M. Yves Détraigne. Or ce secteur stratégique dans les années à venir accumule les retards, notamment à la suite des actions des commandos « anti-OGM ».
Le fauchage de champs OGM ruine des années entières d’efforts de recherche, met en péril notre capacité d’innovation et fait le jeu des entreprises étrangères.
Notre pays, qui était à la pointe de la recherche sur les biotechnologies végétales il y a vingt ans, est aujourd’hui distancé par d’autres nations.
Les États-Unis, la Chine, l’Inde ou le Brésil investissent massivement dans ces domaines alors que, chez nous, le nombre d’expérimentations n’a cessé de chuter : de plus d’une centaine en 1997, il est passé à treize en 2007 ! À ce rythme, nous ne maîtriserons bientôt plus le savoir-faire technique de cette innovation.
C’est l’avenir de la recherche française dans les sciences du vivant qui est en cause. C’est notre capacité d’innovation dans le domaine médical, mais aussi la compétitivité de notre secteur industriel et agricole qui sont menacées.
Je me félicite donc de la décision du Gouvernement de tripler le budget consacré aux biotechnologies sur trois ans, …
M. Charles Revet. Très bien !
M. Yves Détraigne. … ainsi que de l’initiative des députés d’instaurer un cadre et des objectifs pour la recherche publique en biotechnologies.
Il ne faut pas oublier que, dans un monde où les OGM continuent à proliférer – il est question d’un doublement des surfaces de culture d’ici à l’horizon 2015 –, leur dangerosité ou leur innocuité ne peut être établie que par des recherches impartiales.
Je souhaite également qu’une véritable recherche européenne sur les biotechnologies soit mise en place.
En coordonnant les équipes de chercheurs, en fixant des objectifs sur le plan européen, nous pourrons rattraper notre retard dans ce secteur et contrecarrer l’hégémonie américaine.
À la fin de cette intervention, j’emprunterai quelques phrases au rapporteur du projet de directive européenne, lorsqu’il présentait son rapport devant le Parlement européen le 13 février 2001 : « Avec ce texte, nous obtenons une réaffirmation du principe de précaution. Nous obtenons un renforcement de l’évaluation du risque lié à toutes les disséminations d’OGM. [...]
« Bref, la législation soumise à notre examen est la législation sur les OGM la plus sévère au monde, si sévère en fait que certains aliments naturels couramment utilisés aujourd’hui ne passeraient pas le cap de cette procédure. [...]
« Aussi, je recommande cette importante législation à l’Assemblée. Il est essentiel de garantir l’utilisation sûre et adéquate des OGM au sein de l’Union européenne. Il est essentiel de développer la confiance du public dans ces produits. Il est essentiel de s’assurer que cette nouvelle technologie si prometteuse nous apporte finalement ce que nous voulons qu’elle nous donne. »
Pour conclure, je vous indique que la majorité des sénateurs de l’Union centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voilà au terme du parcours parlementaire d’un projet de loi improprement intitulé « projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés ».
En effet, dès l’article 1er A, c'est-à-dire avant l’article 1er, le champ d’application est restreint à la production de protéines végétales par culture d’organismes génétiquement modifiés, autrement dit – je tiens à cette appellation –, de plantes génétiquement modifiées, les PGM.
On continue à entretenir la confusion entre les organismes génétiquement modifiés, dont le champ est bien plus vaste, et le problème qui a occulté tout ce débat, celui des plantes génétiquement modifiées.
Je signale, d’ailleurs, qu’on aurait pu définir dans ce premier article – je l’avais demandé à M. le rapporteur –, ne serait-ce que dans une visée pédagogique, ce qu’est un organisme génétiquement modifié et, tout particulièrement, ce qu’est une plante génétiquement modifiée.
Sans faire de provocation, je dirai que le blé est bien une plante génétiquement modifiée par rapport à l’épeautre, et ce depuis les Sumériens, soit 3 000 ans avant Jésus-Christ !
MM. Charles Revet et Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Daniel Raoul. Je vous remercie de votre approbation, mes chers collègues !
Vous avez manqué une occasion de faire de la pédagogie à l’égard de nos concitoyens en entretenant cette confusion entre les OGM et les PGM.
Madame la secrétaire d’État, vous avez tout à l’heure employé l’expression « culture d’OGM ». Cela veut bien dire que vous restreignez votre raisonnement à l’agriculture et aux plantes génétiquement modifiées. En fait, vous entretenez une confusion qui est le fonds de commerce d’officines démagogiques ou de lobbies concernant les pro-OGM et les anti-OGM.
Comment peut-on adhérer à un slogan anti-OGM d’une façon absolue sinon à se priver de fromage, de bière, de vaccins et de toutes les applications thérapeutiques et pharmacologiques que permettent les biotechnologies ?
Comment occulter aussi le fait que votre texte n’aborde pas le problème de la génomique appliquée au règne animal, dont l’homme fait partie, en lien en particulier avec les problèmes soulevés concernant la bioéthique ?
Ce sujet est d’ailleurs d’actualité. Une publication scientifique britannique fait état ces jours-ci de cellules embryonnaires mi-humaines mi-animales. Vers quoi allons-nous ?
Quels moyens attribuez-vous à la recherche dans les biotechnologies et quelles protections – je tiens à ce terme, car il ne s’agit pas seulement d’afficher des crédits – donnez-vous aux chercheurs dans ce domaine, sachant les pressions psychologiques mais aussi matérielles auxquelles ils sont soumis dans les laboratoires et la désaffection des thésards dans ce domaine de recherche ?
Nous aurions attendu une loi d’orientation qui aurait pu se fonder sur le travail engagé depuis plus de cinq ans par notre assemblée, tout particulièrement par notre commission des affaires économiques, au sein de laquelle, sous l’égide de nos collègues MM. Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, un groupe de travail avait établi un rapport très approfondi sur les enjeux et aussi sur les limites acceptables de ces technologies. Quel gâchis de passer par pertes et profits cette mine de renseignements ?
Pour avoir fait partie de ce groupe de travail, je peux vous assurer qu’il a permis d’éclairer nos collègues, toutes sensibilités politiques confondues, dans un climat constructif, ouvert et serein, à l’opposé de celui qui a entouré le parcours parlementaire de votre projet de loi.
Quelle hypocrisie, enfin, de continuer à importer plus de 4 millions de tonnes de soja modifié en prétendant être le pays le plus avancé dans la protection de la biodiversité !
Comment pouvez-vous parler de transparence en refusant des commissions locales d’information et de suivi lors d’essais aux champs forcément nécessaires ?
Je m’arrêterai là sur le fond. J’avais déjà évoqué un certain nombre de sujets lors de la deuxième lecture de ce texte. Mais je vous demande de comprendre mon amertume de scientifique pour cette occasion gâchée.
Quant à la forme, je n’évoquerai ici que la mascarade de débat qui a prévalu lors de la deuxième lecture devant notre assemblée en fauchant volontairement (Sourires.) tous les amendements et en proposant un vote conforme, à l’exception d’ailleurs d’un amendement imposé à notre rapporteur, vidant de tout son sens l’article 1er, en se référant à une norme virtuelle et qui ne définit d’ailleurs pas le « sans OGM ».
Vous avez d’ailleurs persisté, en commission mixte paritaire – et c’est là votre seule cohérence sur ce texte – en imposant, là aussi, un vote conforme. Quelle frustration – je vous le dis sincèrement – pour tous ceux qui ont essayé honnêtement de s’investir sur le fond alors que ce sujet méritait un débat d’orientation sur les enjeux internationaux que représentent les biotechnologies ! Je ne prendrai comme exemple que les investissements américains, indiens, chinois et coréens. Ces pays ne passent pourtant pas pour des philosophes ni des philanthropes, d’ailleurs !
Ainsi que l’a justement souligné notre collègue Yves Détraigne tout à l’heure, seule une coordination de la recherche au niveau européen dans le domaine des biotechnologies nous fera encore exister au niveau international.
Face à cette mascarade, ce semblant de débat, les sénateurs socialistes se refusent à cautionner le déni de démocratie qui a prévalu à partir de la deuxième lecture dans notre assemblée. C’est pourquoi nous ne participerons pas au vote et nous nous adresserons au Conseil constitutionnel sur la forme.
Pour conclure, je paraphraserai un philosophe, en disant : « Mesdames, messieurs les faucheurs, bonsoir ! »
M. Charles Revet. Ce n’est pas une bonne fin. C’est dommage, car l’intervention était globalement bonne !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré que le débat sur les OGM avait été un bel exercice de la vie démocratique ; nous sommes au regret de vous contredire, car, bien au contraire, ce texte est particulièrement symptomatique du déficit démocratique des politiques du Gouvernement à la fois dans l’absence de prise en compte de la volonté de nos concitoyens et vis-à-vis de l’expression du Parlement.
Alors que la grande majorité des Français se déclare opposée à la culture et à la commercialisation à des fins alimentaires des OGM, vous avez choisi de mépriser leur sentiment de défiance envers les organismes génétiquement modifiés et, pour ce faire, vous avez voulu réduire le débat à une simple opposition entre obscurantisme et progrès scientifique.
Le texte relatif aux organismes génétiquement modifiés ne prévoit, d’ailleurs, aucun contre-pouvoir démocratique représentant la population ni même les producteurs.
De plus, à l’heure où certains veulent faire croire, à travers la réforme des institutions, que le Parlement sera doté de plus de pouvoirs, le Gouvernement multiplie les atteintes à cette institution, jusqu’à nier l’expression de sa volonté. Je fais référence, vous l’aurez compris, au passage en force qui a débouché sur la constitution d’une commission mixte paritaire, alors même que la motion tendant à opposer la question préalable avait été adoptée par 1’Assemblée nationale.
Je ne souhaite pas ici entrer dans l’examen détaillé de la Constitution ou des règlements des assemblées. Mais, quelle que soit l’interprétation experte qui pourrait en être donnée, ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui le Gouvernement a fait le choix politique de lire ces textes de façon à nier l’expression de la volonté de la représentation nationale quand celle-ci ne lui convenait pas.
C’est ce même Gouvernement qui annonçait déjà la suppression par le Sénat de l’amendement Chassaigne tout juste voté ! Cet amendement a pourtant reçu un large soutien. Il a recueilli des milliers de signatures et a suscité au sein même de la majorité parlementaire et du Gouvernement des réactions révélatrices d’une absence de consensus autour de ce projet de loi. Cet amendement revendiquait la richesse des produits de qualité, des appellations d’origine contrôlées, des labels. Mais le Sénat a fait le choix de se ranger du côté de la standardisation et de l’uniformisation des cultures.
La commission des affaires économiques, fort opportunément, a proposé de soumettre la définition du « sans OGM » à la définition communautaire. Or, à l’heure actuelle, si une telle définition n’existe pas, nous craignons qu’il n’y ait là la volonté de réduire la portée de l’exigence d’une absence totale d’OGM, exigence qui vous gêne tant.
De plus, les débats que nous avons eus sur le seuil de détectabilité et le seuil d’étiquetage ne laissent pas beaucoup d’espoir en ce qui concerne le renvoi à un décret en Conseil d’État, introduit par le Sénat. Ce renvoi laisse au Gouvernement toute latitude pour vider de son sens l’amendement protecteur de notre collègue et ami le député André Chassaigne.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen considèrent qu’il aurait été préférable que le Gouvernement tire les leçons du contenu et de la tenue très chaotique des débats, en présentant un nouveau texte.
S’il plaît à M. le député Jean-François Copé de justifier l’adoption de la question préalable défendue par les communistes à l’Assemblée nationale par un absentéisme inconscient, en jetant du même coup le discrédit sur le sérieux du travail des députés de la majorité, nous pensons qu’une telle explication est par trop simpliste.
En réalité, cet événement est symptomatique du doute qui s’est installé sur les bancs de la majorité et du Gouvernement tout au long des débats. Les enjeux en termes de santé publique ou de protection de l’environnement, le caractère irréversible de la dissémination, de la généralisation de la culture des OGM en plein champ et de leur commercialisation sont tels qu’il est inconscient de feindre de les ignorer.
Quelle crédibilité accorder au Président de la République qui persiste à dire que la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM est une avancée du texte, alors même que le caractère irréversible des contaminations des cultures « sans OGM » par les cultures OGM a été confirmé par le Gouvernement ? Comment osez-vous faire la promotion d’une agriculture que votre projet de loi met en péril ? Je pense ici, par exemple, à votre volonté d’imposer des produits bio dans les restaurants scolaires.
Sur le dossier OGM, comme sur d’autres, vos paroles et vos actions sont en totale contradiction. Vous vous félicitez d’un texte qui va permettre la généralisation des cultures OGM alors que l’absence de danger pour les hommes, la faune et la flore n’a pas été démontrée. Et vous vous réjouissez d’avoir tiré les conséquences – c’est la moindre des choses – d’une mise en garde sur les effets du maïs Monsanto 810.
Que ce soit le Président de la République, M. le ministre ou vous-même, madame la secrétaire d’État, vous n’avez de cesse de vous féliciter d’avoir actionné la clause de sauvegarde. Et pour renforcer encore vos prétendus mérites, vous affirmez que cela n’a pas été facile. Mais qu’est-ce qui n’a pas été facile ? La tentation de céder aux intérêts mercantiles au détriment de la protection de la santé publique et de l’intérêt général ? Car, au fond, il n’y a rien de compliqué à faire jouer une exception prévue par le droit communautaire et justifiée par l’existence de doutes sérieux pesant sur l’innocuité du maïs Monsanto 810.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont exposé leurs critiques tout au long des débats. Nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi ; vous ne serez donc pas étonnée, madame la secrétaire d’État, que nous affirmions à nouveau, pour des raisons d’impératifs de santé publique, de préservation de l’environnement et de la biodiversité, notre ferme opposition à ce projet. Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, attendue depuis 2002, la loi OGM censée transcrire en droit national la directive européenne CE/2001-18 visait également à traduire dans nos textes les orientations issues du Grenelle de l’environnement et avait même été présentée comme un moyen de permettre l’arrêt des opérations de désobéissance civile dans nos campagnes.
Le dialogue sociétal qui avait été instauré entre les parties prenantes, en mettant l’expression de la société civile au cœur d’une démarche plébiscitée à juste titre par l’opinion publique, avait débouché sur des orientations fortes, notamment la garantie d’une liberté fondamentale : être en mesure de pouvoir « produire et consommer sans OGM ». Hélas, la formidable dynamique enclenchée lors du Grenelle de l’environnement n’est plus qu’un souvenir !
Au risque de vous surprendre, permettez-moi de faire référence à la réflexion du mahatma Gandhi - Machiavel ou Gandhi : à chacun ses références politiques ! - : « La fin est dans les moyens comme l’arbre dans la graine. »
À cet égard, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne peux que constater et dénoncer le passage en force du Gouvernement et sa majorité sur ce dossier complexe et sensible.
D’abord, le Gouvernement convoque une commission mixte paritaire alors que la deuxième lecture à l’Assemblée n’a pas eu lieu puisqu’elle a été interrompue par le rejet du texte à l’issue de la question préalable.
Sur la forme, cette démarche ne respecte pas l’article 45 de notre Constitution.
Sur le fond, le rejet du texte dans sa globalité invitait évidemment le Gouvernement à proposer un nouveau texte, enfin équilibré, qui réponde véritablement aux attentes de nos concitoyens.
Ensuite, le Gouvernement verrouille complètement la commission mixte paritaire. En refusant d’y examiner le moindre amendement, y compris sur l’article 1er, qui restait en discussion, le président Patrick Ollier a littéralement interdit de travail parlementaire les sénateurs présents. Et je me dois de souligner le refus obstiné de ce dernier de discuter de la définition du seuil de contamination des cultures et de l’environnement.
Au final, la commission mixte paritaire aux ordres a validé un texte qui reflète la méthode employée et qui, objectivement, trahit les engagements du Grenelle de l’environnement.
À l’issue du processus parlementaire conclu par ce coup de force, je suis au regret de devoir relever trois violations caractérisées du Grenelle de l’environnement.
Première violation, la question du « sans OGM » a été mal traitée. Dans ses conclusions, le Grenelle de l’environnement consacrait à juste titre la nécessité de garantir la liberté de produire et de consommer « sans OGM » : la loi se doit en effet de protéger le faible. Mais, dans son discours du 25 octobre 2007, interprétant très personnellement ces conclusions, le Président de la République dénaturait cette légitime précaution en introduisant une nouvelle donne : la liberté de produire « avec ou sans OGM », comme si les deux concepts étaient équivalents !
La négation de la dissymétrie pour l’environnement entre des cultures traditionnelles et des cultures d’OGM – par exemple, capables de résister à l’imprégnation totale par un herbicide, ou secrétant en permanence un insecticide – est une hérésie du point de vue scientifique. L’ensemble du texte souffre de cette équivalence erronée entre cultures « avec OGM » ou « sans OGM ».
Plus grave encore, l’affichage de la « protection des cultures qualifiées sans OGM » – permis par l’amendement n° 252, présenté par M. Chassaigne à l’Assemblée nationale et adopté grâce à l’avis de sagesse rendu par Mme la secrétaire d’État, que je remercie – est devenu un leurre. En effet, la définition légale du « sans OGM » a été reportée aux calendes grecques par l’amendement de M. Bizet, puis refusée en commission mixte paritaire !
Pourtant, que l’on soit promoteur zélé ou opposé au déferlement des OGM dans nos campagnes, une définition rigoureuse par la loi du « sans OGM » s’imposait, une définition scientifique, c’est-à-dire avec un seuil de détection technique reproductible.
Nous savons tous que cette définition du « sans OGM » est centrale. Le nombre et l’indemnisation des victimes des contaminations ainsi que la définition, « espèce par espèce », des périmètres d’isolement – effectivement protecteurs par rapport aux cultures OGM incriminées – dépendent très directement de ce fameux seuil. La définition scientifique du seuil de contamination transcende évidemment les clivages politiques : ma collègue Fabienne Keller et moi-même l’avons démontré. Mais les interventions des lobbies productivistes et de l’agro-industrie ont manifestement plus pesé que l’intérêt général !
Deuxième violation, le Haut Conseil est dénaturé. Le dialogue fructueux entre communauté scientifique et représentants de la société civile, expérimenté avec succès lors du Grenelle de l’environnement, est définitivement enterré : après, ou plus précisément, au moyen de « l’exécution », à deux heures trente-huit du matin, de notre collègue Jean-François Le Grand, « mort debout mais qui remue encore » – je cite ici les propos de notre collègue rapporteur Jean Bizet –, la société civile est désormais confinée dans un rôle de faire-valoir, réduite à faire de simples recommandations qui ne pèseront rien, personne n’est dupe, par rapport aux avis dits « scientifiques ».
Troisième violation, le principe de responsabilité est bafoué. Les procédures d’indemnisation des victimes sont soumises à des conditions restrictives inacceptables qui en limitent considérablement la portée : la charge de la preuve à établir par les victimes, la sous-estimation du nombre de victimes de contaminations effectivement prises en compte, faute d’une définition scientifique du seuil de contamination, et la sous-estimation du montant des préjudices subis, économiques, moraux et environnementaux.
Dans la même veine, les coûts de traçabilité des filières de qualité, labels AOC et autres cultures « qualifiées sans OGM », restent à la charge des producteurs concernés, qui n’ont pas demandé l’introduction de ces événements génétiques nouveaux dans les campagnes : ces cultures d’OGM menacent objectivement, sur le plan économique, leurs productions.
En définitive, cette loi consacre implicitement un nouveau grand principe : le principe du « pollué-payeur » !
Non, madame la secrétaire d’État, vous ne pouvez pas vous permettre de dire que cette loi est la plus respectueuse au monde du principe de précaution ! C’est tout simplement faux ! Il suffit, pour s’en convaincre, d’analyser celles de nos voisins les plus proches, allemands, autrichiens ou suisses, par exemple.
Au final, le « Grenelle des OGM » n’aura été qu’un vaste écran de fumée, incapable de dissimuler une situation décidément récurrente : les lobbies semenciers et agricoles productivistes, complaisamment relayés par une majorité globalement aux ordres, continuent de faire la loi dans notre pays. Qu’il s’agisse de son contenu ou du déroulement des procédures d’adoption, cette loi sur les OGM, tant attendue par nos concitoyens et par les instances européennes, apparaît comme une véritable provocation : voudrait-on rallumer les conflits dans les campagnes, que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne pouvons que voter contre cette première grande loi d’application du Grenelle de l’environnement qui trahit les attentes de nos concitoyens. Cette loi « grenellement incompatible » porte même atteinte à plusieurs principes constitutionnels : la liberté d’entreprendre, le droit de propriété des producteurs « sans OGM », ainsi que le respect du principe de précaution proclamé par la Charte de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?….
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer après l’Assemblée nationale, il statue par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.