M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 76 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « soixante-cinq » sont remplacés par les mots : « soixante-sept ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 4 est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 1.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous considérons que les amendements que nous avons déposés sur le présent texte sont défendus, puisqu’ils s’inscrivent dans la droite ligne de notre position, que j’ai développée au cours de mon intervention dans la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Robert Tropeano. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Comme M. le secrétaire d’État et moi-même venons de l’expliquer, ce projet de loi organique tend tout simplement à transposer aux magistrats les dispositions que nous avons adoptées voilà quelques heures dans cette enceinte.
La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur les amendements identiques nos 1 et 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 4.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Par dérogation à l’article 76 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire nés avant le 1er janvier 1956 est fixée :
1° Pour les magistrats nés avant le 1er juillet 1951, à soixante-cinq ans ;
2° Pour les magistrats nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951, à soixante-cinq ans et quatre mois ;
3° Pour les magistrats nés en 1952, à soixante-cinq ans et huit mois ;
4° Pour les magistrats nés en 1953, à soixante-six ans ;
5° Pour les magistrats nés en 1954, à soixante-six ans et quatre mois ;
6° Pour les magistrats nés en 1955, à soixante-six ans et huit mois.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Ces amendements sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne. Les mêmes causes ayant les mêmes conséquences, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 5.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
I. – Après l’article 76-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 76-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 76-1-1. – I. – Les magistrats hors hiérarchie du siège et du parquet de la Cour de cassation lorsqu’ils atteignent la limite d’âge prévue par le premier alinéa de l’article 76 sont, sur leur demande, maintenus en activité en surnombre de l’effectif de la Cour jusqu’à l’âge de soixante-huit ans pour exercer, respectivement, les fonctions de conseiller ou d'avocat général à la Cour de cassation.
« II. – Les magistrats du siège et du parquet des cours d’appel et des tribunaux de grande instance lorsqu’ils atteignent la limite d’âge prévue par le premier alinéa de l’article 76 sont, sur leur demande, maintenus en activité jusqu’à l’âge de soixante-huit ans pour exercer, respectivement, les fonctions de conseiller ou de juge, ou les fonctions de substitut général ou de substitut.
« Six mois au plus tard avant d’atteindre la limite d’âge prévue par le premier alinéa de l’article 76, les intéressés font connaître au garde des sceaux, ministre de la justice, l’affectation qu’ils désireraient recevoir dans trois juridictions au moins du premier ou du second degré pour les magistrats des cours d’appel et du premier degré pour les magistrats des tribunaux. Trois mois au plus tard avant que les intéressés atteignent cette limite d’âge, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut les inviter à présenter, dans les mêmes conditions, trois demandes d’affectation supplémentaires.
« Sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, ces magistrats sont maintenus en activité en surnombre de l’effectif de la juridiction dans l’une des affectations qui ont fait l’objet de leurs demandes, dans les formes prévues pour les nominations de magistrats du siège ou du parquet.
« III. – Les magistrats maintenus en activité en application des I ou II conservent la rémunération afférente aux grade, classe et échelon qu’ils détenaient lorsqu’ils ont atteint la limite d’âge. Les articles L. 26 bis et L. 63 du code des pensions civiles et militaires de retraite leur sont applicables.
« IV. – Les magistrats continuent à présider les établissements publics dont les statuts leur confèrent de droit la présidence jusqu’à ce qu’ils atteignent la limite d’âge prévue par l’article 76. »
II. – La loi organique n° 84-833 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, la loi organique n° 86-1303 du 23 décembre 1986 relative au maintien en activité des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation et la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d’appel et des tribunaux de grande instance sont abrogées.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 83 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 152 |
Le Sénat a définitivement adopté.
10
Département de Mayotte
Adoption d’un projet de loi organique et d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique relatif au département de Mayotte [projet n° 687 (2009-2010), texte de la commission n° 18, rapport n° 17] et du projet de loi relatif au département de Mayotte [projet n° 688(2009-2010), texte de la commission n° 19, rapport n° 17].
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, relancée lors du conseil des ministres du 23 janvier 2008, conformément aux engagements du Président de la République, la départementalisation de Mayotte est historiquement et juridiquement un processus progressif et adapté. Le Gouvernement a alors engagé une concertation très large, notamment avec les élus et les forces vives mahoraises, afin d’en déterminer les principaux axes et, surtout, les conditions de mise en œuvre les meilleures.
Les bases de la départementalisation sont largement fondées sur les évolutions engagées depuis l’accord sur l’avenir de Mayotte de 2000 : évolution institutionnelle, avec la mise en œuvre de la collectivité départementale ; évolution juridique, avec l’extension des pans entiers du droit applicable à Mayotte soumis à l’identité législative par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. C’est aux termes de ce texte qu’a également été avancée la date à laquelle la collectivité départementale de Mayotte pouvait demander l’évolution de son statut, afin de relever de l’article 73, et non plus de l’article 74, de la Constitution. C’est donc dans ce cadre que le processus a été lancé en 2008.
Le pacte pour la départementalisation a été élaboré en 2008 par le Gouvernement, afin de présenter aux Mahorais une feuille de route des principales étapes de la mise en œuvre de la départementalisation. Il a clairement indiqué les évolutions rapides qui sont d’ores et déjà traduites dans les lois ; elles concernent la justice républicaine, l’égalité entre les femmes et les hommes et un état civil fiabilisé et constituaient des préalables à l’évolution institutionnelle.
Ce pacte présente aussi les évolutions indispensables pour le développement économique de Mayotte et aborde sans détour les problématiques liées au développement de l’emploi salarié, d’une part, et des prestations et minima sociaux, d’autre part. Il indique clairement que ces évolutions devront se faire sur une période de vingt à vingt-cinq ans à partir de 2012. Il réaffirme aussi le passage à la fiscalité de droit commun en 2014.
Ce pacte pour la départementalisation a été présenté par le Président de la République lui-même aux élus de Mayotte au mois de décembre 2008.
Une délégation de la commission des lois du Sénat, menée par son président, s’est elle-même rendue sur place au mois de septembre 2008. Son rapport met en avant les problématiques, les prérequis pour réussir l’évolution de Mayotte, sur le plan aussi bien institutionnel qu’économique et social. Le Gouvernement l’a largement pris en compte lors de l’élaboration du projet de loi.
Il a également fixé au 29 mars 2009 la date de la consultation des électeurs mahorais sur l’évolution du statut de Mayotte. Préalablement à cette consultation, ainsi que la Constitution le prévoit, un débat s’est tenu au Sénat le 12 février 2009, au cours duquel les sénatrices et les sénateurs ont très largement affirmé leur soutien à cette évolution, tout en indiquant les conditions de sa mise en œuvre et de son succès. Les électeurs mahorais se sont prononcés à plus de 95 % en faveur de l’évolution institutionnelle.
Dès l’été suivant, la loi organique du 3 août 2009 a prévu, à son article 63, que la collectivité de Mayotte sera régie par l’article 73 de la Constitution à compter du prochain renouvellement du conseil général, à savoir au mois de mars 2011.
Le principe de la départementalisation de Mayotte et son calendrier ont donc déjà été arrêtés par le Parlement.
L’objet des deux projets de loi, ordinaire et organique, sur lesquels vous allez vous prononcer aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, est donc de prévoir la mise en œuvre opérationnelle de la départementalisation.
J’aborderai d’abord les modalités de mise en place de la transformation de Mayotte en département et région d’outre-mer, puis le projet de loi organique et, enfin, je terminerai par les demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance.
Le projet de loi ordinaire fixe le mode de fonctionnement du 101e département, qui exercera à la fois les compétences dévolues à un département et à une région. Il s’agira d’une collectivité unique, dotée d’un seul exécutif et d’une seule assemblée, en pleine cohérence avec les objectifs de rationalisation et d’efficacité portés par la réforme des collectivités locales. Il s’agit là d’un schéma institutionnel novateur, mais conforme aux évolutions souhaitées à l’échelon national ainsi qu’en Martinique et en Guyane, et adapté à l’échelle du territoire.
Le nombre de conseillers généraux restera inchangé en 2011, soit dix-neuf, avant d’être ensuite légèrement augmenté et atteindre vingt-trois lors du renouvellement intégral de 2014.
Dans un premier temps, le Gouvernement avait souhaité que l’élection de l’ensemble de ces représentants ait lieu au mois de mars 2011, afin de marquer symboliquement la création du département. Toutefois, le Conseil d’État ayant considéré que le raccourcissement d’un mandat devait rester l’exception, le Gouvernement a décidé de suivre cet avis et de ne prendre aucun risque constitutionnel, afin de ne pas compromettre ni retarder la création du département de Mayotte.
L’organisation de ce dernier se fera selon le droit commun des départements, alors qu’il exercera également les compétences d’une région. Les dispositions actuellement en vigueur seront remplacées par celles qui figurent dans le projet de loi qui vous est présenté à compter de la première réunion qui suivra l’élection des conseillers généraux au mois de mars 2011.
Ce projet de loi fixe aussi les modalités de dévolution de nouvelles compétences. Il prévoit à la fois l’application du droit commun, avec la compétence de la commission consultative sur l’évaluation des charges, et il instaure à Mayotte un comité local destiné à préparer ces transferts en concertation étroite avec les élus locaux.
En effet, compte tenu des problématiques spécifiques liées au rattrapage des retards, à la construction de nombreux équipements eu égard aux nouvelles compétences du département et au développement du rôle des communes, il nous a semblé qu’un éclairage par un comité local ad hoc serait utile à la commission nationale. Ainsi que je l’ai indiqué à la commission des lois, je vous confirme que ce comité sera consulté non seulement pour les transferts, mais également pour les créations et les extensions de compétences.
Par ailleurs, le conseil général de Mayotte peut aujourd’hui solliciter l’avis de deux conseils consultatifs locaux, le conseil économique et social ainsi que le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement. Afin de rationaliser et de simplifier leur rôle, le Gouvernement proposait leur fusion. Toutefois la commission des lois ayant rappelé que l’existence de deux conseils est le droit commun dans l’ensemble des départements et régions d’outre-mer, le Gouvernement a donc décidé de se ranger à cette position.
Pour accélérer le processus de rattrapage en cours, le projet de loi crée le fonds mahorais de développement économique, social et culturel. Son objet sera d’aider financièrement à la mise en œuvre d’infrastructures publiques, mais aussi de projets privés d’intérêt général. Il soutiendra à la fois l’investissement et l’emploi. Nous souhaitons qu’il joue un rôle clé pour développer l’accueil des personnes âgées, des handicapés ou de la petite enfance. En effet, parallèlement à la montée en charge des prestations sociales et à leur revalorisation, nous devons développer les structures d’accueil des populations les plus fragiles.
J’ai veillé à ce que, dans le budget triennal pour la période 2011-2013, ce fonds soit doté de 30 millions d’euros sur trois ans. J’ai toujours eu pour objectif, conformément au pacte pour la départementalisation, que le fonds devienne effectif dès 2011, comme le préconise la commission des lois. Nous nous donnerions ainsi les moyens soit d’organiser, soit d’accélérer la mise à niveau des équipements de Mayotte en attendant son accession au statut de région ultrapériphérique, qui lui ouvrira la voie aux fonds structurels européens.
Pour ce qui concerne le développement du rôle du département de Mayotte sur le plan européen et international, le Gouvernement a veillé à ce que ce département dispose des mêmes compétences que les autres départements et régions d’outre-mer. Une telle demande, je le rappelle, avait été formulée lors des états-généraux de l’outre-mer qui se sont déroulés voilà un an. Compte tenu du contexte particulier des relations avec les États insulaires dans l’océan Indien, ces dispositions seront, je l’espère, de nature à faciliter localement le dialogue.
Je veux affirmer devant la représentation nationale que l’évolution statutaire de Mayotte n’entame en rien la coopération avec la Fédération des Comores.
Pour ce qui concerne cette évolution sur le plan européen, en association avec les élus mahorais, j’ai noué des contacts de haut niveau avec la Commission. Dès 2011, le Gouvernement saisira officiellement celle-ci de la demande de transformation de Mayotte en région ultrapériphérique, afin qu’une décision du Conseil européen puisse être prise entre 2012 et 2013, ce qui laisserait un délai significatif au Gouvernement et aux autorités locales de Mayotte pour l’échéance de 2014.
J’en viens au projet de loi organique, qui vise principalement à maintenir, de manière transitoire, le régime fiscal particulier de Mayotte, le temps de permettre l’application, au 1er janvier 2014, du code général des impôts.
Le travail à réaliser dans ce domaine est lourd et complexe. Des progrès sensibles ont déjà été réalisés depuis la loi de 2007. Ainsi le cadastre est-il achevé et à jour. Toutefois, la valorisation des propriétés foncières n’est pas encore réalisée et l’adressage doit être amélioré.
Le dialogue et le travail conjoint entre mes services et ceux du ministère du budget s’est approfondi dès 2008. Le diagnostic partagé a fait l’objet de propositions d’action transmises à nos services déconcentrés à Mayotte. Désormais, des arbitrages doivent être rendus pour mettre en œuvre localement ces décisions indispensables à l’extension du droit commun dans un domaine clé. Le ministre du budget et moi-même avons la volonté et la conviction que ces évolutions seront réalisées durant les années 2013 ou 2014.
Je me range également à l’avis de la commission des lois du Sénat qui a ajouté dans le projet de loi ordinaire un article 10 bis maintenant l’application du code général des impôts et du code des douanes au 1er janvier 2014, un article 10 ter créant l’octroi de mer, également à la même date, ainsi qu’un article 10 quater qui rend applicable la taxe spéciale de consommation sur les produits. Ces dispositifs existent dans les autres départements d’outre-mer, Mayotte doit donc pouvoir en bénéficier.
Par ailleurs, le projet de loi organique assure la concomitance avec la métropole, en 2014, pour l’élection des conseillers territoriaux. C’est à cette date que seront renouvelés tous les cantons existants alors à Mayotte.
Enfin, les départements d’outre-mer et les régions d’outre-mer peuvent être habilités par le Parlement à adapter les lois sur leur territoire. Le projet de loi organique transcrit dans le code général des collectivités territoriales la réforme constitutionnelle de 2008, qui étend cette procédure au domaine réglementaire. Mayotte sera donc désormais, au même titre que les autres départements d’outre-mer, concernée par ce dispositif.
J’en viens enfin aux habilitations prévues dans le projet de loi pour étendre à Mayotte, par voie d’ordonnance, la législation de droit commun, notamment le droit du travail. Il s’agit d’une une attente forte des partenaires sociaux mahorais. Les minima sociaux seront, pour leur part, mis en place à compter de 2012, mais leur niveau sera le quart de celui de métropole, pour éviter de déstabiliser l’économie et la société locales. Afin de sécuriser l’attribution de ces nouvelles allocations, et comme je l’ai déjà indiqué, un travail approfondi a d’ores et déjà été réalisé pour renforcer la fiabilité de l’état civil.
Tous les départements ministériels ont, en collaboration avec mon administration, préparé la départementalisation de Mayotte, conformément au pacte du Gouvernement, c’est-à-dire de manière à la fois réaliste et volontariste : réaliste pour que cette évolution soit mise en œuvre de manière progressive et puisse s’adapter aux spécificités locales ; volontariste pour que le passage au statut de département se traduise par des changements concrets, conformément au souhait de la population et des élus de Mayotte. Ainsi, l’ordonnance du 3 juin 2010 a d’ores et déjà réformé le statut civil de droit local, en garantissant notamment le respect du principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Il vous est d’ailleurs proposé de ratifier cette ordonnance dans le présent projet de loi.
C’est dans cet esprit que la liste des ordonnances et leur calendrier de mise en œuvre ont été définis.
Cette évolution institutionnelle ne conduit pas pour autant à des changements automatiques du droit applicable. Ainsi, les textes spécifiques régissant à Mayotte le droit d’entrée et de séjour des étrangers ne seront pas modifiés afin de tenir compte de la pression migratoire.
Je me suis rendue à Mayotte au début du mois de juillet pour présenter aux élus les deux textes soumis aujourd'hui au Sénat, et cette visite a permis de lever certaines interrogations et d’avancer sur la base d’un avis positif unanime du conseil général.
Je sais toutefois que les élus et les partenaires sociaux de Mayotte, au fur et à mesure que l’échéance approche, souhaitent une accélération du calendrier. Comme je m’en suis expliquée avec eux, le calendrier et les modalités du passage au statut de département ont fait l’objet d’un travail de réflexion et de préparation qui s’est traduit par l’élaboration du pacte pour la départementalisation de Mayotte, diffusé à l’ensemble de la population avant la consultation du mois de mars 2009. Cette évolution est équilibrée. Nous souhaitons la respecter, sans prendre de retard, mais sans céder non plus à une quelconque précipitation.
Le Gouvernement tient ainsi les engagements qui ont été pris à l’égard des Mahorais en mettant en œuvre la départementalisation de Mayotte, de manière progressive et adaptée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà environ cent soixante-dix ans, Mayotte demandait à la France de devenir française : la France a dit « oui » ! Mayotte demandait à la France de la protéger, tout particulièrement de la convoitise de ses voisins : la France a dit « oui » !
Voilà environ trente-cinq ans, alors que ses voisins aspiraient à l’indépendance, Mayotte demandait à la France à rester française : la France a dit « oui » !
Voilà environ dix ans, Mayotte demandait expressément à la France à devenir département : la France a dit « oui » !
Ainsi, depuis que le drapeau tricolore flotte sur Mayotte, c’est-à-dire depuis plus longtemps qu’il ne flotte sur la Savoie et Nice, par exemple, Mayotte n’a jamais cessé d’affirmer et de réaffirmer sa volonté d’être française, et ce à part entière. Cela mérite le respect et notre profonde affection.
Le récent referendum qui s’est déroulé à Mayotte le 29 mars 2009 a confirmé, s’il en était besoin, ce profond désir de « francité » : plus de 95 % de votes favorables à la départementalisation.
Il faut rappeler que ce souhait de départementalisation ne date pas d’hier. Exprimé dès la fin de 1958 par les quatre députés territoriaux mahorais, à l’époque noyés dans l’ensemble comorien, il a été renouvelé lors des consultations de la population en 1976.
Ainsi peut-on constater la constance non seulement de nos compatriotes mahorais, mais aussi de la France, autrement dit de l’État qui, malgré les contraintes de toutes natures, a toujours répondu aux vœux de la population de Mayotte, donnant ainsi tout son sens à ce principe fondamental, pourtant trop souvent oublié dans notre pays, de « confiance légitime ».
Les projets de loi organique et ordinaire qui nous sont présentés, mes chers collègues, ont ainsi pour objet de rendre effective cette départementalisation formellement et solennellement affirmée dans la loi du 3 août 2009.
Les dispositions de ces deux textes sont, pour l’essentiel, de nature technique. Elles visent à permettre le passage du statut de collectivité d’outre-mer, relevant de l’article 74 de la Constitution, à celui de département d’outre-mer, régi par l’article 73 du même texte.
La tâche n’était pas facile compte tenu des profondes différences qui existent entre les spécificités locales, qu’elles soient sociales, culturelles ou religieuses, et les standards de métropole ou des départements ultramarins. Passer du droit local au droit commun n’est pas une mince affaire et demande une approche aussi stricte que sérieuse.
Parallèlement, il faut le souligner, cela suppose un effort particulièrement substantiel de la part des Mahorais, et des modifications comportementales considérables, qu’ils ont acceptées en toute connaissance de cause et qui ne sont pas mineures. Que l’on en juge : refonte de l’état civil avec nom et prénoms remplaçant les vocables traditionnels, mise en place d’un cadastre, évaluation des parcelles, adressage, abandon de la justice cadiale, de la polygamie…
La conduite à leur terme de l’ensemble de ces réformes, qui sont déjà largement engagées, est une condition sine qua non préalable à la départementalisation. C’est la raison pour laquelle les projets de loi organique et ordinaire prévoient, sur le plan pratique, une certaine progressivité entre 2011, date de la départementalisation officielle, et 2014, date du basculement vers le droit commun en matière fiscale.
Mme la ministre nous a présenté les différents éléments de ces deux projets de loi organique et ordinaire. Je ne m’y attarderai donc pas, me limitant simplement à en retracer brièvement les points forts.
Les finalités du projet de loi organique sont les suivantes : appliquer à Mayotte les dispositions organiques de droit commun, notamment en ce qui concerne le référendum local, l’autonomie financière et l’habilitation à intervenir dans le domaine de la loi et du règlement ; abroger les dispositions relevant de l’article 74 de la Constitution puisque ce sera désormais l’article 73, relatif aux départements, qui servira de référence ; intégrer Mayotte dans le droit commun électoral et réduire à trois ans la durée du mandat des conseillers généraux qui seront élus en 2011, afin de permettre un renouvellement complet pour six ans du conseil général en 2014 ; reporter au 1er janvier 2014 l’entrée en vigueur du code général des impôts.
Les finalités du projet de loi ordinaire sont les suivantes : mettre en place le département et la région de Mayotte avec une collectivité unique, préfigurant ainsi l’évolution souhaitée par la Martinique et la Guyane – Mayotte sera donc un précurseur ; créer un comité local d’évaluation des charges liées aux transferts de compétences ; fusionner les deux conseils consultatifs locaux que sont le conseil économique et social, d’une part, le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement, d’autre part ; instaurer avant le 31 décembre 2013 un fonds de développement pour accompagner la départementalisation ; créer une chambre régionale des comptes… Il s’agit de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que Mayotte devienne un département.
Il est également prévu de ratifier toute une série d’ordonnances, ainsi que de donner des habilitations au Gouvernement pour rapprocher du droit commun la législation relative à Mayotte.
À ce propos, il est toujours tentant d’utiliser un véhicule législatif relatif à l’outre-mer pour ratifier des ordonnances qui n’ont strictement aucun rapport avec la collectivité ou le département en cause. Il serait peut-être souhaitable à l’avenir, madame la ministre, d’avoir le courage de ne pas mélanger les projets de loi de ratification à d’autres textes, ce qui ne fait que « polluer » d’une façon un peu gênante leur qualité intrinsèque. Certaines collectivités n’ont aucun rapport, si ce n’est d’être françaises, avec la collectivité concernée par le texte. J’exprime donc le vœu que les projets de loi soient élaborés d’une manière plus rationnelle et plus claire.
La marche vers une transformation à l’échelon européen du statut de Mayotte, de pays et territoire d’outre mer en région ultrapériphérique, est amorcée, et l’on peut s’en féliciter.
La commission des lois a retenu l’essentiel de ces dispositions qu’elle vous propose d’adopter. Le dépôt d’une longue série d’amendements d’ordre rédactionnel à des fins de clarification mis à part, elle a procédé à quelques aménagements, que je me permets de préciser brièvement.
Elle propose d’avancer la mise en place du fonds de développement avant la fin de 2011 et non pas de 2013, car c’est dès le basculement de la collectivité en département que cet instrument sera le plus nécessaire. Mme la ministre a déjà répondu à ce sujet, et je l’en remercie vivement.
La commission vous propose également d’élargir les compétences du comité local d’évaluation des charges en prenant en compte la création comme l’extension de compétences.
Elle estime également souhaitable de conserver, pour l’instant, les deux conseils consultatifs locaux. En effet, ceux-ci existent non seulement à Mayotte, mais également dans les départements d’outre-mer. Il n’est donc pas urgent de les fusionner. C’est plutôt dans un cadre global, touchant l’ensemble des départements d’outre-mer qu’il convient de réaliser cette réforme, à laquelle la commission n’est d’ailleurs pas opposée, au contraire ! Rien ne justifie de se limiter à Mayotte. Certes, nous le savons, Mayotte sera la première à devenir département et région sous forme d’une collectivité unique, mais cette démarche est également engagée pour d’autres départements d’outre-mer.
Enfin, la commission des lois, toujours dans le souci d’aligner Mayotte sur le droit commun, estime que, à l’instar des autres départements d’outre-mer, l’octroi de mer doit être introduit dans les ressources du département. Si l’on veut que ce dernier réussisse son développement économique, encore faut-il lui permettre de disposer des ressources nécessaires.
La commission, après un examen attentif et approfondi des conséquences de ce passage de collectivité à département, a considéré que tout raccourcissement du calendrier pour l’introduction de la fiscalité de droit commun, comme semblent le souhaiter les élus mahorais, serait beaucoup trop dangereux, compte tenu de l’ampleur des tâches qu’il faut encore accomplir. Elle se permet donc de faire siens les propos que vous avez tenus devant elle, madame la ministre, selon lesquels ce calendrier étant fondé sur le réalisme, le pragmatisme et le volontarisme, il ne devait pas être modifié.
La commission vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ces projets de loi organique et ordinaire dans la rédaction aménagée qu’elle vous propose, sous réserve de l’adoption de quelques amendements. Tout le monde sait, par exemple, que le nombre de conseillers généraux doit passer de dix-neuf à vingt-trois. Encore faut-il que la loi le prévoie...
Depuis 1958, les Mahorais attendent que Mayotte devienne département français d’outre-mer. La cible tant attendue est enfin en vue. Nous parcourons la dernière ligne droite. Encore un petit effort : votons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Bernard Frimat au fauteuil de la présidence.)