M. François Baroin, ministre. Je rappelle les principes applicables en la matière.
D’une part, les personnes domiciliées en France, qui déclarent l’essentiel de leurs revenus en France, sont soumises à une obligation fiscale illimitée. La contrepartie de cette obligation fiscale est la faculté de faire état de certaines charges non déduites des revenus habituels.
D’autre part, les personnes non domiciliées en France sont imposées en France uniquement sur la base des revenus qu’elles perçoivent de source française : on parle alors d’obligation fiscale limitée.
Si je comprends bien, votre amendement, madame la sénatrice, vise les cas très spécifiques de personnes non domiciliées en France, qui perçoivent exclusivement des revenus de source française. Il paraît justifié de traiter ces personnes de la même façon que des résidents fiscaux français ; tel est d’ailleurs le sens de la jurisprudence communautaire et de l’article 197 A du code général des impôts, qui prévoit qu’une personne non résidente ne peut subir, sur ses revenus de source française, une imposition à un taux supérieur à celui qui aurait résulté de l’imposition en France de l’ensemble de ses revenus mondiaux.
Je m’engage donc à ce qu’une instruction fiscale commente cette disposition afin de créer une matrice d’analyse pour tous et de permettre la déduction des charges précitées aux personnes que vous visez. Sous le bénéfice de ces explications, je souhaite que vous retiriez votre amendement, madame la sénatrice.
M. le président. Madame Lepage, l’amendement n° II-485 est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. J’ai bien entendu les explications de M. le ministre, qui s’est engagé à prendre en compte ma demande. Je retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° II-485 est retiré.
L’amendement n° II-293, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3 du I de l’article 197 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de l’imposition des revenus de l’année 2011, le montant de l’impôt résultant de l’application des dispositions précédentes est réduit de 27 %, dans la limite de 4 590 euros, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion ; cette réduction est égale à 36 %, dans la limite de 6 030 euros, pour les contribuables domiciliés dans le département de la Guyane ; ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à maintenir 90 % de la réduction du montant d’impôt sur le revenu acquitté par les contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer. Je préfère ce mode de présentation à l’expression « coup de rabot » de 10 % ; mieux vaut dire que nous maintenons 90 % de l’avantage, ce qui paraît tout à fait justifié !
Depuis que ce dispositif a été instauré, en 1960, la situation économique des départements dont il s’agit a beaucoup évolué par rapport à celle de la France métropolitaine. L’écart des prix est aujourd’hui sans rapport avec le niveau des réductions d’impôts.
Ces réductions en outre s’ajoutent aux majorations de traitement des fonctionnaires applicables dans les mêmes parties de la République et qui ont pour effet d’augmenter les revenus des fonctionnaires de 40 % ou de 53 % par rapport aux fonctionnaires métropolitains.
Cet amendement nous paraît donc équilibré et n’avoir que des conséquences limitées. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous le soumettons à votre approbation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Maintenez-vous cet amendement, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission pense que cet amendement est raisonnable, et elle le maintient donc.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. Je conteste non seulement l’objet de cet amendement, mais aussi les arguments invoqués pour le défendre. Le rapporteur général affirme que la proposition de la commission résulte d’un triple constat.
Premièrement, les justifications valables en 1960 lors de l’instauration de ce dispositif ne le seraient plus. L’application dans les DOM de la même législation qu’en métropole ne pourrait plus être « considérée comme susceptible de poser des problèmes. »
Ce n’est pas exact. Des écarts très importants demeurent, mes chers collègues. Ils demeurent car leurs causes demeurent. L’INSEE les a identifiées dans son rapport de février 2010 intitulé « Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole ». Il s’agit notamment de la structure économique de ces territoires. L’INSEE note que le taux d’emploi y est moins important, que le travail y est en moyenne moins qualifié, mais aussi que l’on compte davantage de petites entreprises. Les taux de chômage sont de deux à quatre fois supérieurs, suivant les territoires, à celui de la métropole.
Deuxièmement, vous indiquez que l’écart des prix constatés entre la métropole et les DOM est sans rapport avec le niveau des réductions d’impôt. L’INSEE a en effet estimé, en juillet 2010, que les prix étaient plus élevés dans les DOM qu’en métropole. Par exemple, en Guyane, ils sont supérieurs de plus de 13 % à ceux constatés en métropole.
Vous ignorez une donnée essentielle, monsieur le rapporteur général : les écarts de revenus ! Le dispositif que vous voulez réduire porte sur l’impôt sur le revenu, il est directement en rapport avec les écarts de revenus.
Mes chers collègues, les écarts de revenus entre l’outre-mer et la métropole sont considérables !
En 2006, le revenu médian par unité de consommation des ménages des départements d’outre-mer était inférieur de 38 % à celui des ménages de la métropole.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, réduisons ces énormes écarts de revenus avant de réduire la réduction d’impôt sur le revenu ! Le principe d’équité et la justice sociale l’exigent.
Enfin, on peut lire dans l’objet de l’amendement que ces réductions s’ajoutent aux majorations de traitement des fonctionnaires applicables dans les DOM. On ne peut pas pénaliser tous les contribuables d’outre-mer sous prétexte que les fonctionnaires ont une majoration de traitement ! Excusez-moi, mais, intellectuellement, cet argument n’est pas défendable.
Pour ces trois raisons je vous demande, mes chers collègues, de ne pas voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour explication de vote.
M. Daniel Marsin. Je m’élève également contre cet amendement, en raison tant du fond que de la forme.
Sur le fond, je partage bien entendu les arguments avancés par notre collègue Mme Payet. En effet, dire qu’aujourd’hui il n’y a plus de raison d’appliquer des dispositions différentes aux DOM et à la métropole relève d’une méconnaissance de la situation des DOM ! Pourtant, combien de fois avons-nous parlé de l’outre-mer ces derniers temps, que ce soit à l’occasion de l’examen de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, la LODEOM, ou de cette loi de finances…
En matière de chômage ou de revenus, nous savons très bien que la situation est trois fois plus préoccupante outre-mer qu’en métropole. Si l’on voulait créer un grave problème, il suffirait d’adopter cet amendement.
S’agissant du coût de la vie, nous disposons des calculs de l’INSEE. Vous savez qu’un débat a eu lieu au niveau national à ce sujet. Pendant que l’INSEE affirmait que les prix ou les salaires étaient maintenus sur longue période, les Français avaient le sentiment que leur pouvoir d’achat baissait. Il y a entre le calcul de l’INSEE et la réalité un très large écart. L’INSEE a par conséquent été obligé d’arrêter de publier des indices relatifs au coût de la vie.
La dernière crise sociale vécue par la France a bien montré que le coût de la vie était un problème grave en outre-mer. Lorsqu’on a parlé de « profitation » lors des évènements de Guadeloupe et des Antilles, et de tout l’outre-mer, c’était à cause de la vie chère et des pratiques monopolistiques, qui font que le coût de la vie est très élevé, ne serait-ce qu’en raison du coût d’acheminement des marchandises. Tout le monde sait qu’en outremer les prix sont supérieurs de 20 % à ceux constatés en métropole, du seul fait du coût de transport. Le calcul de l’INSEE ne peut donc pas traduire la réalité.
Et vous estimez en outre qu’il faut tenir compte de la majoration de traitement dont bénéficient les fonctionnaires. Très bien ! mais que l’on ouvre ce dossier et que l’on traite ce problème de manière ouverte et claire. Il ne faut pas profiter d’une occasion comme celle-là pour déclarer que les fonctionnaires ont une surrémunération. Oui, les fonctionnaires ont une surrémunération ! Oui, il faut traiter ce problème ! Mais que se passe-t-il pour ceux qui ne bénéficient pas de cette surrémunération, c'est-à-dire les salariés du secteur privé ? Ils sont pénalisés.
Pour toutes ces raisons, je ne peux admettre le bien-fondé de cet amendement, qui me semble extrêmement dangereux.
Au demeurant, même si la question devait se poser – ce qui se conçoit –, ce ne serait pas un dimanche soir, à la nuit tombante, que l’on devrait la traiter au détour d’un simple amendement. S’il y a véritablement des problèmes, étudions-les ! Mais n’en traitons pas subrepticement un dimanche soir.
Je trouverais sage que M. le rapporteur retire son amendement et propose d’étudier cette question dans la transparence. Si tel n’était pas le cas, je demanderais à mon groupe de voter contre, et ce par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.
M. Jean-Etienne Antoinette. Le retrait de cet amendement nous aurait permis de gagner du temps. Dans la mesure où M. le président de la commission des finances ne cesse de répéter que l’on perd du temps, c’était l’occasion de gagner quelques minutes ; cela dit l’amendement de M. le rapporteur général nous interpelle.
Lorsqu’on examine les coups de rabot donnés depuis le début de l’examen du projet de loi de finances, on constate une sorte d’acharnement envers l’outre-mer.
Il y a eu notamment le problème de la défiscalisation du secteur photovoltaïque. Mme la ministre et les sénateurs de la majorité ont accepté cette contribution de l’outre-mer dans le cadre de l’effort budgétaire demandé par le Gouvernement.
Cet amendement-ci traduit bien une préoccupation qui était sous-jacente au discours depuis un certain temps, à savoir le coût de l’outre-mer. C’est bien de cela qu’il s’agit.
Nous savons tous – comme cela a été mentionné à plusieurs reprises – qu’il existe un écart important de niveau de vie entre l’outre-mer et la métropole. Aussi, voter l’amendement du rapporteur général non seulement aurait un impact négatif sur le pouvoir d’achat des citoyens d’outre-mer mais en outre risquerait de raviver le mouvement social qui a perturbé l’outre-mer en 2009.
En fait, nous ne devons décider qu’à partir de données exactes.
Ce qui est vrai du bouclier fiscal et de la refonte de l’imposition en métropole l’est également pour l’outre-mer. Prenons le temps de mener une véritable analyse. Une réforme de la fiscalité est annoncée. Pourquoi cette précipitation lorsqu’il s’agit de l’outre-mer ?
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Virapoullé. Je remercie M. le ministre d’avoir émis un avis défavorable sur cet amendement, et je vais expliquer pourquoi.
Personne ne peut, je pense, nous reprocher d’avoir défendu, dans cette assemblée, une position politique incohérente.
Lorsque l’on a porté le photovoltaïque et les vautours qui s’en repaissent, sur l’échafaud, j’ai été le premier à dire : exécution ! Cela a rapporté 1,2 milliard d’euros. L’histoire retiendra que, dans la politique d’économies budgétaires qui est menée afin de donner aux finances de la France un peu d’oxygène, nous avons été les premiers à considérer que c’était nécessaire. Nous avons apporté à cette politique la plus lourde contribution par habitant.
Se pose maintenant le problème des prix et des revenus et j’affirme, en présence d’un expert – M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État –, que nous ne souhaitons pas clore le débat.
Il faut se méfier des statistiques. Permettez-moi de citer quelques exemples. En outre-mer, le prix du ciment est le double de celui de la métropole. Le coût du fret est encore ce qu’il était du temps de la marine à voile. Le prix des médicaments est lui aussi exemplaire. J’ai essayé de le faire baisser à quelques mois des élections municipales ; mal m’en a pris puisque les laboratoires pharmaceutiques ont envoyé plus de deux cents pharmaciens protester devant la mairie, ce qui m’a coûté mon mandat. Le prix de l’air liquide équivaut à 300 % de celui pratiqué en métropole. Tout cela est dû à l’exploitation des départements d’outre-mer par les multinationales du CAC 40.
L’outre-mer envoie plus d’argent en métropole que la métropole n’en envoie en outre-mer. Je suis prêt, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, à présenter cette semaine au Parlement les chiffres en témoignant dans un rapport de quatre pages. Nous sommes une machine à transformer les sommes qui nous sont transférées.
De grâce, ne posons pas, un dimanche soir, le problème des revenus et des prix sous un angle beaucoup trop restreint pour cerner un problème de cette importance. Lorsque je voterai le budget, j’aurai conscience d’avoir, avec mes collègues de la majorité, contribué à rétablir l’équilibre budgétaire de la France, en réduisant les niches fiscales, notamment sur le photovoltaïque, à hauteur de plus de 1,2 milliard d’euros.
Mais si nous avons fait ce sacrifice, c’est pour réorienter l’effort vers le logement, notamment le logement social et le logement intermédiaire, afin de ne pas tuer la politique de relance économique.
Si la commission des finances cherche à baisser le coût de la vie à La Réunion et dans les quatre DOM – notamment en Guadeloupe, qui a été le lieu d’une explosion sociale dont le coût économique et social est incommensurable –, je suis d’accord avec elle, mais je ne voterai pas son amendement, qui pose le problème sous un angle beaucoup trop aigu.(M. Michel Magras applaudit.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Il est difficile pour moi d’entrer dans un débat comme celui-là, dans la mesure où la collectivité de Saint-Barthélemy n’est pas soumise à la fiscalité nationale, au moins pour les résidents fiscaux.
Au demeurant, je connais l’outre-mer, au moins la région Caraïbes, et j’adhère totalement à une grande partie des propos qu’ont tenus mes collègues.
Je reconnais qu’il y a lieu de poser la question et d’en débattre. L’amendement de M. le rapporteur général qui incite à repenser ce qui a été décidé il y a quarante ans est un amendement d’appel intéressant. Cependant, dans la situation économique et sociale actuelle de l’outre-mer, je pense que ce serait courir un risque que de l’adopter.
Je soutiendrai donc la position de mes collègues de l’outre-mer.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous sommes confrontés à un véritable problème qui met en cause notre indépendance nationale : il s’agit du surendettement. Nous devons sortir de notre vision traditionnelle du budget, qui était assez agréable : on créait des avantages ici et là, on multipliait à l’infini les niches fiscales, ce que M. le rapporteur général avait très joliment appelé « la mauvaise herbe fiscale ». Aujourd’hui, nous voyons les limites de ce mode de fonctionnement.
Chers collègues ultramarins, nous sommes, comme vous, attachés au développement de vos territoires. Mais il nous arrive de douter de la pertinence des dispositions fiscales qui y ont été mises en œuvre. Nous ne sommes pas sûrs qu’elles atteignent toutes leur cible et qu’il n’y ait pas quelquefois un gâchis de financements publics.
J’ai bien entendu vos observations, mais ne vous méprenez pas : ce que nous proposons, c’est de remettre en cause l’abattement sur le revenu imposable à l’impôt progressif. Ceux de nos concitoyens ultramarins qui ne paient pas d’impôt sur le revenu et qui subissent des prix dont vous dites qu’ils sont plus élevés qu’en métropole ne seraient pas concernés. Ne seraient touchés que ceux qui ont des revenus substantiels et qui bénéficient d’un abattement de 30 %, voire de 40 % s’ils résident en Guyane.
L’amendement présenté par M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances, vise à diminuer de 10 % cet abattement. Ainsi, un abattement de 30 % serait ramené à 27 % ; et celui de 40 % à 36 %. Je tiens à donner ces précisions pour que vous nuanciez peut-être les observations que vous venez de formuler.
Je me souviens du débat que nous avons eu il y a quelques années sur l’indemnité temporaire outre-mer qui faisait qu’un certain nombre de fonctionnaires prenaient leur retraite en Polynésie française, ou dans quelque territoire ultramarin. Avouons-le, un tel système est insensé ! Un État surendetté ne peut pas se permettre de perpétuer de telles pratiques en raison du principe fondamental d’égalité des Français devant l’impôt.
Je dispose de quelques données statistiques sur les différences de prix entre la métropole et l’outre-mer publiés par l’INSEE en mars 2010. Certes des différences de prix existent, mais elles ne sont pas à la hauteur de ce qui est quelquefois avancé. Je n’irai pas plus loin car, comme l’a fait remarquer M. Antoinette, il faut avancer dans la discussion.
J’aimerais, cher Jean-Paul Virapoullé, que nous diligentions une mission d’information pour étudier les flux entre la métropole et La Réunion. (Mme Anne-Marie Payet et M. Jean-Paul Virapoullé acquiescent.) Cela fait des années que nous en parlons et nous n’avons pas beaucoup avancé… Assurer une totale solidarité et une véritable fraternité entre les outre-mers et la métropole, telle est notre préoccupation. Cela étant dit, la commission des finances retire son amendement.
M. le président. L'amendement n° II-293 est retiré.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous y reviendrons, et pas dans si longtemps que cela !
Article 57 bis (nouveau)
I. – L’article 80 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice. »
II. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011.
M. le président. L'amendement n° II-294, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Selon la jurisprudence constante du Conseil d’État en matière fiscale et la doctrine du droit de la responsabilité civile, les indemnités versées au titre de dommages et intérêts pour un préjudice non économique n’entrent pas dans le champ d’application de l’impôt sur le revenu. Il s’agit d’un principe constant de notre droit : il faut s’y tenir.
L’article 57 bis, adopté par l’Assemblée nationale, qui vise rétrospectivement un contribuable bien connu, constitue une entorse tout à fait fâcheuse au principe que je viens de rappeler. Au demeurant, il serait sans effet, car les condamnations à des dommages et intérêts fixées par des tribunaux, des tribunaux arbitraux en particulier, seront manifestement adaptées pour tenir compte du poids de cette nouvelle fiscalité.
Cet article est inutile : il doit donc être supprimé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur général fait référence à un débat, pas si ancien d’ailleurs, qui s’était instauré à propos d’un amendement, déposé ici même, concernant le résultat de la procédure d’arbitrage dans « l’affaire Tapie », qui avait permis à M. Tapie de bénéficier, au bout du compte, d’une remise fiscale.
En l’espèce, il s’agit non pas de rétroactivité, mais du respect d’un principe de droit. M. le rapporteur général a invoqué ce principe. Mais il faut noter que les principes ne sont pas toujours respectés. Je pense, par exemple, au principe d’inaliénabilité des forêts domaniales qui n’a pas été observé dans une affaire récente, laquelle fait l’objet, du reste, d’une enquête judiciaire.
En l’occurrence, nous voterons contre l’amendement de suppression de la disposition adoptée par l'Assemblée nationale, car il n’y a pas de mal à se faire du bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-294.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, l'article 57 bis est supprimé.
Article additionnel après l’article 57 bis
M. le président. L'amendement n° II-422, présenté par MM. Tropeano et Collin, Mme Escoffier et M. Fortassin, est ainsi libellé :
Après l'article 57 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au f du 1 de l'article 195 du code général des impôts, le nombre : « 75 » est remplacé (deux fois) par le nombre : « 73 ».
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. L’article 195 du code général des impôts accorde une demi-part supplémentaire au titre de l'IRPP en faveur des anciens combattants ayant atteint l’âge de 75 ans révolus.
Or, de nombreux anciens combattants engagés ou soldats du contingent qui se sont battus sur le théâtre d’opérations d'Afrique du Nord ne bénéficient toujours pas de ce dispositif. Pour la plupart titulaires de petites retraites, il serait juste qu’ils puissent profiter de cet avantage fiscal deux ans avant l’âge déterminé par la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à abaisser de 75 ans à 73 ans l’âge à partir duquel un ancien combattant peut bénéficier d’une demi-part supplémentaire de quotient familial. Cela part d’une excellente intention. Mais pourquoi pas 72 ans, 70 ans, 65 ans, 62 ans ou 60 ans ?
Mes chers collègues, la situation de nos finances publiques nous crée quelques devoirs : il n’est pas possible aujourd'hui d’accorder l’extension d’un avantage fiscal tel que celui qui est visé. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?