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Démocratie sociale
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je voudrais inviter certains des orateurs qui se sont exprimés à ne pas faire dire au projet de loi ce qu’il ne dit pas, et à ne pas rejeter celui-ci pour une mauvaise raison !
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Exactement !
M. Éric Woerth, ministre. En effet, j’ai parfois eu l’impression qu’ils parlaient d’un autre texte ! L’objectif n’est pas de garantir une représentation des salariés dans les TPE : il s’agit d’assurer la représentation syndicale à l’échelon national. Permettre une mesure du poids relatif des différentes organisations syndicales rendra d’autant plus légitime le dialogue social. L’échelon pourra être celui de la branche, celui de l’interprofession ou celui de l’entreprise si sa taille est suffisante. En revanche, il n’est pas question d’instaurer de cette façon une représentation du personnel dans les petites entreprises : tel n’est pas l’objet du texte.
M. Gournac, qui était déjà rapporteur lors de l’élaboration de la loi du 20 août 2008, a très bien mis en lumière la continuité entre les deux textes : il s’agit de permettre à tous les salariés de s’exprimer. Comment pourrait-on envisager que certains soient privés de cette possibilité ? De ce point de vue, il n’existe pas deux catégories de salariés, comme l’a fort bien dit M. Jeannerot. Il ne faut pas avoir peur de l’élection dans le domaine social, sauf à la craindre également dans le domaine politique !
Monsieur Gournac, vous avez souligné à juste titre l’existence d’un lien avec les élections prud’homales. Je ne désespère pas de convaincre Mme Procaccia de la réalité de ce lien : nous parlons bien de représentativité, et il serait pour le moins curieux de mettre en compétition deux formes de celle-ci, comme ce serait le cas si nous ne repoussions pas la date des élections prud’homales.
Quoi qu’il en soit, les élections prud’homales connaissent un taux d’abstention très fort et coûtent plus cher, par votant, que l’élection présidentielle. Devant ce constat, M. Jacky Richard, conseiller d’État, ancien directeur général de la fonction publique, nous propose trois pistes de réflexion : la suppression du vote à l’urne, la désignation des juges prudhommaux sur la base de la représentativité des organisations syndicales mesurée grâce au dispositif de la loi du 20 août 2008 et du présent projet de loi, enfin l’élection de ces juges par un corps intermédiaire restreint, composé des délégués du personnel des entreprises. Cette dernière piste est privilégiée par M. Richard, mais nous verrons : tout cela sera discuté avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires. La réflexion est ouverte.
Je voudrais donc insister auprès de Mme Procaccia sur l’existence d’un rapport direct entre le présent projet de loi et la très importante loi du 20 août 2008, qui fondait la représentation syndicale sur la base des élections. Je tiens à remercier au passage le groupe UMP de son soutien à ces deux textes.
Madame David, nous ne tentons pas un passage en force à propos des élections prud’homales ! Celles-ci ne sont que reportées, ce qui permettra de faire les choses tranquillement.
Par ailleurs, je ne crois pas que ce projet de loi manque d’ambition. Peut-être ne mesurons-nous pas l’ambition à la même aune ? Pour ma part, j’estime qu’il a exactement celle que le Gouvernement entendait lui donner, dans le droit fil de la loi du 20 août 2008.
Monsieur About, vous avez raison de souligner que les craintes sur un risque d’intrusion des commissions paritaires facultatives dans le fonctionnement des entreprises sont totalement infondées.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n’y a pas le moindre risque !
M. Éric Woerth, ministre. Sur ce thème, on peut essayer de faire peur et d’agiter l’opinion, mais cela ne correspond pas à l’objet du texte. À cet égard, certaines précisions apportées par la commission sur l’initiative de M. le rapporteur ont permis de bien clarifier les choses.
Madame Le Texier, je ne crois pas que le scrutin par sigle favorise l’abstention. D’ailleurs, s’il suffisait qu’un scrutin soit nominatif pour la faire reculer, le taux d’abstention ne serait pas aussi élevé qu’il peut l’être lors de certaines élections politiques ! J’ajoute que l’abstention est également forte à l’occasion des élections prud’homales, tandis qu’elle est en revanche faible pour les élections aux comités techniques paritaires dans la fonction publique, alors qu’il s’agit pourtant d’un scrutin par sigle ! Sur ce point, les choses ne sont donc pas aussi simples que certains semblent le croire !
En tout état de cause, si nous retenions un vote nominatif, les candidats se compteraient, à l’échelon régional, par milliers et seraient généralement inconnus des électeurs. De plus, comme les commissions paritaires sont facultatives, les candidats élus n’auraient pas forcément de lieu où siéger !
Recourir à un vote par sigle est donc la bonne solution. Ce mode représente en outre un bon instrument de mesure de la représentativité. Vous avez critiqué M. Xavier Bertrand, madame Le Texier : je vous ferai observer qu’il a défendu la loi du 20 août 2008 sans s’émouvoir de la représentation des salariés des TPE.
M. Plancade souhaiterait que les commissions paritaires soient obligatoires. C’est une affaire d’équilibre : leur conférer un tel caractère relèverait de la provocation aux yeux de certains, s’en abstenir revient à agiter un chiffon rouge sous ceux des autres !
Pour ma part, je crois au dialogue social : si les partenaires sociaux souhaitent créer des commissions pour contrôler la nature et la mise en œuvre des accords passés à l’échelon des branches ou de l’interprofession, il est de leur responsabilité de le faire. Les patrons et les salariés concernés trouveront les moyens de siéger. Il existe d’ailleurs déjà une soixantaine de commissions constituées sur la base de la loi de 2004, et cela fonctionne bien.
Les critiques de M. Dassault ne correspondent pas au texte que nous présentons ! Il est déjà compliqué de défendre un projet de loi, n’en rajoutons pas en abordant des sujets sans rapport avec lui ! Le dialogue social est certainement plus simple, du moins je l’espère !
Enfin, gardons-nous de tomber dans le travers très répandu de la « commissionnite aiguë » ! La création des commissions paritaires relèvera du libre choix des partenaires sociaux, représentant les employeurs et les syndicats. Si elle était imposée sans emporter l’adhésion des parties, cela ne servirait strictement à rien !
C’est donc une bonne chose à mon sens que de laisser à l’initiative des partenaires sociaux l’instauration de ces commissions, que la loi rend possibles. Préservons la liberté du dialogue social : tel est l’état d’esprit du Gouvernement en la matière.
Le présent texte me semble très équilibré, madame Schillinger, monsieur Jeannerot, notamment sur la question de la représentativité. Le fait que le cas des TPE est différent de celui des entreprises grandes ou moyennes est bien pris en compte. Nous ne voulons pas interférer dans le dialogue social au sein de structures ne comptant que quelques salariés, car il relève avant tout des relations humaines, mais nous estimons néanmoins que nous pouvons le faire progresser en le professionnalisant, sans lui faire perdre son caractère de proximité. Ce texte n’a en tout cas nullement pour objet de le dénaturer en le faisant évoluer de façon brutale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
La première phrase du 3° de l’article L. 2122-5 du code du travail est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « suffrages exprimés », sont insérés les mots : « résultant de l’addition au niveau de la branche, d’une part, des suffrages exprimés » ;
2° Les mots : « additionnés au niveau de la branche » sont remplacés par les mots : « d’autre part, des suffrages exprimés aux élections concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. »
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, sur l’article.
M. François Zocchetto. Certaines prises de position au cours de la discussion générale m’ont quelque peu surpris par leur côté caricatural…
À entendre certains intervenants, on pourrait croire que notre hémicycle compte d’un côté des représentants du MEDEF et de la CGPME – curieuse et rare connivence, d’ailleurs ! –, de l’autre des tenants de la position de l’UPA.
En réalité, ce n’est pas du tout cela ! Nous sommes ici pour exprimer une opinion personnelle sur un sujet de fond important : la présence des syndicats dans les très petites entreprises.
Personnellement, dans les circonstances actuelles, je ne suis pas favorable au projet de loi tel qu’il nous est proposé.
Tout d’abord, l’offre actuelle des syndicats français ne répond pas à l’attente des salariés, en particulier de ceux des TPE. Les critères déterminant la représentativité des syndicats sont en complet décalage avec les préoccupations du personnel de ces entreprises. Je suis au regret de devoir dire que les mécanismes de la représentativité ne sont pas satisfaisants.
Ensuite, l’article 6, en particulier, ne correspond pas à une demande exprimée par les employeurs des toutes petites entreprises, pas plus qu’à une demande des salariés de celles-ci.
J’ajoute, même si je sais que je vais faire sourire, que le dialogue social dans les toutes petites entreprises ne passe pas par les canaux de la représentation telle que vous l’imaginez : si le responsable d’une entreprise de trois, quatre, cinq, voire dix salariés ne pratique pas le dialogue au quotidien, dans le cadre d’une rencontre permanente avec ses salariés, son entreprise ne durera pas longtemps !
Il faut absolument admettre la différence qui existe entre les grandes entreprises, ou même les grosses PME, et les toutes petites entreprises. Les premières ont des actionnaires qui, bien souvent, sont inconnus, des dirigeants révocables ad nutum, des salariés dispersés entre de nombreux sites ou filiales, contexte tout différent de celui dans lequel évoluent les secondes.
Je crains donc que la seule conséquence de ce projet de loi soit de conforter des technostructures, dont je devine l’intérêt à voir ce texte voté, mais dont les préoccupations sont, j’en suis convaincu, très éloignées de celles des acteurs des TPE, auxquelles on va finalement imposer une contrainte supplémentaire, alors qu’elles n’en ont pas besoin. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. du Luart.
L'amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. P. Dominati et Dassault.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 11 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié.
M. Philippe Dominati. Lors de l’élaboration de la loi du 20 août 2008, le Sénat, déjà, avait tenté de mettre en garde le Gouvernement, représenté alors par M. Bertrand, et le rapporteur contre les effets néfastes de l’application d’un tel dispositif.
Aujourd'hui, je suis de ceux qui ont le sentiment que la lecture faite d’une décision du Conseil constitutionnel n’est qu’un prétexte pour reposer le problème de la taille des entreprises auxquelles ce texte doit s’appliquer et pour donner corps à la nécessité supposée de mesurer la représentativité syndicale dans les très petites entreprises, alors que la vie de celles-ci relève avant tout, comme cela a été très bien dit, d’une aventure humaine. Si le dialogue social y est difficile, de telles entreprises ont une durée de vie extrêmement limitée.
Or l’État veut réglementer le dialogue social dans les TPE, en justifiant son intention par des prétextes constitutionnels. Pourtant, s’il avait voulu intervenir dans cette affaire, le Conseil constitutionnel l’aurait fait dès 2008.
On nous dit que 4 millions de salariés sont exclus du champ d’application de la loi du 20 août 2008, mais qu’en est-il des salariés à domicile ou des saisonniers, par exemple ? Seront-ils ou non concernés ? Les motifs constitutionnels invoqués ne tiennent pas.
M. Jean-Pierre Plancade. Ce n’est pas une argumentation satisfaisante !
M. Philippe Dominati. En réalité, le seuil n’est pas défini ni imposé par le Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence est mentionnée dans l’objet de mon amendement.
Je soulignerai ensuite que d’autres pays européens, notamment les pays scandinaves ou l’Allemagne, ont retenu un seuil de cinq salariés. À ma connaissance, aucun mécanisme de représentation des salariés n’est prévu en deçà de ce seuil.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous n’avons simplement pas la même approche que les pays scandinaves !
M. Philippe Dominati. Ce sont autant d’aspects qui ne sont absolument pas abordés dans le projet de loi. Peut-être font-ils en effet l’objet d’un conflit entre organisations syndicales, notamment parce qu’ils ont une incidence sur la répartition du 0,15 % de la masse salariale destiné au financement du dialogue social ? En tout état de cause, la plupart des petits entrepreneurs éprouvent un profond sentiment d’incompréhension devant ce texte.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, si vous le permettez, cette intervention vaudra aussi présentation de mon amendement suivant.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault, qui est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2122-5 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où, en raison de leur taille, ne sont pas organisées d'élections professionnelles permettant d'y mesurer l'audience des organisations syndicales, sont représentatives les organisations syndicales qui :
« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;
« 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;
« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, d'autre part, des suffrages exprimés aux élections concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. »
Veuillez poursuivre, monsieur Dominati.
M. Philippe Dominati. Je fais partie, monsieur le ministre, des membres de la majorité qui ne comprennent pas la nécessité de ce texte. Certes, je conçois que des considérations tactiques vous fassent juger opportun de ressortir de la naphtaline cet engagement contraint de 2008. Je le regrette néanmoins, et je souligne une nouvelle fois que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne vous oblige pas, à ce jour, à présenter un tel projet de loi. En tout état de cause, si l’on adopte votre point de vue, ce texte est imparfait sur le plan constitutionnel, puisque certaines catégories de salariés continuent d’être exclues du champ du dispositif, par exemple les saisonniers et les salariés à domicile.
Mme Raymonde Le Texier. Et c’est pour cela qu’il ne faut pas le voter ?
Mme Christiane Demontès. Incroyable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 15 rectifié et 16 rectifié ?
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. J’admets que nous ayons des désaccords, mais je suis très étonné par l’argumentation de notre collègue Philippe Dominati. Adopter ses amendements conduirait en fait à priver de parole tous ceux qui travaillent dans une entreprise de moins de onze salariés : sous ce seuil, on se tait, on ne peut pas s’exprimer !
M. Jean-Pierre Plancade. C’est stupéfiant !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il me paraît inconcevable que l’on dépose un amendement visant à priver de la possibilité de s’exprimer tous les employés qui ont fait le choix inadmissible de travailler dans une entreprise de moins de onze salariés ! Le dialogue social doit pouvoir s’établir partout dans notre pays : on n’oblige pas les salariés à s’exprimer s’ils ne le souhaitent pas, mais il faut au moins leur donner la possibilité de le faire.
Par ailleurs, il est faux de dire que ce projet de loi ne répond à aucune demande. Le Gouvernement a consulté le Conseil d'État et celui-ci lui a bien fait savoir que les dispositions de la loi du 20 août 2008 seraient frappées d’inconstitutionnalité s’il ne présentait pas un texte sur les TPE.
Comment pourrait-on ne pas vouloir, ici au Sénat, que les salariés des petites entreprises puissent s’exprimer ? Certes, monsieur Dominati, ce n’est pas parce que le Conseil d'État nous dit qu’il faut légiférer en ce sens que nous devons le faire, mais on ne va tout de même pas se contenter de le remercier de son avis et passer outre ! Cela n’est pas possible !
Au-delà de cet aspect juridique, comment pourrions-nous, sur le plan politique, expliquer aux salariés des petites entreprises qu’ils n’ont que le droit de se taire, au motif qu’ils ont la chance de travailler dans un climat « sympa », où le dialogue s’instaure naturellement ?... Il est à mes yeux impossible d’envisager d’interdire à un salarié sur cinq de faire entendre son point de vue s’il le souhaite !
Monsieur Dominati, j’ai écouté votre argumentation avec beaucoup d’intérêt. Je respecte votre position, mais je ne la partage pas. J’avais déjà dit, lors du vote final de la loi du 20 août 2008, que régler cette affaire serait une obligation : le moment est venu ! Les syndicats et le patronat n’ayant pas réussi à s’entendre, il est normal que nous ayons aujourd'hui à examiner un tel texte.
En conclusion, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur ces deux amendements, car je souhaite que tous les salariés puissent s’exprimer, quelle que soit la taille de l’entreprise dans laquelle ils travaillent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il ne s’agit pas de notre part d’une approche tactique : il n’y a pas de lien entre ce projet de loi et d’autres textes à venir, non plus qu’une intention de faire plaisir aux syndicats pour qu’ils acceptent plus facilement d’autres dispositifs. D’ailleurs, rien ne plaît aux syndicats dans le présent texte ! Ils ont au contraire combattu les modalités retenues par le Gouvernement.
Par ailleurs, il ne faut pas, en se trompant de texte, diaboliser la présence syndicale dans les entreprises. Si l’on part sur de telles bases, on ne peut plus parler de dialogue social.
Évidemment, le dialogue social peut gagner en maturité. Il ne doit pas bloquer la vie de l’entreprise et aller contre les intérêts des salariés eux-mêmes en handicapant sa compétitivité. Il y a, bien sûr, des excès, du côté du patronat et du côté des salariés, mais assurer une véritable légitimité de la représentation syndicale grâce à l’élection me paraît de nature à faire progresser, même si cela prendra du temps, le dialogue social.
Enfin, l’objet du texte n’est pas d’instaurer une représentation syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés ! Il n’y a aucun risque à cet égard : ce projet de loi n’est pas la première phase d’un plan qui aboutirait à un tel résultat. Il ne s’agit pas de mettre le doigt dans un quelconque engrenage.
Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement exact de la loi du 20 août 2008. Pourquoi certains salariés devraient-ils être exclus du champ du dispositif au seul motif qu’ils travaillent dans de très petites entreprises ? Les 4 millions de salariés dans ce cas sont d’abord des salariés, disposant de droits, relevant du code du travail. Pourquoi n’auraient-ils pas eux aussi accès à la démocratie sociale ? Nous ne disons que cela, mais tel est bien l’objet du projet de loi !
Je ne peux donc qu’être défavorable à vos deux amendements, monsieur Dominati.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote sur l’amendement n° 15 rectifié.
M. Philippe Dominati. Je constate tout d’abord, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous ne m’avez pas répondu sur le droit… Vous n’avez pas pu démontrer que le Conseil constitutionnel nous obligeait à légiférer sur ce sujet.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que l’on caricature mon propos. Il ne s’agit pas pour moi d’exclure du dialogue social et de priver de la possibilité de s’exprimer 4 millions de salariés ; j’ai simplement dit que votre réponse est insuffisante à cette aune, car vous oubliez de très nombreux autres salariés. Que faites-vous des salariés à domicile ? N’ont-ils pas le droit de s’exprimer ?
Mme Raymonde Le Texier. C’est incroyable !
M. Philippe Dominati. Et les salariés des professions libérales, n’ont-ils pas le droit de s’exprimer, eux non plus ? Quid des salariés saisonniers qui travaillent, par exemple, une saison en Savoie et une autre en Corse ?
Mme Annie David. Ils sont rentabilisés dans l’entreprise ! Et les membres des professions libérales ne sont pas des salariés.
M. Philippe Dominati. Ce point n’est pas suffisamment explicité dans le rapport. Toutefois, le débat continue ; j’accepte donc de retirer mes amendements.
M. le président. Les amendements nos 15 rectifié et 16 rectifié sont retirés.
Mme Annie David. Quel dommage !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il est souvent utile d’apporter certaines précisions dès le début de l’examen d’un texte.
Tout d’abord, je remercie Philippe Dominati d’avoir retiré ses amendements. Mon intention n’était pas de caricaturer ses arguments, car il s’agit d’un débat de fond.
Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la loi du 20 août 2008, pour une raison simple : cette loi prévoyait le dépôt d’un autre projet de loi, celui-là même dont nous discutons aujourd’hui.
En revanche, il a pris position et précisé que : « Le législateur ne peut, sans méconnaître ce principe de participation, retenir le critère de l’audience pour apprécier la représentativité des organisations syndicales de salariés en excluant de la mesure de cette audience les salariés des entreprises qui, à raison de leur effectif, ne sont pas tenus d’organiser des élections de délégués du personnel ». Il considère donc que le personnel des entreprises de moins de onze salariés doit voter.
Et le Conseil d’État ajoute : « Compte tenu des termes de la loi du 20 août 2008, c’est avant le 21 août 2013 que la mesure de cette audience dans les très petites entreprises devra avoir été réalisée. Un manquement à cette obligation fragiliserait l’ensemble du dispositif prévu par la loi de 2008 ».
Cela signifie, dans le langage du Conseil d’État, que la situation actuelle n’est pas tenable.