loi ouvre une porte de sortie pour échapper à la condamnation in solidum, puisqu’il suffit de suivre la procédure prévue et d’en garder trace.
Or, toujours dans l’optique du renforcement de la lutte contre le travail illégal, objet du présent chapitre, nous estimons nécessaire que l’employeur qui sous-traite soit tenu à la même obligation de vérification des conditions de légalité des salariés embauchés que le sous-traitant lui-même.
Le seul fait de se soustraire à la vérification des conditions d’embauche des salariés de son sous-traitant devrait pouvoir entraîner la responsabilité in solidum de l’employeur.
L’amendement que nous avions déposé à l’article 57 imposait au maître d’ouvrage et à l’entrepreneur principal l’obligation de vérifier les conditions d’embauche des salariés sous-traitants. Il les contraignait, après vérification, d’enjoindre l’employeur sous-traitant de cesser de faire travailler une personne qui n’est pas munie d’une autorisation de travail enregistrée par les services de l’administration.
L’objet du présent amendement est d’éviter que le simple fait de ne pas avoir été informé puisse couvrir juridiquement l’employeur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l’amendement n° 443.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 61 complète le dispositif de la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage avec son cocontractant.
Lorsqu’une entreprise est informée, par écrit, par un agent de contrôle du travail illégal ou par un syndicat de salarié que son cocontractant ou l’un de ses sous-traitants emploie du personnel en situation irrégulière, elle doit aussitôt lui ordonner de mettre fin à cette situation.
L’entreprise fautive est mise en demeure d’informer le donneur d’ordre des suites données à l’injonction. Le donneur d’ordre peut résilier le contrat aux frais et risques de son cocontractant si la situation perdure.
Cette procédure donne l’illusion d’une plus grande responsabilisation des donneurs d’ordres. Mais en fait, il n’en est rien ! Une société pourra s’exonérer de toute responsabilité en envoyant à son sous-traitant une simple lettre recommandée qui lui enjoint de faire cesser la pratique d’emploi de travailleurs irréguliers. Cette simple lettre suffira à absoudre le donneur d’ordre et à prouver sa bonne foi.
Notre amendement tend à obliger le donneur d’ordre à avoir un rôle actif dans la lutte contre l’emploi irrégulier de travailleurs par ses sous-traitants.
Mme la présidente. L'amendement n° 445, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
non muni d'un titre de séjour
par les mots :
non muni d'une autorisation de travail
II. - Alinéas 4 et 5
Remplacer les mots :
sans titre de séjour
par les mots :
sans autorisation de travail
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement se justifie par son texte même.
Mme la présidente. L'amendement n° 508, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 2, 4 et 5
Supprimer les mots :
de séjour
La parole est à M. le rapporteur pour présenter l’amendement no 508 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 218, 443 et 445.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement no 508 est de nature strictement rédactionnelle.
Sur les amendements identiques nos 218 et 443, je voudrais rappeler que la responsabilité du donneur d’ordre peut être engagée à deux niveaux : ne pas avoir procédé à l’injonction à son cocontractant de faire cesser la situation illégale ; avoir été condamné au pénal au titre du recours volontaire à un employeur d’étrangers sans titre.
Ces amendements tendent en fait à annuler les conséquences financières de l’alinéa 4 et, tout particulièrement, l’obligation solidaire.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
Par ailleurs, la commission considère que l’amendement n° 445 est satisfait par le texte qu’elle a elle-même voté. Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer. Sinon, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 218, 443, 445 et 508 ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’insister sur le caractère très important de l’article 61, qui étend et renforce la responsabilité pécuniaire de tous les intervenants dans les contrats et les chaînes de sous-traitance.
Dans les faits, j’insiste sur ce point, tout employeur qui intervient dans la chaîne de la sous-traitance est tenu de contrôler les conditions d’engagement des ressortissants étrangers. En ce sens, cet article permet de témoigner de la solidité de l’ensemble de la chaîne de responsabilité. D’ailleurs, je le rappelle, le code du travail impose plusieurs obligations au donneur d’ordre qui doit exercer sa responsabilité à l’égard du contractant principal.
L’article 61 introduit l’obligation d’injonction pour le donneur d’ordre envers la personne qui contracte, de manière à faire cesser les irrégularités que nombre d’entre vous ont dénoncées. Il prévoit la possibilité de résilier le contrat si l’injonction n’a pas été suivie d’effet. Il conforte la responsabilité solidaire du contractant principal qui s’est engagé avec des sous-traitants employeurs d’étrangers sans titre de séjour. Enfin, il met en œuvre les règles de solidarité en contraignant un employeur qui a sciemment eu recours aux services étranger sans titre de séjour à verser des indemnités à ce dernier.
De fait, l’article 61 rappelle l’objectif de justice et d’efficacité qui sous-tend le projet de loi.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements n °s 218, 443 et 445. En revanche, il est favorable à l’amendement n °508.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 218 et 443.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 219 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 444 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer le mot :
sciemment
L’amendement n° 219 a été défendu.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 444.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 61 tend à renforcer la responsabilité pécuniaire des donneurs d’ordre dans le cadre de contrats commerciaux ou de chaînes de sous-traitance.
La finalité de la réglementation est d’amener les différents employeurs concernés par la même situation et contractuellement liés à vérifier les conditions d’engagement des travailleurs.
Ainsi, toutes les entreprises intervenant dans le cadre d’une chaîne de sous-traitance sont incitées à contrôler la situation administrative de leurs salariés.
Nous regrettons que le projet de loi ouvre une porte de sortie pour échapper aux condamnations in solidum.
En effet, il sera facile à l’avenir pour une société de se prémunir de cette obligation en envoyant à ses sous-traitants une simple lettre dont elle gardera une trace.
Lors de grève de travailleurs sans-papiers dans une entreprise, le donneur d’ordre n’aura qu’a enjoindre par courrier son sous-traitant devenu indélicat de mettre fin à la situation. Cette seule mesure le mettra à l’abri de toute poursuite.
L’utilisation de l’adjectif « sciemment » dans l’alinéa 5 de l’article 61 participe de cette échappatoire offerte aux donneurs d’ordre. L’utilisation d’une main d’œuvre irrégulière en connaissance de cause sera impossible à démontrer. Cet adjectif vide d’intérêt l’interdiction. L’entreprise n’aura qu’à invoquer la bonne foi pour écarter toute responsabilité.
En tout état de cause, quand bien même certaines entreprises seraient condamnées au civil, l’étendue de la responsabilité pécuniaire demeure peu dissuasive au regard des bénéfices engrangés, directs et indirects, par le recours à une main d’œuvre précaire.
C’est la raison pour laquelle notre amendement tend à supprimer le mot « sciemment »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur Institué par l’alinéa 5 de l’article 61, l’article L. 8254-2-2 du code du travail prévoit expressément l’obligation solidaire du cocontractant, qui découle de sa condamnation au titre de l’infraction de recours volontaire à un employeur d’étranger sans titre, créée par l’article 57 du projet de loi.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 219 et 444.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 61, modifié.
(L'article 61 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 61
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 220, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 61, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 8255-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « représentatives », sont insérés les mots : « et toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la défense des droits ».
2° Le second alinéa est complété par les mots : « ou l'association ».
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement vise à ouvrir aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, et dont l’objet statutaire comporte la défense des droits, la possibilité d’exercer en justice les actions nées en faveur des salariés étrangers en vertu des dispositions des articles L. 8251-1 et L .8252-2 du code du travail sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé à condition que celui-ci n’ait pas déclaré s’y opposer.
En étendant à ces associations ce droit d’ester en justice, cet amendement tend à renforcer les possibilités de défense des salariés et de lutte contre le travail illégal.
Mme la présidente. L'amendement n° 446, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 61, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 8255-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « représentatives », sont insérés les mots : « et toute association déclarée d'utilité publique depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la défense des droits » ;
2° Le second alinéa est complété par les mots : « ou l'association ».
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de renforcer les droits de la défense d’un salarié étranger quant aux actions en justice nées en sa faveur du fait des dispositions des articles L. 8252-1 et L. 8252-2 du code du travail.
Nous proposons, en effet, d’élargir la possibilité offerte aux organisations syndicales représentatives d’ester en justice au nom du salarié étranger à « toute association déclarée d’utilité publique depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la défense des droits ».
En pratique, un salarié étranger sans autorisation de travail et sans titre de séjour peut solliciter l’aide des associations de défense des droits des étrangers ou du droit du travail pour ses démarches en vue de régulariser sa situation administrative. Mais il est souvent isolé au sein de son entreprise, car il reste discret pour éviter que sa situation ne soit connue de tous.
Cet amendement, s’il était adopté, permettrait aux associations spécialisées dans la défense des droits d’intervenir en justice en vue de défendre un étranger. Ce dernier pourra, quoi qu’il advienne, se joindre à l’action, comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article L.8255-1 du code du travail.
Il s’agit donc de créer une option à la défense des étrangers : les organisations syndicales représentatives ou les associations de défense des droits déclarées d’utilité publique depuis au moins cinq ans. Cette dernière condition permet de s’assurer du sérieux et de l’expérience de l’association de défense des droits qui serait amenée à intervenir dans ce domaine.
L’adoption de cet amendement permettrait de tenir compte de la situation particulière du salarié sans autorisation de travail et sans titre de séjour, qui requiert davantage d’attention et d’expertise quant à la défense de ses droits. Un travailleur sans papiers est avant tout un travailleur, ce qui lui confère des droits ! Il faut l’aider à les défendre !
À défaut de syndicat disponible pour ester en justice au nom de l’intéressé, sa défense pourra ainsi être assurée par une association expérimentée et reconnue d’utilité publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Aux termes de l’article L. 8255-1 du code du travail, les syndicats, qui sont les associations de défense des droits des travailleurs, sont autorisés à saisir la justice prud’homale pour faire reconnaître les droits des travailleurs étrangers sans titre sans avoir, j’insiste sur ce point, à justifier un mandat de l’intéressé, mais à condition que celui-ci ne s’y soit pas opposé.
Il n’apparaît pas opportun de confier un mandat identique aux associations de défense des droits, car il y a un enjeu de sécurité juridique. Pour autant, la commission des lois souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Boumediene-Thiery, la conséquence de votre proposition serait, en réalité, de donner à des associations de défense des étrangers la possibilité d’intervenir dans des relations professionnelles de travail qui ne les concernent pas.
Sans avoir été très longtemps ministre du travail, j’ai au moins retiré de cette expérience la conviction et la certitude que ces associations ne peuvent en aucun cas être assimilées à des organisations syndicales représentatives. Elles exercent des responsabilités différentes, avec des moyens juridiques et d’expression qui ne sont pas les mêmes.
Je considère que les organisations syndicales représentatives sont les mieux placées, les plus capables et les plus compétentes pour défendre l’application effective des droits pécuniaires des salariés, y compris à l’égard des étrangers sans titre.
Cet amendement, s’il était adopté, introduirait une confusion qui serait préjudiciable aux salariés. À chacun ses responsabilités ! Nous avons dans notre pays des organisations syndicales représentatives : laissons-leur le soin de défendre les étrangers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, nous ne souhaitons pas que les associations remplacent les syndicats. Nous demandons simplement qu’elles aient l’autorisation d’ester en justice au nom de l’intéressé, et avec son accord. En effet, nombre de syndicats ne connaissent pas les problèmes spécifiques des travailleurs sans papiers.
Par ailleurs, ces associations s’étant rapprochées des collectifs de travailleurs sans papiers, elles sont plus au fait de la situation de cette catégorie de travailleurs.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Boumediene-Thiery, pour avoir exercé les fonctions de ministre de l’immigration et celles de ministre du travail, je peux témoigner que la CGT, par exemple, suit de très près ces questions et dispose de toutes les connaissances nécessaires en la matière. Demandez à Mme Francine Blanche. Je vous mets au défi de prouver le contraire ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. Mais non !
Mme Alima Boumediene-Thiery. De toute façon, ce n’est pas la même chose !
M. Richard Yung. Il n’y a rien d’exclusif !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 446.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 62
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 8256-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de recourir sciemment, directement ou indirectement, aux services d’un employeur d’un étranger non muni d’un titre, est puni des mêmes peines. »
II. – (Non modifié) À l’article L. 8256-8 du même code, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 221 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 448 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
sciemment
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 221.
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous estimons que le seul fait de se soustraire à la vérification des conditions d’embauche des salariés de son sous-traitant devrait pouvoir entraîner la responsabilité in solidum de l’employeur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 448.
Mme Bariza Khiari. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les amendements précédents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 221 et 448.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 447, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
non muni d'un titre
par les mots :
non muni d'une autorisation de travail
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement a déjà été partiellement défendu.
Il faut s’en tenir à l’infraction d’emploi d’étranger sans autorisation de travail, qui est juridiquement et opérationnellement satisfaisante, et sortir de la loi la notion d’emploi d'étranger sans titre de séjour, qui n’apporte rien en termes de prévention et crée de la confusion.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est satisfait. Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 62.
(L’article 62 est adopté.)
Article 62 bis (nouveau)
Après l’article L. 8256-7 du même code, il est inséré un article L. 8256-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8256-7-1. – Le prononcé de la peine complémentaire de fermeture provisoire d’établissement mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire à l’encontre des salariés de l’établissement concerné. » – (Adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives au contrôle du travail illégal
(Division et intitulé nouveaux)
Article 63
Après l’article L. 8271-1 du code du travail, il est inséré un article L. 8271-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-1-1. – Les infractions au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont constatées par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2. Ces infractions sont punies d’une amende de 7 500 €. »
Mme la présidente. L’amendement n° 223, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Au début, insérer les mots :
L'obligation de vérification de l'embauche de salarié étranger prévue à l'article L. 8251-2 ainsi que
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Là encore, cet amendement est satisfait. Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 450, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
Sous-traitance
insérer les mots :
ainsi qu'à l'obligation de vérification de l'embauche de salarié étranger prévue à l'article L. 8251-2,
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L’article L. 8251-1 dispose que nul ne peut, directement ou par personne interposée, recourir sciemment aux services d’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
Cet amendement a pour objet de renforcer la responsabilisation du maître d’ouvrage et de l’entrepreneur principal en leur imposant de s’assurer personnellement de la situation des sous-traitants de leurs cocontractants sous peine de sanctions pénales.
Nous proposons donc que soit vérifiée la situation de ces sous-traitants quant à l’emploi de salariés étrangers non munis d’une autorisation de travail. Si un contrôle de l’inspection du travail mettait en lumière l’utilisation par un sous-traitant de travailleurs non munis d’un titre de travail, le maître d’ouvrage serait considéré comme pénalement responsable de son manque de diligence. Cette infraction serait punie d’une amende de 7 500 euros.
Cet amendement s’inscrit, me semble-t-il, dans la logique qui a présidé à l’élaboration de ce texte et devrait donc faire l’objet d’un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement, qui a le même objet que le précédent, est satisfait par le projet de loi. Je demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 222 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 449 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
par travailleur illégal et par mois travaillé
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 222.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à aggraver la sanction pénale, dont le montant est peu dissuasif pour les entreprises ayant massivement recours à des salariés étrangers ne possédant pas d’autorisation de travail.
Grâce à la LOPPSI 2, la vente à la sauvette est devenue passible de six mois d’emprisonnement et d’une amende 3 750 euros. Si cette infraction est commise en réunion, la peine est portée à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende.
Toujours à titre de comparaison, je rappelle qu’il était prévu, dans la version du projet de loi antérieure à son examen par la commission des lois du Sénat, et sur la base de motifs quelque peu aléatoires, une amende de 30 000 euros pour les auteurs de mariages gris.
En fait, seuls les employeurs échappent à la tendance générale d’aggravation des peines. Il est donc permis de penser que vous faites preuve d’indulgence à l’égard des employeurs visés dans ce chapitre.
Dans la mesure où nous souhaitons réellement lutter contre le travail illégal, nous considérons qu’il est nécessaire de renforcer les sanctions pécuniaires à l’encontre des employeurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 449.
M. Richard Yung. Le présent texte, qui est la transcription de la directive, vise à réprimer et à aggraver les sanctions contre les employeurs de travailleurs irréguliers. Nous sommes prêts à vous suivre sur ce sujet qui constitue, en fait, le cœur du problème, mais il semble qu’au moment d’agir, vous hésitiez devant l’obstacle. Et lorsque nous vous proposons d’améliorer le texte, vous détournez le regard et vous faites preuve d’une grande générosité envers les employeurs.
Vos intentions de principe sont bonnes, mais la réalité ne suit pas...
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 63 sanctionne les relations contractuelles entre le donneur d’ordre et l’entrepreneur principal : il punit pénalement, d’une part, le non-respect par l’entrepreneur des obligations qui lui sont imposées par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, qui ne prévoyait jusqu’à présent qu’une sanction civile, et, d’autre part, l’acceptation par le maître d’ouvrage des sous-traitants et l’agrément des conditions de paiement des contrats de sous-traitance.
En revanche, l’amende pénale prononcée tant au nom de l’emploi d’étranger sans titre qu’à celui de recours volontaire à un employeur d’étranger sans titre, est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. D’une manière générale, je ne suis pas favorable à l’alourdissement systématique des sanctions pénales ; je préfère que les peines existantes soient appliquées.
Une amende de 7 500 euros n’est certes pas considérable, mais elle peut présenter un caractère dissuasif, surtout si elle est due pour tous les salariés concernés.
Comme l’ont rappelé nos collègues du groupe CRC-SPG, le Gouvernement souhaitait punir de sept ans d’emprisonnement les personnes qui contractent un mariage gris, même si cette peine a été finalement été ramenée à cinq ans. Les différences d’appréciation considérables liées à l’application de la sanction pénale nous font douter de la logique du système...
Toutefois, je ne soutiendrai pas ces amendements. Si l’on veut faire avancer les choses, mieux vaut, je le répète, appliquer les peines existantes plutôt qu’aggraver systématiquement les sanctions pénales.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 222 et 449.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 63.
(L’article 63 est adopté.)
Article 64
I. – La section I du chapitre Ier du titre VII du livre II de la huitième partie du même code est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 8271-1, il est inséré un article L. 8271-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-1-2. – Les agents de contrôle compétents en application de l’article L. 8271-1 sont :
« 1° Les inspecteurs et les contrôleurs du travail ;
« 2° Les inspecteurs et les contrôleurs du travail maritime ;
« 3° Les officiers et agents de police judiciaire ;
« 4° Les agents des impôts et des douanes ;
« 5° Les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés ;
« 6° Les officiers et les agents assermentés des affaires maritimes ;
« 7° Les fonctionnaires des corps techniques de l’aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés ;
« 8° Les fonctionnaires ou agents de l’État chargés du contrôle des transports terrestres. » ;
2° Elle est complétée par deux articles L. 8271-6-1 et L. 8271-6-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 8271-6-1. – Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.
« Ces auditions peuvent faire l’objet d’un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.
« Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu’à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l’exercice de leur mission, de justifier de leur identité et de leur adresse.
« Art. L. 8271-6-2. – Pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du présent livre. »
II. – (Non modifié) L’article L. 8271-11 du même code est abrogé.
III (nouveau). – Le même code est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 8271-2, L. 8271-3, L. 8271-4, L. 8271-5, L. 8271-6, la référence : « L. 8271-1 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 » ;
2° Aux articles L. 8271-1 et L. 8271-8-1, la référence : « L. 8271-7 » est remplacée par la référence : « L. 8271-1-2 » ;
3° L’article L. 8271-7 est abrogé.
Mme la présidente. L’amendement n° 509, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le décret du 30 décembre 2008 qui prévoit la fusion des services d’inspection du travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 510, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 9° Les agents de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement de coordination, cette fois-ci avec l’article 37 bis C de la loi LOPPSI 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 511, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° L'article L. 8271-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-7. - Les infractions aux interdictions du travail dissimulé prévues à l'article L. 8221-1 sont recherchées par les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 64, modifié.
(L’article 64 est adopté.)
Article 65
L’article L. 8272-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « les aides publiques à l’emploi et à la formation professionnelle » sont remplacés par les mots : « certaines des aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé ;
3° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative peut également demander, eu égard aux critères mentionnés au premier alinéa, le remboursement de tout ou partie des aides publiques mentionnées au premier alinéa et perçues au cours des douze derniers mois précédant l’établissement du procès-verbal. » ;
4° Au dernier alinéa, les mots : « et subventions » sont supprimés et sont ajoutés les mots : « ou à leur remboursement ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 224 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 451 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
certaines des aides publiques en matière d'emploi, de formation professionnelle et de culture
par les mots :
toute aide publique
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 224.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Les modifications des dispositions de l’article L. 8272-1 du code du travail semblent restreindre le périmètre des aides qui peuvent être refusées aux entreprises ayant fait l’objet d’un procès-verbal pour travail illégal.
En revanche, le fait de demander le reversement des aides perçues au cours des douze derniers mois est un élément propre à renforcer les mécanismes de prévention de l’embauche irrégulière.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 451.
Mme Patricia Schillinger. Le deuxième alinéa du présent article vise à modifier l’article L. 8272-1 du code du travail, relatif aux aides et subventions susceptibles d’être refusées à l’employeur ou soumises à remboursement, en cas de travail illégal dans son entreprise.
En l’état, l’article L. 8272-1 du code précité dispose que l’employeur peut se voir refuser « les aides publiques à l’emploi et à la formation professionnelle », ou être contraint à les rembourser.
Le Gouvernement a souhaité assouplir cette formulation puisque, dans le projet de loi, il n’envisage le refus ou le remboursement que de « certaines des aides publiques en matière d’emploi et de formation professionnelle et de culture ». En somme, la modification apportée par le projet de loi à l’article L. 8272-1 du code du code du travail restreint le périmètre des aides publiques pouvant être refusées aux entreprises ayant recours de façon coutumière au travail illégal. Il s’agit donc d’un net recul dans le combat qui doit être le nôtre en matière de travail illégal.
Nous souhaitons rappeler au Gouvernement que l’on ne peut traiter les problématiques liées à l’immigration sous le seul prisme de la lutte contre l’immigration illégale. Il ne s’agit pas uniquement de vilipender, d’attaquer, d’expulser les étrangers en situation irrégulière ; il ne s’agit pas simplement d’agiter le drapeau de l’insécurité, comme vous le faites de manière caricaturale lorsque vous abordez cette thématique.
Nous aimerions que vous mettiez autant de zèle à expulser les étrangers en situation irrégulière que vous n’en consacrez à les protéger du travail illégal. Les valeurs et principes qui guident les entreprises profitant de la précarité et de la misère humaines sont incompatibles avec le versement d’aides publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Conformément à la directive Sanctions, l’article 65 introduit le principe du recouvrement de tout ou partie des aides publiques accordées au cours des douze mois précédant le procès-verbal d’infraction. Il autorise dans le même temps la modulation du refus d’accorder les aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture en limitant ce refus à certaines d’entre elles.
La commission estime qu’il convient de conserver cette souplesse afin de permettre une sanction adaptée à la gravité des faits qui seront constatés.
Elle émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 224 et 451.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 224 et 451.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 65.
(L'article 65 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 65
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 225, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement, avant le 1er juillet, un rapport sur le bilan de l'application de l'article L. 8272-1 du code du travail et des sanctions prononcées en vertu de celui-ci.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ma présentation de l’amendement no 225 vaudra défense de l’amendement n° 226, tendant à introduire un article additionnel après l’article 67.
Par ces amendements, nous demandons le dépôt d’un rapport au Parlement ce qui, j’en suis persuadée, ne manquera pas de vous faire grincer des dents, monsieur le ministre. (Sourires.)
Le travail illégal ou dissimulé est une fraude majeure, préjudiciable à l’exercice d’une activité professionnelle et à l’emploi des salariés, et qui se manifeste sous des formes variées et complexes.
De nombreuses lois ont été votées sur ce sujet et la lutte contre le travail illégal semble constituer une des priorités du Gouvernement. Mais si l’on veut renforcer l’efficacité des inspections, encore faut-il faut améliorer la législation en la matière. À cette fin, les parlementaires doivent disposer d’évaluations régulières qui leur permettront de mesurer l’efficacité des mesures engagées et de réfléchir aux moyens de lutter contre le travail dissimulé.
Mme la présidente. L'amendement n° 452, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur le bilan de l'application de l'article L. 8272-1 du code du travail et des sanctions prononcées en vertu de celui-ci.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. En ce qui concerne l’emploi des sans-papiers, il règne dans ce pays le plus grand silence, mais aussi la plus grande hypocrisie.
Le Gouvernement propose ici des sanctions massues à l’encontre des entreprises qui auraient recours à cette main d’œuvre, la mesure la plus emblématique étant la fermeture de l’entreprise coupable.
Cependant, des sanctions existent déjà, en particulier celles qui sont prévues à l’article L. 8272-1 du code du travail. Elles permettent à l’autorité administrative de refuser des aides publiques aux entreprises coupables d’infractions constitutives de travail illégal ; sans doute cet article est-il méconnu.
Nous émettons quelques doutes au regard de l’efficacité et de l’utilité du recours à des sanctions telles que la fermeture des entreprises. Nous considérons qu’une étude sérieuse et suivie des moyens qui sont à notre disposition et de leur application nous permettrait de mieux connaître leur portée et ainsi de rendre plus efficients les outils juridiques de lutte contre le travail illégal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame la présidente, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, nous en sommes au douzième amendement qui demande un rapport !
M. Robert del Picchia. Nous allons avoir une belle bibliothèque !
M. Brice Hortefeux, ministre. Rapporter, c’est bien ; agir, c’est mieux ! C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 452.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 66
Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du même code est complété par deux articles L. 8272-2 et L. 8272-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 8272-2. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure de fermeture provisoire est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire de fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal.
« La mesure de fermeture provisoire peut s’accompagner de la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel des contrevenants.
« Les modalités d’application du présent article ainsi que les conditions de sa mise en œuvre aux chantiers du bâtiment et des travaux publics sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 8272-3. – La décision de fermeture provisoire de l’établissement par l’autorité administrative prise en application de l’article L. 8272-2 n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire à l’encontre des salariés de l’établissement. »
Mme la présidente. L'amendement n° 453, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
L. 8211-1,
insérer les dispositions suivantes :
« elle peut solliciter auprès du tribunal de grande instance la nomination d'un administrateur provisoire afin de mettre fin aux recours au travail illégal et d'assurer le respect des droits des travailleurs illégaux. Le tribunal détermine la nature et la durée des missions de cet administrateur. À titre subsidiaire et uniquement en cas de récidive,
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. L’article 66 concerne la décision de fermeture, provisoire ou définitive, d’un établissement ayant servi à commettre une infraction constitutive de travail illégal.
Actuellement, la législation française ne prévoit pas, au titre des sanctions administratives, la possibilité de fermer les établissements en cause. Le dispositif prévu à l’article 66 permettra à l’autorité administrative d’ordonner la fermeture provisoire d’un établissement, pour une durée de trois mois au plus, sur la base du procès-verbal relevant l’infraction et au motif de la répétition et de la gravité des faits constatés, ainsi que de la proportion de salariés concernés.
Le présent amendement vise à renforcer ce dispositif par l’introduction d’une sanction intermédiaire. Les mesures consistant à déclencher la fermeture administrative d’un établissement sur la base d’un procès-verbal constatant l’emploi d’étrangers sans titre ne paraissent pas efficaces. Cette sanction est certes dissuasive, mais dans la mesure où le délit est difficile à constater, elle risque d’être peu appliquée.
En outre, dans l’hypothèse où l’établissement serait bel et bien fermé pendant trois mois, une telle sanction pourrait avoir des conséquences économiques dramatiques pour celui-ci comme pour les étrangers sans titre qui y sont employés. Or, il faut en priorité assurer la protection de ces travailleurs.
À cette fin, l’autorité administrative devrait avoir la possibilité de solliciter en premier lieu la nomination d’un administrateur provisoire dont la mission serait double : d’une part, mettre un terme à l’illégalité dans laquelle se trouve la société en s’assurant qu’elle n’ait plus recours à l’emploi d’étrangers sans titre ; d’autre part, faire respecter les droits des travailleurs employés illégalement en les orientant notamment vers des organismes appropriés. En somme, l’administrateur provisoire serait chargé de mettre fin à l’illégalité constatée tout en protégeant les premières victimes : les travailleurs étrangers employés en dehors du cadre légal.
Si l’entreprise concernée par la nomination de cet administrateur provisoire devait récidiver et persister à embaucher des travailleurs en dehors du cadre fixé par le code du travail, alors le dispositif initial prévu par l’article 66 s’appliquerait pleinement.
Le présent amendement prévoit une sanction intermédiaire, efficace et compatible avec la fermeture administrative. Il permet tout à la fois de protéger les travailleurs employés illégalement et de préserver la vigueur économique d’une société. Son adoption renforcerait donc le dispositif prévu par l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La mesure de fermeture administrative, prononcée par le préfet, se veut une réponse rapide pour faire cesser l’infraction.
A contrario, le recours au tribunal de grande instance ne s’inscrit pas dans la réactivité visée par les dispositions de l’article 66.
Au demeurant, les droits des salariés sont préservés puisque le même article les protège des conséquences de la fermeture provisoire.
La commission émet donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 97, présenté par Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun procès-verbal ne peut être établi à l’encontre d’un employeur qui, au vu des documents présentés par les salariés étrangers, a procédé aux déclarations aux organismes de protection sociale prévues à l’article L. 1221-10, à la déclaration unique d’embauche prévue à l’article R. 1221-14 et à la vérification le cas échéant des titres mentionnés à l’article R. 5221-3 auprès de l’autorité administrative compétente prévue par l’article L. 5221-8.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 66.
(L'article 66 est adopté.)
Article 67
Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du même code est complété par un article L. 8272-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 8272-4. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner, par décision motivée prise à l’encontre de la personne ayant commis l’infraction, l’exclusion des contrats administratifs mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour une durée ne pouvant excéder six mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure d’exclusion est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire d’exclusion des marchés publics mentionnée au 5° de l’article 131-39 du code pénal.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 96, présenté par Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun procès-verbal ne peut être établi à l’encontre des employeurs qui, sur la base de l’un des titres mentionnés à l’article R. 5221-3 présenté par le salarié étranger, ont procédé aux déclarations aux organismes de protection sociale prévues à l’article L. 1221-10, à la déclaration unique d’embauche prévue à l’article R. 1221-14 et à la vérification des titres auprès de l’autorité administrative compétente prévue à l’article L. 5221-8.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 67.
(L'article 67 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 67
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 226 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 454 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 67, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont identifiés régulièrement, sur la base d'une analyse des risques, les secteurs d'activité dans lesquels se concentre l'emploi irrégulier de ressortissants étrangers.
Le Gouvernement remet, chaque année, avant le 1er juillet, un rapport au Parlement sur le nombre d'inspections, tant en chiffres absolus qu'en pourcentage des employeurs pour chaque secteur, réalisées au cours de l'année précédente ainsi que leurs résultats.
L’amendement no 226 a été défendu.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement no 454.
M. Richard Yung. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements étant satisfaits, la commission demande leur retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 226 et 454.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 227 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 455 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 67, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre de la recherche et de la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-7 du code du travail, constatant la présence de travailleurs étrangers sans autorisation de travail ayant le statut d'auto-entrepreneur et travaillant dans l'entreprise ou sur le lieu de travail de leur ancien employeur, sont habilités à dresser un constat de procès-verbal pour travail illégal. Ces travailleurs sont assimilés, dans le cadre de la procédure ouverte pour travail illégal à l'encontre de l'employeur, à des salariés ayant travaillé pour le compte de ce dernier.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement no 227.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Des employeurs, qui escomptent échapper à des sanctions, demandent à leurs salariés étrangers munis de faux papiers de démissionner et de prendre le statut d’auto-entrepreneur afin de pouvoir les faire travailler sans les salarier.
Plusieurs faits divers ont illustré de tels comportements. Ainsi, en 2007, la police a-t-elle découvert des personnes dans cette situation travaillant sur un chantier de rénovation du pavillon de la Lanterne, résidence de l’État d’ailleurs fréquentée par le Président de la République. En mars 2010, une centaine de salariés sans papiers ont envahi pacifiquement un grand restaurant parisien pour dénoncer l’emploi de travailleurs sans-papiers recrutés avec le statut d’auto-entrepreneur.
C’est bien le statut même de l’auto-entrepreneur qui ouvre la voie à de telles dérives, puisqu’il permet à un individu de développer une activité sans signer de contrat de travail, de ne payer des impôts et des cotisations sociales qu’à partir du moment où il réalise un chiffre d’affaires.
Interrogé sur ces événements, le ministre du travail de l’époque, Xavier Darcos, avait indiqué que la chasse aux faux statuts et au faux travail indépendant faisait partie des priorités du plan vigoureux de lutte contre le travail illégal, avec des objectifs chiffrés de 5 % de contrôles en plus par an en 2010 et 2011. Ces déclarations sont restées lettre morte.
Afin d’éviter que ne se reproduisent de tels comportements qui, chacun en conviendra, sont pour le moins abusifs, nous proposons que les auto-entrepreneurs soient assimilés à des salariés de l’entreprise dans le cadre de la procédure ouverte pour travail illégal à l’encontre de l’employeur. Cette mesure, simple, me semble de nature à recueillir l’avis favorable de M. le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 455.
M. Richard Yung. Notre amendement est identique à celui qui vient d’être présenté : nous souhaitons que, dans le cas où des salariés ont été forcés de prendre le statut d’auto-entrepreneur – la définition de ce statut nous renvoie à un autre débat – ils soient assimilés à des salariés de fait de l’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les conseils des prud’hommes, qui peuvent avoir à apprécier la situation entre un employeur et un auto-entrepreneur, ont tout à fait la capacité de pouvoir requalifier la relation contractuelle en établissant le lien de subordination.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 227 et 455.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Chapitre IV
Dispositions diverses
(Division et intitulé nouveaux)
Article 67 bis (nouveau)
Le code du travail est ainsi modifié :
I. – Après l’article L. 8224-5, il est inséré un article L. 8224-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8224-5-1. – Le prononcé de la peine complémentaire de fermeture provisoire d’établissement mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire à l’encontre des salariés de l’établissement concerné. »
II. – Après l’article L. 8234-2, il est inséré un article L. 8234-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 8234-3. – Le prononcé de la peine complémentaire de fermeture provisoire d’établissement mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire à l’encontre des salariés de l’établissement concerné. »
III. – Après l’article L. 8243-2, il est inséré un article L. 8243-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 8243-3. – Le prononcé de la peine complémentaire de fermeture provisoire d’établissement mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire à l’encontre des salariés de l’établissement concerné. » – (Adopté.)
Titre V
DISPOSITIONS DIVERSES
Chapitre unique
Article 68
(Non modifié)
À la fin de l’article L. 213-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 » sont remplacés par les mots : « du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ». – (Adopté.)
Article 69
(Non modifié)
Au début de la première phrase de l’article L. 611-2 du même code, sont insérés les mots : « L’autorité administrative compétente, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’article 69 a pour objet d’ajouter, dans l’article L. 611-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, trois mots qui peuvent paraître sibyllins : « L’autorité administrative compétente ». Or, l’autorité administrative compétence, c’est le préfet. En d’autres termes, l’article prévoit la possibilité pour le préfet de retenir le passeport ou le document de voyage des étrangers en situation irrégulière !
Dans son rapport, M. Buffet indique, à juste titre, que l’exposé des motifs du projet de loi n’évoque pas les raisons de cette extension. Toutefois, il imagine – ce qui ne m’étonne pas – les raisons qui ont conduit le Gouvernement à prendre cette décision. Il fallait notamment « pouvoir mieux organiser le départ des étrangers assignés à résidence ». Qu’en termes pudiques ces choses-là sont dites ! (Sourires.)
À la vérité, l’hypothèse envisagée par le rapporteur doit être la bonne puisque l’organisation du départ des étrangers assignés à résidence est une compétence étendue au préfet par l’article 33, qui aligne leur situation sur celle « des étrangers placés en rétention, dont les papiers peuvent être retenus par la police ou la gendarmerie ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est logique !
M. Jacques Mézard. L’amendement n° 81 rectifié a donc pour objet de supprimer la possibilité pour les préfets de retenir les papiers des étrangers en situation irrégulière, car c’est encore un glissement, mais il vise aussi à donner l’occasion à M. le ministre de nous expliquer ces « raisons » qui ne figurent pas dans l’exposé des motifs du projet de loi. Je ne doute pas qu’il va le faire et, pour ma part, je ferai le nécessaire pour que ses explications soient insérées dans le quotidien La Montagne… (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement tend à supprimer l’article 69 qui prévoit que, comme les services de police et de gendarmerie, les préfets pourront retenir le passeport ou le document de voyage d’un étranger en situation irrégulière.
Il s’agit notamment par cet article de permettre au préfet de retenir ces documents dans le cadre de la nouvelle assignation à résidence prévue par l’article 33.
La commission considérant qu’il est nécessaire de conserver cette disposition, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Mézard, n’oubliez pas, en effet, de transmettre très exactement mon propos au grand quotidien régional auquel vous avez fait allusion ! (Nouveaux sourires.)
Vous l’avez compris, monsieur le sénateur, l’article 69 est un article de simplification : il autorise tout simplement le préfet à agir comme les gendarmes et les policiers. Il n’a pas d’autre finalité.
Or je vous connais suffisamment pour savoir que vous êtes attentif au rôle, aux pouvoirs, à l’action des préfets, ce que je ne manquerai pas non plus de « répercuter » localement…
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Après les pertinentes explications de M. le ministre, et dans la mesure où je suis un excellent jacobin, je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Richard Yung. C’est la « connexion auvergnate » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 81 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 69.
(L'article 69 est adopté.)
Article 70
(Non modifié)
L’article L. 611-3 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « de cette convention » sont remplacés par les mots : « du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) » ;
2° Au dernier alinéa, après le mot : « des », est inséré le mot : « étrangers » et la référence : « au dernier alinéa du I de l’article L. 511-1 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 512-5 ». – (Adopté.)
Article 71
(Non modifié)
L’article L. 621-2 du même code est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, et sans avoir été admis sur le territoire en application des stipulations des paragraphes 2 ou 3 de l’article 5 de ladite convention » sont remplacés par les mots : « du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) et sans avoir été admis sur le territoire en application des points a et c du paragraphe 4 de l’article 5 de ce même règlement », et les mots : « à ladite convention » sont remplacés par les mots : « à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 » ;
2° Au 2°, après la référence : « de l’article 5 », sont insérés les mots : « du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, précité ». – (Adopté.)
Article 72
(Non modifié)
Au 3° de l’article L. 622-4 du même code, les mots : « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger » sont remplacés par les mots : « sauvegarde de la personne de l’étranger ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 228 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans les premier, troisième et quatrième alinéas, après le mot : « faciliter », sont insérés les mots : « dans un but lucratif » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant, en vertu de leurs statuts, vocation, en France, à défendre ou à assister les personnes étrangères sont exclues du champ d'application de cet article. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Pour poser le cadre de cette discussion, je veux rappeler que le Président de la République avait adressé en 2009, à M. Éric Besson, une lettre de mission dans laquelle étaient définis les finalités et objectifs du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
Parmi ces objectifs, le nombre de 5 000 interpellations fondées sur l’aide illicite à l’entrée et au séjour des étrangers, contre 4 300 l’année précédente, devait être atteint. Cela n’avait pas empêché M. Besson de nier l’existence d’un délit de solidarité, laquelle relevait selon lui du fantasme des associations et des individus qui se mobilisent au quotidien, au nom de la solidarité humaine, pour aider les étrangers en situation de détresse.
Le fait que le Gouvernement demande aujourd'hui au législateur de modifier l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, constitue une reconnaissance explicite de l’existence, niée jusqu’à présent par le ministère de l’immigration, de ce délit de solidarité.
Néanmoins, si la rédaction proposée pour l’article L. 622-4 est maintenue en l’état dans le projet de loi, le champ de l’incrimination d’aide au séjour irrégulier restera extrêmement large, ce qui permettra en définitive de poursuivre toute personne en relation avec un « sans-papiers ».
La modification introduite laisse entier le délit de solidarité : l’infraction reste le principe et les immunités des exceptions.
Le nombre d’interpellations pratiquées dans des espaces où les associations proposent des services aux plus démunis, par exemple dans des centres d’hébergement ou dans des lieux d’accueil de jour, ne cesse de s’accroître au nom du respect des quotas d’expulsion.
En novembre 2009, la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommandait d’étendre le champ des immunités.
La CNCDH souhaitait que soit affirmée, et cela « de manière explicite », que le champ de l’infraction de l’article L. 622-4 ne couvrait pas « l’aide désintéressée » apportée aux étrangers en situation irrégulière par une personne physique, qu’elle soit étrangère ou française, ou par une personne morale, notamment par les associations dont l’objet est d’assurer l’hébergement, l’aide alimentaire, l’accès aux soins, l’accès aux droits, et qui pratiquent l’accueil inconditionnel.
Pour notre part, nous avions déposé une proposition de loi en ce sens. Celle-ci visait à réaffirmer que les personnes qui aident des étrangers en situation irrégulière de façon totalement désintéressée, par solidarité et parfois même pour des raisons humanitaires, ne peuvent en aucun cas être assimilées à des passeurs agissant dans un but lucratif.
C’est en ces termes que nous souhaitons réintroduire notre proposition par voie d’amendement, car force est malheureusement de constater que les dysfonctionnements que nous avions dénoncés à l’époque sont toujours d’actualité.
Mme la présidente. L'amendement n° 456, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article L. 622-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d'un étranger en France ou le transit irrégulier d'un étranger par la France, sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros » ;
2° Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :
« Sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4, sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou, à titre onéreux, le séjour irrégulier d'un étranger sur le territoire d'un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ou le transit irrégulier d'un étranger par le territoire d'un tel État.
« Sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4, sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000, ou le transit irrégulier d'un étranger par le territoire d'un tel État » ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »
II - L'article L. 622-4 du même code est ainsi modifié :
1° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De toute personne physique ou morale qui sera intervenue pour préserver la dignité, l'intégrité physique ou les droits de l'étranger, sauf si cette aide a été réalisée à titre onéreux. » ;
2° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° De tous les établissements et services visés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que leurs salariés et bénévoles lorsqu'ils agissent dans le cadre de ces établissements et services. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cette fois, nous présentons un amendement de réécriture – d’ailleurs assez substantielle – et non pas de suppression d’un article.
Nous estimons en effet que le sujet traité à l’article 72 est suffisamment important et sensible dans toute une série de secteurs de l’opinion publique pour que nous fassions des propositions, étant entendu que la rédaction actuelle de cet article, va certes dans le bon sens, mais pas assez loin.
Cet article vise à instituer une « immunité humanitaire » contre la sanction de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers. C’est, en quelque sorte, une reconnaissance du délit de solidarité, alors que l’ancien ministre chargé de l’immigration, M. Besson, avait pourtant affirmé qu’aucune condamnation n’avait jamais été prononcée à l’encontre de personnes ayant fourni une aide humanitaire.
Nous proposons donc de modifier la rédaction des dispositions relatives à l’immunité humanitaire du 3° de l’article L. 622-4 du CESEDA afin de viser, non seulement « la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique », mais aussi, plus largement, la sauvegarde de la personne de l’étranger.
La mesure prévue à l’article 72, qui va a priori dans le bon sens, n’est pas suffisante. La notion de personne est, certes, plus large que celle de vie et d’intégrité physique, mais le projet de loi n’aborde pas le délit de solidarité lui-même dans la mesure où il ne clarifie pas le champ de l’incrimination et n’élargit pas suffisamment le champ des immunités.
Dès lors, les personnes physiques et morales qui apportent une aide désintéressée afin de faciliter l’exercice des droits fondamentaux – les droits humanitaires, en fait – des migrants en situation précaire, par exemple en les hébergeant pendant les périodes de grand froid, pourraient toujours être incriminées, alors que celles qui décident d’accompagner socialement ou juridiquement des migrants sur de plus longues périodes continuerait à faire l’objet d’interpellations, de placements en garde à vue et de mises en examen.
Le présent amendement tend aussi à régler définitivement la question du délit de solidarité et à garantir la sécurité juridique des personnes accomplissant ces actes de solidarité. Bien sûr, ces propositions sont conformes à nos engagements internationaux.
En outre, il institue une véritable clause humanitaire visant à dépénaliser toute aide humanitaire, sauf si cette aide à donner lieu à une contrepartie directe ou indirecte.
Enfin, notre amendement clarifie la notion de l’incrimination en remplaçant le terme général de « circulation » par celui de « transit » afin de ne sanctionner que les passeurs qui tentent de faire traverser les frontières aux migrants.
Mme la présidente. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le 3° de l’article L. 622-4 du même code est ainsi rédigé :
« 3° De toute personne physique ou morale qui est intervenue pour préserver la dignité, l’intégrité physique ou les droits de l’étranger, sauf si cette aide a été réalisée à titre onéreux ; » ;
II. - Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° De tous les établissements et services visés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que leurs salariés et bénévoles lorsqu’ils agissent dans le cadre de ces établissements et services. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Comme cela vient d’être dit, nous constatons que le Gouvernement reconnaît enfin, au travers de l’article 72 de ce projet de loi, l’existence d’un délit de solidarité qu’il avait pourtant farouchement niée pendant longtemps, alors que nous savons tous qu’il y avait eu un certain nombre de condamnations.
À l’heure actuelle, les articles L. 622-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile définissent le délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’étrangers en France et permettent d’incriminer les personnes physiques et les associations humanitaires qui prennent en charge les étrangers en situation irrégulière, en grande détresse sociale et sanitaire. Or, une telle prise en charge correspond à la définition de l’obligation d’assistance à personne en danger, telle que posée par le second alinéa de l’article 223-6 du code pénal.
Depuis au moins deux ans, nous sommes souvent intervenus pour dénoncer l’incohérence entre ces deux dispositions et pour insister sur la nécessité de modifier la loi. De nombreux bénévoles d’associations humanitaires ont en effet été inquiétés par les services de police alors qu’ils portaient assistance à des personnes en péril.
Notre ancien collègue Michel Charasse était d’ailleurs, monsieur le ministre, très attentif à cette question…
Pour notre part, nous entendons aller un peu plus loin que le dispositif proposé dans cet article, quand bien même nous reconnaissons que celui-ci constitue un réel pas en avant.
Ce dispositif laisse encore subsister une insécurité juridique au détriment des associations humanitaires, qui interviennent avant tout au nom de la dignité de la personne humaine. Leur rôle est d’ailleurs reconnu par l’État, qui, M. le ministre le rappelait hier, les subventionne à concurrence de 6 millions d’euros.
Sans remettre en cause les règles de l’entrée et du séjour des étrangers en situation irrégulière, notre amendement de précision permet donc aux personnes et aux associations humanitaires agissant sans but lucratif d’aider les étrangers en situation irrégulière pour des raisons humanitaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 228 rectifié tend, d’une part, à limiter aux seuls actes commis dans un but lucratif le champ de l’infraction d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, et d’exempter de toute poursuite les associations impliquées dans la défense des étrangers. Il appelle plusieurs commentaires.
En rendant plus difficile la caractérisation de l’infraction, la modification proposée risque d’affaiblir la répression, ce qui ne pourrait que profiter aux réseaux de passeurs contre lesquels il convient au contraire de lutter.
Le présent amendement vise, d’autre part, à instaurer une présomption de bonne foi à l’égard de l’ensemble des associations impliquées dans la défense des droits des étrangers, ce qui ne paraît pas conforme au principe de responsabilité personnelle, sur lequel est fondé notre droit pénal.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la loi pénale s’interprète strictement, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel. Ainsi, ce dernier, dans une décision du 5 mai 1998, a estimé « qu’il appartient au juge […] d’interpréter strictement les éléments constitutifs de l’infraction […], notamment lorsque la personne morale en cause est une association à but non lucratif et à vocation humanitaire, ou une fondation apportant, conformément à leur objet, aide et assistance aux étrangers ». Par ailleurs, dans une décision du 2 mars 2004, il a considéré que la qualification de l’infraction tient compte du « principe énoncé à l’article 121-3 du code pénal, selon lequel il n’y a point de délit sans intention de le commettre ».
J’ajoute que la directive 2002/90/CE du 28 novembre 2002 impose de réprimer l’aide à l’entrée et au transit irréguliers en France, y compris accordée sans but lucratif.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 228 rectifié.
L’amendement n° 456, similaire à ce dernier ainsi qu’à l’amendement n° 82 rectifié, présente des difficultés comparables.
Il a notamment pour objet de limiter le champ du délit d’aide au séjour irrégulier aux actes commis dans un but lucratif et d’exclure du champ de la répression l’ensemble des salariés et bénévoles travaillant pour un établissement social et médico-social français.
Comme précédemment, j’observe que la caractérisation de l’infraction étant plus difficile à établir, la disposition proposée ne pourrait que profiter aux réseaux de passeurs, contre lesquels il convient, au contraire, de lutter.
Par ailleurs, le présent amendement tend à instaurer une présomption de bonne foi pour l’ensemble des associations impliquées dans la défense des droits des étrangers, ce qui ne paraît pas conforme au principe de responsabilité personnelle.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 82 rectifié vise à modifier la notion de l’immunité pénale applicable au délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers des étrangers, et à exempter de toute poursuite pénale l’ensemble des personnels salariés et bénévoles des établissements sociaux et médico-sociaux français.
La commission y est également défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le droit tant français que communautaire prévoit déjà le délit d’aide à l’entrée, au séjour et à la circulation des étrangers en situation irrégulière.
Monsieur Mézard, à ma connaissance, jusqu’à ce jour, aucune condamnation pénale n’a été prononcée pour délit d’aide humanitaire. Nous sommes arrivés à un équilibre que le Gouvernement ne souhaite pas rompre.
Pour toutes ces raisons, il émet un avis défavorable sur les trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, vos propos, qui se veulent rassurants, me laissent quelque peu pantois. Vous nous dites que le délit existe, mais qu’aucune condamnation n’aurait été prononcée à l’encontre d’auteurs du délit susvisé...
M. Richard Yung. J’accepte de vous croire, monsieur le ministre, je ne suis pas capable de vérifier vos dires. Mais si tel est le cas, pourquoi conserver une telle infraction, alors que sa définition et son interprétation donnent lieu à des discussions sans fin ? Nos propositions visent à clarifier la situation et, en quelque sorte, à soulager tout le monde.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Yung, je vous le confirme, aucune condamnation pour aide humanitaire n’a été prononcée à ce jour. Cela ne signifie pas pour autant que d’autres attitudes n’ont pas été sanctionnées.
M. Richard Yung. Eh bien voilà !
Mme Éliane Assassi. M. Yung a raison !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Article additionnel après l'article 72
Mme la présidente. L'amendement n° 457, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 611-11 du même code, il est inséré un article L. 611-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-12. - Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport d'information sur les objectifs et les moyens alloués à la police aux frontières. Le rapport fera notamment mention de l'évolution des effectifs de la police aux frontières et de la formation des agents en vue d'améliorer leurs spécialisations.
« Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport d'information sur la coopération européenne en matière de démantèlement des filières d'exploitation et de traite humaine. Ce rapport fixe les objectifs à atteindre et dresse des propositions faites à la Commission européenne pour la création d'un groupe d'intervention européen de lutte contre l'exploitation et la traite humaine. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je pense que cet amendement va rencontrer un certain succès puisqu’il propose, non pas un, mais deux rapports (Sourires sur diverses travées.),…
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. Richard Yung. … le sujet les justifiant amplement, et nous savons que le Gouvernement a une certaine prédilection pour les rapports…
Le premier concernerait la police aux frontières tandis que le second se rapporterait plus particulièrement à la coopération européenne en matière de démantèlement des filières d’exploitation et de traite humaine.
Plus sérieusement, notre idée, derrière cette demande de rapports, serait de faire avancer la réflexion sur le fonctionnement de la police aux frontières ; nous savons que se posent en particulier des problèmes de formation et d’effectifs. Le second sujet, quant à lui, est suffisamment explicite puisqu’il s’agit des filières d’exploitation de la traite humaine pour lesquelles une coopération européenne est absolument nécessaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons deux rapports.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. S’agissant d’une demande de rapports supplémentaires, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur Yung, je comprends l’esprit de votre amendement, mais il s’agit encore de rapports supplémentaires alors que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, prévoit la remise au Parlement de rapports annuels et globaux sur tous les aspects de la politique d’immigration. Ce rapport présente d’importants éléments qui permettent de mesurer les décisions qui sont prises en matière de lutte contre le travail illégal et les filières d’immigration illégale. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter de nouveaux rapports.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur l’amendement n° 457.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 457.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 73
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 624-1 du même code est ainsi rédigé :
« Tout étranger qui se sera soustrait ou qui aura tenté de se soustraire à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français ou qui, expulsé ou ayant fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire, d’une interdiction de retour sur le territoire français ou d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1, aura pénétré de nouveau sans autorisation en France, sera puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement. »
Mme la présidente. L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, d’une interdiction de retour sur le territoire français
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Par cet amendement de coordination, nous entendons manifester de nouveau notre opposition aux modalités d’interdiction de séjour.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 73.
(L'article 73 est adopté.)
Article 74
(Supprimé)
Article 74 bis
L’article L. 731-2 du même code est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, après les mots : « l’informe », sont insérés les mots : « dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice de l’aide juridictionnelle ne peut pas être demandé dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen, lorsque le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par l’office ainsi que par la Cour nationale du droit d’asile, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 84 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 229 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 458 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 84 rectifié.
M. François Fortassin. Cet article tend à interdire à un demandeur d’asile de solliciter l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’OFPRA rejetant sa demande de réexamen, lorsque le requérant a déjà bénéficié de cette aide devant le même office ou la CNDA.
Ainsi, une nouvelle fois, comme à l’article 34 du projet de loi, est instituée une restriction du droit au recours effectif garanti à la fois par nos principes de valeur constitutionnelle et par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette restriction est d’autant plus inacceptable que la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres vise non pas les réexamens, mais les recours devant d’autres juridictions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 229.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement n° 230.
Deux ans à peine après la généralisation de l’aide juridictionnelle à la CNDA, est instituée une restriction de ce droit sans que cela soit d’une véritable efficacité pour la juridiction. Selon les auteurs de l’amendement à l’origine de cet article, cette restriction serait justifiée par le fait que les demandes d’aide juridictionnelle présentées après enrôlement seraient à l’origine de 20 % des renvois.
La demande d’aide juridictionnelle à l’audience n’est pas la cause principale des renvois : c’est le nombre trop important d’affaires inscrites au rôle qui conduit les formations de jugement à renvoyer les affaires pour audience tardive, ce qui est tout à fait différent. D’autres renvois sont justifiés par l’absence de l’avocat qui en avait pourtant dûment averti la Cour, ou par l’absence d’une partie ou d’une totalité d’un dossier.
Par ailleurs, les avocats désignés par le bureau d’aide juridictionnelle le sont, de façon récurrente, très tardivement et sont dans l’obligation de solliciter le report de l’affaire soit parce qu’ils n’ont pu rencontrer leur client avant l’audience, soit parce qu’ils n’ont pas été en mesure de produire avant le délai de clôture les pièces du dossier. Ce qui est en cause, c’est davantage l’organisation de la Cour qu’une prétendue manœuvre dilatoire du demandeur.
Aussi prévoir l’exclusion des demandeurs de l’ensemble de recours est-il contraire au droit positif français et non conforme avec la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005.
En effet, la jurisprudence du Conseil d’État a encadré la procédure de réexamen et fixé des critères précis pour la recevabilité d’une demande de réexamen. Elle reconnaît que le demandeur d’asile qui soumet des faits nouveaux a le droit de voir sa demande réexaminée et qu’il doit bénéficier d’une admission au séjour et des conditions matérielles d’accueil. Le priver d’un conseil au titre de l’aide juridictionnelle serait une atteinte au droit au recours effectif.
D’autre part, le 4° de l’article 32 de la même directive indique clairement que « si des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE, l’examen de la demande est poursuivi conformément aux dispositions du chapitre II. ».
Priver les demandeurs d’asile dont la demande est recevable d’un réexamen de l’aide juridictionnelle est donc injustifiable. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 74 bis dans l’amendement n° 229 et l’extension de l’aide juridique à tous les demandeurs d’asile dans l'amendement n° 230.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 458.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Mon propos ira dans le même sens que celui de mes collègues. Depuis le 1er décembre 2008, l’aide juridictionnelle peut être octroyée à tous les requérants qui remplissent les conditions exigées, comme le plafond de ressources, quelle que soit la régularité de leur entrée sur le territoire national.
La suppression de l’exigence d’entrée régulière sur le territoire français pour demander l’aide juridictionnelle date de la dernière loi sur l’immigration votée en 2006, et déjà vous nous demandez de légiférer en sens inverse !
L’article 74 bis, avant que la commission des lois du Sénat n’y apporte quelques sages, quoique insuffisantes, modifications, interdisait qu’un migrant puisse bénéficier de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande de réexamen de sa demande d’asile.
On le comprend bien, cet article laissait entendre que toute nouvelle demande de protection était par nature abusive. Pourtant, après le rejet définitif d’une première demande d’asile, seule la présentation d’éléments nouveaux permet le réexamen d’une demande. Cette mesure était donc une atteinte grave au droit d’asile.
Les modifications apportées par la commission des lois ne sont pas de nature à garantir le fait que les demandeurs d’asile puissent bénéficier d’un recours effectif devant la juridiction en étant défendus.
En effet, avec le nouveau dispositif adopté par la commission, l’aide juridictionnelle ne pourrait pas être accordée devant la CNDA dans le cas d’une demande de réexamen dès lors que le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par 1’OFPRA ainsi que par la Cour, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
Selon le rapporteur, le fait de refuser à certains demandeurs d’asile la possibilité de demander l’aide juridictionnelle serait justifié par l’article 15 de la directive 2005/85/CE relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.
Il semble que l’on peut faire dire tout et son contraire au droit communautaire. Je ne veux pas entrer dans une querelle d’interprétation de la directive, je laisse cela à la Cour de justice de l’Union européenne, qui, vous ne manquerez pas de l’avoir remarqué, rend depuis quelques années des arrêts qui vont tous dans le sens d’une amélioration du niveau de protection des migrants, et en particulier des demandeurs d’asile, tandis que la sensibilité aux intérêts nationaux paraît plus circonstancielle.
Je souligne simplement que cette directive fixe des normes « minimales » concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. Selon le principe de l’harmonisation minimale, largement utilisé dans le cadre de la construction européenne, les États sont libres d’adopter ou de conserver des normes plus protectrices.
C’est pourquoi nous proposons de conserver dans notre droit national la possibilité pour tous les demandeurs d’asile de demander l’aide juridictionnelle, d’autant que la loi de finances pour 2011 est déjà venue rogner ce droit en limitant à un mois le délai pour demander cette aide.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 74 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est défavorable aux trois amendements identiques.
L’article 74 bis a été introduit dans le projet de loi par les députés. Il vise à encadrer et rationaliser l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la CNDA. Nos collègues ont souhaité exclure du bénéfice de l’aide juridictionnelle les requérants sollicitant le réexamen de leur demande d’asile, car ils ont considéré que la plupart de ces demandes avaient un caractère dilatoire.
La commission des lois du Sénat a atténué ces dispositions en réservant l’hypothèse d’un demandeur d’asile qui n’aurait pas été entendu en première demande par un officier de protection ou par la CNDA. Il me semble que, ainsi définies, ces conditions permettent de définir un équilibre entre la nécessaire rationalisation de l’accès à l’aide juridictionnelle devant la CNDA et les garanties essentielles apportées aux demandeurs d’asile.
Au demeurant, ces dispositions paraissent conformes à l’article 15 de la directive du 1er décembre 2005.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Il est important de rappeler que le projet de loi prévoit de supprimer l’aide juridictionnelle non pas pour l’examen de la demande d’asile, mais pour les recours présentés sur les décisions de l’OFPRA rejetant le réexamen d’une demande d’asile.
La commission des lois a d’ailleurs amendé cette disposition en prévoyant deux conditions : le requérant doit avoir été entendu par l’OFPRA et avoir comparu la première fois devant la Cour nationale du droit d’asile assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
Le Gouvernement et la commission des lois partagent donc l’objectif de restreindre l’accès à l’aide juridictionnelle lors des procédures de réexamen, dans le respect du droit communautaire, c’est-à-dire de la directive Procédure du 1er décembre 2005. Cette réforme poursuit un double objectif : améliorer le fonctionnement de la Cour et réduire son délai de traitement – près de quinze mois –, que tous s’accordent à considérer comme excessif ; et prévenir les recours abusifs.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 84 rectifié, 229 et 458.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 230, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Sont soumis au bénéfice de l'aide juridictionnelle tous les demandeurs d'asile, tant devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qu'en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’aide juridictionnelle n’est possible que devant une juridiction. Or l’OFPRA est un établissement public administratif. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 74 bis.
(L'article 74 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 74 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 243 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 472 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est supprimé.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 243 rectifié.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 472 rectifié.
Mme Bariza Khiari. Le présent amendement vise à supprimer l’examen des demandes d’asile selon la procédure dite « prioritaire ».
Cette procédure accélérée est utilisée pour les demandeurs d’asile provenant de « pays d’origine sûrs », pour les personnes considérées comme représentant une menace pour l’ordre public et pour celles dont la demande est jugée frauduleuse, abusive ou seulement destinée à empêcher la mise en œuvre d’une mesure d’éloignement. Elle est également utilisée lorsque des demandeurs d’asile déboutés saisissent l’OFPRA afin de faire réexaminer leur demande sur le fondement d’informations nouvelles. Par ailleurs, les demandeurs d’asile placés en rétention et en instance d’éloignement sont aussi soumis à la procédure prioritaire.
En 2009, plus de 22 % des demandes d’asile ont été examinées selon la procédure dite « prioritaire ».
La limitation des droits découlant de cette procédure est dénoncée par toutes les associations de défense des droits de l’homme, qui affirment que ce système est « injuste et dangereux ».
L’ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Álvaro Gil-Robles, souligne dans son rapport sur le respect effectif des droits de l’homme en France que « la procédure prioritaire est loin d’offrir les mêmes garanties que la demande d’asile de droit commun. En définitive, elle ne laisse qu’une chance infime aux demandeurs ».
L’existence de cette procédure prouve que la France n’est pas, contrairement à ce que le Gouvernement laisse croire, le pays le plus généreux en matière d’asile. Afin que la France puisse réellement mériter ce statut exemplaire, il apparaît nécessaire et urgent de supprimer la procédure dite « prioritaire ».
Telles sont les raisons pour lesquelles, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à supprimer le dispositif de procédure prioritaire, qui permet à l’OFPRA de traiter assez rapidement un certain nombre de dossiers spécifiques.
À l’heure actuelle, je le rappelle, le délai moyen d’examen d’une demande en procédure normale est de dix-neuf à vingt mois environ, en incluant le recours devant la CNDA. Il est donc indispensable de conserver une procédure accélérée.
J’ajoute que le principe même de la procédure prioritaire a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 et qu’il est conforme à nos engagements communautaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 243 rectifié et 472 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 75
Le 4° de l’article L. 741-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Constitue une demande d’asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit sans motif légitime de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 85 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Detcheverry, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 233 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 461 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié.
M. François Fortassin. En ajoutant un nouveau cas justifiant l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire, cet article restreint encore la possibilité pour le demandeur d’asile d’obtenir une autorisation provisoire de séjour.
Selon le droit en vigueur, il revient à l’administration de démontrer que la dissimulation constitue une fraude délibérée. Or cet article inverse en quelque sorte la charge de la preuve, puisque, par exemple, la fraude pour dissimulation d’informations concernant l’identité devient la norme, à charge pour le demandeur d’asile d’apporter la justification que cette dissimulation répond à des motivations légitimes.
Songez aux personnes persécutées dans leur pays, qui, pour des raisons de sécurité, sont obligées de dissimuler leur véritable identité ! En outre, les délais particuliers de procédure ainsi que la complexité de cette dernière alourdiront les obligations du demandeur d’asile, au risque d’affaiblir sa demande.
J’ajoute que la procédure prioritaire est en elle-même une réelle restriction des droits des demandeurs d’asile qu’il conviendra de réaménager dans un sens plus respectueux du principe du contradictoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 233.
Mme Mireille Schurch. Madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 236 rectifié.
Cette disposition résulte d’une décision du Conseil d’État, qui a qualifié de frauduleuse la demande d’une personne dont les empreintes dactyloscopiques n’ont pu être relevées dans le cadre du système EURODAC, en application du règlement Dublin II.
Cette réforme intervient surtout dans un contexte où la gestion expéditive des demandes d’asile ne cesse d’augmenter. Désormais, plus de la moitié des demandes examinées selon la procédure prioritaire sont des premières demandes d’asile.
Dans ce contexte d’absence de contrôle réel et efficace du recours à la procédure prioritaire et compte tenu de l’intérêt qu’elle représente pour le Gouvernement d’un point de vue budgétaire, les craintes de dérives sont bien réelles.
L’application de la procédure prioritaire prive en effet le demandeur d’une instruction effective de sa requête, sans possibilité de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile, tout en le contraignant, lorsqu’il n’est pas mis en rétention administrative, à vivre dans des conditions de grande précarité avec des droits sociaux et économiques fortement minorés.
La nouvelle précision comporte, d’une part, un élément matériel, à savoir la fourniture de fausses indications, la dissimulation d’informations concernant l’identité, la nationalité, les modalités d’entrée sur le territoire, et, d’autre part, un élément intentionnel, à savoir la volonté d’induire en erreur les autorités.
Dans cette nouvelle hypothèse de refus d’admission au séjour, le préfet devra donc démontrer qu’il a en sa possession des indications et des informations permettant d’établir que les déclarations de l’intéressé sont erronées ou avaient été dissimulées et que la personne avait réellement l’intention d’induire en erreur l’administration.
Avec la mise en œuvre de ce nouveau mécanisme, le demandeur sera exposé, dès ses premières démarches, à un service public préfectoral guidé par une logique de contrôle, alors qu’il a en général fui des persécutions ou a pu subir des actes de tortures ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants d’agents étatiques sans être protégé en raison de la défaillance des autorités du pays d’où il vient.
Or, dans une situation d’extrême vulnérabilité, psychologiquement fragilisé, le demandeur a souvent perdu toute confiance dans ce qui, à ses yeux, ressemble à l’autorité. Il peut, dans un premier temps, ne pas vouloir ou ne pas pouvoir révéler des informations au stade de son admission au séjour, alors que ses craintes de persécution en cas de retour sont fondées.
Par ailleurs, du fait d’un usage de la procédure prioritaire par les services préfectoraux, non réglementé en pratique mais régulièrement dénoncé par les associations, il est à craindre que l’invocation de cette nouvelle disposition ne devienne trop systématique, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour d’autres motifs légaux de refus d’autorisation de séjour provisoire.
Ainsi, par exemple, une personne pourrait-elle être soumise à la procédure prioritaire sur ce fondement lorsqu’elle se déclarera sous son identité réelle aux services d’une préfecture, mais que le fichage EURODAC révélera une identité différente, et donc fausse, fournie précédemment dans un autre État membre.
Il est à craindre que, dans le doute, les services préfectoraux préfèrent appliquer ce motif de refus d’admission au séjour et arguent de l’impossibilité de déterminer l’identité réelle de la personne.
C’est la raison pour laquelle nous demandons non seulement la suppression de cet article, mais aussi la suppression de la présomption de recours abusif prévue par le 4° de l’article L. 741-4.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 461.
M. Jean-Pierre Sueur. La France est très profondément attachée au respect du droit d’asile. Accueillir les personnes persécutées, martyrisées dans leur pays, quel que soit celui-ci, fait partie de l’identité de notre pays.
Tout le monde l’aura compris, M. Fortassin et Mme Schurch ont d’ailleurs été extrêmement précis sur ce point, l’article 75 vise indirectement à élargir l’application de la procédure prioritaire. Or cette procédure accélérée prive les candidats à l’asile de tout titre provisoire de séjour et autorise l’administration à les expulser avant même l’examen par la Cour nationale du droit d’asile de la décision de rejet de la demande d’asile.
Je sais, monsieur le rapporteur, que la procédure prioritaire a été validée par le Conseil constitutionnel. Il n’empêche qu’il s’agit d’une procédure expéditive, qui se traduit par l’absence de recours suspensif pour les personnes invoquant des risques de persécution en cas de renvoi dans leur pays.
Pour nous, cette mesure n’est pas satisfaisante. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel devra prochainement dire si l’absence de recours suspensif devant la CNDA est conforme à l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Hier, la Cour de cassation a en effet décidé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas sur ce sujet !
M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur a proposé d’exclure du dispositif prévu à l’article 75 les personnes qui dissimulent les éléments sur leur identité ou les modalités de leur entrée en France pour des motifs légitimes. Mais, vous le savez bien, des étrangers peuvent faire l’objet de menaces de la part de passeurs et peuvent ne pas dire la vérité précisément à cause de ces menaces. Voilà pourquoi nous demandons que les règles générales du droit s’appliquent et qu’un recours suspensif puisse être possible.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il serait sage de supprimer cet article. Les procédures expéditives ne présentent en effet pas les garanties nécessaires par rapport à un principe aussi important que celui du droit d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Stricto sensu, l’article 75 du projet de loi n’étend pas le champ des hypothèses justifiant l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire, mais il précise la notion de « demande d’asile reposant sur une fraude délibérée », notion qui figure déjà à l’article L. 741-4 du CESEDA.
Son objet est de prévenir les pratiques de certains demandeurs d’asile tendant à altérer leurs empreintes digitales afin d’empêcher leur identification par le dispositif EURODAC ou à taire sciemment certains éléments de leur parcours tels que des séjours antérieurs dans d’autres États membres de l’Union européenne. De telles pratiques sont déjà sanctionnées par le juge administratif. L’article 75 du projet de loi permettra d’unifier la pratique des préfectures en la matière.
La commission des lois a toutefois souhaité réserver l’hypothèse où l’altération des empreintes ou le silence sur certains éléments du parcours relèverait d’un « motif légitime », par exemple lorsque la sécurité du demandeur d’asile est menacée. Sur ce point, il me semble que le projet de loi est parvenu à un bon équilibre.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements de suppression. En effet, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, l’article 75 est nécessaire.
Je précise simplement que l’application de cette disposition est encadrée. L’utilisation de la procédure prioritaire n’est pas automatique et résulte d’un examen individuel. Cette procédure ne sera d’ailleurs utilisée que si l’étranger dissimule délibérément des informations dans le but de tromper les autorités françaises.
J’ai entendu parler à plusieurs reprises de « procédure expéditive ». Je rappelle que le traitement d’une demande d’asile devant l’OFPRA est actuellement de 145 jours et de 445 jours devant la CNDA. Le projet de loi prévoit donc de permettre de consacrer plus de temps aux demandes qui ne sont pas abusives et de réduire globalement les délais.
Cette disposition ne prive nullement les personnes ni du droit à demander l’asile ni du droit à obtenir une protection, mais elle se limite à aménager les modalités procédurales d’examen de leur demande d’asile en la soumettant à la procédure prioritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très surpris par votre déclaration, madame la ministre.
Vous nous expliquez qu’il existe deux procédures, l’une rapide et l’autre plus longue, et qu’il vaut mieux consacrer plus de temps aux demandes qui ne sont pas abusives.
Mais, en ce jour où de nombreux magistrats sont inquiets,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça y est !
M. Jean-Pierre Sueur. … peut-être serait-il plus sage de ne pas faire de nouvelles déclarations qui posent problèmes. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, si vous n’êtes pas d’accord, …
Mme Catherine Procaccia et M. Alain Gournac. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. … dites-nous pourquoi !
Si Mme la ministre dit qu’il faut accorder plus de temps aux demandes qui ne sont pas abusives qu’aux demandes abusives, cela signifie que, dès le départ, elle sait que certaines demandes sont abusives. Or quel est justement l’objet de la procédure ? Il est précisément de déterminer si la demande est abusive ou non. C’est d’une totale évidence !
Madame la ministre, si vous dites que, a priori, certaines demandes d’asile sont abusives, contrairement à d’autres, et qu’elles doivent être examinées rapidement, cela signifie que vous les jugez avant même le début de la procédure.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais bien sûr que si ! Mon cher collègue, si vous n’êtes pas d’accord avec moi, expliquez-moi pourquoi. Je serais très heureux de vous entendre.
Madame la ministre, cette déclaration étant particulièrement maladroite, j’espère que vous aurez à cœur de la rectifier !
Je le répète : si l’on considère dès le départ que certaines demandes sont abusives, cela signifie qu’on les a jugées avant de les examiner.
M. François Trucy. On les a appréciées !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, alors que l’objet de la procédure est de savoir si une demande d’asile est pertinente, recevable ou abusive, si on dit dès le départ que la procédure accélérée est nécessaire, cela signifie que la demande est déclarée abusive avant même d’avoir été examinée.
M. Christian Cointat. Sophisme !
M. Jean-Pierre Sueur. Il me semble qu’un membre du Gouvernement ne peut pas déclarer que certaines demandes d’asile sont, a priori, avant même leur examen, abusives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 85 rectifié, 233 et 461.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 482 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles L. 741-4, L. 742-2, L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, j’aurais aimé que vous me fassiez l’honneur de me répondre et je regrette que ce ne soit pas le cas.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont consacré le principe de l’admission au séjour des demandeurs d’asile jusqu’à la décision de la Cour nationale du droit d’asile.
Quatre exceptions à ce principe sont prévues par l’article L.741-4 du CESEDA. Il s’agit, premièrement, des personnes dont la demande d’asile relève de la compétence d’un autre état membre de l’Union européenne en application du règlement Dublin II ; deuxièmement, des personnes originaires d’un pays considéré comme « sûr » ; troisièmement, des personnes qui représentent une menace grave pour la société ; quatrièmement, des personnes dont la demande reposerait sur une fraude délibérée. Cela fait au total beaucoup de monde !
Or les personnes relevant de ces quatre exceptions voient leur demande d’asile examinée selon la procédure dite « prioritaire », c’est-à-dire qu’elles ne bénéficient pas d’un droit au séjour, que l’OFPRA statue de manière accélérée sur leur cas et surtout que le recours devant la CNDA n’a pas aujourd'hui d’effet suspensif. L’étranger peut donc être reconduit à la frontière dès que la décision de rejet de l’OFPRA lui a été notifiée ! Je tiens à souligner que, pour l’année 2010, la procédure prioritaire a concerné un quart des demandes.
Par cet amendement, nous proposons de garantir à tous les demandeurs d’asile un titre de séjour, le droit à un recours effectif et le bénéfice des conditions matérielles d’accueil. À cette fin, nous réclamons donc la suppression des quatre exceptions de refus de séjour décrites à l’article L.741-4, car la procédure prioritaire est selon nous inéquitable et injuste. Elle ne garantit pas suffisamment le respect du droit d’asile, si fondamental pour la République française.
Mme la présidente. L'amendement n° 234, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 741-4 du même code est abrogé.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Nous estimons, à l’instar de nombreuses instances internationales et européennes, que la procédure dite « prioritaire » ne présente pas les garanties suffisantes et qu’elle ne tient pas compte de la particularité de la situation des demandeurs d’asile.
La Cour européenne des droits de l’homme est actuellement saisie de sept requêtes dirigées contre la France, chacune se fondant sur l’absence de recours systématiquement suspensif devant la CNDA, en violation des articles 3 et 13 de la Convention.
Lors de l’examen en mai 2010 du rapport périodique de la France, le Comité contre la torture des Nations unies a déclaré qu’il n’était « pas convaincu que la procédure prioritaire offre des garanties suffisantes contre un éloignement emportant un risque de torture » et recommandait que la France mette en place un recours suspensif pour ces demandes.
Le Comité des droits de l’homme a considéré en 2008 que la France devrait veiller à ce que la décision de renvoyer un étranger, y compris un demandeur d’asile, soit prise à l’issue d’une procédure équitable qui permette d’exclure effectivement tout risque réel de violations graves des droits de l’homme dont l’intéressé pourrait être victime à son retour, tout en s’assurant qu’il puisse exercer un droit de recours avec effet suspensif.
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a considéré en 2006 que cette procédure était « loin d’offrir les mêmes garanties que la demande d’asile de droit commun » et qu’elle ne laissait « qu’une chance infime aux demandeurs ».
L’Agence des Nations unies pour les réfugiés a pour sa part affirmé que « la procédure prioritaire ne présente pas toutes les garanties requises pour assurer un respect effectif du principe de non-refoulement ».
Enfin, la Cour de cassation a déposé une question préalable de constitutionnalité sur l’absence de recours suspensif en procédure prioritaire, sur laquelle les Sages ne se sont pas encore prononcés.
Compte tenu des condamnations dont cette procédure fait l’objet et alors que les préfectures en font un usage abusif et systématique afin d’atteindre les objectifs chiffrés de reconduite à la frontière du Gouvernement, nous demandons la suppression de l’article L. 741-4 du CESEDA.
Mme la présidente. L'amendement n° 459 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article L. 741-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-4. - Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission au séjour en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres États.
« Les dispositions du présent article ne font pas obstacles au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait dans ce cas. »
II. - L'article L. 742-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 742-2. - Lorsqu'il apparaît, postérieurement à son admission au titre de l'asile, que l'étranger se trouve dans le cas prévu à l'article L. 741-4, le document provisoire de séjour peut être retiré ou son renouvellement refusé. »
III. - L'article L. 742-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 742-4. - Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour le motif mentionné à l'article L. 741-1, l'intéressé n'est pas recevable à saisir la Cour nationale du droit d'asile. »
IV. - Au second alinéa de l'article L. 723-1 du même code, après les mots : « a été refusé ou retiré pour », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « le motif mentionné à l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour ce motif le renouvellement de ce document. »
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Mon intervention sera complémentaire de celle de Jean-Pierre Sueur.
Depuis 1993, les quatre exceptions au principe du droit au séjour pour les demandeurs d’asile prévues par l’article L. 741-4 du CESEDA n’ont cessé de prendre de l’ampleur. En 2010, environ un quart des demandes d’asile ont été examinées selon les modalités prévues par la procédure dite « prioritaire ».
Or cette procédure, qui devrait d’ailleurs plutôt être appelée procédure « accélérée », est profondément injuste et véritablement inéquitable. Le demandeur d’asile placé en procédure prioritaire ne bénéficie pas d’un droit au séjour, mais surtout, et j’insiste sur ce point, il peut être reconduit à la frontière dès que la décision de rejet de sa demande par l’OFPRA lui a été notifiée, car le recours devant la CNDA n’a pas d’effet suspensif. De plus, ce demandeur d’asile n’a pas accès aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile, ses droits sociaux et économiques sont minorés.
En conséquence, nous demandons qu’un minimum de personnes soient concernées par cette procédure prioritaire afin de garantir au mieux le respect du droit d’asile. Par ailleurs, nous proposons qu’elle ne s’applique qu’aux personnes relevant du règlement Dublin II.
Cet amendement vise donc à réserver les décisions de refus d’admission au séjour provisoire aux situations dans lesquelles la France n’est pas responsable de l’examen d’une demande d’asile qui lui est présentée, cette dernière relevant de la responsabilité d’un autre État membre de l’Union européenne.
Mme la présidente. L'amendement n° 235 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 741-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-4. - Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission au séjour en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement vise à reprendre les dispositions du règlement CE n° 343/2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.
Ces dispositions ne font pas obstacle au droit souverain de l’État d’accorder l’asile à toute personne qui se trouverait dans ce cas.
Je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme la présidente. Les amendements nos 86 rectifié, 236 rectifié et 460 sont identiques.
L'amendement n° 86 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 236 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 460 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 86 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement a pour objet d’abroger le refus de séjour, lequel est pour nous constitutif d’une exception au principe de l’admission au séjour des demandeurs d’asile, jusqu’à la décision de la Cour nationale du droit d’asile, principe consacré à la fois par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État.
Des exceptions, aujourd’hui au nombre de quatre, ont été introduites depuis 1993 dans notre droit. Elles aboutissent à ce qu’un tiers des demandeurs soient aujourd’hui placés sous le régime de la procédure dite « Dublin II » ou de la procédure prioritaire.
Or le droit à un recours effectif, que nombre d’entre nous n’ont cessé de défendre tout au long de nos débats, exige que soit mis fin à ce traitement inéquitable en abrogeant le refus de séjour.
De plus, ce dispositif donne lieu à une application extrêmement hétérogène sur l’ensemble du territoire, ce qui renforce le caractère tout à fait inégalitaire de la procédure.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons l’abrogation de l’article L. 741-4 du CESEDA.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 236 rectifié.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l'amendement n° 460.
M. Ronan Kerdraon. L’article L. 741-4 du CESEDA énonce les conditions dans lesquelles l’admission en France d’un étranger demandant à bénéficier de l’asile peut être refusée. Il s’agit de refuser l’accès au territoire avant même que l’étranger n’ait déposé sa demande.
Le 4° de cet article prévoit que l’admission en France du demandeur d’asile peut être refusée dans trois circonstances : lorsque sa demande repose sur une fraude délibérée – ce qui est normal –, lorsqu’elle constitue un recours abusif aux procédures d’asile, lorsqu’elle n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente.
Nous proposons de supprimer le 4° de l’article L. 741-4 du CESEDA.
En effet, lors de son admission en France pour déposer une demande d’asile, l’étranger est exposé, dès sa première démarche, aux services préfectoraux, lesquels sont guidés par une logique de contrôle.
Or cette personne a peut-être fui des persécutions ou subi des actes de tortures ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants par des agents de l’État dans son pays d’origine. Dans une situation d’extrême vulnérabilité et alors qu’il est psychologiquement fragilisé, le demandeur a souvent perdu toute confiance dans ceux qui, à ses yeux, représentent l’autorité. Il peut, dans un premier temps, au stade de son admission au séjour, ne pas vouloir ou ne pas pouvoir révéler des informations alors que ses craintes de persécution en cas de retour sont fondées.
Cet amendement vise à ce que les motifs de « fraude délibérée », de « recours abusif » ou de « demande d’asile présentée en vue de faire échec à une mesure d’éloignement » ne puissent plus être invoqués par le préfet pour refuser l’admission en France d’un étranger au titre de l’asile.
(M. Guy Fischer remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. Les amendements nos 16 et 238 rectifié bis sont identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
L'amendement n° 238 rectifié bis est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 741-4 du même code est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du 2° est ainsi rédigée :
« Un pays est considéré comme tel lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture ni à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison de violences dans des situations de conflit armé international ou interne. »
2° Le 4° est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, ne peut être considérée comme un recours abusif ou frauduleux, la demande d'asile présentée par un étranger qui invoque des circonstances susceptibles de lui permettre de se voir reconnaître, le cas échéant, la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 16.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un amendement de repli.
Si l’article 75 n’est pas supprimé, au moins sa rédaction devrait permettre la transposition, à l’article L 741-4 du CESEDA, des critères de l’annexe II de la directive européenne 2005/85/CE permettant de fixer la liste des pays d’origine sûrs. Cette liste, vous le savez, mes chers collègues, pose de nombreux problèmes. Elle n’existe pas à l’échelon européen. En outre, les critères sont différents d’un pays à l’autre.
Cette circulaire devait faire l’objet d’une transposition avant le 1er décembre 2007. Nous avons déjà plus de trois ans de retard.
La définition actuellement donnée par la loi ne prend en compte que certains éléments. Ainsi, elle ne prend pas en compte des éléments tels que l’existence d’un conflit armé ou d’une guerre civile. Cela pose un problème.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, il s’agit de circonscrire l’application de la notion de recours frauduleux ou abusif aux seules demandes manifestement dilatoires. Si l’intéressé invoque les éléments permettant de le rattacher à une demande d’asile, il doit être, dans l’attente de l’examen de sa nouvelle demande d’asile, admis au séjour.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 238 rectifié bis.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit également d’un amendement de repli par lequel nous souhaitons préciser la notion de « pays sûr ». Il semble impératif de modifier les termes de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et d’introduire dans la loi les critères de l’annexe II de la directive 2005/85/CE – afin de fixer la liste des pays d’origine sûrs – qui aurait dû être transposée avant le 1er décembre 2007.
La définition donnée par la loi ne prend pas en compte certains éléments tels que, comme cela a été dit, l’existence d’un conflit armé.
De surcroît, la jurisprudence du Conseil d’État rappelle qu’il faudrait circonscrire l’application de la notion de recours frauduleux ou abusif aux seules demandes manifestement dilatoires. Si l’intéressé invoque les éléments permettant de le rattacher à une demande d’asile, il doit être admis au séjour.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Les amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis sont identiques.
L'amendement n° 237 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 477 rectifié bis est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mmes Tasca, Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Après le mot : « office », la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 722-1 est supprimée ;
2° À la première phrase du 2° de l'article L. 741-4, après le mot : « susmentionnée », la fin de la phrase est supprimée.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 237 rectifié.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement n’entre pas en contradiction avec le précédent. Il vise simplement à démontrer que la liste des pays d’origine sûrs devrait être supprimée.
En effet, la présence d’un État sur la liste des pays d’origine sûrs exclut ses ressortissants d’un certain nombre de droits et, surtout, autorise leur renvoi dans leur pays avant même que la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, ait statué sur leur requête. La décision du Conseil d’État du 23 juillet 2010, qui a conduit au retrait de cette liste de l’Arménie, de Madagascar, de la Turquie et, pour les ressortissants de sexe féminin, du Mali, montre toute la difficulté de l’établissement d’une telle liste. Aucun accord communautaire n’a d’ailleurs été possible sur les pays devant être retenus.
Cette liste empêche un grand nombre de ressortissants de ces pays d’être reconnus réfugiés ou de bénéficier de la protection « subsidiaire » car, aujourd’hui, beaucoup de leurs demandes sont rejetées en première instance par l’office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et acceptées seulement au niveau du recours par la Cour nationale du droit d’asile
Ils estiment ainsi que ce principe est contraire au principe de non-discrimination en raison du pays d’origine, et permet de tirer d’une situation générale prévalant dans un État des conséquences qui s’imposent à des situations individuelles.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cette liste.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour défendre L'amendement n° 477 rectifié bis.
M. Ronan Kerdraon. Depuis la loi du 10 décembre 2003, le préfet peut refuser d’admettre au séjour des étrangers originaires d’un pays estimé sûr.
En vertu de l’alinéa 2° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un pays est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Or, la liste des pays d’origine sûrs, établie à partir des critères précités, est profondément insatisfaisante. Cela a été précédemment rappelé par ma collègue. Pour cette raison, depuis son arrêt du 13 février 2008, le Conseil d’État accepte de contrôler la légalité interne de cette liste.
Dans un récent arrêt du 23 juillet 2010, le Conseil d’État a franchi une étape supplémentaire en invalidant la présence du Mali, de Madagascar, de l’Arménie et de la Turquie dans cette liste. La fréquence des pratiques d’excision, la persécution des opposants au régime ou encore l’instabilité politique et sociale interne de ces États ont été autant de raisons invoquées par la plus haute juridiction administrative.
Aujourd’hui encore, il est possible de s’interroger sur la cohérence et le bien-fondé de cette liste. En effet, comment des pays pratiquant la peine de mort – le Bénin, la Tanzanie, la Mongolie ou le Ghana – peuvent-ils être considérés comme sûrs alors même qu’ils menacent la vie de leurs ressortissants ?
Nous sentons bien que cette liste n’a aucune légitimité en soi. D’ailleurs, à l’échelle communautaire, aucun accord sur l’élaboration d’une telle liste n’a été trouvé. Cette liste sert bien plus les intérêts diplomatiques de la France qu’elle ne protège les demandeurs d’asile. En effet, la « liste des pays d’origine sûrs » permet d’appliquer la procédure prioritaire au demandeur d’asile. Or, cette procédure est une entrave aux droits des demandeurs d’asile.
Dans cette hypothèse, les demandeurs ne bénéficient pas d’un droit au séjour et, s’ils peuvent saisir l’office français de protection des réfugiés et des apatrides, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’est pas suspensif.
Autrement dit, dès que l’OFPRA a notifié sa décision de rejet, l’étranger peut être expulsé.
En fait, nous percevons parfaitement la logique que sous-tend la liste des « pays d’origine sûrs » : elle permet d’accélérer les reconduites à la frontière, en déclenchant la procédure prioritaire.
Si le zèle du Gouvernement en la matière n’est plus à démontrer, il doit cependant être combattu avec acharnement quand les droits fondamentaux des demandeurs d’asile ne sont pas respectés et qu’il n’existe pas de garanties quant aux risques de persécutions et d’exactions à leur encontre.
Le Gouvernement fait preuve – il faut le dire – d’une hypocrisie honteuse en prétendant protéger la vie et les droits des demandeurs d’asile, tout en déclenchant la procédure prioritaire.
Ainsi, l’amendement que nous proposons vise à supprimer la liste des pays d’origine sûrs, par essence difficile à établir. Les demandeurs d’asile seront alors véritablement protégés, et leurs droits certainement mieux respectés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 482 rectifié et 234.
Par l’amendement n° 459 rectifié, est demandée la suppression des examens des demandes d’asile selon la procédure prioritaire, à l’exception toutefois de celles nécessaires à l’application du règlement Dublin II. La commission est défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 235 rectifié.
Les amendements nos 86 rectifié, 236 rectifié et 460 visent à supprimer les dispositions permettant d’examiner en procédure prioritaire une demande d’asile reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif aux procédures d’asile. La commission des lois rappelle qu’il est essentiel de conserver ce cas d’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire, afin d’empêcher que des demandes manifestement dilatoires ne fassent échec à l’exécution d’une procédure d’éloignement. La commission est donc défavorable à ces amendements.
Les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis proposent, d’une part, d’introduire dans notre droit la définition de la notion de pays d’origine sûr retenue par le droit communautaire, et, d’autre part, d’exclure du champ de la procédure prioritaire les demandes entrant dans le champ de la convention de Genève ou de la protection subsidiaire.
La commission des lois est favorable au 1° de ces amendements, qui introduirait dans notre droit la définition du concept de pays sûr qui figure dans la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005. Cette définition paraît en effet plus explicite que celle qui figure à l’article L. 741-4 du code des étrangers. En particulier, en visant la notion de « peines ou traitements inhumains ou dégradants », elle permet de prendre explicitement en compte les mauvais traitements tels que l’excision ou les mariages forcés.
La commission des lois est en revanche plus réservée sur le 2° de ces amendements. Si elle en comprend bien la logique, elle craint toutefois qu’il n’empêche de placer en procédure prioritaire les étrangers qui sollicitent l’asile de façon manifestement dilatoire, quelques heures avant l’exécution de leur reconduite à la frontière, par exemple. Or, même si les demandes formulées dans de telles circonstances comportent des moyens valables, elles n’en sont pas moins dilatoires.
En tout état de cause, je rappelle que l’examen d’une demande d’asile selon la procédure prioritaire ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA entende le demandeur. Les délais d’examen sont toutefois réduits. Néanmoins, le demandeur en procédure prioritaire ne peut pas être éloigné tant que l’OFPRA ne s’est pas prononcé sur sa demande, conformément aux principes posés par le Conseil constitutionnel.
La commission est par conséquent favorable aux 1° des amendements nos 238 rectifié bis et 16, et défavorable aux 2° de ces mêmes amendements.
M. le président. Permettez-moi de vous interrompre, monsieur le rapporteur, pour faire remarquer qu’il sera opportun de mettre aux voix ces amendements par division.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ajouterai, monsieur le président, que, si le 1° de ces amendements est adopté, il devra compléter l’article 75 du projet de loi, et non s’y substituer.
Enfin, la commission des lois est défavorable aux amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis. En effet, ces amendements proposent de supprimer les dispositions du code des étrangers relatives à la notion de pays d’origine sûr.
La notion de pays d’origine sûr est issue du droit communautaire. Le protocole annexé au traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 prohibe en principe les demandes d’asile entre États membres de l’Union européenne. Selon la directive du 29 avril 2004, un pays est considéré comme sûr s’il veille au respect des principes de liberté, de démocratie et d’état de droit, ainsi qu’au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 23 de la directive du 1er décembre 2005 permet d’examiner les demandes présentées par les ressortissants de ces pays selon la procédure prioritaire.
Je ferai toutefois trois remarques.
Tout d’abord, cette notion de pays sûr n’induit qu’une présomption de sécurité et ne fait pas obstacle, évidemment, à une reconnaissance de la qualité de réfugié par l’OFPRA ou la Cour nationale du droit d’asile.
Par ailleurs, la liste des pays sûrs est établie par le conseil d’administration de l’OFPRA sous le contrôle du juge administratif, qui, comme le relèvent les auteurs de l’amendement, examine attentivement si les conditions sont réunies.
Enfin, et en toutes hypothèses, un demandeur d’asile ressortissant d’un pays d’origine sûr ne peut pas être éloigné avant que l’OFPRA ne se soit prononcé sur sa demande, je l’ai déjà expliqué.
L’utilisation de cette notion est donc entourée de nombreuses garanties.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 482 rectifié, 234, 459 rectifié, 235 rectifié, 86 rectifié, 236 rectifié et 460. En effet, ces amendements visent à supprimer la procédure prioritaire. Le Gouvernement considère justement que la procédure prévue par la loi assure un juste équilibre entre les exigences du droit d’asile et la nécessité de parer aux demandes d’asile manifestement étrangères à une problématique de protection.
S’agissant des amendements nos 16 et 238 rectifié bis, le Gouvernement souhaite le maintien de la rédaction initiale de l’article. En l'occurrence, il ne suit donc pas l’avis de la commission. En effet, le Gouvernement considère que la définition d’un pays d’origine sûr est déjà donnée par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qu’il n’est aucunement nécessaire de modifier cette définition, et ce d’autant que cette définition est conforme au droit communautaire, notamment à la directive du 1er décembre 2005.
S’agissant des amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis, qui visent à supprimer la liste des pays d’origine sûrs, le Gouvernement considère que leur objet n’est pas acceptable. Il souhaite en effet conserver cette liste et appliquer aux ressortissants des pays d’origine sûrs la procédure prioritaire. Ce dispositif, jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, est autorisé par le droit communautaire. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 86 rectifié, 236 rectifié et 460.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous prenons acte de la position de M. le rapporteur, qui est favorable au 1° de ces deux amendements identiques.
Pour autant, le 2° de ces deux amendements, qui tend à compléter le 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, nous paraît également important.
En effet, il s’agit de préciser que l’examen individuel pourra être pris en compte de manière sérieuse et bénéficier à un certain nombre de personnes issues de pays considérés comme « sûrs ».
De mon point de vue, il serait regrettable que notre beau pays de France n’offre l’asile qu’à des personnes venant de pays non sûrs.
En effet, les critères de définition des « pays sûrs » ne sont pas toujours adaptés aux exigences du droit d’asile. Par exemple, au temps du maccarthysme, nous nous sommes enorgueillis d’accueillir nombre d’artistes, d’écrivains ou de cinéastes américains ; les États-Unis étaient pourtant considérés comme un pays sûr ! De même, le Royaume-Uni devait probablement considérer la France comme un pays sûr lorsque Victor Hugo s’est exilé à Jersey… Gardons cela en tête lorsque nous discutons des pays sûrs et non sûrs !
À mon sens, le droit d’asile doit faire l’objet d’un examen individuel. Sinon, pourraient être placées dans la même catégorie des personnes qui ne pourraient pas prétendre au droit d’asile, alors qu’elles essaieraient d’en bénéficier par un biais quelconque, et d’autres qui demanderaient l’asile parce que dans leur pays elles se verraient empêchés d’exercer leur métier. Jusqu’à une période très récente, nombre d’avocats ou d’enseignants tunisiens ne pouvaient pas exercer leur profession parce qu’ils étaient opposants. Pourtant, le gouvernement français considérait la Tunisie comme un pays sûr. Il faut donc faire attention à certaines qualifications.
Par ailleurs, je constate que les pays européens n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une liste. C’est la méthode qui a été retenue, mais nous devrions peut-être y réfléchir.
Le 2° des deux amendements identiques vise à préciser que « ne peut être considérée comme un recours abusif ou frauduleux, la demande d’asile présentée par un étranger qui invoque des circonstances susceptibles de lui permettre de se voir reconnaître, le cas échéant, la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire. » Cela a le mérite de clarifier les choses !
Ainsi, un individu empêché d’exercer son activité professionnelle dans un pays considéré chez nous comme « sûr » aurait tout de même la possibilité d’aller travailler ailleurs. N’oublions pas qu’il y a aussi des ouvriers qui sont dans cette situation.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Certes, la commission pense que la définition de « pays d’origine sûr » doit faire l’objet de précisions, conformément à l’évolution du droit. Mais c’est extrêmement subtil.
Or, madame Borvo Cohen-Seat, le dispositif que Mme Boumediene-Thiery et vous proposez au 2° de vos amendements respectifs revient à détruire la procédure prioritaire. Vous cherchez à revenir à ce que vous avez défendu auparavant, ce qui est d’ailleurs logique. Vos amendements sont extrêmement bien construits, mais on ne peut pas les adopter dans leur intégralité sous peine de remettre en cause la procédure prioritaire.
C’est pourquoi la commission souhaite un vote par division, monsieur le président. Nous sommes d'accord pour modifier la définition du pays d’origine sûr, mais pas pour adopter le 2° des deux amendements identiques et détruire la procédure prioritaire. J’espère que c’est bien clair dans l’esprit de nos collègues.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souscris aux arguments qui ont été avancés par Mme Borvo Cohen-Seat.
Toutefois, je prends acte de la proposition qui nous a été adressée. Même si la mesure que nous proposons au 2° de nos deux amendements identiques me semble également importante, l’adoption du 1° dans le cadre d’un vote par division serait déjà une première étape positive.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Voilà une femme pragmatique !
M. le président. Je rappelle que la commission a souhaité qu’il soit procédé à un vote par division sur les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Je mets aux voix le 1° des amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
(Ce texte est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le 2° des amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis.
(Ce texte n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 238 rectifié bis, modifiés, qui tendent désormais à compléter l’article 75 en s’insérant avant le premier alinéa.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 237 rectifié et 477 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 75, modifié.
(L'article 75 est adopté.)
Article 75 bis A
(Non modifié)
Au I de l’article 6 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, après le mot : « étrangères », sont insérés les mots : «, du ministre chargé de l’immigration ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Kergueris et Duvernois.
L'amendement n° 92 est présenté par MM. Arthuis et Gouteyron.
L'amendement n° 464 est présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Louis Duvernois, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Louis Duvernois. Alors que la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État a prévu une double tutelle du ministre des affaires étrangères et européennes et du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le nouvel établissement public Campus France, cet article, issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, vise à modifier le texte voté par le Parlement l'été dernier, en ajoutant la tutelle du ministre chargé de l'immigration sur cet établissement, ce qui aboutirait à une triple tutelle.
La multiplicité des tutelles est par principe à proscrire, afin de simplifier les relations de l’établissement public avec l’État et de renforcer son pilotage stratégique.
La question de la tutelle sur le nouvel établissement public Campus France avait été longuement étudiée au sein de la commission des affaires étrangères, saisie au fond, et de la commission de la culture, saisie pour avis, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État. Les deux commissions sénatoriales avaient estimé qu'une tutelle partagée entre trois ministères ne serait pas gage d'efficacité et pourrait contribuer à un déficit de pilotage stratégique sur le nouvel opérateur.
Suivant cette logique, il me semble souhaitable, dans un souci de clarté et d’efficacité, de limiter les ministères de tutelle aux deux ministères directement et significativement impliqués dans la définition des orientations stratégiques, la gouvernance et le financement de l’établissement.
En outre, les compétences du ministère de l’intérieur en matière de visas ne sauraient à elles seules constituer une raison valable de lui conférer la tutelle de l’établissement.
En effet, une proportion importante des étudiants étrangers en France, notamment les étudiants originaires de l'espace Schengen, échappent à la procédure des visas, qui n'est pas en vigueur avec leur pays d'origine.
Mes chers collègues, je vous propose donc, par cet amendement, de supprimer la tutelle du ministère de l’intérieur sur Campus France et de revenir aux dispositions que nous avions adoptées au mois de juillet 2010 dans un climat consensuel.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l'amendement n° 92.
M. Jean Arthuis. Louis Duvernois vient d’exposer l’objet de son amendement, qui est identique au nôtre.
Mes chers collègues, Adrien Gouteyron et moi nous sommes interrogés sur l’opportunité d’inscrire une disposition confiant la tutelle de Campus France au ministère de l’intérieur, chargé de l’immigration, dans un projet de loi relatif à l’immigration.
Je parle sous le contrôle de M. le rapporteur, ainsi que du président et des membres de la commission des lois : nous sommes, me semble-t-il, à la limite du cavalier législatif.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! C’est un véritable cavalier !
M. Jean Arthuis. Adrien Gouteyron et moi-même avons déposé cet amendement parce que, dans le cadre des travaux de contrôle de la commission des finances, nous avions sollicité de la Cour des comptes une enquête sur l’association Égide, qui était, je le rappelle, une des structures dont est issu Campus France.
À l’occasion de cette audition, nous nous étions interrogés sur l’opportunité de mettre en place une triple tutelle. Le débat que nous avons eu le 13 octobre 2010 était parfaitement clair : il fallait s’en tenir à la double tutelle issue de la loi de 2010.
Je ne reviendrai pas sur les arguments présentés par Louis Duvernois ; ils sont les nôtres.
En conséquence, nous demandons au Sénat de supprimer l’article 75 bis A.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 464.
M. Richard Yung. L’opérateur Campus France a été créé par la loi du 27 juillet 2010, soit il y a un peu plus de six mois. Cela montre de quelle façon nous travaillons…
M. Jean Arthuis. Quelle instabilité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est courant !
M. Richard Yung. Tout à fait !
Le Sénat, dans toute sa sagesse, a débattu longuement du problème de la tutelle au mois de juillet dernier. Or voilà que, six mois après, un « objet législatif non identifié » vient se « poser » sur ce texte ! C’est dire la mauvaise qualité de nos travaux et la mauvaise organisation du Gouvernement. Si nous travaillions moins et que nous faisions du travail de meilleure qualité, le pays s’en porterait mieux !
Cet amendement est un vrai cavalier législatif. Le député Jean-François Mancel, je ne sais pour quelle raison, s’est soucié de multiplier les tutelles de Campus France. Chacun sait qu’une tutelle, ça va, que deux tutelles, c’est plus difficile, mais que trois tutelles,…
M. Christian Cointat. Bonjour les dégâts !
M. Richard Yung. … c’est impossible ! Il n’est pas besoin d’avoir fait HEC pour le savoir !
Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été excellemment développés par mes collègues. Pour les mêmes raisons, mon groupe demande, lui aussi, la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Qu’il me soit permis de resituer un peu le contexte.
C’est lors de l’examen en première lecture du projet de loi que la commission des lois de l’Assemblée nationale, par la voix de Jean-Luc Warsmann, a introduit cette disposition pour placer la tutelle de Campus France sous l’autorité du ministère de l’immigration.
Cette proposition pourrait se justifier par le fait que le ministère de l’immigration est chargé de la politique d’entrée et de séjour, et de l’exercice d’une activité professionnelle. En l’occurrence, cette mission inclut les étudiants étrangers. Le ministère de l’immigration aura évidemment un rôle déterminant. C'est la raison pour laquelle cette proposition a été formulée.
Pour autant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je serai très bref puisque Mme la ministre s’en est remise à la sagesse du Sénat.
Néanmoins, je veux souligner combien il est important de ne pas multiplier les tutelles. Je suis tout à fait d’accord avec Richard Yung : avec une tutelle, on sait qui est responsable ; à partir de deux tutelles, la responsabilité commence à se déliter ; à trois tutelles, plus personne n’y comprend rien !
Instaurer plusieurs tutelles, c’est multiplier et diluer la responsabilité, mais c’est aussi accroître les blocages. Voilà pourquoi il convient d’éviter les multiplications.
Je voterai donc les amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 92 et 464.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
L'article 75 bis A est supprimé.
Article 75 bis
(Non modifié)
Les six premiers alinéas de l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La demande d’aide médicale de l’État est déposée auprès de l’organisme d’assurance maladie du lieu de résidence de l’intéressé. Cet organisme en assure l’instruction par délégation de l’État. »
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Je souhaite profiter de l’examen de l’article 75 bis pour condamner une nouvelle fois la remise en cause de l’aide médicale d’État, l’AME.
La création, par la loi de finances pour 2011, d’un droit d’entrée annuel par adulte bénéficiaire de l’AME est injuste, dangereuse et contreproductive, à la fois sur le plan médical et sur le plan financier.
Présentées comme des mesures d’économies – Sainte RGPP ! –, les restrictions d’accès à l’AME risquent de produire l’effet inverse, à savoir un alourdissement des dépenses. Cette crainte a d’ailleurs été récemment formulée par l’inspection générale des finances, l’IGF, et l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, au terme d’une enquête.
D’après cette enquête, la mise en place d’un droit d’entrée, censé rapporter 6 millions d’euros par an, risque de « conduire à de lourds effets pervers », sans avoir « d’effet de responsabilisation des assurés ».
Sans se prononcer directement sur le forfait de 30 euros, les inspecteurs de l’IGAS ont souligné que toute contribution, même modeste, dissuadera certains malades de se faire soigner, ce qui multipliera les « recours tardifs à l’hôpital, nettement plus coûteux ».
Si 10 % des malades retardent leur prise en charge, les dépenses de soins s’alourdiront de 20 millions d’euros, soit trois fois plus que les économies attendues !
Dans ces conditions, je regrette profondément que l’amendement n° 465, déposé par mon groupe, ait été déclaré irrecevable par la commission des finances en application de l’article 40 de la Constitution, sorte d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal ! C’était attendu !
M. Richard Yung. D’après le président de la commission des finances, la suppression du droit d’entrée aurait risqué d’étendre le champ des bénéficiaires de l’AME.
M. le président. L'amendement n° 240, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article vise à créer un guichet unique pour la demande d’aide médicale d’État, à savoir l’organisme d’assurance maladie, afin d’éviter les prétendues fraudes.
La demande d’aide médicale d’État destinée aux étrangers résidant depuis plus de trois mois en France et ayant des revenus inférieurs à 634 euros par mois peut, actuellement, être déposée auprès de quatre organismes : l’assurance maladie, le centre communal d’action sociale, les services sanitaires et sociaux du département, et les associations à but non lucratif agrées par le préfet.
Rappelons, cependant, qu’il s’agit simplement d’offrir une facilité d’accès géographique pour le dépôt de la demande. En effet, quel que soit l’organisme choisi, le dossier sera instruit par la caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM ! Ainsi, cet article augmentera les difficultés pour entrer dans le dispositif en réduisant considérablement le nombre de points de réception de dépôt des demandes.
Cette disposition est donc parfaitement inutile et repose sur un soupçon permanent et infondé de fraudes des étrangers.
En outre, M. Yung l’a souligné, l’aide médicale d’État a déjà fait l’objet de modifications dans le projet de loi de finances pour 2011.
La raison d’être de cet article se trouve dans le rapport de l’IGAS, qui avait pointé une forte hausse des dépenses d’AME en 2009, et dans la volonté de réduire le montant de celles-ci qui en avait résulté.
Dans cet esprit, la loi de finances pour 2011 a déjà créé un dispositif inadmissible de droit annuel d’entrée pour l’AME qui s’élève à 30 euros. C’est inacceptable au regard des droits des malades, en général, et de ceux des étrangers les plus démunis, en particulier.
C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est tout à fait favorable à la création d’un guichet unique pour l’aide médicale d’État. Elle est donc défavorable à l’amendement n° 240.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 75 bis.
(L'article 75 bis est adopté.)
Article 75 ter
L’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, le président de cette juridiction peut prévoir que la salle d’audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission avec une salle d’audience spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l’intéressé prévus par le premier alinéa. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à sa disposition. Si l’intéressé est assisté d’un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui. Ces opérations donnent lieu à l’établissement d’un procès-verbal dans chacune des salles d’audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. Le requérant qui refuse d’être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du deuxième alinéa. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 87 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 241 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 466 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 87 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement de suppression dépasse le simple cadre de ce projet de loi. Il est pour nous le moyen de signaler notre grande réticence à l’utilisation de la visioconférence dans l’exercice des droits de la défense.
Le recours aux moyens de communication audiovisuelle dans les enceintes judiciaires semble être la nouvelle panacée pour « moderniser » le procès. Ce problème avait déjà été soulevé lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI. Les arguments opposables à ce dispositif restent aujourd'hui les mêmes puisqu’ils touchent au principe même du procès équitable.
À l’instar du recours systématique à la vidéosurveillance, le développement du recours aux nouvelles techniques dans l’administration de la justice est inquiétant à partir du moment où l’on se refuse à tout recul objectif et à toute analyse rétrospective. Nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne nous avaient pourtant invités à engager une telle réflexion lors de l’examen de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.
Cet article touche une question essentielle au regard de l’impératif de protection de l’équilibre de la procédure et de la garantie des droits de la défense. Initialement, le dispositif devait être réservé aux requérants situés outre-mer, mais la commission, sur proposition du Gouvernement, en a étendu l’application à l’ensemble du territoire en l’assortissant, certes, de certaines garanties importantes que je tiens à saluer. Je me félicite, en particulier, du dernier paragraphe de l’article 75 ter aux termes duquel « le requérant qui refuse d’être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour ». C’est une garantie essentielle, mais nous savons que, dans la pratique, ce refus ne sera pas forcément vu favorablement et pourra entraîner des conséquences négatives pour le requérant.
L’arrêt Marcello Viola c/Italie de la Cour européenne des droits de l’homme du 5 octobre 2006 a posé pour principe que, « si la participation de l’accusé aux débats par vidéoconférence n’est pas en soi contraire à la Convention, il appartient à la Cour de s’assurer que son application dans chaque cas d’espèce poursuit un but légitime ».
À partir du moment où le recours aux nouvelles techniques est la norme, le contrôle du but légitime dans chaque espèce est sans objet.
Nous considérons que, lorsqu’il y a un débat en matière pénale, le contact, la vision par le juge quel qu’il soit, y compris au niveau de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de la personne qui risque d’être visée par une mesure contraignante et négative est absolument indispensable. Le recours à la visioconférence dans de tels cas doit être exceptionnel et motivé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 241.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article est une grave entrave à l’égalité de traitement de tous les étrangers demandeurs d’asile. Il introduit, en effet, la possibilité d’utiliser la visioconférence pour la tenue d’audiences de la Cour nationale du droit d’asile. À l’origine, l’article ne prévoyait cette possibilité que pour les demandeurs d’asile d’outre-mer, mais il est désormais question de l’étendre à tous les requérants : ceux de province n’ayant pas les moyens de se rendre en région parisienne et ceux dont les frais de transport ne sont pas pris en charge.
Si un tel dispositif semble se soucier de l’intérêt des demandeurs d’asile, puisqu’il permet à ces derniers de ne pas avoir à se déplacer à Montreuil-sous-Bois, siège de la CNDA, c’est pourtant loin d’être le cas. En effet, jusqu’alors, la Cour organisait des missions foraines dans les principaux territoires d’outre-mer accueillant des demandeurs d’asile : en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte.
La visioconférence aura pour conséquence la suppression de ces missions, suppression essentiellement motivée par la diminution des dépenses dont le coût se situe actuellement entre 33 000 euros et 44 000 euros par mission. Or, quel que soit son coût, la présence de la Cour est nécessaire : la visioconférence, encadrée de toutes les garanties que l’on peut imaginer, ne remplacera pas la véritable audience qui permet de réaliser une instruction, avec un véritable dialogue. Il s’agit d’un droit pour le requérant, d’une garantie qu’il ne faut en aucun cas lui ôter ; pourtant, l’adoption de cet article aboutira à ce résultat concernant les demandeurs se trouvant outre-mer qui, la possibilité de visioconférence existant, ne disposeront plus d’aucune solution de rechange.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 novembre 2003, avait d’ailleurs affirmé que le recours à la visioconférence devait être subordonné au consentement de l’étranger. Tel ne sera plus le cas outre-mer, car la visioconférence sera la seule solution proposée.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 466.
Mme Bariza Khiari. Les raisons justifiant la demande de suppression de l’article 75 ter ont été parfaitement exposées par mes collègues et je n’ai rien à ajouter. Je considère donc que mon amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 87 rectifié, 241 et 466. En effet, ces amendements vont à l’encontre de la position de la commission, qui a adopté un amendement du Gouvernement tendant, au contraire, à permettre à la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de recourir très largement à la visioconférence, et pas uniquement pour les requérants situés outre-mer.
En effet, le recours à la visioconférence permettra de faciliter l’accès à la CNDA aux requérants qui n’ont pas les moyens de se rendre en région parisienne ; ce point mérite, à mon sens, d’âtre souligné. Il favorisera également l’implication des avocats de province dans le contentieux de l’asile ; pour l’instant, ces avocats n’effectuent pas le déplacement devant la Cour pour défendre la cause de leur client.
La commission a toutefois apporté un certain nombre de garanties. En particulier, elle a précisé qu’un requérant qui refuserait d’être entendu par un tel procédé serait, de plein droit, convoqué à sa demande pour être entendu dans les locaux de la Cour ; il lui appartiendra ensuite de s’y rendre ou non.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Mon analyse est identique à celle de M. le rapporteur ; j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87 rectifié, 241 et 466.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 467, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
I. - Troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Si l’intéressé est assisté d’un conseil et, le cas échéant, d’un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès de lui ou bien dans les locaux de la Cour nationale du droit d’asile selon le choix de l’intéressé.
II. - Quatrième phrase
Remplacer les mots :
d’audience ou
par les mots :
d’audience et
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Je défends cet amendement à la demande de mes collègues de l’outre-mer, car ils y attachent une importance particulière.
Le principe de la visioconférence va s’appliquer aux audiences de la Cour nationale du droit d’asile : vous considérez donc que l’humanité de la justice passe davantage par la rapidité de la décision que par la relation entre le demandeur et les juges.
Deux points restent toutefois à prendre en compte dans le projet de loi qui nous est présenté. Le premier concerne la place des auxiliaires de justice lors de l’audience, le second le compte rendu de l’audience audiovisuelle.
Concernant le premier point, le projet de loi amendé place obligatoirement le conseil auprès du demandeur d’asile. La qualité des avocats de province ou d’outre-mer n’est pas mise en cause par cet amendement, qui tend avant tout à garantir la dignité et la responsabilité des demandeurs : quelle justice oblige l’intéressé à user d’une tactique de défense ?
Le demandeur d’asile, souvent assisté juridiquement et psychologiquement par une association, peut vouloir que son avocat se trouve auprès des juges et soit, ainsi, plus à même d’apprécier dans quelle atmosphère se déroulent les travaux de la Cour. Évidemment, le décret en Conseil d’État qui fixera les modalités d’application de cette mesure devra prévoir une disposition permettant à l’avocat de s’entretenir avec son client.
Il manque également une disposition concernant l’interprète. En effet, l’audition de nombreux demandeurs d’asile nécessite un interprète. Comme pour l’avocat, ce dernier doit pouvoir humaniser l’audience audiovisuelle par sa présence auprès du demandeur ou respecter la pudeur du réfugié en se trouvant du côté du juge. Il est par contre impensable de placer systématiquement l’interprète, qui est souvent le premier à recueillir le témoignage d’un parcours douloureux, du côté du juge, comme lors des audiences audiovisuelles de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, afin de limiter toute relation entre ces personnes partageant la même langue.
Je crois donc nécessaire que toutes les options soient ouvertes au demandeur d’asile concernant la présence de son avocat et de l’interprète, lorsque le recours à ce dernier s’avère nécessaire.
Le second point qui mérite d’être corrigé dans ce dispositif concerne le rapport de l’audience ou son enregistrement. Il est prévu que l’audience fasse l’objet soit d’un enregistrement sonore, soit d’un enregistrement audiovisuel, soit encore d’un compte rendu écrit par procès-verbal dans chacune des salles d’audience. Or les magistrats administratifs de la CNDA travaillent sur dossier. On ne peut laisser à la disposition du juge qu’un enregistrement pour reprendre le témoignage du demandeur. Le dossier, pour être complet, doit être facilement accessible. Il est évidemment plus simple de prendre connaissance d’un procès-verbal écrit que d’utiliser un enregistrement, analogique ou numérique.
Jean-Étienne Antoinette et tous nos collègues d’outre-mer demandent donc que ces modifications soient prises en compte, afin non d’améliorer ce dispositif, mais pour que soient au moins respectées les conditions d’accès du demandeur d’asile au juge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement qui vise à permettre à l’interprète d’être présent auprès de l’étranger, en cas d’audience réalisée par visioconférence, et à préciser que l’audience donne lieu à la rédaction d’un procès-verbal et d’un enregistrement, alors que le texte du projet de loi prévoit que le recours à l’un ou l’autre de ces procédés est suffisant. Cet amendement appelle trois observations.
Premièrement, l’assistance d’un interprète est déjà prévue par le droit en vigueur, il est donc inutile de le préciser de nouveau.
Deuxièmement, dans un souci d’efficacité, il est préférable de permettre à la Cour d’avoir recours aux interprètes présents dans ses locaux, plutôt qu’à des interprètes qui seraient recrutés en province ou outre-mer, dans des conditions qu’il conviendrait d’ailleurs de préciser.
Troisièmement, il ne paraît pas nécessaire d’établir à la fois un procès-verbal des audiences et un enregistrement audiovisuel ou sonore de celles-ci. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’en matière pénale le code de procédure pénale n’oblige pas de cumuler les deux modes de compte rendu.
En toute hypothèse, le demandeur aura accès à l’intégralité de son dossier avant l’audience, comme le spécifie le texte adopté par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 75 ter.
(L’article 75 ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 75 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 244 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L’amendement n° 469 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 75 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase de l’article L. 551-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous souhaitons étendre le délai dont disposent les étrangers placés en centre de rétention pour formuler une demande d’asile. Ce délai est actuellement de cinq jours, et nous proposons de le prolonger à dix jours, pour une raison très simple : une fois ces cinq jours passés, la demande d’asile n’est plus recevable. Or les conditions dans lesquelles les étrangers sont placés en centre de rétention administrative ne permettent pas toujours d’assurer au mieux la garantie de leurs droits, pas plus que leur application. Le surpeuplement et le trop faible nombre d’agents en poste ne permettent pas non plus d’assurer la diligence nécessaire à la notification des droits dans une langue compréhensible par chacun.
En outre, les étrangers se trouvent souvent dans des situations de détresse lors de leur placement en centre de rétention ; il est important de leur laisser un délai plus long pour exercer effectivement les droits qui leur sont garantis. Un délai de dix jours devrait permettre de rendre pleinement effectif l’exercice de ce droit.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 469.
Mme Alima Boumediene-Thiery. À son arrivée en centre de rétention, un étranger se voit notifier l’ensemble des droits dont il peut se prévaloir en matière de demande d’asile et dispose d’un délai de cinq jours pour formuler sa demande ; au-delà de ce délai, cette demande n’est plus recevable.
Cet amendement a pour objectif d’allonger à dix jours la période pendant laquelle une demande d’asile peut être valablement formulée par un étranger placé en centre de rétention. En effet, aujourd’hui, effectuer une demande d’asile en rétention est particulièrement difficile, pour ne pas dire illusoire. La CIMADE, que l’on rencontre souvent lorsque l’on se rend dans ces centres de rétention, parle même d’un « droit virtuel ».
Il est évident que le délai imparti pour formuler la demande d’asile, dont le cœur est le récit de l’étranger, est insuffisant. En si peu de temps, il est matériellement impossible de réunir les éléments, témoignages et autres documents nécessaires pour attester le récit et justifier ainsi la demande, notamment lorsqu’il s’agit d’interpréter ces documents.
Par ailleurs, cette barrière se conjugue à d’autres obstacles ; en effet, il est obligatoire de rédiger en français la demande d’asile, document de seize pages, et ce sans l’assistance gratuite d’un interprète. En outre, dans certains centres de rétention, il est interdit de posséder un stylo, objet considéré comme dangereux !
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, après sa visite en France du 21 mai au 23 mai 2008, ait souligné que « la procédure impose un délai extrêmement bref pour la formulation de la demande d’asile », avant de conclure que « l’ensemble de la procédure d’asile dans les centres de rétention apparaît donc comme expéditive, laissant implicitement présumer que la demande est abusive ». Pour notre part, nous considérons que ce sont votre volonté et votre détermination à porter atteinte aux droits de l’étranger qui, aujourd’hui, deviennent abusives !
Telles sont les raisons qui motivent notre amendement n° 469. Grâce à son adoption, l’effectivité du droit d’asile en centre de rétention sera rétablie, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, au motif que le délai actuel de cinq jours est suffisant, notamment pour permettre à l’étranger de recevoir l’aide d’une des associations intervenant dans les centres de rétention administrative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 244 et 469.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 247 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L’amendement n° 474 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 75 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 553-6 du code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 553-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 553-7. - L’administration tient à jour et publie l’inventaire des locaux de rétention administrative prévus à l’article R. 551-3. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement concerne les locaux de rétention administrative. Ces derniers permettent de retenir les étrangers et sont également des lieux de privation de liberté, comme les centres de rétention administrative, à la seule différence qu’ils sont temporaires au lieu d’être fixes et permanents.
Au demeurant, cette caractéristique ne saurait justifier qu’ils soient si mal connus. À l’heure actuelle, l’administration ne possède pas de liste exhaustive des lieux de rétention administrative sur le territoire français. Cette carence prive les associations d’accompagnement juridique des informations susceptibles de leur permettre de jouer leur rôle, mais elle empêche également tout contrôle.
Étant donné les déficiences relevées dès 2008 par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, notamment concernant le local de rétention de Choisy-le-Roi, dont l’aménagement a été qualifié d’« attentatoire à la dignité humaine », il est indispensable de donner aux associations les moyens d’intervenir afin qu’elles jouent pleinement leur rôle de contrôle.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 474.
Mme Alima Boumediene-Thiery. À ce jour, il n’existe pas de liste exhaustive des locaux de rétention administrative existant sur le territoire français. Or cette absence de transparence est d’autant plus condamnable qu’elle induit un véritable préjudice pour les étrangers.
À titre d’exemple, elle empêche les associations, notamment celles qui se chargent de l’accompagnement juridique, d’assurer une présence effective dans ces lieux. Les étrangers retenus se voient donc privés d’une aide, d’un conseil précieux et particulièrement utiles, étant donné la situation extrêmement précaire dans laquelle ils se trouvent. Par ailleurs, sans liste exhaustive, il est impossible de mettre en œuvre des contrôles dans l’ensemble des locaux de rétention administrative.
À cet égard, il convient de rappeler que, en novembre 2008, le premier contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue, avait souligné que l’aménagement du local de rétention administrative de Choisy-le-Roi était « attentatoire à la dignité humaine » et qu’« aucune prescription de sécurité ne saurait [le] justifier ».
Il ne s’agit pas là d’un simple feu de paille : cette question ne cesse de faire écho à toutes les turpitudes qui sont à l’origine des convulsions que connaissent les locaux de rétention administrative.
Nous souhaitons donc que ces locaux soient soumis à l’impératif de transparence, car l’opacité est la marque de ceux qui ont quelque chose à se reprocher.
C’est pourquoi nous proposons que l’administration tienne à jour et publie un inventaire des locaux de rétention administrative. Les droits et la dignité humaine des étrangers n’en seront que mieux respectés et protégés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avant de se prononcer, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Les locaux de rétention administrative sont créés soit à titre permanent, soit pour une durée définie par arrêté préfectoral. Une copie de l’arrêté portant création de tout local de rétention est transmise sans délai au procureur de la République, au directeur de l’Agence régionale de santé et au contrôleur général des lieux de privation de liberté.
De plus, ces lieux sont accessibles, comme les centres de rétention permanents, à l’autorité judiciaire, au contrôleur général des lieux de privation de liberté et aux parlementaires. Ils seront également ouverts à des associations humanitaires, qui y exerceront une mission d’observation distincte de l’action des associations habilitées à aider les personnes retenues à exercer leurs droits.
Le contrôle des conditions de vie des personnes retenues est donc pleinement assuré avec les dispositifs existants.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je me permets d’indiquer aux auteurs de ces deux amendements que ceux-ci comportent une bizarrerie : il n’est tout de même pas très orthodoxe que la loi vise un article réglementaire. C’est même impossible ! C’est pourquoi, même si je soutenais cette proposition sur le fond, je ne voterais pas les amendements.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président de la commission, moi, je considère que votre objection est un prétexte !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Même s’il y a probablement une anomalie dans la forme, il y a surtout une réalité de fond !
J’ai l’habitude de me rendre dans les centres de rétention administrative. Ceux-ci sont certes difficiles d’accès, mais, au moins, nous les connaissons. Le problème que nous rencontrons avec les locaux de rétention administrative, c’est que nous ne les connaissons pas !
Je suis persuadée que beaucoup de mes collègues parlementaires sont souvent appelés par des familles ou des associations et découvrent à cette occasion, comme cela m’est arrivé récemment, que tel local a été décrété local de rétention.
Si vraiment on n’a rien à se reprocher, si vraiment on considère que la France est un État de droit où les choses doivent se faire dans la transparence, pourquoi a-t-on peur de dresser une liste de ces locaux ?
Mme Patricia Schillinger et M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 247 et 474.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 242 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 471 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 75 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'office peut, au vu des éléments présentés à l'appui de la demande d'asile, décider que l'instruction de la demande se fera selon la procédure normale. Dans ce cas, l'office informe l'étranger et l'autorité administrative compétente qui lui délivre le titre provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 242.
Mme Josiane Mathon-Poinat. En l’état actuel du droit, l’OFPRA est tenu, lorsqu’un préfet refuse le séjour à un demandeur d’asile, d’examiner sa demande en procédure prioritaire. La procédure est donc accélérée, ce qui ne laisse pas le temps à l’office de statuer sur une demande d’asile présentant une situation complexe et nécessitant, de ce fait, une instruction particulière.
C’est le cas des demandes d’asile émanant d’étrangers originaires de pays considérés comme sûrs – ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a tout à l'heure bien montré ce qu’on pouvait penser de cette notion ! – ou bien d’étrangers placés en rétention.
Notre amendement tend donc à permettre à l’OFPRA de revenir à la procédure normale de demande d’asile lorsqu’il le juge nécessaire, afin de disposer du temps utile à l’instruction de tous les dossiers dans les meilleures conditions.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 471.
Mme Patricia Schillinger. Venus se réfugier dans notre pays, les demandeurs d’asile ont en principe le droit d’y rester pendant tout le temps que prendra l’examen de leur requête par l’OFPRA ou par la Cour nationale du droit d’asile. Les demandeurs d’asile sont donc « admis provisoirement au séjour ». Ils disposent en principe d’un titre de séjour, valable pendant trois mois et renouvelé jusqu’à ce qu’une décision définitive soit prise quant à leur demande de protection.
Il existe néanmoins trois cas dans lesquels le préfet peut refuser cette admission provisoire au séjour : le demandeur d’asile est originaire d’un pays désigné comme sûr ; sa présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public ; sa demande d’asile est considérée comme abusive. Dans tous ces cas, les demandeurs d’asile sont placés en procédure dite « prioritaire ».
Contrairement à ce que cette qualification de « prioritaire » pourrait laisser penser, cette procédure est loin d’être avantageuse. Les demandeurs d’asile qu’elle concerne ne bénéficient d’aucun droit : ni logement, ni allocation temporaire d’attente, ni couverture maladie universelle...
Si la réponse de l’OFPRA est négative, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’est pas suspensif. La personne peut alors être renvoyée vers son pays d’origine même si son recours n’a pas été examiné.
J’ajoute que, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le recours excessif aux procédures prioritaires, appliquées à près d’un quart des demandes d’asile, n’est pas assorti de toutes les garanties requises pour un examen équitable des dossiers, notamment l’assurance d’un délai raisonnable d’instruction et le droit au recours suspensif.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’octroyer plus de souplesse à l’OFPRA dans l’examen des dossiers. L’office devrait pouvoir décider, au regard des éléments matériels, que l’instruction de la demande se fera selon la procédure normale, et non selon la procédure prioritaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements tendent à permettre à l’OFPRA de décider qu’une demande d’asile examinée en procédure prioritaire passera en procédure normale, ce qui permettrait de délivrer une autorisation provisoire de séjour au demandeur.
La décision d’admission au séjour des demandeurs d’asile relève de l’autorité préfectorale, et non de l’OFPRA. L’autorité préfectorale ne peut toutefois refuser l’admission au séjour du demandeur que dans quatre hypothèses limitativement énumérées, sous le contrôle du juge administratif saisi, le cas échéant, par la voie d’un référé-liberté.
Des mécanismes de contrôle existent donc bien et la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 242 et 471.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 470, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 75 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa (c) de l'article L. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est supprimé.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Les demandeurs d'asile sont auditionnés par l'OFPRA. Néanmoins, quatre exceptions sont prévues par la loi, à l'article L. 723-3 du CESEDA.
S'il paraît justifié que l'étranger ne soit pas convoqué à une audition du fait de son état de santé ou si « l'office s'apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession », il devrait pouvoir bénéficier d'un entretien dans les autres cas. En effet, les éléments écrits transmis à l'OFPRA, souvent dans des conditions difficiles – je pense notamment à leur rédaction –, ne peuvent remplacer un entretien individuel.
Par conséquent, il convient de supprimer la disposition excluant de l'entretien individuel les étrangers dont la demande écrite apparaît infondée à ce stade de la procédure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les dispositions permettant à l’OFPRA de se dispenser de convoquer pour un entretien le demandeur dont la demande paraît manifestement infondée.
Il faut préciser que ces dispositions incluent notamment les demandes n’entrant pas dans le champ de la convention de Genève ou de la protection subsidiaire : par exemple, une demande formulée pour des motifs économiques tels que l’obtention d’un emploi.
D’après les chiffres qui nous ont été communiqués, le taux de convocation à un entretien est toutefois très élevé : il atteint 97% en première demande, dont 94 % pour les procédures prioritaires. J’ajoute qu’une personne qui n’aurait pas été convoquée par l’OFPRA peut toujours, en cas de recours, être entendue par la Cour nationale du droit d’asile.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 250 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 476 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 75 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le titre provisoire de séjour autorise à travailler selon les conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 250.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement a pour objet d’ouvrir un droit au travail aux demandeurs d’asile, en précisant que le titre provisoire de séjour autorise à travailler.
Accorder ce droit est important puisqu’il conditionne l’intégration, mais surtout les conditions de vie – pour ne pas dire de survie – des étrangers demandeurs d’asile sur le territoire français. II permet à chacun de subvenir à ses propres besoins et d’acquérir une indépendance financière indispensable.
Dans le cas où la demande d’asile est en cours d’instruction à l’OFPRA depuis moins de six mois, une autorisation préalable serait délivrée et, si la demande d’asile dépasse le délai de six mois ou si un recours est déposé contre la décision de rejet de la demande d’asile, cette autorisation serait délivrée de manière automatique.
Rien ne saurait justifier le refus d’accorder ce droit au travail, notamment au regard des délais évoqués.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 476.
Mme Patricia Schillinger. Lorsqu’un étranger est admis à séjourner en France pour déposer une demande d’asile, il dispose de vingt et un jours pour transmettre son dossier à l’OFPRA. L’article R. 742-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit la délivrance d’un titre provisoire de séjour au demandeur d’asile dans l’attente de la décision de l’office.
Durant cette période, sous certaines conditions, le demandeur peut toucher l’allocation temporaire d’attente, qui équivaut à 10,83 euros par jour. Par ailleurs, il n’a pas le droit de travailler. Certains des demandeurs d’asile travaillent donc illégalement ou vivent grâce à l’aide de tiers. En tout cas, cette interdiction maintient les demandeurs d’asile dans une précarité extrême.
C’est pourquoi notre amendement tend à prévoir qu’est délivrée au demandeur d’asile une autorisation de travail pour la période d’attente de la décision de l’OFPRA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Les auteurs de ces amendements souhaitent donner aux demandeurs d’asile le droit au travail. Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Le demandeur d’asile peut solliciter la délivrance d’une autorisation provisoire de travail dans deux hypothèses : lorsque l’OFPRA n’a pas statué dans un délai d’un an suivant l’enregistrement de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié pour des raisons qui ne lui sont pas imputables ; lorsqu’il a formé un recours devant la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile, contre une décision de rejet de l’OFPRA.
Les demandeurs d’asile pouvant être déboutés, leur insertion par le travail est susceptible de créer de fausses attentes…
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. … et rendrait systématiques les demandes de régularisation par le travail.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Même avis de la commission !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite vous rappeler, madame la ministre, que ces demandeurs d’asile ont besoin de vivre. Ils sont donc obligés de travailler, au moins un peu. Cela signifie tout simplement que, par votre politique, vous encouragez le travail au noir.
Mme Patricia Schillinger. Tout à fait !
M. Alain Gournac. Mais non !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 250 et 476.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 75 quater A (nouveau)
Le chapitre III du titre III du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 733-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 733-3. – Avant de statuer sur un recours soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, la Cour nationale du droit d’asile peut, par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours, transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’État, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu’à l’avis du Conseil d’État ou, à défaut, jusqu’à l’expiration de ce délai.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 75 quater A
M. le président. L'amendement n° 232 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Aux premier et septième alinéas, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « deux jours ouvrés ».
2° Le troisième alinéa est supprimé.
3° Les deuxième et troisième phrases du sixième alinéa sont supprimées.
4° À la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « de quinze jours » sont remplacés par les mots : « d'un mois ».
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La France a été condamnée le 26 avril 2007 par la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Gré, en raison de l’absence de recours suspensif pour les procédures de refoulement du territoire.
Cet arrêt a reconnu que l’absence d’un recours juridictionnel de plein droit suspensif ouvert aux étrangers dont la demande d’asile à la frontière a été rejetée méconnaît les articles 3 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
À la suite de cette condamnation, la France s’est retrouvée dans l’obligation de légiférer et de créer un recours effectif et suspensif, ce qu’elle a fait partiellement dans la loi du 20 novembre 2007 relative à l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Les sénateurs du groupe CRC-SPG avaient ensuite déposé une proposition de loi visant à garantir un droit au recours effectif aux étrangers demandeurs d’asile : cela reste d’actualité.
Le texte de la loi de 2007 est loin de se conformer aux obligations issues de la Convention européenne des droits de l’homme et rappelées dans l’arrêt de la CEDH d’avril 2007, qui exige que tout recours soit réellement effectif en droit, mais également en pratique.
Tout d’abord, ce texte a limité le droit à un recours suspensif aux seuls demandeurs d’asile, sans rien prévoir pour les autres étrangers maintenus en zone d’attente. Nous pensons, pour notre part, qu’il convient d’étendre ce droit à tous les étrangers maintenus en zone d’attente.
La loi de 2007 dispose également que l’étranger demandeur d’asile dispose d’un délai de quarante-huit heures pour déposer un recours contre son refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile. Or ce délai est trop court compte tenu de la difficulté d’aider les personnes concernées en quarante-huit heures, l’association habilitée à être présente en zone d’attente n’étant pas sur place tous les jours. Nous souhaitons donc porter ce délai à deux jours ouvrés, afin de garantir l’effectivité du recours.
De même, il ne nous semble pas acceptable que ce recours soit exclusif de tout autre recours, ce qui prive les personnes concernées de la possibilité d’exercer un autre recours, tel un référé-liberté, fondé sur une autre liberté fondamentale.
Enfin, s’agissant des voies de recours contre la décision de refus d’entrée sur le territoire du tribunal administratif, la loi a posé deux restrictions qui en limitent considérablement la portée. Le délai de recours est de quinze jours, ce qui tend à le rendre ineffectif, d’autant qu’il n’est pas suspensif. Aussi souhaitons-nous non seulement porter ce délai de recours à un mois, mais encore prévoir que l’appel est suspensif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à modifier le régime juridique du recours exercé contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile en portant de quarante-huit heures à deux jours ouvrés le délai pour former ce recours, en supprimant la possibilité d’utiliser la visioconférence et en instaurant un appel suspensif dans un délai d’un mois.
Le recours suspensif en matière d’asile à la frontière a été introduit en 2007, afin d’assurer la conformité de notre droit avec les exigences posées par la CNDA.
Il ne paraît pas souhaitable d’aller au-delà de ce que prévoit le code des étrangers. Je rappelle que, pendant le temps de cette procédure, l’étranger est maintenu en zone d’attente.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 462 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° L'article L. 742-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. » ;
2° Les articles L. 742-5 et L. 742-6 sont abrogés ;
3° Le second alinéa de l'article L. 731-2 est complété par les mots : « ou, si le requérant est maintenu en rétention, au plus tard le dix-huitième jour qui suit cette notification » ;
4° Après l'article L. 733-2, il est inséré un article L. 733-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 733-3. - Le président et les présidents de section examinent par priorité, sans respecter l'ordre chronologique d'enregistrement des recours, les requêtes déposées par les requérants dans le cadre de la procédure décrite à l'article L. 731-2. » ;
5° Après l'article L. 554-3, il est inséré un article L. 554-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 554-4. - Il est mis fin au maintien de l'étranger en rétention lorsque la demande d'asile présentée par celui-ci a été rejetée et qu'il a exercé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans les conditions prévues à l'article L. 731-2.
« Dans ce cas, l'autorité administrative peut décider de l'assigner à résidence dans les conditions prévues à l'article L. 552-5. »
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Par cet amendement, nous vous interpellons une nouvelle fois sur les problèmes liés au placement de très nombreux demandeurs d’asile en procédure prioritaire, car cette procédure accélérée les prive de nombreux droits, dont le droit à un recours suspensif.
Cet amendement vise donc à consacrer le caractère suspensif de toute mesure d’éloignement lors du recours formé devant la CNDA et de supprimer deux articles qui deviennent donc sans objet.
Cet amendement prévoit également la fin du maintien en rétention administrative en cas de dépôt d’un recours devant la CNDA. Il est alors prévu d’assigner à résidence le requérant libéré, dans les conditions de droit commun.
M. le président. L'amendement n° 249 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 742-3. - L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir et ne peut faire l'objet d'aucune mesure d'éloignement jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection de réfugiés et des apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà eu maintes fois l’occasion de vous exposer nos positions sur la procédure appliquée aux étrangers : elle doit améliorer leur protection et se dérouler avec la garantie du respect de leurs droits fondamentaux.
Ici, nous abordons la procédure relative aux mesures d’éloignement.
Il s’agit d’interdire qu’une mesure d’éloignement soit prise à l’encontre d’un étranger admis à résider régulièrement en France avant que l’OFPRA n’ait notifié sa décision ou lorsqu’un recours a été formé, jusqu’à la notification de la décision de la CNDA.
Plusieurs conventions internationales, dont la convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, affirment l’interdiction du refoulement des demandeurs d’asile, au regard des risques encourus.
D’autre part, la Convention européenne des droits de l’homme, dans son article 13, reconnaît le droit à un recours effectif, ce qui est particulièrement important considérant que certaines personnes sont susceptibles de subir des sévices lors de l’éloignement.
Notre amendement vise donc à mettre en conformité le droit français avec ces deux principes consacrés par le droit international.
M. le président. Les amendements nos 245 rectifié et 473 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 245 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 473 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 75 quater A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile si un recours a été formé auprès de celle-ci. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 245 rectifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que le droit à un recours effectif doit passer par un recours suspensif ; c’est ce que la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé concernant la France en 2007 dans l’arrêt Gebremedhin.
Comme le droit français n’a toujours pas intégré ces injonctions, nous proposons de l’inscrire dans la loi afin qu’aucune mesure d’éloignement ne puisse être effectuée avant que la CNDA n’ait pu notifier sa décision lorsqu’un recours a été effectué auprès d’elle.
Contre toute logique, la France permet actuellement la reconduction des étrangers avant que la CNDA n’ait pu rendre sa décision, ce qui limite grandement l’intérêt de la décision rendue comme de la possibilité de former un recours.
Nous proposons donc de rétablir les droits des étrangers, en conformité avec le droit international.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 473 rectifié.
Mme Raymonde Le Texier. Nous proposons de consacrer le fait que le recours formé devant la CNDA est suspensif de toute mesure d’éloignement.
En effet, les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire peuvent être éloignés à tout moment du territoire lorsque leur demande a été rejetée par l’OFPRA.
Certes, un recours suspensif contre la mesure d’éloignement peut être exercé devant le juge administratif, celui-ci devant alors examiner les risques de torture ou de mauvais traitements en cas de renvoi dans le pays d’origine du demandeur d’asile débouté. Cependant, la pratique démontre que le juge administratif n’a ni le temps ni les moyens d’opérer un examen approfondi des risques invoqués. Le juge a donc tendance à s’en remettre à l’appréciation négative qui a été faite par l’OFPRA. En conséquence, les annulations des mesures d’éloignement sur la base de ce recours devant le juge administratif sont rares.
Pour ces raisons, nous considérons que le droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme est dénié aux demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire.
Il est donc essentiel que tous les demandeurs d’asile puissent interjeter un recours suspensif devant la CNDA, car celle-ci, contrairement au juge administratif, est spécialisée pour traiter des questions d’asile.
Notons que la CNDA annule un très grand nombre de décisions de l’OFPRA. Cela signifie donc que, en l’absence de ce recours, des personnes déboutées par l’OFPRA auraient pu être renvoyées dans leur pays d’origine alors que la CNDA a ensuite reconnu qu’ils y étaient en danger.
Nous n’avons pas le droit de prendre le risque, par simple mesure d’économie, de renvoyer des personnes dans leur pays alors que la mort, la torture et les mauvais traitements les y attendent.
C’est pourquoi, conformément aux recommandations de la Cour européenne des droits de l’homme et du Haut Commissariat aux réfugiés, nous vous demandons de consacrer le caractère suspensif de toute mesure d’éloignement du recours formé devant la CNDA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que l’amendement n° 462 rectifié tend à instaurer un recours suspensif devant la CNDA contre les décisions de rejet de l’OFPRA lorsque la demande d’asile fait l’objet d’un examen selon la procédure prioritaire. Il prévoit notamment d’obliger la CNDA à statuer dans un délai maximal de dix-huit jours à compter de la notification de la décision de rejet de l’office.
Sur cette question importante, la commission a formulé plusieurs remarques.
Premièrement, en 2007, notre droit a été modifié afin d’introduire un recours suspensif contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire « Gebremedhin » : désormais, un étranger qui sollicite l’asile à la frontière ne peut pas être refoulé avant que le juge administratif se soit prononcé sur le caractère manifestement infondé de sa demande.
Deuxièmement, l’absence de caractère suspensif du recours devant la CNDA, s’agissant des demandes formulées sur le territoire, a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993.
Troisièmement, dans les faits, d’après les informations que nous avons recueillies au cours de nos auditions, les préfectures s’abstiennent déjà, la plupart du temps, d’éloigner un étranger dont le recours est pendant devant la CNDA, en métropole tout du moins.
Quatrièmement, l’adoption de cet amendement, qui crée une procédure d’urgence devant la Cour, risquerait de désorganiser fortement cette dernière, qui doit statuer aujourd'hui sur un nombre important de dossiers ; cela ressort également des auditions que nous avons menées.
J’attire toutefois l’attention sur le fait que, postérieurement à notre dernière réunion, la Cour de cassation a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel sur ce point.
Telle est la raison pour laquelle nous souhaitons connaître l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 462 rectifié.
Les amendements nos 249 rectifié, 245 rectifié et 473 rectifié ne sont pas de même nature puisqu’ils ne prévoient pas de délai pour la réponse de la Cour. Sur ces trois amendements, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Pour compléter les propos de M. le rapporteur, je rappelle que cette procédure prioritaire n’est pas arbitraire, mais qu’elle correspond à des cas objectifs. Elle s’applique en effet aux demandes émanant des ressortissants de pays considérés comme sûrs ou qui reposent sur une fraude, qui constituent un recours abusif ou visent à faire échec à une mesure d’éloignement.
Par ailleurs, le dispositif actuel est protecteur puisqu’il a été validé par le Conseil constitutionnel, M. le rapporteur l’a rappelé, et il est autorisé par la directive Procédure du 1er décembre 2005. L’étranger qui a vu sa demande d’asile refusée par l’OFPRA en procédure prioritaire dispose, de plus, d’un recours suspensif contre la mesure d’éloignement devant le tribunal administratif, qui examine la question de savoir s’il existe des risques pour la vie de la personne en cas de retour dans son pays d’origine. En l’état, cela nous paraît suffisant.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 462 rectifié.
Il en va de même s’agissant des amendements nos 249 rectifié, 245 rectifié et 473 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, je me permets de revenir à la charge.
Nous le savons bien, une expulsion ou une reconduite à la frontière présentent un caractère irréversible. Or il faut laisser les différentes procédures qui ont été engagées, y compris les recours, aller à leur terme, faute de quoi les droits de la défense – car c’est bien de cela qu’il s’agit ! – se trouvent amputés.
Par ailleurs, madame la ministre, vous dites que la procédure prioritaire n’est pas arbitraire. Or elle est déclarée prioritaire avant toute instruction. À mon sens, l’aspect prioritaire est, lui aussi, arbitraire.
J’ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme a tout de même condamné la France en 2007.
Ainsi que M. le rapporteur l’a rappelé, toutes les associations qui interviennent dans ce domaine et que nous avons auditionnées nous ont confié que le recours suspensif devait pouvoir aller jusqu’à son terme, mais que la France était, malheureusement, l’un des seuls pays à ne pas l’accepter.
Chers collègues de l’opposition, j’en suis sûre, vous ne sauriez admettre qu’une procédure de justice ne puisse aller jusqu’à son terme. Dès lors, vous accepterez, en votant cet amendement, de consacrer le caractère suspensif de toute mesure d’éloignement dans l’attente de la décision de justice.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 245 rectifié et 473 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 75 quater
(Non modifié)
L’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Le soin de faire respecter les symboles républicains lors des célébrations de mariage se tenant dans les locaux de la mairie. S’il l’estime nécessaire, le maire ou l’un de ses adjoints officiants peut, à cette occasion, user verbalement du rappel à l’ordre prévu à l’article L. 2212-2-1 et suspendre, en tant que de besoin, la célébration. »
M. le président. L'amendement n° 251, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 75 quater n’a rien à voir avec l’ensemble de ce projet de loi, qui porte sur l’immigration, l’intégration et la nationalité. Cet article dispose en effet que le soin de faire respecter les symboles républicains lors des cérémonies de mariage fait partie des pouvoirs de police du maire et est de nature à permettre au maire, notamment, de faire un rappel à l’ordre verbal en cas de troubles, faculté dont, au demeurant, il dispose déjà.
Il s’agit donc ici d’un véritable cavalier législatif, qui ne trouve sa justification que dans les amalgames incessants que certains se complaisent à établir entre immigration et opposition à la République, entre mariage mixte et « mariage gris ». Bref, il s’inscrit dans la vision fantasmagorique et dangereuse d’une « identité nationale » en péril, construite en opposition à l’étranger.
Mme Bariza Khiari et M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Sur le fond, le Gouvernement partage l’objectif de cet article, issu d’un amendement adopté en séance publique par l'Assemblée nationale et qui vise à faire respecter les symboles de la République.
Toutefois, il considère que les dispositions actuelles relatives aux pouvoirs de police du maire suffisent…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. … à permettre à ce dernier de mettre fin à tout trouble.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je dois dire que le libellé de cet article me laisse songeur :
« … Le soin de faire respecter les symboles républicains lors des célébrations de mariage se tenant dans les locaux de la mairie. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Entre autres circonstances !
M. Richard Yung. « S’il l’estime nécessaire, le maire […] peut, à cette occasion, user verbalement du rappel à l’ordre […) et suspendre, en tant que de besoin, la célébration. »
Mais tous ces droits existent déjà !
Bien sûr, je n’ai pas, en la matière, l’expérience de la plupart d’entre vous, mes chers collègues, car nous autres sénateurs représentant les Français établis hors de France, nous ne pouvons pas être responsables d’une mairie à l’étranger. Enfin, pas encore ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Cela viendra ! (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. Mais vous, qui avez tous une longue carrière d’élu local derrière vous, savez fort bien que le maire a tous les pouvoirs de police nécessaires, surtout à l’intérieur de la mairie.
Il s’agit donc vraiment ici d’une stigmatisation pure et simple.
C’est pourquoi nous voterons cet amendement visant à supprimer cet article inutile et ridicule.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. le président. En conséquence, l'article 75 quater est supprimé.
Articles additionnels après l'article 75 quater
M. le président. L'amendement n° 483, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette population est également la population totale majorée de la population estimée selon les indicateurs prévus au treizième de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Madame la ministre, j’attire tout particulièrement votre attention sur cet amendement, car ce sont notamment nos collègues d’outre-mer qui ont pris l’initiative de le déposer.
Il s’agit d’adapter le calcul de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, à la réalité à laquelle peuvent être confrontées les communes dans lesquelles résident de nombreux étrangers en situation irrégulière.
Nous le savons, la DGF est répartie en fonction de la démographie de chaque commune. Or, dans le recensement réalisé dans chaque commune, on ne prend pas en compte le phénomène évidemment difficile à mesurer qu’est la présence d’étrangers en situation irrégulière. Nous connaissons évidemment les nombreuses missions assignées aux collectivités municipales et nous savons que la présence massive d’étrangers en situation irrégulière augmente de manière exponentielle les charges qui pèsent sur elles.
En effet, l’installation de centaines de personnes en situation irrégulière dans des bidonvilles provoque une charge considérable au regard des missions de police administrative que le maire doit assumer, qu’il s’agisse de la sécurité, de la tranquillité ou encore de la salubrité.
Par ailleurs, le système éducatif connaît une pression considérable. Or, aux termes de la loi, il revient à ces communes de construire des locaux scolaires, de procéder à toute réparation ou extension, d’en assurer l’équipement et le fonctionnement, de loger le corps enseignant, d’engager du personnel complémentaire, etc.
Il y a deux ans, le recteur de l’académie de Guyane affirmait que pratiquement 75 % des élèves scolarisés dans les communes frontalières du Suriname ou du Brésil étaient issus d’une immigration irrégulière.
Autre illustration du phénomène : le maire de Papaïchton s’occupe de 4 000 habitants, et non pas des 1 650 habitants recensés.
Il est donc évident que la DGF, calculée à partir des recensements de l’INSEE, auxquels échappe cette population irrégulière, ne correspond pas à la réalité que vivent ces communes, ce qui revient à les condamner davantage encore à une situation financière intenable.
Dans son rapport sur l’immigration clandestine déposé en 2006, M. François-Noël Buffet recommandait, à la suite du directeur des affaires économiques, sociales et culturelles au ministère de l’outre-mer, de prendre en compte le nombre des étrangers en situation irrégulière pour la dotation globale de fonctionnement des collectivités locales afin qu’elles puissent faire face aux dépenses effectivement mises à leur charge.
À cet égard, je rappelle que ce n’est pas aux collectivités de réaliser ce recensement complémentaire. En effet, il revient au Gouvernement de commander cette mission à l’INSEE, en liaison avec l’OFPRA, le Haut Conseil à l’intégration et l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette disposition pour les communes qui sont le plus durement touchées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Madame la sénatrice, vous me permettrez de vous répondre avant tout en ma qualité de ministre chargée de l’outre-mer.
Mme Bariza Khiari. C’est à ce titre que j’ai tout spécialement attiré votre attention, madame la ministre !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne prend pas en compte la situation particulière de la Guyane.
Même si ce n’est pas l’objet du débat, je tiens à rappeler que le Gouvernement a soutenu, en plusieurs occasions, les demandes des collectivités de Guyane concernant les équipements scolaires, eu égard à la pression migratoire et au fait que bon nombre d’enfants ne sont pas scolarisés. Outre la dotation qui lui est attribuée en vertu du droit commun, ce département bénéficie, dans le cadre du Fonds exceptionnel d’investissement, d’une dotation exceptionnelle de l’ordre de 5 millions d'euros.
Ainsi, nous épaulons la collectivité pour lui permettre de réaliser de nombreux équipements structurants, notamment en matière d’assainissement et d’alimentation en eau potable, pour tenir compte de la présence de ces familles qui sont, vous l’avez rappelé, en situation irrégulière.
M. Alain Gournac. Le Gouvernement a du cœur !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Selon les études les plus sérieuses, 300 000 étrangers sont en situation non régulière en France. Et c’est sans compter les personnes qui ont lancé une procédure de demande d’asile ou de droit de séjour. Sans compter non plus celles qui sont dans des situations parfois inextricables, ne pouvant pas bénéficier du droit au séjour ni être reconduites à la frontière, ce que, du reste, elles ne souhaitent pas !
Par ailleurs, il est clair que les procédures habituelles ne permettent pas de réaliser le recensement de ces personnes. De plus, cette population n’est pas répartie de manière homogène sur le territoire.
Le cas de la Guyane est tout à fait emblématique, et vous savez très bien, madame la ministre, en raison de vos fonctions, que, nonobstant l’aide que vous avez évoquée, certaines communes de Guyane connaissent de grandes difficultés financières.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement à cause des étrangers !
M. Jean-Pierre Sueur. De même, en métropole, dans les départements de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, dans la région Nord-Pas-de-Calais, dans le sud de la France, ailleurs encore, une population très importante n’est pas, de fait, prise en compte dans le recensement. Or les communes doivent impérativement faire face à l’obligation de scolarisation, laquelle s’applique à tout enfant présent sur le territoire. Elles sont également amenées à prendre en charge ces populations sur le plan social et en matière de logement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les enfants sont recensés !
M. Jean-Pierre Sueur. Comme vous le savez, monsieur le président de la commission des lois, nous sommes opposés à toute idée de « délit de solidarité ». Ces communes font, très souvent, ce qu’elles peuvent, avec leurs services sociaux, pour apporter l’assistance nécessaire à ces populations.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourquoi nous estimons qu’il serait juste de tenir compte de la réalité de ces communes dans le calcul de la DGF.
De toute façon, la DGF est le fruit de nombreux calculs, dont certains sont, pour le moins, très contestables. Le jour où l’on a cristallisé la DGF, on n’a pas hésité à introduire dans la dotation forfaitaire de la DGF, qui était le produit de l’existant, des sous-dotations à caractère touristique – il y en a même eu deux ! –, et toutes sortes de correctifs. Au total, la DGF est très peu péréquatrice.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est un autre sujet !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes ! Je vous remercie, monsieur le président de la commission, de suivre toujours mon propos avec beaucoup d’attention ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais vous répétez toujours la même chose !
M. Jean-Pierre Sueur. J’y suis tout de même extrêmement sensible ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Moi aussi ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais cela ne m’empêchera pas de dire que la DGF est très inégalitaire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Le fait de ne pas prendre en compte les populations étrangères que certaines communes doivent accueillir, ce qui les place dans une situation difficile, ne fait que renforcer ce caractère inégalitaire.
C'est pour cette raison que l’amendement présenté par Mme Bariza Khiari est tout à fait pertinent.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’est pas opérant !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 246 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis annuellement au Parlement par le Gouvernement sur les locaux de rétention administrative et notamment le nombre de personnes retenues et leur durée de rétention ainsi que les conditions de rétention.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Eu égard aux conditions de rétention constatées dans les lieux de privation de liberté destinés aux étrangers, tels les locaux de rétention administrative, le Gouvernement se doit à tout le moins d'étudier, via un rapport annuel remis au Parlement, l'état de ces locaux, les conditions de rétention, le nombre de personnes retenues ainsi que la durée de rétention.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a en effet dénoncé, à la suite d’une visite de contrôle du local de rétention administrative de Choisy-le-Roi, en juillet 2008, des conditions d’hébergement attentatoires à la dignité humaine. Il avait notamment constaté un manquement au respect de l'intimité, qui n'était justifié par aucune règle de sécurité ; ainsi, pour accéder aux sanitaires, les hommes retenus devaient passer devant les chambres des femmes, séparées du couloir par une paroi entièrement vitrée.
Ce cas n'est malheureusement qu'un exemple parmi tant d'autres qui montrent que le droit des étrangers à la dignité, notamment, n’est pas nécessairement respecté. On pourrait aussi évoquer les chambres privées de toute lumière… La liste est malheureusement bien longue !
Il est donc indispensable que le Gouvernement se saisisse de ces problèmes, les évalue et fasse respecter les droits élémentaires de chaque personne au sein des locaux de rétention administrative.
M. le président. L'amendement n° 248 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis annuellement au Parlement par le Gouvernement sur les conditions de privation de liberté en centre de rétention administrative et en zones d'attente, et, plus spécifiquement, sur la santé des retenus.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement s'inscrit dans la ligne du précédent : il s’agit cette fois du contrôle des conditions de détention dans les centres de rétention administrative et les zones d'attente, qui sont des lieux où la privation de liberté peut durer longtemps. L'évaluation des conditions de santé des étrangers retenus, ainsi que leur possibilité réelle d'accéder aux soins, est primordiale.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, après sa visite du centre de rétention administrative de Bordeaux, en janvier 2009, a fait état d’« une impression de spirale infernale de la violence, dans un climat de tension et de répression », où « la personne retenue est considérée comme un individu a priori dangereux ». Il s’agit de locaux placés en sous-sols, sans autre accès à l'air libre qu'une ancienne issue de secours grillagée, ne respectant ni les normes imposées par le CESEDA ni les conditions de respect de la dignité humaine des personnes retenues.
D'autre part, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe ont tous deux critiqué ces lieux d'enfermement en dénonçant « l'aggravation des conditions d'hébergement, la surpopulation et l'aspect déshumanisé de certains centres, causés par une multiplication du recours au placement en rétention ».
Il est dans le rôle de Gouvernement de se soucier de ces conditions de rétention et de les faire évoluer en diligentant, dans un premier temps, une évaluation sérieuse et globale des conditions de rétention.
M. le président. L'amendement n° 468 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis annuellement au Parlement par le Gouvernement sur les conditions de privation de liberté en centre de rétention administrative et en zone d'attente. Ce rapport mentionnera la liste des locaux de rétention administrative et fera état des conditions de rétention. Par ailleurs, une partie du rapport devra porter sur la santé des retenus.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Je considère que cet amendement est défendu, car je fais miens les arguments énoncés par Mme Assassi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur ces trois amendements, qui tendent à l’établissement de rapports, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 478 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis au Parlement par le Gouvernement avant le 31 mai 2011 sur les possibilités d'établissement d'une convention entre l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le secteur bancaire, afin de faciliter la gestion des comptes des étrangers placés en centre de rétention administrative et de s'assurer, pour ceux qui sont éloignés du territoire, qu'ils pourront disposer de l'intégralité des sommes déposées en France.
L'amendement n° 479 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 75 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis au Parlement par le Gouvernement avant le 31 mai 2011 sur l'application en France du Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, dit « Dublin II », et les coûts de sa mise en œuvre.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter ces deux amendements.
Mme Bariza Khiari. Je les retire, monsieur le président. Ils avaient toute leur justification mais, connaissant le sort qui est réservé aux amendements tendant à demander des rapports, je ne vais pas insister…
M. le président. Les amendements n° 478 rectifié et 479 rectifié sont retirés.
Titre VI
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article 76 A
(Non modifié)
Sont abrogés :
1° Le second alinéa de l’article 17-1 ainsi que les IV et VI de l’article 18 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 18-1 ainsi que les IV et VI de l’article 20 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française ;
3° Les IV et VI de l’article 18 de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ;
4° Le deuxième alinéa de l’article 18-1 ainsi que les IV et VI de l’article 20 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie.
M. le président. L'amendement n° 252, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement est le premier d’une série d’amendements qui visent à supprimer la plupart des articles composant le titre VI.
En effet, étant opposés à la dégradation des droits des immigrés en métropole, nous le sommes a fortiori lorsqu’il s’agit de l’outre-mer, où le recul des droits des étrangers est d’ores déjà très marqué.
Un droit dérogatoire s’applique aux étrangers, principalement à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe, où ils sont livrés à des contrôles expéditifs et à des reconduites sans recours suspensif d’exécution. En Guyane, à Saint-Martin et à Mayotte, la police aux frontières peut légalement interpeller et reconduire les étrangers sans aucun contrôle, détruire ou immobiliser des véhicules ayant servi à l’entrée ou au séjour irrégulier. Or le projet de loi consolide, prolonge et pérennise ces régimes d’exception, ou encore précarise la procédure de demande d’asile en outre-mer.
C’est pourquoi nous demandons la suppression des articles concernant l’outre-mer qui, soit étendent l’application des dispositions du projet de loi auxquelles nous sommes opposés, soit prolongent et aggravent les dispositifs exceptionnels portant atteinte aux droits des étrangers. Quoi qu’il en soit, ils dégradent les droits fondamentaux de ces derniers.
Ces explications, monsieur le président, valent pour nos amendements nos 252, 254 à 257 rectifié, 259 et 260.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 76 est un article de coordination nécessaire et la commission émet un avis défavorable sur l’amendement comme sur tous les amendements de suppression des articles du titre VI.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 76 A.
(L'article 76 A est adopté.)
Article 76
(Non modifié)
À la fin du premier alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « et à Saint-Pierre-et-Miquelon » sont remplacés par les mots : «, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ».
L'amendement n° 254, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu, et l’avis de la commission comme celui du Gouvernement ont été présentés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 76.
(L'article 76 est adopté.)
Article 76 bis
(Non modifié)
À l’article L. 111-3 du même code, les mots : « et de Saint-Pierre-et-Miquelon » sont remplacés par les mots : «, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ».
M. le président. L'amendement n° 255, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu, et l’avis de la commission comme celui du Gouvernement ont été présentés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 76 bis.
(L'article 76 bis est adopté.)
Article 77
(Non modifié)
L’intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre V du même code est ainsi rédigé : « Dispositions propres à la Guyane, à la Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ».
M. le président. L'amendement n° 256, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu, et l’avis de la commission comme celui du Gouvernement ont été présentés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 77.
(L'article 77 est adopté.)
Article 78
(Non modifié)
I. – L’article L. 514-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « la mesure de reconduite à la frontière » sont remplacés par les mots : « l’obligation de quitter sans délai le territoire français » ;
2° Au 2°, les mots : « ou d’une mesure administrative de reconduite à la frontière » sont supprimés ;
3° Au dernier alinéa, la référence : « et L. 512-2 à » est remplacée par la référence : «, L. 512-3 et ».
II. – À l’article L. 514-2 du même code, les mots : « n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration » sont remplacés par les mots : « n° … du … relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ».
M. le président. L'amendement n° 257 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles L. 514-1, L. 514-2 et L. 532-1 du même code sont abrogés.
Cet amendement a déjà été défendu, et l’avis de la commission comme celui du Gouvernement ont été présentés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 78.
(L'article 78 est adopté.)
Article 79
(Non modifié)
I. – L’article L. 611-11 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-11. – Les articles L. 611-8 et L. 611-9 sont applicables en Guadeloupe dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1 et 4.
« Il en est de même à Saint-Barthélemy et Saint-Martin dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà. »
II. – Au début du premier alinéa de l’article 10-2 de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 précitée, les mots : « Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 259, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu, et l’avis de la commission comme celui du Gouvernement ont été présentés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 79.
(L'article 79 est adopté.)
Article 80
(Non modifié)
Au II de l’article L. 622-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « Guadeloupe », sont insérés les mots : «, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ».
M. le président. L'amendement n° 260, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu, et l’avis de la commission comme celui du Gouvernement ont été présentés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 80.
(L'article 80 est adopté.)
Article 81
(Non modifié)
L’article L. 741-5 du même code est complété par les mots : «, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ». – (Adopté.)
Article 82
(Non modifié)
Le titre VI du livre VII du même code est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Dispositions applicables à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin
« Art. L. 766-1. – Le présent livre est applicable à Saint-Barthélemy sous réserve des adaptations suivantes :
« 1° À l’article L. 741-1, les mots : “sur le territoire français” et “en France” sont respectivement remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Barthélemy” et “dans la collectivité de Saint-Barthélemy” ;
« 2° À l’article L. 741-2, les mots : “à l’intérieur du territoire français” sont remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Barthélemy” ;
« 3° À l’article L. 741-4 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “dans la collectivité de Saint-Barthélemy” ;
« b) Le 1° n’est pas applicable ;
« c) Aux 3° et 4°, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “sur le territoire de la République” ;
« 4° À la première phrase de l’article L. 742-1, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “dans la collectivité de Saint-Barthélemy” ;
« 5° À la première phrase de l’article L. 742-3, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “dans la collectivité de Saint-Barthélemy” et les mots : “s’y maintenir” sont remplacés par les mots : “se maintenir sur le territoire de Saint-Barthélemy ” ;
« 6° À l’article L. 742-6 :
« a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : “sur le territoire français” et “en France” sont respectivement remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Barthélemy” et “dans la collectivité de Saint-Barthélemy” ;
« b) Après la deuxième phrase, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« “Si l’office décide d’entendre le demandeur d’asile hors de la collectivité de Saint-Barthélemy, celui-ci reçoit les autorisations nécessaires.” ;
« c) La dernière phrase est ainsi rédigée :
« “Il délivre sans délai un titre de séjour dans les conditions prévues par le titre Ier du livre III du présent code ou la carte de séjour temporaire prévue par le 10° de l’article L. 313-11.” ;
« 7° À l’article L. 742-7, les mots : “le territoire français” sont remplacés par les mots : “la collectivité de Saint-Barthélemy” ;
« 8° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 751-1, les mots : “sur le territoire français” sont remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Barthélemy”.
« Art. L. 766-2. – Le présent livre est applicable à Saint-Martin sous réserve des adaptations suivantes :
« 1° À l’article L. 741-1, les mots : “sur le territoire français” et “en France” sont respectivement remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Martin” et “dans la collectivité de Saint-Martin” ;
« 2° À l’article L. 741-2, les mots : “à l’intérieur du territoire français” sont remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Martin” ;
« 3° À l’article L. 741-4 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “dans la collectivité de Saint-Martin” ;
« b) Le 1° n’est pas applicable ;
« c) Aux 3° et 4°, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “sur le territoire de la République” ;
« 4° À la première phrase de l’article L. 742-1, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “dans la collectivité de Saint-Martin” ;
« 5° À la première phrase de l’article L. 742-3, les mots : “en France” sont remplacés par les mots : “dans la collectivité de Saint-Martin” et les mots : “s’y maintenir” sont remplacés par les mots : “se maintenir sur le territoire de Saint-Martin ” ;
« 6° À l’article L. 742-6 :
« a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : “sur le territoire français” et “en France” sont respectivement remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Martin” et “dans la collectivité de Saint-Martin ” ;
« b) Après la seconde phrase du premier alinéa, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« “Si l’office décide d’entendre le demandeur d’asile hors de la collectivité de Saint-Martin, celui-ci reçoit les autorisations nécessaires.” ;
« c) La dernière phrase du second alinéa est ainsi rédigée :
« “Elle délivre sans délai un titre de séjour dans les conditions prévues par le titre Ier du livre III du présent code ou la carte de séjour temporaire prévue par le 10° de l’article L. 313-11.” ;
« 7° À l’article L. 742-7, les mots : “le territoire français” sont remplacés par les mots : “la collectivité de Saint-Martin” ;
« 8° À l’article L. 751-1, les mots : “sur le territoire français” sont remplacés par les mots : “sur le territoire de Saint-Martin”. »
M. le président. L'amendement n° 262, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet article a pour objet de rendre applicable le livre VII du CESEDA, relatif au droit d’asile à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, tirant ainsi conséquence du changement de statut de ces territoires.
Sur le fond et sur la forme, nous y sommes opposés, d’autant que cet article a été modifié par l’Assemblée nationale sur proposition du ministre de l’immigration de l’époque, qui justifiait ainsi son amendement : « Cet amendement technique est important. Il revient au droit actuel pour éviter qu’un étranger admis à séjourner sur le territoire de Saint-Barthélemy ou sur celui de Saint-Martin en tant que demandeur d’asile puisse se rendre en Guadeloupe, en violation des règles de circulation entre un territoire à statut spécial et un département. »
Ainsi, un étranger qui demande l’asile en Guadeloupe est demandeur d’asile en France et bénéficie éventuellement du droit de séjour en France, donc dans l’espace dit « CESEDA ». En revanche, celui qui fait sa demande à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin voit sa démarche et son éventuel droit au séjour limités à ces deux territoires. L’autorisation de séjour s’y transformerait-elle en assignation à résidence ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 82 est absolument nécessaire puisqu’il permet de tenir compte du changement de statut de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Nous émettons évidemment un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Bien que les collectivités d’outre-mer aient un statut particulier, on ne doit pas pour autant en faire des zones de non-droit. Dès lors que la loi est applicable sur ces questions, elle doit s’appliquer aussi dans ces collectivités. Il devient donc nécessaire de permettre cette cohérence et de procéder aux adaptations nécessaires. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, dont le sens m’échappe.
M. le président. L'amendement n° 512, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer les mots :
il délivre
par les mots :
elle délivre
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 82, modifié.
(L'article 82 est adopté.)
Article 83
(Non modifié)
Les articles L. 311-9 et L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction issue de l’article 5 de la présente loi, l’article L. 314-9 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 20 de la présente loi, ainsi que l’article L. 213-1, les I et II de l’article L. 511-1, les articles L. 511-3-1, L. 511-4, L. 512-1 à L. 512-5, L. 513-1 à L. 513-4, L. 523-3 à L. 523-5, L. 531-1, L. 531-3, L. 533-1, L. 541-2, L. 541-3, L. 551-1, L. 551-2, L. 552-1 à L. 552-4, L. 552-6, L. 552-7 et L. 552-8, L. 552-9-1, L. 552-10, L. 553-1, L. 553-3, L. 555-1, L. 561-1 à L. 561-3, L. 571-1 et L. 571-2, L. 624-4, L. 742-3 et L. 742-6 du même code et les articles L. 222-2-1, L. 776-1 et L. 776-2 du code de justice administrative, l’article L. 729-2 du code de procédure pénale et l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, dans leur rédaction issue des articles 23, 25, 26, 28 à 45 et 47 à 56 de la présente loi, sont applicables à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
M. le président. L'amendement n° 263, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Je suppose que la commission et le Gouvernement confirment leurs avis défavorables ?...
M. François-Noël Buffet, rapporteur, et Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 513, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
les I et II de l'article L. 511-1
par les mots :
l'article L. 511-1 à l'exception du deuxième alinéa du III
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 83, modifié.
(L'article 83 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 83
M. le président. L'amendement n° 485 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au titre III du livre Ier du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 131-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. - Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre publique :
« 1° un résident de la ville d'Albina, au Suriname, n'est pas soumis aux obligations de l'article L. 211-1 pour entrer sur le territoire de la commune de Saint-Laurent ;
« 2° un résident de la ville d'Oiapoque, dans l'État de l'Amapa, au Brésil, n'est pas soumis aux obligations de l'article L. 211-1 pour entrer sur le territoire de la commune de Saint-Georges. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement, bien qu’il soit au premier abord de nature un peu locale, soulève un problème bien réel, qui, pensons-nous, mérite d’être débattu au Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas s’il s’agit d’un problème local !
M. Richard Yung. Il ne se pose peut-être pas en Seine-et-Marne, monsieur le président de la commission, mais je répète qu’il s’agit bien d’un vrai problème !
Cet amendement vise à réconcilier la Guyane et ses voisins en ne soumettant pas les habitants de deux villes, l’une surinamienne, l’autre brésilienne, situées à quelques centaines de mètres de la frontière, sur l’autre rive d’un fleuve – le Maroni, dans le premier cas, l’Oyapock, dans le second –, à l’obligation de visa pour rentrer sur le territoire de la commune française respectivement concernée.
La ville d'Oiapoque, au Brésil, est située juste en face de Saint-Laurent-du-Maroni et celle d'Albina, au Suriname, juste en face de Saint-Georges-de-l'Oyapock. Tous les jours, des centaines de ressortissants brésiliens, d’un côté, et surinamiens, de l’autre, traversent le fleuve sur leurs embarcations et viennent s’approvisionner en Guyane, rencontrer leurs amis, échanger avec nos compatriotes. Le trafic est considérable et il est clair qu’il perdurera.
En réalité, à l’occasion de ces visites quotidiennes, le droit ne s’applique pas puisque ces personnes sont en situation irrégulière.
En effet, il leur faut un visa d’entrée pour être reçues légalement sur le territoire guyanais. Or, pour l’obtenir, elles doivent se rendre au consulat français le plus proche, distant de plusieurs centaines de kilomètres dans le cas des habitants d’Oiapoque, et qui n’est guère susceptible d’être le but d’une promenade matinale pour ceux d’Albina, même si la capitale du Suriname, Paramaribo, n’est pas aussi éloignée ; je vous renvoie à vos atlas habituels. Bref, ces personnes ne vont pas chercher de visa pour cette simple visite frontalière.
À l’évidence, cette obligation juridique est en totale contradiction avec la proximité réelle des habitants des rives de ces deux fleuves.
C’est pourquoi nous proposons, avec notre collègue Jean-Étienne Antoinette, que les habitants de ces deux villes, Albina et Oiapoque, soient dispensés de visa pour entrer sur le territoire des communes de Saint-Laurent-du-Maroni et de Saint-Georges-de-l’Oyapock.
Certes, dans son règlement n° 574/1999 du Conseil du 12 mars 1999, la Commission européenne a dressé une liste des États dont les ressortissants doivent être munis d’un visa pour entrer sur le territoire européen. Le Suriname y figure. Mais, dans le sixième considérant, la Commission énonce également « que, dans des cas particuliers qui justifient une exception au principe de l’obligation de visa, les États membres peuvent dispenser certaines catégories de personnes de l’obligation de visa ». Il existe donc un fondement juridique pour prendre cette disposition.
Je rappellerai deux éléments de réflexion complémentaires concernant le Brésil, État qui ne figure pas dans la liste de la Commission.
D’abord, les ressortissants français n’ont pas besoin de visa pour se rendre non seulement dans la belle ville d’Oiapoque, où nous voudrions tous aller, mais aussi dans le grand État brésilien d’Amapá, comme dans l’ensemble du Brésil !
Ensuite, la suspension de l’obligation de visa pour les Brésiliens qui se rendent en France est une demande réitérée de l’ambassadeur du Brésil.
Nous savons tous que la France mène une politique dynamique, et tout à fait justifiée, à l’égard du Brésil. C’est un élément à prendre en considération.
Alors que, sur le fleuve Oyapock, que je vous invite à aller voir,...
Mme Catherine Procaccia. On voudrait bien, mais, en ce moment, les voyages à l’étranger... (Rires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À vos frais, bien sûr !
M. Richard Yung. Si vous payez votre billet d’avion, il n’y a pas de problème ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute façon, la Guyane, c’est la France ! Mais il ne faudra pas traverser le fleuve ! (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. Alors que s’achève la construction du pont sur l’Oyapock qui permet de relier Oiapoque, au Brésil, et Saint-Georges-de-l’Oyapock, en Guyane, il paraît particulièrement bienvenu de résoudre ce problème comme le souhaite notre collègue Jean-Étienne Antoinette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à exonérer de l’obligation de posséder les documents et visas nécessaires à l’entrée en France, d’une part, les résidents de la ville d’Albina, au Suriname, qui souhaitent se rendre à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, et, d’autre part, les résidents de la ville d’Oiapoque, au Brésil, qui souhaitent se rendre dans la commune de Saint-Georges-de-l’Oyapock, en Guyane également, mais à sa frontière orientale.
Une telle exonération n’étant pas opportune, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. La réflexion menée outre-mer conduit à penser qu’il faut permettre l’intégration de ces territoires dans leur environnement régional. La législation relative aux visas a déjà été assouplie, puisque les cent cinquante mesures décidées lors du conseil interministériel de l’outre-mer sont entrées en application.
Cela dit, en Guyane, la pression migratoire étant très forte, il n’est pas possible de traiter cette question au détour d’un amendement. Il convient de le faire par un accord entre les deux pays. C’est ce à quoi nous nous employons puisque, à la suite de l’ouverture du pont sur le fleuve Oyapock, nous avons entamé avec les Brésiliens des discussions sur un éventuel accord bilatéral relatif au statut des frontaliers. Les négociations sont en cours.
S’agissant de la circulation des personnes entre Saint-Laurent-du-Maroni et Albina, la question a été abordée lors de la réunion d’un conseil du fleuve. Votre collègue M. Georges Patient aurait pu vous le préciser…
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 485 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Roger Romani remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. L'amendement n° 484, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 514-1, L. 514-2 et L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. C’est notre dernier amendement... Nous avons un petit pincement au cœur ! (Sourires.)
M. le président. Nous n’irons peut-être pas jusqu’à observer une minute de silence ! (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. Avec cet article additionnel, nous souhaitons rétablir le caractère suspensif des recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et les obligations de quitter le territoire français, en Guyane, à Saint-Martin, en Guadeloupe et à Saint-Barthélemy.
Ce projet de loi s’applique sur les terres ultramarines, où le nombre de migrants est relativement élevé.
Toutefois, nous regrettons l’existence d’un régime dérogatoire au droit commun pour la Guyane, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Dans ces quatre territoires, les migrants sont déjà privés des quelques protections existantes en métropole en cas de contrôle policier ou de mesure d’éloignement. Par exemple, seule une intervention de l’autorité consulaire peut imposer le respect d’un jour franc avant l’exécution d’une mesure de reconduite. Aucune des procédures contentieuses de droit commun suspensives d’exécution ne s’applique !
Nous souhaitons mettre fin à ce régime dérogatoire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Demandez aux élus ultramarins s’ils sont d’accord !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Lucienne Malovry, pour explication de vote.
Mme Lucienne Malovry. Je suis quelque peu étonnée par cet amendement. En effet, dans le rapport intitulé « La Guyane : une approche globale de la sécurité » et cosigné par M. Jean-Étienne Antoinette, on peut lire que la population « comprend 30 % d'illégaux. ».
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 484.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES
Article 84 A
(Non modifié)
Les dispositions de la présente loi applicables aux obligations de quitter sans délai le territoire français sont également applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction antérieure à la présente loi.
Les dispositions applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application de l’article L. 533-1 du même code sont également applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application du 8° du II de l’article L. 511-1 du même code dans sa rédaction antérieure à la présente loi. Toutefois, les dispositions de l’article L. 213-1 du même code relatives aux arrêtés prononcés en application de l’article L. 533-1 du même code moins de trois ans auparavant ne sont applicables qu’aux seuls arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application dudit 8° moins d’un an auparavant.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 88 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 264 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.
M. Jacques Mézard. Pour moi aussi, c’est le dernier amendement que j’aurai l’honneur de défendre, sur ce texte du moins ! (Sourires et exclamations amusées.)
L’article 84 A, qui est issu d’un amendement du Gouvernement adopté à l’Assemblée nationale, a pour objet d’assurer la continuité des procédures d’éloignement en cours au moment de la publication de la loi qui, je le crains, va être votée.
Cet article prévoit que les procédures entamées sous le régime des anciennes mesures d’éloignement vont se poursuivre sous le régime de celles qui les ont remplacées.
Or il s’agit tout de même de procédures qui ont des effets sur les libertés et il existe en droit pénal un principe selon lequel on ne doit appliquer les nouvelles procédures que dans la mesure où elles sont plus favorables à ceux qu’elles visent.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 264.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il ne s’agit que de notre avant-dernier amendement, mais mes explications vaudront également pour l’amendement n° 265, qui sera bien le dernier et sur lequel nous n’aurons donc pas à reprendre la parole. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
Je dirai simplement que ces deux amendements s’inscrivent bien sûr dans la logique des positions que nous avons défendues sur ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ce n’est pas la dernière fois que j’émettrai un avis défavorable ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 88 rectifié et 264.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 84 A.
(L'article 84 A est adopté.)
Article 84
(Non modifié)
Les articles 13 à 16, 22 à 30, 32 à 37, 40 à 46, 48, 49, 52 à 56, 57 à 67 et 78 entrent en vigueur à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le jour de la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 265, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission estime que ce délai de trois mois pour l’entrée en vigueur paraît raisonnable. Aussi est-elle défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 514, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
32 à 37
par les mots :
32 à 36
et les mots :
40 à 46
par les mots :
41 à 46
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 84, modifié.
(L'article 84 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, le texte que le Sénat s’apprête à voter a une physionomie bien différente du texte issu de l’Assemblée nationale !
Une fois n’est pas coutume, nos collègues députés avaient adopté un texte excessif par certains aspects. Je pense notamment aux dispositions concernant la déchéance de nationalité, la carte de séjour « étranger malade » ou l’intervention du juge des libertés et de la détention au cours de la rétention.
Sur ces trois sujets, notre groupe s’est exprimé de manière unanime et cette unanimité est le reflet de nos convictions sur deux thèmes fondamentaux : l’humanisme et le respect des libertés individuelles de chacun.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Yves Détraigne. S’agissant de l’extension de la déchéance de nationalité, notre position sur le fond a déjà été largement exprimée, notamment par la voix de notre collègue Nathalie Goulet. Je m’en tiendrai donc à un simple rappel.
Selon nous, cette mesure aurait, de fait, conduit à créer deux catégories de Français. Je suis conscient que nous parlions de criminels. Pour autant, il y aurait bien eu ceux qui, pour des faits similaires, auraient pu se voir retirer leur nationalité française et ceux qui l’auraient conservée. Lorsqu’on est Français, que ce soit par la naissance ou parce qu’on l’est devenu, on l’est pleinement !
S’agissant de la carte de séjour accordée à un étranger malade, les députés ont craint que les évolutions de la jurisprudence récente du Conseil d’État ne fassent peser une charge déraisonnable sur le système de soins français. C’est pourquoi ils avaient souhaité revenir au droit antérieur.
Cette démarche nous est apparue comme inopportune. Ainsi, nous partageons totalement les préoccupations liées à la santé publique exprimées par la commission des lois à propos de la modification proposée par l’Assemblée nationale. Nous sommes donc satisfaits que les dispositions en question ne figurent pas dans le texte que nous nous apprêtons à voter.
S’agissant de l’intervention du juge judicaire dans la procédure de rétention, nous avons eu hier soir un débat intéressant, ce qui nous a permis d’entendre les arguments des uns et des autres. Pour autant, notre position n’a pas évolué : nous restons convaincus que la solution qui nous était proposée entre grandement en contradiction avec plusieurs principes posés par notre droit, en particulier par la Constitution elle-même.
Le fait, d’une part, qu’un étranger puisse être renvoyé sans même qu’un juge ait pu examiner le recours qu’il a déposé sur ses conditions d’arrestation ou de détention et, d’autre part, que ce recours devant le juge des libertés et de la détention n’intervienne plus qu’au terme d’un délai de cinq jours nous paraît inacceptable en l’état.
Les arguments brillamment avancés hier soir par M. Gérard Longuet et relatifs à l’indépendance et à l’impartialité des juges administratifs ne nous ont pas fait oublier l’article 66 de la Constitution, selon lequel le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle.
Le projet de loi que nous avons examiné a d’abord pour objet de transposer dans notre droit trois directives européennes créant un cadre juridique pour une politique européenne de l’immigration. Nous avons naturellement soutenu cette démarche. Nous avons également soutenu plusieurs propositions du Gouvernement qui allaient certes au-delà de la simple transposition, mais qui nous semblaient nécessaires.
C’est pour moi l’occasion de saluer le travail considérable accompli sur ce projet de loi par la commission des lois et, notamment, par son rapporteur, François-Noël Buffet. Sur de nombreux points importants, il a su revenir à une position plus raisonnable et plus conforme aux principes généraux de notre droit, tout en cherchant à favoriser une meilleure maîtrise des flux migratoires, condition essentielle de la sauvegarde de nos valeurs.
Puisque ce projet de loi prévoit, d’une part, des moyens pour favoriser une intégration accrue des étrangers que nous accueillons sur notre territoire et, d’autre part, de nouveaux outils permettant de renforcer l’indispensable lutte contre l’immigration clandestine, le groupe de l’Union centriste le votera. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous voici donc parvenus à la fin d’un débat qui nous aura occupés près de six jours entiers, au cours desquels nous avons examiné environ cinq cents amendements. On peut dire que le Sénat a bien travaillé !
Je veux d’ailleurs, à mon tour, rendre hommage à M. le rapporteur, qui, bien que nous soyons en désaccord sur de nombreux points, a adopté une attitude d’ouverture tout au long de la discussion.
Comme nous l’avions affirmé d’emblée, ce texte va bien au-delà de la simple transposition des trois directives relatives, respectivement, à la « carte bleue » européenne, au retour des étrangers et à l’emploi irrégulier. En réalité, il sert de support pour introduire certaines mesures que le Gouvernement avait en tête et qui n’ont rien à voir avec lesdites directives.
Une telle manière de procéder est au fond assez logique, ce texte s’inscrivant dans une politique que nous connaissons bien puisqu’elle est à l’œuvre depuis un certain nombre d’années et qui consiste à instrumentaliser le thème de l’immigration sans se préoccuper de résoudre le problème.
En effet, nous constatons que, à cet égard, la situation ne bouge pas, malgré les grandes envolées où l’on brandit toutes sortes de chiffres : on compte toujours en France entre 300 000 et 400 000 travailleurs irréguliers, la même pression démographique s’exerçant aux frontières du territoire français. Mais ce qui compte, c’est d’en parler, pour que le journal de vingt heures s’ouvre sur ce sujet… Bref, ce qui compte, c’est de montrer que le discours de Grenoble se traduit dans les faits !
À l’issue de nos débats, je note un certain nombre de points positifs, et importants : l’article 3 bis visant à étendre les cas de déchéance de la nationalité française a été supprimé, tout comme l’article 17 ter, relatif aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée pour raisons de santé, ainsi que l’article 37, qui introduisait une inversion du contentieux administratif et du contentieux judiciaire et la mise à l’écart éventuelle du juge judiciaire.
Grâce à la suppression de ces trois dispositions centrales, le texte qui sera examiné par l’Assemblée nationale est d’une autre nature que celui qui nous avait été transmis. Nous serons évidemment attentifs à ce que les députés feront en deuxième lecture. En effet, il ne faudrait pas que l’ensemble des mesures que le Sénat a supprimées soient réintroduites, non pas subrepticement, mais par un groupe de députés très marqués à droite.
Par ailleurs, l’adoption d’une dizaine d’autres amendements a également permis d’améliorer le texte, notamment pour ce qui concerne la délivrance des documents d’identité et le caractère suspensif du recours dans le cadre du règlement Dublin II.
Malheureusement, nombre de points négatifs subsistent, à commencer par le parcours du combattant que suppose l’acquisition de la nationalité française. Je pense aussi à l’allongement des délais permettant le retrait de la nationalité et à l’extension du délai pendant lequel l’administration peut refuser d’enregistrer une déclaration de nationalité. Ainsi, l’étranger souhaitant accéder à la nationalité française est confronté à des obstacles de plus en plus élevés.
Les dispositions relatives au « mariage gris » – expression peu élégante ! – sont maintenues et l’article 23 prévoit une OQTF sans délai de départ volontaire, en vertu de ce que nous considérons comme une interprétation abusive de la notion communautaire de risque de fuite. Pourtant, la directive Retour établit clairement que le délai de départ volontaire doit constituer la règle. L’absence de délai emportera des conséquences graves, notamment la soumission de l’étranger à une mesure que nous persistons à appeler le bannissement, même si le terme fait frémir un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues.
Parallèlement est créée une interdiction de retour sur le territoire français, dont nous avons demandé à de nombreuses reprises la suppression.
En outre, un certain nombre d’articles de ce projet de loi visent à restreindre et à transposer a minima les droits de libre circulation des ressortissants communautaires, ce qui ne manquera pas de poser certains problèmes avec nos partenaires d’Allemagne, de Belgique, de Suède – j’allais évoquer le Liechtenstein, mais ce n’est pas un bon exemple ! –, alors que ce sont deux pays précis qui sont ici visés ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’évoquerai également, monsieur le ministre, l’allongement de la durée de la rétention de 32 à 45 jours, malgré votre engagement – ou ce que nous avions interprété comme tel – de ne pas œuvrer en ce sens. Vous allez sans doute nous répondre qu’il s’agit de la durée la plus courte, mais ce n’est pas en soi un argument.
Quant à la procédure de « purge des nullités », elle vise tout simplement à entraver le travail du juge judiciaire, tandis que la procédure prioritaire est étendue au droit d’asile.
Voilà une liste assez longue, mais qui est loin d’être exhaustive, de points négatifs qui continuent d’entacher ce projet de loi. Ce dernier s’avère donc non seulement inutile – les cinq lois qui l’ont précédé n’ont pas été mises en œuvre ou se sont révélées inefficaces –, mais aussi dangereux.
Je le répète, nous serons très attentifs au débat qui s’ouvrira à l’Assemblée nationale et tirerons les conséquences des positions qui seront adoptées par les députés. Notre attention se portera tout particulièrement sur les articles susceptibles d’être soumis au Conseil constitutionnel. Bien que nous soyons assez prudents en la matière, nous pouvons dire qu’au moins une demi-douzaine d’articles suscitent des doutes quant à leur conformité au bloc de constitutionnalité.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, ne votera pas ce texte. Je vois que M. le ministre est surpris, voire stupéfait ! (Sourires.)
M. le président. C’est en raison de votre proximité régionale… et culturelle ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard. Certes, si l’on considère le côté positif des choses, on peut souligner que le Sénat a rejeté des dispositions particulièrement choquantes concernant la déchéance de nationalité, la saisine du juge des libertés et de la détention et la dualité des procédures administratives et judiciaires en matière de rétention administrative. J’ai d’ailleurs relevé à plusieurs reprises les observations objectives formulées par le rapporteur et me suis réjoui des quelques avancées relatives à la protection des travailleurs sans titre de séjour.
Toutefois, ce texte, le cinquième traitant de l’immigration depuis 2002, est d’abord, nous le savons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, un texte à effet médiatique. Il faut se souvenir aussi qu’il fait suite au débat catastrophique sur l’identité nationale !
Ce texte ne correspond pas, en outre, à une transposition correcte des directives européennes.
L’accumulation des lois sur ce même thème au cours des dernières années montre, d’une part, que les textes que vous faites voter n’ont pas d’effet concret et sont donc inefficaces et, d’autre part, que vous cherchez à entretenir dans l’opinion publique des réactions contre l’étranger sous toutes ses formes : tantôt c’est l’Europe qui est la cause de tous les maux ; tantôt, c’est l’immigration qui explique la crise. Un tel discours de rupture n’est pas constructif, quand notre pays a au contraire besoin de rassemblement et de confiance.
Par conséquent, je le répète, très majoritairement, nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. D’emblée, je tiens à dire que je partage l’idée émise par M. Yung selon laquelle nous avons bien et longuement travaillé.
Malgré le rejet, dont nous nous félicitons, de certaines mesures emblématiques, relatives notamment à l’extension de la déchéance de la nationalité, au droit au séjour des étrangers malades et à la saisine du juge des libertés et de la détention, il demeure que ce projet de loi est encore émaillé d’articles d’une extrême gravité, dont la mise en œuvre portera atteinte aux droits, aux libertés et à la dignité de l’être humain.
J’avoue que je suis toujours inquiète quand j’entends M. Mariani, le « Monsieur Loyal » de ce projet de loi, nous annoncer avec une légèreté indécente que la culture de la xénophobie sera la pièce maîtresse de la campagne présidentielle. S’ensuit évidemment une caricature poussée à l’extrême des étrangers, tous accusés d’être des pilleurs invétérés de notre système social.
Ainsi, après la réutilisation originale de la fameuse formule « la France, tu l’aimes ou tu la quittes », a-t-on vu fleurir d’autres jeux de mots douteux et de bien mauvais goût, des amalgames entre intégration et assimilation ou encore entre immigration et délinquance.
Vous justifiez l’ensemble de ces mesures par la nécessité de transposer plusieurs directives européennes, mais vous avez fait le choix d’une transposition partielle, après avoir procédé à des choix draconiens. En l’occurrence, l’Europe a bon dos !
Vous feignez, dans le même temps, d’oublier que les instances et les juridictions communautaires ont condamné la France à plusieurs reprises, en raison du mépris affiché à l’égard de certains ressortissants de l’Union, en violation des traités que la France a ratifiés.
Je le dis avec force : il serait de bon ton de cesser d’instrumentaliser la France, de brader son identité à votre convenance, sous couvert de la définir, et de vous servir de l’Europe comme alibi.
Aujourd’hui, dès que vous vous sentez fragilisés sur des questions sociales, vous tentez de dévier la trajectoire des colères, à l’instar de celle qui s’exprime aujourd’hui en particulier chez les magistrats et dans le monde de l’éducation, en stigmatisant, au sein de la population, des catégories de personnes pour les livrer en pâture à l’opinion.
Cette manière de procéder est extrêmement dangereuse parce qu’elle nourrit les extrêmes, qui en profitent pour bomber le torse. On ne le répétera jamais assez : en général, les gens préfèrent l’original à la copie !
Aimé Césaire disait, à la suite de Senghor, qu’un raciste est un homme qui se trompe de colère – et je profite de cette occasion pour rendre hommage à Édouard Glissant, qui vient de disparaître. Or, avec ce texte, vous donnez aux racistes de quoi nourrir leur colère envers l’autre, celui qui serait différent, étranger, immigré.
Vous l’avez compris, nous voterons contre ce texte et nous suivrons avec attention son examen en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, au début du mois de mars. Bien entendu, nous prendrons toute notre part aux débats lorsqu’il reviendra ensuite devant notre assemblée.
Je le réaffirme, nous sommes pour le respect inconditionnel de la dignité humaine et c’est la raison primordiale pour laquelle nous sommes opposés à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Bernadette Dupont et M. Alain Gournac s’exclament.) Qu’avez-vous à dire ? Il fallait vous exprimer pendant les débats !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, comme vous vous en doutez certainement, je ne voterai pas ce projet de loi. Je combats fermement la logique de suspicion, d’enfermement et d’éloignement. Or, malheureusement, ce texte crée la suspicion, enferme et éloigne.
De surcroît, après avoir suscité le mécontentement des magistrats de l’ordre administratif, il agace désormais les magistrats de l’ordre judiciaire.
Comme j’ai eu l’occasion de le faire lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, j’apporte tout mon soutien aux personnels du milieu judiciaire et aux forces de l’ordre, sur lesquels le Président de la République et le Gouvernement tentent de faire peser depuis quelques jours des responsabilités qui n’incombent pourtant qu’à eux.
Quant aux magistrats de l’ordre administratif, dont les organisations syndicales ont appelé à manifester hier contre ce projet de loi, ils craignent, à juste titre, que trois dispositions procédurales ne menacent leurs conditions de travail : la possibilité de tenir des audiences dans les centres de rétention ; la volonté sans cesse affichée d’inverser l’ordre d’intervention des juges de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ; enfin, la possibilité de statuer par la voie d’un juge unique sur l’interdiction de retour sur le territoire français lorsque l’étranger est placé en rétention.
Les magistrats de l’ordre administratif insistent sur le fait que cette dernière disposition constitue un véritable recul des garanties apportées au justiciable alors qu’aucune situation d’urgence ne justifie, dans ce cas, l’absence de collégialité.
Ce projet de loi porte donc sans aucun doute atteinte à nos droits fondamentaux et à nos libertés individuelles en stigmatisant une fois de plus les étrangers et en suscitant des peurs.
Comment pourrions-nous, par exemple, accepter ce concept nauséabond de « mariage gris » et l’aggravation injustifiée des sanctions pénales encourues en la matière ? Pourquoi faire peser la suspicion sur la seule personne de l’étranger, le conjoint français étant nécessairement présumé de bonne foi ? C’est une véritable présomption de culpabilité qui s’attache ainsi à l’étranger !
Comment avez-vous pu, monsieur le ministre, songer à ce que de nombreuses associations et plusieurs juristes qualifient de « Guantanamo à la française » ? Vous souhaitez en effet enfermer jusque pour une durée de dix-huit mois les étrangers condamnés pour terrorisme ayant déjà purgé leur peine, en les plaçant en rétention administrative. Qu’est-ce, sinon une double peine ?
La seule vocation de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger ; elle n’est pas de mélanger mesure de sûreté et sanction d’un comportement passé.
Et que dire des droits de la défense quand vous empêchez qu’une procédure aille à son terme en refusant le recours suspensif des demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire, alors même que plusieurs associations, mais aussi la Cour européenne des droits de l’homme ont demandé que ce recours soit suspensif ?
Vous l’aurez compris, les sénateurs écologistes s’opposent fermement à ce projet de loi discriminatoire, liberticide et répressif à l’égard de l’étranger. S’il est adopté in fine, j’espère que le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme le condamneront. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc parvenus au terme de l’examen en première lecture de ce projet de loi, dont l’objectif est tout simplement de poursuivre dans la voie ouverte en 2007, en adaptant notre législation aux évolutions européennes et en recherchant de nouveaux moyens pour lutter contre des filières en constante mutation.
La France a une longue tradition d’accueil et d’intégration, à laquelle nous sommes tous attachés. Pour autant, il est important de continuer à lutter contre l’immigration irrégulière. Cette tradition d’hospitalité nous amène et même nous oblige à rester une terre d’intégration, où l’immigration puisse être choisie et réussie, sous peine de mettre en péril notre cohésion nationale.
La France a le droit, comme tous les pays, de décider qui elle veut ou qui elle peut accueillir sur son territoire. Car tout laxisme en matière d’immigration ne peut qu’engendrer le développement de tous les racismes.
Le projet de loi que nous allons voter, et ce n’est une surprise pour personne, s’inscrit dans cette continuité : ce double défi d’intégration et de lutte contre l’immigration illégale.
Il répond également aux exigences de l’évolution du droit européen. Nous participons donc modestement et progressivement à la construction d’une politique européenne de l’immigration et de l’asile.
Je tiens en cet instant à saluer le travail minutieux et équilibré mené par notre rapporteur, François-Noël Buffet, et par la commission des lois, sous le regard attentif de son président, Jean-Jacques Hyest.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce texte, en espérant que la navette parlementaire permettra encore de poursuivre cette réflexion collective s’agissant de certaines autres mesures importantes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des débats qui vont s’achever, le Sénat est revenu sur plusieurs mesures inacceptables à nos yeux, et c’est tant mieux.
Je tiens à saluer le travail de la commission des lois, en particulier sur les articles 17 ter et 26, relatifs à la santé des étrangers, sur les articles 37 et 40, relatifs à la place du juge administratif et du juge judiciaire dans la procédure de rétention des étrangers.
Ces sujets sont complexes eu égard à l’enchevêtrement des procédures administratives et civiles qu’a souligné hier le président Longuet. Nous sommes conscients du problème, mais nous estimons que le dispositif prévu par le texte comportait de graves risques d’inconstitutionnalité et soulevait plus de difficultés qu’il n’en résolvait.
Le juge des libertés doit intervenir dans les plus brefs délais, car, qu’on le veuille ou non, si la rétention n’est pas une garde à vue, elle reste une privation de liberté.
Ces avancées notables par rapport au texte initial ont été obtenues en commission et réaffirmées en séance. Aussi, je remercie notre rapporteur, dont la rigueur fait honneur à la commission des lois.
Nous avons également pris acte avec satisfaction de la suppression, à l’article 3 bis, de la mesure portant déchéance de la nationalité. Nous souhaitions qu’il ne se trouvât pas, dans notre hémicycle, de majorité pour la voter ; nous avons été entendus, notamment par nos collègues centristes. Cet article représentait un recul de nos valeurs, portait atteinte à notre Constitution, stigmatisait une énième fois les étrangers naturalisés. Cette mesure ouvrait la porte à des dérives que nul ici ne souhaite à l’évidence, mais que nous ne pouvons pas prévoir.
Grâce à ces modifications, le texte s’en trouve amélioré. Il n’en reste pas moins un mauvais texte.
Ainsi, vous persistez à inscrire dans la loi le délit de solidarité. Nous ne pouvons l’accepter, parce que venir en aide à une personne qui en a besoin ne saurait constituer le motif d’une incrimination. Monsieur le ministre, vous avez essayé de distinguer, parmi les différents motifs, le motif humanitaire. Pour ma part, je ne vois pas comment on peut établir une distinction entre les motifs d’aide : ils sont toujours humanitaires.
Cet article, à lui seul, révèle la philosophie profonde de ce texte : l’étranger est d’abord un profiteur potentiel avant d’être un être humain. Ceux qui lui viennent en aide ne devraient pas le faire. Seuls comptent les étrangers diplômés, les étrangers « de qualité », les « bons » étrangers.
Je reviens sur le « mariage gris », typique de cet esprit de suspicion. Selon vous, il est le fait d’étrangers qui se marient à des Français ou à des Françaises pour avoir des papiers et une carte de séjour. Il n’est pas un vrai mariage parce que l’un des deux conjoints a trompé l’autre sur les motifs de l’union.
J’avoue que, si ce genre de situation peut éventuellement exister, nous sommes bien en peine d’intervenir, en tant que législateur. Quels outils juridiques proposer pour juger de la véracité du consentement de quelqu’un, de la validité de ses sentiments ? Comment diable un juge va-t-il pouvoir décider qu’un étranger a dissimulé ses intentions à son conjoint, pour reprendre les termes de votre projet de loi ? À mon sens, on entre là dans le tréfonds des cœurs, dans l’intime, et il est très difficile de trancher.
On se trompe parfois avec les sentiments : on croit aimer et l’on finit par se rendre compte qu’on se leurre. On change alors d’avis, on demande le divorce. Nombre de couples vivent ces situations ; c’est même assez fréquent chez des couples « franco-français ». Ces mariages ne sont pas pour autant considérés comme frauduleux. Pourquoi une telle suspicion dès que le mariage implique des étrangers ?
Cela ferait presque rire si les peines encourues n’étaient pas si lourdes : sept ans de prison, 30 000 euros d’amende, soit autant que pour le proxénétisme et la traite d’êtres humains.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Nous avons modifié le texte !
Mme Bariza Khiari. Croyez-vous, mes chers collègues, que cette peine soit en adéquation avec le délit constaté ? Quel pouvoir met-on ainsi dans les mains du conjoint français, qui pourra disposer aisément d’une arme contre son compagnon en cas de difficulté de couple ? Cette inégalité dans le couple me paraît dangereuse et porteuse de conflits assez malsains.
Laissons au contraire nos compatriotes faire preuve de discernement sur leurs relations ; ils sont adultes et doués de raison. Si on leur accorde le droit de vote, c’est précisément parce que l’on estime qu’ils sont capables de réfléchir avant de s’engager. Cela est aussi valable en amour.
Je n’ajouterai rien à ce qu’a fort bien dit Richard Yung sur la purge des nullités et sur d’autres sujets.
En conclusion, monsieur le ministre, je m’étonne qu’un grand nombre de textes importants pour le quotidien de nos concitoyens aient été examinés selon la procédure accélérée, cependant que ceux qui portent sur la sécurité et l’immigration le sont selon la procédure classique, à savoir deux lectures dans chaque chambre, comme si l’on voulait poser, par cet étalement dans le temps, les thèmes de la prochaine campagne électorale et surenchérir sur les thèses de Mme Le Pen, qui stigmatise, elle, les musulmans.
Qu’y a-t-il là d’étonnant après, notamment, le funeste débat sur l’identité nationale, le texte sur la burqa, le déchaînement sur les minarets ou la viande halal et, aujourd’hui, ce texte sur les étrangers et les immigrés ? Souhaite-t-on ainsi distiller encore et toujours la peur de l’autre, de l’étranger ?
C’est la raison pour laquelle nous dénonçons une fois de plus cette stigmatisation constante. Qu’on cesse de faire des immigrés les boucs émissaires de tous nos problèmes et les otages réguliers de nos élections en refusant d’aborder les problèmes de fond que sont le chômage, la pauvreté, la précarité, le logement, l’éducation ou la désindustrialisation de la France.
Ce grand auteur qu’est Milan Kundera disait il y a déjà quelque temps : « L’immigré, c’est le grand souffrant de notre siècle. » Il parlait bien entendu du XXe siècle. C’est malheureusement toujours le cas au XXIe !
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je me prononce contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, le Gouvernement aurait dû s’abstenir, c’est-à-dire retirer ce texte : c’était le projet de M. Besson et il manifestait la volonté du Président de la République, au-delà d’une cinquième discussion sur l’immigration – et au moins d’une sixième sur la sécurité – de s’adresser à une partie de son électorat de 2007, celle qui avait sans doute tendance à s’éloigner et qu’il fallait entretenir dans ses idées sur les étrangers, après les avoir largement alimentées.
D’ailleurs, nous pouvions penser que le chef de l’État en avait pris conscience puisqu’il a décidé de supprimer le ministère de l’identité nationale. Il a dû se rendre compte que l’existence d’un tel ministère n’était pas tellement « payante » dans la mesure où cette partie de son électorat ne semblait pas lui être particulièrement fidèle.
Eh bien non ! Nous avons eu droit au discours de Grenoble, puis à des attaques intolérables contre les Roms !
Tous ces discours sont extrêmement dangereux, car, s’ils ne sont pas forcément rentables électoralement – c’est à vous d’en juger ! –, ils ont cependant des effets très négatifs.
Je ne sais pas à qui tout cela profite mais, à force d’attiser des peurs, les propos se lâchent !
On a vu des choses très étranges, par exemple un hebdomadaire qui a titré : « La France envahie par les Chinois ! ». Sans doute voulait-il parler d’une invasion économique, mais on a eu l’impression de voir tout à coup ressurgir cette vieille lune du « péril jaune » !
Ensuite, on a vu un camp de Roms, près de Marseille, attaqué et mis à sac par des bandes. Voilà encore des gens qui se lâchent, non pas verbalement mais par des actes !
Tout cela est très grave, et si vous aviez retiré cet énième texte, monsieur le ministre, vous auriez montré que vous ne vouliez pas continuer à vous servir de ces peurs. La peur est particulièrement mauvaise conseillère en politique.
Vous pouviez au contraire jouer la carte de la confiance, et il y a fort à faire en la matière. Je pense bien entendu à la confiance sur le plan économique et social. Vous en êtes bien loin, mais vous auriez pu donner l’exemple en Europe, par exemple en ratifiant la convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Vous pouviez aussi transposer les directives, mais en ne reprenant que les mesures communes les plus protectrices à l’égard des migrants.
Vous auriez ainsi prouvé que nous n’avons pas peur des étrangers, pas peur des migrations, qui sont de toute façon inéluctables dans un monde ouvert. Vous ne pouvez pas libérer partout les capitaux et considérer que les individus doivent être cantonnés dans leur lopin, sinon dans leur ghetto.
Mais vous avez voulu encore et toujours afficher, sans mesurer les désastres que vous provoquez.
Majoritairement, le Sénat – la commission des lois, en particulier son président et son rapporteur, a indiscutablement joué un rôle – a refusé les abus les plus manifestes qui figuraient dans le texte venant de l’Assemblée nationale et qui plaçaient la France dans une position passablement honteuse. Je pense surtout à la déchéance de nationalité, une notion qui nous rappelle de bien mauvais souvenirs et que nous voudrions voir oubliée, en tout cas bannie – encore une notion que vous prisez ! – de notre législation et de notre vocabulaire.
Néanmoins, ce texte reste un texte d’affichage très négatif, avec des mesures qui auront des conséquences tout à fait désastreuses sur la vie réelle des migrants et leur situation en France.
Par conséquent, nous voterons, bien sûr, contre ce projet de loi, mais en émettant tout de même le vœu qu’on n’aille pas agiter certains esprits de manière à revenir finalement au texte initial. J’espère au moins que la majorité sénatoriale aura emporté l’adhésion de l’ensemble des parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Gournac. Alors, aidez-nous !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Au terme de ces débats, je voudrais dire que j’ai été attentif aux positions exprimées par les uns et les autres.
Je me tourne tout d’abord vers Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat pour saluer la constance du groupe CRC-SPG.
Je dirai ensuite à Mme Bariza Khiari que je suis toujours très sensible à ses propos, mais que, cette fois, son intervention m’a vraiment semblé, à bien des égards, terriblement caricaturale.
Les arguments que M. Yung a invoqués tout à l’heure ne m’ont pas semblé très honnêtes – qu’il ne m’en veuille pas –, car il a dit que ce texte ne se limitait pas à la simple transposition de directives européennes, laissant entendre que, si cela avait été le cas, la position de son groupe aurait été différente. Or nous connaissons la réalité : de toute façon, les socialistes auraient voté contre ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Vous ne pouvez pas le savoir !
M. Brice Hortefeux, ministre. Mais je crois que je présume assez bien !
C’est d’ailleurs pourquoi je tiens à rendre hommage à Mme Boumediene-Thiery : elle, au moins, est totalement cohérente. Elle est pour l’immigration, qu’elle soit régulière ou irrégulière : tout le monde peut entrer chez nous, s’y installer, y circuler, tout cela n’a aucune importance !
M. Alain Gournac. Oui !
M. Brice Hortefeux, ministre. Cette position est moins hypocrite que celle du groupe socialiste, qui prétend officiellement vouloir lutter contre l’immigration irrégulière, mais qui, dans la pratique, ne vote aucune des mesures qui permettent de promouvoir l’immigration légale. Pas une seule de ces mesures n’a trouvé grâce à leurs yeux ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !
M. Richard Yung. Évidemment, vous dites cela à un moment où nous ne pouvons pas répondre !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je remercie Yves Détraigne des propos qu’il a tenus, même si je regrette – j’y reviendrai – certaines positions ou certains votes qui ont été ceux de l’Union centriste.
Je remercie également Jacques Gautier de son analyse, qui reflète la lucidité qui a été celle de l’UMP, nous procurant ses encouragements à l’occasion de cette discussion.
Enfin, je sais gré à la Haute Assemblée, et plus particulièrement à M. le président de la commission et M. le rapporteur, d’avoir approuvé un certain nombre de mesures importantes : je pense aux dispositions destinées à lutter contre l’immigration clandestine, à encourager l’immigration professionnelle - notamment la « carte bleue » européenne –, à renforcer nos outils de contrôle des étrangers terroristes en voie d’expulsion, qui pourront désormais être placés en centre de rétention – très honnêtement, cela me paraît le minimum !
J’encourage d’ailleurs les sénateurs qui ont approuvé cette dernière mesure à se souvenir que certains ne l’ont pas votée. Les électeurs, grands, petits ou moyens, sont assez sensibles à cette absence de responsabilité…
Je mesure néanmoins que des nuances importantes se sont exprimées concernant certaines dispositions proposées par le Gouvernement et adoptées par les députés. Je pense à la réforme du contentieux de l’éloignement. Je pense aussi à la possibilité de retirer la nationalité française à des assassins de policiers et de gendarmes. Ces mesures ont été approuvées par l’Assemblée nationale et par la majorité de la majorité au sein de la Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est-à-dire une minorité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement, qui est attaché à ces mesures, veillera à ce que la suite du débat parlementaire permette, conformément à nos règles constitutionnelles, de mener à bien cette réforme nécessaire et indispensable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. J’aime beaucoup cette formule : « la majorité de la majorité » ! Mais ce n’est pas la majorité au carré : c’est la minorité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
3
Adaptation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (projet n° 225, texte de la commission n° 257, rapports nos 256, 252 et 275).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai aujourd’hui l’honneur de vous présenter au nom du Gouvernement le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Ce titre dit assez la variété des sujets abordés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle plusieurs ministres porteront le texte : Xavier Bertrand, retenu à l’Assemblée nationale par la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique, et dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, mais également Nora Berra, qui devrait nous rejoindre dans quelques instants, Roselyne Bachelot, Frédéric Mitterrand et Éric Besson. Chacun d’entre eux est compétent sur un certain nombre de dispositions du projet de loi. Éric Besson sera d’ailleurs au banc des ministres pour vous présenter la partie du projet relative aux communications électroniques.
M. Jean-Pierre Sueur. Quel parterre !
M. Patrick Ollier, ministre. C’est pour faire honneur au Sénat, monsieur le sénateur !
Toutefois, cette variété ne doit pas masquer notre objectif commun : nous devons mettre notre droit national en conformité avec les obligations résultant du droit de l’Union européenne. Nous devons combler les retards de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives. Il est clair que nous ne pouvons plus attendre !
D’abord, ces retards ont un coût pour nos finances publiques : comme vous le savez, le traité de Lisbonne a renforcé les sanctions financières dans ce domaine. Je tiens à préciser que, si les dispositions en cause ne sont pas transposées, le risque est extrêmement fort que nous ayons à payer une amende qui se chiffrerait à 90 millions d’euros environ.
Ensuite, ces retards nous mettent dans une forte insécurité juridique puisque les citoyens de l’Union européenne peuvent désormais attaquer un État pour déficit de transposition.
Surtout, ces retards ne sont pas sans conséquences sur l’image de notre pays et sur sa crédibilité en Europe. Pour que la France soit forte dans les négociations européennes, pour qu’elle puisse peser sur les choix politiques faits lors de l’adoption des directives, nous devons être exemplaires dans la transposition de ces directives.
Or nous sommes, en ce domaine, au quinzième rang des États de l’Union européenne : cela n’est pas acceptable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de demander au Parlement de combler ce retard en accélérant la transposition de plusieurs directives : tel est l’objet de ce projet de loi.
Celui-ci va nous permettre d’achever la transposition de plusieurs directives qui revêtent une importance majeure. Il s’agit en particulier de la directive Services et de la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles, dont j’ai d’ailleurs eu à connaître lorsque, dans une autre vie, je présidais la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappellerai brièvement les objectifs de la directive Services.
Dans sa version finale, elle vise à libérer le potentiel de croissance des marchés de services en Europe, en éliminant les obstacles juridiques et administratifs injustifiés qui freinent les échanges dans ce secteur.
Elle doit notamment permettre de simplifier l’établissement de petites et moyennes entreprises ou de prestataires de services de part et d’autre des frontières intra-européennes, et ainsi d’élargir le choix des consommateurs.
Il n’est en aucun cas question d’inciter au moins-disant social. Les exigences de qualifications et de conditions de travail sont celles du pays d’accueil. Ce principe est clairement affirmé.
Les durées de travail, le salaire minimum ou les conditions d’hygiène et de sécurité sont donc entièrement garantis, notamment dans notre pays.
Par ailleurs, un certain nombre de services de portée régalienne ou d’intérêt général sont exclus du champ de la directive, notamment la sécurité privée, les services judiciaires, certains services sociaux, le transport ou la radiodiffusion.
Une grande partie des dispositions de la directive ont déjà été transposées dans le cadre de différents textes de loi, comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie – que nous avons ensemble bien connue ! –, ou la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
D’autres dispositions n’ont pas pu faire l’objet d’une adaptation législative définitive. C’est ce à quoi nous travaillons aujourd’hui.
Or, nous avons depuis longtemps dépassé la date butoir du 28 décembre 2009. À défaut d’une transposition complète de la directive Services, nous risquons une condamnation pour manquement entraînant une amende de plusieurs millions d’euros.
C’est la raison pour laquelle ce projet de loi, nécessaire, est également indispensable. Je reviendrai rapidement sur son contenu, que l’Assemblée nationale a très peu modifié.
Afin de transposer la directive Services, l’article 1er modifie la réglementation des débits de boissons. Il prévoit une déclaration administrative unique qui encadrera, de manière harmonisée, l’ensemble des lieux de vente de boissons alcooliques, dans le souci de garantir la santé et l’ordre publics. Cette déclaration n’entraînera aucun coût supplémentaire pour les mairies.
L’article 2 simplifie la réglementation relative à la revente des dispositifs médicaux d’occasion, tout en prévoyant que chaque dispositif devra avoir reçu un certificat de conformité.
L’article 2 bis fait de même s’agissant des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro d’occasion. Il s’agit, là encore, de garantir d’abord la sécurité sanitaire.
L’article 3 aménage le dispositif d’évaluation de l’activité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
L’article 4 simplifie l’accès aux activités de contrôle des installations techniques funéraires.
L’article 6, relatif aux entrepreneurs de spectacles, simplifie les procédures applicables aux opérateurs communautaires intervenant, à titre temporaire et occasionnel, sur le territoire national.
L’article 7 facilite l’activité en France des sociétés d’architecture d’un État membre de l’Union européenne. Il maintient cependant les conditions de qualifications requises pour l’exercice de la profession d’architecte.
L’article 8, relatif aux agences de mannequins, introduit un régime déclaratif pour les agences intervenant dans le cadre de la libre prestation de services. Il supprime également les incompatibilités professionnelles applicables aux salariés, dirigeants et associés des agences, car celles-ci sont contraires à la directive Services. Il prévoit cependant l’obligation pour ces agences de prendre toute mesure nécessaire pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu’elles emploient et pour éviter les situations de conflit d’intérêts.
Enfin les articles 9 et 10 viennent transposer la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour les professeurs de danse et les assistants de service social.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la transposition n’est pas faite de manière aveugle. Nous veillons à préserver nos intérêts, ainsi que les garanties qui peuvent être légitimement exigées pour les professions concernées.
Je prendrai un seul exemple. Sans doute un photographe pourra-t-il, demain, exercer les fonctions d’agent de mannequins, ce qui lui était auparavant interdit. Mais il le fera de façon encadrée. Il devra non seulement déposer une demande en vue d’obtenir une licence, en apportant des garanties morales, administratives, juridiques et financières, mais aussi déclarer publiquement ses autres activités professionnelles, ainsi que les mesures qu’il prend pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu’il emploie et éviter les conflits d’intérêts. De plus, s’il veut employer un mannequin âgé de moins de seize ans, il lui faudra obtenir une autorisation préalable spécifique.
Nous maintenons donc, dans ce projet de loi, de fortes garanties de nature à empêcher toute dérive.
Ce texte nous permet également de compléter l’adaptation de notre droit à d’autres dispositions du droit européen. Cette fois encore, il s’agit d’éviter de nous exposer à des condamnations financières.
Ainsi l’article 5, que je n’ai pas cité tout à l’heure, complète-t-il la transposition de la directive du 31 mars 2004 relative aux médicaments traditionnels à base de plantes, en nous permettant de tenir les délais prévus. Il va de soi que l’objectif n’est pas d’autoriser la mise sur le marché sans autorisation de nouveaux médicaments de ce type.
Je souhaite m’attarder un instant sur l’article 5 bis, qui adapte notre droit national au règlement du 13 novembre 2007 relatif aux médicaments de thérapie innovante. Je sais en effet qu’il a fait l’objet de longues discussions devant la commission des affaires sociales, ce dont Nora Berra a eu l’occasion de s’entretenir avec vous, madame la rapporteur.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est certain !
M. Patrick Ollier, ministre. Vous avez manifesté certaines réserves, s’agissant notamment de la possibilité offerte aux établissements hospitaliers de créer en leur sein un établissement pharmaceutique.
Pour tenir compte de vos remarques, madame la présidente, madame la rapporteur, tout en répondant aux besoins des malades, le Gouvernement proposera un amendement visant à mettre en place un encadrement conforme à celui que votre commission a appelé de ses vœux. J’espère que cette solution vous donnera satisfaction.
L’article 5 ter complète la transposition de la directive du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade.
L’article 5 quinquies habilite le Gouvernement à mettre en cohérence les dispositions nationales avec celles qui sont prévues par le règlement du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.
L’article 14 habilite le Gouvernement à transposer la directive du 6 mai 2009 relative au comité d’entreprise européen. Cette directive doit être transposée avant le mois de juin prochain. C’est la raison pour laquelle le vote de ce projet de loi revêt un caractère d’urgence, même s’il va de soi que nous travaillerons en concertation avec les partenaires sociaux.
Enfin, le chapitre III, que mon collègue Éric Besson viendra présenter devant vous, est relatif aux communications électroniques. Il nous permettra en particulier de transposer le nouveau cadre réglementaire européen dit « paquet télécoms », que nous sommes ici un certain nombre à bien connaître.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. En effet !
M. Patrick Ollier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, Éric Besson m’a chargé de vous dire qu’il répondrait lui-même, à l’occasion de la discussion des articles, à toutes les questions que vous aurez soulevées lors de la discussion générale.
J’ai dit que ces transpositions étaient urgentes. Le présent projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne apporte une réponse efficace à une telle situation. Il nous permet de tenir nos engagements sur le plan du droit communautaire, dans le respect de notre modèle social.
Avant de vous céder la parole, madame la rapporteur, je tiens à vous remercier chaleureusement pour la qualité de votre travail, hommage auquel j’associe Mme et M. les rapporteurs pour avis. Je veux aussi féliciter l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales, au premier rang desquels sa présidente, car leur tâche était difficile, compte tenu de la diversité des sujets abordés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à adapter notre législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Je me bornerai, dans mon intervention, à évoquer ceux des volets du texte qui sont consacrés à la santé et au travail.
En effet, l’examen au fond des articles consacrés aux communications électroniques a été délégué à la commission de l’économie ; celle-ci a désigné Bruno Retailleau comme rapporteur pour avis.
Catherine Morin-Desailly nous présentera ensuite l’avis qu’elle a établi au nom de la commission de la culture, dont l’expertise, en matière de communications et de professions artistiques, enrichira sans nul doute nos débats.
Pour introduire notre discussion, je crois qu’il n’est pas inutile de rappeler le cadre institutionnel dans lequel nous agissons.
Vous savez qu’un État membre ne transposant pas une directive s’expose à être condamné à des amendes et des astreintes dont le montant peut atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros.
Malheureusement, la France a accumulé un retard important en matière de transposition. Elle risque d’être condamnée si elle ne remédie pas rapidement à cette situation. M. le ministre Ollier nous a rappelé que l’ensemble du processus devrait être achevé avant le mois de juin 2011, c’est-à-dire dans un peu plus de trois mois.
Le retard concerne tout d’abord la directive Services, dont la transposition aurait dû être achevée dès le mois de décembre 2009. Cette directive vise deux objectifs principaux : lever les obstacles à la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne et favoriser la libre prestation de services à l’intérieur du marché unique.
Les mesures de transposition qui doivent encore être adoptées présentent un caractère sectoriel. Le ministre a déjà mentionné les principales activités concernées : les débits de boissons, les organismes de certification des dispositifs médicaux, les entrepreneurs de spectacles vivants, les agences de mannequins et les organismes d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux.
La directive Services impose, pour plusieurs professions, de remplacer un régime d’autorisation a priori par un régime déclaratif, qui s’accompagnera bien entendu de contrôles.
Les débats animés que nous avons eus en commission des affaires sociales démontrent que les inquiétudes que la directive Services avait fait naître sont loin d’être entièrement dissipées.
Dans sa version définitive, la directive est pourtant bien différente du projet initialement élaboré par la Commission européenne. Le principe du pays d’origine a été abandonné et des garanties ont été apportées pour préserver nos propres services publics.
Néanmoins, la perspective de faciliter l’accès au marché français à des prestataires de services étrangers suscite encore craintes et interrogations. Il en sera question lors de l’examen des amendements. Je ne doute pas que les précisions que vous aurez l’occasion d’apporter, madame la secrétaire d’État, répondront à bien des préoccupations.
J’insiste cependant sur le fait que l’allègement des formalités administratives imposées aux prestataires de services européens devra s’accompagner d’un véritable renforcement tant des contrôles sur le terrain que de la coopération entre administrations nationales, afin d’assurer le maintien du meilleur niveau de sécurité et de qualité pour les consommateurs.
Plusieurs articles du projet de loi visent à achever la transposition dans notre droit d’autres directives. C’est ainsi qu’un article modifie le calendrier d’enregistrement simplifié des médicaments traditionnels à base de plantes. Deux autres sont destinés à parfaire la transposition de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Le projet de loi a été substantiellement enrichi au cours de son examen par l’Assemblée nationale, souvent d’ailleurs sur l’initiative du Gouvernement.
Je ne m’attarderai pas sur les mesures très ponctuelles qui ont été adoptées, et sur lesquelles nous aurons l’occasion de nous pencher lors de la discussion des articles.
Je souhaite en revanche mentionner les deux articles d’habilitation que l’Assemblée nationale a introduits dans le texte sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.
Le premier permet de légiférer par ordonnance en vue d’harmoniser notre droit avec le règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Le second autorise la transposition, par voie d’ordonnance, de la directive du 6 mai 2009 réformant le régime du comité d’entreprise européen.
Je sais que certains de mes collègues sont, par principe, opposés au recours aux ordonnances. Je sais aussi que la qualité de la loi pâtit souvent de l’absence d’intervention du législateur.
Toutefois, la commission a jugé que ces deux demandes d’habilitation étaient acceptables, compte tenu du caractère ponctuel, et assez consensuel, des mesures devant être prises. J’ajoute que l’encombrement de l’ordre du jour parlementaire plaide également en faveur d’une telle solution.
Outre ces deux mesures d’habilitation, l’Assemblée nationale a adopté un article visant à adapter au droit communautaire l’encadrement des médicaments issus de technologies innovantes.
Pour le dire franchement, cet article, dans sa rédaction initiale, ne nous avait pas vraiment convaincus : il allait bien au-delà de ce que l’adaptation au règlement exigeait et il aurait autorisé les établissements de santé à se livrer à des activités de production, de prescription, d’utilisation et de commercialisation de médicaments de thérapies innovantes.
En d’autres termes, les établissements de santé auraient pu se transformer en laboratoires pharmaceutiques, alors que, jusqu’à présent, notre législation distingue nettement ces deux activités. Il nous a semblé peu rassurant qu’une même personne puisse fabriquer, commercialiser et prescrire des médicaments, surtout dans le contexte actuel de doute sur la sécurité sanitaire.
Le ministère de la santé a, fort heureusement, entendu nos arguments, de sorte que l’amendement déposé par le Gouvernement permet de répondre à nos objections : il vise à interdire aux établissements de santé de devenir des laboratoires pharmaceutiques, tout en tenant compte du cas particulier d’organismes à but non lucratif comme le Généthon ; il tend à encadrer rigoureusement la fabrication de médicaments de thérapie innovante « à façon », c’est-à-dire pour un malade particulier dans le cadre des établissements de santé. À mon sens, nous pourrons donc finalement trouver un point d’accord sur cette question.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je soulignerai que ce projet de loi, en dépit du caractère technique d’un grand nombre de ses dispositions, consolide deux grands principes, affirmés avec force tout au long de la construction de l’Union européenne : la libre prestation de services et la liberté de circulation des travailleurs en Europe. Il aura pour effet de simplifier les formalités devant être remplies par les prestataires européens qui souhaitent s’établir en France ou y proposer leurs services de façon temporaire et occasionnelle.
Naturellement, cette liberté doit être encadrée. La suite de nos débats montrera, pour chaque secteur, l’équilibre qui a été trouvé, entre l’obligation pour la France de se conformer à ses engagements européens et la nécessité d’offrir à nos concitoyens toutes les garanties qu’ils sont en droit d’attendre en matière de santé, de sécurité, de qualité de services ou de normes sociales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la secrétaire d’État, je ne doute pas que le sujet des communications électroniques vous passionne. Je vais m’efforcer, au nom de la commission de l’économie, d’être synthétique.
Comme l’a dit Mme le rapporteur, en règle générale, les parlementaires sont toujours un peu méfiants lorsqu’il s’agit d’autoriser un gouvernement, quel qu’il soit, à prendre par ordonnance des dispositions législatives, puisque celui-ci se substitue en définitive au pouvoir législatif.
Pour ce projet de loi de transposition, notamment pour ce qui concerne les dispositions relatives aux communications électroniques, l’utilisation de cette procédure ne me choque absolument pas. En effet, de bonnes raisons le justifient et de vraies garanties ont été posées.
Au rang des bonnes raisons, figure d’abord le fait qu’il s’agit d’un texte très technique.
La deuxième raison est le délai très court fixé pour la transposition, puisqu’il s’achèvera le 25 mai prochain.
Enfin, la troisième raison est le peu de marge de manœuvre laissée aux États membres pour la transposition en ce qui concerne cette partie du texte.
Dans le même temps, des garanties ont été prises dans la mesure où, ex ante, le texte a fait l’objet d’une très longue consultation publique, qui a duré pratiquement un an et nous a permis de prendre connaissance dans le détail de l’avant-projet d’ordonnance. Puis, ex post, il y aura le projet de loi de ratification : nous aurons toujours le pouvoir de l’amender et nous vérifierons scrupuleusement ce qui aura été fait par le Gouvernement entre-temps.
C’est donc le troisième « paquet télécoms » qui nous est proposé.
Le premier, dans les années quatre-vingt-dix – certains s’en souviennent sans doute – avait ouvert à la concurrence ce secteur important pour notre économie, la libéralisation du marché étant intervenue le 1er janvier 1998. C’était un texte de rupture.
Le deuxième paquet télécoms avait posé le cadre juridique de l’économie numérique. La France l’avait transposé au travers de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. C’est une loi très importante, et pas seulement pour les spécialistes, une loi fondatrice pour l’économie numérique, à l’image de ce que fut, pour les médias, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Ce troisième paquet télécoms, pour ce qui concerne la partie relative aux communications électroniques, ne constitue pas – loin de là – une rupture. Il s’agit plutôt d’un approfondissement, même si ce texte aborde des sujets nouveaux qui, pour autant, n’en sont pas moins importants.
Au titre de l’approfondissement, je voudrais essentiellement souligner le renforcement des pouvoirs du régulateur.
D’abord, il y a l’affirmation d’une meilleure coordination à l’échelon européen, dans le cadre d’une fédération des régulateurs nationaux. Elle aura beaucoup plus de poids que celle qui pouvait prévaloir auparavant dans le cadre de l’Organe des régulateurs européens des télécommunications, l’ORET.
Ensuite, de nouveaux pouvoirs seront confiés au régulateur en matière de sanction et de régulation asymétrique. J’évoquerai également ces nouveaux pouvoirs à propos de la neutralité des réseaux, sujet fondamental à mes yeux.
Enfin, il y a aussi une exigence rehaussée en matière d’indépendance et d’impartialité, et je sais que, à l’article 13, mes chers collègues, nous ne manquerons pas d’en discuter.
Sur la régulation, il faut se féliciter, car c’est important, de ce que l’objectif de la concurrence ne soit plus l’alpha et l’oméga, et que ce paquet télécoms propose en même temps comme objectif au régulateur de garantir la capacité des entreprises à investir. En cela, il conforte ce que j’appellerai la « régulation à la française », dont la finalité dépasse le seul droit de la concurrence et prend en compte d’autres objectifs de politique publique. Outre l’investissement, cela peut être aussi l’aménagement du territoire.
Je ne dresserai pas la liste exhaustive de tous les sujets nouveaux abordés dans ce projet de loi, me bornant à en évoquer trois.
Le premier est la sécurité des réseaux. Au fur et à mesure de l’évolution vers la maturité de l’économie numérique, cette préoccupation est devenue fondamentale.
Le deuxième sujet qui s’impose est la protection des consommateurs, absente du premier paquet télécoms, peu présente lors de la transposition du deuxième paquet et très présente sur ce troisième paquet, signe des temps et d’une évolution qui est, là encore, extrêmement forte.
Il convient de noter l’obligation faite aux opérateurs de donner une meilleure information aux usagers, aux consommateurs.
Il importe aussi de souligner la facilitation du changement d’opérateur avec la fameuse portabilité du numéro, rendue possible pour la téléphonie mobile et qui devrait normalement l’être un jour – mais j’en doute encore – pour le téléphone fixe.
Il faut en outre remarquer le renforcement de l’obligation du consentement préalable pour les internautes – c’est le problème des cookies –, notamment pour tout ce qui concerne la prospection commerciale.
Le troisième sujet nouveau, je le disais tout à l’heure, est fondamental, c’est la neutralité d’internet. C’est une vraie question, largement débattue, sur laquelle le Gouvernement a rendu cet été un rapport important. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a formulé dix recommandations. Des initiatives parlementaires ont été prises, notamment par la commission de la culture et la commission de l’économie du Sénat. Mme Catherine Morin-Desailly et moi-même avons organisé une table ronde à l’automne dernier, et la Commission européenne doit prochainement remettre un Livre blanc sur le sujet.
Il s’agit donc d’une question fondamentale et porteuse d’avenir, mais deux risques symétriques sont présents.
Le premier est la congestion, voire l’embolie des réseaux, compte tenu de l’explosion extraordinaire du trafic. Le trafic par utilisateur double environ tous les deux ans. Ainsi, en 2009, au niveau planétaire, le surcroît de capacité que les opérateurs ont apporté sur le marché est l’équivalent de toutes les capacités qui existaient en 2007.
L’autre risque est le verrouillage de l’accès aux contenus, aux services, aux applications puisque, sous prétexte de gestion du trafic, certains pourraient être tentés par des mesures qui ne seraient ni plus ni moins que du blocage ou, en tout cas, qui ne faciliteraient pas l’accès à internet. Internet, selon moi mais c’est aussi le point de vue de la commission, doit rester un bien stratégique collectif et, en ce sens, demeurer un réseau ouvert.
Il faut se féliciter de ce que le troisième paquet télécoms innove à plusieurs titres sur le sujet de la neutralité.
Premièrement, le principe de la neutralité est consacré comme objectif de régulation.
Deuxièmement, le régulateur se voit attribuer de nouveaux moyens pour faire respecter le principe de la « Net-neutralité ». Des obligations de transparence sont fixées aux opérateurs pour ce qui concerne les pratiques de gestion du trafic. Par ailleurs, le régulateur aura un double pouvoir : celui de fixer une exigence minimale de qualité de service, et il conviendra de s’interroger, par exemple, sur le sens de l’expression « offre illimitée » ; celui de régler par arbitrage les différends opposant opérateurs de réseaux, fournisseurs d’accès, à des fournisseurs de contenus, des prestataires de services internet.
Ces mesures sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. C’est la raison pour laquelle la commission de l’économie a souhaité introduire une disposition majeure pour conforter la neutralité des réseaux, en ajoutant aux objectifs de régulation de l’ARCEP le principe essentiel de la non-discrimination. C’est une mesure simple, plutôt consensuelle, ce qui est rare lorsque l’on traite de ce sujet, mais elle est susceptible de régler, nous le pensons, une très large partie des problèmes relatifs à la Net-neutralité.
Enfin, la commission a beaucoup travaillé sur le régime des noms de domaine pour répondre à la censure du Conseil constitutionnel. Ce dernier a en effet considéré, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, que le législateur n’avait pas suffisamment encadré les règles d’attribution des noms de domaine.
En conclusion, mes chers collègues, ce texte n’est pas une révolution. La vraie révolution, vous le savez, c’est la révolution numérique, qui a toujours un temps d’avance sur les directives et sur les lois nationales. Cela doit nous inciter à être bien sûr modestes, mais en même temps volontaristes, afin que notre pays puisse tirer le meilleur profit en termes d’emploi, d’économie et de culture de cette belle révolution du numérique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui contient essentiellement des dispositions à caractère social, il concerne la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à plusieurs titres.
D’abord, il complète la transposition de deux directives ayant une incidence sur deux professions qui nous intéressent.
L’article 7 du projet de loi vise ainsi à permettre aux architectes établis dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen d’exercer leur profession en France en tant qu’associés d’une société d’architecture. Cette modification de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture a aussi été introduite dans la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit sur l’initiative de la commission de la culture, qui reste favorable à son adoption.
La seconde directive dont il s’agit de compléter la transposition est celle du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et qui concerne ici la profession de professeur de danse. Il s’agit d’autoriser les professeurs de danse ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne à exercer en France sans avoir à justifier de deux ans d’expérience professionnelle lorsqu’ils ont suivi une formation réglementée. C’est une simple mise en conformité du droit français et la commission ne voit pas, là non plus, de difficulté à l’adoption de cette mesure.
Ensuite, le projet de loi habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance le troisième paquet télécoms, les dispositions intégrées dans ces directives devant en effet être applicables en droit français avant le 25 mai 2011.
Aussi étonnant que ce véhicule législatif puisse paraître, il paraît donc nécessaire de l’utiliser. Je tiens malgré tout à souligner qu’il s’agit de l’énième directive que l’on a tardé à transposer et que la pratique du Gouvernement est encore très largement perfectible en la matière.
Cette habilitation se justifie néanmoins, d’une part, parce que le paquet télécoms n’a pas été révolutionné mais simplement aménagé, et, d’autre part, parce que la marge de manœuvre laissée aux États membres est limitée.
En outre, reconnaissons que le Gouvernement a adopté une démarche transparente sur la question, avec une consultation publique et la diffusion de l’avant-projet d’ordonnance.
Celui-ci modifie notamment l’article 42 du code des postes et des communications électroniques, le CPCE, afin de prévoir que l’ARCEP puisse prendre en compte pour l’assignation des fréquences dont elle a la responsabilité « la promotion de la diversité culturelle ou linguistique ainsi que, après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le pluralisme des médias ».
Je ne vois pas comment cette disposition pourrait être appliquée, mais, madame la secrétaire d’État, vous pourrez certainement nous donner des précisions à cet égard. En tout cas, nous pouvons nous réjouir que des objectifs culturels puissent être pris en compte par l’ARCEP dans le cadre de sa compétence d’attribution de fréquences.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication sera néanmoins attentive, lors du dépôt du projet de loi de ratification, à ce que le texte contienne toujours la limitation de cette compétence de l’ARCEP aux fréquences dédiées aux télécommunications et l’avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel lorsqu’il s’agit d’assurer la réalisation de l’objectif de pluralisme des médias. Plus généralement, elle fera preuve de vigilance pour que les médias conservent une place de choix dans l’attribution globale des fréquences.
Le projet d’ordonnance prévoit également une modification de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986, afin d’imposer de nouvelles obligations aux distributeurs de services audiovisuels au profit des personnes aveugles ou malvoyantes. Cette disposition a été déjà été adoptée au Sénat et, je le rappelle, la commission y était favorable.
Bref, la transposition du troisième paquet télécoms par l’article 11 ne pose pas de difficultés à la commission de la culture, qui a donné un avis favorable à son adoption.
Toutefois, dans la mesure où la directive n° 2009/136/CE modifie la directive concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, la commission a considéré que le présent projet de loi constituait aussi un vecteur intéressant pour faire passer des dispositions qui lui sont chères. Nous en reparlerons au cours de la discussion des articles.
Par ailleurs, la commission de l’économie, par l’intermédiaire de son rapporteur pour avis, qui m’a associée à sa démarche – je l’en remercie –, a introduit dans le texte une disposition fixant dans le CPCE le principe de la neutralité du Net. Bruno Retailleau vient d’en donner la définition tout en rappelant l’enjeu d’une telle mesure. Notre assemblée s’est récemment penchée sur ces sujets : nos deux commissions et le groupe d’études Médias et nouvelles technologies ont en effet organisé une table ronde qui fournira un rapport utile à notre réflexion.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le Sénat, comme c’est probable, adopte cet article, il se montrera à la fois réactif et innovant. La commission de la culture a donc été amenée à émettre un avis favorable à l’adoption du projet de loi, sous réserve du vote de son amendement portant article additionnel après l’article 14. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma première observation concernant l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques portera sur la forme, laquelle n’est d’ailleurs pas très éloignée du fond.
En effet, je tiens à regretter, avec l’ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG, que, une fois encore, il faille attendre que la France soit pressée de toutes parts par la Commission européenne, que cette dernière la menace de sanctions financières importantes – cela a été dit –, pour que le Gouvernement se décide à transposer dans notre droit interne des mesures contenues dans différentes directives européennes.
Cette réalité ne vous a d’ailleurs pas échappé, madame la secrétaire d’État, puisque, lorsque vous avez présenté ce projet de loi à l’Assemblée nationale, vous avez reconnu : « [Nous] devons mettre notre droit national en conformité avec les obligations résultant du droit communautaire. Nous devons combler les retards de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives. Et nous savons bien que nous ne pouvons plus attendre. » M. Ollier vient de nous répéter les mêmes propos.
Et vous avez ajouté, comme pour contraindre les parlementaires à adopter ce texte : « D’abord, ces retards ont un coût pour nos finances publiques [plusieurs dizaines de millions d’euros] Ensuite, ces retards nous mettent dans une forte insécurité juridique, puisque les citoyens de l’Union européenne peuvent désormais attaquer un État pour déficit de transposition. » Tout cela est très juste, mais ne constitue pas pour autant un argument en faveur de l’adoption du projet de loi.
Nous ne devrions pas faire l’économie d’une réflexion d’ampleur sur les causes qui conduisent à de tels retards, lesquels placent, rappelons-le, la France au quinzième rang des pays de l’Union européenne en matière de transposition. En effet, le Parlement ne peut aujourd’hui jouer pleinement son rôle dans ce domaine, comme l’atteste le recours important aux ordonnances prévues par l’article 38 de la Constitution : comme vous l’avez signalé, madame la rapporteur, ces dernières privent les législateurs de la possibilité d’intervenir comme ils le feraient dans un cadre normal.
Madame la secrétaire d’État, je vous accorde que les projets d’ordonnance ont, pour certains d’entre eux, été communiqués. Cela rend d’autant plus critiquable le recours à de tels mécanismes puisque nous aurions pu imaginer que, en lieu et place de cette communication, le Gouvernement intègre ces dispositions par voie d’articles, voire d’amendements, dans le projet de loi. Une transposition plus rapide nous aurait permis d’éviter le recours à de telles mesures.
C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG ont déposé un amendement de suppression sur chacun des articles prévoyant le recours aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution.
Une meilleure transposition nous aurait d’ailleurs permis d’éviter un autre écueil, celui d’un projet de loi transposant des éléments de directives très diverses. Or, force est de constater que le texte que nous examinons aujourd’hui est quelque peu « fourre-tout ». Il aborde simultanément la question des ventes de boissons à emporter, la réglementation des eaux de baignade, les comités d’entreprises européens ou encore le troisième paquet télécoms. Cette approche disparate n’est pas de nature à garantir un travail parlementaire serein, et je crois que nous sommes nombreux à le regretter.
Si cette situation résulte des retards pris par le Gouvernement en matière de transposition, elle est aussi la conséquence du choix politique de transposer, petit bout par petit bout, la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, plus connue sous le nom de directive Services.
Vous avez en effet fait le choix d’une transposition sectorielle plutôt que transversale. Il résulte de cette situation que vous transposez la directive Services métier par métier. Cette méthode permet d’éviter une transposition unique qui aurait l’inconvénient de devoir faire assumer par votre majorité la contestation par de pans entiers de professionnels d’une directive dont l’unique objectif est de supprimer les entraves actuelles aux principes de la libre concurrence, fondement théorique de votre conception de l’Union européenne.
Pour reprendre vos propres termes, madame la secrétaire d’État, la directive « vise à libérer le potentiel de croissance des marchés de services en Europe en éliminant les obstacles juridiques et administratifs injustifiés qui freinent les échanges dans ce secteur ».
En réalité, derrière cette formule, il s’agit d’adapter les législations nationales à la loi du marché, à faire primer l’économie et ses caprices sur les besoins humains et sociaux. C’est d’ailleurs ce constat qui nous avait conduits à nous opposer en son temps à la directive Services et à refuser, comme la majorité des Français, le projet de Constitution européenne que vous avez imposé et qui consacrait cette prédominance de l’économie.
Cette méthode de transposition est sans doute destinée à éviter que les mécontentements exprimés à l’occasion du référendum de 2005 ne ressurgissent. Vous comprendrez donc que nous ne puissions pas vous accompagner dans ce qui est pour nous la suite du déni de démocratie que constitue la ratification du traité constitutionnel européen par le Gouvernement français, et ce contre la volonté de son peuple.
Lors de l’examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé que la volonté du Gouvernement n’était pas de construire une Europe du « moins-disant social ». Nous ne partageons évidemment pas ce constat, tant les mauvais coups se succèdent dans le secteur privé comme à l’encontre de nos grands services publics nationaux.
Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer les différences de réglementations qui existent au sein de l’Union européenne. En effet, la violation ou le défaut de transposition dans un temps donné d’une directive européenne entraîne systématiquement des sanctions financières à l’encontre des pays. Or, vous en conviendrez, les directives en question ont très souvent une dimension économique et visent précisément à consacrer la logique de la libre concurrence et de la sacralisation du monde marchand.
En revanche, la non-mise en conformité d’une législation nationale par rapport aux principes contenus dans la charte des droits sociaux fondamentaux ou la non-adaptation d’un droit interne à la suite d’une décision du Comité européen des droits sociaux, le CEDS, n’entraînent jamais de sanction, et ce pour une simple et bonne raison : ceux qui ont construit cette Europe n’ont pas cru nécessaire de donner une force contraignante à la charte. C’est dire que celle-ci n’a que peu de valeur et qu’elle n’a en réalité qu’une simple portée esthétique, destinée à teinter votre Europe libérale d’une touche de social.
D’un côté, des sanctions financières à l’encontre des États qui entravent votre conception, libérale, de l’économie et, de l’autre, l’absence de mesures à l’encontre des pays dont la législation n’est pas conforme au minimum commun que constitue la charte : comment croire, dans ces conditions, que vous ne souhaitez pas l’instauration d’une Europe du moins-disant social ?
Si j’aborde cette question, madame la secrétaire d’État, c’est à dessein. Vous le savez, à la suite d’une procédure engagée par la Confédération générale du travail conformément au système dit de « réclamation collective », le Comité européen des droits sociaux a estimé, dans une décision en date du 23 juin 2010, que la législation française n’était pas, sur plusieurs points, en conformité avec la charte sociale européenne révisée.
Le CEDS a ainsi précisé, à l’unanimité des membres qui le composent, que le « régime du forfait en jours sur l’année » et les mécanismes assimilant les périodes d’astreintes à des périodes de repos contrevenaient respectivement aux alinéas 1 et 5 de l’article 2 de la charte révisée, ainsi qu’à l’alinéa 2 de son article 4.
Or, en huit mois, le Gouvernement n’a rien fait pour mettre en conformité notre droit avec la décision rendue par le CEDS. La présidente de notre groupe, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, a adressé à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé un courrier, le 30 janvier dernier, pour savoir quand et comment le Gouvernement entendait agir. Depuis cette date, il ne s’est passé qu’un délai relativement court et je comprends qu’il n’ait pas encore eu le temps de répondre. Je profite donc de l’occasion pour vous interroger : de quelle manière et quand entendez-vous agir pour que le code du travail soit enfin conforme avec la charte des droits sociaux fondamentaux ?
Tout cela confirme nos craintes quant à ce texte dont l’objectif est, je le rappelle, de transposer des éléments de la directive Services. Sous les apparences d’une entreprise de simplification du droit, cette directive ne recherche que la libéralisation de l’économie et la dérégulation des règles protégeant actuellement les salariés, les acteurs de l’économie, notamment sociale, et les consommateurs.
La meilleure démonstration en est encore donnée par les articles de ce projet de loi visant à réduire les exigences à l’égard des assistants sociaux, quitte à ce que cela ait des conséquences sur la qualité des services proposés, ou bien par l’article 3 qui tend à autoriser les organismes d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux établis dans un autre État de l’Union européenne à exercer leur activité en France.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et pour celles que nous développerons au cours de la discussion des articles et lors de la défense de nos amendements de suppression, le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Comme d’habitude lorsqu’il s’agit de transposition de directives, le Gouvernement utilise la procédure accélérée et avance la nécessité d’adopter au plus vite le texte, sous peine de sanctions financières. Or c’est en raison de son inaction que la France affiche aujourd’hui un retard important dans la transposition de directives ; comme à chaque fois, c’est dans l’urgence que nous examinons des textes « fourre-tout », qui nuisent à la lisibilité et à la clarté des débats.
Il s’agit donc ici de transposer en droit interne des textes européens, dont la directive Services, dite Bolkestein, très controversée et que nous avons été nombreux à dénoncer. En effet, cette entreprise de simplification des législations nationales a surtout pour but la libéralisation et la dérégulation des services au sens large. Nous serons donc conduits à proposer la suppression de nombreux articles de ce projet de loi.
Mes chers collègues, je souhaite appeler votre attention sur la manière dont procède le Gouvernement.
Contrairement à la majorité des États, qui ont opté pour l’adoption d’une loi « horizontale », c’est-à-dire d’une loi-cadre, d’une loi « globale », la France transpose cette directive européenne secteur par secteur. Parmi les très nombreux textes qui reprennent des éléments de la directive Services, on peut notamment citer la loi de modernisation de l’économie, la loi de développement et de modernisation des services touristiques, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST ou la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, sans oublier la réforme du statut de la société privée européenne.
Le gouvernement français a décidé de ne pas faire une transposition globale pour ne pas relancer le débat sur la libéralisation des services dans leur ensemble. Il nous présente donc une transposition compliquée, quasiment illisible et qui n’a fait l’objet d’aucune concertation. Ainsi, c’est dans l’opacité que se poursuit la révision des textes nationaux. Comme l’indiquait notre ancien collègue Hubert Haenel cité dans le rapport d’information de M. Bizet : « Les modalités de transposition des directives posent un problème de contrôle parlementaire et donc de démocratie. »
Une loi-cadre aurait été nécessaire, car la méthode retenue par le Gouvernement, qui consiste à transposer ce texte par morceaux, constitue un déni de démocratie. On évite le grand débat et on se retrouve avec des textes « fourre-tout », comme celui qui nous est présenté aujourd’hui.
Il est surprenant de voir que le Gouvernement ne propose ni débat politique ni campagne d’information générale, alors que sont en jeu des sujets aussi importants que la santé, le travail et les communications électroniques. Oui, ce sont des sujets essentiels et qui nous concernent tous ! N’oublions pas en effet que cette directive inclut les services fournis aux entreprises et aux consommateurs, les services publics, les services de santé et les services sociaux.
D’une manière générale, presque toutes les directives que vous transposez sont moins protectrices pour nos concitoyens que ne l’est le droit national et elles ne servent pas l’intérêt général. L’Europe devrait protéger. Or on s’aperçoit que le droit communautaire s’impose, déréglemente, prive de protection les citoyens.
Il est difficile de s’y retrouver dans ce texte. On mélange différents sujets, et il est donc impossible d’avoir un débat cohérent, une vue d’ensemble. Cependant, une tendance revient régulièrement : la déréglementation dans tous les secteurs. Cette déréglementation, dont l’objectif théorique est de favoriser la concurrence sur les marchés, peut, comme vous le savez, nuire à l’intérêt général au profit de certaines entreprises, mais elle est surtout cause d’instabilité économique.
À l’article 6 de ce texte, au nom de la libre prestation de services, la transposition de la directive créera une inégalité de traitement entre les entrepreneurs de spectacles établis en France, qui passeront toujours par un régime d’autorisation, et les entrepreneurs de spectacles européens établis hors de France, qui auront seulement à se soumettre à un régime déclaratif. On assiste ici à une concurrence déloyale et, je le répète, on introduit une inégalité de traitement. Ce n’est pas raisonnable ! Sachez en effet que la licence d’entrepreneur de spectacles sert avant tout à empêcher le travail illégal dans le spectacle vivant.
Au nom de la libre prestation de services, l’article 3 vise à modifier le régime d’habilitation des évaluations des établissements sociaux et médico-sociaux pour permettre à des prestataires européens d’exercer de manière temporaire et occasionnelle en France. Ainsi, les organismes établis dans un autre État membre n’auront pas besoin de fournir une habilitation, une simple déclaration d’activité suffira. Comment peut-on être assuré que les organismes d’évaluation des autres États membres affichent le même degré d’exigence que la législation et la réglementation françaises en direction de ces publics fragiles ?
Autre exemple : en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles pour les assistants de service social, la déréglementation assouplit, là encore, le régime de qualification. La transposition de la directive abaisse donc le niveau de qualification requis pour exercer cette profession, alors même que ce métier a beaucoup évolué et demande de plus en plus de compétences.
Désormais, tout demandeur ressortissant d’un État membre, détenteur d’un titre de formation, sera dispensé de justifier de deux années d’expérience en tant qu’assistant de service social. Un certain nombre de garanties jusqu’alors exigées ne le seront plus, ce qui fait évidemment peser un risque non négligeable sur les publics pris en charge par les assistants de service social.
La déréglementation présente dans cet article ainsi qu’à l’article 2 relatif aux dispositifs médicaux se fait au détriment de la sécurité des patients. D’une certaine manière, elle organise le désengagement et la déresponsabilisation de l’État.
Concernant la directive Services, on peut dire : sorti par la porte, Bolkestein revient par la fenêtre ! En effet, le principe du pays d’origine, sorti par la grande porte, revient par la fenêtre.
Force est de constater qu’il existe aujourd’hui un grand décalage entre la vision d’une économie intégrée pour l’Union européenne et la réalité vécue par les citoyens européens et les prestataires de services. Triste constat de voir que l’Union européenne « ultralibérale » est devenue une destructrice de la protection sociale.
Le désenchantement des citoyens à l’égard de l’Europe va croissant. On ne peut que les comprendre. Comment convaincre de l’intérêt de l’Europe lorsque celle-ci, sous prétexte de garantir une meilleure concurrence, précarise les travailleurs et les entreprises ?
Tant que les citoyens entendront les mots déréglementation, libéralisation des marchés, restructuration, délocalisation, concurrence accrue, emplois précaires, licenciements, démantèlement des services publics, l’Union européenne ne restera qu’une chimère. D’ailleurs, l’OMC a fait le constat suivant : la libération totale des échanges commerciaux n’a pas empêché la crise financière mondiale ; au contraire, elle semble l’avoir aggravée, notamment en privant les pays de leur protection douanière qui leur permettait de corriger les imperfections du marché de l’import-export.
Les citoyens européens se désintéresseront de l’Europe tant qu’ils auront le sentiment que celle-ci ne les protège pas et que leurs droits sociaux sont menacés. En effet, ils ne trouvent pas leur place dans cette Europe ultralibérale. Et ce texte ne les protège pas sur le plan de la santé et du travail !
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, afin que cette Europe puisse être acceptée, nous devons parallèlement construire une Europe sociale. Celle-ci est indispensable pour corriger les injustices de l’économie de marché, dont le but ultime est la recherche absolue du profit, lequel profit se fait la plupart du temps au détriment des intérêts des citoyens. Il est de notre devoir, en tant que parlementaires, de protéger les citoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques vise à combler le retard de la France dans la transposition de plusieurs directives. En effet, dans ce domaine, notre pays n’est pas un très bon élève puisqu’il se situe au quinzième rang des États membres de l’Union européenne.
Ces retards de transposition ne sont pas sans conséquences. D’autres l’ont rappelé avant moi. Ils créent une forte insécurité juridique, multiplient les risques de procédures contentieuses et, à terme, les risques de sanctions financières lourdes. Surtout, ils fragilisent la position de la France vis-à-vis de la Commission et de nos partenaires.
Quel signal en effet envoyons-nous aux pays candidats ou à ceux qui ont récemment rejoint l’Union européenne et qui ont dû faire des efforts considérables pour absorber l’acquis communautaire afin de satisfaire aux exigences de l’intégration ?
Comment peser dans la négociation d’une nouvelle directive quand la précédente, sur le même sujet, n’est pas encore totalement transposée ?
Ces retards incitent aussi le Gouvernement à recourir aux ordonnances pour transposer rapidement des textes à caractère législatif, sans les garanties qu’apporte bien évidemment l’examen parlementaire. Nous avons eu, dans le passé, à adopter des projets de loi d’habilitation. Le texte que nous examinons aujourd’hui n’échappe malheureusement pas à ce travers, comme en témoigne d’ailleurs l’article 11 sur le troisième paquet télécoms, mais nous y reviendrons.
Dysfonctionnement des administrations placées au service de l’État, manque de volonté politique du Gouvernement ou encombrement chronique de l’ordre du jour des assemblées parlementaires : chacun explique à sa manière les mauvaises performances de notre pays en matière de transposition du droit communautaire. Quoi qu’il en soit, il conviendrait de formuler quelques propositions pour y remédier de manière durable. Pas plus que les ordonnances, le recours aux projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire ou la transposition fragmentée dans plusieurs textes ne sont des solutions satisfaisantes.
Je rappelle d’ailleurs que le Sénat avait adopté en 2001, sur l’initiative de notre collègue Aymeri de Montesquiou, deux propositions de loi, l’une imposant au Gouvernement de transmettre au Parlement une étude d’impact sur les projets d’actes de l’Union européenne, ainsi qu’un échéancier de transposition des directives, l’autre visant à réserver une séance par mois à ces transpositions, dont l’ordre du jour serait fixé par le Gouvernement ou, à défaut, par chaque assemblée. Ces textes répondaient à la fois à des obligations juridiques impérieuses et à des considérations pratiques. Il est dommage qu’ils n’aient pas rencontré un écho favorable à l’Assemblée nationale.
J’en viens au projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Il est l’exemple même de ce que je viens de regretter. Il s’agit d’un texte « fourre-tout », achevant la transposition de directives d’importance majeure et aussi diverses que la directive Services, la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles, la directive Médicament, le troisième paquet télécoms, auxquels s’ajoutent des dispositions qui ne semblent pas être imposées par le droit communautaire. Difficile pour un néophyte de suivre ! Néanmoins, j’aimerais faire quelques remarques.
Sur la directive Services, je mesure le travail considérable réalisé par les administrations concernées pour recenser toutes les réglementations qui n’étaient pas compatibles avec cette directive et concevoir les mesures d’adaptation appropriées. Mais j’avoue que cette transposition interminable, fragmentée dans plusieurs textes, comme la loi de modernisation de l’économie, la loi HPST, ou, plus récemment, la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, conduit à noyer le débat sur un texte pourtant particulièrement sensible.
Chacun se souvient ici des conditions difficiles dans lesquelles la directive a été adoptée et des craintes qu’elle a suscitées chez nos concitoyens. Loin d’être un simple exercice technique, la transposition du texte dans notre droit aurait dû être l’occasion de poser clairement un certain nombre de questions, notamment sur le périmètre concret des services d’intérêt général. Une loi-cadre eût peut-être été préférable pour la tenue d’un tel débat.
Sur le fond, le groupe RDSE a également des réserves. Comme l’a relevé Mme le rapporteur elle-même, certains articles du projet de loi peuvent susciter des craintes parfaitement légitimes. C’est le cas notamment des articles 2, 2 bis et 3, sur lesquels nous avons déposé des amendements de suppression.
Il s’agit de permettre à des organismes établis dans un autre État membre de venir exercer en France pour la certification des dispositifs médicaux et l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, lesquelles sont aujourd’hui exclusivement le fait d’organismes habilités par l’ANESM, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ou l’AFSSAPS, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur quelque organisme que ce soit ou de nous opposer par principe à la libre prestation de services, mais nous sommes soucieux, dans le domaine social, sanitaire et médical, de garder un haut niveau de qualité, de compétence et de sécurité. Comment nous assurer que les organismes établis dans un autre État membre répondent aux mêmes exigences ?
Nous estimons que la France aurait pu invoquer les « raisons impérieuses d’intérêt général » prévues dans la directive. Nous regrettons donc vivement que les services sociaux d’intérêt général ne soient pas exclus du champ de la directive.
Le Gouvernement nous propose également, madame la secrétaire d’État, la transposition par voie d’ordonnance du troisième paquet télécoms. Certes, il a transmis le projet d’ordonnance. Il n’en demeure pas moins que le Parlement en est réduit à se défaire de ses prérogatives législatives, ce qui est loin d’être satisfaisant.
Notre assemblée a effectué un travail important sur le sujet, comme en témoigne notamment l’adoption en mars 2010 par le Sénat de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique et, en décembre dernier, sur mon initiative et celle de mes collègues du groupe RDSE, de la proposition de loi relative aux télécommunications.
Le troisième paquet télécoms contient de nombreuses dispositions qui rejoignent nos préoccupations. Je pense en particulier au principe de neutralité des réseaux, qui vise à empêcher les opérateurs de brider ou limiter l’accès de leurs clients à internet. Je pense aussi à la protection des consommateurs, de leur vie privée.
Tous ces sujets méritaient une véritable discussion, que ne permet pas le recours à une ordonnance. Je reviendrai naturellement sur cette question, comme sur celle de la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, au moment de l’examen des articles.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe RDSE sera très attentif aux évolutions qui résulteront de nos débats et au sort qui sera réservé à certains de nos amendements pour déterminer son vote final.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques actuellement en cours d’examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
5
Adaptation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trop souvent, au cours de la législature, on s’est demandé pourquoi la procédure accélérée avait été engagée sur tel ou tel texte. Aujourd’hui, ce n’est évidemment pas le cas, et c’est précisément là que le bât blesse.
Oui, sur ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, il y a urgence à agir !
La directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le présent texte achève la transposition, aurait dû être totalement intégrée dans notre droit au mois de décembre 2009.
Encore plus impressionnant est le cas de la directive du 7 décembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, que transpose aussi ce projet de loi, dont le délai de mise en œuvre a expiré au mois d’octobre 2007. Vous en conviendrez, plus de trois ans de retard, ce n’est pas rien !
Plus généralement, le retard accumulé par notre pays en matière de transposition de directives n’est plus acceptable.
Il n’est plus acceptable, d’abord, sur le plan des principes. Alors que notre pays devrait donner l’exemple en tant que l’un des principaux membres fondateurs de l’Union, la France occupe le « glorieux » rang de sixième pays le plus en retard sur vingt-sept.
Il n’est plus acceptable, ensuite, sur le plan du droit, puisque le retard accumulé porte atteinte au principe de sécurité juridique.
Il n’est évidemment plus acceptable, enfin, en termes financiers. Faut-il le rappeler, en 2005 et en 2008, nous avons été condamnés à une astreinte semestrielle – excusez du peu ! – de 57,8 millions d’euros et à une amende forfaitaire de 10 millions d’euros. Faut-il rappeler également que le risque est dorénavant encore plus grand, puisque les règles de contrôle communautaire en la matière ont été renforcées par le traité de Lisbonne ?
La Commission européenne a fixé les montants minimaux de l’amende forfaitaire et de l’astreinte journalière à respectivement 10 millions d’euros et 12 134 euros. Dans tous les cas, c’est le contribuable qui paye nos manquements. Et avec un déficit avoisinant les 7,7 % du produit intérieur brut, nous ne pouvons tout simplement plus nous le permettre.
Mais il y a encore plus grave.
Parce que l’urgence est bien réelle, nous devons faire vite. Alors, sur quoi le Parlement est-il aujourd’hui tenu de se prononcer dans les plus brefs délais ? Parcourons le texte rapidement, puisqu’il y a urgence...
Son article 1er porte une mesure fiscale qui semble relever du bon sens, mais fait supporter aux communes une charge nouvelle qui ne sera pas compensée.
Son article 2 restreint le rôle de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, en supprimant des garanties indispensables en matière de certification et de maintenance des dispositifs médicaux. Les fabricants et vendeurs de matériels d’occasion pourront justifier eux-mêmes de la qualité de ces matériels, lesquels touchent par définition à la santé et à l’intégrité des personnes.
C’est la même logique avec l’article 3, qui assouplit les conditions de l’exercice et de l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Voilà une évolution surprenante si l’on considère que les établissements eux-mêmes continueront d’être régis par un régime d’autorisation drastique, alors que leurs organismes de contrôle ne relèveront plus que d’un simple régime déclaratif.
L’article 5 quinquies entend permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance en matière de produits cosmétiques. Et chacun sait notre sentiment sur ces dessaisissements à répétition du législatif !
L’article 10 permettra à des assistantes sociales provenant de pays de l’Union d’exercer en France sans connaissance de la législation et de l’environnement socio-économique français.
Enfin, en matière de communications électroniques, l’article 13 crée un commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, ce qui ne va évidemment pas sans poser de problèmes au regard des garanties d’indépendance attendues de la part d’une telle autorité. Nous présenterons d’ailleurs un amendement visant à revenir sur une telle disposition.
En résumé, nous le voyons, toutes les mesures sur lesquelles nous sommes tenus de nous prononcer en urgence n’ont rien d’anodin. Et certaines d’entre-elles sont même, sur le fond, très contestables. Contestées, elles l’ont d’ailleurs été par la commission des affaires sociales du Sénat – je parle sous le contrôle de sa présidente –, qui a émis un avis favorable à la suppression des principaux articles !
Nous connaissons l’argument qui va nous être opposé : nous sommes liés par des engagements européens pris de longue date ; impossible d’y échapper.
Tout cela nous place, nous, parlementaires, dans une situation extrêmement inconfortable, pour ne pas dire humiliante, et m’amène à conclure par deux remarques de fond.
Primo, si nous nous retrouvons aujourd’hui tenus de cautionner des mesures qui heurtent nos valeurs et notre éthique, c’est parce que, même après Lisbonne, les Parlements nationaux sont encore bien trop insuffisamment associés au processus de décision communautaire.
M. Guy Fischer. C’est bien vrai !
M. Yves Détraigne. Si tel n’était pas le cas, soyons-en sûrs, le présent projet de loi n’aurait pas la même physionomie. Il y a là un problème institutionnel évident. Nous pouvons certes voter des résolutions : mais que valent-elles ?
Secundo, et c’est un problème encore plus profond, certaines des mesures portées par le texte témoignent d’une évolution de l’Europe qui – il faut le dire – ne nous convient pas. La santé est explicitement exclue du champ de la directive Services.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Yves Détraigne. Mais l’Europe y pénètre en l’occurrence par le biais des dispositifs médicaux, mettant de fait à mal le principe de subsidiarité. Cette intrusion conduit à un nivellement par le bas des réglementations sanitaires au nom du grand marché.
Ce n’est pas être anti-européen que de faire ce constat. Bien au contraire. Vous le savez, le groupe de l’Union centriste est europhile : nous souhaitons une Europe plus intégrée, mais au service d’une meilleure protection de tous. C’est cela, la conception française de l’Union. Or cette conception est de plus en plus mal défendue par nos représentations administratives au sein des institutions communautaires.
En résumé, placés dans une situation très inconfortable tant sur la forme que sur le fond, nous prendrons nos responsabilités, en particulier pour éviter de faire payer nos manquements à nos concitoyens.
Cependant, madame la secrétaire d’État, c’est très solennellement que je vous le dis au nom du groupe de l’Union centriste : nous ne voulons plus nous retrouver dans une telle situation.
Et je ne parle pas uniquement des retards de transposition. Il faut sérieusement réfléchir à une meilleure association du Parlement au processus législatif communautaire. Dans l’immédiat, nous espérons que la France saura mieux faire entendre sa voix en amont de ce processus au sein des institutions de l’Union. Il est grand temps ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. Guy Fischer applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent projet de loi vise à transposer, dans l’urgence, un certain nombre de directives communautaires en droit national. Il s’ajoute à une série de textes nécessaires à la transposition des directives par voie de projets de loi, de propositions de loi et d’amendements, et ce dans des conditions qui ne permettent pas la tenue d’un débat satisfaisant.
Ce projet de loi amène plusieurs remarques. Nous nous trouvons en présence d’un texte « fourre-tout », désordonné et indigeste, qui amalgame des dispositions très diverses et ne facilite pas leur lisibilité par le Parlement.
Pour couronner le tout, il nous est proposé en procédure accélérée pour pallier le retard important de transposition de certaines directives et éviter les sanctions financières encourues de la part de la Cour de justice de l’Union européenne. Ces directives sont au nombre de cinq. Mais nous nous attacherons principalement à la transposition de la directive Services, qui concerne les articles 1er à 4 et 6 à 8.
Rappelons que, d’inspiration libérale, le droit européen encadre étroitement l’intervention de l’État et des collectivités territoriales dans la vie économique et sociale. Aussi peut-on se demander légitimement s’il n’est pas susceptible d’entraîner un démantèlement des services, notamment des services publics.
Pourtant, des marges de manœuvres juridiques et politiques existent, et il revient à chaque État membre de définir, en fonction du modèle de société qu’il souhaite promouvoir, un certain nombre de services d’intérêt économique général en aménageant le droit à la concurrence dans des secteurs d’activité qu’il ne souhaite pas voir régis par les lois du marché.
Or on peut s’étonner que le Gouvernement ne se soit pas saisi de cette possibilité. De fait, il en résulte qu’un certain nombre de services sont aujourd’hui confrontés à une situation d’insécurité juridique dommageable. Au premier contentieux impliquant le droit ou les autorités communautaires, la légalité des aides ou subventions que ces services reçoivent pourrait être remise en cause. Ce sont tout de même des milliers d’emplois qui sont en jeu !
Nous le savons tous, l’application de la directive sur la libre circulation des services ne peut manquer d’avoir des conséquences importantes, notamment parce que les États membres effectuent en moyenne deux tiers de leurs échanges dans le marché intérieur, et que les services représentent à eux seuls 70 % du produit intérieur brut de l’Union.
Certes, me direz-vous, des textes communautaires existaient déjà avant cette directive dans le domaine des services, mais, bien entendu, aucun d’entre eux n’avait une portée générale. La Commission européenne a donc souhaité élaborer un texte « horizontal », englobant l’ensemble des services quel que soit leur secteur d’activité. Mais le Parlement européen a profondément remanié le texte, en rejetant notamment le principe du pays d’origine, qui pouvait – il est vrai – représenter un risque important de dumping social et juridique.
À une très large majorité, le Parlement européen a également souhaité exclure un certain nombre de domaines du champ de la directive, dont celui de la santé, des services sociaux, afin de leur garantir une réelle protection. Tout simplement parce que, pour les citoyens européens, ces services de proximité revêtent pour eux un caractère essentiel, et ce à double titre : pour faciliter leur vie quotidienne et pour garantir leur droit fondamental à la dignité et à la sécurité.
Ces exclusions, relativement larges, laissaient aux États membres une grande marge d’appréciation.
Il faut également le rappeler, à la suite de la polémique autour du droit applicable dans le cadre de la liberté d’établissement, la directive Services a fait l’objet d’un compromis défendu par la députée européenne socialiste Evelyne Gebhardt et d’une nouvelle rédaction des articles litigieux. Il est ainsi précisé que la directive ne s’applique que dans la mesure où elle n’oblige les États membres « ni à libéraliser les services économiques d’intérêt général, ni à privatiser des entités publiques [proposant de tels services], ni à abolir les monopoles existants ».
Telle que définie, la directive a été définitivement adoptée le 12 décembre 2006 et les vingt-sept États membres avaient jusqu’au 28 décembre 2009 pour la transposer en droit national.
Or, plusieurs pays de l’Union ont choisi d’adopter une loi-cadre pour ce faire. Ce mode de transposition a permis la tenue d’un débat général sur la directive Services et ses implications. Cela n’a malheureusement pas été le cas en France, nous le voyons encore aujourd’hui.
Contrairement à la majorité des États membres, le Gouvernement français a choisi une transposition sectorielle, et essentiellement réglementaire. Cette méthode présentait l’énorme avantage, pour lui, d’évacuer les difficultés politiques. Elle avait cependant l’inconvénient d’être difficilement lisible pour le Parlement ainsi que pour les collectivités territoriales, également touchées par les réformes.
À plusieurs reprises, les socialistes ont demandé que le Gouvernement élabore une loi-cadre pour transposer les principes de la directive afin d’assurer la transparence, ce qui se justifiait notamment par le fait qu’une telle directive était emblématique d’une certaine construction de l’Europe.
Le Gouvernement n’a pas souhaité donner suite à cette demande. En faisant le choix de ne pas rendre public le débat relatif à la directive Services adoptée en 2006, il a privilégié une approche exclusivement technique, écartant, de fait, le Parlement de la discussion.
Pourtant, au nom de la concurrence libre et parfaite, le traité européen interdit, en principe, que des activités de services ou de production bénéficient d’aides d’État. Toutefois, les services d’intérêt économique général pouvaient bénéficier, sous certaines conditions, de dérogations à ce régime, prévues dans le « paquet Monti-Kroes ». Pour ce faire, les États membres devaient remettre, en décembre 2009, un rapport notifiant leurs dérogations.
Ainsi, en janvier 2010, c’est-à-dire après le délai légal de mise en conformité avec le droit européen, la France a transmis à la Commission européenne un rapport prenant la forme de fiches élaborées par les ministères concernés et validées par la mission interministérielle. Or, lors de la discussion de la proposition de loi de Roland Ries relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive Services, à la fin du mois de mars 2010, le Gouvernement a refusé, dans un premier temps, la communication de ces fiches au Sénat, comme il l’avait refusée à l’Assemblée nationale. Cette pratique, ni légale ni légitime, bafoue, encore une fois, les prérogatives politiques du Parlement.
Après maintes interventions, ces fiches ont fini par nous parvenir, quelques heures seulement avant le démarrage des débats dans l’hémicycle. Nous avons notamment appris à leur lecture que les services d’aide à domicile auprès des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées n’étaient pas exclus du champ de la concurrence, contrairement aux établissements médico-sociaux, lesquels reçoivent pourtant le même public !
Nous retrouvons ces contradictions dans ce projet de loi. Nous en citerons deux.
D’une part, l’article 3 relatif à l’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux propose de modifier le régime d’habilitation des 38 000 établissements médico-sociaux pour permettre à des prestataires européens d’exercer de manière temporaire et occasionnelle en France une évaluation externe de ces établissements.
La modification proposée consiste à ne plus exiger de ces organismes établis dans un autre État membre qu’une simple déclaration d’activité, alors qu’il leur faut actuellement établir un dossier pour obtenir une habilitation.
Franchement, de quelles assurances dispose-t-on pour s’assurer que les organismes d’évaluation d’autres États ont une connaissance approfondie non seulement de la législation sociale française encadrant les établissements médico-sociaux, mais aussi de la réglementation concernant les publics fragiles ?
D’autre part, j’évoquerai l’article 8 concernant la mise en œuvre de la directive Services pour les agences de mannequins.
Pour pouvoir exercer son activité, une agence de mannequins doit obtenir une licence – y compris pour une prestation exceptionnelle –, qui garantit qu’elle respecte le régime des incompatibilités professionnelles avec un certain nombre de prescripteurs de prestations, afin de réduire les risques de pression sur les jeunes, du fait de leur vulnérabilité.
Or cet article autorise les agences établies dans un État membre à exercer leur activité en France, de manière temporaire et occasionnelle, après une simple déclaration préalable d’activité et supprime donc les incompatibilités professionnelles qui avaient un caractère protecteur. En conséquence, l’interdiction de prêt de main-d’œuvre et la présomption de salariat pour les mannequins exerçant en libre prestataire ne s’appliquent plus.
Compte tenu des conditions d’exercice de la profession de mannequin et du public spécifique qui la pratique, on aurait pu penser que le Gouvernement invoquerait des raisons impérieuses d’intérêt général pour maintenir les dispositions protectrices existantes.
Ces deux exemples montrent malheureusement que le Gouvernement n’a pas saisi, dans le cadre de la transposition, les éléments positifs introduits par le traité de Lisbonne et n’a pas utilisé la large latitude que l’article 14 de ce traité et le protocole additionnel n° 26 confèrent aux États membres pour apprécier ce qui relève ou non de services devant être protégés de la concurrence.
Le Gouvernement propose, au contraire, une déréglementation des services et la fin de la sécurisation et de la consolidation des services d’intérêt général, ceux qui garantissent la cohésion sociale et territoriale de notre pays.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons déposé des amendements de suppression des articles de déréglementation, dont un certain nombre ont été soutenus par la commission des affaires sociales. Espérons que les débats, dans cet hémicycle, nous permettent de prévoir des solutions emblématiques de la construction d’une Europe sociale et d’un Gouvernement respectueux de ses institutions, en accord avec nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi porte diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit européen en matière de santé, de travail et de communications électroniques. Il s’agit donc d’un texte « fourre-tout » !
Je centrerai mon propos sur la partie relative aux communications électroniques, en insistant sur certains points, dont l’habilitation à légiférer par ordonnance et la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP.
Le Gouvernement a souhaité être habilité à transposer par ordonnance les directives et le règlement appelés « troisième paquet télécoms », en raison de l’obligation de respecter la date butoir de transposition, fixée au 25 mai 2011.
Si nous ne contestons pas cette obligation, comment ne pas rappeler que le troisième paquet télécoms a été adopté par le Parlement et le Conseil européens le 25 novembre 2009 ? Or, le projet de loi de transposition n’a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale que le 15 septembre 2010 !
Si le Gouvernement n’avait pas autant tardé, il aurait été possible d’engager la transcription de ces dispositions en droit français selon la procédure législative normale.
Plusieurs intervenants, à l’Assemblée nationale, ont justifié le recours aux ordonnances par le caractère technique du sujet.
Effectivement, les directives et le règlement comportent des dispositions techniques, mais il n’en demeure pas moins qu’ils concernent la vie quotidienne : ils conditionnent, en partie, la desserte du territoire en services à très haut débit et la qualité des prestations de téléphonie et d’internet.
En procédant par voie d’ordonnance, le Gouvernement prive les parlementaires d’un débat sur des enjeux majeurs comme la séparation fonctionnelle, la réorganisation et la libéralisation du spectre radioélectrique, ou le service universel.
Ainsi, la possibilité reconnue aux autorités nationales d’imposer aux opérateurs une séparation entre les activités opérationnelles et celles qui sont liées à la gestion du réseau aurait mérité un vrai débat, entre ceux qui y voient un moyen de renforcer la concurrence et ceux, dont je fais partie, qui craignent qu’elle ne contribue à augmenter le prix de l’accès au réseau et à retarder les investissements dans la fibre optique.
Le troisième paquet télécoms met en place, en outre, un organe européen des régulateurs nationaux, lequel ne doit en aucun cas se substituer aux autorités nationales en la matière.
Si un texte spécifique avait été déposé et examiné dans le cadre de la procédure législative normale, nous aurions pu débattre de l’intérêt de mécanismes alternatifs, tels que la « corégulation » défendue par Catherine Trautmann, députée européenne, dans une logique de meilleure coopération entre les régulateurs nationaux.
Tous ces thèmes touchant à un domaine de plus en plus important pour la vie quotidienne de nos concitoyens auraient mérité que nous leur consacrions davantage de temps.
Cette analyse nous conduit à proposer un amendement de suppression de l’article 11.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Michel Teston. L’article 11 bis a pour sa part trait à la neutralité des réseaux. Il s’agit d’une transposition a minima défendant le principe de la neutralité en renforçant les pouvoirs du régulateur.
Cependant, il est important de rappeler qu’une mission parlementaire réfléchit sur la question et que les dernières rencontres parlementaires sur l’économie numérique, qui se sont tenues le 8 février dernier, étaient consacrées à la neutralité d’internet.
Le troisième paquet télécoms érige en principe contraignant la neutralité technologique, c’est-à-dire la liberté d’utiliser n’importe quelle technologie dans une bande de fréquences, et pose le principe de la neutralité du service, c’est-à-dire la liberté d’utiliser le spectre pour offrir n’importe quel service.
Il s’agit, là encore, de favoriser la concurrence, et donc le développement d’une nouvelle gamme de services tels que la télévision numérique terrestre ou la télévision mobile.
Le Gouvernement français ne risque-t-il pas de tirer argument de cette réforme pour repousser l’introduction de l’accès à internet dans le champ du service universel ? Quant au dividende numérique, y aura-t-il une adaptation pour permettre une juste répartition des fréquences libérées entre services audiovisuels, haut débit et très haut débit ?
Dans ce contexte incertain, nous défendrons, une nouvelle fois, un amendement visant à instaurer un service universel en matière d’internet, avec la possibilité pour tous, en particulier les plus modestes, d’accéder à ce service à un coût abordable.
J’en viens maintenant à l’article 13.
Issu d’un amendement déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, cet article tend à instituer un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP. En la matière, le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, Bruno Retailleau, a tenté de trouver un compromis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Merci, mon cher collègue, c’est bien de le reconnaître ! (Sourires.)
M. Michel Teston. Depuis, le Gouvernement a déposé un nouvel amendement pour rétablir la rédaction initiale. Le groupe socialiste n’a pas toujours été, je le reconnais, un grand défenseur des autorités administratives dites « indépendantes », estimant qu’elles sont, parfois, peu indépendantes et, d’autres fois, investies de pouvoirs qui relèvent plutôt des pouvoirs exécutif et législatif.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Oui !
M. Michel Teston. Force est de constater que l’ARCEP exerce correctement les missions qui lui sont confiées. Or, sous prétexte de renforcer le dialogue avec cette autorité de régulation, le Gouvernement entend imposer la présence d’un commissaire du Gouvernement.
Mme Raymonde Le Texier. Le Gouvernement aime procéder ainsi !
M. Michel Teston. Cette tentative de reprise en main de l’ARCEP n’est pas acceptable. Comment prétendre qu’un organisme est indépendant quand un commissaire du Gouvernement peut inscrire un point à son ordre du jour sans qu’il soit possible de le refuser ?
Je tiens à rappeler également que la Commission européenne a fait part de sa préoccupation à ce sujet. En effet, la création d’un commissaire du Gouvernement pose, au moins, deux problèmes.
D’une part, la législation européenne établit des prescriptions strictes en matière d’indépendance des régulateurs. Les textes européens disposent qu’« une autorité réglementaire nationale responsable de la régulation du marché ex ante ou du règlement des litiges entre entreprises est à l’abri de toute intervention extérieure ou pression politique susceptible de compromettre son impartialité ».
D’autre part, l’ARCEP, en tant qu’autorité de régulation, a connaissance d’informations commerciales concernant les opérateurs. Or le commissaire du Gouvernement sera le représentant de l’État qui est, lui-même, un actionnaire de premier ordre de l’un des opérateurs faisant l’objet de la régulation. Ce mélange des genres est difficile à accepter pour la Commission européenne, certes, mais aussi pour le groupe socialiste.
M. Hervé Maurey. Pas seulement pour eux !
M. Michel Teston. La commissaire Neelie Kroes a fait part au Gouvernement de ses interrogations le 25 janvier dernier. Jonathan Todd, porte-parole de la Commission, a affirmé le 8 février dernier que le Gouvernement français ne lui avait apporté aucune réponse, et qu’il semblait même « faire la sourde oreille ».
Pourquoi un tel comportement ? Si le Gouvernement persévère dans sa volonté de mettre en place ce commissaire, et ce en faisant fi des remarques de la Commission, il expose, en connaissance de cause, la France à des poursuites pour infractions.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Michel Teston. Pourquoi refuser de discuter avec la Commission européenne, pourquoi un tel entêtement ?
Compte tenu des éléments que je viens d’évoquer, le groupe socialiste défendra un amendement de suppression de l’article 13 et se prononcera contre l’amendement n° 74 du Gouvernement.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Michel Teston. En conséquence, madame la secrétaire d’État, à l’instar de ce qu’ont annoncé mes collègues pour les parties de ce projet de loi relatives au travail et à la santé, les dispositions portant sur les communications électroniques ne sont pas acceptables pour le groupe socialiste.
Tant la méthode de transposition du troisième paquet télécoms que le contenu du projet de loi ne nous satisfont pas. Vous en tirerez vous-même la conclusion sur notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la secrétaire d’État, au moment où nous abordons l’examen des articles, je me dois de vous faire part de la mauvaise humeur qu’a suscitée, au sein de la commission des affaires sociales, l’examen de ce texte.
Vous en trouverez la traduction lors de la présentation des amendements et des avis qu’elle a émis, ainsi que vous l’indiquera notre excellent rapporteur, Colette Giudicelli, qui a fait preuve, en l’espèce, d’un sang-froid et d’une fidélité à sa mission tout à fait remarquables.
Mmes Raymonde Le Texier et Patricia Schillinger. C’est vrai !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Nous considérons qu’il n’est pas sérieux de nous soumettre, en extrême urgence et selon un calendrier brutal, un texte de transposition de normes européennes, que nous aurions dû adopter, pour respecter nos engagements européens, avant la fin du mois de décembre 2009.
Je ne peux croire que nous venions tout juste de découvrir cette échéance.
Il nous a paru tout aussi insupportable qu’on nous explique que nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter ce texte en l’état et en toute hâte, en agitant la menace de fortes astreintes financières qui plane sur notre pays.
Est-ce vraiment très respectueux des droits du Parlement ?
Je le sais bien, une fois la directive adoptée au niveau européen, notre marge de manœuvre devient très étroite, et c’est en amont, au moment de sa négociation, que nous devons nous montrer actifs.
J’observe néanmoins que, lorsque nos deux assemblées prennent la peine d’adopter des résolutions destinées à constituer, en quelque sorte, la « feuille de route » du Gouvernement, cela n’intéresse personne ! Soit aucune consigne n’est transmise aux élus et aux fonctionnaires chargés de défendre le point de vue de la France, soit ceux-ci n’en tiennent aucun compte !
J’en ai fait moi-même l’expérience malheureuse lors de l’examen de directives relatives à la lutte contre les discriminations. La résolution que nous avions alors adoptée au Sénat, dans les délais, n’a été ni défendue ni même seulement mentionnée dans les négociations européennes. J’en avais d’ailleurs fait le reproche à votre collègue, Bruno Le Maire, alors ministre des affaires européennes.
Je vous pose une double question, madame la secrétaire d’État : nous sommes, bien sûr, fidèles à nos engagements européens, mais que faut-il faire pour qu’on prête attention à la voix du Parlement français dans l’élaboration des règles européennes ? Que faut-il faire pour que le Gouvernement prenne les choses en main dans des délais raisonnables, qui permettent au Parlement de se prononcer sereinement ?
Je voterai, bien sûr, ce texte.
M. Guy Fischer. C’est regrettable !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ce faisant, je ne suivrai pas l’avis de la commission sur bon nombre d’amendements, parce que je suis consciente des risques que comporterait le rejet du projet de loi.
Mais croyez bien, madame la secrétaire d’État, que je le ferai à contrecœur ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai franche avec vous : oui, ce texte est en quelque sorte un texte « fourre-tout », pour reprendre l’expression qui a été utilisée, ou, pour être plus poétique, un inventaire à la Prévert. J’admets que la France est en retard en termes de transposition des directives.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur Détraigne, je comprends votre mauvaise humeur, car nous travaillons en effet dans l’urgence. Néanmoins, il est vrai que des délais s’imposent à nous aujourd’hui et que nous devons avancer ensemble.
Le Gouvernement a élaboré ce projet de loi avec sérieux. L’Assemblée nationale a été vigilante et la commission des affaires sociales du Sénat, notamment son rapporteur, l’a examiné point par point ; je l’en remercie.
J’ai bien entendu également votre volonté de mieux associer les parlementaires au processus de décision européen. Je relaierai votre requête auprès du Premier ministre et de mes collègues.
M. Jean Desessard. Nous vous remercions beaucoup, madame la secrétaire d’État, c’est vraiment très bien ! (Sourires.)
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. C’est même trop bien !
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Quoi qu’il en soit, je rappelle, notamment aux sénateurs de gauche, que la méthode employée n’est pas propre à ce gouvernement. Le retard pris dans les transpositions n’est pas un phénomène nouveau. Le gouvernement Jospin, parce que la France était déjà très en retard, avait lui aussi opté pour le recours à de très nombreuses ordonnances.
M. Jean Desessard. Et que dire de Léon Blum ! (Sourires.)
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Les choses sont donc équilibrées, quelles que soient les étiquettes politiques !
S’agissant de la directive Services, madame Schurch, je pense, contrairement à vous, que nous avons choisi la bonne méthode. C’est une directive extrêmement transversale. Nous avons fait le choix d’examiner la situation attentivement, secteur par secteur, pour savoir si la directive Services s’appliquait, pour vérifier la conformité de notre réglementation et, le cas échéant, trouver les moyens de l’adapter.
Ce travail minutieux prend du temps, mais il est protecteur. Je donnerai un seul exemple. Avec un texte transversal pour tous les secteurs, nous aurions probablement dû supprimer l’ensemble des systèmes de licence. Grâce à ce travail sectoriel, nous avons pu prévoir une adaptation « au plus juste », au bénéfice des différents secteurs.
Mesdames Schillinger et Jarraud-Vergnolle, votre vision de la directive Services est quelque peu erronée, car, vous le savez très bien, cette directive n’a pas retenu le principe du pays d’origine, comme le prévoyait le projet de départ, et ce parce que la France a pesé de son poids.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Bien sûr…
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Plus globalement, oui, nous n’avons pas la même conception de l’Europe. Vous prônez plutôt la méfiance envers nos partenaires européens alors que nous optons pour la confiance, car cette confiance s’accompagne de contrôles.
Je salue l’esprit de responsabilité de Mmes Giudicelli et Morin-Desailly, rapporteurs au fond et pour avis, qui ont examiné en détail les dispositions et ont vérifié qu’elles étaient adaptées et protectrices. Je les en remercie.
Monsieur Marsin, je comprends votre vigilance s’agissant plus particulièrement des articles relatifs à l’évaluation des établissements médico-sociaux et aux assistantes sociales. Je connais bien ces secteurs et je n’aurais pas accepté une dégradation de leur qualité. Ce n’est pas le cas ici.
M. Guy Fischer. On verra !
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. L'ensemble des organismes d’évaluation des établissements médico-sociaux, qu’ils soient français ou européens, devront respecter le même cahier des charges et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM, pourra tous les contrôler.
En ce qui concerne les assistantes sociales, les garanties requises pour cette profession réglementée ne sont pas remises en cause, en particulier les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession.
Pour conclure mon propos, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous précise qu’Éric Besson sera présent tout à l’heure pour répondre lui-même aux questions soulevées par les amendements déposés sur la partie du texte relative aux communications électroniques.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Nous aurions préféré qu’il entende la discussion générale !
M. Jean Desessard. Il était là sous le gouvernement Jospin ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la santé
Article 1er
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3331-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « doivent », sont insérés les mots : «, pour vendre des boissons alcooliques, » ;
b) Au 1°, les mots : « des deux premiers groupes » sont remplacés par les mots : « du deuxième groupe » ;
2° L’article L. 3331-3 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « emporter », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « doivent, pour vendre des boissons alcooliques, être pourvus de l’une des deux catégories de licences ci-après : » ;
b) Au 1°, les mots : « des deux premiers groupes » sont remplacés par les mots : « du deuxième groupe » ;
2° bis Le dernier alinéa de l’article L. 3332-3 est supprimé ;
2° ter Au dernier alinéa de l’article L. 3332-4, les mots : « deux mois à l’avance » sont remplacés par les mots : « quinze jours au moins à l’avance, dans les mêmes conditions » ;
3° Après le même article L. 3332-4, il est inséré un article L. 3332-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3332-4-1. – Une personne qui veut ouvrir un débit de boissons mentionné aux articles L. 3331-2 ou L. 3331-3 est tenue de faire, dans les conditions prévues aux premier à septième alinéas de l’article L. 3332-3, une déclaration qui est transmise au procureur de la République ainsi qu’au représentant de l’État dans le département conformément au dernier alinéa du même article. Les services de la préfecture de police ou de la mairie lui en délivrent immédiatement un récépissé qui justifie de la possession de la licence de la catégorie sollicitée.
« Le permis d’exploitation mentionné au 5° de l’article L. 3332-3 n’est pas exigé lorsque la déclaration est faite par une personne qui veut ouvrir un débit de boissons mentionné à l’article L. 3331-3 sans vendre des boissons alcooliques entre 22 heures et 8 heures au sens de l’article L. 3331-4.
« Une mutation dans la personne du propriétaire ou du gérant ou une modification de la situation du débit de boissons doit faire l’objet d’une déclaration identique, qui est reçue et transmise dans les mêmes conditions. Toutefois, en cas de mutation par décès, la déclaration est valablement souscrite dans le délai d’un mois à compter du décès. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 3332-5, la référence : « et L. 3332-4 » est remplacée par la référence : « à L. 3332-4-1 » ;
5° À l’article L. 3332-6, la référence : « l’article L. 3332-3 » est remplacée par les références : « les articles L. 3332-3 ou L. 3332-4-1 » ;
6° Après l’article L. 3352-4, il est inséré un article L. 3352-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3352-4-1. – Est punie de 3 750 € d’amende :
« 1° L’ouverture d’un débit de boissons mentionné aux articles L. 3331-2 ou L. 3331-3 sans faire quinze jours au moins à l’avance et par écrit la déclaration prévue au premier alinéa de l’article L. 3332-4-1 ;
« 2° La mutation dans la personne du propriétaire ou du gérant ou la modification de la situation du débit de boissons mentionné aux articles L. 3331-2 ou L. 3331-3 sans faire dans le délai prévu et par écrit la déclaration prévue au dernier alinéa de l’article L. 3332-4-1. » ;
7° L’article L. 3331-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Le 1° est abrogé ;
8° Les articles L. 3331-1-1 et L. 3331-5 sont abrogés ;
9° Au premier alinéa de l’article L. 3331-6, les mots : « de 1re ou » sont supprimés ;
10° Au premier alinéa de l’article L. 3332-3, après les mots : « sur place », sont insérés les mots : « et y vendre de l’alcool » ;
11° Au premier alinéa de l’article L. 3332-4, après le mot : « vendant », sont insérés les mots : « de l’alcool » ;
12° À l’article L. 3332-6, après la deuxième occurrence du mot : « boissons », est inséré le mot : « alcooliques » ;
13° L’article L. 3335-10 est abrogé ;
14° Le premier alinéa de l’article L. 3352-3 est complété par les mots : «, vendant de l’alcool » ;
15° Au 1° de l’article L. 3352-4, après les mots : « sur place », sont insérés les mots : «, mentionné à l’article L. 3332-1, » ;
16° Au 2° du même article L. 3352-4, les mots : « deux mois à l’avance » sont remplacés par les mots : « quinze jours au moins à l’avance, dans les mêmes conditions qu’au 1°, ».
I bis. – Au premier alinéa de l’article L. 313-1 du code du tourisme, les références : « L. 3331-1, L. 3331-1-1 » sont supprimées.
II. – (Suppression maintenue)
III. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit la promulgation de la présente loi. Les débits de boissons mentionnés aux articles L. 3331-2 ou L. 3331-3 du code de la santé publique qui, à cette date, avaient fait la déclaration mentionnée à l’article 502 du code général des impôts sont réputés avoir accompli la formalité mentionnée à l’article L. 3332-4-1 du code de la santé publique.
Toute personne ayant ouvert, entre la promulgation de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 et le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi, un débit de boissons mentionné aux articles L. 3331-2 ou L. 3331-3 du code de la santé publique est tenue, dans un délai de deux mois, d’effectuer une déclaration conformément à l’article L. 3332-4-1 du même code.
IV. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter les dispositions du présent article à Mayotte.
L’ordonnance doit être prise dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 9 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 21 est présenté par Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous proposons de supprimer l’article 1er du projet de loi qui vise, selon la formule retenue dans le rapport, « à harmoniser les régimes de déclaration administrative applicables au secteur de la vente de boissons sur place et au secteur de la vente à emporter ».
Bien que proposant la suppression de cet article, nous ne sommes pas opposés à l’abrogation de la déclaration fiscale qui y est prévue pour les ventes de boissons sans alcool dès lors que celles-ci ne s’accompagnent de la perception d’aucune taxe.
Nous considérons, toutefois, qu’il aurait été possible de concevoir un mécanisme supprimant cette déclaration fiscale tout en conservant le principe d’une licence pour les établissements qui vendent également des boissons alcoolisées.
Nous savons, en effet, combien les jeunes – car c’est d’eux qu’il s’agit particulièrement – sont friands de mélanges associant des boissons énergisantes et de l’alcool fort, communément appelés « premix ».
Nous regrettons, d’ailleurs, que cette transposition n’ait pas donné lieu à l’adoption de mesures législatives à l’encontre des établissements ou des marques d’alcool qui, sous la forme d’un marketing très étudié, contournent aisément les règles relatives à la prévention et à la publicité des boissons alcooliques.
Enfin, si nous sommes également opposés à l’adoption de cet article, cela a été souligné en commission des affaires sociales, c’est en raison de ses conséquences pour les collectivités locales, plus précisément pour les mairies. Demain, les communes risquent en effet de devoir délivrer des récépissés attestant de la réception d’une déclaration administrative, et ce sans recevoir une quelconque indemnisation.
Le procédé qui consiste à transférer pas à pas des missions jusqu’alors assumées par les services de l’État en direction des collectivités locales et territoriales, sans les accompagner du financement nécessaire, n’est naturellement pas acceptable, particulièrement à l’heure où le Gouvernement et le Président de la République entendent contraindre ces collectivités à réduire leurs personnels et leurs budgets.
Ce constat est partagé au-delà des travées de la gauche. Je remercie mon collègue Paul Blanc, qui n’a pas pu être présent ce soir, d’avoir dit en commission qu’il regrettait que « l’article 1er mette encore une nouvelle obligation à la charge des mairies, qui en assument déjà beaucoup ».
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 21.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objet de supprimer le transfert de la déclaration administrative concernant les débits de boissons à emporter des douanes aux mairies.
Nous ne comprenons pas pourquoi une nouvelle obligation est mise à la charge des mairies, sans qu’aucune compensation financière soit prévue. C’est injuste et inacceptable.
Par ailleurs, au nom de la simplification du cadre législatif, l’article 1er aligne le régime dont relève la vente de boissons à emporter sur celui qui régit la vente de boissons consommées sur place. Cette disposition est en contradiction complète avec l’impératif de protection de la santé publique à l’égard des risques liés à l’alcool et aux nouvelles boissons énergisantes. C’est un argument supplémentaire pour demander la suppression de cet article.
En tant que maire d’une commune attenante à la frontière suisse et proche de la frontière allemande, je sais de quoi je parle. J’espère que cet amendement sera pris en compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame le secrétaire d’État, tout le monde a exprimé sa mauvaise humeur. Vous aurez compris que la méthode employée a été mal perçue, ce qui explique peut-être qu’il n’y ait pas foule ce soir dans l’hémicycle.
Néanmoins, il faut être maintenant raisonnable et reprendre un peu de bonne humeur. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Ah non !
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Mes chers collègues, je n’excuse pas le procédé ni la façon dont le texte nous a été transmis, mais il ne faut pas continuer à nous faire peur.
En commission, les deux amendements identiques de suppression de l’article 1er avaient recueilli un avis favorable.
Je me permets toutefois d’exprimer, à titre personnel, un avis défavorable, parce qu’il me semble que cet article, au-delà de la transposition de la directive Services, a le mérite d’introduire une certaine cohérence dans la réglementation applicable au secteur de la vente de boissons, qu’elles soient à consommer sur place ou à emporter. Cette réglementation est aujourd’hui à la fois complexe, partielle et redondante.
Les auteurs des amendements craignent que la déclaration administrative instituée pour les restaurants et les débits de boissons à emporter ne représente une charge supplémentaire pour les mairies. Or les débits de boissons à consommer sur place sont déjà soumis à l’obligation de déclaration en mairie et ce texte n’apporte pas donc de grand changement, puisque la procédure sera en tout point semblable à celle qui est actuellement appliquée. La déclaration pourra s’effectuer de la même manière, en préfecture ou en mairie, et ne devrait pas représenter une charge de travail considérable. Pour les débits de boissons, elle se substituera à la déclaration fiscale obligatoire qui n’a plus lieu d’être, du fait de la disparition de la taxe qui y était liée.
J’émets donc un avis défavorable.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas l’avis de la commission, madame ! Incroyable !
M. le président. J’ai bien noté que la commission avait émis un avis favorable et que Mme le rapporteur s’était exprimée à titre personnel contre ces amendements. Seul compte l’avis émis au nom de la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est bien évidemment défavorable. En effet, il est nécessaire d’harmoniser les démarches entre les débits de boissons à consommer sur place et les établissements pratiquant la vente à emporter.
Le projet de loi instaure une procédure de déclaration administrative auprès des mairies pour les restaurants et les débits de boissons à emporter. Deux raisons militent pour que cette déclaration soit effectuée en mairie : d’une part, comme vient de le rappeler Mme le rapporteur, les débits de boissons à consommer sur place effectuent déjà cette déclaration auprès des mairies, il est donc logique que la même procédure s’applique aux débits de boissons pratiquant la vente à emporter ; d’autre part, le maire étant l’autorité compétente en matière de police générale des débits de boissons, il est donc cohérent de lui permettre d’avoir une bonne connaissance des établissements pratiquant la vente à emporter.
Les auteurs de ces amendements craignent que l’application de cet article n’entraîne une charge de travail supplémentaire pour les mairies. Permettez-moi de préciser que celle-ci devrait rester extrêmement limitée, en pratique, puisqu’il s’agira, pour le demandeur, de renseigner un imprimé CERFA d’une seule page qu’il pourra télécharger lui-même et, pour les services municipaux, d’apposer un tampon sur le document et de vérifier qu’il est correctement rempli. Par exemple, pour la ville de Nancy, qui compte 100 000 habitants, la charge supplémentaire de travail représenterait cinq dossiers supplémentaires par mois…
M. Guy Fischer. C’est largement sous-estimé !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 21.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme Patricia Schillinger. Certains de nos collègues ne sont vraiment pas courageux !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 5211-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« La certification de conformité est établie, selon la classe dont relève le dispositif, soit par le fabricant lui-même, soit par un organisme désigné à cet effet par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou par l’autorité compétente d’un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen. »
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 5212-1 du même code est ainsi rédigé :
« La personne physique ou morale responsable de la revente d’un dispositif médical d’occasion figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, établit, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, une attestation justifiant de la maintenance régulière et du maintien des performances du dispositif médical concerné. »
II bis. – À l’article L. 5221-2 du même code, après les mots : « Union européenne », sont insérés les mots : « ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ».
III. – Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 33 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objectif de supprimer la mise en œuvre de la directive Services pour les dispositifs médicaux. L’article 2 prévoit de modifier le régime des organismes agréés intervenant dans la certification et la revente de tels dispositifs.
La certification de la conformité des dispositifs médicaux ne sera plus exclusivement établie par un organisme habilité par l’AFSSAPS, mais pourra être confiée à un autre organisme désigné par les autorités compétentes d’un autre État membre de l’Union européenne. Si nous acceptons les organismes de certification de nos partenaires européens, nous devons nous assurer que ceux-ci présentent le même niveau que leurs homologues français. Aujourd’hui, rien ne nous le garantit !
Alors que, jusque à présent, une attestation technique par un organisme agréé par l’AFSSAPS était exigée, après vérification par celui-ci de documents établis par les exploitants des dispositifs en cause, le Gouvernement a décidé que la justification, par le revendeur, de la maintenance et du maintien des performances de son dispositif médical suffirait. Il en va de même pour l’assouplissement des règles de revente des dispositifs médicaux d’occasion. Simplifier cet encadrement de la revente nous paraît dangereux.
L’argument selon lequel la revente s’effectue aujourd’hui en dehors de tout cadre juridique, au motif que les décrets qui auraient dû être publiés ne l’ont jamais été, n’est pas recevable en matière de santé et de sécurité publiques. Il sera donc possible aux fabricants et aux vendeurs de matériels d’occasion de justifier eux-mêmes de la qualité des matériels. Cette disposition est très surprenante !
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié.
M. Denis Detcheverry. Notre amendement, comme celui de nos collègues du groupe socialiste, vise à supprimer l’article 2.
Cet article concerne les dispositifs médicaux, qui recouvrent une très grande variété de produits : seringues, lits médicaux, stimulateurs cardiaques, scanners, etc. Leur certification, aujourd’hui assurée par un organisme habilité par l’AFSSAPS, pourra désormais être confiée à un organisme désigné par les autorités compétentes d’un autre État membre de l’Union européenne.
Nous ne sommes pas opposés, par principe, à cette faculté, mais, s’agissant d’un domaine qui engage la santé des patients et la sécurité des utilisateurs, nous émettons néanmoins quelques réserves.
Dans ce domaine plus que dans tout autre, les opérations d’évaluation et de contrôle requièrent de la part des organismes certificateurs des garanties d’intégrité, d’objectivité, de formation et de compétence. Le rôle de l’AFSSAPS consiste précisément à exiger et vérifier ces garanties. Comment s’assurer que les organismes établis dans un autre État membre répondent aux mêmes exigences ? Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur ces derniers, mais chacun sait bien que la formation et les pratiques ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.
Par ailleurs, l’article 2 supprime l’exigence d’une attestation technique pour la revente des dispositifs médicaux d’occasion, laissant le soin au revendeur de justifier de l’entretien régulier et du maintien des performances de ceux-ci. Une attestation par un organisme agréé par l’AFSSAPS est une garantie utile en cas d’éventuel contentieux entre acquéreur et revendeur. Dans l’hypothèse où ce dernier dépose son bilan une fois la transaction effectuée, il sera en effet difficile de mettre en cause sa responsabilité. Là encore, il convient de privilégier la sécurité, s’agissant de santé publique et de dispositifs destinés à des milliers de personnes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. La commission a considéré qu’il était utile de maintenir dans le code de la santé publique l’exigence d’une certification par un organisme désigné par l’AFSSAPS pour la vente des dispositifs médicaux. Elle a en conséquence, à la majorité de ses membres, émis un avis favorable à l’adoption de ces amendements ; je crois avoir été la seule à voter contre la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’avis du Gouvernement est bien entendu défavorable, vous vous y attendiez !
Contrairement à ce que laissent penser les auteurs de ces amendements, l’article 2 n’assouplit en aucun cas la réglementation. Au contraire, il permet de renforcer l’effectivité du dispositif de contrôle. La législation actuelle prévoit qu’un organisme agréé délivre une attestation préalablement à la revente d’un dispositif médical, mais on oublie de dire que cet organisme n’intervient que pour vérifier la teneur des documents fournis par le revendeur, sans aucune expertise technique. L’intervention de cet organisme ne présente donc pas de réelle pertinence en termes de sécurité sanitaire.
Demain, avec ces nouvelles dispositions, le revendeur devra, pour revendre les dispositifs médicaux d’occasion les plus sensibles, fournir la preuve à l’acquéreur que toutes les dispositions ont été prises pour assurer la protection de la santé des patients, des utilisateurs et des tiers. La modification apportée garantira donc une effectivité du contrôle des dispositifs médicaux les plus sensibles dans un but de protection.
M. le président. La parole est à Mme Roselle Cros, pour explication de vote.
Mme Roselle Cros. Monsieur le président, cette explication de vote vaut pour les amendements identiques nos 22 et 33 rectifié et pour l’amendement n° 34, car tous posent les mêmes problèmes.
L’article 2 diminue en effet les garanties pour la santé et la sécurité des patients, en élargissant le nombre des organismes certificateurs ou en supprimant toute attestation technique pour les dispositifs d’occasion. Confier au revendeur la justification de l’entretien régulier et du maintien des performances n’offre certainement pas toutes les garanties de sécurité que l’on doit aux patients, surtout pour des dispositifs médicaux qui peuvent être dangereux ou tout simplement obsolètes. Sans attestation technique, comment la performance et l’efficacité seront-elles prouvées et comment le patient sera-t-il assuré qu’il bénéficie des dispositifs les plus à la pointe du progrès technique ?
Comme l’a dit Mme la présidente de la commission des affaires sociales, nos réserves arrivent trop tard pour être prises en compte, puisque que nous intervenons dans le cadre de la transposition, elle-même très tardive, d’une directive européenne. C’est uniquement pour cette raison, par réalisme et non par manque de courage, que nous ne voterons pas ces amendements de suppression ; mais c’est avec regret ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Ma chère collègue, je suis heureux de saluer votre première intervention en séance publique, fort brillante de surcroît !
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, nous nous sommes trouvés souvent en accord avec les amendements déposés par Gilbert Barbier, ce qui n’a rien d’habituel ! (Sourires.)
Le problème posé par les dispositifs médicaux d’occasion est l’un des plus importants que nous ayons à traiter ce soir. Aujourd’hui, le Gouvernement ouvre la porte à une législation permissive, ce qui nous interdit absolument d’approuver ce projet de loi.
Dans son rapport, la commission rappelle la définition du dispositif médical : « tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales ». J’arrête ici ma lecture !
À y regarder de près, laisser au libre arbitre d’un fabricant le soin de certifier la conformité de dispositifs médicaux d’occasion pose des problèmes que nous connaissons tous. On peut penser que, dans certains domaines, la recherche du profit absolu conduit à des pratiques condamnables ; nous ne voulons absolument pas courir ce risque !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 33 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Au deuxième alinéa de l'article L. 5211-3 du code de la santé publique, les mots : « par le fabricant lui-même ou » sont supprimés.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Comme nous venons de le voir, l’article 2 du projet de loi tend à introduire une importante modification dans le processus de certification des dispositifs médicaux.
En effet, alors que, à l’heure actuelle, seuls les établissements habilités par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ou AFSSAPS, peuvent délivrer cette certification, il est expressément prévu d’autoriser les fabricants à s’adresser à un certificateur de leur choix.
Parallèlement, cet article, comme la directive qu’il entend transposer, interdit aux États membres de faire obstacle, pour des raisons de santé publique, à la vente sur leur territoire de produits ainsi commercialisés et estampillés « CE ».
Cette question est très importante, car le symbole « CE » est pour nos concitoyens gage de sécurité. Or, avec cet article, le Gouvernement entend affaiblir les règles de sécurité et, ainsi, permettre leur contournement.
Les récentes affaires de santé publique ont pourtant montré combien il est important que les consommateurs de notre pays puissent compter sur un contrôle indépendant et de qualité. C’est indispensable pour les médicaments, mais aussi pour les dispositifs médicaux dont parlait mon collègue Guy Fischer. Il ne serait en effet pas raisonnable de réduire les exigences de sécurité sur ces derniers, dès lors que ceux-ci se développent. Je pense particulièrement aux défibrillateurs cardiaques qui se généralisent – et c’est tant mieux – dans les lieux publics.
Dans le même temps, nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire de la rédaction actuelle de l’article L. 5211-3 du code de la santé publique, autorisant le fabricant lui-même à procéder à la certification des produits qu’il délivre à la vente.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de substituer à la rédaction actuelle de cet article une nouvelle rédaction, imposant que la certification de conformité ne puisse plus être établie que par des organismes désignés par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Enfin, la suppression du caractère obligatoire de la présentation d’une attestation technique en cas de revente de matériels d’occasion constitue un autre motif d’opposition à cet article.
Il n’est en effet pas souhaitable que, demain, cette obligation ne pèse plus que sur le revendeur, qui, cela n’échappera à personne, aura précisément intérêt à ce que son propre matériel soit revendu. Nous faisons face ici à un risque de conflits d’intérêts de taille que nous ne pouvons accepter, singulièrement au regard des menaces qu’il représente pour la santé et la protection de nos concitoyens.
Aussi, mes chers collègues, nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Cet amendement de repli tend à supprimer, non pas l’article 2, mais ses alinéas 3 et 4, qui concernent la revente des dispositifs médicaux d’occasion. Ayant déjà exposé nos arguments sur le sujet, je considère qu’il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Je ne répéterai pas tout ce qui a déjà été dit. La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements. À titre personnel, je n’y suis pas favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il est également défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
Ce projet de loi ne vise pas à assouplir la réglementation sur les dispositifs médicaux. Bien au contraire, nous avons la volonté de responsabiliser le revendeur.
En outre, – cela a peut-être échappé à certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs – si le revendeur établit le certificat de conformité, la certification a été préalablement élaborée par des organismes certificateurs dans les pays d’origine. C’est au nom de cette reconnaissance mutuelle que la revente est possible.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 73 rectifié, présenté par M. Gournac, Mme Mélot et MM. Houel, du Luart et Cléach, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 2321-4 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2321-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 2321-5. - Les communes dont les habitants représentent, au titre d’une année, plus de 10 % des parturientes ou plus de 10 % des personnes décédées dans un établissement public de santé comportant une maternité et situé sur le territoire d’une autre commune comptant moins de 3 500 habitants contribuent financièrement aux dépenses exposées par cette commune pour la tenue de l’état civil et l’exercice des actes de police des funérailles si le rapport entre le nombre des naissances constatées dans cet établissement et la population de la commune d’implantation dépasse 40 %.
« La contribution de chaque commune est fixée en appliquant aux dépenses visées au précédent alinéa la proportion qui est due aux habitants qui ont leur domicile sur son territoire dans le nombre total d’actes d’état civil, ou, selon le cas, de police des funérailles, constaté dans la commune d’implantation.
« La contribution est due chaque année au titre des charges constatées l’année précédente.
« À défaut d’accord entre les communes concernées, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l'État dans le département du siège de l’établissement. »
II. – La contribution visée à l'article L. 2321-5 du code général des collectivités territoriales est due pour la première fois en 2011 au titre des charges exposées en 2010.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Cet amendement a pour objet d’essayer de rectifier certaines conséquences, curieuses, des regroupements hospitaliers en cours.
Ceux-ci, rendus nécessaires par la recomposition de l’offre de soins, ont conduit à créer des hôpitaux intercommunaux dans des communes de petite taille, voire de très petite taille.
Certaines communes se trouvent ainsi dans des situations budgétaires inextricables en raison du poids dans leur budget du service de l'état civil.
Je vais vous donner quelques exemples, mes chers collègues. Saint-Jean-de-Verges, dans l’Ariège, compte 1 109 habitants et enregistre 1 028 naissances, pour un coût annuel de 133 000 euros. Le Bailleul, commune de la Sarthe de 1 153 habitants, totalise 720 naissances, pour un coût annuel de 120 000 euros. Par ailleurs, la commune d’Ars-Laquenexy, en Moselle, et ses 900 habitants vont accueillir l’hôpital public de l’ensemble de l’agglomération de Metz. Enfin, Jossigny, en Seine-et-Marne, compte 656 habitants et va voir transféré sur son territoire l’hôpital de Lagny-sur-Marne, qui représente 2 624 naissances par an.
Dans le même temps, les communes où étaient anciennement situés les sièges des hôpitaux et maternités voient bien sûr leurs charges d'état civil diminuer brutalement.
L'état civil n'est pas une compétence de la commune. Il s’agit d’un pouvoir propre du maire et de ses adjoints, entrant dans la catégorie des attributions exercées au nom de l’État et sous le contrôle du procureur de la République. Par définition, cette charge ne peut donc pas faire l’objet d’un transfert de compétences à une intercommunalité, ce qui aurait été une solution possible.
De plus, le territoire de premier recours de certains hôpitaux couvre déjà plusieurs intercommunalités.
Les dispositifs locaux de solidarité ne sont donc pas aptes à fonctionner dans le cas précis de la tenue de l'état civil et de la police des funérailles.
Pour ces raisons, le Sénat avait adopté en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011 un amendement visant à organiser la solidarité financière envers les petites communes accueillant un hôpital intercommunal. Le Conseil constitutionnel ayant considéré que cette disposition était étrangère au domaine des lois de finances, il est donc proposé d’introduire celle-ci dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel talent dans la défense de l’argument !
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. L’amendement n° 73 rectifié vise à organiser un mécanisme de solidarité financière entre petites communes, destiné à permettre un partage des charges liées à la tenue de l’état civil, au profit de la commune qui accueille un hôpital intercommunal comportant une maternité.
Cette disposition a été adoptée, voilà quelques semaines, par le Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011. Elle est de nouveau présentée aujourd’hui par M. Gournac et plusieurs de ses collègues. C’est sans doute un cavalier législatif, mais peut-être sera-t-elle cette fois-ci épargnée…
Quoi qu’il en soit, la commission s’en remet, sur cet amendement, à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage pleinement la philosophie de cette proposition, mais je constate que l’objet de l’amendement ne correspond pas exactement à celui du projet de loi. C’est pourquoi je m’en remets également à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 2 bis
(Non modifié)
Après la première occurrence des mots : « produits de santé, », la fin de l’article L. 5222-2 du même code est ainsi rédigée : « établit, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, une attestation justifiant de la maintenance régulière et du maintien des performances du dispositif médical de diagnostic in vitro concerné. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 23 est présenté par Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 11.
M. Guy Fischer. L’article 2 bis a pour objet d’appliquer à la revente des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro d’occasion les règles qui s’appliquent aux autres dispositifs médicaux d’occasion, dont nous avons débattu lors de l’examen de l’article 2.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous avions proposé la suppression de cet article 2. Nous sommes cohérents avec nous-mêmes. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire que j’argumente plus amplement cette proposition de suppression de l’article 2 bis.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 23.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objet de supprimer la mise en œuvre de la directive Services pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.
À travers l’article 2 bis du projet de loi, il est proposé d’harmoniser les règles relatives aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro d’occasion avec celles qui sont applicables aux autres dispositifs médicaux d’occasion. Comme dans le mécanisme prévu à l’article 2, l’attestation n’est pas demandée à un organisme extérieur et il appartient au revendeur d’établir une attestation justifiant de la maintenance régulière et du maintien des performances du dispositif médical de diagnostic in vitro.
Vous proposez, madame la secrétaire d’État, de modifier la réglementation actuelle au motif qu’elle n’est pas appliquée. Pour notre part, nous suggérons la suppression de cet article, pour les raisons que nous avons avancées lors de l’examen de notre précédent amendement.
La simplification ne garantit pas la bonne conformité et la bonne qualité des dispositifs médicaux concernés. Le risque d’une dégradation de la certification de ces dispositifs, au détriment de la sécurité des patients, est très présent.
M. Guy Fischer. Et plus tard, on découvrira un nouveau scandale !
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry, pour présenter l'amendement n° 35 rectifié.
M. Denis Detcheverry. Cet amendement est identique aux deux amendements précédents. L’article 2 bis du projet de loi tend à supprimer les garanties indispensables en matière d’entretien et de maintien des performances des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Pour des raisons de sécurité, tant des patients que des utilisateurs, nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Ces trois amendements, qui tendent à supprimer l’article 2 bis relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, sont cohérents avec les amendements de suppression de l’article 2. Ils recueillent donc également un avis favorable de la commission. À titre personnel, j’y suis opposée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. J’ai déjà eu l’occasion de présenter les arguments du Gouvernement s’agissant des dispositifs médicaux. Pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11, 23 et 35 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
I. – L’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes et les personnes légalement établis dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour y exercer une activité d’évaluation de même nature que celle mentionnée au troisième alinéa peuvent l’exercer de façon temporaire et occasionnelle sur le territoire national, sous réserve du respect du cahier des charges mentionné au troisième alinéa et de la déclaration préalable de leur activité à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Cette déclaration entraîne l’inscription sur la liste établie par l’agence. Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa. »
II. – Le présent article est applicable à Mayotte.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 36 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement n° 12 vise à supprimer l’article 3 du projet de loi, que Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour le secteur médico-social du projet de loi de financement de la sécurité sociale, n’a pas hésité à qualifier d’inquiétant.
Nous comprenons ces inquiétudes et nous les partageons, puisque cet article tend à autoriser des organismes européens à réaliser de manière temporaire l’évaluation de l’activité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
En l’état actuel du droit, cette procédure d’évaluation ne peut être réalisée que par des organismes ayant préalablement reçu une habilitation par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM.
Mme Cécile Dumoulin, rapporteur à l’Assemblée nationale de ce projet de loi, a affirmé que la procédure était strictement encadrée, dans la mesure où ces établissements respectaient les cahiers des charges et où l’ANESM pourrait librement les contrôler.
Ces deux précautions n’en sont pas.
En effet, le respect des cahiers des charges n’est pas de nature à empêcher le dumping social qui joue contre les salariés. La règle du moins-disant social est toujours synonyme d’une moindre protection pour les publics concernés, et l’on ne saurait l’accepter dès lors qu’il s’agit de personnes aussi vulnérables que les enfants et les personnes vieillissantes ou en situation de handicap.
Par ailleurs, le respect des cahiers des charges auquel vous faites référence n’est que théorique dans la mesure où la seule manière de le rendre effectif est d’appliquer un contrôle régulier. Or ce contrôle n’est pas prévu dans la rédaction actuelle de cet article 3, qui précise simplement que ces établissements devront procéder à la déclaration préalable de leur activité à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Vous comprendrez donc qu’en l’état nous ne puissions que voter contre cet article 3, qui nous inquiète beaucoup.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 24.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet article modifie le régime d’habilitation des 38 000 organismes – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, instituts médico-éducatifs, ou IME, etc. – pour permettre à des prestataires européens d’exercer de manière temporaire et occasionnelle en France. Ces établissements doivent procéder à des évaluations internes tous les cinq ans et se soumettre à des évaluations externes tous les sept ans.
Ces évaluations externes sont réalisées par des organismes habilités par l’ANESM. Ils doivent remplir actuellement deux conditions : respecter un cahier des charges et être indépendants des établissements qu’ils contrôlent.
Il n’est pas indifférent de noter que l’on compte aujourd’hui 652 organismes habilités, dont 444 personnes morales et 208 personnes physiques. Actuellement, 145 dossiers d’habilitation sont en cours d’instruction.
La modification proposée consiste à ne plus exiger de ces organismes établis dans un autre État membre qu’une simple déclaration d’activité au lieu de l’établissement d’un dossier pour obtenir une habilitation. Les organismes français auront-ils également dorénavant à ne fournir qu’une seule déclaration d’activité, à l’instar de leurs collègues européens ?
Rappelons que les établissements sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ de la directive Services et donc, de fait, protégés de la concurrence. Ils sont soumis à une législation sociale relativement complexe, qui encadre leurs activités et assure un rôle de protection d’une population fragile.
Mais là, quelles assurances avons-nous que les organismes d’évaluation des autres États membres aient les mêmes exigences que la législation et la réglementation françaises en direction de ces publics fragiles ? (Mme la secrétaire d’État s’entretenant avec Mme le rapporteur, l’orateur s’interrompt.) J’espère, madame la secrétaire d’État que vous répondrez à ma question !
Nous sommes conscients que les organismes d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux se trouvent dans le champ d’application de la directive, en ce qu’ils ont une activité de service de nature économique fournie contre rémunération.
Dans le cadre de l’ouverture totale à la concurrence, n’est-il pas possible que des sociétés établies en France et regroupant des établissements en France fassent appel à des organismes évaluateurs d’États membres ayant un niveau d’exigence et donc de protection des personnes moindre ? Peut-on disposer du projet de décret mentionné in fine par l’article ?
Vous comprendrez que, devant toutes ces incertitudes et questionnements, nous souhaitions la suppression de cet article, qui risque de mettre à mal un secteur dont tout un chacun se doit d’être le garant. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry, pour présenter l'amendement n° 36 rectifié.
M. Denis Detcheverry. Comme les deux amendements qui viennent d’être présentés, notre amendement n° 36 rectifié vise à supprimer l’article 3.
Cet article tend à alléger les formalités auxquelles sont soumis les organismes d’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux établis dans un autre État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Ces organismes n’auront plus, en effet, l’obligation d’obtenir l’habilitation de l’ANESM, ils devront simplement déclarer leur activité à l’Agence, lorsqu’ils n’exerceront que de manière temporaire et occasionnelle en France.
Comme à l’article 2, nous nous inquiétons de la qualité du service rendu par ces opérateurs européens. Comment s’assurer qu’ils répondent aux mêmes exigences d’indépendance, d’intégrité et de compétence que les organismes établis en France ? Seront-ils soumis aux mêmes contrôles et sanctions ? Quel sera le rôle de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux ?
La mesure proposée est susceptible de remettre en cause les garanties de compétence et de sécurité que sont en droit d’attendre les personnes fragiles accueillies en établissement social ou médico-social, ainsi que leurs familles. Que pouvez-vous nous répondre sur ce point, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Nous allons être un petit peu plus optimistes. L’Union européenne ne date pas d’hier. Comme je l’ai dit en commission à M. Fischer, nombre de sénateurs ont voté tous les traités européens…
M. Jean Desessard. M. Fischer, cela m’étonnerait !
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Les organismes d’évaluation étrangers qui viendront temporairement exercer leur activité en France, c’est très clair, devront se déclarer auprès de l’ANESM, qui pourra ensuite les contrôler. Ce ne sont pas des paroles en l’air.
Ensuite, un décret précisera les critères de qualité et les principes de déontologie que ces organismes devront respecter. La maîtrise de la langue française – ce point a été longuement évoqué en commission – figurera effectivement parmi les exigences à satisfaire, ce qui devrait limiter l’arrivée d’organismes d’évaluation étrangers.
Enfin, les organismes d’évaluation étrangers devront absolument appliquer le même cahier des charges, très détaillé, très précis, que leurs homologues français.
Mais ces éléments n’ont pas convaincu la majorité des membres de la commission, qui émet donc un avis favorable sur ces amendements de suppression. À titre personnel, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable.
L’article 3 prévoit qu’un organisme d’évaluation établi dans un autre pays membre et habilité dans cet État n’aura plus besoin d’obtenir une habilitation par l’ANESM. Cette évolution est absolument nécessaire pour rendre la législation française conforme au droit européen.
En revanche, le cahier des charges, lequel assure la qualité de l’évaluation, sera, lui, opposable aux organismes de l’Union européenne venant exercer en France. Ces organismes auront donc les mêmes obligations que les organismes français : indépendance vis-à-vis de l’organisme évalué, connaissance des principes fondamentaux et des pratiques de prise en charge, maîtrise de la langue française, qualité de l’évaluation.
Compte tenu de ces éléments, on ne peut pas par principe craindre une dégradation de la qualité des évaluations et surtout, je le rappelle, l’ANESM continuera d’exercer tous les contrôles qui s’imposeront.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il s’agit d’un article très important.
M. Jean Desessard. Oui !
M. Guy Fischer. Les établissements sociaux et médico-sociaux – 38 000 organismes avec une législation très spécifique – constituent le fleuron de notre système et nous ne sommes absolument pas convaincus que des organismes d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux établis dans un autre État de l’Union européenne puissent avoir la même qualité d’appréciation et d’évaluation.
M. Jean Desessard. Évidemment !
M. Guy Fischer. Aujourd’hui, nous sommes échaudés car parmi les grandes décisions qui ont été prises dans la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », ou HPST, le Gouvernement, certainement sous la pression de Bercy, pousse à une concentration de ces établissements sociaux et médico-sociaux.
La spécificité française date…
M. Marcel-Pierre Cléach. De saint Vincent de Paul !
M. Guy Fischer. Si l’on prend, par exemple, l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés, l’UNAPEI, qui est née à Villeurbanne, dans le département du Rhône, il y a aujourd’hui cette volonté – certes, on peut le comprendre – d’optimiser un certain nombre de dépenses et à partir de là de regrouper la gestion. Mais nous pensons que cela va plus loin et que les difficultés dans lesquelles se trouvent ces établissements se concrétisent au travers d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie, ou ONDAM, de moins en moins important, qui diminue régulièrement au fil des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Selon nous, c’est ouvrir la porte au moins-disant social.
M. Jean Desessard. Évidemment !
M. Guy Fischer. Nous considérons que cette harmonisation se fait non pas par le haut mais par le bas et c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Madame la secrétaire d’État, si l’on demande à un organisme de l’Union européenne de ne faire qu’une simple déclaration à l’ANESM afin de pouvoir être habilité à évaluer des établissements médico-sociaux, pourquoi ne fait-on pas la même démarche pour les établissements français ?
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il est vrai que l’on se retrouve face à une déréglementation totale.
Mme Mireille Schurch. Voilà !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. C’était le premier point que je souhaitais évoquer.
Deuxième point, comme mon collègue l’a dit, il existe 38 000 établissements médico-sociaux en France. Ce sont des établissements qui sont régis par une législation relativement complexe avec une réglementation sociale, vaste et diverse. Comment un établissement de l’Union européenne, qui vient d’un pays dont la réglementation n’est pas la même, sera-t-il en mesure d’évaluer un établissement médico-social et la validité de sa pédagogie ?
Troisième point, dans le cadre de la loi HPST, il y a déjà eu une ouverture sur l’Europe, visant notamment à ce que les établissements médico-sociaux soient soumis à appel à projet,…
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. … alors que, jusqu’à maintenant, ils pouvaient être innovants et proposer eux-mêmes des projets.
Vous savez comme moi – j’ai été récemment rapporteur d’une loi sur l’Europe – que l’article 14 du traité de Lisbonne donne aux États une certaine marge de manœuvre afin de pouvoir aménager le droit européen. Nous ne sommes pas contre l’Europe, au contraire, nous sommes effectivement pour que nos services, qui sont destinés à un public fragile et vulnérable, puissent se poursuivre dans de bonnes conditions.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote ; mais soyez bref, mon cher collègue, car il reste encore une trentaine d’amendements.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, il ne faut pas dire cela alors que je vais m’exprimer pour la première fois…
M. le président. Je vous connais !
M. Jean Desessard. Je vous en remercie, monsieur le président. (Mme Bernadette Dupont s’exclame.) Quand je prends la parole pour la première fois, que je suis ici à vingt-trois heures, il est tout de même exagéré que la première remarque à mon endroit est qu’il faut que je sois silencieux, que je reste là jusqu’à la fin de la nuit sans rien dire.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. Non !
M. Marcel-Pierre Cléach. Il ne faut pas rêver !
M. Jean Desessard. Monsieur le président, ou bien vous faites une telle remarque pour tout le monde, ou vous ne me la faites pas la prochaine fois. Ce serait tout de même un accueil plus sympathique.
Madame la secrétaire d’État, si des organismes extérieurs, qui ne « baignent » pas dans la politique française, dans les objectifs du gouvernement français, viennent faire des évaluations en France, comment les institutions françaises qui sont chargées de ce secteur pourront-elles vérifier que leur politique est bien mise en œuvre ?
S’il s’agit simplement de considérations financières, s’il s’agit de rentabilité, on comprend très bien que les méthodes allemandes, britanniques ou d’autres pays européens puissent s’appliquer. Mais s’il y a une spécificité de la politique sociale, comment le Gouvernement peut-il la mettre en place ? Comment les organismes chargés de l’évaluation peuvent-ils l’évaluer et à qui peuvent-ils en rendre compte ?
On voit bien que c’est toute la notion de service public qui est mise en cause en prenant comme seul critère d’évaluation des arguments financiers.
Cela a été dit sur les différentes travées à gauche, mais j’aimerais tout de même avoir des explications car j’avais entendu dire jusqu’à présent que le Gouvernement voulait une politique sociale ambitieuse, qu’il ne voulait laisser personne sur le bord de la route. Pouvez-vous nous expliquer comment des organismes extérieurs peuvent évaluer une politique sociale spécifiquement française et liée à un gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Certaines choses sont tout de même difficiles à entendre !
Selon vous, le Gouvernement feint de protéger les plus vulnérables, notamment les personnes résidant dans les établissements médico-sociaux ? Ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, pendant près de deux ans des personnes âgées, je ne puis que répondre à une telle allégation.
Il s’agit aujourd’hui d’harmoniser les règles avec la législation européenne en vigueur.
Concernant de la question de l’évaluation, les organismes qui évaluent dans les États membres ont la possibilité de venir en France dès lors que l’évaluation répond strictement à un cahier des charges élaboré par l’ANESM, lequel est valable pour les évaluateurs français comme pour les évaluateurs européens. (Mme Annie Jarraud-Vergnolle s’exclame.)
Les évaluateurs qui viennent des autres pays européens doivent déclarer que leur évaluation répond bien à ce cahier des charges. À l’issue de cette déclaration, ils peuvent procéder aux évaluations sur notre territoire, mais ne sont pas exclus des contrôles que l’ANESM entend faire sur le terrain au sein de tous les établissements médico-sociaux.
Cette reconnaissance mutuelle est inscrite dans les règles de l’Union européenne. Soit on parle d’Europe, et il faut alors se donner les moyens d’harmoniser notre droit interne et de reconnaître les règles européennes, soit on est protectionniste, et c’est une tout autre vision de l’Europe !
M. Jean Desessard. Vous n’avez pas de politique particulière alors !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12, 24 et 36 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
L’article L. 2223–23 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôle de la conformité aux prescriptions mentionnées aux 3° et 5° est assuré par des organismes accrédités dans des conditions fixées par décret. » – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Le II de l’article 2 de l’ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : «, conformément au calendrier établi par le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et au plus tard le 30 avril 2011. À défaut, leur commercialisation cesse à cette même date. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « ces produits » sont remplacés par les mots : « les produits pour lesquels une demande d’enregistrement a été déposée » et les mots : « et au plus tard jusqu’au 30 avril 2011 » sont remplacés par les mots : « dans la limite de la durée de validité de leur autorisation de mise sur le marché ». – (Adopté.)
Article 5 bis
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1125-1, les mots : « les spécialités pharmaceutiques ou tout autre médicament fabriqués industriellement de thérapie cellulaire, de thérapie génique ou de thérapie cellulaire xénogénique » sont remplacés par les mots : « les médicaments de thérapie innovante tels que définis au 17° de l’article L. 5121-1 et les médicaments de thérapie innovante tels que définis à l’article 2 du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004 » ;
2° Le 6° de l’article L. 1222-1 est ainsi rédigé :
« 6° En liaison avec les organismes de recherche et d’évaluation, d’encourager, d’entreprendre des recherches ou d’y participer dans les domaines portant sur la transfusion sanguine, les activités qui lui sont liées ou les activités exercées à titre accessoire et de promouvoir dans ces domaines la diffusion des connaissances scientifiques et techniques ; »
3° À l’avant-dernière phrase du second alinéa de l’article L. 1223-1, la référence : « à l’article L. 1243-2 » est remplacée par les références : « aux articles L. 1243-2 et L. 5124-9-1 » ;
4° (Supprimé)
5° (Supprimé)
6° L’article L. 5121-1 est complété par un 17° ainsi rédigé :
« 17° Médicament de thérapie innovante préparé ponctuellement, tout médicament tel que défini dans le règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004, fabriqué en France selon des normes de qualités spécifiques et utilisé dans un hôpital en France, sous la responsabilité d’un médecin, pour exécuter une prescription médicale déterminée pour un produit spécialement conçu à l’intention d’un malade déterminé. Ces médicaments font l’objet d’une autorisation de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Cette autorisation peut être assortie de conditions particulières ou de restrictions d’utilisation. Elle peut être modifiée, suspendue ou retirée. L’Agence de la biomédecine est informée des décisions prises en application du présent 17°. » ;
7° à 9° (Supprimés)
10° Après l’article L. 5124-9, il est inséré un article L. 5124-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5124-9-1. – Les activités mentionnées à l’article L. 5124-1 peuvent être réalisées par des établissements pharmaceutiques créés au sein d’établissements publics ou d’organismes à but non lucratif :
« 1° Lorsque ces activités portent sur des médicaments radiopharmaceutiques ;
« 2° Dans le cadre d’activités de recherche sur la personne portant sur des médicaments de thérapie innovante tels que définis au 17° de l’article L. 5121-1 et sur les médicaments de thérapie innovante définis à l’article 2 du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004.
« Ces établissements sont soumis aux dispositions des articles L. 5124-2, à l’exception du premier alinéa, L. 5124-3, L. 5124-4, à l’exception du dernier alinéa, L. 5124-5, L. 5124-6, L. 5124-11 et L. 5124-18. » ;
11° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
4° Après l'article L. 4211-9, il est inséré un article L. 4211-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4211-9-1. - Par dérogation aux 1° et 4° de l'article L. 4211-1, peuvent assurer la préparation, la conservation, la distribution et la cession des médicaments de thérapie innovante mentionnés au 17° de l'article L. 5121-1 les établissements ou organismes autorisés par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé après avis de l'Agence de la biomédecine.
« Cette autorisation est délivrée pour une durée de cinq ans. Elle est renouvelable et peut être modifiée, suspendue ou retirée.
« Un décret en Conseil d'État fixe les catégories d'établissements pouvant être autorisés ainsi que les conditions de délivrance, de modification, de renouvellement, de suspension et de retrait de cette autorisation.
« Peuvent également exercer ces activités les établissements pharmaceutiques visés aux articles à l'article L. 5124-1 et L. 5124-9-1. » ;
5° L'article L. 4211-10 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « et L. 4211-9 » est remplacée par les références : «, L. 4211-9 et L. 4211-9-1 » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « et sur les préparations de thérapie cellulaire xénogénique » sont remplacés par les mots : «, sur les préparations de thérapie cellulaire xénogénique et sur les médicaments de thérapie innovante » ;
II. - Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
7° Après le deuxième alinéa de l'article L. 5121-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La préparation, la conservation, la distribution et la cession des médicaments de thérapie innovante mentionnés au 17° de l'article L. 5121-1 doivent être réalisées en conformité avec les bonnes pratiques mentionnées au premier alinéa du présent article ou avec des bonnes pratiques dont les principes sont définis par décision de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, après avis du directeur général de l'Agence de la biomédecine, lorsque ces bonnes pratiques concernent des médicaments de thérapie cellulaire somatique, des produits issus de l'ingénierie tissulaire ou des médicaments combinés de thérapie innovante. » ;
8° L'article L. 5121-20 est complété par un 18° ainsi rédigé :
« 18° Les conditions dans lesquelles l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé délivre, modifie, suspend ou retire les autorisations relatives aux médicaments de thérapie innovante mentionnées au 17° de l'article L. 5121-1. » ;
9° L'article L. 5124-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La préparation, la conservation, la distribution et la cession des médicaments de thérapie innovante mentionnés au 17° de l'article L. 5121-1 peuvent également être réalisées dans des établissements autorisés au titre de l'article L. 4211-9-1. » ;
III. - Alinéa 12
Après le mot :
sein
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
d'organismes à but non lucratif ou d'établissements publics autres que les établissements de santé :
IV. - Alinéa 14
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« 2° Lorsque ces activités portent sur des médicaments...
V. - Alinéas 16 et 17
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
11° L'article L. 5124-18 est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Les conditions dans lesquelles les organismes à but non lucratif et les établissements publics autres que les établissements de santé peuvent bénéficier de l'autorisation visée à l'article L. 5124-3. »
II. - Les dispositions du présent article relatives aux médicaments de thérapie innovante tels que définis au 17° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique entrent en vigueur six mois à compter de la date de publication du décret mentionné au 18° de l'article L. 5121-20 du même code.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je voudrais, si vous me le permettez, m’attarder un peu plus longuement sur cet amendement, qui vise à introduire une disposition importante, et je tiens à remercier Mme le rapporteur des échanges que nous avons eus en la matière.
L’article 5 bis du projet de loi a pour objet d’adapter notre droit aux dispositions du règlement européen relatif aux médicaments de thérapie innovante, qui est entré en vigueur le 31 décembre 2008.
Les médicaments de thérapie innovante présentent un enjeu de santé publique majeur en raison de leur efficacité et du nombre de pathologies justifiant le recours à ces produits. Je pense en particulier aux produits de thérapie génique ou aux produits issus de l’ingénierie tissulaire, qui permettent de régénérer, réparer ou remplacer des tissus altérés par l’âge ou la maladie.
Le règlement communautaire introduit deux nouvelles catégories statutaires de médicaments. D’une part, les médicaments de thérapie innovante fabriqués industriellement, qui sont produits à grande échelle et commercialisés au niveau européen – le règlement impose que ces médicaments soient fabriqués par des établissements pharmaceutiques. D’autre part, les médicaments de thérapie innovante fabriqués le plus souvent à façon, pour un nombre limité de patients. Ils constituent des solutions thérapeutiques développées notamment par les établissements de santé et portées par des équipes médicales très spécialisées pour répondre à des besoins ponctuels qui ne sont pas assurés par le secteur industriel, et sont utilisés dans le cadre de traitements mis en place lorsque des alternatives thérapeutiques plus conventionnelles ont échoué. On est bien là dans une « niche » extrême. Pour ces médicaments, le règlement laisse aux États membres le soin de définir les catégories d’établissements concernés ainsi que l’encadrement de ces médicaments.
Votre commission, tout en partageant l’objectif général de l’article 5 bis, a manifesté des inquiétudes quant aux risques d’un encadrement insuffisant. Nous devons donc satisfaire à deux objectifs, tout aussi légitimes l’un que l’autre : d’un côté, permettre le développement des médicaments de thérapie innovante dans l’intérêt des patients qui en ont besoin et pour qui il peut s’agir d’un dernier recours ; de l’autre, encadrer ce développement pour assurer la plus grande sécurité sanitaire qui soit.
Tel est l’objectif de cet amendement qui, par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale, apporte deux fortes garanties.
Premièrement, les établissements de santé ne pourront pas être reconnus comme des établissements pharmaceutiques, statut qui leur permettrait de fabriquer puis de commercialiser les médicaments de thérapie innovante fabriqués industriellement. Cette interdiction est logique car la vocation des établissements de santé n’est pas de commercialiser à grande échelle des médicaments.
Deuxièmement, le niveau de sécurité sanitaire exigé pour les médicaments de thérapie innovante fabriqués à façon sera le même que celui qui est requis pour les médicaments soumis à autorisation de mise sur le marché communautaire. Concrètement, les exigences de sécurité sanitaire seront contrôlées sur la base de critères que viendra préciser un décret en Conseil d’État. L’AFSSAPS délivrera une autorisation d’établissement ainsi qu’une autorisation de préparation. De même, de bonnes pratiques de préparation, analogues à celles qui sont prévues pour les médicaments fabriqués industriellement, seront mises en place.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous remercie par avance, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Favorable.
M. Jean Desessard. Et à titre personnel ?...
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il s’agit d’un article très important, et on peut s’interroger sur les aboutissements de la disposition proposée.
En effet, depuis le début de la soirée, nous assistons à un jeu étrange : …
Mme Raymonde Le Texier. Oui !
M. Guy Fischer. … la commission a voté d’une manière unanime contre les différents articles du projet de loi mais – nous le regrettons vivement, madame la présidente de la commission – l’état d’esprit qui avait prévalu est complètement oublié ce soir, puisque, par le biais de votes soi-disant personnels, on transgresse les votes alors émis.
Mme Raymonde Le Texier. Effectivement !
M. Guy Fischer. Ainsi, nos collègues Gilbert Barbier et Marie-Thérèse Hermange…
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ils ne sont pas là !
M. Guy Fischer. … avaient vivement réagi, comme nous, sur des articles comme celui-ci !
Avec cet article, qui concerne les médicaments de thérapie innovante, s’ouvre un débat qui mériterait vraiment d’être approfondi. Même si vous avez le souci de mettre à disposition de nouveaux médicaments pour traiter certaines pathologies, nous nous interrogerons sur la marchandisation des produits dérivés du sang. Pour notre part, nous voterons contre cet article qui ouvre la porte à ce qui a fait la spécificité de la France, c'est-à-dire le refus de la marchandisation des produits dérivés du sang. (M. Jacques Gautier s’exclame.)
Je regrette vivement que nos collègues de l’UMP, notamment, qui connaissent le sujet – même si ce ne sont pas les seuls ! –, et qui auraient donc vraiment pu animer ce débat, ne soient pas là ce soir, car il s’agit de problèmes de spécialistes. (M. Jacques Gautier s’exclame de nouveau.) Monsieur Jacques Gautier, je n’ai pas dépassé le temps de parole qui m’était imparti ! Si nous voulions prolonger le débat, croyez-moi, nous pourrions le faire !
M. Jean Desessard. Nous pourrions effectivement le faire !
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 5 ter
(Non modifié)
Après le mot : « baignade », la fin du sixième alinéa de l’article L. 1332–3 du même code est ainsi rédigée : «, de prévenir l’exposition des baigneurs à la pollution, de réduire le risque de pollution et d’améliorer le classement de l’eau de baignade ; ». – (Adopté.)
Article 5 quater
(Non modifié)
L’article L. 3511-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fabricants et importateurs de produits du tabac doivent soumettre au ministère chargé de la santé une liste de tous les ingrédients et de leurs quantités utilisés dans la fabrication des produits du tabac, par marque et type, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé. » – (Adopté.)
Article 5 quinquies
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures d’adaptation de la législation liée à l’application du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques, y compris celles nécessaires à leur extension et à leur adaptation à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux Terres australes et antarctiques françaises, aux îles Wallis et Futuna et, en tant qu’elles relèvent des compétences de l’État, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.
II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 25 est présenté par Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 37 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Guy Fischer. L’article 5 quinquies autorise la transposition par voie d’ordonnance de dispositions relatives aux produits cosmétiques.
Outre le fait que nous soyons opposés à une procédure qui retire au Parlement les prérogatives qui sont les siennes, nous considérons que la question de l’impact des produits cosmétiques sur la santé de celles et ceux qui les utilisent mériterait que l’on puisse en discuter sur le fond et que l’on écarte ce secteur, au nom de la protection de l’intérêt général, de l’application de cette directive.
En effet, de très nombreux produits cosmétiques intègrent dans leur composition des produits qui peuvent être dangereux pour la santé. Selon une étude conduite par l’AFSSAPS en 2007 et rendue publique à l’époque par le journal Le Parisien, les produits cosmétiques auraient provoqué en France 122 accidents graves.
Si certaines composantes sont actuellement interdites, d’autres sont encore autorisées à la vente ; je pense notamment aux parabènes, aux dérivés de formaldéhyde – qui posent encore plus de problèmes que les parabènes –, ou encore aux phtalates.
Par ailleurs, avec les progrès de la technique et de la science se développent des cosmétiques ou des produits dentaires intégrant de plus en plus souvent des nanoparticules qui pourraient, selon différentes études, présenter des risques de cancer.
Compte tenu du risque potentiel des nanotechnologies sur la santé des consommateurs comme des salariés qui participent à leur fabrication, nous nous opposons au recours aux ordonnances prévu à l’article 38 de la Constitution, étant entendu que l’adoption de cet amendement de suppression aurait pour effet de contraindre le Gouvernement à nous proposer une rédaction complète de ce qu’il entend faire pour préserver la santé des consommateurs, alors que la directive se contente, pour sa part, de lever les obstacles à la commercialisation de ces produits.
Vous le savez, les enjeux commerciaux et financiers sont considérables. En France, le grand groupe mondial L’Oréal devrait participer à la recherche de transparence afin d’éviter de devoir évaluer, dans quelques années, les conséquences de produits qui n’auraient jamais dû être mis sur le marché.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 25.
Mme Patricia Schillinger. Cet article autorise la transposition par voie d’ordonnance de dispositions relatives aux produits cosmétiques, dont certains contiennent des nanomatériaux.
Cette procédure n’est pas appropriée, particulièrement dans le cas de produits susceptibles d’avoir un retentissement sur la santé des utilisateurs. Il convient de rappeler que l’innocuité des nanomatériaux n’est pas avérée et fait l’objet d’un débat scientifique.
Il aurait été préférable d’invoquer des raisons impérieuses d’intérêt général pour maintenir les dispositions protectrices existantes.
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié.
M. Denis Detcheverry. Cet amendement est identique aux deux amendements qui viennent d’être présentés.
Nous regrettons le recours à la procédure des ordonnances pour des mesures qui concernent les produits cosmétiques, dont les nombreux composants peuvent s’avérer être potentiellement dangereux pour la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Ce qui nous est proposé va dans le sens d’une meilleure protection des consommateurs. Il s’agit surtout de problèmes d’étiquetage. On saura exactement quels sont les composants. Je ne connais pas les grands groupes dont il a été question, et encore moins L’Oréal.
Reste que nous devons agir rapidement, et c’est ce qui justifie le recours aux ordonnances. Il est en effet nécessaire d’aller très vite car certaines dispositions du règlement relatives aux substances les plus toxiques sont entrées en vigueur depuis le 1er décembre 2010.
Il faut que nous adaptions très vite notre droit à ces nouvelles règles. D’ailleurs, la commission avait entériné cette position, puis au cours d’une deuxième réunion avait émis un avis favorable sur ces amendements de suppression. Je propose un avis défavorable. (Rires sur plusieurs travées.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez bien compris qu’une avancée majeure a eu lieu sur la question de la sécurité sanitaire des usagers, à travers le renforcement des moyens de contrôle des produits et la vérification du respect des bonnes pratiques, et en particulier la mise en place d’une véritable « cosméto-vigilance », qui fait aujourd’hui défaut.
Vous vous interrogez sur la pertinence du recours à l’ordonnance. Deux raisons justifient ce choix.
D’une part, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, le règlement est déjà entré en vigueur depuis le 1er décembre 2010, et il faut donc adapter notre droit national sans plus tarder. D’autre part, le tiers de ses dispositions implique une modification de dispositions à la fois législatives et réglementaires du code de la santé publique, ce qui implique un travail complexe de mise en cohérence.
L’avant-projet d’ordonnance avait déjà été transmis aux sénateurs à la fin de l’année dernière, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire. Il sera par ailleurs soumis à la consultation de l’ensemble des acteurs de la société civile concernés par les produits cosmétiques, et je m’engage à y associer les sénateurs intéressés.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. J’avoue ma perplexité en entendant Mme le rapporteur indiquer un certain nombre d’orientations qui, à l’évidence, ne correspondent pas aux avis émis par la commission à laquelle elle appartient. Je crois que c’est absolument rarissime dans notre assemblée. Cela fait maintenant treize ans que je suis sénateur, et jamais je n’ai vu en séance un rapporteur présenter un autre avis que celui qui avait été émis par la commission.
Aussi, je me demande s’il ne serait pas opportun de suspendre la séance afin que la commission des affaires sociales puisse se réunir et que des éclaircissements soient apportés sur les raisons pour lesquelles Mme le rapporteur ne présente pas les avis qui ont été émis par ladite commission.
Je propose à notre assemblée de se prononcer en faveur d’une suspension de séance pour permettre à la commission de se réunir.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Je précise qu’il s’agit d’une affaire interne à la commission.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bien entendu, monsieur Teston, je comprends la perplexité de notre assemblée devant le fait que Mme le rapporteur, après avoir donné l’avis de la commission, indique qu’elle a parfois été la seule à voter en sens inverse. Elle choisit de le dire ; elle n’est pas obligée de le faire.
Quoi qu’il en soit, l’avis qui est retenu par le président de séance correspond bien à l’avis de la commission. Ensuite, chacun vote comme il l’entend,…
Mme Raymonde Le Texier. Même la présidente de la commission !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. … même la présidente.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente Dini, la situation n’est pas exactement celle que vous décrivez. Si Mme le rapporteur donnait l’avis de la commission puis exposait l’argumentaire de la commission, tout irait bien. Elle pourrait ensuite exprimer son désaccord à titre personnel. En effet, nous respectons la démarche d’une personne qui se démarque d’une position qu’elle défend. Cette démarche est tout à fait compréhensible, dans la mesure où Mme le rapporteur doit rendre des comptes à ses électeurs, qui pourraient être surpris de la voir défendre un avis qui ne correspond pas à ses engagements.
Mais l’argumentaire que doit défendre Mme le rapporteur c’est celui de la commission. Or, depuis le début, Mme le rapporteur commence par donner la position de la commission, puis expose la sienne et, surtout, argumente sur celle-ci. C’est cela qui n’est pas normal ! Mme le rapporteur doit donner la position de la commission, présenter l’argumentaire qui vient soutenir cette position et, en dernier lieu, faire état de sa position personnelle.
M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais, à cette heure avancée, que nous fassions preuve d’un peu de cohérence. Depuis que je suis sénateur, c’est la première fois que j’observe ces contradictions, de manière systématique. Soit le rapporteur est en désaccord et démissionne de son rapport, comme cela est déjà arrivé en séance, auquel cas le président de la commission reprend le flambeau, soit nous suivons l’avis de la commission.
Je rappelle d’ailleurs que la commission ne donne qu’un avis, et que le Sénat demeure souverain.
Je souhaitais faire cette mise au point pour clarifier la situation.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je propose que le rapporteur donne désormais l’avis de la commission sans l’assortir de commentaires.
M. le président. Parfait ! Je conçois cependant que la position de Mme le rapporteur ne soit pas aisée.
Vous avez la parole, madame le rapporteur.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Il me semblait plus honnête de préciser lorsque je ne votais pas comme la commission, ce qui, je l’ai dit, m’est arrivé à plusieurs reprises. Ainsi, les sénateurs qui ne siègent pas à la commission des affaires sociales savaient ce qui s’était réellement passé au sein de cette dernière.
M. le président. Votre position est délicate, en effet. Mais il me paraît plus simple, pour la clarté des débats, de s’en tenir à ce que demande Mme la présidente Dini. Encore une fois, la commission ne donne qu’un avis, et le Sénat forge ensuite sa propre religion.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 25 et 37 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 quinquies.
(L'article 5 quinquies est adopté.)
Chapitre II
Dispositions diverses relatives à d’autres professions et activités réglementées
Article 6
Le chapitre II du titre II du livre Ier de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° À l’article L. 7122-3, les mots : « L’exercice de l’activité » sont remplacés par les mots : « Toute personne établie sur le territoire national qui exerce l’activité » et les mots : « est soumis à la délivrance d’une » sont remplacés par les mots : « doit détenir une » ;
1° bis Le même article est complété par les mots : «, sous réserve des dispositions de l’article L. 7122-10 » ;
2° Au début de l’article L. 7122-9, les mots : « Lorsque l’entrepreneur de spectacles vivants est établi en France, » sont supprimés ;
3° À l’article L. 7122-10, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne » et les mots : « exercer, sans licence, » sont remplacés par les mots : « s’établir, sans licence, pour exercer » ;
4° L’article L. 7122-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 7122-11. – Les entrepreneurs de spectacles vivants autres que ceux mentionnés aux articles L. 7122-3 et L. 7122-10 peuvent exercer cette activité de façon temporaire et occasionnelle, sous réserve :
« 1° S’ils sont légalement établis dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, d’avoir préalablement déclaré leur activité dans des conditions fixées par voie réglementaire ;
« 2° S’ils ne sont pas établis dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, d’avoir obtenu une licence pour la durée des représentations publiques envisagées ou d’avoir préalablement déclaré ces représentations et conclu un contrat avec un entrepreneur de spectacles vivants détenteur d’une licence mentionnée à l’article L. 7122-3, dans des conditions fixées par voie réglementaire. » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 7122-16, après la référence : « à l’article L. 7122-3 », sont insérés les mots : « ou au 2° de l’article L. 7122-11 ou d’un titre d’effet équivalent conformément à l’article L. 7122-10 ou sans avoir procédé à la déclaration prévue aux 1° ou 2° de l’article L. 7122-11 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 26 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme Mireille Schurch. J’ai dit voilà quelques instants tout le bien que nous pensions de l’exception culturelle française.
Avec cet article, vous remettez en cause la licence professionnelle telle qu’elle existe aujourd’hui. Cette licence est très importante puisqu’elle permet, avec deux autres conditions qui sont une condition d’âge et une condition de formation, l’exercice de la profession – ô combien particulière ! – d’entrepreneur de spectacles.
Si nous ne sommes pas opposés sur le fond à la disposition qui prévoit que pour mettre notre législation en conformité avec la directive Services, une licence équivalant aux licences françaises, obtenue dans un État membre, permette non seulement d’exercer mais encore de s’installer sans licence française pour exploiter un ou plusieurs spectacles, il en va tout autrement de celle qui dérégule totalement la profession.
Je fais référence, vous l’aurez compris, à celle qui permet aux entrepreneurs de spectacles vivants ne justifiant d’aucun diplôme ni d’aucune formation d’exercer, au seul motif qu’il s’agit d’un exercice temporaire. Comme si la précarité qui est propre à l’exercice temporaire et qui s’ajoute à la précarité généralisée dont sont victimes les artistes qui font vivre les spectacles vivants suffisait à justifier cette atténuation du droit.
Pourtant, vous le savez, mes chers collègues, cette licence ne peut se résumer à un simple régime d’autorisation, comme nous avons notamment pu le voir à l’article 1er. Celle-ci est fondée sur le régime du paritarisme puisque les autorisations sont délivrées par des commissions composées à la fois d’entrepreneurs et de salariés.
Vous remettez donc en cause bien plus qu’un simple mécanisme d’autorisation : toute une conception du dialogue social, lequel n’est naturellement pas étranger à la qualité du spectacle vivant dans notre pays dans la mesure où cette licence, parce qu’elle assure le respect du principe de présomption de salariat, permet de lutter contre le travail illégal.
Cela permet naturellement d’éviter que des entrepreneurs peu scrupuleux ne manquent à leurs obligations de solidarité en contournant les cotisations sociales qu’ils doivent acquitter, mais permet également de garantir l’embauche de personnels techniques qualifiés, ce qui est, chacun l’aura compris, essentiel pour la protection physique des spectateurs.
Compte tenu de tous ces éléments, nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l’amendement n° 26.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet article, en transposant l’article 16 de la directive Services de 2006, dérégule le secteur du spectacle vivant, actuellement protégé par l’obligation de détenir une licence pour organiser des spectacles sur le territoire français.
Je rappelle que l’obtention d’une licence de spectacle vivant – qui est personnelle et non pas attribuée à une société – est aujourd’hui soumise à plusieurs exigences : être de nationalité française ou ressortissant d’un État de l’Union européenne, être majeur, détenir la capacité juridique à exercer une activité commerciale, avoir suivi une formation de 500 heures ou détenir une expérience professionnelle de deux ans.
Les personnes ne détenant pas de licence et qui souhaitent néanmoins organiser un spectacle ou une tournée en France doivent obtenir une licence auprès du préfet du département dans lequel se tient le spectacle, ou conclure un contrat avec un entrepreneur déjà titulaire de la licence et déclarer cette activité au préfet.
Le Gouvernement souhaite aujourd’hui supprimer ces garanties actuelles s’appliquant à l’activité d’entrepreneur de spectacle vivant qui figurent, aux termes de notre législation, aux articles L. 7122–3 et suivants du code du travail, issus de l’article 4 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, modifié par la loi du 18 mars 1999. Elles ne seraient pas conformes à l’exigence posée par la directive, à savoir la possibilité de libre établissement d’un entrepreneur de services
On rappellera que la directive Services ne vise que les services fournis en échange d’une contrepartie économique. Il s’agit d’ailleurs d’une interprétation satisfaisante de l’article 50 du traité instituant la Communauté européenne. Néanmoins concernant le spectacle vivant, s’il s’agit d’une activité commerciale dans la majeure partie des cas, il s’agit cependant d’une activité culturelle, donc, en principe, bénéficiant d’un régime particulier par l’application de l’exception culturelle. Aussi, les États sont fondés à protéger ce secteur en limitant le libre échange dans ce type de services.
Rien ne s’opposerait par conséquent au maintien, en France, d’un régime davantage encadré que celui d’application stricto sensu de la directive pour l’activité d’entrepreneur de spectacle, et au maintien de la protection actuelle passant par l’obligation de licence ou de contractualisation avec un entrepreneur déjà titulaire de la licence.
Comme d’habitude, guidé par sa vision ultralibérale de rentabilité de la culture, le Gouvernement préfère notamment satisfaire les appétits des producteurs, qui ne seront plus obligés d’avoir une filiale en France pour y tenir des spectacles.
Avec le nouveau système européano-compatible de simple déclaration préalable d’activité, c’est encore un pan de garanties sociales et financières pour les employés des entrepreneurs de spectacles qui va être mis à mal.
De même, les répercussions fiscales seront sans doute non négligeables. En effet, les hypothétiques contrôles des autorités habilitées à consulter le registre – la police, l’inspection du travail, l’URSSAF, Pôle Emploi, les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteurs, etc. – ...
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. ... dans lequel seront enregistrées les déclarations ne pourront être menés qu’a posteriori.
Ces différentes inquiétudes, jointes à nos doutes sur la nécessité juridique d’englober le secteur du spectacle dans le secteur marchand, nous amènent à demander la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je souhaite tout d’abord rappeler que cet article vise à mettre en conformité le droit français avec le droit communautaire en ce qui concerne la licence d’entrepreneur de spectacles vivants.
S’agissant des entrepreneurs établis en France, le Gouvernement a choisi, pour des raisons impérieuses d’intérêt général et des objectifs de politique culturelle, de maintenir le régime de licence d’entrepreneur de spectacles vivants.
En revanche, s’agissant d’entrepreneurs établis dans un autre État membre, autorisés à y exercer l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants, la directive Services impose qu’ils puissent exercer cette activité dans un autre État membre à titre temporaire ou occasionnel, sans être soumis à une autorisation d’exercer.
C’est l’objet de cet article, qui prévoit toutefois l’obligation d’une déclaration pour ces entrepreneurs, que le Gouvernement a tenu à mettre en place.
Maintenir un régime d’autorisation préalable dans le cadre de la libre prestation de service, comme vous le prévoyez dans vos amendements, serait contraire au droit communautaire.
Le Gouvernement souhaite rappeler que l’emploi de salariés engagés ou détachés par des entreprises en libre prestation de service est et reste encadré par les dispositions du code du travail.
Le droit du travail français est entièrement applicable aux salariés engagés en France par ces entreprises. Le respect d’un socle de règles de droit du travail français est également obligatoire pour les salariés détachés de ces entreprises.
L’obligation d’une déclaration pour les entrepreneurs d’exercer temporairement en France permettra, en outre, que des contrôles puissent être diligentés en tant que de besoin par l’inspection du travail, pour un secteur d’activité qui fait l’objet d’une vigilance particulière en matière de lutte contre le travail illégal.
Enfin, je le rappelle, les règles de sécurité resteront évidemment applicables pour tous les entrepreneurs de spectacles, qu’ils soient établis en France ou dans un autre pays de l’Union européenne.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 26.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
(Non modifié)
La loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture est ainsi modifiée :
1° A Au premier alinéa des articles 10 et 10-1, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne » ;
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 12, après le mot : « architectes », sont insérés les mots : « et les personnes physiques établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux 1° à 4° de l’article 10 ou à l’article 10-1 » ;
2° L’article 13 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du 2°, après le mot : « physiques », sont insérés les mots : « ou une ou plusieurs personnes physiques établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et exerçant légalement la profession d’architecte dans les conditions définies aux 1° à 4° de l’article 10 ou à l’article 10-1 » ;
b) À la seconde phrase du même 2°, les mots : « un architecte personne physique » sont remplacés par les mots : « une des personnes physiques mentionnées à la phrase précédente » ;
c) À la fin du 5°, le mot : « architectes » est remplacé par les mots : « des personnes mentionnées à la première phrase du 2° ». – (Adopté.)
Article 8
Le chapitre III du titre II du livre Ier de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° A Après l’article L. 7123-4, il est inséré un article L. 7123-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 7123-4-1. – La présomption de salariat prévue aux articles L. 7123-3 et L. 7123-4 ne s’applique pas aux mannequins reconnus comme prestataires de services établis dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant. » ;
1° L’article L. 7123-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 7123-11. – Le placement des mannequins peut être réalisé à titre onéreux.
« Toute personne établie sur le territoire national qui exerce l’activité définie au premier alinéa doit être titulaire d’une licence d’agence de mannequins.
« Les agences de mannequins légalement établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen peuvent exercer cette activité de façon temporaire et occasionnelle sur le territoire national, sous réserve d’avoir préalablement déclaré leur activité. » ;
2° Après le mot : « personne », la fin de l’article L. 7123-13 est ainsi rédigée : « exerçant l’activité d’agence de mannequins dans les conditions prévues par l’article L. 7123-11. » ;
3° L’article L. 7123-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 7123-14. – La délivrance de la licence d’agence de mannequins par l’autorité administrative est subordonnée à des conditions déterminées par voie réglementaire. Lorsqu’une agence est légalement établie dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, il est tenu compte des exigences équivalentes auxquelles elle est déjà soumise.
« La licence devient caduque si son titulaire ne produit pas, à des échéances déterminées, les pièces établissant qu’il continue de remplir les conditions de sa délivrance et que sa situation est régulière au regard du présent code. » ;
4° L’article L. 7123-15 est ainsi rédigé :
« Art. L. 7123-15. – Les agences de mannequins prennent toutes mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu’elles emploient et éviter les situations de conflit d’intérêts.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles elles rendent publiques les autres activités professionnelles exercées par leurs dirigeants, dirigeants sociaux, associés et salariés, ainsi que les mesures prises pour se conformer au premier alinéa du présent article. Il fixe également les sanctions en cas de méconnaissance de ces dispositions. » ;
5° L’article L. 7123-16 est abrogé ;
6° À l’article L. 7123-26, après les mots : « licence d’agence de mannequins », sont insérés les mots : « ou sans avoir déclaré préalablement son activité » ;
7° L’article L. 7123-27 est abrogé ;
7° bis À la fin du second alinéa de l’article L. 7123–28, la référence : « L. 7123–11 » est remplacée par la référence : « L. 7123–17 » ;
8° À l’article L. 7124-4, les mots : « titulaire de la licence d’agence de mannequins » sont remplacés par les mots : « exerçant son activité dans les conditions prévues par l’article L. 7123-11 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 28 est présenté par Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Guy Fischer. Nous en venons aux mannequins. (Ah ! sur plusieurs travées.)
L’article 25 de la directive qu’entend transposer cet article 15 prévoit que « les États membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes ».
Autrement dit, cet article interdit que les pouvoirs publics d’un État membre puissent intervenir de manière législative pour réduire les risques que pourrait faire encourir la concomitance ou l’existence d’une double activité sur un public donné.
À cet égard, il est vrai que la législation française, plus précisément l’article L. 7123–15 du code du travail n’est pas conforme à cette directive, puisqu’il interdit que soit délivrée une licence d’agence de mannequins à des personnes morales ou physiques qui mèneraient une activité complémentaire mentionnée à cet article.
La question fondamentale que nous devons nous poser aujourd’hui est la suivante : les éléments qui ont conduit le législateur à instaurer ces règles de prudence, de sécurité à l’égard des mannequins sont-elles aujourd’hui obsolètes ?
Je ne le crois pas ! Et si je ne le crois pas, c’est que cette activité, couplée à l’une de celles qui sont actuellement prescrites, pourrait entraîner des conflits d’intérêts dont les victimes seraient les mannequins.
En effet, comment imaginer un instant qu’un agent de mannequin, dont l’objectif est de permettre à celui-ci de gagner correctement sa vie des fruits des prestations qu’il réalise, puisse accomplir a bien sa mission s’il est simultanément organisateur de défilés, c’est-à-dire, au contraire, une personne qui cherche à tirer tous les coûts, y compris les rémunérations des mannequins, vers le bas ? Il s’agit là de deux missions contradictoires. Dans le meilleur des cas, cela risquerait d’altérer la relation de confiance entre le mannequin et son agent.
Mes chers collègues, cette disposition vient s’ajouter à celle qui est contenue dans le projet de loi portant réforme de la médecine du travail et qui organise un suivi médical en milieu professionnel dérogatoire au droit commun.
Tout cela ne nous semble pas aller dans le bon sens, particulièrement au regard des situations de grande fragilité que peuvent rencontrer les mannequins du fait de leur âge, de l’éloignement prolongé d’avec leurs proches et de contraintes particulières professionnelles.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter contre ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 28.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objectif de supprimer la mise en œuvre de la directive Services pour les agences de mannequins.
L’article 8 vise à supprimer les incompatibilités pour l’obtention de la licence d’agence de mannequins, dont l’objet est d’éviter des conflits d’intérêt qui pourraient se produire au détriment de personnes parfois très jeunes, voire mineures, pas toujours capables de faire preuve de résistance.
Il nous paraît très préoccupant que, désormais, ce soient les agences elles-mêmes qui doivent s’assurer qu’elles respectent les incompatibilités et qu’elles ne se mettent pas dans une situation de conflit d’intérêts. Difficile de croire à la bonne foi de tous les entrepreneurs ! Il est essentiel de protéger ce secteur, surtout quand on sait que la profession de mannequin est fragile.
Compte tenu des conditions d’exercice de la profession de mannequin et du public spécifique qui la pratique, cet article est dangereux et ne s’imposait pas. Comme nous l’avons déjà mentionné, à plusieurs reprises lors de ce débat, la déréglementation assouplit les règles au détriment de la sécurité des citoyens et, en l’occurrence, aux dépens d’un public jeune.
On va vers une régression non seulement des droits des travailleurs, mais tout simplement de la protection de la personne humaine. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l’article 8.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l’article 8.
Contrairement à ce qui a pu être dit, il ne s’agit pas du tout de supprimer l’ensemble des protections existantes. Comme vous, j’estime que la protection des mannequins reste un enjeu majeur. C’est pourquoi la détention d’une licence est maintenue pour l’ensemble des agences établies en France, qu’elles soient françaises ou non. C’est également la raison pour laquelle le mécanisme d’autorisation préalable est intégralement maintenu pour l’emploi de mannequins de moins de seize ans.
S’agissant de la suppression des incompatibilités, je rappelle que l’article 25 de la directive Services empêche les État membres d’imposer des incompatibilités professionnelles à des opérateurs économiques tels que les agences de mannequins. Le Conseil d’État l’a clairement rappelé lorsqu’il a examiné ce projet de loi.
L’ancien système est donc remplacé par un dispositif tout aussi protecteur de déclaration des activités professionnelles et de mesures prises pour la protection des intérêts des mannequins. Si une telle déclaration, qui fera l’objet d’un décret en Conseil d’État, n’est pas correctement remplie, il y aura sanction et refus ou retrait de la licence.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 28.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
(Non modifié)
I. – Au sixième alinéa de l’article L. 362–1 du code de l’éducation, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne ».
II. – L’article L. 362–1–1 du même code est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa des I et II, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne » ;
b) Le 3° du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette justification n’est pas requise lorsque la formation conduisant à cette profession est réglementée dans l’État membre ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel elle a été validée. »
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il est retiré, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 29 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
I. – L’article L. 411-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « de la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « de l’Union européenne ou » ;
2° Le 2° est complété par les mots : « ; cette justification n’est pas requise lorsque la formation conduisant à cette profession est réglementée dans l’État membre ou partie dans lequel elle a été validée ».
II. – Au premier alinéa de l’article L. 411-1-1 du même code, les mots : « de la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « de l’Union européenne ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 30 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 16.
Mme Mireille Schurch. L’article 10 de ce projet de loi que nous proposons de supprimer avec notre amendement a pour objet d’appliquer la directive Services aux assistants de service social, c’est-à-dire, pour utiliser la formulation ancienne et plus connue, aux assistantes sociales.
En réalité, il s’agit de réduire de manière importante les conditions d’exercice de la profession d’assistant de service social, puisque, une fois la directive transposée, le demandeur ressortissant d’un État membre, détenteur d’un titre de formation sanctionnant une formation réglementée, même si la profession ne l’est pas dans l’État membre où il a obtenu ce titre, sera dispensé de justifier de deux années d’expérience en tant qu’assistant de service social.
Comme vous le savez, le fait qu’en France une profession soit réglementée est gage de qualité ; c’est une sécurité particulière pour les personnes qui, un jour, peuvent avoir besoin de l’aide d’une assistante sociale.
Or ce que vous prévoyez revient à autoriser à venir exercer en France des personnes titulaires de diplômes obtenus dans d’autre pays, là où la profession n’est pas réglementée, c’est-à-dire où les exigences quant à la formation sont moindres.
Cela présente certains risques, qui sont loin d’être négligeables puisque, par définition, les assistants de service social interviennent auprès de publics déjà très fragilisés pour qui ces professionnels sont souvent l’ultime rempart. Celles et ceux qui interviennent dans l’intimité des gens doivent naturellement disposer de compétences particulières en matière d’accompagnement de la personne, d’insertion, de réinsertion, mais aussi d’une maîtrise des sciences humaines : sociologie et psychologie.
Cette transposition nous semble donc plus à même de satisfaire les règles économiques qui font de la liberté à tout prix leur règle première, que de rechercher la satisfaction, dans les meilleures conditions possibles, des besoins spécifiques des populations.
Aussi, considérant qu’en la matière la France aurait tout à fait pu décider de refuser l’application de la directive Services au nom « des raisons impérieuses d’intérêt général », nous proposons, par cet amendement, de supprimer l’article 10.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 30.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet article tend à transposer aux assistants de service social la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles.
Selon l’article 3 de cette directive, une profession réglementée s’entend comme une activité dont l’accès est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées.
Dans le cadre d’une profession réglementée, l’État membre d’accueil doit permettre l’accès à la profession et son exercice dans les mêmes conditions qu’aux nationaux, dès lors que le demandeur est titulaire d’un titre de formation obtenu dans un autre État membre lui permettant d’accéder à la profession dans son État d’origine, et dès lors que cet État réglemente aussi la profession.
Si la profession n’est pas réglementée dans le pays d’origine, le demandeur doit justifier, en plus d’un titre de formation, de deux années d’expérience professionnelle pendant les dix dernières années. L’État d’accueil peut aussi subordonner la reconnaissance des titres de formation à l’accomplissement d’une mesure de compensation.
Or la profession d’assistant social est évidemment réglementée en France, et l’article L. 411–1 du code de l’action sociale et des familles définit bien les obligations précitées pour venir s’installer en France. Alors pourquoi apporter des modifications ? On peut s’interroger sur l’opportunité de cette transposition.
Le Gouvernement aurait été pleinement fondé à invoquer des raisons impérieuses d’intérêt général, compte tenu de la fragilité des publics en charge des assistants sociaux et de la difficulté inhérente à l’exercice de cette profession.
Le métier d’assistant de service social a beaucoup évolué. Il se complexifie et son champ d’intervention, auprès d’un public divers et relativement fragile dans un environnement en constante évolution, est de plus en plus large.
De la petite enfance au public en insertion, de la personne handicapée à la personne âgée dépendante, l’assistant social doit avoir une maîtrise parfaite de la législation sociale française et des dispositifs y afférents, à savoir, notamment, le RSA – revenu de solidarité active –, l’AAH – allocation aux adultes handicapés – et la PAJE – prestation d’accueil du jeune enfant.
Nous ne pouvons pas accepter une déréglementation de la profession d’assistant social. Aussi, nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer, par cet amendement, l’article 10.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
Je veux le préciser, les garanties liées à la profession réglementée d’assistant social ne sont pas remises en cause, puisqu’elles figurent à l’article L. 411–1 du code de l’action sociale et des familles. Sont prévus en particulier les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession et une épreuve d’aptitude ou un stage d’adaptation, dans le cas où la formation suivie comporterait des différences importantes avec la formation française.
L’article 10 du projet de loi ne visant à supprimer aucune de ces garanties, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous ne partageons pas le point de vue de Mme la secrétaire d’État. Au demeurant, Annie Jarraud-Vergnolle a très bien décrit la réalité de la profession très difficile d’assistant de service social. Elle est devenue aujourd’hui, dans un contexte d’explosion de la pauvreté et de la précarité, la pierre angulaire, ou plutôt le dernier recours des personnes exclues.
Nous considérons donc que l’adoption de cet article aurait pour conséquence d’ouvrir la porte à la déréglementation. À nos yeux, il est grave de permettre l’exercice, en France, du métier d’assistant de service social à des personnes ne pouvant justifier de deux ans d’expérience.
Cet article s’inscrit donc pleinement dans un processus que nous avons maintes fois décrit, et qui vise à la fois à déréglementer et à tirer vers le bas la réalité sociale d’un certain nombre de professions.
Nous voterons, bien entendu, ces amendements de suppression de l’article 10.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en arrivons à l’examen du chapitre III. En attendant l’arrivée de M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, je vais suspendre la séance quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous en sommes parvenus au chapitre III du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Chapitre III
Dispositions relatives aux communications électroniques
Article 11
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi :
1° Les dispositions de nature législative nécessaires pour transposer la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques ;
2° Les dispositions de nature législative nécessaires pour transposer la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs ;
3° Toutes dispositions modifiant la partie législative du code des postes et des communications électroniques, autres que celles mentionnées aux 1° et 2°, afin d’accroître l’efficacité de la gestion des fréquences radioélectriques, notamment en encourageant le développement du marché secondaire des fréquences et en renforçant le dispositif de contrôle des brouillages et de lutte contre les brouillages préjudiciables ;
4° Toutes dispositions de nature législative, autres que celles mentionnées aux 1° et 2°, de nature à :
– renforcer la lutte contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances dans le domaine des communications électroniques, en adaptant et complétant les infractions et les peines prévues par l’article 226–3 du code pénal et les dispositions selon lesquelles sont recherchées et constatées ces infractions ;
– soumettre l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques au respect des règles portant sur les prescriptions nécessaires pour répondre aux menaces et prévenir et réparer les atteintes graves à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques ainsi que des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332–1 et L. 1332–2 du code de la défense, en adaptant et complétant l’article L. 33–1 du code des postes et des communications électroniques et en modifiant toute autre disposition à des fins de mise en cohérence ;
5° Toutes dispositions modifiant la partie législative du code des postes et des communications électroniques, afin de remédier aux éventuelles erreurs et en clarifier les dispositions.
II. – Les dispositions de l’ordonnance peuvent être étendues ou adaptées à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités d’outre-mer.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de l’entracte qui vient de nous être proposé, nous abordons maintenant la partie concernant la transposition du troisième paquet télécoms.
Je veux tout d’abord exprimer des regrets sur les conditions tout de même assez peu satisfaisantes dans lesquelles nous nous apprêtons à examiner ce texte important à mes yeux. J’attire en effet votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’il est vingt-trois heures cinquante-six et que nous sommes un jeudi. Les meilleures conditions de travail ne sont donc pas réunies pour examiner un texte, je le répète, d’une grande portée.
Je regrette ensuite que ce chapitre du projet de loi, contrairement au chapitre précédent que nous venons d’examiner, vise notamment à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, pour transposer plusieurs directives.
Un tel choix est d’autant moins compréhensible que, pour la transposition de troisième paquet télécoms, nous n’avions pas encore pris de retard, ce qui est tout de même rare et méritait d’être souligné. Nous avions en effet jusqu’au mois de mai 2011 pour agir, ce qui n’était pas le cas, cela a été dit, de la directive Services, qui aurait dû être transposée avant 2009, et encore moins de la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles, dont la transposition aurait dû avoir lieu voilà déjà quatre ans.
Je regrette enfin que, au travers de cette transposition que l’on va faire à la va-vite et même à la sauvette, nous ne puissions mener aucun vrai débat de fond sur des sujets qui concernent les communications électroniques.
Pour ne pas être trop long, je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de l’inclusion dans le service universel du haut débit, la directive autorisant désormais – je ne dis pas qu’il faille le faire – une telle évolution.
Très attachés à ces sujets, nous sommes nombreux au sein de la Haute Assemblée à déplorer régulièrement que la couverture du territoire en haut débit ne soit pas satisfaisante. Le cadre européen permettant désormais d’élargir le service universel au haut débit, ce sujet aurait au moins mérité que nous l’évoquions.
Pour ma part, je ne suis pas forcément convaincu que cette solution soit la meilleure. Quoi qu’il en soit, il nous faut trouver très rapidement les moyens d’arriver enfin à un véritable haut débit pour tous. Dans la bouche des opérateurs et du Gouvernement, il existe, mais dans la réalité de nos territoires, tel n’est pas le cas.
Ce débat me paraît autrement plus important que celui qui nous occupera en grande partie au cours de cette nuit, et sur lequel nous reviendrons, à savoir la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
Pourtant, si j’évoque ce point, c’est qu’il existe tout de même un lien avec le sujet qui précède. En effet, nous le savons bien, si le Gouvernement a soudain eu la merveilleuse idée de créer un commissaire auprès de l’ARCEP, c’est parce qu’il souhaite que les fréquences du dividende numérique destinées à la 4G soit attribuées sur des critères de valorisation financière, alors que l’ARCEP, fidèle en cela à la volonté du législateur, entend faire prévaloir des critères d’aménagement du territoire.
Par conséquent, mes chers collègues, ces sujets concernent vraiment les représentants des territoires que nous sommes. J’ose espérer que M. le ministre ne fuira pas ce débat et nous présentera enfin la conception du Gouvernement en matière de couverture numérique de nos territoires.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par MM. Teston et Raoul, Mme Herviaux, MM. Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mme Khiari, MM. Lise, Madec et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoult, Repentin, Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 38 rectifié est présenté par MM. Collin, Barbier, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry, Fortassin, Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Michel Teston. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit lors de la discussion générale, je voudrais néanmoins indiquer les raisons de forme évidentes, mais aussi de fond, pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
Le Gouvernement nous fait injonction de l’autoriser à transposer par ordonnance les directives qui composent le troisième paquet télécoms, alors que nous avons effectué, ici au Sénat, depuis 2008, un travail important qui devrait permettre l’adaptation des textes européens dans notre droit au plus près des préoccupations de nos concitoyens.
La méthode de transposition par ordonnance, qui est, semble-t-il, devenue la règle, nuit à la transparence et au débat parlementaire.
Surtout, cet article 11, tel qu’il est rédigé, prévoit la transposition par ordonnance d’un règlement et de deux directives qui modifient, elles-mêmes, cinq directives existantes.
Ces textes contiennent des dispositions relatives, notamment, aux conditions de desserte du territoire en services à très haut débit, mais aussi à la qualité des prestations de téléphonie et d’Internet.
Le Gouvernement prive les parlementaires d’un vrai débat sur des sujets aussi importants que ceux que M. Maurey a rappelés, à savoir la séparation fonctionnelle des réseaux – séparation dont l’utilité n’est pas prouvée –, la réorganisation du spectre radioélectrique, le service universel et encore toute une série de mesures destinées à protéger le consommateur.
Cette réforme aurait pu nous permettre d’aborder la question récurrente de la reconnaissance du service universel. Il aurait été tout aussi important d’échanger sur la question du dividende numérique et d’une juste répartition des fréquences disponibles entre les services audiovisuels, le haut débit et le très haut débit.
Voilà, brièvement résumées, les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 17.
Mme Mireille Schurch. Le présent article tend à permettre au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance afin de transposer en droit interne le troisième paquet télécoms adopté en novembre 2009 par le Parlement et le Conseil européens.
À ce titre, vous ne manquez jamais d’arguments pour justifier ce dessaisissement des parlementaires au profit du pouvoir exécutif : souvent, vous invoquez l’urgence, mais, pour ce chapitre, c’est l’argument de la technicité que vous nous opposez.
Vous tentez de rassurer les parlementaires en indiquant qu’ils seront associés à la confection de l’ordonnance puisque l’avant-projet leur a été soumis. Le pouvoir de décision est remplacé ici par une simple consultation.
Pourtant, les questions relatives à ce troisième paquet télécoms sont nombreuses, qu’il s’agisse du service universel, de la garantie du droit effectif à la neutralité du Net ou encore des moyens accrus de l’ARCEP en lieu et place de la puissance publique.
Autant de questions dont il serait utile de débattre au sein de notre hémicycle puisque, si certains aspects peuvent apparaître techniques, ces questions sont avant tout politiques.
En effet, si ces directives comportent, certes, quelques protections pour les consommateurs, celles-ci ne font pas le poids face aux lacunes et menaces pour les droits fondamentaux contenues dans le reste du texte, mais également dans notre législation nationale.
Nous estimons que ce texte ne règle pas la question de la neutralité du Net et les récentes déclarations du secrétaire d’État nous confortent dans cette analyse.
Ce principe qui exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise est pourtant un principe fondateur du web.
Or, aujourd’hui, de nombreux opérateurs de télécommunications souhaitent remettre en cause la neutralité du Net dans le but de développer des modèles économiques fondés sur une gestion discriminatoire du trafic Internet.
De même, des gouvernements, de par le monde, cherchent à mettre en place des techniques de filtrage du réseau en vue de rétablir le contrôle dont ils jouissent sur les médias traditionnels.
Les enjeux sont donc très importants et la réponse du pouvoir politique devrait être à la hauteur.
Tel n’est pas le cas ici. Le secrétaire d’État a, en effet, annoncé mardi dernier qu’il fallait autoriser le filtrage en « instaurant des voies prioritaires ». Par ailleurs, le pré-rapport parlementaire sur la neutralité du Net réalisé, notamment, par la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale estime qu’« il n’y a pas de raison d’empêcher les opérateurs de réseaux de proposer des services d’acheminement avec différents niveaux de qualité ».
Nous voyons donc poindre ici la possibilité d’émergence d’un nouveau marché, celui de la qualité de l’acheminement, dont le risque patent est qu’il se développe au détriment des contenus non commerciaux.
Sur le fond, nous proposons la suppression de cet article qui, une nouvelle fois, prive les parlementaires de leurs prérogatives.
Nous demandons à l’inverse que, sur cette question, nous soit soumis un véritable projet de loi permettant la définition d’un haut niveau de service public et, notamment, l’intégration du très haut débit dans le service universel, la protection des consommateurs et la garantie effective de la neutralité des réseaux et des contenus.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.
M. Daniel Marsin. Comme nos collègues du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, nous regrettons la transposition par voie d’ordonnance d’un texte aussi important que le troisième paquet télécoms.
Celui-ci contient de nombreuses dispositions concernant les pouvoirs des autorités de régulation nationales, la protection des consommateurs, de la vie privée, de la liberté de communication, la neutralité des réseaux ou encore la gestion du spectre.
Sur plusieurs de ces points, le Sénat a effectué un travail important. Il a notamment adopté le 24 mars 2010 une proposition de loi présentée par nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.
J’ai moi-même déposé une proposition de loi relative aux télécommunications visant à imposer l’interopérabilité des équipements et des réseaux mobiles ainsi que la gratuité du déverrouillage en cas de renouvellement d’abonnement. Ce texte a été adopté à l’unanimité en décembre dernier par le Sénat, après que celui-ci l’eut judicieusement amélioré.
Neutralité des réseaux, service universel, couverture du territoire, protection des consommateurs, de leur vie privée, etc. : tous ces sujets méritent un vrai débat que ne permet pas le recours aux ordonnances.
Certes, vous avez transmis – et c’est la moindre des choses – le projet d’ordonnance. Il n’en demeure pas moins que cela signifie que le Parlement se défait de ses prérogatives législatives au profit du Gouvernement, ce qui est très loin d’être satisfaisant.
Nous en sommes réduits à proposer, hors du contexte, des amendements qui reprennent les réflexions déjà menées par le Sénat.
Sur un tel sujet qui concerne tous nos concitoyens, un projet de loi s’imposait. C’est pourquoi, nous vous proposons de supprimer l’article 11. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie sur ces trois amendements identiques ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. La commission de l’économie émet un avis défavorable sur ces trois amendements, monsieur le président.
Je reconnais qu’il n’est jamais agréable, pour un parlementaire, de voter un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnance. Néanmoins, dans le cas présent, le Gouvernement offre des garanties comme rarement nous avons pu en bénéficier dans le passé lorsque nous avons accepté de nous dessaisir de notre pouvoir législatif.
Premièrement, – et c’est, selon moi, la meilleure des garanties – l’avant-projet d’ordonnance a été soumis à consultation publique depuis un an. Pouvez-vous me citer beaucoup de projets d’ordonnance qui aient fait l’objet du même traitement ? Non !
Deuxièmement, mes chers collègues, nous n’avons pas abdiqué notre droit d’amender le texte qui nous est soumis. Ainsi, nous examinerons tout à l’heure plusieurs amendements déposés par certains d’entre vous.
Troisièmement, le Parlement sera saisi d’un projet de loi de ratification qui lui permettra de contrôler très précisément le contenu des ordonnances qu’aura prises le Gouvernement.
Ces trois garanties nous permettent aujourd’hui de travailler en toute sérénité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Au préalable, et sans vouloir me pousser du col ni user d’une étiquette sans doute quelque peu surannée à vos yeux, je me permets de vous signaler, madame Schurch, que j’ai été promu ministre voilà plus de deux ans. Cela dit, j’ai vu dans vos propos une forme d’hommage au secrétaire d’État chargé du développement de l’économie au numérique que j’étais auparavant. Vous avez voulu souligner la continuité de mon action, et je vous en remercie. (Sourires.)
Je remercie également M. le rapporteur pour avis des propos qu’il a tenus. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, nous avons l’obligation de respecter l’échéance de transposition fixée au 25 mai 2011 ; à défaut, notre pays s’exposerait à des sanctions financières significatives. De fait, le délai dont nous disposons est très bref.
Comme M. le rapporteur pour avis l’a signalé, le Gouvernement a tenu à associer à la fois le Sénat et l’Assemblée nationale à la rédaction du projet d’ordonnance. Des discussions ont été organisées réunissant des parlementaires de toutes sensibilités politiques, ainsi qu’en est convenu François Brottes, porte-parole du groupe socialiste sur cette question à l’Assemblée nationale.
Je rappelle aussi que les règles et principes majeurs applicables au secteur des communications électroniques tels qu’ils ont été adoptés dans les directives de 2002 et transposés par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle restent valides et n’appellent pas de changements particuliers. De ce fait, pour notre pays, les marges de manœuvre sont extrêmement faibles.
S’agissant de la neutralité du Net, madame Schurch, vous auriez pu citer l’intégralité de mes propos, tant qu’à faire. Je mentionnai en effet à quel point nous étions attachés au principe de neutralité du Net, à la liberté de l’information, au caractère non discriminatoire du transport de ces données.
Précisément, qu’ai-je visé ? Le fait qu’un certain nombre de sites – Facebook, Google, Ebay et quelques autres – utilisent des infrastructures – les bandes passantes – qui coûtent de l’argent à la fois aux pouvoirs publics et aux opérateurs et qu’ils les utilisent sans payer le moindre impôt en France.
À la suite de la création de ce qu’on appelle la « taxe Google » – dénomination inexacte, à mon avis, puisque, précisément, elle touche non pas Google, mais les PME et les PMI françaises –, un débat parlementaire va être engagé dans le but d’étudier la façon dont ces entreprises de service, ces moteurs de recherche, ces réseaux sociaux, que nous utilisons tous, pourraient être mis à contribution sans pour autant être stigmatisés. La solution idéale pourrait être de leur demander de louer les « autoroutes », les bandes passantes qu’elles utilisent. Voilà ce que j’ai dit.
Tant l’Assemblée nationale que le Sénat, ainsi que la Commission européenne, ont engagé une réflexion et une étude approfondies sur le sujet. Aussi, rassurez-vous, nous aurons l’occasion de débattre ensemble très prochainement sur ce principe de la neutralité du Net, principe sur lequel, me semble-t-il, nous partageons les mêmes objectifs.
Pour les raisons que j’ai évoquées en introduction, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Je veux le dire à M. le ministre, nous sommes parfaitement conscients que le Gouvernement doit transposer le troisième paquet télécoms avant le 25 mai 2011. Cela étant, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, ce paquet télécoms a été adopté par le Parlement et le Conseil européens le 25 novembre 2009 ; or ce n’est que le 15 septembre 2010 que le présent projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale par le Gouvernement. Si celui-ci n’avait pas tant tardé, il aurait été parfaitement possible de transposer ces directives dans le droit français en suivant une procédure législative normale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 17 et 38 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article additionnel après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Teston et Raoul, Mme Herviaux, MM. Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mme Khiari, MM. Lise, Madec et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoult, Repentin, Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 35-5 du code des postes et des communications électroniques est ainsi rédigé :
« Art. L. 35-5. - Les opérateurs de réseaux de communications électroniques à haut et très haut débit en fibre optique ouverts au public sont tenus de fournir une prestation de service universel d'accès à internet à tarif social à toute personne justifiant de faibles revenus.
« Ce service universel comprend sur l'ensemble du territoire, une offre d'accès au réseau numérique à intégration de services, de liaisons louées, de commutation de données par paquet et de services avancés de téléphonie vocale.
« Les opérateurs de services de communications électroniques sont tenus de permettre l'accès par les autorités judiciaires, les services de la police et de la gendarmerie nationales, les services d'incendie et de secours et les services d'aide médicale urgente, agissant dans le cadre de missions judiciaires ou d'interventions de secours, à leurs listes d'abonnés et d'utilisateurs, complètes, non expurgées et mises à jour.
« La même obligation de fourniture d'une prestation de service universel à tarif social incombe aux opérateurs de téléphonie mobile.
« Un décret en Conseil d'État détermine les critères auxquels ces offres doivent répondre pour être considérées comme satisfaisant à l'obligation de service universel, les conditions d'éligibilité à ces offres et les conditions techniques de leur fourniture. »
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Le présent amendement vise à instaurer un service universel d’accès à Internet et à la téléphonie mobile, garantissant une offre « sociale » minimale. Il convient donc de définir l’offre de service « minimal », ainsi que les critères de recevabilité des demandes d’accès au service universel. La mise en place de tarifs sociaux ne donnerait lieu à aucune compensation de l’État aux opérateurs.
Nous proposons par conséquent de modifier l’article L. 35–5 du code des postes et des communications électroniques pour faire en sorte que la possibilité laissée aux opérateurs de proposer des offres « sociales » devienne une obligation.
Monsieur le ministre, il est d’autant plus important de nous donner votre avis que plusieurs membres du Gouvernement se sont saisis de la question. Je pense notamment à Frédéric Lefebvre qui, lors de ses vœux à la presse, a lancé l’idée d’un tarif social dans la téléphonie mobile et l’Internet « sur le modèle de la prime à la cuve ou du tarif social du gaz ».
Monsieur le ministre, comment cela pourrait-il fonctionner ? Le Gouvernement envisage-t-il de prendre en charge une partie forfaitaire des offres ? À en croire la presse, et notamment un article de La Tribune en date du 20 janvier dernier, « le ministre voudrait que tous les opérateurs s’engagent à proposer une offre de ce type ».
Avec notre amendement, nous vous apportons la solution. Il nous paraît impératif de rendre ce service obligatoire, et de faire en sorte que tous les opérateurs le proposent, tant dans le domaine de l’Internet que dans celui de la téléphonie mobile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Michel Teston le sait bien, nous sommes attachés ici à la définition aussi bien d’un service universel que de tarifs sociaux. Mais peut-on raisonnablement traiter ce soir, par voie d’amendement, ces deux questions très importantes ?
M. Michel Teston. Oui !
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Concernant le service universel d’accès à Internet, certes, la directive fait sauter le seuil minimal de 64 kilobits, mais cette disposition n’a, selon moi, aucune portée.
Pour la téléphonie mobile, la définition d’un service universel – j’évoquerai ensuite la question des tarifs sociaux, sur laquelle M. le ministre se prononcera puisqu’elle lui était aussi adressée – soulève un certain nombre de problèmes, notamment sur le périmètre concerné. C’est à la fois simple et très compliqué.
C’est simple, parce que l’on voit bien que le nouveau service universel doit s’étendre à autre chose qu’au vieux téléphone commuté, c’est-à-dire au haut débit et à la mobilité.
Mais si on essaie de franchir cette frontière, alors de gros problèmes se posent, car aucun opérateur au monde, nous y reviendrons tout à l’heure, n’est capable de garantir que, sur l’ensemble d’un territoire donné, une offre de téléphone mobile est disponible.
C’est si vrai que les pouvoirs publics ont reconnu qu’un usager ayant souscrit un contrat d’abonnement pour un téléphone mobile et qui était privé d’une bonne réception à son domicile avait le droit de résilier sans frais son abonnement.
Voilà ma réponse pour la téléphonie mobile.
S’agissant du haut débit, on ne sait pas définir aujourd’hui ce qu’est un abonnement aux services Internet. Les opérateurs vendent une connexion, un accès, mais vous voyez bien que nous ne pouvons pas ce soir, au gré d’un amendement, déterminer précisément ce que pourrait être le service universel.
En ce qui concerne les offres sociales, le Gouvernement pourra certainement vous répondre. Vous avez cité Frédéric Lefebvre, que la Haute Assemblée tient pour un secrétaire d’État dynamique ; je pense également au Premier ministre, qui a demandé le 19 janvier dernier aux opérateurs, me semble-t-il, de mettre en place une offre sociale pour le haut débit à 20 euros, sachant qu’un fournisseur d’accès et un câblo-opérateur pratiquent déjà une telle offre ; c’est un tarif social, vous en conviendrez.
De même, dans le cas de la téléphonie mobile, les tarifs sociaux existent déjà, notamment pour les bénéficiaires du RSA, qui peuvent souscrire un forfait bloqué de dix euros, sans engagement, pour trente à quarante minutes d’appels, et trente à quarante SMS par mois.
Même la question des tarifs sociaux n’a pas été laissée en jachère par le Gouvernement. M. le ministre pourra certainement vous apporter d’autres précisions.
Cela étant dit, la commission de l’économie émet un avis défavorable sur l’amendement n° 5.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. Je veux tout d’abord indiquer à M. Teston que Frédéric Lefebvre et moi-même travaillons main dans la main. C’est pourquoi, le 27 janvier dernier, nous avons réuni les principaux opérateurs de communication électronique afin d’étudier avec eux la façon dont nous allons garantir une offre sociale dans le domaine de l’accès à Internet et de la téléphonie mobile.
Ces discussions se passent bien – vous le savez, puisque vous en avez eu des échos –, et nous devrions signer prochainement des accords avec tous les principaux opérateurs. Par conséquent, votre vœu va être concrètement exaucé, monsieur le sénateur. De ce fait, votre amendement n’apparaît pas nécessaire.
En outre, il soulève des difficultés juridiques.
Le très haut débit et la téléphonie mobile ne font pas partie du service universel, conformément à la directive européenne. Les tarifs sociaux sur ces prestations ne peuvent donc pas, à ce stade, être inscrits dans ce cadre.
Je n’ai malheureusement pas pu assister à la discussion générale, mais j’en ai lu la synthèse : j’ai constaté, monsieur Teston, que vous étiez extrêmement sensible à ce qu’exprimait la commissaire européenne chargée de la concurrence.
C’est pourquoi je ne doute pas que vous accepterez de retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur pour avis, j’ai du mal à comprendre votre argument.
Vous dites à M. Teston qu’il n’est pas possible de régler ce soir un projet aussi lourd que le service universel. Ce n’est pas à notre collègue qu’il faut dire cela, c’est au Gouvernement ! Vous auriez dû lui poser la question suivante : Comment se fait-il que vous n’ayez pas abordé la question du service universel ? S’il l’avait abordée, nous aurions ensuite pu déposer des amendements. Vous semblez reprocher à M. Teston d’avoir évoqué ce sujet important tardivement et sous la forme d’un amendement. Adressez-vous d’abord à M. le ministre, et demandez-lui pourquoi il ne s’est pas exprimé davantage sur ce point !
De surcroît, tout à l’heure, vous vous êtes opposé aux amendements, alors que l’on vous avait dit que le Gouvernement procéderait par ordonnances sur ces questions.
Quand pouvons-nous intervenir, monsieur le rapporteur pour avis ? Pas ce soir, pas par voie d’amendement, et ensuite il y aura les ordonnances ; donc, quand tout sera fini !
Mmes Annie Jarraud-Vergnolle et Raymonde Le Texier. Très bien !
M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Michel Teston. J’ai bien entendu ce qu’a dit M. le ministre. Cela étant, je n’ignore pas que la Commission européenne réfléchit à une évolution du champ du service universel. C’est pourquoi l’amendement que j’ai déposé au nom du groupe socialiste me semble parfaitement adapté.
Il est temps que nous nous engagions dans une logique de reconnaissance, au moins dans un premier temps, d’une offre pouvant intéresser les personnes qui ont les revenus les plus modestes. C’est un élément important que nous pourrions apporter au débat dans le cadre de la réflexion européenne sur ce sujet.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Très bien !
M. Michel Teston. L’amendement est donc maintenu.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 bis (nouveau)
Après le 4° du II de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis À l’absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans les relations entre opérateurs et fournisseurs de services de communications au public en ligne pour l’acheminement du trafic et l’accès à ces services ; » – (Adopté.)
Article 12
I. – Le même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 45-1 devient l’article L. 46 A ;
2° L’article L. 45 est ainsi rédigé :
« Art. L. 45. – L’attribution et la gestion des noms de domaine rattachés à chaque domaine de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’internet correspondant au territoire national ou à une partie de celui-ci sont centralisées par un organisme unique dénommé “office d’enregistrement”.
« Le ministre chargé des communications électroniques désigne, par arrêté, l’office d’enregistrement de chaque domaine, après consultation publique, pour une durée fixée par voie réglementaire.
« Chaque office d’enregistrement établit chaque année un rapport d’activité qu’il transmet au ministre chargé des communications électroniques.
« Le ministre chargé des communications électroniques veille au respect par les offices d’enregistrement des principes énoncés aux articles L. 45-1 à L. 45-6. En cas de méconnaissance par un office de ces dispositions ou d’incapacité financière ou technique à mener à bien ses missions, le ministre peut procéder au retrait de la désignation de cet office, après l’avoir mis à même de présenter ses observations. » ;
3° Le chapitre II du titre II du livre II est complété par huit articles L. 45-1 à L. 45-8 ainsi rédigés :
« Art. L. 45-1. – Les noms de domaine sont attribués et gérés dans l’intérêt général selon des règles non discriminatoires et transparentes, garantissant le respect de la liberté de communication, de la liberté d’entreprendre et des droits de propriété intellectuelle.
« Les noms de domaines sont attribués pour une durée limitée et renouvelable.
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 45-2, le nom de domaine est attribué au demandeur éligible ayant le premier fait régulièrement parvenir sa demande. Un nom de domaine attribué et en cours de validité ne peut faire l’objet d’une nouvelle demande d’enregistrement.
« L’enregistrement des noms de domaine s’effectue sur la base des déclarations faites par le demandeur et sous sa responsabilité.
« Art. L. 45-2. – Dans le respect des principes rappelés à l’article L. 45-1, l’enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est :
« 1° Susceptible de porter atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ou à des droits garantis par la Constitution ou par la loi ;
« 2° Susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ;
« 3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi.
« Le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 45–7 et les règles d’attribution de chaque office d’enregistrement définissent les éléments permettant d’établir un usage de mauvaise foi et l’absence d’intérêt légitime.
« Le refus d’enregistrement ou de renouvellement ou la suppression du nom de domaine ne peuvent intervenir, pour l’un des motifs prévus au présent article, qu’après que l’office d’enregistrement a mis le demandeur en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de régulariser sa situation.
« Art. L. 45-3. – Peuvent demander l’enregistrement d’un nom de domaine, dans chacun des domaines de premier niveau :
« – les personnes physiques résidant sur le territoire de l’Union européenne ;
« – les personnes morales ayant leur siège social ou leur établissement principal sur le territoire de l’un des États membres de l’Union européenne.
« Art. L. 45-4. – L’attribution des noms de domaine est assurée par les offices d’enregistrement, par l’intermédiaire des bureaux d’enregistrement. L’exercice de leur mission ne confère ni aux offices, ni aux bureaux d’enregistrement, de droits de propriété intellectuelle sur les noms de domaine.
« Les bureaux d’enregistrement sont accrédités, selon des règles non discriminatoires et transparentes, par chacun des offices d’enregistrement, pour chaque domaine de premier niveau concerné.
« Les bureaux d’enregistrement exercent leur activité sous le contrôle de l’office d’enregistrement qui les a accrédités. Le non-respect des règles fixées aux articles L. 45-1 à L. 45-3 et L. 45–5 peut entraîner la suppression de l’accréditation.
« Art. L. 45-5. – Les offices d’enregistrement et les bureaux d’enregistrement rendent publics les prix de leurs prestations d’attribution et de gestion des noms de domaine. Les offices d’enregistrement publient quotidiennement les noms de domaine qu’ils ont enregistrés.
« Ils collectent les données nécessaires à l’identification des personnes physiques ou morales titulaires de noms et sont responsables du traitement de ces données au regard de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« L’État est titulaire de l’ensemble des droits sur la base de données ainsi constituée. Pour remplir leur mission et pendant la durée de celle-ci, les offices d’enregistrement disposent du droit d’usage de cette base de données.
« La fourniture de données inexactes par le titulaire peut emporter la suppression de l’enregistrement du nom de domaine correspondant. Celle-ci ne peut intervenir qu’après que l’office d’enregistrement a mis le titulaire en mesure de régulariser la situation.
« Art. L. 45-6. – Toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l’office d’enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine lorsque le nom de domaine entre dans les cas prévus à l’article L. 45-2.
« L’office statue sur cette demande dans un délai de deux mois suivant sa réception, selon une procédure contradictoire fixée par son règlement intérieur qui peut prévoir l’intervention d’un tiers choisi dans des conditions transparentes, non discriminatoires et rendues publiques. Le règlement intérieur fixe notamment les règles déontologiques applicables aux tiers et garantit le caractère impartial et contradictoire de leur intervention.
« Le règlement intérieur de l’office est approuvé par arrêté du ministre chargé des communications électroniques.
« Les décisions prises par l’office sont susceptibles de recours devant le juge judiciaire.
« Art. L. 45-7. – Les modalités d’application des articles L. 45 à L. 45-6 sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 45-8. – Les articles L. 45 à L. 45-7 sont applicables à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 30 juin 2011, à l’exception de l’article L. 45–3 du code des postes et communications électroniques qui entre en vigueur le 31 décembre 2011.
Les mandats des offices d’enregistrement désignés avant cette date restent valables jusqu’à la date de la première désignation opérée, après consultation publique, sur le fondement des nouvelles dispositions du I de l’article L. 45 du même code et, au plus tard, jusqu’au 30 juin 2012.
Dans l’attente de la désignation prévue à l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, les articles L. 45 à L. 45–8 du même code sont opposables à compter du 31 décembre 2011 aux organismes qui assument les fonctions d’office ou de bureau d’enregistrement pour les domaines de premier niveau visés au même article L. 45.
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au début de la section 1 du chapitre III du titre II du livre II, l'article L. 45–1 devient l'article L. 45–9, et aux articles L. 33–6, L. 47–1, deux fois, et L. 48, deux fois, la référence : « L. 45–1 » est remplacée par la référence : « L. 45–9 ».
II. - Alinéa 36
Supprimer les mots :
du I
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. C’est M. Hérisson qui va le présenter !
M. le président. C’est impossible, car l’amendement n’est pas cosigné !
M. Bruno Retailleau. Cet amendement vise à apporter une précision très utile concernant les noms de domaines : les codes pays.
J’ajoute, en ma qualité de rapporteur pour avis, que la commission de l’économie a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
correspondant au territoire national ou à une partie de celui-ci
par les mots :
correspondant aux codes pays du territoire national ou d’une partie de celui-ci
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. L’article 12 du projet de loi répond à la décision du Conseil constitutionnel qui donnait au législateur jusqu’au 30 juin 2011 pour rétablir un cadre juridique des noms de domaines en France. Il prévoit, comme c’était le cas auparavant, la désignation d’un organisme dit « office d’enregistrement » par domaine.
Il est essentiel de clarifier le champ d’application de cet article, en insérant la notion de « codes pays » plus explicite. Il est tout à fait légitime de le faire par le biais d’un amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. La commission a beaucoup travaillé sur ces notions de noms de domaines. Elle a émis un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. En fait, je cherche à comprendre, monsieur le président. Après votre modification, monsieur Hérisson, que se passera-t-il pour Paris – puisque vous avez cité cet exemple dans l’objet de votre amendement ? Avant, on pouvait dire « Paris » ; que dira-t-on désormais ? J’aimerais que vous m’apportiez des précisions, même si, je le reconnais, il est bien tard…
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je réponds volontiers à M. Desessard, qui pose toujours des questions pertinentes,… même s’il pense qu’il n’intervient pas souvent. (Sourires.)
C’est un peu technique, et vous voudrez bien me le pardonner.
Le système de noms de domaine de l’Internet est un système mondial. Les domaines de premier niveau y sont regroupés en deux catégories : les domaines dits « génériques » tels que .com ou .net, et les domaines correspondant à des codes pays – Country Code Top Level Domain. La souveraineté des pays s’applique pleinement sur les domaines correspondant à des codes pays, et c’est bien le cadre de ce projet de loi. Les domaines « génériques » font pour leur part l’objet d’une régulation mondiale par l’organisme de coordination des noms de domaine.
La rédaction actuelle pourrait faire croire que l’article s’appliquera également aux projets comme .paris, .bourgogne, alors que ceux-ci seront par ailleurs déjà soumis à la régulation mondiale existante. Il y a donc un risque sérieux d’imbroglio juridique, car les deux cadres, même s’ils se rejoignent sur les objectifs, présentent des différences d’application. Cette incertitude pourrait placer les collectivités françaises candidates en situation de handicap insurmontable par rapport à des concurrents étrangers. Pensons par exemple à Paris, au Texas ou à d’autres métropoles candidates comme Berlin ou Londres. J’ajoute que cette demande est en outre formulée par Paris.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Teston et Raoul, Mme Herviaux, MM. Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mme Khiari, MM. Lise, Madec et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoult, Repentin, Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après les mots :
ou service public national ou local,
insérer les mots :
ou d'une association reconnue d'utilité publique,
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet article contient des dispositions destinées à protéger les autorités publiques de la création de noms de domaines qui seraient de nature à leur porter préjudice.
Ainsi, le nouvel article 45–2 du code des postes et des communications électroniques prévoit : « l’enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est : […]
« 3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi. »
Compte tenu du rôle qu’elles jouent souvent aux côtés des pouvoirs publics, il serait bon d’élargir le bénéfice de cette protection aux associations reconnues d’utilité publique, qui pourraient ne pas être nécessairement protégées au titre de la propriété industrielle prévue au 2° de l’article 45–2 précité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Notre commission est défavorable à cet amendement.
La proposition de Michel Teston pose en effet deux problèmes.
D’abord, nous pensons qu’on ne peut pas multiplier à l’infini les catégories spécifiques. On est parvenu à donner un droit de priorité en quelque sorte aux collectivités territoriales. Or, si l’on admettait cette proposition, qu’en serait-il, par exemple, pour d’autres catégories juridiques comme les fondations ?
Par ailleurs, les associations qui sont chargées d’une mission de service public sont déjà couvertes par le texte proposé pour l’article L. 45-2 du code des postes et des communications électroniques que citait Michel Teston à l’instant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par MM. Teston et Raoul, Mme Herviaux, MM. Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mme Khiari, MM. Lise, Madec et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoult, Repentin, Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 43 rectifié est présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La mesure de la zone de couverture visée à l'article L. 42-1 du code des postes et des communications électroniques est faite au niveau de la commune.
Une commune est réputée couverte quand, sur l'ensemble de son territoire, sont offerts au public les services répondant aux obligations de permanence, de qualité et de disponibilité visées aux articles L. 41 et suivants du même code.
Un décret du ministre chargé des communications électroniques fixe les modalités d'application de cet article.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l’amendement n° 7.
M. Michel Teston. Le présent amendement vise à obtenir la couverture réelle des communes par les réseaux mobiles.
Aujourd’hui, malgré les sondages et communications régulièrement distillés par voie de presse par les opérateurs, de nombreuses communes demeurent partiellement couvertes.
La couverture ne peut être considérée comme effective qu’à partir du moment où elle porte sur la totalité du territoire considéré. Or, à ce jour, une commune est considérée couverte dès lors que son bourg-centre est desservi en couverture « piéton extérieur », ce qui condamne une grande partie des territoires ruraux à ne jamais avoir accès à la téléphonie mobile.
Nous nous associons donc pleinement à l’initiative de notre collègue Hervé Maurey, qui a déjà défendu cette proposition à maintes reprises. En effet, le même amendement a été déposé et adopté en décembre 2010, lors de l’examen de la proposition de loi de Daniel Marsin. Notre collègue Pierre Hérisson avait alors émis un avis favorable, et ce contre l’avis du Gouvernement.
Depuis le nouveau dépôt de cet amendement, la Fédération française des télécommunications et des communications électroniques aurait évoqué l’inconstitutionnalité de notre proposition. Évidemment, nous ne partageons pas son avis et estimons même qu’elle aurait beaucoup de mal à faire valoir cet argument devant le Conseil constitutionnel si, d’aventure, le texte venait à lui être soumis. Mais là n’est pas la question. Personnellement, je crois surtout que cette fédération craint de devoir déployer des services dans des secteurs géographiques où elle ne souhaite pas investir tout simplement parce qu’ils ne sont pas rentables à ses yeux.
Permettez-moi de citer une note qui nous est parvenue ce mercredi : « L’obligation de couvrir l’ensemble du territoire d’une commune revient à imposer aux opérateurs de couvrir 100 % du territoire métropolitain, entraînant ainsi des déploiements coûteux et non rentables en technologie 2G et 3G. Les zones actuellement non couvertes par tous les opérateurs ont une très faible rentabilité, alors qu’aucune compensation n’est prévue pour les opérateurs dans une telle hypothèse. »
J’ajoute que nous ne nions pas le problème que posent les oppositions de plus en plus systématiques aux projets d’implantation d’antennes, mais ce n’est pas une raison suffisante pour renoncer à couvrir en téléphonie mobile tout le territoire.
C’est pourquoi nous invitons la Haute Assemblée à confirmer sa position et à voter de nouveau cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 43 rectifié.
M. Hervé Maurey. Le dispositif que je présente, identique à celui que vient de défendre Michel Teston, a, je le rappelle, été adopté par le Sénat voilà seulement quelques semaines avec l’avis favorable de la commission de l’économie.
L’objectif est de faire une « opération vérité », afin que l’on sache enfin quelle est la réalité de la couverture numérique du territoire en matière de téléphonie mobile.
En effet, aujourd’hui, il suffit qu’en un point d’un village soit reçue la téléphonie mobile pour que les statistiques officielles indiquent une couverture de cette commune. C’est ainsi que sont obtenues des statistiques nationales extrêmement flatteuses, présentant des chiffres en matière de couverture en téléphonie mobile du territoire proches des 100 %. Or nous savons tous ici que ces chiffres ne sont pas conformes à la réalité.
Soyons clairs, cet amendement n’a pas pour objectif d’obliger dans l’immédiat à une couverture complète du territoire mais vise à ce que l’on puisse au moins connaître la réalité des chiffres.
Tel est l’objet de cet amendement qui a déjà, je le répète, été adopté par notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. L’objet de ces amendements va au-delà de ce que nous dit Hervé Maurey. Existe-t-il un seul pays au monde où 100 % du territoire seraient couverts ? Non.
Je suis aussi un élu rural, et l’on sait bien que les zones grises, les zones blanches sont souvent trop nombreuses.
Les auteurs de ces amendements soulignent à juste titre que le Sénat s’était prononcé favorablement sur cette disposition voilà déjà quelques mois. Mais un fait nouveau est intervenu entre-temps, puisque deux de nos collègues, Hervé Maurey et Bruno Sido, ont été justement chargés d’élaborer un rapport sur la couverture du territoire en téléphonie mobile.
Il serait donc selon moi beaucoup plus prudent d’attendre la conclusion des travaux que mènent nos deux éminents collègues avant de trancher, sachant que la décision en la matière pourrait avoir des conséquences extrêmement lourdes.
Nous avons tous déploré les « trous » dans la couverture de deuxième et de troisième génération, 2G et 3G, raison pour laquelle nous avons ensemble, chers collègues, tenu à indiquer dans la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, dont j’étais le rapporteur, que l’attribution des licences issues du dividende numérique devait prendre en considération de façon prioritaire l’aménagement du territoire.
Michel Teston l’a souligné dans la discussion générale, et j’y insiste à mon tour : parce que nous sommes des « polytraumatisés » de la couverture numérique du territoire, nous devons faire en sorte que, pour ce qui est de la quatrième génération, la priorité d’attribution des licences issues du dividende numérique aille impérativement à l’aménagement du territoire.
Dans son rapport, la Commission du dividende numérique, qui s’était prononcée à l’unanimité en 2008 sur l’attribution des fréquences, avait écrit que la première obligation devait être une couverture du territoire équivalente à celle du GSM, qui s’imposerait « à tout opérateur attributaire de ces fréquences ».
Chers collègues, nous n’avons pas voulu revenir en arrière, et c’est donc forts de notre expérience d’élus locaux, d’élus ruraux, que nous éviterons, demain, une nouvelle fracture numérique, cette fois pour la quatrième génération.
La commission de l’économie est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. Monsieur Teston, monsieur Maurey, le Gouvernement préférerait que vous acceptiez de retirer vos amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.
Au fond, nous partageons l’analyse qui est la vôtre et nous pourrions travailler ensemble sur une définition plus appropriée de la couverture des zones blanches. Oui, il y a un travail légitime et le Gouvernement souscrit à ce que vous avez dit du diagnostic. S’il s’agit de poser le problème, nous sommes d’accord.
En revanche, vos amendements, du fait de leur libellé, soulèvent des difficultés.
D’abord, ils ne visent pas seulement le programme de couverture des zones blanches mais s’appliqueraient à toutes les décisions d’attribution de fréquences prises par l’ARCEP, y compris dans des cas où ce n’est pas pertinent, comme celui des réseaux à satellite.
Donc, le cadre est beaucoup trop large et apparaît inadapté.
De plus, l’adoption de ces amendements identiques conduirait à revoir toutes les obligations de couverture inscrites dans l’ensemble des autorisations des opérateurs mobiles, puisque ces obligations ne reposent pas sur une base communale. Ce serait une modification rétroactive des autorisations qui se heurterait à plusieurs obstacles.
D’abord, comme vous le savez, l’autorisation a fait naître des droits au profit des opérateurs pour toute la durée de l’autorisation, et une modification de ces droits ne saurait intervenir sans le consentement des intéressés, eu égard notamment à la charge financière qu’elle entraînerait.
Ensuite, une modification unilatérale de ces droits poserait la question du dédommagement des opérateurs au titre de la responsabilité de l’État.
On peut en outre s’interroger sur la légitimité des sanctions contre les manquements aux nouvelles obligations de couverture qui seraient constatés, puisque les obligations de couverture ont été fixées pour les autorisations en cours pour une durée de vingt ans.
Un tel scénario apparaît, vous le voyez, sur le plan juridique, extrêmement fragile. Compte tenu de ces éléments, je le répète, je préférerais que vous retiriez vos amendements, sachant que le Gouvernement est prêt à travailler avec vous sur une nouvelle définition des zones blanches.
M. le président. Monsieur Teston, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Michel Teston. Je ferai une nouvelle fois remarquer que cette disposition a déjà été votée par le Sénat lorsque nous avons examiné la proposition de loi de notre collègue Daniel Marsin. Or nous ne savons pas quel sort sera réservé à cette proposition de loi, qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
C’est la raison pour laquelle il nous paraît préférable de prendre toutes les précautions en votant de nouveau cette disposition pour l’insérer dans le présent texte.
M. le président. Monsieur Maurey, maintenez-vous votre amendement n° 43 rectifié ?
M. Hervé Maurey. Que l’on ne fasse pas semblant de ne pas comprendre...
À aucun moment nous ne posons le principe d’une extension de l’obligation des opérateurs en termes de couverture. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous voulons une opération vérité : une commune est considérée couverte lorsque l’ensemble de son territoire est couvert.
M. le rapporteur pour avis comme M. le ministre, j’en suis certain – en tout cas pour M. Retailleau –, connaissent suffisamment le sujet pour comprendre le sens de cet amendement au travers duquel, encore une fois, je veux simplement que l’on cesse de dire qu’une commune est couverte dès lors qu’un seul point de son territoire est couvert.
Je rejoins donc la position de Michel Teston : dans la mesure où nous avons déjà adopté ce texte, je ne vois pas pourquoi on changerait de pied aujourd’hui, sachant que la proposition de loi de Daniel Marsin n’est pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et que l’occasion nous est donnée ici d’aboutir plus rapidement.
Néanmoins, je prends acte et je me réjouis de l’ouverture – c’est un fait nouveau, je tiens à le souligner –, dont fait preuve le ministre. Je le remercie de reconnaître que la manière dont est mesurée actuellement la couverture des communes n’est pas satisfaisante.
Pour rebondir également sur le propos de M. le rapporteur pour avis au sujet de la couverture des territoires en 4G, et qui fait suite à ce que j’ai dit sur l’article 11, je souligne qu’il faut être très vigilant – sur ce point, M. le ministre ne m’a pas répondu, mais peut-être le fera-t-il tout à l'heure – sur l’attribution des fréquences issues du dividende numérique : celles-ci doivent être, conformément à la loi, attribuées en fonction d’objectifs d’aménagement du territoire et non pas, comme on le sent poindre, en fonction de critères de rentabilité.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 43 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 12.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission de l’économie est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 158 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
M. Jean Desessard. Bravo !
Article 12 bis (nouveau)
Après la première phrase de l’article L. 33-7 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ces informations peuvent être communiquées à un tiers concourant à l’aménagement du territoire avec lequel ils sont en relation contractuelle. »
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Marsin, Collin, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Barbier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. L'article 12 bis prévoit la transmission à des tiers des informations détenues par les gestionnaires d’infrastructures et par les opérateurs de communications électroniques relatives à l’implantation et au déploiement de leurs infrastructures et de leurs réseaux.
Il reprend l'article 1er de la proposition de loi relative aux télécommunications déposée sur mon initiative et sur celle des membres du groupe RDSE et, après avoir été très largement enrichie par des collègues de tous bords, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 8 décembre 2010.
Vous comprendrez donc que, si je m’oppose à l’article 12 bis, c’est pour des raisons non pas de fond, mais de forme. La proposition de loi que nous avons très récemment adoptée est cohérente et équilibrée ; il serait donc particulièrement regrettable que nous la dépecions au moment même où l'Assemblée nationale envisagerait de l’inscrire à son ordre du jour.
C’est donc pour préserver l’unité et la cohérence d’un texte déjà examiné, enrichi et adopté que nous vous proposons, en toute logique, de supprimer l’article 12 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Monsieur Marsin, nous n’avons pas de certitude que votre proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale. En revanche, nous savons que nous avons besoin d’une telle disposition. Vous devriez plutôt voir dans la possibilité que cet article 12 bis soit adopté ce soir une sorte de consécration de vos propositions antérieures.
Les collectivités locales qui travaillent aujourd'hui notamment sur les schémas départementaux d’aménagement numérique ont le plus grand besoin de données numérisées. Il est également important que les opérateurs puissent confier les données à des tiers. Cet article constitue donc un instrument essentiel pour l’aménagement du territoire.
Nous vous remercions d’avoir présenté ce dispositif dans votre proposition de loi, mais comprenez bien ce soir que nous avons besoin de disposer de cet outil très rapidement. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. J’inviterai de même M. Marsin à retirer son amendement. À défaut, je serais également défavorable à l’amendement.
M. le président. Monsieur Marsin, l'amendement n° 39 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Marsin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis.
(L'article 12 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 12 bis
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 20 rectifié ter et 42 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 20 rectifié ter est présenté par MM. Le Grand, Mayet, Maurey et Pinton.
L'amendement n° 42 rectifié est présenté par MM. Teston et Raoul, Mme Herviaux, MM. Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mme Khiari, MM. Lise, Madec et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoult, Repentin, Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 12 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques et les opérateurs de communications électroniques sont tenus de détenir les informations relatives à l'implantation et au déploiement de leurs infrastructures et de leurs réseaux sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans des systèmes d'informations géographiques et suivant un format largement répandu, avant le 31 décembre 2011. »
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié ter.
M. Hervé Maurey. Cet amendement prolonge le dispositif que nous avons évoqué à l’article précédent. Dans le cadre du déploiement de la fibre, la communication des données est nécessaire.
Notre dispositif, qui avait également été adopté dans le cadre de la discussion de la proposition de loi de Daniel Marsin, tend à préciser que les gestionnaires d’infrastructures et les opérateurs doivent détenir toutes les données relatives aux réseaux dans un format informatique.
En effet, dans le cadre du déploiement de la fibre, il est important que tous les acteurs puissent disposer de données en format numérique pour pouvoir obtenir une mise à jour en temps réel et partager l’information.
Ce dispositif figurait également dans le décret qui avait été pris par le Gouvernement en février 2009 avant d’être annulé par le Conseil d’État à la demande de la Fédération française des télécommunications et des communications électroniques, laquelle avait même invoqué l’exception d’inconstitutionnalité. En réalité, l’annulation portait sur la forme, la loi de modernisation de l’économie n’octroyant pas au pouvoir réglementaire une compétence suffisamment large pour prendre ce décret.
Sur le fond, le dispositif avait été jugé suffisamment pertinent par le Gouvernement pour qu’il le reprenne dans un décret et par notre assemblée pour qu’elle l’adopte en décembre dernier ; je ne doute pas que nous le voterons de nouveau.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 42 rectifié.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. La France est engagée dans un programme national « très haut débit » qui a pour vocation de desservir l’ensemble du territoire. L’Europe s’est également donné des objectifs forts en la matière. Tous les acteurs – opérateurs, collectivités territoriales et État – sont concernés.
Il s’agit non seulement de mettre en place de nouveaux réseaux de très haut débit, mais aussi d’améliorer les réseaux existants. Cette action s’étalera sur de nombreuses années et nécessitera de coordonner les travaux sur les infrastructures et réseaux. À ce sujet, des mesures ont déjà été prises, notamment avec la loi relative à la lutte contre la fracture numérique.
Pour permettre une meilleure articulation des initiatives privées et publiques, et pour éviter les duplications inutiles d’infrastructures, il est impératif que les autorités chargées de l’aménagement du territoire disposent d’une connaissance fine, actualisée en permanence. L’État, les communes, les départements, les régions, les syndicats d’énergie, d’eau et d’assainissement, les groupements de collectivités sont amenés à coordonner leurs efforts, notamment dans l’élaboration des schémas directeurs territoriaux.
Il est indispensable de disposer d’outils de traitement de masse et interopérables pour mener à bien cette action. Cela suppose notamment que le format et la structure des données ne soient pas spécifiques et propres à chacun des propriétaires de réseau.
Cet effort porte sur l’ensemble des gestionnaires d’infrastructures et de réseaux, publics et privés, au service de l’intérêt général.
Le décret de février 2009 prévoyait d’obliger les opérateurs à effectuer ce travail de synthèse de leurs informations sur leurs infrastructures et réseaux avant le 1er juillet 2011. Ils ont donc eu le temps de s’y préparer avant que le décret soit partiellement annulé.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Leroy, Le Grand et César, Mme Procaccia et MM. Cléach et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l'article 12 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l'article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques est complétée par les mots : «, des modalités de communication de ces informations à des tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lesquels les collectivités et leurs groupements sont en relation contractuelle, ainsi que du format et de la structure de données selon lesquelles ces informations doivent être transmises ».
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je m’expliquerai plus avant en donnant l’avis de la commission sur les deux autres amendements.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission de l’économie sur les amendements identiques nos 20 rectifié ter et 42 rectifié ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Sur le fond, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que nous avons besoin d’un certain nombre de données. En revanche, il me semble excessif de demander aux opérateurs de numériser toutes les données qu’ils détiennent, même celles dont nous n’avons pas besoin. Quant au délai – le 31 décembre 2011 –, il ne nous paraît pas non plus raisonnable.
Nous avons essayé de trouver une autre rédaction qui prenne en compte les besoins qu’ont les collectivités – j’en sais quelque chose ! – de disposer de ces données vectorisées et numérisées. Nous avons conclu avec les opérateurs que le Gouvernement devait prendre un décret qui offre rapidement une base de travail ajustée à ces besoins.
On peut toujours demander aux opérateurs la numérisation de toutes les données qu’ils détiennent, mais je doute qu’ils y parviennent pour le 31 décembre prochain ! Prenons l’exemple des cadastres : moins de 50 % d’entre eux sont numérisés. La numérisation est un travail très lourd.
Nous devons obtenir la numérisation des données dont nous avons besoin. Demander aux opérateurs que toutes les données soient numérisées provoquera une véritable embolie et, finalement, nous n’obtiendrons rien de plus.
J’invite donc M. Maurey et Mme Jarraud-Vergnolle à retirer leurs amendements s’ils veulent que nous puissions avancer rapidement sur cette question, ce qui est, me semble-t-il, notre volonté commune, au bénéfice du mien, qui permettra d’opérer par la voie réglementaire pour ajuster le dispositif au plus près de nos besoins.
À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable sur leurs amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 20 rectifié ter et 42 rectifié, ainsi que sur l'amendement n° 1 rectifié ?
M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1 rectifié, ce qui signifie qu’il souhaite le retrait des amendements nos 20 rectifié ter et 42 rectifié ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 20 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je vais faire un beau geste et accepter de retirer mon amendement, car j’ai toute confiance en M. le rapporteur.
J’aurais toutefois préféré que ma version soit retenue, car, dans la rédaction qu’il propose, Bruno Retailleau s’en remet à un décret : au final, nous ne savons pas très bien quelles obligations seront véritablement imposées aux opérateurs en termes de numérisation.
Je n’ai pas entendu le Gouvernement sur ce point. Aussi, avant de retirer mon amendement, j’aimerais que le ministre se montre moins lapidaire et daigne nous apporter quelques explications tant sur les délais que sur les obligations qui seront imposées aux opérateurs. L’expérience prouve, en ce domaine comme dans bien d’autres, que le renvoi à un décret est finalement souvent décevant.
Je rappelle que le libellé que je propose figurait déjà tel quel dans un décret du Gouvernement et que, au surplus, c’est cette rédaction qui a aujourd'hui le soutien des associations d’élus.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Très brièvement, je voudrais dire à M. Maurey qu’il est injuste de critiquer le rythme de publication des décrets dans une matière comme la nôtre. Ce rythme, qui est déjà extrêmement élevé, me paraît incompressible.
J’ai indiqué que j’étais favorable à l’amendement de M. le rapporteur pour avis, ce qui signifie que je m’engage auprès du Sénat à ce que le décret soit pris dans les meilleurs délais.
M. le président. Monsieur Maurey, qu’en est-il en définitive de l'amendement n° 20 rectifié ter ?
M. Hervé Maurey. Je n’ai pas vraiment obtenu la réponse que je souhaitais, car mon interrogation portait non sur le délai de publication du décret, mais bien sur les délais imposés aux opérateurs pour fournir les données numérisées. Si M. le ministre ne veut pas me répondre, tant pis !
Je retire mon amendement, monsieur le président, car, à cette heure, nous n’allons pas tergiverser !
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié ter est retiré.
Madame Jarraud-Vergnolle, l'amendement n° 42 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Oui, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12 bis.
Article 13
Après l’article L. 131 du même code, il est inséré un article L. 131-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. – Un commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, nommé par les ministres chargés des communications électroniques et des postes, fait connaître les analyses du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne la politique en matière postale et de communications électroniques. Il ne peut être simultanément commissaire du Gouvernement auprès de La Poste. Il se retire lors des délibérations de l’autorité.
« Il peut proposer à l’autorité de faire inscrire à son ordre du jour toute question intéressant la politique en matière postale ou de communications électroniques.
« Il ne peut avoir accès ni aux informations couvertes par le secret des affaires transmises à l’autorité dans le cadre de l’exercice de ses missions, ni aux dossiers relevant des procédures menées par l’autorité en application des articles L. 32-4, L. 36-8 et L. 36-11 du présent code. »
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce n’est pas parce que cet article s’est vu attribuer le numéro 13 qu’il doit forcément porter malheur. (Sourires.) Pourtant, j’ai le sentiment qu’il nous conduit sur une mauvaise pente…
Cet article institue un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP. Celui-ci assistera aux réunions, donnera son point de vue et aura son mot à dire sur l’ordre du jour. Cette disposition vise en fait à transformer une autorité administrative indépendante en simple autorité administrative, ce qui, il convient tout de même de le rappeler, n’était pas le but initial du législateur.
On avance l’argument que certaines autres autorités de régulation accueillent, elles aussi, un commissaire du Gouvernement. On peut l’entendre.
Sauf que l’ARCEP est le régulateur d’un secteur économique dont l’acteur principal n’est autre que l’État, à travers son actionnariat majoritaire dans le capital de l’opérateur historique de télécommunications.
Sauf que l’ARCEP est reconnue pour la qualité avec laquelle elle conduit ses missions ; on ne voit pas aujourd’hui l’intérêt qu’il y aurait à changer de pratiques. Soucieuse de la cohérence de l’action publique, il me semble que l’ARCEP joue aujourd’hui pleinement son rôle.
Sauf que la Commission européenne prend le temps de se pencher sur le dossier pour affirmer que l’indépendance et l’impartialité du régulateur seraient à n’en point douter remises en cause. Il n’y a qu’à lire les déclarations faites par la Commission cette semaine encore.
Cet article, issu d’un amendement déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, me paraît donc au pire fâcheux et au mieux hâtif. En effet, pourquoi se presser ?
Deux rapports parlementaires portant sur les commissaires du Gouvernement auprès des autorités administratives indépendantes, que M. le ministre évoquera sans doute tout à l’heure, ont été publiés, l’un il y a maintenant cinq ans, sans que l’on fasse quoi que ce soit, et l’autre, il y a quelques mois, sans que l’urgence soit proclamée.
On essaie de parer au danger imminent et fatal d’une ARCEP qui serait trop éloignée des préoccupations gouvernementales sans régler, dans le cadre d’un plan global cohérent, la situation de l’ensemble des autorités administratives indépendantes. Leur régime juridique mérite peut-être une rénovation, mais, si l’on s’attaque aujourd’hui à l’ARCEP, pourquoi ne pas aussi s’intéresser au Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui exerce, lui aussi, une mission d’attribution de fréquences, même s’il est avant tout un régulateur de contenu, garant du pluralisme ?
Bref, on bouscule le Parlement, sans raison, sans urgence et, surtout, sans vision politique. Le sujet est suffisamment sérieux pour que l’on se dispense de le régler à la faveur d’un amendement de dernière minute déposé à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, à voir le nombre d’amendements de suppression de cet article, on comprend qu’il y a un vrai problème de méthode.
Je voterai les amendements de suppression de l’article 13.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Je voudrais expliquer à nos collègues qui demandent la suppression de l’article 13 le cheminement qui a conduit la commission de l’économie à adopter la position qu’elle défend.
Le texte qui arrive ce soir au Sénat n’est plus celui qui avait été adopté à l’Assemblée nationale. Il résulte désormais du vote de la commission de l’économie.
Qu’est-ce qui a motivé la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP ?
La régulation sectorielle en France est-elle en cause ? De l’avis général, non ! Les résultats sont même plutôt bons. La France est en effet le premier pays pour l’accès à l’ADSL, pour la télévision sur Internet ; les consommateurs français bénéficient sans doute de l’un des tarifs les plus bas du monde concernant le triple play ; nous avons une industrie performante, ce qui lui permet d’investir et, subsidiairement, de payer quelques taxes, et notre marché domestique des télécommunications est essentiellement entre les mains d’opérateurs nationaux.
Dire que ces bons points sont le résultat de la politique de l’ARCEP ou de l’ART serait sans doute aller trop loin. Reste que, par un certain nombre de ses décisions, le régulateur a eu une influence favorable sur le déploiement de l’économie numérique en France. Citons, par exemple, la décision fondatrice du dégroupage et celle sur les terminaisons d’appels, qui ont permis de multiplier ce que l’on appelle les offres d’abondance, c’est-à-dire les forfaits illimités, notamment.
J’ajoute que, sur le plan juridique, les décisions de l’ARCEP sont rarement contestées et que, quand elles le sont, elles sont encore plus rarement annulées, par le Conseil d’État lorsqu’il s’agit de décisions réglementaires, par la cour d’appel de Paris pour toutes les autres décisions.
Nous avons donc un régulateur qui n’a pas entravé le développement de l’économie numérique et qui est juridiquement fiable. La motivation n’est donc pas à rechercher dans la qualité de la régulation.
Monsieur le ministre, vous avez expliqué à l’Assemblée nationale que votre initiative tenait à la nécessité que le Gouvernement ait une relation étroite avec les autorités administratives indépendantes qui disposent d’un pouvoir réglementaire.
En effet, l’article 21 de la Constitution est clair : le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire. Celui-ci peut être délégué aux communes, par exemple, en matière de règlement d’urbanisme ou, par la loi, aux autorités administratives indépendantes. C’est le cas de l’ARCEP, dont le pouvoir réglementaire est limité, dans son champ d’application, par le législateur et, dans ses effets, par le ministre chargé des communications électroniques via l’homologation. L’homologation signifie que le ministre a le pouvoir de dire oui ou non à l’entrée en vigueur de décisions réglementaires de l’ARCEP.
Dans le cadre du pouvoir réglementaire délégué, nous n’avons donc pas vu d’obstacle à ce que le Gouvernement formalise ce lien, comme il a pu le faire pour d’autres autorités administratives indépendantes qui ont un pouvoir réglementaire, par le biais de la création d’un commissaire du Gouvernement. C’est d’ailleurs ce que Patrice Gélard avait préconisé notamment dans son rapport.
Sur le principe, donc, cette initiative est compréhensible et ne peut pas être balayée d’un revers de la main
En revanche, la commission de l’économie considère que les modalités prévues ne sont pas les meilleures, y compris dans l’amendement n° 74, qui viendra peut-être tout à l’heure en discussion.
Je m’explique.
L’ARCEP n’a pas comme unique activité de prendre des décisions réglementaires. Elle a aussi un deuxième métier, qui est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a été créée en 1997 : résoudre le conflit d’intérêt éventuel entre l’État régulateur et l’État actionnaire de l’opérateur historique de télécommunications, qui en plus détenait à l’époque un monopole.
Tout le problème est là : l’État ne doit pas mélanger les genres. Il ne peut pas être juge et partie, arbitre et joueur. C’est non seulement une question de bon sens, mais également un problème de droit. L’ARCEP doit donc faire preuve d’un haut degré d’impartialité et d’indépendance. La directive que nous cherchons à transposer renforce d’ailleurs cette exigence.
En outre, la jurisprudence communautaire est claire. Nous savons donc aujourd’hui ce que la Cour de justice de l’Union européenne entend par le terme « indépendance » appliqué aux autorités de régulation.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission de l’économie propose de dire oui au commissaire du Gouvernement – rien en droit européen ou en droit interne ne s’y oppose –, mais d’encadrer son rôle et ses prérogatives de façon stricte afin que l’État, qui a un certain nombre d’intérêts notamment dans France Télécom, ne mélange pas les genres en portant une double casquette de tutelle et d’arbitre.
Pour conclure, je rappelle que la dernière autorité sectorielle de régulation dite « asymétrique », qui a été créée en décembre 2009 et qui concerne les chemins de fer, n’a pas « bénéficié », si j’ose dire, de la présence d’un commissaire du Gouvernement.
Voilà pourquoi la commission de l’économie propose cette voie, qui lui paraît être celle de la sagesse : un commissaire du Gouvernement, mais avec des pouvoirs encadrés.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Je n’ai pas la passion des autorités administratives indépendantes. Beaucoup ont été créées au cours des trois ou quatre dernières années, et je crois même que leur nombre dépasse aujourd’hui la quarantaine.
Tout cela pour dire que je ne suis pas hostile à leur regroupement. Cette idée avait d’ailleurs été avancée lors de l’examen du texte sur la réforme de l’audiovisuelle avec un éventuel rapprochement du CSA et de l’ARCEP.
En revanche, je suis totalement opposé à la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP au détour de la transposition d’une directive. Introduire une telle disposition dans un texte visant à renforcer l’autonomie du régulateur frise la provocation !
Cette disposition est choquante, car on sait très bien que l’État est actionnaire majoritaire de La Poste et actionnaire principal de France Télécom, qui sont justement des sociétés qui doivent être contrôlées par ce régulateur. On imagine donc fort bien les risques de conflit d’intérêt.
Cette disposition est également inquiétante, puisque, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire sans obtenir non plus de réponse de la part de M. le ministre, on sait très bien que, derrière tout cela, il y a la question de l’attribution des fréquences issues du dividende numérique. L’État veut en effet attribuer ces fréquences en fonction de critères financiers contre la volonté du législateur, qui a privilégié l’aménagement du territoire. Il est notoire qu’il existe un désaccord entre l’État et l’ARCEP sur ce point, et l’État essaie, de cette manière, de contourner cette autorité.
On sait très bien aussi que la proposition du Gouvernement est contraire au droit européen. À cet égard, nous connaissons tous les remarques formulées à la fois par le commissaire européen et le porte-parole de la Commission ainsi que le risque de procédure d’infraction à la législation européenne encouru par la France.
Je suis d’ailleurs étonné que le Gouvernement ne s’en émeuve pas, alors qu’il s’est empressé d’agir quand il a fallu augmenter la TVA sur les offres triple play, prétendument à la demande de l’Europe. Il est vrai qu’une telle mesure devait apporter 1,1 milliard d’euros supplémentaire dans les caisses de l’État…
M. le rapporteur pour avis, avec beaucoup de compétence et de talent, comme à son habitude, a tenté de trouver un point d’équilibre en commission. Je tiens vraiment à rendre hommage à son travail. Néanmoins, on voit bien que cela ne suffit pas au Gouvernement, qui veut faire table rase du travail de la commission et revenir à son texte initial.
Dans ces conditions, il est préférable de supprimer purement et simplement ce commissaire du Gouvernement, car on voit bien que le Gouvernement a une telle volonté de reprise en main que même le dispositif équilibré proposé avec beaucoup de sagesse par M. le rapporteur pour avis ne lui donne pas satisfaction.
Les cinq amendements de suppression de l’article 13, déposés aussi bien par le groupe centriste, le groupe socialiste, le groupe CRC-SPG, le groupe RDSE que par plusieurs de nos collègues UMP, montrent bien que ce commissaire du Gouvernement fait l’unanimité contre lui.
Il faut dire que la manière dont on veut nous l’imposer crée un malaise. C’est donc aussi une question de méthode. Si les choses avaient été présentées différemment, nous n’en serions peut-être pas là.
Lorsque le président du Sénat déclare dans un entretien qu’il préfère encore nommer des politiques au sein des autorités administratives indépendantes plutôt que des commissaires du Gouvernement, il se fait l’écho du malaise que nous ressentons tous dans cette assemblée.
Je rappelle que le Sénat est particulièrement attaché aux libertés individuelles. Or on sent bien ici qu’il y a une volonté de reprise en main de la part de l’État, ce que nous ne pouvons accepter.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article a fait beaucoup de bruit médiatique et a suscité de nombreux débats. Pour notre part, nous pensons qu’il est symptomatique des contradictions du Gouvernement.
En effet, alors que le Gouvernement ne cesse de prôner la nécessité de garantir une saine émulation entre les différents opérateurs et le recul de l’intervention publique dans le secteur économique par la création d’autorités dites « indépendantes », il est étonnant de constater de sa part cette tentative d’ingérence au sein de l’ARCEP, volonté que traduisent également les amendements qu’il a déposés sur cet article.
D’ailleurs, Mme de La Raudière, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, s’est offusquée du terme « commissaire du Gouvernement », trouvant qu’il sonnait trop « communiste » ! (Sourires.) C’est dire la nocivité de cette disposition et, soit dit en passant, le niveau élevé du débat…
Tout le monde est vent debout contre cette nomination, notamment Mme Neelie Kroes, commissaire européenne chargée de la stratégie numérique, qui vous a adressé un courrier, monsieur le ministre, dans lequel elle vous a fait part de ses « inquiétudes au sujet de l’impact potentiel d’une telle mesure sur l’indépendance et l’impartialité du régulateur ». Elle est d’autant plus inquiète que l’État est actionnaire majoritaire de l’opérateur historique, même s’il n’en détient que 27 %.
La commissaire européenne menace même de lancer une procédure d’infraction. La Commission a elle aussi menacé la France hier d’une procédure d’infraction et demande le report du vote de cet article.
Pour notre part, nous sommes satisfaits que le Gouvernement reconnaisse pour une fois la nécessité de l’intervention gouvernementale dans un secteur clef du développement économique ! Mais, pour être honnêtes, nous ne sommes qu’à moitié surpris par cette volonté d’ingérence, compte tenu du désaccord qui est né entre le Gouvernement et l’ARCEP sur l’attribution d’une quatrième licence mobile de troisième génération.
Les enjeux sont considérables puisqu’il s’agit de la mise aux enchères des licences pour la 4G. Il est donc normal que le Gouvernement veuille reprendre la main.
Si nous reconnaissons que le travail de M. Retailleau a permis de rendre cet article plus acceptable pour la Commission européenne, nous estimons que, en l’état, cet article continue de poser problème par rapport à la législation européenne, a fortiori si l’amendement du Gouvernement était voté.
Nous vous invitons donc à aller au bout de cette démarche, monsieur le ministre, et à vous interroger : comment garantir la prise en compte de l’intérêt général par une autorité indépendante dont l’unique mission est d’assurer la concurrence du marché et de faire de la place aux nouveaux opérateurs en laminant l’opérateur historique ? Comment, dans ces termes, penser le service public et l’accès de tous aux nouvelles technologies ?
Nous souhaitons que l’État régalien, mais également l’État actionnaire, prenne toutes ses responsabilités au nom de l’intérêt général. Cela signifie très concrètement que nous souhaitons la suppression de ces autorités prétendument indépendantes, lesquelles sont en réalité au service des intérêts économiques privés.
Pour cette raison, nous ne pouvons que nous prononcer contre l’article 13 et la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP.
En conclusion, permettez-nous d’insister sur notre étonnement de voir le Gouvernement redécouvrir ici les vertus de la régulation politique dans le secteur économique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Leroy, Le Grand et Cléach.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Teston et Raoul, Mme Herviaux, MM. Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mme Khiari, MM. Lise, Madec et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoult, Repentin, Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 40 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Bockel, de Montesquiou, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 44 rectifié est présenté par M. Maurey, Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 2 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.
M. Michel Teston. Au cours de mon intervention dans la discussion générale, j’ai longuement abordé les problèmes que pose le commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP dont le Gouvernement projette la création. Je ne reviendrai pas sur ces divers éléments, les orateurs qui viennent de s’exprimer sur l’article les ayant excellemment rappelés. Je me contenterai de réagir aux arguments invoqués par le Gouvernement.
Si j’ai bien compris, le Gouvernement justifie cette création par le fait que l’imbrication des pouvoirs réglementaires de l’ARCEP et du Gouvernement nécessiterait un dialogue très étroit entre eux. Il s’appuie aussi sur l’existence de rapports sur le fonctionnement des autorités administratives indépendantes. Il avance que « toutes les autorités administratives indépendantes disposant d’un pouvoir réglementaire comme celui de l’ARCEP ont un commissaire du Gouvernement ». Il propose donc de retenir le même dispositif que pour la Commission de régulation de l’énergie, la CRE.
Cette argumentation appelle, de notre part, plusieurs remarques.
Le modèle de la Commission de régulation de l’énergie est remis en cause par les directives européennes, tout comme celui qui est envisagé pour l’ARCEP, ainsi que le révèle la lettre que Mme Kroes a récemment adressée à M. Besson. Il est en outre difficile de comparer les situations : le commissaire du Gouvernement a été mis en place voilà dix ans au sein de la Commission de régulation de l’énergie, tandis que, en quatorze ans, les gouvernements successifs n’ont jamais jugé opportun de faire de même pour l’ARCEP.
À mon sens, ni l’État ni une autorité administrative dite « indépendante » n’ont intérêt à la confusion des rôles. Il ne doit pas y avoir de confusion entre les intérêts de l’État régulateur et ceux de l’État tuteur ou actionnaire. La crédibilité tant du Gouvernement que de l’autorité administrative indépendante suppose que ces deux missions essentielles de l’État restent distinctes.
Telles sont les raisons pour lesquelles il nous paraît nécessaire de supprimer l’article 13.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Jean Desessard. Cela a été rappelé en début de séance : la méthode employée pour ce projet de loi laisse à désirer. Quant à la tactique de M. le ministre sur l’article 13, elle pose encore plus question. En ayant introduit cette disposition controversée par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le Gouvernement échappe à l’avis du Conseil d’État. Comme s’il craignait de se faire taper sur les doigts !
Mais, si le Conseil d’État n’a pas eu la parole, la Commission européenne, elle, a émis de sérieuses réserves. Neelie Kroes, commissaire chargée de la stratégie numérique, a demandé que la décision de créer un poste de commissaire du Gouvernement auprès de l’autorité administrative indépendante de régulation ne soit pas prise dans l’urgence. Une telle décision doit en effet être mûrement réfléchie.
Pourquoi le Gouvernement veut-il davantage peser dans les prochains dossiers de l’ARCEP ? Cette autorité est déjà composée d’un collège de sept membres : trois d’entre eux sont désignés par le Président de la République, les autres le sont par les présidents des deux assemblées. Rien n’empêche ces derniers – tel est d’ailleurs le souhait du président du Sénat – de nommer des politiques au sein de ce collège. Cela ne nuit pas à l’indépendance de l’ARCEP.
En revanche, si un commissaire du Gouvernement était nommé, cela changerait la donne. On connaît le bras de fer qui a opposé le Président de la République à l’ARCEP lors de la désignation du quatrième opérateur de téléphonie mobile. Il y a fort à parier que, si le Gouvernement avait disposé d’un relais au sein de l’ARCEP, les décisions prises auraient été plus arrangeantes pour les amis du pouvoir !
De plus, le collège de l’ARCEP ne serait plus totalement maître de son agenda. D’ailleurs, ce point est en contradiction manifeste avec les directives européennes, qui prévoient que les autorités de régulation nationales agissent en toute indépendance et ne sollicitent ni n’acceptent d’instruction d’aucun autre organe.
Les garanties qu’a introduites M. le rapporteur pour avis dans le texte de la commission me semblent légères. J’imagine mal le commissaire du Gouvernement sortir de la salle de réunion selon la nature des délibérations et le degré de secret des informations !
Outre la question de l’agenda de l’ARCEP, se pose également celle des conflits d’intérêt. L’État est actionnaire de France Télécom et de La Poste. À terme, cela sera source d’ambiguïtés.
Prenons garde à la confusion des rôles et des intérêts de l’État régulateur et de ceux de l’État tuteur ou actionnaire. Ces deux missions doivent demeurer séparées, sauf à porter atteinte à la crédibilité du régulateur comme à celle du Gouvernement.
Mes chers collègues, afin que nous nous conformions à la législation européenne, je vous invite à vous opposer à la création d’un poste de commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, symbole de l’ingérence dans une autorité qui se doit d’être indépendante.
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour présenter l'amendement n° 40 rectifié.
M. Daniel Marsin. Nous partageons tout à fait les réserves que viennent d’exprimer nos collègues. La présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP est loin d’être une transposition fidèle de la directive, qui réaffirme au contraire l’indépendance des régulateurs nationaux.
Telle est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 13.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 44 rectifié.
M. Yves Détraigne. Premièrement, pourquoi vouloir introduire aujourd'hui un commissaire du Gouvernement alors que l’ARCEP existe sous différentes appellations depuis plus de dix ans et que son fonctionnement a, me semble-t-il, donné satisfaction sans un tel commissaire ?
Deuxièmement, la présence d’un commissaire du Gouvernement lors des débats du collège et sa capacité d’influence sur l’ordre du jour des réunions de ce collège vont à l’encontre du considérant n° 13 de la directive, qui précise que « le régulateur doit être à l’abri de toute intervention extérieure ou pression politique susceptible de compromettre son impartialité dans l’appréciation des questions qui lui sont soumises ».
Troisièmement, il me semble que, si cet article était adopté, nous créerions, malheureusement, un dangereux précédent. Notre pays compte une quarantaine d’autorités administratives indépendantes. Ne mettons pas le doigt dans cet engrenage funeste !
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. L’article 13, tel qu’il a été adopté par la commission, prévoit que le commissaire du Gouvernement sort au moment de la délibération. (M. Jean Desessard rit.) C’est très simple ! Il prévoit ensuite que le commissaire du Gouvernement peut proposer l’inscription d’une question à l’ordre du jour, mais qu’il ne peut pas l’imposer. Il prévoit enfin que le commissaire du Gouvernement n’a pas accès aux pièces qui sont couvertes par la confidentialité, notamment le secret des affaires, ou aux pièces qui pourraient avoir trait au contentieux.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. Monsieur Maurey, vous n’avez pas la passion des autorités administratives indépendantes, avez-vous dit. Heureusement ! On imagine ce qu’aurait été sinon le reste de votre propos ! (M. Hervé Maurey sourit.)
J’avoue qu’en entendant MM. Guy Fischer, Michel Teston et Jean Desessard s’inquiéter du froncement de sourcils de la Commission européenne et s’appuyer avec force, pour bâtir leur argumentaire, sur la commissaire européenne, qui est probablement considérée – cela n’est pas péjoratif de ma part, elle-même se revendique comme telle – comme étant la plus libérale au sein de la Commission européenne, j’ai savouré le moment… Chacun appréciera comme il l’entend.
Il y a juste une chose que je ne peux pas laisser dire. Vous avez évoqué, monsieur Fischer, un désaccord entre le Gouvernement et l’ARCEP sur la quatrième licence de téléphonie mobile. Un certain nombre d’entre vous ont même prétendu que l’attribution de la quatrième licence avait été imposée par l’ARCEP.
Voilà une méconnaissance assez surprenante des modalités d’intervention des pouvoirs publics ! C’est bien évidemment le Gouvernement qui, après un débat en son sein, a pris une telle décision. L’ARCEP n’a fait que mettre en œuvre les choix gouvernementaux.
Il n’y a donc aucune contradiction. L’ARCEP est totalement indépendante, et elle le restera. D’ailleurs, et cela pourrait être une source de réflexions pour les parlementaires, cela faisait plus d’un mois que je n’avais pas dit un mot sur l’ARCEP !
Mais il est tout de même surprenant qu’une autorité indépendante mène une campagne acharnée, soit directement, soit par l’entremise de ses salariés, auprès des parlementaires, de la presse et de la Commission européenne. Vous devriez y réfléchir, vous qui êtes si sourcilleux sur les prérogatives respectives des uns et des autres !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais qu’un scrutin public a été demandé sur les amendements tendant à supprimer l’article 13 ; ayant pris bonne note des positions des uns et des autres, je crois pouvoir en deviner l’issue. C’est donc pour le Journal officiel que je vais m’exprimer, car je tiens à prendre date. À mon sens, en effet, le vote qui va intervenir aura plus d’importance politique que certains ne le croient.
Premièrement, en proposant la création d’une fonction de commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, le Gouvernement ne fait qu’appliquer ce que le Parlement n’a de cesse de réclamer.
Dans le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes, votre collègue Patrice Gélard proposait « d’assurer la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ensemble des autorités administratives indépendantes dotées d’un pouvoir réglementaire ».
On trouve la même idée dans le rapport remis, au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les autorités administratives indépendantes, au mois d’octobre 2010 par les députés René Dosière et Christian Vanneste.
Madame Catherine Morin-Desailly, vous avez affirmé que ce rapport n’impliquait aucune urgence ; pour ma part, j’ignore ce que signifie la notion d’« urgence » s’agissant d’un rapport parlementaire « transpartisan » et dans lequel un certain nombre de demandes sont adressées au Gouvernement.
En l’occurrence, les auteurs de ce rapport ont, eux aussi, prôné la « présence d’un commissaire du Gouvernement » auprès de chaque autorité administrative indépendante pour assurer « la cohérence de l’action publique ».
Deuxièmement, en proposant la création d’une fonction de commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, le Gouvernement ne fait que mettre en œuvre une recommandation du Conseil d’État.
Selon Jean Desessard, je devrais m’inquiéter de l’avis du Conseil d'État.
M. Jean Desessard. Oui !
M. Éric Besson, ministre. Or la position du Conseil d'État est constante.
Dans son rapport public de 2001, consacré aux autorités administratives indépendantes, le Conseil d’État présentait les conclusions suivantes :
« Si les autorités administratives indépendantes méritent d’exercer leur mission en toute liberté, en particulier lorsque des décisions individuelles sont en cause, l’unité de l’État et la cohérence de l’action publique doivent en effet être préservées.
« Cela passe notamment par une présence mieux organisée du Gouvernement auprès de certaines autorités administratives indépendantes. […]
« À mesure que le nombre d’autorités administratives indépendantes s’accroît, il est, en effet, essentiel que le Gouvernement ait la possibilité de faire valoir, au-delà des approches sectorielles, les orientations générales de l’action publique. »
Car c’est bien le Gouvernement qui répond juridiquement et politiquement de l’action de l’État, y compris devant le Parlement, mesdames, messieurs les sénateurs !
Troisièmement, en proposant la création d’une fonction de commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, le Gouvernement est parfaitement respectueux du droit européen.
L’unique fonction du commissaire du Gouvernement est de présenter aux membres de l’autorité les orientations de la politique du Gouvernement dans le secteur et de leur faire part, le cas échéant, de ses préoccupations et interrogations.
Le commissaire du Gouvernement ne dispose d’aucune prérogative lui permettant de contraindre en quoi que ce soit l’autorité ou ses membres. Il ne peut leur donner aucune instruction. Il ne participe pas aux délibérations. Il se retire lorsque le collège délibère. Il n’est pas issu du service chargé des participations de l’État. Il respecte l’exigence de « séparation structurelle effective » requise par le droit européen.
Une telle proposition est donc parfaitement conforme aux directives européennes, aux termes desquelles les États membres « veillent à ce que les Autorités nationales de régulation exercent leurs pouvoirs de manière proportionnée, impartiale et transparente ».
J’ai donc répondu très longuement. J’ai fait parvenir à chacune et à chacun d’entre vous la lettre que j’ai adressée à Mme Neelie Kroes.
Je vous indique simplement que le Parlement français n’est pas obligé d’obtempérer instantanément à toute injonction et de se laisser dicter son calendrier et ses méthodes ! Je respecte la Commission européenne, qui est gardienne des traités, mais elle n’a pas à influer sur l’ordre du jour de vos délibérations. Là aussi, je vous suggère d’y réfléchir plus avant.
Quatrièmement, la plupart des autorités administratives indépendantes dotées d’un pouvoir réglementaire dans la sphère économique sont d’ores et déjà dotées d’un commissaire du Gouvernement sans que leur indépendance et leur impartialité soient contestées.
Ainsi, la Commission de régulation de l’énergie, l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de contrôle prudentiel et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui toutes exercent dans des secteurs d’activité où l’État peut être actionnaire, partenaire ou acteur lui-même, sont toutes dotées d’un commissaire du Gouvernement, et nul ne conteste leur indépendance ou leur impartialité !
Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que vous vous apprêtez à supprimer l’article 13, avez-vous pour nouvelle doctrine de supprimer également les commissaires du Gouvernement dans toutes les autorités indépendantes chargées d’une compétence économique que je viens d’évoquer ?
D’ailleurs, j’ai noté que Michel Teston n’en était pas loin. Citant de nouveau Mme Neelie Kroes, il a suggéré que la suppression du commissaire du Gouvernement pourrait également concerner la Commission de régulation de l’énergie. Comme je ne suis pas certain d’avoir bien compris sa position, j’aimerais qu’il nous apporte quelques précisions…
Cinquièmement, la loi donne au Gouvernement et à l’ARCEP des pouvoirs réglementaires qui sont de plus en plus imbriqués et qui rendent indispensable un tel dialogue renforcé et quotidien. Je vous donnerai trois exemples, concernant respectivement les fréquences, le déploiement du très haut débit fixe et la protection du consommateur.
D’abord, l’ARCEP propose les conditions d’attribution des fréquences, tandis que le ministre chargé des communications électroniques les fixe par voie d’arrêté.
Ensuite, l’ARCEP définit les conditions techniques et tarifaires pour les déploiements de la fibre optique dans les immeubles anciens, tandis que le ministre chargé des communications électroniques fixe les obligations dans les immeubles neufs. Dans ces conditions, comment pourrions-nous ne pas communiquer et échanger quotidiennement, ce qui est l’objet de la présence d’un commissaire du Gouvernement ?
Enfin, l’ARCEP vient de publier trente mesures relatives à protection du consommateur dont la mise en œuvre relève en grande partie de la loi ou du pouvoir réglementaire du Gouvernement, par exemple les conditions de résiliation des abonnements ou le déverrouillage des téléphones mobiles.
La présence d’un commissaire du Gouvernement est un gage de transparence. Elle permet aux membres du collège de bénéficier d’un avis complémentaire, outre celui des services, qu’il est libre de suivre ou non.
Vous rendez-vous compte de ce que vous voulez empêcher ?
L’objet du dispositif prévu à l’article 13 est simple. Nous voulons que les membres du collège puissent simplement entendre l’avis du Gouvernement ou des fonctionnaires de Bercy ; ensuite, le commissaire du Gouvernement se retire et les membres du collège délibèrent seuls.
Êtes-vous si gênés que le Gouvernement puisse exprimer sa vision sur des sujets auxquels vous êtes tous attachés ? Pourquoi voulez-vous priver le collège de l’ARCEP de la possibilité d’entendre la position du Gouvernement ? Pensez-vous vraiment que l’expression d’opinions différentes remette en cause l’indépendance des décisions ?
Au nom de quel principe l’opinion du Gouvernement, qui assume le moment venu la responsabilité politique des décisions prises – dois-je vous rappeler que l’ARCEP n’aura de compte à rendre ni aux électeurs ni au Parlement ? –, ne devrait-elle pas être présentée aux membres du collège ?
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’exprime avec passion, car il est des procès d’intention que je trouve particulièrement injustes !
D’ailleurs, je suis extrêmement surpris devant certaines positions. Vous savez tous combien les marges de manœuvre de l’exécutif et du législatif sont, compte tenu des règles européennes, de la globalisation et du poids des autorités indépendantes, réduites. Je ne vois pas pourquoi vous voulez aggraver le phénomène en supprimant la possibilité pour le Gouvernement de donner simplement son point de vue, le commissaire du Gouvernement se retirant avant le début des délibérations !
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. M. le ministre nous a indiqué avec beaucoup de fougue que le Parlement n’avait pas à obéir aux injonctions de la Commission européenne.
Dois-je lui rappeler que nous sommes dans un régime de séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, et que le Parlement n’a pas non plus à obéir aux injonctions du Gouvernement ?
M. Michel Teston. Par ailleurs, j’ai trouvé assez amusant que M. le ministre reproche en quelque sorte au groupe socialiste de se laisser aller au libéralisme. De tels propos me semblent particulièrement intéressants dans sa bouche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le ministre est habile. Il trouve « savoureux » que les parlementaires de gauche ne souhaitent pas renforcer la présence de l’État au sein de l’ARCEP, ce qui peut sembler effectivement contradictoire.
Mais, monsieur le ministre, nous avons constaté que votre gouvernement avait abandonné l’idée de service public, prônant les privatisations et la mise en concurrence au sein de l’Union européenne.
Par conséquent, nous sommes méfiants quand vous prétendez vouloir instituer un commissaire du Gouvernement pour « assurer la mission de service public », mission que vous avez précisément abandonnée ! Pour notre part, nous pensons que votre objectif est en réalité de favoriser les intérêts d’entreprises proches du Gouvernement ou de l’Élysée !
Vous nous accusez de vous faire un procès d’intention ? Montrez-nous donc qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt ! Car, aujourd'hui, on constate, au fil des scandales, de multiples conflits d’intérêt au niveau de l’État et des grandes entreprises. Nous voulons que ce ne soit plus le cas !
Mais faisons un peu d’anticipation, monsieur le ministre, puisque vous nous y invitez.
L’État est actionnaire de La Poste. S’il est présent au sein de l’ARCEP, les autres opérateurs estimeront être défavorisés par rapport à La Poste, ce qui entraînera des contentieux.
Lors de la privatisation du service public de la poste, des engagements avaient tout de même été pris en faveur du maintien de certaines missions, notamment en matière d’aménagement du territoire.
Mais les plaintes des autres opérateurs amèneront l’Union européenne à intervenir et à constater que l’État, représenté au sein de l’ARCEP et actionnaire de La Poste, est à la fois juge et partie. L’Europe imposera alors une clarification et obligera le Gouvernement à choisir. Si l’État décide de rester au sein de l’ARCEP, il devra abandonner ses responsabilités à l’égard de La Poste, ce qui conduira à l’abandon des missions dont le maintien avait été promis lors de la privatisation. Et tout cela pourrait se produire d’ici à deux ou trois ans seulement !
Il faut donc choisir dès maintenant ! Nous aurions préféré que des missions de service public demeurent. Toutefois, nous avons compris que cela n’était plus possible. Nous affirmons que si vous installez un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, La Poste deviendra forcément une entreprise comme les autres. L’État devra par conséquent, à terme, se défaire de ses participations et la privatiser totalement.
Voilà ce que nous craignons, du fait de cette contradiction, pour les deux ou trois ans à venir.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je souhaite répondre à M. le ministre.
Premièrement, les rapports que cite le ministre sont tous, par définition, antérieurs à la transposition de la directive qui nous réunit ce soir et qui a pour objet précisément de renforcer l’autonomie du régulateur. Ces rapports valaient donc dans un contexte aujourd’hui dépassé. Cela est particulièrement vrai pour le rapport du Conseil d’État, qui date de 2001, c’est-à-dire avant même l’adoption du premier « paquet télécoms ».
Deuxièmement, monsieur le ministre, parmi les autorités que vous avez citées et qui sont pourvues de régulateur, aucune, à part la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, ne dispose d’un pouvoir réglementaire asymétrique. Nous savons bien que la CRE n’a pas de régulateur depuis deux ans, et son fonctionnement n’en est pas affecté.
Troisièmement, s’agissant de la généralisation du commissaire du Gouvernement auprès de toutes les autorités, pourquoi ne pas réfléchir à une réorganisation, à une réforme, à des regroupements, voire à des remises en cause de ces autorités administratives ? Pourquoi se jeter soudainement sur l’ARCEP, qui n’est certainement pas l’autorité administrative indépendante qui fait le plus mal son travail ? Pourquoi ce « coup de force », cette volonté d’imposer un commissaire du Gouvernement ?
Quatrièmement, vous avez dit que nous n’étions pas obligés d’obtempérer à chaque fois que l’Europe nous le demandait. Je suis bien d’accord avec vous, raison pour laquelle je n’ai toujours pas compris pourquoi il était si urgent d’augmenter la TVA sur l’offre triple play dès réception du premier courrier de la Commission…
Enfin, vous nous avez expliqué que le commissaire du Gouvernement permettrait un dialogue entre l’ARCEP et l’État. Est-ce à dire que, depuis quatorze ans, l’État ne dialogue pas avec le régulateur ? Ce serait particulièrement inquiétant.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l’économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. C’est en effet au nom de la commission de l’économie - je remplace ce soir le président Emorine -, que j’invite les uns et les autres à faire preuve d’un minimum de réalisme.
L’amendement de Bruno Retailleau a été adopté par notre commission au motif qu’il permettait d’assouplir le dispositif de l’article 13, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Il nous apparaissait en effet, après avoir entendu les uns et les autres – y compris le président de l’ARCEP –, que le partage du pouvoir réglementaire pouvait se faire, sans inconvénient majeur, entre le président de l’ARCEP et le commissaire du Gouvernement.
Il me semble donc plus raisonnable, mes chers collègues, de confirmer en séance le vote que nous avons émis en commission sur l’article 13 et donc de rejeter l’amendement du Gouvernement, pour parvenir sur cet article à un compromis avec l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission mixte paritaire. La rédaction votée par le Sénat pourrait ainsi être consacrée dans la loi en lieu et place de celle de l’Assemblée nationale, puisqu’il y a concurrence entre les deux.
Pour clore un débat qui nous occupe depuis près d’une heure, mes chers collègues, je précise que, si nous adoptons les amendements identiques de suppression et supprimons le texte de la commission, nous n’aurons plus de marge de négociation pour la commission mixte paritaire et l’Assemblée nationale maintiendra son dispositif, à savoir la création d’un commissaire du Gouvernement sans l’encadrement strict que nous avons prévu.
Je vous invite donc à repousser tant les amendements de suppression que l’amendement du Gouvernement et à respecter le vote de la commission. Cela peut, à l’avenir, nous être très utile.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié, 19, 40 rectifié et 44 rectifié tendant à supprimer l’article 13.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 159 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 13 est supprimé.
L'amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, était ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut faire inscrire à l'ordre du jour de la commission toute question intéressant la politique en matière postale ou de communications électroniques ou entrant dans les compétences de l'autorité. L'examen de cette question ne peut être refusé. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
Article 13 bis (nouveau)
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet au Gouvernement et au Parlement, au plus tard un an suivant la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur :
– les instruments et les procédures de suivi de la qualité de service de l’accès à l’internet,
– la situation des marchés de l’interconnexion de données et leurs perspectives d’évolution,
– les pratiques de gestion de trafic mises en œuvre par les opérateurs de communications électroniques. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 13 bis
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mmes Escoffier et Morin-Desailly et M. Cointat, est ainsi libellé :
Après l'article 13 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l'article 2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Tout numéro identifiant le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne est visé par le présent alinéa. » ;
2° Le 1° du I de l'article 13 est complété par les mots : «, de manière à assurer une représentation pluraliste » ;
3° Le dernier alinéa du I de l'article 23 est ainsi rédigé :
« Le demandeur peut mettre en œuvre le traitement dès réception de la preuve du dépôt de la déclaration ; il n'est exonéré d'aucune de ses responsabilités. » ;
4° L'article 70 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « délivre le récépissé avec mention » sont remplacés par les mots : « informe le demandeur » ;
b) À la deuxième phrase du second alinéa, les mots : « délivre le récépissé et » sont supprimés ;
5° Après le chapitre IV, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« Chapitre IV bis
« Le correspondant "informatique et libertés"
« Art. 31-1. - Lorsqu'une autorité publique ou un organisme privé recourt à un traitement de données à caractère personnel qui relève du régime d'autorisation en application des articles 25, 26 ou 27 ou pour lequel plus de cent personnes y ont directement accès ou sont chargées de sa mise en œuvre, ladite autorité ou ledit organisme désigne, en son sein ou dans un cadre mutualisé, un correspondant "informatique et libertés". Toute autorité publique ou organisme privé qui ne remplit pas les conditions précédentes peut toutefois désigner un tel correspondant, y compris dans un cadre mutualisé.
« Le correspondant est chargé d'assurer, d'une manière indépendante, le respect des obligations prévues dans la présente loi et d'informer et de conseiller l'ensemble des personnes travaillant pour le compte de l'autorité ou de l'organisme sur l'ensemble des questions de protection des données à caractère personnel.
« Le correspondant bénéficie des qualifications requises pour exercer ces missions. Il tient une liste des traitements effectués, régulièrement mise à jour et immédiatement accessible à toute personne en faisant la demande. Il ne peut faire l'objet d'aucune sanction de la part de l'employeur du fait de l'accomplissement de ses missions. Il saisit la Commission nationale de l'informatique et des libertés des difficultés qu'il rencontre dans l'exercice de ses missions. Il établit un rapport annuel d'activité et le transmet à la commission.
« La désignation du correspondant est notifiée à la commission qui peut la refuser s'il ne remplit pas les conditions de compétence visées aux deux alinéas précédents. Cette désignation est portée à la connaissance des instances représentatives du personnel.
« En cas de non-respect des dispositions de la loi, le responsable du traitement est enjoint par la Commission nationale de l'informatique et des libertés de procéder aux formalités prévues aux articles 23 et 24. En cas de manquement constaté à ses devoirs, le correspondant est déchargé de ses fonctions sur demande, ou après consultation, de la commission. »
6° Le III de l'article 22 est ainsi rédigé :
« III. - Les traitements pour lesquels le responsable a désigné un correspondant "informatique et libertés", dont le statut et les missions sont définis à l'article 31-1, sont dispensés des formalités prévues aux articles 23 et 24, sauf lorsqu'un transfert de données à caractère personnel à destination d'un État non membre de l'Union européenne est envisagé. » ;
7° L'article 26 est ainsi rédigé :
« Art. 26. - I. - Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sûreté de l'État ou la défense.
« II. - Sans préjudice des dispositions de l'article 6, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État et qui intéressent la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ne peuvent être autorisés qu'à la condition de répondre à une ou plusieurs des finalités suivantes :
« 1° Permettre aux services de police judiciaire d'opérer des rapprochements entre des infractions susceptibles d'être liées entre elles, à partir des caractéristiques de ces infractions, afin de faciliter l'identification de leurs auteurs ;
« 2° Faciliter par l'utilisation d'éléments biométriques ou biologiques se rapportant aux personnes, d'une part, la recherche et l'identification des auteurs de crimes et de délits, d'autre part, la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires dont l'autorité judiciaire est saisie ;
« 3° Répertorier les personnes et les objets signalés par les services habilités à alimenter le traitement, dans le cadre de leurs missions de police administrative ou judiciaire, afin de faciliter les recherches des services enquêteurs et de porter à la connaissance des services intéressés la conduite à tenir s'ils se trouvent en présence de la personne ou de l'objet ;
« 4° Faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs ;
« 5° Faciliter la diffusion et le partage des informations détenues par différents services de police judiciaire, sur les enquêtes en cours ou les individus qui en font l'objet, en vue d'une meilleure coordination de leurs investigations ;
« 6° Centraliser les informations destinées à informer le Gouvernement et le représentant de l'État afin de prévenir les atteintes à la sécurité publique ;
« 7° Procéder à des enquêtes administratives liées à la sécurité publique ;
« 8° Faciliter la gestion administrative ou opérationnelle des services de police et de gendarmerie ainsi que des services chargés de l'exécution des décisions des juridictions pénales en leur permettant de consigner les événements intervenus, de suivre l'activité des services et de leurs agents, de suivre les relations avec les usagers du service, d'assurer une meilleure allocation des moyens aux missions et d'évaluer les résultats obtenus ;
« 9° Organiser le contrôle de l'accès à certains lieux nécessitant une surveillance particulière ;
« 10° Recenser et gérer les données relatives aux personnes ou aux biens faisant l'objet d'une même catégorie de décision administrative ou judiciaire ;
« 11° Faciliter l'accomplissement des tâches liées à la rédaction, à la gestion et à la conservation des procédures administratives et judiciaires et assurer l'alimentation automatique de certains fichiers de police ;
« 12° Recevoir, établir, conserver et transmettre les actes, données et informations nécessaires à l'exercice des attributions du ministère public et des juridictions pénales, et à l'exécution de leurs décisions.
« III. - Les traitements mentionnés au II sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Ceux des traitements mentionnés aux I ou II qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 8 sont autorisés par décret en Conseil d'État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés est publié avec l'arrêté ou le décret autorisant le traitement.
« IV. - Dans les traitements mentionnés au 6° du II du présent article, la durée de conservation des données concernant les mineurs est inférieure à celle applicable aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l'intérêt du mineur. Cette durée est modulée afin de tenir compte de la situation particulière des mineurs et, le cas échéant, en fonction de la nature et de la gravité des atteintes à la sécurité publique commises par eux.
« V. - Certains traitements mentionnés au I peuvent être dispensés, par décret en Conseil d'État, de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise. Pour ces traitements, est publié, en même temps que le décret autorisant la dispense de publication de l'acte, le sens de l'avis émis par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Les actes réglementaires qui autorisent ces traitements sont portés à la connaissance de la délégation parlementaire au renseignement et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« VI. - Lorsque la mise au point technique d'un traitement mentionné aux I ou II nécessite une exploitation en situation réelle de fonctionnement, un tel traitement peut être autorisé, à titre expérimental, pour une durée maximale de dix-huit mois, par arrêté pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Cet arrêté détermine les finalités, la durée et le champ d'application de l'expérimentation.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités selon lesquelles la commission est informée de l'évolution technique d'un tel projet de traitement et fait part de ses recommandations au seul responsable de ce projet.
« VII. - Pour l'application du présent article, les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la Commission nationale de l'informatique et des libertés un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l'autorisation. »
8° Au IV de l'article 8, la référence : « II » est remplacée par les références : « deuxième alinéa du III » ;
9° Au III de l'article 27, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « VII » ;
10° Au premier alinéa du I de l'article 31, la référence : « III » est remplacée par la référence : « V » ;
11° Au IV de l'article 44, la référence : « III » est remplacée par la référence : « V » ;
12° Aux 1°, 2° et 3° du II de l'article 45, les références : « au I et au II » sont remplacées par les références : « aux I, II et III » ;
13° Au premier alinéa de l'article 49 et au huitième alinéa de l'article 69, les références : « au I ou au II » sont remplacées par les références : « aux I, II ou III » ;
14° Le I de l'article 13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission élit en son sein trois de ses membres, dont deux parmi les membres mentionnés aux 3°, 4° ou 5°. Ils composent une formation spécialisée de la commission chargée d'instruire les demandes d'avis formulées conformément aux I, II, III et VII de l'article 26. Cette formation est également chargée du suivi de la mise en œuvre expérimentale de traitements de données prévue au VI de l'article 26. Elle organise, en accord avec les responsables de traitements, les modalités d'exercice du droit d'accès indirect, défini aux articles 41 et 42. » ;
15° Après le troisième alinéa de l'article 16, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - au VI de l'article 26 ; »
16° L'article 29 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes autorisant la création des traitements de l'article 26 comportent en outre la durée de conservation des données enregistrées, les interconnexions autorisées avec d'autres traitements de données et les modalités de traçabilité des consultations du traitement. » ;
17° Après le 2° du I de l'article 31, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis La durée de conservation des données à caractère personnel ; »
18° Le II de l'article 31 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Outre les cas prévus aux articles 26 et 27, lorsqu'une loi prévoit qu'un décret ou un arrêté est pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, cet avis est publié avec le décret ou l'arrêté correspondant. » ;
19° L'article 32 est ainsi modifié :
a) Les I et II sont remplacés par un I, un I bis et un II ainsi rédigés :
« I. - Dès la collecte de données à caractère personnel, le responsable du traitement ou son représentant :
« - informe, sous une forme spécifique et de manière claire et accessible, la personne concernée, sauf si elle en a déjà été informée au préalable :
« 1° De l'identité et de l'adresse du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;
« 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
« 3° Des critères déterminant la durée de conservation des données à caractère personnel ;
« 4° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
« 5° Des conséquences éventuelles d'un défaut de réponse ;
« 6° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
« 7° Des coordonnées du service auprès duquel les droits d'accès, de rectification et de suppression peuvent s'exercer ;
« 8° S'il dispose d'un service de communication au public en ligne, des modalités d'exercice de ces droits par voie électronique ;
« 9° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un État non membre de l'Union européenne ;
« - met en mesure la personne concernée d'exercer son droit d'opposition, tel que visé au premier alinéa de l'article 38 ;
« - s'assure du consentement de la personne concernée, sauf dans les cas visés à l'article 7.
« I bis. - Si le responsable du traitement dispose d'un service de communication au public en ligne, il l'utilise pour porter à la connaissance du public, dans une rubrique spécifique et permanente ainsi que de manière claire et accessible, toutes les informations visées aux 1° à 9° du I.
« II. - Le responsable du traitement ou son représentant informe, dans une rubrique spécifique et permanente ainsi que de manière claire et accessible, tout utilisateur d'un réseau de communication électronique :
« - de la finalité des actions tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations stockées dans son équipement terminal de connexion, ou à inscrire, par la même voie, des informations dans son équipement ;
« - de la nature des informations stockées ;
« - des personnes ou catégories de personnes habilitées à avoir accès à ces informations ;
« - des moyens dont l'utilisateur dispose pour exprimer ou refuser son consentement.
« Le présent II n'est pas applicable si l'accès aux informations stockées dans l'équipement terminal de l'utilisateur ou l'inscription d'informations dans l'équipement terminal de l'utilisateur :
« - soit, a pour finalité exclusive de permettre la communication par voie électronique ;
« - soit, est strictement nécessaire à la fourniture d'un service de communication au public en ligne à la demande expresse de l'utilisateur. » ;
b) Le premier alinéa du III est ainsi rédigé :
« Lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant fournit à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données. »
20° L'article 34 est ainsi rédigé :
« Art. 34. - Le responsable du traitement met en œuvre toutes mesures adéquates, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour assurer la sécurité des données et en particulier protéger les données à caractère personnel traitées contre toute violation entraînant accidentellement ou de manière illicite la destruction, la perte, l'altération, la divulgation, la diffusion, le stockage, le traitement ou l'accès non autorisés ou illicites.
« En cas de violation du traitement de données à caractère personnel, le responsable de traitement avertit sans délai le correspondant "informatique et libertés" ou, en l'absence de celui-ci, la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le responsable du traitement, avec le concours du correspondant "informatique et libertés", prend immédiatement les mesures nécessaires pour permettre le rétablissement de la protection de l'intégrité et de la confidentialité des données. Le correspondant "informatique et libertés" en informe la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Si la violation a affecté les données à caractère personnel d'une ou de plusieurs personnes physiques, le responsable du traitement en informe également ces personnes, sauf si ce traitement a été autorisé en application de l'article 26. Le contenu, la forme et les modalités de cette information sont déterminés par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Un inventaire des atteintes aux traitements de données à caractère personnel est tenu à jour par le correspondant "informatique et libertés".
« Des décrets, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, peuvent fixer les prescriptions techniques auxquelles doivent se conformer les traitements mentionnés aux 2° et 6° du II de l'article 8. »
21° L'article 38 est ainsi rédigé :
« Art. 38. - Dès la collecte de données à caractère personnel ou, en cas de collecte indirecte, avant toute communication de données à caractère personnel, toute personne physique est mise en mesure de s'opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection.
« Lorsque des données à caractère personnel ont été traitées, toute personne physique justifiant de son identité a le droit, pour des motifs légitimes, d'exiger, sans frais, leur suppression auprès du responsable du traitement.
« Ce droit ne peut être exercé lorsque :
« 1° Le traitement répond à une obligation légale ;
« 2° Le droit de suppression a été écarté par une disposition expresse de l'acte autorisant le traitement ;
« 3° Les données sont nécessaires à la finalité du traitement ;
« 4° Le traitement est nécessaire pour la sauvegarde, la constatation, l'exercice ou la défense d'un droit ;
« 5° Le droit de suppression porte atteinte à une liberté publique garantie par la loi ;
« 6° Les données constituent un fait historique. » ;
22° Le début du premier alinéa du I de l'article 39 est ainsi rédigé :
« Toute personne physique justifiant de son identité a le droit d'interroger le responsable du traitement... (le reste sans changement) » ;
23° Le début du premier alinéa de l'article 40 est ainsi rédigé :
« Toute personne physique justifiant de son identité a le droit de demander au responsable du traitement que soient... (le reste sans changement) » ;
24° Le I de l'article 39 est ainsi modifié :
a) Les 3° et 4° sont remplacés par les 3° à 6° ainsi rédigés :
« 3° La durée de conservation des données à caractère personnel ;
« 4° Le cas échéant, des informations relatives aux transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un État non membre de l'Union européenne ;
« 5° La communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui la concernent ;
« 6° La communication, sous une forme accessible, de toute information disponible quant à l'origine de celles-ci ; »
b) La référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 7° » ;
25° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 46, les mots : «, en cas de mauvaise foi du responsable de traitement, » sont supprimés ;
26° Au deuxième alinéa de l'article 47, le montant : « 150 000 euros » est remplacé par le montant : « 300 000 euros » et le montant : « 300 000 euros » est remplacé, deux fois, par le montant : « 600 000 euros » ;
27° Le chapitre VIII est ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« Dispositions relatives aux actions juridictionnelles
« Section 1
« Dispositions pénales
« Art. 50. - Les infractions aux dispositions de la présente loi sont réprimées par les articles 226-16 à 226-24 du code pénal.
« Art. 51. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait d'entraver l'action de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :
« 1° Soit en s'opposant à l'exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l'article 19 ;
« 2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l'article 19 les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements, ou en les faisant disparaître ;
« 3° Soit en communiquant des informations qui ne sont pas conformes au contenu des enregistrements tel qu'il était au moment où la demande a été formulée ou qui ne présentent pas ce contenu sous une forme directement accessible.
« Art. 52. - I. - La Commission nationale de l'informatique et des libertés informe sans délai le procureur de la République, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale, des infractions dont elle a connaissance.
« II. - Le procureur de la République avise le président de la commission de toutes les poursuites relatives aux infractions visées aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal et, le cas échéant, des suites qui leur sont données. Il l'informe de la date et de l'objet de l'audience de jugement par lettre recommandée adressée au moins dix jours avant cette date.
« Section 2
« Dispositions civiles
« Art. 52-1. - Dans les litiges civils nés de l'application de la présente loi, toute personne peut saisir à son choix, outre l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable.
« Section 3
« Observations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés devant les juridictions civiles, pénales ou administratives
« Art. 52-2. - Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, d'office ou à la demande des parties, inviter la Commission nationale de l'informatique et des libertés à déposer des observations écrites ou à les développer oralement à l'audience.
« La commission peut elle-même déposer des observations écrites devant ces juridictions ou demander à être entendue par elles ; dans ce cas, cette audition est de droit. »
28° Le 2° de l'article 11 est ainsi modifié :
a) Au d, les mots : « et, le cas échéant, des juridictions, » sont supprimés ;
b) Le e est ainsi rédigé :
« e) Elle saisit le procureur de la République et dépose des observations devant les juridictions dans les conditions prévues respectivement aux articles 52 et 52-2. » ;
29° L'article 72 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La présente loi est applicable sur l'ensemble du territoire de la République française. » ;
b) À la fin de la première phrase du second alinéa, les mots : « de ces collectivités » sont remplacés par les mots : « des collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 ou du titre XIII de la Constitution ».
II. - Le deuxième alinéa du III de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont transmis à la délégation les actes réglementaires autorisant des traitements de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l'État et la défense. »
III. - Le III de l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le procureur de la République se prononce sur les suites qu'il convient de donner aux demandes d'effacement ou de rectification dans un délai d'un mois. » ;
2° Après la troisième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données à caractère personnel d'une personne ayant bénéficié d'une décision d'acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée. » ;
3° Sont ajoutés une phrase et un alinéa ainsi rédigés :
« Les autres décisions de classement sans suite font l'objet d'une mention.
« Les décisions d'effacement ou de rectification des informations nominatives prises par le procureur de la République sont transmises aux responsables de tous les traitements automatisés pour lesquels ces décisions ont des conséquences sur la durée de conservation des données à caractère personnel. »
IV. - Après le deuxième alinéa de l'article 395 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si le procureur de la République envisage de faire mention d'éléments concernant le prévenu et figurant dans un traitement automatisé d'informations nominatives prévu par l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ces informations doivent figurer dans le dossier mentionné à l'article 393 du présent code. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. En quelques mots, il s’agit de la reprise pure et simple d’une proposition de loi que nous avons adoptée à l’unanimité au Sénat en mars dernier. Cette proposition de loi était issue du rapport que j’avais élaboré avec ma collègue Anne-Marie Escoffier sur le problème de la protection de la vie privée face au développement des mémoires numériques.
Ce texte est tout à fait important.
Certains ont peut-être d’ailleurs noté que le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, dans un entretien paru dans Les Échos au début de la semaine, a indiqué qu’il regrettait que ce texte ne soit pas encore inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Face à cette situation, je vous propose donc, à l’occasion de l’examen d’un texte dont une partie est relative aux communications électroniques, d’y introduire, au moyen de cet amendement, un texte que nous avons déjà adopté à l’unanimité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je voudrais demander à M. Détraigne de retirer cet amendement, qui a furieusement l’air d’un cavalier législatif. (Sourires.)
L’intention est excellente, mais ce texte prévoit des sanctions pénales, brosse des sujets d’importance – s’agissant de la loi de 1978, notamment –, et il n’est pas sain de l’adopter de cette manière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Détraigne, maintenez-vous votre amendement ?
M. Yves Détraigne. Compte tenu de la complexité de notre dispositif, je comprends la demande du rapporteur pour avis et je vais retirer cet amendement.
Néanmoins, je souhaite réagir à l’avis défavorable qu’a émis M. le ministre.
Je me demande parfois si le Gouvernement n’encourage pas les députés à reporter l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de cette proposition de loi adoptée par le Sénat unanime
Il faut en être bien conscient, aujourd’hui, avec le développement du numérique, compte tenu de la vitesse à laquelle les nouvelles technologies et les nouvelles applications se développent – je pense notamment à la géolocalisation -, il est très important pour notre société, pour notre jeunesse et pour nous tous, que nous réglementions l’utilisation des nouvelles technologies au regard de la protection de la vie privée, qui est essentielle. Il n’y a pas de démocratie sans sauvegarde d’une part de vie privée.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié est retiré.
L'amendement n° 63 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mme Escoffier et M. Cointat, est ainsi libellé :
Après l'article 13 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :
1° Le f du 2° de l'article 11 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des agents de ses services » sont remplacés par les mots : « le secrétaire général » ;
b) Après le mot : « procéder », sont insérés les mots : « ou de faire procéder par les agents de ses services » ;
2° Le g du 2° de l'article 11 est abrogé ;
3° L'article 17 est ainsi rédigé :
« Art. 17. - La formation restreinte prononce les sanctions à l'encontre des responsables de traitement qui ne respectent pas les obligations découlant de la présente loi dans les conditions prévues au chapitre VII.
« Les membres de la formation restreinte ne peuvent participer à l'exercice des attributions de la commission mentionnées aux c, e et f du 2° de l'article 11 et à l'article 44. » ;
4° Le dixième alinéa du I de l'article 13 est ainsi rédigé :
« La formation restreinte de la commission est composée d'un président et de cinq autres membres élus par la commission en son sein. Les membres du bureau ne sont pas éligibles à la formation restreinte. » ;
5° Le dernier alinéa de l'article 16 est supprimé ;
6° Le II de l'article 44 est ainsi rédigé :
« II. - Le responsable de locaux professionnels privés est informé de son droit d'opposition à la visite. Lorsqu'il exerce ce droit, la visite ne peut se dérouler qu'après l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter qui statue dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Toutefois, lorsque l'urgence, la gravité des faits à l'origine du contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents le justifie, la visite peut avoir lieu sans que le responsable des locaux en ait été informé, sur autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Dans ce cas, le responsable des lieux ne peut s'opposer à la visite.
« La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant qui peut se faire assister d'un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l'autorité des personnes chargées de procéder au contrôle.
« L'ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire au seul vu de la minute. Elle mentionne que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi à tout moment d'une demande de suspension ou d'arrêt de cette visite. Elle indique le délai et la voie de recours. Elle peut faire l'objet, suivant les règles prévues par le code de procédure civile, d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. Celui-ci connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite. » ;
7° Le 1° de l'article 51 est complété par les mots : « lorsque la visite a été autorisée par le juge » ;
8° À l'intitulé du chapitre VII, après le mot : « par », sont insérés les mots : « la formation restreinte de » ;
9° Les I et II de l'article 45 sont ainsi rédigés :
« I. - La formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut prononcer, après une procédure contradictoire, un avertissement à l'égard du responsable d'un traitement qui ne respecte pas les obligations découlant de la présente loi. Cet avertissement a le caractère d'une sanction.
« Le président de la commission peut également mettre en demeure ce responsable de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu'il fixe. En cas d'urgence, ce délai peut être ramené à cinq jours.
« Si le responsable du traitement se conforme à la mise en demeure qui lui est adressée, le président de la commission prononce la clôture de la procédure.
« Dans le cas contraire, la formation restreinte peut prononcer à son encontre, après une procédure contradictoire, les sanctions suivantes :
« 1° Une sanction pécuniaire, dans les conditions prévues par l'article 47, à l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État ;
« 2° Une injonction de cesser le traitement, lorsque celui-ci relève des dispositions de l'article 22, ou un retrait de l'autorisation accordée en application de l'article 25.
« II. - Lorsque la mise en œuvre d'un traitement ou l'exploitation des données traitées entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l'article 1er, une procédure d'urgence, définie par décret en Conseil d'État, peut être engagée par la formation restreinte pour prononcer un avertissement visé au premier alinéa du I, après une procédure contradictoire.
« Dans les mêmes hypothèses, la formation restreinte peut, après une procédure contradictoire, recourir à cette procédure d'urgence pour :
« 1° Décider l'interruption de la mise en œuvre du traitement, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n'est pas au nombre de ceux qui sont mentionnés aux I et II de l'article 26 ou de ceux mentionnés à l'article 27 mis en œuvre par l'État ;
« 2° Décider le verrouillage de certaines des données à caractère personnel traitées, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n'est pas au nombre de ceux qui sont mentionnés aux I et II de l'article 26 ;
« 3° Informer le Premier ministre pour qu'il prenne, le cas échéant, les mesures permettant de faire cesser la violation constatée, si le traitement en cause est au nombre de ceux qui sont mentionnés aux mêmes I et II de l'article 26 ; le Premier ministre fait alors connaître à la formation restreinte les suites qu'il a données à cette information au plus tard quinze jours après l'avoir reçue. » ;
10° L'article 46 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le président de la commission peut également charger le secrétaire général, ou tout agent des services désigné par ce dernier, de la rédaction de ce rapport. Il est notifié au responsable du traitement, qui peut déposer des observations et se faire représenter ou assister. » ;
b) À l'avant-dernière phrase et à la dernière phrase du premier alinéa, le mot : « commission » est remplacé par les mots : « formation restreinte » ;
c) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« La formation restreinte peut rendre publiques les sanctions qu'elle prononce. Elle peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu'elle désigne aux frais des personnes sanctionnées. Le président de la commission peut demander au bureau de rendre publique la mise en demeure prévue au deuxième alinéa du I de l'article 45. Lorsque le président de la commission prononce la clôture de la procédure dans les conditions définies au troisième alinéa du I de l'article 45, la clôture fait l'objet de la même mesure de publicité que celle, le cas échéant, de la mise en demeure. »
d) À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « commission » est remplacé par les mots : « formation restreinte » ;
11° À l'avant-dernier alinéa de l'article 47, les mots : « Commission nationale de l'informatique et des libertés » sont remplacés par les mots : « formation restreinte » ;
12° Le début de l'article 48 est ainsi rédigé :
« Art. 48. - Les pouvoirs prévus à l'article 44 ainsi qu'au I, au 1° du II et au III de l'article 45 peuvent être exercés à l'égard... (le reste sans changement). » ;
13° Le premier alinéa de l'article 49 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La commission peut, à la demande d'une autorité exerçant des compétences analogues aux siennes dans un autre État membre de l'Union européenne, procéder à des vérifications dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 44, sauf s'il s'agit d'un traitement mentionné au I ou au II de l'article 26.
« Le président de la commission ou la formation restreinte peuvent, à la demande d'une autorité exerçant des compétences analogues aux siennes dans un autre État membre de l'Union européenne, prendre les décisions mentionnées aux articles 45 à 47 et dans les conditions prévues par eux, sauf s'il s'agit d'un traitement mentionné au I ou au II de l'article 26. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a une origine plus récente que le précédent.
Nous avons examiné, la semaine dernière, un projet de loi concernant le Défenseur des droits. Les dispositions de ce texte relatives à la CNIL, qui visent à sécuriser l’action de la CNIL en matière de visite de lieux servant à la mise en œuvre de traitement de données à caractère personnel, apparaissaient comme constituant un cavalier législatif dans ce texte. Je ne sais pas ce que pensera le rapporteur pour avis de la position de cet amendement dans le texte que nous examinons, mais je vous propose de réintroduire ces dispositions dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’économie ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Décidément, Yves Détraigne va finir par nous convaincre qu’il est passionné d’équitation ! (Sourires.)
Mon analyse est la même que pour l’amendement précédent. Si notre collègue pouvait retirer son amendement, ce serait une bonne chose.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement est-il maintenu, monsieur Détraigne ?
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, tout en regrettant de manquer de temps pour vous en expliquer le contenu, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié est retiré.
Chapitre IV
Dispositions diverses
Article 14
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de huit mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs, ainsi que les mesures d’adaptation de la législation liées à cette transposition.
II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche
L'amendement n° 31 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Le Texier, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Godefroy, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 18.
Mme Mireille Schurch. Cet article fait suite à l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement déposé par le Gouvernement et défendu par M. le ministre.
La question est importante puisque les comités d’entreprise européens peuvent être des outils à destination des salariés et de ceux qui les représentent pour participer un peu plus à la gestion de leur entreprise.
Naturellement, nous savons que d’importants obstacles continuent à exister et que la transposition de cette directive ne permettra pas d’empêcher des employeurs peu scrupuleux en matière de droits sociaux de poursuivre demain leur politique de dumping social à travers le monde, mais également au sein de l’Union européenne.
Les comités d’entreprise européens constituent, dans ce contexte, un élément important de contrôle des salariés, mais aussi de synergie entre les travailleurs européens, au-delà de leurs nations d’origine. Ils permettent la convergence des luttes et sont de nature à favoriser, en France comme dans les autres pays, la mobilisation des salariés en faveur du maintien de l’emploi, de l’amélioration des cadres de travail et de rémunérations décentes.
Même si des progrès notables peuvent encore être réalisés, nous considérons que le comité d’entreprise européen va dans le bon sens, comme l’atteste, par ailleurs, l’accueil globalement positif des organisations syndicales.
Dans ce contexte, vous le comprenez aisément, nous n’aurions pu que soutenir un article procédant directement à la transposition. Or il nous est impossible de confier un blanc-seing au Gouvernement comme le suggère le recours aux ordonnances de l’article 38.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 31.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le comité d’entreprise européen a été créé par la directive 94/45/CE du 22 septembre 1994, mais n’a concerné jusqu’à présent que 820 comités d’entreprise européens, soit 36 % des entreprises qui sont potentiellement dans le champ de la directive.
De nombreux problèmes pratiques sont apparus. Aussi une nouvelle directive a-t-elle été adoptée le 6 mai 2009 visant à améliorer le droit à l’information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire.
Cependant, le MEDEF se dit très nuancé sur ces nouvelles dispositions, qui lui semblent, comme d’habitude, devoir compliquer la négociation pour créer des comités d’entreprise européens.
Le Bundestag est actuellement en train de transposer la directive après consultation des partenaires sociaux, qui ont obtenu que le projet de loi aille plus loin que la directive, notamment sur la liste des fusions, rachats, scissions, délocalisations au sein d’un pays membre ou tiers ou sur les fermetures de site ayant un impact sur le comité d’entreprise européen.
En France, la procédure choisie de transposition par ordonnance fait suite à la consultation lancée en octobre 2010 par le ministère du travail. Les responsables des ressources humaines des groupes sont aussi invités à transmettre aux secrétaires de comité d’entreprise européen le questionnaire. Celui-ci est déjà critiqué dans la mesure où il met l’accent sur le coût financier des nouvelles procédures et reflète assez fidèlement les préoccupations des organisations d’employeurs…
L’importance de la transposition de la directive relative au comité d’entreprise européen pour le monde du travail aurait justifié pleinement, plutôt que d’habiliter le Gouvernement à agir par ordonnance, de saisir le Parlement des dispositions de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Avis défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 31.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article additionnel après l'article 14
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312-15 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de l'enseignement d'éducation civique, les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible et d'acquérir un comportement responsable dans l'utilisation des outils interactifs, lors de leur usage des services de communication au public en ligne. Ils sont informés des moyens de maîtriser leur image publique, des dangers de l'exposition de soi et d'autrui, des droits d'opposition, de suppression, d'accès et de rectification prévus par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que des missions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Le présent amendement prend appui sur un dispositif introduit par l’article 16 de la loi 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, ou loi Hadopi.
Sur l’initiative de la commission de la culture du Sénat, il a été prévu, à l’article L. 312-9 du code de l’éducation, que l’enseignement de technologie et d’informatique comporte un volet consacré au droit de la propriété intellectuelle et aux dangers du téléchargement illégal d’œuvres protégées.
La préparation du brevet Informatique et Internet, le B2i, désormais partie intégrante du brevet des collèges, est spécifiquement visée afin de permettre une large sensibilisation des collégiens.
Après avoir approfondi cette question de l’éducation aux médias, la commission souhaite que, en dehors du B2i et au sein de l’enseignement d’éducation civique, les élèves soient véritablement formés à la maîtrise de leur image publique, à l’analyse réfléchie et critique des informations circulant sur l’internet et à l’utilisation responsable des réseaux sociaux et des applications interactives.
L’objet du présent amendement est de faire inscrire ces dispositions dans le code de l’éducation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat dans la mesure où, sur le fond, il partage l’objectif de la commission de la culture.
Il ne nous a pas échappé que Sénat s’est déjà penché sur cette question dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de M. Détraigne et de Mme Escoffier dont l’Assemblée nationale est désormais saisie. Cet amendement ne porte pas sur le fond mais tend uniquement à saisir une opportunité.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Je remercie M. le ministre de l’avis qu’il vient d’émettre.
Il est extrêmement important de prendre le plus vite possible des mesures pour notre jeunesse. Les jeunes sont de grands utilisateurs de Facebook et de l’internet. Bien sûr, ils maîtrisent très bien l’outil technologique, d’ailleurs bien mieux que les adultes, mais ils sont également souvent mal informés, ce qui n’est pas sans conséquences.
Chacun comprendra l’urgence d’une telle disposition. Je signale également que l’éducation nationale est tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14.
Mme Isabelle Debré. Bravo pour cette initiative, ma chère collègue !
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Mon groupe expliquera en deux fois son vote sur ce texte totalement hétérogène, car nos deux interventions porteront chacune sur des volets différents.
Le débat sur ce texte de loi est déplorable.
D’une part, il s’agit d’un texte hétéroclite, avec des thèmes sans lien entre eux, le tout examiné en procédure accélérée.
D’autre part, comment défendre le respect du Parlement lorsque l’on développe une attitude bipolaire, votant pour des amendements en commission et contre dans l’hémicycle ?
Je le rappelle, avec l’article 14 du Traité européen, les États disposent d’une certaine latitude pour la mise en conformité de leur législation ou pour protéger la santé et les services sociaux et publics. Je souhaitais attirer sur ce point l’attention de Mme la secrétaire d'État, mais elle n’est plus présente parmi nous.
Légiférer dans l’intérêt général, d’accord, mais dans la précipitation, en adoptant des articles qui démantèlent et dérégulent des établissements de soin, des établissements sociaux et médico-sociaux, non !
C’est une déception immense. Comment niveler par le bas un secteur qui a mis des années à se construire, qui a prouvé sa pertinence, qui est reconnu dans le monde entier ? Nous ne saurions l’accepter, pas plus que nous ne pouvons accepter les dispositions que vous avez insérées dans ce texte et qui sont contraires à l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la méthode de transposition de diverses dispositions en droit interne utilisée par le Gouvernement, c'est-à-dire le recours à la loi d’habilitation, ne nous convient pas, car elle prive le Parlement d’un vrai débat.
Le contenu de ce texte fourre-tout ne nous satisfait pas davantage. Annie Jarraud-Vergnolle vient de le souligner s’agissant des dispositions relatives à la santé et au travail.
En ce qui concerne les communications électroniques, je ferai le constat suivant : si le texte est censé favoriser la neutralité de la technologie et du service, il ne contient, en revanche, aucune véritable avancée en ce qui concerne des sujets majeurs comme la reconnaissance du service universel ou l’attribution des fréquences disponibles, c'est-à-dire la question du dividende numérique.
Bien évidemment, le Gouvernement a voulu profiter de ce texte fourre-tout pour remettre en cause l’indépendance de l’ARCEP. Certes, nous avons obtenu la suppression de l’article 13. Cela étant, que se passera-t-il en commission mixte paritaire la semaine prochaine ? Il se pourrait bien que le commissaire du Gouvernement fasse une réapparition au cœur des débats…
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Ce texte était difficile à appréhender de manière globale dans la mesure où les articles qui le composent sont très différents et concernent des domaines également très divers. Nous voterons cependant contre ce projet de loi, notamment ces articles d’habilitation.
Nous avons contesté ce texte sur la forme, qui en dit long sur le fond.
Avant toute chose, je vous propose de vous opposer une nouvelle fois au recours à un tel mécanisme pour transposer des éléments de la directive Services ou, d’une manière plus globale, pour transposer toute autre directive.
La méthode parcellaire de transposition de la directive Services n’est pas acceptable, car elle amoindrit considérablement l’importance de cette dernière. Sa présentation par petit bout, vise à en limiter l’ampleur et à empêcher que nos concitoyens et les organisations syndicales ne mesurent pleinement ses effets sur l’emploi, la santé et la protection du public.
Par ailleurs, nous regrettons que, une fois encore, le Gouvernement nous propose des transpositions sous la pression et au dernier moment. Cela conduit à des textes fourre-tout qui dépossèdent les parlementaires des prérogatives de leur mission, comme l’atteste le recours important dans ce projet de loi aux ordonnances prévues par l’article 38 de la Constitution.
Pour ces raisons, nous voterons résolument contre ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
6
Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : Mmes Muguette Dini, Colette Giudicelli, MM. Bruno Retailleau, Jean-Louis Lorrain, Yves Daudigny, Michel Teston et Guy Fischer ;
Suppléants : M. François Autain, Mmes Brigitte Bout, Françoise Henneron, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie et Mme Catherine Morin-Desailly.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 14 février 2011, à quinze heures :
1. Proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral (n° 61, 2010-2011).
Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 276, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 277, 2010-2011).
2. Proposition de loi organique tendant à l’approbation d’accords entre l’État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française (n° 196, 2010-2011).
Rapport de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n° 273, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 274, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 11 février 2011, à deux heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART