M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, hier soir, un scrutin public a eu lieu sur la motion présentée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, tendant au renvoi à la commission du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Ceux des membres du RDSE qui se sont abstenus souhaitaient en fait approuver cette motion, comme, du reste, ils ont approuvé les deux motions précédentes, celle du groupe socialiste et celle du RDSE, cette dernière ayant été très brillamment défendue par mon collègue et ami Jacques Mézard.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Collin. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Réforme des collectivités territoriales
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le chapitre Ier du titre Ier.
TITRE IER (suite)
RÉNOVATION DE L'EXERCICE DE LA DÉMOCRATIE LOCALE
Articles additionnels avant le chapitre Ier (suite)
M. le président. Tout à l’heure, nous avons entamé l’examen de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 292, 294, 295 et 322 rectifié ont été défendus par leurs auteurs.
L'amendement n° 296, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État garantit la péréquation entre les régions. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque région.
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Si nous sommes contraints de débattre aujourd’hui de la péréquation, la faute en revient au Gouvernement, qui, en supprimant brutalement la taxe professionnelle, a plongé les collectivités territoriales dans une situation totalement confuse. En effet, les produits de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, ne sauraient compenser équitablement les recettes que leur procurait la taxe professionnelle.
Aucune des simulations qui avaient été faites préalablement ne s’est révélée exacte. De surcroît, le ministère de l’économie est, à ce jour, incapable de chiffrer précisément les futures recettes des collectivités territoriales et de définir un mécanisme de substitution à la taxe professionnelle.
Le Gouvernement demande aux régions de se prononcer en faveur de l’un des dix ou douze scénarios qu’il leur soumet, sans mettre à leur disposition la moindre estimation ou la moindre simulation leur permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause. C’est un sujet que nous avons d’ailleurs abordé, ce matin, au cours d’une réunion organisée au sein de l’Association des régions de France, l’ARF.
Le rapport Durieux préconise une péréquation minimale de 25 %, tout en estimant que celle-ci ne saurait compenser les inégalités territoriales si elle est inférieure à 50 %, voire à 75 %.
Les collectivités territoriales en viennent même parfois à s’entre-déchirer sur les critères de calcul de la péréquation. Faut-il retenir la superficie, le nombre de lycéens, les ressources fiscales, le taux d’apprentis ? Les critères qui avantagent certaines collectivités pénalisent les autres. Au final, les collectivités territoriales sont, pour l’année 2011, dans le flou le plus total et dans l’incapacité de connaître réellement les ressources dont elles disposeront.
Outre que cette réforme coûtera 5 milliards d’euros au budget de l’État, le Gouvernement, en gelant les ressources des collectivités locales, créera des situations iniques entre les régions : les plus pauvres d’entre elles s’appauvriront, tandis que celles qui disposent d’un potentiel fiscal élevé – je n’en citerai aucune – verront leurs bases progresser.
Aussi, cet amendement, d’une importance extrême, tend à insérer un article additionnel disposant que la péréquation entre les régions doit être équitable, prendre en compte les ressources et les charges de chacune d’entre elles et reposer sur des scénarios établis suffisamment à l’avance, de manière à leur permettre de disposer de la visibilité nécessaire pour gérer leurs futurs engagements.
M. le président. L'amendement n° 297, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État garantit la péréquation entre les communautés. Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives des communautés.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’État doit garantir une juste péréquation non seulement entre les communes, entre les départements, entre les régions, comme nous venons de le voir, mais aussi, à l’évidence, entre les communautés, l’autre composante du bloc communal.
Compte tenu de l’organisation de notre paysage institutionnel, les intercommunalités ont, dans les faits, un rôle péréquateur entre les communes qui la composent. Dès lors, on comprendrait mal que ce rôle ne soit pas reconnu. La péréquation intercommunale est une pierre sur laquelle doit se fonder la péréquation nationale.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, je ne comprends pas qu’un projet de loi de réforme des collectivités territoriales passe sous silence un élément aussi important. Comment peut-on évoquer une réforme des collectivités territoriales sans parler de justice, d’équité, donc de péréquation ? C’est un mystère supplémentaire de ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 298, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'accroissement du montant de la péréquation au sein des dotations de l'État aux collectivités territoriales a notamment pour objet d'apporter davantage de moyens aux quartiers et aux communes relevant de la politique de la ville et aux espaces ruraux défavorisés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, assez d’hypocrisie ! Voilà déjà bien longtemps que l’on parle de péréquation, et les bonnes intentions ne manquent pas. Tous nos débats sur la péréquation me font penser à Faust, ce célèbre opéra de Gounod,…
M. Pierre-Yves Collombat. Marchons, marchons !
M. Jean-Pierre Sueur. … dans lequel, en effet, monsieur Collombat, un chœur commence par « Marchons, marchons », tout en restant sur place !
Avant-hier encore, lors du débat sur la contribution économique territoriale, nous avons entendu s’élever un vrai concert de voix en faveur de la péréquation. Mme Christine Lagarde a tenu des propos très forts, indiquant que le rapport Durieux nous invitait à réfléchir sur les mécanismes d’une péréquation qui était certes prévue dans les textes, mais qui restait insuffisante. Évoquant la suppression de la taxe professionnelle, elle ajoutait : « Nous le savons, le texte ne prévoit aucun mécanisme de péréquation pour les communes. »
Je n’ignore rien du rapport de MM. Guégan et Gilbert, mais je ne crois pas aux chiffres qui y sont énoncés. Je considère, et je suis prêt à m’en entretenir avec vous, que la part véritablement péréquatrice de la DGF ne dépasse pas 15 % et qu’elle est infime dans les budgets des régions.
En réalité, nous ne faisons pas les efforts de péréquation rendus nécessaires par la situation que connaissent certaines communes, qu’il s’agisse de communes urbaines, de banlieue, qui ne peuvent ainsi disposer des moyens de répondre aux besoins des quartiers difficiles qui sont sur leur territoire, ou de communes rurales situées dans des secteurs défavorisés. Il faudrait enfin avancer !
Mes chers collègues, il serait impensable qu’une réforme des collectivités territoriales ne pose pas le principe de la péréquation, n’appelle pas à l’ardente obligation de la péréquation !
Monsieur le président, afin de marquer l’importance décisive de l’amendement no 298, dernier des sept amendements en discussion commune que nous avons déposés sur la péréquation, je vous demande, au nom du groupe socialiste, de le mettre aux voix par scrutin public. (M. Bruno Sido s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est bien entendu favorable à la péréquation et aux grandes idées qui sont développées dans l’ensemble de ces amendements. Mais elle doit une nouvelle fois constater qu’ils sont dénués de toute portée normative : lorsque l’on veut faire de la péréquation, encore faut-il dire comment. Or le « comment » relève de la loi de finances et non du présent projet de loi, lequel n’est pas d’ordre financier, donc pas adapté.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est jamais l’heure !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Aux termes de l’amendement no 292, « La réforme territoriale a notamment pour objectif d’accroître la part de la péréquation au sein de l’ensemble des dotations de l’État aux collectivités territoriales. » L’expression « notamment pour objectif » ne saurait figurer dans une loi. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement no 294 prévoit que « l’État garantit la péréquation entre les collectivités territoriales ». Eh bien oui ! Je ne vois d’ailleurs pas qui pourrait être contre ce principe ! La seconde phrase dispose : « Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives des différentes collectivités ». Eh bien oui ! Je ne conçois pas comment pratiquer la péréquation sans prendre en compte les charges et les ressources des collectivités.
La disposition proposée étant dénuée de toute portée normative, je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
À l’exception de l’amendement no 298, les amendements suivants ont le même objet que l’amendement no 294, mais ils visent des niveaux de collectivité différents.
L’amendement no 295 concerne les communes ; j’y suis donc opposé pour les raisons que je viens d’évoquer.
L’amendement no 322 rectifié prévoit que « L’État garantit la péréquation entre les départements ». Eh bien oui ! Il dispose également : « Cette péréquation prend en compte les ressources et les charges respectives de chaque département. » Eh bien oui ! Je ne vois pas comment faire une péréquation entre les départements sans prendre en compte leurs charges et leurs ressources. Comme je l’ai indiqué, les modalités de cette prise en compte relèvent de la loi de finances. Je vous invite donc à retirer l’amendement. À défaut, la commission y sera défavorable.
L’amendement no 296 vise les régions. Il appelle les mêmes commentaires de ma part que les amendements précédents. J’en souhaite donc le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement no 297 concerne les communautés. Eh bien oui ! Tout le monde souhaite une péréquation entre les communautés, qu’elles soient de communes, d’agglomération ou urbaines.
Enfin, l’amendement no 298 dispose : « L’accroissement du montant de la péréquation au sein des dotations de l’État aux collectivités territoriales a notamment pour objet d’apporter davantage de moyens aux quartiers et aux communes… ». Eh bien oui ! Si les communes qui ont des quartiers difficiles sur leur territoire se voient attribuer plus de moyens, elles pourront consacrer davantage d’argent à ces quartiers : dire cela, c’est enfoncer une porte ouverte !
Je le répète, l’important, c’est de décider des modalités de la péréquation, mais cela doit se faire dans le cadre du projet de loi de finances, éventuellement par voie d’amendements. Pour l’heure, je confirme ma demande de retrait de l’ensemble de ces amendements, faute de quoi la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Monsieur Sueur, les sept amendements que vous avez déposés visent à préciser que l’État doit en quelque sorte garantir la péréquation entre les collectivités territoriales. Compte tenu des garanties formelles qui existent déjà, je ne vois pas l’intérêt de ces amendements.
La péréquation verticale représente, je le rappelle, un peu plus de trois milliards d’euros chaque année. Nous ne sommes donc pas seulement dans le domaine des « bonnes intentions », monsieur Sueur.
L’article 72-2 de la Constitution dispose : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. »
Depuis la révision constitutionnelle de 2003, tous les gouvernements – je dis bien tous – s’emploient à développer la péréquation. Ainsi, entre 2005 et 2010, les volumes consacrés à la péréquation dans la DGF ont fortement augmenté, passant respectivement de 1,9 % à 3,2 % pour les régions, de 9 % à 11 % pour les départements et de 19 % à 24 % pour communes, y compris pour celles qui sont incluses dans le périmètre du schéma directeur de la région d’Île-de-France.
À l’échelon communal, les compensations versées au titre de la péréquation représentent plus de 1,2 milliard d’euros pour la dotation de solidarité urbaine – elle a plus que doublé depuis 2004 –, 802 millions d’euros pour la dotation de solidarité rurale, elle aussi en forte augmentation, vous en conviendrez, et 712 millions d’euros pour la dotation nationale de péréquation. Je ne mentionne ni la dotation de développement urbain, ni la dotation de développement rural, ni d’autres dotations qui sont des formes un peu différentes de péréquation et n’entrent pas dans le cadre des 3 milliards d’euros que j’ai évoqués au début de mon intervention.
Le montant de ces dotations est calculé en fonction des critères de ressources et de charges que vous souhaitez voir pris en compte dans vos amendements et leur augmentation bénéficie principalement aux communes relevant de la politique de la ville et des espaces ruraux défavorisés. Il me semble donc que vous avez satisfaction.
J’ajoute que la conférence sur le déficit – peut-être avez-vous omis de prendre connaissance de ses conclusions ? – acte de manière solennelle la poursuite du développement de la péréquation, notamment en faveur des communes et des intercommunalités.
Dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, nous avons prévu de nouveaux dispositifs de péréquation horizontale, assis notamment sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Mardi dernier, en commission des finances élargie, nous avons eu un débat très enrichissant, qui a duré plus de trois heures et auquel vous avez d’ailleurs pris part, monsieur Sueur. Le rapport Durieux-Subremon, que le Gouvernement a remis au Parlement en vertu de la clause de revoyure, préconise des modifications de ces dispositifs afin d’en améliorer l’efficacité. J’ai évoqué ces pistes le 22 juin dernier, lors de mon audition, aux côtés de Mme Christine Lagarde, par la commission des finances élargie. Le projet de loi de finances pour 2011 sera un rendez-vous important pour la péréquation.
Les objectifs seront multiples.
Il s’agit, premièrement, de mettre en œuvre les conclusions de la conférence sur le déficit, qui sont favorables au développement de la péréquation.
Il s’agit, deuxièmement, d’adapter les notions de potentiels fiscal et financier, évoqués par vous-même, comme par M. Patriat, aux nouvelles ressources des collectivités territoriales.
Enfin, troisièmement, il s’agit d’envisager les améliorations des dispositifs de péréquation sur la CVAE, en liaison avec la mission parlementaire qui travaille, fort bien, sur ce sujet et qui, vous le savez, remettra son rapport dans les prochains jours.
Monsieur le sénateur, comme vous le constatez, le Gouvernement s’engage résolument en faveur du développement de la péréquation, facteur essentiel de justice entre les collectivités territoriales. C’est un objectif que nous recherchons en commun.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l’amendement no 292.
M. Claude Jeannerot. À vous entendre, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, vous partagez à l’évidence nos arguments ! Vous nous expliquez en effet que les dispositions que nous préconisons figurent déjà dans la Constitution et vous garantissez leur application au travers des différents textes que vous prévoyez pour la circonstance.
Pour notre part, nous avons la conviction que l’avenir des collectivités territoriales ne peut être garanti que par le respect d’un double principe : l’autonomie financière – nous avons longuement développé ce point – et la péréquation.
Il nous paraît essentiel de rappeler ce double principe à l’heure où l’argent public se fait de plus en plus rare. Comment pourriez-vous présenter un texte, que vous voulez fondateur, de réforme des collectivités territoriales sans l’adosser à deux principes essentiels pour notre pacte républicain ?
Si un doute pèse sur la péréquation ou sur l’autonomie financière, il s’étendra à l’ensemble de la réforme ! C’est la raison pour laquelle nous demandons, avec insistance, que la disposition visée par cet amendement figure au nombre des principes qui guident le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, en donnant l’avis de la commission sur nos amendements, avis que j’ai écouté avec soin, vous avez, à six reprises, gratifié nos dispositions de la réponse : eh bien oui !
Cette réponse est assez emblématique de la manière dont nous traitons la péréquation, depuis assez longtemps déjà ! Eh bien oui ! Tout le monde reconnaît les bienfaits de la péréquation, qui est accrochée dans un coin et à laquelle nous sommes désormais habitués.
Mais, dans la réalité, la péréquation est insuffisante. (M. le président de la commission des lois s’exclame.) Elle est dans certains cas très faible, pour ne pas dire trop faible.
Tout à l’heure, je vous parlerai des régions, et je vous donnerai les chiffres qui les concernent. Vous aurez ainsi une idée du volume de la péréquation dans les dotations des régions.
Monsieur le secrétaire d’État, je veux vous remercier de votre réponse très complète et détaillée, à laquelle j’ai été très sensible.
Cela étant, en dépit de ce que vous dites, et les chiffres que vous citez sont tout à fait exacts, le problème reste bien sûr devant nous, parce que nous attendons toujours avec impatience la clause de revoyure.
Lorsqu’on nous dit que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, va faire l’objet d’une certaine péréquation, nous l’entendons, mais nous sommes comme saint Thomas, nous attendons de voir, et nous émettons quelques doutes.
Nous sommes d’autant plus sceptiques que le Président de la République a annoncé, je le rappelle, que les dotations de l’État n’allaient pas augmenter – c’est une litote ! – et que des critères relatifs à une bonne gestion seraient mis en œuvre. Or ces critères ne concernent aucunement la péréquation.
Je souhaiterais maintenant aborder brièvement la question de la dotation globale de fonctionnement.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut sortir du mécanisme diabolique de la DGF. Je sais bien que la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, a légèrement augmenté, mais c’est trop peu par rapport aux besoins, puisque notre système comporte une part forfaitaire qui est importante et ne repose, par définition, sur aucun critère de péréquation.
En outre, la part d’intercommunalité, qui existe effectivement, n’est pas péréquatrice, puisque le fait d’être une intercommunalité ne vous rend pas, de ce fait, riche ou pauvre.
Par ailleurs, on pourrait revoir la DSU, parce que ce ne sont pas toujours les communes les plus nécessiteuses qui perçoivent les dotations les plus importantes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ça recommence !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Hyest, vous n’avez pas l’air d’accord avec mes propos !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vais vous dire pourquoi.
M. Jean-Pierre Sueur. En tant que président de la commission des lois, vous pouvez vous exprimer quand vous le souhaitez. Mais j’aimerais conclure mon argumentation, si vous me le permettez.
La dotation de solidarité rurale, ou DSR, est divisée en deux parts réparties entre 32 000 communes,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous savons tout cela !
M. Jean-Pierre Sueur. … et l’on ne peut pas dire que ce soit foncièrement péréquateur.
Donc, au total, mes chers collègues, la fraction de la DGF qui est péréquatrice ne dépasserait pas 10 % ou 15 %.
M. Bruno Sido. C’est du remplissage !
M. Jean-Pierre Sueur. Sur la masse, c’est très peu, d’autant que certaines communes, comme Clichy-sous-Bois, qui ont des charges importantes, des propriétés dégradées et beaucoup d’habitants en grande difficulté, disposent de ressources très faibles et n’ont que très peu ou pas du tout d’entreprises sur leur territoire. Ces dotations sont insuffisantes.
Il existe donc un devoir républicain, un devoir de solidarité qui s’appelle « péréquation ». Au lieu de dire « Eh bien oui ! », il convient de dire « On va faire plus ! ». Nous devons afficher cette ambition comme un objectif absolument fondamental de toute réforme des collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Monsieur le secrétaire d’État, votre explication a été très complète, et nous serions tentés de vous croire.
Mais ceux d’entre nous qui siégeons depuis plusieurs années dans cette assemblée ont eu l’expérience de ce genre d’explications tenues par des ministres tout à fait respectables. Certaines promesses nous ont été faites lorsque la décentralisation a été mise en œuvre, et comme nous sommes profondément décentralisateurs, nous les avons acceptées et mise en application avec beaucoup de bonne volonté. On nous a promis à l’époque la compensation à l’euro près des transferts effectués, en particulier, dans le domaine social.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Gérard Miquel. Aujourd’hui, vous nous dites que la péréquation aura lieu et que des mesures sont prévues à cet effet. Mais j’ai toujours pensé que la péréquation était possible quand il y avait du grain à moudre. Or, actuellement, nous savons bien que nous n’en avons pas.
Dans cette affaire, monsieur le secrétaire d’État, je crains que les propos que nous tenions au début de l’examen de ce texte, en première lecture, ne se vérifient.
Nous avions dit que vous mettiez la charrue avant les bœufs. Il aurait d’abord fallu examiner cette question avec attention et définir précisément les compétences des diverses collectivités avant de s’engager dans une réforme de la fiscalité digne de ce nom, et non à l’emporte-pièce, à la va-vite, sans en connaître les répercussions.
Ce travail nous aurait permis de savoir de quelle façon gérer au mieux ces collectivités et comment procéder à l’élection des divers niveaux.
Aujourd’hui, vous nous proposez d’instituer le conseiller territorial, et vous refusez nos amendements, au motif que la réponse aux problèmes de péréquation figurerait déjà dans un certain nombre de textes, notamment dans le présent projet de loi. Je crois pourtant que nos propositions sont bonnes. Elles ont le mérite de préciser les choses dans un texte qui reste encore à nos yeux beaucoup trop flou.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, vos amendements ont pour seul objectif de retarder le débat ! (Absolument ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous rappelle que le dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. »
M. Jean-Pierre Sueur. Justement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Puisque ces dispositions figurent dans la Constitution, ce serait les dégrader que de les inscrire dans la loi.
En tout état de cause, la Constitution s’applique. Pour quelle raison voulez-vous décliner de nouveau dans la loi un principe de valeur constitutionnelle ?
Vous l’avez fait hier pour l’administration. Quant à l’autonomie financière totale, ce n’est pas un principe véritablement garanti par la Constitution, parce qu’il contredit la péréquation.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne peut pas tenir deux discours différents à quelques heures près ! (M. Jean-Pierre Sueur proteste.)
Mes chers collègues, lorsque j’étais député, un ministre a mis en œuvre une péréquation – c’était la DSU et la DSR –, provoquant les hurlements de tous ceux qui n’allaient pas en bénéficier.