Sommaire
Présidence de M. GÉRARD Larcher
2. Allocution de M. le président du Sénat
Suspension et reprise de la séance
4. Demande d'autorisation d'une mission d'information
Mme Odette Terrade, M. le président.
6. Logement et lutte contre l'exclusion. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence.
M. le président.
Discussion générale : Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.
MM. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 du projet de loi ; Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances.
MM. le rapporteur, le président.
Mme la ministre.
MM. Yvon Collin, Daniel Dubois, Mme Odette Terrade, MM. Pierre Jarlier.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
MM. Serge Lagauche, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Gélita Hoarau, M. Christian Cambon, Mme Odette Herviaux, MM. Serge Dassault, Roland Ries, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Dominique Voynet, M. Pierre Hérisson, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, M. Claude Jeannerot, Mme Michèle André.
Mme la ministre.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 224 de Mme Odette Terrade. – Mme Isabelle Pasquet, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Annie David, Dominique Voynet. – Rejet par scrutin public.
Motion no 519 de Mme Dominique Voynet. – Mme Dominique Voynet, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Guy Fischer. – Rejet par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Transmission d'un projet de loi
9. Dépôt de propositions de loi
10. Renvoi pour avis
11. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
12. Dépôt d’avis
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. GÉRARD Larcher
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Allocution de M. le président du Sénat
M. le président. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les moments que traversent le monde, l’Europe et la France sont difficiles. Ils sont lourds de déséquilibres financiers, économiques et sociaux. Ils sont lourds d’interrogations, et parfois de doutes.
Dans les temps troublés, mes chers collègues, je ne connais qu’une seule réponse : l’action.
L’action est nécessaire aujourd’hui pour permettre à notre pays, et à l’Europe, d’affronter la bourrasque financière née aux États-Unis.
L’action est nécessaire aujourd’hui – elle le sera encore demain – pour apporter la contribution du Sénat à la résolution des problèmes concrets et urgents de notre pays et de nos concitoyens. L’action est nécessaire pour orienter le Sénat vers un « nouveau cap » : celui de la primauté du politique et du renouveau de notre image.
Mais pour agir avec efficacité et discernement, il faut des convictions simples et fortes. Je voudrais, mes chers collègues, vous faire part des deux principes forts qui fixent mon cap. Je pense que vous êtes nombreux à les avoir en partage avec moi.
Je crois en la primauté du politique dans l’impulsion de tout élan collectif. Je crois en la nécessité de mieux écouter les Français et de mieux communiquer avec eux pour être encore davantage à leur service et être perçus par eux de façon plus juste.
En ces temps troublés, plus que jamais, il nous faut faire de la politique.
Faire de la politique, c’est placer l’écoute des Français, de nos territoires et de leurs élus au cœur de nos travaux.
Faire de la politique, c’est être aux côtés des Français. C’est faire en sorte que lorsque l’inquiétude se répand dans la nation et lorsque les golden boys cessent enfin d’être la référence, les Français se tournent naturellement vers leurs élus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rien n’est moins sûr !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est révolutionnaire !
M. Jean-Louis Carrère. Vous relisez Marx ?
M. le président. Relisez Larcher ! (Sourires.)
Faire de la politique, c’est respecter l’opposition. C’est recourir plus fréquemment aux binômes majorité-opposition pour les postes de président et de rapporteur des commissions d’enquête et des missions d’information.
Faire de la politique, c’est donner à nos groupes toute la place qui doit être la leur. Sachons valoriser leur action ! Dans le cadre de la réflexion que j’ai demandé aux présidents de groupe de mener, je suggère de créer pour chaque groupe, de la majorité comme de l’opposition, des porte-parole. Ces porte-parole interviendraient en séance publique juste après les orateurs des commissions.
Faire de la politique, c’est faire appel à tous les talents, solliciter le regard neuf que nos nouveaux collègues peuvent avoir sur des thèmes et des procédures que les plus anciens d’entre nous voient maintenant avec le regard des experts qu’ils sont devenus. Faire appel à tous les talents, c’est encourager la formation de binômes associant un ancien et un nouveau pour travailler sur les rapports législatifs.
Faire de la politique, pour moi, c’est aussi croire aux vertus de la collégialité. J’ai la conviction que, pour travailler efficacement, il faut savoir travailler ensemble. L’œuvre que nous avons à accomplir est vaste, et elle sollicite tous les talents et toutes les opinions. Elle ne pourra pas être l’œuvre du président du Sénat seul. Elle dépendra de chacune et de chacun d’entre nous.
Sans renier aucune des convictions qui sont les miennes – et que je partage avec ceux qui m’ont élu –, je serai le « président des 343 sénateurs ». Il ne s’agit pas là d’un quelconque unanimisme fictif. Cette affirmation est fondée sur les valeurs républicaines qui suscitent mon engagement et guident ma vie politique.
Je crois aux droits de la majorité. Je crois aux droits de ceux qui ne soutiennent pas toujours la majorité. Je crois aux droits de ceux qui s’y opposent.
C’est avec ces idées simples et ces convictions que je vous propose, mes chers collègues, une série d’actions qu’il va nous falloir conduire à bien.
Ces actions, je les décrirai autour de deux thèmes qui les portent : la politique, bien sûr, mais aussi l’image.
La politique que nous devons mener ensemble consiste d’abord à faire face aux défis auxquels le monde et notre pays se trouvent aujourd’hui confrontés.
Pour engager immédiatement le Parlement dans une réponse à cette attente et pour souligner la nécessité d’une cohésion nationale et européenne, j’ai estimé indispensable de proposer la mise en place d’une « commission mixte Assemblée nationale-Sénat » sur l’avenir du système financier et la nécessité de nouvelles régulations. Composée de députés et de sénateurs et reflétant l’équilibre politique de nos deux assemblées, cette commission devrait bientôt commencer ses travaux. Le président de l’Assemblée nationale en a retenu le principe.
La réforme de l’État et celle de notre organisation territoriale sont parmi les obligations les plus ardentes pour notre assemblée. Or, s’il est une institution qui, dans la République, possède la légitimité constitutionnelle et l’expérience de la gestion des territoires, c’est bien le Sénat ! C’est pour cette raison que j’ai proposé, lors de la première conférence des présidents de cette mandature, de mettre en place une mission sur l’organisation des collectivités territoriales. C’est la compétence naturelle du Sénat. Nous pourrons ainsi affirmer les analyses, les idées et les propositions qui sont et seront les nôtres.
Mais, à ce jour, la question immédiate est aussi celle du financement du recours à l’emprunt par les collectivités territoriales. Le Sénat se doit d’être à leurs côtés.
Sachons, à cette occasion, aller plus encore vers les élus de nos territoires, en organisant sur le terrain certains de nos travaux. Sachons être les inspirateurs des politiques de cohésion territoriale, tant en métropole qu’outre-mer.
L’outre-mer, pour notre assemblée, ne doit pas seulement être « le drapeau tricolore qui flotte sur tous les océans du globe ». L’outre-mer doit devenir le symbole du rayonnement et de la cohésion de la nation.
Dans le même temps, il nous faudra continuer d’agir pour que notre assemblée soit encore plus largement ouverte sur le monde, grâce à nos compatriotes de l’étranger. Ils sont aux avant-postes de la francophonie et du combat pour notre développement extérieur. Affirmons encore davantage notre rôle au sein de l’Union européenne, dont cette crise souligne l’importance. Continuons à promouvoir le bicamérisme. Je tiens à saluer ici les actions de mes prédécesseurs, qui ont largement su amorcer ce vaste et ambitieux mouvement.
Une autre action politique, d’une nature différente, me paraît s’imposer à nous. Il s’agit de la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Ce travail est porteur de grandes opportunités, pour le Parlement dans son ensemble, et pour le Sénat en particulier.
C’est dans cette perspective que j’ai fait part à la conférence des présidents de mon intention de constituer, dès les prochains jours, une équipe représentative de tous les groupes politiques de notre assemblée. Y contribueraient les présidents de chacun de nos groupes et de chacune de nos commissions. La feuille de route de ce groupe de travail sera dense, son calendrier serré. Je m’engage à le présider, et j’aimerais être assisté de deux rapporteurs, issus l’un de la majorité, l’autre de l’opposition.
Qu’en sera-t-il du nombre et du périmètre de nos commissions permanentes ? L’évolution du nombre de nos commissions devra sans doute être accompagnée d’un certain « élagage » parmi certaines structures qui n’ont pas toutes trouvé leur voie, qui éparpillent nos moyens, qui sollicitent notre temps. Nos commissions sont le cœur de notre travail, tant législatif que de contrôle.
Il nous faudra redéfinir la coordination du travail entre la séance publique et les commissions, dont la réforme constitutionnelle a accru le rôle.
Il nous faudra être particulièrement vigilants aux conditions d’intervention des ministres dans l’élaboration du texte à partir duquel s’ouvrira désormais le débat en séance publique.
Il faudra rendre plus vivante notre procédure de questionnement. Nos débats en séance publique devront être plus concis, plus directs, plus concrets. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Ensemble, nous devrions pouvoir atteindre à une meilleure lisibilité de nos travaux.
Je souhaite que, dans l’organisation de nos travaux, nous prenions en compte l’importance des budgets sociaux de la nation.
Il faudra optimiser les possibilités nouvelles offertes par l’article 48 révisé de la Constitution, et donc renforcer le rôle de notre conférence des présidents.
Je souhaite accentuer la collaboration entre nos instances collectives de décision internes : le bureau, la conférence des présidents, le conseil de questure, les commissions, la commission de vérification des comptes, qui agira en toute indépendance.
Sachons être réactifs. Le métier de parlementaire, c’est aussi la gestion de la nouveauté et de l’inattendu. Sans que nous cédions à l’écume des choses, les vagues de l’actualité peuvent susciter certaines de nos actions.
La seconde bataille que je compte conduire et gagner avec vous est celle de l’image. Elle est, tout simplement, celle d’une meilleure communication avec les Françaises et les Français.
Comme toutes les batailles, la « bataille de l’image » se gagnera autour de quelques idées simples : communication, légitimité, transparence, élan collectif.
Notre communication devra être recentrée sur l’essentiel. Elle devra être structurée autour d’objectifs que je résumerai en trois mots : politique, Français, territoires.
Avec les médias, sachons retrouver la proximité. Il faut que nos relations soient fondées sur la vérité, mais dans les deux sens.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Avec les Français, sachons être interactifs. Osons la communication directe. Internet, dont le développement de l’utilisation dans notre assemblée a été important au cours du mandat précédent, doit devenir l’un de nos moyens de communication privilégiés.
Je ne céderai pas aux effets de mode. La communication sans fond n’est qu’un coûteux artifice. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Or, ce fond, nous le possédons. Le fond, c’est le rôle constitutionnel du Sénat. Le fond, c’est le contenu qualitatif et quantitatif de nos travaux. Le fond, c’est notre travail quotidien au Sénat, dans nos départements, dans nos territoires et à l’étranger.
Le fond, nous l’avons donc. Il nous faut mieux le faire connaître et mieux le valoriser.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. le président. En ce qui concerne notre légitimité, je suis frappé chaque jour davantage par l’incroyable distorsion existant entre la réalité et la qualité du travail du Sénat et l’image déformée qui est encore celle de notre assemblée dans une partie de l’opinion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Notre légitimité, c’est l’accomplissement du rôle que nous confère la Constitution. Notre légitimité n’est pas d’être une photographie du corps citoyen ; elle est d’enrichir la représentation directe des citoyens grâce à une représentation des territoires et de leurs élus. Notre légitimité, c’est d’éviter que les mouvements de l’opinion soient durablement forgés par la concomitance entre l’élection du Président de la République et celle des députés. Notre légitimité, c’est la singularité de notre rapport au temps. Notre légitimité, c’est l’auto-réforme. En fait, notre légitimité, c’est la vérité.
S’agissant de la transparence, je m’y suis engagé devant vous le 1er octobre. Avec vous et avec nos instances collégiales de décision, notre conseil de questure, notre bureau et notre commission des comptes, nous satisferons à cette exigence.
Ensemble, nous parlerons de la réalité de nos travaux en commission, dans les délégations, dans les missions d’information, dans les groupes de travail. Ensemble, nous rappellerons dans quelles conditions notre budget est analysé, vérifié et certifié. Ensemble, nous défendrons les principes de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie des assemblées,…
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. … ces principes qui fondent la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Charasse. Parfait !
M. le président. Ensemble, nous parlerons aussi de la fragilité, inhérente à l’élection, du statut du parlementaire. Avec vous, je parlerai de la difficulté, parfois rencontrée, du retour à l’emploi d’un certain nombre de nos anciens collègues, car c’est aussi la vérité.
Dans ces temps qui exigent des efforts de nos compatriotes et de l’État, j’ai demandé que notre budget demeure en 2009 au niveau qui était le sien en 2008.
Un sénateur de l’UMP. Très bien !
M. le président. Alors, bien sûr, il nous faudra optimiser nos dépenses. Pour pouvoir mener cette action en toute connaissance de cause, je demande un examen de l’adéquation de nos moyens à nos missions. En outre, je vous le confirme, l’an prochain, nos comptes feront l’objet d’un audit extérieur.
Un sénateur de l’UMP. Très bien !
M. le président. Pour réussir ce renouveau que nous avons à conduire ensemble, je fais appel à chacune et à chacun d’entre vous. Sans votre participation à cet effort, rien ne sera possible.
J’appelle aussi à la mobilisation de nos différents cadres de fonctionnaires. Beaucoup sont des personnels d’élite. Cet appel s’étend à l’ensemble de nos collaborateurs, qu’ils agissent auprès de nous ou auprès de nos groupes politiques. C’est avec eux que nous devons conquérir la reconnaissance que méritent nos travaux.
Tous, nous devrons avoir encore plus de fierté d’être élus ou de travailler au Sénat, être en phase avec nos concitoyens et au service de notre pays, la France.
Je n’annonce pas l’austérité. Je souligne simplement le devoir, pour chacun, de pouvoir justifier pour mériter.
Je m’y engage : la politique que je vous annonce, je la construirai avec détermination. Cette détermination sera d’autant plus forte que je sais que cette politique est celle que vous attendez.
Avec vous, je ne veux plus que, dans trois ans, il soit possible de se poser la question : « À quoi sert le Sénat ? ».
C’est le temps de la politique. C’est le temps du renouveau et du courage.
Avec vous, je suis fier d’être sénateur au service des Français, au service de la République : une fierté non pour nous-mêmes, mais pour la démocratie vivante. (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP et de l’Union centriste se lèvent et applaudissent longuement. – Certains sénateurs du RDSE applaudissent également.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant suspendre la séance, pour permettre à la conférence des présidents de se réunir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 15 octobre 2008 :
À 15 heures :
Ordre du jour prioritaire
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie (A.N., n° 1156) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à l’ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant 11 heures) ;
Le soir :
2°) Désignation des trente-six membres de la mission commune d’analyse et de réflexion sur l’organisation des collectivités territoriales et l’évolution de la décentralisation ;
(Le délai limite pour le dépôt des candidatures par les groupes et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe est fixé à 17 heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008).
Par ailleurs, je vous rappelle que la conférence des présidents se réunira demain à 19 heures pour examiner la suite de notre ordre du jour.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?…
Ces propositions sont adoptées.
4
Demande d'autorisation d'une mission d'information
M. le président. J’informe le Sénat que M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, m’a saisi d’une demande tendant à obtenir du Sénat l’autorisation de désigner une mission d’information portant sur la situation politique internationale au Moyen-Orient.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l’article 21 du règlement.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 du règlement du Sénat, relatif à l’organisation de nos travaux.
Une fois encore, parce que soudainement le Gouvernement s’est rendu compte que certaines mesures très récemment annoncées nécessitaient un examen parlementaire et l’adoption d’une loi, la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion va se trouver « charcutée », « saucissonnée », perdant par là même une bonne part de sa cohérence.
Cela ne peut qu’être préjudiciable au contenu du débat sur ce texte, que la crise économique et financière actuelle semble rejeter dans l’ombre.
Il convient de souligner que l’une des mesures les plus importantes devant être prises en matière de logement, à savoir la garantie de l’État pour la mise sur le marché de 30 000 logements, ne figure pas expressément dans le projet de loi que nous devons examiner.
Pour autant, les conditions de la discussion de ce texte appellent d’autres observations, s’agissant notamment du contenu même du texte.
On souhaite mobiliser pour le logement et contre l’exclusion sociale, et voici que l’invocation rituelle de l’article 40 de la Constitution va priver les membres de la Haute Assemblée de la possibilité de débattre du montant des aides personnelles au logement, de la mise en œuvre du droit au logement opposable pour tous et partout, ou encore de la nécessaire programmation de la réalisation de logements sociaux dans les années à venir.
Une fois encore, l’irrecevabilité financière tient lieu d’argument unique pour restreindre le droit d’expression des parlementaires, quand bien même les thèmes de débat que je viens d’évoquer ne sont en aucune manière éloignés des finalités du projet de loi nouvellement inscrit à l’ordre du jour.
Quand allons-nous enfin, conformément aux recommandations anciennes du Médiateur de la République lui-même, résoudre le problème du versement des aides personnelles au logement de faible montant et abolir le délai de carence qui affecte directement les locataires concernés ?
Notons en outre que l’irrecevabilité a été opposée à la constitution d’un syndicat mixte du logement destiné à œuvrer dans l’ensemble des départements d’Île-de-France, au moment même où l’on nous rebat les oreilles de la pertinence de la régionalisation des solutions au problème du logement dans la région capitale.
La création d’une telle structure, qui interviendra peut-être sans qu’il soit recouru à la voie législative, préfigure pourtant la mise en place d’un véritable service public du logement, qui devrait accomplir des missions proches de celles qui sont aujourd’hui dévolues, dans un autre domaine, au service public de l’emploi.
La connaissance des besoins et les orientations à prendre pour résoudre les problèmes du logement étaient au cœur de cette proposition, dont nous ne pouvons que regretter qu’elle ne puisse être prise en considération dans la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Tels sont, monsieur le président, les points que le groupe CRC souhaitait mettre en exergue alors que nous allons entamer l’examen de ce texte.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement, qui m’amène à apporter quelques précisions.
La modification de l’ordre du jour que vous venez d’évoquer a été décidée d’un commun accord en conférence des présidents voilà quelques instants, sans que l’inscription du texte en question fasse l’objet d’aucune opposition.
Le Président de la République et le Premier ministre ont rencontré hier l’ensemble des présidents des groupes, en présence des présidents des deux assemblées. Un tel sujet, d’intérêt national et même communautaire, puisque nous sommes amenés à agir de concert avec nos partenaires européens, présente un caractère d’urgence qui dépasse le cadre d’un simple ordre du jour prioritaire.
J’ai bien entendu vos observations, ma chère collègue. Toutefois, compte tenu du nombre d’amendements déposés sur le projet de loi dont nous allons à présent débuter l’examen, notre débat sera, je n’en doute pas, nourri et prolongé, ce qui permettra à chacun d’entre nous d’avoir une vision globale de la politique du logement que le Gouvernement entend nous proposer.
6
Logement et lutte contre l'exclusion
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (nos 497, 2007-2008 ; 8, 11, 10).
Avant d’ouvrir le débat, je dois vous rappeler, mes chers collègues, que le Conseil économique, social et environnemental a demandé que, conformément aux dispositions de l’article 69 de la Constitution, M. Henri Feltz, rapporteur de sa section du cadre de vie, puisse exposer devant le Sénat l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 de ce texte.
Conformément à l’article 69 de la Constitution et à l’article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Henri Feltz.
(M. le rapporteur du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental est introduit dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
M. le président. Monsieur le rapporteur du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle. L’éclairage que vous apporterez à la Haute Assemblée nous sera, j’en suis certain, très utile.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
C’est un texte opérationnel, qui vise à faciliter l’accès des classes moyennes et modestes au logement et à lutter contre le mal-logement.
J’ai élaboré ce projet de loi dans un esprit de réforme, sans a priori ni tabous, avec la seule volonté de trouver des solutions adaptées à la diversité des situations et des exigences sur l’ensemble du territoire national.
Au-delà des enjeux que le logement représente pour l’économie de notre pays et pour la cohésion de notre société, j’ai à tout moment gardé à l’esprit que la légitimité de mon action résidait d’abord dans l’attention portée à l’humain, à chacune des femmes et à chacun des hommes considérés individuellement, avec leurs besoins, leurs aspirations, leurs souffrances aussi.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que la Haute Assemblée se soit saisie de ce projet de loi dès le début de la session ordinaire du Parlement. Car il y a urgence, et aujourd'hui plus que jamais ! Nous sommes confrontés non plus seulement à une crise du logement, mais à une crise de confiance sans précédent, qui ébranle l’économie mondiale et qui touche déjà, en France, le secteur de l’immobilier.
Comment résoudre la crise du logement, qui s’aggravera si l’ensemble des forces vives de ce pays, au-delà des clivages politiques, économiques ou sociaux, ne se mobilisent pas pour faire du logement une priorité effective, non pas seulement à l’échelon national, mais aussi dans chaque commune ? C’est une question de solidarité nationale.
Permettez-moi de développer les grands traits de cette crise du logement qui perdure, et de la crise de l’immobilier qui se profile depuis plusieurs mois et se confirme avec brutalité depuis quelques semaines.
Le logement est-il en crise ?
M. Thierry Repentin. Oui !
Mme Christine Boutin, ministre. Le logement est l’un des besoins fondamentaux de tout homme. Ne pas y répondre collectivement, c’est compromettre la dignité humaine, c’est favoriser l’exclusion, c’est remettre en cause les fondements mêmes de notre pacte social !
Nous n’avons pas suffisamment construit pendant toute une décennie. Ce n’est qu’au cours de ces dernières années que la construction a fortement augmenté, le nombre de logements réalisés passant ainsi de 308 000 en 2002 à 435 000 l’année dernière, niveau historique jamais atteint depuis trente ans. Ce résultat a été obtenu parce que les organismes de logement social se sont remarquablement mobilisés et que, grâce aux nouvelles aides de l’État, davantage de particuliers ont investi dans un logement, soit pour l’occuper, soit pour le mettre en location.
Toutefois, le ralentissement sérieux que nous subissons depuis le mois de juin nous laisse à penser que nous terminerons l’année aux alentours de 360 000 mises en chantier, soit autant qu’en 2004, et donc encore bien au-dessus des niveaux atteints depuis vingt-cinq ans.
Quelles sont les causes de cette chute brutale, qui représente 70 000 logements de moins sur une année ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, la crise nouvelle a une origine financière. Nous avons commencé à la percevoir au milieu du deuxième trimestre de cette année. Ne rien faire aurait des conséquences graves sur la construction, avec moins de réponses en matière de logement pour nos concitoyens, moins d’activité et d’emploi dans le secteur du bâtiment, et également moins de recettes fiscales. Dois-je le rappeler, la non-production de 10 000 logements représente 20 000 chômeurs de plus et 370 millions d’euros de recettes fiscales de moins.
Pour les particuliers, l’accès au logement et à la propriété devient de plus en plus difficile, en raison non seulement de la contraction du crédit, mais également de la hausse des taux d’intérêt et de la diminution d’une offre déjà insuffisante pour répondre aux besoins. Et que dire des restrictions de prêts que l’on constate aussi du côté des professionnels ?
Pour élaborer cette loi incontournable, j’ai décidé d’agir de façon pragmatique, et non idéologique, afin d’atteindre le maximum d’efficacité. Vous le savez, le logement est un secteur technique, dans lequel il faut agir avec doigté, sauf à provoquer des effets pervers non désirés.
J’avais espéré ne pas avoir besoin de recourir à des dispositions législatives. Malheureusement, ou heureusement, nous sommes dans un État de droit écrit, et la loi peut se révéler nécessaire pour lever certains verrous. Cela étant, un certain nombre de demandes sont d’ordre réglementaire ; c’est la raison pour laquelle vous n’en trouverez pas l’écho dans ce projet de loi.
Le texte qui vous est aujourd'hui soumis a été présenté lors du dernier conseil des ministres du mois de juillet 2008. La tourmente financière n’était pas encore là. Le 8 octobre dernier, le Président de la République a confirmé les orientations de ce texte législatif, en augmentant les moyens qui avaient été arbitrés avant la crise. Les mesures qui ont été annoncées hier à l’issue du conseil des ministres exceptionnel doivent permettre le déblocage des prêts indispensables à la relance.
J’ai voulu en outre confronter les orientations de ce texte aux attentes des Français. Je me suis donc déplacée en province et ai rencontré tous ceux qui, de près ou de loin, ont un intérêt pour le logement : je pense, notamment, aux propriétaires, aux locataires, aux agents immobiliers, aux acteurs du 1 % logement, aux bailleurs sociaux, aux banquiers. Ces personnes étaient invitées par voie de presse et m’ont rencontrée pour m’exposer leurs difficultés. Je remercie les élus, de droite comme de gauche, qui ont accepté de participer à cette démarche libre et innovante.
Il ressort de ces rencontres que le présent projet de loi répond aux préoccupations exprimées par mes interlocuteurs. Toutefois, je n’ai pas hésité à l’enrichir, par le biais d’amendements, des solutions aux problèmes qui ont été soulevés à cette occasion. Par ailleurs, je compte également sur vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que nous puissions répondre au mieux aux besoins du moment, en fonction de la conjoncture.
M. Roland Courteau. Nous en ferons !
Mme Christine Boutin, ministre. Avant de vous présenter les grandes lignes de ce texte, permettez-moi de souligner la qualité du travail effectué par les différentes commissions, en particulier par M. Dominique Braye, rapporteur de la commission saisie au fond, ainsi que par Mme Brigitte Bout et M. Philippe Dallier, rapporteurs pour avis.
Monsieur Braye, je retiens tout particulièrement votre volonté d’associer encore plus étroitement l’ensemble des acteurs majeurs de la politique du logement, notamment en confortant la place des collectivités locales dans les politiques de l’habitat, afin de répondre au mieux à la nécessité de construire davantage pour pourvoir aux besoins en logement des Français.
Madame Bout, je salue votre souci permanent de prévenir une application trop générale des dispositions prévues dans le projet de loi, qui pourrait être préjudiciable aux plus fragiles de nos concitoyens. Comme vous le savez, je partage cet objectif.
Monsieur Dallier, j’ai bien noté votre volonté d’accompagner les ambitions du projet de loi en apportant, le cas échéant, des solutions simples et concrètes.
Ces trois approches différentes mais très complémentaires, consistant à conforter la place des acteurs majeurs que sont notamment les collectivités locales en matière de politique de l’habitat, à être attentif aux attentes des plus fragiles et à mettre en œuvre les solutions les plus simples et les plus efficaces, sont fidèles à la méthode et à l’état d’esprit qui ont prévalu tout au long de l’élaboration du présent projet de loi.
Le plan d’action que je propose, dans le cadre de ce texte, vise trois objectifs majeurs : soutenir l’activité de construction pour la location et l’accession populaire à la propriété, permettre aux classes moyennes et modestes d’accéder au logement et, enfin, lutter contre le mal-logement.
Mon premier objectif est donc de soutenir l’activité de construction.
Il convient tout d’abord de s’appuyer sur la mobilisation des grands acteurs du logement que sont les organismes d’HLM et le dispositif du 1 % logement dans le cadre d’une stratégie pluriannuelle.
Les bailleurs sociaux ont accompli un remarquable travail pour plus que doubler leur production en quelques années. Nous savons pouvoir compter sur eux.
Plusieurs dispositions du projet de loi leur offrent des outils supplémentaires. Ainsi, les conventions d’utilité sociale qui devront être signées avec chaque bailleur d’ici à la fin de 2010 permettront de définir des objectifs partagés avec l’État et les collectivités territoriales, notamment en termes de production de logements et d’accompagnement des personnes.
La mise en œuvre d’une véritable solidarité financière entre les organismes sous la forme d’une péréquation permettra d’aider ceux qui ont la volonté de développer fortement leur activité de construction mais qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Je vous proposerai d’amender le texte sur ce point pour limiter l’effet rétroactif de la mesure.
La vente en état futur d’achèvement, ou VEFA, de programmes de logements à des bailleurs sociaux sera facilitée.
Cette mesure, sur laquelle je suis prête à accepter des amendements afin de rendre la procédure encore plus souple, contribuera à la mise en œuvre du plan d’achat de 30 000 logements annoncé par le Président de la République, qui doit permettre à des opérateurs d’acheter des programmes n’ayant pu être lancés à ce jour par les promoteurs privés, faute d’une « précommercialisation » suffisante.
Les partenaires du 1 % logement sont d’autres acteurs irremplaçables de la politique du logement, mais il est temps de rénover profondément la gouvernance de ce dispositif, d’en limiter les coûts de gestion et de réorienter l’utilisation des ressources vers les priorités de la politique du logement.
M. Thierry Repentin. C’est un hold-up !
Mme Christine Boutin, ministre. Les discussions avec les partenaires sociaux ont permis, jeudi dernier, de dégager une convergence autour de quatre grands objectifs pour les trois prochaines années. Lors de l’examen de l’article 3, je reviendrai plus précisément sur les résultats de ces discussions, qui ont donné lieu à l’élaboration d’un texte commun.
Cependant, je voudrais d’ores et déjà indiquer que l’un des objectifs partagés est de produire davantage de logements économiquement accessibles aux ménages. Il se traduit par une orientation des emplois du 1 % logement qui prend en compte notamment les propositions du protocole national professionnel que les partenaires sociaux ont récemment signé.
Pour construire plus, il faut aussi soutenir la demande des particuliers.
Afin de favoriser l’accession populaire à la propriété, le projet de loi prévoit l’extension au logement collectif du dispositif du Pass-Foncier, qui ne s’applique pour l’instant qu’au logement individuel. L’objectif récemment fixé par le Président de la République est de réaliser quelque 30 000 logements grâce à ce dispositif, en particulier en zone urbaine, là où le logement individuel est moins adapté aux besoins.
Il est également important, pour conserver la confiance des investisseurs privés, de maintenir les dispositifs d’investissement locatif dits « Robien » et « Borloo », mais en les recentrant sur les zones où existe une véritable tension du marché locatif.
Pour construire plus, enfin, il faut aider les maires à favoriser la construction dans leurs communes.
J’ai souhaité inclure dans le décompte des logements sociaux au titre de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, les logements construits dans le cadre du Pass-Foncier et du prêt social de location-accession, le PSLA.
M. Daniel Raoul. Quelle erreur !
Mme Christine Boutin, ministre. Je sais que cette disposition suscite le débat, pour ne pas dire la passion. Pourtant, selon une étude du Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, 88 % des Français se déclarent favorables à une telle disposition. Je vous rappelle que les logements destinés à l’accession populaire à la propriété présentent les mêmes caractéristiques que les logements locatifs sociaux : mêmes aides publiques avec la TVA à 5,5 %, mêmes plafonds de ressources des candidats à l’accession et même durée de cinq ans pour leur comptabilisation dans le quota des 20 % que celle qui est prévue pour les logements locatifs vendus par les organismes d’HLM.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Odette Herviaux et M. Thierry Repentin. Ce n’est pas vrai !
Mme Christine Boutin, ministre. Il s’agit là d’un outil supplémentaire offert aux élus qui souhaitent construire dans leur commune et encourager les parcours résidentiels diversifiés. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous ayons, sur ce sujet, un débat serein, digne de notre démocratie.
Par ailleurs, dans le souci de respecter les espaces naturels, j’ai souhaité également favoriser l’agrandissement des bâtiments à usage d’habitation en permettant le dépassement des normes d’urbanisme dans la limite de 20 % pendant deux ans.
Enfin, le caractère opérationnel des programmes locaux de l’habitat sera renforcé. C’est la condition pour que les plans locaux d’urbanisme deviennent de vrais outils au service de la construction partout où existe un besoin de logements.
Mon deuxième objectif, à côté du soutien à la construction, est de permettre à tous, aux classes moyennes comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à un logement de qualité.
Il faut d’abord redonner sa vocation première au parc d’HLM. Aux termes de l’article L. 441 du code de la construction issu de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, « l’attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées », cette attribution devant « favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ». Tout est dit !
C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’abaisser de 10 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social, de manière à annuler la forte progression de ces plafonds constatée ces dernières années, en raison d’un effet mécanique lié au passage aux 35 heures.
Lorsque 60 % de la population sera en droit de prétendre à un logement HLM, contre 70 % actuellement, cela permettra aux personnes de ressources modestes et aux personnes défavorisées d’avoir plus facilement accès au logement, sans pour autant remettre en cause la mixité sociale.
Le projet de loi vise aussi, dans le même esprit, à accroître la mobilité dans le parc de logements sociaux.
En effet, le taux de mobilité dans le parc d’HLM est aujourd’hui très faible, puisqu’il est de l’ordre de 9 % à l’échelon national et de 7,4 % en Île-de-France. Les différentes mesures prévues dans le projet de loi ont pour objet d’améliorer la mobilité dans ce parc en libérant les logements sous-occupés ou en incitant les ménages qui disposent de revenus très élevés leur permettant de se loger sans difficulté dans le parc privé à quitter le parc social. C’est un moyen de permettre à des ménages aux revenus modestes et qui sont actuellement en attente de trouver un logement adapté à leurs besoins.
Il faut en outre donner à tous ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas accéder à un logement HLM la possibilité de disposer d’un logement abordable.
Tel est le sens des dispositions qui ont déjà été prises au début de cette année, visant à indexer les loyers sur un nouvel indice de référence fondé sur les prix à la consommation ou à réduire le dépôt de garantie de deux à un mois de loyer.
Le projet de loi prévoit une mesure complémentaire interdisant le cumul d’une caution et d’une assurance pour impayés de loyers. Elle prendra tout son sens dès qu’un dispositif de garantie mutualisée des risques locatifs géré par les partenaires sociaux sera effectif. J’ai manifesté le souhait, jeudi dernier, auprès des partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement, que ce dispositif soit en place d’ici à la fin de l’année.
Enfin, je rappellerai que près de la moitié des Français souhaitent devenir propriétaires. Il faut donc renforcer l’accession populaire à la propriété. Le Pass-Foncier doit y contribuer fortement.
Le troisième et dernier objectif est de lutter contre le mal-logement. C’est un impératif qui s’impose à nous tous, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est indissociable du droit au logement opposable.
Le texte comporte des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficulté, afin de leur donner les moyens d’accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement.
Dans ce domaine, le projet de loi s’attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État.
La notion d’hébergement d’urgence est remplacée par celle d’hébergement, s’agissant de l’obligation faite aux communes de disposer d’une capacité minimale d’hébergement au titre de l’article 2 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO. En outre, la procédure de prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n’atteignent pas leur objectif est précisée. Ces mesures ont pour ambition d’inciter les communes à augmenter leurs capacités d’hébergement et à atteindre ainsi l’objectif d’une place d’hébergement par tranche de 2 000 habitants.
En Île-de-France, un bénéficiaire du DALO pourra se voir attribuer un logement situé dans un autre département de la région que celui dans lequel la commission de médiation aura émis un avis favorable. C’est donc une solidarité interdépartementale que je propose d’instituer, compte tenu de la situation particulièrement difficile de l’Île-de-France, région qui, je le rappelle, concentre les deux tiers des dossiers. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au cours du débat.
Par ailleurs, la loi devrait permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages hébergés dans des hôtels ou des centres d’hébergement. Cette mesure attendue participera au développement d’une offre d’hébergement moins onéreuse et, surtout, plus humaine que l’hébergement dans des hôtels.
L’habitat indigne est une des plaies de notre société. Pour mieux lutter contre ce fléau, il faut d’abord mieux l’identifier juridiquement. Tel est l’objet de l’une des dispositions de ce texte, qui donne une définition juridique de l’habitat indigne afin de restreindre les abus de procédure des marchands de sommeil.
Cela étant, je suis persuadée que, au-delà de ces mesures, il importe d’aller plus loin, par une action coordonnée dans nos villes. C’est pourquoi j’ai souhaité la mise en œuvre d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, destiné à participer à la lutte contre l’habitat indigne, à la remise sur le marché de logements vacants, à la transformation de logements sociaux de fait en logements sociaux de droit.
Telles sont donc les grandes orientations du présent texte : soutenir l’activité de construction pour répondre aux besoins en matière de logement de nos concitoyens et soutenir l’emploi ; permettre aux classes moyennes, comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à la propriété.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une politique du logement est nécessairement complexe. Elle revêt des dimensions à la fois humaines, économiques, financières et techniques, et elle repose sur de nombreux outils, qui doivent pouvoir être adaptés à une grande diversité de situations locales ou d’exigences personnelles.
La politique du logement constitue également une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.
C’est pourquoi mon projet de loi contient des dispositions relatives à la plupart des aspects de cette politique : exclusion, habitat indigne, construction de logements sociaux, développement de l’accession populaire à la propriété, investissement locatif et réforme du 1 % logement, qui est un dispositif clé de cette politique.
C’est également la raison pour laquelle ce texte complète plusieurs lois importantes qui, ces dernières années, ont profondément modifié le paysage dans le domaine du logement, en particulier la loi relative au droit opposable au logement, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur à l’Assemblée nationale.
En vérité, l’objet de ce projet de loi est de réformer ce qui doit l’être et d’ouvrir de nouvelles possibilités, sans esbroufe. Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous votez ce texte, enrichi de vos amendements, il appartiendra à chaque acteur du logement de se saisir de ses dispositions. C’est sur le terrain et au quotidien que se fait la politique du logement. Encore faut-il proposer à tous ses acteurs des instruments législatifs permettant de la souplesse.
Ce texte est pragmatique ; il sera efficace. Il est adapté aux attentes des professionnels et des Français. Dans cette période préoccupante de turbulences, il est plus que nécessaire de renforcer notre cohésion nationale, notre solidarité sociale et, oserai-je dire, cette générosité personnelle qui nous permettra de faire en sorte que chaque habitant de notre pays dispose d’un logement de qualité où il se sente bien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La parole est à M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 du projet de loi.
M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 du projet de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du président du Conseil économique, social et environnemental, M. Jacques Dermagne, je vous remercie d’avoir invité notre assemblée à vous rendre compte de son avis, adopté le 9 juillet dernier par 177 voix et 5 abstentions, sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
Ce programme, qui constituait alors l’article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, est devenu le chapitre II du texte que vous examinez, avec un titre inchangé.
Au moment où il m’est fait l’honneur d’avoir à rendre compte de nos travaux devant vous, je dois vous faire part de deux observations préalables.
Notre Conseil a été satisfait de voir traitée dans un projet de loi la problématique des quartiers anciens dégradés, qui n’était pas nouvelle pour lui. Il avait en effet formulé en janvier 2008 un certain nombre de propositions à ce sujet.
Cependant, il a éprouvé le regret, sinon la frustration, de n’avoir été saisi que des dispositions du projet de loi ayant un caractère programmatique, et non de la totalité du texte. Cela aurait pourtant permis au Conseil de situer le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés dans son environnement global, c’est-à-dire celui de l’ensemble du projet de loi. Cela ne lui a donc pas été possible, de même qu’il ne lui a pas été possible d’apprécier toute la cohérence du dispositif.
Par conséquent, notre avis a porté sur ce qui est devenu l’actuel chapitre II du projet de loi, texte qui n’a pas subi, depuis, de modification sur le fond.
Le Conseil s’est réjoui de voir lancer un programme ambitieux dédié spécifiquement aux quartiers anciens, comme il en avait formé le vœu. Quelle que soit leur singularité, ces espaces sont des éléments constitutifs de la ville dans son ensemble. Ils sont souvent situés en centre-ville ou en sont très proches et occupent dans nos cités, pour des raisons principalement historiques, un espace symbolique qui rend leur rénovation particulièrement sensible et complexe à mettre en œuvre. La requalification de ces quartiers constitue un véritable enjeu, qui mérite des actions prioritaires.
L’avis que nous avons émis comporte cependant deux remarques générales.
En premier lieu, si nous avons bien relevé que le projet de loi prévoit de consacrer à ce programme des financements importants, nous avons également souligné l’absence de précisions, dans les éléments fournis au Conseil, sur les modalités du financement, sur l’origine des fonds ainsi que sur les circuits administratifs et financiers à mettre en œuvre. Ces éléments existent maintenant, mais nous n’en avions pas connaissance au moment de l’élaboration de l’avis.
En second lieu, le Conseil aurait souhaité voir apporter plus de précisions à la définition de ce qu’est un « quartier ancien dégradé », au sens du présent projet de loi, par la prise en compte plus nette de critères socioéconomiques, socioculturels ou socioprofessionnels.
Je vous prie de m’excuser de ne pas développer la totalité des questions abordées dans l’avis du Conseil. Je reprendrai devant vous seulement quatre points sur lesquels nous avons voulu, me semble-t-il, insister particulièrement.
Le premier point concerne le pilotage du programme. La politique de la ville est un tout, et la requalification des quartiers anciens en fait partie. Or le projet de loi ne nous a pas semblé parfaitement clair sur ce point.
Il laisse subsister par ailleurs un certain nombre de doutes ou d’imprécisions quant aux rôles respectifs de l’ANRU, l’Agence nationale de rénovation urbaine, et de l’ANAH, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, même si le « guichet unique » qu’est l’ANRU, dont l’action a été saluée à de nombreuses reprises par le Conseil économique, social et environnemental, devrait profiter selon nous très largement aux quartiers éligibles au nouveau programme.
La réussite de la requalification des quartiers anciens dégradés dépendra d’ailleurs largement des synergies qui s’établiront entre les acteurs, d’une meilleure articulation entre les différents échelons et les différents niveaux de responsabilité, bref d’une gouvernance plus efficace et plus resserrée.
Le deuxième point concerne la cohérence des objectifs et des moyens, en particulier financiers. Seul l’exposé des motifs du projet de loi fournit, à titre indicatif, une évaluation, qui s’établit à 2,5 milliards d’euros. Il était dit sans autre précision, au moment où l’avis a été émis, que cette somme serait prise en charge par l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et par la participation des employeurs à l’effort de construction.
Le Conseil a demandé que les modalités et les montants de cette participation soient arrêtés par la négociation et après accord entre l’État et les partenaires sociaux. Un accord sur cette question est d’ailleurs intervenu récemment.
À l’occasion de l’examen du projet de loi, le Conseil a réitéré son refus de toute captation brutale, sous une forme ou sous une autre, des fonds du 1 % logement.
M. Roland Courteau. Ah !
M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental. La participation négociée du 1 % logement au financement du programme ne saurait intervenir, disions-nous à l’époque de l’élaboration du présent avis, qu’en complément des fonds de l’État, et non pour compenser un désengagement de ce dernier.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental. Par ailleurs, la mise en œuvre d’un tel programme ne pourra se faire qu’en partenariat avec les collectivités territoriales et leurs groupements, qui, comme le précise le texte, porteront localement les projets.
Le Conseil a souhaité que le taux de financement des opérations que conduiront les collectivités soit modulé en fonction de la situation financière et fiscale de ces dernières, afin de ne pas exclure du dispositif les plus fragiles d’entre elles sur le plan économique.
Le troisième point a trait à la mixité sociale. De longue date, le Conseil économique, social et environnemental défend la mixité sociale et la mixité des fonctions dans la ville.
L’objectif de mixité sociale inscrit dans le projet de loi est donc partagé par le Conseil, qui a souligné les défis auxquels est et sera confrontée, s’agissant du programme, la réalisation de cette ambition : pour n’en citer que deux, il faudra éviter la « gentrification » et ne pas chasser les populations en place.
L’engagement des collectivités sera, sur ce point, essentiel. Trop souvent, les quartiers requalifiés sont envahis par des populations plus aisées que celles qui les habitaient auparavant, d’où l’apparition du phénomène connu sous le nom de « gentrification ».
La mixité, bien sûr, ne se décrète pas. Il faut se donner les moyens de l’assurer, en mobilisant tous les outils disponibles, en particulier ceux qui permettent de lutter contre les effets d’aubaine. Au premier rang d’entre eux, on trouve l’adaptation de la politique fiscale. L’importance des mesures anti-spéculatives a également été soulignée, à juste titre, par notre Conseil, car elles permettent de peser sur le prix du foncier, mais aussi de jouer sur les loyers.
Toutefois, la mixité doit être durable dans toutes ses dimensions. Elle est sociale, mais aussi intergénérationnelle, et doit accorder en outre toute leur place aux situations de handicap. La requalification et le développement des équipements de proximité, notamment culturels, sont essentiels pour parvenir à une telle durabilité.
La mise en conformité avec les nouvelles normes techniques, sous réserve bien sûr que celles-ci soient adoptées, est une nécessité ; elle doit profiter à tous. Elle participe, de fait, à l’objectif de mixité. Le Conseil, dans son avis, s’est donc prononcé en faveur d’un plan ambitieux de rénovation thermique des bâtiments anciens, conformément aux objectifs affirmés dans le projet de loi faisant suite au Grenelle de l’environnement, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale.
Le quatrième et dernier point concerne la redynamisation économique, commerciale mais aussi sociétale des quartiers concernés.
Le Conseil s’est félicité, dans son avis, de la mobilisation des moyens du FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, et de l’EPARECA, l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, tout en relevant que, faute d’information sur la répartition des moyens financiers au sein du programme, il ne lui pas été possible de se prononcer sur l’adéquation entre les objectifs et les moyens.
Enfin – et il s’agit d’un regret que nous exprimons –, la mixité des fonctions et la requalification sociétale n’entrent pas dans le champ couvert par les dispositions du projet de loi, bien que ces deux éléments soient, chacun en est conscient, indispensables à la réussite du programme. Nul doute que des moyens importants devront être consacrés à la réalisation des équipements de proximité à caractère social, associatif, sportif ou culturel de nature à améliorer la qualité de vie des habitants.
Pour conclure, et bien qu’il ait regretté de n’être consulté que sur un seul chapitre du texte, le Conseil économique, social et environnemental a souscrit aux dispositions soumises à son examen. Ambitieux, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés l’est assurément. La question du niveau des moyens qui lui seront affectés et de leur origine, source d’interrogations pour le Conseil en juillet dernier, reste posée, me semble-t-il, et conditionne pour partie sa réussite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen par notre assemblée du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion intervient, à bien des égards, dans un contexte pour le moins délicat.
Bien qu’élaboré dans une période où les risques de contagion de la crise américaine dite des subprimes au continent européen semblaient limités, ce texte entend apporter des éléments de réponse à la crise du logement que traverse notre pays et contribuer à inverser une tendance récessive qui touche au premier chef le secteur de la construction.
Cet objectif est d’autant plus essentiel que la crise économique et financière connaît, depuis la mi-septembre, des développements et des rebondissements quasiment quotidiens, aggravant les difficultés rencontrées par bon nombre de ménages pour se loger dans des conditions financièrement accessibles.
La crise du crédit rend en effet plus malaisées les opérations d’accession à la propriété, à plus forte raison pour les ménages modestes.
M. Roland Courteau. Ça, c’est sûr !
M. Dominique Braye, rapporteur. La crise économique vient, quant à elle, heurter une dynamique de construction qui avait retrouvé un élan incontestable depuis 2005, l’année 2007 ayant été caractérisée par le chiffre record de mises en chantier de 435 000 logements neufs. Il semblerait cependant qu’un tel niveau ne puisse être retrouvé en 2008, les professionnels du secteur tablant sur la mise en chantier d’environ 380 000 logements.
Au-delà de ces éléments conjoncturels, dont la gravité n’échappe à personne et qui sont de nature à influencer sensiblement les travaux parlementaires sur le présent projet de loi, il convient de rappeler que ce dernier s’inscrit dans une certaine continuité par rapport aux dernières années, où l’on a vu se succéder, de 2003 à 2007, pas moins de six textes consacrés, en totalité ou partiellement, aux conditions d’exercice de la politique du logement.
La commission des affaires économiques avait eu, pour sa part, l’occasion de s’investir plus particulièrement dans la préparation et le suivi du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont la discussion avait été précédée d’un rapport d’information adopté à l’unanimité de ses membres.
M. Daniel Raoul. Cela arrive !
M. Dominique Braye, rapporteur. Ce document avait d’ailleurs servi de base de travail, mais également de source d’inspiration, pour l’élaboration de bon nombre de dispositifs introduits dans ce texte, qui comptait onze articles à l’origine et qui, à la faveur des enrichissements parlementaires successifs, en comporta finalement cent douze !
Le projet de loi instituant le droit au logement opposable, dont la présentation a suivi de quelques mois seulement l’adoption définitive de la loi portant engagement national pour le logement, avait en revanche appelé de ma part un certain nombre de réserves, que j’avais exprimées à l’époque.
Je pense en effet que le secteur du logement ne saurait faire l’objet de politiques successives que je qualifierai de stop and go, au risque de fragiliser ses fondamentaux et de favoriser la réalisation d’opérations ne présentant aucun caractère durable.
Un peu plus de deux années après sa promulgation, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement commence à donner des résultats, même si certains des dispositifs qu’elle a créés n’ont été mis en œuvre que très récemment.
Ainsi en est-il, par exemple, des modifications de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, puisque le système de commissions départementales et de commission nationale, mis en place sur l’initiative de la commission des affaires économiques, n’est opérationnel que depuis peu, la commission nationale ne s’étant à ce jour pas encore réunie.
Ces réflexions ne rendent pas pour autant illégitime un nouveau projet de loi sur le sujet.
D’une part, ce texte comporte des réformes de nature à favoriser l’émergence d’une offre nouvelle.
D’autre part, il offre la possibilité de corriger, d’aménager et de poursuivre certaines réformes entreprises au cours des dernières années, au travers de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, de la loi portant engagement national pour le logement ou de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
En outre, ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil de la démarche de révision générale des politiques publiques entreprise, dès son élection, par le Président de la République, puisque bon nombre de dispositions traduisent en droit des mesures qui avaient été annoncées lors du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008.
Le contexte budgétaire de l’année à venir étant particulièrement contraint, ce projet de loi n’offre que très peu de marges de manœuvre…
M. Thierry Repentin. C’est une litote !
M. Dominique Braye, rapporteur. … en termes de dépenses nouvelles ou de diminutions incitatives des prélèvements obligatoires.
Cette contrainte a conduit le Gouvernement à entamer des négociations avec les partenaires sociaux, parallèlement à la réforme de la gouvernance du 1 % logement qu’il proposait, afin de mobiliser les fonds de la participation des employeurs à l’effort de construction au profit du financement d’actions relevant auparavant des moyens budgétaires.
À cet égard, la commission des affaires économiques a vivement déploré les conditions dans lesquelles ont pu se dérouler, jusqu’à vendredi dernier, ces négociations dont le Parlement a été totalement exclu.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s’agit pourtant d’un domaine dans lequel il eût été pleinement légitime que le Parlement puisse exercer son contrôle.
En ce qui concerne les propositions qu’elle vous fera, la commission des affaires économiques, soucieuse elle aussi de l’équilibre des finances publiques, s’est, pour sa part, astreinte à la même ligne de conduite que le Gouvernement et n’a pas souhaité préconiser, sinon de manière très marginale, de mesures présentant un coût pour l’État ou les collectivités territoriales.
Cette exigence ne nous a pas pour autant empêchés de réfléchir à d’autres types d’actions incitatives pouvant favoriser l’augmentation de l’offre de logements, qui continue à être cruellement insuffisante dans notre pays.
Avant d’évoquer rapidement les principales propositions de la commission des affaires économiques, je souhaiterais présenter notre position sur l’article 17 du projet de loi, qui prévoit de modifier la liste des logements sociaux éligibles au quota des 20 % inscrit à l’article 55 de la loi SRU en y intégrant deux catégories de logements en accession sociale à la propriété.
Je tiens à dire en préalable, solennellement et fortement, que la commission des affaires économiques est très favorable au développement de l’accession sociale à la propriété et adoptera toutes les mesures qu’elle jugera aller dans ce sens.
En revanche, la commission des affaires économiques ne veut pas que soit relancé tout à fait inutilement, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, un débat portant sur les conditions d’application de l’article 55 de la loi SRU, même s’il s’agit là d’une tendance récurrente du législateur.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Dominique Braye, rapporteur. Le Parlement a déjà consacré des dizaines d’heures de débat à cette question, et nous sommes parvenus, dans le cadre de l’élaboration de la loi portant engagement national pour le logement, à un dispositif équilibré, auquel il faut maintenant laisser le temps de s’appliquer,…
M. Roland Courteau. N’y revenons pas !
M. Dominique Braye, rapporteur. … sans d’ailleurs opposer, comme semble le faire le projet de loi, le logement locatif social à l’accession sociale à la propriété, qui malheureusement, madame le ministre, ne sont pas destinés aux mêmes ménages. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin. C’est vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est dans cet esprit que la commission des affaires économiques présentera un amendement de suppression de l’article 17, car elle est totalement persuadée que cette disposition ne favorisera nullement l’accession sociale à la propriété. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne le 1 % logement, nous avons pris acte du résultat des négociations entre l’État et les partenaires sociaux. Nous proposerons donc simplement de ne pas afficher le fait que la participation des employeurs à l’effort de construction finance la politique de la ville, même si elle est effectivement employée à cette fin, et de prévoir que le droit de veto des commissaires du Gouvernement au sein du conseil d’administration de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, s’exercera de manière conjointe.
M. Thierry Repentin. Nous sommes d’accord !
M. Dominique Braye, rapporteur. Par ailleurs, la commission des affaires économiques s’est attachée à conforter la place des collectivités territoriales dans la conduite des politiques de l’habitat, à clarifier les dispositions relatives aux organismes d’HLM et à améliorer, ainsi qu’à compléter, celles qui concernent les copropriétés et la mobilité des locataires dans le parc social.
En ce qui concerne le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD, la commission des affaires économiques, jugeant intéressante la faculté offerte aux collectivités concernées par le programme de créer des fonds locaux de réhabilitation de l’habitat privé, a souhaité étendre cette possibilité à l’ensemble du territoire.
S’agissant des mesures fiscales prévues dans le projet de loi, la commission des affaires économiques proposera de maintenir les avantages fiscaux accordés aux investissements locatifs dans les zones de revitalisation rurale et de prolonger d’une année le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans le secteur individuel au moyen d’un Pass-Foncier, pour harmoniser le Pass-Foncier individuel et le Pass-Foncier collectif.
Au sujet des logements relevant du dispositif du « Robien » ou de celui du « Borloo », je souhaiterais appeler l’attention du Sénat sur le fait que nous préconisons d’encadrer leur construction, par l’intermédiaire de documents d’orientation et d’urbanisme, pour limiter les risques d’implantation dans des bassins d’habitat où ils ne correspondent nullement à la demande locale…
M. Thierry Repentin. Excellent !
M. Dominique Braye, rapporteur. … et éviter ainsi les dérapages que nous avons connus, même si ces derniers sont manifestement mineurs au regard de tout ce que ces dispositifs ont apporté.
M. Jean-Pierre Caffet. Cela reste à voir !
M. Dominique Braye, rapporteur. Enfin, la commission des affaires économiques a souhaité compléter le projet de loi sur deux points.
Le premier point concerne l’amélioration des procédures de lutte contre les logements insalubres ou indécents. La commission propose notamment une modification des modalités d’évaluation, par les juges de l’expropriation, des fonds de commerce des hôtels meublés. Il sera ainsi beaucoup moins profitable d’exploiter la misère des plus démunis en étant marchand de sommeil.
Le second point a trait au foncier. Ce volet est réduit à sa plus simple expression dans le texte, or nombre d’acteurs nous ont fait part de leur étonnement de ce qu’un projet de loi sur le logement ne comprenne pas, ou presque, de mesures sur ce sujet, alors même que la mobilisation du foncier constitue le premier maillon de la chaîne de réalisation de logements.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Thierry Repentin. Il est très critique !
M. Dominique Braye, rapporteur. Le foncier utilisable pour la construction de logements reste, mes chers collègues, très insuffisant : certains observateurs avancent le chiffre de 70 000 hectares pour le logement, contre 215 000 hectares supplémentaires consacrés chaque année à l’activité économique.
M. Charles Revet. Il est très important de le souligner !
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est pourquoi la commission des affaires économiques vous proposera, à partir des auditions menées sur le sujet, de compléter le volet relatif au foncier par un certain nombre de mesures tendant essentiellement à donner davantage d’outils aux maires ou à rendre plus opérationnels ceux qu’ils ont déjà à leur disposition.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous le voyez, la commission des affaires économiques souscrit aux objectifs visés au travers du projet de loi et vous invitera à l’adopter, sous réserve de l’adoption des cent-dix-neuf amendements (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste) qu’elle vous présentera. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les différentes présentations complètes et très claires du projet de loi qui viennent d’être faites, il me revient d’insister plus particulièrement sur ses aspects sociaux.
Nous avons retenu trois thèmes, qui forment le cœur des dispositions proposées : la mobilité dans le parc locatif social, la promotion de l’accession sociale à la propriété et la mise en place d’un programme de rénovation des anciens quartiers dégradés. La commission des affaires sociales en a ajouté un quatrième, dont le texte ne traite pas directement mais sur lequel elle a beaucoup travaillé : celui de l’hébergement d’urgence. J’y reviendrai ultérieurement.
Avant d’entamer ma présentation du texte, je voudrais souligner, madame le ministre, que nous n’avons malheureusement pas encore obtenu, à cette heure, toutes les réponses à nos questions. Certes, le Gouvernement avait, ces jours-ci, d’autres sujets bien plus urgents à traiter, mais vous savez comme moi que la qualité du débat démocratique s’améliore quand le Gouvernement et le Parlement échangent leurs informations et discutent à partir des mêmes données.
L’introduction d’une certaine mobilité dans les HLM est le premier objectif social visé au travers du texte. Si plus de 1,2 million de personnes sont encore aujourd’hui en attente d’un logement social, c’est en partie parce que, à l’intérieur du parc locatif social, personne ne bouge : une fois que le logement a été attribué, les ménages ont tendance à y rester, quelle que soit l’évolution de la famille et de ses ressources.
M. Christian Cambon. Tout à fait !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Ces habitudes conduisent à des situations anormales, parfois injustes : un couple ou une personne seule peut continuer d’habiter dans un appartement de cinq pièces après le départ du dernier enfant, alors qu’aucun grand logement social n’est disponible et que d’autres familles de la commune attendent.
De même, des personnes peuvent avoir eu accès à un logement HLM à une époque où elles gagnaient modestement leur vie, et continuer d’y demeurer vingt ans plus tard alors que leurs revenus ont doublé ou triplé.
C’est à ce genre de situations que ce projet de loi mettra fin. Vous l’avez dit, madame le ministre, grâce à une aide du bailleur et seulement si on leur propose un autre domicile, les ménages qui habitent des logements sociaux sous-occupés devront désormais les quitter.
Il en ira de même pour les logements accessibles aux personnes handicapées : dès lors qu’un tel logement ne sera plus effectivement occupé par une personne handicapée, les locataires qui y demeurent devront déménager, là aussi sous réserve d’une aide du bailleur et de propositions de relogement.
Enfin, les locataires dont les ressources sont deux fois supérieures au plafond fixé seront également concernés par la suppression du droit au maintien dans les lieux.
Je n’ai pas caché mon sentiment : j’estime que ces mesures sont courageuses. Elles dessinent une politique sociale claire, qui a pour objet, tout simplement, d’attribuer les logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin. Dans un contexte où la demande se fait sans cesse plus pressante, où le poids des dépenses de logement dans le budget des ménages français s’alourdit chaque année, les logements sociaux doivent être avant tout destinés aux classes populaires.
Il est invraisemblable que nous ayons oublié ces évidences. Intimidés par le poids des habitudes, nous acceptions sans mot dire des situations injustes, parfois intolérables, et qui étaient presque devenues taboues. Je ne peux que vous remercier, madame le ministre, d’avoir la volonté de clore cette époque.
Je voudrais apporter une dernière précision sur ce sujet. Certains prétendent que le texte menace la mixité sociale. Cela est tout à fait inexact, et un seul chiffre suffit à le prouver : après l’entrée en vigueur du projet de loi, 60 % des ménages français resteront éligibles à un logement social standard. Qui peut donc prétendre que les classes moyennes seront refoulées des HLM ?
J’en viens rapidement à ce qui constitue à mon sens le deuxième point essentiel du projet de loi : la promotion de l’accession sociale à la propriété, qui fait l’objet de l’article 17.
Il n’est pas utile, je crois, de rappeler en détail les dispositions de la loi SRU, que nous connaissons tous. Je me permettrai cependant de souligner, mes chers collègues, que le champ de la définition du logement social au sens de la loi SRU a beaucoup évolué depuis 2000.
On y a inclus en 2005, lors de l’élaboration de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les lits des foyers réservés aux personnes handicapées mentales. La même année, nous avons estimé que les logements loués ou vendus aux harkis pouvaient également être considérés comme des logements sociaux.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Enfin, en 2006, les logements HLM vendus à leurs locataires ont aussi été intégrés dans le calcul du quota des 20 %, pour cinq ans à compter de leur vente.
Si nous avons voté en faveur de ces mesures, c’est évidemment parce que nous les avons jugées légitimes. J’estime que la disposition du présent texte tendant à qualifier de « sociaux » les logements acquis grâce à un dispositif d’accession sociale à la propriété l’est tout autant.
Je vous en laisse juges : les logements bénéficiant du régime de l’accession populaire à la propriété sont destinés aux mêmes personnes et font l’objet du même niveau d’aide de la collectivité que les logements HLM.
M. Christian Cambon. Eh oui !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Alors, pourquoi considérer que des personnes ayant le même niveau de revenus, exerçant souvent le même métier, sont « riches » quand elles sont propriétaires et « pauvres » quand elles sont locataires ?
M. Charles Revet. Il n’y a en effet pas de raison !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. C’est un préjugé que je trouve malheureux et, surtout, nuisible aux ménages les plus modestes.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Ce sont eux qui ont le plus besoin d’épargner, ce sont eux qui ont le plus besoin de se constituer un capital pour faire face aux accidents de la vie et pour aider leurs enfants à vivre plus confortablement.
M. Gérard Le Cam. Augmentez les salaires !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales vous propose donc de ne pas remettre en cause cette disposition, qui lui a paru profondément juste socialement.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. J’en viens maintenant au troisième point.
Le projet de loi crée un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ou PNRQAD, qui répond à une attente maintes fois formulée par le Sénat. Concrètement, ces quartiers feront l’objet d’une réhabilitation du parc privé et d’une redynamisation économique par l’implantation de commerces.
Toutefois, je ne vous le cache pas, ce plan pose plusieurs problèmes.
Le premier a trait au maintien dans ces quartiers, après leur réhabilitation, de la population y résidant : comment s’assurer que cette réhabilitation n’aboutisse pas à l’éviction des plus pauvres, comme cela s’est déjà produit dans plusieurs villes ? Il me semble important de garantir le maintien dans les quartiers rénovés des populations résidantes et la commission des affaires sociales présentera un amendement en ce sens.
Le deuxième problème tient tout simplement au financement du plan. Les besoins ont été chiffrés à 9 milliards d’euros. L’État apportera 2,5 milliards d’euros, qui seront prélevés sur le 1 % logement. On attend des collectivités locales, souvent parmi les plus pauvres, qu’elles financent également ce plan à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Il reste donc au moins 4 milliards d’euros à trouver, au moyen, nous a-t-on indiqué, de prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Le contexte économique et financier nous incite à la prudence sur ce point. Pouvez-vous, madame le ministre, nous apporter quelques éclaircissements supplémentaires ?
M. Daniel Raoul. Ah !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Pour finir, je souhaite aborder un sujet qui n’est qu’effleuré par le projet de loi mais auquel la commission des affaires sociales accorde une importance particulière : la régulation de l’hébergement d’urgence. Notre ancien collègue Bernard Seillier, ainsi que le docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, nous ont alertés sur un grave problème dans ce domaine.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Voici deux ans, le mouvement des tentes du canal Saint-Martin nous avait conduits à considérer que l’ensemble des places d’hébergement existantes devaient être utilisées afin que personne ne dorme dehors.
Cette considération avait, et conserve, sa légitimité, mais elle a abouti à transformer presque toutes les places d’hébergement d’urgence en places de stabilisation, qui ont, elles, vocation à accueillir les personnes pour une durée beaucoup plus longue. Il en résulte aujourd’hui qu’il ne reste plus de places d’hébergement d’urgence libres à partir de 22 heures à Paris, alors que l’hiver n’a pas commencé.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Aucune place n’est donc disponible pour accueillir les personnes en détresse qui subissent des accidents de la vie. On pense, par exemple, aux femmes victimes de violences conjugales qui ne veulent pas rentrer chez elles.
M. Roland Courteau. C’est sûr ! Et pas seulement à Paris !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Cette situation est potentiellement dramatique et appelle une large réflexion de notre part sur la spécificité de l’hébergement d’urgence. Mais, en attendant, il faut au moins que les places existantes soient utilisées le mieux possible. Or tel n’est pas le cas. Tous les soirs, on refuse un hébergement d’urgence à des personnes, alors que des places restent libres, parce qu’aucune autorité n’est en mesure de les localiser. Cette situation n’est plus tenable : nous n’avons pas le droit d’attendre le grand froid et son lot de nouvelles tragiques pour agir !
La commission des affaires sociales vous proposera donc, mes chers collègues, un dispositif permettant de connaître enfin, en temps réel, le nombre et la localisation des places d’hébergement d’urgence disponibles et créant une autorité chargée de réguler leur attribution.
Voilà, mes chers collègues, les observations qu’appelle de ma part ce projet de loi courageux – je le répète –, que la commission des affaires sociales vous invite à adopter, sous réserve des amendements qu’elle vous soumettra. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances, en liaison avec la commission des affaires économiques saisie au fond et avec la commission des affaires sociales, s’est saisie pour avis des articles de ce texte ayant une portée fiscale ou budgétaire directe, ainsi que des articles relatifs à des dispositifs ayant récemment fait l’objet de contrôles budgétaires.
Des dispositions de quatre types sont donc concernées : tout d’abord, à l’article 3, la réforme du 1 % logement, tant dans sa gouvernance que dans l’emploi des sommes collectées ; ensuite, aux articles 7, 8 et 14, les dispositions relatives au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ou PNRQAD, ainsi qu’aux règles d’intervention de l’ANRU ; aux articles 15 et 16, les dispositions relatives aux dépenses fiscales ; enfin, aux articles 23 et 24, la mise en œuvre du droit opposable au logement ainsi que l’article relatif à l’hébergement.
Votre projet de loi, madame la ministre, arrive en discussion dans un contexte difficile pour le secteur du logement qui, depuis plusieurs mois, fait face à un ralentissement devenu soudainement brutal, bien plus brutal qu’imaginé à la fin de l’année dernière, lorsque s’en dessinaient les prémices.
Ce retournement de conjoncture, après plusieurs années de hausse ininterrompue de l’activité, a déjà des conséquences importantes : baisse du nombre des mises en chantier, difficultés financières des entreprises du secteur, diminution du nombre des ventes.
Mais, après tout, on pourrait considérer qu’à quelque chose malheur est bon, comme dit le proverbe, puisque nous enregistrons – enfin, oserais-je dire – une baisse des prix dans le neuf comme dans l’ancien, à l’exception, pour le moment, des zones les plus « tendues ».
En effet, force est de reconnaître que la très forte activité de ces dernières années, si elle avait permis de relancer fortement la construction de logements pour atteindre des sommets historiques l’an dernier, avait aussi eu pour corollaire un emballement des prix du foncier, des coûts de la construction et, au final, du prix des logements neufs ou anciens et des loyers. Cet emballement des prix a placé beaucoup de nos concitoyens dans l’impossibilité d’accéder à la propriété et – plus grave encore – nombre d’entre eux ne peuvent tout simplement plus trouver de logement dont la taille et le loyer soient compatibles avec la composition et les ressources de leur famille.
Une fois de plus, il sera donc vérifié, à la bourse comme dans l’immobilier, que les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel !
Cependant, si nous pouvons nous réjouir du coup d’arrêt porté à la hausse déraisonnable des prix, nous devons aussi souhaiter que cette inversion de tendance ne porte pas un coup trop dur à la construction de logements dont notre pays à éminemment besoin, tant dans le secteur privé que dans le secteur social.
Or, à l’heure actuelle, tous les indicateurs nous montrent que le ralentissement en cours est déjà sévère dans le secteur privé. Et, comme si cela ne suffisait pas, s’ajoutent désormais à ce contexte difficile les conséquences de la crise financière internationale, avec un resserrement du crédit et une augmentation des taux d’intérêt.
Madame la ministre, le présent projet de loi, élaboré avant les débuts de cette crise financière, est également fortement contraint par le contexte budgétaire français.
En effet, celui-ci a conduit le Gouvernement à présenter un projet de loi de finances pour 2009 et un projet de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011, marqués par une limitation stricte de l’évolution des dépenses publiques en général, ce dont je me félicite, et, pour certaines missions, par des économies budgétaires.
Mais, dans le cadre de la mission « Ville et logement », c’est bien une débudgétisation de sommes importantes qui nous est proposée : je ne peux bien évidemment pas m’en féliciter et la commission des finances le regrette.
M. Thierry Repentin. Je vous rejoins !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Le projet de loi de finances pour 2009, dont nous discuterons dans quelques semaines, anticipe en effet sur un éventuel accord, toujours en cours de négociation avec les partenaires sociaux qui gèrent le 1 % logement, et sur l’adoption en l’état du projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre.
Ainsi, le projet de loi de finances affiche une débudgétisation de la part de l’État, totale dans le financement de l’ANRU et quasiment totale dans le financement de l’ANAH.
L’article 3 de votre projet de loi, madame la ministre, et le projet de loi de finances pour 2009 remettent en cause l’acquis d’une des lois les plus emblématiques adoptées par le Parlement ces dernières années. Ils remettent également en cause les conventions signées avec les partenaires sociaux lors du lancement du programme national de rénovation urbaine, qui prévoyaient que, lorsque l’État investirait un euro pour financer l’ANRU, le 1 % logement en ferait autant. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
M. Jean-Pierre Caffet et M. Daniel Raoul. Exact !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Revenant de manière unilatérale sur cet accord, l’État demande aujourd’hui au 1 % logement de compenser auprès de l’ANRU les sommes qu’il ne versera plus. Il lui demande également de prendre en charge le financement de l’ANAH et celui du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
M. Thierry Repentin. C’est tout à fait ça !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Je considère, madame la ministre, que cette décision n’est pas un bon signal adressé à tous ceux qui se sont engagés – j’allais dire corps et âme – dans ces projets souvent très lourds financièrement pour les collectivités locales et les bailleurs, qui les portent à bout de bras pour réintégrer dans la République des quartiers partis à la dérive depuis parfois des dizaines d’années.
M. Daniel Raoul. C’est vrai !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cette décision ne constitue pas non plus un bon signal adressé au Parlement qui, au moment où ses pouvoirs vont être renforcés grâce à la dernière révision constitutionnelle, se voit tout simplement dessaisi de la possibilité de voter les crédits destinés à l’ANRU lors du vote de la loi de finances, puisque le programme 202 « Rénovation urbaine » disparaît, n’ayant plus de raison d’être faute de crédits, et puisque les sommes destinées à la réhabilitation du bâti ancien par l’ANAH disparaissent également, ou peu s’en faut, du budget de l’État.
Cela étant dit, nous pourrions peut-être faire contre mauvaise fortune bon cœur…
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Après tout, si les signaux politiques ne sont pas bons, le plus important est néanmoins de savoir si, oui ou non, l’ANRU et l’ANAH disposeront, dans les années à venir, des ressources nécessaires pour faire face aux objectifs que nous leur avons fixés.
M. Thierry Repentin. Pas en l’état !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. L’ANRU pourra-t-elle, jusqu’au terme du mandat que nous lui avons confié pour le pilotage du programme national de rénovation urbaine, disposer des moyens financiers lui permettant d’honorer les engagements contenus dans les conventions tripartites signées par l’État, l’ANRU et les collectivités locales dont l’enveloppe totale, je vous le rappelle, atteindra 36 milliards d’euros ?
M. Jean-Pierre Caffet. Bonne question !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. À cette question, madame la ministre, j’ai le regret de vous dire que je ne suis pas en mesure d’apporter de réponse claire. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
En effet, je ne sais pas, votre texte ne le disant pas, pour quelle durée la fixation par décret des emplois des ressources du 1 % logement est prévue. Est-ce pour les trois années à venir ? Le projet de loi est muet sur ce point.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. L’État envisage-t-il de rebudgétiser dans trois ans ce qu’il a débudgétisé aujourd’hui ?
M. Jean-Pierre Caffet. C’est peu probable !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. En d’autres termes, votre décision est-elle purement conjoncturelle ou envisagez-vous, jusqu’en 2020, terme du PNRU, de demander au 1 % logement de se substituer à l’État ?
Cette question est fondamentale, madame la ministre, car, en l’état actuel des choses, sur la base du projet de loi qui nous est présenté, le plan de financement de l’ANRU n’est pas soutenable au-delà de trois ans. Pour s’en convaincre, mes chers collègues, il suffit de rapprocher le plan de trésorerie de l’ANRU, actualisé à la fin de 2007, et les apports du 1 % logement à l’ANRU dans le cadre du PNRU en 2009, 2010 et 2011 et fixés en dessous de 800 millions d’euros.
À ce rythme, madame la ministre, la trésorerie de l’ANRU serait à plat à la fin de 2010, ce qui obligerait l’Agence à allonger des délais de paiement que les élus trouvent déjà trop longs, et, à la fin de 2011, cette trésorerie deviendrait négative. Une clause de rendez-vous dans trois ans est donc impérativement nécessaire, et peut-être même dès la fin de 2010. Or le projet de loi que vous nous présentez n’en dit rien !
Si j’ai l’intime conviction qu’aucun gouvernement ne pourra se permettre de ne pas assurer le financement de l’ANRU, nous ne pouvons cependant pas nous contenter d’un : « On verra dans deux ou trois ans ». Ce serait d’ailleurs assez paradoxal, au moment même où, pour la première fois, on nous présente un budget accompagné d’une programmation portant sur trois ans.
On ne peut donc pas nous opposer une fin de non-recevoir sans nous donner un minimum de visibilité et de garanties. C’est à cette seule condition que la débudgétisation que vous nous proposez et qui n’est qu’un expédient budgétaire inspiré par Bercy – appelons un chat un chat – pourrait être acceptée par le Parlement.
Du côté des partenaires sociaux, les inquiétudes sont également sérieuses. Concernant la gouvernance du 1 % logement, ils reconnaissent que les critiques formulées sur la gestion passée sont fondées et ont accepté le principe d’une nouvelle gouvernance et vous l’avez négociée avec eux. Cependant, s’agissant des moyens et, notamment, de la volonté du Gouvernement de fixer l’ensemble des catégories d’emploi et les enveloppes par catégorie, ils ne se montrent favorables que sous la menace d’une budgétisation de la ressource dont Bercy ne veut pas – paradoxe absolu ! – pour ne pas alourdir les prélèvements obligatoires.
Malgré tout, madame la ministre, puisqu’un accord semble être sur le point de se conclure,…
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. … il me semble maintenant possible d’envisager ce que Bercy refusait jusqu’à présent, c’est-à-dire la signature d’une convention pour trois ans, qui pourrait rassurer, d’un côté, le Parlement sur le financement de l’ANRU et de l’ANAH en instaurant clairement une clause de revoyure, et, de l’autre, les partenaires sociaux.
Nous savons tous qu’au-delà de trois ans le système proposé aujourd'hui ne tient plus la route parce que les apports à l’ANRU devraient chaque année dépasser le milliard d’euros pour soutenir les besoins de paiements. Or, avec moins de 800 millions d’euros, le compte n’y sera pas.
Nous savons aussi que, si l’on redéploie les 900 millions d’euros de prêts qu’accordait le 1 % logement aux particuliers pour des travaux préremboursables en les transformant en subventions à l’ANRU et à l’ANAH, le moment viendra très vite où les 4 milliards d’euros dont dispose annuellement le « 1 % » se réduiront à 1,5 milliard, c’est-à-dire au strict montant de la collecte puisqu’il n’y aura plus de retour sur prêts.
Le système que vous mettez en place aujourd’hui implosera au-delà de trois ans. (M. Thierry Repentin lèvre les bras au ciel.)
Madame la ministre, les chiffres sont têtus.
Afin de rassurer les différents acteurs et la représentation nationale, il faut que vous éclaircissiez ce point fondamental et que vous acceptiez l’un des deux amendements que la commission des finances vous proposera. J’espère que vous entendrez la demande du Parlement.
Nous comprenons tout à fait la situation budgétaire de la France et la nécessité de faire les efforts indispensables pour y remédier. Trente années de déficit budgétaire nous ont conduits là où nous en sommes aujourd’hui, c’est-à-dire sans marge de manœuvre, alors que la crise internationale pèse sur notre budget.
Pour autant, le logement et la rénovation urbaine doivent rester une priorité nationale. Je sais, madame la ministre, que telle est votre conviction et que votre engagement en ce sens est fort. Alors, aidez-nous à trouver les moyens, au cours de ce débat, de rassurer et de conforter l’ensemble des acteurs.
Voilà, madame la ministre, les remarques que je souhaitais formuler à propos de l’article 3 du présent texte. Il me reste peu de temps pour traiter des autres articles dont la commission des finances s’est saisie, mais vous aurez compris que, pour moi, d’un point de vue budgétaire, l’essentiel était là.
Je ne reviendrai pas sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Il devrait concerner un nombre limité de quartiers, 100 à 150, situés dans 100 communes ou EPCI.
Là aussi, le 1 % logement sera sollicité pour un financement de 2,5 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. Nous allons également demander aux collectivités locales et au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, d’amener des fonds.
Vous nous l’avez dit, madame la ministre, ce programme n’est pas un « ANRU II » ; il est bien plus limité en volume. Il faudra cependant veiller à ce que son lancement n’ait pas de répercussions négatives, notamment en matière de financement du programme national de rénovation urbaine, pour lequel je crois vous avoir suffisamment fait part de mes craintes.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission des finances vous proposera des amendements sur ce point.
Je n’évoquerai ni l’article 8 ni l’article 14.
L’article 15 vise à recentrer les aides fiscales dites « Robien » sur les zones où le marché immobilier est le plus tendu ainsi qu’à supprimer la déduction spécifique aux investissements dans les zones dites de revitalisation rurale.
Ces mesures nous semblent largement justifiées par les excès mis en évidence par les médias dans les zones où, alors que le besoin n’existait pas, des vendeurs de produits de défiscalisation ont malgré tout entraîné des particuliers mal informés dans des opérations vouées à l’échec faute de correspondre aux besoins du marché local.
M. Thierry Repentin. Il faut le reconnaître !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cet article entraînera une diminution des dépenses fiscales. On peut s’en féliciter, même si toute estimation est difficile.
Le coût du dispositif « Robien ZRR » est de 20 millions d’euros en 2009, somme qui n’est certes pas très importante, mais c’est déjà cela.
L’appréciation de l’effet du recentrage géographique des dispositifs Robien et Borloo est plus délicate. Ces dispositifs, dont bénéficiaient 145 000 ménages en 2007, ont un coût fiscal estimé à 350 millions d’euros pour 2009, auxquels s’ajoutent 20 millions d’euros au titre du « Borloo neuf ».
Selon les informations fournies par le ministère du logement, le coût fiscal des 25 000 logements réalisés en zone C est estimé, en valeur actuelle, à 390 millions d’euros par génération, cette dépense fiscale étant en pratique étalée sur neuf à quinze ans.
À l’article 16, il est proposé d’appliquer le taux réduit de TVA à 5,5 % aux acquisitions de logements collectifs bénéficiant du dispositif du Pass-foncier.
La complexité du montage juridique du Pass-foncier avait conduit le Parlement, en 2007, à réserver les incitations fiscales qui lui étaient liées aux acquisitions de maisons individuelles et à les limiter dans le temps.
Le Gouvernement propose ici un schéma juridique simplifié qui, selon vos estimations, devrait permettre de financer 30 000 logements pour des familles modestes qui pourraient ainsi accéder à la propriété.
La commission des finances s’est évidemment montrée favorable à ce dispositif, qui permettra aux familles les plus modestes d’accéder à la propriété. Elle proposera tout de même un amendement visant à éviter les effets d’aubaine pour les promoteurs mal intentionnés qui pourraient être tentés, au sein d’un même programme, de vendre hors taxes à des prix différents selon que l’acheteur bénéficierait ou non de la TVA à taux réduit.
Certains, chez les professionnels – nous en avons rencontré lors de nos auditions - comme chez les politiques d'ailleurs, auraient souhaité, face à la crise de l’immobilier actuelle, que le taux réduit de TVA puisse être appliqué à d’autres catégories d’acquisition. Le Gouvernement a considéré que le moment n’était pas opportun. La commission des finances n’a pas souhaité proposer d’amendement en ce sens.
Je ne traiterai pas de l’hébergement ni du droit opposable au logement, me réservant de le faire lors de la discussion des articles 23 et 24.
Je dirai simplement que je suis absolument satisfait de la régionalisation de la gestion du DALO en Île-de-France. Elle était demandée par les associations et par le comité de suivi du DALO (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) et correspondait aux conclusions du rapport établi par la commission des finances avant l’été.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. La commission proposera des mesures complémentaires afin d’aller plus loin dans la régionalisation.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour ce qui est de l’hébergement en Île-de-France, je pense qu’il est grand temps de revoir les choses et de les organiser sur la base du futur Grand Paris et d’arrêter de raisonner département par département, ce qui n’a absolument aucun sens pour un territoire comme celui-là. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Odette Terrade. Que dites-vous des Hauts-de-Seine ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les remarques que la commission des finances souhaitait formuler au moment où le débat s’ouvre sur ce texte. Je forme des vœux pour qu’il soit fructueux et constructif.
La commission des finances vous appellera, mes chers collègues, à voter ce projet de loi, sous réserve, bien évidemment, de l’adoption des amendements qu’elle vous proposera. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir consulté les différents groupes politiques et - je tiens à le préciser - avec leur accord, la commission demande, pour la lisibilité de nos travaux, qu’il puisse être procédé à la disjonction de l’examen de certains amendements de suppression ou de rédaction globale d’articles, qui entraînent, en l’état, la mise en discussion commune d’un grand nombre d’amendements.
À ce titre, nous demandons qu’il puisse être procédé à l’examen séparé, sur l’article 1er, des amendements nos 160 et 236 de suppression et de l’amendement n° 512 de rédaction globale.
Sur l’article 3, nous demandons la disjonction de l’examen des amendements nos 173 et 311 de suppression et de l’amendement n° 174 de rédaction globale.
Toujours sur ce même article, nous demandons que puisse être également examiné de manière séparée l’amendement n° 181, qui tend à la suppression des 6° à 16° du I de cet article.
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le président, avant de répondre aux différents rapporteurs, je tiens tout d’abord à remercier M. Henri Feltz du travail qui a été accompli au sein du Conseil économique et social.
M. Feltz a souligné le manque de précision concernant le financement. Il est vrai que, lorsque, au mois de juin, nous avons saisi le Conseil économique et social, nous ne disposions pas de toutes les données financières nécessaires, mais celles-ci sont maintenant tout à fait précisées dans le cadre des engagements du « 1 % ».
En ce qui concerne les critères de définition des quartiers anciens dégradés, le projet de loi – je le dis très clairement – pourra être amélioré.
M. Feltz a également souligné l’imprécision concernant les rôles spécifiques de l’ANRU et de l’ANAH. Je précise que nous sommes dans une période où il faut faire avancer les choses, envisager d’autres façons de travailler, mettre en synergie tous les savoir-faire, dans ce domaine-là comme dans d’autres.
En ce qui concerne les quartiers anciens dégradés, l’ANAH et l’ANRU uniront leurs capacités, et mettront en cohérence leurs savoir-faire.
S’agissant des moyens, le financement est assuré par la contribution du « 1 % ».
Sur la nécessité d’un partenariat avec les collectivités locales, le projet de loi pourra également être amélioré grâce au travail du rapporteur au fond.
M. Henri Feltz a fait allusion à la « gentrification » de certains quartiers.
Il est bien évident – nous le verrons au cours des débats - que mon objectif n’est pas du tout de favoriser la « boboïsation » de ces quartiers anciens dégradés une fois rénovés, comme cela a pu être constaté dans un certain nombre de villes. Les personnes qui vivent actuellement dans ces quartiers dégradés, dans des logements souvent indignes et parfois moins confortables que d’autres logements qui sont détruits, ont vocation à y revenir après rénovation. Elles jouiront alors d’habitations décentes où il fera bon vivre.
Monsieur Braye, vous avez dénoncé le fait que le Parlement n’ait pas été associé à la réforme du « 1 % ». Je dois vous rappeler, monsieur le rapporteur, que cette négociation a été menée par l’État, dont c’est la responsabilité. Le résultat de cette négociation est traduit dans le projet de loi qui est soumis à votre assemblée, avec l’objectif d’accroître la construction de logements sociaux. Nous aurons l’occasion, au moment de la discussion de l’article concerné, d’y revenir, mais la négociation a bien eu lieu entre l’État et les partenaires sociaux et ce qui en est résulté va être soumis au Parlement.
Nous aurons l’occasion de revenir sur l’article 55 de la loi SRU lors de l’examen de l’article 17. Vous déclarez que les logements locatifs sociaux et les habitations en accession populaire à la propriété ne sont pas destinés aux mêmes ménages ; je vous ferai simplement remarquer que les plafonds de ressources pris en compte sont les mêmes.
M. Dominique Braye, rapporteur. Tout le monde n’est pas au plafond !
Mme Christine Boutin, ministre. Pour la mobilisation du foncier, certaines des propositions formulées par la commission des affaires économiques sont très intéressantes et ont été examinées avec soin. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons les retenir.
Madame Bout, je vous remercie des propos que vous avez tenus sur la mobilité dans le parc social et sur la promotion de l’accession sociale à la propriété. Cela montre bien que, sur l’article 17, les avis sont partagés et que la discussion est nécessaire. Chacun doit s’efforcer d’aborder cette problématique avec intelligence, ouverture et responsabilité. (M. le rapporteur acquiesce.)
Vous m’avez interrogée, madame le rapporteur pour avis, sur la rénovation des quartiers anciens dégradés. Comme je l’ai déjà dit, notre objectif est bien de maintenir les populations dans ces quartiers, ce qui sera possible grâce à la réalisation de 30 000 logements sociaux de droit. Nous allons pouvoir, grâce à l’effort qui a été consenti récemment, tenir cet engagement.
Sur les 10 milliards d’euros nécessaires à ce projet, 2,5 milliards d’euros proviennent du « 1 % », le reste étant réparti entre les collectivités locales, les opérateurs, les bailleurs sociaux et l’ANRU.
En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, madame Bout, vous avez soulevé un problème fondamental. Je crois effectivement qu’il faut une meilleure coordination, en particulier dans la région d’Île-de-France. J’examinerai de façon positive les amendements qui seront proposés sur ce sujet.
M. Philippe Dallier, qui s’est exprimé avec brio, comme à l’accoutumée - les autres intervenants ont fait de même, mais il faut reconnaître que M. Dallier manie les questions financières avec un talent particulier ! - a déploré une débudgétisation et j’ai cru comprendre que certains partageaient sa position.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle, après M. le rapporteur, que nous sommes dans un contexte de budget contraint et que nous avons tous comme objectif premier – du moins avant la crise survenue il y a trois semaines - de réduire le déficit de l’État.
C’est la raison pour laquelle il a été demandé à l’ensemble des ministères, et non pas au seul ministère du logement, de recourir à une débudgétisation de leurs dépenses. Si le budget du ministère du logement a été mis en exergue, c’est sans doute parce que le logement est une préoccupation particulièrement importante pour nos concitoyens. Toutefois, monsieur le rapporteur, heureusement ou malheureusement, le ministère du logement n’est pas le seul auquel il a été demandé de faire appel aux recettes extrabudgétaires.
Il est bien évident que, en ce qui concerne le ministère du logement, les ressources extrabudgétaires proviennent de la mobilisation du « 1 % » rendue possible grâce à la réorientation des ressources à destination des priorités fixées par le Gouvernement.
Je dois vous dire que les négociations que j’ai pu mener sur le « 1 % » ont été longues puisqu’elles ont commencé en juin et qu’elles ont abouti jeudi dernier. Ces négociations ont été menées de part et d’autre de façon responsable et transparente. Lorsque l’on se trouve dans une conjoncture particulière, chacun doit prendre ses responsabilités. Je crois pouvoir affirmer - et vous le verrez lors de la discussion de l’article concerné – que les deux parties sont parvenues, en toute responsabilité, à un accord « gagnant-gagnant ».
Les moyens de l’ANRU et de l’ANAH sont augmentés et garantis grâce à la contribution du « 1 % ».
M. Thierry Repentin. Le « 1 % » sert déjà au logement !
Mme Christine Boutin, ministre. Quand on examine les crédits de la mission « Ville et logement » stricto sensu, comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur, on constate qu’ils sont en diminution. Mais si l’on prend en compte le résultat des négociations et l’appel à des recettes extrabudgétaires, je vous affirme que les capacités de financement de mon ministère sont augmentées de 200 millions d’euros par rapport à celles dont je disposais cette année. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Thierry Repentin. Au détriment de la politique du logement social !
Mme Christine Boutin, ministre. La trésorerie de l’ANRU atteint 150 millions d’euros aujourd’hui et restera positive en 2011.
Monsieur Dallier, vous vous préoccupez, et je respecte votre inquiétude comme votre prudence, de savoir ce qui se passera au bout des trois ans.
Le texte que je vais vous présenter est la base de l’accord qui doit être formalisé, pour trois ans donc, lors du prochain conseil d’administration de l’organisme qui gère le 1 % logement, le 23 octobre prochain. Au terme de cette période, et si cela est nécessaire – c’est le ministre du logement, engageant la parole du Gouvernement, qui vous le dit –, l’État fera ce qu’il convient de faire.
Monsieur Dallier, voilà trois semaines, nous ne pouvions même pas imaginer ce que nous allions décider aujourd’hui. Quand on vit une période comme celle-là, vous proposer un engagement sur trois ans me semble raisonnable et responsable !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais 360 milliards d’euros pour les banques !
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Dallier, je ne suis pas un ministre qui fait des promesses qu’il ne peut pas tenir !
Je vous le confirme, la parole de l’État est engagée en ce domaine, comme elle est engagée pour la garantie qui est aujourd'hui accordée aux banques.
Mais je m’interroge. Comment certains ont-ils pu penser que les quartiers anciens dégradés seraient financés par l’ANRU ? Ce n’est pas cela du tout !
M. Thierry Repentin. Alors, m’sieur Dallier ? (Sourires.)
Mme Christine Boutin, ministre. Je vous le dis de façon ferme, les crédits de l’ANRU ne serviront en aucune manière à financer le plan national de rénovation des quartiers anciens dégradés. Je vous répète, de façon très claire aussi, que les conventions ANRU seront honorées.
M. Thierry Repentin. Grâce à l’argent du 1 % logement !
M. Pierre-Yves Collombat. Et le « un euro pour un euro » ? Qu’en faites-vous ?
Mme Christine Boutin, ministre. Je vous ferai remarquer que, lorsque la décision a été prise, la conjoncture n’était pas celle d’aujourd’hui ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Êtes-vous capables de bouger ? Êtes-vous capables de vous moderniser ? Êtes-vous capables de vous adapter ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Enfin, en ce qui concerne l’amélioration proposée par la commission des finances pour le Pass-foncier, j’y suis favorable, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. Il faut vous réveiller, à droite !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans une société où la cohésion sociale menace en permanence de se fissurer, dans une société où la cellule familiale se rétrécit de plus en plus, dans une société où l’individualisme est devenu, pour beaucoup, un mode de vie, le logement constitue à l’évidence le dernier havre sécurisé dans lequel chacun est censé s’épanouir.
Encore faudrait-il pour cela que le logement soit une évidence pour tous. Hélas, nous le constatons régulièrement, nos concitoyens ne sont pas logés à la même enseigne.
L’accès au logement est devenu discriminatoire et profondément injuste. De nombreux dispositifs favorisent avant tout la spéculation foncière et immobilière, contribuant, in fine, au renchérissement des loyers, en particulier dans le secteur privé.
Quant au secteur du logement social, malgré la mobilisation régulière des pouvoirs publics pour rendre les procédures plus justes et plus transparentes, la situation reste figée. Les foyers à ressources modestes sont contraints d’attendre des années avant de bénéficier d’un logement social décent. La crise du logement dure depuis bien trop longtemps. Elle est malheureusement profonde. Nous connaissons les chiffres ; ils sont inacceptables dans un pays comme le nôtre !
En 2008, ce sont encore plus de trois millions de personnes qui sont mal logées ou qui ne sont pas logées du tout. Si l’on ajoute six millions d’individus en situation de réelle fragilité à court terme et à moyen terme, la France, pays des droits de l’homme, manque à ses devoirs car, oui, le logement est un droit, un droit que beaucoup n’ont pas ou n’ont qu’en partie.
Qu’en est-il du concept de « droit au logement opposable » inscrit dans la loi du 5 mars 2007 ? Le droit au logement est, une fois de plus, resté lettre morte pour toutes les catégories de Français qui n’ont pas les ressources financières suffisantes pour accéder à un logement décent dans un contexte d’envolée des loyers et d’explosion des charges.
Que reste-t-il de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ? Plusieurs textes en si peu de temps témoignent d’une certaine incapacité de l’État en la matière.
À l’heure où la crise financière risque de se répercuter sur l’économie réelle, entraînant nombre de nos concitoyens dans la spirale du chômage et de la précarité, cette question va devenir de plus en plus aiguë, madame le ministre.
Allons-nous devoir laisser une nouvelle fois les associations pallier les échecs des politiques nationales successives ? Sans le travail formidable d’Emmaüs, d’ATD Quart Monde, du Secours populaire et de bien d’autres, la situation serait encore plus critique !
Il est temps de cesser l’accumulation de dispositifs inopérants et d’exiger de l’État une obligation de résultat. Le Gouvernement avait affiché un objectif de 500 000 logements par an. Avec un nombre de mise en chantiers en repli de 9,5 % au cours des dix derniers mois, ce sont seulement 400 000 logements qui ont été livrés sur cette période. De même, alors que le budget pour 2008 avait prévu 142 000 logements, 100 000 seulement ont été programmés.
Au regard de ces difficultés, madame le ministre, vous avez pris l’initiative d’une nouvelle mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Au sein du RDSE, nous souscrivons tous aux objectifs affichés dans ce projet de loi et nous nous félicitons de voir réaffirmées quatre grandes priorités.
Construire davantage de logements est en effet une nécessité pour répondre à la crise de l’offre qui engendre un certain nombre de dérives, parmi lesquelles la spéculation immobilière.
Favoriser l’accession populaire à la propriété est urgent, car c’est évidemment un grand progrès social que de permettre aux plus démunis d’être propriétaires et d’avoir ainsi la possibilité de transmettre un héritage.
Ouvrir davantage l’accès au parc de logements HLM est indispensable pour permettre une meilleure rotation des logements et faire entrer tous ceux qui répondent aux critères, en veillant toutefois au maintien du principe de mixité sociale.
Lutter contre l’habitat indigne dans les quartiers anciens dégradés est également une bonne chose, sauf si l’amélioration qualitative des quartiers visés conduisait finalement à chasser les plus démunis ; cela a été dit.
Sur tous ces points, madame le ministre, on peut aisément se retrouver. En revanche, mon appréciation diverge quant aux moyens proposés pour répondre à toutes ces ambitions affichées.
Tout d’abord, les dispositifs retenus seront-ils réalisables dans le contexte d’une baisse des crédits consacrés à la mission « Ville et logement » ? Une diminution de 6,9 % est prévue en 2009. Le budget de la mission devrait poursuive sa cure d’amaigrissement en 2010 et en 2011.
On attend vos réponses sur les moyens budgétaires, d’autant que le Président de la République a annoncé, le 1er octobre dernier, un certain nombre de mesures qui visent à soutenir la conjoncture actuelle et qui concernent directement le logement. Est-on certain, avec la perspective de moins-values fiscales pour l’État, de pouvoir concrétiser l’extension du Pass-foncier, le relèvement du plafond des ressources ouvrant droit aux prêts d’accession sociale et le rachat à un prix décoté de stocks de 30 000 logements ? Sur ces points, la représentation nationale aimerait obtenir des garanties plus pertinentes et plus justes que l’annonce de l’utilisation du surplus du livret A.
Pour revenir au texte qui nous occupe, plusieurs dispositions ne me semblent pas de nature à résoudre la question cruciale du logement.
S’agissant de l’offre de logements, la remise en cause de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, pose un problème aux radicaux de gauche ; vous vous en seriez doutée !
M. Roland Courteau. Cela pose problème aux socialistes aussi !
M. Yvon Collin. L’intégration dans le décompte des 20 % de logements locatifs sociaux des logements financés à l’aide de prêts destinés à l’accession sociale va amoindrir la mobilisation des communes. Le bilan est déjà très mitigé : 330 communes n’ont pas respecté leurs objectifs.
Alors que le pouvoir d’achat des Français est en baisse, la production de logements à loyers modérés doit rester la ligne directrice d’une politique volontariste en faveur du logement. L’article 55 doit, au contraire, être révisé dans un sens plus contraignant. Pourquoi ne pas conditionner le permis de construire à la réalisation d’un seuil de logements sociaux dans tous les nouveaux programmes ? Pour certaines communes riches, l’amende n’est pas du tout dissuasive. N’ayons pas peur de faire violence à ceux qui s’exonèrent trop facilement de leurs obligations, laissant les autres se démener pour accueillir les plus modestes et gérer les conséquences sociales de la ghettoïsation des quartiers.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Thierry Repentin. Neuilly !
M. Yvon Collin. Sur la question de l’accès au logement social, je ne suis pas défavorable aux mesures visant à permettre la rotation des logements.
Je ferai toutefois une remarque concernant, à l’article 20, la nouvelle rédaction de l’article L. 442-4 du code de la construction et de l’habitation relatif à la sous-occupation d’un logement.
Comme je le disais en introduction, l’habitat, quelle que soit sa nature, est un repère, un espace sécurisé, et souvent le dernier pivot familial. Pourquoi les personnes les plus modestes, qui ont justement pour seule richesse ce toit, devraient-elles être privées de la capacité d’en faire le lieu de repli familial de génération en génération ?
Enfin, je terminerai sur le problème du délai d’expulsion, ramené à un an dans l’article 19. Je souscris à l’idée d’envoyer un signe positif envers les propriétaires privés, qui participent grandement à l’offre locative. Certains petits propriétaires, pour qui les loyers constituent une source importante de revenus, se trouvent pénalisés dans leurs efforts d’investissement. Il est essentiel de les aider, en particulier quand ils sont confrontés à un locataire de mauvaise foi. Néanmoins, il revient au juge de fixer les délais d’expulsion ; il est d’ailleurs tenu compte, pour la fixation de ces délais, de divers éléments d’appréciation.
La question du locataire défaillant doit plutôt être traitée par une meilleure mobilisation des acteurs sociaux et des outils de prévention.
Mes chers collègues, le débat sur le logement nous est familier ; il revient en effet régulièrement dans nos assemblées. C’est bien normal, puisque nous discutons de la première des préoccupations de nos concitoyens, ou en tout cas de l’une des premières. J’estime cependant que la sortie de crise n’est pas pour demain. Pas plus qu’hier les mesures proposées aujourd’hui ne régleront les difficultés rencontrées par les Français. Les radicaux de gauche attendaient des efforts en faveur d’une offre locative de qualité abondante. Avec ce texte, nous n’en prenons pas le chemin. Aussi ne voterons-nous pas ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Madame la ministre, après les réquisitoires des procureurs Dallier et Braye, j’ai eu un instant de faiblesse en montant à la tribune, me demandant si j’allais devoir me faire votre avocat. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Le Vern. Très bien !
M. Thierry Repentin. Mais vos réponses aux procureurs m’en dissuadent : non, vraiment, je ne peux pas ! (Sourires.)
Madame la ministre, nous auriez-vous menti voilà un an, à Lyon, vous qui nous assuriez que vous ne proposeriez pas de loi sur le logement, parce que les dispositifs existants vous permettaient déjà de mener une véritable politique du logement ?
M. Thierry Repentin. Fallait-il une sixième loi sur le logement en un peu plus de cinq ans ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
En tout état de cause, s’il fallait vraiment une loi, ce n’était pas celle-là, madame la ministre !
M. Thierry Repentin. Tout d’abord, laissez-moi vous exprimer notre plus grand étonnement quant à l’intitulé même de votre texte : « projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ». Franchement, pour une loi de « mobilisation », elle manque un peu d’ambition !
M. Thierry Repentin. Sur le plan budgétaire, pas un seul euro ne sera engagé de votre part. Pis, les crédits de la mission « Ville et logement » diminuent pour 2009, alors que nous sommes, vous l’avez dit vous-même, en pleine crise immobilière !
Vous parlez de mobilisation des acteurs, mais le premier d’entre eux, l’État, que vous incarnez, se démobilise, tout en exigeant plus de ceux qui sont déjà trop régulièrement mis à contribution, à savoir non seulement les organismes HLM et les collectivités territoriales, mais, d’une façon tout à fait exceptionnelle, sur le fond comme sur la forme, nos partenaires sociaux ; j’y reviendrai.
La crédibilité de l’État, ainsi que celle du Gouvernement, est clairement diminuée chaque fois qu’il se retire de sa seule source de légitimité : la garantie des besoins vitaux des citoyens, au premier rang desquels figurent la nourriture et le logement. Malheureusement, madame la ministre, nous avons du mal à saisir où se situe la mobilisation de l’État dans votre projet de loi et dans le budget qui doit permettre sa concrétisation dans les années à venir.
Vous persistez à déclarer que la mission « Ville et logement » pour 2009 n’est pas en régression, et ce alors que les crédits de paiement vont connaître une diminution très sensible, de 6,9 %, et que la ligne budgétaire consacrée aux aides à la pierre va être grignotée de 30 % par rapport à ce qui avait été adopté pour 2008. Ces arbitrages budgétaires sont inquiétants.
Vous faites feu de tout bois parce que vous ne savez pas comment vous attaquer à la véritable cause du problème : le manque d’investissement dans le parc locatif accessible à tous. Tant que vous continuerez à croire dans les vertus du marché, censé réguler à lui seul le marché immobilier, vous contribuerez à ne le rendre accessible qu’à 30 % des Français, les plus aisés.
On ne peut décemment continuer de présenter la crise du logement comme une résultante de la crise financière mondiale et de la réticence des banquiers à consentir des prêts. La crise immobilière est bien plus ancienne que celle des subprimes, et bien différente aussi.
M. Thierry Repentin. Certes, la crise financière assèche les liquidités des banques, mais ce n’est certainement pas la seule cause de la situation actuelle : aujourd’hui, les ménages ne peuvent plus prétendre acquérir un logement dont le prix est 140 % plus cher que cinq ans auparavant.
De même, vous n’aiderez pas les ménages en reprenant des propositions comme celles du Conseil d’analyse économique sur le logement des classes moyennes, lequel préconisait – voilà seulement une semaine, je crois rêver ! – le développement du crédit hypothécaire en France ! Or celui-ci s’apparente aux subprimes dont nous subissons aujourd’hui les conséquences ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin. Deux points méritent néanmoins un éclairage positif.
Tout d’abord, votre projet de loi comporte plusieurs articles renforçant l’efficacité des PLH, les programmes locaux de l’habitat, et leur compatibilité avec les PLU, les plans locaux d’urbanisme. Nous vous proposerons d’ailleurs le renforcement des outils d’urbanisme et de maîtrise foncière permettant une planification plus efficace et effective.
Ensuite, il semblerait que vous preniez enfin conscience des effets dramatiques du renforcement, depuis 2002, de la défiscalisation de l’investissement privé, connu sous le nom de dispositif Robien, qui a fait grimper en flèche les prix du foncier et les loyers. Nous avons d’ailleurs eu plusieurs fois l’occasion d’en discuter dans cet hémicycle et de les dénoncer. Chaque fois, vous avez ignoré nos arguments. Tout cela pour que, aujourd’hui, vous nous proposiez un timide « recentrage » du dispositif Robien sur les zones les plus « tendues » ! Nous espérons aller plus loin.
Après l’évocation de ces deux orientations positives, je souhaiterais m’attarder sur l’article 3 du projet de loi.
Pour pallier le désengagement de l’État, vous sonnez le glas du 1 % logement et lui administrez vous-même l’extrême-onction. Vous vous apprêtez en effet à ponctionner un dispositif dont la vocation va bien au-delà du seul concours au logement des salariés des entreprises qui cotisent.
En fait, la démarche est simple : le budget de l’État alloué au logement se casse la figure, mais vous tenez à maintenir vos effets d’annonce.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Thierry Repentin. Conclusion ? Vous ponctionnez le produit des efforts de nos partenaires. Ce n’est pas une première, je vous l’accorde.
M. Thierry Repentin. J’ai en effet le souvenir, comme d’autres, que le gouvernement précédent avait prévu la « tonte » des crédits immobiliers dans la loi portant engagement national pour le logement, pour permettre alors à l’État d’honorer sa dette à l’égard du monde HLM.
En prélevant 850 millions d’euros chaque année pendant trois ans, vous contraignez les gestionnaires du « 1 % » à supprimer certaines de leurs prestations, qui sont appréciées dans nos territoires mais qu’ils ne seront plus en mesure d’assumer.
Encore plus grave, vous menacez tout simplement la pérennité du 1 % logement.
En affectant, pour une part, cette somme à l’ANAH, ce projet de loi détourne la fonction de la collecte du « 1 % ». Il s’agit en effet d’un investissement en faveur du conventionnement social à court terme, puisque l’habitat privé subventionné par l’ANAH est appelé tôt ou tard à rattraper les prix du marché.
En affectant, pour une autre part, cette somme à l’ANRU, vous rompez aussi, je le redis, avec l’engagement initial de l’État qui consistait à apporter un euro pour chaque euro investi par les partenaires du 1 % dans le cadre de la politique de la Ville. Et ce ne sont pas les événements survenus ces trois dernières semaines qui expliquent une telle ponction, puisque celle-ci a été décidée au début de l’été, alors que nous n’avions pas encore à gérer les effets secondaires de la crise internationale sur le marché national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce texte, malheureusement, témoigne également de votre vision stigmatisante du monde HLM et de ses locataires, dont le droit au maintien dans les lieux est remis en cause. Oui, madame la ministre, ce projet de loi a pour toile de fond la stigmatisation du monde HLM, premier logeur de France, avec 4 millions de logements abritant plus de 10 millions de nos concitoyens. (Mme la ministre fait des signes de dénégation.)
Une campagne médiatique orchestrée, peut-être pas par vous-même, madame la ministre, mais par des personnes de votre entourage, a permis à certains de dénoncer cet été le « bas de laine » dérisoire du monde HLM, vous vous en souvenez certainement. Entre nous, c’était oublier un peu vite que le premier créancier de ces organismes n’est autre que l’État !
Ce projet de loi va discréditer les organismes bailleurs et fragiliser la population qui y loge. Ce n’est pas acceptable. Vous ne pouvez pas vous contenter de montrer du doigt les « mauvais élèves », organismes comme locataires, pour dissimuler l’absence d’effort budgétaire, qui relève de l’unique responsabilité du Gouvernement.
S’agissant des organismes, la disposition visant à prélever la trésorerie de ceux qui n’ont pas, selon vous, une activité suffisante, qu’elle possède ou non un volet rétroactif, non seulement ignore les efforts engagés ces deux dernières années, mais sanctionne, au lieu de l’encourager, l’investissement.
Pour ce qui concerne les locataires, l’atteinte au droit au maintien dans les lieux en cas de ressources supérieures à deux fois les plafonds est superfétatoire et dangereuse.
Elle est superfétatoire à double titre : exclure, comme vous le souhaitez, les éventuels 7 000 à 9 000 ménages concernés du parc locatif social n’est pas une réponse à la hauteur du problème des 1,2 million de personnes sur liste d’attente, et encore moins au problème des 3 millions de mal logés recensés aujourd’hui en France.
M. Thierry Repentin. De plus, vous proposez cette mesure alors même que le paiement d’un surloyer sera obligatoire, à la suite de la parution d’un décret, à partir du 1er janvier prochain, pour tous les ménages qui dépassent de 20 % le plafonnement de ressources prévu par la loi.
Cette mesure est dangereuse, car elle risque de renforcer certains dans l’idée que le logement social serait destiné uniquement aux plus pauvres, conception dont on paie tristement le prix en termes de ghettoïsation et d’ignorance des vertus de la mixité sociale, et ce alors que, pour déjà trop de Français et de décideurs, on apparente injustement le logement social au « cas social ». C’est un terrible contresens : la lutte contre l’exclusion n’implique pas de réserver spécifiquement des types et des zones de logement aux plus fragiles d’entre nous.
Et, surtout, cette disposition introduit une brèche, qui, une fois ouverte, ne pourra que se creuser davantage, dans le principe du droit au maintien dans les lieux, évolution qui pourrait rapidement concerner des catégories plus modestes.
En ce qui concerne les logements sous-occupés, qui sont la cible de différents articles du texte, je ne saurais vous faire part du nombre de particuliers et d’associations de locataires qui nous ont saisis de leur désarroi depuis qu’ils ont pris connaissance de votre texte en juillet dernier. Ils font écho aux associations auditionnées. Tous nous disent que la conception du ménage type sur laquelle se fonde votre proposition n’est absolument pas adaptée à la réalité quotidienne des foyers.
Madame la ministre, un logement n’est pas seulement une affaire de chiffres ; c’est aussi une histoire familiale, la construction de l’équilibre de chacun, et la projection d’une vie et, souvent, d’une petite retraite dans la tranquillité. Vous devriez être sensible à cette dimension.
Il y a une différence entre « pouvoir » et « devoir » changer de logement. Puisque vous prenez régulièrement pour exemple ceux qui souhaitent déménager pour un logement plus petit, pourquoi ne pas avoir introduit cette nuance législative dans votre texte ? Vous pourriez ainsi laisser une certaine latitude aux organismes pour procéder de gré à gré.
À l’opposé de la stigmatisation injuste de ceux que vous dénoncez comme les « fraudeurs » et les « profiteurs » du parc locatif, …
M. Thierry Repentin. … deux points devraient susciter votre inquiétude.
Tout d’abord, votre texte ne garantit pas que les habitants des futurs quartiers de centre-ville ne seront pas « exclus » de chez eux une fois leur logement rénové. Ensuite, aucune mesure n’est proposée pour lutter sévèrement contre les véritables profiteurs de la précarité et de l’exclusion des plus fragiles, à savoir les marchands de sommeil. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
J’en viens à votre tentative de mise à mal de l’article 55 de la loi SRU.
Madame la ministre, pourquoi proposez-vous de sabrer le principe de solidarité territoriale en tentant une nouvelle fois de supprimer l’objectif de l’article 55 de la loi SRU ?
Je m’en souviens, en décembre 2000, vous étiez au nombre des parlementaires qui avaient saisi le Conseil constitutionnel pour qu’il censure cet article 55. Aujourd’hui, vous êtes ministre du logement et de la ville, et responsable à ce titre de la solidarité nationale. Il faut vous projeter dans cette fonction différente, en oubliant vos combats passés.
Vous savez pertinemment que la catégorie des ménages qui peuvent prétendre à l’accession à la propriété, même « aidée », ne correspond pas à celle de la majorité des locataires du parc locatif social, qui ne peuvent pas envisager l’acquisition d’un logement. Certes, il est indispensable d’aider encore plus l’accession à la propriété et d’accompagner les parcours résidentiels pour ceux qui le souhaitent, mais cela ne doit pas empêcher le développement du parc locatif, qui fait l’objet de l’article 55 de la loi SRU.
Là aussi, une fois la brèche ouverte, il sera impossible de maintenir l’objectif de développement du parc locatif social dans les communes peu volontaires, pour accueillir une population socialement diversifiée. Le résultat, c’est que cette mesure ne fera qu’entamer une fois de plus les moyens de mettre en œuvre une véritable mixité dans nos quartiers.
Dois-je vous rappeler, madame la ministre, les termes qu’a employés l’abbé Pierre, intervenant à l’Assemblée nationale, le 24 janvier 2006, pour contrer « l’amendement Ollier », …
M. Dominique Braye, rapporteur. Ne faites pas de cinéma ! Laissez-le reposer en paix ! Ce n’est pas digne !
M. Thierry Repentin. … lequel amendement, monsieur le rapporteur, ne devait finalement pas survivre à son examen par le Sénat, d’ailleurs grâce à certaines voix de l’UMP ?
Ce jour-là, l’abbé Pierre, dans sa dernière déclaration, avait évoqué l’« honneur de la France ». Précisément, n’allez pas le remettre en cause, madame la ministre, en tentant une fois de plus de saper ce pilier du patrimoine législatif républicain.
M. Dominique Braye, rapporteur. Et vous, vous n’êtes pas l’honneur du Parlement !
M. Thierry Repentin. Puisque vous citiez tout à l’heure, fort à propos, une enquête dont les chiffres seraient connus depuis hier, je vous renvoie, moi, aux résultats de trois enquêtes : celle qui a été réalisée à l’occasion du dernier congrès de l’Association des maires de France, celle de la Gazette des communes et celle de l’Union sociale pour l’habitat, de mars dernier, les deux dernières ayant été menées à l’occasion des élections municipales. Les trois enquêtes révèlent le point de vue convergent des maires sur un point : à plus de 70 %, ceux qui font de la politique au quotidien sur leur territoire, ne souhaitent pas que l’on remette en cause l’article 55 de la loi SRU. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C’est pour eux un outil du quotidien, un outil qui permet à la solidarité de s’exercer sur leurs territoires.
Madame la ministre, puisque vous voulez, avec nous, avancer sur ces sujets, acceptez l’amendement que nous proposerons et dont l’objet est de créer un droit de préemption au profit du préfet pour les communes qui font l’objet d’un constat de carence au regard de l’article 55 de la loi SRU. C’est de cette manière que vous ferez vraiment avancer les choses !
Pour conclure, ce projet de loi sera perçu comme un simple « pansement », malheureusement bien inadapté à l’ampleur de la crise. Nous ne pourrons pas continuer de grignoter, de détricoter la politique publique du logement en proposant des ressources provisoires sous prétexte que le déficit public ne peut supporter d’être alourdi.
Des solutions de court terme ne sauraient permettre de faire face à l’ampleur de la crise actuelle. Nous pouvons proposer mieux qu’une épée de bois pour nous battre contre une telle crise, mieux que de l’hébergement provisoire en guise de véritable « chez-soi », mieux que des bungalows pour répondre à la situation des sans-logis.
M. Thierry Repentin. Madame la ministre, un projet de loi de « mobilisation » pour le logement digne de ce nom, loin de stigmatiser les organismes HLM ou les locataires du parc social, devrait plutôt prévoir un investissement suffisant en faveur du logement, qui manque cruellement aujourd’hui dans l’ensemble de nos territoires. Si vous persistez dans votre voie – mais le pire n’est jamais sûr ! –, en ignorant le fait territorial, en diminuant les moyens du secteur HLM, en vous emparant du 1 % logement et des fonds propres des organismes, vous ne parviendrez qu’à deux résultats : tout d’abord, décourager les politiques volontaristes en faveur du logement abordable sur des territoires solidaires ; ensuite, soutenir le niveau trop élevé des prix de l’immobilier dont la première victime est le pouvoir d’achat des ménages, ces mêmes ménages qui consacrent déjà au logement un quart de leurs ressources au minimum.
Vous appelez à une mobilisation des acteurs du logement. J’ai le sentiment, madame la ministre, que vous allez être entendue au sein du Sénat.
Les acteurs du logement social et les parlementaires, notamment ceux de la gauche de cet hémicycle, mais pas exclusivement, seront au rendez-vous de la mobilisation. Nous serons en effet présents pour donner des réponses à la crise à laquelle nous sommes confrontés, crise que votre loi « molle » ignore à cet instant du débat.
Comme le nouveau président du Sénat le disait tout à l’heure, « faire de la politique, c’est respecter l’opposition ». Selon moi, c’est également admettre que l’on n’a pas toujours raison du seul fait que l’on est majoritaire et que, dans la gestion des territoires, les expériences des uns comme celles des autres doivent être prises en compte avec la même ouverture d’esprit.
Si vous saisissez l’occasion de ce premier texte de la nouvelle session ordinaire pour mettre en pratique la réhabilitation souhaitée du travail effectué dans cet hémicycle, nous pouvons alors avoir l’espoir que nos amendements s’inscriront in fine dans la loi que le Parlement adoptera.
M. Dominique Braye, rapporteur. À condition qu’ils soient pertinents !
M. Thierry Repentin. Ce serait alors une double réhabilitation, celle du Parlement, et celle de la politique du logement, qui ne peut se satisfaire du petit texte au squelette chétif aujourd’hui soumis au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de lois examinées depuis une dizaine d’années montre, si besoin était, d’une part combien les questions de logements sont cruciales, d’autre part combien elles peinent à être résolues. La pénurie d’offres, la crise du foncier, l’inadéquation entre le type de logements disponible et le public prioritaire, l’absence de financement, l’augmentation des prix sont autant de facteurs qui ont un impact direct sur la crise que traverse la France depuis plusieurs années.
Par les lois successives qu’ils ont présentées, vos prédécesseurs, madame la ministre, ont tenté d’améliorer la situation, tantôt en considérant le problème dans son ensemble, tantôt en l’envisageant sous un angle précis : programme de construction de grande ampleur, modification de règles d’urbanisme, renforcement des outils de planification, libéralisation du foncier, mobilisation du parc privé, notamment.
Si les mesures ont été nombreuses, nous savons que le problème n’est toujours pas réglé, malheureusement.
Des efforts importants ont été accomplis, des améliorations sont à noter, mais la situation est telle que nous sommes une nouvelle fois amenés à discuter d’un texte dont l’objectif annoncé est de mobiliser l’ensemble des acteurs pour le logement et de lutter contre l’exclusion.
La situation est d’autant plus préoccupante que le contexte actuel est loin d’être favorable, marqué par la crise financière et le repli de 9,5 % des mises en chantier, qui passent sous la barre symbolique des 400 000 logements pour un objectif de 500 000, dont 100 000 logements sociaux, au lieu des 120 000 prévus dans le budget 2008.
M. Daniel Dubois. À ce point de la discussion, il me semble important d’insister sur la nécessité pour la politique du logement dans son ensemble, y compris les nouvelles normes adoptées en la matière, d’être toujours guidée par une logique d’équilibre. Car la question du logement est, me semble-t-il, de nature structurelle. La réussite en la matière, madame la ministre, passe par le respect de grands équilibres tels que l’équilibre entre l’offre et la demande, l’équilibre entre les différents types de logements sociaux, l’équilibre entre le locatif et l’accession à la propriété, l’équilibre entre les opérateurs publics et privés, l’équilibre entre les financements et, enfin, la recherche de l’équilibre social dans les quartiers.
M. Daniel Dubois. Certes, madame la ministre, je ne nie pas tous les efforts entrepris, mais je crains que notre politique du logement ne soit appréhendée de façon trop parcellaire, alors que nous savons qu’elle doit être menée de manière globale pour atteindre ses objectifs.
Le groupe de l’Union centriste souscrit à l’ensemble des objectifs et des mesures ici proposés : construire plus de logements, favoriser l’accession sociale à la propriété, permettre l’accès du parc HLM à davantage de personnes et lutter contre l’habitat indigne. Pour autant, madame la ministre, nous n’approuvons pas dans leur totalité les dispositions que vous nous proposez.
Je souhaite m’arrêter plus spécialement sur trois points : l’article 17 de votre projet de loi, qui modifie l’article 55 de la loi SRU, le 1 % logement et la rotation dans tous les logements HLM.
J’évoquerai premièrement l’article 17, qui a déjà fait l’objet de nombreux commentaires, en particulier de mon collègue Dominique Braye, dont je dois saluer une fois de plus la qualité du travail.
Je parlais tout à l’heure de l’importance de trouver des équilibres. Or la mixité sociale correspond bien à ce souci d’avoir une répartition équilibrée du logement social sur l’ensemble du territoire et, ainsi, de répondre à une demande grandissante.
La modification de l’article 55, non seulement compromet l’efficacité de la loi SRU, mais rompt aussi avec son esprit. En effet, l’objectif de la loi du 13 décembre 2000 consiste, d’une part, à inciter les communes à produire davantage de logements locatifs sociaux et, d’autre part, à encourager leur répartition équilibrée sur tout le territoire.
La situation actuelle exige que l’on atteigne l’objectif de 20 % de logements locatifs sociaux, et j’insiste sur l’adjectif « locatifs ». Nous ne sommes pas opposés aux actions en faveur de l’accession à la propriété, mais il ne faut pas mélanger les genres, ni les objectifs. Ce n’est pas en dénaturant la loi du 13 décembre 2000 que l’on parviendra à atteindre cet objectif d’équilibre.
L’accession sociale à la propriété ne doit pas se substituer à la construction de logements locatifs sociaux tant que des centaines de milliers de demandes resteront en attente.
M. Daniel Dubois. Tout est question d’équilibre, madame la ministre. Vous comprendrez donc qu’en ce qui concerne cet article, nous suivrons l’avis de M. le rapporteur.
S’agissant deuxièmement du 1 % logement, vous proposez de modifier en profondeur son organisation, son fonctionnement et sa gouvernance, tout en recentrant les missions de chacun des acteurs et en renforçant la présence de l’État. Je sais que la Cour des comptes vient de rendre un rapport qui met en lumière des améliorations dans la gestion du « 1 % », mais est-ce une raison pour dénaturer sa mission et son principe de fonctionnement ?
Je rappelle que le « 1 % » est d’origine patronale, qu’il est géré de façon paritaire entre partenaires sociaux et qu’il constitue, en dépit de son caractère obligatoire pour les entreprises de plus de vingt salariés, une contribution volontaire des entreprises à la politique du logement, en faveur des salariés. Au-delà des actions menées en faveur de l’accès au logement des salariés, le « 1 % » participe, par voie contractuelle, à l’effort de solidarité nationale pour le logement, en subventionnant, par exemple, la rénovation des quartiers en difficulté. Depuis 1997, l’engagement d’une nouvelle politique conventionnelle entre l’État et les partenaires sociaux a permis de moderniser et d’élargir son champ d’intervention. Ainsi, le « 1 % » accompagne les salariés tout au long de leur parcours résidentiel : 4 milliards d’euros sont ainsi engagés dans la politique du logement par le « 1 % », compte tenu des retours sur emprunts.
Or, nous le voyons bien, les mesures proposées visent à « casser » cet équilibre. Mais il y a pire et je m’interroge, madame la ministre, sur la réelle intention du Gouvernement. N’y a-t-il pas, en effet, une volonté de « récupérer » une partie des ressources du « 1 % » pour faire face au désengagement budgétaire de l’État ?
M. Daniel Dubois. Si tel est le cas, l’État ne créerait pas une ressource supplémentaire mais, au contraire, amputerait l’enveloppe totale consacrée aux politiques du logement d’une ressource non négligeable, en l’occurrence 1,5 milliard issu du « 1 % ». Il y aurait là, madame la ministre, je me permets d’insister, un détournement d’objet : ces fonds sont en effet réservés aux salariés modestes, très souvent exclus de toutes les aides sociales. Il y aurait quelque chose de choquant et d’inéquitable à priver l’ensemble des salariés de cet outil efficace.
Mme Christine Boutin, ministre. Absolument ! C’est pourquoi nous avons conclu un accord avec les partenaires sociaux.
M. Daniel Dubois. Cette solution de financement ne peut être que provisoire pour l’État, car il y a, à terme, un vrai risque que certaines interventions du « 1 % logement » disparaissent, comme les prêts Pass-travaux ou les prêts classiques à l’accession, qui sont, eux, financés par les retours d’emprunts.
Il faut, par ailleurs, que les partenaires sociaux ne soient pas totalement déconnectés du processus de décision, notamment dans la détermination des catégories d’emploi des ressources issues de la participation des employeurs.
Nous allons à cet égard défendre un certain nombre d’amendements qui tentent de diminuer l’effet de ces mesures. Il y va pour nous de la pérennité du « 1 % logement », qui se trouve aujourd’hui menacé par les décisions de l’État.
Enfin, troisièmement, je souhaitais intervenir sur les dispositions qui encouragent la sortie de certaines catégories de ménages du parc locatif social.
Il s’agit de deux dispositions de l’article 20 du projet de loi : celle qui facilite la libération d’un logement sous-occupé et celle qui supprime le droit au maintien des occupants du parc HLM lorsque leurs ressources sont au moins deux fois supérieures aux plafonds d’attribution des logements locatifs sociaux.
Notre groupe n’est pas du tout hostile à l’idée de fluidifier davantage les parcours HLM. Cela me paraît effectivement nécessaire. Il existe toutefois de vrais risques, madame la ministre, et vous le savez bien.
Tout d’abord, si nous appliquons demain ces règles dans tous les quartiers, quels que soient leurs caractéristiques et l’état du marché locatif local, nous risquons de ne jamais en finir avec les quartiers ghettos. On sait pertinemment que la mixité dans ces quartiers se fait par le haut, et on irait ainsi à l’encontre de la politique qu’entend mener l’ANRU à l’égard des zones urbaines sensibles.
Ensuite, on risque réellement de voir les organismes HLM se paupériser. On a su faire hier des quartiers ghettos ; évitons demain de faire des entreprises HLM ghettos en leur demandant d’aller secourir les quartiers en zones urbaines sensibles qui sont eux-mêmes des ghettos !
Pour ces raisons, nous proposerons un certain nombre d’amendements visant à exclure du dispositif les locataires situés dans les zones urbaines sensibles.
Madame la ministre, permettez-moi également d’évoquer un sujet qui me tient à cœur. Il s’agit des contraintes liées aux fouilles archéologiques. Certes, ce sujet ne concerne pas directement l’objet du texte que vous présentez aujourd’hui, mais la question des fouilles archéologiques constitue, dans de nombreux cas, un obstacle à la construction de logements sociaux.
M. Charles Revet. Absolument !
M. Daniel Dubois. C’est d’autant plus regrettable lorsque ce sont des projets volontaristes en faveur du logement social qui se retrouvent bloqués.
Je peux d’ailleurs en témoigner très personnellement. En tant que président d’une communauté de communes, je mène en effet une politique active de logements locatifs et j’ai actuellement un programme de dix-huit logements qui est ainsi suspendu : les fouilles préventives ont en effet conclu à la nécessité de procéder à des fouilles approfondies, mais il n’y a ni archéologue ni financement public permettant de les engager !
Je pourrai prendre également l’exemple de l’OPAC d’Amiens, qui connaît exactement la même difficulté avec cent logements dont il ne peut engager la construction.
En effet, dès lors qu’on prend un arrêté de fouilles, soit on attribue les moyens nécessaires à son exécution, soit on l’annule passé un certain délai !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous donnerons un avis favorable à votre amendement, mon cher collègue !
M. Daniel Dubois. Je voudrais, pour conclure, insister sur la nécessité d’avoir des objectifs clairement territorialisés en utilisant au mieux les outils de planification qui peuvent parfaitement répondre à ce besoin. En ce sens, les critères des conventions d’utilité sociale doivent être adaptés aux spécificités des parcs HLM des organismes, tout en prenant en compte les besoins affinés des territoires, qui doivent participer à l’élaboration de ces conventions.
Des efforts considérables restent à accomplir, madame la ministre, notamment en ce qui concerne la production de logements très sociaux. La diminution du budget est, à cet égard, un facteur inquiétant, et ce d’autant plus que le contexte économique est peu favorable au secteur. Je regrette sincèrement que l’État ne fasse pas plus dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France connaît actuellement une crise financière grave et profonde, et l’on sent également les prémices d’une crise immobilière de grande ampleur, ces deux crises étant causées par les abus hautement condamnables du capitalisme financier, défendu par les gouvernements de droite.
Face à ce marasme économique et financier, le gouvernement français et le Président de la République cherchent à défendre prioritairement les intérêts des banques, des assurances, des gros investisseurs, des grandes entreprises du bâtiment, des bailleurs privés et des promoteurs immobiliers.
Les dirigeants politiques témoignent de leur incapacité à faire face aux dysfonctionnements d’un système qu’ils ont encouragé. Ainsi, les déclarations se multiplient, souvent vagues, comme l’achat de 30 000 logements issus de programmes arrêtés sur lesquels, d’ailleurs, nous aimerions bien avoir des précisions. Mais, plus grave encore, tout est fait pour conforter la crise du logement en maintenant les loyers et les valeurs immobilières foncières à leurs niveaux actuels, alors qu’ils n’ont jamais été aussi élevés et qu’ils rendent l’accès au logement impossible pour une grande part de la population.
Loin d’anticiper et d’apporter des réponses socialement équitables au mal-logement et au non-logement en France, le projet de loi, dont l’intitulé veut laisser croire en une mobilisation de l’État, marque en réalité un désengagement historique de l’État et met en place des réformes régressives.
La parole d’hier est désormais bien lointaine !
Pourtant, en 2007, le Parlement français inscrivait dans la loi le droit à un logement opposable. Le Premier ministre montrait même tout l’intérêt qu’il portait à la question en confiant à Étienne Pinte une mission parlementaire sur l’hébergement d’urgence…
Mme Odette Terrade. …et l’accès au logement des personnes sans abri et mal logées.
Les propositions contenues dans le rapport remis à l’issue de cette mission sont aujourd’hui ignorées. Le gouvernement de M. Fillon soutient une politique qui va à l’encontre de l’esprit même de ce rapport !
Puisque le Gouvernement reste sourd aux appels de détresse des populations, des associations et des élus, je rappellerai encore une fois les chiffres de la misère, qui attestent l’urgence de la situation : 7 millions de travailleurs pauvres, 3,5 millions de mal-logés, 1,5 million de foyers en attente de logements sociaux, 100 000 personnes sans abri, 900 000 personnes sans domicile personnel, 600 000 logements indignes.
Madame la ministre, vous connaissez ces chiffres, que le rapport Pinte mentionne, comme il insiste sur « l’indispensable maintien de l’effort de l’État ». Mais imaginez-vous un seul instant la précarité et la souffrance qu’ils signifient pour tous ceux qui sont en attente d’un toit, toutes ces vies brisées, d’hommes, de femmes et d’enfants ?
Mme Odette Terrade. Avoir un toit est réellement la clé de tous les autres droits. (Mme la ministre approuve.)
Vous n’en avez certainement pas idée, sans quoi, face à cette crise historique du logement que connaît notre pays, vous n’accepteriez pas une diminution sans précédent du budget du logement dont vous êtes responsable.
Mme Odette Terrade. Celui-ci baisse de 7 %, alors même que l’intervention de l’État ne représentait déjà que 1,11 % du produit intérieur brut en 2007, au moment même où un effort à hauteur au moins de 2 % du PIB serait nécessaire pour répondre à la demande.
Les aides à la pierre inscrites au budget de l’État ont également baissé de 30 % entre 2000 et 2007, tandis que les aides aux plus démunis ont stagné.
Dans le même temps, les prélèvements fiscaux et parafiscaux sur le secteur du logement progressent très rapidement. Depuis 2002, on le sait, l’État prélève plus sur le logement qu’il ne redistribue. Le député Jean-Yves Le Bouillonnec, dans un rapport remis à l’Assemblée nationale en mars 2008, indiquait que, « grâce au logement et à la hausse des prix, l’État a perçu 7,6 milliards d’euros de plus entre fin 2001 et fin 2005, qu’il n’a ni réinvestis ni redistribués aux ménages. Avec cette somme, il aurait pourtant pu financer 380 000 logements sociaux supplémentaires ou augmenter de 20 % les aides au logement sur toute la période. »
Votre politique du logement et ce projet de loi s’inscrivent dans ce désengagement chronique de l’État !
Comment pouvez-vous défendre, par exemple, madame la ministre, un budget qui voit disparaître les crédits de la prime à l’amélioration des logements à usage locatif sociaux et nous faire croire que tout va être mis en œuvre pour la rénovation et la réhabilitation d’un parc social qui en a malheureusement souvent besoin ?
Ce désengagement financier de l’État, qui rompt avec l’une de ses principales missions sociales, montre à quel point le droit au logement opposable reste du domaine déclaratif.
L’opposabilité se mesure à la hauteur des obligations ; tel est son sens. Or ce projet de loi exonère l’État de ses obligations et assouplit les contraintes en termes de construction de logement social, au sens de l’article 55 de la loi SRU.
Avant d’aborder plus en détail les dispositions de ce projet de loi, je voudrais isoler deux articles qui mettent en lumière l’idéologie dont il est sous-tendu.
L’article 17, qui revient sur la règle des 20 % de logements sociaux en incluant dans le décompte les logements Pass-foncier et les prêts sociaux de location-accession, les PSLA, dénature profondément la loi SRU, dont l’effet est pourtant décisif sur le niveau actuel de construction des logements.
Dans son dernier rapport, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable fait de la conciliation du droit au logement et de la mixité sociale un des enjeux des politiques en matière de logement. À ce titre, il note très justement que, l’État étant exposé à une condamnation pour l’absence de mise en œuvre du DALO, il « ne doit pas tolérer que certaines collectivités ne respectent pas leurs propres obligations ».
Alors que les auteurs du rapport recommandent la fermeté de l’État à l’égard des communes défaillantes, au risque, dans le cas contraire, que sa faiblesse démobilise les autres communes, vous décidez, madame la ministre, d’assouplir les règles ! Or près de la moitié des communes concernées n’ont pas respecté les obligations fixées par la loi SRU !
Cette volonté de ne rien faire qui pourrait gêner les communes dans l’illégalité, cette attitude laxiste et antirépublicaine des pouvoirs publics au regard de l’effectivité d’un droit inscrit dans la loi, est confirmée par la disparition initialement prévue du droit de préemption urbain.
Cette déresponsabilisation de l’État s’accompagne paradoxalement d’un renforcement de l’autoritarisme étatique.
Outre les manœuvres sémantiques, reflet des annonces mensongères du Gouvernement, je voudrais aborder plus particulièrement l’article 3 du projet de loi.
Cette disposition, qui mobilise les acteurs en démobilisant l’État, emporte des conséquences financières très graves pour le logement.
En effet, l’article 3 confirme, sans ambiguïté aucune, le désengagement financier de l’État. Il met ainsi en coupe réglée les fonds du 1 % logement en permettant leur ponction au gré de la seule politique menée par l’État. La ponction annoncée cet été d’une partie des ressources du « 1 % » d’au moins un milliard d’euros, soit un quart de ses ressources annuelles, est intolérable, même si l’on nous déclare maintenant qu’elle sera en réalité quelque peu inférieure.
Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que ce projet de loi, sous couvert d’assainir la gouvernance du 1 % logement, renforce le contrôle de l’État, notamment sur l’utilisation des ressources, afin de substituer en toute tranquillité les fonds du « 1 % » aux fonds publics ! Ce texte risque ainsi de mettre en péril un système qui fonctionne. Rappelons que, au moment où le budget de l’État diminue, les dépenses en faveur des salariés sont passées, entre 2001 et 2007, de 600 millions d’euros, accordés sous forme de prêts, à 1,8 milliard d’euros.
En matière d’autoritarisme étatique, le projet de loi ne s’arrête pas là. Ainsi, le chapitre Ier dénature profondément l’intervention des organismes bailleurs sociaux. Le conventionnement global, préconisé en 2007 et aujourd’hui rendu obligatoire avec la convention d’utilité sociale, crée des lieux d’habitation en fonction des revenus des ménages et des prestations servies. C’est un logement à plusieurs vitesses que l’on instaure, ce qui va à l’encontre de la mixité sociale.
Le projet de loi essaie de banaliser le logement social et de « marchandiser » le parc social sans se soucier du bien-être des populations concernées. En témoigne la vente forcée des logements sociaux, qui ne manquera pas de poser des problèmes : copropriétés dégradées, incapacité de rembourser les emprunts, faillite personnelle.
Quant à l’article 2, qui prévoit que les organismes dotés de ressources financières importantes seront taxés pour alimenter la Caisse de garantie du logement locatif social, on voit ici que l’État saisit l’occasion de se désengager discrètement du financement de la construction de logements neufs en renvoyant dos à dos les organismes riches et les organismes pauvres.
En ce qui concerne le développement de l’offre nouvelle de logements, le projet de loi encourage les formes de partenariats public-privé.
Je voudrais maintenant faire quelques remarques plus particulièrement sur l’article 15.
Cet article présente un certain intérêt, puisqu’il revient en partie sur des dispositifs incitatifs à l’investissement immobilier en fait contreproductifs.
Rappelons que, du fait de ces exonérations fiscales, l’État consacre dans son budget en moyenne 33 000 euros à chaque logement dit « Robien », ce qui coûte chaque année environ 400 millions d’euros. À titre de comparaison, il consacre tout au plus 20 000 euros à la construction d’un logement social.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
Mme Odette Terrade. Votre projet de loi prend acte de l’échec des programmes « Robien » sans contrepartie sociale. Cependant, il ne faudrait pas que l’État paie deux fois en rachetant aujourd’hui ces logements. Malgré cet échec patent, vous persistez et recentrez le dispositif en laissant croire qu’il aura ainsi des conséquences différentes. C’est une aberration, et ce ne sera pas sans conséquences sur les finances de l’État comme sur celles du contribuable.
Dans son chapitre IV, relatif à la mobilité dans le parc de logements, le projet de loi tente également d’opposer les locataires entre eux et de culpabiliser une frange, au demeurant infime, de la population des HLM.
Ainsi, tout est fait pour rendre plus contraignantes les obligations des locataires, par le durcissement des conditions de maintien dans les lieux et une augmentation importante du surloyer en cas de dépassement du plafond de ressources. Ces mesures n’apportent en rien une réponse à la question du déficit de logements sociaux. Nous nous opposons fermement à cette remise en cause de la mixité sociale du parc HLM, qui transforme les cités en zones de relégation des familles les plus modestes et oblige les classes moyennes à aller habiter ailleurs, quittes à s’endetter lourdement.
En cas de « sous-peuplement », les locataires pourraient être contraints d’accepter des logements qui ne leur conviennent pas à des loyers encore plus élevés. Ceux qui, aujourd’hui, parvenaient encore à assumer un loyer risquent de se retrouver eux aussi en grande difficulté.
Alors que le rapport Pinte, mais également le comité de suivi du DALO et de nombreuses associations qui défendent le droit au logement, pointe la nécessité de mettre en œuvre une politique de prévention des expulsions, les auteurs du projet de loi ne trouvent rien de mieux que de raccourcir les délais d’expulsion en ignorant totalement et volontairement la question du relogement des personnes placées dans de telles situations de détresse.
Mme Odette Terrade. Le peu de temps dont je dispose dans la discussion générale m’a conduite à n’aborder que certains volets du projet de loi. Ses autres dispositions, sur lesquelles nous reviendrons plus en détail, sont tout aussi néfastes pour le devenir du droit au logement.
Si l’on veut que l’intérêt général soit au cœur des préoccupations en matière de logement, il faut que l’État soit à nouveau en situation de jouer pleinement son rôle, sans discrimination ni recherche de pure opportunité. Or ce projet de loi entend régler les défaillances de l’État en matière d’offre de logement social en réduisant artificiellement le nombre de personnes pouvant prétendre y accéder, sans jamais proposer de solutions aux personnes exclues du parc social.
Madame la ministre, votre projet de loi montre à quel point l’État a renoncé à sa mission sociale et abandonne nos concitoyens mal logés, sans logement ou logés dans des conditions insupportables.
Mme Odette Terrade. Pis encore, ce projet de loi va aggraver la situation de bon nombre d’entre eux. Vous comprendrez dès lors pourquoi les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s’opposeront fermement à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’importance du sujet, mais conscient de la situation actuelle, je vais m’efforcer d’introduire une note plus positive dans ce débat.
Depuis maintenant cinq ans, la politique du logement constitue une priorité nationale ; cinq lois successives en témoignent. Le rythme de l’évolution de notre législation dans ce domaine pourrait nous conduire à aborder le texte qui nous est proposé aujourd’hui avec une certaine réserve et à nous interroger, comme d’autres, sur la nécessité de légiférer de nouveau sur le logement.
C’était aussi votre interrogation, madame la ministre, il y a moins d’un an.
En réalité, quel constat peut-on dresser aujourd’hui ? Il est simple : malgré un effort historique de construction de 435 000 logements en 2007, chiffre jamais atteint depuis vingt-cinq ans et qui traduit une augmentation de 40 % depuis 2000, de nombreux blocages persistent qui empêchent d’atteindre les objectifs du plan de cohésion sociale.
Aussi, dans un contexte de crise du marché de l’immobilier, il est indispensable d’offrir de nouveaux outils opérationnels pour répondre au besoin vital de logement dans notre pays.
Ce projet de loi s’avère donc bien indispensable et arrive à point nommé.
Il répond en effet à plusieurs priorités actuelles : construire plus de logements, notamment des logements sociaux, en mobilisant tous les acteurs ; favoriser l’accession sociale à la propriété, à laquelle chacun doit pouvoir prétendre ; faciliter l’accès au parc de logements HLM ; lutter efficacement contre l’habitat indigne, encore bien trop présent dans notre pays, notamment dans beaucoup de quartiers anciens.
Pour ne pas être trop long, je me contenterai d’aborder quatre points précis et ferai deux remarques complémentaires.
En premier lieu, le recours à la vente en l’état futur d’achèvement en faveur des bailleurs sociaux sera extrêmement utile dans la situation de crise que connaît actuellement l’immobilier.
M. Dominique Braye, rapporteur. Eh oui !
M. Pierre Jarlier. Cette disposition devrait permettre de débloquer de nombreuses opérations et de placer rapidement sur le marché de nouveaux logements sociaux, notamment dans les secteurs les plus tendus.
Cependant, compte tenu de ce nouveau contexte, il faudra veiller, dans les cas où le recours à la mise en concurrence ne serait pas imposé, à s’assurer d’une offre qualitative dont les coûts seront maîtrisés, car les collectivités, qui participent de plus en plus au financement des programmes de logements sociaux, n’auront pas la possibilité de constituer les variables d’ajustement au regard des coûts plafonds imputables aux sociétés HLM.
Par ailleurs, ces opérations entrant dans le cadre des politiques publiques locales du logement, l’avis du maire paraît justifié pour assurer une parfaite cohérence avec les programmes en cours sur la commune.
J’ajoute que ce dispositif est particulièrement intéressant, car il encouragera les partenariats public-privé au service du logement social et, surtout, il sera générateur de plus de mixité sociale, notamment dans les quartiers résidentiels.
En deuxième lieu, je veux évoquer le renforcement de la portée opérationnelle des programmes locaux de l’habitat.
Cette planification, plus encadrée et étendue à de nouvelles communes, sera sans aucun doute plus efficace. Pour cette raison, elle va dans le bon sens.
En effet, doter chaque commune d’un programme d’action détaillé aura l’avantage de permettre de planifier, sur l’ensemble du territoire intercommunal, la politique de l’habitat. On pourra alors tenir compte dans chaque commune de la présence des transports, des équipements et des services, par exemple, pour fixer des objectifs réalistes en matière d’habitat. Par conséquent, cette mesure contribuera à une meilleure intégration de la politique du logement dans l’urbanisme de la ville comme dans l’urbanisme intercommunal.
De la même façon, le renforcement du rôle du préfet dans l’élaboration du programme local de l’habitat apportera la garantie que seront pris en compte les besoins réels de la population en matière de logement, gage d’une plus grande mixité sociale.
Il serait d’ailleurs parfaitement légitime que les objectifs de mixité sociale, notamment en matière de logements locatifs sociaux et de logements en accession sociale à la propriété, soient clairement identifiés dans le programme local de l’habitat. Cela constituerait un moyen efficace de concilier les impératifs réglementaires en matière de logement social sur chaque commune avec une vision territoriale élargie, et sans doute mieux adaptée à la réalité des territoires.
J’en viens à l’article 17 du projet de loi, qui élargit à l’accession sociale à la propriété les logements pris en compte dans le décompte des 20 % de logements sociaux prévus par l’article 55 de la loi SRU.
Le Sénat a déjà longuement débattu de ce sujet. Nous avons toujours considéré que l’article 55 ne saurait être modifié tant que toutes les communes concernées ne le respecteraient pas.
Il est vrai que, dans certains cas, on peut considérer que le public accédant social à la propriété est le même que celui qui est éligible au logement social.
Il est non moins vrai qu’il faut encourager fortement l’accession sociale à la propriété, et ce texte va y contribuer, sous votre impulsion, madame la ministre.
Pour autant, il faut bien reconnaître que la situation de ces familles au regard de l’emploi est différente. La priorité reste donc bien, à mon sens, d’offrir un logement aux personnes qui ne peuvent envisager de se fixer dans l’immédiat sur un territoire et qui peinent à trouver un logement locatif adapté à leur besoin.
C’est pourquoi je considère, comme M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, qu’il est prématuré de modifier le champ de l’article 55 de la loi SRU.
M. Dominique Braye, rapporteur. Lorsqu’il y aura suffisamment de logements sociaux, on pourra le modifier !
M. Pierre Jarlier. C’est une position constante que j’ai déjà défendue en qualité de rapporteur de la loi portant engagement national pour le logement, puis lors de l’extension de l’application de l’article 55 dans la loi instituant un droit opposable au logement, dite loi DALO.
Il convient de donner de nouvelles prérogatives aux préfets, notamment le droit de préemption, afin que cet article puisse être pleinement appliqué.
J’en viens au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
Cette initiative, particulièrement intéressante et ambitieuse, est à la hauteur de la situation particulièrement difficile que l’on rencontre dans de nombreux quartiers anciens.
En effet, au fil du temps, les centres-villes ont connu des mutations sociales et économiques profondes qui aboutissent à un état souvent très dégradé de l’habitat et encore trop souvent des espaces publics qui y sont associés.
Les causes sont multiples, notamment la délocalisation progressive du commerce de proximité et des services, mais aussi l’attrait des familles pour les secteurs périurbains.
C’est bien la cohésion sociale de ces quartiers qui est en jeu aujourd’hui.
Ce programme permettra, à partir d’un diagnostic social et urbain, d’engager un projet global de requalification des quartiers dans un double objectif de mixité sociale et de développement durable.
Il s’appuiera sur les dispositifs existants au titre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat menées par l’Agence nationale de l’habitat, qui ont fait la preuve de leur efficacité dans notre pays, en secteur urbain comme en milieu rural.
Dans ce cadre nouveau, il faudra veiller à la prise en compte de la diversité des territoires dans les critères de sélection des programmes, car les enjeux, les situations, donc les réponses à apporter, varient beaucoup d’un territoire à l’autre.
De la même façon, la mobilisation de tous les acteurs locaux constitue un gage de réussite de cette reconquête dans les quartiers anciens. Dans ce sens, la possibilité offerte par le projet de loi de créer des fonds locaux de l’habitat est déterminante.
Elle est déterminante parce que les financements d’État constitueront des leviers indispensables à l’engagement, par voie contractuelle, des différentes collectivités locales et des partenaires potentiels.
Elle est déterminante aussi parce que le conventionnement de chaque programme favorisera l’adaptation des règles à la diversité du terrain.
Elle est déterminante enfin parce qu’elle ouvre des perspectives de gestion des programmes au plan local, par le biais de délégations au porteur de projet communal ou intercommunal qui en aura la compétence.
Je considère, une fois encore comme M. le rapporteur, que l’ouverture des fonds locaux de l’habitat aux OPAH sur tout le territoire est un facteur de réussite de la requalification des quartiers anciens.
Je terminerai mon propos par deux observations.
La première concerne l’amélioration de la constructibilité en tissu urbain constitué.
Certes, la possibilité de dépassement du coefficient d’occupation des sols ou la dérogation aux règles de hauteur des constructions peuvent contribuer efficacement à la lutte contre l’étalement urbain et faciliter l’agrandissement ou l’aménagement de nouveaux logements.
Toutefois, cette mesure ne peut résulter d’une disposition d’ordre général, car la qualité architecturale et paysagère d’une ville comme sa forme urbaine relèvent de règles d’urbanisme spécifiques, adaptées à chaque contexte. C’est pourquoi, et je suis une nouvelle fois en accord avec la commission des affaires économiques, il serait préférable de laisser à chaque conseil municipal le pouvoir de déterminer lui-même les périmètres éventuels sur lesquels seraient autorisées ces dérogations. (Mme la ministre acquiesce.)
Ma seconde observation concerne le recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif.
Si leur resserrement sur les zones « tendues » est parfaitement justifié, il n’en est pas de même pour les zones de revitalisation rurale, dans lesquelles le soutien aux investissements locatifs doit être absolument poursuivi. Il n’existe en effet pas de tension foncière sur ces territoires et leur attractivité est conditionnée par une offre locative réelle, indispensable pour accueillir de nouvelles populations. Or les investisseurs ne s’y bousculent pas.
Le maintien de la déduction fiscale instituée par la loi relative au développement des territoires ruraux représente donc un levier certain pour développer l’offre locative, notamment en milieu ancien.
Madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel, il y a urgence. Le présent projet de loi contribuera à répondre à la crise du logement. C’est un texte pragmatique et opérationnel qui offrira des outils nouveaux et concrets pour accélérer les mises en chantier. N’est-ce pas d’abord ce qu’attendent toutes les familles qui cherchent un logement ?
C’est donc bien volontiers que, sous le bénéfice de ces observations, je soutiendrai ce projet de loi, aux côtés des membres du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi n’est ni un texte de mobilisation pour le logement ni un texte de lutte contre les exclusions : c’est un outil de captation financière destiné à permettre à l’État de mieux se désengager des politiques publiques du logement. En effet, madame la ministre, il porte bien plus la marque de Bercy que celle du ministère du logement, et l’on regretterait presque le temps où la majorité se contentait de ne pas asseoir ses mesures sur des prévisions financières sérieuses et des moyens importants !
La logique gouvernementale à l’œuvre dans tous les secteurs d’intervention de l’État est diablement cohérente : vous êtes passés de la recherche d’économies et du dégraissage des capacités de l’État au détournement des trésoreries encore disponibles. La théorie du bas de laine des organismes d’HLM a été savamment orchestrée et le 1 % logement soigneusement discrédité, pour qu’ils puissent être mieux ponctionnés. Ainsi, les organismes d’HLM seraient à la tête d’une cagnotte de 11 milliards d’euros qu’ils conserveraient au détriment de leur mission de développement du logement social. Or, sur ces 11 milliards d’euros, 4,7 milliards sont constitués des dépôts de garantie des locataires et des réserves indispensables pour faire face aux travaux d’entretien, aux remboursements d’emprunts, aux impôts fonciers,… et ne sont donc pas mobilisables pour investir. Rapporté aux plus de 4 millions d’appartements gérés par les organismes d’HLM, ce trésor ne représente que 1 500 euros par logement. Et c’est sans compter avec les investissements très importants qui, dans un contexte de désengagement accru de l’État de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, doivent intervenir pour la poursuite du plan de rénovation urbaine et pour l’application du Grenelle de l’environnement.
Quant à la participation des employeurs à l’effort de construction, plus communément appelée « 1 % logement », elle est carrément détournée pour faire face à la réduction drastique du budget de la politique de la ville et du logement. Pour 2009, la mission « Ville et logement » verra son budget baisser de 7 % : alors que le budget du logement correspondait à 1,33 % du PIB en 2001, il n’en représente plus actuellement que 1,1 %.
L’accord conclu la semaine dernière avec les partenaires sociaux, s’il réduit quelque peu la ponction opérée et a donné lieu à des contreparties, ne change rien sur le fond. Il faut dire que le Gouvernement lorgnait depuis un moment les fonds collectés au titre du 1 % logement. À l’idée de les budgétiser, idée remise au goût du jour dans le rapport Attali, il préfère le siphonage… et la mise sous tutelle des organismes collecteurs. Désormais, la définition de l’emploi des fonds se fera non plus conventionnellement, mais par décret : les partenaires sociaux sont dessaisis de leurs prérogatives et cantonnés dans un rôle purement consultatif ; quant au Parlement, il n’a aucun droit de regard. Le pouvoir de l’État est renforcé au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, d’où les partenaires sociaux sont exclus.
Au lieu de rendre plus efficients les outils de l’économie sociale du logement, le Gouvernement les casse, alors même que le 1 % logement, géré paritairement, fait l’objet d’un large consensus entre syndicats de salariés et organisations d’employeurs, ceux-ci étant conscients du fort lien entre accès au logement et développement de l’emploi.
Sur le terrain, dans nos territoires – et tout particulièrement en Île-de-France, où la situation du logement est la plus tendue –, le 1 % logement, par sa réactivité et les complémentarités de ses interventions, est un facteur essentiel du bon fonctionnement de la chaîne du logement. Les maires bâtisseurs d’Île-de-France ont bien conscience du fait que certaines opérations de construction voient le jour grâce au 1 % logement et qu’elles ne sortiraient donc jamais de terre sans l’apport de ce dernier. Ainsi, dans le Val-de-Marne, les subventions du 1 % logement ont profité, en 2007, à 23 opérations PLUS/PLAI portant sur 670 logements, pour un montant de 9,4 millions d’euros.
Ajoutons à cela la réforme de la dotation de solidarité urbaine, dont le calcul ne prendra plus en compte le nombre de logements sociaux : c’est un coup supplémentaire porté aux maires bâtisseurs ! Votre politique, madame la ministre, va vraiment à l’encontre de ce qu’il faudrait faire.
Le 1 % logement, ce sont aussi les aides individuelles pour le financement des cautions, avec le Locapass, et des travaux dans les résidences principales, avec le prêt Pass-travaux, pour ne citer que les deux plus importantes. Or, justement, cette dernière aide risque fortement d’être remise en cause.
C’est pourquoi, faute d’obtenir le report de l’examen du projet de loi, nous nous attacherons à reformuler les catégories d’emploi du 1 % logement afin de garantir le cœur de sa mission, à assurer une vérification par le Parlement de l’utilisation des fonds, à recentrer les missions de l’ANPEEC sur le contrôle, et à préserver la représentation des partenaires sociaux ainsi que leur rôle dans la définition des emplois de la contribution. En un mot, nous nous attacherons à optimiser le système plutôt qu’à le mettre à bas, parce que nous ne pouvons accepter, dans une situation de crise aiguë, de nous déposséder d’outils qui fonctionnent.
La crise du logement se fait de plus en plus prégnante : depuis 2005, la part de ressources affectées par les ménages au logement et à son fonctionnement a atteint un niveau historique, la moyenne étant de 24,7 %. Ce taux est fréquemment supérieur à 30 % et peut même dépasser 40 %, voire 50 % des revenus pour les ménages les plus modestes. Nous devons en outre compter avec la crise financière, que le projet de loi ignore totalement. Vous en restez à des réponses segmentées, parcellaires, dictées par le dogme de la propriété individuelle, celui-là même qui est à l’origine de la crise que nous traversons. Plus que jamais, il est nécessaire, en mobilisant le parc social comme le parc privé, de réorienter notre politique du logement vers la construction de logements permettant des niveaux de loyers accessibles aux ménages les plus modestes, dont des logements très sociaux. Ce doit être « la » priorité nationale, et c’est encore plus vrai dans le contexte actuel de précarisation des revenus des ménages, de surendettement et, désormais, de crise économique.
En Île-de-France, nous devons faire face à plus de 374 000 demandes de logement social, alors que la moitié du parc social se situe dans 8 % des communes, avec, proportionnellement, une plus grande concentration en petite couronne qu’à Paris et qu’en grande couronne. Cette répartition doit être rééquilibrée et le nombre de logements sociaux augmenté ; tel est l’objet de l’article 55 de la loi SRU.
Le bilan triennal des réalisations de logements sociaux montre que 330 des 730 communes concernées par un programme de rattrapage n’ont pas atteint leurs objectifs ; pis, 56 d’entre elles ont un taux de réalisation nul ou négatif. Au lieu d’élargir à l’accession sociale à la propriété la définition des logements entrant dans le décompte des 20 %, comme vous le souhaitez, madame la ministre, c’est bien vers un renforcement du dispositif que nous devons aller, notamment en instaurant un pouvoir de substitution du préfet dans les communes en constat de carence.
La disposition proposée est purement scandaleuse et constitue une véritable provocation, surtout si on la met en parallèle avec la stigmatisation de certains occupants du parc d’HLM. À vous entendre, madame la ministre, la pénurie de logements sociaux serait due à des « profiteurs » du système trop bien payés pour y habiter ou occupant des logements trop grands pour la taille de leur famille. Mais, en Île-de-France, seuls 4 % des ménages logés par les organismes d’HLM sont assujettis au supplément de loyer de solidarité !
Nous refusons la spécialisation du parc social dans les publics pauvres et très pauvres. Ce sont 60 % de la population qui sont éligibles au logement social. Cette vocation du parc social à loger le plus grand nombre est essentielle pour la mixité sociale et territoriale.
L’enjeu est non pas de réduire le nombre des bénéficiaires et de renvoyer comme vous le faites les demandeurs vers le secteur privé, trop souvent inaccessible, mais bien de développer le parc, dans un effort porté par tous, à travers une offre cohérente territorialement.
La juxtaposition de politiques hétérogènes constitue en Île-de-France un frein au nécessaire rééquilibrage territorial. Or la spécificité de la région francilienne est totalement ignorée du projet de loi.
M. Serge Lagauche. Ce gouvernement n’a aucune volonté politique de traiter cette spécificité.
Le projet de loi, qui va à rebours des évolutions récentes, est non seulement inefficace, mais aussi dangereux. La politique du logement réclame des choix radicalement différents. Le groupe socialiste aura à cœur de les promouvoir tout au long de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la ministre, la discussion du projet de loi que vous nous présentez intervient dans un contexte particulier pour le logement.
C’est d’abord le contexte international, bien sûr, marqué par la crise financière et la faillite de banques, héritage de la crise immobilière américaine.
Mais c’est aussi le contexte national. Nous examinons ce texte alors que les crédits de la mission « Ville et Logement » sont en baisse de près de 7 %. Selon les prévisions du Gouvernement, les crédits de paiement seront réduits de 560 millions d’euros en 2009 par rapport à 2008. Le budget de l’État pour l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, et pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, s’effondre, passant respectivement de 375 millions à 6 millions d’euros et de 200 millions à 6 millions d’euros. Je précise que les besoins en crédits de paiement sont évalués pour l’ANRU à 500 millions d’euros par an pendant cinq ans.
Certes, un accord a été trouvé avec « le 1 % ». Il a donc été décidé que, sur une période de trois ans, 850 millions d’euros seront répartis entre l’ANRU, l’ANAH et le plan de rénovation des quartiers. Cette ressource prélevée sur le 1 % logement vient donc pallier le désengagement financier de l’État. Cependant, madame la ministre, je ne suis pas certain que, malgré vos assurances, elle puisse combler entièrement les baisses de crédits budgétaires pour les années à venir. C’est d’autant plus préoccupant que les besoins sont toujours aussi importants.
Le nombre de mises en chantier de logements a en effet reculé en France : au cours des douze derniers mois, il a marqué un repli de 9,5 %, atteignant quelque 395 000 unités, passant juste sous la barre symbolique des 400 000 logements. Je rappelle que l’objectif que vous aviez vous-même affiché pour répondre à la demande de logements non satisfaite en France était de 500 000 logements nouveaux par an.
S’agissant des logements sociaux, madame la ministre, vous avez déclaré l’année dernière avoir l’espoir d’arriver à la barre des 100 000 logements, soit un chiffre inférieur aux 120 000 que, tout comme nous, vous espériez et aux 142 000 qui avaient été prévus dans le budget pour 2008. Vous en annoncez aujourd’hui 108 000.
Il existe aussi un vrai décalage, non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif, entre l’offre et la demande. Ainsi, les logements de type PLS – prêt locatif social – ou PLI – prêt locatif intermédiaire – disponibles sont supérieurs à la demande, alors que les logements financés à l’aide du PLAI – prêt locatif aidé d’intégration – ou du PLUS – prêt locatif à usage social – sont en sous-production. J’avais d’ailleurs déposé à ce sujet un amendement qui, à ma grande surprise, a été refusé par la commission des finances alors qu’il n’engageait pas de dépenses supplémentaires.
Je n’évoquerai pas le dispositif Robien, dont vous tentez de corriger les effets pervers après les avoir soulignés.
Le moins que l’on puisse dire, madame la ministre, c’est que le contexte n’est pas des plus favorables et qu’il est même préoccupant ! Alors, que faire ?
Dans ce contexte, le Président de la République a annoncé à titre exceptionnel une série de mesures visant à soutenir le logement en accompagnement du projet de loi présenté aujourd’hui. La disposition la plus commentée concerne le rachat à des prix décotés, par des organismes d’HLM ou par d’autres promoteurs, de 30 000 logements privés dont les travaux n’auraient pas été lancés faute de certitude sur les ventes. L’État subventionnera cette mesure à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Très bien ! Mais comment sera-t-elle financée ?
Pour votre part, madame la ministre, vous nous proposez un texte qui présente une série de mesures se concentrant, selon l’exposé des motifs, sur quatre objectifs : construire plus de logements – nous en sommes tout à fait d’accord –, favoriser l’accession sociale à la propriété – nous y sommes favorables –, permettre l’accès du parc d’HLM à plus de personnes – comment refuser ? –, et lutter contre l’habitat indigne. On ne peut bien sûr que vous approuver ! Mais comment atteindre ces quatre objectifs ?
Dans l’ensemble, les mesures proposées conviennent aux membres de l’Union centriste, ainsi que l’a dit tout à l’heure mon collègue Daniel Dubois : créer un programme de requalification des quartiers dégradés, renforcer le caractère opérationnel des PLH, procéder au recentrage des amortissements Robien et Borloo sur les marchés immobiliers tendus, diminuer les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux, définir la notion d’habitat indigne, étendre l’intermédiation locative, etc. Voilà, entre autres, quelques-unes de vos propositions qui vont selon nous dans le bon sens. Certaines figuraient d’ailleurs dans le rapport pour avis que j’ai présenté, au nom de la commission des affaires sociales, à l’occasion de l’examen du projet de budget pour 2008. (Mme la ministre acquiesce.)
Mais d’autres propositions nous conviennent moins et même, pour tout dire, ne nous conviennent pas. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Avant moi, mon collègue Daniel Dubois a évoqué le problème du 1 % logement. Partageant l’ensemble de ses préoccupations, je ne reviendrai pas sur ce sujet.
Je m’attacherai surtout à la question de l’accession sociale à la propriété, en particulier à l’article 17 qui inclut dans le décompte des logements locatifs sociaux des logements financés à l’aide de prêts destinés à l’accession à la propriété. En définitive, cet objectif affiché d’une accession à la propriété favorisée se concentre sur ce seul article 17 !
Madame la ministre, nous ne sommes pas opposés aux mesures visant à encourager l’accession sociale à la propriété. Cette dernière constitue en effet à nos yeux un élément majeur, voire l’aboutissement d’un parcours résidentiel réussi.
Le groupe de l’Union centriste a toujours soutenu des mesures d’aide à la personne ou des mesures encourageant les ventes de logements HLM, par exemple. Mais, comme je l’avais indiqué l’année dernière lors de la discussion des crédits de la mission « Ville et Logement » du projet de loi de finances pour 2008, on ne pourra améliorer les conditions de logement dans notre pays sans remettre l’ensemble du parc en mouvement, sans recréer une chaîne du logement fluide et souple.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous avons donc besoin de l’accession à la propriété comme du locatif social.
Or, madame la ministre, en modifiant l’article 55 de la loi SRU, vous contribuez justement à appauvrir le parc locatif social.
Vous justifiez votre mesure en expliquant que les mêmes personnes sont attributaires du Pass-foncier, du prêt social location-accession, ou PSLA, et des logements sociaux.
Je conteste votre démonstration. Ce sont les mêmes personnes peut-être, mais ce ne sont pas les mêmes produits ! Croyez-vous qu’un jeune homme ou une jeune femme entrant dans la vie active et cherchant un logement social puisse se rendre immédiatement acquéreur d’un Pass-foncier ? Croyez-vous qu’un jeune couple n’attend pas l’épreuve du temps pour accéder à la propriété ?
Nos communes ont besoin de locatif social tout autant que d’accession sociale. Et le seuil de 20 % pour le locatif n’est pas trop haut.
Je citerai, par exemple, la communauté urbaine d’Arras que je préside. Elle a pour objectif 25 % de logements locatifs en moyenne à l’horizon 2013, les communes rurales participant largement à cet effort. N’est-il pas normal que nos enfants puissent se loger même dans nos territoires ruraux ? Comment le feront-ils sans logements locatifs sociaux ?
Et ne parlons pas, bien sûr, des RMIstes, des femmes seules vivant de l’allocation parent isolé ou des personnes âgées, enfin de tous ceux qui attendent un logement locatif social et qui peuplent nos permanences !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce qui nous dérange dans votre proposition, c’est que vous cassez une logique, celle de l’article 55 de la loi SRU qui se concentre uniquement sur le logement locatif. Les 20 % de logements locatifs sociaux constituent un horizon pour toutes nos communes. Ne le brisez pas, madame la ministre !
En effet, il faut bien reconnaître que la loi de 2000 permet à la France de rattraper son retard. Beaucoup de communes ont joué le jeu, ont participé à cet effort de solidarité, comme vous l’avez souligné.
Il ne serait donc pas normal que certaines communes se désolidarisent et persistent à ne pas respecter leurs obligations.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Aujourd’hui, seuls le Pass-foncier et le PSLA sont concernés mais, demain, quels nouveaux types de logements seront-ils comptabilisés dans les 20 % ? (M. Thierry Repentin applaudit.)
Nous risquons, avec cet article 17, d’ouvrir la brèche et, à terme, de vider totalement de sa substance l’article 55 de la loi SRU. Or ce dernier visait, d’une part, à renforcer l’offre en logements locatifs sociaux et, d’autre part, à favoriser une meilleure répartition géographique de ces logements locatifs.
Madame la ministre, vous êtes une femme de principes, comme vous l’avez souvent répété. Or, il est capital de ne pas remettre en question le principe de l’article 55.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pour terminer sur ce point de l’article 17, j’évoquerai une réflexion de notre ami et excellent rapporteur, Dominique Braye : était-il encore besoin de remettre à l’ordre du jour une question que le Parlement a déjà examinée pendant de nombreuses heures ? La loi SRU, la loi sur la cohésion sociale, la loi d’engagement national pour le logement ou encore la loi DALO ont été l’occasion de discussions permettant à chacun de s’exprimer et d’aboutir à un texte équilibré.
Le fait de revenir une fois de plus sur le sujet aurait pu être évité, surtout que cette disposition finit par masquer les autres mesures du projet de loi qui, elles, participent à l’amélioration de notre législation.
Je conclurai en saluant le travail des trois rapporteurs, Dominique Braye, Philippe Dallier et Brigitte Bout, ma collègue de la commission des affaires sociales dont je ne partage d’ailleurs pas du tout l’analyse sur l’article 17.
Le groupe de l’Union centriste réservera donc sa position dans l’attente du sort qui sera fait à son amendement de suppression déposé à l’article 17. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais dans un premier temps attirer votre attention, d’une part, sur les besoins considérables en logements sociaux de mon département et, d’autre part, sur l’offre correspondante bien insuffisante.
La Réunion compte actuellement 800 000 habitants, et, compte tenu de la progression démographique, sa population s’élèvera à un million en 2020. Selon toutes les prévisions, il faudra construire d’ici là 180 000 logements, dont la moitié pour le secteur social.
Or, des retards considérables ont été accumulés.
C’est ainsi que, pour la dernière période, sur un objectif de 6 000 logements sociaux à construire par an, le tiers n’a pas été réalisé.
Les raisons sont diverses, et des préconisations ont été avancées par tous les partenaires de ce secteur. Ce sont ces problèmes que je souhaitais évoquer dans un second temps. Or, le 8 octobre dernier, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, vous m’avez indiqué, madame la ministre, que votre texte ne concernait pas l’outre-mer, me renvoyant au débat sur la loi de programme.
Je me bornerai donc à poser essentiellement un problème de principe.
La loi du 18 janvier 2005 dite « loi de programmation pour la cohésion sociale » comportait un chapitre consacré au logement social, avec le financement de 500 000 logements locatifs sociaux supplémentaires pour les années 2005 à 2009. Ce dispositif ne concernait pas les départements d’outre-mer.
On procéda alors à une sorte de rattrapage. La loi du 5 mars 2007 dite « loi DALO » a repris en partie le volet logement de la loi de cohésion sociale. Elle a rappelé l’objectif de 500 000 logements, et son article 23 a fixé un objectif de création de 37 500 logements sociaux supplémentaires outre-mer pour les années 2007 à 2009. Mais, assez curieusement, si la loi rappelle les financements prévus pour la construction des 500 000 logements supplémentaires en métropole, elle ne précise pas quels moyens supplémentaires seront mis en œuvre pour l’outre-mer.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation quasi-identique.
Ainsi, à la question de savoir si le rachat par l’État de 30 000 logements pour soutenir la construction et les promoteurs concerne aussi l’outre-mer, votre réponse, madame la ministre, serait aussi, sans doute, négative.
Lors de l’élaboration de grands textes nationaux, force est de constater que nous sommes toujours les oubliés. On nous renvoie aux mesures propres qui sont prévues pour nous et, en la circonstance, on nous renvoie au budget du secrétariat à l’outre-mer et au projet de loi de programme pour l’outre-mer. J’aurai l’occasion d’en parler le moment venu. Je dirai néanmoins deux mots sur ce point.
À partir de l’année prochaine, deux modes de financement du logement social outre-mer sont envisagés : d’une part, le maintien d’une ligne budgétaire unique, la LBU, où continueront de transiter des crédits d’État et, d’autre part, un recours à la défiscalisation des investissements en espérant orienter ces derniers vers le logement social.
Pour la LBU, on nous annonce 258 millions d’euros en autorisations d’engagement alors que cette même dotation s’élevait à 270 millions d’euros en 2005, et était déjà bien insuffisante.
Par ailleurs, on nous indique que ces crédits permettront – enfin ! – de financer les logements supplémentaires qui sont prévus pour nous au titre de la loi de cohésion sociale. On nous appliquera donc en 2009 des dispositions d’une loi qui a cours en métropole depuis 2005. Mieux vaut tard que jamais !
Quant au recours à la défiscalisation, je vous rappelle, madame la ministre, la grande inquiétude qu’il suscite en outre-mer quant à son maintien. Il est notamment question dans le projet de loi de finances pour 2009 de plafonner ce que l’on appelle « la niche fiscale outre-mer ». Ce projet a suscité une vive émotion chez nous, à tel point que, pour la première fois sans doute dans toute notre histoire, des patrons ont manifesté dernièrement devant la préfecture de Saint-Denis pour exprimer leurs craintes et leurs inquiétudes.
La question qui se pose est bien la suivante : aurons-nous tous les moyens nécessaires pour faire face à une demande de logements, notamment sociaux, de plus en plus forte ? Nous comptons 30 000 demandes de logements sociaux insatisfaites, et ce nombre va s’accentuer au cours des années à venir.
C’est pourquoi nous déplorons que votre texte ne fasse pas même allusion à nos problèmes et à nos préoccupations.
Certes, toutes les dispositions du projet de loi ne peuvent être étendues à l’outre-mer.
Nous ne souhaitons pas, par exemple, une modification de la règle qui impose la construction de 20 % de logements locatifs sociaux dans les communes. Notre île a un territoire contraint, réduit. Actuellement, seules trois communes, de tendances politiques diverses, assument pratiquement à elles seules les deux tiers de la construction de logements locatifs sociaux. Il est bon de maintenir la règle des 20 % pour amener les autres à se montrer solidaires dans une politique profitable d’abord aux Réunionnais.
Mais, cela étant, nous aurions pu discuter de la possibilité d’étendre chez nous certains dispositifs envisagés dans ce projet de loi.
Je pense notamment à la convention avec les bailleurs sociaux ; je pense surtout au programme de requalification des quartiers dégradés que vous allez mettre en place. Chez nous, les crédits de la LBU sont essentiellement consacrés à la construction de logements neufs, et très peu visent à la réhabilitation. Nous aurions pu légitimement bénéficier de votre nouveau programme.
Mon regret essentiel, je le répète, est de nous voir cantonnés à nos propres problèmes et au dialogue avec le seul secrétariat d’État à l’outre-mer.
Madame la ministre, ne prenez pas mon intervention comme une critique qui vous serait adressée personnellement.
M. Guy Fischer. Quand même… (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Gélita Hoarau. Recevez-la comme l’expression de l’angoisse d’une élue qui voit les problèmes de son département s’amplifier et qui constate que les solutions mises en œuvre ne répondent pas toujours aux exigences du moment. C’est le cas en particulier pour le logement social. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nombre de précédents orateurs ont rappelé les chiffres tout à fait inquiétants qui caractérisent la crise actuelle du logement. Dans la région d’Île-de-France – nous sommes un certain nombre à la représenter ici –, les demandes dépassent largement 370 000 dossiers, et elles s’élèvent à 48 000 pour le seul département du Val-de-Marne dont j’ai l’honneur d’être un élu.
Ces chiffres, aussi importants qu’ils paraissent, traduisent pourtant bien mal les difficultés de toute nature qui se posent aux familles dont les demandes de logement aboutissent au compte-gouttes.
C’est dire, madame la ministre, si le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui est attendu non seulement par les demandeurs de logement, mais aussi par les maires qui sont en première ligne sur le sujet.
Vous l’avez déclaré, il faut désormais « construire une politique du logement adaptée aux enjeux du XXIe siècle ».
L’octroi d’un logement n’est pas seulement, en effet, une obligation que la République s’impose, c’est une absolue nécessité pour vivre dignement, s’épanouir, élever ses enfants, faire face dans cette cellule essentielle à tous les aléas de la vie.
Face à cette réalité, notre majorité n’est pas restée inactive. Les textes votés ces dernières années, notamment la loi portant engagement national pour le logement et la loi instituant le droit au logement opposable, en sont la preuve.
De plus, grâce à la mobilisation de la collectivité nationale, un effort de construction historique a été réalisé, avec 435 000 logements neufs construits en 2007 : nous ne rappellerons jamais assez ce chiffre, car ce n’était pas arrivé depuis plus de vingt-cinq ans !
Cependant, force est de constater que la situation du logement continue, en France, à être victime d’un certain nombre de blocages : c’est là, à mon sens, toute l’importance de votre projet de loi qui, loin des pétitions de principe, veut apporter des solutions concrètes pour sortir de la crise actuelle et pour débloquer un certain nombre de rouages administratifs, ce qui permettrait d’accroître l’offre.
En effet, certains territoires sont particulièrement touchés, concentrant pénurie de logements et difficultés pour se loger à un prix abordable. L’Île-de-France notamment est malheureusement concernée par ces problèmes. Nous savons bien, nous, les maires, que le logement est la principale préoccupation de nos concitoyens. Cette question correspond à 80 % des audiences que je réalise en tant que maire.
Il faut donc se féliciter de ce texte qui veut prendre en compte la spécificité de la crise actuelle et les difficultés que rencontrent les classes moyennes et modestes pour se procurer un toit.
Faire du logement un chantier national prioritaire est un objectif que nous partageons, madame la ministre. Construire plus de logements, favoriser l’accession sociale à la propriété, permettre l’accès au parc HLM à plus de personnes, lutter contre l’habitat insalubre, telles sont vos priorités, madame la ministre, et ce sont aussi les nôtres.
Le travail réalisé par les commissions, en particulier la commission des affaires économiques, a permis d’enrichir ce projet de loi au travers de l’expertise des élus locaux, notamment des maires confrontés au premier chef à des sujets aussi difficiles que le logement et la lutte contre l’exclusion. Je veux bien sûr en remercier le rapporteur, M. Dominique Braye, et les rapporteurs pour avis, Mme Brigitte Bout et M. Philippe Dallier.
Permettez-moi d’insister sur quatre points qui me semblent essentiels.
Premièrement, il est absolument primordial d’augmenter les disponibilités foncières.
Madame la ministre, vous avez parfaitement raison d’affirmer qu’il ne faut pas relâcher l’effort de construction. Et au travers de l’ensemble des articles du chapitre Ier, chacun peut mesurer comment vous comptez mobiliser les différents acteurs.
Construire 500 000 logements par an, dont 120 000 logements sociaux, est un objectif ambitieux qu’il faudra atteindre. Mais il faudra bien évidemment que l’action soit davantage ciblée sur les zones où la pression se fait le plus sentir, et là, une fois encore, l’équation francilienne sera sans doute la plus difficile à résoudre.
M. Christian Cambon. Nous sommes tous parfaitement conscients de l’obligation de lancer de nouveaux programmes de constructions. Encore faut-il que des opportunités foncières le permettent. Or, de très nombreuses communes, notamment en Île-de-France, sont totalement démunies dans ce domaine. Elles ne disposent pas du foncier nécessaire alors que l’État ou des sociétés nationales sont souvent propriétaires de terrains dont ils ne font rien.
M. Christian Cambon. Tel est le cas, dans mon département, à Villeneuve-Saint-Georges ou à Charenton, par exemple, où des dizaines d’hectares appartenant à Réseau ferré de France sont inutilisés. À Chennevières, près de soixante-dix hectares sont neutralisés depuis des années pour construire une autoroute qui ne sera jamais réalisée.
Tous ces terrains pourraient être utilisés par les maires pour atteindre les objectifs que le Gouvernement a fixés aux communes. Le projet de loi aurait peut-être pu être un peu plus directif en ce sens.
Madame la ministre, je souhaiterais donc connaître votre position et vos intentions sur le problème de la libération des terrains de l’État ou de Réseau ferré de France, par exemple. Des mécanismes plus incitatifs ne pourraient-ils pas être mis en œuvre pour permettre des constructions nouvelles là où le foncier manque ?
Deuxièmement, il faut favoriser la mobilité au sein du parc social.
Je souhaiterais insister sur cet objectif de ce texte qui me semble tout aussi essentiel : parvenir à une meilleure mobilité dans le parc de logements pour assurer une meilleure fluidité des logements sociaux.
Faciliter la libération des logements en sous-occupation et encourager l’accession sociale à la propriété vont dans le bon sens. En effet, les personnes qui en ont le plus besoin doivent pouvoir accéder aux logements sociaux occupés jusqu’à présent par des familles dont la composition ou le revenu ne justifie plus qu’elles en disposent. Actuellement, le taux de rotation des locataires est de 9 % au niveau national, de 7 % en Île-de-France et de 5 % à Paris.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Christian Cambon. En outre, 800 000 logements seraient sous-occupés alors que 45 000 demandes ne sont pas satisfaites dans le Val-de-Marne.
Certes, l’amélioration de la mobilité dans le parc de logements suscite sans doute le débat, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, mais cela nécessite de nouvelles mesures. Si le principe du droit au maintien dans le parc social doit rester une référence fondamentale, il doit être aussi plus clairement lié au niveau de ressources des occupants.
La mise en œuvre des « surloyers », pour nécessaire et justifiée qu’elle fut, n’a malheureusement pas suffi.
La cellule familiale évolue. De nombreux logements spacieux ne sont plus occupés, une fois les enfants partis, que par des couples, et ils le sont même souvent seulement quelques mois par an, des locataires retraités ne les conservant plus que comme pied-à-terre.
M. Christian Cambon. Or, des familles nombreuses attendent une attribution.
M. Christian Cambon. Ainsi, à titre d’exemple, dans ma ville de Saint-Maurice, le dernier cinq pièces a été attribué voilà trois ans. La commune compte 26 % de logements sociaux, et j’ai beaucoup de difficultés à satisfaire les demandes ; mais c’est sans doute aussi parce que la commune est très attractive… (Mme la ministre rit.)
Le « surloyer » n’est donc, à l’évidence, pas toujours dissuasif.
La suppression du droit au maintien dans les lieux pour des raisons de revenus illustre bien, par conséquent, la volonté du Gouvernement de fluidifier la chaîne du logement.
Le mécanisme prévu au 4° de l’article 20 est de nature à favoriser la mobilité nécessaire à tant de familles. Il n’est pas illégitime de penser qu’une famille dont les revenus sont au moins deux fois supérieurs au plafond de ressources défini pour le logement qu’elle occupe prive de l’accès à un logement une autre famille moins favorisée.
Faciliter la libération des logements sous-occupés est aussi une excellente initiative.
Bien évidemment, comme vous l’avez vous-même déclaré, madame la ministre, il ne faut pas agir dans ce domaine de manière aveugle et brutale.
Je me réjouis que votre projet de loi, aux termes de l’article 20, exclue de ce mécanisme les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes handicapées à mobilité réduite ou ceux qui en ont la charge.
Par ailleurs, l’aide à la mobilité prévue au 2o de l’article 20 est sans doute un élément important de cette mesure, parce qu’elle contribuera à l’allégement du coût d’un déménagement souvent craint par les intéressés.
Troisièmement, il convient de mettre en œuvre une véritable interdépartementalité.
Pour lutter contre l’exclusion et faciliter l’accès à l’hébergement et au logement, l’article 24 du présent projet de loi rend interdépartementale, en Île-de-France, la gestion des suites à donner aux décisions positives des commissions de médiation de la région.
Grâce à cette disposition, le bénéficiaire du droit opposable au logement pourrait se voir attribuer un logement dans d’autres départements de la région que celui dans lequel la commission de médiation a émis un avis favorable. Là encore, il s’agit, en étendant les zones géographiques, de permettre à plus de personnes de bénéficier d’un logement. C’est une bonne chose.
Encore faut-il que ce ne soit pas à sens unique, madame la ministre. Je n’ai jamais vu pour ma part – les élus des départements d’Île-de-France pourraient faire le même constat, me semble-t-il – de personnes mal logées du Val-de-Marne relogées par la Ville de Paris ! (Mme Odette Terrade s’exclame.) L’effort de la capitale est bien trop modeste en matière de logements sociaux (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), …
Mme Odette Terrade. Il est celui que l’on sait !
M. Christian Cambon. … et nos communes ne peuvent pas éternellement accueillir tous ceux qui se voient rejetés au-delà du boulevard périphérique.
M. Daniel Raoul. C’est scandaleux !
M. Christian Cambon. Madame la ministre, je vous demande de veiller à ce que cette interdépartementalité (M. Roland Courteau s’exclame.) …
Je sais que cela vous gêne que l’on parle du logement social à Paris, mais nous le faisons quand même,…
M. Roland Courteau. Parlez-nous de Tiberi !
M. Christian Cambon. … et, croyez-moi, nous sommes quelques-uns ici, du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et d’autres départements, qualifiés pour en parler !
Madame la ministre, je vous demande de veiller à ce que cette interdépartementalité fonctionne au bénéfice de tous les départements et non d’un seul, et ce dans les deux sens.
N’oublions pas non plus que le relogement de nouvelles populations implique, pour les communes, un coût qui n’est pas neutre en termes d’investissements : augmentation des places en crèche, à l’école, dans les centres de loisirs.
L’accompagnement social de ces nouveaux administrés entraîne aussi des dépenses supplémentaires en termes de fonctionnement auxquelles les communes ne sont pas toujours à même de faire face. Là aussi, des garanties de l’État doivent leur être apportées pour aider les maires à accompagner la loi.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Christian Cambon. Quatrièmement, nous devons lutter contre les marchands de sommeil.
Ce point me tient particulièrement à cœur car j’en ai fait l’expérience douloureuse, comme nombre de mes collègues maires. Il s’agit de ceux que nous appelons les « marchands de sommeil », qui mettent à la disposition d’associations caritatives, aux objectifs parfaitement louables, des chambres aménagées dans des hôtels vétustes en vue de loger des personnes en grande précarité.
Le mécanisme est simple et bien connu : les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, chargent les associations de trouver un hébergement pour des familles en détresse, et les associations dirigent ces dernières vers des hôtels dont les propriétaires facturent – et à quel prix ! – les nuitées prises en charge par les crédits sociaux.
Le véritable scandale, c’est à la fois l’indignité de ces locaux et le coût exorbitant pour la collectivité ! J’ai vu des chambres insalubres dans lesquelles on avait aménagé des châlits et posé des réchauds par terre au mépris des règles de sécurité. Un arrêté de péril a pu mettre fin à ce « trafic », mais ces familles déracinées ont été alors déplacées dans la nuit, et nul ne sait ce qu’elles sont devenues.
C’est indigne, et il convient de mettre fin à ce type d’agissement !
Je me réjouis qu’une définition de cet habitat indigne voit enfin le jour au travers de l’article 25 du projet de loi.
M. Thierry Repentin. Cela existe depuis 1989 !
M. Christian Cambon. Elle est indispensable pour que la loi portant engagement national pour le logement puisse prendre toute sa mesure. La création du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, prévu aux articles 7 et 8 du projet de loi, peut également concourir à mettre un terme à ces situations.
Je ne voudrais pas conclure mon propos, madame la ministre, sans évoquer l’application de la loi SRU : si cette dernière ne correspond pas tout à fait à l’objet de votre texte, un paragraphe la concerne néanmoins.
Sans remettre en cause – j’y insiste – l’obligation faite aux communes de compter au moins 20 % de logements locatifs sociaux, il conviendrait parallèlement de ne pas décourager les bonnes volontés de nombreux maires républicains qui souhaitent accompagner la loi, respecter leurs obligations, mais qui ne le peuvent pas toujours.
Je pourrais citer, dans le Val-de-Marne – le seuil est en effet abaissé à 1500 habitants en région parisienne –, de nombreuses petites communes, telle Périgny-sur-Yerres, qui se heurtent depuis des années à toutes sortes de recours dès qu’un programme de construction de logements sociaux est entrepris.
M. Christian Cambon. D’un autre côté, le préfet ne cesse de multiplier les pénalités, ce qui place ces petites communes dans des situations extrêmement difficiles.
D’autres communes, comme Le Perreux, Saint-Mandé ou Vincennes – mais il y en a beaucoup d’autres – sont confrontées au même problème. Les maires souhaitent remplir leurs obligations, mais il n’y a pas de terrains disponibles.
Dès lors, la construction de logements sociaux dépend des opportunités qui peuvent se présenter. Et les maires, malgré leur volonté de répondre aux obligations qui leur sont faites, ne peuvent atteindre immédiatement les objectifs prévus par la loi. Pour autant, la situation de ces communes n’est pas prise en compte. Nos collègues de gauche citaient régulièrement Saint-Maur : le maire a changé, et le nouveau député-maire souhaite que sa ville devienne un exemple en matière de construction de logements sociaux.
Mme Odette Terrade. Un office d’HLM !
M. Christian Cambon. Oui, mais il va aussi construire des logements sociaux, ma chère collègue, et vous le savez !
Les pénalités, pour justifiées qu’elles soient dans certaines villes qui refusaient obstinément de participer à l’effort de solidarité – c’était précisément le cas de Saint-Maur –, ne le sont plus lorsque la force majeure les empêche de construire.
Je veux croire, madame la ministre, que les dispositions de l’article 10 visant à faciliter le renouvellement des tissus urbains constitués, par un dépassement de 20 % de la surface habitable par rapport aux normes fixées dans le PLU ou le POS, pourront résoudre certaines situations.
Mais cette mesure reste liée à des opportunités qui ne dépendent pas forcément des maires.
Nous demandons donc un peu plus de compréhension de la part des autorités préfectorales chargées d’appliquer la loi, car le régime des pénalités est réellement très dur pour nombre de communes.
M. Guy Fischer. Oh !
M. Thierry Repentin. Ce ne sont pas des pénalités, ce sont des contributions de solidarité !
M. Daniel Raoul. Allez voir les pénalités !
M. Christian Cambon. Il faut bien que quelqu’un défende ces communes ! Nous sommes dans une assemblée où tout le monde a le droit de s’exprimer !
En conclusion, votre projet de loi est bon, madame la ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Il s’agit non pas d’un simple affichage, mais de mesures propres à débloquer tous les rouages pour que les maires aillent plus loin.
Une concertation avec toutes les parties concernées permettra d’apporter des solutions efficaces à nos concitoyens, qui doivent, quels que soient leurs revenus, être logés décemment. Nous partageons tous les mêmes valeurs d’humanité et de solidarité à l’égard des plus fragiles. Nous sommes prêts, n’en doutez pas, madame la ministre, à accompagner les réformes courageuses que la société exige et que le Gouvernement et vous-même conduisez résolument. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’ont déjà fait remarquer bon nombre de nos collègues, l’actualité économique et sociale internationale donne à ce projet de loi et à ses enjeux une importance cruciale ; elle nous impose à tous un devoir de responsabilité renforcé tant aujourd’hui que demain pour les générations futures accompagné d’une exigence accrue en matière de solidarité envers tous les Français, notamment ceux qui connaissent les conditions de vie les plus difficiles.
Les enjeux des politiques de l’habitat et du logement sont multiples, mais je commencerai par dresser un constat : l’offre est inadaptée à la demande sur le plan tant quantitatif que qualitatif. Il faut donc changer de méthode pour faire face à la diversité des besoins. Une forme de régulation – le mot est à la mode – est donc nécessaire pour limiter les mouvements spéculatifs, dont les effets désastreux sont toujours beaucoup plus difficiles à vivre pour les ménages les plus modestes.
À propos de cette problématique majeure du logement, à la fois économique, sociale et environnementale, nous devons tout d’abord réaffirmer la place centrale de l’humain, comme vous l’avez fait vous-même, madame la ministre.
Avant de raisonner en termes de quantité de logements produits et de profils statistiques des personnes concernées par les dispositifs d’habitat aidé, il faut remettre au cœur de nos discussions la question des parcours résidentiels individualisés. Notre ambition commune doit être de permettre à chacun, quels que soient son profil et son pouvoir d’achat, de pouvoir accéder à un logement durable. Pour ce faire, nous devons favoriser et accélérer la constitution d’une offre diversifiée, la seule à même de permettre une véritable mixité sociale et générationnelle au sein de tous les quartiers de toutes les communes de France.
Notre première priorité doit être d’agir en amont pour limiter au maximum les dynamiques spéculatives à l’origine des fractures urbaines et des ségrégations sociales qui menacent la cohésion nationale. Le recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif privé prévu par l’article 15 du projet de loi n’est absolument pas suffisant. Même parmi les communes situées dans les zones concernées par ce recentrage, les dispositifs fiscaux ont parfois complètement déséquilibré le marché locatif. En ne touchant ni aux plafonds des loyers ni aux contreparties sociales demandées aux investisseurs et en laissant au Gouvernement la possibilité d’élargir, par décret, les zones recentrées, la réforme proposée ne permettra pas d’assainir la situation d’un secteur qui a contribué à tirer les prix vers le haut, fragilisant ainsi les plus modestes.
Nos propositions s’inspireront donc du rapport que le Gouvernement a présenté au Parlement en février 2007 et que vous ne pouvez pas avoir oublié, madame la ministre : votre administration y plaidait pour une décentralisation réelle et des contreparties sociales accrues.
Ensuite, pour proposer un logement durable à chacun, il ne faut pas confondre logement et hébergement, …
Mme Odette Herviaux. … sous peine de transformer des outils de régulation en outils de gestion de la précarité.
Mme Odette Herviaux. Parfois, en ayant une certaine vision du droit au logement opposable, certains ont pu entretenir cette ambiguïté. Avec mes collègues du groupe socialiste, nous ferons en sorte de lever cette confusion.
Nous reviendrons sur des sujets majeurs pour les ménages les plus vulnérables, en promouvant réellement la prévention et la concertation. C’est ainsi que nous nous opposerons, à l’article 19 du projet de loi, à la réduction des délais accordés dans le cadre des procédures d’expulsion et à votre manière de revoir, à l’article 25, la définition de l’habitat indigne, qui existe déjà depuis longtemps.
M. Daniel Raoul. Depuis 1999 !
Mme Odette Herviaux. Voilà autant d’orientations fortes qui figuraient d’ailleurs déjà dans le rapport présenté en juillet dernier par la mission commune d’information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, et dont la majorité a approuvé les conclusions.
Pour permettre la réalisation de véritables parcours résidentiels différenciés, nous souhaitons redonner toute leur place aux associations qui, sur le terrain, permettent de construire une offre adaptée aux besoins. L’offre locative sociale ne peut suffire à elle seule à répondre à toutes les situations et trajectoires personnelles ; elle n’en constitue qu’une étape. Alors que l’un des chapitres du projet de loi concerne la mobilisation des acteurs, l’ambition du Gouvernement est au mieux très faible, au pire inexistante.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Odette Herviaux. C’est parce que nous sommes attachés à la mise en œuvre d’une véritable mixité sociale sur tout le territoire que nous refusons fermement les dispositions prévues à l’article 17, qui tend à modifier l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation.
Nous avons été nombreux à le dire, cette disposition est doublement inadmissible.
Premièrement, les plafonds de ressources retenus pour bénéficier des dispositifs d’aide à l’accession dite sociale à la propriété sont bien plus élevés que les plafonds de ressources des ménages qui peuvent prétendre à un logement social. Non, ces plafonds de ressources pour obtenir un prêt d’accession sociale et un prêt à taux zéro ne sont pas les mêmes que ceux qui sont retenus pour accéder à un logement social.
Mme Odette Herviaux. Deuxièmement, et plus fondamentalement, le « tous propriétaires » prôné par le Président de la République est une idée certes sympathique…
Mme Odette Herviaux. … – si vous demandez aux Français s’ils veulent être heureux, ils vous répondront bien entendu tous par l’affirmative ! –, mais c’est une fausse bonne idée !
Les ménages, et surtout les plus jeunes, le savent bien : ils sont endettés pendant vingt-cinq ans, voire plus, et sont déstabilisés par la crise actuelle. Certains d’entre eux ne peuvent même plus obtenir de prêt relais lorsqu’ils doivent vendre la maison qu’ils étaient en train de faire construire ou d’acheter.
M. Roland Courteau. C’est exact !
Mme Odette Herviaux. Outre le fait que la propriété peut parfois constituer un frein à la mobilité professionnelle, et donc à la vitalité économique d’un pays, elle peut présenter des risques pour l’économie tout entière.
Ai-je besoin de citer des exemples récents ? Dans mon département, la situation de certaines entreprises agroalimentaires nous montre malheureusement combien certaines personnes, même d’un certain âge, endettées à vie ne peuvent envisager un reclassement.
À l’inverse, le fait de conserver un secteur locatif à des prix abordables constitue un élément régulateur du système, qui est essentiel au dynamisme et à l’équilibre du marché du logement.
Je terminerai mon propos en insistant sur le rôle primordial qui doit être accordé aux collectivités locales dans la définition et la mise en œuvre des dispositifs de régulation du marché immobilier, les seuls à même de permettre une adéquation entre l’offre et la demande.
Certaines des mesures que vous proposez, madame la ministre, vont dans le bon sens. C’est le cas, à l’article 9 du projet de loi, du renforcement de la portée opérationnelle des programmes locaux de l’habitat et de la réduction du délai de mise en compatibilité de ces derniers avec les plans locaux d’urbanisme des communes ; c’est également le cas de l’élargissement, à l’article 11, du recours à la procédure d’opération d’intérêt national, et de la création, à l’article 12, de la convention de projet urbain partenarial, à condition qu’elle soit correctement encadrée.
Cependant, de nombreux points noirs persistent. Les conditions d’application de l’article 23 rendent quasiment inopérant le prélèvement sanctionnant les communes qui ne construiraient pas les places d’hébergement nécessaires. Il n’y a aucune véritable mobilisation, notamment dans le cadre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, des fameux « maires bâtisseurs » auxquels vous teniez tant l’an passé, madame la ministre !
Mme Odette Herviaux. Des voix se sont fait entendre, y compris au sein de votre majorité, pour que les outils de régulation existants, notamment la loi SRU, soient réellement utilisés. Or le texte du Gouvernement va conduire, je le crains, à leur disparition.
Nous redirons donc autant que nécessaire notre opposition à un objectif de limitation de l’offre locative sociale, qui est encore plus inacceptable en ces temps de crise, et à un texte qui nous semble dépourvu d’ambition, voire dangereux, et assorti d’un budget en baisse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter et de vous remercier de vos excellentes propositions en vue de construire un nombre suffisant de logements sociaux pour répondre aux besoins de nos administrés, soit environ 500 000 logements par an, ce qui est considérable. Je ne reviendrai pas sur vos propositions, car elles n’appellent aucune critique de ma part.
M. Serge Dassault. En revanche, ce projet de loi est pour moi l’occasion de défendre les idées qui me sont chères et que vous n’avez pas évoquées.
Concernant les logements sociaux, permettez-moi de vous rappeler que l’obligation faite aux communes de garantir les emprunts accordés aux bailleurs sociaux est très dangereuse, car celles-ci n’ont aucun moyen de l’assumer. Ce qui est extraordinaire, c’est que cette garantie, qui figure à l’article L. 2252-5 du code général des collectivités territoriales, n’est nullement une obligation, mais qu’elle est devenue peu à peu une tradition sans aucun caractère légal pour que les communes obtiennent 20 % des logements.
Cette opération constitue un danger considérable pour la commune, car celle-ci n’est pas une banque. La commune ne peut garantir aucun emprunt, ne disposant ni de fonds propres ni de réserves. Tout ce système est totalement fictif. Je ne comprends d’ailleurs pas qu’une banque aussi importante que la Caisse des dépôts et consignations accepte une garantie aussi fictive que celle d’une commune, laquelle n’a aucune capacité financière.
On part du principe qu’un bailleur social ne peut faire faillite et que le risque est donc nul. Toutefois, cette conception est très dangereuse, car tout est possible : une commune peut se retrouver dans une situation catastrophique. En effet, il est précisé, dans les documents que les maires doivent remettre aux bailleurs sociaux et présenter à leur conseil municipal, que la commune sera tenue de rembourser à la première demande, et sans aucun contrôle, tout emprunt non honoré par le bailleur, même si elle n’en a pas les moyens : c’est une mesure totalement léonine. C’est comme si je demandais à mon concierge de garantir l’emprunt que je souscris pour l’achat d’un appartement ! C’est totalement stupide ! Il faudrait donc supprimer cette obligation, qui n’en est d’ailleurs pas une, et demander aux bailleurs sociaux de chercher des garanties financières un peu plus sérieuses.
Concernant l’accès aux logements sociaux, madame la ministre, vous souhaitez empêcher l’exclusion des personnes défavorisées – familles monoparentales, chômeurs, RMIstes –, ce qui est normal. Je présenterai d’ailleurs un amendement en vue de protéger les femmes vivant seules, sans emploi, abandonnées par leur compagnon ou leur mari, et élevant leurs enfants dans des logements exigus. Sans ressources, elles n’ont pas droit au logement social, ce qui est anormal ; leur situation est donc dramatique. Les bailleurs sociaux devraient avoir l’obligation de les loger.
Dans le même registre, et conformément au principe du droit opposable au logement, il faudrait que les RMIstes et les chômeurs puissent accéder aux logements d’urgence. La Sonacotra, ou Société nationale de construction de logements pour les travailleurs, devenue Adoma, pourrait réaliser des hôtels sociaux d’urgence. Ce serait mieux que de payer des nuits d’hôtel ! (M. Daniel Raoul s’exclame.)
La répartition des contingents des appartements entre le 1 % logement, le préfet et les communes est actuellement la suivante : respectivement 50 %, 30 % et 20 % des logements.
Cette répartition des contingents ne permet pas aux maires de contrôler l’attribution des logements sociaux situés sur le territoire de leurs communes, alors que leurs propres administrés les sollicitent pour en obtenir. Ces derniers ne comprennent pas qu’on refuse de leur attribuer des logements vides et souvent neufs, et finissent par accuser d’incapacité les maires, qui sont toujours considérés comme responsables.
La possibilité donnée aux préfets de laisser leur contingent aux communes constitue une première ouverture.
Pour la répartition du 1 % logement, les collecteurs devraient au moins consulter les maires pour connaître les candidats qui en bénéficient par leur entreprise. Ces derniers imposent leur propre clientèle, qui n’a rien à voir avec la commune.
Il serait donc beaucoup plus normal d’attribuer un contingent respectivement de 30 % au 1 % logement, de 50 % à la commune, et de 30 % au préfet.
Par ailleurs, les dispositifs de type Robien ou autres ont un défaut majeur : ils permettent certes de faciliter les constructions, mais empêchent les maires d’exercer un contrôle sur l’attribution des logements. Résultat, les logements sont attribués le plus souvent à des personnes qui viennent d’ailleurs, ce qui nuit à la bonne cohésion sociale des communes.
Concernant le taux réduit de TVA à 5,5 % dans le cadre du Pass-foncier, il faudrait permettre aux logements situés dans un périmètre de 500 mètres, voire 600 mètres, des quartiers ANRU d’en bénéficier. Les promoteurs, qui connaissent de réelles difficultés pour vendre les logements, n’ont en revanche aucun problème pour vendre des logements auxquels s’applique le taux de 5,5 %. Une telle mesure faciliterait donc l’accès à la propriété et éviterait que des chantiers de construction situés dans un périmètre de 500 à 700 mètres d’un quartier ANRU ne soient coupés en deux avec, d’un côté, des logements soumis à une TVA de 5,5 % et, de l’autre, des logements supportant une TVA de 19,6 %. Une telle situation est totalement incompréhensible pour les administrés.
Enfin, je vous remercie de votre excellente initiative de moderniser les quartiers dits dégradés. Je ne sais pourquoi vous limitez à cent communes le nombre de bénéficiaires – sans doute pour des questions financières –,…
M. Thierry Repentin. Il n’y a pas assez d’argent !
M. Serge Dassault. … mais j’aimerais savoir quels critères vous retenez pour définir ces quartiers. En effet, je me trouve confronté à ce problème dans ma commune, qui compte trois quartiers en rénovation ANRU. Les autres quartiers, pour la plupart anciens, n’ont quant à eux fait l’objet d’aucune rénovation. Les habitants réclament des travaux de réhabilitation, et estiment que le maire ne s’occupe pas assez d’eux.
Voici donc, madame la ministre, ce que je vous propose : supprimer les garanties d’emprunt, qui sont très dangereuses pour les communes ; augmenter les contingents accordés aux maires pour loger leurs administrés ; construire des logements d’urgence pour les familles défavorisées et les familles monoparentales ; appliquer le Pass-foncier jusqu’à 600 mètres d’une zone ANRU ; enfin, bien définir les caractéristiques des quartiers anciens dégradés.
Vous pouvez compter sur moi pour soutenir votre projet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame la ministre, je vous le dis franchement, le compte n’y est pas. Votre texte, improprement appelé « projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion », est loin d’être à la hauteur des enjeux, ou plutôt, devrais-je dire, du défi que vous aviez vous-même lancé au pays à l’époque où vous étiez rapporteur de la loi instituant le droit au logement opposable. Votre action, à l’époque, même si elle avait suscité un certain scepticisme chez les représentants associatifs qui s’occupent des mal-logés, avait été néanmoins saluée pour son courage et sa générosité.
Aujourd’hui, hélas ! les choses ont bien changé. Un grand quotidien national va jusqu’à titrer ainsi son article sur votre projet de loi : « Les fourberies de Boutin » !
M. Roland Ries. Même en faisant la part du jeu de mot facile,…
M. Dominique Braye, rapporteur. Très facile…
M. Roland Ries. …j’en conviens, et d’un certain goût pour la provocation, force est cependant de constater que, entre les ambitions affichées dans la loi DALO et la réalité de ce que propose aujourd’hui votre projet de loi, la distance est énorme, et que ce ne sont pas les « concertations » que vous avez organisées dans différentes villes de province, dont Strasbourg, qui l’auront comblée.
Certes, votre projet de loi n’est pas à rejeter en bloc. Certaines mesures contenues dans ce texte vont dans le bon sens. Je pense notamment à la création du projet urbain partenarial, à condition toutefois qu’il soit bien encadré. Je souscris aussi, par exemple, à l’idée d’une dérogation spécifique aux règlements d’urbanisme quand il s’agit de rendre un logement accessible aux personnes handicapées : je fais allusion, vous l’aurez compris, aux dispositions contenues dans l’article 13.
À côté de ces mesures plutôt encourageantes, il en est d’autres qui peuvent constituer des pistes intéressantes, mais qui gagneraient cependant à être clarifiées. Pour aller dans ce sens, permettez-moi de revenir sur les dispositions de l’article 9, qui prévoit le renforcement du caractère opérationnel des programmes locaux de l’habitat, les PLH, et de leur compatibilité avec les PLU des communes. Le préfet verra son pouvoir en matière de PLH renforcé dans la mesure où il aura la possibilité de refuser la signature d’une convention de délégation des aides à la pierre si, d’aventure, le PLH ne tenait pas suffisamment compte des recommandations de l’État en matière de programmation de logement social. De la même manière, il pourra dénoncer une convention qui n’aurait pas atteint ses objectifs. Ces dispositions peuvent constituer une avancée, à la condition toutefois qu’il y ait une véritable volonté de l’État, notamment en ce qui concerne l’obligation faite à certaines communes de se mettre en conformité avec les objectifs de la loi SRU.
L’exemple de Clermont-Ferrand – le préfet avait estimé l’année dernière que le PLH prévoyait trop de logements sociaux – montre que ces nouvelles règles peuvent aussi se retourner, d’une certaine manière, contre leur objectif apparent.
Sur un plan plus général, madame la ministre, permettez-moi de vous dire que je ne partage pas la philosophie de base de votre projet de loi.
Je reviens à ce propos sur l’article 17 du texte qui remet en cause l’article 55 de la loi SRU, même si plusieurs orateurs, de droite comme de gauche d’ailleurs, se sont déjà largement exprimés sur ce sujet. Vous nous proposez d’intégrer dans le calcul des 20 % de logements sociaux, fût-ce pour une période provisoire de cinq ans, les dispositifs d’aide à l’accession populaire à la propriété comme le Pass-foncier, le prêt social de location-accession, mais aussi le prêt à taux zéro, l’aide à l’accession octroyée par une collectivité ou encore un contrat de location-accession. Une telle disposition nous paraît tout à fait inacceptable, dans la mesure où elle ne fait que dédouaner certaines communes de leur obligation de construction de logements locatifs sociaux, alors même, comme Mme la ministre l’a rappelé à Strasbourg, que plus de 45 % des communes concernées par la loi SRU ne respectent toujours pas les objectifs qui leur ont été fixés.
Madame la ministre, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les associations de défense des locataires ou, plus généralement, celles qui œuvrent dans le domaine du logement sont, comme vous le savez, vent debout contre une telle disposition. Je tiens à saluer au passage la sagesse de la commission des affaires économiques, à laquelle j’appartiens, d’avoir proposé la suppression de cet article. Celle-ci a rappelé, à juste titre, la stricte vocation de l’article 55 de la loi SRU de développement du parc locatif social, là où l’article 17 de votre projet de loi serait susceptible, si j’en crois le rapport de M. Braye, de « détourner de manière temporaire l’attention des élus locaux de la finalité même de l’article 55 », à savoir disposer d’ici à 2020 d’un minimum de 20 % de logements locatifs sociaux.
J’espère que cette position de la commission, adoptée, je le rappelle, à la quasi-unanimité de ses membres, sera finalement reprise par le Gouvernement pour maintenir dans la loi l’obligation stricte de réaliser 20 % de logements sociaux sur le territoire communal.
Je l’ai dit, madame la ministre, le compte n’y est pas, ni sur le plan du financement, ni sur l’objectif de mixité sociale, ni sur la réglementation permettant par exemple de lutter – le sujet est important – contre l’étalement urbain. En résumé, non seulement votre projet de loi n’apporte pas les bonnes réponses aux difficultés que rencontrent beaucoup de Français pour se loger, mais il est en fait de nature à aggraver la situation du logement et plus particulièrement du logement social dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève car, à ce stade de la discussion et à cette heure tardive, je ne souhaite revenir ni sur l’architecture générale du projet de loi ni sur le détail de ses grandes orientations déjà largement exposées par les collègues qui m’ont précédée dans ce débat. Je me limiterai donc à attirer votre attention sur un point concret et précis qui concerne un nombre croissant de nos compatriotes rapatriés de l’étranger.
Mais je souhaiterais tout d’abord vous remercier, madame le ministre, de vous être attelée avec détermination à ce dossier capital de l’accès au logement, en en faisant une priorité nationale. Vous avez su prendre la mesure des obstacles qu’il nous reste à surmonter pour résoudre ce problème crucial et récurrent, pour instaurer une véritable mixité et par là même une cohésion sociale par la redynamisation de nos banlieues et de nos quartiers difficiles, en sortant ces derniers de ce processus infernal de ghettoïsation qui les menaçait.
Trop nombreux sont encore les Français qui vivent mal sur notre territoire, trop nombreux sont encore à souffrir de l’absence de logement, ou d’un logement indigne d’eux, indigne de nous. Ces situations de détresse sont inacceptables, car l’accès au logement est la clef de toute intégration ou réintégration réussie et la condition essentielle de l’épanouissement de nos concitoyens. Nous ne pouvons tolérer qu’autant d’entre eux soient encore des mal-logés, voire des sans-logis.
Bien sûr, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à regretter, malgré le contexte de crise immobilière et d’inquiétudes économiques, que le texte n’aille pas assez loin. Nous voudrions bien sûr encore plus, encore mieux, mais nous ne pouvons pas ne pas saluer les efforts réalisés en ce domaine et les 435 000 logements construits en 2007 – le meilleur chiffre en vingt-cinq ans, je tiens à le rappeler.
Mais je voudrais surtout attirer votre attention, madame le ministre, sur une catégorie de Français qui, si elle n’est pas à proprement parler exclue en droit du dispositif, l’est quasi-systématiquement dans la pratique. Il s’agit d’un nombre croissant de nos compatriotes, précédemment établis à l’étranger et qui se voient contraints de rentrer en métropole, soit à la suite d’événements géopolitiques graves – comme en Côte d’Ivoire, au Tchad ou au Liban pour ne mentionner que ceux-là –, soit, et ces cas deviennent de plus en plus fréquents, en raison de la semi-indigence de leur situation induite, par exemple, par les accidents de la vie ou par le non-paiement des retraites par certains États voyous.
Eh oui, mes chers collègues, les Français de l’étranger ne sont pas ces privilégiés, ces exilés fiscaux partis se reposer à l’ombre des cocotiers, comme voudraient nous le faire croire certains esprits plus ou moins bien intentionnés ! Lorsqu’il y a détérioration de l’économie dans leur pays de résidence, ils en sont souvent les premières victimes, et les plus gravement atteintes.
Certes, une ligne budgétaire a été ouverte dès 1977 par le gouvernement de Raymond Barre pour l’assistance aux Français nécessiteux, mais ces crédits restent largement insuffisants et n’ont pas été réévalués depuis maintenant plusieurs années alors que les demandes ne cessent de croître.
La seule solution pour ces Français de l’étranger, qu’ils soient victimes des guerres ou des crises économiques, est le retour en France, et donc la recherche d’un logement à loyer modéré, après un passage par le CEFR, le Comité d’entraide aux Français rapatriés. Cet organisme accomplit un travail remarquable d’accueil et de soutien à ces réfugiés, mais la pauvreté de ses ressources ne peut guère permettre de miracles. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi visant à ce qu’un fonds de solidarité soit institué en faveur des victimes d’événements politiques les contraignant au retour en France. Mais il s’agit là d’un autre débat …
Il est inacceptable, madame le ministre, que ces Français, à leur retour en France, soient une deuxième fois des victimes – souvent silencieuses –, mais cette fois-ci des victimes du droit français, des effets pervers des lois de décentralisation. N’ayant pas de rattachement territorial spécifique, ils sont exclus du bénéfice des mesures prises dans le cadre des collectivités locales et donc des mécanismes régionaux ou locaux d’attribution des logements.
Les Français de l’étranger sont victimes d’absurdités bureaucratiques et réglementaires. À cet égard, je ne citerai qu’un seul exemple de cette absurdité, qui a sévi pendant onze ans avant que vous n’y mettiez un terme, madame le ministre, après que plusieurs de mes collègues et moi-même vous ont alertée à ce sujet. En effet, un décret de 1987 disposait que tout candidat à un logement d’HLM devait fournir ses avis d’imposition pour les deux années précédant sa demande. Il s’agissait d’une mesure tout à fait légitime en tant que justificatif de ressources, me direz-vous ; mais comment fait-on quand on fuit en catastrophe les événements meurtriers de pays lointains ? Dans de telles conditions, comment peut-on penser à se munir de ces documents ?
À cause de ce décret, nos compatriotes ne pouvaient non seulement pas obtenir un logement social, mais ils n’étaient même pas autorisés à y postuler, puisqu’ils ne possédaient pas les documents requis. Les autorités locales leur opposaient le fait qu’elles avaient pour mission « de faire appliquer rigoureusement les textes » !
Afin que des situations aussi ubuesques ne se reproduisent pas, j’aurais aimé déposer un amendement sur votre texte ; néanmoins, je n’ai pas voulu alourdir ce dernier ni courir le risque d’un rejet sur un sujet aussi sensible. Je vous demande donc, madame le ministre, non pas de faire une entorse aux systèmes régis par le droit commun, mais de prendre véritablement en compte la situation de ces Français de l’étranger. Ce serait pour eux le moyen de ne pas être à nouveau des victimes de nos propres lois de décentralisation.
Je souhaiterais que vous signiez un arrêté qui donnerait tout simplement comme consigne que les Français de l’étranger de retour au pays et en situation de dénuement ou de grande fragilité soient traités comme prioritaires pour l’attribution d’un logement. Rappelons-le, il s’agit souvent de personnes âgées, de personnes handicapées, de victimes de guerre ou encore de femmes abandonnées sans ressources, souvent sans aucune famille ou relations en France. Pour eux, encore plus sans doute que pour nos autres compatriotes dans le besoin, l’obtention d’un logement est le préalable indispensable à une réinsertion professionnelle ou sociale.
Un tel arrêté contribuerait à rétablir une forme d’équilibre en faveur de ces Français trop souvent méconnus, trop souvent oubliés, mais qui, tout autant sinon plus que nos autres concitoyens, méritent de prendre leur place dans les dispositifs de solidarité nationale. Ce ne serait là que justice. Je vous remercie, madame la ministre, de ce que vous pourrez faire en ce sens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le logement, une grande cause nationale ? Le logement, un droit dont l’État est le garant ? Et pourtant …
Le logement constitue le premier poste du budget de la plupart des familles, qui se sont endettées lourdement, qui peinent à assumer des loyers et des charges devenus insupportables, et qui craignent de plus en plus souvent de ne pouvoir y faire face.
N’y a-t-il jamais eu, depuis cinquante ans, autant de personnes mal logées dans notre pays ? N’y a-t-il jamais eu autant de personnes pas logées du tout ?
La situation est grave, et vous nous proposez une loi. Encore une loi ! Cinq textes votés en cinq ans n’ont pas changé la donne, et c’est d’un sixième que viendrait le salut ?
Vous avez trop d’expérience, madame la ministre, pour ne pas le savoir. Ce qui fait une bonne loi, ce n’est ni l’emphase des discours prononcés à cette tribune ni l’épaisseur du dossier de presse diffusé par les services de communication du ministère. C’est la ténacité avec laquelle sont préparés et promulgués en temps et en heure les décrets qui permettent son application effective ! C’est la combativité avec laquelle seront défendus les budgets sans lesquels la loi resterait lettre morte ! En un mot, c’est la cohérence et la continuité des efforts de l’État lui-même, surtout quand il demande à d’autres d’en faire aussi !
À quoi bon mettre en place de nouveaux outils quand l’efficacité des dispositifs concoctés dans les lois précédentes n’est pas évaluée ? À quoi bon débattre pendant des semaines d’un nouveau texte quand les lois précédentes ne sont ni appliquées ni financées et quand manque l’impulsion politique, qui seule permettrait de motiver tous les départements ministériels ?
Je ne vous citerai qu’un seul exemple, madame la ministre. L’objectif est connu de tous, largement débattu, unanimement partagé : produire 500 000 logements nouveaux par an, dont 120 000 logements sociaux, soit le quart !
En Île-de-France, c’est 60 000 logements qu’il faudra construire chaque année au cours des vingt-cinq prochaines années, …
Mme Dominique Voynet. …comme l’établit le schéma directeur de la région d’Île-de-France adopté voilà quelques jours, soit 8 800 logements neufs par an en Seine-Saint-Denis, par exemple, et 800 pour la seule ville de Montreuil. Comment y parvenir ?
Dans les quartiers desservis par le métro, le foncier est rare et cher, trop cher pour permettre de construire massivement des logements accessibles. Et là où il y a du foncier disponible, il n’y a pas de moyens de transports !
Madame la ministre, ce qu’on attend de l’État dans ce département, c’est aussi qu’il intervienne de façon cohérente en faisant travailler ensemble la ministre du logement et le ministre des transports. Est-ce vraiment trop demander ?
M. Christian Cambon. Et le président de la région !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Et le président du conseil général !
Mme Dominique Voynet. Qu’y a-t-il dans votre projet de loi pour changer la donne ? Comptez-vous sur une mainmise de l’État sur une partie des fonds du 1 % logement appelés à financer l’ANAH et l’ANRU, sur une tentative un brin sournoise de revenir sur l’obligation faite aux communes de construire 20 % de logements sociaux, sur un durcissement des conditions d’accès au logement social au risque de briser le peu de mixité sociale qui y existe ou sur le raccourcissement des délais d’expulsion ?
Qu’avez-vous d’autre en main qu’un budget en baisse de 6,9 % ou la décision de rachat de 30 000 logements invendus en état futur d’achèvement, comme l’on dit ?
C’est difficile, madame la ministre, même en étant très optimiste et très complaisant, d’y voir autre chose qu’une mesure conjoncturelle de soutien aux promoteurs déstabilisés par la crise du crédit.
Mme Dominique Voynet. Vous avez aussi la réforme des critères d’attribution de la DSU. Le pourcentage des logements sociaux ne serait plus pris en compte dans son calcul conduisant des communes aussi pauvres que Cachan ou Clichy-sous-Bois à ne pas bénéficier d’une réforme présentée comme de nature à concentrer les moyens sur des communes qui en ont le plus besoin.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour Clichy-sous-Bois, c’est absolument faux !
Mme Dominique Voynet. Mais si !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Le critère des logements sociaux est remplacé par le critère des locataires d’HLM !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mme Voynet est une élue récente, trop récente, pour tout connaître !
Mme Dominique Voynet. Si la réforme ne peut rien pour Clichy-sous-Bois, alors, madame la ministre, elle ne sert à rien.
Il faudrait construire du neuf et réhabiliter l’ancien, avec le souci de répondre sans tarder aux besoins d’aujourd’hui, engager la décohabitation des familles entassées dans des logements exigus, accélérer la résorption de l’habitat insalubre, traquer les marchands de sommeil, loger dans des conditions décentes les résidents des foyers de travailleurs migrants.
Il faudrait aussi avoir le souci du long terme, car les investissements d’aujourd’hui préparent les économies de demain. Là encore, on est loin du compte. Si des moyens importants sont mobilisés via l’ANRU dans de coûteuses opérations de démolition-reconstruction, où sont les moyens qui permettraient d’engager autrement que de façon anecdotique les grands chantiers de réhabilitation des logements vite et mal construits dans les années d’après-guerre ?
Isoler les logements pour réduire les consommations d’énergie et donc les charges, améliorer le confort, réduire les tensions liées au bruit, peut-on faire l’impasse sur ces exigences tant sociales qu’écologiques ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je n’ai que quelques minutes, madame la ministre, pour vous demander, comme le font le rapporteur du projet de loi et la commission des affaires économiques, de cesser de cautionner les efforts de certains parlementaires qui persistent avec une obstination maladive à remettre en cause l’article 55 de la loi SRU. Ils mènent un combat d’arrière-garde, incompris des Français.
Je n’ai que quelques minutes pour vous demander de prendre en compte l’une des excellentes propositions d’Étienne Pinte : chaque nouveau programme de logements devrait comporter 30 % de logements sociaux, et un tiers au moins de ces nouveaux logements devraient être des logements très sociaux, des PLAI.
S’il me reste quinze secondes, que ce soit pour vous demander de renoncer au dispositif prévu pour faciliter les expulsions locatives. Ce dernier ne fait pas le tri entre les personnes en difficulté, qui sont les plus nombreuses, et les mauvais payeurs, dont nous ne nions pas l’existence, car nous ne sommes pas des démagogues.
Mme Dominique Voynet. Que ce soit également pour vous demander de réexaminer les mesures proposées pour restreindre l’accès au logement social aux publics les plus précaires. Le principe est séduisant, mais les effets pervers peuvent être dévastateurs.
En matière de logement, comme dans d’autres domaines, vous le savez bien, le diable est dans les détails. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque la philosophie de ce texte est de mettre en évidence les blocages et de trouver des solutions permettant de répondre à la crise du logement, il me semble incontournable d’y inclure la problématique « périphérique » de l’habitat des gens du voyage.
Certains diront que je reviens à la charge avec ce sujet, à une heure de grande écoute qui plus est (Sourires), mais, à mon sens, il n’est pas concevable de parler de logement et de lutte contre l’exclusion en occultant cette question.
Comme vous le savez, M. le Premier ministre a bien voulu me confier une mission d’étude sur le stationnement des gens du voyage, mission dont le rapport a été rendu dans le courant du mois de juin. À cette occasion, j’ai pu clairement constater l’atténuation des crispations liées à cette question, même s’il convient de travailler encore à une meilleure perception de cette composante de la population de notre pays ainsi qu’à une plus grande implication de chacun des acteurs concernés.
Les pouvoirs publics ont été et demeurent attentifs, je le crois, à ce que les gens du voyage puissent continuer à vivre le voyage comme partie intégrante de leur culture.
Seul l’État peut être le garant d’une vision globale et dépassionnée. Son implication dans ce dossier doit être maintenue, voire renforcée.
Par ailleurs, l’arrivée de nouvelles équipes municipales, intercommunales et départementales nécessite de renouveler l’attention portée à ces dossiers. En effet, les élections peuvent également entraîner la remise en cause de projets initiés par les équipes précédentes. Sur ce sujet difficile, mal compris par nos concitoyens – électeurs et contribuables –, certains n’y voyant que des motifs de dépenses supplémentaires, l’inaction du début de mandat n’est que rarement rattrapée par la suite.
Il faut aussi souligner le rôle des services de l’État, qui entretiennent un dialogue souvent fructueux avec les collectivités locales ; 2007 a d’ailleurs constitué une année où le taux de réalisation des places financées a connu une substantielle progression, grâce à vous, madame la ministre.
M. Pierre Hérisson. Je pense que les préfets doivent mettre à profit cette dynamique pour rappeler les obligations des collectivités concernées.
Mes chers collègues, si je n’avais qu’un message à vous faire passer, je vous dirais simplement que la réalisation et la gestion des aires d’accueil aménagées constituent la seule réponse viable aux stationnements illicites.
Avec la loi du 5 juillet 2000, les pouvoirs publics ont recherché une politique permettant une insertion plus aisée des gens du voyage dans la communauté nationale.
Les collectivités locales – les communes, leurs établissements publics, les départements – constituent, à travers les schémas départementaux, les meilleurs acteurs de proximité de cette politique. Leur engagement, leurs choix, leur pragmatisme seront déterminants pour l’avenir.
Souvent dotées des meilleures intentions, mais relativement peu au fait de ces questions, les collectivités locales doivent être aidées dans la mise en place des actions qu’elles initient, notamment en matière de gestion. En effet, une fois l’aire aménagée, la gestion de l’aire d’accueil doit être strictement assurée, comme le démontrent certaines expériences qui sont en grande majorité une réussite. L’aire, une fois construite, requiert en effet une gestion de proximité, dans le respect du règlement intérieur pour tous et par tous, seul gage de réussite et de pérennité. J’insiste sur ce point.
En effet, il ne s’agit pas d’un équipement public lambda et, au-delà de la nécessaire implication des élus, il convient de former les personnels en contact avec les gens du voyage.
Pour les modes de gestion en régie, les modalités de droit commun de recrutement de la fonction publique territoriale ne conviennent pas à l’exercice d’un métier dont il faut reconnaître qu’il demande un profil particulier.
Quant au règlement intérieur, il doit garantir que l’aire d’accueil remplit sa vocation de satisfaction du besoin de stationnement des gens du voyage véritablement itinérants.
À défaut de rotation, l’aire devient un espace « réservé » à une certaine catégorie de gens du voyage qui se sédentarisent. Dès lors, elle n’est plus en mesure d’assurer sa mission d’accueil des itinérants.
Dans cette hypothèse, l’aire aménagée risque d’être disqualifiée comme aire d’accueil et considérée comme terrain familial, ce qui peut contraindre la collectivité concernée à aménager une nouvelle aire d’accueil, entraînant de nouvelles dépenses souvent contestées.
L’impossibilité d’accéder à des aires aménagées conduit inévitablement les gens du voyage à pratiquer des stationnements illicites, d’autant plus incompréhensibles que la collectivité a investi pour répondre à ses obligations légales.
Pourtant, je le répète, si les communes ont satisfait à leurs obligations, elles peuvent bénéficier pleinement des dispositions relatives aux stationnements illicites.
J’en ai terminé avec ce qui relève de la loi de 2000 concernant l’itinérance des gens du voyage. L’équation est simple, madame la ministre : du courage politique et du bon sens !
Un autre phénomène de plus en plus marqué, que je n’ai pu développer dans mon rapport, est l’ancrage territorial – semi-sédentarisation ou sédentarisation – d’une partie de la population des gens du voyage.
Ce constat nécessite de développer des solutions alternatives aux aires d’accueil. En effet, il ne servirait à rien de financer des aires aménagées destinées à recevoir des itinérants si elles ont pour seul objet de satisfaire les besoins d’une population sédentaire.
L’équilibre du système invite à développer des politiques d’habitat social adaptées. Cette réponse sociale s’impose d’autant plus qu’elle apparaît comme la condition essentielle de viabilité des aires aménagées.
Il convient donc d’encourager une forme d’habitat adapté aux gens du voyage qui ne voyagent plus, ou qui réduisent leurs déplacements.
Cet habitat prend des formes diversifiées : d’une part, les terrains familiaux locatifs, sans habitat en dur, qui permettent de fixer sur un territoire un groupe familial sans faire renoncer ce dernier, le cas échéant, à quelques mois de voyage ; d’autre part, l’habitat mixte, qui permet une construction en dur destinée à l’habitation tout en maintenant la présence de caravanes et les Maisons ultra-sociales, dites MUS, qui bénéficient des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, et ouvrent droit à l’aide personnalisée au logement, l’APL.
Enfin, le logement social en immeuble collectif peut répondre à la demande de familles sédentarisées depuis un certain temps, avec une mixité sociale délicate.
Ceux dont l’ancrage territorial est le plus fort ne posent, en général, pas de difficulté aux collectivités locales qui les prennent en charge scolairement et socialement, par le biais des assistants sociaux et des centres communaux d’action sociale.
Des actions doivent être envisagées dans le cadre des plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées et des programmes locaux de l’habitat. Elles ont de surcroît le mérite de mobiliser la solidarité et la complémentarité départementale en impliquant des communes non soumises à l’obligation de création d’aires d’accueil, et peuvent s’inscrire dans le cadre d’un plan local d’urbanisme.
Ces actions doivent être plus activement soutenues qu’elles ne le sont aujourd’hui.
Dès que la problématique du stationnement présentera une acuité moins forte, d’autres difficultés ressenties par les gens du voyage pourront être prises en charge avec plus d’efficacité.
En effet, à l’instar de la population sédentaire, des conditions défaillantes de logement désorganisent l’ensemble de la vie. Au contraire, la stigmatisation dont sont encore l’objet les gens du voyage donne une acuité particulière à des handicaps sociaux, même s’il appartient avant tout aux gens du voyage d’offrir une image plus positive du groupe social qu’ils représentent.
La loi du 5 juillet 2000 a eu pour seule ambition d’organiser le droit des gens du voyage de circuler librement et de stationner dans des conditions conciliant l’ordre public, au sens le plus étendu, et les attentes légitimes d’une population de disposer d’infrastructures publiques répondant à ses besoins. Je vous proposerai donc de la compléter par voie d’amendements.
Pour conclure, j’insisterai sur le contexte favorable de début de mandat, ainsi que sur l’ouverture de la période de révision des schémas départementaux 2008-2009, qui nous offrent la possibilité d’établir un diagnostic avisé et adapté.
Ne laissons pas la situation s’envenimer une nouvelle fois : ce serait, madame la ministre, une fois de trop ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. En préambule, madame la ministre, permettez-moi de déplorer que le logement ne soit toujours pas considéré par le Gouvernement dans sa dimension sociale. Ce texte comporte en effet peu d’avancées notables en la matière. Ainsi, l’un des principaux postes de dépenses des ménages est souvent traité dans ce projet de loi comme un bien de consommation ou d’investissement, et trop rarement comme un bien de première nécessité !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Ce projet de loi ambitionne de combattre la crise du logement, alors même que les dispositifs d’incitation fiscale à la construction – 9 milliards d’euros – n’ont toujours pas répondu aux besoins de l’offre et de la demande : 1,3 million de demandes de logement social sont en attente ! Nos inquiétudes persistent donc, madame la ministre, quant à la réalité des engagements que vous prendrez au nom du Gouvernement, d’autant que le projet de loi de finances pour 2009 confirme la baisse du budget attribué au logement.
L’année 2006 a été l’une des meilleures pour le marché immobilier, et jamais autant de logements n’auront été acquis cette année-là. Cependant, du fait de la flambée des prix, les accédants à la propriété se sont endettés sur une période plus longue.
Vous avez avancé, madame la ministre, un objectif de 70 % de propriétaires ! Les aides du 1 % logement servent souvent à obtenir un prêt à taux préférentiel pour financer l’acquisition d’un logement. Le 1 % logement permet aussi d’aider les personnes qui ont emprunté pour acheter leur résidence principale et qui éprouvent des difficultés à rembourser leurs prêts.
Si l’accession à la propriété est un rêve, après le krach boursier de la semaine dernière, le spectre de la récession, lui, n’est pas un mirage ! Et c’est justement la crise des subprimes qui a provoqué la débâcle financière et bancaire d’aujourd’hui… C’est l’une des raisons, mais il y en a beaucoup d’autres, qui poussent le groupe socialiste à vous demander de sanctuariser le 1 % patronal en supprimant l’article 3.
La mesure phare de votre projet de loi est la vente massive de logements du parc social. L’idée que des locataires seraient plus enclins à investir et à entretenir leur logement en devenant propriétaires n’est pas nouveau. La Grande-Bretagne s’y est essayée dans les années quatre-vingt. Le résultat est assez éloquent, et bien loin des résultats escomptés : une diminution du parc social, une offre quantitative insuffisante, mais aussi un accès au secteur locatif de plus en plus difficile pour les catégories populaires.
Le groupe socialiste n’a cessé d’alerter l’État sur son rôle, qui est avant tout de réguler les marchés immobiliers et fonciers locaux. Si ce projet de loi de « mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » avait traité de la diversification et du renouvellement de l’offre de logements, parc social comme parc privé social, en tenant enfin compte de son coût pour les locataires, nous y aurions adhéré, car la « crise » tient d’abord à un manque important de logements à « loyers abordables ».
La prévention des expulsions des locataires de bonne foi était un élément essentiel de la mise en œuvre du droit au logement dans le cadre du plan de cohésion sociale. M. Jean-Louis Borloo nous avait ainsi exposé qu’il coûterait moins cher à l’État de sécuriser le « risque locatif » plutôt que de mobiliser les tribunaux ou les policiers pour expulser les gens, puis de financer des hébergements d’urgence…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Le Gouvernement tiendrait-il un discours différent en fonction des ministres ?
Faisant fi de toutes les études démontrant que la faible mobilité des locataires est d’abord due à l’absence d’une offre accessible, l’article 20, n’évoquant que partiellement le statut d’occupation, détermine de manière autoritaire voire arbitraire la répartition des locataires, sans se soucier des préjudices subis. Le non-droit au logement est ainsi décrété !
À l’article 21, vous nous proposez, madame la ministre, sous prétexte de mobilité, de paupériser un peu plus l’occupation du parc HLM. Les HLM ont toujours accueilli les ménages en difficulté comme les ménages de catégorie moyenne, bien souvent en transit ; on appelle cela « la diversité sociale ».
Il est aussi envisagé de baisser les plafonds de ressources pour l’accès à un logement social. Cette disposition, qui semble séduisante au premier abord, n’aura d’autre conséquence que d’augmenter automatiquement le nombre des ménages qui auront à s’acquitter d’un surloyer, sans pour autant réellement favoriser plus de mobilité.
Georges Malignac a écrit ceci en 1957 : « Le nombre des logements étant inférieur au nombre des familles, il faut bien que certaines soient exclues. » « Ainsi, nous trouvons, une fois de plus, une législation d’intention sociale qui, en fait, accable les faibles. » On jurerait qu’il parle de votre texte, madame la ministre !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion intervient, à l’évidence, à un mauvais moment. Je ne reviendrai pas sur la crise, mes collègues l’ayant amplement décrite.
Dans ce contexte, vous en conviendrez, ce projet de loi est malvenu. Il est même probablement mal né, puisqu’il est arrivé avant le rapport d’Étienne Pinte, qu’évoquait à l’instant ma collègue Dominique Voynet, lequel avait été missionné par le Premier ministre afin de formuler des propositions en vue de résoudre la crise.
M. Claude Jeannerot. Je me souviens que le Premier ministre avait alors annoncé qu’il était favorable à toutes les mesures énoncées dans le pré-rapport. Nous nous attendions donc, mes chers collègues, à découvrir un texte audacieux.
Même si les objectifs annoncés sont prometteurs, nous sommes en réalité, il faut le dire, devant un texte opportuniste et fataliste qui, au bout du compte, marque un retrait de la collectivité nationale.
Ce projet de loi, s’il est adopté en l’état, aboutira, parce qu’il est adossé aux vertus autorégulatrices supposées du marché, à un « détricotage » de notre droit de la construction sociale et de nos systèmes de solidarité.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Claude Jeannerot. On parle beaucoup, ce soir – et à juste raison –, du 1 % logement. La captation envisagée n’est pas acceptable !
Pour évoquer l’un des aspects collatéraux de la problématique, madame la ministre, savez-vous que le réseau des associations départementales d’information sur le logement, ou ADIL, est financé en grande partie par le 1 % logement ? Or ce réseau, que j’ai l’honneur de présider, assure une véritable mission de service public.
M. Alain Fauconnier. Eh oui !
M. Claude Jeannerot. Les soixante-quinze agences départementales d’information sur le logement accordent chaque année près d’un million de consultations d’ordres juridique, financier et fiscal aux accédants à la propriété, mais aussi aux locataires et aux propriétaires. Elles constituent un observatoire privilégié en matière de demande de logement, de comportement des ménages et des différents acteurs.
Or, depuis des années, l’État se désengage de leur financement. L’État avait commencé à se « décharger » sur les fonds du 1 % logement, et j’apprends aujourd’hui que les sommes collectées au titre du 1 % destinées au financement des associations seraient purement et simplement supprimées par votre projet de loi ! Madame la ministre, je vous demande de me rassurer sur ce point.
Pour notre part, nous avons déposé des amendements visant à garantir la pérennité de ces utilisations du 1 % logement. De même, nous nous battrons pour la préservation des fonds destinés à l’outre-mer.
Madame la ministre, vous affichez l’ambition d’accroître la mobilité dans le parc social, en vue de réserver en priorité celui-ci à nos concitoyens les plus modestes. Mais, derrière ce projet, on voit poindre les objectifs du Président de la République, c'est-à-dire la vente du parc HLM à ses habitants. C’est certainement l’une des missions que vous assignerez à vos conventions d’utilité sociale.
M. Claude Jeannerot. Comme vous le savez, l’idée d’une telle vente n’est pas nouvelle. En effet, elle avait déjà été émise à l’occasion de l’adoption de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, dite loi « Méhaignerie », de la loi du 21 juillet 1994 relative à l’habitat, de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ou encore de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Mais, vous en conviendrez, ces différents textes ont eu un succès relatif.
Sur le principe, les socialistes ne sont pas hostiles à cette perspective. Simplement, nous souhaitons que, pour un logement vendu, deux logements soient construits. Or reconnaissez qu’un tel ratio sera difficile à atteindre, alors qu’aujourd'hui nous ne sommes même pas capables de faire du « un pour un » en la matière.
Au demeurant, les locataires souhaitant acquérir leur habitation HLM sont peu nombreux. En général, ce sont plutôt les locataires de maisons individuelles, mais celles-ci ne représentent que 13 % du parc social.
À ma connaissance, sur les 10 000 logements sociaux mis en vente en 2007, seulement 5 000 ont trouvé preneurs. Dans ces conditions, madame la ministre, les socialistes ne peuvent pas imaginer faire de la vente du parc HLM l’alpha et l’omega d’une politique publique du logement !
Vous nous proposez plusieurs pistes de réformes à propos du logement défiscalisé.
Ainsi, vous prônez le recentrage des dispositifs « Robien » et « Borloo ». Pourquoi pas ? Toutefois, nous souhaitons disposer d’informations sur le décret qui fixera le classement des communes par zone. Vouloir réduire le nombre de zones à deux est une chose, mais si ces deux nouvelles zones comprennent plus de communes que les trois zones antérieures, le recentrage risque de n’avoir aucun effet réel.
M. Thierry Repentin. C’est astucieux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Jeannerot. Certes, une récente étude de l’Agence nationale pour l’information sur le logement, l’ANIL, réalisée à votre demande, a mis en évidence l’intérêt et les effets pervers du dispositif existant. Mais les socialistes vont plus loin. En effet, nous suggérons un dispositif avec de réelles contreparties sociales, notamment un droit de retrait pour les communes saturées en « Robien » et une faculté pour les élus de définir les zones d’accueil de ce type de constructions dans le programme local de l’habitat, le PLH. Madame la ministre, je vous recommande d’examiner nos propositions avec attention ; elles sont l’œuvre d’une opposition constructive.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement le parc locatif privé. Nous savons à quel point l’équilibre est précaire. L’enjeu est bien d’inciter les propriétaires à mettre leur logement en location, si possible à des niveaux de loyers raisonnables.
Or le projet de loi est relativement muet sur le sujet. En réalité, vous ne nous adressez qu’un seul signe, à savoir la réduction des délais d’expulsion des locataires de mauvaise foi. Dix ans après la réforme du dispositif, on ne peut que constater l’augmentation des assignations pour impayés de loyers, des jugements d’expulsion, des demandes de concours de la force publique et des expulsions effectives. Mais l’application de la loi varie fortement selon les territoires et le système connait des failles, en raison notamment d’un manque de coordination de l’intervention judiciaire en amont, ainsi que de l’absence d’instrument d’évaluation et de suivi des actions menées.
C’est pourquoi, et je veux insister sur ce point, il convient d’abord d’engager une véritable réflexion sur les moyens qui sont nécessaires à une politique de prévention efficace.
M. Claude Jeannerot. La prévention est la condition préalable à toute autre mesure.
Madame la ministre, je vous invite à nous retrouver sur une conviction partagée : le logement fait partie des besoins premiers de nos concitoyens.
M. Charles Revet. Là-dessus, nous sommes d'accord !
M. Claude Jeannerot. À ce titre, le logement n’est pas, et il ne peut pas être, une marchandise comme une autre.
C’est pourquoi, si vous partagez cette conviction,…
M. Claude Jeannerot. … et je sais que vous la partagez, acceptez de faire évoluer votre projet de loi dans le sens que nous vous proposons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Michèle André. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ma qualité de membre de la commission des finances, je centrerai mon propos, à cette heure tardive, sur quelques articles du présent projet de loi, en l’occurrence les articles 2, 3, 14 et 15.
À mon sens, ce texte devrait plutôt être intitulé « projet de loi de démobilisation de l’État dans le financement des politiques publiques de logement ».
Mme Odette Terrade. Très juste !
Mme Michèle André. De surcroît, le projet de loi a été rédigé par Bercy, dans un contexte de forte contrainte budgétaire,…
M. Guy Fischer. Exact !
Mme Michèle André. … et je crains que l’on ne vous ait guère laissé une grande part dans son élaboration, madame la ministre du logement et de la ville.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Michèle André. Le dispositif est exclusivement financé par des débudgétisations. Aussi, dussiez-vous trouver le terme un peu excessif, je dois vous avouer qu’un tel « hold-up » sur le 1 % logement…
M. Guy Fischer. C’est même du racket !
Mme Michèle André. … nous inquiète.
En effet, dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, l’État vient d’arracher un accord avec le 1 % logement, en prévoyant de ponctionner, en plus des 450 millions dédiés à l’ANRU, 850 millions supplémentaires pour financer le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés et l’ANAH.
En outre, de mon point de vue, les missions de l’ANRU sont trop élargies, notamment pour le logement de transition et les foyers à vocation sociale, qui sont définis à l’article 14. Dans le même temps, le budget de cet organisme est réduit.
À l’instar de M. Philippe Dallier, le rapporteur pour avis de la commission des finances, je ne peux que dénoncer le désengagement total de l’État dans le financement de la rénovation urbaine, qui sera dorénavant exclusivement débudgétisé.
L’État préemptera donc 1,3 milliard d’euros des fonds du 1% logement, dont le budget est un peu inférieur à 4 milliards d’euros par an. Il s’agit donc, en plus du prélèvement sur les moyens des organismes HLM, qui est prévu à l’article 2 du projet de loi, d’une mainmise de l’État sur les prétendues « cagnottes » du secteur, et ce au détriment des partenaires habituels, qui se verront privés de leurs fonds de roulement.
La révision du mode de gouvernance de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, ainsi que la mise sous tutelle de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, laissent à penser que l’État ne fait plus confiance au patronat et aux syndicats pour apporter leur éclairage sur la construction des logements sociaux. C’est faire fi de l’expérience de leurs représentants, de leurs expertises et des qualités d’une gestion paritaire précieuse. En ce domaine aussi, le Gouvernement devrait penser à laisser vivre le dialogue social !
Je voudrais également évoquer la perversion des mécanismes « Robien » et « Borloo », prévue à l’article 15 du projet de loi. Au final, le texte donne naissance à deux niches fiscales qui coûteront cher à l’État et qui fausseront les mécanismes du marché, au bénéfice des seuls promoteurs et au détriment des locataires, des propriétaires et de l’État.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Michèle André. Au cours des années 2007 et 2008, la montée en puissance des deux mécanismes, qui représentent près de 1,3 milliard d’euros depuis 2004, a été très significative et en forte accélération. Un tel coût est déraisonnable au vu des effets pervers qu’il induit.
Certes, nombre de programmes immobiliers ont pu être initiés grâce, ou en raison, de ces mécanismes,…
Mme Nicole Bricq. La bulle !
Mme Michèle André. … mais ils aboutissent à un tel effet inflationniste sur les loyers qu’ils ne peuvent pas être supportés par les ménages légitimement destinataires de ces logements. Des programmes ont également été créés artificiellement là où la demande ne se faisait pas nécessairement sentir.
À cet égard, dans l’agglomération de Clermont-Ferrand, que je connais bien, nous avons actuellement entre 300 et 400 logements vides. C’est un problème à la fois pour les propriétaires et pour les personnes en recherche d’un logement qui ne peuvent pas y accéder.
D’ailleurs, les auteurs du projet de loi le reconnaissent, puisqu’il est prévu de restreindre les dispositifs « Robien » et « Borloo » aux seules zones de tensions du logement, suivant en cela les recommandations d’un rapport de l’Assemblée nationale.
Pour ma part, je crains que le prochain effet à en attendre ne soit de voir les grands promoteurs, comme Bouygues ou Nexity, faire pression sur les collectivités pour prendre en charge des programmes aujourd’hui stoppés ou réduits, faute d’acheteur. À ce titre, l’annonce de Nexity sur les 180 000 emplois menacés dans le bâtiment devrait nous inquiéter.
Alertée localement par l’association régionale d’Auvergne de l’Union sociale pour l’habitat, je souhaite également formuler une observation. En matière de construction de logements sociaux, il est nécessaire de ne pas amalgamer la situation francilienne avec celle des autres régions françaises.
M. Charles Revet. C’est exact ! La situation n’est pas la même partout !
Mme Michèle André. Cette association, tout comme beaucoup d’autres sur le territoire, a constaté que le projet de loi avait principalement été élaboré sur la base des besoins, certes importants, de la région parisienne.
Dès lors, les dispositions prévues par le texte sont trop éloignées des réalités de nombreux territoires. Par exemple, les contraintes qui s’imposeront demain aux organismes HLM, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement, ne semblent pas avoir été prises en compte.
Je terminerai mon intervention par deux interrogations.
Ma première question concerne les finances des ménages, qui comptent dans leur « reste à vivre » une part largement préemptée par le coût de leur logement. Les loyers n’ont jamais été aussi élevés et ils représentent de nouveau une part croissante du budget des ménages, part qui peut atteindre jusqu’à 50 % pour nos concitoyens les plus modestes. Comment l’État peut-il soutenir durablement, par le biais de la fiscalité, des loyers qui peuvent aisément dépasser un SMIC, et ce dans n’importe quelle ville moyenne ? À mes yeux, cette interrogation ne trouve malheureusement pas de réponse dans le projet de loi.
Ma seconde question porte sur les crédits affectés au logement et à la ville au sein de la mission « Ville et logement », dont le montant diminuera fortement au cours des trois prochaines années. Avec un total d’environ 7,6 milliards d’euros, ces crédits enregistrent une baisse de 7 %, soit une perte de 10 %, ou de 800 millions d’euros, sur trois ans. C’est le signe d’un renoncement de la part de l’État et du Gouvernement à mener une politique ambitieuse en matière de logement.
Dans ces conditions, madame la ministre, quelle politique du logement et quels moyens financiers comptez-vous proposer à nos concitoyens qui souffrent le plus de la crise et qui ne trouveront, je le crains, aucune réponse satisfaisante dans votre projet de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de la qualité de vos interventions et de la précision de vos questions. C’est pourquoi, malgré l’heure avancée, je répondrai à chacun d’entre vous. En effet, il est normal que j’apporte des débuts de réponses à vos interrogations dès la discussion générale, même si nous aurons l’occasion d’affiner certaines problématiques lors de la discussion des articles.
Pour ma part, et je le dis sans provocation particulière, j’ai apprécié que l’ensemble des orateurs, y compris parmi les plus hostiles au projet de loi, aient reconnu l’existence de mesures intéressantes. À une exception près, aucun intervenant n’a pris position pour un rejet total du texte. Je tenais à le souligner.
Je souhaite donc que nous puissions continuer à travailler ensemble, et sans esprit polémique, tout au long de l’examen du projet de loi.
Dans cette perspective, je voudrais me livrer à une mise au point chiffrée sur l’effort de l'État en matière de construction. En France, au cours des vingt-cinq dernières années, le volume des constructions, s’agissant tant de l’ensemble des constructions en général que des constructions de logements sociaux en particulier, n’a jamais été aussi important que depuis 2002. C’est un fait incontestable, et je ne voudrais pas que l’on revienne sur ce point au risque d’être complètement en dehors de la réalité.
Tous, dans cette enceinte, hommes et femmes, quelles que soient nos sensibilités politiques, nous sommes préoccupés par la crise du logement. Cette dernière résulte de l’abandon des constructions pendant de nombreuses années et, je le dis sans esprit polémique, essentiellement au cours de la période qui a précédé 2002. Les graphiques sont explicites.
M. Charles Revet. En effet !
MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, et Dominique Braye, rapporteur. C’est incontestable !
Mme Christine Boutin, ministre. L’article 17 soulève de nombreuses questions, je l’ai bien compris. J’y répondrai en vous apportant des précisions lors de la discussion des articles, qui nous donnera l’occasion de nous expliquer calmement sur la problématique.
Monsieur Collin, nous avons enregistré 435 000 mises en chantier de logements neufs en 2007, dont 108 000 logements sociaux, ce qui est un niveau inégalé depuis vingt ans. Certes, l’objectif visé était de 500 000 logements, mais vous savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes des élus locaux, que les objectifs, tels les étoiles, nous tirent vers le haut, mais sont difficiles à atteindre. En l’occurrence, nous avons tout de même réalisé un record !
Vous m’avez interrogée, monsieur Collin, sur les moyens devant accompagner la mise en œuvre du projet de loi. Je peux vous dire que le projet de budget pour 2009, comprenant la contribution du 1 % logement, est en hausse de plus de 200 millions d'euros par rapport aux capacités de financement dont je disposais en 2008. Certes, nous pourrons discuter au sujet de l’appel à ces recettes extrabudgétaires, mais vous savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs – je m’adresse de nouveau aux élus locaux – qu’il vaut mieux avoir des euros que des lignes budgétaires et que, si l’on a plus d’euros que de lignes budgétaires, les chances de réaliser les opérations envisagées sont plus grandes. Et tel sera le cas en 2009.
M. Daniel Raoul. Ces euros étaient déjà affectés au logement !
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Collin, concernant l’application de l’article 55 de la loi SRU, je vous rappellerai que les objectifs de construction de logements sociaux sur la dernière période triennale s’élevaient à 60 000. Or, bien que 300 communes n’aient pas atteint leurs objectifs, le nombre de logements construits s’est élevé à 90 000, et ce grâce aux efforts de 430 communes qui ont dépassé leur quota de construction de logements sociaux.
Cela montre qu’une commune qui s’engage dans cette voie construit davantage de logements sociaux. Je tiens à le dire à la tribune du Sénat, surtout pour alerter les Français qui forment des recours contre les projets de construction de logements sociaux. En réalité, nos concitoyens ont une image négative du logement social, qu’ils rapprochent des barres construites voilà soixante ans et que nous nous employons à détruire dans le cadre de la politique de l’ANRU. Il faut que les associations et tous ceux qui forment des recours comprennent que les logements sociaux construits à l’heure actuelle n’ont rien à voir avec ces ensembles honnis.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Christine Boutin, ministre. La mobilité a été évoquée par plusieurs intervenants. Il s’agit de donner accès au logement social aux ménages modestes qui attendent. Nous devrions tous être d’accord sur la nécessité de développer cette orientation.
Monsieur Repentin, vous avez eu l’amabilité de dire que nous partagions les mêmes objectifs sur la construction. Cela me semble déjà très positif. (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est vrai cela ?
Mme Christine Boutin, ministre. Vous avez posé de nombreuses questions sur la contribution budgétaire du 1 %. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que nous sommes soumis à des contraintes budgétaires qui nécessitent de notre part des orientations en fonction de priorités.
Par exemple, les aides du 1 % logement pour travaux sans condition de plafond de ressources sont devenues inutiles, dans la mesure où une aide fiscale importante doit être mise en œuvre à la suite du Grenelle de l’environnement.
Orienter les recettes du dispositif du 1 % vers ceux qui en ont le plus besoin me semble répondre à une priorité absolue aujourd'hui. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends que l’on puisse me faire des procès d’intention, mais je vous demande de reconnaître ma sensibilité sociale, car, je vous le dis très clairement, ma préoccupation est aussi sociale que celles qui ont été exprimées dans cet hémicycle !
M. Guy Fischer. Oh alors…
M. Daniel Raoul. Vous nous rassurez ! (Sourires.)
Mme Christine Boutin, ministre. J’en viens à la mobilisation des organismes d’HLM. Monsieur Repentin, est-il acceptable de laisser dormir de la trésorerie parfois inutilisée ? Je ne dis pas que tous les organismes d’HLM détiennent une trésorerie abondante, surabondante…
M. Guy Fischer. De moins en moins !
Mme Christine Boutin, ministre. … ou inexploitée. Mais, vous le savez, certains se consacrent davantage à leur trésorerie qu’aux activités de construction, ce qui est tout à fait anormal et non conforme à la mission de service public des organismes.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Christine Boutin, ministre. J’ai déjà abordé la question de la mobilité dans le parc social. Dans le cadre du programme national de requalification des quartiers anciens, 30 000 logements sociaux de droit seront créés.
L’idée nouvelle que vous proposez, monsieur le sénateur, relative au droit de préemption urbain, me paraît intéressante. C’est peut-être le signe que les esprits sont mûrs et davantage prêts à l’accepter qu’il y a quelques années.
Monsieur Dubois, 108 000 logements sociaux ont été financés en 2008, ce qui est le meilleur niveau de production depuis vingt ans.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, notre approche de la problématique du logement doit être globale : nous devons intervenir sur tous les rouages, car l’ensemble des éléments sont étroitement imbriqués.
Je l’ai dit précédemment, je reviendrai, lors de la discussion des articles, sur les remarques qui ont été formulées à propos de l’article 17.
En ce qui concerne le 1 %, je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur, ce dispositif continuera à financer les actions en faveur des salariés. Mais ma volonté est d’orienter ces fonds vers les salariés les plus modestes. Il ne s’agit pas de détourner les objectifs du 1 %, mais de flécher les financements de ce dispositif vers les salariés les plus modestes.
Je veux également vous rassurer quant à la mobilité. Cette dernière ne remet nullement en cause l’objectif de mixité sociale puisqu’elle ne concernera qu’une frange très limitée des occupants de logements sociaux, soit 20 000 ménages, sur un total de 4 millions de locataires dans le parc social.
Madame Terrade, je vous remercie d’avoir fait allusion au rapport Pinte sur le mal-logement. C’est moi-même qui ai suggéré de confier cette mission à M. Pinte, qui a remis son rapport à la fin de l’été.
M. Guy Fischer. C’est un bon choix !
Mme Christine Boutin, ministre. M. Pinte est député des Yvelines et je le connais depuis très longtemps ; nous avons fait le même chemin.
Permettez-moi de vous rappeler, madame Terrade, que les moyens globaux consacrés à l’hébergement sont supérieurs à 1 milliard d'euros en 2008 et qu’ils ont augmenté de 10 % chaque année depuis sept ans.
M. Guy Fischer. Ils sont nettement insuffisants !
Mme Christine Boutin, ministre. Quand le Gouvernement affecte plus de 1 milliard d'euros à l’hébergement, on ne peut pas prétendre qu’il ne fait pas le nécessaire. Certes, il faudra toujours y consacrer davantage de moyens. Mais je tenais à souligner la somme importante qui est dégagée en faveur de l’hébergement et que tout le monde oublie de mentionner.
Le Gouvernement a donc lancé le chantier prioritaire de lutte contre le mal-logement et, à la suite du rapport Pinte, il a ajouté 50 millions d’euros au milliard d’euros que j’évoquais, pour répondre spécifiquement aux problématiques de cette année. Mais de cela aussi on parle assez peu !
La loi DALO est mise en œuvre. On m’avait dit que ce serait impossible, que les commissions de médiation ne pourraient jamais être mises en place dans les délais. Or, elles sont formées, elles travaillent et elles traitent les dossiers. Près de 42 000 demandes étaient déposées sur l’ensemble du territoire national au 31 août dernier.
M. Guy Fischer. On verra ce qui va aboutir !
Mme Christine Boutin, ministre. Si l’on considère que ce chiffre n’est pas encore définitif, même en le doublant ou en le triplant, nous sommes très loin des 600 000 demandes annoncées.
Les deux tiers des demandes ont été déposées en Île-de-France, ce qui nécessite effectivement un traitement particulier de cette région pour laquelle j’appelle une solidarité interdépartementale.
On ne peut reprocher à l'État de se désengager du financement du logement, madame Terrade. Les moyens affectés à la construction sociale sont en hausse de 200 millions d'euros dans le projet de budget pour 2009.
M. Guy Fischer. Eh bien dites donc !
Mme Christine Boutin, ministre. Les organismes d’HLM sont mobilisés grâce à des conventions d’utilité sociale. Le rôle des préfets dans l’élaboration des programmes locaux de l’habitat est renforcé. Vous avez été plusieurs à le souligner.
La mobilité dans le parc social est nécessaire pour libérer des logements destinés aux demandes en attente.
Monsieur Jarlier, je vous rassure, les acquisitions dans le cadre du dispositif de vente en l’état futur d’achèvement se feront dans le cadre d’un cahier des charges visant à garantir la qualité des opérations.
Mes services se sont penchés sans attendre sur les modalités de mise en place des mesures, annoncées la semaine dernière par le Président de la République, relatives aux 30 000 logements réalisés en VEFA. En effet, nous ne devons pas perdre de temps, tout le monde s’est mis autour de la table.
M. Guy Fischer. Les promoteurs surtout !
Mme Christine Boutin, ministre. Aujourd'hui, les procédures sont en route.
S’agissant des quartiers anciens dégradés, les réponses apportées en termes de requalification seront naturellement adaptées aux problématiques locales. En effet, les projets seront élaborés avec l’aide de l’ANAH et de l’ANRU, au cas par cas, en fonction des enjeux des différents territoires.
Vous m’avez interrogée, monsieur le sénateur, sur le maintien des investissements locatifs en zone de revitalisation rurale, ou ZRR. Il ne me paraît pas nécessaire de développer des investissements dans les zones exemptes de tensions, puisque c’est une contrainte que nous devons prendre en compte, mais je suis sensible à votre observation.
Monsieur Lagauche, c’est le législateur qui définira a priori les grands emplois du 1 %. Ce n’était plus le cas depuis longtemps : on commençait par les conventions, puis le législateur entérinait.
D’après l’accord que nous avons signé dans la nuit de jeudi à vendredi, sur ma demande, les subventions aux HLM augmenteront de 225 millions à 300 millions d'euros, c'est-à-dire de 33 %. N’est-ce pas là un moyen de développer le parc d’HLM, notamment dans les zones tendues comme l’Île-de-France ? La question posée induit immédiatement la réponse.
Monsieur Vanlerenberghe, vous m’avez dit que vous partagiez les objectifs et les orientations du projet de loi, avec toutefois des réserves sur l’article 17.
Je tiens à vous rassurer : il n’y a pas d’effondrement des budgets de l’ANAH et de l’ANRU, puisque ces agences sont financées par le 1 % logement. Globalement, la capacité d’intervention de l’État et de ces deux agences augmentera de 200 millions d'euros en 2009.
Le nombre des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, que seuls quelques-uns d’entre vous ont évoqués et qui concernent les logements les plus sociaux, a considérablement augmenté, passant de 8 000 en 2006 à 14 000 en 2007.
M. Guy Fischer. Ah !
Mme Christine Boutin, ministre. Je peux en financer 20 000, c'est-à-dire 6 000 d’ici à la fin de l’année. J’attends des propositions.
M. Guy Fischer. Ces logements sont toujours construits aux mêmes endroits, madame la ministre !
Mme Christine Boutin, ministre. Non, monsieur le sénateur ! Là n’est pas du tout la question ! Je vous dis qu’en ce qui concerne les PLAI – mais cela vaut aussi pour d’autres lignes budgétaires – il nous reste des possibilités de financement.
Je ne jette d’ailleurs la pierre à personne ! La mise en place d’un PLAI est une chose difficile, car il ne suffit pas d’avoir l’habitat, il faut ensuite mettre en place un accompagnement personnalisé, ce qui rend le dispositif complexe.
Il n’est donc pas étonnant que tous les crédits n’aient pas été consommés. Quoi qu’il en soit, les PLAI étaient au nombre de 8 000 en 2006 et de 14 000 en 2007. Excusez du peu ! Ce ne sont pas les crédits qui manquent, mais la demande des organismes.
Du reste, je souhaiterais vivement que, lorsque des programmes de logements sociaux sont lancés – que je soutiens naturellement –, on n’oublie pas, comme c’est trop souvent le cas, de mentionner les subventions que l’État apporte pour leur réalisation !
Madame Hoarau, je connais bien l’article 23 de la loi DALO, puisque j’étais le rapporteur de ce texte lors de son examen. Je n’ignore pas non plus les besoins de l’outre-mer et je peux vous rassurer : l’opération d’acquisition de 30 000 logements concerne aussi les départements d’outre-mer.
Une circulaire va être adressée aux préfets d’outre-mer, comme à ceux de métropole. Même si les crédits destinés à l’outre-mer ne relèvent pas de mon ministère, je suis certaine que plusieurs dispositions du présent projet de loi fourniront à l’outre-mer des outils supplémentaires.
Monsieur Cambon, je vous remercie pour l’analyse, l’exégèse dirai-je, très précise que vous avez faite du projet de loi soumis à votre examen. (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Vous avez opportunément rappelé que la majorité à laquelle vous appartenez a voté des lois importantes, telles que celle portant engagement national pour le logement – formidable boîte à outils, saluée sur toutes les travées – ou la loi DALO, qui nous place dans le peloton de tête des pays européens dans le domaine de la lutte contre l’exclusion par le biais du logement.
De plus, je vous rappelle qu’on n’a jamais construit autant de logements sociaux qu’en 2007 !
Cela me permet d’ailleurs une remarque incidente. Certains d’entre vous se sont étonnés du grand nombre de lois relatives au logement qui ont été soumises au Parlement depuis une dizaine d’années. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a là rien de surprenant, pour la bonne raison que le traitement du problème du logement doit s’adapter à la situation globale du pays.
Nous sommes dans un État de droit. Dès lors que l’on veut faire bouger les choses, il faut passer par la loi. De là, pour s’adapter, compléter et enrichir les textes fondamentaux sur tel ou tel sujet, une succession de lois, dont celle-ci. Et je ne peux pas imaginer, compte tenu de l’importance du logement pour nos concitoyens, que ces discussions répétées puissent paraître pénibles ou superfétatoires à des parlementaires de terrain tels que vous !
Vous avez eu raison, monsieur Cambon, d’aborder la question des terrains publics. L’objectif du Président de la République est d’accélérer les cessions destinées au logement. Cela, pour le coup, relève non de la loi, mais de la pratique administrative sur le terrain.
Le Gouvernement veillera à ce que les cessions avancent plus rapidement ; elles s’accompagneront d’une aide aux logements sociaux, notamment pour les HLM et les Pass-Foncier. L’engagement financier de l’État sur ce point est sans précédent, et j’ai encore reçu très récemment des garanties de la part de M. Éric Woerth pour faire en sorte que les terrains appartenant à l’État soient libérés beaucoup plus rapidement que ce n’était le cas auparavant. Je le répète, il s’agit là d’une priorité énoncée par le Président de la République.
Madame Herviaux, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut développer une offre diversifiée. Pour ce faire, il convient d’agir sur l’ensemble de la chaîne de solidarité, depuis le sans-abri jusqu’au bien logé, en commençant bien sûr par les plus vulnérables.
Il s’agit là sans doute d’une vision un peu nouvelle de la politique du logement. Je dois dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’ai été très surprise, à mon arrivée au ministère, de voir que, dans les représentations habituelles, on parlait certes du logement, mais pas de ceux qui n’en avaient pas !
Pour ma part, je veux que la question du logement soit abordée véritablement en ayant à l’esprit la chaîne de solidarité que j’évoquais à l’instant, c’est-à-dire en partant de celui qui n’a pas de logement – car le ministre du logement est d’abord le ministre de celui qui n’en a pas – jusqu’à celui qui est fort bien logé.
Vous avez raison : le logement social ne peut suffire. C’est pourquoi j’ai décidé d’encourager l’intermédiation locative, qui permet une transition vers le logement ordinaire. Les maisons-relais jouent le même rôle.
S’agissant des logements sociaux, des instructions ont été données aux préfets de région pour assurer un minimum de 20 % de logements très sociaux.
Monsieur Dassault, la garantie des emprunts des organismes d’HLM ne fait pas courir de risques réels aux communes. En effet, lorsqu’un organisme d’HLM est en difficulté, un établissement public, la Caisse de garantie du logement locatif, ou CGLLS, intervient pour élaborer des plans de redressement avec des moyens financiers souvent très importants.
En ce qui concerne les logements d’urgence, nous faisons beaucoup, de même que pour les logements de transition. Il faut continuer avec les résidences hôtelières à vocation sociale, ou RHVS, les villages de l’espoir, ou encore les maisons-relais.
Monsieur Ries, je tiens d’abord à vous remercier de m’avoir reçue à Strasbourg ! (Sourires.)
En véritable élu républicain, vous avez accepté l’opération de « décentralisation » ponctuelle de mon ministère et la rencontre avec les habitants de votre commune.
M. Charles Revet. Vous êtes aussi allée au Havre !
Mme Christine Boutin, ministre. En effet ! Je suis allée en bien des endroits !
Je vous remercie également, monsieur Ries, d’avoir salué les avancées que constituent plusieurs dispositions du projet de loi, mais je regrette que, en dehors de l’article 17, vous n’ayez guère développé les aspects du projet de loi qui, selon vous, aggraveraient la situation. Vous m’avez laissée sur ma faim ! Mais peut-être la discussion des articles permettra-t-elle d’aller plus loin.
Madame Garriaud-Maylam, je connais bien les difficultés de ceux de nos compatriotes qui sont obligés, suite à des crises ou à des guerres, de rentrer en France et de trouver un logement.
Vous avez raison, la difficulté pour eux vient de ce qu’ils n’ont pas de revenu de référence leur permettant de justifier de leur éligibilité à un logement social. C’est pourquoi, en relation avec le ministre des affaires étrangères, j’ai prévu l’instauration d’une procédure particulière qui leur permettra d’attester la faiblesse de leurs revenus sans qu’ils soient obligés de fournir un avis d’imposition.
Madame Voynet, vous dites que les lois votées n’ont pas changé la donne. Voilà qui me surprend beaucoup ! Comment pensez-vous que nous sommes passés de 308 000 mises en chantier en 2002 à 435 000 en 2007 ?
M. Thierry Repentin. Grâce à la loi SRU !
Mme Christine Boutin, ministre. Non, monsieur Repentin, vous savez bien que c’est faux ! Le chiffre de 308 000 est un total tous types de logements confondus. (Mme Nicole Bricq proteste.) En 2002, vous étiez aux affaires, me semble-t-il. Comment sommes-nous passés à 435 000 en 2007 ? Pensez-vous vraiment que les lois successives n’y sont pour rien ? Pourquoi est-on passé de 40 000 logements sociaux financés en 2000 à 108 000 en 2007 ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme Christine Boutin, ministre. Pourquoi arrivons-nous au chiffre de 250 000 prêts à 0 % ? Comment peut-on compter pour rien le droit opposable au logement, qui est pourtant une avancée sociale majeure ? Comment peut-on mettre en question l’opération de 30 000 acquisitions en VEFA, qui intéresse les organismes d’HLM ? Et je pourrais multiplier les questions de ce genre, dont vous faites semblant d’ignorer les réponses !
C’est bien l’action des gouvernements successifs depuis 2002 qui a produit ces résultats. (Mme la ministre brandit un graphique à l’appui de son propos.)
La différence est nette : il y a avant 2002, et il y a après ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Bravo !
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Hérisson, je vous remercie sincèrement d’avoir évoqué la situation des gens du voyage, souvent oubliés, et dont on connaît pourtant les difficultés.
Il faut poursuivre l’implantation des aires d’accueil prévues par les schémas départementaux. Ma volonté est d’agir en ce sens. Vous savez que je mène une action sur le sujet dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. J’ai eu l’occasion de développer ces problématiques à Bruxelles ; nous essaierons de parvenir à une position commune sur les Roms. J’examinerai avec intérêt les amendements que vous avez déposés sur cette question.
Madame San Vicente-Baudrin, comment pouvez-vous dire que le présent projet de loi paupérise le parc HLM lorsque 60 % des ménages y ont accès ? Le vrai choix consiste à permettre aux plus pauvres de bénéficier de loyers abordables pour eux dans le parc HLM, sans pour autant remettre en cause la mixité sociale. C’est l’objectif même de ce projet de loi de lutte contre l’exclusion.
Monsieur Jeannerot, je tiens à vous rassurer : le réseau des ADIL, auquel je suis attachée, tout comme vous, continuera à être financé par le 1 % logement, parce qu’il le mérite bien ! Ce réseau fait un travail remarquable ; les dispositions le concernant figurent dans le projet de loi à l’article 3.
Sur la vente des HLM, je vous rappellerai seulement que j’ai signé une convention avec le président de l’Union HLM. Je ne pense pas que les locataires souhaitant acheter soient aussi peu nombreux que vous le dites. Mais encore faut-il qu’on leur propose cet achat !
Quant aux dispositifs « Robien » et « Borloo », le nombre de communes dans lesquelles ils pourront s’appliquer sera évidemment moins important, puisque nous opérons un recentrage.
Vous m’avez interrogée, ainsi que d’autres orateurs, sur les expulsions. Je vous le dis très clairement, mesdames, messieurs les sénateurs, une expulsion, c’est un échec. C’est du « perdant-perdant » pour tout le monde, aussi bien pour les familles expulsées que pour le propriétaire.
M. Charles Revet. Et pour la société !
Mme Christine Boutin, ministre. Il s’agit donc non pas de multiplier les expulsions, mais de développer la garantie des risques locatifs. Cette dernière figure dans le texte que nous avons signé jeudi dernier avec les partenaires sociaux. C’est la loi DALO qui a permis la création de commissions de coordination de la prévention des expulsions.
Je suis naturellement d’accord pour qu’intervienne la prévention en amont. Mais pourquoi, monsieur Jeannerot, certains présidents de conseils généraux appartenant à votre famille politique ne se sont-ils guère empressés de créer de telles commissions ?
Madame André, croyez-vous vraiment qu’il est scandaleux que le 1 % logement soit une contribution obligatoire et qu’il participe aux grands programmes que sont la rénovation urbaine et la lutte contre l’habitat indigne ? Était-il vraiment scandaleux qu’il participe en 1953 à la reconstruction de la France ?
Pour ce qui est des dispositifs fiscaux, je vois mal comment ils pourraient avoir un effet inflationniste sur les loyers, car ils permettent d’accroître l’offre globale, ce qui diminue la tension sur les loyers. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, avoir répondu aussi précisément que possible à vos questions. Si certains points restent dans l’ombre, la discussion des articles permettra d’apporter des précisions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
Je suis saisi, par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n°224.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (n° 497, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est son baptême du feu !
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « longtemps attendu par les associations, rendu nécessaire par la grave crise du logement que nous traversons depuis quinze ans, […] le droit au logement opposable est en passe de devenir une réalité pour notre pays.
« En effet, tandis que la loi Quilliot (1982) fait du droit à l’habitation un droit fondamental et que la loi Besson (1990) consacre le droit au logement, il ne manquait plus à notre corpus législatif français qu’un texte instituant le droit au logement opposable.
« Avec le texte fondateur soumis aujourd’hui au Parlement, il s’agit désormais de protéger le droit au logement par une obligation de résultats et non plus seulement de moyens. »
C’est ainsi, madame la ministre, que commençait le rapport que vous aviez signé, pour le compte de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, lors de la discussion de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Même si, à l’époque, vous insistiez sur le problème posé par les moyens devant être mobilisés pour répondre aux exigences nouvelles posées par l’opposabilité, force est de constater qu’un an et demi a suffi pour que les discours d’un hiver préélectoral s’oublient dans les frimas d’un automne de crise financière et de régulation budgétaire !
Oui, madame la ministre, vous aviez raison de rappeler alors, à plus d’un titre, que le droit au logement était consacré dans la loi française et que ce droit ne souffrait d’aucune sorte de contestation.
La priorité, en matière de logement, ce sont les êtres humains, les demandeurs de logement, notamment, mais aussi les locataires, les habitants de notre pays, dont les parcours résidentiels, selon l’expression employée, doivent être libres, répondant à leurs aspirations profondes.
L’article 1er de la loi Besson de 6 juillet 1989 dispose : « Le droit au logement est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent.
« L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales. »
Le même article de la même loi, élément du droit positif, précise : « Les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés dans leurs relations individuelles comme dans leurs relations collectives. »
Pour sa part, la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, précise, en son article 1er : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation.
« Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir et pour y disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques. »
C’est, de fait, au travers de ces différents rappels de la législation existante que se définissent les premiers griefs que l’on peut faire au texte qui nous est soumis aujourd’hui.
Tout se passe, madame la ministre, comme si, en lieu et place du droit au logement, le texte que vous nous proposez met en place un droit du logement plus restrictif, excluant de l’accès au logement social des couches de plus en plus larges de la population, les livrant pieds et poings liés aux aléas d’un marché immobilier en pleine déconfiture.
Les traces de ce droit du logement sont présentes dans de multiples dispositions de ce texte.
Depuis les conventions d’utilité sociale, fondées sur les plans stratégiques des bailleurs de logements sociaux, ignorant évidemment les intérêts des locataires et ne se préoccupant que des procédures de libération accélérée des logements ou de leur mise en vente, en passant par la profonde mise en cause du droit au maintien dans les lieux et du droit de suite contenue dans l’article 20, jusqu’à la confusion savamment entretenue entre hébergement et logement, rien dans ce texte ne correspond au cadre législatif qu’année après année nous avons pu constituer.
Aucun grief d’ordre constitutionnel n’avait, je le rappelle, été opposé au contenu des textes que je viens de rappeler. Bien au contraire, selon tous les spécialistes du droit, c’est le droit au logement qui gagnait, au fur et à mesure de l’adoption des textes, valeur constitutionnelle !
En effet, sur le fond, ces lois répondaient à quelques principes constitutionnels fondamentaux ; je pense notamment au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »
De quel développement de l’individu et de la famille s’agit-il quand on instaure une précarité renforcée des conditions de logement, que l’on remet en cause la qualité des contrats passés entre bailleurs et locataires, que l’on introduit un déséquilibre manifeste entre les droits des premiers et les devoirs des seconds ?
Reprenons, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des questions résolues par la loi Besson.
Le second alinéa de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, texte essentiel que je cite de nouveau tant il recèle de sens prévoyait : « L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales. »
Cela signifie, dans cet esprit, que la construction de logements sociaux ne peut souffrir la moindre restriction. Dès lors, l’article 17 du présent projet de loi n’a pas de raison d’être.
Cela signifie également que la question de l’accès au marché locatif ne se pose pas uniquement du point de vue de la législation relative au logement HLM.
Nous ne pouvons accepter, madame la ministre, que votre texte organise de fait une ségrégation active en matière de logement. Cette ségrégation fait du logement soumis à la législation HLM le réceptacle de toutes les misères de la société française, tandis que les ménages salariés disposant de ressources prétendument trop élevées n’auraient plus qu’à se plier à la loi d’un marché locatif privé où, année après année, les loyers consomment une part toujours plus élevée de leurs moyens financiers.
Nous refusons cette société où devient plus importante la question de l’occupation des logements selon l’origine sociale et les moyens financiers que celle de la mise en œuvre effective du droit au logement.
Le droit au logement n’a pas vocation à se diviser.
Je prendrai un exemple très simple, madame la ministre. Fraîchement élue dans cette assemblée, j’ai l’honneur d’y représenter le département des Bouches-du-Rhône et d’y porter les aspirations de sa population.
Mme Isabelle Pasquet. Dans le secteur de Marseille où je suis élue locale, entre Le Camas et Chutes-Lavie, 58 % des foyers fiscaux – ils ne sont pas tous demandeurs de logement, mais je cite ce pourcentage pour que chacun garde ces éléments en vue – disposent de ressources annuelles inférieures à 12 000 euros, c’est-à-dire inférieures au plafond d’accès au logement par l’intermédiaire du PLAI, le prêt locatif aidé d’intégration. Et je ne parle pas des foyers dépassant de peu cette limite et que la composition familiale place dans la même situation !
De même, la procédure DALO a d’ores et déjà été sollicitée par 1 533 habitants de mon département. La commission de médiation a donné un avis favorable sur 418 de ces demandes, 411 d’entre elles sont assorties d’une saisine du préfet pour désignation auprès d’un bailleur social. Cependant, seules 141 de ces propositions de logement ont pu être suivies d’effet.
Par ailleurs, la tension du marché du logement est une réalité incontournable dans ma région. Ainsi, à Aix-en-Provence, ville soumise à une intense spéculation immobilière, les loyers ont progressé en 2007 – dernière année connue – jusqu’à 11,10 euros le mètre carré, ce qui situe le loyer moyen d’un trois pièces dans le secteur privé à 666 euros mensuels, hors charges locatives.
Aix-en-Provence se distingue d’ailleurs parmi les autres grandes agglomérations de province comme celle où la hausse des loyers dans le secteur privé est la plus forte, malgré un relatif ralentissement dû à la crise grandissante du logement.
Sans surprise, nombre de bailleurs ont tiré parti de la relocation de leur logement – il s’agit surtout de studios ou de deux pièces – pour pratiquer des hausses encore plus importantes.
Les logements aixois reloués en 2007 sont plus petits que la moyenne et encore plus chers que les autres! Qui peut payer de tels loyers dans une ville où le tiers des contribuables dispose de moins de 7 500 euros par an et où des milliers d’étudiants cherchent à se loger ?
Pour conclure, au moins provisoirement, sur cette approche locale de la situation du logement (M. le président de la commission des affaires économiques manifeste son impatience), je soulignerai simplement que, malgré des efforts non négligeables, Aix-en-Provence et Marseille ne comptent toujours pas 20 % de logements sociaux.
M. Bruno Gilles. Parlez-nous un peu d’Allauch dans les Bouches-du-Rhône !
Mme Isabelle Pasquet. Elles n’en sont guère loin, moins loin en tout cas que vingt-cinq communes urbaines du département qui se sont vu signifier un constat de carence au titre des dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Mais, que les choses soient claires, c’est bien souvent la pression foncière et immobilière ainsi que le gaspillage des surfaces disponibles au profit d’opérations défiscalisées qui sont la cause des difficultés à se loger.
Tous ces éléments font que, dans ma région comme partout ailleurs en France, ce n’est pas de ce projet de loi que les habitants de notre pays ont besoin ! En fait, s’il était adopté, ce projet de loi approfondirait la crise du logement…
Mme Isabelle Pasquet. … sans résoudre, loin s’en faut, les problèmes imposés par la conjoncture à l’activité du secteur du bâtiment !
Le respect du droit au logement, que la loi a consacré, s’articule avec l’autonomie des collectivités locales dans leur capacité à agir pour sa mise en œuvre. Comment ne pas souligner, par exemple, que l’article 1er du projet de loi pose question ?
Il s’agit, en instaurant les conventions d’utilité sociale des organismes bailleurs sociaux, de mettre en place un dispositif lié aux décisions locales – ici les plans locaux pour l’habitat –, mais de nature profondément coercitive.
Pourquoi mettre en œuvre une procédure obligatoire qui engage les élus locaux, puisque les collectivités locales sont parfois délégataires des aides à la pierre, sans leur permettre de signer la convention prévue ? C’est manquer au respect des principes de libre administration des collectivités locales.
Qui plus est, les conventions d’utilité sociale auraient un caractère obligatoire et leur efficacité serait mesurée au travers d’un décret fixant les indicateurs d’atteinte des objectifs de la convention. (Marques d’impatiences sur les travées de l’UMP.)
Mme Colette Giudicelli. Ce n’est pas une motion, c’est un nouveau discours !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Ce n’est pas le projet de loi qui est irrecevable, c’est ce discours !
Mme Isabelle Pasquet. Ces objectifs, fixés de manière arbitraire au niveau national, ne tiendront par conséquent aucun compte des décisions locales.
Or l’actuelle législation, rendant facultative les conventions globales de patrimoine, précise pour autant ces indicateurs qui semblent bien venir en doublon de ce qui est déjà fixé dans le cadre de l’actuel article L.445-1 du code de la construction et de l’habitation. Cet article précise en effet :
« La convention globale comporte :
- le classement des immeubles ou ensembles immobiliers ; ce classement est établi en fonction du service rendu aux locataires, après concertation avec les locataires dans des conditions fixées dans le plan de concertation locative prévu à l’article 44 bis de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière ; (Nouvelles marques d’impatience sur les travées de l’UMP)…
M. Dominique Braye, rapporteur. Défendre une motion, c’est une nouvelle forme de bizutage ! (Sourires.)
Mme Isabelle Pasquet. … « - l’énoncé de la politique patrimoniale et d’investissement de l’organisme, comprenant notamment un plan de mise en vente à leurs locataires des logements à usage locatif détenus par l’organisme et les orientations retenues pour le réinvestissement des fonds provenant de la vente ;
« - les engagements pris par l’organisme sur la qualité du service rendu aux locataires ;
« - un cahier des charges de gestion sociale de l’organisme. »
Est-il, dans ce contexte, vraiment utile d’ajouter au contenu du code les dispositions coercitives et profondément discriminatoires qui figurent dans l’article 1er, par ailleurs mal rédigé, comme l’est le projet de loi lui-même ?
Atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, mise en cause de la gestion des organismes bailleurs sociaux, dont certains – faut-il le rappeler ? – sont l’émanation même des collectivités locales, voilà quelques motifs de mettre en question le contenu de ce projet de loi ! D’autant que cela ne permettra aucunement de répondre à la grave crise du logement que des années de législation libérale n’ont pas permis d’éviter.
En raison de ces différents griefs, je ne peux donc, mes chers collègues, que vous inviter, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à adopter, par la voie d’un scrutin public, la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité que je viens de défendre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission des affaires économiques a naturellement émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
M. Jean Bizet. Quelle surprise !
M. Dominique Braye, rapporteur. J’estime, en l’occurrence, que c’est plutôt cette motion qui est irrecevable !
En effet, les analyses auxquelles nous avons procédé depuis la mi-août, date à laquelle j’ai commencé mes auditions, ne nous ont pas conduits à considérer que certaines dispositions du projet de loi seraient contraires à la Constitution. Tel est bien l’objet d’une motion d’irrecevabilité et il aurait été souhaitable que nos collègues communistes l’apprennent aux nouveaux – et nouvelles – membres de leur groupe, afin que ceux-ci ne s’engagent pas sur des routes manifestement tortueuses et difficiles à suivre ! Il n’a pas été très gentil de leur part de laisser leur nouvelle collègue se débrouiller seule… (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Au surplus, les nombreux amendements présentés par la commission des affaires économiques et qui seront soumis à votre approbation, mes chers collègues, tendent à conforter un grand nombre des dispositions du projet de loi. J’en profite pour réaffirmer publiquement, madame le ministre, que, contrairement à ce qu’a affirmé hier un grand journal du soir que chacun connaît, …
Mme Nathalie Goulet. Et qui n’a pas toujours raison !
M. Dominique Braye, rapporteur. … à aucun moment, le Sénat n’a envisagé de « dépecer » votre texte.
M. Dominique Braye, rapporteur. Au contraire, il s’est attaché à l’améliorer et à l’enrichir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Je déclare donc solennellement que la majorité de la commission soutient la plus grande part des dispositions de ce projet de loi, qui tend à stimuler les différents segments de l’offre de logements.
Cela dit, il est normal qu’une assemblée parlementaire joue pleinement son rôle de législateur. Je sais, madame le ministre, pour avoir suivi votre activité du temps où vous siégiez à l’Assemblée nationale, que vous ne vous êtes jamais privée de le faire ! Au demeurant, notre démarche s’inscrit pleinement dans la perspective du fonctionnement qui sera le nôtre à partir du printemps prochain, avec l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle, puisque nous serons amenés à débattre, pour les projets de loi, sur le texte résultant des travaux de la commission.
De toute façon, il est normal que nous puissions avoir, ponctuellement et sur certains aspects précis plus ou moins emblématiques, des différences d’appréciation, qui sont les signes de bonne santé d’une famille qui se porte bien !
Mme Christiane Hummel. Bravo !
M. Dominique Braye, rapporteur. Le rôle d’une assemblée parlementaire consiste bien à débattre et à trouver un point d’équilibre.
Pour en revenir à la motion, je répète que la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le président, j’ai été très sensible aux arguments avancés par M. le rapporteur, au-delà de sa précision relative à la position de la commission des affaires économiques sur le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter à la Haute Assemblée. Je souscris totalement à ses propos concernant cette motion de procédure, sur laquelle j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est évidemment sans surprise que nous entendons, à la suite de la présentation de notre motion, que, selon vous, aucune des dispositions du projet de loi ne souffrirait a priori d’inconstitutionnalité.
En clair, nous aurions eu le mauvais goût de ne déposer cette motion que pour avoir la possibilité de parler un peu plus longtemps,…
M. Charles Revet. Exactement ! C’est ce que tout le monde a compris et c’est scandaleux !
Mme Annie David. … au-delà du temps réduit dont nous disposions dans la discussion générale. Une telle appréciation ne nous étonne pas, mais elle ne nous semble pas recevable, pour le coup.
Comme ma collègue Isabelle Pasquet vient de le souligner, le projet de loi dont nous débattons tourne le dos à la notion de droit au logement – que le groupe communiste, au fil des textes débattus depuis vingt-six ans, a fait entrer dans le champ des droits constitutionnels ou, pour le moins, à portée constitutionnelle – pour y substituer une notion de droit du logement où l’occupation prime sur l’occupant.
Ce projet de loi remet également en question l’égalité dans les rapports entre bailleurs et locataires. Là encore, dans le passé, nous avons longuement débattu de dispositifs équilibrant les relations entre les parties naturellement concernées par la passation d’un contrat de location.
Par de nombreux aspects, le projet de loi présente un caractère nettement déséquilibré, facilitant notamment la réalisation des expulsions, réduisant les garanties offertes par le droit au maintien dans les lieux et le droit de suite, précarisant fortement la situation de nombreux locataires, et pas uniquement des plus fortunés.
Dans ce contexte, outre qu’elles remettent en question les choix de vie et l’histoire personnelle des locataires, ces dispositions placent de manière quasi systématique les locataires les plus âgés dans l’obligation de quitter leur logement social, pour peu qu’il soit devenu trop grand.
Laisser faire, c’est bon quand il s’agit de spéculer sur la monnaie, mais quand il s’agit de laisser faire pour que les gens décident, en leur âme et conscience, de leur propre chef, de déménager, il n’y a plus de droits !
Soyons clairs, madame la ministre : quelle personne seule, retraitée ou âgée de plus de soixante ans, si elle ne peut disposer d’un nouveau logement social plus petit et correspondant à ses moyens financiers, se verra accorder un prêt immobilier destiné à acheter un nouvel appartement ou une maison ?
Mme Annie David. Ce genre de mesure rompt avec tous les principes d’égalité !
S’agissant de la question des expulsions locatives, comment peut-on accepter que l’attribution d’un hébergement d’urgence puisse être assimilée à une proposition de relogement, notamment pour un locataire de bonne foi ? C’est pourtant à ce recul du droit que le projet de loi nous invite, singulièrement parce que les expulsions locatives aujourd’hui réalisées trouvent leur source au moins autant dans la conclusion d’opérations de congé-vente que dans des contentieux de recouvrement de quittances.
Ces quelques raisons complémentaires, outre celles déjà évoquées par ma collègue dans la présentation de la motion, justifieraient donc l’adoption, par la voie d’un scrutin public, de cette motion d’exception d’irrecevabilité.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, en quelques phrases, protester courtoisement mais fermement contre le sort réservé tout à l’heure à Mme Isabelle Pasquet. Certains d’entre nous se sont entraînés à parler en public pendant des décennies, dans les comices agricoles ou dans les amphis des grandes écoles, respectons celles et ceux qui n’acquerront cette expérience que dans les premiers mois d’exercice de leur mandat !
Il est d’usage, dans cet hémicycle, de se réjouir officiellement que le Sénat ressemble davantage à la population de notre pays, que sa composition soit plus jeune, plus métissée, plus féminisée... Si nous voulons aller dans ce sens, faisons en sorte que ce genre de bizutage n’ait plus cours !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 224, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 1 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Voynet et Herviaux, MM. Repentin et Raoul, Mmes San Vicente-Baudrin et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d’une motion n°519.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (n° 497, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 , du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Dominique Voynet, auteur de la motion.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trois grandes raisons nous poussent ce soir à proposer à notre assemblée de décider, selon les termes de notre règlement, « qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération ».
Premièrement, ce projet de loi apparaît comme singulièrement décalé, compte tenu du contexte de crise majeure dans lequel nous nous trouvons. Comme le projet de loi de finances pour 2009, il a été préparé avant l’été ; comme lui, il doit être revu à la lumière des faits.
Deuxièmement, ce projet de loi, présenté comme l’expression d’une grande mobilisation pour le logement, s’en tient à une liste d’intentions, sans consacrer jamais de véritable engagement.
Troisièmement, nous constatons une inadaptation totale des dispositifs que vous nous proposez, madame la ministre, aux causes réelles de la crise du logement et de la crise immobilière dans laquelle nous entrons actuellement.
Madame la ministre, vous avez justifié tout à l’heure l’inflation législative par le nombre de logements construits entre 2002 et 2007, comme s’il n’était pas nécessaire de laisser une loi porter ses fruits avant d’en rédiger une autre, comme s’il y avait un lien direct, mécanique, arithmétique, entre le nombre d’articles d’une loi et le nombre de logements qui poussent sur le terrain,…
Mme Dominique Voynet. … comme si les dispositifs existants ou les nouveaux dispositifs que vous nous proposez ne pouvaient s’appliquer sans que soit rédigé un nouveau texte de loi !
Je note d’ailleurs, madame la ministre, que la commission des affaires économiques a entrepris de réécrire presque totalement votre texte, en adoptant pas moins de 120 amendements. J’ai bien entendu tout à l’heure M. Braye souligner très sévèrement les lacunes de ce projet de loi. M. Dallier et Mme Bout ne se sont guère montrés plus tendres.
Je voudrais d’abord, si vous le permettez, madame la ministre, revenir sur quelques-unes des occasions que vous avez manquées si vous vouliez vraiment faire de ce projet de loi le signe d’une véritable mobilisation pour le logement.
Vous disposiez, madame, d’une base solide ; les rapports remis au Premier ministre par le député des Yvelines, Etienne Pinte, membre de votre majorité, auraient pu avantageusement inspirer vos travaux. Il n’en a rien été, or ce travail relevait d’une véritable ambition.
J’ai évoqué tout à l’heure la proposition consistant à fixer, pour les nouvelles constructions, l’objectif de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, à 30 % de logements sociaux, dont un tiers de logements très sociaux en prêt locatif aidé d’intégration ou PLAI. Je rappelle que M. Pinte n’est pas député du parti communiste, du parti socialiste ou des Verts mais qu’il fait partie de l’UMP.
Votre gouvernement n’a eu de cesse, ces derniers jours, d’en appeler à l’union nationale. Si vous aviez repris à votre compte les ambitions de M. Pinte, nous aurions pu, sur ce sujet tout particulièrement, l’envisager.
Hélas, vous n’en avez rien fait, comme vous n’avez rien fait pour vous appuyer sur le travail des associations, dont je veux ici – cela n’a pas été fait suffisamment ce soir - saluer l’engagement et la connaissance précise des enjeux.
Vous avez choisi de ne pas les écouter et de naviguer seule. Cela donne des résultats étonnants comme cette énième tentative de revenir, une fois encore, sur l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Loin de satisfaire à quelque ambition que ce soit de « grande mobilisation pour le logement », l’article 17 de votre projet de loi rouvre, encore une fois, cette grande bataille idéologique à laquelle vous tenez tant. Mais ce qui est assez étonnant, c’est l’argumentation utilisée pour ce faire.
Vous nous proposez d’intégrer à l’objectif de 20 % les logements en accession à la propriété. Mais que nous dit le rapport de la commission des affaires économiques sur ce point ?
« Selon les données communiquées par le ministère du logement, 2 197 agréments PSLA auraient été délivrés en 2007 ». La commission, dans ce même rapport, précise que « 995 agréments avaient, pour leur part, été accordés en 2005 et 1 476 en 2006 […] S’agissant des Pass-Foncier - poursuit la commission – […] ce type de logements ne concernait que 3 000 opérations en 2008-2009. » Donc, en tout et pour tout, un grand maximum de 4 500 logements par an seraient concernés par les dispositions de l’article 17 de votre projet de loi.
Je ferai mienne la conclusion du rapporteur, qui se demande « s’il est bien opportun de relancer un débat de fond sur l’article 55 pour des ordres de grandeur aussi modestes ».
Est-ce là, madame la ministre, le pragmatisme dont vous vous réclamiez tout à l’heure ?
Le pragmatisme, ce serait évidemment de ne pas revenir sur les objectifs de la loi SRU, sinon pour aller plus loin.
Le pragmatisme, ce serait de ne pas détricoter tous les deux ans les dispositifs existants.
Le pragmatisme, ce serait non pas d’empiler les lois les unes sur les autres, mais de faire preuve, enfin, de constance et de cohérence dans la mobilisation et l’engagement de l’État, et de garantir aux acteurs de terrain le minimum de stabilité réglementaire sans lequel il est tout bonnement impossible de travailler correctement.
Et, s’il fallait vraiment une loi, comme vous nous l’avez dit tout à l’heure, le pragmatisme aurait consisté à consacrer la place des collectivités locales comme acteurs majeurs de la mobilisation pour le logement. Or celles-ci sont étrangement absentes de ce projet de loi.
Le pragmatisme, enfin, ce serait de voir, et de reconnaître, que la crise qui affecte l’économie mondiale a rendu obsolète votre projet de loi.
Nous vivons aujourd’hui une crise financière dramatique dont les effets sur l’économie française commencent à peine à se faire sentir, une crise dont nous pressentons qu’elle aura des conséquences importantes sur nos concitoyens, sur leur emploi, sur leurs conditions de vie, sur leur pouvoir d’achat. C’est un devoir que de les protéger au maximum des effets de cette crise.
La politique du logement peut et doit y contribuer, garante du droit vital d’un accès au logement pour tous, logement qui représente au minimum un quart du budget de nos concitoyens.
Même si, à l’évidence, la crise du logement est bien antérieure à la crise financière, ce contexte de récession ne peut que l’aggraver. Je pense évidemment à l’assèchement des liquidités des banques et aux restrictions des prêts à l’accession. Tout cela ne risque pas d’encourager l’investissement des ménages dans des logements qui coûtent déjà 140 % plus cher qu’il y a seulement cinq ans !
Comme vous le reconnaissez vous-même, les banquiers ne prêtent plus aux ménages désireux d’accéder à la propriété. Alors, au vu d’un horizon qui s’annonce plus difficile encore, pourquoi persister à vouloir faire adopter un texte qui a été préparé en dehors de toute considération pour ces facteurs économiques récents ?
La crise que nous connaissons aujourd’hui est en outre bien plus profonde qu’un simple krach financier. Elle appelle des réponses de long terme autrement plus fortes qu’un simple rafistolage du système actuel. Ces réponses de long terme doivent commencer aujourd’hui, dans la capacité des gouvernements à engager des réorientations budgétaires réelles, pariant enfin sur le long terme, centrées sur la satisfaction prioritaire des besoins sociaux élémentaires.
J’ai évoqué tout à l’heure la politique des transports ; la politique du logement doit, elle aussi, bénéficier de moyens budgétaires exceptionnels quand notre pays sait mobiliser, en quarante-huit heures, 40 milliards d’euros pour recapitaliser le secteur bancaire.
Chaque fois que vous avez annoncé une nouvelle mesure censée participer à la lutte contre la crise du logement, ou contre les effets de la crise financière, ce n’était que pour ponctionner soit nos partenaires sociaux - les contributeurs du 1 % -, soit l’épargne populaire et solidaire - le livret A, dont la vocation est le financement du logement social -, soit les organismes d’HLM, dont une partie significative sera concernée par un prélèvement total de 50 millions à l00 millions d’euros. Ce ne sont pas, comme l’a exprimé l’Union sociale pour l’habitat, forcément des sommes « dormantes ».
Une seule remarque suffit pour évaluer ce projet de loi de « mobilisation pour le logement » : l’État est totalement absent de la mise en œuvre du texte ! Pas un seul euro ne sera mis sur la table.
Vous ne cessez de déclarer, comme vous l’avez fait très récemment lors des rencontres nationales de l’ANAH, que le budget de la mission « Ville et Logement » pour 2009 n’est pas en diminution : c’est faux ! La vérité est que l’État va se désengager des missions qui lui incombent en ponctionnant largement nos partenaires. Les 800 millions d’euros du 1 % que vous vous apprêtez à affecter autoritairement à l’ANAH et à l’ANRU représentent 250 millions d’euros de plus que ce que l’État entend investir en 2009 dans les aides à la pierre.
À qui espérez-vous faire croire que ce tour de passe-passe suffira ? Réduire, d’un côté, l’investissement de l’État et le « compenser », d’un autre côté, par un hold-up organisé des partenaires de cette politique prioritaire, c’est bien tenté.
Mais expliquez-nous alors comment les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et les offices d’HLM pourront continuer d’assurer leurs missions ? Ils vont subir de plein fouet vos restrictions budgétaires tout en se voyant chargés de nouvelles missions, sans que vous ayez, à aucun moment, pensé à leur rembourser votre dette ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec une question préalable !
Mme Dominique Voynet. Comment nos concitoyens sont-ils censés s’y retrouver ?
D’un côté, nous sommes touchés par une crise financière sans précédent qui ne peut qu’aggraver la crise du logement ; de l’autre, l’État se démobilise, l’État se décharge de ses responsabilités sur des partenaires qui se sont déjà vu déléguer nombre de missions d’intérêt général.
D’un côté, le Président de la République ne cesse de nous dire qu’il faut se serrer la ceinture ; de l’autre, nous avons appris très récemment, grâce à un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale, que les bénéfices du bouclier fiscal se sont concentrés sur les ménages les plus aisés.
De votre côté, vous ne cessez de dire qu’il faut encourager à la construction de logements abordables, alors que vous proposez, une fois de plus, de supprimer ou d’affaiblir l’article 55 de la loi SRU. Vous proposez de réformer la DSU en supprimant des moyens aux maires qui veulent assumer leur responsabilité de bâtisseurs, et ce même en ZUS.
Qu’apprendra-t-on demain, lors de la discussion du collectif budgétaire, préparé à la hâte ? Que le Gouvernement rachète des logements invendus aux promoteurs ? Madame la ministre, vous annoncez, là encore, une mobilisation du Gouvernement, mais ce sont en fait la SNI et les organismes d’HLM que vous contraindrez à recourir aux VEFA pour des programmes dont il est permis de penser qu’ils sont mal conçus et inadaptés aux besoins des personnes.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Dominique Voynet. La preuve en est qu’ils ne trouvent pas facilement preneurs !
Madame la ministre, vous promettiez l’année dernière qu’il n’y aurait pas de « loi Boutin » sur le logement. Votre but, disiez-vous, était non pas d’accrocher votre nom à une réforme, mais de faire avancer les choses.
Mme Dominique Voynet. Vous aviez raison. Vous n’avez pas tenu parole, et je ne vous en blâme pas : ce qui est terrible, madame la ministre, ce n’est pas que vous ayez, finalement, décidé d’en passer par un texte de loi ; ce qui est terrible, c’est que votre projet n’a ni souffle ni véritables objectifs concrets, opérationnels, transposables sur le terrain.
Le Président de la République, nous dit-on, veut tenir ses promesses. Fort bien ! Je ne suis pas contre le fait de tenir ses promesses, mais on n’est pas obligé de s’entêter lorsqu’elles n’ont pas de sens.
S’agissant du logement, Nicolas Sarkozy avait expliqué, pendant la campagne présidentielle, qu’il était favorable à l’introduction en France des prêts immobiliers hypothécaires, aujourd’hui mieux connus sous le nom de « crédits subprime ». Il a visiblement renoncé à cette promesse, mes chers collègues, et c’est une bonne chose !
Il n’est donc pas interdit d’espérer que soit revu l’objectif, inadapté lui aussi, de conduire une politique du logement à partir de l’idée que tout le monde devrait être propriétaire. L’idée est peut-être séduisante sur le papier, mais dans la réalité - toutes les associations qui connaissent la question et y réfléchissent vous l’ont dit - c’est une illusion, et cela ne répond pas aux vrais enjeux de la crise du logement.
Si vous voulez de grandes ambitions, madame la ministre, je peux vous en proposer une, une de plus. Si vous voulez dès aujourd’hui changer le cours des choses, je vous propose d’engager, par exemple, le chantier de la rénovation énergétique de l’habitat.
Tout ou presque est à faire. Vos collègues Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet connaissent bien le sujet. Je ne doute pas qu’ils sauront vous expliquer et vous épauler. Vous y trouverez matière à déployer votre volonté de changement, que je crois grande, et votre souci de la justice et de la protection des personnes les plus modestes : celles-ci sont en effet aujourd’hui les premières victimes d’un habitat mal conçu, qui fait de nos maisons des passoires énergétiques et conduit les factures à s’alourdir de mois en mois.
Répondre à la crise du logement, préparer la mutation écologique de nos lieux d’habitation, de travail et de vie, voilà qui aurait peut-être pu justifier une loi de plus, une loi ambitieuse.
Mais, sur ces deux points, votre texte ne dit rien, désespérément rien. C’est peu dire qu’il a déçu celles et ceux qui, connaissant la valeur de votre travail parlementaire, attendaient beaucoup de votre action de ministre. Or votre texte se borne à consacrer le désengagement budgétaire de l’État et la régression des objectifs publics en matière de mixité sociale.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous appelle à ne pas poursuivre l’examen de ce projet de loi qui, en l’état, ne se justifie pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de faire un rappel au règlement : il me semble que les interventions de nos deux collègues ne s’inscrivent pas du tout dans le cadre des motions de procédure.
Pour Mme Isabelle Pasquet, nous avons mis sur le compte de son inexpérience, liée à sa récente arrivée dans cet hémicycle, le plaidoyer pro domo dans lequel elle s’est lancée et qui n’avait rien à voir avec une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. En effet, comme je l’ai déjà précisé, ce type de motion doit mettre en évidence des éléments objectifs d’inconstitutionnalité dans le texte qui nous est présenté.
Nous comprenons effectivement, madame Pasquet, compte tenu de votre élection récente, que vos collègues n’aient pas encore eu le temps de vous expliquer l’ensemble des possibilités dont dispose le Sénat. (Sourires ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
En revanche, en ce qui concerne Mme Dominique Voynet, dont tout le monde connaît le passé de députée et qui siège au Sénat depuis plusieurs années, nous ne pouvons pas croire qu’elle ignore qu’une motion tendant à opposer la question préalable a pour objet de mettre en évidence un manque de moyens techniques, un manque de temps, une absence de dispositions essentielles, etc. Ce n’est nullement la poursuite de la discussion générale, ma chère collègue. Ce faisant, vous dérivez et dévoyez complètement le règlement de notre assemblée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles il arrive souvent que nos collègues désertent cet hémicycle, lassés de devoir subir ces logorrhées permanentes sur des sujets qui n’ont rien à voir avec le texte proposé. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
Nous sommes naturellement attentifs à tous les arguments, qui sont respectables, sauf lorsqu’ils visent à déformer les propos. Ma chère collègue, c’est ce que vous avez fait lorsque vous m’avez cité en prétendant que j’avais été très dur à l’égard du texte proposé par Mme la ministre. M’étant reporté à mon texte pour savoir ce qu’il en était exactement et si je ne m’étais pas égaré, je peux vous dire que c’est totalement faux.
Je trouve particulièrement odieux que vous transformiez ainsi les discours de vos collègues pour essayer d’appuyer vos thèses, auxquelles, manifestement, vous le comprendrez, nous n’adhérons pas.
J’ai effectivement critiqué l’article 17, sur lequel j’étais en désaccord avec Mme la ministre, ce dont je l’avais préalablement informée, mais pour souligner aussitôt : « Ces réflexions ne rendent pas pour autant ce nouveau projet de loi illégitime, au contraire. D’une part, celui-ci s’attache à des réformes de nature à favoriser les conditions de l’émergence d’une offre nouvelle ; d’autre part, il offre la possibilité de corriger, d’amodier, de poursuivre certaines réformes entreprises, […] Enfin, ce texte s’inscrit dans le droit-fil de la démarche de révision générale des politiques publiques. »
Alors, de grâce, abstenez-vous de déformer les propos de vos collègues ! Vous en avez peut-être l’habitude dans d’autres endroits, mais, dans la Haute Assemblée, en tout cas, cela ne se fait pas.
Mes chers collègues, m’inscrivant dans le cadre du règlement qui nous est dicté par notre assemblée, je vais maintenant répondre à ce qui aurait dû être effectivement une motion tendant à opposer la question préalable.
Le texte du présent projet de loi est connu depuis la fin du mois de juillet. Mme Voynet a souligné elle-même qu’il avait été établi avant les autres éléments dont nous disposons aujourd'hui. Il faudrait, alors, refaire le projet de loi à peu près tous les jours compte tenu des changements qui interviennent quasiment demi-journée par demi-journée, selon les dires de Mme Voynet !
Bref, tout le monde a pu prendre connaissance de ce texte au cours de l’été et tout au long du mois de septembre, ce qui nous a permis de travailler dans des conditions, je dois le reconnaître, tout à fait acceptables.
Par ailleurs, vous avez tous pu étudier suffisamment en détail les dispositions de ce projet de loi sans même attendre les résultats des travaux de la commission. J’en veux pour preuve que de nombreux amendements étaient déjà déposés alors même que le rapport de notre commission n’était pas encore publié.
Sur le fond, j’avoue avoir peine à saisir la logique tendant à déclarer – ce qui est l’objet d’une question préalable, je m’en suis déjà expliqué – qu’il n’y a pas lieu de débattre du sujet qui nous est soumis. Bien au contraire, et tout le monde en conviendra, s’il y a un sujet dont il apparaît aujourd’hui impératif de débattre, c’est bien celui du logement, comme l’a rappelé Mme le ministre. En effet, tout ce qui n’a pas été fait entre 1997 et 2002 nous met dans la situation que nous connaissons. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C’est de la grosse ficelle !
M. Dominique Braye, rapporteur. Oui, 38 000 logements en 1999 et vous avez le courage de reprocher à Mme le ministre de n’en faire que 93 000 ! (Protestations sur les mêmes travées.) Madame Voynet, 40 000 logements ont été construits quand vous étiez au gouvernement et vous avez le courage de donner des leçons ! (Même mouvement.) Mais enfin ! Avant de donner des leçons, encore faut-il avoir soi-même balayé devant sa porte !
Mme Odette Terrade. Vous vous êtes opposés à l’article 55 de la loi SRU !
M. Guy Fischer. Oui, quelle était votre position alors ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Si nous nous trouvons dans la situation actuelle, c’est essentiellement parce que vous n’avez pas agi quand le taux de croissance atteignait pourtant un niveau inégalé depuis vingt ans ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Eh oui, le taux de croissance n’est plus le même aujourd’hui.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est mystérieux et, bien sûr, vous n’y êtes pour rien !
M. Dominique Braye, rapporteur. La période qui était propice à l’action a été gâchée ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Plusieurs sénateurs socialistes. C’est vous qui avez plombé la croissance !
M. Dominique Braye, rapporteur. Le projet de loi qui nous est soumis apporte un certain nombre de dispositions bienvenues, qui permettent de stimuler les acteurs et de créer les conditions propices au développement d’une offre supplémentaire de logements dont on a bien besoin compte tenu de ce qui s’est passé entre 1997 et 2002.
Il est vrai que le contexte budgétaire est tendu, ...
M. Guy Fischer. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Dominique Braye, rapporteur. ... ce qui n’était pas le cas alors, et que nous devons faire attention à l’équilibre de nos finances publiques. Dès lors, il s’agit, à l’évidence, d’un projet de loi qui est « attentif » à ce contexte macroéconomique et qui s’appuie sur de nombreuses mesures juridiques.
Toutes ces raisons ont donc conduit naturellement la commission des affaires économiques à émettre un avis défavorable sur ce qui n’était pas vraiment une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le président, permettez-moi de répondre très rapidement à Mme Voynet, afin de préciser quelques points.
Le premier concerne la notion de propriété.
Plusieurs orateurs ont laissé entendre – propos que vous avez repris, madame Voynet – que nous voulions une France de propriétaires. Non, madame, cela n’a jamais été la proposition du Président de la République !
Ce n’est pas non plus la volonté du ministre du logement que je suis, puisque notre objectif est 70 % de propriétaires, et non 100 % comme vous n’avez cessé de l’affirmer toute la soirée.
M. Dominique Braye, rapporteur. Elle transforme tous les propos !
Mme Christine Boutin, ministre. Le deuxième point concerne la chaîne du logement.
Madame Voynet, vous ne semblez pas avoir totalement conscience, et j’en suis très étonnée, de la gravité de la situation actuelle, à savoir le blocage de la chaîne du logement. En tous les cas, c’est l’impression qui ressort de votre discours.
Vous négligez l’importance du nombre de Pass-Foncier. Cela peut vous paraître mineur que 9 000 logements soient libérés en raison du départ des personnes qui ont des revenus deux fois supérieurs au plafond de ressources requis pour occuper une HLM. Mais, dans une situation de blocage total, madame, un logement libéré permet de loger une famille en attente ! Pour moi, c’est très important. Je prends en compte les chiffres que vous avez énoncés, même s’il en existe beaucoup d’autres. Les 4 000 Pass-Foncier, figurez-vous que, moi, je prends, car cela permet de libérer des logements pour ceux qui en ont besoin !
Mme Dominique Voynet. Cela ne justifie pas de remettre en cause la loi SRU !
Mme Christine Boutin, ministre. Nombreuses sont les mesures sur lesquelles je pourrais réagir.
Madame Voynet, vous avez également évoqué la rénovation énergétique, ce que je comprends compte tenu de votre sensibilité particulière. Étant donné votre expérience, vous devriez savoir que tout ne peut pas figurer dans la loi. Par ailleurs, je m’étonne aussi que vous n’ayez pas eu connaissance des prêts bonifiés à 1,9 % que j’ai obtenus pour la rénovation énergétique des HLM. Cette mesure a d’ailleurs été appréciée par le monde HLM, mais il n’y avait pas lieu de l’inscrire dans ce projet de loi.
Les affaires énergétiques, figurez-vous que je m’en préoccupe, madame, et je m’en préoccupe – mais vous n’en avez pas fait état – pour les familles modestes. Comment pourront-elles rénover leur logement en matière énergétique ? Je vous le demande. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je ne peux laisser passer tout ce qui vient d’être dit, tant par M. le rapporteur que par Mme la ministre.
Nous souscrivons bien évidemment aux arguments qui ont été développés par nos collègues du groupe socialiste, plus particulièrement par Dominique Voynet. Ils ont conduit à faire valoir, au travers de cette motion opposant la question préalable, leur volonté de voir ce texte rejeté purement et simplement.
Parlons clair ! La volonté de réduction des engagements budgétaires de l’État est manifeste dans le projet de loi : moins 7 %.
Résumons rapidement notre propos à ce titre.
À l’article 1er, les conventions d’utilité sociale visent à renforcer de manière significative, au travers de la vente de logements sociaux, l’autofinancement des organismes bailleurs sociaux, bien sûr les plus performants dans le parc locatif.
Mme Odette Terrade. Bien sûr !
M. Guy Fischer. Bien entendu, on pousse les locataires à acheter leur logement. Mais le pourront-ils ?
Bien entendu, 100 millions d’autofinancement de plus, c’est toujours 100 millions de subventions PLUS ou ANRU en moins à verser, et c’est clairement avec cet objectif que les dispositions de l’article 1er sont conçues, à savoir limiter la participation de l’État.
À l’article 2, le Gouvernement entend aussi mutualiser de 60 millions à 100 millions d’euros par an prélevés sur la trésorerie du mouvement HLM. Mais je serais curieux, madame la ministre, de connaître les offices d’HLM qui, à l’heure actuelle, ont vraiment des facilités de trésorerie.
Personnellement, j’ai participé pendant près de trente ans à la gestion de l’un des plus grands offices d’HLM présidé par M. Michel Mercier. Croyez-moi, la tendance au fil des années était l’assèchement des fonds propres !
M. Dominique Braye, rapporteur. Oui, parce qu’il construisait, celui-là : merci, monsieur Mercier !
M. Guy Fischer. Il construisait, mais pas tout ce qui était nécessaire.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il y a des offices qui ne construisent pas !
M. Guy Fischer. À l’article 3, le racket des fonds du 1 % est spectaculaire, dépassant le milliard d’euros.
Au demeurant, l’expérience de la seconde partie du 1 % logement, celle qui est consacrée au financement des aides personnelles, est suffisamment éclairante de ce point de vue. Cela fait plusieurs années en effet que la progression naturelle de la cotisation due par les entreprises au titre de l’aide au logement compense l’insuffisance chronique de la dotation budgétaire. Et le tour de passe-passe n’est pas uniquement pour cette année !
Et comme, en plus, vous procédez régulièrement à des ajustements à la baisse de l’APL en jouant sur le barème, tout montre le sens donné à cette politique !
La budgétisation des fonds du 1 %, proposition issue du rapport Attali, largement nourrie par une campagne de presse opportune, ne va rien ajouter au financement du logement social.
Il y a beaucoup à dire sur la gestion du 1 % logement, mais l’opacité que certains invoquent ne semble pas moins épaisse que celle qui présidera, demain, à la débudgétisation intégrale des crédits actuellement financés par l’impôt !
L’opération de l’article 3, ce n’est pas un centime d’euro de plus pour le logement !
Et comment ne pas trouver étrange que les deniers publics qui semblent si difficiles à trouver pour la mission « Ville et Logement » soient soudain si disponibles quand il s’agit de sauver les promoteurs immobiliers aux prises avec leur stock d’invendus ? Vous savez très bien, madame la ministre, qu’en tant que conseiller général des Minguettes pendant près de trente ans j’ai été plongé au cœur de ces problèmes qui sont graves !
Les promoteurs sociaux sont chargés aujourd’hui de sauver des entrepreneurs que nous connaissons bien, comme Nexity ou Bouygues, c’est-à-dire ceux qui ont gaspillé des milliards et des milliards ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Je n’en dirai pas plus. Il suffit de lire l’interview des présidents de Nexity !
Croyez-moi, madame la ministre, je connais à Lyon des quartiers entiers qui ont été construits et qui ne se vendent pas, parce que l’appât de la fiscalité tombe à l’eau ! C’est un problème que l’on ne peut pas sous-estimer à la lumière d’aujourd’hui.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous dites que le cursus résidentiel est remis en cause. Mais pourquoi les gens restent-ils dans leur HLM ? Parce que leur pouvoir d’achat est en train de baisser ! Et je ne parle pas de l’explosion des loyers ! Des offices tels que l’OPAC du Rhône augmentent les loyers deux fois par an, en janvier et en juillet. L’augmentation est pratiquement le double de l’inflation. Voilà qui est grave !
M. Dominique Braye, rapporteur. Ce n’est pas bien, monsieur Mercier ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous nous sommes suffisamment expliqués sur notre opposition à l’article 17, sur la réforme de la DSU. Je conclurai donc en disant que nous voterons sans hésiter la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues socialistes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 519, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Dépôt d'un projet de loi
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers (Urgence déclarée).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 4, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
Transmission d'un projet de loi
M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 13, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
9
Dépôt de propositions de loi
M. le président. J’ai reçu de Mme Esther Sittler une proposition de loi relative à la déclaration domiciliaire.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 15, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Yves Détraigne une proposition de loi visant à garantir le droit d’expression de tous les élus locaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 16, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Philippe Richert une proposition de loi concernant les nouvelles possibilités de transfert d’affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l’État.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 17, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Yves Détraigne une proposition de loi visant à laisser libres les heures de sorties des patients en arrêt de travail pour une affection cancéreuse.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 18, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Yves Détraigne une proposition de loi visant à encadrer la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d’association.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 19, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Jean-Claude Carle une proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 20, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de MM. Charles Pasqua, Jean-Paul Alduy, René Beaumont, Michel Bécot, Laurent Béteille, Paul Blanc, Auguste Cazalet, Éric Doligé, Philippe Dominati et Jean François-Poncet, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gournac, André Lardeux, Jacques Legendre, Gérard Longuet, Pierre Martin, Alain Milon et Rémy Pointereau, une proposition de loi visant à confier des conseillers territoriaux l’administration des départements et des régions.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 21, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
10
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi (n° 7, 2008 2009) généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques de l’insertion, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
11
Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet d’autorisation donnée par le Conseil à la Présidence pour engager les négociations en vue de conclure un accord avec la Norvège et l’Islande pour l’application de certaines dispositions de la Décision du Conseil relative à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme de la criminalité transfrontalière, et des dispositions de la Décision concernant sa mise en œuvre.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4013 et distribué.
12
Dépôt d’avis
M. le président. J’ai reçu de Mme Brigitte Bout un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007 2008).
L’avis sera imprimé sous le n° 10 et distribué.
J’ai reçu de M. Philippe Dallier un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007 2008).
L’avis sera imprimé sous le n° 11 et distribué.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 octobre 2008 :
À quinze heures :
1. Discussion du projet de loi (n° 22, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de finances rectificative pour le financement de l’économie ;
Rapport (n° 23, 2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le soir :
2. Désignation des trente-six membres de la mission commune d’analyse et de réflexion sur l’organisation des collectivités territoriales et l’évolution de la décentralisation ;
3. Suite de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ;
Rapport (n° 8, 2008-2009) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Avis (n° 10, 2008-2009) de Mme Brigitte Bout, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 11, 2008-2009) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 15 octobre 2008, à une heure quinze.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD