M. le président. Mes chers collègues, nous devons encore entendre M. Bruno Sido et Mme Jacqueline Gourault pour explication de vote sur cet amendement, de même que M. le président de la commission des lois.
Cependant, pour vous permettre de répondre à l’invitation de M. le président du Sénat, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
Je veux rendre hommage à Mme Vivet, présente aujourd’hui pour sa dernière séance. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.) Je constate que le Sénat peut être unanime…
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales.
Dans la discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier, nous poursuivons les explications de vote sur l’amendement n° 166 rectifié.
La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Après cette interruption agréable et somme toute réussie, monsieur le président, et dont je vous remercie, nous poursuivons les explications de vote sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er AA.
J’ai écouté attentivement tous nos collègues qui ont, bien sûr, expliqué leurs craintes et j’estime qu’elles doivent être entendues et apaisées.
La commission aurait pu demander le report de l’examen de ces amendements aux articles 35 et suivants du titre IV.
Nos collègues de l’opposition étant de gros travailleurs, ils ne méconnaissent pas, je le sais, l’alinéa 4 de l’article 35 et l’alinéa 2 de l’article 35 ter, mais je vais tout de même en rappeler les termes.
L’alinéa 4 de l’article 35 dispose que le département « peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ».
Je réponds ainsi à ceux qui ont des inquiétudes sur les réseaux à très haut débit ou de fibres optiques, qui pourraient ne pas être réalisés par les départements. L’alinéa 4 de l’article 35 répond, me semble-t-il, complètement à la question posée.
Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 35 ter précise que « Le département – car certains craignent qu’aucune subvention ne soit possible pour les communes dans des domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences –, garant des solidarités sociales et territoriales – termes qui sont très forts –, peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements ».
Bien entendu, mes collègues ne méconnaissent pas ces alinéas – ils les ont lus –, mais ils sont inquiets car la situation précédente était limpide : tout le monde avait la clause générale de compétence. Or la situation à laquelle nous aboutissons est sans doute un peu moins claire puisque cette clause générale de compétence n’est reconnue qu’aux communes. Pour les autres collectivités, c’est un peu plus compliqué. Toutefois, l’alinéa 4 de l’article 35 et l’alinéa 2 de l’article 35 ter explicitent finalement le fond de l’affaire.
Nos collègues ont, me semble-t-il, peur d’une insécurité juridique et je les comprends, parce que la situation précédente était simple et l’on n’est, bien entendu, jamais à l’abri de l’intervention de telle ou telle personne dans une chambre régionale des comptes, par exemple, qui bloquerait tout pendant un certain temps.
À mes yeux, le Gouvernement aurait tout intérêt à clarifier cette question, à nous dire qu’il n’y a pas d’insécurité juridique – c’est mon point de vue –, que l’on peut réaliser des investissements comme avant, sous certaines conditions, bien entendu, un peu plus encadrées, car ce qui importe, c’est le développement de nos territoires.
En effet, qu’un investissement, par exemple une salle des fêtes ou un réseau à haut débit, soit réalisé par tel ou tel, finalement cela a un coût, et ce dernier est le même s’il est partagé par deux ou trois collectivités, voire quatre quand une partie du financement émane de l’Union européenne.
Par conséquent, la question posée par notre honorable opposition est la suivante : pourra-t-on encore intervenir pour réaliser ces investissements indispensables ?
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ça, la question !
M. Bruno Sido. Je le répète : le Gouvernement aurait, me semble-t-il, tout intérêt à clarifier cette situation.
M. Didier Guillaume. Cela fait deux heures qu’on le dit !
M. Bruno Sido. Pour moi, la situation est très claire, mais, pour nos collègues et amis, elle l’est peut-être moins. Cela mérite une intervention du Gouvernement – trois minutes, pas plus – pour dire que cette question ne pose aucun problème.
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Didier Guillaume. Alors qu’il pense l’inverse !
M. Bruno Sido. Voilà pourquoi je ne voterai pas ces amendements, parce que, à mes yeux, les choses sont claires. (Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. François Trucy applaudissent.)
M. Jacques Gautier. Quelle démonstration !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme l’a dit Bruno Sido, la question sera traitée au fond à l’article 35 (M. le rapporteur opine.) et on verra alors concrètement les choses.
Franchement, le débat théorique sur la clause générale de compétence me paraît totalement artificiel.
MM. Jean-Jacques Mirassou et Didier Guillaume. Il n’est pas théorique !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait trois heures que l’on parle de quelque chose d’artificiel ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que vous êtes artificiels, je n’y peux rien ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Moi, je ne philosophe pas,…
M. Pierre-Yves Collombat. C’est un tort, vous devriez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … j’essaie de faire du droit. Vous le reconnaîtrez, le droit n’a pas du tout le même objectif que la philosophie.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça dépend des fois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous élaborons des lois.
Mes chers collègues, – c’est nouveau dans l’article 35 – je souhaite que la compétence soit exclusive. D’ailleurs, une telle disposition existe déjà : les régions n’interviennent pas en ce qui concerne les collèges. Si on commence à dire que les régions vont intervenir sur les collèges et les départements sur les lycées…
Il y a des choses beaucoup plus complexes, on l’a vu notamment en matière de tourisme.
M. Didier Guillaume. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je prendrai un exemple intéressant.
La Seine-et-Marne a le plus grand établissement privé de loisirs d’Europe. Eh bien, il y a un bureau du conseil général pour faire la promotion du département et un bureau du conseil régional pour assurer la promotion de la région. Maintenant, ils se sont tout de même entendus pour être dans les mêmes locaux, mais il a fallu dix ans…
M. Gérard Miquel. Ce n’est pas normal !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Surtout depuis 2004 !
M. Didier Guillaume. Même avant, ce n’était pas le cas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Avant 2004, le conseil régional ne s’en occupait pas.
M. Yannick Bodin. L’année 2004 a été un vrai désastre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On verra cela à l’article 35, mais je regrette un peu que l’on reprenne deux fois un même débat. Il y a des amendements sur ce sujet à l’article 35…
M. Pierre-Yves Collombat. Ce qu’il en reste !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Collombat, j’essaie de ne pas vous interrompre, et, parfois, ce n’est pourtant pas l’envie de le faire qui me manque. (Rires sur les travées de l’UMP. – M. Pierre-Yves Collombat rit également.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est dommage !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous verrons cela à l’article 35…
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouviez demander la réserve de ces amendements jusqu’à l’examen de l’article 35 !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que j’avais déjà formulé d’autres demandes de réserve : cela suffisait !
De toute manière, insérer dans la loi des déclarations générales qui n’ont aucune conséquence concrète…
M. Didier Guillaume. Si, c’est du concret !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! C’est pourquoi nous sommes totalement en désaccord, non pas forcément sur les idées qui ont été développées, mais sur la manière dont vous souhaitez rédiger les lois. D’ailleurs, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, des dispositions qui sont de simples déclarations n’ayant pas de caractère normatif n’ont aucune valeur législative.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a même des dispositions qui ont été censurées pour ce motif.
Voilà ce que nous avons le devoir de vous dire au nom de la commission des lois. Mais le débat aura lieu à l’article 35. Comme vous vous êtes…
M. Didier Guillaume. … mis en jambes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … mis en jambes, en effet, nous aurons, je le pense, un débat aussi intéressant à l’article 35,…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Plus rapide !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … mais plus rapide, je l’espère.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. De la discussion jaillit la lumière, monsieur le ministre. Donc, tout espoir à cette heure-ci n’est pas perdu !
J’ai écouté ce débat dans un silence respectueux…
M. Charles Revet. Au fauteuil de la présidence !
M. Bernard Frimat. … et je l’ai trouvé intéressant, parce qu’il essayait d’aller au fond d’un problème qui préoccupe tous les élus locaux.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Bernard Frimat. De quoi est-on parti ? D’une proposition initiale du Gouvernement, qui était la suppression de la clause de compétence générale.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Frimat. Voilà le point de départ du projet de loi et du raisonnement !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Bernard Frimat. Cette position avait un mérite : elle faisait l’unanimité… mais contre elle ! (M. Jean-Jacques Mirassou s’esclaffe.) En effet, on a vu un grand nombre de personnes dire qu’elles ne pourraient plus s’occuper du sport ou de la culture, par exemple. Et petit à petit, je pense en vous écoutant par proximité politique, davantage que nous, vous vous êtes dit qu’on ne pouvait pas laisser les choses en l’état.
Alors, vous avez commencé à bricoler et le summum du bricolage, c’est ce que nous a lu Bruno Sido : si personne ne veut s’occuper de quelque chose et si le département prend une délibération pour dire qu’il s’en occupe, il pourra le faire.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela a toujours été ainsi !
M. Bernard Frimat. Avouez…
M. Didier Guillaume. Il avoue ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. … que c’est singulièrement compliqué ! Il aurait été tellement plus simple de rester sur une position qui consistait à dire : on est dans la logique de la décentralisation, le nom de la loi mère de la décentralisation, c’est « droits et libertés », eh bien, ces droits et libertés nous les conservons. Et, comme l’a dit Bruno Retailleau, on permet effectivement aux élus locaux de s’intéresser aux problèmes qui sont jugés cruciaux à tel niveau de compétence et d’y intervenir, et si une région ne le fait pas sur un point particulier, le département interviendra…
M. Didier Guillaume. Eh voilà !
M. Bernard Frimat. … dans l’intérêt général.
Philippe Adnot a pris l’exemple d’une université : les étudiants concernés ne se sont jamais demandé si c’était la région ou le département qui était maître d’œuvre, ce n’est pas leur problème.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Bernard Frimat. Leur problème, c’est que le service public soit rendu par les collectivités.
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Bernard Frimat. La très grande difficulté du texte que vous voulez imposer, car vous avez les moyens de le faire, vous n’êtes pas à une erreur près,… (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. Bernard Frimat. … c’est qu’il va créer – Bruno Sido l’a très bien démontré – une immense zone d’insécurité juridique.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Bernard Frimat. La collectivité territoriale va se demander si elle peut, si elle ne peut pas,…
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bernard Frimat. … si elle va avoir un recours d’une association ou d’un particulier devant le tribunal administratif au motif que la commune, le département ou la région n’a pas le droit de s’occuper de ce problème parce qu’il y a un doute dans la loi.
Et au lieu, en tant que législateur, de dire la loi, de construire la loi, nous allons nous en remettre à l’interprétation d’un conseiller de tribunal administratif,…
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Bernard Frimat. … fort estimable au demeurant. Un certain nombre d’élus locaux refuseront de prendre le risque d’intervenir,…
M. Didier Guillaume. Il a raison !
M. Bernard Frimat. … c’est là toute la gravité du problème ! Je ne pense pas qu’une différence fondamentale nous sépare quant à l’ambition que nous nourrissons pour les collectivités territoriales dont nous sommes élus : nous voulons tous qu’elles soient là pour rendre à la population le meilleur service possible à différents niveaux.
Après s’être engagé dans une voie difficile, le Gouvernement est en train de se livrer à des manœuvres de rétroaction pour aboutir à un texte qui soit néanmoins acceptable. Je ne doute pas que Michel Mercier, avec le talent qui est le sien, saura nous rassurer.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il va y arriver !
M. Bernard Frimat. Il va certainement nous montrer qu’il n’y a aucun problème.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il parle à votre place, monsieur le ministre !
M. Bernard Frimat. Nous l’entendrons avec intérêt, et les débats pourront toujours servir dans la jurisprudence administrative. Mais, quelles que soient par ailleurs ses qualités – et nous savons que, chez Michel Mercier, elles sont grandes ! –, le ministre n’est pas le président d’un tribunal administratif.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Bernard Frimat. S’il ne peut pas affirmer avec certitude qu’il n’y aura pas d’insécurité juridique, je pense qu’il vaudrait mieux qu’il s’abstienne d’assurer quoi que ce soit.
M. Didier Guillaume. Nous sommes tous d’accord !
M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.
J’ai eu le temps en vous écoutant, à des moments où les interventions, exceptionnellement, étaient un peu moins intéressantes, de lire longuement tous les amendements en discussion commune : l’amendement du groupe CRC-SPG est celui qui est le mieux rédigé et celui qui couvre la totalité de la matière, puisqu’il évoque aussi la règle de subsidiarité.
Pour ma part, je voterai cet amendement n° 166 rectifié. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe CRC-SPG. – MM. Raymond Vall et Jacques Mézard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Ce n’est pas la coutume, mais après le débat qui vient d’avoir lieu, et qui n’est pas médiocre,…
M. Jean-Pierre Sueur. Ni artificiel !
M. Michel Mercier, ministre. … il me semble nécessaire de faire le point sur cette question.
Comme me le disait récemment M. Gouteyron, il faut que nous essayions de bien fixer le cadre dans lequel doivent intervenir les collectivités territoriales.
M. Charles Revet. Eh oui ! On reconnaît bien là la sagesse de M. Gouteyron !
M. Michel Mercier, ministre. C’est vrai, le président Hyest a tout à fait raison de le relever, nous pensions que ce débat aurait lieu au moment de la discussion de l’article 35. Vous avez choisi, mesdames, messieurs les sénateurs, de le développer maintenant, et le Gouvernement n’a aucune raison de vouloir y échapper.
Je voudrais faire avec vous le point sur cet ensemble de questions et sur ce problème de la clause de compétence générale, qui revêt un caractère symbolique important. Ne pas le reconnaître, ce serait méconnaître la réalité des relations que peut avoir le Gouvernement avec les élus. Il faut donc que nous nous expliquions le plus clairement possible.
Il ne s’agit pas du tout, pour nous, de limiter la liberté des collectivités territoriales, qui est prévue, défendue, organisée, par l’article 72 de la Constitution, et je voudrais exposer notre vision des choses le plus simplement possible.
D’abord, nos discussions revêtent forcément un caractère académique, parce que c’est le propre même du thème dont nous débattons. Qu’est-ce que la clause de compétence générale ? Existe-t-elle depuis longtemps ? Comment se développe-t-elle ? Comment est-elle utilisée ? À quoi sert-elle vraiment ? Est-elle vraiment opératoire ? Autant de questions que l’on peut se poser !
Ensuite, il est un constat que, je pense, nous pouvons tous partager : depuis 1982, notre pays est entré dans la voie de la décentralisation. Le point culminant fut probablement atteint lorsque, ensemble – car, dans ces domaines-là, ceux qui ont voté contre une mesure sont souvent ceux-là mêmes qui la revendiquent le plus fort ensuite (M. Jean-Jacques Mirassou fait un signe de dénégation.) –, nous avons inscrit dans la Constitution que la République est une république décentralisée. Cela a donc un sens pour nous tous.
Depuis 1982, nous avons toujours hésité – mais ce n’est pas nouveau, puisque, je le montrerai, c’était déjà le cas dans la loi de 1871 – entre, d’une part, ce que l’on peut appeler la compétence générale, c’est-à-dire une compétence qui n’est pas définie, et, d’autre part, la définition des compétences et la création de blocs de compétences. Il suffit de se souvenir que c’était l’un des thèmes développés en 1982 : nous cherchions déjà à organiser les relations, notamment, entre les régions, qui devenaient des collectivités territoriales, et les départements, qui avaient ce statut depuis leur création.
Le débat a eu lieu, et continue d’avoir lieu.
Un sénateur de l’UMP. Nous n’avons pas tranché !
M. Michel Mercier, ministre. Nous n’avons pas tranché, et nous avons appliqué les deux solutions simultanément puisque, depuis 1982, il arrive très fréquemment que soient prévues dans une loi des clauses attribuant des compétences à telle ou telle collectivité. La direction générale des collectivités locales, la DGCL, a d’ailleurs entrepris un travail de très longue haleine, un travail véritablement harassant, qui consiste à reprendre tous les textes, pratiquement un par un, afin de récapituler les compétences ainsi dévolues au département ou à la région.
Le projet de loi que propose aujourd’hui le Gouvernement prend acte de cette histoire. Pour les communes et leurs groupements, l’état ancien du droit est conservé : on n’y touche pas. Les départements et les régions, en revanche, je l’évoquais à l’instant, se sont vu attribuer au fil de très nombreux textes telle ou telle compétence dans divers domaines que je ne reprendrai pas, car nous les connaissons tous, que ce soit la formation professionnelle, l’action économique, le social ou d’autres. Pour eux, le Gouvernement propose simplement d’énoncer que les compétences, quand elles sont légales, sont exclusives. Ainsi, puisqu’il incombe au département de financer, par exemple, les prestations liées au handicap, ou encore le RSA, le revenu de solidarité active, nous serions obligés de refuser aux autres collectivités de participer à ces financements, même si elles se bousculaient nombreuses au portillon.
M. Didier Guillaume. Il n’y en a pas !
M. Michel Mercier, ministre. Il ne s’en présente point, je suis d’accord avec vous, monsieur Guillaume !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il y a 400 millions d’euros de manque à gagner !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Mirassou, je pensais que la région Midi-Pyrénées avait envie de contribuer…
Donc, premier point, quand compétence légale il y a, elle est exclusive. C’est le bon sens ! Afin de montrer que les compétences légales sont nombreuses, je prendrai deux ou trois exemples tout à l’heure.
Il existe une autre variété de compétences, celles que la loi a définies comme partagées et qui sont donc exercées conjointement par plusieurs collectivités. On pense bien sûr au sport, à la culture, à la rénovation urbaine, mais on pourrait en citer bien d’autres.
Ainsi, M. Patriat, sénateur de la Côte-d’Or et président de la région de Bourgogne, nous a tout à l’heure expliqué, d’ailleurs très bien et très savamment, comment il intervenait dans le domaine du très haut débit et a indiqué qu’il ne pourrait plus le faire si le projet de loi était adopté. Je reconnais que c’est très compliqué, mais c’est bien sûr inexact puisque l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui a été créé par la loi du 21 juin 2004 – nous l’avons votée tous ensemble, ici, au Sénat – et qui vise à permettre le développement du haut et du très haut débit, prévoit que les réseaux et services locaux de télécommunications sont une compétence partagée des communes, des départements et des régions.
Je le précise car vous en avez fait l’un des principaux exemples du débat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela ne change pas ?
M. Michel Mercier, ministre. Non, cela ne change pas, cela demeure tel quel. C’est une compétence partagée et cela le reste, puisque c’est la loi qui en a décidé ainsi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Puisque vous voulez qu’il y ait un débat, j’essaie de vous apporter des réponses les plus claires possible !
M. Adrien Gouteyron. Et c’est très clair, monsieur le ministre !
M. Bruno Sido. Merci, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. Donc, je le dis très clairement : pour le très haut débit, qui est un problème actuel, nous avons réglé la question ici même et le présent projet de loi ne revient pas sur ce partage.
M. Pierre-Yves Collombat. Il en est de même pour la coopération décentralisée ?
M. Michel Mercier, ministre. Je conçois qu’il soit un peu décevant pour vous de constater qu’il n’y avait pas lieu de provoquer tout ce débat, auquel nous avons consacré beaucoup de temps. Mais ce qui est important, dans un débat, c’est le résultat !
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Roland Courteau. Soyez concis, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. … qui me semble extrêmement intéressante – c’est bien pour cela que je vous la livre ! (Sourires.) –, il ne faut pas confondre compétence et cofinancement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et voilà !
M. Bruno Sido. Exact !
M. Michel Mercier, ministre. Je n’ai jamais refusé de m’exprimer ! Parfois, je n’en ai pas le temps, parce que vous le prenez, mais sinon, je suis toujours à la disposition du Sénat, toujours !
Donc, je le répète, il ne faut pas confondre le régime des compétences et la possibilité de cofinancement.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Michel Mercier, ministre. À cet égard, les alinéas 2 et 3 de l’article 35 ter règlent la question, puisqu’ils disposent l’un que le département, l’autre que la région peuvent contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par d’autres collectivités territoriales ou groupements.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. CQFD !
M. Michel Mercier, ministre. En d’autres termes, et pour être clair, la compétence détermine la possibilité pour une collectivité d’assurer la maîtrise d’ouvrage d’un projet. Le contrôle de légalité, non plus que le juge, d’ailleurs, ne peut aller au-delà de cette compétence à être maître d’ouvrage.
En revanche, la possibilité de cofinancer sans assurer la maîtrise d’ouvrage est indépendante des compétences détenues. La région et le département, même s’ils ne bénéficient pas ou ne bénéficient plus de la clause de compétence générale, pourront continuer à soutenir les projets des autres collectivités…
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Michel Mercier, ministre. … pour lesquels leur compétence ne leur permet pas d’être maîtres d’ouvrage, par exemple, ceux des communes et des EPCI.
On peut citer des cas tout simples. Ainsi, un département – et cela arrive très souvent – peut décider d’aider une commune à établir son PLU, son plan local d’urbanisme : il n’a pas compétence pour élaborer le PLU, mais il peut aider à en financer les frais ; ce sont deux aspects tout à fait différents. Sur ce point, le projet de loi ne change rien, il se contente de préciser que le département n’a pas le droit d’établir de PLU, puisque c’est à la commune, qui a cette compétence, qu’il revient de le faire. En revanche, le département peut cofinancer les frais engendrés par les PLU ou autres.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le département ne s’est jamais mêlé des PLU !
Mme Marie-Christine Blandin. Et la coopération décentralisée ?
M. Michel Mercier, ministre. La coopération décentralisée existe, et c’est une compétence partagée. Je n’ai pas sous les yeux les références légales qui m’auraient permis de vous indiquer comment les choses doivent être partagées, mais je vous promets, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous les donner avant la fin de la séance.
S’agissant des financements, le texte pose une limitation en fixant la part que doit assurer le maître d’ouvrage. Pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants, les dispositions du décret du 16 décembre 1999 sont maintenues. J’y insiste, ce décret n’est en rien modifié, il est en quelque sorte transposé.
Or, aux termes de ce décret – ce n’est donc pas une innovation de ce gouvernement et, monsieur Teston, vous qui connaissez bien les chiffres, 1999, cela vous dit certainement quelque chose ! (MM. Michel Teston et Bruno Sido sourient.) –, le maître d’ouvrage doit apporter 20 %, sauf en matière de rénovation urbaine.
L’exception de la rénovation urbaine est prévue dans l’article 35 ter : il est possible d’aller jusqu’à 100%. Vous le savez parfaitement, c’est même dans le texte de la commission. L’assemblée nationale ne l’avait pas mis. Le Gouvernement soutient la position de la commission. La rénovation urbaine est hors application du décret de 1999. Quand vous refaites un quartier, l’ANRU, l’État, la région, le département peuvent donc apporter 100%. (Mme Évelyne Didier acquiesce.) C’est l’alinéa 5 de l’article 35 ter qui le prévoit.
Voilà une des précisions que je voulais apporter.