M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-480 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-503 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour défendre l’amendement n° II-480.
Mme Nicole Bricq. Je partage tous les arguments qui ont été présentés par Thierry Foucaud. L’article 57, s’il en était besoin, montre que le Gouvernement a une vision tout à fait sélective des avantages fiscaux.
Avec cet article, il s’en prend à ceux qui décident de contracter par le mariage, car le mariage est d’abord un contrat, même s’il est aussi une forme de pari sur l’avenir.
En 2009, on recensait 256 000 mariages, c’est-à-dire moins qu’en 2008, et 175 000 PACS. Dès lors, on peut se demander s’il est judicieux de s’attaquer à cet avantage fiscal particulier. Il nous semble qu’il y a bien d’autres niches fiscales à supprimer. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons proposé, lors de la première partie du projet de loi de finances, la suppression des niches « Vivendi » et « Copé », qui, elles, se chiffrent en milliards d’euros et encouragent tous les effets d’aubaine possibles ! La mesure que vous proposez dans l’article 57 est pour tout dire inique !
J’ajoute que, dans notre droit, on retient le concept de foyer fiscal. Si une réforme fiscale est engagée, il ne faudra pas oublier l’autonomisation de la fiscalité des revenus, car il y a de plus en plus de femmes qui travaillent et l’on recense un nombre croissant de célibataires et de personnes séparées ou divorcées.
Si l’on raisonne sur la base du foyer fiscal, l’établissement de plusieurs déclarations à l’impôt sur le revenu de l’année du mariage ne constitue pas une niche fiscale. Nous sommes en plein arbitraire. Le Gouvernement qualifie de niches fiscales les dispositifs qu’il lui convient d’appeler ainsi.
La modalité du calcul de l’impôt retenu pour l’année du mariage a sa cohérence. À mon sens, avec le mariage, se créé un nouveau foyer, donc une nouvelle personne fiscale. Il paraît donc légitime qu’il y ait trois déclarations à l’impôt sur le revenu pour l’année du mariage.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste considère qu’il faut supprimer l’article 57.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l’amendement n° II-503.
M. Thierry Foucaud. Je l’ai déjà défendu, monsieur le président.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avec beaucoup d’humour !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances est en accord avec l’article 57 et, par voie de conséquence, défavorable aux amendements de suppression.
La situation actuelle est profondément inégalitaire puisqu’il est possible d’aménager son impôt en décidant de la date de son union ou de sa séparation.
Mme Nicole Bricq. On ne se marie pas pour un avantage fiscal !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas acceptable ! L’écart entre les deux régimes d’imposition peut varier de manière considérable. (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.)
M. Thierry Foucaud. C’est un peu léger comme argument !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. D’une certaine manière, le contribuable peut devenir son propre prescripteur d’impôts !
Mme Marie-Thérèse Hermange. N’exagérez pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame Hermange, le régime actuel est d’autant plus incitatif que l’on se marie et que l’on divorce souvent, que l’on s’assemble et que l’on se sépare facilement, puisque l’avantage peut être obtenu à chaque fois.
M. Thierry Foucaud. C’est de la rigolade !
Mme Nicole Bricq. C’est grotesque !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces pratiques ne sont pas conformes aux visions morales que nous partageons !
M. Thierry Foucaud. C’est n’importe quoi !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’article 57 concilie l’équité, la morale et la bonne administration de l’impôt ! Mes chers collègues, je vous invite donc à le voter sans hésitation.
M. Thierry Foucaud. C’est de la gestion, ce n’est pas de la morale !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sans doute n’avions-nous pas bien conscience des critiques qui pouvaient, à bon droit, être adressées au dispositif actuel, que nous aurions dû revisiter depuis longtemps !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable aux deux amendements de suppression déposés par Mme Bricq et M. Foucaud, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, je rappelle que le dispositif institué à l’article 57, comme l’ensemble des mesures dont nous discutons depuis le début de l’examen du projet de loi de finances, s’inscrit dans une perspective : notre objectif, qu’il ne faut ni oublier ni sous-estimer, est de réduire le niveau de déficit de 40 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas avec ça que vous y parviendrez !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est avec tout, madame Bricq !
M. François Baroin, ministre. Cela implique la combinaison d’un ensemble de dispositions, qui sont, certes, d’inégale valeur.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous prenez uniquement dans les poches des plus pauvres !
M. François Baroin, ministre. En tout cas, pour le ministre du budget que je suis, il n’y a pas de mesures symboliques ou de petites économies. En revanche, il y a un certain nombre de dispositifs qui, au fil du temps, se sont progressivement écartés des raisons ayant justifié leur mise en place.
Sur le fond, le dispositif que nous proposons à l’article 57 représente tout de même 500 millions d’euros, ce qui est une somme importante.
Reprenons les arguments des auteurs de ces deux amendements identiques.
Premier argument : la mesure prévue à l’article 57 serait « inégalitaire » et l’avantage fiscal devrait « être maintenu ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas défendre deux idées contradictoires dans la même phrase ! Comment pouvez-vous justifier le maintien d’un avantage fiscal qui ne tient pas compte du niveau de revenus ? Le dispositif dont vous prônez le maintien crée un avantage fiscal strictement identique, que la personne soit au SMIC ou qu’elle gagne 100 000 euros par mois ! Vous êtes donc face à une contradiction ! Si c’est vraiment au nom de l’égalité que vous plaidez en faveur de certaines mesures, vous ne pouvez pas soutenir un tel système !
Deuxième argument : le dispositif prévu à l’article 57 « porterait atteinte à la politique familiale ».
Expliquez-moi en quoi la suppression d’un dispositif exactement identique pour les mariages et les divorces porterait atteinte à la politique familiale ! L’objectif de la politique familiale est-il que les gens se marient pour divorcer ensuite ? Bien sûr que non !
Troisième argument : le dispositif que l’article 57 supprime crée un avantage pour les jeunes mariés, les pacsés et les divorcés.
Mais je veux croire, et Mme Nicole Bricq l’a d’ailleurs indiqué elle-même, qu’on ne se marie pas uniquement pour bénéficier d’un avantage fiscal !
M. Jean-Marc Todeschini. Et on ne choisit pas sa date de mariage pour cela non plus !
M. François Baroin, ministre. De même, l’avantage fiscal n’est pas la cause essentielle des divorces, ni à Paris ni en province.
En réalité, la mesure prévue à l’article 57, qui relève d’une commodité de gestion et d’une facilité de trésorerie, nous permettra de supprimer plus d’un million de déclarations et de réaliser une économie de 500 millions d’euros. Voilà qui nous aidera à revenir dans le droit chemin de l’équilibre général de la politique familiale et à restaurer des dispositions à faible coût pour l’État.
Pour autant, cette économie importante n’altère en rien la politique familiale. En effet, il y a d’autres dispositifs qui permettent d’encourager la constitution d’un foyer et de tenir compte de son évolution, par exemple de l’arrivée d’enfants.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement soutient avec conviction l’article 57 et émet un avis défavorable sur les deux amendements identiques visant à le supprimer.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je trouve que la mesure prévue à l’article 57 est assez grotesque.
Mais je voudrais poser une question à nos collègues. L’un d’entre vous, mes chers collègues, s’est-il marié pour bénéficier d’un avantage fiscal ?
Mme Catherine Procaccia. Moi, j’ai choisi la date de mon mariage pour des raisons fiscales ! (Exclamations amusées.)
Mme Nicole Bricq. Justement, madame Procaccia ! J’en viens au deuxième argument de M. le rapporteur général selon lequel certains choisiraient la date de leur mariage en fonction d’un avantage fiscal.
Si c’est le cas, et si le Gouvernement maintient la disposition supprimant l’avantage fiscal, nous risquons d’assister à une explosion des mariages d’ici au 1er janvier 2011 ! Nous n’aurons qu’à vérifier les statistiques des mariages des trois dernières semaines de l’année 2010…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-480 et II-503.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 122 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-85 rectifié ter est présenté par Mme Hermange, MM. de Legge, Revet et Gilles, Mmes Rozier et Lamure, MM. P. Dominati, Bailly, Houel et Darniche, Mme Desmarescaux et M. Lardeux.
L'amendement n° II-416 est présenté par M. Darniche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
A. - Après le 5, il est inséré un 5 bis ainsi rédigé :
« 5 bis. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l'année de mariage ou de la conclusion du pacte.
II. - En conséquence, alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
les époux et
III. - En conséquence, alinéa 4, deuxième phrase
Supprimer les mots :
époux ou
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour présenter l’amendement n° II-85 rectifié ter.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement, qui est identique à un amendement déposé à l'Assemblée nationale, vise à modifier l'article 57, qui réforme les modalités d'imposition des foyers fiscaux changeant de situation matrimoniale.
Le présent amendement a pour objet de maintenir l'avantage fiscal accordé aux couples l'année de leur mariage. La suppression de ce dispositif pour les jeunes mariés au détour de la loi de finances marquerait une inflexion dans la politique familiale du Gouvernement.
Comme l’a indiqué Mme Bricq, il s’agit non pas d’une niche fiscale, mais bien d’une modalité de calcul de l’impôt qui a sa cohérence, puisqu’une personne fiscale nouvelle se crée avec le foyer. Il est donc normal qu’il y ait trois déclarations pour l’année du mariage.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission salue évidemment les intentions exprimées par Marie-Thérèse Hermange, que je partage d’ailleurs à titre personnel. Pour autant, nous ne pouvons pas émettre un avis favorable à cet amendement, et ce pour deux raisons.
D’une part – j’espère que vous ne m’en voudrez pas d’employer un tel argument, mais je suis dans mon rôle –, la commission ne peut souscrire à une proposition consistant à réduire une économie de 500 millions d’euros à seulement 200 millions d’euros.
D’autre part, la mesure visée à l’article 57 me semble constituer un net progrès même au regard des valeurs que vous défendez, ma chère collègue.
En effet, comme M. le ministre vous l’a indiqué, et comme je l’ai répété avec sans doute moins de talent, la législation antérieure prévoyait une incitation fiscale à chaque séparation. Le phénomène était d’autant plus marqué que l’on était en mesure de choisir la date de sa séparation ou de son union pour obtenir le meilleur effet fiscal possible. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Madame Hermange, ne pensez-vous pas que, au regard des valeurs qui sont les nôtres, un dispositif fiscal pouvant conduire un couple à décider de la date de son union en fonction d’une optimisation fiscale est un peu contre-nature ? Les intentions des mariés, auxquels nous pensons en particulier, doivent être indépendantes de tout attrait matériel et de toute considération fiscale.
Par conséquent, vous pouvez, me semble-t-il, souscrire sans réserve à l’article 57.
Certes, nous pouvons espérer que, dans des temps meilleurs sur le plan budgétaire, le mariage retrouve une certaine spécificité fiscale. Mais ce n’est pas possible actuellement.
La commission souhaiterait donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Madame la sénatrice, comme vous vous en doutez, le Gouvernement n’est pas favorable à votre proposition, qui consiste à maintenir l’avantage fiscal pour les mariés tout en le supprimant pour les divorcés et les pacsés.
D’abord, cela irait à l’encontre de la politique du Gouvernement, qui se fonde sur un principe d’équité. On ne peut pas faire le tri entre les avantages fiscaux. La cohérence de la mesure gouvernementale, même si on la conteste, réside dans le fait que l’avantage fiscal est supprimé quelle que soit la situation matrimoniale.
Ensuite, une telle mesure serait contraire à nos objectifs budgétaires. Le maintien de l’avantage fiscal pour les mariés diminuerait de moitié les effets du dispositif prévu à l’article 57 en termes de réduction des déficits.
Enfin, madame Hermange, je crains que vous n’ouvriez un front beaucoup plus large que la simple problématique de l’avantage fiscal en établissant une distinction entre la situation des mariés et celle des divorcés ou des pacsés. Or cela fait dix ans que, suivant l’évolution naturelle et légitime de la société, la droite comme la gauche de l’hémicycle ont adopté le principe d’équité fiscale quelle que soit la situation matrimoniale.
Le Gouvernement, qui ne veut pas ouvrir un tel front, mais qui souhaite atteindre son objectif budgétaire et conserver un principe d’équité dans la mise en œuvre du dispositif proposé, sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-85 rectifié ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 57.
(L’article 57 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 57
M. le président. L’amendement n° II-394, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Après l’article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 2° ter de l’article 81 du code général des impôts est complété par les mots : « dans la limite de 750 euros par an ».
II. - Les dispositions du I s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Cet amendement a pour objet de nous aider à mesurer les marges dont nous disposons pour réduire les déficits publics et sécuriser les recettes fiscales de l’État.
L’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite des personnes ayant eu, ou élevé, au moins trois enfants est discutable à plusieurs égards.
Comme l’a montré le Conseil d’orientation des retraites, le COR, dans son rapport de 2008, consacré aux droits familiaux et conjugaux de retraite, la justification du régime fiscal favorable appliqué à ces majorations tient à leur assimilation à une prestation familiale, alors même qu’elles s’apparentent davantage à un supplément de pension, dans la mesure où elles lui sont proportionnelles.
En outre, l’exonération d’impôt de ces majorations apparaît inadaptée aux objectifs poursuivis par cette dépense fiscale : elle conduit en effet à favoriser les couples au détriment des personnes vivant seules et bénéficie davantage aux hommes qu’aux femmes ; elle peut bénéficier à des personnes qui ont eu des enfants sans les avoir élevés et conduit à aider financièrement des parents n’ayant en très grande majorité plus leurs enfants à charge. Enfin, elle redouble l’effet anti-redistributif de la majoration elle-même : d’une part, elle ne bénéficie pas aux personnes non imposables et, d’autre part, l’avantage fiscal qu’elle procure est d’autant plus élevé que le taux marginal d’imposition du ménage est élevé.
La dépense fiscale au titre de cette exonération est évaluée à 800 millions d’euros par an.
Selon les données fournies par le Conseil d’orientation des retraites, le montant moyen annuel des majorations de pensions s’établissait en 2004 à 1 068 euros pour les pensionnés de droit propre et à 600 euros, en moyenne, pour les retraités de droit dérivé, soit un montant moyen, pour l’ensemble des pensionnés percevant des majorations, de l’ordre de 834 euros par an. En 2007, le montant annuel de la majoration de pension pour un salarié non-cadre du secteur privé titulaire de droit propre était évalué entre 917 et 1 484 euros.
Afin de réduire le coût de cette dépense fiscale et de limiter ses effets anti-redistributifs, cet amendement tend à fiscaliser ces majorations de pension après abattement forfaitaire de 750 euros par an, ce qui représente de l’ordre de 90 % du montant annuel moyen global de la majoration – seraient donc laissés à l’écart les contribuables dont le supplément de retraite est bien modeste. Un tel niveau d’abattement permettrait de maintenir l’exonération à hauteur de 70 % de la majoration moyenne des pensionnés de droit propre. En outre, la part de la majoration fiscalisée sera d’autant plus élevée que la pension sera plus élevée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sur cet amendement présenté à titre personnel par son président, la commission des finances a décidé de s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Cher Jean Arthuis, vous proposez de soumettre les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille à l’impôt sur le revenu, pour leur part excédant 750 euros par an.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement pour deux raisons simples.
Premièrement, la majoration de retraite ou de pension pour charges de famille, y compris le régime fiscal favorable dont elle bénéficie, est liée à la politique familiale – nous avons évoqué cette question tout à l’heure sur un autre sujet. La remise en cause partielle de cette exonération irait à l’encontre de l’engagement pris par le Gouvernement de renforcer les mécanismes de solidarité permettant de compenser les aléas de carrière, notamment ceux qui sont subis par les femmes. Nous sommes donc au cœur d’un débat qui n’est ni médiocre, ni neutre.
Deuxièmement, l’article 98 de la loi portant réforme des retraites prévoit que les indemnités journalières versées aux femmes pendant le congé de maternité à compter du 1er janvier 2010 seront assimilées à des salaires pour la constitution des droits à retraite.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Arthuis, l’amendement n° II-394 est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, je voulais simplement tester en quelque sorte la détermination du Gouvernement.
La situation de nos finances publiques nous oblige à jouer cartes sur table : où en sommes-nous financièrement ? Ne devons-nous pas nous interroger sur certaines pratiques qui, objectivement, n’ont pas d’effet redistributif et n’atteignent pas leur but social ?
Cette inadéquation a été mise en évidence par le Conseil d’orientation des retraites, mais je sais bien que l’on multiplie les conseils et les groupes de travail qui produisent des rapports d’études immédiatement rangés dans un tiroir !
S’agissant justement de certaines des dispositions en débat à l’occasion de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, je peux vous dire que nous disposons de réserves que le Gouvernement se refuse à utiliser.
Dans le cas particulier qui nous intéresse, mon amendement épargne les contribuables dont le supplément de retraite est inférieur à 750 euros par ans, ce qui exonère, concrètement, les ménages les plus modestes et, oserai-je dire, les classes moyennes.
Monsieur le ministre, l’épreuve qui nous attend est rude ! Nous aurions tort de nous priver durablement de telles ressources qui, objectivement, correspondent à des avantages dépourvus de véritable justification. Je sais bien que cette remise en ordre est compliquée et qu’il faut caresser l’opinion publique dans le sens du poil, etc. mais nous devons nous demander si la situation de nos finances publiques le permet encore !
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-394 est retiré.
L’amendement n° II-485, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 164 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 164 A. - Les revenus de source française des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France.
« À l’exception des personnes disposant exclusivement de revenus de source française, les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global en application des dispositions du présent code. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. En l’état actuel du droit, l’article 164 A du code général des impôts pose le principe selon lequel les personnes ayant leur domicile fiscal hors de France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global imposable.
Ce principe fondamental du droit fiscal est notamment motivé par le fait que l’impôt dont les personnes fiscalement non résidentes sont redevables en France est établi uniquement sur leurs revenus de source française – ou sur leurs revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention fiscale –, alors que les charges sont un emploi de l’ensemble de leurs revenus, incluant donc les revenus de source étrangère.
En d’autres termes, ce principe vise à éviter qu’en cas de disproportion significative entre le revenu de source française et le revenu de source étrangère – notamment dans le cas où ce dernier serait très nettement supérieur au premier – la déductibilité ne permette d’échapper purement et simplement à toute imposition. Il semble également que l’autorisation d’une telle déductibilité pourrait parfois aboutir à une double déduction de la même charge, à la fois en France et dans le pays ou le contribuable a sa résidence fiscale.
En pratique cependant, force est de constater que l’application de ce principe général pose un problème lorsque la personne fiscalement non résidente ne perçoit aucun revenu de source étrangère. Dans ce cas, certaines charges normalement non déductibles peuvent en effet faire l’objet d’une double imposition, à la fois au titre des revenus de la personne non domiciliée en France et au titre de ceux de la personne attributaire.
Partant de ce constat, le présent amendement tend à aménager les dispositions de l’article 164 A du code général des impôts afin de permettre la déductibilité des charges, par exemple, des pensions alimentaires ou des prestations compensatoires, lorsque la personne fiscalement non résidente perçoit exclusivement des revenus de source française.
La disposition que je vous propose d’adopter est issue d’une proposition du Médiateur de la République. Elle n’a pas pour objectif d’accorder un droit supplémentaire aux évadés fiscaux, mais vise, tout simplement, à éviter les doubles impositions.
L’application de cette mesure permettrait, par exemple, à des retraités de la fonction publique établis hors de France et divorcés de déduire de leur revenu global, conformément à l’article 156 du code général des impôts, la pension alimentaire qu’ils versent à leur ex-conjoint.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à instaurer une exception au principe bien établi selon lequel on n’applique pas de déduction au titre des charges sur les revenus de source française des personnes ayant leur domicile fiscal à l’étranger. Ainsi, celles de ces personnes qui ne perçoivent que des revenus de source française pourraient appliquer une telle déduction si cet amendement était adopté.
Je comprends bien que des questions peuvent se poser pour des personnes qui, tout en résidant à l’étranger, travaillent en France et n’ont que des revenus de source française, mais je crains, ma chère collègue, que l’adoption de votre amendement, même si vous ne visez certainement pas cet objectif, ne favorise des schémas d’optimisation fiscale.
C’est la raison pour laquelle une mesure de ce type me semble devoir être abordée avec précaution. La commission, n’ayant pas pu expertiser sous tous ses aspects ce dispositif qui, manifestement, ne s’adresse qu’à des personnes de condition modeste (Sourires.), a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?