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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Discussion générale (suite)

Mise en œuvre du Grenelle de l'environnement

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Christian Demuynck.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Article additionnel avant l'article 1er

M. Christian Demuynck. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s’était engagé à faire de la question environnementale un enjeu national. Personne ne peut aujourd’hui contester qu’il y soit parvenu.

Le Grenelle, c’est un dialogue inédit entre les différentes parties : l’État, les collectivités territoriales, les professionnels, les organisations syndicales, les associations et les organisations non gouvernementales.

Le Grenelle, c’est surtout la preuve que, plus que des mots, une volonté politique permet de lutter contre le réchauffement climatique et le péril écologique.

Le vote quasi unanime de l’Assemblée nationale montre que le diagnostic climatique et les solutions avancées pour protéger notre planète transcendent les appartenances politiques.

Monsieur le ministre d’Etat, les collectivités locales occuperont une place essentielle dans les futurs dispositifs, notamment en matière d’urbanisme. Je vous invite donc, durant ce débat, à prendre en compte notre expérience de terrain et à écouter nos témoignages. En effet, en tant qu’élus locaux, quelle que soit notre couleur politique, nous menons tous des expériences dans nos villes. Nos collectivités sont également susceptibles de constituer de véritables laboratoires pour compléter ce projet de loi.

Élu de Seine-Saint-Denis, je constate chaque jour le retard de notre région capitale par rapport aux autres métropoles européennes. Je m’inquiète en particulier du mauvais état du parc immobilier francilien, qui est le plus énergivore de France. Sa rénovation est le grand défi des prochaines années.

En construisant dans ma commune une crèche HQE, ou haute qualité environnementale, je me suis aperçu qu’il était très difficile de trouver des prestataires disposant d’une expérience en la matière. Aussi, je pense que les métiers du bâtiment doivent engager une large mutation pour s’adapter aux problématiques de protection environnementale. Pour ce faire, il nous faut aujourd’hui insister dans le projet de loi sur la formation de ces professionnels.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Exact !

M. Christian Demuynck. Je voudrais maintenant dire un mot sur les OGM, les organismes génétiquement modifiés, car nous ne pouvons parler d’environnement sans évoquer ce sujet. En l’occurrence, deux choses me dérangent, mais je précise que je ne suis ni pro ni anti-OGM. Je cherche simplement à m’informer sur l’évolution du dossier.

Tout d’abord, je pense au retard pris dans l’application de la loi votée en juillet dernier.

Le Haut conseil des biotechnologies n’est toujours pas en place. La France ne sera donc pas en mesure d’expérimenter des OGM au cours de l’année 2009. Notre pays s’exclut ainsi volontairement de la compétition mondiale. C’est déjà visible : de grands groupes comme Bayer ont délocalisé leur recherche !

Ce retard signifie également que nous ne sommes pas en mesure d’offrir aujourd’hui à nos concitoyens la vérité sur ces OGM. Je pense que c’est là la pire des choses. À l’instar de M. Fortassin, j’aimerais que nous disposions à cet égard d’une information objective, sans être influencé par les lobbies pro ou anti-OGM. Seuls les scientifiques pourraient le faire. Il est donc urgent de leur donner la parole à travers ce Haut conseil.

Ensuite, voilà maintenant un an, la France, sur la base de nombreux doutes, décidait d’activer la clause de sauvegarde concernant le maïs MON 810. Cette clause faisait partie d’un subtil équilibre trouvé avec les organisations écologistes.

La Commission européenne, s’appuyant sur les avis convergents de plusieurs autorités scientifiques, dont l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a estimé qu’aucun fait scientifique nouveau ne justifiait cette clause. Il apparaît donc clairement que l’examen prochain qui en sera fait devrait conduire la Commission à en demander la levée.

Par ailleurs, il est étrange que l’avis demandé pour octobre dernier par la direction de la santé à l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, sur le rapport Le Maho, qui a été fourni par la France en appui de sa demande, n’ait toujours pas été rendu public. Pour faire référence à un célèbre film, serait-ce Une vérité qui dérange ?

Je rappelle que l’EFSA a rendu public, le 29 octobre 2008, un texte démontant l’ensemble des arguments présentés dans ce rapport. C’est pourquoi je souhaite savoir, monsieur le ministre, si vous entendez lever cette clause de sauvegarde. Nos concitoyens, tout comme les entreprises du secteur, attendent des réponses claires en la matière.

Pour conclure cette brève intervention, j’aimerais dire que je regrette que le projet de loi soit très discret en ce qui concerne la conservation et l’utilisation des ressources génétiques en lien avec la biodiversité cultivée. Les sélectionneurs privés, qui, avec la recherche publique, sont à l’origine des collections nationales actuelles, souhaitent depuis longtemps un plus grand investissement de la France pour créer et pour caractériser des collections supplémentaires dans de grandes espèces, pour définir le statut juridique des ressources génétiques « françaises » et pour donner à la France les moyens d’être plus présente dans la mise en œuvre des traités internationaux qu’elle a ratifiés.

En outre, la place donnée dans le projet de loi à la biodiversité cultivée me semble insuffisante face aux enjeux d’une agriculture dont le caractère durable ne doit pas conduire à échouer dans sa vocation première, qui est de nous nourrir.

Ces réserves et remarques faites, monsieur le ministre, sachez que je soutiens votre projet de loi, qui marque cette prise de conscience du fait que l’existence du monde tel que nous le connaissons est comptée et que nous devons agir. Jamais une politique de l’environnement n’avait été aussi ambitieuse. Toutefois, le plus dur reste à faire : convertir les promesses en réalité ! Les générations futures nous jugeront uniquement sur nos résultats. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Demuynck, d’avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole. J’espère que les orateurs suivants feront preuve de la même rigueur.

La parole est à M. Alain Vasselle, pour cinq minutes.

M. Alain Vasselle. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes propos seront relativement lapidaires. Cinq minutes, c’est long pour ceux qui écoutent, mais court pour celui qui s’exprime ! (Sourires.)

Je salue les objectifs louables de votre texte, monsieur le ministre d’État. Le Grenelle I, que nous examinons aujourd’hui, comporte plutôt des déclarations d’intention, même si certaines mesures sont un peu plus concrètes. Nous attendons donc avec impatience le Grenelle II.

Cela étant, j’aimerais connaître le résultat des études d’impact que vous avez menées dans le cadre de ce texte. S’il est bien de mettre en place des normes nouvelles qui s’imposeront à nos concitoyens, aux entreprises, aux collectivités, encore faut-il en mesurer l’impact économique et financier.

Ce n’est pas à vous qui avez été maire de Valenciennes pendant plusieurs années ni à ceux d’entre nous qui exercent une fonction locale que je vais apprendre que les élus croulent sous le poids des normes. Même si celles-ci sont justifiées, leur nombre n’est pas de nature à faciliter leur tâche. Il faut donc trouver la juste mesure dans ce dispositif. Je compte sur votre expérience d’élu local pour savoir à la fois sauvegarder notre environnement, penser aux générations futures – nos concitoyens doivent pouvoir bénéficier des conditions de vie les plus agréables possible – et préserver l’avenir de nos entreprises.

Je veux maintenant dire un mot du volet agriculture, ce qui ne vous étonnera pas.

Ce secteur est assez souvent montré du doigt. On considère que les agriculteurs n’ont pas toujours une attitude responsable, qu’ils polluent l’air et les sols, qu’ils utilisent des produits phytosanitaires d’une manière inconsidérée, qu’ils pratiquent une production intensive. Tous ces arguments ne sont pas nécessairement sans fondement. Nous devons donc remédier à cette situation.

Nous devons d’autant plus y remédier que les médecins se demandent si un certain nombre de cancers constatés chez les agriculteurs – je le vois dans mon département – ne seraient pas dus à l’utilisation de certains produits. Il faut savoir que les effets de ces derniers ne sont pas immédiats et qu’ils peuvent se produire après trente ou quarante ans d’activité, c’est-à-dire au moment où arrive l’âge de la retraite.

Se préoccuper des agriculteurs afin qu’ils puissent travailler dans des conditions plus sûres sur le plan sanitaire est tout à fait louable et va dans le bon sens. Cependant, il faut arriver à concilier, d’une part, la protection de la santé de celles et ceux qui utilisent ces produits et, d’autre part, l’assurance de percevoir un revenu digne de notre époque et de notre pays, lesdits produits étant malgré tout nécessaires pour permettre aux agriculteurs de gagner leur vie.

La question que je me pose est la suivante : comment conciliera-t-on le maintien de la viabilité économique des exploitations agricoles et le respect d’un certain nombre de normes, à la fois pour les agriculteurs, pour la population et pour celles et ceux qui vivent dans cet environnement ?

J’aimerais, monsieur le ministre d’État, que vous puissiez nous donner des informations sur l’étude d’impact économique et financier qui a été menée concomitamment à l’élaboration de ce texte.

Il existe une attente très forte de la profession agricole dans ce domaine. J’espère que vous pourrez apaiser les inquiétudes et que des dispositions en matière fiscale ou de charges des exploitations agricoles sont prévues dans un cadre interministériel, afin d’assurer la viabilité économique du secteur.

J’en viens à la question des déchets. L’article 41 soulève des difficultés d’interprétation et de traduction, notamment pour les collectivités territoriales.

Il est prévu de diminuer de 15 % d’ici à 2012 la quantité de déchets partant en incinération ou en stockage. Cette quantité doit-elle être comprise comme englobant l’ensemble des déchets produits sur un territoire ? Par ailleurs, s’agit-il des déchets ménagers et assimilés, ou bien ménagers, assimilés et déchet industriel banal ?

Pour conclure, je voudrais vous interroger sur des différences portant sur des chiffres figurant dans le projet de loi. Je m’étonne d’ailleurs que l’on entre à ce point dans les détails, s’agissant d’un projet de loi de programme. À mon sens, ces précisions devraient faire l’objet de dispositions réglementaires ou figurer dans le Grenelle II.

L’article 41 fait référence à « 360 kilogrammes par habitant et par an » d’ordures ménagères et assimilées, qu’il faut réduire de 5 kilogrammes par habitant et par an pendant les cinq prochaines années. Or, il est précisé dans une circulaire du ministre de l’écologie que l’ADEME évalue actuellement la production d’ordures ménagères au sens strict, c'est-à-dire hors déchets assimilés, à 360 kilogrammes par habitant et par an. Comment expliquez-vous cette différence entre les deux textes, monsieur le ministre d’État ? Si l’on s’en réfère à la définition de l’ADEME et que l’on ajoute les 20 % de déchets assimilés aux ordures ménagères strictes, ce sont alors 450 kilogrammes, et non 360 kilogrammes, qu’il faudra réduire de 25 kilogrammes en cinq ans.

Telles sont les quelques interrogations, brièvement exposées – j’ai déjà dépassé d’une minute mon temps de parole … –, que je souhaitais vous soumettre, monsieur le ministre d’État. Nous aurons l’occasion de reparler de ces différents points lors de la discussion des articles. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « c’est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas ». Cette réflexion de Victor Hugo a été entendue, puisque le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre d’État, avec vos secrétaires d'État, avez eu l’audace du Grenelle de l’environnement. Cette audace restera une véritable innovation en termes de concertation, une « quasi-révolution », disait tout à l’heure Philippe Richert, et je partage son point de vue.

Sur votre demande, j’ai présidé, avec ma collègue Marie-Christine Blandin, le groupe de travail consacré à la biodiversité. Nous avons considéré que nous avions devant nous une page blanche, et que l’on demandait à l’ensemble des participants de recodifier la société, en inscrivant l’environnement à sa juste place, à sa place essentielle sans doute pour le temps présent, mais plus encore pour les générations futures, à savoir au cœur du développement durable.

Le projet de loi que vous nous proposez est globalement en phase avec la copie que nous avons rendue. Il le sera d’autant plus si vous prenez en compte l’excellent travail accompli par le rapporteur, Bruno Sido,…

M. Alain Vasselle. C’est pour cela que nous l’avons choisi !

M. Jean-François Le Grand. …celui du groupe de travail qu’il a animé avec beaucoup de pertinence et de compétence, ainsi que les amendements proposés par la commission des affaires économiques.

Son travail tient en effet compte, pour l’essentiel, des conclusions du groupe de travail du Grenelle sur la biodiversité. Pendant l’été et l’automne 2007, ce groupe, comme les cinq autres d’ailleurs, a donné le meilleur de lui-même. Nous avons délibérément écarté la notion de compromis pour aller, au-delà de nos différences, vers le consensus. Au moment de la traduction législative de leur réflexion, je veux leur exprimer ma reconnaissance et ma fierté d’avoir été l’un des leurs ; le temps passe et avec lui grandit l’oubli, mais sachez que ni eux ni moi-même n’avons dévié de cette ligne de réflexion sur l’élaboration de nouvelles règles.

Nous avons eu à cœur de ne pas trahir la confiance qui avait été mise en nous. Le texte, assorti des amendements déposés par le rapporteur, est fidèle à cette démarche. Je souhaite donc que notre vote soit, sur l’essentiel, unanime. Ce serait la meilleure manière de saluer le travail de tous ceux qui ont dignement œuvré dans le Grenelle et après.

Au cours de la discussion des articles, l’analyse pourra être plus détaillée, mais ayons à l’esprit des objectifs clairs.

En matière de changements globaux, dont le changement climatique, souvenons-nous du rapport Stern. Investir maintenant 1 % du PIB mondial permettrait d’atténuer fortement les effets du changement climatique. Ne pas le faire coûterait, dans quelques dizaines d’années, jusqu’à 20 % du PIB mondial, soit, selon le rapport, plus de 5 000 milliards d’euros.

Quant à la biodiversité, le rapport demandé par la Commission européenne à M. Pavan Sukhdev traite de l’économie des écosystèmes et de la biodiversité. Il sera bientôt remis, mais il est d’ores et déjà avéré que ne pas préserver la biodiversité, qu’elle soit extraordinaire ou ordinaire, ferait courir à l’humanité des risques énormes, eux-mêmes financièrement très lourds. Il y a aussi, à cet égard, une obligation absolue d’efficacité, puisque toute espèce qui disparaît fragilise les écosystèmes et ne ressuscite jamais.

Nous avions d’ailleurs conclu que la biodiversité est l’assurance-vie de la planète et l’assurance-vie de chacun, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue Paul Raoult. À sa manière, Chateaubriand le pressentait en écrivant : « la forêt précède les peuples, le désert les suit ».

La trame verte et bleue constitue un point majeur, un dispositif essentiel de la loi. Dans l’étude du Grenelle II, il faudra lever un certain nombre d’ambiguïtés sur sa mise en œuvre. Je n’insiste pas puisque le rapporteur ainsi que plusieurs collègues se sont déjà exprimés sur le sujet ; je partage leur point de vue.

Je formulerai toutefois une suggestion : pour ne pas mettre de jure une collectivité sous la tutelle d’une autre, ce qui serait d’ailleurs anticonstitutionnel, je réitère ma proposition d’une aire géographique pertinente, par exemple celle des agences de bassin, sur le territoire desquelles un comité de pilotage d’élus représentant toutes les collectivités aurait à organiser la méthodologie de la contractualisation et sa mise en œuvre ; mais nous y reviendrons le moment venu, lors de l’examen du Grenelle II.

Je dirai quelques mots, enfin, de l’éducation, de la formation et de l’information. Il est indispensable de lier ce triptyque à l’environnement et au développement durable quant au fond, c’est-à-dire en ce qui concerne le sens et les valeurs. C’est un sujet fondamental, celui de la connaissance, de la responsabilité et de la confiance partagées.

Ce propos est loin d’être exhaustif, mais il m’est impossible de tout évoquer en quelques minutes.

En conclusion, il convient d’affirmer, contrairement à certaines idées d’arrière-garde, que c’est en raison de la crise économique qu’il est urgent d’anticiper et d’avoir une économie d’avance. Les Etats-Unis – M. le ministre d’État y a fait allusion tout à l’heure – l’ont d’ores et déjà entrepris en matière de nouvelles technologies dédiées à la lutte contre le réchauffement climatique, et ils se positionnent en leaders.

Pourquoi la France et l’Europe ne se donneraient-elles pas une économie d’avance sur la préservation et la valorisation de la biodiversité ? Cette loi propose une base solide pour une relance économique dans cette direction.

Le XXIe siècle se structure sous nos yeux en remettant la réflexion, l’économie, le développement durable dans le droit chemin, c’est-à-dire au service de l’homme. C’est ce que vous invoquez souvent, monsieur le ministre d’État, en parlant du Green New Deal. J’espère que nous serons nombreux à être des « Green New Dealers » ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette loi comporte plusieurs caractéristiques.

C’est d’abord une loi historique. Elle marque son époque. Elle représente la prise de conscience par le Gouvernement, et surtout par l’ensemble du corps social, de la dégradation accélérée de notre environnement. En effet, l’urgence est là ! Certains n’hésitent d’ailleurs pas à évoquer la sixième grande extinction des espèces. C’est dire !

Cette loi constitue également une révolution. Elle introduit un changement en profondeur qui bouleverse autant l’ordre établi de nos mentalités que nos comportements. Avec ce projet de loi, plus rien ne sera comme avant. Cette révolution « verte » constitue une rupture qui annonce véritablement notre entrée dans le XXIe siècle.

C’est une loi politique au sens noble du terme. Comme l’a indiqué le Président de la République, Nicolas Sarkozy, il faut redonner au politique toute sa place, car seul « le politique » permet de se projeter dans l’avenir et de fixer une grande ambition au pays. Ce projet de loi correspond tout à fait à la mission principale que nous confie le peuple : « gouverner, c’est prévoir ».

Cette loi est une loi de gouvernance exemplaire. Monsieur le ministre d’État, vous avez réussi à fédérer tous les acteurs de la vie sociale au sein d’un pentagone démocratique. Cette maïeutique pourrait servir de modèle dans d’autres domaines en donnant toute leur place à l’expression de nos concitoyens, à l’exemple de la genèse de cette loi.

Enfin, cette loi est une loi pour dynamiser notre économie. L’écologie n’est pas l’ennemi des entreprises et de la croissance, bien au contraire ! Il s’agit d’une loi fondatrice qui nous permet d’entrer de plain-pied dans une nouvelle ère et qui vise à assurer la transition de la France vers une nouvelle économie compétitive.

En effet, il s’agit de mettre en œuvre une croissance durable, mais sans compromettre les besoins des générations futures. Sans oublier que le respect de l’objectif de 20 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2020, par exemple, se traduira par la création de 220 000 emplois directs et indirects.

Oh, bien sûr, j’ai entendu comme vous les Cassandre, les railleurs, les grincheux, qui vont répétant que cette loi est un simple catalogue plein de bonnes intentions, que son financement hypothétique met en cause sa crédibilité,…

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Louis Nègre. …qu’il s’agit d’une lettre au père Noël, voire d’un roman à l’eau de rose ! (Sourires.)

C’est bien connu, toute révolution se heurte au conservatisme, à l’immobilisme et à tous ceux qui voudraient que rien ne change.

M. Roland Courteau. Il y va un peu fort !

M. Louis Nègre. À ces gens qui doutent,…

M. Roland Courteau. Ils sont dans votre camp !

M. Paul Raoult. C’est du côté droit de l’hémicycle qu’il faut regarder !

M. Louis Nègre. …je répondrai que les objectifs visés par le projet de loi relèvent non pas du catalogue de La Redoute, mais d’une analyse consensuelle de l’ensemble des parties prenantes sur les maux qui affectent notre planète et les moyens de la sauver.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Louis Nègre. Quand on évoque l’absence de moyens financiers, je constate tout simplement que l’État s’engage devant nous à hauteur de 2,5 milliards d’euros pour les transports en commun en site propre, les TCSP, et de 14 milliards d’euros pour les lignes à grande vitesse d’ici à 2020, ainsi que de 400 millions d’euros supplémentaires par an par rapport à l’actuel plan de renouvellement des voies ferrées !

M. Louis Nègre. Jamais un effort financier aussi important n’aura été programmé par l’État en faveur des transports en commun.

Enfin, certains évoquent des normes trop ambitieuses, susceptibles de porter atteinte au développement économique de la nation.

À mes yeux, au contraire, la loi, à l’image de la crise actuelle, va obliger les acteurs économiques à prendre acte de ce nouveau contexte volontairement ambitieux pour devenir encore plus performants.

C’est une ardente obligation et, quoi qu’il en soit, il n’y a pas d’alternative.

Le nouveau président des États-Unis, Barack Obama, ne vient-il pas de déclarer que « le temps est venu pour l’Amérique de montrer le chemin en matière de lutte contre le changement climatique » et, s’adressant plus directement aux constructeurs automobiles, que « les nouvelles normes n’ont pas pour objectif de porter préjudice aux constructeurs mais de les préparer pour l’avenir » ? Ce n’est plus la Chine qui s’éveille, ce sont États-Unis !

M. Louis Nègre. La course contre le changement climatique et pour l’innovation est engagée. Ne restons pas en retrait ! Nous avons à faire face à un véritable défi, et je rappellerai que les lignes Maginot n’ont jamais empêché de perdre les guerres. Aussi, au vu de la mondialisation de la concurrence, ne fléchissons pas dans notre effort !

M. Daniel Raoul. Il y croit !

M. Louis Nègre. Et si vous le permettez, monsieur le ministre d’État, malgré la qualité de ce projet de loi et l’excellente analyse de notre rapporteur, Bruno Sido, je souhaiterais qu’on aille plus loin et, en ce sens, je vous proposerai plusieurs amendements lors de la discussion des articles.

Cependant, puisque nous sommes encore au mois de janvier, je profite de ma présence à la tribune pour former cinq vœux.

Le premier concerne la formation. De mon point de vue, les propositions du Gouvernement en la matière sont, pour le moment, insuffisantes. Il serait à mon avis souhaitable d’avoir un plan de formation extrêmement dynamique, notamment en faveur des corps de métiers directement concernés, par exemple le bâtiment, la santé ou l’automobile.

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cela relève de la compétence des régions !

M. Louis Nègre. La formation représente un véritable goulet d’étranglement. Si on n’y prend pas garde, le Grenelle pourrait capoter sur ce point.

M. Daniel Raoul. C’est une menace ?

M. Louis Nègre. Pas du tout !

Le deuxième vœu porte sur la recherche et le développement, qui sont à la source de l’innovation, seule à même de nous permettre de conserver notre compétitivité. La question qui se pose est la suivante : quelles mesures fiscales pourriez-vous proposer dans le Grenelle II pour atteindre le plus haut niveau possible de recherche et développement dans notre économie ?

Le troisième vœu est relatif aux transports en commun. Après le premier appel à projets sur les transports en commun en site propre, les TCSP, nous devons accentuer l’effort. Il serait opportun d’envisager d’ores et déjà un deuxième appel à projets, afin de ne pas perdre un seul mois dans la mise en place progressive dans les collectivités locales de ces moyens de transport performants. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)

Mon quatrième vœu concerne le développement des autoroutes de la mer. En tant que parlementaire des Alpes-Maritimes, je pense que l’État doit faire preuve d’encore plus d’audace dans ce domaine.

Mme la présidente. Il faut en venir à votre conclusion, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous l’attendons avec impatience ! (Sourires.)

M. Louis Nègre. Je termine, madame la présidente.

Je ne suis pas persuadé que les 80 millions d’euros inscrits dans le projet de loi soient suffisants pour développer rapidement de tels transports de remplacement.

De même, monsieur le ministre d’État, j’attends ardemment votre décision de lancer enfin la ligne à grande vitesse Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui est soutenue par la grande majorité des parlementaires de la région et dont l’utilité environnementale, sociale et économique ne fait aucun doute.

Enfin – et ce sera mon cinquième et dernier vœu –, au niveau national, comme l’ont démontré les états généraux de l’automobile, qui se sont tenus récemment, si la France veut conserver son rang mondial, qui est parmi les tout premiers, elle ne trouvera son salut qu’en étant à la pointe de l’innovation. Aussi, je suggère la mise en place d’un groupe de travail spécifique pour le véhicule du futur, que nos concitoyens attendent, et la mobilisation des moyens adaptés en faveur de la création d’une filière industrielle de véhicules décarbonnés.

Pour conclure, le Grenelle de l’environnement est avant tout un outil efficace, qui permettra d’opérer notre mutation et d’entrer dans la nouvelle économie. Nous le voterons évidemment. Mais (Exclamations sur les travées du groupe socialiste)

M. Louis Nègre. … il s’agit surtout d’une vision de notre avenir. Comme le rappelait Antoine de Saint-Exupéry : « On n’hérite pas de la terre de ses ancêtres ; on l’emprunte à ses enfants. » (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)