M. Guy Fischer. Pourquoi ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’amendement n° 60 a pour objet de remplacer le terme « éléments » par le terme « motifs ». Il me semble que le mot « éléments » est plus large que le mot « motifs », même si ce dernier est peut-être juridiquement plus précis.
Je serais heureux de connaître la position du Gouvernement sur ce point.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Encore faut-il que le Gouvernement ait des éléments !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission serait assez encline à s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’amendement n° 42 a pour d’objet d’élargir, à notre avis de manière excessive, les obligations d’information à la charge de l’employeur.
En effet, les stagiaires ne sont pas titulaires d’un contrat de travail et les salariés à temps partiel ne peuvent pas être assimilés à des titulaires d’un contrat précaire. De plus, puisque les contrats aidés sont des contrats à durée déterminée, ils sont couverts par l’obligation d’information.
Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Madame David, tous les contrats évoqués dans l’amendement n° 61 étant des CDD, ils sont de fait couverts par l’obligation d’information. L’adoption d’une telle mesure n’apporterait donc rien de plus par rapport à ce qui est proposé dans le projet de loi. Au contraire, elle aurait pour effet d’allonger inutilement la rédaction du texte, alors même que vous avez d’ores et déjà satisfaction. La commission y est par conséquent défavorable.
Sur l’amendement n° 63, je ferai le même commentaire que pour l’amendement n° 61 et, partant, j’émettrai le même avis défavorable.
Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 62, les partenaires sociaux ont clairement opté pour une information, et non une consultation, du comité d’entreprise. Il y a lieu de respecter leur souhait et la commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Sur les différents amendements, à l’exception de l’amendement n° 1 de la commission, j’émettrai, à l’instar de M. le rapporteur, un avis défavorable.
Monsieur Fischer, dans la mesure où il m’a semblé vous entendre rejeter par avance toute demande éventuelle de retrait, je n’entrerai pas dans le débat. Nous gagnerons ainsi du temps et je ne vous mettrai pas dans l’embarras, ce que je me refuse d’ailleurs à faire, car je déteste cela. (Sourires.)
S’agissant plus particulièrement de l’amendement de précision n° 60, nous préférons le mot « éléments » au mot « motifs », parce qu’il nous semble correspondre beaucoup plus à la position adoptée par les partenaires sociaux.
En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 1 de la commission, qui vise à apporter une précision très utile.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 60.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, je regrette votre avis défavorable sur cet amendement. En effet, tout à l’heure en commission et à l’instant dans l’hémicycle, M. le rapporteur a jugé notre proposition intéressante, estimant qu’elle permettait de reprendre un terme reconnu par le code du travail et la jurisprudence, en l’occurrence le terme « motifs ».
Vous nous répondez qu’il ne correspond pas au terme retenu dans l’ANI. Certes, mais quand le législateur est saisi de la transcription d’un accord, son devoir est tout de même de s’assurer que celle-ci est conforme sur le plan législatif. (M. Jacques Muller approuve.)
Il m’a très souvent été reproché, surtout de la part de certains de mes collègues, de vouloir introduire dans la loi des termes – le premier qui me vient à l’esprit est l’adverbe « notamment » –, qui n’appartiendraient pas au vocabulaire législatif ou qui seraient insuffisamment précis. Combien de fois nous a-t-on demandé de retirer nos amendements pour cette raison !
En l’espèce, l’accord national interprofessionnel signé dans un premier temps par les partenaires sociaux est, certes, un accord national, mais il n’a aucune valeur législative. Or nous ne proposons rien d’autre que d’assurer sa transcription dans les meilleures conditions, pour lui donner force de loi.
Je regrette donc, monsieur le ministre, que vous ne nous suiviez pas dans cette voie et que vous ne teniez pas compte de l’avis de sagesse émis par la commission, car nous souhaitions simplement ne retenir dans ce projet de loi que des termes dont la valeur est reconnue sur le plan juridique.
J’espère que nous n’aurons pas, dans quelques jours ou quelques semaines, à modifier cette formulation au motif qu’elle ne serait pas valable et qu’elle n’aurait pas dû figurer dans ce texte.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 42 n’a plus d’objet.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 61.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, j’aurais aimé que vous repreniez à votre compte les explications de M. le rapporteur sur les amendements nos 61 et 63, par lesquels nous proposons d’ajouter les contrats précaires aux contrats figurant à l’article 1er.
Si vous nous assurez, à l’instar de M. le rapporteur, que ces contrats précaires sont effectivement d’ores et déjà inclus dans la liste, prévue par le code du travail, des contrats étudiés régulièrement par les comités d’entreprise, je suis prête à retirer ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le président. Dans ces conditions, madame David, les amendements nos 61 et 63 sont-ils maintenus ?
Mme Annie David. Non, monsieur le président, je les retire.
M. Xavier Bertrand, ministre. Merci de votre confiance, madame David ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. N’allez pas trop loin, monsieur le ministre !
M. le président. Les amendements nos 61 et 63 sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 62.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er juillet 2008, les établissements de toute nature ne relevant pas d’un accord conventionnel agréé en matière de travail précaire, employant au moins onze salariés et dont le nombre total de salariés occupés par un contrat de travail autre qu’un contrat à durée indéterminée à temps plein, hormis les travailleurs saisonniers, ou mis à disposition par une entreprise de travail temporaire ou travaillant dans les locaux de l’établissement pour le compte d’une entreprise sous-traitante ou avec un statut de travailleur indépendant, excède 10 % de l’effectif total de l’établissement, durant une année civile, sont assujettis à une taxe de précarité, perçue au profit du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, assise sur l’ensemble des rémunérations brutes, indemnités et prestations de toute nature, payées aux salariés susmentionnés ou aux entreprises dont ils relèvent durant ladite année. Le taux de cette taxe est fixé à 5 %.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à instaurer une « taxe de précarité » pour encourager les entreprises citoyennes, c’est-à-dire celles qui ont recours massivement aux CDI, et dissuader celles qui ont recours massivement aux emplois précaires.
L’accord du 11 janvier 2008 prévoit : « Le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail. » Partant, a contrario, tout autre contrat, notamment le contrat précaire, ne relève pas de la forme normale et générale du contrat de travail.
Je réitère par le biais de cet amendement les nombreuses propositions des Verts, formulées notamment par ma collègue députée Martine Billard, qui visent à limiter le recours au travail précaire. Même s’il a été rétorqué à l’Assemblée nationale qu’une telle mesure n’a pas de rapport avec l’ANI, je tiens à défendre cet amendement, car il me paraît essentiel dans le contexte du marché du travail à deux vitesses que nous connaissons aujourd’hui dans notre pays.
Nous souhaitons ainsi que les entreprises employant au moins onze salariés soient soumises à une taxe de précarité, qui serait perçue dès lors qu’elles emploient de manière permanente des salariés sous contrats autres que les CDI à temps plein. Sont exclus bien sûr de ce dispositif les CDD signés à l’occasion d’un remplacement en cas d’un arrêt maternité, d’un arrêt longue maladie ou d’un travail momentanément supplémentaire.
Pour le reste, on sait très bien que, dans certains secteurs, on emploie systématiquement des salariés en CDD. Ainsi utilise-t-on un salarié pendant six mois ou un an, puis on le met à la porte au terme de son contrat, sans que cela ait un quelconque rapport avec la qualité de son travail, et l’on embauche un nouveau salarié pour réaliser le même travail.
Ce n’est ni plus ni moins qu’un dévoiement de la philosophie du CDD, dévoiement implicitement encouragé puisque les entreprises qui ont massivement recours aux CDD sont avantagées en matière de paiement de cotisations et de divers assujettissements.
Le présent amendement vise donc à rétablir l’équilibre, en assujettissant à une taxe de précarité, perçue au profit du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, les entreprises qui ne méritent pas le titre d’entreprises citoyennes, car elles se développent sur le dos de celles qui respectent le code du travail.
Je souligne que cette proposition ne relève pas de la volonté du « tout-impôt » et je rappelle à cet effet que, lors des débats à l’Assemblée nationale, M. Francis Vercamer, député du Nouveau centre, a considéré qu’il s’agissait d’une bonne mesure : « Cette idée de bonus-malus n’est tout de même pas à rejeter ; elle est même bonne si elle implique que plus on a recours aux contrats précaires, plus on doit participer à l’effort de solidarité nationale et que, inversement, plus les entreprises utilisent des CDI, moins elles ont à participer à la solidarité nationale. »
À l’instar de mon collègue, j’invite la Haute Assemblée à faire la preuve de sa volonté de dépasser les clivages politiques en votant ce dispositif constructif, qui vise à protéger le CDI et à lutter contre une forme de dumping social pratiquée de manière déloyale par de trop nombreuses entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement, qui vise à créer une taxe nouvelle à la charge des entreprises employant des salariés en contrats précaires.
Trois raisons essentielles peuvent être avancées : tout d’abord, cette proposition s’écarte totalement des termes de l’accord ; ensuite, elle est contraire à la politique d’allégement des charges des entreprises ; enfin, elle fixe arbitrairement comme base de référence un taux de 10 %.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. L’examen de cet amendement me paraît une occasion profitable pour essayer de nous expliquer sur l’emploi à durée déterminée et de connaître l’analyse que fait le Gouvernement de l’explosion du nombre de ces contrats qu’on appelait autrefois « atypiques », mais qu’on ne saurait aujourd’hui continuer à dénommer ainsi dans la mesure où les trois quarts des embauches se font sous le régime du contrat de travail à durée déterminée et de l’intérim. (Mme Annie David acquiesce.)
Ce qui s’est passé mérite une explication. Au départ, la formule du CDD avait été imaginée, aux dires de ses concepteurs, comme un instrument de souplesse. Pour avoir moi-même participé à quelques-uns des débats de l’époque, je peux vous dire que l’on avait déjà beaucoup discuté pour savoir s’il ne s’agissait pas plutôt d’un dévoiement du CDI. On nous avait alors assuré, la main sur le cœur, que, bien au contraire, le CDD constituait un outil moderne permettant de répondre aux éventuels « coups d’accordéon » dans la production.
Or, aujourd’hui, cette dernière progresse, et la richesse globale du pays s’accroît. Personne ne peut donc plus affirmer que la production connaît, en France, des coups d’accordéon tels que cela justifie d’en être arrivés à 6 % de titulaires de CDD et de contrats d’intérim parmi la population active. Sans parler du temps partiel contraint, qui concerne 300 000 personnes de plus qu’il y a quatre ans.
Si je pose la question à cet instant du débat, c’est parce que j’ai eu l’honneur, comme tout parlementaire est en droit de le faire, de la poser à plusieurs reprises par écrit, la dernière fois le 21 décembre 2006, et ce à l’attention des différents ministres délégués à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Or je n’ai jamais reçu de réponse !
Par conséquent, voilà un phénomène qui semble n’avoir aucune explication et qui pourtant mériterait à mes yeux d’en avoir. D’ailleurs, j’en verrais bien une : c’est celle qui vient le plus facilement à l’esprit, mais elle ne me convient pas totalement parce qu’elle suppose que les employeurs auraient eu l’intention de dévoyer la procédure ; néanmoins, certains éléments semblent confirmer cette hypothèse.
Monsieur le ministre, ce problème dépasse le simple cadre de la négociation entre les deux parties concernées et relève de la défense de l’intérêt général. Si vous n’envisagez aucun dispositif pour y remédier, que comptez-vous faire pour lutter contre ces abus à répétition, dont j’ai quelques exemples sous les yeux que je vais vous citer ?
En janvier 2008, la société Peugeot, qui n’est tout de même pas un « traîne-patins » économique ou un « traîne-misère » financier, a été condamnée pour la cent cinquantième fois pour recours abusif à l’intérim pour quatorze salariés. C’est dire que la condamnation lui importe peu ; sinon, elle se serait arrêtée à la deuxième !
Autre exemple : en décembre 2007, Cofiroute a été condamnée pour la douzième fois pour avoir contraint certains salariés à cumuler entre soixante-dix et cent cinquante CDD, sur des durées s’échelonnant de deux à quatre ans.
Qui oserait parler de « coups d’accordéon » de la production à propos de ces deux entreprises importantes, qui ne sauraient être considérées comme des maillons faibles de notre économie ?
En septembre 2007, en février et en avril 2008, La Poste a été condamnée à trois reprises pour recours abusif aux CDD. La Poste, mes chers collègues, rendez-vous compte : il s’agit tout de même d’une institution aussi stable que les colonnes du temple ! (Sourires.) Sept cents CDD pour une salariée pendant treize ans et deux cent soixante-seize CDD pour une autre pendant trente ans !
À l’évidence, ce n’est pas faire un mauvais procès que de dire qu’il y a un abus permanent du dispositif, observable de la manière la plus facile qui soit. Quelle attitude adopter face à cette situation ? On laisse faire ou bien on adopte une logique d’intérêt général ?
L’amendement proposé semble tout à fait correspondre au système habituel du bonus-malus. Il serait moral d’inciter à la retenue celui qui contribue à la précarisation d’une manière abusive en lui faisant prendre conscience qu’une telle conduite peut lui coûter cher. Car, en définitive, c’est bien la société tout entière qui prend en charge les conséquences de ces abus en termes de santé et de vie quotidienne des travailleurs en situation précaire.
Le mouvement socialiste a beaucoup réfléchi à cette question. Notre programme prévoyait ainsi de moduler - et non de réduire - les cotisations sociales. Vous noterez que je parle de « cotisations sociales » et non de charges sociales, car il est particulièrement agaçant de toujours entendre qualifier ces contributions de « charges », terme totalement abusif. Il s’agit de cotisations versées dans l’intérêt général ; c’est en effet le seul mode de financement possible.
Nous avions donc proposé que les cotisations sociales soient modulées en fonction de l’importance du recours à telle ou telle forme de contrat de travail.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous nous éclairiez, afin que nous puissions comprendre les raisons pour lesquelles, pour l’instant en tout cas - mais peut-être n’ai-je pas tout compris -, vous entendez ne rien faire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Mélenchon, je ne voudrais pas faire de retour en arrière trop imprudent ou trop impudent, mais, sauf erreur de ma part, les contrats intérimaires ne sont-ils pas nés en 1982 ? Qui était au pouvoir à l’époque ? La gauche !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vérifierai ! Vous m’avez déjà fait le coup une fois et c’était un bobard !
M. Xavier Bertrand, ministre. La gauche au pouvoir en 1982, c’est un bobard ? Je vous laisse la paternité du propos ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas ce que je voulais dire ! Respectez mes opinions et mes arguments !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je respecte vos opinions, monsieur le sénateur, mais laissez-moi poursuivre !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous m’avez posé une question. Permettez-moi de vous répondre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, avec l’autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce qui était un bobard, monsieur le ministre, ce n’était pas le fait que nous ayons été au pouvoir en 1982.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je faisais référence à une discussion qui a eu lieu dans cet hémicycle sur le service minimum. Vous aviez alors affirmé sur le même ton comminatoire que vous employez aujourd’hui que, en 1982, c’était la gauche qui avait instauré les retenues sur salaire pour les jours de grève et vous en tiriez la conclusion que cela vous habilitait à prolonger le processus. Or, vérification faite pendant le repas, la gauche avait en réalité modifié la rédaction de l’article en question afin de supprimer la disposition prévoyant que, pour une heure de grève, la pénalisation s’appliquait à la journée entière. Me souvenant de cette discussion, je vérifierai chacune de vos affirmations !
Après cette affirmation erronée, pour laquelle vous n’avez formulé aucune excuse, vous n’êtes plus crédible ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’agit d’un a priori ou d’un procès d’intention, car vous ne m’avez même pas laissé finir ma phrase !
Je veux bien refaire l’histoire de cet article : je me souviens très bien, car j’ai un peu de mémoire, que la disposition en question a été ajoutée sous un gouvernement de gauche. Nous aurions pu en débattre plus largement, mais vous ne m’aviez pas invité à votre repas.
Toujours est-il que je souhaite compléter mon propos. Qui était au pouvoir en 1990, lorsque le contrat à durée déterminé a été créé ? François Mitterrand ! Je veux donc bien tout entendre sur les contrats précaires, mais si l’on fait une recherche en paternité, on s’aperçoit que c’est bien souvent la gauche qui les a mis en place ! (Eh oui ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est inacceptable ! Il s’agit ici de dévoyer ces contrats !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. La question est de savoir non pas si l’on est pour ou contre les CDD, mais si l’on accepte ou non leur dévoiement. La réponse de M. le ministre est inacceptable !
Article 2
I. - Le chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Période d'essai
« Art. L. 1221-19. - Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :
« 1° Pour les ouvriers et les employés de deux mois ;
« 2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens de trois mois ;
« 3° Pour les cadres de quatre mois.
« Art. L. 1221-19-1. - La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
« Art. L. 1221-20. - La période d'essai ne peut être renouvelée qu'une fois et que si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
« La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
« 1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
« 2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
« 3° Huit mois pour les cadres.
« Art. L. 1221-21. - Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-20 ont un caractère impératif à l'exception :
« - de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° du portant modernisation du marché du travail ;
« - de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° du portant modernisation du marché du travail ;
« - de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
« Art. L. 1221-22. - La période d'essai ne se présume pas. Elle est expressément stipulée dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
« Art. L. 1221-23. - En cas d'embauche dans l'entreprise à l'issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de ce stage est déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables.
« Art. L. 1221-24. - Lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
« 1° Quarante-huit heures au cours du premier mois de présence ;
« 2° Deux semaines après un mois de présence ;
« 3° Un mois après trois mois de présence.
« La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
« Art. L. 1221-25. - Lorsqu'il est mis fin à la période d'essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. »
II. - Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1221-21 du code du travail, les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de la présente loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Je suis d’accord avec mon collègue Jacques Muller : il s’agit non pas de rechercher la paternité des CDD, mais de savoir ce que l’on en fait aujourd’hui et d’en empêcher la prolifération. Pour mener ce débat à son terme, nous devons rester sereins et nous respecter les uns les autres.
S’agissant de l’article 2, je veux saluer avant toute chose – une fois n’est pas coutume ! - la sagesse de nos collègues députés, qui ont adopté un amendement déposé par le groupe de la gauche démocrate et républicaine, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était sage, en effet !
Mme Annie David. ... défendu par notre collègue Roland Muzeau et visant à préciser la finalité de la période d’essai.
Cette disposition, équilibrée dans les droits qu’elle fait naître, précise : « La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».
Cet ajout est logique puisqu’il reprend la définition donnée à la période d’essai par les partenaires sociaux lors de l’adoption de l’ANI, une disposition qui, curieusement, n’a pas fait l’objet d’une transposition dans le projet de loi. J’avais pourtant cru comprendre qu’il s’agissait pour le Gouvernement de reprendre dans la loi l’intégralité de l’ANI. Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale avait même invité les législateurs à ne pas l’amender, par respect pour le dialogue social. Ce texte apparaît pourtant incomplet et « censuré », en ce qui concerne tout au moins cette disposition, par le Gouvernement.
Notre collègue Pierre Bernard-Reymond est, quant à lui, plus mesuré, et je le comprends, lorsqu’il déclare : « Il convient de trouver la voie étroite qui concilie le respect de l’accord des partenaires sociaux et celui des responsabilités du législateur ».
Alors, pourquoi cet oubli ? N’est-ce pas tout simplement parce que définir précisément la notion de période d’essai, c’est donner au salarié la possibilité de faire valoir ses droits en la matière ? On ne peut donc que se féliciter de l’adoption de cet amendement.
Pour autant, et malgré cet ajout, cet article aura pour effet d’accroître considérablement la durée des périodes d’essai, puisque celles-ci seront comprises entre deux et quatre mois maximum pour les ouvriers et employés, entre trois et six mois maximum pour les agents de maîtrise et les techniciens, et entre quatre et huit mois maximum pour les cadres, période de renouvellement comprise.
Il est clair que cette disposition est l’un des compromis imposés aux partenaires sociaux en compensation de la suppression du CNE. Souvenons-nous que le patronat était très attaché à ce contrat qui présentait le double avantage d’autoriser le licenciement sans motivation et de disposer, deux années durant, d’un salarié plus corvéable, puisque soumis au risque de rupture de cette période d’essai.
Avec cet article, dans lequel on retrouve purement et simplement la logique des CNE mais aussi des CPE, vous donnez satisfaction au MEDEF, ou encore à la CGPME, en allongeant le plus possible la période pendant laquelle l’employeur peut rompre le contrat sans motif.
Je ne partage naturellement pas l’avis du rapporteur, qui considère que l’allongement de la période d’essai serait de nature à combattre le recours au CDD ou à l’intérim. En quoi une période d’essai de huit mois, renouvellement compris, interdirait-elle à l’employeur de recourir à un certain nombre d’emplois précaires pour satisfaire ce que le patronat nomme les « impératifs du marché » ?
Si l’on envisageait une baisse des recours aux CDD, ce serait aux dépens des salariés en période d’essai, l’employeur pouvant jouer avec le renouvellement et la multiplication des nouveaux contrats pour s’exonérer, dans la durée, des règles applicables en matière de licenciements.
Je souhaite préciser ici notre accord avec le rapporteur lorsqu’il préconise d’instaurer, en faveur des CDD, un délai de prévenance différent suivant la période déjà effectuée. Nous restons toutefois opposés à sa volonté d’en réduire la durée, considérant qu’il s’agit là d’une mesure supplémentaire rendant plus flexible encore le droit du travail.
Dans le même ordre d’idée, nous sommes opposés aux principes dérogatoires selon lesquels les conventions collectives et accords de branche prévoyant des périodes d’essai plus courtes que celles qui figurent dans la loi ne devraient plus avoir cours, alors que ceux prévoyant des durées plus longues continueraient de s’appliquer jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention.
Peut-être cette mesure s’explique-t-elle par votre volonté de favoriser le dialogue social ! En effet, vous renvoyez à plus tard une mesure favorable aux salariés, espérant que le dialogue social la maintiendra, ou la supprimera ... Il est vrai qu’il ne faut pas trop en demander au patronat : vous risqueriez de le contrarier et, alors, bonjour les délocalisations !
S’il est vrai qu’il existait auparavant un grand nombre de conventions stipulant des périodes d’essai différentes, ce qui rendait sans doute nécessaire une harmonisation, pourquoi celle-ci devrait-elle se faire dans le sens d’un recul pour les salariés ? Pourquoi ne l’avez-vous pas envisagée en respectant les branches professionnelles, ce qui aurait donné du sens à la « valeur travail » que défend votre gouvernement ?