M. Jean-Pierre Plancade. C’est dramatique !
M. Claude Jeannerot. Or les problèmes propres à la taille de ces entreprises rendent nécessaire, convenez-en, une structure de dialogue ; je pense notamment à l’hygiène et à la sécurité, à l’évaluation des risques professionnels, aux conditions de travail, à l’amplitude horaire, au travail dominical ou saisonnier.
L’institution de ces commissions était manifestement le meilleur moyen pour prévenir les conflits sociaux et les contentieux prud’homaux évoqués tout à l'heure.
C’est la raison pour laquelle les représentants des employeurs souhaitaient aussi une représentation nominative des travailleurs, ainsi que l’instauration de commissions paritaires.
N’est-il pas évident que les avancées sociales servent non seulement le salarié, mais également, permettez-moi d’y insister, le collectif de travail et donc, au final, l’entreprise tout entière ?
N’est-il pas évident que la démocratie sociale ne peut exclure 4 millions de personnes qui travaillent dans les très petites entreprises et qu’elle constitue l’un des piliers de notre pacte républicain ? II appartenait au législateur d’en organiser le socle et je regrette amèrement que l’occasion n’ait pas été saisie.
Comme l’affirmait Gambetta, « ce qui constitue la vraie démocratie, ce n’est pas de reconnaître des égaux, mais d’en faire ». Aujourd'hui, on manque cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis une nouvelle fois autour de ce texte qui prévoit de mesurer l’audience des syndicats dans les TPE, texte important puisqu’il concerne 4 millions de salariés.
La première lecture de ce projet de loi par le Sénat, en juin dernier, avait abouti, à notre grand regret, à un texte a minima. En effet, le texte avait déjà été raboté : l’échelon local pour les commissions paritaires, ainsi que le caractère obligatoire de l’instauration de celles-ci, avait été supprimé. En outre, l’accès aux TPE avait été interdit aux élus de ces commissions, sauf accord du patron.
Or, en juin dernier, lors de l’examen du projet de loi par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, de nombreux députés de la majorité ont donné raison au MEDEF en supprimant tout simplement l’article 6, et ce contre l’avis du Gouvernement. Mais supprimer les commissions paritaires régionales, c’est vider la loi d’une grande partie de sa portée, bref de son sens même.
Aujourd'hui, on a envie de dire : « Tout ça pour ça ! »
On ne peut que reprocher au MEDEF et à la CGPME de manquer, une fois de plus, à leur parole. Ce texte n’honore pas l’accord passé entre les partenaires sociaux en avril 2008. Sans ces commissions paritaires, on ne voit pas comment on pourrait assister au développement d’un véritable dialogue social dans les TPE.
Ce texte était le fruit de discussions approfondies et traduisait l’équilibre auquel étaient parvenus les partenaires sociaux. Rompre cet équilibre reviendrait à envoyer un signal très négatif aux salariés des TPE.
La tournure qu’a prise l’examen de ce texte renvoie à une vision archaïque de la démocratie sociale ! Mais cela n’a pas de quoi nous surprendre de la part du MEDEF ! D’ailleurs, n’a-t-il pas été considéré, au cours de ces dernières années, comme une organisation très archaïque ?
La suppression de l’article 6 traduit donc le retard de la France en matière de dialogue social. C’est un véritable échec, et le MEDEF n’a pas de quoi s’en réjouir.
Au fil de l’évolution de ce texte, on a pu voir combien les organisations patronales étaient divisées, avec un MEDEF incapable de mener à bien une négociation. Il constitue un véritable facteur de blocage.
Les difficultés de l’action collective patronale observées aujourd'hui ne sont que le reflet d’une pluralité de la représentation patronale. Cela montre qu’il n’y a pas un intérêt commun des entreprises. Bien souvent, les TPE sont étranglées par les grandes entreprises ; les salariés sont, autant que les dirigeants des TPE, victimes de cette situation.
Cette pluralité d’organisations a pour conséquence différentes positions des chefs d’entreprise : ceux qui recherchent un compromis avec les syndicats et ceux qui ne souhaitent pas maintenir un dialogue social.
Cette dispersion du patronat explique l’adoption de positions ambiguës, voire des retours en arrière dans les négociations, comme c’est le cas avec ce texte. Ces positions, qui sont souvent changeantes dans les négociations – si négociation il y a ! – freinent la mise en œuvre des textes négociés. La division et la concurrence entre ces organisations patronales polluent le dialogue social ; je tiens à le préciser, c’est une particularité de la France au sein de l’Europe.
Contrairement à certains pays européens, le patronat français n’a pas saisi l’occasion d’engager une réforme de la régulation sociale. Le fait que le nombre d’affaires portées devant les prud’hommes ne diminue pas depuis dix ans illustre la part d’incivilité et d’inculture qui persiste dans les pratiques patronales.
Malheureusement, le MEDEF – plutôt un lobby qu’une organisation ! – n’arrive pas à changer cette situation. Or le rôle d’une organisation consiste non seulement à partager des valeurs avec ses adhérents, à créer des règles communes, mais également à conseiller, analyser, former, communiquer, à engager des débats et, pour finir, à s’ouvrir. Or le MEDEF est aujourd’hui très introverti, centré sur lui-même. Par différentes stratégies, il ne cesse de faire pression, d’imposer ses propres intérêts sans se soucier de ce qui se passe sur le terrain. D’ailleurs, certaines fédérations ne se retrouvent plus dans le fonctionnement archaïque et dépassé du MEDEF. C’est le cas, par exemple, de la Fédération nationale de l’agroalimentaire, qui l’a quitté.
Avant de conclure, je souhaite dire ici que je ne suis absolument pas contre les PME et les TPE. Bien au contraire ! Celles-ci représentent 93 % des entreprises françaises, et j’ai conscience du rôle crucial qu’elles jouent dans notre économie.
Ce texte révèle un véritable malaise, qu’il convient de dénoncer. En effet, la France compte parmi les plus mauvais élèves de l’Europe en matière de dialogue social. De ce point de vue, ce texte est malheureusement un échec : un échec pour les salariés, qui ne pourront pas être représentés ; un échec pour les dirigeants de TPE, qui, sans véritable dialogue social, seront confrontés aux conflits et, bien souvent, assignés devant les prud’hommes – comme vous le savez, 80 % des jugements sont favorables aux salariés.
Mais c’est aussi un échec pour le MEDEF, qui donne une image d’archaïsme, en montrant son incapacité à négocier, à se moderniser, et accuse ainsi un retard par rapport aux autres organisations patronales européennes.
On est décidément bien loin d’une démocratie sociale moderne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
Article 1er
(Texte de l'Assemblée nationale)
La première phrase du 3° de l'article L. 2122-5 du code du travail est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « exprimés », sont insérés les mots : « résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés » ;
2° À la fin, les mots : « additionnés au niveau de la branche » sont remplacés par les mots : « et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ».
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Article 3
(Texte de l'Assemblée nationale)
Le 3° de l'article L. 2122-9 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « exprimés », sont insérés les mots : « résultant de l'addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés » et les mots : « additionnés au niveau de la branche » sont remplacés par les mots : « des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres départementales d'agriculture dans les conditions prévues à l'article L. 2122-6 » ;
2° La seconde phrase est supprimée.
Article 4
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - Après la section 4 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du même code, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Mesure de l'audience des organisations syndicales concernant les entreprises de moins de onze salariés
« Art. L. 2122-10-1. - En vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, à l'exception de ceux relevant des branches mentionnées à l'article L. 2122-6, un scrutin est organisé au niveau régional tous les quatre ans. Ce scrutin a lieu au cours d'une période fixée par décret.
« Art. L. 2122-10-2. - Sont électeurs les salariés des entreprises qui emploient moins de onze salariés au 31 décembre de l'année précédant le scrutin, titulaires d'un contrat de travail au cours de ce mois de décembre, âgés de seize ans révolus et ne faisant l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques.
« Art. L. 2122-10-3. - Par dérogation à leurs obligations relatives au secret professionnel, les caisses de sécurité sociale communiquent aux services du ministre chargé du travail les données relatives aux entreprises employant un ou plusieurs salariés ainsi que les données relatives à ces salariés portées sur les déclarations sociales et nécessaires à la constitution de la liste électorale.
« Art. L. 2122-10-4. - La liste électorale est établie par l'autorité compétente de l'État. Les électeurs sont inscrits dans deux collèges, d'une part, un collège «cadres», d'autre part, un collège «non-cadres», en fonction des informations relatives à l'affiliation à une institution de retraite complémentaire portées sur les déclarations sociales des entreprises, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« Art. L. 2122-10-5. - Tout électeur ou un représentant qu'il aura désigné peut saisir le juge judiciaire d'une contestation relative à une inscription sur la liste électorale, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« Le juge saisi d'une contestation vérifie que les électeurs concernés remplissent les conditions fixées aux articles L. 2122-10-2 et L. 2122-10-4.
« Art. L. 2122-10-6. - Les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel se déclarent candidats auprès des services du ministre chargé du travail dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État.
« Art. L. 2122-10-7. - Le scrutin a lieu par voie électronique et par correspondance. Lorsqu'il n'en dispose pas, l'employeur n'a pas l'obligation de mettre à la disposition des salariés le matériel informatique permettant le vote par voie électronique.
« Les conditions de déroulement du scrutin et de confidentialité du vote sont déterminées par décret en Conseil d'État. Ledit décret précise également les modalités de l'information délivrée aux salariés.
« Art. L. 2122-10-8. - Les règles établies par les articles L. 10 et L. 67 du code électoral s'appliquent aux opérations électorales.
« Art. L. 2122-10-9. - L'employeur laisse aux salariés le temps nécessaire pour voter depuis leur lieu de travail, tout en garantissant la confidentialité de leur vote. Lorsque le vote a lieu pendant les horaires de travail, ce temps est considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale.
« Art. L. 2122-10-10. - L'employeur laisse aux salariés de son entreprise désignés dans le cadre de ce scrutin en tant qu'assesseur, délégué et mandataire des organisations syndicales candidates le temps nécessaire pour remplir leurs fonctions. Le temps effectivement passé pour l'exercice de ces fonctions, y compris hors de l'entreprise, pendant les horaires de travail est considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale.
« L'exercice par un salarié des fonctions d'assesseur, délégué et mandataire des organisations syndicales candidates ne peut être la cause d'une sanction ou d'une rupture du contrat de travail par l'employeur.
« Art. L. 2122-10-11. - Les contestations relatives au déroulement des opérations électorales sont de la compétence du juge judiciaire dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
II. - La section 5 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du même code est complétée par un article L. 2122-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-13. - Avant l'ouverture du scrutin prévu à l'article L. 2122-10-1, le ministre chargé du travail présente au Haut Conseil du dialogue social les modalités retenues pour son organisation. »
III. - L'article L. 2234-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords passés en application du premier alinéa peuvent prévoir que la composition de ces commissions tient compte des résultats de la mesure de l'audience prévue au chapitre II du titre II du livre Ier de la présente partie. Ils peuvent également prévoir que ces commissions n'exercent qu'une partie des missions définies à l'article L. 2234-2. »
Article 5
(Texte de l'Assemblée nationale)
I. - Le code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin des articles L. 2122-7 et L. 7111-8, les mots : « ou bien les conditions de l'article L. 2122-6 » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 2232-2 est supprimé ;
2° bis Au premier alinéa de l'article L. 2232-6 et au dernier alinéa de l'article L. 2232-7, les mots : « dans le cadre de la mesure de l'audience prévue » sont remplacés par les mots : « aux élections visées » et les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la même mesure d'audience » sont supprimés ;
3° À l'article L. 7111-10, les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la mesure de l'audience prévue à l'article L. 2122-6 » et les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la même mesure d'audience » sont supprimés.
II. - Le code de l'aviation civile est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l'article L. 423-9, les mots : «, ou bien les conditions de l'article L. 2122-6 du même code » sont supprimés ;
2° Au second alinéa de l'article L. 423-10, les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la mesure de l'audience prévue à l'article L. 2122-6 du même code » ainsi que les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la même mesure d'audience » sont supprimés.
III. - L'article 11 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail est ainsi modifié :
1° Au I, les mots : « dans leur rédaction issue de la présente loi » sont supprimés ;
2° Au second alinéa du III, les mots : « des articles L. 2122-5 et L. 2122-6 du code du travail dans leur rédaction issue de la présente loi » sont remplacés par la référence : « de l'article L. 2122-5 du code du travail ».
Article 6
(Suppression maintenue)
Article 7
(Texte de l'Assemblée nationale)
Dans les deux ans suivant la tenue, pour la première fois, du scrutin prévu aux articles L. 2122-10-1 et suivants du code du travail, le Gouvernement présente au Parlement un rapport établissant un bilan des accords prévus à l'article L. 2234-4 du même code et des résultats de la négociation interprofessionnelle sur la représentation du personnel. Ce rapport peut proposer des adaptations législatives éventuelles découlant de ce bilan.
Article 8
(Texte de l'Assemblée nationale)
La date du prochain renouvellement général des conseils de prud'hommes est fixée par décret et, au plus tard, au 31 décembre 2015. Le mandat des conseillers prud'hommes est prorogé jusqu'à cette date.
articles 1er à 6
M. le président. Sur les articles 1er à 6, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
article 7
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la première phrase, remplacer la référence :
L. 2234-4
par la référence :
L. 2234-1
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie David. Je réitère notre désaccord profond quant au procédé retenu sur cette question très importante du report des élections prud’homales et de la prorogation corrélative du mandat des actuels conseillers prud’homaux.
Monsieur le ministre, je regrette vivement l’introduction dans le présent texte de ce cavalier législatif, mais cela devient une habitude de la part du Gouvernement !
Certes, un rapport est en cours d’élaboration. Dans l’attente de ses conclusions, nous avons cependant de plus en plus de certitudes, ou de moins en moins de doutes, quant à la modification profonde que vous entendez apporter aux élections prud’homales.
Je vous rappelle qu’une loi relative au dialogue social et à la représentativité syndicale a été adoptée, même si ses dispositions ne sont pas applicables aux TPE.
Monsieur le ministre, j’espère que, avant toute modification du mode de scrutin aux élections prud’homales, un débat sera organisé avec les organisations syndicales et qu’un accord pourra être trouvé.
Bien entendu, tant en raison de la suppression de l’article 6 par l’Assemblée nationale et du maintien de cette suppression par la commission mixte paritaire que du fait de l’introduction de ce véritable cavalier législatif à l’article 8, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre le présent projet de loi.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement de la commission, je donne la parole à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mes chers collègues, si certains d’entre vous doutaient encore de la mainmise du MEDEF sur la majorité, aujourd'hui, ils sont éclairés : l’examen du présent texte devrait achever de les convaincre !
Ce qui s’est produit au cours du processus législatif concernant ce texte n’est vraiment pas glorieux !
À l’origine, le projet de loi visait à compléter la loi du 20 août 2008, qui prévoit la mesure de la représentativité syndicale dans toutes les entreprises, et à traduire une « lettre commune » signée, au mois de janvier dernier, par quatre syndicats, mais aussi par une organisation patronale, l’UPA, et soutenue par l’UNAPL et la FNSEA. Il avait pour objet de permettre aux 4 millions de salariés travaillant dans les TPE d’élire des représentants syndicaux.
Apparemment, une telle mesure est absolument inconcevable pour certains patrons et pour certains parlementaires de la majorité !
Ainsi le texte, qui avait déjà été sérieusement édulcoré lors de son examen par le Sénat, au mois de juin dernier, a-t-il été totalement vidé de sa substance lors de son passage devant l’Assemblée nationale. Après un intense lobbying du MEDEF et de la CGPME, les députés du groupe UMP, poussés par leur ambitieux président, ont fini par supprimer l’article 6, qui prévoyait la création facultative – j’insiste sur cet adjectif – de commissions paritaires régionales dans lesquelles les représentants élus des TPE siégeraient ; c’était une façon de permettre aux syndicats de mettre un pied dans les TPE, où le personnel ne dispose pas de représentants, et un moyen de guider les petits patrons dans les méandres du code du travail.
Le rôle de telles instances était déjà limité puisqu’il consistait seulement à « assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail » et à « apporter une aide en matière de dialogue social aux salariés et aux employeurs des entreprises de moins de onze salariés ». Pis, elles n’étaient investies d’aucune mission de contrôle des entreprises et la majorité du Sénat avait bien pris soin d’interdire à leurs élus de pénétrer à l’intérieur d’une entreprise sans l’accord de l’employeur. On mesure l’intensité du péril !
Mais c’était encore trop, et l’article 6 a été carrément supprimé par l’Assemblée nationale.
Comme M. le rapporteur l’a annoncé, la commission mixte paritaire a trouvé un « compromis » qui consiste à ne pas créer de nouvelles commissions ad hoc et à s’en tenir à la dizaine de commissions paritaires locales créées par la loi de 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, dont il appartiendra désormais aux partenaires sociaux de définir les attributions. On en conviendra, le dispositif est pour le moins abscons…
En réalité, tout cela n’est que pure comédie et n’apporte aucune réelle avancée pour les salariés des TPE. Voilà pourquoi, alors que nous nous étions abstenus en première lecture, c’est aujourd’hui sans états d’âme que nous voterons contre ce texte qui, clairement, n’est pas à la hauteur des enjeux.
Monsieur le ministre, je remarque au passage que vous accordez une écoute beaucoup plus grande au MEDEF et à la CGPME à propos de ce texte que vous n’en accordez aux salariés pour ce qui concerne la réforme des retraites !
J’ai été effrayé par le lobbying et les menaces exercés par ces deux organisations patronales,…
Mme Raymonde Le Texier et M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Jean-Pierre Godefroy. … qui traduisent clairement leur profond mépris des syndicats et leur vision rétrograde du dialogue social. Leur acharnement a fini par payer, mais elles ne sortent pas grandies de ce débat !
M. Guy Fischer. Elles ont montré leur véritable visage !
M. Jean-Pierre Godefroy. À quand un texte sur le problème de la réelle représentativité et de la réelle audience des organisations patronales ?
Car ce texte ne rend pas service aux dizaines de milliers de patrons des TPE, bien au contraire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de président de la mission d’information sur le mal-être au travail, permettez-moi de vous faire part de la déception des membres de cette mission. En effet, dans nos recommandations figurait l’ouverture du dialogue social au sein des TPE et des PME, afin d’éviter les drames que nous connaissons actuellement. Vous aviez la possibilité de faire droit à ce vœu. Mais, sous la pression et de M. Copé et du MEDEF, vous avez simplement abdiqué. Ce faisant, c’est un bien mauvais service que vous avez rendu tant aux salariés qu’aux patrons des petites entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 1 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.