M. Adrien Gouteyron. Pour les monuments protégés ?
Mme Jacqueline Gourault. C’est marqué !
M. Michel Mercier, ministre. Pour les monuments protégés, il faut se reporter à l’alinéa 6 de l’article 35 ter.
J’ai essayé de bien montrer les choses.
Il y a bien sûr les compétences partagées. Tout à l’heure, j’en ai expliqué une, mais il y en a bien d’autres, qui concernent la culture, le sport, le tourisme, et d’autres qui sont déterminées par la loi comme le très haut débit, les réseaux et la téléphonie, dont j’ai parlé voilà quelques instants.
Pour répondre complètement à Mme Blandin, je rappellerai simplement que, s’agissant de la coopération décentralisée, c’est l’article L. 1115-1, qui prévoit que « les collectivités territoriales – c’est-à-dire toutes – et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement ». C’est donc une compétence partagée, qui peut être exercée par les communes, les départements et les régions, collectivités territoriales de la République aux termes de l’article 72 de la Constitution.
Je voudrais simplement vous redire, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous priant de m’excuser d’avoir été probablement un peu trop long,…
M. Charles Revet. Mais c’était important, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. … que j’ai essayé, avant l’examen de l’article 35, de bien cadrer les choses, même si nous serons sans doute obligés d’y revenir.
Le débat que nous avons eu est un débat noble, intéressant, qui n’était pas vain. Je trouve tout à fait normal que le Gouvernement s’explique devant la Haute Assemblée sur ce sujet.
Le débat ayant eu lieu, des explications ayant été données, vous comprendrez, j’espère mieux maintenant, pourquoi je pense que, si les amendements qui ont été déposés avaient un intérêt puisqu’ils ont provoqué le débat,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je crois que ça ne va pas être possible !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas une raison !
M. Michel Mercier, ministre. Vos amendements me semblent surabondants. Si vous ne vous rendiez pas à l’évidence du débat, je réitérerais l’avis défavorable émis tout à l’heure sur ces amendements et je demanderais à la majorité de les rejeter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Cher monsieur Hyest, nous ne sommes pas dans un débat de philosophie. Nous sommes dans un débat de construction du droit.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez déjà parlé !
M. Edmond Hervé. Je vous prie de m’excuser si je vous importune. Monsieur le président, vous m’avez autorisé à parler.
Cette discussion est importante car il y a actuellement une rupture dans la construction du droit par rapport à tout ce qui a été suivi dans la confection des lois. Je me tiens à la disposition de quiconque pour développer ce point.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, lorsqu’il y a énumération des compétences obligatoires dans toutes les grandes lois, cette énumération est une garantie pédagogique de l’application de la clause de compétence générale.
Cette énumération a un double devoir, une double raison.
Tout d’abord, l’énumération de compétences obligatoires protège les citoyens de la région, du département ou de la commune, qui peuvent très pédagogiquement identifier quelles sont les compétences obligatoires de la collectivité territoriale.
Ensuite, l’État lui-même est à l’origine de cette inspiration des compétences obligatoires car, avec cette énumération des compétences obligatoires à la charge ou en l’honneur des collectivités territoriales, il peut très bien dire tout à fait normalement : « ceci n’est pas de mon ressort, ceci est du ressort des collectivités territoriales, au nom de la solidarité, de la répartition des tâches ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous parlons de compétences obligatoires, il faut rappeler que la compétence obligatoire s’oppose à la compétence facultative, mais la compétence obligatoire ne s’oppose pas à un principe d’exclusivité.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Edmond Hervé. Lorsque nous parlons de compétences obligatoires, cela ne signifie pas que ce sont des compétences exclusives. (M. Roland Courteau opine.)
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Edmond Hervé. À ce point, je rappelle les textes constitutionnels : si vous insistez sur les compétences obligatoires exclusives, vous mettez en cause le principe de libre administration,…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Edmond Hervé. … le principe selon lequel une collectivité ne peut pas exercer de tutelle sur une autre. (M. Jean-Jacques Mirassou applaudit.)
M. Didier Guillaume. Évident !
M. Edmond Hervé. Dernier point, nous sommes les uns et les autres des praticiens. Je vous reconnais et je reconnais aussi la pratique. Nous exerçons cette fonction au nom de la confiance de nos compatriotes, et c’est tout à notre honneur. Et si nous sommes là – ce n’est pas un « nous » de majesté, monsieur le président, c’est un « nous » collectif –, c’est aussi grâce à la confiance de nos compatriotes.
Si nous mettons en place un système de compétences obligatoires exclusif, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que nous lions la capacité d’adaptation, la capacité d’évolution de nos collectivités territoriales.
Revoyez votre histoire, revoyez notre histoire ! Je pense à la jurisprudence des années 1930 du Conseil d’État, Léon Blum était alors commissaire du Gouvernement, mes chers collègues, qui a permis des évolutions tout à fait exceptionnelles.
Si vous vous enfermez dans les compétences obligatoires exclusives, que faudra-t-il ? Intervenir de nouveau au niveau législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. On n’est pas là pour se donner des leçons, mais M. Hervé et moi-même, nous avons à peu près la même formation. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Eh oui, c’est comme ça : il faudra vous y faire, monsieur Mirassou. C’est pour cela que nous pouvons vous parler de Léon Blum, un des plus grands commissaires du Gouvernement.
Puisque M. Hervé citait des arrêts où il avait été commissaire du Gouvernement, un des meilleurs pour les règles budgétaires c’est l’arrêt Conseil d’État, 1924, Syndicat général des assureurs conseils du Territoire de Belfort, qui a dit, une fois pour toutes, – et on ferait bien de s’en inspirer – que le budget est une loi dans la forme mais pas dans le fond.
M. Edmond Hervé. Et la jurisprudence dite du « socialisme municipal » !
M. Michel Mercier, ministre. Exactement, les bains-douches – et ce soir, cela nous ferait le plus grand bien ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Quelle culture générale !
M. Michel Mercier, ministre. S’agissant du Conseil d’État, où j’ai exercé des fonctions en d’autres temps, s’il y a des jurisprudences anciennes, il en est aussi de plus récentes.
Je voudrais rappeler un arrêt intéressant, que je ne qualifierai pas d’« arrêt de principe », rendu par le Conseil d’État le 29 juin 2001. Il s’agit de l’arrêt Commune de Mons-en-Barœul. Le Conseil d’État a rappelé que le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Et le Conseil d’État observe : « Ce texte habilite le conseil municipal à statuer sur toutes questions d’intérêt public communal sous réserve qu’elles ne soient pas dévolues par la loi à d’autres personnes publiques. »
Il y a donc désormais un ensemble de compétences attribuées, qui découle des textes successifs. Notre droit a changé car, au fil des ans, tous les gouvernements, toutes les majorités, de gauche, de droite – pas assez souvent du centre, d’ailleurs, mais on fait ce qu’on peut – ont prévu des compétences attribuées à telle ou telle collectivité.
Aujourd’hui, ces compétences constituent notre patrimoine commun, notre façon de faire vivre la décentralisation.
Dans la loi sur laquelle nous délibérons, il n’est pas possible de faire table rase de tout cela. Ces textes continuent d’exister, ils ont une valeur normative, une valeur juridique.
Il faut se livrer à ce très long travail de reprise de tous les textes, notamment dans le domaine de la culture, du sport, des nouvelles technologies, et en analyser le résultat.
Toutes ces compétences légales attribuées existent. Il ne s’agit pas de compétences forcément obligatoires, monsieur Hervé, vous le savez bien, au sens où la collectivité devrait obligatoirement les mettre en application, sauf, notamment, pour certaines des compétences sociales, qui résultent d’autres dispositions, mais il s’agit de compétences exclusives. (M. Edmond Hervé fait un signe de dénégation.) Si ! C’est ce que dit le Conseil d’État. Et là, monsieur Hervé, je suis obligé de vous le dire, quel que soit le respect que j’ai pour vous,…
M. Didier Guillaume. M. Hervé a été bon !
M. Michel Mercier, ministre. Il est toujours bon ! Quel que soit le respect que j’ai pour vous, disais-je, j’aime plus encore la vérité et le Conseil d’État dont les décisions s’imposent à nous tous.
Quant à la compétence d’initiative, je tiens à rappeler à M. Mézard, qui me semble être l’un des plus ardents adeptes du rapport Belot, son verset 37 (Sourires), où il est explicitement proposé de reconnaître à chacun des niveaux de collectivités une « compétence d’initiative ».
Le Gouvernement a repris cette proposition, et n’a donc fait que puiser à la même source que vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Compte tenu de cette inspiration commune et de cette convergence de vues, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements respectifs, qui me semblent vraiment surabondants, et vous invite à reprendre cette discussion lors de l’examen de l’article 35 du projet de loi.
À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable, et définitif ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, tendant à insérer un article additionnel avant le chapitre Ier.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Mes chers collègues, en raison d’un résultat serré, Mmes et MM. les secrétaires m’informent qu’il y a lieu de procéder à un pointage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En conséquence, je suspends la séance pour quelques minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 247 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l’adoption | 158 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – MM. Philippe Darniche et Philippe Adnot applaudissent également.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le chapitre Ier, et les amendements nos 299, 572 rectifié, 300, 302, 323 rectifié, 324 rectifié et 301 n’ont plus d’objet.
Rappel au règlement
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Sans doute sur le fondement de l’article 36, ma chère collègue ? (Sourires.)
Mme Josiane Mathon-Poinat. Bien sûr, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, compte tenu du résultat du vote qui vient d’intervenir, et dont nous nous réjouissons, il serait peut-être opportun que la commission des lois se réunisse pour envisager les incidences de cet amendement sur l’article 35. (Exclamations sur les travées de l’UMP)
Je rappelle en effet à M. le ministre que, au départ, notre amendement était un additionnel avant l’article 35 ; on nous a demandé de le déplacer, raison pour laquelle le Sénat l’a adopté en tant qu’additionnel avant le chapitre Ier. (M. Michel Mercier, ministre, s’exclame.)
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pas de réponse ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Chapitre ier (réservé)
Conseillers territoriaux
M. le président. Je rappelle que le chapitre Ier jusqu’à l’article 1er quinquies est réservé jusqu’au début du titre V, à l’exception de l’amendement n° 321, que je vais appeler en discussion.
Article additionnel après l'article 1er AA
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole sur l’article, monsieur le président !
M. le président. Vous qui êtes un champion de la procédure, mon cher collègue, vous devriez savoir que l’on ne peut pas prendre la parole sur un article additionnel ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Comment cela ? On ne peut pas s’inscrire sur un article additionnel ?
M. Bernard Frimat. Non, le président a raison, mon cher collègue !
M. le président. J’appelle donc l’amendement n° 321, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, qui est ainsi libellé :
Après l'article 1er AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.
Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d'ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.
Il veille à l'équité territoriale.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement est, à mes yeux, essentiel, particulièrement pour les petites communes rurales.
Pourquoi l’avons-nous déposé ?
Dans tous nos départements, nous constatons la disparition d’un grand nombre de services techniques de l’État, qui apportaient leur concours aux collectivités. Étant profondément décentralisateur, je considère, à titre personnel, qu’il revient aux collectivités de remplir ces missions qui étaient auparavant assumées par l’État.
Nous souhaitons qu’il soit acté dans le texte que le conseil général, instance de proximité s’il en est, apporte son soutien aux collectivités qui le demandent, tout particulièrement aux plus petites d’entre elles, qui n’ont pas à leur disposition les moyens techniques nécessaires.
Ce projet de loi, en fait, vise en quelque sorte à couper le lien qui existe entre le département et les communes. Vous tentez de recomposer les couples, mettant en avant le nouveau couple département-région au détriment du couple commune-département, lui, centenaire et qui fonctionne bien.
En effet, avec les communes et les départements, auxquels il faut ajouter les intercommunalités, de création plus récente, nous sommes bien dans la proximité, et nous avons mis en place des dispositifs qui nous permettent de répondre aux besoins des populations.
Nous devons préserver l’équilibre de tous nos territoires. Or l’action du conseil général sur nos communes rurales est particulièrement importante. Cet amendement a précisément pour objet de rappeler que le département n’a en aucun cas vocation à disparaître.
Notre position est d’ailleurs confortée par un sondage IPSOS commandé par l’Assemblée des départements de France, indiquant que plus de 80 % des Français se déclarent attachés à leur département. D’ailleurs, les problèmes suscités à l’occasion de la modification de l’immatriculation des véhicules en sont bien la preuve. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Selon ce même sondage, les compétences principales du département sont connues d’une large majorité de Français, qui portent sur son action une appréciation favorable, allant de 56 % pour le versement des aides sociales à 75 % pour la construction et l’entretien des routes.
Plus généralement, les Français font bien plus confiance aux collectivités locales - 63 % - qu’à l’État - 29 % - pour mettre en place de services publics performants.
Voilà donc une bonne raison de rappeler les missions clés du département ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le libellé de cet amendement me semble dénué de toute portée normative.
En ce qui concerne le fond, cet amendement est en partie satisfait par l’article 35 ter nouveau, qui dispose, en son alinéa 2, que le département, « garant des solidarités sociales et territoriales, peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements ».
Si donc cet amendement n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’abord d’excuser ma grossière erreur de tout à l’heure. Mais cela arrive à tout le monde !
Cela étant, mes chers collègues, je souhaitais vous faire part de ma surprise.
Tout à l’heure, alors que nous défendions des amendements portant sur un sujet essentiel, il nous a été répété « sur-abondemment », tant par M. le rapporteur que par M. le ministre – et j’allais omettre M. le président de la commission des lois ! - que ces débats étaient artificiels (M. Michel Mercier, ministre, proteste), hors sujet et inintéressants, quand ils ne relevaient pas purement et simplement de la philosophie, ce que nous prenons comme un éloge, d’ailleurs.
Ici, alors que notre collègue Gérard Miquel présente un amendement tendant à acter la fonction éminente des départements en matière de solidarité et de justice sociale, voilà que notre proposition est écartée d’un revers de la main, au motif, nous dit-on, que tout cela est inutile, surabondant et sans nécessité…
Mes chers collègues, je souhaitais simplement demander à M. le rapporteur, et à M. le ministre, peut-être, d’essayer de tirer les conséquences du vote qui vient d’avoir lieu dans cet hémicycle. Car ce vote est très important !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Allez, allez ! N’exagérons rien !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes nombreux à considérer comme primordial le sujet des compétences et de la répartition des prérogatives, qui a occupé une part importante de nos débats cet après-midi.
Pourquoi le Sénat a-t-il majoritairement voté comme il vient de le faire ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Jacqueline Panis. À deux voix près !
Mme Catherine Troendle. Il n’y a eu que deux voix d’écart !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi le Sénat a-t-il majoritairement affiché cette position ? Je vous livre ici mon interprétation. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Je crois que l’examen de ce projet de loi s’est engagé sur des mauvaises bases. Nous n’avons cessé d’insister sur la nécessité d’évoquer, au préalable, la répartition des compétences et de ne pas tout mélanger. C’est pourquoi cet article 1er AA relatif au conseiller territorial n’est pas acceptable, pas plus que ce que vous cherchez à mettre en place s’agissant des compétences !
Nous aurions pu travailler tout à fait différemment. Hier, nous avons simplement rappelé les propositions tirées du rapport de Claude Belot et de ses collègues. C’était une base très solide sur laquelle nous pouvions nous appuyer ! Il était possible d’amorcer cette troisième étape de la décentralisation, très ambitieuse, qui est aujourd’hui nécessaire.
Mais nous sommes ici confrontés à un dispositif qui ne tient pas debout !
Vous êtes conscients des difficultés qu’il y a à expliquer ce projet de loi, même à ceux qui voudraient bien le voter, du fait de ce fameux conseiller territorial et de la confusion totale qu’il instaure. Cela ne passe pas !
Monsieur le ministre, notre groupe a suggéré que vous reveniez sur cette volonté de faire à tout prix voter ce projet de loi, dont l’examen s’engage de la façon la plus mauvaise qui soit. Le vote qui a eu lieu en est un nouveau signe, après beaucoup d’autres ! C’est pourquoi nous vous incitons à la réflexion.
Il est possible de faire autrement. Mais, pour cela, il faudrait sans doute remettre tout à plat et repartir sur de nouvelles bases. J’espère que nous serons entendus par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me placerai sur un terrain différent de celui de M. Sueur. Je pense en effet que cet amendement peut être voté par tous ici, et je m’en explique.
Aucun des deux arguments avancés par notre rapporteur – l’amendement serait satisfait par l’alinéa 2 de l’article 35 ter, et, au surplus, n’aurait pas de portée normative – n’est recevable. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les textes.
Que dit l’alinéa 2 de l’article 35 ter ? « Le département, garant des solidarités sociales et territoriales, peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements ».
Or que prévoit l’amendement n° 321 ? La première de ses dispositions figure, c’est vrai, à l’alinéa 2 de l’article 35 ter. En revanche, la mention selon laquelle « le département a en charge le développement des territoires ruraux » est absente de ce dernier, ainsi que la précision suivante : « À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif. »
Je souligne à cet égard qu’il ne s’agit pas ici du « financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements. », prévu à l’article 35 ter précité.
Cet amendement vise donc bien à introduire des dispositions nouvelles. Quant à la dernière précision, « il veille à l’équité territoriale », elle pourrait sans doute être critiquée pour son absence de valeur normative. Mais c’est également le cas des dispositions de l’article que je viens de citer !
Telle est la réponse que je souhaitais apporter aux objections qui ont été soulevées pour rejeter cet amendement.
Tout le monde le sait ici, c’est l’abandon par l’État qui a conduit au délabrement de l’ingénierie publique, au point que la question est posée d’une nécessaire solution de substitution. Très récemment, notre collègue Yves Daudigny a été chargé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation de rédiger un rapport sur le sujet. Il est arrivé à cette conclusion que seul le département – c’est une conclusion unanime – est susceptible de jouer ce rôle.
Il y avait bien la solution des intercommunalités, mais, si elles sont tout à fait suffisantes pour l’instruction des plans locaux d’urbanisme, elles le sont moins sur des dossiers plus sophistiqués qui requièrent un certain niveau d’ingénierie.
Très sincèrement, et je m’adresse ici à nos collègues de l’UMP et de l’Union centriste, même si vous n’êtes pas d’accord avec notre façon de poser le problème ou les principes qui nous guident, vous ne pouvez que vous rendre à l’évidence sur le plan pratique.
Je ne vois donc pas pourquoi vous ne pourriez pas voter cet amendement, qui n’est pas en contradiction avec votre logique. Car il faudra bien trouver un remplaçant à l’État, qui disparaît. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je n’invente rien, tout le monde le dit !
Puisque nous en sommes à dresser la liste des compétences à répartir, comme vous l’avez fait tout à l’heure, monsieur le ministre, je ne vois pas en quoi notre amendement, qui vise à attribuer certaines compétences au département, mettrait la charrue devant les bœufs ! Au contraire, il répond à une attente générale, sans pour autant trancher la question du conseiller territorial…
Par conséquent, j’estime que nous pouvons tous voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Cet amendement est très important. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Chers collègues, nous avons dans nos électeurs des maires de petites communes et nous savons bien qu’ils se tournent, et ce dans tous les départements, vers le président de leur conseil général pour regretter la suppression par l’État de ses services d’ingénierie. Aux DDEA, les directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, il n’y a quasiment plus personne, et au 31 décembre de cette année, c’en sera fini ! (Mme Catherine Troendle, Mlle Sophie Joissains et Mme Jacqueline Panis protestent.)
Or il faut bien aider ces collectivités, complètement démunies pour mener à bien leurs petits projets communaux, qu’il s’agisse de travaux d’adduction d’eau ou d’assainissement, de construction de bâtiments publics ou de réaménagement. Oui, ces petites communes sont complètement démunies, et elles nous demandent d’intervenir, ce que nous ne pouvons faire qu’avec bien des difficultés, car la loi ne nous autorise pas à conduire les opérations menées auparavant par les DDEA.
Nous vous proposons donc, par cet amendement, de combler un vide. Une telle décision serait très appréciée par l’ensemble des élus de ce pays.