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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement, sans doute fondé sur l’article 36... (Sourires.)
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13 septembre dernier, notre assemblée adoptait, malgré notre opposition, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Celui-ci a été transmis à l’Assemblée nationale et connaît d’ores et déjà d’importantes évolutions, qui ne sont pas sans conséquences sur le débat relatif à la réforme des retraites, que nous nous apprêtons à entamer.
En effet, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, soutenue par la commission des lois, saisie pour avis, a décidé de supprimer l’article 1er de ce projet de loi organique. Cet article, véritable colonne vertébrale du texte, prévoyait de piller, de siphonner – il n’y a pas d’autre mot – le Fonds de réserve des retraites, le FRR, en le privant de ses actifs afin, a-t-on expliqué, de résorber la dette sociale, notamment celle qui résulte de la crise.
Cette suppression, votée par vos pairs députés de l’UMP, est un camouflet adressé au Gouvernement et aux membres de la majorité sénatoriale qui ont accepté d’adopter une disposition dont ils savaient qu’elle ne serait pas suffisante pour résorber la dette sociale et qu’elle aurait pour conséquence de retarder les échéances et de continuer à transférer aux jeunes le poids de la dette.
Telle est d’ailleurs l’analyse faite par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur à l’Assemblée nationale de ce projet de loi organique : « Or les apports du Sénat ne sont pas de nature à prévenir ces risques de dérives. La clause de garantie ne serait en tout état de cause pas efficace pour empêcher le transfert de recettes non pérennes. La clause de retour in bonis est quant à elle très hypothétique. »
Quant à la disposition que nous considérions comme non conforme à la Constitution et qui imposait une hausse automatique de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, elle fait l’objet de critiques, là encore, sévères. M. Jean-Luc Warsmann explique en effet : « Par ailleurs, il n’est pas certain que le législateur organique puisse prévoir une obligation générale de réajustement annuel des recettes accordées à la CADES. »
Or, mes chers collègues, la discussion que nous allons avoir sur les retraites dépend en partie de l’avenir de ce projet de loi organique. Si l’on n’a plus recours aux ressources du FRR – soit près de 25 milliards d’euros – pour contribuer à résorber la dette sociale, elles restent disponibles pour financer une autre réforme des retraites, plus juste, qui permettrait notamment de mettre en place des mesures correctives pour les femmes, les salariés précaires et les personnes en situation de handicap, lesquels présentent tous la particularité d’avoir des carrières morcelées et incomplètes. Cela change considérablement la donne !
Il se pourrait même, à en croire les déclarations de M. Henri de Raincourt devant la presse parlementaire, reprises le 1er octobre par le journal Le Monde, que le Gouvernement engage sa responsabilité en application de l’article 49-3 de la Constitution.
Bref, vous l’aurez compris, les choses bougent et elles bougent vite. Il nous semble difficile de travailler sereinement dans ces conditions et le Gouvernement serait bien inspiré de retirer son projet de loi jusqu’à ce que l’on y voie plus clair ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
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Réforme des retraites
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Les sénateurs du groupe CRC-SPG, arborant leur écharpe tricolore de parlementaires, se lèvent en scandant : « La retraite à 60 ans, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! » ; certains d’entre eux brandissent une banderole où l’on peut lire : « Messieurs Sarkozy et Woerth, ECOUTEZ LE PEUPLE, retirez votre projet de loi sur les retraites ! »)
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis…(Les sénateurs du groupe CRC-SPG scandent « La retraite à 60 ans ! », couvrant la voix de l’orateur.)
M. le président. Mes chers collègues, vous aurez le temps de vous exprimer. (Le même slogan continue d’être scandé.)
Je vous en prie, nous vous avons entendus et nous reviendrons sur ces sujets.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre. (Le slogan cesse d’être scandé, mais la banderole demeure déployée.)
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de soumettre aujourd’hui à votre examen est le fruit d’un débat comme rarement il y en a eu.
Il est issu d’un travail de concertation intense, d’échanges et de dialogues approfondis.
M. le président. Monsieur le ministre, pardonnez-moi, M. Gérard Longuet souhaiterait vous interrompre. L’y autorisez-vous ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, avec l’autorisation de M. le ministre.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, je souhaiterais que nous puissions débattre d’un sujet majeur dans des conditions de sérénité que les journées qui nous attendent méritent dès le premier instant.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes sereins !
M. Gérard Longuet. Je comprends très bien que nos collègues communistes fassent ainsi de la « politique », mais ce n’est pas l’image que nous souhaitons voir le Sénat donner devant l’opinion.
En conséquence, monsieur le président, je me permets de vous suggérer de suspendre la séance si nos collègues persistent à vouloir transformer cet hémicycle en cour de récréation. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Non moins vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes disqualifié !
M. le président. Je vous prie de bien vouloir ranger votre banderole, chers collègues. (Les sénateurs porteurs de la banderole y consentent et se rassoient.)
Mme Annie David. Il suffisait de le demander gentiment !
M. le président. Nous pouvons donc poursuivre. Nous aurons toute latitude pour débattre.
Je vous rends la parole, monsieur le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Merci, monsieur le président.
Je le répète, ce projet de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre aujourd’hui est le fruit d’un débat comme rarement il y en a eu.
Il est issu d’un travail de concertation intense, d’échanges et de dialogues approfondis depuis six mois avec les partenaires sociaux, les partis politiques, les acteurs du monde du travail, les représentants d’associations et les parlementaires de la majorité et de l’opposition (Hourvari sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)…
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Louis Carrère. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. … autour d’un même objectif : assurer l’avenir de notre système de retraite par répartition.
M. Jean-Louis Carrère. Encore un mensonge !
M. Éric Woerth, ministre. Aujourd’hui, nous entrons dans la phase ultime de ce débat, qui se tiendra ici sans doute pendant plusieurs semaines.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c’est sûr !
M. Jean-Louis Carrère. Entre vous, comme d’habitude !
M. Éric Woerth, ministre. Nous prendrons le temps nécessaire : le Gouvernement y est prêt.
Bien entendu, une réforme de cette ampleur suscite nécessairement des inquiétudes. Ces inquiétudes, le Gouvernement les entend. (Non ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Il est sourd !
M. Éric Woerth, ministre. Ces inquiétudes, le Gouvernement les respecte et les prend en compte. (Même exclamation sur les mêmes travées.)
M. Jean-Louis Carrère. Nouveau mensonge !
M. Éric Woerth, ministre. L’examen du texte à l’Assemblée nationale nous a permis d’enrichir cette réforme sur de nombreux points. Le cœur de ces avancées portait sur la pénibilité. C’est un progrès considérable.
Monsieur le président, l’enjeu, au Sénat, dans les semaines qui viennent, c’est sans doute de progresser encore et toujours vers plus de justice,…
M. Jean-Louis Carrère. C’est de tuer la retraite par répartition !
M. Éric Woerth, ministre. … dans le respect de l’équilibre du texte.
Mais, pour avancer, pour répondre aux inquiétudes des Français, il faut poser les bonnes questions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui : le financement des retraites !
M. Éric Woerth, ministre. Il ne faut pas céder à la caricature. C’est ce à quoi je vous invite à l’orée de ce débat.
Je voudrais commencer par répondre à des questions que tout le monde se pose aujourd’hui.
D’abord, contrairement ce que certains prétendent, il n’y a pas de blocage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Éric Woerth, ministre. Il y a un débat depuis le mois d’avril, et ce débat se poursuit ici même, au Sénat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas un débat !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons beaucoup discuté avec les partenaires sociaux pour améliorer notre projet initial. Nous avons pris en compte la pénibilité comme jamais elle ne l’a été dans aucun autre pays. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Au cours du débat en commission, nous avons fait avancer les choses pour les handicapés, et nous pourrons sans doute encore progresser dans le respect de l’équilibre du texte.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Encore une pirouette !
M. René-Pierre Signé. La pénibilité, ce ne sont pas les handicapés ! Cela n’a rien à voir !
M. Éric Woerth, ministre. Les syndicats formulent des propositions. Le Gouvernement a affirmé qu’il était encore prêt à bouger. Il n’y a pas de blocage, mais il n’y a pas non plus de solution miracle ou de miroir aux alouettes.
M. Jean-Louis Carrère. Vous vous y connaissez en miroir aux alouettes !
M. Éric Woerth, ministre. La deuxième question est la suivante : pour réformer nos retraites, existe-t-il d’autres solutions que le recul de l’âge de la retraite ? (Oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
D’abord, si vous posez aux Français la question suivante : « Voulez-vous, oui ou non, sauver le régime par répartition ? », ...
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas ce que vous faites !
M. René-Pierre Signé. Vous le savez bien !
M. Éric Woerth, ministre. Et heureusement, car c’est notre patrimoine social commun.
Tout le monde est désormais d’accord là-dessus : au fond, il n’y a pas de débat idéologique sur les retraites. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous suivez les dogmes du MEDEF !
M. Jean-Louis Carrère. Regardez la une du Figaro !
M. Éric Woerth, ministre. Le débat idéologique sur les retraites, c’est celui qui concerne la capitalisation et la répartition. Ce débat, nous l’avons tranché depuis longtemps, parce que la répartition, c’est la solidarité entre les générations et à l’intérieur des générations. C’est notre pacte social, notre lien social, notre socle commun issu du Conseil national de la Résistance. (Vives exclamations sur les mêmes travées.)
M. Guy Fischer. Il est bafoué !
M. Jean-Louis Carrère. C’est le pacte social du Fouquet’s !
M. Éric Woerth, ministre. C’est ce système que le Gouvernement veut sauvegarder grâce à cette réforme.
Mais puisque nous sommes tous d’accord là-dessus, il faut en assumer les conséquences. (M. Jean-Louis Carrère proteste.) Il y a fort à parier que, en réalité, nos concitoyens veulent réformer le système de retraites, ... (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas comme cela !
M. Éric Woerth, ministre. ... parce qu’ils veulent le conserver ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne veulent pas de votre projet ! Ils vous l’ont dit !
M. Éric Woerth, ministre. Il y a fort à parier que nos concitoyens sont prêts à faire des efforts pour que les retraites publiques auxquelles ils ont accès aujourd'hui, dont bénéficient les 15 millions de retraités que compte notre pays, soient aussi celles dont bénéficieront leurs enfants et les jeunes d’aujourd'hui.
Existe-t-il d’autres solutions que le recul de l’âge légal ? (Oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Les Français veulent-ils payer plus d’impôts pour financer les retraites ? Dans ce cas, il s’agit non pas d’un projet de réforme des retraites, mais d’un projet de réforme fiscale.
M. Jean-Louis Carrère. La réforme fiscale, c’est Fillon !
M. Éric Woerth, ministre. Ajouter des recettes comme le propose l’opposition, notamment le parti socialiste, par le biais de 40 milliards d'euros d’impôts supplémentaires qui pèseront sur les classes moyennes, c’est une fausse solution, au détriment de l’emploi et du pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont toujours les mêmes qui paient !
M. Éric Woerth, ministre. Faut-il baisser les pensions ? Mettons les choses sur la table : c’est une autre solution possible. Est-ce celle que veulent les Français ?
M. Jean-Louis Carrère. C’est ce que vous voulez faire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les pensions n’arrêtent pas de baisser !
M. Éric Woerth, ministre. La réponse est évidemment non ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Les Suédois l’ont fait : le niveau de leurs pensions baisse de 3 % cette année. En France, pour obtenir l’équilibre de notre système de retraites, il faudrait baisser ces dernières de 10 % en 2020 et de 15 % en 2025. Ce serait absolument inacceptable. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)
Faut-il alors cotiser plus longtemps ? (Protestations sur les mêmes travées.) Pour rétablir l’équilibre, il faudrait porter la durée de cotisation à quarante-sept ans. Cela est-il acceptable ? Non, évidemment.
Il n’est pas acceptable d’augmenter de 40 milliards d'euros les impôts, comme le voudrait le parti socialiste. Il ne serait pas acceptable de baisser le niveau des pensions. Il ne serait pas plus acceptable de cotiser plus longtemps. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous allez avoir du mal si vous commencez comme cela !
M. Éric Woerth, ministre. C’est pourquoi un référendum sur le projet socialiste d’augmentation des impôts de tous pour financer les retraites recueillerait immanquablement une réponse négative. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Provocation !
M. Jean-Louis Carrère. C’est nul !
M. Éric Woerth, ministre. Il faut donc débattre, mais il faut aussi décider. La responsabilité du Gouvernement, avec le Président de la République et le Premier Ministre, c’est de garantir aux Français que leurs retraites et celles de leurs enfants seront payées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Contre eux !
M. Éric Woerth, ministre. C’est l’intérêt général. C’est l’intérêt des Français et celui de la France.
M. Jean-Louis Carrère. C’est la capitalisation que vous voulez !
M. Éric Woerth, ministre. Vous connaissez les chiffres du Conseil d’orientation des retraites : aujourd’hui, une retraite sur dix est financée à crédit. Nous n’avons tout simplement pas le droit de reporter cette charge sur les générations à venir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment sont financées les stock-options ?
M. Guy Fischer. Et les retraites chapeaux ?
M. Éric Woerth, ministre. En relevant progressivement à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite d’ici à 2018, nous répondons au défi essentiel qui est devant nous, celui de la démographie. C’est le pilier de notre réforme, qui nous permet de rétablir l’équilibre financier du système dès cette date. J’y reviendrai.
Tous les autres pays d’Europe ont relevé l’âge de départ à la retraite. L’Allemagne a relevé l’âge de départ à la retraite (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) ; l’Italie a relevé l’âge de départ à la retraite (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) ; la Suède, l’Espagne, l’Angleterre, les États-Unis, le Japon ont relevé l’âge de départ à la retraite ! (Mêmes mouvements.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, tous ces pays ont-ils tort ?
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tort !
M. Éric Woerth, ministre. Ces pays ont-ils tous une vision faussée, tronquée ou erronée de la manière de réformer les retraites ?
M. René-Pierre Signé. Taxez le capital !
M. Éric Woerth, ministre. Au contraire, ces pays ont choisi la voie du bon sens. En effet, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la retraite, c’est d’abord une question d’âge, une question d’espérance de vie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’espérance de vie n’a pas changé depuis 2003 !
M. Éric Woerth, ministre. Il existe un lien fondamental entre la durée de la vie et l’âge auquel on prend sa retraite.
M. Guy Fischer. À soixante ans !
M. Éric Woerth, ministre. Changer, adapter, réformer un système de retraite par répartition, c’est d’abord adapter l’âge sur lequel il se fonde.
L’équilibre général de notre réforme repose sur le passage à 62 ans de l’âge de départ à la retraite d’ici à 2018 ...
M. René-Pierre Signé. Ces Français seront au chômage !
M. Guy Fischer. Ce sont les meilleures années de la retraite !
M. Éric Woerth, ministre. ... et à 67 ans de l’âge d’annulation de la décote d’ici à 2023. Ce sont les points clés du texte. Ils sont fondamentaux et, monsieur le rapporteur, cher Dominique Leclerc, la commission les a adoptés sans changement.
M. René-Pierre Signé. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Deux ans de plus, c’est raisonnable : aujourd’hui, on reste plus longtemps à la retraite qu’auparavant. Avec un âge de départ à la retraite à 62 ans, on restera encore un plus grand nombre d’années à la retraite qu’en 1980, soit trois ans de plus, et ce parce que l’espérance de vie a augmenté – et c’est tant mieux.
M. Guy Fischer. Il faut être en bonne santé !
M. René-Pierre Signé. Vous connaissez la moyenne de vie ?
M. Éric Woerth, ministre. Après la réforme, la France conservera, comme avant la réforme, le système le plus protecteur d’Europe.
M. Guy Fischer. C’est de l’intox !
M. Jean-Louis Carrère. Pour les riches, avec le bouclier fiscal !
M. Éric Woerth, ministre. Quant aux 67 ans, il faut que les choses soient claires : l’âge de la retraite en France, c’est 60 ans aujourd’hui, ce sera 62 ans demain pour une grande majorité des Français ; 67 ans, c’est l’âge d’annulation de la décote pour ceux qui ont peu cotisé.
M. Guy Fischer. C’est trop tard !
M. Éric Woerth, ministre. J’en viens à la question majeure que se posent les Français : cette réforme est-elle juste ? (Non ! Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, elle n’est payée que par les salariés !
M. Éric Woerth, ministre. Oui, cette réforme est juste, parce que chacun accomplira un effort en fonction de ses possibilités.
Elle demande des efforts aux fonctionnaires, car nous avons renforcé les mesures de rapprochement entre le secteur public et le secteur privé.
M. Guy Fischer. Vous démantelez le service public !
M. Éric Woerth, ministre. Cet effort de convergence représente 4 milliards d'euros. Georges Tron, secrétaire d'État à la fonction publique, y reviendra en détail.
M. Jean-Louis Carrère. On n’est pas « Au théâtre ce soir » !
M. Éric Woerth, ministre. Notre réforme demande aussi des efforts aux entreprises par l’annualisation des allégements de charges, ce qui représente 2,2 milliards d'euros. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) En effet, quelle justification peut-on trouver à favoriser les entreprises qui rémunèrent leurs salariés sur treize ou quatorze mois et non douze ? Aucune !
Enfin, ceux qui gagnent plus seront davantage mis à contribution. (Nouvelles exclamations amusées sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lesquels ?
M. Éric Woerth, ministre. Notre réforme met à contribution les hauts revenus en augmentant le taux de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Elle prévoit aussi des prélèvements accrus – ce que vous n’avez jamais osé faire – sur les stock-options, les retraites chapeaux et les revenus du capital !
M. Guy Fischer. Voilà, c’est la poussière sous le tapis !
M. Éric Woerth, ministre. Nombreux sont ceux qui en parlent, qui le dénoncent, mais peu agissent en réalité : seule cette majorité a agi dans ces domaines, depuis les précédentes lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Vous ne manquez pas d’air !
M. Éric Woerth, ministre. Nous, nous le faisons : nous taxerons les revenus aisés de 2 milliards d'euros.
Oui, cette réforme est juste, parce que ceux qui ont commencé à travailler très jeunes, avant les autres, ou ceux qui ont eu des carrières pénibles pourront continuer à partir à la retraite au plus tard à 60 ans. C’est notre majorité qui avait déjà mis en œuvre cet effort de justice en 2003 avec les carrières longues. C’est de nouveau notre majorité qui est aujourd’hui au rendez-vous de la justice en matière de retraite avec la prise en compte de la pénibilité.
M. Jacques Mahéas. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. En créant le dispositif de pénibilité, nous avons créé un droit social nouveau pour les Français.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux ! Vous avez transformé les travailleurs en handicapés !
M. Éric Woerth, ministre. Ceux qui ont un taux d’incapacité égal ou supérieur à 10 % pourront continuer de partir à 60 ans et ne seront pas concernés par le recul de l’âge de la retraite.
Si l’on ajoute ceux qui bénéficient du dispositif « carrière longue », que nous avons élargi à celles et ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, et les catégories actives de fonctionnaires, en prenant en compte la pénibilité dans la fonction publique, ce sont alors 150 000 personnes sur les 700 000 partant à la retraite chaque année qui pourront partir à 60 ans ou avant.
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne prenez pas en compte la pénibilité ! Vous confondez avec l’invalidité !
M. Éric Woerth, ministre. Oui, cette réforme est juste, grâce à la réforme de la médecine du travail. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Cette dernière est une formidable avancée, parce que l’enjeu essentiel, c’est d’améliorer la prévention de la pénibilité plutôt que de réparer ses effets. Les services de santé au travail contribueront davantage aux démarches de prévention des risques professionnels dans les entreprises, en s’appuyant notamment sur des équipes pluridisciplinaires.
Je veux réaffirmer ici, très calmement, qu’aucune disposition relative à l’indépendance des médecins du travail n’est supprimée. Si elle avait comporté le moindre risque de porter atteinte à leur indépendance, jamais je n’aurais engagé ni porté cette réforme ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Bien au contraire, cette indépendance est réaffirmée à la suite de l’examen du texte par la commission. La mission des équipes de santé au travail sera facilitée par les nouvelles dispositions au bénéfice des salariés et des entreprises.
M. René-Pierre Signé. C’est Pinocchio !
M. Guy Fischer. Elle est injuste et inefficace !
M. Roland Courteau. C’est la méthode Coué !
M. Éric Woerth, ministre. ... parce qu’elle prend en compte les seniors, que nous avons trop longtemps considérés en France comme une sorte variable d’ajustement du marché du travail. Repousser l’horizon de départ à la retraite, c’est inciter les entreprises non seulement à revoir leur politique de formation de leurs travailleurs seniors, mais aussi à mieux intégrer ces derniers à leur processus de production. Pour les accompagner dans leur action, nous avons prévu dans ce texte des aides en faveur de l’embauche des seniors.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Faites la réforme du MEDEF !
M. Éric Woerth, ministre. Notre projet est profondément juste et humain. Nous allons continuer à progresser ensemble en ce sens au Sénat.
La commission des affaires sociales, présidée par Muguette Dini, a réalisé de nouvelles avancées, tout en confirmant l’équilibre qui avait été trouvé avec les députés.
Je tiens à la remercier de son efficacité et je salue le rôle joué par son rapporteur, Dominique Leclerc, dont je veux souligner la rigueur et la qualité du travail.
Les cent treize amendements qui ont été adoptés par la commission au cours de l’examen du texte ont renforcé la justice de notre projet. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) L’équité du projet se trouve ainsi renforcée, comme le souhaitait le Président de la République.
Les avancées concernent trois sujets essentiels.
Première avancée, nous avons élargi en faveur des travailleurs handicapés le droit à la retraite anticipée à 55 ans. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. René-Pierre Signé. C’est la moindre des choses !
M. Éric Woerth, ministre. Aujourd’hui, uniquement ceux qui ont travaillé en étant handicapés à 80 % au moins peuvent en bénéficier et, chaque année, seulement mille personnes peuvent prendre leur retraite anticipée à 55 ans.
Ce critère était trop dur et il fallait l’assouplir. Votre rapporteur a donc proposé, en plein accord avec le Gouvernement, d’étendre l’accès à la retraite anticipée à 55 ans à tous ceux qui sont reconnus comme travailleurs handicapés.
M. René-Pierre Signé. C’est normal ! Il n’y a pas de quoi se vanter !
M. Christian Cointat. Vous ne l’avez pas fait !
M. Éric Woerth, ministre. Ils représentent un million de personnes en France.
Deuxième avancée, la commission des affaires sociales a adopté, également avec l’accord du Gouvernement, un amendement pour les chômeurs proches de la retraite, qui perçoivent l’allocation équivalent retraite, l’AER.
Du fait du report de l’âge légal de départ à la retraite, ces derniers risquaient de se retrouver sans autres ressources que le revenu de solidarité active en attendant de pouvoir liquider leur pension. Grâce à l’amendement qui a été adopté, ils pourront conserver le bénéfice de l’AER jusqu’au nouvel âge de départ à la retraite.
Troisième avancée, nous avons adopté pour les travailleurs victimes de l’amiante un mécanisme de lissage pour éviter que l’âge d’entrée dans le dispositif de préretraite amiante n’augmente de façon brutale. Le dispositif est évidemment maintenu ; cet âge sera relevé progressivement. Par exemple, pour ceux qui sont concernés par ce dispositif et qui prévoyaient de partir l’an prochain à la retraite, le décalage sera de quatre mois et non de deux ans.
Le Gouvernement est toujours ouvert. Ce débat doit nous permettre de continuer à avancer tout en préservant les principes directeurs de la réforme et son équilibre financier.
Le Gouvernement l’a rappelé à plusieurs reprises, nous devons respecter l’équilibre général du texte, car la première des justices d’un système de retraites, c’est d’être en équilibre.
Si les retraites publiques, soit 96 % des retraites en France, ne sont plus financées, donc plus assurées, ce sont les plus modestes qui sont pénalisés.
C’est pourquoi le Gouvernement ne reviendra pas sur le relèvement des bornes d’âge, parce que cette mesure est essentielle à l’équilibre du système.