Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux, M. Bernard Saugey.
2. Mise au point au sujet d'un vote
Mme Jacqueline Gourault, M. le président.
3. Organisme extraparlementaire
4. Communication du Conseil constitutionnel
5. Modification de l'ordre du jour
6. Démocratie sociale. – Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, M. Nicolas About, Mme Raymonde Le Texier, M. Jean-Pierre Plancade, Mme Catherine Procaccia, M. Serge Dassault, Mme Patricia Schillinger, M. Claude Jeannerot.
Suspension et reprise de la séance
7. Questions cribles thématiques
la justice, le point sur les réformes
M. Jean-Pierre Michel, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, le ministre d’État.
M. Jean-René Lecerf, Mme le ministre d’État.
M. Jean-Michel Baylet, Mme le ministre d’État.
M. François Zocchetto, Mme le ministre d’État.
M. Jean-Pierre Sueur, Mmes le ministre d’État, Alima Boumediene-Thiery.
M. Jean-Jacques Hyest, Mme le ministre d’État.
Suspension et reprise de la séance
8. Mise au point au sujet de votes
MM. Philippe Adnot, le président.
9. Communication du Conseil constitutionnel
10. Démocratie sociale. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale (suite) : M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Clôture de la discussion générale.
M. François Zocchetto.
Amendements nos 15 rectifié et 16 de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; le ministre. – Retrait des deux amendements.
M. le ministre.
Adoption de l'article.
Amendement n° 17 rectifié de M. Philippe Dominati. – Devenu sans objet.
Amendement n° 25 rectifié de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendements identiques nos 2 de Mme Raymonde Le Texier et 12 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Claude Jeannerot, Jean-Pierre Plancade, le rapporteur, le ministre.
Amendement n° 28 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendement n° 29 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Raymonde Le Texier. – Rejet des amendements nos 18 rectifié, 26 rectifié, 2, 12 rectifié et 28 ; adoption de l’amendement no 29.
Amendement n° 27 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 19 rectifié de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Adoption de l'article.
Mme Raymonde Le Texier.
Amendement n° 5 rectifié quater de M. Michel Houel. – MM. Michel Houel, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Plancade, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Gérard Longuet, Mme Raymonde Le Texier, M. Philippe Dominati, Mme Annie David. – Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 30 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 31 et 32 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 1 de Mme Raymonde Le Texier, 13 rectifié de M. Yvon Collin et 33 de Mme Annie David. – Mme Gisèle Printz, M. Jean-Pierre Plancade, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements identiques.
Amendement n° 9 rectifié bis de M. Michel Houel. – M. Michel Houel.
Amendement n° 8 rectifié bis de M. Michel Houel. – M. Michel Houel.
MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait des amendements nos 9 rectifié bis et 8 rectifié bis.
Amendement n° 10 rectifié bis de M. Michel Houel. – M. Michel Houel.
Amendement n° 34 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
Amendements identiques nos 3 de Mme Raymonde Le Texier et 35 de Mme Annie David. – Mme Patricia Schillinger, Mme Annie David.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Retrait de l’amendement n° 10 rectifié bis ; rejet de l’amendement n° 34 et des deux amendements identiques nos 3 et 35.
Amendements identiques nos 4 de Mme Raymonde Le Texier et 36 de Mme Annie David. – Mmes Raymonde Le Texier, Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements identiques.
Amendement n° 6 rectifié ter de M. Michel Houel. – M. Michel Houel. – Retrait.
Amendement n° 7 rectifié ter de M. Michel Houel. – M. Michel Houel. – Retrait.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 37 rectifié de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 38 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l’article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Amendements identiques nos 21 rectifié de M. Philippe Dominati et 39 de Mme Annie David. – M. Philippe Dominati, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement n° 21 rectifié ; rejet de l’amendement n° 39.
Amendement n° 40 de Mme Annie David. – Mme Annie David. – Retrait.
Adoption de l’article.
Mmes Gisèle Gautier, Raymonde Le Texier, M. Jean-Pierre Plancade, Mme Annie David.
Adoption du projet de loi.
11. Dépôt d’une question orale européenne avec débat
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin n° 220 sur la demande de seconde délibération formulée par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.
Mes collègues Denis Badré, Marcel Deneux, Jean-Jacques Jégou, Jean-Marie Vanlerenberghe et moi-même avons été déclarés comme ayant voté pour la demande de seconde délibération, alors que nous souhaitions voter contre.
Je formulerai deux observations.
Premièrement, le Gouvernement ne nous a pas habitués, sauf dans le cadre des projets de loi de finances, à demander une seconde délibération, procédé qui est tout de même démocratiquement limite.
Deuxièmement, cela fait plusieurs fois que ce genre d’incident se produit. Certes, les absents ont toujours tort, me direz-vous… Ainsi, le 7 décembre dernier déjà, on m’a fait voter contre un amendement déposé par un sénateur de mon groupe sur la suppression du bouclier fiscal. Je réitère donc ma demande du 15 décembre dernier, monsieur le président, et réclame de nouveau que soit revu le vote par paquets déposés par un seul membre ou représentant de groupe. Revenir sur ce procédé éviterait bien des erreurs.
Naturellement, je n’incrimine personne dans cette affaire, mais il est toujours désagréable de devoir faire rectifier son vote. Tout serait plus clair si chaque sénateur ne pouvait disposer que d’un seul pouvoir de l’un de ses collègues.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale pour l’éducation, la science et la culture.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 3 juin 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-14 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
5
Modification de l'ordre du jour
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 881 de M. Jacques Blanc est retirée du rôle et de l’ordre du jour de la séance du mardi 15 juin 2010, à la demande de son auteur.
Par ailleurs, la question n° 951 de M. Jacques Blanc pourrait être inscrite à la séance du mardi 15 juin 2010.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
6
Démocratie sociale
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (projet n° 446, texte de la commission n° 505, rapport n° 504).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de la politique mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2007 pour renforcer le rôle des partenaires sociaux et la place de la négociation collective dans l’élaboration de notre droit social, de nos règles sociales.
Nous croyons en une société qui donne au contrat tout l’espace nécessaire à côté de la loi et du règlement, car nous estimons que les règles pensées et discutées par les acteurs eux-mêmes sont souvent plus durables et plus proches de leur réalité, particulièrement dans l’entreprise.
Pour y parvenir, les accords qui s’appliquent aux entreprises et aux salariés doivent être négociés par des acteurs dont la légitimité est renforcée, incontestable, et doivent reposer sur une large adhésion.
C’est en ce sens que le Gouvernement a engagé, avec le Parlement, une réforme, sans précédent depuis l’après-guerre, des règles de représentativité et de validité des accords, issue de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Désormais, à tous les niveaux, plus aucun accord ne devra pouvoir s’appliquer s’il n’a pas une légitimité électorale, s’il ne repose pas sur l’adhésion réelle des salariés.
S’inscrivant dans le droit fil de la loi du 20 août 2008, le projet de loi que je vous présente aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, permet de franchir une nouvelle étape, en complétant la rénovation de notre démocratie sociale.
Ce texte est la conséquence logique de la loi précitée et est indispensable pour que celle-ci puisse s’appliquer pleinement. Il pose des règles simples et souples, sans créer de contraintes nouvelles pour les entreprises – je tiens à le souligner et j’essaierai de le démontrer – et fait confiance à la négociation collective.
Avant tout, ce projet de loi, qui était prévu dans la loi de 2008, vient logiquement et nécessairement la compléter.
La loi de 2008 a modernisé profondément notre système de relations sociales, en substituant le critère de l’audience à la présomption irréfragable de représentativité, qui subsistait depuis 1948.
Ce sont les salariés qui choisissent désormais les représentants qui négocieront en leur nom et signeront les accords s’appliquant à eux. Ces mêmes accords ont désormais vocation à reposer sur une large assise. Ils ne peuvent être rejetés que de manière majoritaire par les syndicats de salariés non signataires.
Cette règle s’applique déjà dans les entreprises depuis 2008, et elle s’appliquera dès 2013 dans les branches et au niveau national interprofessionnel.
Néanmoins, dans les entreprises de moins de onze salariés, c’est-à-dire les très petites entreprises, les TPE, il n’est pas obligatoire d’organiser des élections professionnelles. Par conséquent, les voix de ces salariés ne sont, pour l’heure, pas prises en compte pour mesurer la représentativité des organisations syndicales au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel, ainsi que pour la validité des accords conclus à ces niveaux.
Les partenaires sociaux signataires de la position commune du 9 avril 2008, c’est-à-dire le MEDEF, le Mouvement des entreprises de France, la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGT, la Confédération générale du travail, et la CFDT, la Confédération française démocratique du travail, avaient prévu de poser de nouveau la question des modalités spécifiques aux très petites entreprises afin de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés, et celle de l’élargissement du nombre de salariés bénéficiant d’une représentation collective.
Dès l’élaboration de la loi du 20 août 2008, le Gouvernement a identifié avec les partenaires sociaux la nécessité d’envisager un mécanisme spécifique pour les TPE. Cette loi a donc prévu, dans son article 2, l’intervention d’une seconde loi – c’est l’objet même du texte qui vous est soumis aujourd’hui – pour les salariés des TPE.
Les signataires de la position commune n’ont pas mis en cause le principe de cette seconde loi ; ils ont d’ailleurs engagé immédiatement des discussions.
Ces discussions n’ont pas abouti à un accord, ce que le Gouvernement regrette. Le 20 janvier dernier, cependant, certains des partenaires sociaux – l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, et quatre syndicats de salariés – ont adressé au Gouvernement une lettre, qui a constitué une base de travail importante. L’UNAPL, l’Union nationale des professions libérales, et la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, se sont jointes à la démarche.
Mme Annie David. Exactement !
M. Éric Woerth, ministre. Aujourd’hui, la réforme que je vous présente est le fruit de cette collaboration historique que je tenais à rappeler.
Cette réforme est urgente et indispensable, car les salariés travaillant dans les TPE représentent plus de 20 % des salariés du secteur privé,…
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Quatre millions de personnes !
M. Éric Woerth, ministre. … soit 4 millions de personnes, ce qui est considérable.
Les accords négociés, notamment au niveau des branches, s’appliquent aussi, bien évidemment, aux salariés dont nous parlons, ceux des TPE. Prenons des exemples concrets : les salaires minimums pour les opticiens ou la prévoyance pour des salariés de la boucherie sont négociés par des partenaires sociaux auxquels s’appliquent les règles de représentativité et de validité des accords.
En conséquence, le dispositif de mesure de la représentativité serait inconstitutionnel si aucune disposition ne permettait de prendre en compte les salariés de ces entreprises.
Comment pourrait-on négocier et imposer des règles à des salariés si ces derniers ne votent pas pour définir le dialogue social et la représentativité des acteurs de ce dialogue ?
Mme Annie David. Eh oui !
M. Éric Woerth, ministre. Comment pourrait-on concevoir que certains salariés participent à la mesure de la représentativité des syndicats qui négocient les accords dans les entreprises de plus de onze salariés et pas d’autres ? Pour illustrer mon propos, je ferai, mesdames, messieurs les sénateurs, une comparaison à laquelle vous serez sensibles : ce serait comme si les habitants des villes de moins de 5 000 habitants, par exemple, n’avaient pas le droit de voter aux élections nationales. J’imagine qu’une telle restriction fondée sur la taille serait contestée !
Aujourd’hui, des règles transitoires s’appliquent, faute, pour le moment, de pouvoir mesurer pleinement l’audience des syndicats de salariés sur le plan national, et ce jusqu’en 2013.
Les arrêtés qui dresseront, en 2013, la liste des syndicats représentatifs dans les branches et au niveau national interprofessionnel doivent donc reposer impérativement sur des critères de mesure d’audience qui prennent en compte tous les salariés du pays.
Le Conseil d’État l’a d’ailleurs écrit très clairement : il serait inconcevable d’avoir deux catégories de salariés, ceux dont la voix peut être prise en compte et les autres ! Si aucune mesure de l’audience ne visait aussi les salariés des TPE avant 2013, cette situation pourrait être contraire aux principes constitutionnels de participation et d’égalité et conduire à rendre inconstitutionnelle toute réforme.
Notre responsabilité est de préserver la réforme de la représentativité ; nous y tenons et nous sommes nombreux, me semble-t-il, à le souhaiter.
Il nous faut donc adopter dès maintenant une loi pour organiser une consultation électorale avant le début de l’année 2013, dresser les listes électorales avant la fin de l’année qui précède celle de la consultation et passer les marchés publics afférents. Vous le voyez, tout cela demande une certaine organisation.
La réforme que je vous présente aujourd’hui est simple, pragmatique et fait confiance à la négociation collective.
En premier lieu, le texte prévoit d’organiser la mesure de l’audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE.
Comme il est de la responsabilité des pouvoirs publics de le faire, l’État organisera donc un scrutin auprès des 4 millions de salariés concernés des TPE tous les quatre ans, à partir de l’automne 2012.
Nous avons souhaité que ce scrutin soit le plus souple et le plus simple possible, afin de ne pas créer de charge supplémentaire pour les TPE. C’est pourquoi nous avons prévu qu’il aurait lieu par vote électronique et par correspondance. Non seulement ces modalités ne créent aucune contrainte nouvelle pour les entreprises, mais encore elles élargissent les possibilités qu’ont les salariés d’exprimer désormais leur opinion.
Grâce à cette réforme, tous les syndicats qui peuvent présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles auront la possibilité de mesurer leur audience auprès des salariés des TPE.
Il s’agit d’une consultation sur des sigles syndicaux. Le Gouvernement a retenu cette modalité, car il refusait de créer une quelconque instance de représentation du personnel. Or élire des candidats sur des noms et non pas sur des sigles aurait immanquablement conduit ceux-ci à siéger dans une instance. Or nous n’avons pas voulu rendre obligatoires de telles instances.
Dès lors que nous pourrons mesurer le poids électoral de chaque syndicat, ainsi que les résultats électoraux issus des élections professionnelles, nous serons en mesure d’évaluer son audience au sein des branches ainsi qu’au niveau interprofessionnel.
La commission des affaires sociales a souhaité que le Haut Conseil du dialogue social, créé par la loi du 20 août 2008 – sur proposition du rapporteur Alain Gournac, me semble-t-il –, puisse être informé des modalités d’organisation de cette consultation, une initiative que le Gouvernement salue.
Le secteur agricole dispose déjà d’un instrument de mesure de la représentativité grâce aux élections organisées dans les chambres d’agriculture. Les partenaires sociaux du secteur agricole nous ont fait part de leur attachement à ce système et nous les avons entendus : ainsi, les élections aux chambres d’agriculture seront pleinement prises en compte. Aucune autre consultation électorale ne sera donc nécessaire pour mesurer la représentativité des syndicats dans les secteurs agricoles concernés.
En deuxième lieu, le projet de loi renvoie à la négociation collective la possibilité de constituer des commissions paritaires pour les salariés des très petites entreprises. Cette disposition a suscité de nombreuses discussions.
Les signataires de la lettre du 20 janvier 2010 que j’ai évoqués tout à l’heure ont demandé la mise en place de commissions paritaires régionales. Par ailleurs, des discussions sont en cours entre les partenaires sociaux sur les institutions représentatives du personnel. Le projet de loi renvoie donc aux partenaires sociaux le soin d’aborder ces questions et prévoit un bilan à ce sujet.
Des commissions paritaires existent déjà, je le précise, depuis la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social pour de nombreuses entreprises, et même depuis 2001 pour l’artisanat. Elles ont toujours été instituées par la négociation collective – peut-être y en a-t-il dans certains de vos départements ! – et n’existent que si les partenaires sociaux le souhaitent. Leur création est donc purement facultative, la loi ne prévoyant aucune obligation.
Avec ce projet de loi, les partenaires sociaux auront la possibilité de créer des commissions paritaires pour les très petites entreprises. Cependant, le texte restreint précisément les attributions de ces commissions au suivi de l’application des accords collectifs, ce qui est bien naturel, et ne vise rien de plus que la prise en compte des résultats de la mesure de l’audience pour désigner les représentants des salariés au sein de ces commissions.
Encore une fois, je tiens à être très clair : non, ces commissions n’ont pas le pouvoir de négocier ou de créer des taxes ou obligations de toute nature ; non, leurs représentants ne pourront pas contrôler les entreprises, cette précision ayant été ajoutée sur l’initiative de votre rapporteur, Alain Gournac. Nous voulons donc dissiper toute inquiétude sur ce sujet : le projet de loi est clair et net. Inutile d’alimenter tel ou tel fantasme !
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi ne fait que renvoyer à des discussions entre les acteurs sociaux. Trois organisations patronales – l’UPA, l’UNAPL et la FNSEA –, qui regroupent à elles seules la majorité des très petites entreprises adhérant à des organisations professionnelles, soutiennent ce projet de loi, et nous l’ont écrit.
En troisième et dernier lieu, le projet de loi reporte de deux ans au plus les élections prud’homales.
En effet, les élections prévues par ce projet de loi auront lieu en 2013 et coïncideraient ainsi avec les élections prud’homales, prévues la même année. Or, les organisations syndicales risquent d’obtenir des résultats différents à ces deux scrutins, ce qui pourrait donner matière à discussions en matière de représentativité.
Ce report nous permet aussi de prendre le temps de réfléchir sur l’organisation des élections prud’homales. Le 25 mai 2010, donc récemment, Jacky Richard m’a remis son rapport sur l’avenir des élections prud’homales, rapport au demeurant bien fait, dans lequel des préconisations sont formulées. Nous prendrons le temps d’étudier, avec les partenaires sociaux, les pistes qu’il propose et nous nous engagerons, ou pas, dans la voie d’une simplification des élections prud’homales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi témoigne de notre engagement pour faire aboutir une réforme majeure qui modernise notre démocratie sociale, car la démocratie sociale, comme la démocratie politique, a besoin d’élections.
Parce que nous croyons à une société qui privilégie le dialogue par rapport à l’affrontement, nous sommes convaincus que renforcer la légitimité syndicale permettra de transformer la qualité et la responsabilité du dialogue social.
Parce que nous pensons qu’il faut créer toutes les conditions pour que les acteurs eux-mêmes trouvent entre eux, sur le terrain, les solutions les plus adaptées et que nous prenons nos responsabilités pour bâtir les réformes solides et durables dont notre pays a besoin, nous considérons que ce projet de loi est absolument indispensable. Je fais confiance à la Haute Assemblée pour ouvrir ce chemin ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Nicolas About applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis s’inscrit dans le prolongement des réformes adoptées depuis 2002 pour rénover notre démocratie sociale.
Pour ne pas intervenir trop longuement, je rappellerai simplement que la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi Larcher, a rendu obligatoire une concertation avec les partenaires sociaux avant le dépôt de tout projet de loi modifiant le droit du travail. Puis, à l’été 2008, une réforme de portée historique a substitué aux critères de représentativité syndicale mis en place en 1962 de nouveaux critères, plus démocratiques et plus transparents, de manière à renforcer la légitimité des organisations syndicales et à donner plus de poids aux accords que celles-ci négocient au nom des salariés.
Pour déterminer si un syndicat est représentatif, il a été décidé de retenir un critère principal, l’audience, appréciée à partir des résultats obtenus par les syndicats au moment de l’élection des représentants du personnel.
Ainsi, pour être représentatif au niveau de l’entreprise, un syndicat doit avoir obtenu au moins 10 % des voix lors de l’élection des délégués du personnel ou des élus au comité d’entreprise. Au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel, ce seuil est fixé à 8 %.
La loi du 20 août 2008 a cependant laissé un problème en suspens : comment mesurer l’audience syndicale dans les très petites entreprises, celles qui emploient moins de onze salariés, dans la mesure où elles n’élisent pas de représentants du personnel ?
Pour régler cette difficulté, la loi demandait aux partenaires sociaux de négocier sur les « moyens de renforcer l’effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d’y mesurer l’audience des organisations syndicales ». Cette négociation, qui s’est tenue à l’automne de 2009, n’a pas abouti, le MEDEF et la CGPME refusant d’aller au-delà d’un simple état des lieux.
Toutefois, le 20 janvier 2010, quatre syndicats de salariés – la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC –, ainsi que l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, ont adressé au Premier ministre une lettre commune, dans laquelle ils proposaient que la représentation des salariés des très petites entreprises soit assurée grâce à des commissions paritaires territoriales. Ils suggéraient que ces salariés élisent leurs représentants dans ces commissions et que ce scrutin serve à apprécier l’audience des différentes organisations syndicales.
Le projet de loi qui nous est soumis s’inspire de cette proposition, tout en tenant compte de certaines critiques qui ont été émises.
Pour mesurer l’audience syndicale dans les très petites entreprises, il est proposé d’organiser, tous les quatre ans, au niveau régional, une élection sur sigle : chaque salarié voterait, non pas pour une liste de candidats, mais pour une étiquette syndicale. Le vote aurait lieu par voie électronique ou par correspondance, en distinguant un collège « cadres » et un collège « non-cadres ».
Des commissions paritaires pour les très petites entreprises pourraient également être constituées, par voie d’accord collectif : leur création serait donc facultative. Elles apporteraient une aide aux salariés et aux employeurs en matière de dialogue social et veilleraient à l’application des accords collectifs. Les représentants des salariés au sein de ces commissions seraient désignés par les syndicats, en tenant compte des résultats du scrutin organisé auprès des salariés des très petites entreprises.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, ce projet de loi, qui repose largement sur le dialogue social, créera très peu de contraintes supplémentaires pour les très petites entreprises.
Cependant, pour rassurer certaines organisations d’employeurs qui redoutaient que les commissions paritaires ne s’immiscent dans le fonctionnement des très petites entreprises, la commission des affaires sociales a précisé, sur mon initiative, que ces commissions n’auront aucun pouvoir de contrôle et que leurs membres ne pourront pénétrer dans les locaux d’une entreprise sans l’accord du chef d’entreprise.
Nous avons également décidé que ces commissions pourront être créées au niveau national, régional ou départemental, mais pas au niveau local, afin de limiter la multiplication de ces structures et d’éviter qu’elles ne soient tentées de s’intéresser au cas particulier de telle ou telle entreprise.
Mais il ne m’a pas échappé que ce projet de loi continue de susciter l’inquiétude de nombreux chefs d’entreprise, malgré les garanties supplémentaires que nous avons apportées. Il ne m’a pas non plus échappé que des responsables de premier plan, au sein de la majorité, se sont exprimés contre l’article 6, qui vise à instituer les commissions paritaires pour les très petites entreprises.
Le débat qui s’ouvre cet après-midi nous donnera l’occasion, j’en suis sûr, de répondre à beaucoup d’interrogations et de dissiper ces inquiétudes, que je crois largement infondées.
Soyez sûrs, mes chers collègues, que je ne souhaite pas ajouter des contraintes supplémentaires à celles qui pèsent déjà sur les TPE, car ce sont ces entreprises, je le sais, qui créeront les emplois de demain. Les chefs des petites entreprises se plaignent déjà de la lourdeur et de la complexité des formalités qui leur sont imposées, et je ne veux pas leur donner de nouveaux motifs d’insatisfaction.
Toutefois, gardons présents à l’esprit deux éléments.
Tout d’abord, la constitutionnalité de la réforme de 2008 serait sujette à caution si la voix des 4 millions de salariés employés dans les très petites entreprises, ce qui représente un peu plus de 20 % des salariés du secteur privé, était ignorée au moment de déterminer la représentativité des organisations syndicales.
C’est pourquoi l’organisation d’un scrutin pour mesurer l’audience syndicale auprès des salariés des très petites entreprises me paraît indispensable.
Ensuite, n’oublions pas que quatre syndicats et plusieurs organisations patronales soutiennent ce texte et défendent la création des commissions paritaires.
Alors que nous voulons encourager le dialogue social, veillons à ne pas désavouer, par notre vote, ces organisations qui ont travaillé ensemble et ont réussi à aboutir à un compromis.
Pour conclure, j’évoquerai l’article 8 du projet de loi, qui prévoit de reporter la date des prochaines élections prud’homales au 31 décembre 2015, au plus tard.
Ce report devrait nous permettre de disposer d’un temps suffisant pour élaborer, puis mettre en œuvre une réforme du scrutin prud’homal, qui apparaît aujourd’hui comme une nécessité. En effet, le taux de participation à ces élections ne cesse de baisser – il n’était plus que de 25 % en 2008 ! –, alors que le coût de l’organisation de ce scrutin est supérieur, j’y insiste, à 90 millions d’euros.
Un rapport qui explore plusieurs pistes de réforme vous a été remis, monsieur le ministre. Peut-être nous direz-vous si l’une d’entre elles retient plus particulièrement votre attention à ce stade ! En tout état de cause, toute réforme devra être précédée d’une discussion approfondie avec les partenaires sociaux, concernés au premier chef.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis est d’une double nature : d’un côté, il parachève la réforme de la représentativité syndicale engagée en 2008 et, de l’autre, il prépare la prochaine étape en rendant possible la réforme du scrutin prud’homal. Dans les deux cas, il constitue un progrès. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à le soutenir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - M. Nicolas About applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers et chères collègues, décidément le patronat français, en particulier celui du CAC 40, n’est pas mûr pour instaurer, en France, les conditions d’un véritable dialogue social !
On dit souvent de la France qu’elle est un pays où les relations entre employeurs et salariés se situent sur le seul terrain conflictuel, un pays où tout est prétexte à une politisation des enjeux et à une opposition frontale, où rien ne peut se faire dans la concertation et le dialogue.
Il est également fréquent d’entendre que cet archaïsme serait du fait des seules organisations représentant les salariés, car elles refuseraient la modernité !
Pour soutenir cette thèse, le « modèle » allemand, ou scandinave, est souvent cité. Vu de notre pays, il permettrait de régler les conflits grâce au compromis et à une synergie entre employeurs et salariés. En France, en revanche, sévirait un mauvais génie prompt à la lutte sociale…
Mais, mes chers collègues, à qui doit-on cet état de fait ? Aux salariés et à celles et ceux qui les représentent ou aux employeurs et à leurs représentants ?
Quand on voit la tournure que prend l’examen de ce projet de loi et le sort que la majorité entend réserver au dialogue social dans les TPE, la réponse est vite trouvée : nous avons, en France, le patronat et les organisations patronales les plus rétrogrades et réactionnaires qui soient ! (M. François Trucy s’exclame.)
En effet, comment ne pas ressentir du dépit et de la colère quand on voit aujourd’hui le MEDEF et la CGPME, au pied du mur, renier leurs propres engagements plutôt que de laisser aboutir une réforme pourtant socialement et juridiquement indispensable ? Comment accepter que ces organisations soient relayées en cela, ici même, par la majorité parlementaire ?
Refuser l’instauration des commissions paritaires territoriales, c’est exclure purement et simplement les salariés des TPE de toute démocratie sociale. C’est aussi méconnaître la position commune d’avril 2008, la loi du 20 août 2008 et l’avis du Conseil d’État du 29 avril 2010.
Permettez-moi de revenir brièvement sur le cheminement du projet de loi que nous examinons, car il est très symptomatique du climat social qui règne actuellement en France.
Comme M. le ministre vient de le rappeler, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail répondait à un double objectif : renforcer l’effectivité de la représentativité en faisant de l’entreprise la base de celle-ci et mesurer l’audience des organisations syndicales, cette dernière faisant partie des nouveaux critères sur lesquels se fonde la représentativité.
Toutefois, la loi de 2008 s’appuie sur l’audience enregistrée lors des élections des institutions représentatives du personnel. En ce sens, elle ne s’applique que dans les entreprises de plus de onze salariés, ces élections n’ayant pas cours dans les autres.
Or, comme l’a rappelé M. le rapporteur, les salariés des TPE représentent aujourd’hui plus de 4 millions de personnes, soit environ 20 % des salariés du secteur privé, sachant que cette proportion est bien plus élevée dans certaines branches. Ces femmes et ces hommes sont donc privés de toute représentativité syndicale et la mesure de l’audience des syndicats est inexistante dans leurs entreprises.
C’est la raison pour laquelle avait été prévue, dans la loi de 2008, une clause de revoyure, qui devait permettre d’étendre cette « démocratie sociale » aux TPE. Cette clause stipulait que les partenaires sociaux devaient se mettre d’accord sur le sujet, au plus tard le 30 juin 2009.
Or, après un constat d’échec, l’UPA et quatre organisations syndicales de salariés ont rédigé une lettre commune, le 20 janvier 2010, expliquant leur position et leur mécontentement devant l’attitude irresponsable du MEDEF et de la CGPME.
Dans cette lettre, les cinq signataires reconnaissent que, pour des raisons matérielles, la représentation collective des salariés des TPE ne peut pas se faire comme dans une entreprise plus grande et retiennent l’idée de commissions paritaires régionales.
Cette position a d’ailleurs été confortée par le Conseil d’État, lequel estime, dans l’avis qu’il a rendu le 29 avril 2010, que le principe de participation contenu dans le préambule de la Constitution de 1946 et le principe d’égalité entre les citoyens exigent que les travailleurs des entreprises de moins de onze salariés soient inclus dans la mesure de l’audience syndicale, le législateur ayant fait de celle-ci l’un des critères permettant d’apprécier la représentativité des organisations syndicales.
Le Conseil d’État a ainsi rappelé au Gouvernement qu’il devait aller au bout de la réforme, sous peine de maintenir une violation manifeste de notre système juridique.
Le Gouvernement a donc, à la hâte, déposé un texte sur les bureaux des deux assemblées parlementaires pour tenter de satisfaire, au moins a minima et de manière formelle, à cette obligation.
En effet, à la lecture du projet de loi, il est clair que des deux objectifs affichés – la représentativité des personnels et la mesure de l’audience des syndicats –, il n’a conservé que le second pour emporter l’adhésion des employeurs. Et encore, je regrette vivement que cette audience se mesure sur la base des sigles syndicaux, et non sur celle des listes de personnes, mais nous reviendrons sans doute ultérieurement sur cette question.
Cette façon de procéder ne favorisera pas la participation des salariés et contribuera à affaiblir les syndicats. Pour établir une comparaison avec d’autres élections, cela reviendrait à demander à l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens de voter pour un parti politique, celui-ci désignant ensuite, et ce tout à fait unilatéralement, les personnes à même de parler en leur nom...
Raphaël Hadas-Lebel, ancien président de la section sociale du Conseil d’État, disait à propos du texte précédant la loi de 2008 qu’il n’était qu’« une étape sur un long parcours ». Malheureusement, la loi de 2008 risque, en vérité, d’être et de rester plutôt comme un point final à une réforme pourtant inachevée sur la représentativité de tous les salariés et de toutes les salariées de notre pays et sur la mesure de l’audience syndicale. En effet, tout nous porte à croire que cette réforme n’aura pas lieu ou qu’elle aura une portée si faible que rien ne changera...
En effet, à mesure que la perspective de la mise en place des commissions paritaires régionales s’approchait, il s’est développé, chez certaines organisations patronales, une angoisse viscérale et une envie irrépressible de revenir en arrière, quitte à renier totalement les engagements pris par le passé.
À la suite de diverses déclarations parues dans la presse, le MEDEF et la CGPME ont ainsi clairement fait savoir qu’ils feraient tout pour empêcher que ces commissions paritaires voient le jour.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est scandaleux !
Mme Annie David. Ils ont relayé leurs craintes auprès des parlementaires de la majorité et le projet de loi, dont la portée était déjà faible, ressort de son examen en commission encore un peu plus vidé de sa substance du fait de l’adoption d’un certain nombre d’amendements. Toutefois, les amendements déposés en séance publique vont bien plus loin encore dans cette volonté de phagocyter le texte ! Et que dire de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, c’est un enterrement de première classe qui y est prévu !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les masques tombent !
Le MEDEF et la CGPME n’ont jamais eu l’intention de permettre aux salariés des TPE d’obtenir une représentativité. À la rigueur, ils veulent bien mesurer l’audience syndicale dans ces entreprises, car c’est le noyau dur de l’obligation rappelée par le Conseil d’État, et encore sur la base d’une élection sur sigle, une proposition qui est loin de nous satisfaire. Mais si ces organisations veulent bien faire ce pas, c’est pour mieux se défaire, ensuite, de l’élection des conseillers prud’homaux par les salariés, un sujet sur lequel nous reviendrons également au cours des débats.
Ces organisations refusent la création des commissions paritaires territoriales sous prétexte que, dans les TPE, le dialogue se fait directement. Ainsi, un salarié serait toujours en mesure de régler une question, quelle qu’elle soit, avec son employeur… C’est oublier que certains salariés de TPE sont très isolés face au pouvoir de direction de l’employeur. Quel soutien, dans une TPE, pour celle ou celui qui n’ose pas réclamer à son employeur le paiement des heures supplémentaires qu’il lui doit depuis six mois, par exemple ? Inversement, certains employeurs sont parfois bien démunis et se retrouvent dans l’illégalité, par simple méconnaissance du droit du travail.
Aussi, ces commissions ont tout leur sens et toute leur utilité, même si les missions de leurs membres sont déjà limitées à un simple rôle de conseil et de médiation sociale.
Tout était a minima dans ce projet de loi, mais, pour certains, c’était encore trop !
Ainsi, lorsqu’il s’agit concrètement de mettre en place un droit nouveau pour les salariés, le patronat s’arc-boute. Il est choquant, et même scandaleux, de constater à quel point on se moque de l’effectivité du droit syndical des salariés et, donc, du respect de la Constitution et de la loi, méprisant ainsi le dialogue social !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Annie David. C’est un manque criant de considération pour les salariés. En outre, fouler aux pieds le « dialogue social » et reculer ainsi sur les engagements passés revient à envoyer un signal détestable aux partenaires sociaux.
En lieu et place du dialogue social, nous assistons à une parodie de dialogue entre, d’un côté, le Gouvernement – sourd et autoritaire – et, de l’autre, les salariés du privé ou du public, qui n’arrivent pas à se faire entendre. Le Gouvernement continue son monologue et le drape dans une fausse concertation ! Cela rappelle au groupe CRC-SPG l’actualité sur la réforme des retraites…
Décidément, les textes se suivent et se ressemblent, la méthode gouvernementale étant toujours la même : passage en force et recours aux cavaliers législatifs. Je pense ici, bien sûr, à l’article 8 du projet de loi relatif aux élections prud’homales, mais également au projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dans lequel a été mise à mal, au détour d’un cavalier législatif, la retraite des infirmiers.
Mais quand ce n’est pas le Gouvernement qui bafoue directement le dialogue social, comme ce fut le cas avec le projet de loi que je viens de mentionner, ce sont les parlementaires de la majorité qui s’en chargent, à l’exemple du texte que nous examinons aujourd’hui !
En définitive, nous assistons à un numéro de duettiste, dans lequel tantôt l’un, tantôt l’autre fixe le cap d’une position commune qui va toujours dans le sens des intérêts bien compris des employeurs et ne connaît, au final, qu’une seule et même catégorie de perdants : les salariés !
Pour notre part, nous ne partageons pas votre vision archaïque du dialogue social et, même si nous mesurons les limites de ce projet de loi, nous formulerons, au cours du débat, un certain nombre de propositions visant, au contraire, à satisfaire aux exigences soulignées par le Conseil d’État.
Ainsi, mes chers collègues, nous vous proposerons que la mise en place des commissions paritaires régionales soit obligatoire, et non pas facultative. Ce caractère obligatoire est une condition de leur existence, nous ne le savons que trop, et les exemples de mise en œuvre facultative sont là pour nous le confirmer.
C’est pourquoi nous vous proposerons également, au travers d’un amendement, que le Gouvernement soit tenu de mettre en place les commissions paritaires dans les branches où elles n’auraient pas encore été instaurées au moment de la remise du rapport, dans deux ans.
Nous proposons, par ailleurs, que les salariés des TPE élisent leurs représentants sur la base d’une liste de noms, comme les salariés des autres entreprises, et non sur un simple sigle. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments à ce sujet, mais nous considérons que le vote sur sigle aggravera la désaffection pour les élections des représentants des salariés, une désaffection que chacun constate déjà.
Nous proposons également que la représentativité des TPE soit mieux affirmée et garantie, en veillant à ce que les conseillers élus dans les TPE soient eux-mêmes des salariés issus de ces entreprises.
Nous proposons encore que les modes de calcul de l’effectif des entreprises de plus ou moins de onze salariés soient harmonisés. Ce n’est là qu’une mesure de justice, d’équité si vous préférez, mais il s’agit, surtout, d’une mesure juridique, à laquelle vous devriez porter attention, monsieur le ministre. En effet, introduire dans le code du travail des inégalités de traitement entre salariés est toujours source de contentieux.
Enfin, nous proposons que la disposition visant à prolonger le mandat des conseillers prud’homaux soit retirée du projet de loi. Nous avons bien compris – vous l’avez même confirmé, monsieur le ministre – que ce report est uniquement destiné à attendre de voir si les conclusions du rapport de M. Jacky Richard permettront de supprimer, purement et simplement, l’élection de ces conseillers par les salariés.
Nous anticipons cette disparition du vote direct, au profit d’une mise en place des conseillers prud’homaux fondée sur les résultats obtenus par les organisations syndicales au sein des entreprises ou sur une élection au second tour, et nous la dénonçons dès à présent, sachant que cette élection est l’unique occasion offerte, aujourd’hui, aux salariés des TPE de voter pour leurs représentants.
C’est une exclusion pure et simple de ces salariés de toute démocratie sociale ! Il nous semble que ce n’était pas l’objectif visé – ou du moins affiché –, d’un texte dont le Gouvernement nous a vanté les mérites à longueur de pages. Comment, ensuite, affirmer qu’un changement d’état d’esprit est nécessaire ?
Décidément, je le répète, le patronat français, en particulier celui du CAC 40, n’est pas prêt pour que s’installent, en France, les conditions d’un véritable dialogue social ! Concrètement, on constate effectivement que c’est lui qui dicte ses conditions aux organisations patronales concernées par ce texte : non seulement l’UPA, mais également d’autres organisations, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Ainsi, nous avons reçu un courrier cosigné par l’UPA, la FNSEA et l’UNAPL, nous demandant de voter ce projet de loi.
Cet évident coup de force du MEDEF et de la CGPME contre les autres organisations syndicales patronales, pourtant principales intéressées dans ce dossier, souligne à quel point la question de la représentativité des organisations patronales en France devient un chantier prioritaire si l’on veut vraiment faire avancer le dialogue social. L’examen de ce projet de loi nous donne l’occasion de poser de nouveau la question, et nous présenterons un amendement en ce sens.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à l’ouverture des débats, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG s’interrogent sur le bien-fondé de ce texte, dans sa rédaction actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on aurait pu s’attendre à ce que ce projet de loi fasse consensus, tout simplement dans la mesure où il est le complément nécessaire d’un texte ayant substantiellement modernisé les règles de la représentativité syndicale.
On l’a rappelé, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, en supprimant la présomption irréfragable et en lui substituant, notamment, le critère de l’audience, a vraiment démocratisé le jeu.
Cependant, comme nous l’ont très clairement exposé M. le ministre et M. le rapporteur, en l’absence d’une nouvelle intervention législative, cette réforme resterait largement cosmétique.
Les entreprises de moins de onze salariés, et donc les 4 millions de travailleurs qu’elles représentent, pourraient s’en trouver exclues dans la mesure où des élections professionnelles ne sont pas obligatoirement organisées en leur sein. Cela n’est évidemment pas acceptable. Le projet de loi dont nous sommes saisis y remédie. En sus, il entend dynamiser le dialogue social dans les TPE.
Ce texte porte donc deux réformes principales, sur lesquelles je me concentrerai : d’une part, il organise la mesure de l’audience dans les TPE et, d’autre part, il permet la création des commissions paritaires régionales.
Ces deux questions ne paraissaient pas, de prime abord, devoir poser problème. Pourtant, je le répète, ce texte est loin d’être consensuel. Schématiquement, il fait l’objet d’une double critique : une critique politique et une critique syndicale. Schématiquement encore, le groupe de l’Union centriste ne souscrit pas à la critique politique, mais est sensible à la critique syndicale.
La critique politique se fonde sur le fait que le texte organise la mesure de l’audience dans les TPE sans en garantir l’effectivité dans les instances de discussion et de négociation. En effet, le projet de loi ne prévoit d’organiser qu’une élection sur sigle. Chaque salarié voterait pour une étiquette syndicale, et non pour une liste de candidats.
Dans ces conditions, il n’y a aucune raison que la composition des commissions paritaires régionales, consacrées par l’article 6, ni, surtout, celle des instances de négociation de branche et du dialogue national interprofessionnel comprennent autant de salariés des TPE que leur poids réel dans l’ensemble de la population des travailleurs l’exigerait. Les centrales syndicales pourront désigner qui bon leur semblera pour les représenter au sein de ces instances. En pratique, les salariés des TPE pourraient ne pas participer au dialogue social.
Cette critique se justifie théoriquement, mais nous n’y souscrivons pas parce qu’elle témoigne d’une méfiance de la démocratie politique à l’égard de la démocratie sociale. Or, l’une et l’autre ne peuvent se renforcer qu’à partir d’un climat de confiance.
Ce n’est pas notre rôle de tenir les partenaires sociaux par la main. Il appartient au législateur que nous sommes de faciliter les conditions du dialogue social, et non d’en dicter les modalités dans les moindres détails. C’est une position que j’ai souvent entendue sur l’ensemble des travées de notre assemblée.
En l’occurrence, comment croire que les centrales syndicales fuiront leurs responsabilités au point de sous-représenter volontairement les salariés des TPE dans le dialogue social ? Nous, nous nous y refusons.
En revanche, la critique syndicale est plus intéressante. Elle conduit une partie des membres du groupe de l’Union centriste à émettre de sérieuses réserves sur ce texte. Elle explique aussi les conditions d’intervention du législateur aujourd’hui.
La loi du 20 août 2008 avait prévu qu’une loi ultérieure fixerait les règles de mesure de l’audience syndicale dans les TPE à l’issue d’une négociation interprofessionnelle. Or cette négociation, qui s’est tenue à l’automne 2009, n’a pas abouti. Le législateur vient maintenant pallier la carence des partenaires sociaux qui n’ont pu s’entendre.
Quelle est la pomme de discorde ? Elle porte principalement sur les commissions paritaires régionales, que l’article 6 du projet de loi consacre. Inutile de nous cacher derrière notre petit doigt, cet article est très vivement combattu par deux organisations patronales, le MEDEF et la CGPME.
Les querelles politiques d’influence entre organisations syndicales n’ont pas à être prises en compte dans cet hémicycle.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Voilà !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. C’est juste !
M. Nicolas About. En revanche, par-delà ces considérations, la question se pose de savoir ce qu’apporte l’article 6 au dialogue social.
Certains membres du groupe de l’Union centriste craignent que la mise en place des commissions paritaires régionales ne s’accompagne de l’émergence de nouvelles contraintes sociales pour des TPE déjà pressurées par le carcan administrativo-fiscal.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est un prétexte !
M. Nicolas About. Cette crainte n’est sans doute pas vraiment fondée dans la mesure où les commissions paritaires régionales n’auront aucun pouvoir de négociation.
De plus, la commission des affaires sociales a modifié le texte afin de préciser explicitement que « les commissions paritaires ne sont investies d’aucune mission de contrôle des entreprises » et que « leurs membres n’ont pas la faculté de pénétrer à l’intérieur d’une entreprise, sans l’accord de l’employeur ».
Mais si ces commissions paritaires ont peu de chance de peser sur les entreprises de leur champ, à quoi serviront-elles ? À rien, répondent les membres de notre groupe les plus sceptiques.
La loi du 20 août 2008 a donné une base légale à l’accord conclu le 12 décembre 2001 entre l’UPA et cinq syndicats de salariés pour créer une contribution de 0,15 % de la masse salariale destinée à développer le dialogue social dans l’artisanat.
Or on peut ne voir, pensent les uns, dans la mise en place des commissions paritaires régionales qu’une justification à l’existence de cette contribution. Puisque la contribution existe, il faut bien, pensent les autres, qu’elle soit dépensée, quitte à faire vivre des coquilles vides : implacable logique budgétaire de l’absurde !
À titre personnel, je ne crois pas que les commissions paritaires régionales seront inutiles. Rien qu’en constatant que les TPE sont impliquées dans la grande majorité des affaires prud’homales, on peut supposer qu’il y a un problème de dialogue au sein des toutes petites structures. Si la machine est grippée, il faut y injecter de l’huile. C’est exactement ce qu’auront vocation à faire les commissions paritaires régionales : elles diffuseront l’information et leur expertise dans des structures qui, aujourd’hui, en sont privées, permettant ainsi de désamorcer très en amont les contentieux potentiels.
Si je crois, a priori, à l’utilité des commissions paritaires régionales, je m’interroge, en revanche, sur celle de l’article 6 de ce texte.
En effet, cet article ne fait qu’ouvrir une possibilité aux partenaires sociaux de créer de telles commissions régionales, ce qu’ils ont d’ailleurs déjà très largement commencé à faire. Tout ce qui n’est pas expressément interdit étant autorisé, le préciser dans une loi peut apparaître superflu.
Dans ces conditions, faut-il que l’article 6 rende obligatoire, et non plus facultative, la création des commissions ? C’est ce que certains prétendent à gauche de cet hémicycle ! Pour notre part, ce n’est pas ce que nous pensons, toujours suivant le principe selon lequel il nous appartient d’accompagner la démocratie sociale, et non de nous y substituer.
Dès lors, il ne nous reste plus qu’à considérer cet article comme une validation politique, la reconnaissance d’une démarche, rien de plus ! Une majorité des membres de mon groupe votera cet article, ainsi que les autres dispositions prévues dans ce texte, certaine de son innocuité.
Pour conclure, je tiens à féliciter la commission des affaires sociales, son rapporteur, Alain Gournac, et sa présidente, Muguette Dini, pour l’excellence de leur travail. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd’hui présenté répond à un impératif constitutionnel.
La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a réformé les règles de représentativité des syndicats dans les entreprises de plus de onze salariés. Or, à partir de cette réforme, le principe d’égalité de traitement s’appliquant à tous les citoyens, quelle que soit la taille de l’entreprise dans laquelle ils travaillent, l’audience syndicale se doit d’être mesurée également dans les TPE. Ce n’est pas une possibilité, c’est une obligation. Le Gouvernement n’a pas le choix. Si la représentativité dans les TPE n’est pas mise en place, le code du travail restera fragmentaire, et la loi de 2008 sera, de fait, inconstitutionnelle.
Ce projet de loi entend également traduire un engagement écrit des partenaires sociaux, y compris des organisations patronales.
En avril 2008, une position commune, dont découle la loi d’août 2008, a été signée par les syndicats de salariés, ainsi que par le MEDEF et la CGPME. Cette position commune prévoyait « d’élargir le plus possible le nombre de salariés bénéficiant d’une représentation collective ».
Pour ce faire, la mesure de l’audience dans les TPE était renvoyée à des négociations futures devant aboutir au plus tard à la fin de l’année 2009. Or le MEDEF et la CGPME ont préféré revenir sur leurs promesses et s’exclure de ces négociations, faisant, de fait, peu de cas des 4 millions de salariés des TPE.
Les négociations ont malgré tout abouti entre, d’une part, l’UPA et, d’autre part, la CFDT, la CGT, la CFTC et la CGC, la Confédération générale des cadres, qui ont adressé, le 20 janvier 2010, au Premier ministre une lettre commune, sur la base de laquelle a été élaboré ce projet de loi.
Ce texte présente deux mesures phares : l’organisation d’élections sur sigle pour les salariés des TPE et la possibilité de créer des commissions paritaires. Ni plus, ni moins !
Au regard de ces dispositions somme toute limitées, l’ire du MEDEF et de la CGPME apparaît disproportionnée, d’autant que le lobbying de ces deux organisations a déjà porté ses fruits : de toute évidence, des gages leur ont été donnés.
Ainsi, il y aura non pas des délégués du personnel, mais de simples représentants. Et ceux-ci ne seront même pas élus sur leur nom ; ils le seront sur des sigles ! Les salariés des TPE n’auront donc pas le privilège de voter pour des candidats ; ils voteront pour des étendards et des logos ! Quelle meilleure formule pour rendre ces élections peu attractives ?
De plus, la commission des affaires sociales a adopté un amendement du rapporteur interdisant à ces représentants de se rendre dans les entreprises, sauf autorisation explicite du patron. La pression du MEDEF et de la CGPME a été telle que, sans doute, notre rapporteur n’a pu échapper à la présentation de cet amendement totalement inutile tant le texte est déjà bordé. C’est à se demander si le patronat n’est pas encore angoissé par un quelconque fantasme de révolution prolétarienne ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Qui sait ? Nous n’avons pas encore baissé les bras !
Mme Raymonde Le Texier. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que ni le vote sur sigle ni l’interdiction de présence physique ne faisaient partie de l’accord trouvé entre l’UPA et les syndicats de salariés.
Concernant les commissions paritaires, le texte est également très bordé : elles seront finalement facultatives et subordonnées à des accords préalables de branche. Autant dire qu’elles ne seront pas légion !
De même, monsieur le ministre, alors que vous aviez envisagé que ces commissions soient enracinées au niveau local, au plus près des petites entreprises, notre rapporteur a jugé bon de les circonscrire aux niveaux régional et national. Chacun sait pourtant que, plus on élargira le niveau de ces commissions, moins elles connaîtront les caractéristiques des TPE, sur le terrain, et moins elles présenteront d’intérêt. Là aussi, les amendements votés sur ce texte en commission vont à contre-courant de l’objectif qui y est affiché et à contre-courant de l’intérêt des petits patrons.
Car, enfin, qui sont-ils, ces patrons des TPE ? Des patrons qui n’ont pas le temps de consulter le CAC 40 dans leur bureau climatisé. Des patrons qui n’ont pas les moyens de s’offrir des conseillers fiscaux spécialistes en optimisation fiscale ou une pléthore d’avocats. Des patrons dont les salariés sont non pas une variable d’ajustement, mais le cœur de l’entreprise. Ces patrons-là, pour un grand nombre d’entre eux, attendent un outil de nature à les aider. Or les commissions paritaires pourraient être cet outil.
Rappelons encore que 80 % des assignations aux prud’hommes concernent des TPE. Ces poursuites relèvent le plus souvent d’une méconnaissance des règles du droit plutôt que de la malveillance, même si, contrairement à ce que claironne le président de la CGPME, on sait bien que, dans les TPE, le dialogue ne se fait pas toujours « naturellement » et « sans problème ». Chacun connaît les limites du paternalisme. (MM. Philippe Dominati et Elie Brun s’exclament.)
D’ailleurs, à l’inverse, l’UPA l’a bien compris, puisque non seulement elle soutient la mise en place de ces commissions paritaires, mais elle ne s’oppose pas à ce qu’elles deviennent obligatoires.
En définitive, cette division entre les grosses organisations patronales et les petits patrons est logique. Entre un artisan boulanger qui emploie deux personnes et le patron d’une PME, fût-elle de 150 salariés, il n’y a rien de commun que le titre d’« employeur », rien de plus !
Cela étant, et malgré les restrictions déjà apportées à ce texte, il n’est pas certain que les commissions paritaires survivent à l’examen du Parlement. Alors que nous n’en avons pas encore débattu, elles semblent déjà condamnées…
La preuve ? Après avoir rencontré le président de la CGPME, le 28 avril dernier, puis Mme Parisot, le 26 mai, M. Copé s’est déclaré « tout à fait défavorable à cette disposition ». Il en va de même pour M. Bertrand, qui a estimé « essentiel d’aller encore au-delà des amendements déposés au Sénat », dans le sens d’une « simplification indispensable », ce qui signifie, dans la bouche de M. Bertrand, la disparition pure et simple des commissions paritaires.
Venant de l’ancien ministre qui a fait voter la loi d’août 2008 dont ce projet de loi n’est que la transposition aux TPE, c’est tout simplement irresponsable. Et pour ceux d’entre nous qui ont en mémoire les grandes tirades sur la démocratie sociale et le dialogue social par lesquelles M. Bertrand a tenté – et combien de fois ! - de nous émouvoir, c’est à peine croyable ! (M. Guy Fischer applaudit.)
L’Opportuniste de Jacques Dutronc se contentait de retourner sa veste ; avec Xavier Bertrand, c’est toute la garde-robe qui y passe ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Bravo !
Mme Raymonde Le Texier. Les déclarations des ténors du groupe UMP de l’Assemblée nationale sont d’autant plus inopportunes que l’examen au Sénat ne fait que débuter. Que la majorité de l’Assemblée nationale méprise le Sénat, ce n’est pas nouveau ; qu’elle fustige l’opposition non plus. Mais qu’elle s’attaque explicitement à la majorité sénatoriale en mettant en cause le travail de notre rapporteur, c’est inédit !
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, le message est clair : vos amis de l’Assemblée nationale sont en service commandé et ils entendent dépecer ce texte pour n’en laisser qu’une coquille vide. Le risque est tel que le Premier ministre a dû intervenir en appelant au respect de « l’équilibre du texte ».
Comment en est-on arrivé là ? Assurément parce que, au-delà des dispositions de ce texte, deux raisons de fond, deux enjeux à peine voilés, expliquent l’hostilité du MEDEF et de la CGPME à ce texte.
Le premier enjeu est d’ordre économique. Si les commissions paritaires sont mises en place, à l’instar de celles qui ont été créées par l’accord de 2001 entre l’UPA et les cinq confédérations syndicales, elles pourraient être financées par une cotisation sur la masse salariale. Les TPE répercuteront donc cette charge sur leurs prix. Or de plus en plus de TPE sont les sous-traitantes de grandes entreprises, et celles-ci refusent catégoriquement de subir cette augmentation.
Le second enjeu est plus important encore, surtout à trois semaines du congrès du MEDEF. En effet, si ce projet de loi devait être adopté, la représentativité des syndicats s’appliquerait à l’ensemble des salariés de France. La seule catégorie professionnelle sans réelle mesure de l’audience syndicale, la seule catégorie professionnelle qui résiste encore à réformer sa représentation syndicale, en un mot la seule qui renâcle à entrer de plain-pied dans la démocratie sociale et à quitter le XIXe siècle, où elle est restée bloquée, c’est bien celle du patronat ! (M. Guy Fischer applaudit.)
M. Jean-Pierre Plancade. Tout à fait !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est pas par hasard si la question de la représentativité des organisations patronales est toujours écartée. Elle a été exclue de la loi de 2008 et, lorsque notre collègue Alain Gournac a abordé le sujet en commission, M. le ministre a répondu : « Chaque chose en son temps ».
Mais le MEDEF et la CGPME, qui se disputent habituellement la représentation des patrons de PME, ont bien compris qu’avec ce texte le temps du sablier allait s’accélérer. Ils font aujourd’hui alliance contre ce projet de loi car ils savent que, une fois ce texte adopté, tous les regards risquent de se tourner vers eux.
À quand la mue des organisations patronales françaises ? Voilà la délicate question que ce texte nous pose en creux et que le MEDEF et la CGPME veulent esquiver. En matière de démocratie sociale, les patrons ont beaucoup à apprendre des salariés !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’opposé des responsables du MEDEF, de la CGPME et de la majorité de l’Assemblée nationale, nous pensons que ce texte est intéressant, mais qu’il ne va pas assez loin, que c’est un texte a minima.
Nous pensons que les élections, pour prendre tout leur sens et susciter de l’adhésion, doivent être nominatives.
Nous pensons que les commissions paritaires, parce qu’elles peuvent devenir un relais utile, doivent être obligatoires.
Nous avons déposé des amendements en ce sens et nous savons que les signataires de la lettre commune du 20 janvier 2010 ne sont pas hostiles à ces évolutions, bien au contraire !
Si nous souhaitons qu’il reste un peu de sens à ce texte, qui est supposé traiter de la démocratie sociale, il nous faut collectivement résister aux pressions intolérables du MEDEF et de la CGPME, qui font montre d’un comportement archaïque…
Mme Isabelle Debré. Le mot est un peu fort !
Mme Raymonde Le Texier. … au demeurant peu flatteur pour leur image et pour celle de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a deux ans nous votions une loi sur la représentativité syndicale. Cette loi n’avait pas oublié les 4 millions de salariés qui travaillent dans les très petites entreprises.
Il avait été alors convenu que des négociations s’engageraient pour qu’un accord soit trouvé entre les partenaires sociaux afin d’assurer la représentation de ces salariés, et d’en profiter pour mesurer l’audience des organisations syndicales.
L’absence d’accord entre les partenaires sociaux a conduit le Gouvernement à déposer ce projet de loi.
Permettez-moi tout d’abord de dire combien il est affligeant de constater que deux organisations patronales, après avoir donné leur accord, refusent aujourd’hui jusqu’au principe de cette loi. C’est d’autant plus affligeant que ces chefs d’entreprise donnent tous les jours des leçons sur le changement et sur la nécessité de s’adapter au monde moderne. Au moment où l’on parle de remettre de l’émotion dans l’entreprise, ils font preuve du plus grand conservatisme qui soit.
Monsieur le ministre, avec de telles mentalités, comment voulez-vous que la France gagne ? Comment voulez-vous que la France bouge, pour reprendre un slogan que vous connaissez bien ? Et tous les prétextes sont bons : quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Eh bien, nous sommes dans ce cas de figure !
J’ai ici la pétition de la CGPME : c’est une véritable déclaration de guerre. Ces gens ont peur, et la peur fait perdre les batailles. Voilà, pour partie, le patronat que nous avons ! C’est lamentable, lamentable pour ces patrons-là, lamentable pour la France, aussi.
M. Guy Fischer. C’est bien dit !
M. Jean-Pierre Plancade. Alors ils nous expliquent qu’ils font du dialogue social tous les jours, que nous n’avons pas besoin de l’institutionnaliser. Nous avons même lu que le Gouvernement voulait mettre les PME sous surveillance ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Ridicule !
Mme Gisèle Printz. Ce serait un scoop !
M. Jean-Pierre Plancade. Le ridicule n’ayant jamais tué personne, les responsables de la CGPME n’en mourront pas !
Ils nous disent que le dialogue social se fait au quotidien dans les TPE,…
M. Guy Fischer. Mensonge !
M. Jean-Pierre Plancade. … mais, cela a été souligné à plusieurs reprises, l’expérience, notamment celle des conseils de prud’hommes, nous montre que, de dialogue social, il n’y en a pas du tout dans ces entreprises-là !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Plancade. Je peux comprendre également que cette loi doive être souple. En effet, il s’agit de créer une nouvelle pratique sociale, qui doit se construire au quotidien, et les TPE n’ont pas les moyens humains et financiers de mettre en œuvre le dialogue social de la même manière que les grandes entreprises. Tout cela, je l’entends et, je le répète, je le comprends.
Il n’en reste pas moins qu’il est vraiment attristant, inquiétant même, de constater chez nos patrons un tel niveau de conservatisme, de peur sociale, et, au bout du compte, de régression intellectuelle. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Alors, monsieur le ministre, devons-nous vous féliciter, et avec vous le Gouvernement, d’être allé au-delà des résistances patronales en déposant ce projet de loi ? Oui… et non ! Oui, parce que vous êtes dans la continuité d’une logique avec laquelle nous sommes globalement d’accord, et non, parce que vous n’allez pas jusqu’au bout de cette logique.
Je ne parle même pas du détail du projet de loi, par exemple le vote par sigle, les notions de territorialité, dont je comprends parfaitement les nuances, les subtilités et les conséquences, mais qui, pour moi, bien qu’importantes, demeurent aujourd’hui secondaires. Je pense essentiellement au fait que l’on ne rend pas obligatoire la création des commissions paritaires, ce qui est dramatique, car autant dire que ces commissions ne verront jamais le jour, puisque le MEDEF et la CGPME ont, je le disais, déclaré la guerre à ce texte.
Finalement, monsieur le ministre, que faisons-nous ici ? Vous nous dites, à nous : « Vous voyez, j’écoute les syndicats, puisque je réponds à cette fameuse lettre commune du mois de janvier 2010 », mais, aux autres, vous tenez un langage différent : « Rassurez-vous, cela ne sera pas obligatoire ! »
Une telle situation est vraiment regrettable, car il faudra bien, tout de même, que ces 4 millions de salariés soient représentés et que ces patrons acceptent de ne pas se placer au-dessus des lois et de la Constitution.
Monsieur le ministre, pour ce Gouvernement et, au-delà, pour la société française, c’était l’occasion d’aller plus loin dans le dialogue social, mais l’occasion est manquée.
En effet, je suis de ceux qui pensent que le dialogue social n’est pas un phénomène de mode et que c’est au contraire une réponse humaine de notre temps.
Le dialogue social est un moteur dans une entreprise, il facilite l’expertise, désamorce les conflits, ouvre des perspectives, fait de ses acteurs des partenaires responsables aptes à se manager individuellement et collectivement.
C’est le dialogue social qui permet le changement ; refuser ce dialogue, c’est tourner le dos au changement. Aujourd’hui, il faut que les patrons, les syndicats et, plus largement, la société tout entière refusent de s’installer dans l’illusion d’une réalité stable, alors que le monde est en perpétuel mouvement. Le seul credo possible est qu’il n’y a rien de permanent, excepté le changement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le RDSE ne pourra pas voter ce projet de loi en l’état, mais il suivra avec attention son évolution au cours du débat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
M. Guy Fischer. Le débat va changer de ton !
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de ce projet de loi, qui va permettre aux salariés des très petites entreprises, c’est-à-dire celles qui emploient moins de onze salariés, de s’exprimer sur le plan syndical.
Le présent texte s’inscrit dans le prolongement de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail dont ici, au Sénat, Alain Gournac avait été le rapporteur.
Cette loi a permis de mettre à plat les règles de représentativité syndicale, qui reposaient sur des critères historiques quelque peu dépassés, comme la présomption irréfragable. Elle a complètement rénové le dispositif en introduisant de nouveaux critères, objectifs, ainsi que des seuils d’audience.
À l’issue de la période de transition, qui s’achèvera au plus tard en août 2013, seront représentatifs, au niveau de l’entreprise, les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors de l’élection des délégués du personnel ou des élus au comité d’entreprise. Au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel, il faudra obtenir 8 % des suffrages.
Cette audience sera mesurée au moins tous les quatre ans, lors des élections professionnelles.
Cette réforme est importante, car elle permet de faire reposer la validité des accords collectifs sur des signataires légitimes. Cependant, cela a été rappelé, la loi de 2008 ne prenait pas en compte les TPE, au sein desquelles il n’y a pas nécessairement d’élections professionnelles.
Or les salariés des TPE représentent 20 % des salariés du secteur privé, soit 4 millions de personnes. Non seulement le fait de ne pas tenir compte d’un cinquième de la population active était en soi un déni de démocratie, mais aussi, comme l’ont souligné avec justesse M. le rapporteur et M. le ministre, l’adoption de ce projet de loi est indispensable d’un point de vue juridique, pour garantir la constitutionnalité de la réforme de 2008.
De son côté, le Conseil d’État a confirmé la nécessité de respecter le principe constitutionnel de participation des salariés. Il ne faut pas oublier non plus que les accords négociés au niveau des branches s’appliquent déjà aux salariés des TPE, comme la fixation des salaires minimums pour les opticiens ou la prévoyance des salariés de la boucherie.
Le présent projet de loi vise donc à ce que les choix des salariés des très petites entreprises soient pris en compte dans la détermination de l’audience des organisations syndicales, au niveau des branches comme au niveau interprofessionnel.
La négociation entre les partenaires sociaux, qu’il avait souhaitée, n’ayant pas abouti, le Gouvernement a tenu compte des propositions faites au Premier ministre, François Fillon, par quatre syndicats de salariés et par l’Union professionnelle artisanale, mais aussi des critiques émises au sujet de ces propositions.
L’article 4 vise à organiser un scrutin régional tous les quatre ans, au plus tard à la fin de l’année 2012. Ce scrutin reposera non pas sur une liste de candidats, mais sur des sigles de syndicats. En aucun cas il ne s’agit de créer des délégués du personnel dans les TPE.
J’apprécie qu’il soit prévu que la consultation des salariés se fasse uniquement par voie électronique et par correspondance, sous le contrôle du juge judiciaire. J’ose espérer que cette procédure facilitera la participation et évitera toute charge supplémentaire aux entreprises.
Par souci de transparence et afin de s’assurer que les partenaires sociaux seront correctement informés des conditions d’organisation du scrutin, la commission des affaires sociales a souhaité, par la voix de son rapporteur, amender l’article 4 en faisant du Haut Conseil du dialogue social, créé par la loi du 20 août 2008, l’organe responsable de la transmission de cette information aux partenaires sociaux.
Dans le second volet du projet de loi, avec le fameux article 6, il est prévu la création de commissions paritaires.
Ces commissions, dont les deux missions seront de veiller à la bonne application des accords collectifs et d’apporter une aide aux salariés comme aux chefs d’entreprise, ont suscité des polémiques que j’avoue ne pas comprendre.
Tout d’abord, la création de ces commissions sera purement facultative. Ensuite, les représentants des syndicats de salariés qui y siégeront seront désignés sur le fondement des résultats de la consultation électorale qui aura mesuré leur audience dans les TPE.
Certes, il aurait été possible de prévoir, plus simplement, que les commissions paritaires qui existent déjà jouent ce rôle. Mais tel n’a pas été le choix du Gouvernement.
Le groupe UMP soutiendra les deux amendements proposés en commission par le rapporteur, Alain Gournac. Ils sont de nature à rassurer les chefs d’entreprise qui s’interrogeraient sur les pouvoirs de ces commissions et sur une éventuelle ingérence des syndicats dans les TPE.
En premier lieu, la création des commissions à l’échelon local est exclue, permettant ainsi aux commissions paritaires d’œuvrer de façon globale, c’est-à-dire dans l’intérêt des TPE, et non uniquement en fonction de la situation particulière de telle ou telle entreprise. À cet effet, les commissions paritaires devront couvrir un champ géographique suffisamment étendu pour accomplir correctement leur mission.
En second lieu, en réponse aux inquiétudes de certaines organisations patronales, nous soutenons l’amendement visant à préciser que les commissions ne se verront confier aucune mission de contrôle et que leurs membres élus ne pourront pénétrer dans les locaux sans l’accord du chef d’entreprise.
Le groupe UMP ne partage donc pas du tout l’approche de la gauche sénatoriale, qui voulait au contraire rendre ces commissions obligatoires. Ce texte doit favoriser le dialogue social, sans accroître les contraintes ni heurter qui que ce soit.
L’article 8 traite, lui, d’un sujet distinct. Il prévoit de proroger le mandat des actuels conseillers prud’homaux, jusqu’à une date fixée par décret, le 31 décembre 2015, au plus tard.
Le Gouvernement avance trois justifications principales à ce report : éviter que les élections prud’homales n’aient lieu en même temps que la mise en œuvre de la réforme de la représentativité syndicale ; permettre d’analyser les propositions du rapport de Jacky Richard sur les modalités de ces élections ; prendre en compte la multiplicité des élections municipales, territoriales et européennes déjà programmées au début de 2014.
Je dis d’emblée que ce dernier argument ne me semble pas totalement pertinent, puisque nous nous préoccupons ici de scrutins organisés dans le cadre professionnel. Sans doute fallait-il profiter de toutes ces raisons pour inscrire dans le présent projet de loi la prorogation du mandat des conseillers prud’homaux. Néanmoins, à titre personnel, je reste sceptique sur le lien de cette disposition avec le texte.
De toute façon, comme je vous l’ai dit en commission, monsieur le ministre, il faudra bien une loi pour modifier le système électif prud’homal. Pourquoi ne pas attendre, pour proposer un texte complètement achevé, d’avoir tiré tous les enseignements du rapport Richard et des négociations qui en découleront ?
En conclusion, je souhaite insister sur l’importance de l’équilibre trouvé par la commission dans la rédaction du projet de loi. Il garantit en effet le dialogue social tout en respectant le fonctionnement des TPE et le climat social qui y règne.
J’apprécie également que l’on ait préservé la spécificité des chambres d’agriculture.
Ainsi, comme l’ensemble du groupe UMP, j’apporte mon soutien et mon suffrage à ce projet de loi, tel que modifié par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense représenter ici les intérêts des petites entreprises de l’Essonne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il n’y en a pas tellement d’autres, d’ailleurs...
Je veux vous faire connaître les réactions, face à ce texte, d’Olivier Boudon, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises de l’Essonne, et de Bernard Toulouse, président, pour l’Essonne, de la Fédération française du bâtiment.
Olivier Boudon s’exprime ainsi : « Pourquoi imposer dès aujourd’hui l’encadrement du dialogue social là où règnent des relations directes et naturelles entre les chefs d’entreprise et leurs salariés ? Pourquoi légiférer, alors que 79 % des employeurs sont défavorables à ce type de représentation collective du personnel et que les salariés eux-mêmes y sont hostiles à 64 % ? ».
Bernard Toulouse écrit : « Dans un contexte de dégradation économique majeure pour les petites entreprises, celles-ci n’ont pas besoin de contraintes administratives supplémentaires. Le dialogue social se fait directement : pas besoin de représentants ou de délégués syndicaux qui n’ont rien à faire entre le patron et ses salariés. Partout sur le territoire les très petites entreprises ont fait preuve d’une résistance exemplaire au cours des derniers mois en favorisant la formation et en fidélisant leur personnel qualifié. Afin de ne pas les stigmatiser, nous vous demandons de refuser l’adoption d’un tel texte de loi, qui n’est ni dans l’intérêt des entreprises ni dans celui de leurs salariés ».
Voilà ce qu’ils m’ont demandé de vous dire. Car, pour les petites entreprises, le vrai problème est non pas d’organiser le dialogue social ou de créer des commissions paritaires, mais d’obtenir des commandes et de faire travailler leurs salariés ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Pour ma part, j’ajoute qu’il faut cesser de vouloir imposer aux très petites entreprises la mise en place d’une représentation syndicale dont elles n’ont nul besoin. Le dialogue social est d’autant plus facile que les entreprises sont petites. Il est donc inutile d’y mesurer l’audience des syndicats comme le propose le Gouvernement. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Rien n’est imposé, tout est facultatif !
M. Jean-Louis Carrère. Supprimons les syndicats !
M. Serge Dassault. De plus, ce projet de loi risque d’ouvrir la voie à des opérations plus compliquées.
Dans les entreprises qui emploient jusqu’à dix salariés, les chefs d’entreprise connaissent leur personnel et savent ce qu’il veut. Ils sont capables de gérer eux-mêmes leurs relations de travail avec leurs employés et n’ont nul besoin des syndicats.
M. Jean-Louis Carrère. Ils peuvent même payer en liquide !
M. Serge Dassault. Alors, s’il vous plaît, arrêtez de vouloir imposer aux très petites entreprises des représentants syndicaux dont elles n’ont pas besoin !
Mme Annie David. Il n’y a pas de représentants syndicaux !
M. Serge Dassault. Elles savent gérer les rapports avec leur personnel : le dialogue social dans les TPE est quotidien et permanent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. C’est vite dit !
M. Jean-Louis Carrère. Gare aux Soviets !
Mme Raymonde Le Texier. Et aux Bolcheviks !
M. Serge Dassault. C’est pourquoi je suis totalement opposé aux dispositions de ce projet de loi qui ouvriront la porte au renforcement des syndicats dans les PME. Nos amis et collègues socialistes et communistes ont déjà largement ouvert la boîte de Pandore.
M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a plus de pandores, vous les avez supprimés aussi !
M. Serge Dassault. Ils le disent eux-mêmes : il faut augmenter le pouvoir syndical dans les petites entreprises. Le reste, ils s’en fichent ! Ne les laissons pas faire, car cette réforme ira contre l’intérêt des salariés et contre l’activité des petites entreprises.
Je regrette d’avoir dû entendre ce que certains de nos collègues ont dit, Mme David, Mme Le Texier, M. Plancade et un petit peu Mme Procaccia.
En tout cas, telles sont les raisons pour lesquelles j’ai cosigné les amendements de MM. Dominati et Houel, notamment ceux qui visent à supprimer les articles que nous jugeons néfastes aux petites entreprises, en particulier l’article 6.
La situation nationale est suffisamment compliquée pour ne pas l’aggraver par des contraintes qui n’auront qu’un effet paralysant sur l’économie. Laissez vivre et se développer les très petites entreprises ! Ce n’est déjà pas si facile pour elles, surtout quand elles ont été créées à partir de rien. Elles sont un vivier pour notre économie.
M. Guy Fischer. Il n’y a rien d’obligatoire !
M. Serge Dassault. La situation économique et financière de l’Europe est préoccupante. Au lieu de chercher à régler des questions qui n’ont rien d’urgent, occupons-nous plutôt des problèmes les plus pressants, à savoir le développement de l’ensemble de notre économie et la gestion correcte de nos finances.
Voilà ce que je vous propose, monsieur le ministre, mes chers collègues, et vous aussi, chers collègues socialistes et communistes, vous que je connais bien.
M. Guy Fischer. Cela ne va pas dans le sens du progrès !
Mme Annie David. Et la modernité, dans tout ça ?
M. Serge Dassault. Laissez donc travailler les gens comme ils le peuvent. Car, ce qui compte, c’est le travail, l’emploi, l’économie, la fabrication,…
M. Jean-Pierre Michel. La santé !
M. Serge Dassault. … la compétitivité des entreprises, et non des commissions paritaires ou l’action syndicale de tel ou tel ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui traite d’un sujet d’une grande importance : la mesure de l’audience syndicale dans les entreprises employant jusqu’à dix salariés, entreprises plus communément connues sous le sigle TPE, pour « très petites entreprises ».
Alors qu’elles représentent 93 % des entreprises françaises, les TPE ne bénéficient pourtant d’aucune structure organisant le dialogue social. Cette absence de moyen d’expression démocratique ainsi que l’inexistence constatée à ce jour de représentation syndicale rendent indispensable l’intervention du législateur.
Il apparaît donc nécessaire que le dialogue social soit institutionnalisé dans l’ensemble des entreprises, et ce pour le plus grand intérêt de leurs salariés.
Ce ne sont pas moins de 4 millions de salariés répartis dans 690 branches qui sont, aujourd’hui encore, privés d’élections pour la désignation d’institutions représentatives du personnel. Cette situation va à l’encontre des dispositions constitutionnelles protégeant la liberté syndicale et est contraire au principe d’égalité des citoyens. En effet, aux termes du Préambule de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
Par ailleurs, le Conseil d’État a précisé que l’absence de prise en compte de ces salariés dans la mesure de l’audience des syndicats avant 2013 pourrait fragiliser la réforme des règles de représentativité et de validité des accords au regard des principes constitutionnels de participation et d’égalité.
Ainsi, sur le plan juridique, il est important de rétablir une certaine égalité. C’est pourquoi, en soi, ce projet de loi est une avancée. Toutefois, celle-ci reste très limitée.
Mme Annie David. C’est sûr !
Mme Patricia Schillinger. En effet, visant à résoudre un problème de constitutionnalité, ce texte ajoute à la mesure d’audience des salariés des autres entreprises celle des salariés des TPE, sans toutefois permettre la représentation de ces derniers, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, les salariés voteront sur sigle, c’est-à-dire pour un syndicat et non pour une ou des personnes. Il ressort explicitement de cette disposition que les salariés des TPE n’auront pas de délégués. Leurs suffrages seront additionnés à ceux des salariés des autres entreprises pour fournir la représentativité par branche. Alors qu’ils devraient avoir le droit de désigner nommément leurs représentants, on va leur demander de voter sans même savoir qui siégera dans les commissions.
Il paraît aberrant que le Gouvernement souhaite organiser des élections en fonction de sigles. Des personnes issues de grandes centrales syndicales, qui ne connaissent pas de l’intérieur les TPE et ne sont pas décisionnaires, risquent d’être désignées. On remarque bien ici à quel point il s’agit d’un texte a minima. Nous ne sommes pas sûrs qu’une élection sur sigle apportera la garantie que chaque salarié pourra faire entendre sa voix. Du fait de la faible présence des syndicats dans les TPE, un tel mode d’élection n’aura pas un effet mobilisateur. Il faut admettre que les salariés ne seront pas incités à aller voter : il est beaucoup plus motivant de désigner un candidat que l’on connaît. Je rappelle que des études ont été réalisées par les syndicats auprès des salariés des TPE, sous la forme de questionnaires : les réponses obtenues font apparaître que 70 % d’entre eux souhaitent avoir un porte-parole.
La seconde raison pour laquelle ce texte ne permet pas la représentation des salariés tient au caractère facultatif des commissions paritaires. Nous regrettons fortement que ces commissions ne soient pas obligatoires. Sur ce point, il est légitime de se demander en quoi ce texte représenterait un progrès. Alors que les commissions paritaires ont pour mission d’apporter une aide, en matière de dialogue social, aux salariés et aux chefs d’entreprise, d’assurer un suivi de l’application des conventions et des accords collectifs, le MEDEF et la CGPME ont demandé qu’elles soient facultatives. Ils font pression, aujourd’hui, pour obtenir leur suppression. En rendant facultatives ces commissions, on prive purement et simplement les salariés des TPE de toute démocratie sociale. Une question se pose : que fera-t-on si les commissions ne sont pas créées ?
Par ailleurs, non seulement ces commissions paritaires sont facultatives, mais, de plus, si elles sont créées, leurs membres devront obtenir l’accord de l’employeur pour pouvoir exercer leurs missions. Ainsi, les élus des commissions devront avoir l’autorisation du patron !
Depuis longtemps, le parti socialiste dénonce l’archaïsme d’un système de représentativité déterminé bien souvent par décret et caractérisé par des accords minoritaires s’imposant à l’ensemble des salariés.
Ce texte, dans sa rédaction actuelle, n’est pas satisfaisant. Sa portée reste très limitée en matière de démocratie sociale. Il devrait permettre aux salariés des TPE d’avoir des référents, des représentants auxquels s’adresser : il n’en est rien ! Nous sommes très loin d’une démocratie sociale moderne.
Compte tenu des mutations profondes que connaît actuellement la vie économique, le dialogue social a un rôle important à jouer. L’enjeu est d’autant plus crucial que la crise économique et financière accentue les fractures sociale et générationnelle. La transformation de la société requiert un accroissement du rôle de la démocratie sociale et un renforcement du dialogue social. Ce dialogue peut constituer un outil de modernisation économique et sociale sur de nombreuses questions, telles que l’organisation du travail, les relations professionnelles, la formation professionnelle, la promotion de l’égalité des chances, l’implication des salariés dans la gouvernance de l’entreprise, le développement de la négociation collective à tous les niveaux, les nouveaux enjeux de la protection sociale.
Si la nécessité de mener une réflexion sur la représentativité des organisations syndicales, quasiment figée depuis les années soixante, progresse dans l’opinion, la façon dont cette réflexion est conduite à l’heure actuelle montre bien que les véritables intentions du Gouvernement et du MEDEF ne sont pas de renforcer la démocratie sociale.
La faiblesse du syndicalisme français résulte, pour l’essentiel, de la mauvaise qualité des relations sociales dans notre pays. On laisse peu de place aux acteurs de la société civile et la négociation est peu présente.
On ne peut prétendre défendre l’intérêt général – l’avenir du syndicalisme dans notre pays – en ayant uniquement en tête la protection des intérêts particuliers et en se calant sur la seule position des organisations patronales.
C’est en mettant en avant les principes d’une vraie démocratie sociale, c’est-à-dire la liberté, pour les salariés, de choisir leurs représentants et l’obligation, pour les employeurs, de reconnaître la légitimité des choix des travailleurs exprimés par leur vote, que l’on pourra moderniser notre système et améliorer l’audience des organisations syndicales. On peut innover sans affaiblir les droits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi est, malgré sa concision, un texte majeur : il concerne 4 millions de travailleurs qui, exerçant leur activité dans des entreprises de moins de onze salariés, sont encore privés d’institutions représentatives du personnel.
Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement de la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884, qui reconnaît aux salariés le droit syndical, et des lois Auroux de 1982. Ces textes fondateurs ont permis la construction de notre pacte social. Deux principes les inspirent, qui devraient encore aujourd’hui, me semble-t-il, nous servir de fil rouge dans notre travail d’élaboration d’un dispositif équilibré.
Comme vous l’avez très bien exposé dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, le premier principe est que, citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise.
M. Jacky Le Menn. Tout à fait !
M. Claude Jeannerot. Le second principe est que le droit du travail a vocation à stimuler les initiatives individuelles et collectives, et non à les brider. Récusant l’idée de « mettre en place une législation pesante composée de blocages », les lois Auroux de 1982 affirment ainsi que « les travailleurs doivent devenir les acteurs du changement dans l’entreprise ».
Bref, mes chers collègues, le présent texte constituait à l’évidence une occasion de briser enfin cette logique manichéenne et absurde selon laquelle l’intérêt de l’entreprise et les droits des travailleurs seraient antagonistes. En d’autres termes, la sagesse du législateur, par-delà les conservatismes et les pressions de toute nature et de toute origine, ne consiste-t-elle pas, en l’espèce, à affirmer non seulement que le dialogue social ne s’oppose pas à l’intérêt de l’entreprise, mais qu’il en est l’une des composantes ? L’application de ce principe à l’élaboration du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui aurait pu permettre toutes les audaces. Qu’en est-il dans les faits ?
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce projet de loi a vocation à compléter la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Il vise notamment à définir les règles de représentation des salariés des TPE, dans un souci d’égalité avec les salariés des autres entreprises. Le Préambule de la Constitution de 1946 dispose d’ailleurs que « tout homme peut défendre ses droits et intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. […] Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »
Tous les orateurs l’ont rappelé, le système mis en place par la loi du 20 août 2008 demeurait insatisfaisant au regard de cette exigence constitutionnelle, dans la mesure où aucune représentation du personnel n’était prévue dans les entreprises de moins de onze salariés. Nous attendions donc que le projet de loi que nous étudions aujourd’hui corrige cette carence.
À cet égard, deux avancées méritent d’être relevées : d’une part, l’élection des représentants des salariés des TPE selon des modalités spécifiques, et, d’autre part, la possibilité de mettre en place des commissions paritaires. Toutefois, et même si le caractère essaimé des TPE constitue une réelle difficulté, les modalités retenues ne permettent pas d’aboutir à une véritable égalité de droits entre salariés.
Les articles 4 et 5 du projet de loi tendent à instaurer un dispositif permettant de mesurer l’audience des syndicats auprès des salariés des très petites entreprises par un scrutin organisé tous les quatre ans à l’échelon régional. Il est prévu que les salariés votent sur sigle, c’est-à-dire en faveur d’une organisation syndicale, et non pour des représentants nominativement désignés. Autrement dit, les salariés des très petites entreprises n’auront pas de délégués nommément choisis.
On admettra qu’une telle disposition, même si elle permet une avancée, n’apporte pas l’égalité attendue sur un point majeur, celui de la représentation. De ce point de vue, le texte ne répond pas à l’ambition centrale qui lui a été assignée.
S’il convenait certes de minimiser le plus possible les contraintes supportées par les entreprises, il n’était pas fatal pour autant d’aboutir à un texte aussi déséquilibré où, reconnaissons-le, personne ne semble s’y retrouver, ni les patrons, ni les salariés.
Du coup, votre projet de loi est même en retrait par rapport à la position commune du MEDEF et de la CGPME exprimée en 2008. On sait aujourd’hui que ce n’était là que des paroles, mais, à l’époque, ces deux organismes s’étaient engagés, concernant les PME et les TPE, à « se donner les moyens de renforcer l’effectivité de la représentation collective du personnel, afin d’élargir le plus possible le nombre de salariés bénéficiant d’une représentation collective ».
Comment ne pas regretter, dans ces conditions, que le Gouvernement n’ait pas saisi cette ouverture pour promouvoir le dialogue social, alors que des enquêtes effectuées auprès des salariés des très petites entreprises établissent que 70 % d’entre eux souhaiteraient avoir un vrai représentant ? C’était pourtant l’occasion de donner aux salariés le droit de choisir nominativement leurs représentants. A contrario, on demandera aux salariés de voter sans savoir qui siégera dans des commissions dont la création n’est par ailleurs pas certaine. Le résultat sera sans surprise : l’abstention sera forte, ce qui permettra de démontrer, après les avoir organisés, la désaffection et le désintérêt des salariés à l’égard des organisations syndicales. Ce choix ne répond pas – c’est une litote ! – aux enjeux liés aux conditions de travail.
J’évoquerai maintenant le dispositif, trop limité, relatif aux commissions paritaires territoriales. L’article 6 du projet de loi prévoit que des commissions paritaires, professionnelles ou interprofessionnelles, auront pour mission de concourir à l’élaboration et à l’application d’accords collectifs. Ce dispositif est indispensable au regard des exigences constitutionnelles et supranationales. On ne pouvait que se féliciter de son introduction dans le projet de loi, mais vous l’avez conçu de telle sorte que les droits collectifs des personnels des entreprises de moins de onze salariés se trouvent réduits comme peau de chagrin.
En effet, plusieurs dispositions tendent à annihiler la portée de la mesure.
En particulier, la création des commissions paritaires sera facultative. Cela signifie qu’il est peu probable que ces commissions voient le jour, dans la mesure où, rappelons-le, pour être valable, un accord collectif doit être signé par au moins une organisation patronale représentative et par des syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages aux élections prises en compte pour la mesure de l’audience syndicale.
Depuis l’origine, la CGPME, malgré son accord de principe, voit dans un dispositif qui met en place les droits sociaux les plus élémentaires « l’introduction de la bureaucratie et de la suspicion ». Curieusement, cette position a été relayée à l’Assemblée nationale par certains députés de la majorité, dont M. Copé, qui ont dit ne pas vouloir « donner le sentiment qu’est introduite de manière indirecte une présence syndicale dans les petites entreprises au-delà de ce qui existe aujourd'hui ».
En tant que législateurs, nous avons la responsabilité de créer les conditions équilibrées d’une véritable démocratie sociale, fondée sur le principe de l’égalité. Or, il est évident que les salariés des très petites entreprises sont moins bien protégés que ceux des entreprises plus importantes : leurs salaires, leur droit à la formation et leurs droits sociaux sont souvent moindres.
Comme l’a indiqué M. le Premier ministre, ce texte, qui n’a rien de révolutionnaire, n’avait à l’origine vocation qu’à donner une traduction concrète aux engagements pris dans la loi du 20 août 2008, approuvée par les partenaires sociaux. Or le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, malgré les bonnes intentions affichées et de réelles avancées, est vidé d’une partie de ses ambitions initiales. Il reste marqué par une vision selon laquelle l’organisation de la démocratie sociale constitue un risque pour les très petites entreprises.
Il est possible, mes chers collègues, de revenir aujourd’hui à un texte à la fois innovant et prudent, offensif et équilibré, porteur de progrès pour les salariés et respectueux de la liberté d’entreprendre. Oui, il est possible d’élaborer aujourd'hui un dispositif « gagnant-gagnant » pour les patrons et pour les salariés. Comme nous, ils souhaitent une représentation nominative des travailleurs, ainsi que l’instauration de commissions paritaires utiles, c'est-à-dire investies de véritables pouvoirs.
N’est-il pas évident que les avancées sociales servent le salarié, mais aussi le collectif de travail et donc, en fin de compte, l’entreprise tout entière ? N’est-il pas évident que la démocratie sociale constitue l’un des piliers de notre pacte républicain ? Il appartient au législateur d’en organiser le socle : l’occasion nous en est fournie aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants, pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat et France 3 des questions cribles thématiques sur les réformes de la justice, point suivant de l’ordre du jour.
Nous reprendrons la discussion du présent projet de loi à dix-huit heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Questions cribles thématiques
la justice, le point sur les réformes
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur « la justice, le point sur les réformes ».
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole, aidé en cela par les afficheurs de chronomètres disposés dans l’hémicycle.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la ministre d’État, je souhaite vous interroger sur l’application de la réforme de la carte judiciaire, en particulier sur ses conséquences immobilières.
Au cours de l’année dernière, presque la moitié des tribunaux qui devaient être supprimés l’ont été. Je passe sur les conséquences dommageables de cette évolution pour les justiciables, notamment pour ceux d’entre eux dont le domicile est éloigné du siège du tribunal d’instance.
Les transferts se sont opérés dans de très mauvaises conditions et les services ont été éparpillés. C’est le cas dans mon département.
La situation sera encore plus difficile au 1er janvier 2011, puisque la réforme devra avoir été entièrement mise en œuvre à cette date. Des dizaines de tribunaux de grande instance auront alors été supprimés et devront être accueillis par d’autres situés dans le même département.
Dans quelles conditions ce transfert va-t-il s’effectuer ? Madame la ministre d’État, avez-vous aujourd'hui des solutions pérennes à proposer ? J’en doute : comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, quatre ou cinq années s’écoulent entre la décision de construire un nouveau tribunal et son inauguration. Avez-vous donc des solutions provisoires ? Quel sera le coût de ces opérations ? Je n’attends pas une réponse exhaustive de votre part aujourd'hui, mais je souhaiterais que vous m’adressiez des explications écrites aussi détaillées que possible.
Enfin, madame la ministre d’État, je me demande si, dans cette période de nécessaires économies budgétaires, les crédits de votre ministère pourront supporter les coûts d’un tel programme immobilier, même s’il est étalé dans le temps. Ne serait-il pas plus raisonnable de surseoir à l’application complète de cette réforme, qui a été très mal conçue, sans aucune concertation, en attendant que notre économie se porte mieux qu’aujourd'hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, la réforme de la carte judiciaire avait pour objet de moderniser l’organisation de notre justice en termes d’implantation territoriale. Ce travail a été largement effectué, et il n’est pas de bonne politique de remettre en cause une réforme quand les décisions ont été prises et, de surcroît, validées par le Conseil d'État. Il me revient maintenant de les mettre en œuvre dans les meilleures conditions possibles.
Cette année, vingt et un tribunaux de grande instance ont été fermés dans le cadre de la dernière phase de la réforme de la carte judiciaire. Le processus est donc largement engagé, et il n’est ni possible ni souhaitable d’arrêter ou de reculer.
Les différentes étapes des regroupements sont suivies par la chancellerie au plus près des cours et des juridictions concernées. Comme vous le savez, j’ai demandé à M. le secrétaire d’État à la justice de se déplacer personnellement sur chaque site pour dresser un état de la situation, regroupement par regroupement, qu’il s’agisse de l’immobilier ou des personnels.
Sur le plan immobilier, le regroupement des juridictions représente une centaine d’opérations très diverses, allant de la simple densification jusqu’à la reconstruction.
Sur le plan social, nous avons beaucoup avancé, puisque des solutions conformes aux souhaits des personnels sont mises en œuvre pour les 263 fonctionnaires et les 123 magistrats des tribunaux de grande instance concernés. Il est également procédé à un certain nombre d’aménagements technologiques.
Le coût global de la réforme est estimé à un peu plus de 21 millions d’euros pour l’accompagnement social, à 20 millions d’euros pour l’aide à la réinstallation et à 386 millions d’euros sur cinq ans pour l’immobilier. Ces montants seront respectés et sont inscrits au fur et à mesure dans les budgets.
Je vous communiquerai les informations détaillées que vous souhaitez, mais il n’est pas question d’interrompre la mise en œuvre de la réforme. Au demeurant, cela soulèverait beaucoup de difficultés, puisqu’un certain nombre de personnels ont d’ores et déjà obtenu une nouvelle affectation conforme à leurs attentes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Michel. Je remercie Mme la ministre d’État de sa réponse.
Dans mon département, la situation est claire : deux tribunaux de grande instance ont été supprimés et transférés dans de très mauvaises conditions à Vesoul et à Lure. Les justiciables ne se déplacent plus pour entendre les décisions les concernant.
Quant au tribunal de grande instance de Lure, il doit être accueilli à Vesoul. Si M. le secrétaire d’État à la justice s’est effectivement rendu en Haute-Saône – les parlementaires du département n’ont pas été conviés aux réunions organisées à cette occasion, ce qui est pour le moins étonnant –, il s’est bien gardé d’interroger les magistrats du tribunal de grande instance de Lure et les avocats du barreau local, car il se doutait bien de leur réaction. À Vesoul, il s’est contenté de visiter, en compagnie des élus municipaux, l’ancien hôpital, que la ville souhaite vendre. Y installer le tribunal de grande instance coûterait très cher, mais le maire de Vesoul n’étant autre qu’un de vos collègues du Gouvernement, peut-être cette opération pourra-t-elle se réaliser…
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a instauré la collégialité de l’instruction, suite à l’affaire d’Outreau.
À nos yeux, cette réforme était peu ambitieuse, mais inscrire dans la loi le principe de la collégialité était positif. Son entrée en application était prévue pour cette année, mais c’était oublier le manque persistant de personnels de justice et la volonté du Président de la République et du Gouvernement de supprimer les juges d’instruction pour rendre le parquet maître des procédures.
Madame la ministre d’État, la contestation soulevée par votre projet de réforme vous a, pour l’heure, amenée à surseoir à son examen. Dans ces conditions, quid des dispositions de la loi de 2007 ? La question des moyens de la justice demeure criante et récurrente. L’application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 illustre parfaitement ce fait.
La suppression des tribunaux d’instance éloigne le citoyen de la justice, l’aide juridictionnelle demeure dramatiquement inadaptée, et les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » ont même été réduits dans la loi de finances de 2010. Le budget de la justice, l’un des plus faibles d’Europe, a augmenté de 3,5 % en 2010 : c’est bien peu, et de surcroît magistrats et greffiers n’ont rien vu venir !
Promouvoir une justice plus efficace et plus rapide, comme vous aimez à le répéter ? Oui, mais sauf à renoncer à ce qu’elle soit égale pour tous, cela nécessite d’accroître les crédits qui lui sont alloués !
Madame la ministre d’État, la justice continuera-t-elle à s’appauvrir, sous l’effet de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et de la diminution accrue des dépenses publiques ? N’estimez-vous pas urgent de permettre à la justice de disposer de moyens suffisants, décents ? Dans le cas contraire, ce serait obérer sciemment toute possibilité de mettre en œuvre une réforme permettant de rendre la justice plus accessible et compréhensible pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Madame le sénateur, il est vrai que la justice a été abandonnée pendant près d’un siècle par les gouvernements successifs et n’a pas bénéficié des augmentations de crédits et d’effectifs qu’ont connues d’autres départements ministériels.
Mais, depuis 2002, la justice fait l’objet d’un traitement favorable tout particulier. C’est ainsi l’un des très rares ministères qui ont vu leur nombre d’emplois augmenter dans le cadre de la RGPP.
Cela continuera, car nous avons effectivement besoin de moderniser notre justice, afin de répondre aux évolutions de notre société, qui connaît notamment une judiciarisation croissante. À cette fin, nous avons mis en place toute une série de réformes, portant sur la carte judiciaire, la procédure pénale, l’aide judiciaire ou la procédure civile. L’objectif est de mettre la justice en mesure de répondre aux demandes des justiciables et, surtout, de remplir son rôle dans le maintien de l’unité de la société. À cet égard, j’entends développer la médiation et la conciliation, qui sont des moyens d’éviter d’aller jusqu’au contentieux.
Contrairement à un certain nombre de gouvernements du passé, y compris ceux que votre formation politique soutenait, madame Borvo Cohen-Seat, nous agissons avec détermination pour moderniser notre justice et notre système pénitentiaire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la réplique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ignore pas que la justice est délaissée depuis fort longtemps, mais je constate que, ces dix dernières années, notre pays est passé du vingt-septième au vingt-neuvième rang européen en matière de dépenses publiques consacrées à la justice.
Madame la ministre d’État, je ne partage pas forcément votre point de vue sur l’augmentation des crédits et la judiciarisation de la société. Quoi qu’il en soit, les moyens de la justice sont tout à fait insuffisants.
À cet égard, la réforme envisagée des cours d’assises, dont la presse s’est fait l’écho, nous fait frémir. On dit que ces juridictions sont trop lentes, mais nous manquons de juges, de greffiers et de tribunaux. Dans ces conditions, il est un peu fort de prétendre que le remède à la lenteur des cours d’assises serait la suppression des jurys populaires ! Bien que la justice soit une mission régalienne de l’État s’il en est, va-t-on en arriver à recourir à des partenariats public-privé, non seulement pour construire des bâtiments, mais également pour payer les magistrats ?
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Madame le ministre d’État, je souhaiterais faire le point sur la mise en œuvre de la loi pénitentiaire et, par conséquent, sur la publication des textes nécessaires à son application.
Si l’assignation à résidence avec surveillance électronique, qui permettra de limiter le recours à la détention provisoire, a fait l’objet d’un décret le 10 avril dernier, qu’en est-il de l’obligation d’activité, l’une des mesures phares de cette loi, qui suppose la prise d’initiatives en vue d’offrir des occasions renouvelées de travail ou de formation professionnelle en milieu carcéral ?
Je le rappelle, cette obligation d’activité, qui comporte une consultation des personnes détenues, s’accompagne en contrepartie d’une aide en nature ou en numéraire aux personnes indigentes.
Dans le cadre du développement du travail carcéral, les représentants du Gouvernement s’étaient engagés, lors des débats parlementaires, à mettre en chantier une réforme du code des marchés publics permettant d’attribuer un droit de préférence, à équivalence d’offres, aux entreprises donnant du travail aux personnes détenues ou au service pénitentiaire de l’emploi : où en sommes-nous ?
De même, beaucoup d’espoirs reposent sur l’élaboration de règlements intérieurs-cadres pour chaque catégorie d’établissements pénitentiaires – maisons d’arrêt, centres de détention, maisons centrales –, qui permettraient d’apporter enfin une solution globale à des problèmes quotidiens particulièrement sensibles, concernant notamment le coût des cantines et celui de la location de téléviseurs, ou d’inciter à l’usage de formules classiques de politesse et au vouvoiement.
Enfin, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a exprimé devant la commission des lois de notre assemblée son souci de voir respecter la confidentialité des courriers qu’il échange avec les personnes détenues. Qu’en est-il aujourd’hui sur ce point ?
Nous sommes nombreux à être convaincus d’avoir voté un texte fondateur en adoptant la loi pénitentiaire. Il convient que, avec l’aide du Gouvernement et de l’administration pénitentiaire, il puisse s’appliquer dans son intégralité le plus rapidement possible. Je sais que vous y veillez, madame le ministre d’État, et je vous en remercie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Lecerf, ma première responsabilité est de mettre en œuvre la loi pénitentiaire telle que le Parlement l’a votée.
J’ai moi-même souhaité que chaque détenu puisse bénéficier de cinq heures d’activité par jour. En effet, c’est un facteur très important de réinsertion, et donc de lutte contre la récidive. Cela permet sans doute aussi de faire reculer la violence au sein des établissements pénitentiaires.
Il est vrai que la mise en place de ces dispositions s’inscrit dans un difficile contexte de crise. C’est pourquoi j’ai réactivé un certain nombre de contacts afin de fournir de l’activité aux personnes détenues.
Ainsi, j’inaugurerai dans quelques semaines un troisième centre d’appel à la prison pour femmes de Versailles. J’ai également relancé le partenariat avec le MEDEF et signé avec la fondation M6, voilà une quinzaine de jours, une convention relative au développement des activités culturelles en prison, et ce pour des montants non négligeables.
Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations, après trois expériences réussies d’implantation de cyberbases destinées à donner aux jeunes le goût de l’école par le biais de l’outil multimédia, financera de nouveaux projets dans chacune des régions pénitentiaires.
En outre, en application de l’article 9 de la loi pénitentiaire, cinq régions françaises s’engagent dans l’expérimentation d’actions de formation professionnelle continue des personnes détenues sur leur territoire.
Concernant le droit de préférence, je vous confirme, monsieur le sénateur, que j’ai obtenu l’accord du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi pour introduire une modification du code des marchés publics dans le sens que vous indiquez.
Quant aux dispositions relatives à l’élaboration des règlements intérieurs, le décret d’application sera publié prochainement. Il couvre tous les aspects de la vie en détention.
Enfin, j’ai décidé d’étendre aux communications téléphoniques les mesures garantissant la confidentialité des correspondances adressées au contrôleur général des lieux de privation de liberté et j’ai rappelé très fermement aux directeurs des établissements les consignes en vigueur sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour la réplique.
M. Jean-René Lecerf. Madame le ministre d’État, je vous remercie de ces informations très utiles.
J’aurais pu aussi vous interroger sur la mise en place de l’Observatoire national de la délinquance, de la réserve civile pénitentiaire ou des nouvelles commissions de discipline, mais mon propos ne visait pas à l’exhaustivité. Mon objectif était simplement de rappeler que la loi pénitentiaire représente aux yeux des parlementaires un texte fondateur, qui impose un changement de culture, de façon que la prison ne soit jamais plus ce qu’elle était encore en 2000, c'est-à-dire une « humiliation pour la République ». C’est là notre préoccupation fondamentale.
En conclusion, je forme le vœu que l’administration pénitentiaire fasse davantage preuve de transparence. En particulier, il conviendrait qu’elle donne plus volontiers une suite favorable aux demandes de visite présentées par ceux qui ont pour mission d’informer les citoyens. Pour que les Français se réapproprient les prisons de la République, il faut qu’ils sachent très précisément ce qui s’y passe.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. J’évoquerai à mon tour la loi pénitentiaire, qui devait enfin permettre l’application des principes les plus élémentaires du respect de la dignité de la personne humaine dans les lieux de détention et mettre fin à la situation intolérable dans laquelle se trouvent nos prisons, en termes notamment de surpopulation carcérale, d’insalubrité, de surreprésentation des pathologies mentales. Les maux qui affectent notre système carcéral en disent long sur l’état général de notre justice, qui apparaît comme l’une des pires d’Europe.
À l’origine, l’initiative du Gouvernement avait été favorablement accueillie. En effet, il était temps que les pouvoirs publics se saisissent de cette grave question. Cependant, nombre d’entre nous se sont, hélas ! rapidement rendu compte que l’application de cette loi ne changeait pas, en tout cas pas dans la mesure que nous souhaitions, la situation des personnes détenues, ni celle du personnel pénitentiaire.
Lors des débats, les parlementaires radicaux de gauche avaient formulé des réserves sur la renonciation au principe de l’encellulement individuel, la prise en charge psychiatrique, le droit à la formation, le régime disciplinaire ou celui des fouilles. Or la politique sécuritaire du Gouvernement n’a fait qu’alimenter les flux d’entrée dans les établissements pénitentiaires, sans que soit menée une véritable réflexion sur les actions de réinsertion. Cette politique, loin d’améliorer la situation, a été sévèrement critiquée par le Comité contre la torture des Nations unies au travers de ses observations présentées le 14 mai dernier.
Dans son dernier rapport, le contrôleur général des lieux de privation de liberté notait que « les personnes sortent rarement autrement que brisées ou révoltées ». Il stigmatisait au passage le fait que la sécurité soit devenue un prétexte pour étendre les limitations aux droits et aux libertés.
Madame le garde des sceaux, qu’avez-vous à répondre aujourd’hui à ces critiques, qui émanent d’autorités à la légitimité incontestable ? Quand allez-vous dépasser le stade des déclarations de bonnes intentions, pour mettre enfin notre droit pénitentiaire en conformité avec les valeurs de la République ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Baylet, vous êtes un parlementaire trop expérimenté pour ne pas reconnaître que vos propos sont marqués par une petite pointe de mauvaise foi… (Sourires.)
En effet, la loi pénitentiaire a été votée il y a sept mois seulement, et vous demandez qu’elle produise immédiatement ses effets, s’agissant non pas de mesures simples, mais de programmes de construction !
Monsieur Baylet, depuis 2002, les programmes de construction pénitentiaire n’ont jamais été aussi importants. Plusieurs prisons sont ouvertes chaque année, ce qui nous permet de désengorger les établissements. De ce point de vue, le programme est tenu, et le Président de la République a décidé d’y ajouter 5 000 places supplémentaires.
J’ai effectivement pris des engagements, mais il convient d’être réaliste, car ce n’est pas du jour au lendemain que l’on peut créer suffisamment de places pour permettre un encellulement individuel, d’autant que la situation pénitentiaire varie selon les régions, certaines accusant une surpopulation carcérale, d’autres non. En tout état de cause, jamais autant n’a été fait.
En outre, il est faux de dire que le Gouvernement mènerait une politique sécuritaire qui augmenterait les flux d’entrée dans les prisons. Au contraire, le nombre de personnes détenues a sensiblement baissé au cours de ces dernières années.
De façon globale, en 2015, le nombre de places en détention devrait être au moins égal à celui des personnes incarcérées. Un encellulement individuel sera alors théoriquement possible.
Par ailleurs, d’autres mesures sont prises, que j’ai évoquées dans ma réponse à M. Lecerf. Trois décrets d’application seront publiés dans les prochaines semaines : les deux premiers, qui concernent exclusivement le domaine pénitentiaire, sont actuellement soumis au Conseil d’État et portent sur les droits et obligations des détenus, d’une part, et sur des dispositions relatives au personnel en matière de déontologie et d’usage des armes, d’autre part ; le troisième, dont la rédaction sera achevée dans les prochains jours, a trait à l’aménagement des peines. Nous avons procédé à de très larges concertations, ce qui explique qu’il ait fallu du temps pour aboutir.
Je rappelle enfin que nous venons d’inaugurer la première unité hospitalière spécialement aménagée pour accueillir des détenus présentant des troubles psychiatriques lourds. Une deuxième unité de ce genre sera mise en service en juin 2011.
Monsieur Baylet, dites-moi quel autre gouvernement a fait autant que nous pour améliorer la situation pénitentiaire !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour la réplique.
M. Jean-Michel Baylet. Madame la ministre d’État, vous êtes une politique suffisamment expérimentée pour savoir que si deux parlementaires, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition, vous interrogent sur le même sujet, c’est que le problème est réel et profond ! (Sourires.)
J’ai reconnu que cette loi allait dans le bon sens, mais le fait que j’aie déclenché votre irritation tendrait à prouver que j’ai visé juste…
En effet, la situation pénitentiaire actuelle dans notre pays n’est pas satisfaisante ; c’est même l’une des plus mauvaises d’Europe, et elle ne correspond pas aux valeurs républicaines et démocratiques auxquelles nous sommes attachés. Il est donc nécessaire d’y remédier.
Vous avez lancé des projets : il est légitime que nous soyons impatients d’en voir les résultats, compte tenu de la situation de nos prisons et du temps qu’il faudra pour mettre en place des peines de substitution.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame le ministre d’État, dans le cadre du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, il est envisagé que la profession d’expert-comptable se dote d’un fonds de règlements pour recevoir des fonds et pour donner quittance pour le compte des clients.
Sur la forme, nous sommes quelque peu surpris que cette innovation majeure soit introduite par le biais d’un amendement subrepticement présenté en cours de débat à l’Assemblée nationale.
En outre, cette réforme intéresse en premier lieu les professionnels du droit. Or il ne semble pas que le ministère de la justice ait été associé à sa préparation. En tout cas, au sein du Parlement, les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat n’en ont pas débattu.
Par ailleurs, cette innovation semble entériner un pseudo-accord intervenu entre quelques représentants de la profession d’avocat et certains membres de l’Ordre des experts-comptables.
Sur le principe, chacun conviendra que le maniement de fonds pour compte d’autrui doit être strictement encadré.
Actuellement, deux professions opèrent majoritairement pour le compte d’autrui, et ce depuis fort longtemps : les notaires, bien sûr, mais aussi les avocats, par le biais des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, qui ont fait l’objet d’un certain nombre de mesures d’encadrement ces derniers temps.
À mon sens, trois conditions au moins doivent être réunies pour que l’on puisse procéder à ce type d’opérations autrement que de façon hasardeuse.
La première est le respect d’une déontologie et d’une discipline strictes. À cet égard, je m’interroge sur la possibilité, pour les commissaires aux comptes, de manier des fonds pour compte d’autrui.
Deuxième condition, le maniement de fonds doit résulter de l’exercice de missions spécifiques, de la rédaction d’actes ou de la résolution de conflits, comme les pratiquent les notaires ou les avocats.
Enfin, troisième condition, il doit s’agir d’accomplir une mission de service public, et non de faire des affaires.
Madame le ministre d’État, je souhaiterais connaître votre opinion sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Zocchetto, même si ce n’est pas le garde des sceaux qui a défendu le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, je sais que ce texte, que le Sénat examinera d’ailleurs demain et après-demain, comporte une disposition introduite à la suite de l’adoption d’un amendement visant à assouplir l’interdiction faite aux experts-comptables d’accepter un mandat pour recevoir, conserver ou délivrer des fonds ou valeurs.
Aux termes de cette disposition, les experts-comptables seront autorisés à manier des fonds pour autrui à la condition que l’opération s’effectue à titre accessoire et par le biais d’un fonds de règlements spécifique, créé à cet effet par le conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables.
Cette dérogation est donc très limitée. En outre, elle ne permettra pas que les sommes en jeu transitent par les comptes des professionnels. C’est là un point très important.
Comme vous l’avez dit, il convient que ce dispositif soit très encadré. Les modalités de fonctionnement du fonds de règlements seront fixées par un décret pris en Conseil d’État.
L’objectif de cette évolution est de placer les experts-comptables français dans la même situation que leurs homologues européens, notamment anglo-saxons, puisque l’interdiction de manier des fonds pour autrui n’existe pas chez la plupart de nos voisins. En effet, la concurrence est souvent extrêmement vive et dynamique à l’échelon européen.
Telle est l’idée qui fonde cette réforme sur laquelle le Sénat aura dès demain à se prononcer.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour la réplique.
M. François Zocchetto. La question est importante, non seulement pour les professionnels concernés, mais aussi pour tous les usagers du droit.
Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à penser que les dispositions envisagées dans ce projet de loi ne donnent aucune garantie en termes de sécurité des opérations juridiques, tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Personnellement, je souhaiterais que ces dispositions soient dans l’immédiat retirées du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, pour qu’elles puissent faire l’objet d’une concertation préalable et d’un examen approfondi et spécifique par les commissions compétentes du Parlement, notamment à la lumière des explications complémentaires que voudront bien nous donner les services de la chancellerie.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Annonce, contre-annonce, renvoi, report, recul : madame le garde des sceaux, on s’y perd !
Hier, on nous annonce la suppression du juge d’instruction ; aujourd’hui, celle du jury populaire dans certaines circonstances. Ne pensez-vous pas que la multiplication des effets d’annonce nuit à la clarté de votre politique ? À ce propos, j’évoquerai quelques cas concrets.
Le rapport Guinchard a donné lieu à l’élaboration d’un projet de loi, adopté en conseil des ministres le 3 mars dernier, visant à alléger certaines procédures. Y aura-t-il une suite, et si oui laquelle ?
Quant à l’adaptation de notre droit à la Cour pénale internationale, le Sénat a délibéré sur ce sujet le 10 juin 2008, mais le processus est bloqué depuis lors : le texte sera-t-il un jour inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?
Enfin, vous n’ignorez pas, madame la ministre d’État, les critiques auxquelles le projet de loi sur la réforme de la procédure pénale a donné lieu, notamment de la part de la Cour de cassation.
Plutôt que de multiplier les annonces suivies de reports, ne pensez-vous pas qu’il serait bon de s’attacher à quelques questions concrètes, telles que la présence des avocats lors de la garde à vue, l’indépendance des parquets ou la collégialité des juges d’instruction, principe inscrit dans notre droit actuel que le Gouvernement a pour tâche de mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Sueur, cohérence, réforme d’ensemble, détermination et avancées : telle est la ligne du Gouvernement, et nous nous y tenons.
Dans le cadre de la procédure pénale, il est nécessaire de supprimer le juge d’instruction, parce que cette institution est contraire aux principes européens de l’équité du jugement, prévoyant la séparation entre l’autorité qui dirige l’enquête et celle qui juge.
M. Jean-Pierre Sueur. Et le parquet ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Précisément, le parquet répond davantage que le juge d’instruction à ces principes.
Chacun dit que la réforme de la procédure pénale est nécessaire, mais sur ce point elle est obligatoire. C’est la raison pour laquelle nous la mènerons à son terme, selon la méthode que j’ai préconisée, sur la base d’une discussion claire, qui a déjà eu lieu : quarante-cinq syndicats et associations y ont pris part et ont émis des propositions d’amendements et de modifications, y compris les syndicats qui avaient annoncé leur retrait de la concertation.
Au terme de dix semaines de discussion, 500 propositions de modification ont été recueillies, émanant de l’ensemble des parties. Nous retenons toutes les propositions utiles, quels qu’en soient les auteurs, pour les intégrer au projet de loi. Ce travail devrait être achevé à la fin de la semaine prochaine, et le texte pourra, après les derniers arbitrages nécessaires, être soumis au Conseil d’État.
Dans le même temps, l’étude d’impact a été réajustée en fonction des modifications envisagées, et nous avons donc une idée très précise de ce que pourrait entraîner l’application des dispositions du texte.
En ce qui concerne la suppression du jury populaire, je profite de cette occasion pour souligner que des affirmations sans queue ni tête ont été publiées dans un certain nombre de journaux. Si, au lieu de répercuter des rumeurs, on m’avait interrogée, j’aurai pu indiquer qu’il n’était pas question de supprimer les cours d’assises, ni les jurys populaires.
Cela étant, nous avons un vrai problème, qui ne peut laisser insensibles les représentants de la légitimité populaire que sont les membres de cette assemblée : chaque année, des milliers de crimes sont déclassifiés et jugés comme des délits, contrairement à ce que vous avez décidé pour punir de tels actes. La lourdeur des cas et la surcharge des cours d’assises dans les grandes villes entraînent la correctionnalisation des crimes, pratique moins courante dans les régions plus rurales.
Nous devons remédier à cette situation. Toutes les solutions envisageables ont été examinées, dont la création d’un tribunal criminel, qui avait été proposée dans le passé. Cela fait partie des hypothèses sur lesquelles nous travaillons, mais aucune décision n’a encore été arrêtée.
Tout cela vous montre que la réforme de la procédure pénale est globale et cohérente. Elle porte aussi bien sur les conditions de la garde à vue que sur le fonctionnement des cours d’assises ou le rôle du juge d’instruction. Cette réforme avance, et le Gouvernement tient le cap.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour la réplique.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre d’État, vous justifiez votre recul par la cohérence de votre réforme d’ensemble, par votre détermination…
Mme Alima Boumediene-Thiery. « Nous avons le temps, dites-vous, nous allons préparer la réforme, elle vous sera présentée bientôt »…
Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous niez le fait que cette réforme est presque enterrée, puisque plusieurs partenaires se sont retirés de la concertation.
Dans cet hémicycle, nous essayons à chaque occasion de revenir sur la question essentielle de la garde à vue, qui concerne tous les ans des milliers de personnes, victimes de violations de leurs droits.
Trois propositions de loi sur le sujet ont déjà été déposées. Vous nous avez systématiquement opposé une réforme globale de la procédure pénale à venir. Cette réforme, nous l’attendons encore et toujours : elle est devenue une sorte d’Arlésienne !
Il me semble important de rappeler que dans de nombreux rapports, notamment ceux d’Amnesty International et de la Ligue des droits de l’homme, notre pratique de la garde à vue est dénoncée comme une véritable honte pour notre République.
Madame la ministre d’État, nous n’allons pas rester les bras ballants devant l’inertie du Gouvernement. Nous avons décidé de revenir à la charge sur la garde à vue, car c’est une question essentielle. M. le président de la commission des lois l’a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises. Le monde judiciaire dans son ensemble partage notre point de vue : aujourd’hui, nous ne pouvons plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Le 3 février dernier, à la suite d’une altercation survenue la veille à la sortie de son collège, une adolescente était interpellée par la police à son domicile. Selon ses dires, elle aurait été arrêtée en tenue de nuit et menottée pendant son transfert au commissariat, pour un banal différend entre collégiens.
Madame le ministre d’État, je ne saurais juger de l’entière certitude des faits ici relatés ; il n’en reste pas moins que les incidents en matière de garde à vue sont bien réels et de plus en plus nombreux. De tels faits, repris presque quotidiennement par les médias, concourent malheureusement à la banalisation de la garde à vue. À cet égard, les statistiques parlent d’elles-mêmes : 300 000 personnes ont été placées en garde à vue en 1994, 800 000 en 2009.
Au vu de ces chiffres, le Premier ministre a déclaré, le 21 novembre 2009, que la garde à vue est un « acte grave » qui ne doit pas être envisagé comme un « élément de routine » par les enquêteurs.
Un groupe de travail a d’ailleurs été constitué au Sénat autour de MM. Michel et Lecerf sur le sujet, pour bien montrer que celui-ci préoccupe l’ensemble de la Haute Assemblée.
En outre, plusieurs propositions de loi ont été déposées et renvoyées à la commission, car nous avons estimé qu’elles devaient être examinées dans le cadre d’une réforme d’ensemble. Néanmoins, nous ne pouvons attendre indéfiniment.
Madame le ministre d’État, vous avez indiqué que la réforme de la procédure pénale devait constituer un ensemble cohérent. Je comprends cet argument, toutefois la garde à vue me paraît poser un problème spécifique, quelle que soit l’évolution de la réforme de la procédure pénale. J’observe d’ailleurs que le nombre de gardes à vue a récemment diminué : il a suffi pour cela d’annoncer une réforme ; c’est comme pour la détention provisoire ! (Sourires.)
Dans ces conditions, pouvez-vous nous garantir, madame le ministre d’État, que les dispositions relatives à la garde à vue pourront faire l’objet d’un examen prioritaire, dans des délais rapides, hors du cadre du projet d’ensemble que vous souhaitez déposer ? Il y va de la dignité des personnes…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de la crédibilité du Parlement !
M. Jean-Jacques Hyest. … et de la défense des libertés publiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Monsieur Hyest, vous avez raison de souligner que le recours à la garde à vue est aujourd’hui trop fréquent et que son régime doit être modernisé.
À ce propos, si je me réjouis de l’impatience manifestée par Mme Boumediene-Thiery, je me souviens néanmoins qu’elle me reprochait naguère de ne pas laisser suffisamment de temps à la concertation, laquelle devrait à ses yeux durer au moins six mois ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nombreux sont les partenaires qui ont quitté la concertation !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. En tout état de cause, quand j’ai arrêté un calendrier, j’avance !
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est votre calendrier !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. À cet égard, je ferai remarquer que nous avons quinze jours de retard par rapport au calendrier annoncé en octobre dernier : sur une année et pour une réforme visant à refonder la procédure pénale, c’est peu, on en conviendra !
Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous mettons la dernière main au texte. Dès qu’il sera revenu du Conseil d’État, nous le déposerons sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Je vous ai proposé, monsieur Hyest, ainsi qu’à votre homologue le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, de segmenter ce projet de loi, qui comptera environ 1 300 articles : même si, pour une bonne partie des dispositions prévues, nous œuvrons à droit constant, en nous bornant à un simple travail de réécriture, il sera évidemment difficile de procéder à la discussion de l’ensemble du texte en une seule fois.
Dans le cadre de ce découpage, néanmoins, la garde à vue se rattache à l’enquête et ne saurait être complètement disjointe du dispositif d’ensemble, qui comporte précisément des garanties supplémentaires. La réforme prévoit ainsi d’accorder une plus grande place au contradictoire et de donner à l’avocat des possibilités beaucoup plus larges d’intervention, notamment au moment de la garde à vue. Pour autant, cela a-t-il un sens d’introduire le contradictoire dans la garde à vue si, par la suite, il n’existe plus pendant toute la procédure, jusqu’à la comparution devant le tribunal ? C’est une vraie question.
Bien entendu, un certain nombre de mesures peuvent être étudiées séparément. Je pense en particulier à celles qui visent à permettre d’entendre des personnes sans qu’elles soient placées en garde à vue dans des cas relativement simples et clairs. Cependant, d’autres s’insèrent dans un bloc de deux cents ou trois cents articles, qu’il convient de respecter afin de conserver une certaine cohérence et de garantir l’efficacité de la réforme. La tâche n’est pas facile, mais nous procéderons ensemble à ce découpage dès cet été. Cela nous permettra sans doute d’examiner un texte dans les mois suivants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour la réplique.
M. Jean-Jacques Hyest. Je vous remercie de ces précisions, madame le ministre d’État. Il faut sans doute, effectivement, commencer par examiner un pan de cette réforme d’ensemble. Trois mois ne suffiront pas, car le chantier est d’une ampleur considérable, mais d’ores et déjà les parquets peuvent rappeler aux forces de l’ordre que la garde à vue ne saurait être banalisée. Si les parquets exerçaient activement leur autorité dans ce domaine, je suis persuadé que le nombre de gardes à vue diminuerait ! De ce point de vue, des progrès restent à accomplir en attendant la grande réforme que nous espérons tous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, lors du scrutin n° 221, portant sur l’ensemble du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe politique n’ont pas pris part au vote alors qu’ils souhaitaient voter pour, à l’exception de M. Türk, qui souhaitait s’abstenir.
En outre, toujours au cours de l’examen du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, M. Alex Türk a été déclaré comme votant contre lors des scrutins nos 216 et 217, alors qu’il souhaitait s’abstenir.
M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de cette mise au point, qui sera publiée au Journal officiel.
9
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 8 juin 2010, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-18 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
10
Démocratie sociale
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je voudrais inviter certains des orateurs qui se sont exprimés à ne pas faire dire au projet de loi ce qu’il ne dit pas, et à ne pas rejeter celui-ci pour une mauvaise raison !
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Exactement !
M. Éric Woerth, ministre. En effet, j’ai parfois eu l’impression qu’ils parlaient d’un autre texte ! L’objectif n’est pas de garantir une représentation des salariés dans les TPE : il s’agit d’assurer la représentation syndicale à l’échelon national. Permettre une mesure du poids relatif des différentes organisations syndicales rendra d’autant plus légitime le dialogue social. L’échelon pourra être celui de la branche, celui de l’interprofession ou celui de l’entreprise si sa taille est suffisante. En revanche, il n’est pas question d’instaurer de cette façon une représentation du personnel dans les petites entreprises : tel n’est pas l’objet du texte.
M. Gournac, qui était déjà rapporteur lors de l’élaboration de la loi du 20 août 2008, a très bien mis en lumière la continuité entre les deux textes : il s’agit de permettre à tous les salariés de s’exprimer. Comment pourrait-on envisager que certains soient privés de cette possibilité ? De ce point de vue, il n’existe pas deux catégories de salariés, comme l’a fort bien dit M. Jeannerot. Il ne faut pas avoir peur de l’élection dans le domaine social, sauf à la craindre également dans le domaine politique !
Monsieur Gournac, vous avez souligné à juste titre l’existence d’un lien avec les élections prud’homales. Je ne désespère pas de convaincre Mme Procaccia de la réalité de ce lien : nous parlons bien de représentativité, et il serait pour le moins curieux de mettre en compétition deux formes de celle-ci, comme ce serait le cas si nous ne repoussions pas la date des élections prud’homales.
Quoi qu’il en soit, les élections prud’homales connaissent un taux d’abstention très fort et coûtent plus cher, par votant, que l’élection présidentielle. Devant ce constat, M. Jacky Richard, conseiller d’État, ancien directeur général de la fonction publique, nous propose trois pistes de réflexion : la suppression du vote à l’urne, la désignation des juges prudhommaux sur la base de la représentativité des organisations syndicales mesurée grâce au dispositif de la loi du 20 août 2008 et du présent projet de loi, enfin l’élection de ces juges par un corps intermédiaire restreint, composé des délégués du personnel des entreprises. Cette dernière piste est privilégiée par M. Richard, mais nous verrons : tout cela sera discuté avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires. La réflexion est ouverte.
Je voudrais donc insister auprès de Mme Procaccia sur l’existence d’un rapport direct entre le présent projet de loi et la très importante loi du 20 août 2008, qui fondait la représentation syndicale sur la base des élections. Je tiens à remercier au passage le groupe UMP de son soutien à ces deux textes.
Madame David, nous ne tentons pas un passage en force à propos des élections prud’homales ! Celles-ci ne sont que reportées, ce qui permettra de faire les choses tranquillement.
Par ailleurs, je ne crois pas que ce projet de loi manque d’ambition. Peut-être ne mesurons-nous pas l’ambition à la même aune ? Pour ma part, j’estime qu’il a exactement celle que le Gouvernement entendait lui donner, dans le droit fil de la loi du 20 août 2008.
Monsieur About, vous avez raison de souligner que les craintes sur un risque d’intrusion des commissions paritaires facultatives dans le fonctionnement des entreprises sont totalement infondées.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n’y a pas le moindre risque !
M. Éric Woerth, ministre. Sur ce thème, on peut essayer de faire peur et d’agiter l’opinion, mais cela ne correspond pas à l’objet du texte. À cet égard, certaines précisions apportées par la commission sur l’initiative de M. le rapporteur ont permis de bien clarifier les choses.
Madame Le Texier, je ne crois pas que le scrutin par sigle favorise l’abstention. D’ailleurs, s’il suffisait qu’un scrutin soit nominatif pour la faire reculer, le taux d’abstention ne serait pas aussi élevé qu’il peut l’être lors de certaines élections politiques ! J’ajoute que l’abstention est également forte à l’occasion des élections prud’homales, tandis qu’elle est en revanche faible pour les élections aux comités techniques paritaires dans la fonction publique, alors qu’il s’agit pourtant d’un scrutin par sigle ! Sur ce point, les choses ne sont donc pas aussi simples que certains semblent le croire !
En tout état de cause, si nous retenions un vote nominatif, les candidats se compteraient, à l’échelon régional, par milliers et seraient généralement inconnus des électeurs. De plus, comme les commissions paritaires sont facultatives, les candidats élus n’auraient pas forcément de lieu où siéger !
Recourir à un vote par sigle est donc la bonne solution. Ce mode représente en outre un bon instrument de mesure de la représentativité. Vous avez critiqué M. Xavier Bertrand, madame Le Texier : je vous ferai observer qu’il a défendu la loi du 20 août 2008 sans s’émouvoir de la représentation des salariés des TPE.
M. Plancade souhaiterait que les commissions paritaires soient obligatoires. C’est une affaire d’équilibre : leur conférer un tel caractère relèverait de la provocation aux yeux de certains, s’en abstenir revient à agiter un chiffon rouge sous ceux des autres !
Pour ma part, je crois au dialogue social : si les partenaires sociaux souhaitent créer des commissions pour contrôler la nature et la mise en œuvre des accords passés à l’échelon des branches ou de l’interprofession, il est de leur responsabilité de le faire. Les patrons et les salariés concernés trouveront les moyens de siéger. Il existe d’ailleurs déjà une soixantaine de commissions constituées sur la base de la loi de 2004, et cela fonctionne bien.
Les critiques de M. Dassault ne correspondent pas au texte que nous présentons ! Il est déjà compliqué de défendre un projet de loi, n’en rajoutons pas en abordant des sujets sans rapport avec lui ! Le dialogue social est certainement plus simple, du moins je l’espère !
Enfin, gardons-nous de tomber dans le travers très répandu de la « commissionnite aiguë » ! La création des commissions paritaires relèvera du libre choix des partenaires sociaux, représentant les employeurs et les syndicats. Si elle était imposée sans emporter l’adhésion des parties, cela ne servirait strictement à rien !
C’est donc une bonne chose à mon sens que de laisser à l’initiative des partenaires sociaux l’instauration de ces commissions, que la loi rend possibles. Préservons la liberté du dialogue social : tel est l’état d’esprit du Gouvernement en la matière.
Le présent texte me semble très équilibré, madame Schillinger, monsieur Jeannerot, notamment sur la question de la représentativité. Le fait que le cas des TPE est différent de celui des entreprises grandes ou moyennes est bien pris en compte. Nous ne voulons pas interférer dans le dialogue social au sein de structures ne comptant que quelques salariés, car il relève avant tout des relations humaines, mais nous estimons néanmoins que nous pouvons le faire progresser en le professionnalisant, sans lui faire perdre son caractère de proximité. Ce texte n’a en tout cas nullement pour objet de le dénaturer en le faisant évoluer de façon brutale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
La première phrase du 3° de l’article L. 2122-5 du code du travail est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « suffrages exprimés », sont insérés les mots : « résultant de l’addition au niveau de la branche, d’une part, des suffrages exprimés » ;
2° Les mots : « additionnés au niveau de la branche » sont remplacés par les mots : « d’autre part, des suffrages exprimés aux élections concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. »
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, sur l’article.
M. François Zocchetto. Certaines prises de position au cours de la discussion générale m’ont quelque peu surpris par leur côté caricatural…
À entendre certains intervenants, on pourrait croire que notre hémicycle compte d’un côté des représentants du MEDEF et de la CGPME – curieuse et rare connivence, d’ailleurs ! –, de l’autre des tenants de la position de l’UPA.
En réalité, ce n’est pas du tout cela ! Nous sommes ici pour exprimer une opinion personnelle sur un sujet de fond important : la présence des syndicats dans les très petites entreprises.
Personnellement, dans les circonstances actuelles, je ne suis pas favorable au projet de loi tel qu’il nous est proposé.
Tout d’abord, l’offre actuelle des syndicats français ne répond pas à l’attente des salariés, en particulier de ceux des TPE. Les critères déterminant la représentativité des syndicats sont en complet décalage avec les préoccupations du personnel de ces entreprises. Je suis au regret de devoir dire que les mécanismes de la représentativité ne sont pas satisfaisants.
Ensuite, l’article 6, en particulier, ne correspond pas à une demande exprimée par les employeurs des toutes petites entreprises, pas plus qu’à une demande des salariés de celles-ci.
J’ajoute, même si je sais que je vais faire sourire, que le dialogue social dans les toutes petites entreprises ne passe pas par les canaux de la représentation telle que vous l’imaginez : si le responsable d’une entreprise de trois, quatre, cinq, voire dix salariés ne pratique pas le dialogue au quotidien, dans le cadre d’une rencontre permanente avec ses salariés, son entreprise ne durera pas longtemps !
Il faut absolument admettre la différence qui existe entre les grandes entreprises, ou même les grosses PME, et les toutes petites entreprises. Les premières ont des actionnaires qui, bien souvent, sont inconnus, des dirigeants révocables ad nutum, des salariés dispersés entre de nombreux sites ou filiales, contexte tout différent de celui dans lequel évoluent les secondes.
Je crains donc que la seule conséquence de ce projet de loi soit de conforter des technostructures, dont je devine l’intérêt à voir ce texte voté, mais dont les préoccupations sont, j’en suis convaincu, très éloignées de celles des acteurs des TPE, auxquelles on va finalement imposer une contrainte supplémentaire, alors qu’elles n’en ont pas besoin. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. du Luart.
L'amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. P. Dominati et Dassault.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 11 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié.
M. Philippe Dominati. Lors de l’élaboration de la loi du 20 août 2008, le Sénat, déjà, avait tenté de mettre en garde le Gouvernement, représenté alors par M. Bertrand, et le rapporteur contre les effets néfastes de l’application d’un tel dispositif.
Aujourd'hui, je suis de ceux qui ont le sentiment que la lecture faite d’une décision du Conseil constitutionnel n’est qu’un prétexte pour reposer le problème de la taille des entreprises auxquelles ce texte doit s’appliquer et pour donner corps à la nécessité supposée de mesurer la représentativité syndicale dans les très petites entreprises, alors que la vie de celles-ci relève avant tout, comme cela a été très bien dit, d’une aventure humaine. Si le dialogue social y est difficile, de telles entreprises ont une durée de vie extrêmement limitée.
Or l’État veut réglementer le dialogue social dans les TPE, en justifiant son intention par des prétextes constitutionnels. Pourtant, s’il avait voulu intervenir dans cette affaire, le Conseil constitutionnel l’aurait fait dès 2008.
On nous dit que 4 millions de salariés sont exclus du champ d’application de la loi du 20 août 2008, mais qu’en est-il des salariés à domicile ou des saisonniers, par exemple ? Seront-ils ou non concernés ? Les motifs constitutionnels invoqués ne tiennent pas.
M. Jean-Pierre Plancade. Ce n’est pas une argumentation satisfaisante !
M. Philippe Dominati. En réalité, le seuil n’est pas défini ni imposé par le Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence est mentionnée dans l’objet de mon amendement.
Je soulignerai ensuite que d’autres pays européens, notamment les pays scandinaves ou l’Allemagne, ont retenu un seuil de cinq salariés. À ma connaissance, aucun mécanisme de représentation des salariés n’est prévu en deçà de ce seuil.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous n’avons simplement pas la même approche que les pays scandinaves !
M. Philippe Dominati. Ce sont autant d’aspects qui ne sont absolument pas abordés dans le projet de loi. Peut-être font-ils en effet l’objet d’un conflit entre organisations syndicales, notamment parce qu’ils ont une incidence sur la répartition du 0,15 % de la masse salariale destiné au financement du dialogue social ? En tout état de cause, la plupart des petits entrepreneurs éprouvent un profond sentiment d’incompréhension devant ce texte.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, si vous le permettez, cette intervention vaudra aussi présentation de mon amendement suivant.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault, qui est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2122-5 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où, en raison de leur taille, ne sont pas organisées d'élections professionnelles permettant d'y mesurer l'audience des organisations syndicales, sont représentatives les organisations syndicales qui :
« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;
« 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;
« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, d'autre part, des suffrages exprimés aux élections concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. »
Veuillez poursuivre, monsieur Dominati.
M. Philippe Dominati. Je fais partie, monsieur le ministre, des membres de la majorité qui ne comprennent pas la nécessité de ce texte. Certes, je conçois que des considérations tactiques vous fassent juger opportun de ressortir de la naphtaline cet engagement contraint de 2008. Je le regrette néanmoins, et je souligne une nouvelle fois que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne vous oblige pas, à ce jour, à présenter un tel projet de loi. En tout état de cause, si l’on adopte votre point de vue, ce texte est imparfait sur le plan constitutionnel, puisque certaines catégories de salariés continuent d’être exclues du champ du dispositif, par exemple les saisonniers et les salariés à domicile.
Mme Raymonde Le Texier. Et c’est pour cela qu’il ne faut pas le voter ?
Mme Christiane Demontès. Incroyable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 15 rectifié et 16 rectifié ?
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. J’admets que nous ayons des désaccords, mais je suis très étonné par l’argumentation de notre collègue Philippe Dominati. Adopter ses amendements conduirait en fait à priver de parole tous ceux qui travaillent dans une entreprise de moins de onze salariés : sous ce seuil, on se tait, on ne peut pas s’exprimer !
M. Jean-Pierre Plancade. C’est stupéfiant !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il me paraît inconcevable que l’on dépose un amendement visant à priver de la possibilité de s’exprimer tous les employés qui ont fait le choix inadmissible de travailler dans une entreprise de moins de onze salariés ! Le dialogue social doit pouvoir s’établir partout dans notre pays : on n’oblige pas les salariés à s’exprimer s’ils ne le souhaitent pas, mais il faut au moins leur donner la possibilité de le faire.
Par ailleurs, il est faux de dire que ce projet de loi ne répond à aucune demande. Le Gouvernement a consulté le Conseil d'État et celui-ci lui a bien fait savoir que les dispositions de la loi du 20 août 2008 seraient frappées d’inconstitutionnalité s’il ne présentait pas un texte sur les TPE.
Comment pourrait-on ne pas vouloir, ici au Sénat, que les salariés des petites entreprises puissent s’exprimer ? Certes, monsieur Dominati, ce n’est pas parce que le Conseil d'État nous dit qu’il faut légiférer en ce sens que nous devons le faire, mais on ne va tout de même pas se contenter de le remercier de son avis et passer outre ! Cela n’est pas possible !
Au-delà de cet aspect juridique, comment pourrions-nous, sur le plan politique, expliquer aux salariés des petites entreprises qu’ils n’ont que le droit de se taire, au motif qu’ils ont la chance de travailler dans un climat « sympa », où le dialogue s’instaure naturellement ?... Il est à mes yeux impossible d’envisager d’interdire à un salarié sur cinq de faire entendre son point de vue s’il le souhaite !
Monsieur Dominati, j’ai écouté votre argumentation avec beaucoup d’intérêt. Je respecte votre position, mais je ne la partage pas. J’avais déjà dit, lors du vote final de la loi du 20 août 2008, que régler cette affaire serait une obligation : le moment est venu ! Les syndicats et le patronat n’ayant pas réussi à s’entendre, il est normal que nous ayons aujourd'hui à examiner un tel texte.
En conclusion, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur ces deux amendements, car je souhaite que tous les salariés puissent s’exprimer, quelle que soit la taille de l’entreprise dans laquelle ils travaillent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il ne s’agit pas de notre part d’une approche tactique : il n’y a pas de lien entre ce projet de loi et d’autres textes à venir, non plus qu’une intention de faire plaisir aux syndicats pour qu’ils acceptent plus facilement d’autres dispositifs. D’ailleurs, rien ne plaît aux syndicats dans le présent texte ! Ils ont au contraire combattu les modalités retenues par le Gouvernement.
Par ailleurs, il ne faut pas, en se trompant de texte, diaboliser la présence syndicale dans les entreprises. Si l’on part sur de telles bases, on ne peut plus parler de dialogue social.
Évidemment, le dialogue social peut gagner en maturité. Il ne doit pas bloquer la vie de l’entreprise et aller contre les intérêts des salariés eux-mêmes en handicapant sa compétitivité. Il y a, bien sûr, des excès, du côté du patronat et du côté des salariés, mais assurer une véritable légitimité de la représentation syndicale grâce à l’élection me paraît de nature à faire progresser, même si cela prendra du temps, le dialogue social.
Enfin, l’objet du texte n’est pas d’instaurer une représentation syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés ! Il n’y a aucun risque à cet égard : ce projet de loi n’est pas la première phase d’un plan qui aboutirait à un tel résultat. Il ne s’agit pas de mettre le doigt dans un quelconque engrenage.
Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement exact de la loi du 20 août 2008. Pourquoi certains salariés devraient-ils être exclus du champ du dispositif au seul motif qu’ils travaillent dans de très petites entreprises ? Les 4 millions de salariés dans ce cas sont d’abord des salariés, disposant de droits, relevant du code du travail. Pourquoi n’auraient-ils pas eux aussi accès à la démocratie sociale ? Nous ne disons que cela, mais tel est bien l’objet du projet de loi !
Je ne peux donc qu’être défavorable à vos deux amendements, monsieur Dominati.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote sur l’amendement n° 15 rectifié.
M. Philippe Dominati. Je constate tout d’abord, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous ne m’avez pas répondu sur le droit… Vous n’avez pas pu démontrer que le Conseil constitutionnel nous obligeait à légiférer sur ce sujet.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que l’on caricature mon propos. Il ne s’agit pas pour moi d’exclure du dialogue social et de priver de la possibilité de s’exprimer 4 millions de salariés ; j’ai simplement dit que votre réponse est insuffisante à cette aune, car vous oubliez de très nombreux autres salariés. Que faites-vous des salariés à domicile ? N’ont-ils pas le droit de s’exprimer ?
Mme Raymonde Le Texier. C’est incroyable !
M. Philippe Dominati. Et les salariés des professions libérales, n’ont-ils pas le droit de s’exprimer, eux non plus ? Quid des salariés saisonniers qui travaillent, par exemple, une saison en Savoie et une autre en Corse ?
Mme Annie David. Ils sont rentabilisés dans l’entreprise ! Et les membres des professions libérales ne sont pas des salariés.
M. Philippe Dominati. Ce point n’est pas suffisamment explicité dans le rapport. Toutefois, le débat continue ; j’accepte donc de retirer mes amendements.
M. le président. Les amendements nos 15 rectifié et 16 rectifié sont retirés.
Mme Annie David. Quel dommage !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il est souvent utile d’apporter certaines précisions dès le début de l’examen d’un texte.
Tout d’abord, je remercie Philippe Dominati d’avoir retiré ses amendements. Mon intention n’était pas de caricaturer ses arguments, car il s’agit d’un débat de fond.
Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la loi du 20 août 2008, pour une raison simple : cette loi prévoyait le dépôt d’un autre projet de loi, celui-là même dont nous discutons aujourd’hui.
En revanche, il a pris position et précisé que : « Le législateur ne peut, sans méconnaître ce principe de participation, retenir le critère de l’audience pour apprécier la représentativité des organisations syndicales de salariés en excluant de la mesure de cette audience les salariés des entreprises qui, à raison de leur effectif, ne sont pas tenus d’organiser des élections de délégués du personnel ». Il considère donc que le personnel des entreprises de moins de onze salariés doit voter.
Et le Conseil d’État ajoute : « Compte tenu des termes de la loi du 20 août 2008, c’est avant le 21 août 2013 que la mesure de cette audience dans les très petites entreprises devra avoir été réalisée. Un manquement à cette obligation fragiliserait l’ensemble du dispositif prévu par la loi de 2008 ».
Cela signifie, dans le langage du Conseil d’État, que la situation actuelle n’est pas tenable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’article L. 2122-6 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-6. – Dans les branches concernant exclusivement les activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 et au 2° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, le seuil fixé au 3° de l’article L. 2122-5 du présent code est apprécié au regard des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés de la production agricole aux chambres départementales d’agriculture mentionnées à l’article L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime. » – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le 3° de l’article L. 2122-9 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « suffrages exprimés », sont insérés les mots : « résultant de l’addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés » et les mots : « additionnés au niveau de la branche » sont remplacés par les mots : « des suffrages exprimés aux élections concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres départementales d’agriculture dans les conditions prévues à l’article L. 2122-6 » ;
2° La seconde phrase est supprimée. – (Adopté.)
Article 4
I. - Après la section 4 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du même code, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :
« SECTION 4 BIS
« MESURE DE L’AUDIENCE DES ORGANISATIONS SYNDICALES CONCERNANT LES ENTREPRISES DE MOINS DE ONZE SALARIÉS
« Art. L. 2122-10-1. – En vue de mesurer l’audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, à l’exception de ceux relevant des branches mentionnées à l’article L. 2122-6, un scrutin est organisé au niveau régional tous les quatre ans. Ce scrutin a lieu au cours d’une période fixée par décret.
« Art. L. 2122-10-2. – Sont électeurs les salariés des entreprises qui emploient moins de onze salariés au 31 décembre de l’année précédant le scrutin, titulaires d’un contrat de travail à cette date, âgés de seize ans révolus et ne faisant l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques.
« Art. L. 2122-10-3. – Par dérogation à leurs obligations relatives au secret professionnel, les caisses de sécurité sociale communiquent aux services du ministre chargé du travail les données relatives aux entreprises employant un ou plusieurs salariés ainsi que les données relatives à ces salariés portées sur les déclarations sociales et nécessaires à la constitution de la liste électorale.
« Art. L. 2122-10-4. – La liste électorale est établie par l’autorité compétente de l’État. Les électeurs sont inscrits dans deux collèges, d’une part, un collège “cadres”, d’autre part, un collège “non cadres”, en fonction des informations relatives à l’affiliation à une institution de retraite complémentaire portées sur les déclarations sociales dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2122-10-5. – Tout électeur ou un représentant qu’il aura désigné peut saisir le juge judiciaire d’une contestation relative à une inscription sur la liste électorale, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Le juge saisi d'une contestation vérifie que les électeurs concernés remplissent les conditions fixées à l’article L. 2122-10-2.
« Art. L. 2122-10-6. – Les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans, et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel se déclarent candidats auprès des services du ministère chargé du travail dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2122-10-7. – Le scrutin a lieu par voie électronique et par correspondance.
« Les conditions de son déroulement sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2122-10-8. – Les règles établies par les articles L. 10 et L. 67 du code électoral s'appliquent aux opérations électorales.
« Art. L. 2122-10-9. – L’employeur laisse aux salariés le temps nécessaire pour voter depuis leur lieu de travail.
« Art. L. 2122-10-10. – L’employeur laisse aux salariés de son entreprise désignés dans le cadre de ce scrutin en tant qu’assesseur, délégué et mandataire des organisations syndicales candidates, le temps nécessaire pour remplir leurs fonctions. Ce temps est considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale.
« L'exercice par un salarié des fonctions d’assesseur, délégué et mandataire des organisations syndicales candidates ne peut être la cause d'une sanction ou d'une rupture du contrat de travail par l'employeur.
« Art. L. 2122-10-11. – Les contestations relatives au déroulement des opérations électorales sont de la compétence du juge judiciaire dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
II (nouveau). - La section 5 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du même code est complétée par un article L. 2122-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 2122-13. – Avant l’ouverture du scrutin prévu à l’article L. 2122-10-1, le ministre chargé du travail présente au Haut Conseil du dialogue social les modalités retenues pour son organisation. »
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n’a plus d’objet, monsieur Dominati.
M. Philippe Dominati. Effectivement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Renforcement de la représentativité des salariés et mesure de l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. En modifiant le troisième alinéa de l’article 4, nous proposons un libellé de la section 4 bis du code du travail qui traduise fidèlement le contenu du présent projet de loi.
En effet, l’intitulé « Mesure de l’audience des organisations syndicales concernant les entreprises de moins de onze salariés » ne reflète pas le double objectif affiché dans le texte : renforcer la représentativité des salariés et mesurer l’audience des organisations syndicales dans les très petites entreprises. Ces objectifs avaient été rendus indissociables dans la loi du 20 août 2008, dont découle le présent texte.
Ce caractère indissociable, prévu à l’article L. 2122-6 du code du travail, a également été reconnu par l’ensemble des partenaires sociaux, y compris le MEDEF et la CGPME, dans le document intitulé « Position commune sur la représentativité du 9 avril 2008 ».
Dès le début des travaux entrepris sur ce « renouveau de la démocratie sociale », ces deux objectifs ont été affirmés. Il est vrai que le dialogue social a besoin de représentativité des salariés autant que de mesure de l’audience syndicale.
Le présent projet de loi visant à compléter « les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n°°2008-789 du 20 août 2008 », il est normal qu’il intègre ces deux idées clés et que celles-ci apparaissent très clairement dans la nouvelle section du code du travail.
D’ailleurs, dans un souci de conformité avec les autres sections du chapitre II du même code, il eût été plus cohérent – si nous avions disposé de plus de temps ! – de placer cette nouvelle section après la section 1 : « Représentativité syndicale au niveau de l’entreprise et de l’établissement » et d’en faire une section 1 bis, intitulée « Représentativité syndicale au niveau des entreprises de moins de onze salariés ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission des affaires sociales n’ayant pas examiné cet amendement, je m’exprimerai à titre personnel.
La modification proposée n’est à mon avis pas très opportune. Il est quelque peu maladroit de parler de « représentativité des salariés » dans la mesure où ce texte porte sur la représentativité syndicale. Il est donc préférable de s’en tenir à la rédaction proposée par le projet de loi.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le titre proposé par le Gouvernement me paraît excellent ! (Sourires.) Je ne vois donc aucune raison de le modifier et j’émets moi aussi un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L.2122-10-1. - En vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés sont pris en compte les résultats des élections visées aux articles L. 1441-29 à L. 1441-40 du code du travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
II. - Alinéas 6 à 17
Supprimer ces alinéas.
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 1441-29 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les résultats de cette élection dans le collège des salariés déterminent la mesure de l'audience des organisations syndicales de salariés dans les entreprises de moins de onze salariés. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement tend à substituer à l’élection sur sigle les résultats des élections prud’homales, dont l’organisation est par ailleurs très onéreuse.
Je suis quelque peu circonspect sur les explications justifiant le scrutin par sigles. En effet, dans les très petites entreprises, c’est le sigle d’un syndicat qui sera désigné, et non un candidat, comme c’est le cas lors des autres élections. Les votants ne sauront donc pas exactement à quoi ils s’engagent en donnant leur voix puisqu’il reviendra au syndicat de désigner le représentant élu.
C’est pourquoi je propose d’assurer la représentativité des salariés en se fondant sur les résultats des élections prud’homales.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
En vue de
insérer les mots :
renforcer la représentativité des salariés et de
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit dans la ligne de celui que nous venons de présenter. Nous souhaitons faire apparaître clairement la représentativité des salariés, à côté de la mesure de l’audience des organisations syndicales.
La participation à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l’entreprise est, je le rappelle, un droit constitutionnellement reconnu, à l’alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946. Ce droit doit donc être offert à tous les salariés.
Toutefois, dans les très petites entreprises, on peut admettre l’idée de commissions paritaires locales externes aux TPE, et non d’élections du personnel, pour assurer la représentativité et mesurer l’audience des syndicats.
Contrairement à nos collègues de l’UMP, nous considérons que ce texte ne prépare en rien l’élection des délégués du personnel !
M. Philippe Dominati. Pour l’instant ; cela viendra !
Mme Annie David. Quoi qu’il en soit, nous tenons à ce que la représentativité des salariés soit mentionnée en toutes lettres dans le présent projet de loi.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Jeannerot, Kerdraon, Daudigny et Teulade, Mmes Ghali, Campion, Printz, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Alquier et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Desessard, Godefroy, Le Menn, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
se déclarent
par les mots :
déposent une liste de
La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, voilà un instant vous avez souhaité démontrer, exemples à l’appui, que de nombreuses élections, en particulier celles des comités techniques paritaires, n’étaient centrées que sur les organisations syndicales, et non sur des votes nominatifs.
Cette assertion ne semble pas être confirmée par les pratiques électorales en vigueur dans la fonction publique, mais je ne demande qu’à être convaincu... J’ai plutôt le sentiment que, dans le monde administratif, aucune élection n’est organisée sans que les électeurs sachent pour qui ils votent. Ce texte serait ainsi le premier à organiser des votes anonymes !
Notre amendement tend à substituer à l’élection sur sigle un vote sur des listes nominatives. M. le ministre nous ayant indiqué qu’il n’existait pas d’espace permettant de réunir les personnes élues, nous nous limitons à la mesure de la représentativité. Pourtant, dans tout scrutin, qu’il soit politique, professionnel ou syndical, les candidats ont l’investiture de l’organisation dont ils sont membres, mais doivent aussi pouvoir se présenter en leur nom propre. Pourquoi n’en serait-il pas de même ici ?
Par ailleurs, et nous dépassons vos intentions sur ce point, monsieur le ministre, le vote pour des personnes clairement identifiées nous paraît de nature à faciliter le développement du dialogue social dans les très petites entreprises. En effet, rien ne garantit, à la lecture de ce texte, que les représentants élus des salariés seront issus des TPE.
Sans mettre en cause la bonne volonté ou la compétence de quiconque, il serait préférable, dans une perspective démocratique, que ces représentants soient effectivement des salariés des TPE. Cela permettrait de créer un lien entre la mesure de la représentation et la composition des éventuelles futures commissions paritaires. L’ensemble du dispositif aurait ainsi une cohérence. À défaut, ce texte ne sera qu’une simple mise en conformité juridique par rapport à la loi de 2008, et la représentation des salariés des TPE ne sera pas pleinement effective.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
M. Jean-Pierre Plancade. Je n’ai rien à ajouter à l’excellent argumentaire de M. Claude Jeannerot !
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
se déclarent candidats
par les mots :
déposent une liste de candidats issus de très petites entreprises
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je partage, moi aussi, l’argumentaire de M. Claude Jeannerot. Il nous paraît toutefois utile d’ajouter que les candidats inscrits sur la liste soumise au vote dans les TPE soient eux-mêmes issus de ce type d’entreprises. Ainsi, la représentativité sera véritablement effective et les représentants élus seront qualifiés pour parler du monde des TPE.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce temps est considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à préciser, à l’alinéa 14 de l’article 4, que, pour les salariés des TPE, le temps nécessaire au vote est considéré comme du temps de travail effectif, et doit donc être payé comme tel.
Cette précision est nécessaire, car tout silence dans un texte, en particulier dans une loi, peut donner lieu à des interprétations erronées. Elle figure déjà utilement à l’alinéa 15 de l’article 4, s’agissant du temps nécessaire aux assesseurs, aux délégués et aux mandataires des organisations syndicales pour remplir leurs fonctions. Ce qui est précisé pour ces salariés doit l’être a fortior, pour les votants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 18 rectifié tend à utiliser les résultats des élections prud’homales pour déterminer l’audience des syndicats auprès des salariés des TPE.
Un tel dispositif paraît malaisé à mettre en place, car il faudrait installer deux urnes. En outre, il serait impossible de distinguer les votes des salariés des TPE de ceux des salariés des grandes entreprises.
Adopter cet amendement serait d’autant plus hasardeux que les règles du jeu seront peut-être bouleversées dans les années qui viennent. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 26 rectifié appelle les mêmes commentaires que l’amendement n° 25 rectifié, des mêmes auteurs. Il n’est pas très heureux de parler de représentativité des salariés alors que le texte concerne la représentativité syndicale. La commission émet également un avis défavorable.
Les auteurs des deux amendements identiques nos 2 et 12 rectifié proposent que les salariés des TPE votent pour une liste de candidats plutôt que pour un sigle.
Je respecte cette position, mais dans la mesure où elle ne correspond pas à l’économie générale du projet de loi, la commission y est défavorable.
L’amendement n° 28, qui est analogue aux amendements nos 2 et 12 rectifié, tend à préciser que les candidats doivent être des salariés de TPE. La commission émet un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement no 29. La précision demandée par les auteurs de cet amendement n’est sans doute pas juridiquement indispensable, puisqu’elle se déduit de l’énoncé du texte. Un salarié qui prendrait quelques minutes sur son temps de travail pour voter ne doit pas subir de retenue sur son salaire. Nous ne sommes cependant pas hostiles à cette clarification, et la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement n° 18 rectifié qui vise à prendre en compte les résultats des élections prud’homales. Il serait éventuellement favorable à une disposition inverse.
Lors des élections prud’homales, il s’agit de désigner des juges et non d’assurer la représentativité des salariés. Je reconnais toutefois que la réflexion sur la représentativité ouvre la perspective d’une modification du scrutin prud’homal.
En dépit de toutes les campagnes de publicité qui ont été conduites, les salariés se désintéressent des élections prud’homales. Le Gouvernement reste ouvert à tout projet d’amélioration, mais il ne peut accepter que l’on détourne cette élection de son objet. En conséquence, il émet un avis défavorable.
L’amendement n° 26 rectifié, qui concerne la représentation collective du personnel, va dans le même sens que l’amendement no 25 rectifié. Chacun conserve ses convictions : vous voulez une représentation collective ; nous en restons à une représentativité des salariés. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement est également défavorable aux deux amendements identiques nos 2 et 12 rectifié ainsi qu’à l’amendement no 28, qui concernent le mode de scrutin.
Dans la fonction publique, les comités techniques paritaires, ou CTP, sont désignés par une élection sur sigle alors que les commissions administratives paritaires, ou CAP, sont élues sur listes.
Cela s’explique par les missions dévolues à ces deux entités : les CTP visent la stratégie, la politique et les textes généraux ; les CAP s’intéressent aux cas individuels. J’ajoute que les taux de participation à ces élections sont en général très élevés, autour de 70 %.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la mesure où nous souhaitons que les commissions paritaires restent facultatives, il me paraît préférable de privilégier l’élection sur sigle. Quelle serait la représentativité d’une personne, perdue sur une liste régionale ?
En fait, madame David, nos démarches respectives s’inscrivent dans deux logiques différentes, même si nous nous rejoignons sur certains points, ce qui est suffisamment exceptionnel pour que nous nous en félicitions ! (Sourires.)
Sur l’amendement no 29, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 18 rectifié.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement soulève un véritable problème de constitutionnalité. Son adoption commanderait, dans les entreprises de plus de onze salariés, l’organisation d’élections professionnelles permettant de mesurer l’audience syndicale alors que les entreprises de moins de onze salariés en seraient privées de façon pérenne.
En outre, les scrutins seraient différents, ils n’auraient pas lieu au même moment et leurs objectifs ne seraient pas identiques. Or, rien ne permet de présumer que les salariés qui votent pour des conseillers prud’hommes nommément identifiés manifestent par là une préférence syndicale.
Enfin, les conseillers prud’hommes ont un rôle juridique différent de celui des représentants syndicaux.
Ces amendements ont en commun un rejet du fait syndical, ce qui, de notre point de vue, relève d’une autre époque.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 12 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
1° Supprimer les mots :
au 31 décembre de l'année précédant le scrutin
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'effectif de l'entreprise est apprécié selon les règles fixées par l'article L. 2312-2 du code du travail relatif à l'élection des délégués du personnel.
II. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... L'article L. 2312-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si cet effectif, calculé selon les modalités de l'alinéa précédent, n'est pas atteint, l'établissement est alors soumis aux dispositions des articles L. 2122-10-1 et suivant du code du travail, relatives aux élections des commissions paritaires. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement étant d’une grande technicité, je me permets de requérir toute votre attention, mes chers collègues.
En comparant le texte proposé par l’alinéa 5 de l’article 4 pour l’article L. 2122-10-2 du code du travail et l’article L. 2312-2 de l’actuel code, on constate qu’une harmonisation est nécessaire.
Afin d’éviter d’être confrontés à des problèmes insolubles pour déterminer si une entreprise est soumise au régime de l’élection des délégués du personnel ou à celui que nous créons aujourd’hui, il faut absolument harmoniser les modes de calcul des effectifs. À défaut, nous connaîtrions des situations dans lesquelles les deux textes voudront s’appliquer – ce sera un moindre mal –, et d’autres dans lesquelles aucun des deux textes ne sera applicable, ce qui sera source de contentieux.
Ainsi, aux termes de l’article L.2312-2 du code du travail, une entreprise compte plus de onze salariés si son effectif a été supérieur à onze salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, pendant les trois années précédant l’élection. Ce mode de calcul favorise la reconnaissance des entreprises de plus de onze salariés, donc l’élection des délégués du personnel.
La rédaction proposée pour l’article L. 2122-10-2 dispose qu’une entreprise compte moins de onze salariés si son effectif est inférieur à ce seuil au 31 décembre de l’année précédant l’élection.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui employait quatorze salariés au 31 décembre de l’année précédant l’élection – en vertu de l’article L.2122-10-2, il s’agit d’une entreprise de plus de onze salariés – mais qui, sur les trois années précédant l’élection, n’a pas atteint l’effectif de onze salariés pendant douze mois, consécutifs ou non – aux termes de l’article L.2312-2, il ne s’agit plus alors d’une entreprise de plus de onze salariés. Dans ce cas, quel est le régime qui sera applicable : celui qui est prévu dans le code du travail ou celui qui nous est proposé dans le présent projet de loi ?
En fait, aucun des deux textes ne s’appliquerait à cette entreprise : c’est ce que l’on appelle un conflit négatif de normes. Lorsque les deux textes sont applicables, on parle de conflit positif de normes.
Pour sortir de ce nid de contentieux, il faut prévoir que si une entreprise n’emploie pas plus de onze salariés, c’est qu’il s’agit d’une entreprise de moins de onze salariés ! La Palice n’aurait pas dit mieux…
Si l’on souhaite éviter les contentieux, il est nécessaire de retenir le même mode de calcul. L’on ne peut procéder en se fondant tantôt sur l’évolution des effectifs au cours des trois dernières années, tantôt sur une mesure à un instant donné, le 31 décembre de l’année précédant l’élection.
Nous vous proposons donc de retenir le mode de calcul prévu dans l’actuel code du travail pour déterminer si une entreprise compte, ou non, moins de onze salariés, et d’harmoniser les deux modes de calcul. À défaut, monsieur le ministre, vous vous exposez à de nombreux contentieux.
C’est particulièrement vrai pour les intermittents du spectacle, qui se trouvent dans une situation très complexe sur laquelle je reviendrai.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce matin, en commission des affaires sociales, nous avons eu un long débat sur cet amendement technique qui pose une question légitime. Je veux donc vous apporter quelques clarifications.
Le projet de loi prévoit que l’effectif de l’entreprise au 31 décembre doit être pris en compte pour déterminer si les salariés participent ou non au scrutin organisé pour les TPE. Pour que ce scrutin soit organisé dans de bonnes conditions, il est nécessaire, chacun en conviendra, d’arrêter les listes électorales quelques mois avant la date prévue pour l’élection. Il ne restera plus alors qu’à faire parvenir aux entreprises le matériel nécessaire à la mise en place des bureaux de vote.
L’organisation de ce scrutin ne remet pas en cause les règles applicables à l’élection des délégués du personnel : si une entreprise compte moins de onze salariés le 31 décembre, mais que son effectif augmente après cette date et se situe au-dessus de ce seuil pendant plus de douze mois, l’entreprise devra organiser l’élection d’un délégué du personnel dans les conditions de droit commun.
Il n’y a donc pas de contradiction entre les règles qui s’appliquent au scrutin pour les TPE et celles qui sont relatives à l’élection des délégués du personnel. Il y a simplement des règles quelque peu différentes pour tenir compte des modalités d’organisation de ces différents scrutins.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Sauf à mettre en place une véritable usine à gaz, il serait très compliqué de faire une moyenne. Ce serait en outre une source importante d’erreurs.
La simplicité doit prévaloir, et c’est pourquoi nous avons choisi une solution pragmatique : d’abord, nous prenons une photographie de la situation de l’entreprise au 31 décembre de l’année précédant l’élection, puis nous fixons la liste électorale.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, sans doute me suis-je montrée brouillonne dans mon explication, mais il me semble que nous ne parlons pas de la même chose.
Vous soutenez qu’il serait difficile de faire une moyenne sur trois ans. Mais l’actuel code du travail prévoit précisément que, pour déterminer si une entreprise doit être considérée comme ayant plus de onze salariés, on mesure son effectif moyen sur les trois années précédant la date de l’élection et on regarde si elle a employé plus de onze salariés pendant douze mois, consécutifs ou non.
L’effectif retenu intègre les salariés sous contrats à durée déterminée et les personnes placées par des entreprises extérieures, c’est-à-dire les intérimaires, au prorata du temps qu’ils ont passé dans l’entreprise.
Avec le présent texte, vous choisissez un tout autre mode de calcul : vous évaluez la situation de l’entreprise au 31 décembre précédant l’élection. Comme l’indique M. Gournac, il se peut que les deux textes s’appliquent, ce qui est un moindre mal. Dans cette hypothèse, on organise tout à la fois les élections des commissions paritaires, que nous créons aujourd’hui, et les élections des délégués du personnel : ce n’est pas moi qui m’en plaindrai !
En revanche, il se peut aussi qu’aucun des deux textes ne s’applique. Je ne sais pas comment les élections pourront alors être organisées, comment l’audience syndicale pourra être mesurée.
Permettez-moi de citer, à l’appui de mon argumentation, un exemple que, faute de temps, j’ai simplement évoqué lors de la défense de mon amendement.
Les intermittents du spectacle – ils m’ont sollicitée un peu tardivement – sont rarement sous contrat au 31 décembre, car il n’y a à cette date que peu de tournages, que ce soit pour la télévision ou pour le cinéma.
Monsieur le ministre, je regrette que cet article ne permette pas de prendre en compte la situation de tous les salariés, comme le souhaite M. Dominati, notamment d’intégrer la spécificité de la profession d’intermittents du spectacle. Il aurait été pertinent de prévoir, à l’article L. 2122-10-2, des dispositions spécifiques pour régir le régime d’assurance chômage dans le secteur du spectacle ; nous aurions pu nous référer à la liste des intermittents qui bénéficient de ce dispositif au 31 décembre pour déterminer la participation au scrutin.
Dès lors que les organismes sociaux communiquent ces informations au ministère du travail, il serait tout à fait normal que les salariés intermittents du spectacle, tels qu’ils sont définis par l’article L. 6331-55 du code du travail, puissent participer au vote, à la condition bien sûr de bénéficier, au 31 décembre précédant le scrutin, des dispositions spécifiques – notamment la convention relative à l’indemnisation du chômage – applicables aux artistes du spectacle, ainsi qu’aux ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle.
Monsieur le ministre, vous pouvez constater que j’adhère à la logique qui sous-tend votre texte puisque je propose, dans cette hypothèse, de retenir la date du 31 décembre ! Il est bien dommage que les intermittents du spectacle aient eux aussi été oubliés dans ce projet de loi !
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
(Non modifié)
I. - Le code du travail est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 2122-7 et L. 7111-8, les mots : « ou bien les conditions de l’article L. 2122-6 » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 2232-2 est supprimé ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 2232-6, au second alinéa de l’article L. 2232-7 et à l’article L. 7111-10, les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la mesure de l’audience prévue à l’article L. 2122-6 » ainsi que les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la même mesure d’audience » sont supprimés.
II. - Le code de l’aviation civile est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 423-9, les mots : «, ou bien les conditions de l’article L. 2122-6 du même code » sont supprimés ;
2° Au second alinéa de l’article L. 423-10, les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la mesure de l’audience prévue à l’article L. 2122-6 du même code » ainsi que les mots : « ou, le cas échéant, dans le cadre de la même mesure d’audience » sont supprimés.
III. - L’article 11 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail est ainsi modifié :
1° Au I, les mots : « dans leur rédaction issue de la présente loi » sont supprimés ;
2° À la seconde phrase du III, les mots : « des articles L. 2122-5 et L. 2122-6 du code du travail dans leur rédaction issue de la présente loi » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 2122-5 du code du travail ». – (Adopté.)
Article 6
Le chapitre IV du titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Dans son intitulé, le mot : « locales » est remplacé par le mot : « territoriales » ;
2° Il est créé une section 1 intitulée : « Commissions paritaires territoriales pour l’ensemble des entreprises » et comprenant les articles L. 2234-1 à L. 2234-3 ;
3° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :
« SECTION 2
« Commissions paritaires pour les très petites entreprises
« Art. L. 2234-4. – Des commissions paritaires régionales peuvent être constituées par accord conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2231-1 afin, d’une part, d’assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail, d’autre part, d’apporter une aide en matière de dialogue social aux salariés et aux employeurs des entreprises de moins de onze salariés.
« Des commissions paritaires peuvent également être mises en place par accord conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2231-1, au niveau départemental ou national.
« Les commissions paritaires ne sont investies d’aucune mission de contrôle des entreprises dans le champ considéré. Leurs membres n’ont pas la faculté de pénétrer à l’intérieur d’une entreprise, sans l’accord de l’employeur, pour y exercer les missions prévues au premier alinéa.
« Les accords instituant les commissions paritaires déterminent leur composition en tenant compte, pour les représentants des salariés, des résultats obtenus aux élections prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants dans le champ couvert par la commission paritaire. L’article L. 2234-3 leur est applicable. »
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. L’article 6 concerne les commissions paritaires, qui constituent le cœur de notre discussion, et qui semblent tellement inacceptables aux députés de la majorité…
Afin de « recadrer le débat », si j’ose dire, je souhaite revenir sur certaines déclarations.
Voilà quelques jours, dans un quotidien du soir, le député-maire Louis Giscard d’Estaing affirmait, non sans une certaine condescendance : « La représentation syndicale, c’est un marqueur politique. » Mes chers collègues, je vous le confirme : la représentation syndicale est bien un marqueur politique, mais pas comme ce monsieur le laisse entendre ! En effet, elle identifie non pas la gauche ou la droite, les patrons ou les salariés, les riches ou les pauvres, mais tout simplement la démocratie. La représentation syndicale n’est que le marqueur du droit,… ou de l’absence de droit !
Lorsque M. Giscard d’Estaing ajoute que « la majorité ne se voit pas favoriser les syndicats dans les TPE », il devrait être plus prudent, car cela revient à affirmer que la majorité est défavorable à la liberté syndicale, donc au respect d’un droit fondamental. Or je sais, ou du moins j’espère, que tel n’est pas le cas…
M. Guy Fischer. À voir !
Mme Raymonde Le Texier. Sur cette question, il faut raison garder, éviter de tels dérapages. Les commissions paritaires, le vote dans les TPE, sont, je tiens à le rappeler, non pas des élucubrations de gauchistes, mais bien la manifestation de droits fondamentaux.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié quater, présenté par MM. Houel et Gilles, Mme Mélot, M. Houpert, Mme Descamps, MM. Billard, P. Blanc, Alduy, Chatillon, Bernard-Reymond, Paul et J.C. Gaudin, Mme Henneron, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Bordier, Bécot, Doublet, Laurent et P. Dominati, Mme B. Dupont et MM. Revet, J. Blanc, Milon, Dallier, Juilhard, Lefèvre, Dassault, Vasselle et Mayet, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Avant de présenter cet amendement, et afin que l’on ne me fasse pas de mauvais procès, je tiens à indiquer que je suis naturellement favorable à la démocratie sociale, au dialogue, donc à la présence des syndicats dans les entreprises et à la meilleure représentation possible des salariés.
L’article 6 du présent projet de loi sous-entend que le dialogue social dans les très petites entreprises serait insuffisant, voire inexistant. Sa rédaction ne me convient donc pas et c’est pourquoi j’ai présenté un amendement de suppression de cet article.
Monsieur le ministre, cet après-midi, certains de nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG ont tenu des propos qui m’ont profondément… marqué. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Gérard Longuet. Peut-être même blessé !
M. Michel Houel. Exactement, monsieur Longuet.
En effet, traiter les patrons de TPE de moins que rien (Protestations sur les travées du groupe socialiste.),…
Mme Patricia Schillinger. Nous n’avons rien dit de tel ! Ce que vous affirmez est scandaleux !
Mme Raymonde Le Texier. Vos propos sont inadmissibles !
M. Michel Houel. … d’attardés qui n’aimeraient pas le dialogue, voire de ringards, c’est aller un peu loin ! De tels propos sont à la limite de l’insulte. Toutefois, je n’y insisterai pas, car, dans les débats, les paroles dépassent parfois la pensée.
Mes chers collègues, qui ose entreprendre, en France, sinon les patrons de PME et de TPE ? Ce sont eux qui créent la richesse du pays, pas nous !
Les patrons de TPE savent ce que signifient les 35 heures, mais pas parce qu’ils en ont fait l’expérience : ils ne peuvent se le permettre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Cela suffit !
M. Claude Jeannerot. Nous connaissons ces patrons ! Nous les fréquentons, nous aussi !
M. Michel Houel. Le principal problème d’un patron de TPE est, dialogue social oblige, d’assurer la paie de ses ouvriers à la fin du mois, afin que ces derniers puissent nourrir leur famille.
Dès lors, c’est intenter un très mauvais procès aux TPE que de nier que la proximité et le contact quotidien de l’employeur avec ses salariés constituent la véritable richesse de ces entreprises, comme tout le monde s’accorde d'ailleurs à le reconnaître.
Dans un contexte économique particulièrement tendu et difficile, les entreprises ont besoin de souplesse, pas de procédures supplémentaires !
Chers collègues de l’opposition, plusieurs d’entre vous ont souligné que ce texte n’allait pas assez loin et manquait d’ambition. Dès lors, je ne vois pas pourquoi vous refuseriez de voter mon amendement de suppression de l’article 6 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Nous voulons rendre le dispositif obligatoire !
M. Michel Houel. Une étude réalisée en mai 2010 par l’institut de sondage OpinionWay, pour le cabinet d’expertise comptable Fiducial, montre que 79 % des employeurs sont défavorables à une telle représentation collective du personnel. Le même rejet est exprimé par les salariés, dont 64 % étaient hostiles à cette réforme en octobre et novembre 2009. La même étude indique par ailleurs que 82 % des salariés trouvent « bonne » ou « très bonne » la qualité du dialogue social avec leur employeur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si les employeurs et les salariés sont défavorables à une telle représentation collective, à qui profite le crime ? (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je tiens absolument à rendre hommage aux patrons des petites entreprises, qui jouent un rôle essentiel dans le développement économique – vous l’avez souligné à juste titre, monsieur Houel –, créant cinq emplois ici, trois là, deux autres ailleurs. J’ai un grand respect pour ces patrons, qui sont souvent très proches de leurs salariés et participent à toutes les tâches. Sur ce point, il n'y a donc aucune différence entre nous.
Monsieur Houel, vous soutenez que les employeurs sont défavorables à une « représentation collective » des salariés et vous étayez votre démonstration par une étude, au demeurant fort intéressante, réalisée par l’institut OpinionWay. Mais, mon cher collègue, le présent projet de loi ne traite en aucun cas de la représentation collective des salariés. Il vise à créer une représentation nationale syndicale, à déterminer les moyens de classer les syndicats à l'échelle nationale. Ce processus avait été engagé naguère par Gérard Larcher, lorsqu’il était ministre chargé du travail. Il existe en effet, dans les TPE, un dialogue quotidien entre le chef d’entreprise et ses salariés. Il arrive même que le patron soit un ancien employé qui a repris son entreprise.
Les petites entreprises constituent notre principal gisement d’emplois et nous ne souhaitons en aucune manière entraver leur développement. Nous considérons que les commissions paritaires envisagées à l’article 6 peuvent être bénéfiques pour tous les acteurs de la vie économique. Je rappelle que leur création est facultative et subordonnée à la conclusion d’un accord collectif : si les partenaires sociaux ne les jugent pas utiles, elles ne verront pas le jour.
Les commissions paritaires pourront se pencher sur les problèmes généraux intéressant les TPE, les difficultés d’application d’une convention collective par exemple. Elles pourront diffuser des informations et donner des conseils pour permettre une meilleure application du droit du travail, ce qui, mes chers collègues, évitera à des chefs de petites entreprises d’être condamnés par les juges prud’homaux.
Tout à l'heure, il a été rappelé que 70 % ou 80 % des patrons…
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. 75 % !
M. Alain Gournac, rapporteur. … étaient traînés devant les juridictions prud’homales et y étaient condamnés.
M. Alain Gournac, rapporteur. Dans les Yvelines, département dont je suis l’élu, certains chefs de TPE sont blessés d’avoir été condamnés. Voilà peu, l’un d’eux me confiait combien il était peiné d’avoir dû, à cause d’un désaccord, rompre avec l’un de ses employés avec qui il entretenait pourtant de bonnes relations. Une commission paritaire aurait pu lui éviter d’en arriver là.
Afin de nous prémunir contre tout risque de dérives, la commission des affaires sociales a décidé – notamment sous mon impulsion – que les commissions paritaires ne seront pas créées au niveau local et que leurs membres ne pourront pas s’immiscer dans le fonctionnement des entreprises.
Lorsque j’ai plaidé pour que ces précautions soient mentionnées noir sur blanc dans le texte, on m’a rétorqué que, en fait, elles y figuraient déjà. Dans un souci de précision, il m’a toutefois paru préférable d’être très explicite. Cela devrait vous donner satisfaction, monsieur Houel.
J’ajoute que le Parlement est appelé à faire, dans deux ans, un bilan du fonctionnement du dispositif.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement est important, mais il s’inscrit dans un faux débat. Or, les faux débats débouchent toujours sur de fausses solutions !
Monsieur Houel, le Gouvernement a amplement montré, dans de nombreux textes, sa volonté de défendre les TPE. À l’évidence, nous devons favoriser les petites entreprises dans notre pays. Nul ne conteste la qualité de leurs dirigeants, qui doivent assurer la gestion souvent complexe de leur entreprise et surmonter au quotidien de nombreuses difficultés. Il faut donc les soutenir, éviter que l’administration ne leur mette des bâtons dans les roues, alléger les tâches administratives auxquelles ils sont soumis, veiller à ne pas alourdir le poids de la fiscalité et des charges sociales qu’ils supportent. Nous le savons, diriger une petite entreprise est un combat de tous les jours !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent texte ne vise pas à compliquer la vie déjà très complexe des petites entreprises. Si tel avait été le cas, nous ne l’aurions pas présenté ! Il tend simplement à mesurer et à assurer la représentativité des syndicats. En tout et pour tout, les salariés passeront deux minutes tous les quatre ans à désigner le syndicat qu’ils préfèrent !
Il faut être conscient que les accords qui seront négociés dans les commissions paritaires, au niveau des branches ou d’une interprofession, s’appliqueront à tous les salariés. Il est donc cohérent que les organisations syndicales soient des acteurs des négociations. Nous ne souhaitons pas – et vous non plus sans doute, monsieur Houel – que les personnels des TPE soient considérés comme des sous-salariés !
Des commissions de cette nature existent partout : en Corse, sur l’hôtellerie et la restauration, dans les Hautes-Alpes, dans le Lot-et-Garonne, en PACA, en Bretagne, en Midi-Pyrénées, dans le Languedoc-Roussillon, sur l’artisanat ; en Île-de-France, sur les jeux vidéo ; en Poitou-Charentes, sur l’emploi. Dans le Gers, département composé à 95 % de TPE, la commission réunit même toutes les organisations patronales. Il était donc légitime d’inscrire ces commissions dans le projet de loi.
La loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social précise ceci : « Des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles peuvent être instituées au plan local, départemental ou régional, par accord conclu dans les conditions prévues à l’article L. 132-2. » Mais – et j’insiste sur ce point – il ne s’agit que d’une possibilité.
Une soixantaine de commissions paritaires ont été créées en vertu de cette disposition. Je ne citerai que l’accord qui institue une commission paritaire interprofessionnelle dans le département des Hautes-Alpes, dans laquelle sont regroupés la CGPME, le MEDEF, l’UPA, la CGT, la CFE-CGC.
Ces structures n’ont pas vocation à compliquer la vie des petites entreprises, et elles ne le font pas. Elles ne disposent d’aucun pouvoir de négociation, de création de normes ou de représentation des salariés des TPE, au sens où l’entend le code du travail. Leur seule mission est de s’assurer de la conformité des accords qui s’appliquent.
Un tel dispositif relève du dialogue social et c’est pourquoi cette mesure est facultative. Si les partenaires sociaux ne veulent pas de commission paritaire territoriale, s’ils considèrent qu’elles sont inutiles, ils n’en créent pas. Nous devons garder le critère d’utilité présent à l’esprit.
Le Gouvernement n’a nullement l’intention de favoriser la représentation personnelle individuelle dans les entreprises de moins de onze salariés, comme c’est le cas dans les entreprises de plus de onze salariés. Il s’agit non pas de compliquer la vie des très petites entreprises, mais d’aboutir à un dialogue social responsable. Pour cela, il faut que les salariés des très petites entreprises soient traités comme ceux des entreprises de plus grande taille.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur Houel, je me demande si nous avons assisté au même débat. À aucun moment, je n’ai entendu une quelconque mise en cause des chefs d’entreprise ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Il serait dramatique – je crains pourtant que tel ne soit le cas – que cet amendement soit inspiré par des motifs purement idéologiques !
M. Claude Jeannerot. Bravo !
M. Jean-Pierre Plancade. En effet – je l’ai dit en aparté à M. le ministre, et j’y reviendrai dans mon explication de vote sur l’ensemble –, ce projet de loi est certes insuffisant, mais il n’en constitue pas moins une avancée.
Je tiens à dire, et même à proclamer – d’autres orateurs le feront sans doute après moi –, que nous respectons les patrons, que nous aimons les entrepreneurs, car ils créent la richesse de notre pays !
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Et ce n’est pas incompatible avec le dialogue social !
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean-Pierre Plancade. En revanche, il est intolérable, au xxie siècle, que deux organisations syndicales patronales, la CGPME et le MEDEF, continuent de s’opposer au dialogue social.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Pierre Plancade. Je condamne une telle attitude, qui date d’un autre temps. Personne ne peut défendre cette position, qui représente ce qu’il y a de plus négatif, de plus rétrograde et qui témoigne d’une régression intellectuelle.
M. Guy Fischer. C’est de l’obscurantisme !
M. Jean-Pierre Plancade. Il va de soi que nous ne voulons pas rendre applicables dans les TPE les dispositions qui sont en vigueur dans les grandes structures. Monsieur le ministre, pour avoir travaillé dans une grande entreprise, je peux témoigner que les inspecteurs du travail y sont beaucoup plus sévères et intransigeants que dans les petites entreprises, même si tout est cadré, organisé. Ils leur cherchent souvent des noises, si vous me permettez cette expression un peu familière.
Mes chers collègues, je ne pouvais laisser sans réponse les propos que j’ai entendus : refuser le dialogue social est d’un autre siècle ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Selon les auteurs de cet amendement, c’est faire un bien mauvais procès aux TPE que de laisser croire que le dialogue social y est insuffisant, voire inexistant.
S’appuyant sur la lettre commune des partenaires sociaux, le texte prévoit la création de commissions paritaires territoriales extérieures à l’entreprise, qui pourraient apporter aux employeurs et aux salariés une aide pour progresser dans ce domaine.
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Les employeurs concernés le demandent eux-mêmes – eh oui, monsieur Houel ! – pourvu que l’on ne leur annonce pas, avec une parfaite mauvaise foi, que les soviets vont s’installer dans leur entreprise ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Le contact direct et permanent auquel il est fait allusion peut dégénérer ou être pris en défaut, ce qui entraîne des conflits, voire des recours en justice.
Une instance comprenant à la fois des employeurs et des salariés pourrait aider les parties à respecter le droit et empêcher que n’éclatent des conflits parfois peu fondés.
Les commissions paritaires territoriales ne suscitent la création d’aucune procédure, hormis celles qui sont nécessaires à leur création. Elles ont plus vocation à éviter la mise en place de dispositifs coûteux en moyens et en temps que d’instaurer un véritable dialogue social.
Monsieur Houel, le département des Pyrénées-Atlantiques, dont je suis l’élue, compte principalement des TPE. Et heureusement qu’elles sont là !
Dans les TPE, on n’a pas beaucoup de temps à consacrer au dialogue social. Le dirigeant d’une très petite entreprise qui n’emploie que deux salariés n’a souvent que peu d’occasions de parler avec eux. Les salariés des TPE, privés de représentativité, de comité d’entreprise, confrontés à des difficultés d’accès à la formation, attendent beaucoup de ce projet de loi, comme la plupart de leurs employeurs.
Dans ce contexte, il serait insupportable de sombrer dans une querelle de représentativité syndicale. Or, nous avons tous été sollicités par des syndicats représentants les employeurs, qui tentent d’exercer des pressions. (Nombreux signes d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Quel dommage d’en arriver là : nous sommes en pleine caricature !
Monsieur Houel, l’adoption de votre amendement contribuerait à maintenir les TPE dans l’incertitude juridique dans laquelle elles se trouvent. Or, les très petites entreprises sont le symbole de la créativité, de la volonté d’initiative, mais aussi de la prise de risque. C’est pourquoi il nous faut les aider à surmonter les difficultés qu’elles affrontent au quotidien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le groupe que je préside n’est pas unanime sur la question qui nous occupe en cet instant, même si, dans sa grande majorité, il soutient le texte de la commission. Il s’agit en effet, selon nous, d’un texte raisonnable qui apporte une aide aux employeurs et aux salariés des très petites entreprises, en permettant l’institution, à l’échelon territorial, qui est relativement souple, d’une sorte d’instance de conseil et de dialogue qui recueillera les expériences concrètes des branches et pourra apporter des avis argumentés tant aux représentants des salariés qui en feront partie qu’aux employeurs qui les solliciteront.
Surtout – et nous n’aurions pas accepté qu’il en fût autrement –, le texte de la commission prévoit qu’aucun membre de la commission paritaire territoriale ne peut pénétrer à l’intérieur d’une entreprise.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. L’entreprise reste l’affaire de l’employeur, qui assume seul des responsabilités lourdes. Désormais, il saura pouvoir s’appuyer, au même titre que ses salariés, sur la jurisprudence, les avis, les réflexions et les échanges de ces nouvelles instances. C'est la raison pour laquelle les syndicats patronaux qui représentent les plus petites entreprises, les professions libérales, le monde agricole, les artisans sont favorables au texte qui nous est proposé.
Dans les grandes entreprises, la situation est différente. Des directeurs des ressources humaines, des juristes, des spécialistes sont là pour démêler la complexité des lois sociales, épauler les dirigeants qui considèrent dès lors, cela se comprend, les commissions paritaires territoriales comme des instances superfétatoires.
Mon expérience, longue de dix ans, de petit employeur me conduit à considérer que la possibilité de recourir à une médiation ou à une information constitue une sécurité pour l’employeur. Cela lui évitera certaines déconvenues, notamment les jugements des instances prud’homales qui – M. le rapporteur le rappelait voilà quelques instants – lui sont défavorables dans l’immense majorité des cas.
Si je comprends la diversité des points de vue qui s’expriment, je me réjouis que la majorité du groupe UMP soutienne le texte de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Comme Michel Houel semble très affecté à l’idée que nous ayons pu tenir des propos injurieux à l’égard des petits patrons, et comme il était absent au moment de la discussion générale, je relirai l’extrait de mon intervention qui porte sur les patrons des TPE.
Je me suis exprimée en ces termes : « Car, enfin, qui sont-ils, ces patrons des TPE ? Des patrons qui n’ont pas le temps de consulter le CAC 40 dans leur bureau climatisé. Des patrons qui n’ont pas les moyens de s’offrir des conseillers fiscaux spécialistes en optimisation fiscale ou une pléthore d’avocats. Des patrons dont les salariés sont non pas une variable d’ajustement, mais le cœur de l’entreprise. Ces patrons-là, pour un grand nombre d’entre eux, attendent un outil de nature à les aider. Or les commissions paritaires pourraient être cet outil. »
Monsieur Houel, c’est parce que nous respectons les patrons des TPE, parce que nous pensons qu’il faut les soutenir et les encourager que nous sommes résolument opposés à votre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je soutiens cet amendement, que j’ai d’ailleurs cosigné. À ce stade de la discussion, je formulerai trois observations.
Tout d’abord, M. le ministre et M. le rapporteur déclarent ne pas vouloir compliquer le travail des petits entrepreneurs. Or, dès les premières pages du rapport, il est écrit ceci : « Le Gouvernement a veillé à concevoir un dispositif qui fasse peser le minimum de contraintes sur les TPE », « à ne pas introduire de nouvelles dispositions trop contraignantes pour les TPE ». En réalité, mes chers collègues, le ministre et le rapporteur s’excusent par avance, car ils savent que les mesures proposées seront contraignantes.
Ensuite, comme l’a souligné Mme Annie Jarraud-Vergnolle, l’important, dans une petite entreprise, réside non pas dans la représentation syndicale, mais dans les relations humaines, qui en sont l’essence : si le dialogue social est de mauvaise qualité, une TPE risque de s’écrouler très rapidement !
M. le rapporteur a considéré que l’étude citée par M. Houel à l’appui de son argumentation ne comptait pas. Une majorité de petits patrons considèrent que ce projet ne mène nulle part, qu’il aura pour seule conséquence de leur compliquer l’existence : je regrette que l’on ne veuille pas les écouter.
Monsieur le ministre, prenez le temps de faire de la pédagogie, d’expliquer votre projet afin qu’il soit mieux compris. Vous ne pouvez pas soutenir que vous respectez les TPE et, dans le même temps, refuser d’entendre la colère de leurs dirigeants.
Enfin, on nous affirme que le texte n’engage à rien. Néanmoins, M. Gournac se fait l’écho, dans son rapport, de la position de la CFE-CGC, qui pourrait ouvrir la voie à de prochaines réformes. Un rapport sera présenté au Parlement dans deux ans. En fait – et l’un de nos collègues l’a souligné à juste titre tout à l’heure –, vous ouvrez la boîte de Pandore !
Monsieur le ministre, prenez clairement vos responsabilités, et cessez de nous dire que nous ne comprenons pas les intentions du Gouvernement, que le dispositif prévu dans le présent projet de loi n’engage à rien.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur Houel, depuis le début de notre discussion, je n’ai jamais entendu, sur l’une quelconque des travées de cet hémicycle, les propos auxquels vous avez fait allusion. Personne n’a cédé à la caricature.
Je me suis exprimée dans la discussion générale au nom de mon groupe. Je reconnais avoir critiqué – je ne suis pas la seule – la position et l’hégémonie du MEDEF et de la CGPME. J’ai indiqué que les petites entreprises subissaient la loi des patrons du CAC 40, mais je n’ai en aucun cas fustigé les TPE, qui constituent un important gisement d’emplois.
D’un côté, vous vous opposez à la création des commissions paritaires et, de l’autre, vous reconnaissez que les petites entreprises souffrent d’un manque de soutien juridique, les patrons n’ayant pas le temps de suivre seuls l’évolution constante et rapide du droit. Très souvent, des patrons de TPE sont condamnés par les juridictions prud’homales parce qu’ils ignorent telle ou telle disposition.
M. Gérard Longuet. Nul n’est censé ignorer la loi !
Mme Annie David. Certes, monsieur Longuet, mais les commissions paritaires pourraient offrir une médiation et un soutien juridique aux patrons des TPE et à leurs salariés.
Pour ma part, je suis très attentive aux conditions de travail des salariés, qu’ils appartiennent à une TPE, à une PME ou à une grande entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié quater, tendant à supprimer l’article 5.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 222 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 47 |
Contre | 282 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.
Dans la discussion des articles, nous continuons l’examen des amendements déposés à l’article 6.
Par amendement no 30, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de maintenir la rédaction actuelle du chapitre IV du titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail, intitulé « Commissions paritaires locales ».
Nous sommes opposés à la volonté du Gouvernement de modifier cet intitulé, ainsi qu’à l’amendement déposé par M. le rapporteur, et adopté par la commission, qui vise à procéder à la même modification pour la section 1 de ce chapitre, en remplaçant, partout où il apparaît, le mot « local » par le mot « territorial ».
Cette substitution n’a pas en soi un effet juridique déterminant, car le mot « territorial » renvoie à la notion de territoire, qui est éminemment locale, sans contenir en lui-même de précision sur l’échelon géographique visé. En revanche, l’adjectif « territorial » est très flou et peut signifier tout et son contraire.
Sans doute espérez-vous limiter la portée de la création des commissions paritaires, restreindre leur rôle en leur affectant un champ de compétence sur une zone géographique assez vaste. Vous aurez compris que telle n’est pas notre position.
Vous voulez modifier le chapitre et la section existants, afin de les rendre compatibles avec votre vision étroite des compétences dévolues à ces nouvelles commissions.
Nous refusons cette logique, car nous considérons que ces commissions doivent pouvoir être créées au plus près des très petites entreprises, et en nombre suffisant pour pouvoir remplir leur rôle, déjà bien restreint par la loi. Il existe encore des bassins d’emplois à très forte concentration d’entreprises : dans ces zones, des commissions doivent être créées à un niveau « très local ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission, préférant l’expression « commissions paritaires territoriales », car elle est plus large et englobe mieux les différentes situations envisagées dans cette section du code du travail, émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
territoriales
par le mot
locales
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps, dans un souci de cohérence, les amendements nos 31 et 32.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 32, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
paritaires
insérer le mot :
locales
Veuillez poursuivre, madame David.
Mme Annie David. Ces deux amendements s’inscrivent dans la continuité de l’amendement no 30. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et la réponse, très brève, de M. le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Le code du travail prévoit que les commissions paritaires sont « locales ». Le Gouvernement et M. le rapporteur préfèrent la qualification de « territoriales », avec toutes les imprécisions que ce terme comporte. Ces amendements visent à revenir à la rédaction du code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement n° 31 est analogue à l’amendement n° 30, des mêmes auteurs, qui a reçu un avis défavorable. Je ne peux donc, par coordination, qu’y être défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 32, comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, la commission ne souhaite pas que des commissions paritaires puissent être créées au niveau local, d’une part pour éviter la prolifération de ces structures et, d’autre part, afin qu’elles ne soient pas tentées de s’immiscer dans la vie d’une entreprise en particulier. Nous préférons que les commissions paritaires soient instituées à un niveau supérieur, éventuellement celui d’une interprofession.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Jeannerot, Kerdraon, Daudigny et Teulade, Mmes Ghali, Campion, Printz, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Alquier et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Desessard, Godefroy, Le Menn, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 13 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L’amendement n° 33 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
peuvent être
par le mot :
sont
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l’amendement no 1.
Mme Gisèle Printz. Notre amendement tend à garantir dans la loi le principe de la création des futures commissions paritaires.
La législation actuelle prévoit qu’un accord collectif conclu entre une seule organisation patronale et un ou plusieurs syndicats de salariés ayant recueilli au moins 30 % des voix suffira pour constituer une commission. Les organisations non signataires de l’accord collectif pourraient donc ne pas être membres de cette commission. C’est tout un pan du dialogue social, appelé à se développer en raison des mutations de notre structure économique, qui se déroulerait alors en dehors de leur influence. Ce premier point revêt, vous le savez, une grande importance.
Par ailleurs, le projet de loi attribue une double mission aux commissions paritaires : « assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail » et apporter « une aide au dialogue social aux salariés et aux employeurs d’entreprises de moins de onze salariés ».
Il n’est écrit nulle part dans ce texte que des sections syndicales vont être créées dans les entreprises de moins de onze salariés, que les membres salariés des commissions paritaires vont entrer de force dans l’univers paisible des TPE pour y semer le trouble et la désolation. Personne n’y songe !
Comme l’a indiqué clairement M. Woerth afin de rassurer les députés de l’UMP, « on évite la représentation syndicale physique au sein de l’entreprise ». C’est ce que les élus de droite appellent un « texte équilibré » !
Mais que craint-on exactement ? Là où elles existent, en application de l’accord de 2001, les commissions paritaires régionales sont unanimement reconnues comme un facteur de progrès pour les salariés et de paix sociale pour les employeurs. Des expériences très appréciées sont menées en matière de prévoyance, d’octroi de chèques-vacances et de chèques-restaurant.
Les commissions paritaires sont donc un outil important de limitation des contentieux prud’homaux. À ce titre, elles doivent être développées, étendues, et non pas freinées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié.
M. Jean-Pierre Plancade. Le caractère facultatif des commissions paritaires constitue un point d’opposition majeur entre les radicaux et les membres du RDSE, d’une part, et le Gouvernement, d’autre part. Nous considérons, pour notre part, que les commissions paritaires doivent avoir un caractère obligatoire.
L’opposition patronale est telle – nous venons de nous en expliquer – que la création obligatoire de commissions paritaires donnerait plus d’ambition et de force au présent projet de loi. Je comprends certes les difficultés auxquelles vous pouvez vous heurter, monsieur le ministre, mais je considère qu’il faut parfois savoir surmonter les obstacles.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 33.
Mme Annie David. Nous voulons rendre les commissions paritaires obligatoires. C’est le principal grief que nous avons contre ce projet de loi, qui affirme leur caractère facultatif.
Cet amendement nous paraît fondamental, car la portée de la présente réforme est tout entière conditionnée par le caractère obligatoire ou facultatif de ces commissions.
Dans la rédaction actuelle du projet de loi, la mise en place de ces instances dépendra de l’aboutissement de négociations collectives, soit, concrètement, des accords que trouveront les partenaires sociaux. Or certaines organisations patronales, qui ne sont d’ailleurs pas, je le rappelle, les plus concernées par le texte, – à savoir le MEDEF et la CGPME – ont d’ores et déjà montré une hostilité totale à l’installation de ces commissions, contrairement à l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA ou encore à l’Union nationale des associations de professions libérales, l’UNAPL.
En d’autres termes, la rédaction actuelle du texte est une pure mascarade : un droit virtuel est annoncé, mais il ne trouvera jamais – ou très rarement – à s’appliquer.
La seule manière de faire vivre ces commissions paritaires est de les rendre obligatoires ! II y va du respect du principe constitutionnel contenu dans l’alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946, prévoyant que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
Ce droit ne peut pas, dans les TPE, être abandonné au bon vouloir des organisations représentant les employeurs, surtout lorsque celles-ci ne sont pas les principaux interlocuteurs des TPE. Il y aurait là un très fort risque de rupture d’égalité des salariés quant à l’exercice de leur droit syndical.
Selon une idée largement répandue chez nos collègues de la majorité, il n’est pas souhaitable d’imposer des dispositions par la voie législative. Il vaut mieux privilégier la négociation entre partenaires sociaux.
Dois-je vous rappeler, chers collègues de la majorité, que le droit du travail est destiné à régir les rapports entre deux parties que la loi, elle-même, a placées sur un pied d’inégalité : l’employeur et le salarié ? En effet, en vertu du principe de subordination juridique, l’employeur peut donner des directives au salarié. Le droit du travail vise donc souvent à protéger le faible des éventuelles tentations du fort.
C’est pourquoi, vous le savez, une règle qui vise à protéger le salarié ou qui est créée à son avantage ne doit pas être facultative, sous peine de rester lettre morte. Prétendre le contraire est au mieux naïf, au pire symptomatique de votre vision de la société.
Comme l’a très bien écrit Henri Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
Cette phrase est toujours d’actualité : entre l’employeur et le salarié, la loi doit impérativement régir certains points, faute de quoi la liberté opprimera toujours le plus faible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Voilà un propos empreint d’une grande érudition.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. J’avoue être quelque peu troublé par les propos fort sympathiques de notre collègue communiste.
M. Jean-Pierre Plancade. C’était beau !
M. Alain Gournac, rapporteur. Certes, et agréable à ce stade du débat !
Pour autant, la commission n’est pas favorable à ces trois amendements identiques, dont l’objet est de rendre les commissions paritaires obligatoires alors que nous sommes attachés à leur caractère facultatif. Nous faisons confiance aux partenaires sociaux ; nous espérons qu’ils seront à même de créer une commission paritaire lorsque le besoin s’en fera sentir.
Monsieur Plancade, dans deux ans, le Parlement sera amené à dresser un bilan du fonctionnement de ce dispositif, mais dans un premier temps, laissons faire les acteurs de terrain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je partage l’avis défavorable de la commission sur ces trois amendements identiques.
Je ne cherche pas à être désagréable par principe, mais j’estime que le dialogue social ne se décrète pas, qu’il est le fruit d’un accord entre les parties prenantes.
Les commissions paritaires territoriales étant légalisées, il sera désormais possible d’en créer à l’échelon départemental, régional, voire national. Si les parties ne parviennent pas à se parler, le dispositif ne pourra pas fonctionner. Si un accord se dessine entre employeurs et employés, une commission paritaire pourra être créée. Dans le cas contraire, il n’y aura pas de commission paritaire : un point c’est tout ! Le Gouvernement ne souhaite pas emprunter une voie médiane. Cette démarche correspond à l’état d’esprit qui est le nôtre en matière de construction du dialogue social.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 13 rectifié et 33.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
par accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1
par les mots :
par convention ou accord de branche étendu, notamment dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services,
II. - Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les branches professionnelles où existent plusieurs organisations représentatives des employeurs du secteur, la convention ou l'accord de branche étendu mentionné à l'alinéa précédent, pour être valide, doit être signé par au moins deux organisations représentatives des employeurs
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai simultanément les amendements nos 9 rectifié bis et 8 rectifié bis. Cela nous fera gagner un peu de temps.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault, et ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
par accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1
par les mots :
par convention ou accord de branche étendu, notamment dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.
Veillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Houel. La mise en place de commissions paritaires pour les très petites entreprises implique, compte tenu de leurs spécificités et de l’existence d’un dialogue naturel et direct dans ces entreprises, de prendre un certain nombre de précautions.
Parmi celles-ci, figure l’obligation de créer ces commissions dans un cadre professionnel, et non au niveau interbranches ou interprofessionnel territorial ou national, de façon que leur action puisse respecter les caractéristiques du secteur professionnel concerné.
En outre, la mise en place des commissions paritaires régionales à l’intention des TPE présente un caractère sensible. Dans les secteurs professionnels où il existe plusieurs organisations représentatives des employeurs, la création de ces commissions devra disposer d’une assise large, donc d’un aval émanant de plusieurs organisations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L’amendement no 9 rectifié bis tend à prévoir que les commissions paritaires ne puissent être créées que dans le cadre d’une branche professionnelle et à requérir, pour cette création, la signature de deux organisations patronales.
L’adoption de cet amendement aurait pour effet de rendre beaucoup plus difficile la création des commissions paritaires, ce que nous ne souhaitons pas.
M. Jean-Pierre Plancade. Ils sont constants !
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est exact !
Par ailleurs, pourquoi se priver de la possibilité de créer des commissions couvrant un champ interprofessionnel ? Il peut exister des problèmes communs aux TPE dont les commissions paritaires pourraient utilement se saisir.
Si cet amendement était adopté, il serait possible de conclure un accord sur les salaires ou sur le temps de travail avec une seule organisation patronale, mais il faudrait l’aval de deux organisations pour créer une commission paritaire. Cela ne nous paraît pas très cohérent.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 8 rectifié bis est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 9 rectifié bis, mais il ne nous convainc pas davantage ! Il serait dommage de se priver de la possibilité de créer des commissions communes à plusieurs branches. Une commission paritaire couvrant les différentes branches de l’artisanat pourrait, par exemple, se pencher utilement sur les problèmes communs aux TPE artisanales.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le rapporteur a utilisé les bons arguments. Si ces amendements étaient adoptés, il suffirait de l’approbation d’une seule organisation patronale pour signer certains accords extrêmement importants, mais il faudrait l’aval de deux organisations pour mettre en place une commission paritaire ayant une simple mission de suivi. J’ajoute que l’on créerait ainsi une nouvelle condition de validité des accords, qui pourrait à terme se retourner contre les organisations patronales elles-mêmes.
Les positions des organisations patronales n’étant pas convergentes sur ce sujet, il me semble préférable de nous en tenir à la situation actuelle.
En outre, l’extension d’un accord aurait pour conséquence d’imposer les dispositions dudit accord aux partenaires sociaux qui n’en sont pas signataires. Je ne pense pas que ce soit ce que vous souhaitez, monsieur Houel.
M. le président. Monsieur Houel, les amendements nos 9 rectifié bis et 8 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Michel Houel. Après avoir écouté avec une grande attention les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, je les retire.
M. le président. Les amendements nos 9 rectifié bis et 8 rectifié bis sont retirés.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les amendements que j’ai précédemment défendus sur l’article 6.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Ces commissions paritaires peuvent également se décliner au niveau local, départemental ou national, en vertu de l'accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de cohérence. Nous vous avions proposé de modifier l’alinéa 7 de l’article 6 pour rendre ces commissions paritaires obligatoires. Malheureusement, notre amendement n’a pas été adopté. Je maintiens néanmoins l’amendement n° 34 dans la mesure où, en dehors des commissions paritaires dont la création est obligatoire, d’autres commissions facultatives doivent également pouvoir se décliner au niveau local ou départemental, notamment dans les bassins d’emploi qui se caractérisent par une forte concentration d’entreprises. D’où la rédaction « ouverte » que nous proposons.
Sur ce point, nos visions sont diamétralement opposées, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. Vous voulez, pour votre part, restreindre le rôle de ces commissions au plus petit dénominateur commun. Nous, au contraire, nous voulons l’étendre au maximum. Notez cependant que seule notre position respecte l’objectif de renforcement de la représentativité dans les TPE, qu’il s’agisse de la représentativité syndicale ou de celle des salariés.
C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, nous sommes opposés à la suppression, dans l’alinéa 8, du mot « local » que vous avez fait adopter en commission. Cette suppression est, pour le coup, est bien plus grave que la suppression des alinéas précédents.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Jeannerot, Kerdraon, Daudigny et Teulade, Mmes Ghali, Campion, Printz, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Alquier et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Desessard, Godefroy, Le Menn, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 14 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 35 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Après les mots :
au niveau
insérer le mot :
local,
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 3.
Mme Patricia Schillinger. La suppression, dans le texte de la commission, de la possibilité de créer des commissions paritaires au niveau local reflète les craintes d’une partie du patronat, craintes que l’on a montées en épingle alors même que ce patronat-là n’est pas le plus directement concerné par lesdites commissions paritaires locales.
Cependant, du même coup, la rédaction du projet de loi devient étonnante : il serait possible de créer une commission paritaire au niveau du département de la Lozère, mais pas à ceux de la ville de Lyon, de l’agglomération de Rennes, du bassin d’emploi de Saint-Etienne ou de Romorantin.
Nous retrouvons ici la volonté d’éloigner les représentants éventuels des salariés des entreprises. Au demeurant, cela s’appliquerait aussi aux employeurs.
Nous estimons qu’il convient de laisser aux partenaires sociaux la possibilité de décider des niveaux de pertinence des commissions paritaires et demandons, en conséquence, le rétablissement du texte initial, voulu par les signataires de la lettre commune et repris par le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 35.
Mme Annie David. Dans la logique que nous avons soutenue, nous souhaitons que les commissions paritaires puissent être mises en place au niveau local.
La suppression, en commission, du mot « local » fait que ces commissions ne pourraient être créées qu’aux niveaux départemental ou national. Nous souhaitons donc faire réapparaître cet adjectif parce que cette suppression interdit que des commissions paritaires se créent à un niveau inférieur à celui du département. Or, dans certains départements, ces commissions doivent pouvoir être créées au plus près des entreprises.
Je crois devoir insister compte tenu du manque d’intérêt du rapporteur pour mon propos…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n’y a aucun manque d’intérêt de ma part, madame David, mais reconnaissez que nous avons déjà évoqué cette question. Je salue néanmoins votre persévérance, qui est à mes yeux une indiscutable qualité !
L’amendement n° 10 rectifié bis présenté par Michel Houel est un amendement de coordination avec les amendements nos 9 rectifié bis et 8 rectifié bis. Par cohérence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
Pour la même raison, je suis défavorable à l’amendement n° 34.
Je l’ai dit dans mon propos liminaire, la commission n’est pas favorable à la création de commissions au niveau local : d’abord, parce que nous ne voulons pas multiplier ces structures ; ensuite, parce que nous pensons qu’elles doivent couvrir un champ suffisamment étendu pour accomplir convenablement leurs missions. La commission est donc défavorable aux amendements identiques nos 3 et 35.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, en faisant siennes les raisons de cohérence qu’a invoquées le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 10 rectifié bis.
Mme Annie David. J’ai en effet présenté plusieurs amendements successifs pour exprimer notre volonté de réintégrer le mot « local » dans ce projet loi puisque, aujourd’hui, c’est le terme qui est employé dans le code du travail. Sans doute pouvons-nous donner l’impression d’être répétitifs, mais cela tient à ce que vous-même avez supprimé méthodiquement toutes les occurrences de ce mot dans le code du travail.
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est vrai !
Mme Annie David. Il nous semblait donc important de proposer, tout aussi méthodiquement, de le réintroduire, alinéa après alinéa, et de vous expliquer pourquoi nous sommes attachés à ces commissions locales. C’est aussi le sens du débat parlementaire : il faut pouvoir exprimer son point de vue en séance publique.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote.
M. Michel Houel. Puisque M. le rapporteur et M. le ministre en appellent tous deux à la logique, je m’y plierai en retirant cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 34.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 35.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Jeannerot, Kerdraon, Daudigny et Teulade, Mmes Ghali, Campion, Printz, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Alquier et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Desessard, Godefroy, Le Menn, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 36 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. L’alinéa 9 de l’article 6 a été ajouté sur l’initiative de notre rapporteur, dans une tentative de préservation des commissions paritaires qui se trouvent en butte à une violente hostilité. Cela l’amène à écrire des évidences, mais le fait même qu’elles soient écrites est lourd de sens.
Ainsi lit-on que « les commissions paritaires ne sont investies d’aucune mission de contrôle… » En effet, les commissions paritaires sont des instances de dialogue et non de contrôle ; elles ne sont pas une émanation de l’inspection du travail. Elles ont pour mission d’assurer le suivi de l’application des accords collectifs, ce qui implique une écoute, un dialogue, non un contrôle. Le texte est clair sur ce point : « apporter une aide en matière de dialogue social ».
La même observation vaut pour la crainte de voir des personnes extérieures à une entreprise y pénétrer sans l’accord de l’employeur : ce n’est certainement pas parmi les membres des commissions paritaires qu’on les trouvera ! Au contraire, la raison d’être des commissions paritaires est précisément de faire prévaloir le dialogue afin que l’on n’en arrive pas à des comportements extrémistes.
Il est dommage qu’une partie du patronat, pour des raisons corporatistes, ne mesure pas l’intérêt qu’il y a à favoriser une évolution des relations sociales dans les petites entreprises.
Cet alinéa doit, à notre sens, être supprimé parce qu’il traduit une méfiance à l’égard des salariés et de leurs représentants qui est en totale contradiction avec l’esprit de la lettre commune et du projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 36.
Mme Annie David. Nous demandons également la suppression de cet alinéa 9, qui, adopté en commission, vise à un complet « phagocytage » des commissions paritaires, qui tend à réduire leurs missions à leur plus simple expression et à s’assurer que leurs représentants élus ne pourront pratiquement jamais pénétrer dans les TPE, sauf avec l’accord de l’employeur.
Cette disposition est vraiment l’illustration du résultat obtenu grâce aux peurs agitées par le MEDEF et la CGPME ainsi qu’aux fortes pressions que ces organisations ont exercées sur les élus à propos de ce texte.
Pourtant, les missions de ces commissions sont déjà définies à l’alinéa 7 de l’article 6 et, surtout, elles avaient déjà été strictement encadrées et limitées de manière à être validées dans leur principe par l’ensemble des partenaires sociaux. Finalement, vous revenez sur ce qui avait été inscrit dans la lettre commune avec l’accord des partenaires sociaux.
Ces missions avaient déjà été limitées à un simple rôle de conseil et de médiateur social C’est cet équilibre et les missions résiduelles qui avaient été confiées aux commissions paritaires que cet alinéa 9 vient remettre en cause. À cet égard, j’adhère pleinement à ce que disait à l’instant Raymonde Le Texier : c’est faire preuve d’une grande méfiance envers les organisations syndicales que de vouloir à tout prix faire entrer dans un texte de loi un alinéa qui ne fait que confirmer ce qui était déjà précisé deux alinéas plus haut.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Mme David a parlé de « peurs » ; je parlerai de « réticences ». Il est vrai que les patrons des très petites entreprises étaient inquiets et voulaient connaître l’étendue réelle des pouvoirs des commissions paritaires. J’ai donc pris l’initiative d’introduire cet alinéa, suivi d’ailleurs en cela par la majorité de mes collègues de la commission des affaires sociales, afin de convaincre les responsables de petites entreprises que ce qu’ils avaient entendu n’était pas tout à fait le reflet de la vérité. Il serait donc dommage de revenir sur une disposition que les patrons de TPE ont perçue comme un signe d’apaisement.
Pour cette raison, je suis défavorable aux amendements identiques nos 4 et 36.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il est clair que les membres de ces commissions n’ont pas de pouvoir de contrôle dans l’entreprise, et c’est un point que nous assumons parfaitement. Ils ont un pouvoir de contrôle sur l’application des accords d’une manière générale, mais pas dans l’entreprise. Nous ne sommes donc pas favorables à ces amendements.
Leurs auteurs sont certes en cohérence avec leurs convictions, mais nous le sommes aussi : en fait, manifestement, nous ne parlons pas du même texte !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 36.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Houel, Gilles, J.C. Gaudin et Cambon, Mmes Bruguière et Mélot et M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elles ne disposent pas du pouvoir de négocier des conventions et accords collectifs.
L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Houel, Gilles, J.C. Gaudin et Cambon, Mmes Bruguière et Mélot et M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elles ne disposent pas du pouvoir de décider de prélèvements et cotisations supplémentaires à la charge des salariés et des entreprises.
La parole est à M. Michel Houel, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Houel. Toujours par cohérence, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 6 rectifié ter et 7 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l'article 6.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 223 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 178 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 90 |
Pour l’adoption | 130 |
Contre | 48 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l’article 6
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
D'ici décembre 2010, le Gouvernement doit engager des négociations avec les partenaires sociaux en vue d'aboutir à un accord national interprofessionnel sur la représentativité patronale.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à ce que s’engagent enfin des négociations entre partenaires sociaux sur la question de la représentativité patronale en France et, surtout, à ce qu’elles soient menées à leur terme.
En effet, comme la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, le présent projet de loi se contente d’organiser la mesure de l’audience des organisations syndicales représentatives des salariés. Or l’autre partie, à savoir les employeurs, dispose elle aussi d’une multitude d’organisations professionnelles qui ont été créées pour défendre ses intérêts et la représenter lors des négociations collectives. En France, ces organisations sont très puissantes et leurs pouvoirs, visibles ou cachés, ne sont plus à démontrer : il n’est que de lire un certain nombre des amendements qui ont été déposés sur ce texte.
Pourtant, aucune négociation sur la mesure de la représentativité des organisations patronales n’a jusqu’à présent été menée à son terme. La rénovation de la démocratie sociale s’arrête-t-elle à des réformes qui ne concernent que les salariés ? Ne devrait-elle pas passer aussi par la mesure de la représentativité des organisations patronales ?
D’ailleurs, dans ce même hémicycle, il y a presque deux ans, lors du débat sur ce qui est devenu la loi du 20 août 2008, nous discutions de la question de la définition, dans les meilleurs délais, des critères pour parvenir à mesurer la représentativité des organisations patronales. Deux amendements avaient été déposés en ce sens ; assez étrangement d’ailleurs, aucun d’eux ne provenait de mon groupe. Quoi qu'il en soit, je ne résiste pas à la tentation de vous citer les propos qu’avaient alors tenus deux de nos collègues, car ils restent d’une brûlante actualité.
L’un des amendements avait été déposé par M. Gournac, qui, déjà rapporteur à l’époque, déclarait : « Il ne faut pas que les organisations patronales puissent être considérées comme moins représentatives que les organisations syndicales, ce qui affaiblirait le dialogue social et augmenterait le risque de contentieux autour des accords signés. » Rien n’est plus exact !
Quant à Nicolas About, alors président de la commission des affaires sociales, il s’interrogeait : « N’y aurait-il pas un véritable déséquilibre, au sein de la démocratie sociale, si l’on excluait les syndicats patronaux de la démarche de clarification des conditions de leur légitimité demandée aux syndicats de salariés ? » Eh bien si ! Malheureusement, en matière de démocratie sociale, nous en sommes restés à une représentativité « hémiplégique »…
Cet enjeu apparaît d’autant plus crucial que, outre le lobbying auquel ce texte a donné lieu, c’est clairement le MEDEF et la CGPME qui imposent leur vision à l’Union professionnelle artisanale ou à l’Union nationale des associations de professions libérales. Cette situation n’est pas acceptable et il est temps que cela change !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Chère collègue Annie David, vous avez une bonne mémoire : je me souviens parfaitement d’avoir tenu les propos que vous avez cités !
Cela étant dit, la commission n’a pas eu l’occasion d’examiner votre amendement dans sa version rectifiée, mais, à titre personnel, j’estime que la représentativité patronale est un vrai sujet et que nous ne pourrons éviter de l’examiner à moyen terme. Pour autant, l’actuel climat de tension entre organisations patronales ne paraît guère propice, c’est le moins que l’on puisse dire, à un débat serein.
Par ailleurs, il n’appartient pas au Gouvernement d’être, comme vous le proposez, moteur dans cette négociation. Laissons le dialogue social aux partenaires sociaux ! Il appartiendra ensuite au pouvoir politique de prendre ses responsabilités.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. La question de la représentativité patronale n’a été abordée dans la lettre commune, ce pourquoi le projet de loi initial n’en faisait pas mention. Il ne me semble pas opportun, en effet, de l’évoquer dans le texte, et j’émets donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, je vous renvoie à l’article 8, relatif au report de deux ans des élections des conseils de prud’hommes, et que la commission a adopté ce matin sans le modifier : ses dispositions n’ont pas été non plus négociées par les organisations syndicales.
L’amendement que j’ai présenté s’inscrit dans la continuité de la loi de 2008. Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui a pour objet, si j’en crois son intitulé, de compléter les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. À l’époque, la question de la représentativité patronale avait été abordée. Je viens de le rappeler, deux amendements avaient même été défendus dans cet hémicycle. Ils n’ont finalement pas été adoptés, mais le vote s’était joué à une ou deux voix près, au point qu’il avait fallu procéder par assis et levé, la majorité étant très divisée à leur sujet.
Autrement dit, mon amendement a tout à fait sa place dans ce texte, contrairement à l’article 8.
Monsieur le ministre, si vous voulez véritablement mettre fin au climat délétère que l’on constate actuellement au regard de la démocratie sociale et donner du sens au dialogue social, si vous voulez que les représentants des salariés abordent avec confiance les négociations dans lesquelles vous les appelez à s’engager, il faudra bien adopter un texte sur la représentativité des organisations patronales.
On ne peut pas continuer à tout imposer aux salariés, sans jamais rien exiger des entreprises. Je sais bien que le CAC 40 fait aujourd'hui la pluie et le beau temps, mais il n’empêche que ces entreprises délocalisent à tour de bras et signent des accords comme elles l’entendent ! Or rien, dans notre législation, ne permet de mesurer la véritable représentativité des organisations patronales dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Gisèle Printz. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
(Non modifié)
Dans les deux ans suivant la tenue de l’élection prévue aux articles L. 2122-10-1 et suivants du code du travail, le Gouvernement présente au Parlement un rapport établissant un bilan des accords prévus à l’article L. 2234-4 du même code et des résultats de la négociation interprofessionnelle sur la représentation du personnel. Ce rapport peut proposer des adaptations législatives éventuelles découlant de ce bilan.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ma question est simple : ce bilan qui doit être dressé deux ans après l’élection ouvre-t-il la voie à une autre étape ? C’est en tout cas ce que redoutent tous les chefs des TPE. Vous avez dit que cette disposition n’engageait pas l’avenir, mais tous imaginent le contraire : donnez-nous des assurances à cet égard !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Mon cher collègue, la commission ne partage pas les inquiétudes que vous avez exprimées. Il paraît au contraire plutôt sain de dresser un bilan de la mise en place des commissions paritaires, à la lumière des résultats de la négociation en cours sur la réforme des institutions représentatives du personnel. Il appartiendra bien sûr au législateur, au vu de ce bilan, de décider ou non d’éventuelles adaptations.
C’est, me semble-t-il, une bonne chose de regarder comment les choses se sont passées, dans quels domaines des blocages sont apparus, afin que nous puissions proposer des adaptations. Le législateur est là pour cela !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Dominati, le Gouvernement est également défavorable à votre amendement. Vous estimez qu’il ne doit pas y avoir de rapport ou que, s’il y en a un, il ne puisse pas provoquer une évolution législative dans un sens que vous ne souhaiteriez pas.
Lorsqu’une loi change les choses, et c’est le cas pour ce texte comme pour la loi de 2008, il faut en tirer les conséquences. Le rapport portera non seulement sur les commissions paritaires, mais surtout sur la représentativité. Il permettra au Parlement d’être éclairé, de savoir comment l’élection s’est passée. Le législateur ne sera pas « bloqué ». Le Gouvernement n’a pas d’évolution en tête : ce sujet est autonome, il doit avoir sa vie propre.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je n’ai pas obtenu les assurances que j’escomptais.
On ne prévoit pas un rapport pour chaque loi qui est adoptée, tout de même ! À moins que ce ne soit une nouvelle pratique… Y aurait-il une intention sous-jacente ?
En tout cas, je prends note, et je retire mon amendement.
M. Alain Gournac, rapporteur. Merci.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié est retiré.
L'amendement n° 38, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
À l'issue de cette période, toutes les entreprises de moins de onze salariés visées par la présente section, devront avoir instauré une commission paritaire. Dans le cas contraire, le Gouvernement procédera par voie réglementaire à leur mise en place.
Un décret précise les modalités d'application de cette disposition.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement va tout à fait à l'opposé de celui de M. Dominati, qui vise à supprimer la clause de revoyure. Pour notre part, nous souhaitons que non seulement ce bilan soit maintenu, mais que le caractère facultatif des adaptations qu’il pourrait présenter soit supprimé. Dans cette optique, nous précisons le contenu des mesures qui devront être adoptées si, dans deux ans, on s’aperçoit que la loi n’a pas été respectée.
Notre idée n’est pas que l’État se substitue aux partenaires sociaux, mais que, si les négociations n’aboutissent pas, il rende la création des commissions paritaires obligatoire.
Cela étant, je ne vais pas développer à nouveau mon argumentation. Tout le monde a en effet bien compris que deux positions tranchées s’opposent de part et d’autre de l’hémicycle et que, au milieu, M. le rapporteur défend la position médiane.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma chère collègue, je tiens à vous féliciter. Quand vous avez un cap, vous vous y tenez !
Mme Annie David. Vous aussi, monsieur le rapporteur !
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est une qualité !
Au demeurant, comme je vous l’ai dit à de multiples reprises au cours de ce débat, nous ne voulons pas rendre obligatoire la mise en place des commissions paritaires.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
La date du renouvellement général des conseils de prud’hommes est fixée par décret et, au plus tard, au 31 décembre 2015. Le mandat des conseillers prud’hommes est prorogé jusqu’à cette date.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’article 8, qui vise à reporter de deux ans les élections aux conseils de prud’hommes, est évidemment un cavalier. Quoique …
La lecture du rapport Richard nous apprend que la désignation des conseillers prud’homaux sur le fondement de la loi de 2008 ne serait ni pertinente ni opportune. Il existe deux raisons à cela : la représentativité des salariés dans les TPE doit être finalisée, ce qui est l’objet du présent texte, et il n’existe pas de mesure de la représentativité des organisations patronales.
En conclusion, il faut trouver un système pour contourner cet obstacle. C’est l’une des raisons de la proposition de suffrage indirect faite par le rapport. Il faut aussi se laisser le temps d’une concertation avec l’ensemble des organisations.
Au-delà de ces raisons, c’est toute la prud’homie qui est visée par les projets du Gouvernement. Ainsi, 62 conseils sur 271 ont d’ores et déjà été supprimés, soit 25 % de la capacité de jugement. En outre, le temps d’étude des dossiers par les conseillers a été plafonné et l’indemnité restreinte en conséquence par décret.
Le Gouvernement a aussi engagé des évolutions de procédure lourdes de conséquences.
Je pense au développement du règlement amiable des litiges avec l’application de la procédure participative, déjà adoptée par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi traitant des auxiliaires de justice. Il s’agit de permettre aux parties de convenir de rechercher une solution amiable dans un délai déterminé avant de saisir le juge. Le problème est que cette procédure appliquée en matière prud’homale se substituerait à l’audience de conciliation, qui permet aux conseils de prud’hommes d’entendre les parties et d’intervenir activement, y compris pour l’instruction du dossier.
Le deuxième projet annonce un encadrement de la procédure, qui donnerait une plus grande place à l’écrit. Là aussi, la spécificité des juridictions sociales est largement ignorée. La procédure orale aux prud’hommes est importante pour une présentation humaine des faits.
Avec ces deux projets, on aboutit à une même conséquence : les plus fragiles, les moins argentés seront éloignés de l’accès au juge, parce qu’ils ne pourront s’exprimer et qu’ils devront prendre un avocat. On a déjà constaté que l’obligation de prendre un avocat spécialisé en cas de pourvoi en cassation dans une affaire prud’homale a entraîné une baisse consécutive de 30 % du nombre de pourvois dès l’année suivante.
Restreindre l’accès à la justice pour les plus faibles en supprimant des juridictions, entraver l’action des conseillers en plafonnant le temps indemnisé d’étude des dossiers sont des moyens détournés, mais efficaces, de réaliser des économies.
Un autre élément important doit être pris en compte : 80 % des jugements aux prud’hommes sont favorables aux salariés. Cela reflète malheureusement l’application du droit dans les entreprises, notamment les petites, où les employeurs n’ont souvent qu’une idée imprécise des droits des salariés.
Derrière les arguments de rationalisation et d’économies, l’application de ces réformes générales au droit du travail n’est pas innocente. Contrairement au droit des obligations, qui est fondé sur l’égalité des contractants, le droit du travail trouve sa spécificité dans la prise en compte de l’inégalité constitutive du rapport entre les employeurs et les salariés.
Restreindre l’accès aux prud’hommes et banaliser la procédure, c’est surtout obtenir moins de jugements rétablissant les salariés dans leurs droits. Ce n’est pas un hasard si tout cela se prépare sans concertation avec les syndicats de salariés.
Soyez assurés que nous serons très vigilants sur ce dossier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. P. Dominati et Dassault.
L'amendement n° 39 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
M. Philippe Dominati. Je voudrais comprendre, car le délai de prorogation de deux ans ne me paraît pas, à moi non plus, justifié.
On a, semble-t-il, peur du manque de représentativité des conseillers prud’homaux qui seraient élus en 2013.
À moins qu’il n’y ait une autre raison. Le coût des élections prud’homales étant excessivement élevé et le taux de participation étant inférieur à 20 %, on profiterait de ce texte pour abandonner purement et simplement l’actuel mode de scrutin. Pour autant, nous ne disposons d’aucune information sur le nouveau mode de scrutin envisagé. Peut-être s’agira-t-il du vote par voie électronique ?
En ce cas, pourquoi ne le précise-t-on pas ? Pourquoi retarder une décision que l’on pourrait prendre immédiatement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 39.
Mme Annie David. Pour le coup, je suis perplexe, car notre amendement est identique à celui de M. Dominati… (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Quel tandem !
Mme Annie David. Cependant, je ne me range pas à ses arguments, qui ne font que m’inquiéter davantage.
M. Dominati laisse entendre que le report de deux ans permettra de mieux prendre connaissance du rapport Richard. Or, pendant ce délai de réflexion, les élections prud’homales pourraient disparaître.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mais non !
Mme Annie David. Le rapport Richard envisage trois possibilités : une élection au second tour, la nomination par les organisations syndicales de leurs représentants aux prud’hommes et, celle qui me conviendrait le mieux, la modification du mode d’élection. En effet, dans ce dernier cas, les salariés participeraient toujours au vote, ce qui serait quand même normal. Je le rappelle, dans le cadre du collège des salariés, il s’agit d’élire des juges chargés de défendre les salariés.
Je le répète, ce report de deux ans nous inquiète. Nous avons peur du résultat de la réflexion qui est en cours. C’est pourquoi je rejoins volontiers Annie Jarraud-Vergnolle, qui souhaite éviter un tel report.
Si, une fois que le présent texte et la loi de 2008 seront pleinement entrés en application, la représentativité syndicale a complètement changé, il sera toujours temps de remettre les choses en ordre aux élections prud’homales suivantes. En attendant, ne mettons pas la charrue devant les bœufs, laissons se tenir ces élections prud’homales et réfléchissons à une éventuelle réorganisation, mais pas dans ces conditions.
En conséquence, nous demandons le maintien des élections prud’homales à la date initialement prévue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je répondrai d’abord à nos collègues socialistes.
Oui, il y a embouteillage. En effet, 70 % des dossiers qui arrivent devant les prud’hommes sont dus à une mauvaise compréhension au sein des TPE. Il convient donc d’engager une réflexion si l’on veut éviter que tous ces dossiers convergent vers les prud’hommes et fassent du dégât, d’un côté comme de l’autre d’ailleurs.
J’en viens à l’amendement n° 21 rectifié.
La commission est favorable au report des élections prud’homales, pour deux raisons.
La première est que les élections prud’homales devraient normalement se tenir en décembre 2013. Or tout le monde sait que de nombreux scrutins seront organisés au premier semestre de 2014 – élections territoriales, municipales, européennes – et qu’un trop grand nombre de scrutins risque de démobiliser l’électorat.
La deuxième raison est que le Gouvernement a engagé une réflexion sur la réforme des élections prud’homales sur la base du rapport remis par le conseiller d’État Jacky Richard.
En ce qui me concerne, j’y suis tout à fait favorable. Moi qui suis maire, je sais l’organisation qu’une telle élection implique. Certes, c’est la démocratie, et je suis pour, mais mobiliser toute la journée du personnel de la mairie et des élus pour attendre quelques votants – je me souviens d’un matin où il y a eu neuf votants –, ce n’est pas satisfaisant. Nous devons réfléchir et nous demander si nous pouvons continuer à organiser ces consultations de cette manière.
Il faudra du temps pour rendre des arbitrages, peser le pour et le contre, puis mettre en œuvre la réforme qui aura été décidée.
J’ajoute, parce que cela n’a pas été dit, que le 31 décembre 2015 est une date butoir. Si une solution peut être trouvée avant, les élections prud’homales seront organisées plus tôt.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 21 rectifié ainsi que sur l’amendement identique n° 39, pour des raisons différentes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je voudrais revenir sur plusieurs points concernant les élections prud’homales, afin d’éviter toute ambiguïté.
Tout d’abord, nous sommes évidemment favorables au maintien de la justice prud’homale.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !
M. Éric Woerth, ministre. La question ne se pose donc pas.
Ensuite, tout ce qui concerne l’organisation, les indemnités ou la carte judiciaire fait partie de la réforme. Cependant, le cadre de cette réforme est loin d’être constitué. Le jour où il le sera, une concertation aura lieu avec le Conseil supérieur de la prud’homie. Rien n’est donc encore lancé et tout cela prendra un peu de temps. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au rapport Richard.
En outre, la réforme du mode de désignation des conseillers prud’homaux a un seul objectif : augmenter le nombre de votants. Personne ne peut se satisfaire, que ce soit dans votre mairie, monsieur le rapporteur, dans la mienne ou dans n’importe quelle autre, d’une si faible participation.
Il faut admettre qu’il y a un problème, d’autant que, à l’occasion des dernières élections prud’homales, l’État avait fait un effort de communication pour diminuer le taux d’abstention. Or, même en essayant de mettre les salariés devant leurs responsabilités, l’abstention a encore progressé.
Dernier point : si nous maintenons la date des élections prud’homales en 2013, il y aura collision entre deux élections faisant appel au corps électoral des salariés.
L’élection qui sera issue de la loi de 2008 et de la présente loi aura un impact certain car elle reposera sur une représentativité très large. Dès lors, les salariés participeront au vote, j’en suis persuadé.
Mme Annie David. Je ne suis pas d’accord !
M. Éric Woerth, ministre. Il serait tout de même paradoxal de ne pas tenir compte de cette nouvelle représentativité pour les élections qui vont avoir lieu. Les systèmes de représentativité pourraient quasiment se trouver en décalage, une organisation syndicale ayant un poids différent aux conseils de prud’hommes et dans le dispositif découlant de la loi de 2008 complétée par le présent texte. Évidemment, il ne faut pas en arriver là.
Il convient d’abord de promulguer ce projet de loi qui traite de la représentativité. Ensuite, il faudra se donner le temps de poursuivre la réflexion et la concertation approfondie sur les élections prud’homales et leur organisation, une date butoir ayant été fixée au 31 décembre 2015. Cette solution me semble à la fois sage et efficace. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous nous dites que la loi de 2008, complétée par ce projet de loi, s’appliquera en 2013. Pour ma part, il me semble que la loi de 2008 est déjà en application. Plusieurs élections dans de grandes entreprises se sont déjà déroulées selon les modalités de la loi de 2008, puisque le Haut Conseil du dialogue social, installé en 2009, est d’ores et déjà destinataire de procès-verbaux d’élections. Les élections telles qu’elles ont été définies en 2008 n’ont pas été bloquées en attendant 2013. Elles ont eu lieu aux dates prévues dans les entreprises. Les nouvelles règles de représentativité sont donc en train de se mettre en œuvre.
Les choses se mettent en place progressivement et, en 2013, l’ensemble des entreprises de plus de onze salariés auront mis en œuvre le texte. Dès lors, je ne comprends pas en quoi il y aurait « collision » entre les deux élections. Il me semble au contraire qu’en 2013 les élections constitueront l’aboutissement de la loi de 2008.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. La loi de 2008 est en cours d’application dans les entreprises, mais le résultat national, celui qui permettra de mesurer la représentativité dans les branches et au niveau interprofessionnel sera collecté en 2013. Ce qui compte dans une élection, ce n’est pas le fait de déposer un bulletin dans l’urne, c’est le résultat. Le risque de collision dont je parle concerne les résultats qui seront connus en 2013.
Nous sommes bien obligés de tenir compte d’un fait nouveau, à savoir l’arrivée dans le droit social d’une nouvelle manière de mesurer la représentativité. C’est extrêmement important, je pense que nous pouvons nous accorder sur ce point.
Si nous n’en tenions pas compte, cela signifierait que le nouveau mode de représentativité ne change rien, n’a aucun impact. Ce n’est évidemment pas le cas.
Mme Annie David. Je n’ai pas dit qu’il n’avait pas d’impact !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement essaie de prendre en considération les conséquences de cette nouvelle représentation du corps social.
M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 21 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Première phrase
Remplacer l'année :
2015
par l'année :
2014
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement de repli visait à limiter à une année la durée de prolongation du mandat actuel des conseillers prud’homaux.
Au vu des explications qui nous ont été données, je connais le sort qui lui sera réservé : je le retire.
M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 20 août 2008 a profondément réformé les critères de la représentativité syndicale dans les entreprises, remplaçant le système traditionnel, qui reposait sur une présomption de représentativité, par un nouveau système plus démocratique et plus performant, prévoyant la mesure de l’audience syndicale dans les entreprises.
Étant donné la réussite de cette première réforme, il paraissait évident de poursuivre l’expérience dans les très petites entreprises, les TPE, jusqu’alors exclues du processus de démocratisation sociale. N’oublions pas que ces TPE représentent plus de 4 millions de salariés. Leur intégration dans le processus de représentativité des organisations syndicales était d’ailleurs prévue par la loi que nous avons votée en 2008.
Le projet de loi est organisé autour de trois axes principaux : il organise la mesure de l’audience syndicale dans les TPE par correspondance et par voie électronique ; il apporte une aide au dialogue social par la création de commissions paritaires ; enfin, il reporte la date des prochaines élections prud’homales.
Reposant largement sur le dialogue social et ne représentant qu’une contrainte minime pour les TPE, ce projet de loi réalise un compromis tout à fait satisfaisant entre les attentes des partenaires sociaux et celles des organisations patronales.
Au cours du travail réalisé en commission, sous la direction de son rapporteur, notre excellent collègue Alain Gournac, le projet de loi s’est enrichi de plusieurs dispositions venant encadrer le scrutin mesurant l’audience des syndicats et préciser le fonctionnement des commissions paritaires.
Concernant les commissions paritaires, principal point de litige entre patronat et syndicats, la commission a adopté deux amendements forts pertinents. D’une part, la création de ces commissions ne pourra être envisagée au niveau local ; d’autre part, ces commissions ne pourront ni être investies de missions de contrôle ni pénétrer dans les locaux d’une entreprise sans l’accord du chef d’entreprise, ce qui me paraît tout à fait normal.
Notre assemblée a ainsi pris en considération la demande des petits entrepreneurs qui nous ont fait part de leurs craintes ces dernières semaines.
En conséquence, ce projet de loi représente un véritable progrès pour la démocratie sociale, parachevant la réforme de 2008 et respectant les liens existants entre patrons et salariés des TPE.
Le groupe UMP lui apportera donc tout son soutien. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous l’avez compris au travers de nos interventions et de nos amendements, ce texte ne soulève pas notre enthousiasme.
Plusieurs dispositions ne sont pas de nature à favoriser l’émergence d’un vrai dialogue social, que ce soit le vote sur sigles ou le caractère facultatif des commissions paritaires. En commission, notre rapporteur a voulu essayer de concilier des positions non pas différentes, divergentes ou adverses, mais férocement ennemies.
Les amendements qui ont été intégrés à l’article 6 ne clarifient pas non plus les choses. Pour le dire simplement, ces amendements font que le texte penche désormais dangereusement du côté où il risque de tomber… Nous savons déjà par la presse que le groupe UMP à l’Assemblée nationale, par la voix de MM. Copé et Bertrand, a décidé, contre le Gouvernement représenté par M. Woerth, de supprimer les commissions paritaires. Nous avons déjà dit ce qu’il faut penser de ce procédé.
Après une première étape difficile au Sénat, le MEDEF s’est retourné vers l’Assemblée nationale pour parachever le travail de sape et traiter ainsi le Sénat comme quantité négligeable.
Nous voici donc amenés à nous prononcer sur un texte qui pourrait bien être moribond, et ce parce que la représentativité des organisations patronales qui prétendent parler au nom de tous les patrons n’est plus indiscutable. Elle est même chaque jour de plus en plus discutée, au point que le débat sur l’ensemble de ce projet de loi en a été pollué.
Pour l’heure, nous devons revenir au texte, nous situer au niveau des principes et ne pas méconnaître les réalités de terrain. Aujourd’hui, les petites entreprises sont de plus en plus nombreuses. Ce sont elles qui créent des activités nouvelles et des emplois, même si elles sont trop souvent écrasées en tant que sous-traitantes.
Même si le texte qui nous a été présenté était largement perfectible, il n’en constitue pas moins un premier pas vers le développement d’un vrai dialogue dans toutes les entreprises. C’est ce que tous ceux qui sont directement concernés, sur le terrain, nous ont dit.
Le groupe socialiste entend montrer de manière indiscutable qu’il s’engage auprès des partenaires sociaux de bonne volonté en faveur du dialogue social et de la négociation collective. Nous accomplissons donc un geste d’ouverture vers l’avenir en décidant de nous abstenir sur ce texte dans sa rédaction actuelle. Nous refusons en effet de joindre nos voix à ceux pour qui rien, lorsqu’il s’agit de syndicats et de droits des salariés, c’est encore trop ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, permettez-moi tout d’abord de remercier M. le rapporteur…
M. Alain Vasselle. Il le mérite !
M. Jean-Pierre Plancade. … même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout. Il connaît le texte par cœur et il a travaillé avec beaucoup de passion ; or j’apprécie les gens passionnés.
Permettez-moi également de remercier M. le ministre, qui a pris soin de répondre à tous les intervenants, qu’il soit ou non d’accord avec eux.
Permettez-moi enfin de remercier l’ensemble des intervenants, même si certains d’entre eux ont parfois paru un peu excessifs, et ce pas forcément dans le camp habituel ! Je pense à un tandem en particulier… (Sourires.)
Les sénateurs du RDSE, plus précisément les radicaux de gauche, étaient prêts à voter ce texte, qui constitue la première pierre d’un édifice, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire. Toutefois, nous regrettons vivement que les commissions paritaires territoriales n’aient qu’un caractère facultatif alors qu’il était possible, selon nous, de les rendre obligatoires.
Pour cette raison, le groupe du RDSE s’abstiendra.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le groupe CRC-SPG s’abstiendra lui aussi sur ce texte, comme il s’est abstenu tout au long de l’examen des articles.
Certes, nous estimons également que ce texte constitue une avancée, mais nous regrettons de ne pas être parvenus à l’améliorer de façon à favoriser, comme nous le souhaitions, le dialogue social.
Si nous ne sommes pas satisfaits du dispositif de mesure de l’audience syndicale, qui se fera sur sigles, il n’en demeure pas moins que, dès que ce texte sera mis en œuvre, les salariés des très petites entreprises pourront voter lors des élections destinées à mesurer l’audience syndicale dans leur entreprise.
Je ne m’attarderai pas sur les commissions paritaires. Nous regrettons leur caractère facultatif, ainsi que l’encadrement très strict de leurs missions. Pour autant, il est vrai que leur inscription dans le code du travail constitue la première pierre d’un édifice. Ces commissions verront tout de même le jour, je fais confiance sur ce point à l’ensemble des partenaires sociaux.
Le seul article contrariant à nos yeux, c’est l’article 8, qui prévoit le report des élections prud’homales. J’espère sincèrement, monsieur le ministre, que, à l’issue de la réflexion que vous mènerez sur ce sujet, vous ne déciderez pas de supprimer cette élection, car, pour de nombreux salariés, elle constitue l’unique occasion d’élire les représentants qui les défendront.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
11
Dépôt d’une question orale européenne avec débat
M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi de la question orale européenne avec débat suivante :
M. Pierre Fauchon demande à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes d’exposer au Sénat le sentiment du Gouvernement sur la politique d’élargissement de l’Union européenne. Quels sont les progrès vers l’adhésion et les difficultés restant à résoudre pour chacun des trois pays actuellement candidats ? Quelles sont les perspectives d’ouverture de négociations avec l’Islande ? Quels sont les objectifs à l’égard des pays des Balkans occidentaux ? Enfin, quels doivent être les rapports entre l’élargissement et la politique de voisinage qui, au sein de la Commission européenne, sont rassemblés en un même portefeuille ?
Conformément aux articles 79, 80 et 83 bis du Règlement, cette question orale européenne avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 juin 2010, à quatorze heures trente et le soir :
- Projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services (n° 427, 2009-2010).
Rapport de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 507, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 508, 2009-2010).
Avis de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n° 494, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART