compte rendu intégral
Présidence de M. Christian Poncelet
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Fin de mission d'un sénateur
M. le président. Par lettre en date du 15 mai, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter de ce jour, 22 mai 2008, de la mission temporaire sur le stationnement des gens du voyage confiée à M. Pierre Hérisson, sénateur de la Haute-Savoie, auprès de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
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Demande de l'avis d'une commission
M. le président. Par lettre en date du 21 mai 2008, M. le Premier ministre m’a demandé de lui faire connaître, conformément à l’article 2 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Jean-Marie Delarue aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois.
Acte est donné de cette communication.
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Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 22 mai 2008
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30 :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (n° 335, 2007-2008) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)
À 15 heures :
2°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux opérations spatiales (n° 272, 2007-2008) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés.)
Mardi 27 mai 2008
Ordre du jour prioritaire
À 16 heures et le soir :
- Projet de loi relatif à la responsabilité environnementale (Urgence déclarée) (n° 288, 2006-2007) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 26 mai 2008, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 26 mai 2008.)
Mercredi 28 mai 2008
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale.
Jeudi 29 mai 2008
Éventuellement, à 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1°) Suite du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale ;
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite éventuelle du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale.
Mardi 3 juin 2008
À 10 heures :
1°) Questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 217 de M. Philippe Richert transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité (Transfert aux collectivités des agents de l’État affectés au service du RMI) ;
- n° 241 de Mme Patricia Schillinger à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice (Situation des maisons d’arrêt de Colmar et de Mulhouse, dans le Haut-Rhin) ;
- n° 245 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale (Devenir des conseillers principaux d’éducation) ;
- n° 246 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre de l’éducation nationale (Orientations et décisions prises par le vice-rectorat de Wallis et Futuna) ;
- n° 247 de Mme Anne-Marie Payet à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche (Présence élevée de pesticides dans le vin) ;
- n° 248 de M. Georges Mouly à M. le ministre de l’éducation nationale (Avenir des réseaux d’aide à la scolarité des élèves en difficulté, RASED) ;
- n° 249 de M. Daniel Reiner à M. le ministre de la défense (Projet de fermeture du 53ème régiment de transmissions de Lunéville) ;
- n° 251 de M. Pierre Bordier à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales (Réglementation concernant les véhicules anciens) ;
- n° 253 de M. Yves Krattinger à M. le ministre de la défense (Devenir de la base aérienne 116 de Luxeuil-les-Bains) ;
- n° 257 de M. Alain Fouché à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (Pérennisation du financement de l’État concernant les maisons de l’emploi) ;
- n° 258 de M. Laurent Béteille à M. le ministre de l’éducation nationale (Taux d’encadrement dans la mise en œuvre du service minimum d’accueil des élèves) ;
- n° 259 de M. Gérard Bailly à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative (Statistiques et contrôle des arrêts de travail) ;
- n° 260 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité (Calcul de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante).
Ordre du jour prioritaire
À 16 heures et le soir :
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (n° 314, 2007-2008) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 2 juin 2008, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 2 juin 2008.)
3°) Projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale (n° 308, 2006-2007) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 28 mai 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 2 juin 2008.)
Mercredi 4 juin 2008
Ordre du jour réservé
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
1°) Proposition de loi, présentée par MM. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative aux conditions de l’élection des sénateurs (n° 322, 2007-2008) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 3 juin 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 3 juin 2008.)
2°) Conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution, présentée par M. Jean-Jacques Hyest, tendant à actualiser le règlement du Sénat afin d’intégrer les sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dans les effectifs des commissions permanentes (n° 345, 2007-2008) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 3 juin 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à un quart d’heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 3 juin 2008.)
3°) Proposition de loi, présentée par MM. Jean-François Humbert, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Christian Demuynck, Alain Dufaut, Jean-Paul Émin, Bernard Fournier, Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Monique Papon et MM. Philippe Richert et Jacques Valade, visant à encadrer la profession d’agent sportif et modifiant le code du sport (n° 310, 2007 2008) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 3 juin 2008, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 3 juin 2008.)
Jeudi 5 juin 2008
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30 :
1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (n° 283, 2007-2008) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 3 juin 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 4 juin 2008.)
À 15 heures :
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile (n° 323, 2007 2008) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 3 juin 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 3 juin 2008.)
3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail.
Mardi 10 juin 2008
Ordre du jour prioritaire
À 16 heures et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (A.N., n° 820) ;
(La conférence des présidents a :
- fixé au lundi 9 juin 2008, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- fixé à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 9 juin 2008.)
Mercredi 11 juin 2008
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Jeudi 12 juin 2008
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1°) Suite du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Éventuellement, vendredi 13 juin 2008
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
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Organismes génétiquement modifiés
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (n° 335).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne puis m’empêcher de vous rappeler que c’est ici, au Sénat, que tout a commencé. C’est également ici que tout va s’achever si, comme je l’espère, la Haute Assemblée vote le texte que nous avons élaboré en commission mixte paritaire la semaine dernière.
C’est en effet le Sénat qui a eu l’honneur et le redoutable privilège d’entamer le processus législatif sur ce dossier des OGM, les organismes génétiquement modifiés. Cela remonte en réalité à plus de deux ans, lorsque notre Haute Assemblée a adopté en première lecture un premier projet de loi sur les OGM. Nous avons également été la première assemblée saisie pour cette nouvelle version du texte, qui a fait l’objet de deux lectures dans chaque chambre.
C’est pourquoi je ne vous cacherai pas mon étonnement lorsque j’entends certains, en particulier nos collègues députés de l’opposition, parler de précipitation dans l’adoption de ce texte. Bien plus que d’une course de vitesse, il s’est agi en réalité pour le Parlement d’un véritable marathon.
Les travaux de notre commission des affaires économiques sur cette question ont débuté il y a près de dix ans, avec un premier rapport d’information qui m’avait été confié.
Nous avons ensuite approfondi notre réflexion dans le cadre d’une mission d’information de dix-huit mois, dans laquelle tous les groupes du Sénat étaient représentés comme il se doit, dont le rapporteur était notre collègue M. Jean-Marc Pastor. Je tiens d’ailleurs à souligner une nouvelle fois la qualité de son travail et des échanges que nous avions eus à cette occasion. Je veux également insister sur le fait que les conclusions de cette mission d’information avaient été adoptées à l’unanimité des membres de la commission des affaires économiques. C’était il y a cinq ans presque jour pour jour.
Si je reviens quelques années en arrière, c’est parce qu’il me semble indispensable de réaffirmer que le dialogue serein sur les OGM est possible en France, et que le Sénat l’avait initié. Certes, je dois reconnaître qu’une partie de cette sérénité a disparu depuis cette époque. Mais vous me permettrez d’observer avec un peu de malice que le Sénat a préservé cet esprit républicain et courtois.
Pour en revenir au projet de loi qui nous est soumis, je me permettrai de rappeler brièvement l’importance du travail accompli.
Partant de treize articles, le texte a été enrichi au cours de la navette parlementaire puisqu’il en compte maintenant vingt-et-un. Je voudrais à ce stade saluer le travail de l’Assemblée nationale, en particulier celui du rapporteur, M. Antoine Herth, dont la compétence a été reconnue sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, et celui du président de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, à qui il est revenu notamment de présider avec beaucoup de justesse et de courtoisie la commission mixte paritaire qui s’est tenue la semaine dernière.
M. Daniel Raoul. N’en faites pas trop !
M. Jean Bizet, rapporteur. Sans vouloir aucunement nourrir des polémiques qui n’ont pas lieu d’être, je me permets de regretter qu’une motion de procédure ait abrégé trop brutalement la seconde lecture de l’Assemblée nationale. J’observe simplement qu’il est quelque peu paradoxal de réclamer qu’un texte ne fasse pas l’objet d’une procédure d’urgence et de voter ensuite des motions de procédure pour réduire une seconde lecture à sa portion congrue. Je me félicite donc, d’autant plus, que le président Patrick Ollier ait laissé au débat une place plus large qu’à l’accoutumée lors de la réunion de la commission mixte paritaire, qui a duré plus de deux heures.
Naturellement, je ne vous détaillerai pas le contenu du projet de loi, et ce d’autant moins que le texte que propose la commission mixte paritaire correspond exactement à celui adopté par le Sénat le 16 avril dernier. Je voudrais simplement réaffirmer ma conviction que le dispositif législatif s’inscrit dans un contexte juridique, défini par la législation européenne, un contexte économique, défini par la concurrence mondiale sur le marché agricole, et – ne l’oublions jamais ! – nos engagements dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, ainsi que, enfin, dans un cadre environnemental, ce qui nous renvoie notamment au projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, que nous avons examiné en commission des affaires économiques hier matin.
Je me dois de rappeler à nouveau que, du fait du retard de transposition de la directive européenne, nous sommes menacés par une amende de 38 millions d’euros et une astreinte de 360 000 euros par jour à partir du 5 juin. C’est tout de même une réalité qu’il faut garder à l’esprit !
J’en reviens au fond du texte.
Même si nous n’avons pas élaboré la loi fondatrice sur les biotechnologies, que notre commission appelait de ses vœux dès 2003 et que je sais chère à nos collègues Jean-Marc Pastor et Daniel Raoul, du moins avons-nous défini avec ce projet de loi un texte d’équilibre qui respecte les uns et les autres, qu’ils veuillent produire et consommer avec ou sans OGM.
Sans vouloir être plus long, je voudrais en conclusion vous faire part de ma conviction et de mon espoir que, avec le temps, ce dossier se dépassionnera.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Jean Bizet, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, il me semble que les générations futures regarderont nos débats avec étonnement et parfois même avec incompréhension quant au niveau de passion qui a été atteint dans ce dossier.
Mes chers collègues, le texte qui vous est soumis n’est pas parfait, mais quel texte complexe peut prétendre à la totale perfection ? Il constitue du moins, me semble-t-il, le meilleur point d’équilibre auquel la représentation nationale pouvait parvenir dans le contexte actuel. C’est pourquoi je vous appelle résolument à adopter ce projet de loi et à doter enfin la France du cadre juridique dont elle a besoin dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai guère longue tant les nombreuses heures de discussion parlent d’elles-mêmes.
Nous voilà donc parvenus au terme d’un débat parlementaire particulièrement passionné. Ce n’est pas par hasard puisque, parmi tous les sujets abordés dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a choisi, conformément à ses engagements, de commencer par l’un des plus difficiles, si ce n’est le plus difficile.
Il a choisi d’aller au bout des interrogations, sans chercher à les dissimuler. Tous les arguments ont donc été entendus et chacun a pu se forger une opinion.
Nous avons pris le temps de débattre. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, le Gouvernement a ainsi renoncé à déclarer l’urgence. Dans ces conditions, les débats parlementaires ont permis l’adoption de quelque 180 amendements, et c’est un bel exercice de notre vie démocratique. Qui pourrait regretter que ce texte de loi soit devenu celui du Parlement tout autant que celui du Gouvernement ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi simplement de rappeler aux législateurs avisés qui composent votre assemblée que seul ce texte permettra de sortir d’une situation de vide juridique.
Est-il normal que les agriculteurs dont la récolte est refusée parce qu’elle contient des traces accidentelles d’OGM ne correspondant pas à leur contrat d’approvisionnement n’aient aucune possibilité d’indemnisation rapide ? Et Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, ici présent, qui a participé avec Jean-Louis Borloo et moi-même aux débats, ne me contredira sûrement pas !
Est-il normal que les maires eux-mêmes ne connaissent pas la localisation des parcelles d’OGM sur leur propre commune ?
À ces questions, à ces problèmes, le projet de loi apporte une réponse.
Ce texte permettra également de relancer la recherche, capitale, sur les biotechnologies.
M. Charles Revet. C’est important !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Nous avons des doutes sur le Monsanto 810. C’est pourquoi le Président de la République a décidé, au mois de janvier, de faire jouer la clause de sauvegarde sur ce seul OGM commercial cultivé en France. Cette décision n’était pas facile, mais elle était fidèle à l’esprit et à la lettre du Grenelle de l’environnement, comme il le rappelait encore ce mardi à Orléans dans un discours sur le développement durable.
Nous avons des doutes, mais ils n’entachent pas une technologie tout entière porteuse d’espoir.
La France doit rester présente. C’est pourquoi 45 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à la recherche en trois ans.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avions l’obligation de transposer une directive adoptée du temps du gouvernement de M. Jospin.
M. Charles Revet. Eh oui !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. À défaut, la France devra payer 38 millions d’euros à titre de sanction, auxquels s’ajouteront 360 000 euros par jour d’astreinte. Au seuil de la présidence française de l’Union européenne, quel crédit aurions-nous ?
Cependant, le Gouvernement n’entend pas en rester là puisqu’il pèse actuellement de tout son poids pour modifier la procédure européenne, tant il considère que la directive ne représente pas un cadre parfait.
Jean-Louis Borloo a fait part au Conseil « Environnement » du mois de mars des réserves de la France et a été soutenu par quatorze États membres.
La Commission doit nous nous donner son avis sur ces réserves au mois de juin. Nous travaillerons, lors de la présidence française, de façon à proposer des modifications du cadre européen de la culture d’OGM, qui nous permettent d’être en cohérence complète avec les engagements du Grenelle et de répondre à toutes les questions qui ont été soulevées par les députés ainsi que par les sénateurs à l’occasion des débats parlementaires.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous appelons aujourd'hui à voter en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que nous parvenions enfin au terme de l’examen de ce projet de loi.
La navette parlementaire s’est apparentée plus à une course d’obstacles qu’à une véritable discussion de fond et j’avoue avoir plus d’une fois douté que nous puissions finalement adopter ce texte.
Les conditions d’examen, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, n’ont pas été optimales : cela a commencé par le retrait du texte de l’ordre du jour en première lecture et par un calendrier mouvant d’une semaine sur l’autre, pour en finir par cette discussion des conclusions de la commission mixte paritaire, sans parler des crises politiques à répétition !
Si ces péripéties nuisent à l’exercice serein du travail parlementaire, elles ont surtout un effet désastreux dans l’opinion publique.
Décider d’interdire la culture du Monsanto 810 juste avant l’examen de ce projet de loi a largement contribué à brouiller les esprits : un jour, on annonce comme une victoire et un progrès le fait qu’il n’y aura pas de culture OGM au cours de cette campagne, et la semaine suivante on nous demande de plancher sur ce texte !
Ces annonces contradictoires sont tout à fait dévastatrices dans l’opinion publique. Or nous ne pouvons développer les OGM en France sans l’adhésion d’une grande partie de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, il est primordial d’engager très rapidement une campagne de communication de grande ampleur afin d’informer correctement et complètement les consommateurs sur les OGM.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Yves Détraigne. Le discrédit dont souffrent les plantes génétiquement modifiées, encore renforcé par le récent documentaire intitulé Le monde selon Monsanto, doit être combattu par des données objectives et le rappel des bénéfices des OGM.
Si les avantages attendus pour l’agriculture sont bien entendu déterminants, il est important de répéter que les OGM utilisés dans le secteur de la santé permettent déjà de sauver des vies.
Je comprends les inquiétudes légitimes de nos concitoyens. En l’état actuel de nos connaissances, l’absence de preuve sur le risque sanitaire s’accompagne de l’impossibilité de prouver l’absence de danger.
De même, le risque environnemental éventuellement associé aux OGM est encore plus difficile à appréhender.
La sécurité sanitaire concentre ses moyens sur les effets directs pour l’homme là où la sécurité environnementale doit évaluer un large champ d’espèces et de races animales, ainsi que leurs innombrables interactions.
De plus, les effets environnementaux, en intervenant sur le long terme, sont très difficiles à évaluer a priori.
Enfin, les OGM sont perçus par nos concitoyens comme une évolution irréversible, ce qui explique leur inquiétude légitime à ce sujet.
C’est pourquoi il est primordial de garantir la coexistence des différents types de cultures. C’est ce à quoi les sénateurs du groupe UC-UDF se sont attachés lors de l’examen de ce texte.
De nombreuses dispositions allant en ce sens sont venues enrichir le projet de loi initial, notamment grâce à l’amendement de mon collègue Daniel Soulage, qui prévoyait que des distances de sécurité soient fixées par décret afin de limiter le risque de dissémination entre les cultures, ou encore grâce aux mesures adoptées par les députés qui concernent la protection des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux, ainsi que la défense des terroirs et des productions sous appellation.
Toutefois, il ne faut pas nier l’urgence qu’il y a à développer les OGM sur notre territoire. Nous n’avons déjà que trop tardé. Il en va de l’indépendance et du maintien de la compétitivité de l’agriculture européenne, spécialement de l’agriculture française, face à la concurrence mondiale.
Notre agriculture doit répondre à des enjeux renouvelés, notamment en ce qui concerne le développement des rendements, tout en réduisant parallèlement l’apport des intrants dans les cultures.
Ainsi, le Grenelle de l’environnement vient d’entériner l’objectif de diminution par deux de l’usage des pesticides d’ici à 2012. Or il faut bien comprendre qu’on ne peut pas être à la fois opposés aux pesticides et aux OGM, d’autant que notre dépendance en matière d’approvisionnement en oléoprotéagineux rend difficilement crédible toute position hostile aux OGM.
L’Union européenne consomme chaque année, afin d’alimenter son bétail – cela a déjà été souligné, mais il faut le répéter –, 30 millions de tonnes de tourteaux de soja. Or plus de la moitié des surfaces mondiales cultivées en soja le sont en soja OGM.
Les députés ont bien essayé de remédier à cet état de fait en adoptant un article relatif à un plan de relance des cultures d’oléoprotéagineux. La mise en place d’un tel plan me semble cependant vouée à l’échec, car nous ne disposons ni de la surface agricole utile nécessaire ni du climat adapté pour parvenir aux rendements attendus.
En revanche, sur cette question de notre dépendance en matière de protéines végétales, je signale que nous disposons en France d’une plante qui a des qualités comparables au soja pour l’alimentation animale et dont le développement pourrait nous permettre de réduire nos importations de soja OGM tout en ayant un effet bénéfique sur la dénitrification des sols : la luzerne.
Le « bilan de santé de la PAC » nous donne quelques inquiétudes sur l’avenir de cette culture. Je crois, madame la secrétaire d'État, que vous auriez intérêt, en tant que secrétaire d'État chargée de l’écologie, à conjuguer vos efforts avec ceux du ministre de l’agriculture pour assurer la pérennité de la filière « luzerne » dans notre pays.
Je souhaite donc que nous puissions développer notre propre filière de production d’OGM pour que nous en maîtrisions le processus de fabrication et que nous fixions nos propres critères de validation, des critères pleinement adaptés à notre modèle agricole et répondant aux attentes de nos agriculteurs.
Il n’est pas normal qu’une firme multinationale détienne plus de 70 % des brevets de semences OGM et, pour parler clairement, qu’OGM ne rime aujourd'hui qu’avec Monsanto.
Le bilan que l’on peut faire à l’heure actuelle des OGM n’est possible qu’au travers du prisme Monsanto, et ce prisme a été faussé dès le début.
Les États-Unis ont fait le choix du principe de l’équivalence en substance : les plantes génétiquement modifiées, comparées aux plantes non transgéniques, sont équivalentes sur la seule base de leur composition et ne sont soumises à aucune réglementation spécifique.
En Europe, au contraire, nous avons fait le choix d’une évaluation au cas par cas des OGM, ce qui offre des garanties autrement plus solides.
Aussi, s’il est un domaine à encourager, c’est celui de la recherche sur les biotechnologies.
Actuellement, la plupart des OGM commercialisés sont destinés à résister aux herbicides et aux insectes. Ils ne concernent donc que la production agricole. Mais les chercheurs ne cessent de montrer que, par différentes méthodes, ils peuvent créer des plantes capables de résister à la sécheresse ou à la salinité des sols, réclamant moins d’énergie et de traitements chimiques, dotées de meilleures propriétés nutritionnelles et sanitaires, ou permettant de lutter contre des maladies.