M. Daniel Dubois. Si tel est le cas, l’État ne créerait pas une ressource supplémentaire mais, au contraire, amputerait l’enveloppe totale consacrée aux politiques du logement d’une ressource non négligeable, en l’occurrence 1,5 milliard issu du « 1 % ». Il y aurait là, madame la ministre, je me permets d’insister, un détournement d’objet : ces fonds sont en effet réservés aux salariés modestes, très souvent exclus de toutes les aides sociales. Il y aurait quelque chose de choquant et d’inéquitable à priver l’ensemble des salariés de cet outil efficace.
Mme Christine Boutin, ministre. Absolument ! C’est pourquoi nous avons conclu un accord avec les partenaires sociaux.
M. Daniel Dubois. Cette solution de financement ne peut être que provisoire pour l’État, car il y a, à terme, un vrai risque que certaines interventions du « 1 % logement » disparaissent, comme les prêts Pass-travaux ou les prêts classiques à l’accession, qui sont, eux, financés par les retours d’emprunts.
Il faut, par ailleurs, que les partenaires sociaux ne soient pas totalement déconnectés du processus de décision, notamment dans la détermination des catégories d’emploi des ressources issues de la participation des employeurs.
Nous allons à cet égard défendre un certain nombre d’amendements qui tentent de diminuer l’effet de ces mesures. Il y va pour nous de la pérennité du « 1 % logement », qui se trouve aujourd’hui menacé par les décisions de l’État.
Enfin, troisièmement, je souhaitais intervenir sur les dispositions qui encouragent la sortie de certaines catégories de ménages du parc locatif social.
Il s’agit de deux dispositions de l’article 20 du projet de loi : celle qui facilite la libération d’un logement sous-occupé et celle qui supprime le droit au maintien des occupants du parc HLM lorsque leurs ressources sont au moins deux fois supérieures aux plafonds d’attribution des logements locatifs sociaux.
Notre groupe n’est pas du tout hostile à l’idée de fluidifier davantage les parcours HLM. Cela me paraît effectivement nécessaire. Il existe toutefois de vrais risques, madame la ministre, et vous le savez bien.
Tout d’abord, si nous appliquons demain ces règles dans tous les quartiers, quels que soient leurs caractéristiques et l’état du marché locatif local, nous risquons de ne jamais en finir avec les quartiers ghettos. On sait pertinemment que la mixité dans ces quartiers se fait par le haut, et on irait ainsi à l’encontre de la politique qu’entend mener l’ANRU à l’égard des zones urbaines sensibles.
Ensuite, on risque réellement de voir les organismes HLM se paupériser. On a su faire hier des quartiers ghettos ; évitons demain de faire des entreprises HLM ghettos en leur demandant d’aller secourir les quartiers en zones urbaines sensibles qui sont eux-mêmes des ghettos !
Pour ces raisons, nous proposerons un certain nombre d’amendements visant à exclure du dispositif les locataires situés dans les zones urbaines sensibles.
Madame la ministre, permettez-moi également d’évoquer un sujet qui me tient à cœur. Il s’agit des contraintes liées aux fouilles archéologiques. Certes, ce sujet ne concerne pas directement l’objet du texte que vous présentez aujourd’hui, mais la question des fouilles archéologiques constitue, dans de nombreux cas, un obstacle à la construction de logements sociaux.
M. Charles Revet. Absolument !
M. Daniel Dubois. C’est d’autant plus regrettable lorsque ce sont des projets volontaristes en faveur du logement social qui se retrouvent bloqués.
Je peux d’ailleurs en témoigner très personnellement. En tant que président d’une communauté de communes, je mène en effet une politique active de logements locatifs et j’ai actuellement un programme de dix-huit logements qui est ainsi suspendu : les fouilles préventives ont en effet conclu à la nécessité de procéder à des fouilles approfondies, mais il n’y a ni archéologue ni financement public permettant de les engager !
Je pourrai prendre également l’exemple de l’OPAC d’Amiens, qui connaît exactement la même difficulté avec cent logements dont il ne peut engager la construction.
En effet, dès lors qu’on prend un arrêté de fouilles, soit on attribue les moyens nécessaires à son exécution, soit on l’annule passé un certain délai !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous donnerons un avis favorable à votre amendement, mon cher collègue !
M. Daniel Dubois. Je voudrais, pour conclure, insister sur la nécessité d’avoir des objectifs clairement territorialisés en utilisant au mieux les outils de planification qui peuvent parfaitement répondre à ce besoin. En ce sens, les critères des conventions d’utilité sociale doivent être adaptés aux spécificités des parcs HLM des organismes, tout en prenant en compte les besoins affinés des territoires, qui doivent participer à l’élaboration de ces conventions.
Des efforts considérables restent à accomplir, madame la ministre, notamment en ce qui concerne la production de logements très sociaux. La diminution du budget est, à cet égard, un facteur inquiétant, et ce d’autant plus que le contexte économique est peu favorable au secteur. Je regrette sincèrement que l’État ne fasse pas plus dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France connaît actuellement une crise financière grave et profonde, et l’on sent également les prémices d’une crise immobilière de grande ampleur, ces deux crises étant causées par les abus hautement condamnables du capitalisme financier, défendu par les gouvernements de droite.
Face à ce marasme économique et financier, le gouvernement français et le Président de la République cherchent à défendre prioritairement les intérêts des banques, des assurances, des gros investisseurs, des grandes entreprises du bâtiment, des bailleurs privés et des promoteurs immobiliers.
Les dirigeants politiques témoignent de leur incapacité à faire face aux dysfonctionnements d’un système qu’ils ont encouragé. Ainsi, les déclarations se multiplient, souvent vagues, comme l’achat de 30 000 logements issus de programmes arrêtés sur lesquels, d’ailleurs, nous aimerions bien avoir des précisions. Mais, plus grave encore, tout est fait pour conforter la crise du logement en maintenant les loyers et les valeurs immobilières foncières à leurs niveaux actuels, alors qu’ils n’ont jamais été aussi élevés et qu’ils rendent l’accès au logement impossible pour une grande part de la population.
Loin d’anticiper et d’apporter des réponses socialement équitables au mal-logement et au non-logement en France, le projet de loi, dont l’intitulé veut laisser croire en une mobilisation de l’État, marque en réalité un désengagement historique de l’État et met en place des réformes régressives.
La parole d’hier est désormais bien lointaine !
Pourtant, en 2007, le Parlement français inscrivait dans la loi le droit à un logement opposable. Le Premier ministre montrait même tout l’intérêt qu’il portait à la question en confiant à Étienne Pinte une mission parlementaire sur l’hébergement d’urgence…
Mme Odette Terrade. …et l’accès au logement des personnes sans abri et mal logées.
Les propositions contenues dans le rapport remis à l’issue de cette mission sont aujourd’hui ignorées. Le gouvernement de M. Fillon soutient une politique qui va à l’encontre de l’esprit même de ce rapport !
Puisque le Gouvernement reste sourd aux appels de détresse des populations, des associations et des élus, je rappellerai encore une fois les chiffres de la misère, qui attestent l’urgence de la situation : 7 millions de travailleurs pauvres, 3,5 millions de mal-logés, 1,5 million de foyers en attente de logements sociaux, 100 000 personnes sans abri, 900 000 personnes sans domicile personnel, 600 000 logements indignes.
Madame la ministre, vous connaissez ces chiffres, que le rapport Pinte mentionne, comme il insiste sur « l’indispensable maintien de l’effort de l’État ». Mais imaginez-vous un seul instant la précarité et la souffrance qu’ils signifient pour tous ceux qui sont en attente d’un toit, toutes ces vies brisées, d’hommes, de femmes et d’enfants ?
Mme Odette Terrade. Avoir un toit est réellement la clé de tous les autres droits. (Mme la ministre approuve.)
Vous n’en avez certainement pas idée, sans quoi, face à cette crise historique du logement que connaît notre pays, vous n’accepteriez pas une diminution sans précédent du budget du logement dont vous êtes responsable.
Mme Odette Terrade. Celui-ci baisse de 7 %, alors même que l’intervention de l’État ne représentait déjà que 1,11 % du produit intérieur brut en 2007, au moment même où un effort à hauteur au moins de 2 % du PIB serait nécessaire pour répondre à la demande.
Les aides à la pierre inscrites au budget de l’État ont également baissé de 30 % entre 2000 et 2007, tandis que les aides aux plus démunis ont stagné.
Dans le même temps, les prélèvements fiscaux et parafiscaux sur le secteur du logement progressent très rapidement. Depuis 2002, on le sait, l’État prélève plus sur le logement qu’il ne redistribue. Le député Jean-Yves Le Bouillonnec, dans un rapport remis à l’Assemblée nationale en mars 2008, indiquait que, « grâce au logement et à la hausse des prix, l’État a perçu 7,6 milliards d’euros de plus entre fin 2001 et fin 2005, qu’il n’a ni réinvestis ni redistribués aux ménages. Avec cette somme, il aurait pourtant pu financer 380 000 logements sociaux supplémentaires ou augmenter de 20 % les aides au logement sur toute la période. »
Votre politique du logement et ce projet de loi s’inscrivent dans ce désengagement chronique de l’État !
Comment pouvez-vous défendre, par exemple, madame la ministre, un budget qui voit disparaître les crédits de la prime à l’amélioration des logements à usage locatif sociaux et nous faire croire que tout va être mis en œuvre pour la rénovation et la réhabilitation d’un parc social qui en a malheureusement souvent besoin ?
Ce désengagement financier de l’État, qui rompt avec l’une de ses principales missions sociales, montre à quel point le droit au logement opposable reste du domaine déclaratif.
L’opposabilité se mesure à la hauteur des obligations ; tel est son sens. Or ce projet de loi exonère l’État de ses obligations et assouplit les contraintes en termes de construction de logement social, au sens de l’article 55 de la loi SRU.
Avant d’aborder plus en détail les dispositions de ce projet de loi, je voudrais isoler deux articles qui mettent en lumière l’idéologie dont il est sous-tendu.
L’article 17, qui revient sur la règle des 20 % de logements sociaux en incluant dans le décompte les logements Pass-foncier et les prêts sociaux de location-accession, les PSLA, dénature profondément la loi SRU, dont l’effet est pourtant décisif sur le niveau actuel de construction des logements.
Dans son dernier rapport, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable fait de la conciliation du droit au logement et de la mixité sociale un des enjeux des politiques en matière de logement. À ce titre, il note très justement que, l’État étant exposé à une condamnation pour l’absence de mise en œuvre du DALO, il « ne doit pas tolérer que certaines collectivités ne respectent pas leurs propres obligations ».
Alors que les auteurs du rapport recommandent la fermeté de l’État à l’égard des communes défaillantes, au risque, dans le cas contraire, que sa faiblesse démobilise les autres communes, vous décidez, madame la ministre, d’assouplir les règles ! Or près de la moitié des communes concernées n’ont pas respecté les obligations fixées par la loi SRU !
Cette volonté de ne rien faire qui pourrait gêner les communes dans l’illégalité, cette attitude laxiste et antirépublicaine des pouvoirs publics au regard de l’effectivité d’un droit inscrit dans la loi, est confirmée par la disparition initialement prévue du droit de préemption urbain.
Cette déresponsabilisation de l’État s’accompagne paradoxalement d’un renforcement de l’autoritarisme étatique.
Outre les manœuvres sémantiques, reflet des annonces mensongères du Gouvernement, je voudrais aborder plus particulièrement l’article 3 du projet de loi.
Cette disposition, qui mobilise les acteurs en démobilisant l’État, emporte des conséquences financières très graves pour le logement.
En effet, l’article 3 confirme, sans ambiguïté aucune, le désengagement financier de l’État. Il met ainsi en coupe réglée les fonds du 1 % logement en permettant leur ponction au gré de la seule politique menée par l’État. La ponction annoncée cet été d’une partie des ressources du « 1 % » d’au moins un milliard d’euros, soit un quart de ses ressources annuelles, est intolérable, même si l’on nous déclare maintenant qu’elle sera en réalité quelque peu inférieure.
Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que ce projet de loi, sous couvert d’assainir la gouvernance du 1 % logement, renforce le contrôle de l’État, notamment sur l’utilisation des ressources, afin de substituer en toute tranquillité les fonds du « 1 % » aux fonds publics ! Ce texte risque ainsi de mettre en péril un système qui fonctionne. Rappelons que, au moment où le budget de l’État diminue, les dépenses en faveur des salariés sont passées, entre 2001 et 2007, de 600 millions d’euros, accordés sous forme de prêts, à 1,8 milliard d’euros.
En matière d’autoritarisme étatique, le projet de loi ne s’arrête pas là. Ainsi, le chapitre Ier dénature profondément l’intervention des organismes bailleurs sociaux. Le conventionnement global, préconisé en 2007 et aujourd’hui rendu obligatoire avec la convention d’utilité sociale, crée des lieux d’habitation en fonction des revenus des ménages et des prestations servies. C’est un logement à plusieurs vitesses que l’on instaure, ce qui va à l’encontre de la mixité sociale.
Le projet de loi essaie de banaliser le logement social et de « marchandiser » le parc social sans se soucier du bien-être des populations concernées. En témoigne la vente forcée des logements sociaux, qui ne manquera pas de poser des problèmes : copropriétés dégradées, incapacité de rembourser les emprunts, faillite personnelle.
Quant à l’article 2, qui prévoit que les organismes dotés de ressources financières importantes seront taxés pour alimenter la Caisse de garantie du logement locatif social, on voit ici que l’État saisit l’occasion de se désengager discrètement du financement de la construction de logements neufs en renvoyant dos à dos les organismes riches et les organismes pauvres.
En ce qui concerne le développement de l’offre nouvelle de logements, le projet de loi encourage les formes de partenariats public-privé.
Je voudrais maintenant faire quelques remarques plus particulièrement sur l’article 15.
Cet article présente un certain intérêt, puisqu’il revient en partie sur des dispositifs incitatifs à l’investissement immobilier en fait contreproductifs.
Rappelons que, du fait de ces exonérations fiscales, l’État consacre dans son budget en moyenne 33 000 euros à chaque logement dit « Robien », ce qui coûte chaque année environ 400 millions d’euros. À titre de comparaison, il consacre tout au plus 20 000 euros à la construction d’un logement social.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
Mme Odette Terrade. Votre projet de loi prend acte de l’échec des programmes « Robien » sans contrepartie sociale. Cependant, il ne faudrait pas que l’État paie deux fois en rachetant aujourd’hui ces logements. Malgré cet échec patent, vous persistez et recentrez le dispositif en laissant croire qu’il aura ainsi des conséquences différentes. C’est une aberration, et ce ne sera pas sans conséquences sur les finances de l’État comme sur celles du contribuable.
Dans son chapitre IV, relatif à la mobilité dans le parc de logements, le projet de loi tente également d’opposer les locataires entre eux et de culpabiliser une frange, au demeurant infime, de la population des HLM.
Ainsi, tout est fait pour rendre plus contraignantes les obligations des locataires, par le durcissement des conditions de maintien dans les lieux et une augmentation importante du surloyer en cas de dépassement du plafond de ressources. Ces mesures n’apportent en rien une réponse à la question du déficit de logements sociaux. Nous nous opposons fermement à cette remise en cause de la mixité sociale du parc HLM, qui transforme les cités en zones de relégation des familles les plus modestes et oblige les classes moyennes à aller habiter ailleurs, quittes à s’endetter lourdement.
En cas de « sous-peuplement », les locataires pourraient être contraints d’accepter des logements qui ne leur conviennent pas à des loyers encore plus élevés. Ceux qui, aujourd’hui, parvenaient encore à assumer un loyer risquent de se retrouver eux aussi en grande difficulté.
Alors que le rapport Pinte, mais également le comité de suivi du DALO et de nombreuses associations qui défendent le droit au logement, pointe la nécessité de mettre en œuvre une politique de prévention des expulsions, les auteurs du projet de loi ne trouvent rien de mieux que de raccourcir les délais d’expulsion en ignorant totalement et volontairement la question du relogement des personnes placées dans de telles situations de détresse.
Mme Odette Terrade. Le peu de temps dont je dispose dans la discussion générale m’a conduite à n’aborder que certains volets du projet de loi. Ses autres dispositions, sur lesquelles nous reviendrons plus en détail, sont tout aussi néfastes pour le devenir du droit au logement.
Si l’on veut que l’intérêt général soit au cœur des préoccupations en matière de logement, il faut que l’État soit à nouveau en situation de jouer pleinement son rôle, sans discrimination ni recherche de pure opportunité. Or ce projet de loi entend régler les défaillances de l’État en matière d’offre de logement social en réduisant artificiellement le nombre de personnes pouvant prétendre y accéder, sans jamais proposer de solutions aux personnes exclues du parc social.
Madame la ministre, votre projet de loi montre à quel point l’État a renoncé à sa mission sociale et abandonne nos concitoyens mal logés, sans logement ou logés dans des conditions insupportables.
Mme Odette Terrade. Pis encore, ce projet de loi va aggraver la situation de bon nombre d’entre eux. Vous comprendrez dès lors pourquoi les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s’opposeront fermement à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’importance du sujet, mais conscient de la situation actuelle, je vais m’efforcer d’introduire une note plus positive dans ce débat.
Depuis maintenant cinq ans, la politique du logement constitue une priorité nationale ; cinq lois successives en témoignent. Le rythme de l’évolution de notre législation dans ce domaine pourrait nous conduire à aborder le texte qui nous est proposé aujourd’hui avec une certaine réserve et à nous interroger, comme d’autres, sur la nécessité de légiférer de nouveau sur le logement.
C’était aussi votre interrogation, madame la ministre, il y a moins d’un an.
En réalité, quel constat peut-on dresser aujourd’hui ? Il est simple : malgré un effort historique de construction de 435 000 logements en 2007, chiffre jamais atteint depuis vingt-cinq ans et qui traduit une augmentation de 40 % depuis 2000, de nombreux blocages persistent qui empêchent d’atteindre les objectifs du plan de cohésion sociale.
Aussi, dans un contexte de crise du marché de l’immobilier, il est indispensable d’offrir de nouveaux outils opérationnels pour répondre au besoin vital de logement dans notre pays.
Ce projet de loi s’avère donc bien indispensable et arrive à point nommé.
Il répond en effet à plusieurs priorités actuelles : construire plus de logements, notamment des logements sociaux, en mobilisant tous les acteurs ; favoriser l’accession sociale à la propriété, à laquelle chacun doit pouvoir prétendre ; faciliter l’accès au parc de logements HLM ; lutter efficacement contre l’habitat indigne, encore bien trop présent dans notre pays, notamment dans beaucoup de quartiers anciens.
Pour ne pas être trop long, je me contenterai d’aborder quatre points précis et ferai deux remarques complémentaires.
En premier lieu, le recours à la vente en l’état futur d’achèvement en faveur des bailleurs sociaux sera extrêmement utile dans la situation de crise que connaît actuellement l’immobilier.
M. Dominique Braye, rapporteur. Eh oui !
M. Pierre Jarlier. Cette disposition devrait permettre de débloquer de nombreuses opérations et de placer rapidement sur le marché de nouveaux logements sociaux, notamment dans les secteurs les plus tendus.
Cependant, compte tenu de ce nouveau contexte, il faudra veiller, dans les cas où le recours à la mise en concurrence ne serait pas imposé, à s’assurer d’une offre qualitative dont les coûts seront maîtrisés, car les collectivités, qui participent de plus en plus au financement des programmes de logements sociaux, n’auront pas la possibilité de constituer les variables d’ajustement au regard des coûts plafonds imputables aux sociétés HLM.
Par ailleurs, ces opérations entrant dans le cadre des politiques publiques locales du logement, l’avis du maire paraît justifié pour assurer une parfaite cohérence avec les programmes en cours sur la commune.
J’ajoute que ce dispositif est particulièrement intéressant, car il encouragera les partenariats public-privé au service du logement social et, surtout, il sera générateur de plus de mixité sociale, notamment dans les quartiers résidentiels.
En deuxième lieu, je veux évoquer le renforcement de la portée opérationnelle des programmes locaux de l’habitat.
Cette planification, plus encadrée et étendue à de nouvelles communes, sera sans aucun doute plus efficace. Pour cette raison, elle va dans le bon sens.
En effet, doter chaque commune d’un programme d’action détaillé aura l’avantage de permettre de planifier, sur l’ensemble du territoire intercommunal, la politique de l’habitat. On pourra alors tenir compte dans chaque commune de la présence des transports, des équipements et des services, par exemple, pour fixer des objectifs réalistes en matière d’habitat. Par conséquent, cette mesure contribuera à une meilleure intégration de la politique du logement dans l’urbanisme de la ville comme dans l’urbanisme intercommunal.
De la même façon, le renforcement du rôle du préfet dans l’élaboration du programme local de l’habitat apportera la garantie que seront pris en compte les besoins réels de la population en matière de logement, gage d’une plus grande mixité sociale.
Il serait d’ailleurs parfaitement légitime que les objectifs de mixité sociale, notamment en matière de logements locatifs sociaux et de logements en accession sociale à la propriété, soient clairement identifiés dans le programme local de l’habitat. Cela constituerait un moyen efficace de concilier les impératifs réglementaires en matière de logement social sur chaque commune avec une vision territoriale élargie, et sans doute mieux adaptée à la réalité des territoires.
J’en viens à l’article 17 du projet de loi, qui élargit à l’accession sociale à la propriété les logements pris en compte dans le décompte des 20 % de logements sociaux prévus par l’article 55 de la loi SRU.
Le Sénat a déjà longuement débattu de ce sujet. Nous avons toujours considéré que l’article 55 ne saurait être modifié tant que toutes les communes concernées ne le respecteraient pas.
Il est vrai que, dans certains cas, on peut considérer que le public accédant social à la propriété est le même que celui qui est éligible au logement social.
Il est non moins vrai qu’il faut encourager fortement l’accession sociale à la propriété, et ce texte va y contribuer, sous votre impulsion, madame la ministre.
Pour autant, il faut bien reconnaître que la situation de ces familles au regard de l’emploi est différente. La priorité reste donc bien, à mon sens, d’offrir un logement aux personnes qui ne peuvent envisager de se fixer dans l’immédiat sur un territoire et qui peinent à trouver un logement locatif adapté à leur besoin.
C’est pourquoi je considère, comme M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, qu’il est prématuré de modifier le champ de l’article 55 de la loi SRU.
M. Dominique Braye, rapporteur. Lorsqu’il y aura suffisamment de logements sociaux, on pourra le modifier !
M. Pierre Jarlier. C’est une position constante que j’ai déjà défendue en qualité de rapporteur de la loi portant engagement national pour le logement, puis lors de l’extension de l’application de l’article 55 dans la loi instituant un droit opposable au logement, dite loi DALO.
Il convient de donner de nouvelles prérogatives aux préfets, notamment le droit de préemption, afin que cet article puisse être pleinement appliqué.
J’en viens au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
Cette initiative, particulièrement intéressante et ambitieuse, est à la hauteur de la situation particulièrement difficile que l’on rencontre dans de nombreux quartiers anciens.
En effet, au fil du temps, les centres-villes ont connu des mutations sociales et économiques profondes qui aboutissent à un état souvent très dégradé de l’habitat et encore trop souvent des espaces publics qui y sont associés.
Les causes sont multiples, notamment la délocalisation progressive du commerce de proximité et des services, mais aussi l’attrait des familles pour les secteurs périurbains.
C’est bien la cohésion sociale de ces quartiers qui est en jeu aujourd’hui.
Ce programme permettra, à partir d’un diagnostic social et urbain, d’engager un projet global de requalification des quartiers dans un double objectif de mixité sociale et de développement durable.
Il s’appuiera sur les dispositifs existants au titre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat menées par l’Agence nationale de l’habitat, qui ont fait la preuve de leur efficacité dans notre pays, en secteur urbain comme en milieu rural.
Dans ce cadre nouveau, il faudra veiller à la prise en compte de la diversité des territoires dans les critères de sélection des programmes, car les enjeux, les situations, donc les réponses à apporter, varient beaucoup d’un territoire à l’autre.
De la même façon, la mobilisation de tous les acteurs locaux constitue un gage de réussite de cette reconquête dans les quartiers anciens. Dans ce sens, la possibilité offerte par le projet de loi de créer des fonds locaux de l’habitat est déterminante.
Elle est déterminante parce que les financements d’État constitueront des leviers indispensables à l’engagement, par voie contractuelle, des différentes collectivités locales et des partenaires potentiels.
Elle est déterminante aussi parce que le conventionnement de chaque programme favorisera l’adaptation des règles à la diversité du terrain.
Elle est déterminante enfin parce qu’elle ouvre des perspectives de gestion des programmes au plan local, par le biais de délégations au porteur de projet communal ou intercommunal qui en aura la compétence.
Je considère, une fois encore comme M. le rapporteur, que l’ouverture des fonds locaux de l’habitat aux OPAH sur tout le territoire est un facteur de réussite de la requalification des quartiers anciens.
Je terminerai mon propos par deux observations.
La première concerne l’amélioration de la constructibilité en tissu urbain constitué.
Certes, la possibilité de dépassement du coefficient d’occupation des sols ou la dérogation aux règles de hauteur des constructions peuvent contribuer efficacement à la lutte contre l’étalement urbain et faciliter l’agrandissement ou l’aménagement de nouveaux logements.
Toutefois, cette mesure ne peut résulter d’une disposition d’ordre général, car la qualité architecturale et paysagère d’une ville comme sa forme urbaine relèvent de règles d’urbanisme spécifiques, adaptées à chaque contexte. C’est pourquoi, et je suis une nouvelle fois en accord avec la commission des affaires économiques, il serait préférable de laisser à chaque conseil municipal le pouvoir de déterminer lui-même les périmètres éventuels sur lesquels seraient autorisées ces dérogations. (Mme la ministre acquiesce.)
Ma seconde observation concerne le recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif.
Si leur resserrement sur les zones « tendues » est parfaitement justifié, il n’en est pas de même pour les zones de revitalisation rurale, dans lesquelles le soutien aux investissements locatifs doit être absolument poursuivi. Il n’existe en effet pas de tension foncière sur ces territoires et leur attractivité est conditionnée par une offre locative réelle, indispensable pour accueillir de nouvelles populations. Or les investisseurs ne s’y bousculent pas.
Le maintien de la déduction fiscale instituée par la loi relative au développement des territoires ruraux représente donc un levier certain pour développer l’offre locative, notamment en milieu ancien.
Madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel, il y a urgence. Le présent projet de loi contribuera à répondre à la crise du logement. C’est un texte pragmatique et opérationnel qui offrira des outils nouveaux et concrets pour accélérer les mises en chantier. N’est-ce pas d’abord ce qu’attendent toutes les familles qui cherchent un logement ?
C’est donc bien volontiers que, sous le bénéfice de ces observations, je soutiendrai ce projet de loi, aux côtés des membres du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)