M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement est effectivement très intéressant. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
En matière d’ingénierie publique, l’intercommunalité est l’échelon adéquat. Car ce que l’on ne peut plus faire tout seul, les services de l’État ayant disparu (M. Gérard Miquel s’exclame),...
Laissez-moi terminer, monsieur Miquel !
En ce qui concerne le conseil juridique, les capacités des conseils généraux, je le rappelle, sont très limitées !
Par ailleurs, que signifient exactement les termes « conseil technique ou administratif » ? Jusqu’où va-t-on avec cette rédaction ?
Chers collègues, sous prétexte de soutien, c’est une tutelle douce que vous mettez en place,…
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
Mme Catherine Troendle. Oui !
Mlle Sophie Joissains. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … et je ne voterai jamais une telle perversion du système ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Car le département ne doit pas exercer de tutelle sur les communes, qui s’organisent librement.
Mme Catherine Troendle. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On pense à des unions de maires, des associations de maires, qui peuvent faire du conseil juridique et de l’ingénierie publique. De toute façon, les départements eux-mêmes font appel à des bureaux d’études. Même une petite commune peut recourir à un bureau d’études pour de l’ingénierie ou de l’aide à la maîtrise d’œuvre.
L’intercommunalité a justement été développée pour éviter que les communes ne soient isolées. La réforme de la carte de l’intercommunalité avait même pour objet de constituer des entités d’une certaine masse critique leur permettant d’assumer toutes ces tâches.
Méfiez-vous donc, mes chers collègues ! C’est une chose d’accepter de soutenir tel ou tel maire qui demande de l’aide – libre à vous de le faire, vous pouvez tout à fait -, c’en est une autre de l’inscrire dans la loi, sauf à vouloir, en fait, substituer le département à l’État !
M. Jean-Jacques Mirassou. Le département le fait déjà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, mais vous n’êtes pas encore obligé de passer par ses services ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On voit bien que c’est ce qui risque de se passer !
Même en matière de subventions, une vraie tutelle s’installera alors sur les collectivités ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas ce que l’amendement prévoit !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il en ira comme dans un certain nombre de départements, où les subventions sont d’ores et déjà conditionnées. « Vous voulez une subvention ? Oui, mais il faudra faire comme ceci et pas comme cela ! Et passez par mon bureau d’études… » (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Si vous êtes très vertueux, tous ne le sont pas, monsieur Miquel !
Sous prétexte de soutien, vous instaurez une véritable tutelle sur les communes et les intercommunalités. Jamais je ne voterai une telle disposition, car elle est contraire aux règles constitutionnelles. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Mme Jacqueline Gourault fait des signes d’approbation.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre. Je souhaite simplement abonder dans le sens de M. le président de la commission des lois.
Il nous faut être extrêmement attentifs au risque de voir se développer une tutelle, de quelque nature qu’elle soit. (M. Edmond Hervé s’exclame.)
Monsieur Hervé, regardons les choses telles qu’elles sont !
M. Edmond Hervé. Je vais vous répondre, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, si, avant même que j’aie pu aller au bout d’un argument, vous faites des commentaires, il me sera difficile de progresser dans mon raisonnement !
Comme vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai connaissance de ce qui se passe sur le terrain et je sais qu’il faut absolument éviter les subventions accordées à la condition que tel ou tel contrat soit signé ou les financements subordonnés à tel ou tel pourcentage de participation.
Il existe déjà un certain nombre d’agences départementales. Par ailleurs, les textes prévoient que le département peut apporter son aide technique dans un certain nombre de cas. Il paraît donc inutile d’aller plus loin.
Au reste, je viens de donner instruction aux préfets de consacrer une partie des crédits en faveur du développement rural au financement des dépenses d’ingénierie, lesquelles, jusqu’à présent, ne pouvaient pas être financées de cette manière.
Désormais, les préfets pourront accorder des financements pour financer l’ingénierie des communes rurales.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Mercier, ministre. Par conséquent, eu égard aux textes qui existent et à la mesure qui vient d’être prise, j’estime que cet amendement est satisfait. Je vous demande donc, monsieur Miquel, de bien vouloir le retirer.
M. Gérard Miquel. Je le maintiens !
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, je n’ai jamais pensé qu’un service déconcentré de l’État exerçait une tutelle sur une collectivité territoriale.
Aujourd’hui, pour le seul domaine de l’instruction des permis de construire,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le département n’a aucune compétence dans ce domaine !
M. Edmond Hervé. … j’observe que bon nombre de communes ne bénéficient plus de l’autorité et de la compétence de la direction départementale de l’équipement et de l’agriculture, service déconcentré de l’État. Dans les années qui viennent, nous le savons, l’instruction des permis de construire ne sera plus assurée par les DDEA.
La proposition de notre collègue vise tout simplement à offrir aux départements, en relation avec les communes, la région et l’État, la faculté de répondre à un certain nombre d’attentes.
M. le rapporteur a affirmé tout à l’heure que cet amendement n’avait pas de valeur normative. Je m’inscris en faux : cet amendement a bien une valeur normative dans la mesure où il vise à protéger un service public local, compte tenu de certaines interprétations de la Commission européenne…
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Je voterai contre cet amendement. Je pense en effet que l’intercommunalité vise très exactement à répondre au problème que vous soulevez, chers collègues socialistes.
Les intercommunalités ont vocation à se regrouper. De même que, par exemple, certaines communautés passent une convention et confient à un organisme le soin de gérer leur service public d’assainissement non collectif, ou SPANC, de même, pour les permis de construire, les grandes intercommunalités auront un service pour instruire les dossiers des permis de construire, et les petites se regrouperont, afin de mutualiser leurs moyens, comme nous l’avons longuement évoqué la semaine dernière !
Ainsi, les communes continueront d’assumer leurs missions. Pourquoi alors vouloir confier ce rôle au département ? C’est pour moi un mystère ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. À vous écouter, chers collègues, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans la même France !
Les communes, en tout cas chez moi, sont tout à fait favorables à une aide du conseil général, qu’elles demandent et qu’elles reçoivent dans de nombreux domaines, notamment pour les stations d’épuration. Cette tradition, bien vivace chez nous, s’est peut-être perdue chez vous…
Quoi qu’il en soit, je n’apprécie pas votre manière de présenter les départements comme tous désireux d’imposer leur tutelle sur les communes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un seul !
Mme Évelyne Didier. On ne fait pas la loi pour un cas particulier !
Bien évidemment, lorsqu’une commune accorde une subvention à une association, elle prend un minimum de garanties, en vérifiant notamment que le personnel n’est pas employé au noir ou qu’une véritable politique éducative est mise en place. Il est normal que la commune subordonne l’octroi de son aide, c’est-à-dire l’argent public, au respect d’un minimum de conditions.
De la même manière, les conseils généraux et régionaux, mais aussi l’État, orientent, par le biais des subventions qu’ils octroient, les choix qui seront effectués en matière d’investissement.
Si, comme l’affirme Mme Gourault, certaines intercommunalités peuvent prendre en charge le conseil juridique, technique ou administratif, c’est parce qu’elles possèdent la masse critique nécessaire. Toutefois, je puis vous assurer que certaines intercommunalités, faute d’atteindre cette masse critique, n’ont pas accès au type de conseil dont nous parlons. Dans ces cas, le département avait naturellement vocation à se substituer aux communes et aux intercommunalités.
Et cessons de présenter les départements comme des collectivités ayant pour unique volonté de mettre sous tutelle les petites communes ! Cela confine à la paranoïa ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.- Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! C’est la réalité !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321 de M. Jean-Pierre Sueur, tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er AA.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 248 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. On en reparlera sous peu !
Chapitre II
Élection et composition des conseils communautaires
Article 2
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 5211-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-6. – Les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus dans le cadre de l’élection municipale au suffrage universel direct pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste, dans les conditions fixées par la loi. Les autres établissements publics de coopération intercommunale sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l’article L. 2122-7.
« Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. Lorsque les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste, le délégué suppléant est de sexe différent du délégué titulaire. » ;
2° Les I et I bis de l’article L. 5211-7 sont abrogés ;
3° L’article L. 5211-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « qui les a désignés » sont remplacés par les mots : « de la commune dont ils sont issus » ;
b) À la fin du troisième alinéa, les mots : « par le nouveau conseil » sont remplacés par les mots : « conformément à l’article L. 5211-6 » ;
c) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « selon les modalités prévues à l’article L. 2122-7 pour les syndicats de communes et celles prévues par la loi pour les autres établissements publics de coopération intercommunale » ;
d) Le dernier alinéa est supprimé ;
4° L’article L. 5212-7 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas de fusion de plusieurs communes sur la base des articles L. 2113-1 et suivants dans leur rédaction antérieure à la loi n° du de réforme des collectivités territoriales, lorsque l’une des communes associées dépasse en nombre d’habitants la moitié de la population de la commune principale, elle est représentée de plein droit par un délégué au sein du comité syndical auquel appartient la commune fusionnée, lorsque cette dernière dispose de plusieurs sièges.
« Si le conseil municipal de la commune associée est élu au scrutin de liste, le représentant siégeant au nom de cette dernière est désigné sur les listes soumises à l’élection municipale.
« Dans les autres cas, le siège est occupé par le maire délégué.
« Toute commune déléguée créée en application de l’article L. 2113-10 est représentée au sein du comité syndical, avec voix consultative, par le maire délégué ou, le cas échéant, par un représentant qu’il désigne au sein du conseil de la commune déléguée. » ;
4° bis (Supprimé)
5° L’article L. 5215-10 est abrogé ;
6° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article vise essentiellement à prévoir dorénavant l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires représentant les communes au sein des EPCI.
Ce scrutin devrait être mis en place à partir d’un système de fléchage sur les listes présentées lors des élections municipales dans les communes où le scrutin de liste est instauré. Dans les autres communes, l’élection des délégués se fera toujours par le conseil municipal.
Cependant, dans sa rédaction actuelle, le texte que nous examinons aujourd’hui ne vise que ce seul objectif, mais reste muet sur la législation à venir.
Certes, le nouveau dispositif sera discuté par le Parlement, mais à l’occasion d’un futur projet de loi dont nous ignorons tout à ce jour. Par conséquent, nous n’avons aucunement l’assurance véritable que l’objectif affiché sera tenu.
Hélas ! nous avons vu ce que valait la parole du Gouvernement, en particulier sur ce texte. Il se peut très bien que nous ne soyons pas ou bout de nos déconvenues…
Finalement, seul ce qui est écrit est certain. Or l’article 2 instaure l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires dans le cadre de l’élection municipale, dans toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste.
Au cours de la première lecture, un certain consensus s’était dégagé pour considérer que cette règle devait être appliquée dans toutes les communes de plus de 500 habitants. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour en demander l’application dans les seules communes de plus de 1 500 habitants, voire de plus de 2 500 habitants.
Si tel devait être le cas, cela signifierait que des milliers de communes seraient écartées de ce mode de scrutin. (Des conversations ininterrompues tendent à couvrir la voix de l’oratrice.)
Monsieur le président, il est franchement pénible de devoir s’exprimer dans un tel brouhaha !
Mme Annie David. C’est en effet très pénible de devoir parler dans ces conditions !
M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Josiane Mathon-Poinat. La discussion de cet article nous fournit donc l’occasion de condamner une nouvelle fois les conditions d’examen de ce projet de loi et la manière utilisée par le Gouvernement pour annoncer de nouvelles règles sans pour autant créer les conditions véritables de leur discussion.
Ces incertitudes ne nous permettent pas d’exercer pleinement notre rôle de législateur, ni de nous prononcer en toute intelligibilité et en toute clarté sur les textes qui sont soumis à notre examen. Nous le regrettons vivement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 483 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 5211-6. - Les établissements publics de coopération intercommunale et notamment les métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes, sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus, en leur sein, par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l'article L. 2122-7 du présent code.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Jean-Pierre Chevènement avait initialement prévu de soutenir lui-même cet amendement, mais, malheureusement, il n’a pu être présent ce soir parmi nous. Aussi, je m’efforcerai de le suppléer.
Si notre collègue attache une telle importance à cet amendement, c’est parce qu’il est l’auteur d’une loi qui porte son nom, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, à l’élaboration de laquelle vous aviez vous-même participé, monsieur le ministre,…
M. Jacques Mézard. … ainsi que l’a rappelé M. Chevènement.
Avec raison, notre collègue considère que cette loi a donné entière satisfaction et a permis à l’intercommunalité de se développer dans les meilleures conditions.
C’est pourquoi nous nous demandons s’il est véritablement opportun de « pulvériser » aujourd’hui ce qui fonctionne bien.
Certes, plusieurs associations d’élus ont souhaité le fléchage, mais nous considérons qu’il est préférable de préserver le système actuel, c’est-à-dire la désignation des conseillers communautaires par les conseils municipaux, qui incarnent au mieux la légitimité de la commune.
Dès lors que les listes minoritaires disposeront du quart, environ, de la représentation de la ville-centre, nous entrerons forcément dans un processus aléatoire de formation de majorités de circonstance, sur des bases totalement différentes de celles qui ont permis le développement de l’intercommunalité.
Si le texte qui nous est soumis devait être adopté dans sa rédaction actuelle, les conseillers communautaires ne seraient pas véritablement élus au suffrage universel : seraient tout simplement désignés les conseillers élus en tête de liste. Ainsi, c’est l’ordre rigide de la liste qui s’appliquerait, excluant toute modification en fonction de considérations pratiques.
Le système actuel a démontré toute sa souplesse. Or, à multiplier les contraintes, qu’il s’agisse de la désignation des conseillers communautaires ou de la fixation de leur nombre selon l’importance démographique de la commune, la loi va finir par rigidifier l’intercommunalité.
C’est pourquoi il nous semble plus opportun de maintenir le système actuel ; à défaut, une fois de plus, la loi détruirait plus qu’elle ne construirait.
M. le président. L'amendement n° 330 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet, M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et communautés de communes sont administrés
par les mots :
, communautés de communes et les syndicats d'agglomération nouvelle sont administrés
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement vise à étendre aux syndicats d’agglomération nouvelle, ou SAN, le mode d’élection des organes délibérants prévu pour les autres formes d’intercommunalité, c’est-à-dire le suffrage universel direct.
Malgré les apparences, tout n’a pas été prévu et l’on semble avoir oublié qu’il existait en France des syndicats d’agglomération nouvelle, créés par la loi du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles, dite « loi Rocard ».
Précisément, ces SAN sont au nombre de cinq, et le département dont je suis l’élu, la Seine-et-Marne, en compte trois à lui seul, lesquels regroupent 250 000 habitants sur un total d’environ 1,2 million d’habitants, ce qui n’est pas rien. Il nous semblerait dommage d’oublier les SAN et, ainsi, d’exclure un nombre important de nos concitoyens de ce mode de scrutin.
Personne, à commencer par les habitants de ces villes nouvelles, ne comprendrait que les organes délibérants de l’ensemble des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des communautés de communes soient désignés au suffrage universel direct, mais pas ceux de ces cinq SAN.
Les SAN exercent des compétences comparables à celles des communautés d’agglomération. Comme ces dernières, ils disposent d’une fiscalité propre. Par conséquent, leurs organes délibérants devraient être, eux aussi, élus au suffrage universel direct.
Il y va du respect du principe d’égalité garanti par notre Constitution.
Certes, indiscutablement, les SAN sont une structure à caractère transitoire et non pérenne, mise en place dans le cadre d’opérations d’intérêt national, et ont vocation à devenir un jour des communautés d’agglomération. Mais, dans l’immédiat et pour quelques années encore, la disposition prévue à cet amendement reste parfaitement pertinente.
En effet, les SAN ne peuvent pas d’eux-mêmes se transformer en communautés d’agglomération, car il faut la publication par le Gouvernement d’un décret d’achèvement des opérations d’intérêt national pour lesquelles ils ont été créés. C’est l’État et le Gouvernement qui décident.
Compte tenu de l’impossibilité pour les SAN d’évoluer vers ce statut en l’absence d’une décision de l’État les y autorisant, il est donc proposé d’étendre à leurs organes délibérants le mode de scrutin prévu pour ceux des autres formes d’intercommunalité, à savoir le suffrage universel direct.
Cet amendement tend à prévenir une rupture de l’égalité, principe à valeur constitutionnelle, dont seraient sinon victimes les cinq SAN que compte notre pays.
Une telle exception à la règle générale, outre le risque constitutionnel que je mentionnais à l’instant, ne serait tout simplement pas compréhensible.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 483 rectifié tend à prévoir la désignation des représentants des communes au sein des organes délibérants des EPCI par le biais d’un vote du conseil municipal.
Cette proposition est contraire à la position de la commission des lois, qui s’est prononcée clairement en faveur d’une élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, dit système du fléchage. À partir du moment où l’on a voté le fléchage, je ne peux vous proposer qu’un retrait, sinon un avis défavorable, monsieur Jacques Mézard, quelle que soit par ailleurs l’estime que l’on peut avoir pour M. Jean-Pierre Chevènement et sa loi dont, effectivement, le ministre ici présent fut rapporteur pour avis au nom de la commission des finances du Sénat.
L’amendement n° 330 rectifié vise à inclure les syndicats d’agglomération nouvelle dans le champ d’application de l’article 2, et donc à permettre l’élection de leurs conseillers communautaires au suffrage universel direct.
Or, plutôt que de faire entrer les SAN dans le droit commun, et alors même qu’ils disposeraient en parallèle d’un statut dérogatoire sur nombre de plans, et notamment sur le plan financier, il semble préférable de favoriser leur transformation en communautés d’agglomération ou en communautés urbaines – cette transformation étant actuellement subordonnée à un décret –, comme vous le proposez d’ailleurs dans l’amendement n° 331 rectifié.
Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 331 rectifié, sur lequel nous serions favorables. Sinon, l’avis serait défavorable sur le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. L’amendement n° 483 rectifié que M. Mézard vient de présenter est en contradiction complète avec le but du Gouvernement, qui cherche dans ce texte à démocratiser l’intercommunalité et à faire en sorte que les citoyens choisissent eux-mêmes les conseillers membres de l’organe délibérant, par le système très simple du fléchage : ceux qui sont en tête de liste seront ceux qui siégeront au conseil de communauté.
Compte tenu des compétences importantes des intercommunalités, il est tout à fait normal que les citoyens, lorsqu’ils choisissent leurs conseillers municipaux, puissent aussi choisir, dans le même temps, les élus qui géreront leur intercommunalité.
Ayant eu le grand honneur de participer aux travaux de la commission présidée par Pierre Mauroy, je me plais à rappeler en cet instant que ce fléchage n’est que la reprise de la proposition n°7 du rapport Mauroy. On a fait référence dans ce débat à de nombreux rapports, et je tenais à évoquer celui-ci, qui est également d’une grande qualité.
Je propose donc à M. Mézard, compte tenu de la source d’inspiration du Gouvernement, de retirer son amendement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 330 rectifié, nous avons la même position que la commission.
M. le président. Monsieur Bodin, maintenez-vous l'amendement n° 330 rectifié ?
M. Yannick Bodin. J’ai bien compris la proposition de M. le rapporteur, qui me demande de retirer l’amendement n° 330 rectifié au profit d’un autre, qui viendra plus tard en discussion. L’amendement n° 331 rectifié est sans doute très intéressant, et ce n’est pas moi qui mettrais en question sa pertinence. Cependant, dans l’immédiat, nous préférons maintenir le présent amendement n° 330 rectifié pour qu’il soit mis aux voix, nous donnant ainsi l’occasion de connaître très clairement la position des uns et des autres sur l’application du droit commun aux syndicats d’agglomération nouvelle. Nous verrons bien ensuite ce qu’il en sera de l’amendement n° 331 rectifié.