M. Jean-Louis Carrère. C’est sa conception du dialogue !
M. Éric Woerth, ministre. Les mesures d’âge assurent près de la moitié de l’effort à l’horizon 2018 : elles représentent presque 19 milliards d’euros de recettes sur 43 milliards d’euros de déficit à l’horizon 2020. Il faut regarder les choses en face : aucune autre solution crédible ne permet d’atteindre pareil objectif. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’en savez rien !
M. Yannick Bodin. On va vous expliquer les choses !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Discutons plutôt des solutions alternatives !
M. Éric Woerth, ministre. Ainsi, notre réforme est solidement équilibrée sur le plan financier.
Les déficits accumulés d’ici à 2018 seront repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. En contrepartie, les actifs et les ressources du Fonds de réserve des retraites lui seront transférés. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Roland Courteau. Siphonnage !
M. Éric Woerth, ministre. La crise a avancé de vingt ans – je dis bien de vingt ans – les déficits de nos régimes de retraite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La crise de qui ? C’est la vôtre !
M. Éric Woerth, ministre. Face à ce défi, il faut bien que nous apportions des réponses. C’est ce que nous faisons ! On ne peut emmagasiner des réserves pour nos retraites et laisser dans le même temps se creuser des déficits !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les banques, les actionnaires de s’enrichir, tandis que les salariés paient pour les retraites !
M. Éric Woerth, ministre. On ne peut, à la fois, vouloir éteindre l’incendie, avoir une réserve pour le faire, et ne pas utiliser cette dernière sous prétexte que, dans vingt ans, il y aura un incendie.
C’est à cette fin que nous allons utiliser le Fonds de réserve pour les retraites : il a été construit pour cela, et sera utilisé pour cela ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Jean-Louis Carrère. On peut aussi piquer partout !
M. Éric Woerth, ministre. L’ensemble de ces éléments permet d’atteindre l’équilibre des régimes de retraite à l’horizon 2018.
Cet objectif est atteint de manière cohérente : d’abord, le rendement des mesures d’âge a été calculé prudemment ; ensuite, la contribution des autres régimes de protection sociale, en particulier l’assurance chômage, est modeste ; enfin, nous apportons une solution aux déficits qui surviendront d’ici à 2018.
Dans le respect de cet équilibre, de nouvelles avancées pourront sans doute améliorer encore ce texte. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour l’instant, il n’y a pas beaucoup d’avancées sur le fond !
M. Jean-Louis Carrère. C’est un débat droite-droite ! C’est du cinéma !
M. Éric Woerth, ministre. Je tiens à saluer, en particulier, le débat de fond qui s’est tenu en commission au sujet de la situation des femmes, sur le fondement du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le rapporteur a posé le sujet tel qu’il fallait le poser.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors ?
M. Éric Woerth, ministre. Nous en avions déjà débattu à l’Assemblée nationale et, je tiens à le rappeler, le projet du Gouvernement contient d’ores et déjà des avancées pour les femmes.
À l’évidence, les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes sont une injustice ; c’est incontestable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne vous en étiez pas aperçu auparavant ?
M. Éric Woerth, ministre. À l’Assemblée nationale, j’ai moi-même indiqué que nous allions poursuivre le débat sur ce sujet afin de tenter de trouver une bonne réponse, qui soit juste !
Aujourd’hui, dans l’ensemble, les femmes n’ont plus de trimestres de cotisations manquants. Une femme de 55 ans a autant de trimestres de cotisations pour sa retraite qu’un homme.
M. René-Pierre Signé. Il y a des femmes bien payées !
M. Éric Woerth, ministre. Il est vrai, toutefois, que le manque de trimestres concerne encore certaines générations, celles des femmes qui atteindront l’âge de la retraite dans les cinq ans à venir. Je sais que certains d’entre vous ont à cœur que nous débattions de cette question.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Éric Woerth, ministre. Ils ont raison, et nous allons en débattre. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
Mais elle ne doit pas masquer ce qui constitue le véritable défi pour l’ensemble des femmes, l’inégalité salariale. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. Éric Woerth, ministre. Aujourd’hui, la véritable cause des inégalités de retraite entre les hommes et les femmes réside dans les écarts de salaire et de carrière. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Gisèle Printz. Il y a des lois pour ça !
Mme Annie David. Merci le MEDEF !
Mme Christiane Demontès. C’est maintenant que vous le découvrez ? Cela date de 1983 !
M. Éric Woerth, ministre. Les femmes en paient le prix ensuite, pendant leur retraite. (Exclamations sur les mêmes travées.) Je le répète, les inégalités salariales conduisent aux inégalités de retraite. C’est une situation inacceptable dans la France du xxie siècle.
M. Guy Fischer. Vous enfoncez des portes ouvertes !
M. Éric Woerth, ministre. J’imagine que chacun peut le reconnaître. C’est pour y apporter une réponse adaptée que nous avons proposé dans ce texte une disposition importante : nous proposons de pénaliser les entreprises qui n’adopteront pas les mesures suffisantes en matière d’égalité salariale. (Mêmes mouvements.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !
M. Éric Woerth, ministre. À cet effet, nous mettons en place une mesure totalement nouvelle, la transparence en matière d’égalité professionnelle afin d’inciter chacun à progresser. Transparence et sanction sont liées.
M. René-Pierre Signé. Transparence ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de l’affichage !
M. Éric Woerth, ministre. La sanction correspond à 1 % de la masse salariale. Les textes précédents ne comportaient pas de mesure de sanction. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements nourris sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.) Il faut mettre les entreprises face à leurs responsabilités, c’est un choix que nous assumons.
Faut-il aller plus loin, mesdames, messieurs les sénateurs ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. Nous en débattrons ensemble.
Je souhaite que notre discussion permette d’enrichir encore le débat, et je sais que la Haute Assemblée est, comme nous tous, soucieuse de ne pas remettre en cause les équilibres auxquels nous sommes parvenus.
La première des injustices en matière de retraite correspond, au fond, au déséquilibre financier de notre système de retraites.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est cela !
M. Jean-Louis Carrère. C’est de votre faute !
M. Éric Woerth, ministre. Nous ne pouvons pas, à partir du mois de novembre, payer les retraites des Français à crédit. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Nous ne pourrons pas continuer à financer les dispositifs de solidarité qui sont à l’intérieur de notre système de retraite si nous continuons à les financer par le crédit. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Louis Carrère. Supprimez le bouclier fiscal !
M. Roland Courteau. C’est la débandade de nos finances publiques !
M. Éric Woerth, ministre. Nous devons regarder les situations telles qu’elles sont, et non telles que nous voudrions qu’elles soient. C’est comme cela que nous apporterons les vraies réponses aux attentes des Français et c’est comme cela que nous pourrons assurer la pérennité et l’équilibre de notre régime par répartition.
M. Guy Fischer. Par des injustices !
M. Éric Woerth, ministre. C’est notre responsabilité collective. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyons ensemble… (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) … à la hauteur de ce défi majeur pour les Français et pour notre République. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’avez rien entendu !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. René-Pierre Signé. Villepiniste !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … madame la présidente de la commission des affaires sociales, que je tiens encore à remercier pour la façon dont les débats ont été menés la semaine dernière en commission, monsieur le rapporteur, auquel j’adresse également tous mes remerciements pour le travail que nous avons pu effectuer grâce à son rapport,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … mesdames, messieurs les sénateurs, dans la ligne de ce que vient de vous dire Éric Woerth, j’ai l’honneur de vous présenter à mon tour le projet que le Gouvernement propose aux Français pour assurer la pérennité de notre système de retraite, tout particulièrement dans la fonction publique.
M. Roland Courteau. On en a parlé !
M. Guy Fischer. Nous avons compris !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons compris que vous n’entendez rien !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme l’a dit Éric Woerth, nous avons choisi de regarder la vérité en face avec courage et détermination. Préserver notre système de retraite est une obligation sociale,…
M. Roland Courteau. Vous n’allez pas répéter ce qu’il a dit !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … au regard des générations qui nous succéderont.
C’est aussi – nous sommes dans le vif du sujet – une nécessité au regard de la très forte dégradation de la situation budgétaire du régime de retraite des fonctionnaires. Ce constat ne découle d’ailleurs pas de chiffres qui seraient ceux du Gouvernement.
M. Roland Courteau. C’est la débâcle des finances publiques !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Ces chiffres ont été très bien mis en exergue par le rapport du Conseil d’orientation des retraites, le COR, publié voilà plusieurs mois.
Je me permets de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, certains des chiffres importants mis en exergue par ce rapport.
En premier lieu, pour la fonction publique de l’État, le déficit passerait de 15 milliards d’euros à 21 milliards d’euros d’ici à 2020 et à 39 milliards d’euros d’ici à 2050 si nous ne faisions rien.
M. Jean-Louis Carrère. C’est de votre faute !
M. Jacques Mahéas. Eh oui, 100 000 suppressions d’emplois, c’est 100 000 cotisants en moins !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Ce déficit est calculé sur la base de ce que le COR a déterminé comme des conventions de calcul.
M. Jean-Louis Carrère. Votre faute !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je serais très heureux, monsieur le sénateur, si vous le souhaitez, que nous ayons un discours approfondi pour vous montrer que c’est plus complexe que les invectives que l’on peut se lancer dans le cadre d’un débat. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Quant à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, présidée par un éminent membre de votre assemblée que je salue au passage, son solde resterait positif jusqu’à 2015 environ, tandis que son déficit atteindrait environ 1,3 milliard d’euros en 2020 et 13,6 milliards en 2050.
Je me permets de souligner ces chiffres : en 2050, le déficit atteindrait environ 40 milliards d’euros pour l’État et 14 milliards d’euros pour la CNRACL.
M. Roland Courteau. Depuis combien de temps êtes-vous au pouvoir ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Personne, sur aucune travée, ne peut dire que nous n’avons pas une obligation à agir.
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez creusé les déficits ! Vous êtes de très mauvais gestionnaires !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. La réforme des retraites intègre à part entière la fonction publique qui compte 5,3 millions d’agents, soit 20 % de l’emploi total.
Ainsi, pour la fonction publique, Éric Woerth et moi-même avons privilégié une approche extrêmement simple, autour du principe de la convergence des règles entre régimes privés et celui de la fonction publique. Nous avons la volonté d’y procéder avec discernement. Permettez-moi de vous le prouver en quelques mots. (Non ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Augmenter la cotisation des fonctionnaires, quel discernement !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le principe de convergence ne nie pas les spécificités de la fonction publique. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Vous pourriez me dire…
M. Jean-Louis Carrère. On ne vous dit rien !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … que le principe de convergence tombe sous le sens.
Je constate qu’à l’Assemblée nationale – mais peut-être en sera-t-il autrement devant la Haute Assemblée ? – lorsque j’ai évoqué avec Éric Woerth ce principe de convergence, j’ai entendu beaucoup de critiques sur ce que nous proposions, de nombreuses adhésions de principe sur le fait qu’il fallait faire converger les systèmes, mais aucune proposition de la part de l’opposition (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) …
M. Jean-Pierre Bel. Vous allez les entendre !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … pour nous dire ce qu’il fallait que nous fassions pour mettre en œuvre cette convergence. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. On vous les chantera !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle arrogance ! Soyez modeste !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme je ne doute pas que le Sénat, dans sa très grande sagesse,…
M. Jean-Louis Carrère. Ne jouez pas à ça ! On va vous faire converger, vous allez voir !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … sera extrêmement constructif, j’attends avec la plus grande attention, monsieur le sénateur, que vous m’expliquiez très concrètement, dans le cadre de la discussion des articles, avec le calme, la courtoisie et la sérénité qui caractériseront le débat, mais également avec l’esprit constructif dont vous saurez faire preuve, ce que vous proposez dans le domaine de la convergence. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Yannick Bodin. Si vous voulez faire de la provocation, nous sommes prêts !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. S’il s’agit d’expliquer qu’il faut converger, sans rien proposer à ce propos, il ne s’agit plus de convergence. (Rires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je prendrai trois exemples très précis pour vous montrer que nous avons tout fait pour maintenir les spécificités de la fonction publique quand elles nous paraissaient légitimes.
Premier exemple, nous n’avons pas remis en cause la règle qui consiste à liquider une pension en prenant en compte le traitement indiciaire des six derniers mois.
À cet égard, nous avons entendu les syndicats et les formations politiques et, surtout, nous avons regardé la réalité des situations. Nous avons simplement constaté que le mode calcul dans la fonction publique,…
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas à nous qu’il faut le dire ! Regardez vos amis !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … fondé sur les six derniers mois, bien que très différent de celui du secteur privé qui prend en compte les vingt-cinq dernières années, aboutit in fine à des montants de pensions versées à peu près semblables.
Plutôt que de se lancer dans une sorte de Grand soir, qui aurait consisté à remettre en cause ce dispositif,…
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez raison d’éviter le Grand soir !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … nous sommes partis d’un calcul très simple qui nous a conduits à considérer que ce n’était pas la peine de procéder à une telle remise en cause, puisque les montants des pensions étaient relativement proches.
C’est la preuve, Éric Woerth l’a dit, que nous n’avons strictement aucune approche dogmatique du sujet !
Mon deuxième exemple a trait aux catégories actives. Comme vous le savez, nous avons un dispositif particulier concernant la pénibilité pour certains salariés de la fonction publique.
Certains, au sein de la majorité, nous ont interrogés à très juste titre au sujet de l’opportunité du maintien de dispositifs datant parfois du milieu du xixe siècle.
En réalité, là encore, nous sommes partis d’un calcul très simple : existe-t-il, oui ou non, des métiers spécifiques à la fonction publique, avec une pénibilité spécifique à la fonction publique, justifiant qu’on les maintienne ?
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. La réponse que nous avons apportée est « oui » ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas remettre en cause ces dispositifs de catégories actives dans la fonction publique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyez modeste !
M. Jean-Louis Carrère. Baratin !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il ne s’agit pas de baratin pour les catégories actives de la fonction publique, qui sont très désireuses de bénéficier de ces dispositifs !
Mon troisième exemple a trait à la pension de réversion. Dans la fonction publique, les conditions d’attribution sont en effet plus favorables que dans le secteur privé, puisqu’elles n’incluent aucune condition d’âge ni de ressources.
En contrepartie, chacun le sait, force est de constater que ces conditions d’attribution plus favorables sont contrebalancées par des taux de réversion plus faibles que ceux du secteur privé : ils s’élèvent à 50 % dans le secteur public, contre 54 % et 60 % dans le secteur privé.
Ces trois exemples illustrent le fait que nous nous sommes penchés sur ces problèmes de la fonction publique avec le seul souci d’être objectifs… (Rires sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est cela !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … et de ne pas nous laisser emporter par des considérations qui seraient plus dogmatiques qu’objectives. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Tout le monde sait bien que vous n’êtes pas dogmatiques ! Vous êtes l’objectivité même !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. À partir de là, nous nous sommes demandés si, en contrepartie, il n’existait pas des dispositifs qu’il fallait remettre en cause parce qu’injustifiés au regard de l’équité de traitement entre le secteur public et le secteur privé.
Nous avons alors déterminé quelques mesures qui se justifiaient.
La première de ces mesures est évidente, les Français ne le comprendraient d’ailleurs pas autrement. Elle consiste à porter l’âge légal de départ à la retraite dans le secteur public à 62 ans, comme dans le secteur privé, à partir de 2018. Cette réforme s’applique bien entendu, pour cette limite d’âge, aux catégories sédentaires.
S’agissant en revanche des catégories actives, c’est-à-dire des corps pour les membres desquels l’âge légal de départ à la retraite est généralement fixé à 50 ou 55 ans, la réforme conduira simplement à autoriser les départs à partir de 52 ou 57 ans. La durée de service pour bénéficier de la catégorie active évolue naturellement avec ce décalage de deux ans, pour passer de quinze à dix-sept ans.
En ce qui concerne les militaires, les durées de service passeront de quinze et vingt-cinq ans à respectivement dix-sept et vingt-sept ans pour une pension à jouissance immédiate, dont je me permets de souligner qu’elle n’est pas remise en cause. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Comme aujourd’hui, l’écart de cinq ans entre l’âge du « taux plein » et celui de l’annulation de la décote est maintenu. Cela signifie que l’âge à partir duquel la décote s’annule sera progressivement relevé de deux ans.
Bien entendu, la personne qui aura totalisé le nombre de trimestres suffisants pour atteindre le taux plein dès l’âge de 62 ans pourra prendre sa retraite dès cet âge et bénéficier du taux plein.
Je tiens à souligner que le Gouvernement a souhaité, par exception, neutraliser le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite, ainsi que le relèvement de la limite d’âge pour les personnels infirmiers qui feront valoir leur droit d’option dans les nouveaux corps et cadres d’emploi de la catégorie sédentaire dans le cadre de la réforme dite LMD – licence, master, doctorat.
C’est ce texte que, avec Éric Woerth, nous avons eu l’honneur de défendre devant le Parlement au printemps. Il ouvre aux infirmières la possibilité d’exercer un droit d’option. Cela constitue à mon sens la meilleure façon de savoir si elles sont d’accord ou non, plutôt que de parler à leur place.
En tout cas, il s’agit très clairement d’une mesure propre à valoriser ce choix et à mieux garantir l’équilibre de la réforme des corps infirmiers.
Deuxième mesure, notre réforme permettra de renforcer l’équité de notre système de retraite par des dispositions de rapprochement des règles entre public et privé. Je déclinerai les trois dispositifs qui forment en réalité l’ossature du texte.
Premièrement, le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné sur celui du secteur privé. C’est le contrepoint, si j’ose dire, de ce que j’ai expliqué voilà quelques instants.
Le constat a été fait que les deux systèmes, malgré leurs différences, aboutissaient à peu près à des pensions qui étaient versées au même montant. Nous avons donc considéré que ce n’était pas la peine de revenir dessus. En revanche, il est tout à fait clair que le niveau du taux de cotisation du secteur public, inférieur d’un peu moins de trois points par rapport au secteur privé, ne se justifiait pas.
M. René-Pierre Signé. Les fonctionnaires sont mal payés, c’est connu !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En conséquence de quoi nous avons décidé d’un relèvement très progressif de ce taux. S’étalant sur dix années, il se traduira, en réalité, par une augmentation de l’ordre de six euros en moyenne pour chacune des catégories de la fonction publique.
M. Guy Fischer. Ce sera plus !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Dorénavant, le fonctionnaire contribuera au financement des retraites dans la même proportion qu’un salarié du secteur privé.
Deuxièmement, le dispositif de départ anticipé sans condition d’âge pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de service, dispositif dont le Conseil d’orientation des retraites avait relevé les imperfections et qui est sans équivalent dans le privé, sera supprimé, progressivement, à compter de 2012.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout en étant pleinement disposé, comme Éric Woerth d’ailleurs, à répondre aux questions que vous nous poserez, je me permets de vous rappeler que la Commission européenne a ouvert une procédure qui concerne, entre autres, un tel dispositif.
En réalité, au-delà des considérations qui nous conduisent à proposer une modification du système, nous devons également tenir compte, dans notre réflexion, des injonctions de la Commission européenne.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas toujours le cas !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Quoi qu’il en soit, le droit à un départ anticipé sera conservé pour les parents répondant à ces deux conditions – trois enfants et quinze ans de service – au 1er janvier 2012.
Parallèlement, la règle de calcul sera harmonisée sur le droit commun, par génération, afin de traiter sur un pied d’égalité l’ensemble des Français devant la retraite.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ils ne sont pas à égalité !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement a entendu les inquiétudes des agents, qui ont été nombreux à s’interroger sur l’articulation des conditions d’éligibilité dans le cadre du calendrier de la réforme. Leurs questions ont été relayées, notamment, par les organisations syndicales.
Soucieux d’y apporter une réponse, car, vous en avez encore la preuve ici, nous écoutons les organisations syndicales, nous discutons avec elles. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas vrai !
M. Jacques Mahéas. Vous mettez des boules Quies !
M. René-Pierre Signé. Débouchez-vous les oreilles !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Soucieux d’apporter une réponse à leurs questions, disais-je, le Gouvernement a modifié le dispositif en précisant que le nouveau régime ne serait pas applicable aux personnes ayant déposé leur demande de pension avant le 31 décembre 2010, pour un départ à la retraite au plus tard au 1er juillet 2011, ni à celles qui ont atteint ou dépassé l’âge d’ouverture des droits à la retraite.
L’Assemblée nationale a en outre adopté un amendement, déposé par le Gouvernement, visant à exclure des nouvelles règles les personnes qui sont à cinq années de l’âge d’ouverture des droits à la retraite.
Comme vous le voyez, toute une série d’exemptions ont été mises en place afin d’éviter, au-delà des règles de progressivité, une rupture brutale pour les fonctionnaires susceptibles de bénéficier du dispositif. En tout cas, les agents disposeront dorénavant d’un délai suffisant pour arrêter leur choix dans les meilleures conditions.
Troisièmement, parallèlement au relèvement du taux de cotisation et à l’extinction du dispositif « quinze ans et trois enfants », il a été décidé que le minimum garanti serait désormais soumis à la même condition d’activité que dans le secteur privé.
Comme vous le savez, les fonctionnaires bénéficient actuellement de ce minimum dès qu’ils atteignent l’âge d’ouverture des droits, même s’ils n’ont pas tous leurs trimestres. Dans le secteur privé, un salarié doit attendre l’âge du « taux plein », c'est-à-dire 65 ans.
Le Gouvernement ne remet pas en cause le montant du minimum garanti, sensiblement plus élevé, de l’ordre de deux cents euros, que dans le secteur privé.
Le Président de la République, comme le Gouvernement, a pris un engagement (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.),…
M. Jean-Louis Carrère. Il en a pris d’autres ! Ne parlez pas trop des engagements du Président de la République !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … celui de ne pas baisser les pensions.
De ce fait, nous avons entendu modifier le minimum garanti, mais sans l’aligner totalement sur le minimum contributif du secteur privé. Nous harmonisons donc la règle d’ouverture de son service sur celle du régime général : autrement dit, le choix est donné entre respecter la durée de cotisation complète ou partir à la limite d’âge à laquelle s’annule la décote.
Mesdames, messieurs les sénateurs, secteur public comme secteur privé, nous avons tous l’obligation de faire cette réforme de société, réforme qui est justifiée par les déficits abyssaux devant lesquels nous nous trouvons.