M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. On peut toujours revenir sur le passé… Je rappelle cependant que nos collègues socialistes étaient favorables à la création des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, avec les conséquences que cela entraîne en termes de représentation au Parlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En tout cas, vous n’y étiez pas hostiles !
M. Christian Cointat. Vous avez voté la loi ! Regardez le Journal officiel ! (M. Bernard Frimat fait un geste de dénégation.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des sièges ont donc été créés au Sénat pour représenter ces deux nouvelles collectivités. Par rapport aux effectifs prévus par la réforme de 2003, nous allons donc nous trouver avec deux sénateurs supplémentaires à la prochaine rentrée parlementaire.
Or le règlement du Sénat précise que tous les sénateurs siègent dans une commission permanente ; par conséquent, il faut bien prévoir une affectation pour les deux sénateurs nouvellement créés qui nous rejoindront en octobre 2008 !
M. Robert Bret. Il va falloir ajouter deux fauteuils dans l’hémicycle !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si cette résolution était rejetée, certains de nos collègues n’auraient pas d’affectation au sein d’une commission permanente, contrairement à ce que le règlement prévoit. Il ne s’agit que de cela ! On peut vouloir rouvrir sans cesse tous les débats, mais ma proposition de résolution n’a pas d’autre objet que de régler cette question avant la fin de la session ! Je l’ai présentée parce que je pensais que tel était mon devoir, tout simplement.
Les nouveaux sièges – qui ne sont pas spécifiquement destinés aux deux sénateurs nouvellement créés – sont affectés l’un à la commission des lois, l’autre à la commission des finances, parce que ces commissions sont celles qui comptent le moins de membres, un point c’est tout !
Je ne comprendrais donc pas que l’on vote contre cette proposition de résolution, parce que l’on priverait alors deux de nos collègues des droits que leur reconnaît notre règlement. Franchement, je ne comprends pas votre attitude, chers collègues !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des conclusions de la commission des lois.
Article unique
L’article 7 du règlement du Sénat est ainsi modifié :
a) Les deux derniers alinéas (5° et 6°) du 1 sont ainsi rédigés :
« 5° la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation qui comprend 49 membres ;
« 6° la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale qui comprend 49 membres. » ;
b) Les deux derniers alinéas (4° et 5°) du 2 sont ainsi rédigés :
« 4° la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économique de la nation comprend respectivement 45 membres à partir d’octobre 2004 et 48 membres à partir d’octobre 2008 ;
« 5° la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale comprend respectivement 45 membres à partir d’octobre 2004 et 48 membres à partir d’octobre 2008. » ;
c) En conséquence :
- dans le premier alinéa du 2, l’année : « 2007 » est remplacée par l’année : « 2008 » ;
- à la fin des deuxième à quatrième alinéas (1°, 2° et 3°) du 2, les mots : « octobre 2007 » sont remplacés par les mots : « octobre 2008 ».
M. le président. Sur l’article unique, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Avant de mettre aux voix les conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution n° 345, je donne la parole à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. La création de deux sièges de sénateur pour assurer la représentation de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin figurait dans la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. Je rappelle que le groupe socialiste s’était abstenu lors du vote sur cette loi, en particulier pour cette raison, même si un certain nombre de nos collègues représentant les départements d’outre-mer ont voté en faveur de son adoption, pour des motifs que je comprends.
Nous n’allons pas refaire la discussion générale sur la proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs, mais j’ai indiqué à cette occasion qu’il ne nous semblait pas sain d’accepter sans s’émouvoir que certains d’entre nous soient désignés par un nombre infime de grands électeurs.
Quoi qu’il en soit, monsieur le président de la commission des lois, je comprends la contrainte que vous devez respecter. J’avais fait remarquer que l’intitulé de la proposition de résolution me semblait peu adapté, parce qu’il s’agit de répartir les membres de notre assemblée dans les commissions permanentes, et non pas spécifiquement les sénateurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Nous admettons tous qu’il est nécessaire d’affecter les trois cent quarante-trois sénateurs qui composeront la Haute Assemblée au mois de septembre dans l’ensemble de nos six commissions – nous en resterons à ce chiffre, la révision constitutionnelle étant vouée à l’échec !
Je comprends donc votre démarche mais, par cohérence avec notre position initiale, nous nous abstiendrons sur cette proposition de résolution. Tout a été dit sur le sujet, et nous n’allons pas rouvrir maintenant un débat que nous aurons l’occasion de reprendre lors de la discussion du projet de loi de révision constitutionnelle.
Il est néanmoins curieux de constater que les îles de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, qui formaient initialement une circonscription élisant trois sénateurs, se trouvent désormais dotées de cinq sièges, alors qu’un territoire comme la Martinique, dont la population est maintenant supérieure à celle de la seule Guadeloupe, n’élira que deux sénateurs. Nous y voyons une incohérence, mais je vous concède, monsieur Hyest, que le moment n’est pas venu de la corriger et que le Sénat n’en est pas à une incohérence près ! Qui peut le plus, peut le moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais les propos de Mme Mathon-Poinat méritent tout de même une réaction.
Cela fait des années que nous sommes un certain nombre à demander que l’on modifie le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Ces derniers élisent douze sénateurs, comme à Paris, et comptent cent cinquante-cinq élus au suffrage universel, quand Paris en désigne cent soixante-trois. Toutefois, le collège électoral de Paris est autrement plus important que le nôtre, puisqu’il comprend plus de deux mille personnes.
Nous sommes donc tout à fait favorables à la poursuite des discussions sur le mode d’élection des sénateurs. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas laisser dire qu’il y aurait une fermeture ou une volonté de blocage ! Pas du tout ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La preuve !
M. Christian Cointat. Ce n’est pas le moment de discuter de ce sujet, et vous le savez très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est jamais le moment !
M. Christian Cointat. Vous avez voulu faire une opération politique et je ne vous le reproche pas ! J’en aurais fait autant à votre place ! Vous avez eu satisfaction, puisque vous avez pu engager le débat, qu’il faudra poursuivre en une autre occasion.
Cela étant, dans l’affaire qui nous occupe aujourd’hui, il convient de faire preuve de responsabilité, même si l’on n’était pas favorable à la création de sièges supplémentaires, tout du moins dans les conditions que vous avez dénoncées. En effet, le Sénat a vocation à représenter les collectivités territoriales, et dès lors que de nouvelles collectivités ont été créées, des sièges doivent leur être attribués et le nombre de places au sein des commissions doit correspondre à l’effectif des sénateurs, sans distinction de provenance.
C’est la raison pour laquelle je voterai bien entendu en faveur de l’adoption de cette proposition de résolution, en regrettant que vous ne fassiez pas de même, chers collègues, car c’est une simple question de responsabilité et de cohérence !
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de résolution.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe CRC s’abstient.
M. le président. En application de l’article 61, alinéa 1, de la Constitution, cette résolution sera soumise, avant sa mise en application, au Conseil constitutionnel.
6
Agents sportifs
Adoption des conclusions modifiées du rapport d’une commission
Ordre du jour réservé
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, présentée par M. Jean-François Humbert et plusieurs de ses collègues, visant à encadrer la profession d’agent sportif et modifiant le code du sport (nos 310, 363).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Humbert, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, notre excellent rapporteur Pierre Martin m’a entraîné hier soir au Stade de France, sans doute pour y vérifier la présence de tel ou tel agent sportif ! (Sourires.) Nous avons regardé le match avec beaucoup de plaisir et nous nous sommes réjouis de la victoire de l’équipe de France de football.
Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous présenter une proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif, afin de protéger l’éthique sportive, qui serait très compromise si nous n’agissions pas sur la réglementation de cette profession.
En effet, la loi du 6 juillet 2000 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives a été appliquée de manière globalement satisfaisante en ce qui concerne l’accès à la profession, mais certains agents sportifs exercent encore leur activité dans des conditions irrégulières et le contrôle pratiqué par les fédérations reste trop limité.
Le renforcement de la législation n’a pas empêché la multiplication des affaires impliquant des agents sportifs ; cela démontre que les objectifs d’encadrement et de moralisation de la profession sont encore loin d’être atteints. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour mettre fin aux dérives constatées.
L’exercice de la profession d’agent sportif est encadré par les articles L. 222-6 et suivants du code du sport. Les fédérations concernées ont donc mis en œuvre la loi de façon satisfaisante pour sa partie consacrée au contrôle de l’accès à la profession. En revanche, le contrôle de l’activité d’agent sportif s’est révélé insuffisant, pour parler en termes pesés…
La proposition de loi que je vous présente a donc pour objet de mieux organiser l’accès à cette profession, son exercice et son contrôle.
S’agissant d’abord de l’accès à la profession d’agent sportif, la législation actuelle prévoit que la licence d’agent sportif peut être délivrée à une personne physique ou à une personne morale. Toutefois, la délivrance de ces licences aux personnes morales a entraîné une confusion entre les personnes véritablement autorisées à exercer la profession d’agent sportif – celles qui ont passé l’examen approprié – et celles qui n’y sont pas autorisées, comme les actionnaires, les associés et les salariés de la société titulaire de la licence.
Afin de mieux identifier les personnes qui sont autorisées à exercer la profession d’agent sportif, il est proposé de supprimer la possibilité de délivrer la licence aux personnes morales. En contrepartie de cette suppression, les agents sportifs seraient autorisés à constituer une société pour exercer leur activité.
Les dirigeants de la société fondée par l’agent ou de celle dont il sera le salarié seront soumis aux mêmes conditions de moralité, d’incapacités et d’incompatibilités que les agents sportifs. La liste des incompatibilités est également complétée afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les agents sportifs et les autres acteurs du sport, comme les entraîneurs ou les propriétaires de club. Il s’agit notamment d’empêcher, ou du moins de limiter, la pratique des rétrocommissions ou sur-commissions, qui est favorisée par la collusion entre certains intérêts dans le sport professionnel.
Cependant, pour que ce dispositif soit efficace, il est nécessaire d’établir une séparation juridique étanche entre les agents sportifs et d’autres acteurs du sport, notamment les dirigeants d’entreprises et d’associations qui emploient des sportifs ou organisent des manifestations sportives. Dans le cas des entreprises, l’incompatibilité concernera aussi les associés et les actionnaires ; dans le cas des associations, elle s’étendra aux fédérations et aux autres organes qu’elles auront constitués.
Le statut des agents sportifs communautaires constitue une autre source de dérives.
Les agents sportifs ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen non établis sur le territoire national peuvent actuellement exercer « sans filet », si je puis dire : ils n’ont pas besoin d’une licence ; ils ne sont pas tenus de respecter les limites de rémunération prévues par le code du sport, en particulier le plafonnement de la rémunération de l’agent à 10 % du montant des contrats conclus ; ils ne sont pas obligés de transmettre les contrats et mandats à la fédération compétente ; enfin, aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à leur encontre.
Ces agents peuvent donc se livrer à nombre d’abus quasiment en toute impunité, ce qui est évidemment inadmissible. Pour mettre fin à cette situation, la proposition de loi prévoit d’encadrer l’activité des agents communautaires en s’inspirant du dispositif applicable aux éducateurs sportifs communautaires. Il restera bien sûr possible, pour un agent communautaire, d’exercer sa profession en France, mais uniquement s’il est qualifié pour le faire dans son pays d’origine.
Les modalités d’exercice prévues dans le texte adopté par la commission des affaires culturelles me conviennent parfaitement. Elles respectent l’esprit de la proposition de loi, qui est d’encadrer les activités des agents communautaires, désormais tenus à une obligation de déclaration prévue dans la partie réglementaire du code du sport. Ainsi, dès leur première intervention sur le territoire français, il sera possible de vérifier s’il existe une différence substantielle entre le niveau de qualification requis dans leur pays d’origine et celui qui est exigé en France. Si tel est le cas, la fédération pourra exiger de l’intéressé le passage de l’examen d’agent ou tout du moins d’une partie de celui-ci, par exemple l’examen oral.
Enfin, le dispositif actuel ne prévoit pas explicitement le cas des agents extracommunautaires non titulaires d’une licence d’agent sportif. Dans le silence de la loi, il faut en déduire que, pour exercer la profession d’agent sportif en France, les agents extracommunautaires doivent obtenir la licence française d’agent sportif.
Ce système est tellement contraignant qu’il n’est pas respecté. Pour cette raison, le présent texte prévoit que les agents extracommunautaires non titulaires d’une licence devront conclure une convention de présentation avec un agent pourvu de ce titre, qui sera chargé de placer le sportif dans un club.
Cette convention a pour objet de mettre en présence un sportif ou un club avec un agent sportif titulaire d’une licence. Transmise par l’agent sportif à la fédération compétente, elle servira de fondement juridique à la rémunération de l’agent extracommunautaire.
Telles sont les principales dispositions prévues dans ce texte pour mieux encadrer l’accès à la profession d’agent sportif.
Le deuxième objet de la proposition de loi est de réglementer l’exercice de la profession d’agent sportif.
La définition actuelle de la profession d’agent sportif ne comprend pas l’activité d’agent d’entraîneurs. Dans le cadre du dispositif existant, l’agent sportif ne peut que « mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ». Autrement dit, il ne peut jouer qu’un rôle d’intermédiaire. Cela n’empêche pas, en pratique, les agents sportifs d’être aussi agents d’entraîneurs, mais cette activité est parfaitement illégale puisque le code du travail la leur interdit. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour autoriser, sous conditions, le placement d’entraîneurs par les agents sportifs.
Actuellement, un agent sportif est censé n’être rémunéré que par la personne qui le mandate. Cette obligation n’est que théorique : très souvent, ce sont les clubs qui rémunèrent directement des agents pourtant mandatés par les sportifs.
Cette hypocrisie contribue à l’opacité qui règne dans les opérations de placement des sportifs. C’est pourquoi la proposition de loi tend à préciser les relations contractuelles concernées par l’activité d’agent.
Le contrat de courtage encadre juridiquement l’activité de l’agent chargé de mettre en relation les parties intéressées à la conclusion d’un contrat sportif. Ce contrat passé entre l’agent et le sportif, le club ou l’organisateur devra être écrit et transmis à la fédération ; il devra préciser les conditions de rémunération de l’agent sportif et l’identité de la personne qui le rémunèrera.
La grande évolution est que ce contrat permettra à l’agent d’être rémunéré par l’une des parties, quelle que soit la personne à l’origine de la mise en relation. La rémunération de l’agent restera limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais deux types de contrats seront visés : d’une part, les contrats relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive, par exemple les contrats de travail des joueurs ; d’autre part, les conventions prévoyant ces contrats de travail, comme les contrats de transfert.
En outre, l’agent sportif ne pourra percevoir aucune rémunération avant d’avoir transmis son contrat à la fédération.
Au passage, je précise que ce texte est conforme au règlement de la Fédération internationale de football association, qui permet à un club de rémunérer l’agent, même s’il a été mandaté par le joueur : il suffit que le joueur ait donné son accord écrit. C’est toute la chaîne du contrôle qui va pouvoir être rétablie grâce à cette légalisation de la rémunération de l’agent par le club.
Une autre difficulté tient au fait que lorsqu’un mineur signe un contrat sportif, la législation en vigueur est censée interdire à son représentant d’être rémunéré, qu’il s’agisse d’une personne physique, d’une société ou d’une association sportive.
Cependant, il est facile pour les représentants de bafouer cette interdiction en faisant signer au mineur d’autres types de contrats qui leur permettent de toucher de l’argent. C’est pourquoi le présent texte interdit toute rémunération sur les contrats qu’un agent signerait avec un mineur.
Enfin, la proposition de loi vise à renforcer le contrôle de la profession d’agent sportif.
Quatre éléments sont à retenir.
Premièrement, l’activité de l’agent est souvent contrôlée à l’occasion du renouvellement triennal de sa licence. Ainsi conçue, cette procédure de renouvellement est une source de conflits intarissable, puisque les fédérations l’utilisent souvent comme mode de sanction.
Afin de limiter les risques de contentieux inutiles, il est proposé de délivrer la licence pour une durée indéterminée et de passer à un contrôle annuel de l’activité des agents. Ce contrôle sera complété par la transmission obligatoire des documents les plus importants aux fédérations compétentes : contrats de courtage, contrats de travail des joueurs avec mention de l’agent négociateur, pièces comptables.
Deuxièmement, les sanctions disciplinaires actuelles se limitent à la condamnation des agents qui n’auraient pas communiqué les contrats de travail des joueurs ou les mandats. Rien n’est prévu pour punir les agents qui enfreignent les autres règles légales, notamment celles qui sont relatives au plafond de rémunération.
Le texte prévoit donc d’étendre les possibilités de sanctions disciplinaires des fédérations à la répression de ces agissements d’agents sportifs peu scrupuleux. De même, il tend à limiter les risques d’abus de la part des agents en rendant leur rémunération conditionnelle : un agent ne pourra être payé que s’il transmet à la fédération compétente le contrat à l’origine de son activité.
Troisièmement, l’actuel code du sport n’autorise pas le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, à jouer un rôle de conciliation dans les conflits opposant les agents sportifs aux fédérations. Il vise les licenciés, sportifs et dirigeants, mais pas les agents sportifs, qui ont une licence de nature différente puisqu’il s’agit d’un permis d’exercer une activité professionnelle. La proposition de loi vise à mettre fin à cette anomalie en étendant les missions de conciliation du CNOSF aux conflits opposant les agents sportifs aux fédérations.
Quatrièmement, l’activité d’agent sportif est souvent exercée de façon illégale. Il est donc nécessaire d’instaurer un renforcement des sanctions. Le texte prévoit donc de punir de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende celui qui exercerait illégalement la profession d’agent sportif. Dans certains cas extrêmes, l’amende pourra dépasser les 30 000 euros et atteindre jusqu’au double de la somme indûment perçue par l’agent sportif.
En conclusion, les agents sportifs malhonnêtes ne disparaîtront pas, bien sûr, du jour au lendemain par la grâce d’une simple loi. Cependant, la plupart des abus ont jusqu’à présent été rendus possibles par l’insuffisance des textes encadrant l’exercice de cette profession : soit il n’y avait pas de loi, soit elle était mal mise en œuvre. La proposition de loi qui est soumise au Sénat a pour principal objet de combler les vides juridiques les plus flagrants et de mieux organiser les contrôles.
Les membres de la Haute Assemblée qui ont soutenu le dépôt de cette proposition de loi souhaitent faire œuvre utile en permettant un exercice le plus sain possible de toutes les activités liées à la pratique sportive. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Martin, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous devons malheureusement admettre qu’évoluent dans le monde du sport des personnes au comportement pas vraiment exemplaire, voire peu recommandables. Sans vouloir stigmatiser une profession, je dois souligner qu’un certain nombre d’agents de joueurs sont dans ce cas, à tel point que l’on peut aujourd’hui dire qu’ils sont l’une des plaies du sport professionnel.
Je ne remets pas en doute l’utilité des agents sportifs. À l’époque où les joueurs professionnels étaient comparés à des esclaves parce que leurs dirigeants avaient tout pouvoir sur eux, l’arrivée de ces agents, négociateurs des contrats et des transferts, a rééquilibré le rapport de force. Aujourd’hui, les intermédiaires jouent un rôle utile d’interlocuteurs des clubs et de trait d’union entre les joueurs et les dirigeants.
Cependant, l’envolée du coût des transferts depuis l’arrêt Bosman, la mondialisation du football et, plus globalement, l’avènement du « sport business » ont entraîné l’arrivée d’agents plus ou moins scrupuleux qui réclament leur part du gâteau. La loi du 6 juillet 2000 visait à résoudre ce problème en confiant le contrôle de l’activité des agents sportifs aux fédérations et en renforçant les incompatibilités. Sans être un échec patent, la mise en œuvre de cette loi n’a pas tout à fait permis d’atteindre cet objectif.
Au cours des dernières années, la chronique judiciaire des agents sportifs a été très fournie. À titre d’exemple, permettez-moi de mentionner une pratique dans laquelle certains des plus grands clubs de football français se sont illustrés, si j’ose dire, durant la dernière décennie : la surévaluation des joueurs lors des transferts. En clair, un joueur est échangé pour une somme supérieure à sa valeur réelle et les acteurs de la négociation se partagent la différence, soit pour leur compte personnel – on appelle cela des « rétrocommissions » –, soit pour alimenter des caisses noires qui serviront elles-mêmes à financer d’autres transferts.
Mais il serait fastidieux d’énumérer les manœuvres frauduleuses constatées dans le sport professionnel. Retenons simplement qu’elles ont toutes un point commun : l’agent est au centre de la fraude. En effet, il est le maillon le plus faible de la chaîne, celui que l’on ne voit pas, celui qui peut facilement se rendre dans un paradis fiscal et se trouve forcément au cœur des transactions.
Quels sont les défauts de notre législation ?
D’abord, on a attribué des licences à des personnes morales. Or, en leur nom, un grand nombre d’agents occultes, ou plus ou moins secrets, ont prétendu négocier des contrats, et ce sans avoir les compétences minimales requises.
Ensuite, on a mal encadré l’exercice de l’activité par les agents étrangers. Ces derniers étaient censés détenir une licence française, ce qui s’est révélé trop contraignant. Finalement, ils sont tous intervenus sans aucun contrôle.
Enfin, on n’a pas été suffisamment loin dans les incompatibilités. Des agents de joueurs sont devenus dirigeants et ils ont ensuite utilisé leurs relations pour mener des opérations contraires à l’éthique sportive.
Les problèmes rencontrés sont surtout liés au manque de contrôle. Pourquoi les procédures de contrôle mises en place ont-elles échoué ? Pour une raison centrale : il est interdit aux clubs de rémunérer les agents, afin de protéger les joueurs. Pourtant, cette règle n’a pas du tout été respectée en pratique. Dans tous les sports, ce sont les clubs qui ont, systématiquement, payé les agents.
Ce constat est probablement lié aux caractéristiques sociologiques du monde du sport : les joueurs refusent de payer leurs agents. Cette situation est extrêmement pernicieuse. En effet, pour camoufler leurs pratiques, les clubs sportifs et les joueurs omettent le nom de l’agent dans les contrats qu’ils passent entre eux, ce qui rend tout contrôle impossible. Les fédérations ne peuvent pas contrôler les agents qui exercent illégalement ou qui détournent de l’argent et n’ont aucune possibilité de regard sur les sommes qui leur sont versées.
Au final, alors que les pratiques illégales se sont généralisées, très peu de sanctions ont été prises.
Pour ces raisons, tous les acteurs du monde sportif s’accordent aujourd'hui sur la nécessité d’une réforme, ainsi que sur ses modalités. Dès lors, la proposition de loi déposée et signée par nombre de nos collègues membres de la commission des affaires culturelles vient, me semble-t-il, à point nommé pour compléter notre arsenal législatif.
Quels sont les principes qui ont guidé sa rédaction ?
Ce texte vise à encadrer la profession d’agent sportif dans ses trois dimensions, c'est-à-dire l’accès à cette profession, son exercice et le contrôle à laquelle elle est soumise. Voici les mesures phares qu’il contient.
D’abord, la délivrance de licences aux personnes morales ne sera plus possible. Les incompatibilités seront renforcées, afin d’éviter les trop nombreuses collusions entre agents et dirigeants de clubs.
Ensuite, la protection des mineurs sera renforcée. Aujourd'hui, certains intermédiaires amènent des enfants africains dans notre pays, puis les abandonnent en cas d’échec. Une telle pratique s’apparente à la traite d’êtres humains. La proposition de loi vise donc à interdire à tout intermédiaire d’être rémunéré sur un contrat passé par un jeune.
En outre, l’activité des agents étrangers sera encadrée. Ainsi, les agents étrangers non communautaires devront obligatoirement passer par un agent français pour négocier un contrat avec un club de notre pays.
Surtout, et c’est une véritable révolution, la rémunération des agents de joueurs par les clubs sera autorisée. Cette mesure, qui a été le point d’achoppement de toute réforme dans le passé, fait aujourd’hui l’unanimité. Elle est fondée sur une évidence : il faut légaliser pour mieux encadrer.
L’encadrement sera forcément plus simple. En effet, les clubs ne verront plus d’obstacle à mentionner le nom de l’agent qu’ils rémunèrent et les agents qui respectent la loi auront tout intérêt à transmettre leur mandat à la fédération.
C’est donc l’ensemble du transfert, de la recherche du joueur à l’homologation de son contrat, qui pourra être contrôlé par les fédérations.
Peut-être certains d’entre vous trouvent-ils cette règle gênante, mais je voudrais rappeler quelques éléments. Dans une transaction immobilière, c’est l’acheteur qui rémunère l’agent immobilier, même si ce dernier a été sollicité par le vendeur. Et, dans le cas d’un spectacle, c’est le producteur, et non le comédien, qui paye l’agent artistique. Ainsi, la rémunération des agents de joueurs par les clubs constitue un retour logique et bénéfique au droit commun.
Enfin, le texte prévoit un renforcement tout à fait approprié des contrôles et des sanctions, afin de tirer l’ensemble des effets positifs d’une telle transformation des règles de rémunération et d’assainir la profession.
En dépit de l’exhaustivité de cette proposition de loi, que j’applaudis des deux mains, la commission des affaires culturelles a souhaité apporter quelques modifications au texte initial.
La première est importante, puisqu’elle tend à assurer la compatibilité de la proposition de loi avec le droit communautaire, et plus précisément avec les principes de liberté d’établissement et de libre prestation de services.
Les agents européens ayant une expérience professionnelle crédible et respectant le droit français, notamment en matière d’incompatibilités, pourront s’installer en France en obtenant une équivalence. Le cas échéant, un examen allégé sera imposé aux détenteurs d’un diplôme d’une valeur manifestement inférieure à celui qui permet la délivrance de la licence. En tout état de cause, tous seront strictement soumis aux mêmes règles que les agents français, ce qui n’était pas clairement le cas aujourd’hui.
Les conditions seront moins strictes pour un agent souhaitant exercer son activité de manière très ponctuelle en France. Il devra être établi légalement dans son pays et respecter les règles relatives aux incapacités et aux incompatibilités. Ainsi, il ne pourra pas s’agir d’un entraîneur qui exercerait le métier d’agent dans son pays, comme le cas pouvait se présenter jusqu’à présent.
Tous ces professionnels devront déclarer leur activité aux fédérations, qui la contrôleront.
Une telle mise en conformité avec le droit communautaire est une nécessité. Sur le fond, elle ne retire rien à notre capacité d’encadrer l’activité des agents européens.
Par ailleurs, la rédaction proposée vise à imposer clairement aux fédérations de faire respecter les dispositions du code du sport, à encadrer l’action des collaborateurs d’agents, à préciser quelles sont les personnes potentiellement concernées par les sanctions prises par les fédérations et à interdire l’exercice de l’activité d’agent sportif aux avocats, afin de protéger la lisibilité de la profession.
En conclusion, mes chers collègues, la commission est favorable à l’adoption de la présente proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)