Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Désignation d'un sénateur en mission
3. Modification de l'ordre du jour
Question de Mme Thérèse Hermange. – Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; Marie-Thérèse Hermange.
Statut des permanenciers auxiliaires de régulation médicale
Question de M. Jean-Paul Emorine. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; M. Jean-Paul Emorine.
évolution du régime juridique applicable aux enfants nés sans vie
Question de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; M. Jean-Pierre Godefroy.
Avenir de l'hôtellerie familiale en Haute-Savoie
Question de M. Jean-Paul Amoudry. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; M. Jean-Paul Amoudry.
Avenir du financement par l'État de l'association "Scènes et Territoires en Lorraine"
Question de M. Daniel Reiner. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; M. Daniel Reiner.
désaffection des services publics en zone rurale
Question de M. Claude Domeizel. – MM. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Claude Domeizel.
présence de transpondeurs sur les navires circulant dans les eaux communautaires
Question de M. Roland Courteau. – MM. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Roland Courteau.
réglementation sur les donations à titre gratuit de parcelles agricoles
Question de M. Philippe Richert. – M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Mme Catherine Procaccia en remplacement de M. Philippe Richert.
maintien et développement de l’offre de formation publique dans l’enseignement agricole
Question de Mme Marie-France Beaufils. – M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Mme Marie-France Beaufils.
Projet d’abandon de la garnison du 7e bataillon de chasseurs alpins à Bourg-Saint-Maurice
Question de M. Thierry Repentin. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Thierry Repentin.
situation financière des travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ESAT)
Question de Mme Nicole Bricq. – Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Nicole Bricq.
gratification des stagiaires étudiants en travail social
Question de M. Thierry Foucaud. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, M. Thierry Foucaud.
emplois spécifiques de la fonction publique territoriale
Question de M. Georges Mouly. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Georges Mouly.
numéros d’appel surtaxés des administrations
Question de Mme Catherine Procaccia. –.Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Catherine Procaccia.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
5. Modernisation du marché du travail. – Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence.
Discussion générale : Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; MM. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Christiane Demontès, M. Louis Souvet.
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
Mme Annie David, MM. Jacques Muller, Serge Dassault.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 56 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 39 de Mme Raymonde Le Texier – Mme Raymonde Le Texier, M. le rapporteur. – Rejet.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
Mme Annie David, M. Jean-Luc Mélenchon.
Amendement n° 57 de Mme Annie David ; amendements identiques nos 41 de M. Jacques Muller et 58 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, Jacques Muller, le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Mélenchon, Mme Annie David. – Rejet des trois amendements.
Amendements nos 59 à 63 de Mme Annie David, 25 de Mme Christiane Demontès, 1 de la commission et 42 de M. Jacques Muller. – Mmes Annie David, Christiane Demontès, MM. Guy Fischer, le rapporteur, Jacques Muller, le ministre. – Retrait des amendements nos 61 et 63 ; rejet des amendements nos 59, 25, 60 et 62 ; adoption de l’amendement no 1, l’amendement no 42 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 43 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Mélenchon. – Rejet.
MM. le ministre, Jean-Luc Mélenchon, Jacques Muller.
Mme Annie David, M. Jean-Luc Mélenchon.
Amendements identiques nos 44 de M. Jacques Muller et 64 de Mme Annie David. – M. Jacques Muller, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 27 de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 65 de Mme Annie David et 45 de M. Jacques Muller. – MM. Guy Fischer, Jacques Muller, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 26 de Mme Christiane Demontès. – Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 2 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 28 de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 66 de Mme Annie David. – Rejet.
Amendements identiques nos 29 de Mme Christiane Demontès et 67 de Mme Annie David. – Mmes Christiane Demontès, Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendements nos 3 rectifié de la commission et 68 de Mme Annie David. – M. le rapporteur, Mme Annie David, M. le ministre. – Retrait de l’amendement no 68 ; adoption de l’amendement no 3 rectifié.
Amendement n° 30 de Mme Christiane Demontès ; amendements identiques nos 46 de M. Jacques Muller et 69 de Mme Annie David. – MM. Jean-Pierre Godefroy, Jacques Muller, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Jean-Luc Mélenchon, Mmes Christiane Demontès, Annie David, MM. Michel Bécot, Jean-Marie Vanlerenberghe. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 4 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission, Mme Annie David, M. Jean-Luc Mélenchon. – Adoption.
Amendements nos 5 de la commission et 70 de Mme Annie David. – M. le rapporteur, Mme Annie David, M. le ministre. – Adoption de l’amendement no 5, l’amendement no 70 devenant sans objet.
Amendements identiques nos 47 de M. Jacques Muller et 71 de Mme Annie David ; amendement n° 6 de la commission. – MM. Jacques Muller, Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 47 et 71 ; adoption de l’amendement no 6.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 49 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Annie David. , M. Jean-Luc Mélenchon.
Amendement n° 72 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
M. le ministre.
Amendement n° 88 de Mme Annie David. – Mme Annie David. – Retrait.
Amendements identiques nos 50 de M. Jacques Muller et 73 de Mme Annie David ; amendements nos 7 de la commission et 31 de Mme Christiane Demontès. – MM. Jacques Muller, Guy Fischer, le rapporteur, Mme Christiane Demontès, M. le ministre. – Rejet des amendements nos 50, 73 et 31 ; adoption de l’amendement no 7.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
6. Transmission d’un projet de loi
7. Dépôt de propositions de loi
8. Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution
9. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 29 avril 2008
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Désignation d'un sénateur en mission
M. le président. Par courrier en date du 29 avril 2008, le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, en mission temporaire auprès de M. le secrétaire d’État chargé des transports.
Cette mission portera sur l’organisation du système ferroviaire.
Acte est donné de cette communication.
3
Modification de l'ordre du jour
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 180 de M. Francis Grignon est retirée, à la demande de son auteur, de l’ordre du jour de la séance de ce jour, pour être reportée à la séance du 20 mai.
J’informe par ailleurs le Sénat que les questions orales n° 237 de M. José Balarello, n° 239 de M. Jean Boyer et n° 240 de M. Simon Sutour sont inscrites à l’ordre du jour de la séance du 20 mai et que la question orale n° 233 de M. Bernard Cazeau est retirée de l’ordre du jour de cette même séance.
Acte est donné de ces communications.
4
Questions orales
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 196, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le terme programmé, pour la fin 2008, du Plan Maladies Rares.
Ce plan, bien que perfectible, a constitué une avancée importante pour les malades et pour leurs proches.
Quatre millions de Français souffrent d’une ou de plusieurs des 8 000 maladies orphelines répertoriées. En dépit d’une grande hétérogénéité, ces maladies présentent des caractéristiques communes. Très souvent graves, chroniques et évolutives, elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital ou impliquer une perte d’autonomie.
Encore difficilement, tardivement identifiables et prévisibles, elles engendrent bien souvent chez les malades et leur famille un sentiment d’exclusion et génèrent une souffrance morale due à l’absence de traitement.
Ces maladies, délaissées par la recherche médicale, étaient comptabilisées grâce au point indice synthétique d’activité, ISA – j’ignore, madame la ministre, s’il en est de même avec la tarification à l’activité, T2A – dans le groupe homogène de malades, GHM. Il est quelque peu paradoxal qu’une maladie orpheline, qui nécessite un personnel spécifique, soit comptabilisée dans un groupe homogène de malades !
L’objet de ma question est de savoir si le Gouvernement a l’intention de prolonger ce plan et d’obtenir des assurances sur certains points.
Vous m’avez indiqué, en réponse à un récent courrier, que vous réuniriez ce mois-ci le comité de suivi du Plan et qu’un premier bilan serait disponible en septembre 2008.
Les représentants des associations de malades y participeront-ils ? Dans le cadre de la nouvelle comptabilité hospitalière, ces maladies feront-elles l’objet d’un traitement à part ? Enfin, insisterez-vous particulièrement sur les efforts à faire en matière de recherche médicale ? D’ailleurs, ce point n’est pas sans rapport avec la question que j’ai posée la semaine dernière portant sur la recherche en matière de sang de cordon.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu m’interroger sur le devenir du plan maladies rares et je vous en remercie, car c’est un point qui, à juste titre, intéresse beaucoup les parlementaires, d’ailleurs nombreux à me questionner sur ce sujet soit directement, soit par le biais de questions écrites.
Vous le disiez, le plan maladies rares a permis des avancées inespérées. Avant qu’il ne soit élaboré, la prise en charge des 7 000 à 8 000 maladies rares et orphelines, dont près de 80 % sont d’origine génétique, n’était malheureusement pas organisée.
Comme vous le soulignez, ce plan a ainsi permis des avancées majeures dans le diagnostic et dans la prise en charge des patients et de leur famille. La preuve en est que certaines associations dédiées à ces maladies rares n’ont pas hésité à lancer une pétition pour qu’il soit reconduit.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’il a été doté d’un financement public à hauteur de 108,5 millions d’euros, dont 40 millions d’euros destinés à faciliter l’accès aux soins et 43 millions d’euros pour la recherche.
Il a notamment permis la création de plus d’une centaine de centres de référence, qui maintenant permettent de faire un diagnostic et une prise en charge des patients plus précoce et de meilleure qualité.
De plus, les patients atteints de maladies rares bénéficient également du plan d’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques. Ce plan, programmé de 2007 à 2011 et piloté par un comité national présidé par Marie-Thérèse Boisseau, que vous connaissez bien, prend en compte les aspects médico-sociaux des maladies chroniques, ce qui est très important.
Je tiens en outre à préciser que le plan maladies rares a permis à la France d’acquérir une position de leader en Europe sur ce thème, ce qui vaut à notre pays d’être cité en référence lors des conseils des ministres européens de la santé, et la plupart des pays européens, à notre suite, ont élaboré ou sont en train d’élaborer leur propre plan.
Nous allons jouer un rôle moteur pour les maladies rares à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, à partir du 1er juillet 2008. Cette thématique est un sujet fédérateur, pour lequel la dimension européenne peut apporter une réelle plus-value et que j’ai mis au menu de nos travaux. La communication lancée par la Commission européenne devrait pouvoir être adoptée par le Conseil des ministres pendant notre présidence.
La France soutient par ailleurs le développement des coopérations entre États membres en matière non seulement de recherche sur les maladies rares, mais aussi de partage des connaissances et de diffusion de l’expertise au travers de réseaux européens de centres de référence.
Vous conviendrez, madame la sénatrice, qu’on ne saurait imaginer que l’effort engagé par la France dans le cadre du plan maladies rares soit interrompu ; il sera évidemment poursuivi au-delà de 2008 afin de consolider les acquis du premier plan.
L’impulsion donnée à la recherche ne sera pas non plus interrompue, pour toutes les raisons que l’on sait, mais aussi parce que la recherche sur les maladies rares sert la recherche sur les maladies fréquentes.
J’ai confié une mission d’évaluation du plan 2005-2008 au Haut Conseil de la santé publique. Les modalités de la poursuite des actions déjà engagées s’appuieront sur cette évaluation.
Je n’envisage pas non plus que les associations mobilisées sur ce sujet ne soient pas consultées de façon continue. J’ai mis, vous le savez, l’écoute et la participation des associations de malades au cœur de ma politique de santé.
Bien entendu, dans le cadre des nouvelles règles de tarification sur l’hôpital, les maladies rares seront traitées de la façon qui convient et leur spécificité sera reconnue.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, je vous remercie de votre implication.
Je veux également remercier M. le président du Sénat et les services de notre assemblée d’avoir accepté de parrainer prochainement un colloque sur les maladies rares dont nous transmettrons les conclusions.
Puisque vous avez évoqué la question européenne, je ferai, madame la ministre, une observation sur une problématique spécifique, celle de la recherche en matière de médicaments.
Sachant que les médicaments contre les maladies orphelines – comme d’ailleurs les médicaments pédiatriques – n’intéressent pas les laboratoires pharmaceutiques, vous pourriez peut-être organiser à l’occasion de la présidence française un dialogue avec l’agence européenne des médicaments et différents laboratoires pour déterminer quels efforts concrets pourraient être accomplis et faire avancer les choses en matière de recherche comme en matière médicale et sociale.
Statut des permanenciers auxiliaires de régulation médicale
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, auteur de la question n° 226, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
M. Jean-Paul Emorine. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la situation des permanenciers auxiliaires de régulation médicale, les PARM.
Ces permanenciers sont les collaborateurs des médecins régulateurs et ils participent pleinement à l’activité de service public qu’est l’aide médicale urgente, l’AMU.
Ils ont pour mission de réceptionner tous les appels du centre de réception et de régulation des appels, le centre 15, de la demande de renseignement à l’appel urgent, de répondre aux demandes de secours à personnes en provenance du 18 et de gérer la permanence de soins du département.
Chaque appel est bien évidemment enregistré et fait l’objet d’un dossier informatisé.
Les PARM sont incontestablement les intermédiaires entre l’appelant et le médecin, et leur rôle est primordial dans la gestion de l’appel.
Ce rôle est multiple puisqu’ils doivent impérativement localiser le problème, identifier la ou les victimes, questionner l’appelant afin de déterminer le degré d’urgence ainsi que la nature de la demande et de faciliter l’interrogatoire médical, envoyer les moyens de secours après décision médicale, suivre les interventions et assurer l’accueil du patient en milieu hospitalier ou autre.
Les PARM sont donc des éléments essentiels de la chaîne des secours.
Bien qu’ayant conscience de la fragilité du dispositif de l’AMU et des difficultés auxquelles doivent faire face les SAMU, les PARM souhaitent ardemment que leur profession soit revalorisée, avec une reconnaissance statutaire spécifique correspondant à la catégorie B de la fonction publique hospitalière et un reclassement systématique en catégorie B des agents en poste.
Enfin, le métier de PARM nécessitant des compétences pluridisciplinaires et comportant un haut niveau de responsabilités, les permanenciers demandent à ce qu’une formation initiale au métier leur soit dispensée.
Au regard de ces éléments, quelle réponse entendez-vous apporter, madame la ministre, aux 1 600 permanenciers auxiliaires de régulation médicale en France.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu attirer mon attention sur la situation des permanenciers auxiliaires de régulation médicale, plus couramment appelés les PARM.
Vous l’avez rappelé, les PARM constituent aujourd’hui un corps de catégorie C de la filière administrative. Ils sont recrutés par concours sur épreuves ou sur une liste d’aptitude sur laquelle peuvent, sous certaines conditions, être inscrits les standardistes, ainsi que les aides-soignants et aides-soignantes.
Ils tiennent un rôle majeur dans la prise en charge des urgences, raison pour laquelle le plan urgences 2004-2008 a prévu la création de 600 postes de PARM entre 2007 et 2008.
Cette première marque de reconnaissance, que je qualifierai de « démographique », n’étant pas suffisante, le plan prévoyait également une revalorisation de la profession, notamment avec à court terme l’octroi aux PARM d’une nouvelle bonification indiciaire de vingt points par agent.
Ainsi, les agents qui occupent des fonctions de PARM touchent une bonification indiciaire de 60 euros nets chaque mois.
En outre, le plan ouvrait la fonction de PARM aux professionnels paramédicaux et administratifs de catégorie B. Dans les faits, ce sont le plus souvent aujourd'hui des secrétaires médicales et des infirmières.
Le plan prévoyait également un recrutement au niveau du baccalauréat, avec une formation d’adaptation à l’emploi : une formation obligatoire pour les agents nouvellement recrutés a été mise en place en janvier 2005.
Ces avancées sont tout à fait notables et méritaient d’être rappelées devant cette assemblée. J’entends cependant qu’elles ne correspondent pas à une reconnaissance en catégorie B, comme le souhaitent les PARM.
Les services du ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative étudient actuellement cette évolution. Dans cette perspective, ils ont notamment rencontré les organisations syndicales représentatives sur ce sujet.
Par ailleurs, je tiens à souligner que l’actualisation du métier, au sein du répertoire des métiers de la fonction publique, sera présentée cet été à l’observatoire national des emplois et des métiers de la fonction publique hospitalière.
Enfin, je souhaite que l’ensemble de cette réflexion s’intègre dans celle, plus large, du rapprochement des régulations des urgences et de la permanence des soins, conformément à ce qui a été annoncé par le Président de la République à Neufchâteau, le 17 avril dernier.
La question du statut des PARM, qui suscite tout mon intérêt, prend donc place dans un cadre plus large et je vous remercie, monsieur le sénateur, de m’avoir permis, en la soulevant, de rappeler le rôle éminent de ces professionnels de santé indispensables.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Je remercie Mme la ministre de ses réponses qui n’appellent de ma part pas d’autres questions ni de commentaires.
évolution du régime juridique applicable aux enfants nés sans vie
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 219, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, depuis quelque temps, j’essaie d’attirer l’attention du Gouvernement sur une question délicate, celle des enfants nés sans vie.
Aujourd’hui, je souhaite plus précisément attirer celle de Mme le garde des sceaux sur les conséquences des trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 6 février 2008 concernant les conditions d’établissement des actes d’enfants sans vie.
C’est bien sincèrement, madame la ministre, que je vous remercie par avance de bien vouloir répondre à mes interrogations.
En supprimant le seuil inférieur prévu pour l’établissement d’un acte d’enfant sans vie jusqu’à présent fixé par la circulaire du 30 novembre 2001 conformément aux recommandations de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, c’est-à-dire vingt-deux semaines d’aménorrhée ou un poids de 500 grammes, la Cour de cassation bouleverse le régime juridique actuellement applicable aux enfants nés sans vie et pousse à la réorganisation de tout un système.
Ce système avait déjà beaucoup évolué depuis la loi du 8 janvier 1993, sous l’impulsion de trois principaux facteurs : la sensibilité des individus développée notamment par les progrès de l’imagerie médicale et de la chirurgie in utero ; la connaissance accrue des questions de deuil pathologique ; enfin, l’évolution des pratiques des établissements de santé et de certaines municipalités en matière de devenir des corps.
Les arrêts de la Cour de cassation mettent le Gouvernement et le Parlement au pied du mur. Il semble en effet urgent de reconstruire un cadre clair, car les officiers de l’état civil ont besoin de règles sûres.
À cet égard, il faudrait au moins nous interroger sur la fixation d’un seuil minimal, sur le caractère facultatif ou obligatoire de la déclaration, ainsi que sur le contenu et la nature de l’acte d’enfant sans vie.
En France, le régime juridique des enfants nés sans vie se caractérise notamment par la faible portée qu’il attribue à « l’acte d’enfant sans vie » établi par les services de l’état civil lors de la déclaration d’enfants mort-nés ou nés sans vie.
A contrario, comme le montre l’étude de législation comparée réalisée à ma demande et qui vient d’être publiée par le Sénat, il semble que d’autres législations européennes autorisent la reconnaissance légale d’un enfant né sans vie avec pour conséquence la possibilité de déterminer une filiation, d’attribuer un nom et d’inscrire l’enfant sans restriction dans le livret de famille.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis 2005, le Médiateur de la République pointe lui aussi la nécessité de clarifier et d’améliorer le régime juridique des enfants nés sans vie. Il a déjà formulé plusieurs propositions en ce sens et préconise la constitution d’un groupe de travail, piloté par le ministère de la justice, ayant pour mission d’explorer les possibilités de faire évoluer le droit français.
Je souhaite donc savoir où en est la réflexion du ministère de la justice sur ce sujet et quelles sont ses intentions pour faire face aux conséquences des arrêts de la Cour de cassation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, l’indisponibilité de ma collègue Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, me donne le plaisir de répondre à une question qui entre largement dans mes fonctions ministérielles et m’interpelle à ce titre.
Les arrêts rendus par la Cour de cassation le 6 février dernier, qui ont supprimé tout critère pour établir un acte d’enfant sans vie, suscitent, comme vous le soulignez très justement, de nombreuses interrogations.
Les praticiens et les officiers de l’état civil ont besoin d’un cadre clair pour établir de tels actes.
Nous devons aussi, et même surtout, répondre à la souffrance des familles, confrontées à cette situation très douloureuse.
Mais, sur une question aussi délicate et sensible, il convient d’éviter de légiférer sous le coup de l’émotion et dans la précipitation.
Élever des seuils de viabilité au titre de norme dans le code civil peut paraître la solution la plus simple. Toutefois, la fixation de seuils, fussent-ils ceux de l’OMS, se révélerait, par sa rigidité, source de discriminations et de nouvelles difficultés.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est certain !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Fixer un seuil, c’est toujours introduire un effet couperet, dont nous pouvons tous comprendre les conséquences négatives.
Des familles pourraient se voir enlever toute possibilité d’établir un acte d’enfant sans vie, pour une question de jours, ce qui ne ferait qu’accroître leur détresse.
Par ailleurs, inscrire dans une norme les critères de viabilité reviendrait à se priver, et surtout à priver les familles, de la souplesse qu’imposent les progrès quotidiens de la médecine.
C’est pourquoi s’est engagée une réflexion interministérielle qui associe les différents ministères concernés, dont notamment le ministère de la santé, mais aussi le ministère de la justice, ainsi que le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et le ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Tous ensemble, nous étudions les solutions les plus appropriées pour répondre, d’une part, aux attentes soulevées par les arrêts de la Cour de cassation du 6 février que vous évoquiez dans votre question, monsieur le sénateur, et, d’autre part, aux propositions formulées par le Médiateur de la République.
Il s’agit de dégager des solutions qui, en plus d’être pragmatiques et équilibrées, devront être globales afin de prendre en compte l’ensemble des problèmes ; je pense aux funérailles de l’enfant ou aux conséquences sociales de la délivrance d’un acte d’enfant sans vie.
Ainsi, je puis vous indiquer qu’un décret est en cours de préparation. Les préoccupations que vous exprimez ne resteront pas sans réponse et nous saurons trouver la solution la plus appropriée à chaque situation de détresse. Vous pouvez constater, monsieur le sénateur, que vos préoccupations légitimes sont prises en compte et qu’un travail interministériel actif est en train de s’élaborer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, si nous comprenons le problème, nous sommes dans un regrettable vide juridique.
Je sais qu’il est toujours difficile d’établir un seuil inférieur, mais tous les pays européens en ont fixé un. En France, la demande d’inscription sur le livret de famille d’un enfant né sans vie peut commencer dès le début de la grossesse, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner.
En outre, nul ne sait comment la cour d’appel de Nîmes va réagir, même si je suppose qu’elle ira dans le sens de la Cour de cassation.
Par ailleurs, il y a des différences entre les départements, les inscriptions sur les livrets de famille se faisant en fonction des décisions préfectorales.
Dès lors, madame la ministre, nous devons faire évoluer la législation, ce qui, nous le savons, est très compliqué. Dans un premier temps, il faudrait revenir à la circulaire de l’OMS, qui n’a pas soulevé autant de problèmes qu’on a bien voulu le dire, même si, bien sûr, il faut tenir compte de la détresse des familles.
Il nous faudra légiférer très rapidement, car nous risquons de connaître des situations dramatiques lors de demandes d’inscription sur les livrets de famille d’enfants dits morts-nés, qui ne sont pas des enfants viables et qui, pour certains, sont des embryons. Ce serait rouvrir le débat sur le statut de l’embryon.
En résumé, il me semble nécessaire de légiférer très vite dans ce domaine et, en attendant, de revenir à la circulaire pour sécuriser le parcours des officiers d’état-civil.
Avenir de l'hôtellerie familiale en Haute-Savoie
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, auteur de la question n° 197, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
M. Jean-Paul Amoudry. Madame la ministre, l’hôtellerie familiale, qui représente un inestimable patrimoine culturel et touristique dans notre pays, décline au profit, soit de la vente par appartements, soit de la location de meublés, moins contraignante et jugée plus rentable ; ce constat vaut en particulier pour la Haute-Savoie, où, chacun le sait, le tourisme occupe une place extrêmement importante pour l’équilibre économique et social de ce département.
La profession concernée estime qu’actuellement, dans notre pays, un hôtel familial ferme ses portes chaque jour. Les conséquences de cet état de fait sont, à l’évidence, particulièrement préjudiciables à cette branche de notre économie.
En effet, ce sont des emplois qui disparaissent et, avec eux, un savoir-faire culinaire et tout un art de vivre, une irremplaçable animation de nos villes, villages et stations touristiques.
C’est pourquoi, madame la ministre, nous avons, me semble-t-il, le devoir de réagir vigoureusement pour éviter que notre patrimoine touristique ne soit amputé d’un de ses fleurons les plus prisés des vacanciers.
Cette réaction s’impose aussi pour assurer la pérennité de la formation professionnelle hôtelière, qui ne saurait se limiter à un simple enseignement théorique.
Seul un dispositif de mesures appropriées me semble pouvoir inverser la tendance et, parmi les remèdes, je pense à un allégement significatif des droits de succession destiné à favoriser la transmission des entreprises, ou encore à une réduction importante de la TVA sur les services ; ces mesures ne sont d’ailleurs rien d’autre que des dépenses d’investissement et de soutien à l’emploi, et non pas de solidarité envers telle ou telle catégorie socioprofessionnelle.
Quelle est, madame la ministre, sur ces deux dispositifs, la position du Gouvernement ? A-t-il, en particulier, la volonté de requérir de l’Union européenne les accords nécessaires en ce qui concerne la TVA ? Plus globalement, quelle politique envisage-t-il pour assurer l’avenir de cette activité économique, ô combien nécessaire à la bonne santé de notre économie touristique et de nos emplois dans ce secteur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, votre question me donne le plaisir de vous répondre au nom de mon collègue Hervé Novelli. Je le fais d’autant plus volontiers que le fait de parler d’art de vivre est plutôt un signe sympathique adressé à la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports et de la vie associative !
Il est vrai, monsieur le sénateur, que l’hôtellerie familiale constitue à la fois, en Haute-Savoie et ailleurs, un savoir-faire culinaire et tout un art de vivre qu’il nous faut préserver.
Le Gouvernement s’y emploie. Le dossier TVA pour le secteur des hôtels, cafés, restaurants est ouvert et continue à mobiliser le Gouvernement. C’est ainsi que, le 13 novembre dernier, les ministres de l’économie et des finances de l’Union européenne ont pris la décision de proposer une directive sur la réduction du taux de TVA dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, dont, bien sûr, celui des hôtels, cafés et restaurants.
Les discussions sur ce sujet devraient avoir lieu sous la présidence française de l’Union européenne, lors du second semestre de 2008.
Au-delà de la TVA, votre question soulève également le problème de la transmission et de la reprise de ces hôtels familiaux.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les pouvoirs publics ont pris de nombreuses mesures destinées à réduire les droits de mutation à titre gratuit. En ligne directe, l’abattement par bénéficiaire a été porté par la loi d’août 2007 de 50 000 à 150 000 euros ; ce triplement de l’abattement est considérable.
Afin de faciliter la préparation en amont des successions, les donations sont encouragées par la réduction des droits de 50 %, lorsque le donateur n’a pas atteint 70 ans.
En outre, les hôtels familiaux peuvent également bénéficier des mesures dites du « pacte Dutreil », qui aboutissent, en cas de succession ou de donation, à ne taxer que 25 % de la valeur de l’entreprise, dès lors que les titres ont fait l’objet d’un pacte d’actionnaire – engagement collectif de conservation des titres.
La durée de l’engagement de conservation a d’ailleurs été réduite dans la dernière loi de finances.
Enfin, des dispositions fiscales ont été adoptées à la suite de la signature du contrat de croissance en faveur de l’emploi et de la modernisation du secteur des hôtels, cafés et restaurants en 2006.
En particulier, un nouveau dispositif a été créé qui consiste en un report d’imposition sur les plus-values réalisées par des personnes exerçant leur activité dans ce secteur lors de la cession de leur actif immobilier à une société d’investissements immobiliers cotée ou à une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable.
Par ailleurs, le projet de loi de modernisation de l’économie prévoit plusieurs mesures en faveur des transmissions, qui profiteront également aux hôtels familiaux.
Les droits de mutation à titre onéreux sont ainsi abaissés de 5 % à 3 % pour les SARL et pour les fonds de commerce.
De plus, les transmissions familiales ou aux salariés sont exonérées de droits de mutation sous plafond.
J’ajoute que les repreneurs pourront bénéficier d’une réduction d’impôt sur les intérêts de l’emprunt lié à l’acquisition d’une société deux fois plus importante qu’auparavant, et qu’ils auront désormais à acquérir non plus 50 %, mais seulement 25 % du capital pour en bénéficier.
Enfin, le Gouvernement réfléchit aux moyens de favoriser le développement des outils de capital-risque dans l’industrie touristique.
Par conséquent, monsieur le sénateur, toutes ces mesures vont dans le même sens : sauvegarder un pan très important de notre économie en matière non seulement de préservation, mais également d’attractivité de notre pays dans le cadre de cet art de vivre dont vous êtes l’un des ardents défenseurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de votre réponse précise et complète.
Je souhaite simplement que la présidence française de l’Union européenne permette dans les mois à venir une avancée significative et attendue en ce qui concerne la TVA.
Avenir du financement par l'État de l'association "Scènes et Territoires en Lorraine"
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 220, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Nous serons très heureux d'écouter la réponse de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, qui nous honore de sa présence.
Le Sénat apprécie toujours la présence d'un ministre important ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Ils le sont tous !
M. le président. Mais ils sont souvent absents ! Quand vous serez ministre, vous vous en souviendrez ! (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Reiner. Si ma question s’adressait à Mme la ministre de la culture, je connais, madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, vos compétences infinies en la matière. C’est donc avec un grand intérêt que j’entendrai votre réponse.
Je souhaite ici attirer l’attention sur la diminution très importante du financement accordé à l’association Scènes et Territoires en Lorraine.
Il s’agit là, à ma connaissance, d’une association unique en France, qui fut créée voilà une dizaine d’années sur l’initiative des fédérations d’éducation populaire de l’ensemble des départements de Lorraine et qui développe le spectacle vivant en milieu rural, et uniquement en milieu rural.
La philosophie qui sous-tendait cette initiative était d’assurer la diffusion culturelle de l’art du spectacle vivant dans ces milieux ruraux et d’améliorer en quelque sorte la connaissance des élus ruraux en matière culturelle.
En décembre 2000, le ministère de la culture, par l’intermédiaire de la direction régionale d’action culturelle, la DRAC, reconnaissait en cette association une « Scène multi- sites » avec laquelle elle signait une convention pour le spectacle vivant. Cette convention, qui était valable pour trois ans, a été renouvelée en 2004 et concerne donc les années 2004, 2005 et 2006.
Cette reconnaissance de l’État s’est assortie d’une subvention pouvant aller jusqu’à 74 000 euros pour un budget qui, à l’époque, atteignait 700 000 euros, ce qui a permis à l’association, d’une part, de renforcer des liens de confiance avec l’ensemble des partenaires locaux qui participent largement au financement et, d’autre part, de développer son action. De cette façon, l’État était présent aux confins de nos territoires ruraux.
Or, dès 2006 – et plus encore en 2007 –, le soutien financier de l’État a diminué, et, en 2008, il a été annoncé que la dotation ne serait plus que de 30 000 euros, c’est-à-dire moins de la moitié, ce qui remet d’ailleurs en cause pour une part le soutien européen au travers du Fonds européen de développement régional, le FEDER.
Dans ces conditions, comment l’association Scènes et Territoires pourrait-elle poursuivre son travail de diffusion culturelle en milieu rural à des tarifs attractifs pour tous ?
Étrangement, les demandes réitérées par l’association pour renouveler le conventionnement depuis plus d’un an sont restées sans réponse, alors même que la directive nationale d’orientation pour 2008 qui avait été transmise aux DRAC précisait que, dans le champ territorial, priorité serait donnée au renforcement des actions qui sont menées pour développer l’éducation artistique et culturelle, ce qui correspondait tout à fait au champ d’action de cette association.
Dès lors, ma question est simple : compte tenu de la baisse des crédits alloués à cette association et de l’absence de nouveaux conventionnements, peut-on encore aujourd’hui parler d’une volonté de l’État de diffuser le spectacle vivant en milieu rural ?
Quelle est la raison de cette diminution exceptionnelle de crédits à l’association Scènes et Territoires en Lorraine, et pourquoi n’y a-t-il aucune nouvelle convention ? Le ministère est-il prêt à réétudier cette décision, alors même qu’aucune évaluation de ces six années de travail n’a effectivement été réalisée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Christine Albanel, ce qui me donne le plaisir de répondre à votre question. L’éducation populaire est au cœur des responsabilités de mon ministère
J’ai ainsi à ma disposition une direction de la jeunesse et de l’éducation populaire et beaucoup de gens ignorent que dans l’acronyme « CREPS », les lettres « EP » signifient non pas « éducation physique », mais « éducation populaire ».
Monsieur le sénateur, vous interpellez Christine Albanel au sujet de Scènes et Territoires, qui fédère des associations appartenant, notamment, au réseau de l’éducation populaire, dont l’activité vise à irriguer le milieu rural lorrain dans le domaine du spectacle vivant, par la diffusion de spectacles, par des résidences d’artistes et par un important maillage d’actions culturelles.
Cette association a bénéficié depuis 2000 d’une convention – renouvelée en 2004, pour s’achever à la fin de 2006, puis prolongée d’un an en 2007 –, avec la DRAC, la direction régionale des affaires culturelles, de Lorraine, dans le cadre du programme des scènes conventionnées.
En dépit des contraintes qui pèsent sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », sur lequel se trouve inscrite l’association et qui a vu ses charges s’accroître, tout particulièrement en faveur de l’éducation artistique et culturelle, l’association a fait l’objet d’une attention particulière de la part de la DRAC de Lorraine.
Le président de Scènes et Territoires, M. Pierre Charles, ainsi qu’une délégation des membres de cette association ont été reçus le 11 avril dernier par le directeur des affaires culturelles de la Lorraine. Ce dialogue a permis de convenir d’une réinscription de cette structure au programme des scènes conventionnées pour les années 2008 à 2010, avec une subvention revenue à 38 000 euros par an.
Ces trois années supplémentaires de conventionnement avec l’État permettront à l’association Scènes et Territoires de reprendre sereinement le dialogue avec les collectivités locales, et donc de mieux préparer son avenir.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Il est exact que la réunion que vous avez évoquée, qui a eu lieu le lendemain du jour où j’ai déposé ma question, a réglé partiellement le problème.
Néanmoins, j’ai creusé un peu la question, au-delà de ce cas de figure, et je me suis rendu compte que la direction de l’aménagement du territoire du ministère de la culture avait été supprimée, de même que la plupart des crédits dont elle disposait, ce qui n’est pas un hasard.
En clair, cette évolution signifie que les moyens que l’État consacre à la diffusion culturelle dans les territoires, notamment ruraux, ont très sensiblement diminué. Naturellement, on attend que les collectivités locales participent à cette action, et elles le font déjà très largement : j’ai déjà indiqué que les quatre cinquièmes, sinon les neuf dixièmes, du budget annuel de l’association, qui tourne autour de 700 000 euros en moyenne, sont couverts par les subventions des collectivités territoriales et la participation aux frais des spectateurs.
L’effort de l’État était donc déjà très mesuré. Sa disparition présente une signification politique, sur laquelle je voulais attirer l’attention, madame la ministre, afin qu’il soit apporté à ce problème une réponse politique.
désaffection des services publics en zone rurale
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 230, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la multiplication des fermetures de services publics, ou des menaces qui pèsent sur eux, en milieu rural, dans de nombreux secteurs tels que la santé, l’éducation nationale, la justice, la gendarmerie, les finances, la perception, La Poste, EDF, entre autres.
M. Roland Courteau. C’est vrai. Tout y passe !
M. Claude Domeizel. Il s'agit là d’une des principales inquiétudes exprimées par les élus que je rencontre. Pour m’en tenir à la visite que j’ai effectuée le week-end dernier, M. le maire de Saint-André-les-Alpes m’a parlé de la poste de sa commune, qui perd deux emplois sur trois, et de l’insuffisance des effectifs dans l’administration du collège. Je pourrais malheureusement évoquer bien d’autres exemples.
La réforme de la carte judiciaire, appliquée de façon brutale et arbitraire, s’est traduite par des suppressions de tribunaux. La présence postale se trouve fortement fragilisée par des fermetures effectives ou programmées et par des réductions ou de regrettables et inappropriées adaptations d’horaires.
Dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, la presse a annoncé le regroupement éventuel du centre d’instruction et d’entraînement au combat de montagne de Barcelonnette avec le Centre national d’aguerrissement de Briançon, sans la moindre concertation. Cette décision se traduirait, dès cet été, par la perte de vingt-cinq emplois pour Barcelonnette.
Monsieur le secrétaire d'État, pour bien connaître la vallée de l’Ubaye, vous savez que la suppression de vingt-cinq emplois, pratiquement imperceptible dans les bureaux ministériels, est perçue à Barcelonnette, à juste titre, comme catastrophique, surtout si, comme on me l’a annoncé, la même unité militaire se trouve susceptible de subir les effets plus redoutables encore de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Pour les hôpitaux, les récentes déclarations gouvernementales et le rapport de notre collègue Gérard Larcher font redouter de nouvelles mises en cause de services et des suppressions d’emplois.
Par exemple, les agents du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, issu de la fusion des hôpitaux de Sisteron et de Gap, expriment depuis plusieurs semaines leur inquiétude quant à l’avenir de cet établissement. Cette semaine, la « une » d’un hebdomadaire local titrait d'ailleurs : « Hôpital de Digne : 50 emplois en péril ». Malheureusement, les exemples de ce type ne manquent pas !
Monsieur le secrétaire d'État, nous souhaiterions connaître votre implication et votre rôle, en tant que membre du Gouvernement chargé de l’aménagement du territoire, dans la réflexion sur la révision générale des politiques publiques et la diminution du nombre de fonctionnaires par le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Quelle est votre réaction face à ces deux mesures, qui risquent fort de déséquilibrer les services au public en milieu rural ?
Au-delà de la logique économique, tiendrez-vous compte des situations spécifiques, pour mettre un frein au désengagement progressif des services publics et rassurer les populations concernées ?
M. Roland Courteau. C’est une bonne question !
M. Claude Domeizel. En un mot, le Gouvernement a-t-il l’intention de continuer à privilégier la dimension humaine et la proximité ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez posé une question essentielle pour l’aménagement du territoire.
Vous avez évoqué diverses réformes, concernant notamment les cartes judiciaire, militaire et hospitalière. Je vous le dis clairement : ces réformes sont indispensables ! Il est nécessaire d’adapter nos services publics sur le terrain, en tenant compte de la situation actuelle de notre pays, sur l’arc méditerranéen, en Europe et plus largement dans le cadre de la mondialisation.
Pour autant, je suis le secrétaire d’État du lien avec les territoires. Je vous garantis que je saurai créer un juste équilibre entre les territoires et entre les gens qui y vivent. Je sais très bien que nous sommes aussi des élus locaux. Je connais parfaitement cette problématique, pour avoir été maire d’une commune rurale pendant dix-huit ans. Les zones rurales couvrent 70 % du territoire français et les deux tiers des communes du pays sont rurales. Mon rôle consistera à faire prendre en compte la réalité du terrain.
C’est pourquoi, monsieur le sénateur, ma ligne de conduite sera de concilier les impératifs propres à chaque service public, y compris les contraintes économiques, avec le maintien d’un maillage qui favorise le développement, la qualité et l’identité de chacun de nos territoires.
La recherche de cet équilibre ne se fera pas selon une approche uniforme décidée depuis Paris. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé à Cahors, le 8 avril dernier que l’unité, ce n’est pas l’uniformité, et que l’égalité, ce n’est pas l’uniformité. Le Premier ministre a également souligné que le Gouvernement veillerait à ce que soit prise en compte la situation spécifique des territoires qui pourraient pâtir d’une accumulation de restructurations de services publics.
Je m’inscris bien évidemment dans ces orientations. Notre politique doit être au service des territoires et, dans cette perspective, nous devons écouter les élus locaux, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur. La décision ne doit pas descendre du haut vers le bas ; elle doit être prise en concertation avec le bas, c'est-à-dire avec ceux qui vivent le territoire au quotidien.
C’est pourquoi je serai particulièrement attentif à ce que les équilibres relatifs au service du public soient négociés à l'échelle locale.
Ce travail de proximité doit permettre à chacun de retrouver confiance dans tous les territoires, y compris les plus fragiles, en recherchant des solutions innovantes, en particulier la mutualisation de certains dossiers, en fonction des nécessités du terrain, le regroupement des services publics et le recours aux technologies de l’information et de la communication. Nous avons tout à gagner à ces évolutions.
Je vous rejoins donc sans ambiguïté, monsieur le sénateur. Le Gouvernement entend mener une politique active et adaptée en faveur des services publics, et je suis un adepte du service public garanti sur l’ensemble des zones rurales. J’ai d'ailleurs demandé un audit sur la situation de chacun de ces territoires, afin d’avoir une idée précise de la façon dont les services publics pourront y être adaptés.
Croyez-moi, nous veillerons à maintenir un maillage de services publics dense et équilibré entre les territoires ruraux, les grandes métropoles et les villes moyennes. Nous travaillons en ce sens, et j’y serai particulièrement attentif dans les responsabilités qui sont les miennes.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui est pleine de bonnes intentions et qui prend en compte les inquiétudes de la population et des élus qu’ils représentent. Nous vous jugerons sur vos actes !
présence de transpondeurs sur les navires circulant dans les eaux communautaires
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 212, adressée à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie.
M. Roland Courteau. En janvier 2003, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à la création d’une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, j’avais rappelé quelques chiffres vertigineux concernant les dégazages ou déballastages sauvages et autres pollutions par rejets de résidus d’hydrocarbures auxquels se livraient en Méditerranée certains capitaines de navires, qualifiés à l’époque de « voyous des mers ».
J’avais indiqué alors que, selon certaines études, un million de tonnes d’hydrocarbures sont rejetées chaque année en Méditerranée par des bateaux qui dégazent, ce qui représente environ quinze fois la cargaison du Prestige – le mal nommé ! – ou cinquante fois le fioul lourd rejeté par l’Erika en 1999, et une surface polluée de 150 000 kilomètres carrés.
De surcroît, ces déballastages ne représentaient qu’une partie de l’ensemble des déversements constitués, pour l’essentiel, de résidus de combustibles fabriqués par tous les bateaux.
J’avais relevé que, chaque année, 1 700 déversements intentionnels étaient comptabilisés par l’Union européenne, dans une mer fragile, quasiment fermée, qui ne représente que 1 % de la surface des mers mais sur laquelle transitent 30 % du transport maritime.
Doit-on préciser que, dans le cas des marées noires provoquées par le Prestige ou l’Erika, il s’agissait d’accident, alors qu’en Méditerranée il s’agit d’actes volontaires !
Bien évidemment, de telles pollutions ne sont pas neutres pour le milieu marin et la chaîne alimentaire tout entière.
C’est pourquoi, avec mon groupe, j’avais soutenu le projet de loi relatif à la création d’une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République. Ce texte, examiné par le Sénat au mois de janvier 2003, avait été présenté en conseil des ministres, dès le 27 février 2002, par M. Yves Cochet.
Il était alors apparu au Sénat, de manière unanime d’ailleurs, que cette loi constituerait une réelle avancée, puisqu’elle permettrait de rendre applicables toutes les mesures coercitives à l’intérieur de la zone de protection, alors qu’antérieurement celles-ci ne pouvaient l’être que dans la zone des douze milles, c’est-à-dire à l’intérieur des eaux territoriales françaises, ce qui expliquait que seules 1 % des opérations illicites étaient alors sanctionnées.
Voilà environ cinq ans que cette loi a été votée et cela fait plus de quatre ans que le décret en Conseil d’État portant création d’une zone de protection écologique au large des côtes de la République en Méditerranée a été publié. En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, il me semble possible de dresser aujourd’hui un premier bilan sur les aspects positifs de la mise en place de cette zone de protection écologique et notamment de connaître le nombre d’interpellations réalisées, de sanctions prononcées ou de décisions d’éloignement des « navires poubelles » ayant pu présenter un danger ou une menace ayant été prises.
Plus encore, il importe de savoir si la création de cette zone de protection écologique et l’aspect dissuasif des sanctions encourues – peines d’emprisonnement et fortes amendes – ont permis une réduction sensible des faits de pollution.
Ce dernier point m’amène à demander au Gouvernement, comme je l’avais fait lors de l’examen du projet de loi relatif à la création d’une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, si les moyens, légers ou lourds, de surveillance, de contrôle et de dissuasion des personnels, bateaux, hélicoptères, avions sont en nombre suffisant. En effet, l’efficacité du dispositif est subordonnée à l’ensemble de ces moyens.
Ce qui compte également, ce sont les équipements portuaires permettant aux navires de rejeter proprement leurs déchets, afin d’éviter qu’ils ne procèdent à des dégazages sauvages. En 2003, de ce point de vue, c’était plutôt la misère, si je puis m’exprimer ainsi. Monsieur le secrétaire d’État, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Il est un autre point de préoccupation que je souhaite aborder. Je rappelle qu’entre 20 % et 30 % du trafic maritime international transite par la Méditerranée. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à souligner que cette mer est un « couloir à hydrocarbures ». Nous ne sommes donc nullement à l’abri d’un sinistre majeur. C’est pourquoi nous nous interrogeons sur les délais d’intervention du remorqueur basé à Toulon au cas où un accident surviendrait au large des côtes du Languedoc-Roussillon. De même, est-il possible d’en savoir plus sur la présence ou non, en Méditerranée, d’un nouveau navire antipollution, comme cela avait été évoqué en 2003 ?
Enfin, ma dernière interrogation concerne la mise en œuvre des mesures prévues par la Commission européenne, dans le cadre du « paquet Erika II », rendant obligatoire, sur les bâtiments circulant dans les eaux communautaires, l’équipement de transpondeurs, qui sont de véritables systèmes d’identification automatique permettant l’amélioration du signalement et du suivi des navires.
Dans la mesure où les dégazages effectués la nuit sont plus difficilement repérables et les contrevenants moins facilement identifiables, l’application de cette mesure, qui me paraissait indispensable à l’époque, me semble toujours aussi impérieuse.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des précisions que vous voudrez bien m’apporter sur l’ensemble de ces points.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous posez une question générale – ô combien intéressante ! – sur une mer qui nous est chère, comme à M. le président et à bon nombre de vos collègues,…
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Thierry Repentin. Même les autres s’y intéressent !
M. Daniel Reiner. Elle concerne tout le monde !
M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Je sais bien ! C’est la raison pour laquelle j’ai associé à mon propos l’ensemble de vos collègues ! Au demeurant, pour ce qui nous concerne, nous avons la particularité, que nous ne renions pas, d’être des enfants de la Méditerranée.
La loi du 15 avril 2003 a créé en Méditerranée une zone de protection écologique, la ZPE, afin de permettre à la France d’exercer une action répressive à l’encontre des auteurs de pollutions marines au-delà des eaux territoriales.
Ainsi, depuis 2003, quatorze poursuites ont été engagées par le parquet de Marseille à l’encontre de capitaines de navires pris en flagrant-délit de rejet illicite et neuf condamnations ont été prononcées, donnant lieu à 3,72 millions d’euros d’amendes. Trois dossiers sont en cours d’instruction et deux jugements restent en attente de délibéré. Auparavant, les procédures transmises à l’État du pavillon n’aboutissaient pas, comme vous l’avez fort justement rappelé, monsieur le sénateur.
L’effet dissuasif de cette politique répressive peut être mesuré par la baisse du nombre d’infractions constatées, lequel a été divisé par quatre – douze en 2003 contre trois en 2007. Ce n’est pas négligeable, même si nous sommes d’accord pour reconnaître que ce n’est pas encore satisfaisant. Le nombre de pollutions signalées a également baissé de 40 % depuis la création de la zone de protection écologique.
Ces chiffres indiquent clairement un changement de comportement des capitaines de navires dans les eaux sous juridiction française. La France est désormais citée en exemple par l’Agence européenne de sécurité maritime pour l’efficacité de son dispositif répressif, qui comporte quatre composantes : spatiale, aérienne, navale et terrestre.
La composante spatiale comprend le service européen d’imagerie satellite pour la détection des déversements d’hydrocarbures et la surveillance des eaux européennes, qui est mis à la disposition des États membres depuis le mois d’avril 2007, en application de la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions. Le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en mer Méditerranée, le CROSS-MED, est l’un des trois centres opérationnels français participant au système.
La composante aérienne du dispositif met en œuvre l’ensemble des services de l’État en mer, qu’ils soient civils ou militaires. Le CROSS bénéficie du concours de l’avion de télédétection POLMAR II des douanes, dont les capacités d’identification nocturne sont en cours de modernisation, ce qui est important. Il peut également faire appel aux avions de patrouille maritime de la marine nationale basés à Nîmes et à Lorient. Plusieurs vols quotidiens sont effectués dans la zone de protection écologique, pour un total de 2 000 heures de vol par an. Il est également fait appel aux hélicoptères de la marine nationale, des douanes, de la gendarmerie et de la sécurité civile.
La composante navale du dispositif a été renforcée par la marine nationale. Ainsi, le remorqueur d’intervention Abeille Flandre et le bâtiment de dépollution Ailette sont affectés depuis 2005 à la surveillance du littoral méditerranéen, en remplacement du Mérou.
Enfin, le CROSS-MED et la préfecture maritime de la Méditerranée bénéficieront, dès le mois de septembre prochain, du renforcement du système d’identification automatique, l’AIS, dans le cadre du programme SPATIONAV. Ce déploiement s’effectue en cohérence avec la directive européenne 2002/59/CE, issue du « paquet Erika II », relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, qui prescrit pour tout navire de commerce faisant escale dans un port d’un État membre l’emport d’un système d’identification automatique. Cette directive renforce les prescriptions de la convention internationale de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, dite « convention SOLAS », de l’organisation maritime internationale. L’AIS fournit automatiquement aux stations côtières, aux autres navires et aux aéronefs équipés, l’identité du navire, son type, sa position, son cap, sa vitesse ainsi que ses conditions de navigation.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, nous avons tous pris conscience de l’état de la Méditerranée et de ses problèmes. D’importants efforts ont déjà été accomplis, même s’il reste beaucoup à faire, j’en conviens, pour protéger cette mer qui nous est chère à tous.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse. J’ajouterai simplement, après un célèbre Narbonnais, Charles Trénet, et comme le répètent très souvent les nouveaux élus de la ville de Narbonne, en particulier la première adjointe : puisse la Méditerranée continuer à « danser le long des golfes clairs »… (Sourires.)
M. le président. Mon cher collègue, nous voilà dans le lyrisme le plus total ! (Nouveaux sourires.)
M. Thierry Repentin. Il sera difficile d’intervenir après !
M. le président. D’habitude, vous répétez plutôt cette phrase d’un homme politique célèbre : « Un bon discours m’a quelquefois fait changer d’avis, jamais de vote » ! (Rires.)
réglementation sur les donations à titre gratuit de parcelles agricoles
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Philippe Richert, auteur de la question n° 206, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, je vous remercie, au nom de mon collègue Philippe Richert, de m’autoriser à poser cette question à laquelle il tient beaucoup et qui porte sur la réglementation des donations à titre gratuit de parcelles agricoles. Certes, je suis aujourd’hui élue de la région parisienne, mais j’ai travaillé pendant plus de trente ans dans les organismes agricoles et je suis donc très au fait des problèmes liés aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.
En l’état actuel du droit, le code rural octroie aux SAFER un droit de préemption à l’occasion d’aliénations à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole. Ce droit de préemption peut s’exercer grâce à une obligation de déclaration préalable auprès de la SAFER par le vendeur.
Si l’aliénation est à titre gratuit, par donation ou par partage, aucune déclaration préalable n’est nécessaire. La SAFER n’a donc aucune prise sur l’opération, ce qui n’est pas scandaleux en soi, puisque ces donations se font généralement entre membres d’une même famille.
Or, dans la circonscription de mon collègue Philippe Richert, plus précisément dans le village de Lohr, cette faculté a été détournée de son but. Ainsi, un agriculteur a fait don de terrains agricoles, qui plus est déclarés constructibles, à un agriculteur résidant et exploitant à vingt kilomètres de là, avec lequel, semble-t-il, il n’entretient aucun lien. Vous imaginez sans peine, monsieur le secrétaire d’État, la réaction de la SAFER, mais aussi celle du jeune agriculteur voisin, qui aurait pu agrandir son domaine grâce aux parcelles agricoles en cause !
Cette pratique n’est pas du tout illégale ; elle trouve simplement son fondement dans les lacunes de notre législation, qui ne précise pas que le champ d’intervention de la SAFER s’arrête lorsqu’il s’agit de cession gratuite au sein d’une même famille.
Dans le cas d’espèce, la géographie et la topographie des parcelles incriminées auraient entraîné sans aucun doute l’exercice du droit de préemption par la SAFER. Il s’agit donc bien d’un détournement volontaire et très étudié de la loi, auquel il faut remédier rapidement.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, au nom de mon collègue Philippe Richert, je souhaite que vous indiquiez quelles sont les mesures envisagées pour parer à cette situation et donner aux collectivités les moyens d’exercer un droit de préemption sur les biens concernés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Madame le sénateur, permettez-moi de vous présenter les excuses de mon collègue Michel Barnier, qui, inaugurant ce matin un salon de l’agriculture en Aquitaine, m’a chargé de répondre à votre question.
Le droit de préemption conféré aux SAFER ne peut être exercé qu’à l’occasion d’aliénations à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole. Il ne peut donc intervenir que lorsqu’un propriétaire, ayant décidé de mettre en vente son bien, terrain, exploitation, siège d’exploitation ou bâtiment d’exploitation vendu isolément, maintient sa décision de vendre.
Tout propriétaire a effectivement la possibilité de retirer son bien de la vente lorsque la SAFER, assortissant sa préemption d’une révision de prix, présente une contre-offre de prix inférieure. Certaines aliénations faisant l’objet d’une exemption au droit de préemption des SAFER, limitativement prévues par les dispositions de l’article R. 143-9 du code rural, doivent leur être notifiées à titre déclaratif, aux fins d’information. Les transmissions par donation n’entrent pas dans le champ de ce dispositif.
Si des donations viennent à être opérées entre personnes sans liens de famille, et même s’il est permis de supposer qu’elles n’ont pas lieu de façon totalement désintéressée, la SAFER ne peut pas intervenir, sauf si elle prouve qu’il s’agit bien de donations fictives et de ventes déguisées, destinées à éluder intentionnellement son droit de préemption.
Pour l’heure, il n’est pas envisagé de modifier le droit de préemption des SAFER sur ce point précis, qui touche directement le droit de propriété.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Il m’est difficile de répondre à M. le secrétaire d’État, car la question émane de mon collègue Philippe Richert. Cependant, à sa place, en ma qualité de parlementaire, je déposerais un amendement ou une proposition de loi tendant à modifier la disposition en cause. Mon collègue avisera.
maintien et développement de l’offre de formation publique dans l’enseignement agricole
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 234, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la suppression de postes dans les lycées soulève une forte incompréhension de la part des lycéens, des parents d’élèves, des enseignants et des professionnels du monde agricole. Élèves et enseignants de Tours viennent de manifester plusieurs fois contre la suppression de postes d’enseignants.
Le 15 mai prochain, les écoles, collèges et lycées seront en grève. Cinq fédérations de l’éducation ont appelé à cette journée pour protester contre la politique budgétaire et éducative du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, la situation de l’enseignement agricole public se dégrade également de façon continue depuis près de six ans. Elle risque malheureusement de subir une chute brutale si vous ne prenez pas les mesures indispensables. Elle est tellement critique que votre collègue, le ministre de l’agriculture et de la pêche, a lui-même renoncé à l’aggraver davantage, en annonçant à l’intersyndicale le rétablissement de 130 postes sur les 319 initialement supprimés. Je souhaite que vous m’apportiez confirmation de ce rétablissement et que vous m’indiquiez à partir de quelles dotations le financement de ces postes est-il envisagé.
Quoi qu’il en soit, un certain nombre de points noirs subsistent un peu partout en France, et la région Centre n’est pas épargnée. Je voudrais m’y attarder quelques instants. Les trois exemples que je vais développer témoignent d’engagements pris par le ministère qui n’ont été accompagnés d’aucun moyen pour y faire face.
Pourquoi le lycée agricole de Bourges, qui dispense une formation d’analyse et de conduite des systèmes d’exploitation, au succès indéniable, et qui refuse chaque année des candidats, se verrait-il aujourd’hui contraint de supprimer cette classe ? Comment interpréter votre engagement en faveur des filières de production si, d’un autre côté, vous engagez la disparition d’une telle formation ? La profession a besoin de cadres formés pour gérer les exploitations et vous ne pouvez ignorer les contraintes de plus en plus complexes rencontrées par le monde agricole. Le rétablissement d’une telle formation me semble aujourd’hui impératif, pour l’agriculture berrichonne notamment.
La direction régionale de l’agriculture et de la forêt, la DRAF, a annulé, le 22 avril dernier, la création d’un BTS « gestion et maîtrise de l’eau » à Fondettes, alors que les inscriptions à ce brevet sont ouvertes sur le site du ministère depuis la fin du mois de février, que les collectivités territoriales, comme l’État, ont émis un avis favorable et que les financements nécessaires sont prévus.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, mon étonnement face à ce brusque revirement, qui intervient sans aucune explication. J’attends que les inscriptions soient maintenues et que la classe soit bien ouverte, d’autant que le Grenelle de l’environnement a mis l’accent sur cette question déterminante.
Les agriculteurs sont souvent montrés du doigt sur les questions de pollution des eaux. On ne peut à la fois stigmatiser la profession et ne pas lui donner les moyens de mieux répondre à ce besoin de préservation de notre environnement.
Pour ce qui concerne Montargis, en 2007, M. Bussereau, alors en charge de ce secteur, avait promis, à grand renfort de publicité dans les médias, qu’une classe préparatoire « technologie et biologie » serait créée. Ce fut chose faite, sur décision ministérielle. Il s’avère, à ce jour, que cette classe, unique dans l’enseignement agricole, aura certes une suite, mais sans financement complémentaire de l’État. Son financement sera donc pris sur la dotation de la région Centre, ce qui aura une implication sur d’autres projets.
Ces situations relevées dans la région Centre se répètent malheureusement dans de nombreux lycées agricoles publics de notre pays, et ce de façon plus grave parfois, comme c’est le cas dans la région Midi-Pyrénées, où douze classes vont être supprimées, comme je viens de l’apprendre.
Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour permettre à notre enseignement agricole public de répondre aux besoins de l’agriculture et de l’environnement dans nos différentes régions, mais aussi à l’avenir de nos jeunes qui souhaitent se former à ces métiers ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Tout d’abord, monsieur le président, je souhaite présenter au Sénat les excuses de M. Barnier, qui se trouve actuellement au salon de l’agriculture de l’Aquitaine.
Madame le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur la situation de certains établissements d’enseignement agricole public de la région Centre à la rentrée scolaire 2008-2009.
Le Gouvernement est très sensible à l’intérêt que vous portez à l’enseignement agricole, qui est reconnu tant pour l’efficacité de sa pédagogie, pour la réussite de ses élèves aux examens de tous niveaux et pour ses résultats en matière d’insertion professionnelle que pour sa capacité à innover et à s’adapter aux mutations de l’agriculture, du monde rural et aux attentes de notre société. Comme nous avons déjà pu le constater à l’occasion de la question posée par M. Domeizel, aujourd’hui, ces mutations sont importantes ; le monde rural doit donc évoluer, tout en maintenant un équilibre entre le développement et la préservation des ressources.
L’enseignement agricole est un élément essentiel pour la conduite des politiques qui sont placées sous la responsabilité du ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement entend le faire évoluer en réaffirmant ses missions et ses priorités.
Il souhaite vous apporter des précisions en ce qui concerne les questions que vous avez posées, madame le sénateur, sur les lycées de Bourges, Tours et Montargis et certaines de leurs formations.
L’information qui vous a été communiquée sur la fermeture du brevet de technicien supérieur agricole « analyse et conduite des systèmes d’exploitation », le BTSA ACSE, à Bourges est partiellement erronée. Cette formation est actuellement dispensée en un an et en deux ans. Désireuse de former des professionnels de l’agriculture de la meilleure manière, la direction régionale de l’agriculture et de la forêt a proposé au Gouvernement de fermer la formation en un an et d’orienter les étudiants sur la seule formation en deux ans. Dans la mesure où cette filière de production est maintenue dans l’enseignement public dans le Cher dans de meilleures conditions, le Gouvernement a validé cette proposition.
S’agissant du BTSA « gestion et maîtrise de l’eau » de Tours-Fondettes, le Gouvernement a effectivement donné un avis favorable à son ouverture à la rentrée 2008. Pour autant, cette ouverture suppose la mise en place d’installations techniques, comme des laboratoires, qui n’existent pas sur le site et ne seront pas construits à la prochaine rentrée scolaire. Le conseil régional, dont c’est la responsabilité, n’aura, semble-t-il, pas le temps d’achever les travaux d’ici au mois de septembre.
Dans ces conditions, est-il raisonnable d’accueillir des étudiants à la prochaine rentrée ? Je ne le pense pas ; c’est pourquoi le report d’ouverture de cette formation à la rentrée 2009 me semble la solution la plus sage. Il va s’en dire que l’ouverture en 2009 est d’ores et déjà acquise.
Enfin, je ne peux vous laisser affirmer que la deuxième année de classe préparatoire « technologie biologie » du lycée agricole de Montargis n’est pas financée, ne serait-ce que par respect pour les étudiants actuellement scolarisés en première année et qui comptent poursuivre leur formation. Ce sont ces jeunes que le Gouvernement veut rassurer, afin qu’ils étudient dans des conditions sereines. Je peux leur dire que l’autorité académique dispose des moyens nécessaires pour faire fonctionner cette deuxième année à la prochaine rentrée scolaire.
Attiser des craintes ne me semble pas la meilleure manière de convaincre les familles de scolariser leurs enfants dans l’enseignement agricole public. J’ai, pour ma part, une grande ambition pour cet enseignement d’avenir et de grande qualité et, au nom du ministre de l’agriculture et de la forêt, je veux assurer ses personnels, les élèves, les étudiants et les apprentis de l’engagement du Gouvernement et de son soutien.
Madame le sénateur, il est des sujets qui doivent être abordés de manière consensuelle, positive et sereine, dans l’intérêt de notre pays. L’enseignement agricole en est un. En notre qualité d’élus locaux, nous savons ce qu’il apporte au maintien de l’identité de tous les territoires, à leur préservation et à leur développement. Je sais pouvoir compter sur votre intérêt et sur votre appui afin de préserver la spécificité de l’enseignement agricole au sein du système éducatif, sa qualité et, surtout, son ancrage dans les territoires ruraux.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d’État, mon attachement à l’enseignement agricole ne s’est jamais démenti, même lorsque je n’étais pas encore élue sénatrice.
En revanche, je peux vous dire que les réponses que vous avez apportées ne correspondent pas à la réalité. Avant de poser ma question, j’ai pris le temps de regarder quelle était la situation sur le terrain.
Actuellement, à Montargis, 2 200 heures de cours seraient nécessaires pour assurer la poursuite de la formation en question. Malheureusement, pour le moment, les moyens adéquats ne sont pas disponibles.
Pour ce qui concerne Fondettes, la région Centre a inscrit dans son budget la somme de 250 000 euros, afin que les moyens financiers nécessaires pour réaliser les équipements que requiert l’ouverture du BTS « gestion et maîtrise de l’eau » soient mis à disposition. Aujourd’hui, rien n’impose de supprimer cette formation. Des étudiants s’y sont déjà inscrits. Si le ministère maintient sa position, il devra leur proposer des solutions pertinentes, faute de quoi ces jeunes risquent de se retrouver dans l’impossibilité d’exercer le métier qu’ils ont choisi, métier passionnant et plus que jamais d’actualité depuis le Grenelle de l’environnement. Par ailleurs, monsieur le ministre, au moment où se déroule le débat sur le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE, de ma région, il serait dommage de ne pas donner un signe.
Il en va de même en ce qui concerne Bourges : je n’ai malheureusement pas d’information selon laquelle, s’il y a fermeture de la formation au BTS ACSE en un an, il y aura maintien de la formation en deux ans.
Cela signifie bien que des problèmes se posent sur le terrain et que les choses ne sont pas aussi claires que les services du ministère le croient. Je me réserve le droit de vous interroger à nouveau si la façon dont elles se déroulent sur place ne correspond pas à ce que votre réponse laisse espérer.
Projet d’abandon de la garnison du 7e bataillon de chasseurs alpins à Bourg-Saint-Maurice
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 225, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Thierry Repentin. C’est par des fuites relayées par la presse nationale que nous avons appris, en Savoie, le projet de délocalisation de la garnison du 7e bataillon de chasseurs alpins basée à Bourg-Saint-Maurice, à l’horizon 2010.
Une telle éventualité a suscité d’abord la surprise, puis l’incompréhension, devant l’ampleur des bouleversements dans les implantations de notre armée, tout particulièrement en ce qui concerne les troupes de montagne.
Alors que les travaux de la commission du livre blanc sur la défense laissent systématiquement de côté la question des fermetures éventuelles de casernes malgré les demandes répétées des parlementaires qui y participent, la révision générale des politiques publiques semble très avancée sur cette même question, et ce alors qu’aucune concertation, qu’aucun échange avec les élus de la nation et ceux des territoires concernés n’a eu lieu.
Cette décision de fermeture ou de transfert, si elle se trouvait confirmée, aurait des conséquences irréversibles pour le territoire intéressé, en l’occurrence une zone de montagne : elle comporte directement, et par effet de cascades, un risque de fragilisation de la haute vallée de la Tarentaise.
En effet, même si l’activité touristique est le moteur de son développement économique, cette vallée n’en serait pas moins fragilisée, car les familles des militaires du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice contribuent à l’activité sociale et au développement des communes qui les accueillent, notamment par la scolarisation des enfants, le chiffre d’affaires généré dans les commerces et l’implication du bataillon lui-même dans les événements sportifs locaux ou ses interventions à l’occasion de difficultés rencontrées par les communes en Tarentaise.
Ces familles concourent également au dimensionnement et à la pérennité des services publics, elles sont prises en compte dans les bases de calcul pour les dotations financières d’État versées chaque année aux communes où elles résident : ainsi, pour le calcul de la DGF, ce sont 2 200 personnes liées à la caserne qui sont prises en compte sur une population totale de 7 600 habitants.
Certes, l’insuffisance des logements à loyer modéré a pu pénaliser certaines familles de militaires, mais il appartient à l’État de contribuer à susciter, là aussi, une offre plus forte sur ce territoire.
Par ailleurs, et dans un souci de cohérence plus globale, il serait paradoxal, à l’heure où la France se propose d’envoyer de nouvelles troupes à l’extérieur du territoire national, en particulier en Afghanistan, de se priver de l’excellence reconnue, pour ce théâtre d’opération montagnard, de troupes formées elles-mêmes en montagne.
Elles sont en effet demandées, sollicitées, parce que aguerries, expérimentées sur la base d’entraînements en milieu naturel, similaire aux milieux qui les accueilleront pour plusieurs mois ou plusieurs années pour des actions militaires coordonnées à l’échelle internationale.
Le chef d’état-major des armées afghanes me l’avait confirmé de vive voix lui-même, à l’occasion d’un dîner chez le chef d’état-major des armées françaises, voilà quelques semaines, en faisant une nette différence avec d’autres corps de troupes présents sur le sol afghan.
De façon plus générale, les troupes alpines sont régulièrement présentes sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures, notamment en Afrique, où leur professionnalisme est prouvé et apprécié.
En conséquence, quelques mois seulement après la réforme imposée de la carte judiciaire, qui a déjà touché durement la Savoie, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous dire que les fermetures envisagées du fait de la révision générale des politiques publiques ne sont pas décidées et qu’elles ne sauraient l’être avant un débat associant les parlementaires et les élus locaux. C’est au cours de ce débat que l’État devrait indiquer, en préalable, les contreparties proposées aux territoires qui verraient le départ de leurs bases militaires, lesquelles sont aussi des bases fiscales et des bases d’activités professionnelles.
Par ailleurs, la décision sera-t-elle prise rue Saint-Dominique ou à l’Élysée ? Qui doit-on interpeller ?
Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que les craintes des élus savoyards, particulièrement de la Haute-Tarentaise, pourront être apaisées par votre réponse, même si l’on dit que, d’ores et déjà, des infrastructures auraient été aménagées à Vars, dans l’Isère, pour recevoir prochainement deux premières compagnies du 7e BCA.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, comme l’ensemble des administrations concernées par le processus de révision générale des politiques publiques, le ministère de la défense, sous l’impulsion de M. Hervé Morin, entreprend une réforme ambitieuse et indispensable à la sécurité du pays, qui doit faire face aux nouvelles menaces de ce siècle, ce qui implique que nos armées s’adaptent à de nouvelles missions.
Par ailleurs, le contexte budgétaire contraint dans lequel se trouve la France nous oblige à trouver nous-mêmes, au ministère de la défense, des marges de manœuvre pour assurer l’équipement des forces et améliorer la condition du personnel militaire et civil. Vous avez évoqué tout à l’heure la situation des forces présentes sur des théâtres extérieurs : il convient qu’elles soient capables de remplir leur mission. Au demeurant, le ministère de la défense a obtenu le rare avantage d’effectuer cette réforme à budget constant : ainsi, les économies qui, progressivement, année après année, seront réalisées grâce au nouveau format des armées profiteront aux équipements, aux matériels, à la condition militaire.
Un autre élément nous pousse à la réforme : nous avons un système d’organisation trop dispersé, trop cloisonné, qui nous fait perdre en réactivité et en efficacité.
Nous n’avons pas tiré toutes les conséquences de la professionnalisation sur notre organisation. Aujourd’hui, il nous faut parachever la réforme afin d’orienter les flux de financement disponibles vers l’équipement des forces et un meilleur rendement du soutien, comme je le disais à l’instant.
Le livre blanc auquel vous faites allusion inspire notre démarche mais n’a pas vocation à indiquer où devraient intervenir des suppressions de garnisons ou des réorganisations.
Le dialogue avec les parlementaires et les élus locaux a commencé depuis peu seulement : il n’y avait pas lieu de lancer un dialogue tant que nous ne disposions pas nous-mêmes d’éléments pour l’alimenter. Les choses se font à leur rythme. Ce dialogue va se poursuivre.
Il s’établira autour des trois grands axes de réorganisation qui articulent la réforme des armées : une densification des unités, pour rationaliser leur stationnement, une mutualisation et une interarmisation, particulièrement dans le domaine de l’administration générale et du soutien.
Je sais, comme vous, à quel point les populations sont attachées au 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice. Moi qui ai fait une partie de mon service militaire au 13e BCA, que vous connaissez bien, je partage votre point de vue : les troupes alpines, de par leur entraînement, leur adaptation au terrain montagneux, ont une excellence reconnue et sont sollicitées pour des actions militaires à l’échelle internationale en milieu naturel similaire à celui dans lequel elles ont coutume d’évoluer. Cela, le nouveau format des armées ne le remettra pas en cause. On ne peut pas dire qu’elles seront pour autant à l’abri de toute réorganisation, c’est évident.
L’abandon de la garnison du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice fait partie des hypothèses envisagées par les services du ministère de la défense dans le cadre de cette réforme, c’est vrai. En effet, sa situation isolée et l’indispensable prise en compte des critères liés à la condition du personnel, intimement associée aux problématiques de recrutement et de fidélisation, qui sont des défis permanents pour l’armée de terre professionnelle, conduisent à envisager le transfert de cette garnison.
Cependant, à ce jour, aucune décision définitive n’est arrêtée. En effet, les conclusions du livre blanc sur la défense nationale et la sécurité intérieure devraient être rendues d’ici à quelques semaines, puis faire l’objet d’une présentation devant les commissions parlementaires et d’un débat devant la représentation nationale. C’est à l’issue de ces travaux que les arbitrages définitifs seront rendus par le Président de la République, probablement à la mi-juin. Le ministre de la défense pourrait ainsi annoncer les mesures nouvelles au cours de la seconde quinzaine dudit mois.
Quoi qu’il en soit, pour chacune des implantations qui, in fine, connaîtront une réduction ou une fermeture – aucune région ne sera épargnée, nous le savons – les mesures d’accompagnement, qu’elles concernent la date de prise d’effet ou l’aménagement du territoire – M. Falco est associé à cette démarche – sont actuellement discutées avec les élus au ministère de la défense. Notre volonté est d’associer le Parlement et les élus locaux à la mise en œuvre de cette réforme essentielle pour la modernisation de notre outil de défense.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Je m’attendais à une réponse prudente, surtout en ce jour de la sainte Prudence ! (Sourires.) Je ne suis pas déçu ; simplement, j’ai confirmation que le risque de la fermeture du 7e bataillon de chasseurs alpins existe bien et qu’une décision sera prise d’ici au 15 juin.
J’ai bien noté aussi que c’est le chef des armées qui rendra les arbitrages et non le ministre de la défense. Nous savons donc où se trouve la clé du maintien – ou du départ – du 7e bataillon de chasseurs alpins. Inutile de dire que, dans deux jours, autour des monuments aux morts de la vallée de la Tarentaise, cet éventuel départ suscitera beaucoup de discussions !
Vous avez indiqué que nos armées devaient s’adapter aux nouvelles menaces qui frappent notre pays, y compris à l’échelon international. Les chasseurs alpins sont fortement mobilisés sur ce théâtre d’opérations extérieures, leur compétence professionnelle étant reconnue. C’est un argument que nous invoquerons lorsque nous plaiderons pour leur maintien.
Vous avez précisé également que la réforme des armées s’articulait autour de trois grands axes de réorganisation, l’un étant la densification des unités. Vous pouvez indiquer à M. le ministre que Bourg-Saint-Maurice est candidate pour une telle densification sur le territoire de la Tarentaise.
Enfin, vous annoncez qu’il y aura des discussions, des échanges. Je note que ces échanges ont commencé aujourd’hui, même si ce n’est que par le biais d’une question orale. Selon moi, tous les parlementaires du département devraient y être associés, qu’ils soient députés ou sénateurs, ces derniers étant – je le rappelle – les représentants des collectivités territoriales.
situation financière des travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ESAT)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 221, adressée à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité.
Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie tout d’abord d’être présente pour me répondre. Je souhaite vous interroger sur les inégalités de ressources entre travailleurs en établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, anciennement « centres d’aide par le travail », selon qu’ils bénéficient ou non de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.
Aux termes de la loi du 11 février 2005 a en effet été mise en place une rémunération garantie pour les travailleurs en ESAT. Celle-ci est comprise entre 55 % et 110 % du SMIC, compte tenu d’une aide au poste maximale fixée à 50 % du SMIC, en application du décret du 16 juin 2006.
Cette rémunération garantie est cumulable avec l’AAH dans certaines limites. En effet, seules les personnes dont le taux d’incapacité permanente est évalué à 80 % peuvent prétendre au bénéfice de l’AAH. Par conséquent, une personne en situation de handicap dont le taux d’incapacité est inférieur à 80 % dispose, à travail égal au sein d’un ESAT, de ressources inférieures à celles d’une personne bénéficiant de l’AAH. Cet écart peut atteindre 50 %.
Comme moi, vous êtes certainement attachée au principe « à travail égal, salaire égal ». Or je constate que, dans mon département de Seine-et-Marne – cela doit être le cas dans d’autres départements – la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées est très fréquemment sollicitée pour accorder un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 % aux travailleurs en ESAT, quelle que soit l’application stricte du guide barème.
Je rappelle que l’AAH a été revalorisée très modestement, eu égard aux engagements présidentiels. Mais cette revalorisation, qui est la bienvenue pour ceux qui en bénéficient, pourra avoir un effet pervers dans la mesure où les disparités entre les travailleurs en ESAT s’en trouveront accrues.
Face à cette imperfection, voire cette incohérence, du dispositif, quelles sont les évolutions qui peuvent être envisagées pour le rendre plus homogène ? Les commissions locales n’ont pas vocation à corriger ces incohérences. Elles sont déjà en difficulté quand elles doivent appliquer le barème face à ces travailleurs, qui, je le rappelle, sont loin de pouvoir être classés dans la catégorie des salariés moyens ou riches : ils gagnent environ 600 euros.
Sur cette situation qui est source de problèmes, non pas techniques, mais politiques et humains, j’aimerais entendre votre réponse, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Madame la sénatrice, vous savez toute l’importance que le Gouvernement attache à la question des ressources des personnes handicapées. Depuis plusieurs mois déjà, nous avons engagé une véritable concertation, dans le cadre du Comité de suivi de la politique du handicap, afin de dégager des propositions pour améliorer le pouvoir d’achat des personnes handicapées, et ce en vue de la Conférence nationale du handicap, qui se tiendra le 10 juin prochain.
Pour réfléchir à tous ces aspects, y compris celui que vous venez d’évoquer, toute une série de commissions et de groupes de travail thématiques ont été mis en place, lesquels regroupent l’ensemble des opérateurs de terrain, notamment les associations et les maisons départementales des personnes handicapées.
Dans le cadre de cette réflexion, les personnes accueillies en ESAT ne sont donc pas oubliées. Il nous paraît en effet indispensable que celles-ci – lourdement handicapées puisque l’accès à de telles structures n’est possible que pour celles et ceux dont la capacité de travail est inférieure au tiers de la normale – soient encouragées à développer leurs capacités professionnelles grâce à une rémunération juste et équitable.
À cet égard, la loi du 11 février 2005 a considérablement amélioré les ressources des personnes accueillies en ESAT, et ce d’un triple point de vue.
Tout d’abord, vous l’avez rappelé, la rémunération garantie versée par l’établissement peut désormais atteindre 110 % du SMIC, contre 100 % auparavant, niveau qui permet alors à la personne de subvenir à ses besoins par ses seuls revenus d’activité sans recourir à l’allocation aux adultes handicapés.
Ensuite, le système de rémunération en ESAT est désormais conçu pour encourager la personne concernée à développer ses capacités : l’aide au poste versée par l’État ne diminue plus systématiquement chaque fois que l’ESAT fait un effort pour améliorer la rémunération directe de la personne.
Enfin, un mécanisme incitatif de cumul entre la rémunération en ESAT et l’allocation aux adultes handicapés a été créé, afin d’encourager les personnes accueillies à progresser dans leurs activités.
En réalité, madame la sénatrice, les disparités que vous avez relevées dans la rémunération des personnes accueillies en ESAT proviennent de la législation sur l’AAH elle-même : en effet, les personnes ayant un taux d’invalidité supérieur à 80 % bénéficient d’un abattement supplémentaire sur leurs ressources, et cela conduit à majorer l’allocation qui leur est versée.
L’objectif du travail de remise à plat engagé dans le cadre du comité de suivi précité est bien d’examiner la pertinence des différences de traitement dans l’accès à l’allocation aux adultes handicapés : si certaines d’entre elles sont sans doute légitimes, d’autres le sont nettement moins, à l’image de la condition d’inactivité d’un an exigée parfois pour l’obtention de l’AAH, dont la suppression a d’ailleurs été annoncée par le Président de la République.
Pour étayer mon propos, je prendrai l’exemple d’une personne percevant l’allocation aux adultes handicapés et titulaire d’un contrat à durée déterminée de trois mois : si ce dernier n’est pas renouvelé, cette personne devra attendre un an avant de pouvoir de nouveau bénéficier de l’AAH. C’est précisément l’une des difficultés que nous nous sommes engagés à étudier dans le cadre du comité de suivi mis en place pour réfléchir de manière globale à la question de l’articulation entre ressources du handicap, retour à l’emploi et travail en ESAT, quelles que soient les situations rencontrées.
Ce groupe de travail rendra ses conclusions définitives le 10 juin prochain, à l’occasion de la Conférence nationale présidée par le Président de la République. Conformément à ce que nous avions précisé lors de la présentation du comité de suivi, l’objectif est d’éliminer toutes les situations dans lesquelles l’accès ou le retour à l’emploi d’une personne handicapée est « désincité » par une mauvaise articulation entre des revenus du handicap et le mode de rémunération. Plus globalement, telle est aussi l’ambition du revenu de solidarité active.
Madame la sénatrice, sachez en tout cas que ce sujet est véritablement au cœur de nos préoccupations et que des mesures précises ne tarderont pas à être annoncées.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d’État, nous attendrons donc le 10 juin prochain pour savoir ce qu’il en sera réellement.
Cela étant, je me suis interrogée sur l’opportunité de ma question après avoir lu attentivement, hier soir, le Livre vert que votre collègue Martin Hirsch a consacré au revenu de solidarité active, sujet sur lequel ce dernier sera auditionné tout à l’heure par la commission des finances. Si j’ai bien compris, son ambition, qui, d’ores et déjà, a été profondément réduite en termes de financement, était d’intégrer dans le calcul du RSA l’ensemble des prestations sociales, y compris, d’ailleurs, l’AAH, puisqu’il s’agit, là aussi, d’encourager le travail, conformément à la philosophie affichée du dispositif d’ensemble.
Si cela est confirmé, ma préoccupation serait tout de même quelque peu « décalée » par rapport à la réalité. Mais je continue à m’interroger, puisque l’on ne connaît toujours pas le périmètre exact du RSA. Du reste, ce n’est pas vous qui allez pouvoir m’éclairer sur ce point aujourd’hui !
J’étudierai donc avec beaucoup d’attention les propositions qui ressortiront de la Conférence nationale du 10 juin prochain. En tout état de cause, il ne faudrait tout de même pas, comme c’est malheureusement devenu une habitude, déshabiller l’un pour habiller – très mal ! – l’autre.
Madame la secrétaire d’État, je vous fais confiance, car je connais votre volonté tenace de régler le problème. Mais je ne suis pas totalement confiante à l’égard des arbitrages qui seront rendus.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Madame Bricq, lorsque nous avons mis en place ce groupe de travail, nous y avons associé les équipes de Martin Hirsch afin de disposer d’une vision cohérente pour tout ce qui touche à l’articulation entre des ressources liées soit à une inactivité, soit au handicap, et l’accès ou le retour à l’emploi.
Cela signifie, non pas que l’ensemble des prestations sociales seront intégrées dans le calcul du RSA, mais que notre démarche se veut logique et cohérente. À nos yeux, il ne doit pas y avoir de perdants parmi ceux qui souhaitent accéder à l’emploi.
Dans le cadre du handicap, vous le savez, il n’y a pas que l’AAH. Il nous faut également tenir compte de la compensation du handicap et de sa spécificité. Si la question du handicap est un volet particulier de notre action, nous souhaitons travailler sur ce sujet en cohérence avec les différentes politiques qui visent à la solidarité.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 223, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le vif mécontentement que provoquent parmi les étudiants en travail social les modalités de mise en œuvre du décret du 31 janvier 2008 relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise, pris en application de l’article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.
Vous le savez, ce texte prévoit de rémunérer certains stagiaires à hauteur de 30 % du SMIC, mais uniquement à compter du troisième mois de stage, ce qui signifie, concrètement, que cette rémunération n’est due qu’à compter du premier jour du quatrième mois de stage.
M. Thierry Repentin. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Cela revient à gratifier le stagiaire d’une somme de 398 euros, c’est-à-dire 99,50 euros mensuels pour les trois premiers mois.
Outre le peu de considération accordé au stagiaire au regard de la modestie d’une telle somme, alors que celui-ci va accomplir un travail réel, le décret incriminé pose d’autres problèmes. En effet, il institue une inégalité de traitement en fonction des filières choisies par les étudiants.
Celles-ci sont en effet plus ou moins longues selon que l’intéressé souhaite devenir assistant social, éducateur spécialisé, moniteur-éducateur ou aide médico-psychologique. Certains de ces étudiants ne bénéficieront d’ailleurs d’aucune gratification. De plus, certaines catégories d’étudiants sont de fait exclues du dispositif. Il s’agit des étudiants qui poursuivent un diplôme de niveau 4, ceux qui sont allocataires des ASSEDIC, en congé individuel de formation ou boursiers. Les organismes de caractère associatif qui accueillent ces stagiaires sont dans l’incapacité de les financer ; quant à l’État, il refuse d’appliquer cette règle à ses propres services.
Tout cela n’est pas sans conséquence. Des structures ont gelé les stages faute de financement : les étudiants concernés se retrouvent, de ce fait, dans l’impossibilité de valider leurs diplômes puisque ceux-ci supposent des formations, dites en alternance, avec obligation de stages pratiques. Certains étudiants envisagent d’ailleurs d’abandonner leur cursus en cours.
Voilà pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous demande instamment de bien vouloir me préciser les mesures que vous comptez prendre pour que, sans tarder, l’État débloque les financements nécessaires aux gratifications liées à ces stages, pour que celles-ci soient cumulables avec toute autre allocation, pour qu’elles puissent être perçues à compter du premier jour de stage sans distinction aucune entre les différentes filières sociales choisies et pour qu’en même temps des compensations financières soient accordées aux structures de type associatif permettant ainsi le versement des gratifications.
M. Thierry Repentin. Voilà un vrai problème qui est posé !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur Foucaud, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Xavier Bertrand, qui a souhaité que je le représente pour vous faire part des éléments de réponse suivants.
Tout d’abord, il partage votre volonté de permettre aux étudiants concernés d’achever leur cursus de formation. Les dernières dispositions que nous avons prises ont pour objectif de valoriser les stages. Il ne s’agit en aucun cas de tarir l’offre.
C’est pourquoi, concernant le montant de la gratification, la démarche que le Gouvernement a adoptée en vue d’appliquer la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a été pragmatique, concertée et équilibrée, avec le souci de donner une portée réelle à la gratification obligatoire votée par le Parlement, et ce sans déséquilibrer les formations.
En prenant le décret du 31 janvier 2008, le Gouvernement a fixé le montant minimal de la gratification à 12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 30 % du SMIC. Le stagiaire perçoit la gratification dès le premier jour, et non plus seulement à partir du début du quatrième mois de stage.
Ce que vous souhaitez, monsieur le sénateur, nous l’avons par conséquent déjà fait ! (M. Thierry Foucaud fait un signe de dénégation.)
Ensuite, le champ d’application de cette réglementation inclut les entreprises publiques, les établissements publics industriels et commerciaux, ainsi que les associations.
En effet, la loi pour l’égalité des chances ne concernait pas les stages dans les administrations. Toutefois, André Santini examine cette question et il rencontrera d’ailleurs prochainement le Comité des stages et de la professionnalisation des cursus universitaires.
Cette loi ne modifiait pas non plus le régime des stages de la formation professionnelle continue, accomplis par des salariés ou des demandeurs d’emploi qui n’ont pas le statut d’étudiant. Il n’y a donc pas lieu, monsieur Foucaud, d’incriminer le décret sur ce point.
Dans la mesure où, je le rappelle, avant 2006, il n’existait aucune garantie pour les stagiaires, on peut dire que le Gouvernement offre ainsi une réelle avancée sociale aux étudiants et une valorisation de leur investissement dans le monde du travail.
J’en viens à la situation des étudiants en travail social qui effectuent souvent leur stage dans des associations gérant des établissements ou des services d’action sociale. Je rappelle que la gratification n’est obligatoire que pour les stages de plus de trois mois consécutifs.
Dans les structures qu’il finance, l’État a pris toutes ses responsabilités pour garantir que les stages puissent avoir lieu dans les établissements et services médico-sociaux. Les dépenses correspondant aux gratifications obligatoires sont prises en charge, notamment au titre de l’assurance maladie. Le financement existe donc bien, il est intégré dans la tarification des établissements et services. Xavier Bertrand a donné, dès le mois de février, des instructions très claires en ce sens aux services déconcentrés, et cet engagement qui s’applique dès cette année vaut, bien entendu, pour l’avenir.
Pour réussir l’accompagnement de la dépendance, du handicap, de la petite enfance et des personnes en difficulté, nous avons besoin de former des travailleurs sociaux, et je sais que les conseils généraux partagent pleinement ce souci. C’est la raison pour laquelle de nombreux conseils généraux ont choisi une approche pragmatique, en facilitant l’application de la gratification obligatoire dans les établissements et services qu’ils financent ; nous les y encourageons de telle sorte qu’aucun étudiant ne soit mis en situation de ne pouvoir accomplir son stage.
Xavier Bertrand a adressé un courrier en ce sens à M. Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, avec laquelle ses services restent en contact pour examiner les modalités d’application et faire en sorte que les stages prévus puissent avoir lieu, afin de ne pas compromettre les formations dont le secteur a besoin.
Quant au cumul de la gratification de stage avec les bourses d’étude pour les étudiants en travail social, c’est aux conseils régionaux qu’il appartient de préciser les règles d’attribution des bourses.
Voilà la réponse que Xavier Bertrand souhaitait vous apporter, monsieur Foucaud, pour rétablir les choses sur ce sujet qu’il suit avec beaucoup d’attention.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d’État, je ne suis, bien sûr, pas satisfait de votre réponse.
Tout d’abord, vous affirmez que Xavier Bertrand souhaite que les stagiaires puissent finir leur stage. C’est bien la preuve qu’il existe un malaise réel chez ces étudiants, notamment à propos des questions de rémunération.
Si l’on en croit vos propos, tout est pour le mieux, tout va dans le bon sens, et ceux qui s’interrogent travestissent la réalité. Dans ce cas, pourquoi les étudiants des instituts du développement social, les IDS, ont-ils prévu une journée nationale de mobilisation avec manifestation, à Paris, le 13 mai ? Vous pourrez alors mesurer par vous-même leur mécontentement et leur détermination.
Votre réponse s’inscrit naturellement dans la politique gouvernementale, dont la caractéristique majeure est l’inégalité de traitement qu’elle instaure entre nos concitoyens : vous accordez 15 milliards de cadeaux fiscaux, au travers de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, aux plus nantis, et vous opposez une réponse négative à la demande de versement d’une gratification mensuelle de 398 euros pour les stagiaires !
Or il faudrait accorder une contrepartie financière dès le premier jour pour tous les stages effectués par les étudiants, comme ceux-ci le souhaitent. Nous proposons que cette contrepartie soit fixée selon un barème national défini dans le cadre d’une négociation nationale.
Nous proposons en outre que les déplacements donnent lieu, selon les besoins, à des indemnités de transport, de repas et de logement.
Enfin, j’ai retenu de votre intervention que vous vouliez faire payer, une fois de plus, les départements et les régions.
emplois spécifiques de la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 198, adressée à M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique.
M. Georges Mouly. Je souhaite, tout d’abord, dire à Mme la secrétaire d’État que j’ai écouté avec beaucoup d’attention la réponse « en deux temps » qu’elle a faite à la question de Mme Nicole Bricq et que je l’ai beaucoup appréciée.
Le sujet que je vais aborder est tout autre.
La fonction publique territoriale a été reconnue par la loi du 26 janvier 1984. Des lois successives ont fait évoluer son statut : celles de 1987, 1994, 1996, 2001 et celle de 2005, qui a introduit les contrats à durée indéterminée.
Malgré toutes ces évolutions, un nouveau texte a paru nécessaire afin de tenir compte de l’évolution des missions qui sont aujourd’hui confiées à la fonction publique territoriale. Il s’agit de la loi du 17 février 2007, qui comporte un grand nombre de dispositions très importantes concernant la gestion des ressources humaines des collectivités territoriales et la clarification du paysage institutionnel de la fonction publique territoriale. Un des objectifs affichés est bien de renforcer l’attractivité des métiers.
Cependant, certains agents demeurent exclus du bénéfice de ces évolutions successives. Il existe des emplois spécifiques, créés sur la base de l’article L. 412-2 du code des communes, qui n’ont pu bénéficier, au moment de la constitution des cadres d’emploi de la fonction publique territoriale, d’une intégration dans ces cadres d’emploi. La nature même de l’emploi spécifique ne permet ni mutation ni détachement, ce qui limite le déroulement de carrière au cadre défini par la délibération qui a institué l’emploi.
Certes, la loi adoptée en 2007 a permis d’intégrer automatiquement les titulaires d’emploi spécifique, mais au seul bénéfice de la catégorie A, sous réserve que soient remplies certaines conditions. Or il existe des emplois spécifiques qui concernent les catégories B et C.
Un traitement identique de tous les agents titulaires d’emploi spécifique, quelle que soit la catégorie, semble relever de la simple équité et mettrait un terme à une situation extrêmement pénalisante pour des agents, au demeurant peu nombreux, qui ne peuvent ni évoluer dans leur carrière ni envisager de mobilité.
Malgré une mise en œuvre récente de ce nouveau dispositif, ne serait-il pas possible d’envisager d’étendre l’intégration automatique de ces agents, dès lors que sont remplies les conditions de diplômes et de durée de carrière ?
Je profite de cette intervention pour renouveler les préoccupations, dont j’ai fait part récemment par courrier, relatives au déroulement de carrière et de rémunération des personnels de catégorie C de la fonction publique territoriale. Il me semble en effet essentiel de veiller à la situation de ces personnels, qui constituent la catégorie la plus modeste de la fonction publique territoriale. Les agents des petites collectivités sont souvent bloqués dans leur carrière, compte tenu de la taille même de la collectivité, d’autres ont entamé une seconde carrière dans la fonction publique territoriale et certains assument des missions qui dépassent largement leur cadre d’emploi. Les compétences sont réelles, le mérite certain, néanmoins, les perspectives de déroulement de carrière sont peu encourageantes.
La refonte des échelles de rémunération de la catégorie C a certes permis des améliorations, mais de nombreux agents restent encore pénalisés par des perspectives d’évolution quasiment inexistantes pour certains grades, situation engendrée par l’application même de ces nouveaux dispositifs. M. le secrétaire d’État m’a indiqué qu’il avait pris bonne note des remarques que je lui transmettais et que ce dossier serait soumis à un examen attentif.
Je sais pouvoir compter sur l’intérêt attentif du Gouvernement, d’autant plus que vient de paraître le livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, issu de la réflexion de la Conférence nationale sur les valeurs, les missions et les métiers de la fonction publique installée par M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, M. le Premier ministre et M. le ministre du budget, dans l’objectif de faire des services publics et de la fonction publique des atouts pour la France.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention de M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique sur les emplois spécifiques de la fonction publique territoriale.
Ces emplois dits spécifiques sont ceux qui ont été créés antérieurement à l’institution des cadres d’emplois de la fonction publique territoriale, en application de la loi du 26 janvier 1984.
La situation des titulaires de ces emplois a été prise en compte dans le processus de construction statutaire. Chacun des statuts particuliers des cadres d’emplois publiés depuis 1987 a ainsi prévu des dispositions particulières ayant pour objet de permettre l’intégration de ces fonctionnaires, celle-ci étant obligatoire dès lors que les agents remplissaient les conditions fixées. Lorsque les fonctionnaires ne remplissaient pas en totalité celles-ci, ils pouvaient présenter une demande d’intégration qui faisait alors l’objet d’une procédure spécifique d’instruction.
Les statuts particuliers des cadres d’emplois classés en catégorie A prévoyaient la saisine, en tant que de besoin, d’une commission nationale d’homologation ad hoc lorsque l’une au moins des conditions de diplôme ou d’ancienneté n’était pas remplie. Cette commission n’existe plus, mais il demeure un certain nombre de fonctionnaires territoriaux occupant des emplois spécifiques de catégorie A qu’il convient d’intégrer.
C’est ce qui a notamment justifié le dépôt, lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, d’un amendement d’origine parlementaire visant à créer, dans la loi du 26 janvier 1984, un article 139 ter qui dispose : « Les titulaires d’un emploi spécifique de catégorie A qui n’ont pas été intégrés dans les filières de la fonction publique territoriale et qui possèdent un diplôme de niveau licence ainsi que quinze années de carrière dans un emploi spécifique sont automatiquement, à leur demande, intégrés dans l’une des filières de la fonction publique territoriale. Les modalités pratiques de cette intégration sont fixées par décret ».
En revanche, les statuts particuliers des cadres d’emplois classés en catégorie B ou C prévoyaient la saisine, en tant que de besoin, de la commission administrative paritaire compétente, notamment quand les intéressés ne possédaient pas le diplôme prévu ou n’avaient pas l’ancienneté de services exigée mais une qualification permettant de les assimiler, en raison de leur niveau de responsabilité, à celle d’un grade statutaire.
De par cette procédure, nettement moins lourde que pour les titulaires d’emplois du niveau de la catégorie A, les fonctionnaires qui occupaient des emplois spécifiques relevant du niveau des catégories B ou C ont généralement pu être intégrés, dès lors qu’ils le demandaient, directement dans les cadres d’emplois de même catégorie avec, le cas échéant, une simple consultation de cette commission.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. André Santini m’a demandé de porter à votre connaissance. J’espère qu’ils vous satisferont. Je ne manquerai pas, pour ma part, de lui transmettre les informations complémentaires dont vous nous avez fait part, à la fin de votre question, sur la situation des agents de catégorie C et lui demanderai de vous répondre par écrit sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’avoir bien voulu me communiquer la réponse de M. Santini. Cette réponse précise mérite d’être lue attentivement afin de déterminer quelles suites éventuelles il faudra lui donner.
Je tiens à vous remercier également pour l’engagement que vous avez bien voulu prendre.
numéros d’appel surtaxés des administrations
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 231, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Mme Catherine Procaccia. J’ai souhaité interroger M. le ministre du budget sur les modalités de facturation des numéros surtaxés des services publics.
En effet, de nombreuses administrations - caisses primaires d’assurance maladie, caisses d’allocations familiales, Assedic - ne sont joignables par les citoyens que par le biais de ces numéros.
Dans la mesure où les appels adressés à ces organismes sont toujours guidés par la nécessité, on peut s’interroger sur le fait que les temps d’attente, qui sont souvent longs, soient facturés à l’usager. Est-ce à lui de supporter ces contraintes de fonctionnement ? Est-il bien normal que certains citoyens payent plus cher pour entrer en contact avec leur hôpital, lorsque celui-ci a fait le choix d’un numéro surtaxé ?
Le Gouvernement a apporté un début de réponse à cette question, en janvier dernier, dans la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui a modifié l’article L. 121-84-3 du code de la consommation en prévoyant la gratuité du temps d’attente pour les usagers qui appellent les services clientèle, technique ou après-vente d’un opérateur de téléphonie. Il s’agissait de mettre fin aux abus constatés et dénoncés de certains opérateurs.
Nous sommes un certain nombre à avoir constaté que le temps d’attente était désormais gratuit vers les opérateurs. Certes, mais lorsqu’on les appelle, une personne vous indique immédiatement qu’elle recherche votre dossier ou qu’elle transmet votre appel. À partir de ce moment-là, l’appel est payant puisque vous avez été mis en communication avec quelqu’un « au bout du fil », et pourtant le temps d’attente n’est pas terminé pour autant ! Cela fera sans doute l’objet d’une autre question adressée à M. Chatel !
Lors du débat relatif au projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, un certain nombre d’entre nous – j’en faisais partie – avaient interrogé M. Chatel sur le temps d’attente payant vers les services publics.
Il nous avait alors répondu que les services publics avaient recours à des opérateurs de téléphonie parce que ceux-ci leur vendaient des plateformes clés en main. La permutation vers un système de décompte entre attente et communication était donc très compliquée et impossible à mettre en œuvre immédiatement. Je sais que M. le ministre du budget travaille sur ce dossier depuis le mois de septembre dernier, mais il n’empêche que les citoyens doivent toujours payer pour consulter la CAF ou pis les ASSEDIC, alors qu’ils sont dans une situation financière difficile.
Finalement, on ne paie pas pour appeler sa hotline lorsque l’on a un problème avec Internet ou le téléphone, mais on paie pour entrer en contact avec un service public !
À la suite des engagements pris par M. Chatel et des réflexions engagées par M. Woerth, j’aimerais savoir quelles mesures ont été prises pour encourager les services publics à entreprendre les modifications de leur système afin d’instaurer un temps d’attente gratuit et quels délais ont été fixés pour leur mise en œuvre ?
Au demeurant, j’espère que les services publics ne procéderont pas aux mêmes détournements que ceux que j’ai dénoncés tout à l’heure.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Madame le sénateur, vous avez appelé l’attention d’Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la réduction du coût des appels surtaxés et sur la gratuité du temps d’attente.
La réduction de la facture téléphonique des usagers est un sujet prioritaire sur lequel s’est engagé le Gouvernement. Vous l’avez rappelé, dès janvier 2008, le Gouvernement a mis fin à la surtaxation des appels vers les services d’assistance des opérateurs téléphoniques et a rendu gratuit le temps d’attente vers ces services.
Reconnaissons-le, ce sont deux mesures concrètes en faveur du pouvoir d’achat des Français qui ont été votées dans le cadre de la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
Néanmoins, cette gratuité du temps d’attente n’est possible que si l’on peut déterminer de manière précise le moment où un appel est « décroché ». Cela nécessite que l’ensemble de la chaîne de réponse soit traitée par le même opérateur. Or, pour l’administration, les réponses aux usagers sont traitées en interne, alors que l’acheminement des appels est géré par des opérateurs téléphoniques.
Dans les conditions actuelles, il n’est techniquement pas possible d’appliquer la gratuité du temps d’attente vers les administrations. Pourtant, pour ce qui concerne le coût des centres d’appels des administrations, le Gouvernement a décidé de ne pas en rester là. En effet, il a choisi de s’attaquer à la pratique des appels surtaxés dans les administrations. Aussi, dès le 6 septembre dernier, M. Woerth a donné instruction pour ramener à une tarification locale l’ensemble des services téléphoniques placés sous sa responsabilité.
Conformément à ces engagements, le coût des appels vers les centres impôts-services a été ramené à celui d’un appel local. Concrètement, c’est une division par quatre de la facture des usagers, pour plus de 3 millions d’appels reçus ! Cette décision est en train de se généraliser dans les autres centres d’appels des ministères, dont les coûts d’appels passeront au coût d’un appel local au fur et à mesure du renouvellement des contrats passés avec les opérateurs.
Vous le voyez, le Gouvernement est convaincu de la nécessité de continuer d’agir sur ce sujet et de renforcer l’action engagée par Éric Woerth. Il y va de l’accès des services publics par tous ainsi que du pouvoir d’achat des Français.
Quoi qu’il en soit, je me ferai l’écho de votre intervention précise et détaillée, madame le sénateur, afin que nous accroissions nos efforts dans le secteur tant privé que public.
Comme vous l’avez souligné, nous aurons l’occasion d’aller plus loin encore, lors de débats à venir, pour faire en sorte que les services publics soient vraiment accessibles à tous.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je vous remercie, madame le secrétaire d’État, de m’avoir précisé qu’il appartenait aux ministères chargés des différentes administrations de prendre les décisions. C’est donc vers eux que je me tournerai.
Toutefois, je m’interroge plus particulièrement sur les hôpitaux. Ceux-ci dépendent, me semble-t-il, de l’Assistance publique. Relèvent-ils du ministère de la santé pour ce qui concerne la question des appels téléphoniques, qui est scandaleuse ? Je ne le sais pas. S’agissant des ASSEDIC, il va falloir se tourner vers le nouvel opérateur qui s’occupe directement du ministère de l’emploi.
Pour avoir souscrit des contrats dans des entreprises, je sais que les délais peuvent être très longs, de trois ans à cinq ans. Si les administrations viennent de signer leur contrat, la différence de traitement avec les opérateurs privés de téléphonie va donc durer. Je déplore cette situation. Toutefois, un contrat peut se renégocier ! Pourquoi n’a-t-on pas demandé aux ministères de renégocier leurs contrats ? Comme vous me l’avez suggéré, madame le secrétaire d’État, je poserai cette question à M. le ministre du budget lors de débats ultérieurs.
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
5
Modernisation du marché du travail
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant modernisation du marché du travail (nos 302, 306).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Où est M. Xavier Bertrand ? Pour un texte si important !
Mme Christiane Hummel. Mme Létard est très bien !
M. Guy Fischer. Mais je n’ai pas dit le contraire !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur Fischer, ce projet de loi est effectivement très important. Je vais en faire la présentation initiale mais, rassurez-vous, Xavier Bertrand va très rapidement me rejoindre. Il est actuellement sur le chemin du retour après avoir suivi le président de la République en déplacement dans le département du Gard et vous prie, monsieur le président mesdames, messieurs les sénateurs, de vouloir bien excuser son retard. En tout cas nous serons tous les deux dans cet hémicycle pour travailler avec vous sur cette question de la modernisation du marché du travail. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Prends garde à toi, Fischer ! (Sourires.)
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. La flexicurité est l’intérêt naturel des entreprises et des salariés : depuis presque vingt-cinq ans – depuis 1984, pour être précis, date de l’échec des négociations sur « l’adaptation des conditions de l’emploi » –, la flexicurité attendait de prendre forme en France.
En apportant des réponses concrètes à cette question, les partenaires sociaux ont témoigné du succès de la négociation collective et le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est né de l’accord interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail qui a été signé le 11 janvier 2008.
Premier accord conclu dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, il a été signé par les partenaires sociaux, qui ont su trouver eux-mêmes les solutions adaptées aux problèmes qui les concernent. Cet accord prouve que nous sommes entrés dans une nouvelle ère du dialogue social ; il prouve que, dans une société moderne, on a toujours raison de privilégier la voie de la négociation, voire de la concertation, selon les sujets.
Le projet de loi qui vous est soumis atteste que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre cet accord et lui donner force obligatoire le plus rapidement possible.
Ce texte a été élaboré en étroite concertation avec les signataires. Nous avons identifié les points qui nécessitaient une loi, sachant que, à terme, tout l’accord sera applicable à tous les salariés selon des modalités négociées.
Comme les parties signataires en sont convenues, certains sujets feront l’objet de négociations ultérieures, comme la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, GPEC, ou l’assurance chômage.
D’autres domaines seront précisés dans les décrets et arrêtés d’application de ce projet de loi. Nous avons travaillé à ces décrets avec les signataires et avec les parlementaires, afin qu’ils puissent être publiés aussitôt que la loi aura été promulguée. Ces projets de décrets que Xavier Bertrand vous a fait parvenir ont été transmis à la commission nationale de la négociation collective, qui les examinera le 13 mai prochain. C’est également le cas de l’arrêté prévoyant le formulaire type pour la rupture conventionnelle.
Enfin, nous avons également mis en place le groupe de réflexion tripartite demandé par les signataires de l’accord sur le contexte juridique nécessaire pour fixer le minimum et le maximum des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce groupe s’est réuni le 31 mars et se réunira de nouveau le 20 mai.
Le présent texte rendra applicables les avancées considérables introduites par l’accord du 11 janvier. Celles-ci façonnent un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité, pour une flexicurité à la française.
Ce projet de loi apporte tout d’abord des garanties nouvelles aux salariés.
Il pose un principe essentiel : la forme normale de la relation de travail, la forme de droit commun, est le contrat de travail à durée indéterminée.
Les représentants du personnel seront désormais informés sur le recours prévisionnel aux contrats de travail à durée déterminée et temporaire.
En cas de maladie, l’ancienneté requise pour bénéficier d’une indemnisation complémentaire sera réduite de trois ans à un an.
La durée des stages de fin d’études sera comprise dans la période d’essai, jusqu’à réduire celle-ci de moitié.
Le montant de l’indemnité de licenciement sera unifié en doublant celui qui est prévu en cas de licenciement pour motif personnel, et l’ancienneté nécessaire pour percevoir l’indemnité passera de deux ans à un an.
Enfin, ce projet de loi pose le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé, et il vient clarifier une situation de fait : il abroge le contrat « nouvelles embauches », le CNE.
Désormais, tout salarié dont le contrat de travail est rompu par son employeur connaîtra donc le motif de son licenciement, selon le principe présent dans l’accord qui demandait aux pouvoirs publics de prendre les dispositions nécessaires pour que l’exigence de motivation et de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement « s’applique à tous les contrats ». Xavier Bertrand l’avait dit dès qu’ont été connus la décision de l’Organisation internationale du travail, en novembre 2007, et les arrêts des cours d’appel qui ont rendu inopérant le CNE.
La meilleure sécurisation juridique, pour les salariés comme pour les entreprises, consiste à mettre en cohérence le droit et la réalité, dans un souci de pragmatisme, pour éviter aux entreprises et aux salariés de courir des risques inutiles. Tel était le vœu des signataires de l’accord du 11 janvier 2008, mais telle était aussi la volonté du Gouvernement.
Ce projet de loi modernise les relations individuelles de travail en offrant des règles plus simples, qui s’appuient sur des garanties.
Les partenaires sociaux ont voulu mettre en place de nouvelles périodes d’essai interprofessionnelles par catégories, qui seront donc applicables dans toutes les professions et dans tous les secteurs d’activité.
Les rares périodes d’essai plus longues que prévoient aujourd’hui les accords de branche resteront applicables, comme le requiert l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008. Pour les périodes d’essai plus courtes, le projet de loi ménage une période de transition d’une année avant de les rendre inopérantes. Ce délai, qui correspond à la période légale de survie d’un accord collectif dénoncé, permettra aux négociations de branche d’adapter la durée des périodes pour les cas où cela s’avérerait nécessaire.
Le projet de loi permet aussi au contrat de travail ou aux accords collectifs qui seront conclus après l’entrée en vigueur de la loi de fixer des périodes d’essai plus courtes.
Le projet de loi rendra possible la rupture conventionnelle du contrat de travail. Il s’agit d’une modernisation sans précédent des relations individuelles de travail. Cela rejoint la décision 145 du rapport de la commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali. La modernisation de l’économie souhaitée par les membres de cette commission trouve ici son premier écho concret dans le domaine social. Ce ne sera pas le dernier ; nous avons besoin de mettre en œuvre ce type de propositions contenues dans le « rapport Attali ».
Ainsi, l’employeur et le salarié pourront convenir ensemble de rompre leurs relations de travail dans un cadre légal entouré de garanties : assistance des parties, délai de rétractation de quinze jours et homologation par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Ces garanties sont reprises par le projet de loi, qui en précise la mise en œuvre.
Cette nouvelle forme de rupture vise à la simplification : c’est pourquoi il est apparu naturel que les recours juridictionnels soient tous traités par les conseils de prud’hommes, que les contentieux portent sur l’homologation ou sur la convention.
Il s’agit d’une innovation essentielle dans notre droit : elle devrait sécuriser les modes de rupture et réduire la judiciarisation dans notre pays, où un quart des licenciements pour motif personnel donne aujourd’hui lieu à un recours en justice.
Le projet de loi offrira aux entreprises des outils pour accompagner et sécuriser leur activité.
Pendant cinq ans sera expérimenté un contrat à durée déterminée à objet défini. Il permettra à une entreprise d’embaucher un ingénieur ou un cadre afin de réaliser un projet pour une durée de dix-huit à trente-six mois. Cela offrira aux entreprises une plus grande souplesse pour recruter les compétences nécessaires à l’exécution de certaines missions ponctuelles. Un accord collectif devra être préalablement conclu pour garantir les conditions d’utilisation de ce contrat.
Enfin, le portage salarial pourra être encadré par un accord qui sera conclu d’ici à deux ans dans la branche du travail temporaire, comme l’ont souhaité les partenaires sociaux. Nous souhaitons que, dans cette perspective, les intérêts de tous soient pris en compte, et Xavier Bertrand a écrit à cet effet au syndicat des entreprises de travail temporaire, qui lui a donné des assurances à ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion qui s’ouvre aujourd’hui va nous permettre de donner force obligatoire à cet accord et, sur certains points, d’améliorer le texte qui vous est soumis, dans le respect de l’équilibre de l’accord.
L’Assemblée nationale a d’ores et déjà procédé à quelques améliorations, que je voudrais rappeler brièvement.
En premier lieu, les députés ont souhaité préciser que les personnes qui signeront une rupture conventionnelle bénéficieront des droits à l’assurance chômage.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et même celles qui n’en signeront pas !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. C’est une clarification importante, qui reprend une stipulation de l’accord du 11 janvier 2008, et les négociations de la future convention d’assurance chômage viendront confirmer ce principe.
Toutefois, la précision apportée par l’Assemblée nationale peut être encore améliorée, et c’est d’ailleurs, me semble-t-il, l’objet de l’un des amendements de la commission des affaires sociales.
Les députés ont également souhaité que les parties s’informent mutuellement de l’utilisation qu’elles entendent faire de la possibilité de se faire assister lors de l’entretien prévu en matière de rupture conventionnelle.
Ensuite, les députés ont écrit noir sur blanc que l’indemnité de rupture de 10 % prévue pour le CDD à objet défini est due par l’employeur au salarié, et non l’inverse, en cas de rupture engagée sur l’initiative du salarié.
Concernant le nouveau CDD à objet défini, Xavier Bertrand a été amené, au cours des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, à apporter quelques clarifications, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir, d’autant qu’un amendement de la commission des affaires sociales vise à apporter d’utiles précisions sur ce point.
Enfin, les députés ont complété la sécurisation juridique que nous avions voulu mettre en œuvre pour le CNE en prévoyant l’application des périodes d’essai conventionnelles pour les CNE requalifiés en CDI.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi contient de grandes avancées dans le domaine des relations sociales. Il constitue une première étape importante, et même décisive. Nous le savons tous, la modernisation de notre économie et de notre marché du travail appelle d’autres accords, en particulier sur la formation professionnelle et l’assurance chômage.
Ce que veulent les Français, ce que nous voulons et ce que nous mettons en œuvre pour la société française, c’est la modernisation du contrat de travail, la modernisation du droit du travail, la modernisation du marché du travail. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est-elle entrée, depuis le 31 janvier 2007, dans une ère nouvelle des relations du travail ? Nous sommes parfaitement fondés à le croire si l’on en juge par l’application réussie qui vient d’être faite de la loi de modernisation du dialogue social, promulguée à cette date.
Saisis par le Gouvernement, qui leur a adressé un document d’orientation en juin dernier, les partenaires sociaux se sont livrés à d’intenses négociations pour parvenir, le 11 janvier 2008, à un accord sur la modernisation du marché du travail, signé par sept organisations représentatives sur huit. Seule la CGT n’a pas apposé sa signature au bas du parchemin, mais elle a joué un rôle actif dans les débats et est ouverte aux négociations de branche qui en découleront.
Cet accord est placé sous le signe de la « flexisécurité », néologisme parfaitement explicite.
La mondialisation exacerbe la compétition économique et, en l’absence de régulation internationale, exige de chaque économie innovations et adaptations permanentes. C’est particulièrement vrai dans le monde du travail. Le temps n’est plus où un contrat de travail pouvait servir de base à toute une vie professionnelle ; pour une part de plus en plus importante de nos concitoyens, le changement est la règle. Celui-ci peut être perçu comme une opportunité, mais il peut aussi être ressenti, en particulier par le salarié, comme une source d’angoisse et de souffrance. Il convient donc d’entourer la flexibilité de toute la sécurité nécessaire pour que le changement se fasse au moindre coût humain et signifie réellement pour chacun enrichissement plutôt que risque.
Au demeurant cette sécurité est également utile pour l’employeur, qui souhaite améliorer le climat dans son entreprise, de manière à en assurer la stabilité et à lui donner la plus grande visibilité.
Afin de parvenir au meilleur équilibre possible entre la flexibilité et la sécurité, plusieurs outils sont à notre disposition, notamment la portabilité de certains droits. C’est ainsi que le salarié quittant l’entreprise gardera sa couverture complémentaire santé et prévoyance pendant au moins trois mois et conservera 100 % du solde des heures de formation acquises au titre du droit individuel à la formation.
Mme Annie David. C’est précisé dans l’accord, mais pas dans le projet de loi !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Divers autres outils de la flexisécurité ont été largement expérimentés, et ce depuis longtemps, par nos partenaires européens, en particulier par les économies nordiques, au premier rang desquelles le Danemark, afin d’assurer une vraie sécurisation des parcours (M. Jean-Luc Mélenchon proteste), notamment en attachant les droits sociaux à la personne des travailleurs plutôt qu’à leur emploi, car toutes les économies avancées sont confrontées à ce même problème. C’est la raison pour laquelle l’Europe s’y est intéressée, et l’accord conclu en France répond bien aux préconisations qu’elle a formalisées en décembre dernier.
Certes, la flexisécurité ne se fera pas en un jour, en un accord, en une loi ; il s’agit d’un problème culturel, qui nécessitera encore beaucoup de négociations, d’avancées, de reculs, de tâtonnements, mais nous avons conscience qu’une direction est prise et qu’un seuil est franchi.
Cet accord est en effet exemplaire tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, il semble bien que le Gouvernement, les organisations patronales et syndicales et le Parlement aient trouvé la bonne méthode : le Gouvernement propose, fixe le cadre et le calendrier ; les organisations négocient ; le Parlement légifère.
Les relations du travail ont tout simplement franchi le pas de la modernité, que nous avons si longtemps enviée à d’autres pays et qui va procurer, si cette orientation se confirme, un nouvel atout essentiel à la France.
Sur le fond, c’est aussi de modernité qu’il s’agit, puisque nous nous donnons les moyens de mieux répondre à un formidable défi par des solutions qui construisent un modèle social et qui affirment clairement que, face à la loi de la jungle, il existe des réponses qui font – encore imparfaitement, certes – toute sa place à l’homme dans l’économie.
La flexisécurité, j’en suis persuadé, c’est la dernière chance du modèle social européen face au libéralisme sauvage. (M. le président de la commission des affaires sociales acquiesce.)
La mise en œuvre totale de cet accord nécessite une loi pour certaines de ses dispositions, mais aussi des décrets, que le Gouvernement a d’ores et déjà commencé à rédiger en concertation avec les signataires, ainsi que des accords interprofessionnels et des accords de branche.
S’agissant du texte de loi, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur la réaffirmation solennelle du principe selon lequel le CDI est « la forme normale et générale de la relation de travail ». Tous les autres contrats – et ils sont, semble-t-il, nombreux – ne sont destinés qu’à répondre à des besoins d’adaptation, à des situations ponctuelles, et ils participent à ce titre de la flexibilité.
Toutefois, madame la secrétaire d’État, une certaine rationalisation tendant à réduire le nombre de ces contrats ne serait certainement pas superflue, s’il est vrai, comme on nous l’a indiqué, que notre législation en compte déjà trente-huit formes différentes.
Le deuxième point fort de ce projet de loi est la réglementation de la période d’essai, que le code du travail ne traitait curieusement jusqu’ici que de façon allusive. La période d’essai ne pourra dépasser une durée maximale, différente selon les catégories de salariés, et ne pourra être renouvelée qu’une fois.
Le troisième point important du texte est la rupture conventionnelle du contrat de travail par le commun accord des parties. Outre la démission et le licenciement, employeur et salarié peuvent désormais se séparer à l’amiable, à condition de respecter une procédure qui garantit la liberté de consentement des parties.
Les partenaires sociaux ont d’abord prévu que salarié et employeur pourraient se faire assister, pour négocier la rupture, par un membre du personnel de l’entreprise. Souhaitant vraisemblablement écarter toute idée de « judiciarisation » de la procédure, ils n’ont en revanche pas retenu la possibilité de se faire assister par un avocat.
Les partenaires sociaux ont ensuite confié une mission de contrôle au directeur départemental du travail et ils ont souhaité que, en cas de conflit, les prud’hommes, et eux seuls, soient amenés à statuer.
Cette séparation à l’amiable donne droit aux allocations chômage, ce qui devrait dissuader les salariés de chercher à se faire licencier, plutôt que de démissionner, comme cela arrive parfois.
Le quatrième point consiste à créer un nouveau type de contrat : le contrat à durée déterminée à objet défini.
Ce contrat a été imaginé dans le but de faire accomplir une tâche bien circonscrite, limitée dans le temps, de dix-huit à trente-six mois, et qui ne devrait pas concerner des emplois permanents dans l’entreprise. En cas de rupture, ce contrat donne lieu à indemnisation dans les mêmes conditions qu’un CDD classique.
Enfin, ce projet de loi légalise le portage salarial, pratique née il y a une vingtaine d’années, qui concerne environ 20 000 personnes chaque année en France et qu’aucune disposition n’est venue codifier jusqu’à aujourd’hui, ses utilisateurs se trouvant ainsi placés dans une grande insécurité juridique.
Le portage salarial vise à concilier les avantages du travail indépendant et ceux du salariat : un professionnel autonome cherche une mission auprès d’une entreprise cliente ; une fois qu’il l’a trouvée, il s’adresse à une société de portage, avec laquelle il signe un contrat de travail ; lorsque la mission est terminée, la société encaisse les honoraires versés par le client et reverse au professionnel une rémunération sous forme de salaire, après avoir retenu les frais de gestion et la totalité des cotisations sociales.
Le professionnel se trouve ainsi allégé des charges de gestion et peut en outre bénéficier d’une assurance chômage entre deux missions.
Les partenaires sociaux se sont accordés pour reconnaître une véritable utilité sociale à cette forme de contrat, en particulier pour les seniors. Ils en ont donc souhaité la légalisation et ont demandé que son organisation soit dévolue à la branche de l’intérim.
Toutefois, plusieurs organisations professionnelles existent dans ce secteur et l’une d’entre elles a même déjà signé un accord avec trois organisations syndicales. Il conviendrait donc que la branche de l’intérim tienne compte de leur expérience et les associe aux négociations, dans des formes à déterminer.
Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions du texte qui nous est soumis. Vous aurez compris que rompre l’équilibre de ce texte remettrait en cause tant l’esprit de la loi de janvier 2007 que le contenu de l’accord signé en janvier 2008. Mais, plus grave encore, il serait démontré que, décidément, la France est incapable de conduire des relations de travail de façon moderne, apaisée, contractualisée.
Certes, ce type d’accord n’est pas le premier de notre histoire : l’initiative du général de Gaulle aboutissant à la création de l’Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l’UNEDIC, de même que les travaux de Jacques Chaban-Delmas, Joseph Fontanet, Jacques Delors aboutissant à la loi de 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente sont là pour le prouver.
Mais nous pouvons espérer que, cette fois-ci, nous entrons dans une forme de négociation durable et que, désormais, tous les accords nécessaires seront élaborés dans cet esprit et selon cette procédure. Nous vivons donc un moment important de l’histoire des relations du travail ; ne brisons pas cet élan !
C’est pourquoi, avant de conclure, je voudrais m’adresser, d’abord, à celles et ceux de nos collègues que l’équilibre atteint ne satisfait pas et qui ont peut-être le sentiment que les salariés ne bénéficient pas, dans ce projet de loi, de toutes les protections nécessaires.
Mme Annie David. Ça, c’est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Quatre grandes centrales syndicales de salariés se sont engagées, en conscience, sur ce texte.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Peut-on imaginer qu’elles l’aient fait à la légère et, si oui, pour atteindre quel objectif ? (Mme Annie David s’exclame.)
Le présent projet de loi introduit davantage de flexibilité. Mais la rigidité ne revient-elle pas à arbitrer en faveur de ceux qui ont un emploi contre ceux qui n’en ont pas, comme ce fut trop longtemps le cas dans notre pays ?
Dans les circonstances présentes, la flexibilité est utile à l’emploi, elle devient même la condition de l’emploi. Sachons le reconnaître et inventons les filets de sécurité nécessaires pour que le contrat de travail ne constitue pas une variable d’ajustement, mais qu’il soit resitué, grâce à la formation, à l’incitation à la recherche d’emploi, à des indemnités conséquentes, à la réduction des inégalités encore trop criantes dans ce pays, dans une perspective de travail et de carrière propice à l’épanouissement de chacun.
M. Gérard Larcher. Oui !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Si nous refusons cette évolution, si nous refusons de voir ce qui se passe autour de nous, nous récolterons le déclin, dans le libéralisme pur et dur, et nous assisterons au retour des vieux antagonismes à base idéologique. (Mme Raymonde Le Texier s’esclaffe.)
M. Guy Fischer. Oh !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je m’adresserai à présent à ceux de nos collègues qui s’interrogent sur le rôle du législateur, sur la part qui est laissée à ce dernier à l’heure actuelle.
Cette question est légitime et d’autant plus justifiée que nous sommes à la veille d’une réforme des institutions qui est censée donner davantage de pouvoirs au Parlement.
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Guy Fischer. On verra !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Les institutions de la Ve République, que je défends, ont dû réduire les prérogatives du Parlement face au pouvoir exécutif pour conférer à ce dernier plus de stabilité et d’efficacité.
Les lois de décentralisation successives, que j’approuve, ont retiré à l’État, et donc au législateur, une partie de ses prérogatives.
Le développement de l’Europe, que j’appelle également de mes vœux, nonobstant le principe de subsidiarité, a également transféré à un autre échelon certaines responsabilités, ce qui donne parfois au parlementaire français le sentiment qu’il n’est plus qu’un « transposeur » de directives.
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Enfin, on l’a constaté dans certains débats récents, des groupes de pression, incapables de réunir plus de 1 % à 2 % aux élections politiques, se camouflent derrière le joli nom de « société civile » pour envahir le champ du débat public et obtenir, par un puissant lobbying très bien organisé, ce qu’ils n’ont pu recueillir par les urnes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Robert Ménard !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. C’est dans ces circonstances que nous sommes aussi appelés à transposer dans notre droit positif une partie d’un accord conclu en dehors de nous par les partenaires sociaux.
Face à de telles évolutions, je comprends la gêne que peuvent éprouver certains de nos collègues, mais notre rôle, notre responsabilité, à l’instar de ceux qui incombent au Gouvernement, même s’ils sont distincts, ne sont-ils pas de faire en sorte que la « maison France » fonctionne le mieux possible, de façon concertée et solidaire ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. En l’occurrence, je suis profondément convaincu que l’accord qui nous est présenté est un bon accord, qui fait franchir une étape significative au dialogue social, renforce l’efficacité de la politique de l’emploi, donne de nouvelles chances à notre économie et ouvre la voie à l’élaboration d’un modèle social français et européen adapté au XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Motion d'ordre
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, pour assurer la clarté de nos débats et le bon déroulement de la discussion des amendements, je propose au Sénat, avec l’accord des membres de la commission des affaires sociales, de disjoindre de la discussion commune les amendements de suppression nos 44 et 64, à l’article 2, nos 51 et 74, à l’article 5, et n° 79 ; à l’article 6.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la relance du dialogue social et la mise en place d’une véritable flexsécurité à la française : ce sont là deux approches que nous avons toujours prônées en matière d’emploi.
Sur ces deux plans, le projet de loi portant modernisation du marché du travail paraît constituer une avancée.
En effet, nous ne pourrons moderniser le marché du travail qu’en nous appuyant sur une démocratie sociale régénérée et redynamisée. Relancer le dialogue social, telle était la raison d’être de la loi du 31 janvier 2007, qui a établi une procédure de concertation et de négociation préalable à toute réforme dans le domaine du travail.
Sur le fondement de ce texte, que nous avions soutenu, les partenaires sociaux sont parvenus, le 11 janvier dernier, à un compromis porteur de véritables avancées, l’accord national interprofessionnel, ou ANI. Nous nous en félicitons.
Cet accord m’inspire deux observations : son objet est, par nature, beaucoup plus large que celui du projet de loi et, d’autre part, il constitue une base solide pour le présent projet de loi. Sa légitimité est d’autant plus grande qu’il a été signé par quatre des cinq grandes centrales syndicales à l’échelon national et par toutes les organisations patronales. (M. Jean-Luc Mélenchon s’exclame.)
Fausse légitimité, affirment certains, arguant du fait que les centrales syndicales signataires sont moins représentatives qu’elles ne l’ont été historiquement. C’est vrai, mais l’ANI a été signé avant que les accords du 18 avril sur la représentativité syndicale ne trouvent de traduction législative. Dès lors, on comprend aisément l’ordre séquentiel qui a été retenu pour l’ANI. Il est donc inutile d’épiloguer.
Faux consensus, diront encore ceux qui dénonçaient déjà la légitimité de l’accord : les syndicats sont parvenus à un accord a minima uniquement sous la menace d’un projet de loi gouvernemental ; ils n’ont fait que sauver les meubles. C’est donc un accord défensif.
Mais, après tout, peu importe que ce soit un accord défensif, puisqu’il comporte de vraies avancées. Et c’est aussi parce que c’est un accord défensif que la représentation nationale ne doit avoir aucun complexe à l’amender, à en corriger les imperfections ou en combler les insuffisances.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous allez nous dire lesquelles !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans cette optique, nous défendrons, par exemple, un amendement visant à ce que le projet de loi prenne en compte l’accord déjà intervenu en matière de portage salarial, quitte à l’étendre.
En effet, dans l’état actuel du texte, il est prévu que le portage sera encadré sur le fondement de l’ANI. Or une convention visant à couvrir les principales entreprises organisant le portage est déjà intervenue. Elle ne doit pas être passée sous silence et, partant, courir le risque de passer par pertes et profits !
Donc, malgré toutes les imperfections mentionnées, le premier pilier d’une véritable modernisation du marché du travail, celui du dialogue social, se consolide. Réjouissons-nous-en ! Sa consolidation doit se faire en partenariat avec un Parlement constructif, dont les prérogatives seront accrues par la réforme des institutions.
À notre avis, je l’ai dit, l’autre pilier d’une modernisation du marché du travail digne de ce nom est la mise en place d’un modèle français de flexsécurité. De quoi parle-t-on ? Pour qu’il y ait flexsécurité, il faut que les facteurs de flexibilité soient contrebalancés par de réels éléments de sécurisation du parcours professionnel des salariés.
C’est la raison pour laquelle, dès le début, nous avons été très opposés au contrat « nouvelles embauches ». Créer le CNE, c’était précariser le marché du travail, au lieu de le dynamiser ; c’était opter pour un modèle ultralibéral anglo-saxon, mais non pour la flexsécurité danoise. Le CNE traduisait, selon nous, une grave erreur de cap, et nous l’avons dénoncée !
À cet égard, je ne peux que rappeler les propos tenus par Michel Mercier le 7 juillet 2005, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d’urgence pour l’emploi, dont est sorti le CNE : « Nous devons mener une réforme équilibrée : à l’entreprise plus de liberté et plus de souplesse dans la gestion de ses effectifs, à la nation le soin de renforcer à due concurrence la solidarité collective... ». Le CNE ne respectait pas ces équilibres. Notre collègue Michel Mercier précisait encore : « Il faut fluidifier le marché du travail, mais pas au prix d’une précarisation généralisée des salariés. »
Aujourd’hui, j’ajoute que le fait de permettre des licenciements sans cause « réelle et sérieuse » pendant les deux ans de la « période de consolidation », revenait à s’asseoir sur les droits fondamentaux sous-tendant le code du travail.
Il aura fallu deux ans, une masse de contentieux ahurissante et des requalifications jurisprudentielles pour que le Gouvernement entende raison.
L’ANI est peut-être un accord défensif, mais les partenaires sociaux ont pu y inscrire leur souhait de voir tous les contrats de travail régis par les mêmes modes de rupture. Ce souhait a conduit, dans le présent projet de loi, à l’abrogation du CNE et à la requalification des contrats ainsi signés en CDI. C’est donc une excellente chose.
M. Guy Fischer. C’est bien de le reconnaître !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Au-delà de l’abrogation du CNE, le projet de loi que nous examinons nous semble poser les premiers jalons d’une vraie flexsécurité à la française. Il présente un assez bon équilibre entre les points de sécurisation des parcours professionnels et ceux concernant l’assouplissement des règles du marché du travail.
Au chapitre de la sécurisation des parcours, il y a d’autres mesures que l’abrogation du CNE.
Alors même que de lourdes incertitudes pèsent sur l’emploi, l’affirmation du CDI comme forme normale de la relation de travail ne nous semble ni un luxe ni un os à ronger !
Le passage de trois à deux ans d’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités d’assurance maladie complémentaire est aussi un acquis social.
L’article 4 du projet de loi, qui porte obligation de motiver tous les licenciements, améliore les indemnités légales de licenciement et rétablit le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, participe bien entendu de ce souci prégnant de sécurisation.
Il en est de même de la mutualisation de l’indemnisation des salariés licenciés pour inaptitude.
Enfin, l’établissement d’un cadre général pour la période d’essai pourrait être plus protecteur pour certains salariés, compte tenu du fait que le projet de loi reprend fidèlement les plafonds fixés par l’ANI. C’était ce qui comptait, le code du travail n’ayant pas à prohiber les options éventuellement plus favorables aux salariés.
En matière de flexibilité, le projet de loi est également porteur d’innovations intéressantes.
La première d’entre elles est, à l’évidence, la création de la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, reprenant la proposition 145 du rapport Attali. Cette rupture conventionnelle existait en droit français, mais la loi ne la prévoyait explicitement que dans des cas très marginaux ; en outre, pour que celle-ci soit valable, la jurisprudence lui fixait un régime très restrictif.
Nous considérons que faire du mode amiable le mode de rupture normal du contrat de travail représente une véritable modernisation du marché du travail, à condition, toutefois, qu’il soit assorti de solides garanties procédurales et financières. En l’occurrence, cela semble être le cas, même si le système peut sans doute être amélioré et si des incertitudes peuvent être levées.
Le système procédural peut être amélioré, notamment en permettant au salarié, s’il le souhaite, de se faire assister d’une personne extérieure à l’entreprise lors des entretiens préalables à une rupture conventionnelle du contrat de travail. Tel est d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.
Il semble clair qu’une rupture dûment homologuée par l’administration ouvrira droit à l’assurance chômage dans les conditions de droit commun pour le salarié. Le texte ne comporte pas d’incertitude à cet égard, mais, madame la secrétaire d'État, nous aimerions que le Gouvernement confirme ce point.
En matière de flexibilisation, l’autre innovation notable introduite par ce projet de loi réside dans la création du contrat à durée déterminée dont le terme sera déterminé par la réalisation d’un objet défini. C’est en fait le contrat de projet tel qu’il avait été suggéré il y a quatre ans dans le rapport Virville. Il s’agit d’une formule intéressante, adaptée sans doute aux cadres et aux ingénieurs, mais nous serons très attentifs à ce qu’elle ne soit pas plus largement ouverte, car cela remettrait en question toute l’architecture du droit du travail, et encore une fois dans le sens d’une précarisation généralisée.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cependant, en l’état actuel du texte, de grosses incertitudes subsistent quant à la durée légale de ce nouveau contrat. Madame la secrétaire d'État, les bornes de 18 à 36 mois visées dans le projet de loi s’imposeront-elles aux parties, même quand la réalisation de l’objet du contrat contraindra de les avancer ou de les retarder ? C’est pourquoi le régime de ce nouveau contrat doit être précisé.
Mme Annie David. C’est la fin du contrat de travail !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En conclusion, ce texte établit un équilibre relatif entre flexibilité et sécurité et il pose des jalons intéressants pour l’émergence de cette « flexsécurité » à la française. Certes, nous n’assistons pas au « Grand soir », et il faudra œuvrer davantage pour mettre en place un véritable accompagnement des parcours professionnels. On peut simplement regretter que le périmètre du projet de loi ne soit pas un peu plus large.
Nous ne revenons pas sur le choix fait par le Gouvernement d’un morcellement du dossier de la modernisation du marché du travail. Même si nous eussions préféré une loi de programmation globale, nous comprenons l’option retenue dans la mesure où l’accord passe par une négociation collective. Dans l’optique de cette modernisation, l’augmentation de l’indemnisation chômage pour les jeunes, la création d’un bilan d’étape professionnel, l’amélioration de l’orientation des droits et de leur transférabilité, notamment en ce qui concerne le DIF, le droit individuel à la formation, font aussi partie du champ des interrogations.
Les négociations sur l’assurance chômage et la formation professionnelle seront déterminantes. Seuls leurs résultats, additionnés aux innovations du présent projet de loi, donneront du corps à la réforme en cours.
Pour l’heure, nous regrettons cependant que ce texte n’aille pas plus loin dans le transfert des droits des salariés. C’est en les rattachant à la personne plutôt qu’au statut de salarié qu’on inscrira l’individu dans un parcours professionnel sécurisé.
Nous regrettons aussi que la question du travail précaire – le travail temporaire ou le temps partiel subi – ne soit pas abordée, alors même qu’elle est centrale.
Madame la secrétaire d'État, ce projet de loi nous semble intéressant et porteur d’avenir, mais il doit s’inscrire, selon nous, dans un cadre de réformes beaucoup plus global et ambitieux. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte a pour objet de transposer dans notre législation 10 des 19 articles que compte l’accord passé le 11 janvier entre des organisations syndicales de salariés – la CGT ne l’ayant pas signé – et les organisations patronales.
Loin de « constituer un tournant dans notre vie sociale », comme le disait le ministre, ce projet de loi n’en renvoie pas moins à l’articulation qui existe entre la démocratie sociale et la démocratie représentative. Or, en cette année anniversaire des grandes luttes sociales de 1968, nous savons que l’une et l’autre sont aussi fonction du cadre dans lequel elles s’inscrivent. Aussi me permettrez-vous de revenir sur le contexte dans lequel l’accord du 11 janvier a été signé et sur la forme qu’a prise cette signature.
Les rapports qui lient ce texte à l’accord national interprofessionnel négocié par les partenaires sociaux et au rôle du Parlement méritent que nous nous y attardions parce que c’est la première fois, sans que ce soit sans doute la dernière, que nous aurons à travailler de la sorte. Au sein de cet hémicycle, nous considérons certainement tous qu’il est impératif que le dialogue social puisse se dérouler dans un climat propice à la négociation. Or de fortes pressions ont été exercées sur les syndicats de salariés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh !
Mme Christiane Demontès. Je pense notamment au calendrier des négociations, qui fut très contraignant, et à la lettre d’orientation remise par le Gouvernement, qui, outre qu’elle reprenait nombre de points du rapport Virville de janvier 2004, définissait les axes précis de la négociation. Cela est regrettable et nombreux sont les partenaires sociaux à nous l’avoir fait savoir.
La démocratie sociale ne devrait pas être placée sous la primauté du politique et subir l’injonction de celui-ci, faute de quoi la recherche d’une bonne articulation entre démocratie sociale et démocratie représentative risque, dans les faits, de n’être qu’une instrumentalisation du dialogue social ayant pour objectif d’imposer un rapport de force précis.
Mme Raymonde Le Texier. Exact !
Mme Christiane Demontès. Désormais débarrassé des principes chers au Conseil national de la Résistance, qui promouvait l’intervention de l’État dans la sphère économique afin de tenter d’atténuer les injustices du marché, et tout acquis au modèle anglo-saxon du marché de l’emploi ultraflexible, dans lequel le code du travail ne serait plus qu’un frein à la création de plus-value et le salariat une simple variable d’ajustement des coûts de production, le Gouvernement n’a cessé de faire peser sur les syndicats la menace d’un recours à la loi, laquelle, n’en doutons pas, aurait été de facture ultralibérale, et donc beaucoup plus favorable aux exigences du MEDEF. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
À cet égard, on ne peut que s’étonner, madame la secrétaire d'État, du peu d’empressement dont votre collègue Xavier Bertrand fait preuve pour que les négociations sur la pénibilité, débutées en 2003, aboutissent.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas facile !
Mme Christiane Demontès. De même, comment ne pas s’interroger sur le fait que vous n’entériniez pas l’accord sur le dialogue social dans l’artisanat conclu par les partenaires sociaux en décembre 2001 ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. Tel est donc le cadre dans lequel s’est inscrite cette négociation. Le primat du politique, voire « l’interventionnisme outrancier de l’exécutif », pour reprendre les termes de notre collègue Gérard Larcher, a été déterminant. Dès lors, affirmer, comme le fait M. le rapporteur, que « l’ANI est une première application réussie de la procédure prévue par la loi de modernisation sociale » est un peu excessif, c’est le moins que l’on puisse dire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais c’est vrai !
Mme Christiane Demontès. Certes, le 19 décembre dernier, à l’occasion de la conférence sociale destinée à fixer l’agenda des réformes de 2008, le Président de la République déclarait assez justement ceci : « Le temps du dialogue social est un temps long, mais un temps utile, car il permet la maturation des réformes et favorise le consensus. » Cependant, il précisait aussi aux partenaires sociaux que, s’ils ne parvenaient pas rapidement à un accord, le Gouvernement entreprendrait une concertation rapide avant d’élaborer un projet de loi.
Quant au Premier ministre, il fixait laconiquement l’échéancier : la réforme du marché du travail serait votée avant l’été. Somme toute, une fois de plus, l’exécutif réaffirme que l’application de l’article L. 101–1 du code du travail demeure inféodée à ses desiderata.
Rien d’étonnant à cela puisque les partenaires sociaux, comme les parlementaires, ont, au cours du dernier semestre de 2007, mesuré combien étaient relatifs cette volonté de dialogue social renouvelé et équilibré ainsi que ce désir de faire « des acteurs sociaux, aux cotés de l’État, le moteur du progrès social ».
De fait, les centrales syndicales signataires ont visiblement choisi de porter un coup d’arrêt à une évolution sur laquelle elles n’auraient plus eu prise. M. le rapporteur parle de « compromis », mais il en va ainsi de tout accord. Il n’en demeure pas moins que qualifier cet accord de défensif n’est pas un abus de langage : c’est une stricte traduction de la réalité. Les syndicats, dans cette affaire, ont évité le pire, notamment le contrat unique, projet cher au candidat Sarkozy.
Cet accord est majoritaire. À cet égard, nous respectons le travail accompli par les partenaires sociaux, sans pour autant remettre en cause notre rôle de législateur, en l’occurrence : veiller au respect de l’intérêt général et garantir un équilibre entre le puissant et le faible.
Cette négociation devait, selon le Président de la République, « offrir aux entreprises, comme aux salariés, à la fois des sécurités nouvelles et plus de mobilités ». Il s’agissait donc de parvenir à un savant équilibre afin de donner corps à une « flexicurité à la française », soit un savant dosage entre une plus grande flexibilité du marché du travail et une réelle sécurisation du parcours professionnel.
Nous notons, comme M. le rapporteur, que les dispositions de l’accord relatives à la sécurisation du parcours professionnel ne sont pas retranscrites dans le projet de loi et sont renvoyées aux éventuelles négociations futures. Nous le regrettons très vivement.
Concernant la flexibilité, si chère au MEDEF et à sa présidente, elle se concrétise notamment par l’article 2, qui allonge les périodes d’essai pour l’ensemble des salariés en contrat à durée indéterminée et autorise, sous le couvert d’un accord de branche, leur renouvellement.
L’article 5, qui instaure la rupture à l’amiable, dite « séparation conventionnelle », entre le salarié et l’employeur, donne une base légale aux ruptures d’un commun accord, jusqu’à présent souvent présentées comme des licenciements pour motif personnel et donnant lieu à des indemnités négociées de gré à gré.
Enfin, l’article 6 instaure une nouvelle forme de contrat de travail, « le contrat de travail à durée déterminée [pour] la réalisation d’un objet défini », qui, réservé aux cadres et aux ingénieurs – notons que des amendements ayant pour objet d’en étendre le champ ont été déposés – peut être considéré sous l’angle de la fin de contrat exclusive de licenciement.
Sans entrer dans le détail, nous pouvons observer que l’article 2 codifie et allonge la période d’essai. Si, comme le rappelle M. le rapporteur, « actuellement, le code du travail n’encadre pas la période d’essai », la durée de celle-ci étant définie par les accords de branche ou d’entreprise, comment ne pas voir dans cet allongement, qui peut atteindre huit mois et paraît peu justifiable, notamment au regard de l’année exigée pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement, le signe d’une volonté patronale de revanche après l’échec du CNE ?
Comment doit-on interpréter le fait que les accords prévoyant une durée plus longue que les nouveaux plafonds resteront de mise alors que ceux qui prévoient des périodes plus courtes devront, après le 30 juin 2009, intégrer la nouvelle hiérarchie ?
En outre, si la période de stage effectuée au sein d’un cursus pédagogique est intégrée, pour moitié de sa durée, à la période d’essai, il ne s’agit que d’une transposition a minima des dispositions qui sont souvent appliquées par les entreprises à l’issu d’un stage long.
L’article 5, qui renvoie à l’article 12 de l’accord, est symptomatique de la volonté du patronat de sortir le contrat de travail du corpus législatif pour le confier uniquement à l’accord.
Il est question de donner un cadre légal à la rupture de gré à gré, laquelle n’est ni un licenciement ni une démission et ne nécessite aucun motif réel et sérieux pour être licite. Or l’article 11 de l’ANI réaffirme « l’obligation de motiver les licenciements ». Dans ce contexte, le MEDEF, notamment, a reformulé son exigence via la mise en place de la « séparabilité », terme cher à Mme Parisot. (M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, rejoint le banc du Gouvernement.)
M. le président. Ma chère collègue, permettez-moi de vous interrompre un bref instant pour saluer l’arrivée dans l’hémicycle de M. Xavier Bertrand.
Mme Christiane Demontès. Il s’agit là d’une rupture fondamentale avec la philosophie juridique du droit du travail, laquelle tient pour essentielle la dimension inégale des liens contractuels entre salarié et employeur et a octroyé des droits supplémentaires à la partie la plus faible afin d’assurer un équilibre.
Une rupture de gré à gré induit nécessairement égalité entre les parties. Or, dans un contexte de précarisation galopante, de fragilisation du salariat et de chômage important, l’égalité ou, pour reprendre les termes de M. le rapporteur, la « liberté de consentement » sera-t-elle réellement garantie ?
Le salarié ne va-t-il pas se voir contraint d’accepter cette rupture conventionnelle qui lui garantit des indemnités immédiatement versées, ainsi que le droit à l’assurance chômage, plutôt que de risquer un futur licenciement pour faute qui le privera de toute indemnité et qui, même infondé, le contraindra à engager une longue procédure ?
En outre, ne peut-on s’interroger sur le choix qu’effectueront les employeurs dès lors qu’avec cette nouvelle possibilité ils échapperont, par exemple, à l’obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi ?
Autre interrogation : cette forme de rupture ne risque-t-elle pas de priver le salarié de la possibilité de négocier en position plus avantageuse grâce à l’assistance du comité d’entreprise ou des syndicats ? Or telle est bien la situation en cas de licenciement, voire de plan social.
Dans le même ordre d’idée, il nous semble nécessaire de préciser la date de mise en application de cette disposition ainsi que la nature de l’assistance dont pourront bénéficier les deux parties. Nous présenterons d’ailleurs des amendements en ce sens.
Certes, de nouvelles garanties procédurales sont instaurées. Il en est ainsi de l’assistance du salarié, du droit de rétractation durant quinze jours et de l’homologation par les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, lesquelles disposeront de dix jours effectifs pour vérifier qu’il n’y a pas de vice dans ce consentement mutuel, en raison notamment de motifs discriminatoires non prévus pour autant.
Au regard des dispositions existantes en cas de licenciement – entretien préalable, convocation du salarié, qui peut se faire assister, envoi d’une lettre recommandée détaillant les motifs « réels et sérieux », obligation de reclasser le salarié, respect du délai de réflexion –, peut-on considérer qu’il ne s’agit pas pour le salarié d’un recul ? Il me semble que la question vaut d’être posée.
L’article 6 du projet de loi, qui met en œuvre le b) de l’article 12 de l’accord national interprofessionnel, crée un nouveau CDD dit « contrat à objet défini ». Il est exigé par le patronat depuis de nombreuses années.
En effet, le MEDEF a, le premier, avancé l’idée d’un « CDI à objet précis », qui s’inspirait directement du rapport Virville. À l’époque, les organisations salariales avaient catégoriquement rejeté cette proposition.
Comme nous pouvons l’observer, l’appellation retenue permet de ne pas remettre en question, au moins dans la terminologie, le contrat à durée indéterminée. Ainsi, ce nouveau CDD réservé aux ingénieurs et aux cadres, soit plus d’un actif sur dix, est conclu comme un contrat commercial pour un objet défini, en l’occurrence une mission définie par l’employeur. Une fois cette dernière terminée, le contrat à objet défini prend fin. Le recours à ce type de contrat est subordonné à un accord de branche étendu ou à un accord d’entreprise, ce qui a pour effet d’étendre le champ d’application potentiel à l’ensemble de notre économie.
En outre, nous constatons que, si le code du travail, dans ses articles L. 1241-1 et suivants, définit précisément les possibilités qui s’offrent aux employeurs pour avoir recours aux divers CDD existants, ce nouveau contrat échappe à cette logique limitative. La rédaction proposée ne reprend pas celle de l’accord, qui stipulait que ces contrats devaient permettre de « faire face à un accroissement temporaire d’activité ».
En faisant appel à ce nouveau contrat, il n’en sera plus question. Rien ne garantit donc que les employeurs n’en feront pas un usage abusif. Cette crainte est renforcée par le fait que, si la durée du CDD classique était au maximum de dix-huit mois, elle est pour ce contrat au minimum de dix-huit mois et au maximum de trente-six mois.
S’ajoute à cela que, si le CDD ne pouvait être rompu que pour faute grave, le contrat de mission peut être résilié au bout de douze mois sans raison de nature fautive. De là à penser que ce nouveau contrat combine la précarité du CDD et celle du CDI dans la possibilité qu’il offre à l’employeur de mettre fin au contrat à tout moment pour un « motif réel et sérieux », il n’y a qu’un pas que nombre d’observateurs n’ont pas hésité à franchir.
Enfin, nous pouvons nous interroger sur la portée économique de cette disposition dès lors qu’elle offre à toute entreprise la possibilité de sous-traiter à l’interne, en lieu et place d’une société prestataire de services, et qu’en parallèle elle permet, via la précarisation de ce salariat qui n’aura donc plus aucun attachement pour son entreprise, la possibilité de devenir du jour au lendemain un acteur essentiel de sa propre concurrence.
En contrepartie, puisque telle est la règle qu’impose la recherche d’un équilibre, nous notons avec satisfaction que le contrat à durée indéterminée est reconnu comme « la forme normale et générale de la relation de travail ».
Dans le même temps, l’employeur devra informer le comité d’entreprise ou les représentants du personnel des éléments qui l’ont conduit à faire appel à des formes dérogatoires au CDI. Les périodes de stages effectués au sein de l’entreprise lors de la dernière année d’étude seront intégrées à la période d’essai.
Notons que la période d’ancienneté nécessaire à la conservation de son salaire en cas de maladie passe de trois à deux ans, alors que celle qui permet l’obtention d’une indemnité de licenciement ne sera plus que d’une année, contre deux précédemment.
Le CNE, de triste mémoire, qui ne concerne pas moins de 100 000 de nos concitoyens, condamné par notre jurisprudence et contraire à la convention n° 158 de l’OIT, est enfin requalifié en CDI de droit commun. Pour nous, socialistes, qui nous sommes tant mobilisés contre cette généralisation de la précarité, pour tous nos concitoyens qui ont refusé cette disposition inique, il s’agit là d’un aboutissement et nous le saluons.
Ces dispositions sont d’incontestables avancées. Cependant, elles ne permettent pas de donner corps à la sécurisation professionnelle qui se situe au centre de toute volonté de moderniser le marché du travail.
En effet, l’accord du 11 janvier prévoit d’augmenter l’indemnisation chômage des jeunes, lesquels, rappelons-le, connaissent un taux de chômage qui s’établit à près de 20 % et qui, dans certains quartiers, monsieur le ministre, vous le savez bien, avoisine les 40 %.
Cet accord prévoit également le développement de la validation des acquis de l’expérience et de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences telle que l’instaure la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. À ce titre, notre collègue Gérard Larcher notait qu’il s’agissait « d’un facteur déterminant pour éviter les restructurations brutales ». Il suffit de penser aux salariés du site de Gandrange ou bien à ceux de l’usine Duralex pour percevoir la pertinence de cette disposition. Il en va de même pour la création d’un bilan d’étape professionnel, l’amélioration et la transférabilité des droits, notamment du droit individuel à la formation.
Ces dispositions, nous en convenons tous, participent activement de l’établissement d’une véritable sécurisation professionnelle pour les salariés. Cependant, certaines relèvent de la réglementation alors que d’autres renvoient directement aux futures négociations sur la formation professionnelle ou sur la convention d’assurance chômage, par exemple.
Les résultats des prochaines négociations, alliés à la volonté du Gouvernement de respecter cet équilibre entre déréglementation et sécurisation, conditionneront donc la nature exacte de cette modernisation du marché du travail.
Comment ne pas s’inquiéter lorsque la transformation des CNE en CDI est attaquée par une partie du patronat, quand la ministre de l’économie annonce depuis l’étranger – cela apparaît désormais comme une tradition ! – que les séniors « doivent pouvoir chercher du travail » et que, le 28 mars dernier, le secrétaire d’État chargé de l’emploi annonçait : « La négociation de la nouvelle convention d’assurance chômage doit être l’occasion de préciser ce qu’on entend vraiment par offre valable d’emploi. Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord, il reviendra effectivement au Gouvernement de traiter cette question » ?
Comment passer sous silence l’énergie déployée par le Président de la République pour attaquer la formation professionnelle alors que l’accord du 11 janvier est à ce sujet satisfaisant ? Comment ne pas y voir une tentative de s’emparer des fonds paritaires de l’assurance chômage et de la formation professionnelle afin de renflouer des comptes sociaux que la droite a fait plonger dans le rouge ?
Moderniser le marché du travail nécessite une approche globale. Avec ce texte, vous n’offrez, monsieur le ministre, une approche parcellisée, qui ne répond pas ou qui répond très insuffisamment aux difficultés qui caractérisent ce marché : faible taux d’activité des seniors, chômage de masse pour une partie de notre jeunesse, précarisation galopante du salariat, notamment des personnes les plus fragiles comme les femmes, manque de main-d’œuvre dans certains secteurs. Nous regrettons vivement cette méthode.
Parce qu’il est impératif que cette modernisation du marché du travail s’inscrive dans le respect total des partenaires sociaux, parce que l’alignement sur le modèle anglo-saxon, en lieu et place de la recherche d’une plus grande justice et d’une meilleure répartition des efforts et des richesses, constituerait une remise en cause intégrale de notre cohésion sociale, soyez assuré, monsieur le ministre, que nous demeurerons extrêmement vigilants lors des négociations à venir et très attentifs au contenu des décrets qui seront pris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, les salariés et les employeurs de notre pays, mais aussi ceux des pays voisins partagent un profond sentiment d’insécurité face à une mondialisation qui intensifie la concurrence et contraint les entreprises à se transformer en permanence, parfois même à délocaliser leurs activités.
Pour la Commission européenne, le bilan peut être positif pour tous, à condition d’améliorer les capacités d’adaptation des entreprises et des travailleurs d’Europe à un environnement dans lequel la flexibilité et la sécurité se renforcent mutuellement.
En effet, la gestion flexible de l’emploi offre aux entreprises un moyen de répondre aux contraintes financières ou concurrentielles qu’elles subissent. Mais en même temps, il faut trouver les moyens de concilier, pour les salariés, les changements professionnels, la continuité du revenu et des droits et trajectoires ascendants : la sécurité doit accompagner la mobilité.
Bruxelles souhaite que tous les États suivent l’exemple des pays d’Europe du nord. Ils ont introduit avec succès la « flexicurité » dans leur législation. Je rappelle que notre collègue et ancien ministre Gérard Larcher pilote actuellement une mission sur la « flexicurité » en Europe.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a conduit les observateurs économiques à parler d’une « flexicurité à la française ».
En matière d’emploi, sous l’impulsion de M. le Président de la République, la France est engagée dans une réforme d’ampleur. Celle-ci s’appuie sur la concertation et la négociation.
Le Gouvernement a fait le choix de réunir des conférences tripartites associant syndicats, patronat et État, sur différents thèmes majeurs : la modernisation du marché du travail, la formation professionnelle, la démocratie sociale et l’assurance chômage. Dans le même temps, la réforme du service public de l’emploi a franchi une étape majeure avec la fusion ANPE-UNEDIC, que nous avons appelée de nos vœux lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, dont j’étais le rapporteur, en décembre 2004.
L’ensemble du processus a un caractère tripartite prononcé, les pouvoirs publics tenant un rôle actif dans le calendrier et l’ordre du jour des négociations.
Le texte, qui reprend des dispositions de l’accord interprofessionnel du 11 janvier dernier, est avant tout un succès de la négociation collective.
M. Louis Souvet. Il vise à apaiser les relations entre partenaires sociaux, sujet sur lequel je milite personnellement depuis que j’ai été chargé d’exercer des responsabilités en entreprise.
Il s’agit du premier accord conclu dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, qui a prévu, dans le domaine des relations de travail, une procédure de concertation préalable aux réformes avec les organisations patronales et syndicales.
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes demandé si nous étions entrés dans une nouvelle ère des relations entre les partenaires sociaux. Selon un proverbe chinois, « un long voyage commence par un petit pas ». Espérons que le voyage sera long et que le petit pas sera prometteur. Soyons optimistes, bien sûr, mais restons modestes, car une hirondelle ne fait pas le printemps ! Nous devrons donc persévérer.
L’accord obtenu a été signé par les trois organisations d’employeurs – le MEDEF, la CGPME et l’UPA – et par quatre syndicats représentatifs, hormis la CGT.
Il n’était pas évident de parvenir à un accord sur les thèmes abordés. Les partenaires sociaux ont su trouver des points d’entente pour rendre notre droit plus souple, plus adapté aux réalités économiques. Ils ont su faire confiance au Gouvernement pour donner une force obligatoire au texte.
La volonté du Gouvernement de respecter les termes de l’accord ne s’est pas démentie. Le dialogue social s’est poursuivi lors du travail de transposition auquel ont été associés les partenaires sociaux, y compris la CGT, même si elle n’avait pas signé l’accord.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, c’est cette méthode, celle d’un dialogue social quotidien, qui donne au texte une légitimité supplémentaire et sans doute aussi une efficacité et une durabilité accrues. Car il s’agit bien d’améliorer notre droit du travail dans une perspective de long terme, au-delà du jeu des alternances politiques.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est un texte d’équilibre. Il apporte des garanties nouvelles aux salariés et offre aux entreprises des outils pour faciliter leur activité.
Je rappellerai brièvement les dispositions qui me semblent essentielles.
En ce qui concerne les garanties apportées aux salariés, l’article 1er est le plus symbolique puisqu’il affirme que la forme normale de la relation de travail est le contrat à durée indéterminé. Cette disposition fixe de façon officielle la prépondérance du CDI sur les autres types de contrats, en particulier le CDD et l’intérim, mais vous avez rappelé, monsieur le rapporteur qu’il en existait trente-huit au total. Les uns et les autres devront par conséquent faire l’objet d’une information renforcée du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.
Par ailleurs, les contrats nouvelles embauches, les CNE, mis en place en 2005, seront automatiquement transformés en CDI classiques après l’entrée en vigueur de la loi.
Le projet de loi réduit de trois à un an la durée d’ancienneté requise pour bénéficier de l’indemnisation conventionnelle de la maladie et de deux à un an celle qui est nécessaire pour prétendre aux indemnités de licenciement. Ces dernières seront calculées sur la base d’un taux unique, ce qui est plus favorable pour le salarié que le régime précédent, qui distinguait les licenciements pour raison économique et les licenciements pour motif personnel.
Par ailleurs, bien que cette disposition ne soit pas nouvelle, tout licenciement devra aussi être justifié par une cause réelle et sérieuse, ce motif étant porté à la connaissance du salarié.
Je souhaite souligner l’importance d’autres mesures modernisant les relations individuelles de travail, notamment la rupture conventionnelle du contrat de travail. En tenant compte de la volonté commune du salarié et de l’employeur, elle permet d’échapper à l’alternative démission ou licenciement et à la judiciarisation de ce dernier.
Ce nouveau mode de rupture ouvre droit à une indemnité égale à celle du licenciement et est assorti de garanties : entretiens, assistance des parties, faculté de rétractation, homologation par le directeur départemental du travail. Il s’agit certainement de la disposition centrale du projet de loi, car, en réduisant le risque lié à l’embauche, elle facilitera l’emploi, tout en garantissant aux salariés la sécurité qui leur est nécessaire.
Un autre signe fort tient à l’introduction dans le code du travail d’un terme à la période d’essai. Elle sera dorénavant limitée à une durée maximale variant selon la catégorie à laquelle appartient le salarié. De plus, la durée des stages de fin d’études a été incluse dans la période d’essai.
Enfin, le texte donne à l’entreprise la possibilité d’élargir son champ d’action en fonction de ses besoins.
L’actuel droit du travail ne prend pas suffisamment en compte certaines hypothèses de relations de travail qui s’organisent autour de projets s’étendant sur quelques mois ou quelques années, et dont les délais de réalisation ne sont pas toujours connus.
Le projet de loi prévoit la mise en place, à titre expérimental, d’un nouveau contrat à durée déterminée à objet défini, qui permettra à l’entreprise d’embaucher, pour une période de dix-huit mois à trois ans, un cadre ou un ingénieur en vue de la réalisation d’un projet précis.
L’Assemblée nationale a apporté des précisions sur divers points du projet de loi. Notre commission a également tenu à améliorer certains de ses aspects. Le rapporteur s’est particulièrement attaché à respecter l’accord des partenaires sociaux. Je tiens à le féliciter de la qualité de son travail, de la clarté de son propos, de son écoute et de l’intérêt qu’il a su porter aux observations de ses collègues.
Bien que le Parlement ait son rôle à jouer, il est clair qu’aller plus loin dans la modification du texte reviendrait soit à sortir du cadre de l’accord interprofessionnel, soit à le pervertir. Or il n’est pas conseillé de remettre en cause l’équilibre issu des négociations.
La CGT, je le rappelle, n’a pas souhaité signer l’accord interprofessionnel en faisant valoir que le législateur allait ensuite dénaturer le texte. En réalisant une transposition d’une fidélité parfaite, nous démontrerons que ces craintes étaient infondées et nous manifesterons à tous, pour l’avenir, la confiance que nous plaçons dans les négociations.
Le présent projet ne transpose qu’une partie de l’accord. Il sera complété par des dispositions d’ordre réglementaire. La réforme engagée appelle par ailleurs d’autres textes, sur l’assurance chômage et sur la formation.
Monsieur le ministre, je saisis l’occasion que fournit ce débat pour souligner que nous sommes nombreux, au sein de la Haute Assemblée, à souhaiter une réforme profonde de la formation professionnelle. Une mission présidée par M. Jean-Claude Carle, et dont le rapporteur est M. Bernard Seillier, a dénoncé les trois maux dont souffre la formation professionnelle : complexité, cloisonnements et corporatisme. Nous serons donc très attentifs aux négociations à venir.
La conjoncture de l’emploi s’est améliorée. Le taux de chômage s’établissait, à la fin de 2007, à 7,5 %, soit une baisse de 0,9 point sur un an. La modernisation du marché du travail représente une évolution capitale pour parvenir au plein emploi, conformément à l’objectif qui a été fixé par le Président de la République. Notre groupe apportera bien évidemment son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi est en l’état inacceptable puisqu’il participe d’un long processus, cohérent et rigoureux, de démantèlement du droit du travail !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ça commence fort !
Mme Annie David. Au moins les choses sont dites, monsieur le ministre !
En outre, il ne répond en rien aux attentes actuelles du monde du travail s’agissant du fort taux de chômage, du développement de la précarité, du temps partiel subi, des difficultés d’emploi des seniors et des jeunes, de la formation professionnelle, de l’augmentation des salaires !
Cependant, quelques dispositions, positives en apparence, côtoient des mesures inacceptables, mais cela dans le but de faire taire les éventuelles contestations et de vous donner l’occasion, monsieur le ministre, d’affirmer qu’il s’agit d’un texte équilibré, répondant aux revendications des partenaires sociaux et à une philosophie dont le Parlement ne saurait défaire la trame.
Tel est le cas de l’abrogation du CNE. Pourtant, chacun dans cette enceinte sait bien que cette abrogation résulte non pas de la négociation, mais de différentes jurisprudences et de la condamnation de la France par l’Organisation internationale du travail !
Tel est aussi le cas d’une partie de l’article 4 du projet, qui abaisse la durée d’ancienneté nécessaire dans l’entreprise pour pouvoir prétendre aux indemnités de licenciements. L’absence d’études sur les conséquences de cette mesure sur notre système d’indemnisation du chômage nous fait craindre l’adoption future de mesures de rétorsion, la diminution de la durée d’indemnisation, par exemple. Les négociations qui s’engagent sont, de ce point de vue, des plus importantes. Nous serons vigilants quant à leur déroulement.
En outre, cette disposition, qui permet également de doubler le montant de l’indemnité, doit être considérée avec la plus grande prudence. Ce doublement ne touche en réalité que certains salariés dans la mesure où ceux qui sont licenciés pour motif économique ou pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle bénéficient déjà de ce niveau.
De surcroît, la création d’une indemnité unique entraîne la suppression de la majoration accordée aux salariés licenciés après dix ans d’ancienneté. L’indemnité des uns est donc financée par la baisse des indemnités des autres : l’accord rend moins cher le licenciement des salariés ayant une grande ancienneté !
Monsieur le ministre, nous attendons, comme vous nous l’avez promis en commission, que vous nous indiquiez les grandes lignes du futur décret et que vous confirmiez que cette « anomalie » n’aura existé que le temps du débat parlementaire.
L’article 3 du projet de loi prévoit d’abaisser de trois années à une seule l’ancienneté requise pour bénéficier de l’indemnité complémentaire en cas de maladie.
Cependant, nous nous souvenons des récentes déclarations de Mme Bachelot ou du Président de la République sur une mise à contribution accrue des mutuelles. Nous nous souvenons aussi et surtout des franchises médicales, cet impôt injuste sur la maladie.
Comment dès lors ne pas s’interroger sur la portée réelle de cette mesure ? Entendez-vous ouvrir droit à une protection sociale rabougrie ? Ou bien, et cela n’est pas contradictoire, souhaitez-vous orienter les salariés vers un système d’assurance complémentaire dont le champ de compétences sera, on le devine, considérablement étendu, quitte à accroître les coûts qui pèsent sur les cotisants ?
Les mesures prétendument bénéfiques de ce projet de loi nous inspirent donc de grandes interrogations. Mais ce texte comprend également des dispositions largement insatisfaisantes.
Ainsi en est-il la disposition de l’article 2 qui prévoit que seule une partie de la durée des stages réalisés dans l’entreprise au cours de la dernière année d’études est déduite de la période d’essai. Pourquoi limiter la portée de cette mesure et ne pas prévoir que la durée des stages est intégralement déduite de la période d’essai ? Rien, sur le fond, ne l’interdit. Cela répondrait en outre à une demande réitérée des associations et des organisations représentatives des stagiaires.
Quant à l’article 1er, que dire si ce n’est qu’il se limite à une déclaration de bonnes intentions, tout en légitimant l’existence des emplois précaires, au nom des « impératifs économiques de la mondialisation ». Le fait qu’il retranscrive dans la loi l’article 1er de l’accord national interprofessionnel ne change rien. On peut d’ailleurs se demander pourquoi des organisations syndicales de salariés reprennent les ritournelles patronales : en quoi est-il nécessaire de créer des contrats précaires pour faire face à des besoins certes ponctuels, mais néanmoins prévisibles ? Pourquoi faut-il multiplier le nombre des statuts précaires qui remplissent la même fonction ? Tout cela, bien sûr, en vertu de la mondialisation !
De plus, comment comprendre que vous donniez toute sa valeur à cette pétition de principe alors que, dans le même temps, non seulement vous conservez les trente-sept contrats dérogatoires existants, mais vous en ajoutez même un nouveau, avec l’article 6 du projet de loi ?
Monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs communistes attachent une grande importance au contrat à durée indéterminée. Nous considérons qu’il est utile aux salariés, à l’économie et aux employeurs.
Le CDI est utile aux salariés et à l’économie, car il est un gage d’équilibre et de sécurité. Il est également utile à l’employeur, car la contrepartie de cette sécurité juridique est, toutes les études le prouvent, une productivité supérieure à la moyenne.
C’est pourquoi nous avons déposé sur ce sujet un certain nombre d’amendements. Je regrette que vous n’ayez pas saisi l’occasion de cet article pour reprendre à votre compte les amendements déposés par mon groupe lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, visant à instaurer une sorte de « bonus-malus » applicable aux entreprises en fonction de leurs politiques sociales et salariales.
Voilà un instant, M. le président de la commission des affaires sociales me disait que je n’avais sans doute pas trouvé le bon véhicule pour faire « passer » ces amendements. Peut-être aurai-je plus de chance aujourd’hui ?
À l'instar des organisations représentatives des salariés privés d’emplois, de la CGT et de bon nombre de juristes, nous considérons que cet article ne sera d’aucune efficacité contre la précarisation du salariat, car il n’est nullement contraignant. Autant dire qu’il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau !
Au-delà de la doctrine générale qui l’inspire, ce texte a pour réel objet de précariser le monde du travail ou, pour utiliser un terme faisant un meilleur écho à ce projet, de le « flexibiliser » davantage. Il s’agit d’un objectif que nous ne pouvons approuver.
M. Emmanuel Dockès, professeur à l’université de Lyon 2 et directeur de l’Institut d’études du travail de Lyon, considère que ce texte « comprend un certain nombre de régressions qui devraient le faire entrer dans l’histoire comme l’un des plus importants reculs qu’ait eu à connaître le droit du travail français depuis 1945 ».
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
M. Jean-Luc Mélenchon. Absolument !
Mme Annie David. Autant dire que nous récusons votre conception de la « flexicurité à la française », dont les salariés n’auront à connaître que la flexibilité. Ce sera la flexibilité imposée par l’employeur aux salariés, contraints d’accepter un contrat à durée déterminé dont l’échéance est la réalisation d’une mission. Il s’agit de la transposition dans notre droit de l’un des désirs anciens du MEDEF : le recours au « salarié Kleenex », que l’on peut utiliser, exploiter, pressurer et jeter dès lors qu’il a rempli sa mission !
Monsieur le ministre, quelle sécurité sera offerte à ces salariés recrutés sous contrat de mission, alors qu’ils pourront être licenciés à l’issue de la mission – c’est l’objet même du contrat –, mais aussi pendant la période d’essai ainsi qu’à l’occasion des douzième ou vingt-quatrième mois correspondant à la date anniversaire de la conclusion du contrat, voire au dix-huitième mois si l’amendement déposé par le rapporteur est adopté ?
Drôle de conception de la sécurité de l’emploi qui se traduit par la multiplication des occasions légales de rupture sur l’initiative de l’employeur ! Parlons plutôt d’insécurité, cadeau en direction des employeurs, MEDEF et CGPME.
Je n’oublierai pas non plus l’allongement des périodes d’essai, obtenu sous la pression permanente du patronat et insidieuse du Gouvernement. De l’aveu même du représentant du MEDEF devant notre commission – j’ai d’ailleurs trouvé très honnête de sa part qu’il le formule clairement ! –, à partir du moment où le CNE disparaissait, il fallait influer sur la période d’essai.
Cela marque un recul pour les salariés, car aujourd’hui les conventions collectives prévoient des durées de période d’essai d’une semaine à trois mois, suivant la qualification demandée, ce qui correspond à ce qu’il est convenu d’appeler la « durée raisonnable ». On se situe avec l’article 2 du projet de loi bien au-delà du raisonnable, au regard de la finalité de la période d’essai affirmée par l’accord national interprofessionnel, l’ANI !
Alors, de quelle sécurité pour les salariés s’agit-il ?
De celle de percevoir une indemnité de chômage plus importante et plus longue ? Nous savons que non, et je ne reviendrai pas sur l’« offre valable d’emploi » qui va devenir une « offre acceptable d’emploi », nous en avons discuté suffisamment lors de l’examen du texte portant sur la fusion de l’UNEDIC et de l’ANPE. Ce sera d’ailleurs l’objet de prochaines négociations avec les partenaires sociaux, prévues à l’article 18 de l’ANI, l’enjeu étant pour le Gouvernement d’imposer à un salarié licencié d’accepter un emploi moins qualifié, donc moins rémunéré, sous peine de perdre les allocations chômage.
Sans doute s’agit-il plutôt de la sécurité du patronat : celui-ci, une fois encore, dispose d’outils adaptés à sa politique managériale, traduction du libéralisme économique qui transforme les hommes et les femmes composant l’entreprise et faisant sa richesse en simple variable d’ajustement.
Ainsi, grâce à la rupture conventionnelle, qui met à bas quarante ans de construction des protections contre le licenciement arbitraire, les employeurs pourront obtenir légalement qu’un salarié accepte cette rupture plutôt qu’il n’exige un licenciement. Cette disposition n’est nullement créatrice de droits nouveaux pour le salarié : elle existe déjà, comme vous l’avez d’ailleurs rappelé vous-même, monsieur le ministre, ainsi que le rapporteur, devant la commission. Le seul droit nouveau qui aurait pu être créé aurait consisté à donner au salarié un moyen juridique de faire reconnaître ce droit par son employeur. Mais de cela il n’est nullement question, si ce n’est à travers la précision : « d’un commun accord », formule dont toutes et tous ici connaissons la valeur ! L’employeur, au contraire, en raison de l’existence du lien de subordination, dispose de tous les moyens pour imposer cette décision.
Le projet de loi, tout comme l’accord national interprofessionnel lui-même, s’est, de mon point de vue, construit en défaveur des salariés. Il ne s’agit donc pas, contrairement à ce que vous voudriez nous faire croire, monsieur le ministre, d’un texte équilibré. Les organisations syndicales signataires de l’accord le reconnaissent elles-mêmes et nous invitent à être vigilants lorsque viendront en examen devant le Parlement, notamment, les textes portant sur la formation professionnelle et sur l’indemnisation des salariés privés d’emploi – c’est en cours –, ou encore lors de l’élaboration des nombreux décrets à venir.
Pour mieux comprendre cet accord, il nous faut nous intéresser au contexte dans lequel se sont inscrites les négociations. Il faut nous souvenir – et je comprends que cela vous déplaise, monsieur le ministre, en cette période où le Président de la République dénonce le chantage exercé par certaines entreprises –…
Mme Annie David. …du chantage qui a pesé sur les négociations : soit les syndicats parvenaient à s’entendre avec le patronat, soit le Gouvernement déposait un projet de loi. Les syndicats, ne sachant que trop bien comment le texte serait rédigé, se sont sentis obligés d’accepter de signer l’ANI. Cela a fait dire à Thomas Coutrot, économiste, que la menace planait du vote d’une « loi MEDEF » ; ce sentiment est d’ailleurs partagé par M. François Chérèque, dirigeant de la CFDT – pourtant signataire de l’accord –, pour qui « les documents d’orientation du Gouvernement sont quelque peu directifs ».
Comment ignorer encore que, dès le début de la négociation, vous avez pesé sur son contenu, sur son déroulement, en créant le concept ambigu d’« organisations syndicales responsables », donnant à croire que les syndicats ne trouvent leur légitimité que dans la seule négociation avec le patronat et le Gouvernement ? C’est là une nouvelle raison qui m’incite à ne pas voter le projet de loi, monsieur le ministre : cet accord s’est construit sans consultation des militantes et militants des différents syndicats, par faute de temps puisque, en plus du chantage à la « loi MEDEF », vous avez imposé un rythme infernal pour mener à bien ces négociations – rythme que curieusement, comme le relevait à l’instant ma collègue Christiane Demontès, vous n’avez pas encore voulu imposer pour les discussions sur la pénibilité ou sur l’égalité professionnelle !
Pour conclure, je soulignerai que les récentes déclarations du Président de la République ne nous laissent que peu d’espoirs et amènent une question : pourquoi vouloir flexibiliser un marché du travail français qui ne semble guère rigide ? Car 2,5 millions de salariés en CDD ou en intérim, c’est un record historique ; 800 000 à 900 000 salariés en CDI sont licenciés chaque année. Les licenciements pour motif « personnel » se sont multipliés et représentent désormais les trois quarts des licenciements. Dans neuf cas sur dix, les procédures sont extrêmement simples : un entretien suivi de l’envoi d’une lettre précisant les motifs. Licencier un CDI dans les deux premières années ne coûte quasiment rien ; et ce n’est pas la « mesurette » incluse dans votre projet de loi qui va beaucoup changer les choses !
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici sollicités par le Gouvernement pour valider conforme l’ANI, l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail, qu’il présente comme une avancée historique vers la flexisécurité à la française.
Tout d’abord, évoquons la méthode employée.
Que l’on incite les partenaires sociaux à négocier pour définir par le dialogue social des compromis intelligents, tel l’accord interprofessionnel sur la formation, c’est une excellente chose. Mais ce n’est absolument pas cette logique qui a prévalu en ce qui concerne l’ANI !
Première étape : le Président de la République a mis en demeure les salariés d’engager une négociation dont il fixait lui-même les objectifs politiques, le contenu et les échéances, les menaçant même de l’adoption d’une loi au contenu pire pour les salariés en cas de non-accord.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si vous n’êtes pas gentils, la loi sera pire !
M. Jacques Muller. Je me permettrai simplement de rappeler qu’en droit civil la signature d’un contrat sous contrainte entache ce dernier d’un vice de consentement ayant pour conséquence… la nullité du contrat. Eh bien, c’est exactement ce qui s’est passé, et c’est la raison pour laquelle, contrairement à l’accord interprofessionnel sur la formation, l’ANI n’a pas reçu l’aval de l’ensemble des organisations syndicales représentatives.
Deuxième étape : le Gouvernement nous demande aujourd’hui de valider en l’état le texte transposé. En clair, après avoir mis la pression sur les syndicats de salariés, le Gouvernement récidive avec les parlementaires en les invitant à cautionner un texte profondément déséquilibré.
C’est d’abord faire injure à la représentation nationale, qui devient une simple chambre d’enregistrement.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Ça y est, le mot est lâché !
M. Jacques Muller. C’est également l’empêcher de faire son travail. En effet, le rôle de la loi est de rétablir l’équilibre entre le puissant et le faible, ce qui est dans ce cas précis indispensable puisque le texte présente un déséquilibre inacceptable.
Le projet de loi fait droit à trois revendications principales du patronat : l’allongement de la période d’essai, la création du contrat de mission et la rupture conventionnelle du contrat de travail, sans que soient accordées des contreparties significatives aux salariés.
La rupture conventionnelle du contrat de travail est emblématique du dérapage que l’on nous demande de cautionner : on glisse insensiblement du droit du travail au droit civil, ce qui constitue implicitement une négation du déséquilibre structurel qui prévaut dans la relation entre l’employeur et le salarié, plus particulièrement en situation de crise économique.
J’examinerai plus précisément certaines dispositions du texte.
L’article 2 introduit la codification du régime de la période d’essai, qui jusqu’à présent relevait uniquement des conventions collectives de branche. Les durées d’essai et de renouvellement de toutes les catégories sont ainsi allongées par la loi : elles pourront aller jusqu’à quatre mois pour les ouvriers et huit mois pour les cadres ! Ainsi, alors que, conformément à l’avis du Conseil d’État, les durées définies dans l’ANI devraient être comprises comme des plafonds, le projet de loi oblige toutes les conventions de branche à aligner les périodes d’essai sur ces maxima d’ici au 30 juin 2009 : nous n’avons plus le CNE, mais nous avons l’allongement des périodes d’essai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jacques Muller. Les dispositions de l’article 5 introduisent la « rupture conventionnelle ». Elles semblent ignorer certaines réalités du monde du travail : les pressions subies par les employés, le harcèlement moral ou sexuel, les discriminations raciales, les inégalités de traitement entre femmes et hommes… Elles font surtout disparaître l’obligation de motivation.
Ces dispositions constituent ainsi une rupture historique avec la philosophie juridique dominante du droit du travail,…
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jacques Muller. …qui reconnaît la subordination du salarié par rapport à l’employeur et qui a jusqu’aujourd’hui conféré des droits à la partie faible, les salariés, pour tenter de rétablir la relation.
En réalité, le déséquilibre est même renforcé au profit… de l’employeur ! En effet, l’auteur de l’initiative de la rupture conventionnelle n’étant pas mentionné dans l’acte, l’employeur peut se retrancher derrière cette procédure pour éviter un licenciement motivé en bonne et due forme.
Il en va de même avec la disposition qui prévoit que, face à un salarié assisté par une personne de l’entreprise, l’employeur dispose du droit de se faire assister par une personne extérieure à l’entreprise, notamment par un avocat !
Ainsi, plutôt que de moderniser le marché du travail, ce projet de loi introduit une régression préoccupante sur une question essentielle pour les salariés : celle des conditions de la rupture du contrat de travail. (M. Guy Fischer applaudit.)
En conclusion, je voudrais revenir sur cette prétendue « flexisécurité à la française » vers laquelle nous conduirait ce texte : une plus grande souplesse du marché du travail pour l’employeur contre une plus grande sécurité du parcours professionnel pour le salarié. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Ce concept, effectivement mis en œuvre dans les pays nordiques avec le succès que l’on sait, n’a rien à voir avec ce que le Gouvernement nous demande aujourd’hui d’avaliser. Prenons l’exemple du Danemark, champion d’Europe,…
M. Guy Fischer. Nous y sommes allés !
M. Jacques Muller. …qui affiche un taux de chômage de 2,9 % et un taux d’emploi de 77,3 %. Si le licenciement y est facilité, la sécurité pour les salariés tout au long de leur vie professionnelle est effectivement garantie. Les chômeurs sont bien indemnisés : avec 90 % du salaire brut pendant quatre ans, ils ne subissent pas de rupture… du pouvoir d’achat ! Leurs compétences sont reconnues : ils ne doivent se voir proposer que des emplois correspondant à leur qualification.
Mme Annie David. Et voilà !
M. Jacques Muller. La garantie de retour à l’emploi est assurée, le cas échéant via une formation qualifiante bien rémunérée. Enfin, la suspension de l’indemnisation en cas de refus de proposition d’emploi ou de formation, systématiquement mise en exergue par les promoteurs de la flexibilité à tout crin, est pour l’essentiel confiée aux syndicats… qui sont également très présents dans le fonctionnement des agences pour l’emploi.
Ce sont là autant de dispositions qui évitent la multiplication des emplois de mauvaise qualité et contribuent à la consolidation effective des droits des salariés en termes de parcours professionnel.
Cependant, un tel système ne fonctionne que si deux conditions impératives sont réunies. D’une part, l’État et les entreprises doivent accepter d’y consacrer les moyens nécessaires, notamment en termes de formation et d’indemnisation des chômeurs : 5% du PIB, soit la moitié de plus qu’en France ! D’autre part, le syndicalisme doit être fort et gestionnaire, capable de négocier des accords équilibrés et de participer activement à leur application sur le terrain. Notre pays en est aujourd’hui très loin !
Monsieur le ministre, en nous invitant à valider en l’état un texte profondément déséquilibré, au sein duquel les quelques prétendues avancées au bénéfice des salariés pèsent très peu par rapport au « détricotage » du droit du travail auquel vous nous demandez de participer, vous affirmez instituer une flexisécurité à la française. En réalité, il s’agit tout simplement d’une nouvelle forme de flexibilité pour les employeurs… sans sécurité pour les salariés !
Cessons de nous payer de mots : avec des syndicats de salariés affaiblis, dans un contexte de taux de chômage élevé, le fameux « dialogue social » ne peut en aucun cas aboutir à des « compromis sociaux » équilibrés.
Dans une telle situation, il revient au législateur de protéger le faible et de faire prévaloir la logique du droit du travail, qui reconnaît dès son origine le déséquilibre structurel entre l’employeur et l’employé.
Abdiquer ses responsabilités pour « laisser faire » les partenaires sociaux, c’est nier ce déséquilibre structurel porteur d’insécurité sociale ! Dans ce contexte, parler de flexisécurité relève de l’imposture !
Est-ce une nouvelle dérive atlantiste du Président de la République ? Une nouvelle traduction de sa fascination avérée pour le modèle libéral anglo-saxon ? Des salariés, qui ont vu des leaders syndicaux finir par se résoudre sous la contrainte à signer l’ANI, en passant par nos concitoyens, plus personne n’est dupe !
Les Verts ne participeront pas à ce détricotage historique du droit du travail sous couvert de je ne sais quelle modernité.
Nous ne cautionnerons pas non plus ce qui risque de devenir un fâcheux précédent : le Parlement devrait-il désormais valider servilement n’importe quel accord entre les partenaires sociaux, quel que soit son contenu, au motif qu’il résulte de « négociations » ?
C’est pourquoi nous voterons contre ce mauvais texte, tout en proposant des amendements destinés à en limiter les dégâts pour les salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La CFDT vous remercie !
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi résulte d’un accord interprofessionnel signé le 21 janvier 2008 par trois organisations patronales et quatre syndicats – encore faudrait-il savoir ce que ces organismes représentent réellement, soit auprès des chefs d’entreprise, soit auprès des salariés, ce qui n’est nullement garanti.
Cela semble exceptionnel et est salué comme tel, d’abord parce qu’il s’agit d’un accord patronat-syndicats, mais surtout parce qu’il est très rare qu’un texte destiné à devenir une loi ne soit pas conçu par le Gouvernement, puis présenté aux parlementaires et, enfin, aux syndicats.
Aujourd'hui, c’est l’inverse. On doit voter un projet de loi dont les termes ont été acceptés d’abord par les syndicats. Dès lors, à quoi servent les parlementaires s’ils doivent entériner sans modification des textes acceptés par les syndicats ?
À ma connaissance, ni les parlementaires, ni les commissions, ni les groupes n’ont été consultés sur la tenue de ces accords, ce qui est anormal et aurait facilité bien des choses.
Certes des progrès seront réalisés grâce à la rupture conventionnelle de certains contrats de travail, des contrats pour la réalisation d’un objet défini pourront être proposés, ce qui est appréciable, même si les conditions prévues sont à mon sens trop limitées.
Permettez cependant au chef d’entreprise que je suis d’être déçu que ce texte soit un complément du code du travail en vigueur, et non une véritable modernisation. En effet, il commence par la déclaration suivante : « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail ». Tout est dit ! La rigidité du travail continuera à gérer nos emplois, ce qui sera une source considérable de pertes d’emplois en France, au profit de l’étranger.
Il s’agit également de savoir si cette loi sera favorable à la réduction du chômage et pas seulement au climat social. Je ne crois pas que la flexisécurité présentée par M. le rapporteur ait sa place dans ce texte, ce que je regrette d’ailleurs.
Je regrette aussi la suppression inattendue des CNE, transformés brutalement, sans explication et sans préavis en CDI, alors que l’on ne pouvait que se féliciter des résultats obtenus par l’embauche de plusieurs centaines de milliers de chômeurs. C’est une profonde erreur, car, on pouvait, le cas échéant, les amender.
En effet, ce sont ces contrats, limités d’ailleurs aux entreprises de moins de vingt salariés, qui ont permis la réduction du chômage dont on se félicite aujourd’hui. Il est donc à craindre que sans ces CNE le chômage n’augmente brutalement, car ils étaient très appréciés des PME.
Si la raison principale de la suppression de ces CNE est, paraît-il, la non-information sur les raisons du licenciement, bien que cela n’ait pas été explicité dans l’article 9, il serait beaucoup plus utile de les réintroduire dans la loi sur les CNE ou de créer un autre CNE plutôt que de supprimer cette disposition fondamentale pour la réduction du chômage. C’est ce que je vous proposerai dans un amendement très attendu par les PME, lesquelles sont les principales bénéficiaires de ces CNE qui leur ont permis d’embaucher des milliers de chômeurs.
Mais puisqu’il s’agit de faire des réformes, quand fera-t-on réellement celles qui concernent notre législation du travail, en nous orientant plus résolument vers la flexibilité de l’emploi associée à la flexsécurité ? La flexibilité ne coûte rien à l’État. Elle est appliquée dans tous les pays du monde où le chômage est le plus bas. C’est la preuve que cela marche !
La rigidité de l’emploi, dont on n’arrive pas à sortir en France, loin d’assurer la pérennité des emplois assure plutôt la pérennité du chômage.
Le maintien des contrats à durée indéterminée comme base normale et générale du travail indique bien la volonté des syndicats et du Gouvernement de ne pas changer de politique et de maintenir la rigidité de l’emploi comme règle absolue, ce qui n’est certes pas la volonté des chefs d’entreprise.
Il faudrait tout de même qu’un jour chacun comprenne que le maintien des contrats à durée indéterminée comme forme normale du travail conduit les entreprises à embaucher de moins en moins en France et à délocaliser de plus en plus à l’étranger, ce qui entraîne un accroissement considérable du chômage dans notre pays. La croissance que chacun recherche risque une fois de plus de ne jamais se réaliser.
Je voudrais maintenant vous faire part de quelques réflexions pratiques relatives au fonctionnement des entreprises.
Il faudra bien qu’un jour on comprenne qu’une entreprise a besoin de souplesse dans la gestion de son personnel. Une activité commerciale ou industrielle, quelle qu’elle soit, est précaire. Elle dépend notamment du marché qui évolue, des clients qui veulent du changement, de la concurrence qui propose des produits de même qualité et moins chers, de l’évolution des technologies, de la variation des monnaies. Pour survivre, elle doit adapter en permanence son personnel à ses charges et aucun chef d’entreprise ne le fait s’il n’y est pas obligé.
D’où le dogme absolu qui est le même pour toutes les entreprises dans le monde entier : un chef d’entreprise qui ne peut pas, si besoin est, licencier son personnel comme il l’entend n’embauchera plus et sous-traitera sa production à l’étranger. Rien n’y changera quoi que ce soit, ni grève, ni loi !
C’est la raison pour laquelle la flexibilité de l’emploi est aussi nécessaire pour les entreprises que l’air pour respirer.
Toutefois, ce système ne fonctionne bien que si le salarié licencié peut retrouver rapidement du travail. C’est pourquoi il doit être accompagné dans sa recherche d’emploi, si possible avant même d’être licencié. C’est ce que l’on appelle la « flexsécurité », appliquée avec succès en particulier au Danemark, que M. le rapporteur a évoquée et dont je ne vois malheureusement aucune application dans ce projet de loi.
Par ailleurs, on oublie trop souvent qu’il ne suffit pas d’empêcher les entreprises de licencier, ni de créer des dispositifs divers comme les aides à l’emploi, les aides au retour à l’emploi et maintenant le RSA, qui aggrave notre déficit budgétaire, pour que les entreprises embauchent si elles ne le veulent pas et si le personnel disponible n’a pas les compétences requises.
On oublie toujours que la réduction du chômage nécessite l’équilibre de deux éléments, l’offre par les entreprises et la demande par les chômeurs. Si l’on privilégie chaque fois les chômeurs sans se préoccuper des entreprises, on n’arrivera à rien et on dépensera beaucoup d’argent en vain.
Je rappellerai enfin qu’une entreprise qui a du travail et un personnel motivé et compétent ne licencie jamais, même s’il n’y a pas de contrat car elle a besoin de son personnel. C’est ce qui se passe en particulier aux États-Unis, où les salariés sont embauchés sans aucune garantie de durée et où le chômage est au minimum, preuve de l’efficacité du dispositif américain, et ce sans une multiplication, comme dans notre pays, des contrats de travail.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaite que les réformes continuent et, si l’on veut vraiment obtenir le plein emploi en France, que l’on s’oriente plus avant vers la flexibilité de l’emploi associée à la flexsécurité, qui ne coûte rien à l’État. En attendant, il faut appliquer cette loi en ne supprimant pas le CNE et en le modifiant comme je le proposerai par voie d’amendement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser mon retard et je remercie Mme Valérie Létard d’être intervenue pour présenter ce texte. Le contrat de travail et le monde du travail sont étroitement liés et cette question faisait justement aujourd'hui l’objet d’un déplacement important sur un sujet qui constitue l’une des priorités essentielles de notre pays : l’emploi des seniors, à la fois pour le rendez-vous des retraites mais aussi pour le marché du travail et de l’emploi. C’est dans ce cadre que M. le Président de la République, M. Laurent Wauquiez et moi-même avons présenté le plan seniors.
J’ai bien sûr écouté avec attention les différentes interventions et l’on m’a rapporté les propos que je n’avais pu suivre.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de souligner le fait que l’accord du 11 janvier 2008 constitue un progrès essentiel dû à la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, dite « loi Larcher », qui a permis la mise en place d’une nouvelle méthode dans l’élaboration des lois, gage de stabilité et d’efficacité.
L’histoire nous a montré que les lois les plus durables et les plus reconnues, celles qui sont entrées dans notre vie quotidienne de la meilleure façon, sont consécutives à des accords. La force de la loi du 31 janvier 2007 est d’avoir institutionnalisé cette méthode. Le présent projet de loi en est la première traduction législative mais certainement pas la dernière. Nous aurons sûrement l’occasion de nous retrouver prochainement avec un texte sur la représentativité, le financement et le temps de travail.
Comme l’a montré M. Vanlerenberghe, la flexsécurité à laquelle répondent l’accord du 11 janvier 2008 et le projet de loi qui nous est soumis se définit par une exigence d’équilibre, de l’accord et du projet de loi tout d’abord, équilibre qui a permis la signature de la majorité des partenaires sociaux. Mais c’est aussi, on le dit moins, une série d’équilibres partiels. Par exemple, les dispositions concernant la rupture conventionnelle ou la période d’essai traduisent le souci de trouver un équilibre entre les exigences de flexibilité et de sécurisation de la situation des salariés. Ce point me semble important pour notre discussion car nous devons bien être conscients que les signataires ont constamment eu cet équilibre à l’esprit et ont toujours cherché à le garantir et à le conforter.
Vous avez également évoqué le portage, sujet important qui requiert notre vigilance. Les partenaires sociaux qui ont signé l’accord du 11 janvier 2008 l’ont fait à l’échelon interprofessionnel et ils ont donc pris en compte les différentes professions concernées. Et si des garanties supplémentaires sont nécessaires, la correspondance que j’ai échangée, notamment avec le syndicat des entreprises de travail temporaire, le permettra. Nous évoquerons l’ensemble de ces garanties lors de la discussion des articles et elles nous permettront, je l’espère, de stabiliser ce secteur important, mais également de bien correspondre à la volonté des partenaires sociaux, en respectant l’équilibre de l’accord.
Madame Demontès, nous semblons opposés sur des questions de méthode. La discussion dira si nous le sommes vraiment et totalement jusqu’au bout.
Quoi qu’il en soit, la loi du 31 janvier 2007 et le présent projet de loi traduisent bien une exigence, à savoir un document d’orientation envoyé aux partenaires sociaux, puis une négociation réelle, un souci d’équilibre et finalement un projet de loi transcrivant l’accord. Voilà la réalité des choses.
Pourquoi serions-nous opposés sur une telle méthode ?
Sans vouloir polémiquer, je pense que ce texte s’inscrit plus dans la modernité des relations sociales telle que l’a voulue la loi de 2007 que dans la modernité d’une loi qui n’en portait que le nom, la loi de modernisation sociale de 2002, qui résultait quant à elle d’une volonté unilatérale du Gouvernement constatée par les partenaires sociaux.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne sais pas si c’est ma vérité, cependant force m’est de constater que pour beaucoup, c’est aussi la vérité.
Je ne comprends pas vos craintes sur le CDD à objet défini : il est encadré par un accord de branche, il répond à un motif précis et ses conditions sont plus restrictives que celles du CDD de droit commun, dont les règles s’appliqueront. De plus, une expérimentation permettra à tous les acteurs de s’assurer que ce contrat correspond bien à un besoin et que les garanties sont au rendez-vous.
Monsieur Souvet, vous avez souligné la nécessité d’évoluer vers une flexsécurité dans laquelle flexibilité et sécurité se renforcent mutuellement.
Je crois profondément à cette logique, et je ne suis pas le seul, car elle garantit à la fois plus de souplesse et plus de sécurité, mais pas au profit exclusif de l’un ou de l’autre : la flexibilité et la sécurité valent tant pour les entreprises que pour les salariés. Nous devons nous situer au-delà de l’année qui vient et présenter des textes susceptibles de s’adapter à un contexte du marché de l’emploi évolutif. Le retour au plein emploi donnera davantage d’atouts aux salariés, qui gagneront en souplesse. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
La sécurité apportée par ce projet de loi vaut aussi bien pour les salariés, qui ont besoin d’inscrire leur parcours professionnel dans la durée, que pour les entreprises, lesquelles doivent bénéficier d’un cadre juridique stable.
Cet équilibre qu’ont su trouver nombre de nos partenaires européens, il était temps que nous parvenions à le faire émerger en France sur des sujets qui faisaient l’objet d’un blocage depuis un quart de siècle. Excusez du peu !
Comme vous l’avez rappelé, les dispositions de l’accord du 11 janvier devront être complétées par d’autres négociations, notamment sur la formation professionnelle, dossier prioritaire que suivront Christine Lagarde et Laurent Wauquiez. Les uns et les autres pourront s’appuyer sur le rapport de la mission sénatoriale confiée en son temps à M. Carle. Feront également l’objet de négociations la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC, et l’assurance chômage.
Madame David, excusez-moi de vous le dire, ce texte, loin d’être une ritournelle, constitue, au contraire, une innovation dans le champ des relations sociales : innovation dans la méthode avec un retour au dialogue social, innovation dans le fond par rapport au nouvel équilibre qui a été trouvé.
Et je pense que les partenaires sociaux représentants des salariés apprécieront à sa juste mesure votre propos selon lequel ce texte serait d’inspiration patronale tant il est, au contraire, le résultat d’une négociation entre des partenaires sociaux libres et responsables.
Je tiens également à le souligner, nous sommes dans un monde en mouvement, où les relations sociales évoluent.
M. Guy Fischer. Sous la pression !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’en veux pour preuve la position commune qui a été signée, dont j’ignore si elle trouve davantage grâce à vos yeux. D’autres y ont apposé leur signature. Nous verrons si votre position change. Quoi qu’il en soit, j’aurais aimé que, sur un tel sujet, nous puissions arriver une position commune. Peut-être y parviendrons-nous au fil de la discussion.
Puisque vous avez parlé de « recul dans le droit du travail », le plus important, selon vous, depuis 1945, je tiens quand même à vous dire que quatre syndicats sont signataires. (M. Guy Fischer s’exclame.) Ne l’oublions pas !
Votre propos ne m’aurait pas surpris si ce texte avait été d’inspiration, ou de source, gouvernementale. Je vous l’avoue, en effet, il m’arrive parfois de vous soupçonner de quelque a priori à l’égard du Gouvernement. Mais, en l’occurrence, il s’agit des syndicats, et je suis particulièrement surpris !
Mme Christiane Demontès. Ne soyez pas cynique, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Que vous puissiez ne pas être d’accord avec ce texte, je vous le concède volontiers, mais vous ne pouvez pas utiliser ce type d’argument, qui nie le principe même de la négociation collective.
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le redis devant la Haute Assemblée : le montant des indemnités de licenciement ne pourra en aucun cas être réduit pour un quelconque salarié. Le projet de décret transmis à la Commission nationale de la négociation collective et que j’ai fait parvenir aux présidents de l’ensemble des groupes parlementaires le montre très clairement.
M. Guy Fischer. Les années d’ancienneté vont diminuer !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux !
Monsieur Muller, vous avez parlé de « pistolet sur la tempe ». Je ne sais pas si c’est pour légitimer une position de principe du groupe, cependant vos propos visent non seulement le Gouvernement, mais aussi les partenaires sociaux. Or, je tiens à vous le dire, ils ont montré à chaque fois qu’ils savent prendre leurs responsabilités. Le dialogue social se porte mieux en France, un an après notre élection. (M. Jean-Luc Mélenchon s’exclame.) Cela devrait faire plaisir à tous, sur les travées de droite comme sur les travées de gauche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Voilà bien longtemps, en effet, que l’on souhaite l’avènement du dialogue social en France.
Si nous n’y sommes pas pour rien, les partenaires sociaux y sont pour beaucoup. La réalité, c’est que ce dialogue social bien portant et si longtemps attendu est enfin au rendez-vous.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Seule la droite pouvait le faire !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous pouvons nous en réjouir les uns et les autres. Et je serais même tenté de dire : si nous pouvions nous en réjouir les uns avec les autres, ce serait encore préférable.
Monsieur Dassault, la rupture conventionnelle correspond, c’est vrai, à un besoin de souplesse, avec la mise en place d’un mode de rupture sécurisé, simple, rapide, assorti de garanties.
Sur la question du CNE, je suis certain que nous reviendrons en détail. L’abrogation du CNE ne date ni du 11 janvier ni de la présentation de ce texte. Son origine se trouve dans la décision de l’Organisation internationale du travail, laquelle faisait d’ailleurs suite à deux arrêts très clairs des cours d’appel de Bordeaux et Paris. Depuis cette décision, comme je l’avais écrit aux représentants d’organisations professionnelles patronales, nous avons besoin de sécuriser les acteurs.
Je le sais, nombre de chefs d’entreprise ont joué le jeu sincèrement. Or nous les exposons à une incertitude juridique si nous n’apportons pas cette clarification, assortie de la garantie supplémentaire adoptée par l’Assemblée nationale. Mieux vaut avoir le courage de dire et d’écrire les choses ; c’est un gage de clarté.
Aujourd’hui, le CNE ne représente plus que 1,4 % des recrutements. Nous devons apporter à ces salariés, comme à ces chefs d’entreprise, toute la lumière, toute la clarté et toutes les garanties. C’est une question de sécurisation, monsieur le sénateur. Je suis favorable à la souplesse, mais elle ne peut produire tous ses effets que dans la sécurité réclamée, voulue et attendue par les uns comme par les autres.
Voilà ce que je voulais dire en réponse aux différents orateurs qui se sont succédé dans cette discussion générale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°56, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail (n° 302, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a un an, Nicolas Sarkozy devenait Président de la République avec un slogan : « Travailler plus pour gagner plus » et une conception de sa fonction incarnée par le mot « rupture ».
Nous nous souvenons toutes et tous l’avoir entendu vanter la « valeur travail ». Nous nous souvenons également de ses nombreuses exhortations en direction de la France qui se lève tôt pour travailler. Il devait être son Président, celui qui augmenterait son pouvoir d’achat, reconnaîtrait ses efforts, celui qui, en quelque sorte, saurait redonner au travail la place qui devrait être la sienne.
Or, en douze mois, les Français n’ont rien vu à cet égard !
Ils ont vu les prix croître – à l’image du gaz qui a augmenté de près de 10 % depuis le 1er janvier 2008. Ils ont vu les prix des produits de première nécessité flamber, et ils subissent, jour après jour, madame la secrétaire d’État, les dégâts de votre politique libérale.
Il n’est qu’à lire la presse pour constater le mécontentement généralisé de la population. Les Échos titrent : « Le bilan de Sarkozy : une rupture de méthode, des désillusions sociales ». On peut lire dans Libération un dossier très intéressant de plusieurs pages sur l’insatisfaction des Français que la une de ce journal exprime parfaitement : « Un an après, la grande désillusion ». Il n’y a que Le Figaro pour apporter une vision positive en titrant « Les Français sont d’accord avec les réformes… » Mais Le Figaro de reconnaître, immédiatement après, que les Français sont déçus par les résultats. La presse est donc unanime.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Un an, c’est court !
M. Guy Fischer. Nos concitoyens attendent encore – et risquent d’attendre longtemps – la fameuse reconnaissance du travail. Vos deux lois en faveur du pouvoir d’achat n’y ont rien changé. D’ailleurs, deux lois en six mois, n’est-ce pas la preuve que la première, la loi TEPA, travail, emploi et pouvoir d’achat, n’était pas efficace ?
Le déblocage de l’épargne salariale ou l’art de s’autoredistribuer du pouvoir d’achat ? Nenni !
La prime de 1 000 euros, versée selon le bon vouloir de l’employeur ? Cela ne marche pas !
Le rachat des RTT, véritable monétisation des droits acquis ? Cela ne va qu’à quelques-uns !
Toutes ces mesures sont insuffisantes et ne répondent pas à l’exigence réelle de nos concitoyens : l’accroissement de leur pouvoir d’achat par l’augmentation de leur salaire et de leur retraite.
Mais, sur ce sujet, madame la secrétaire d’État, votre gouvernement reste bien silencieux, et c’est là encore un motif de colère : à peine arrivé au pouvoir, Nicolas Sarkozy se rend au Fouquet’s, fait une croisière luxueuse, laissant penser que chacune et chacun de nos concitoyens pouvaient espérer la même chose, ou tout au moins l’équivalent en fonction de son train de vie. Or qu’a-t-il fait en un an ? Le pire que l’on pouvait attendre du libéralisme : donner encore plus à celles et ceux qui ont déjà beaucoup, sans rien octroyer à la grande majorité de celles et ceux qui l’ont élu !
M. Michel Bécot. C’est faux !
M. Guy Fischer. En effet, Nicolas Sarkozy a satisfait en partie ses promesses électorales, celles qui avaient été faites au patronat. Et, dans ce domaine, votre gouvernement est prolixe.
Progressivement, projet de loi après projet de loi, vous redessinez un modèle social qui n’a rien à voir avec celui qui fonde notre République, établie sur notre pacte social tel que les législateurs de 1945 l’ont créé.
Il y a eu la recodification du code du travail : elle devait se faire à droit constant, elle s’est faite, au contraire, au détriment des salariés, qui perdent là une de leurs protections. Elle s’applique à compter du 1er mai.
Il y a eu la fermeture annoncée de 63 juridictions prud’homales, la fusion forcée des ASSEDIC et de l’ANPE, qui vient s’ajouter aux différentes lois antérieures visant à réduire les droits des travailleurs privés d’emploi.
Pas à pas, vous redessinez sans le dire un modèle global de société ne répondant plus – dans tous les domaines – qu’à une exigence, celle de rentabilité dictée par la logique libérale.
Et il y a aujourd’hui ce projet de loi, dont le Président de la République, dans sa lettre du 31 mai 2007 aux organisations patronales et syndicales, a fixé la feuille de route et au sujet duquel les pouvoirs publics ont affirmé à plusieurs reprises leur volonté de légiférer rapidement en l’absence d’accord. Il ne fait pas de doute que ce contexte a pesé sur les négociations, d’ailleurs délimitées et en partie commandées par votre gouvernement ! À n’en pas douter, ce texte est l’une de vos étapes fondamentales dans le démantèlement progressif, mais certain, de la relation de travail telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Je m’étonne de voir combien ce projet de loi est profondément déséquilibré.
Ainsi, les citoyens noteront que les mesures favorables aux employeurs, celles qui facilitent notamment le droit et les conditions de licencier, de précariser encore plus, sont inscrites dans la loi. Or, comme convenu dans l’accord national interprofessionnel, les mesures favorables aux salariés exigent un certain nombre de décrets et de négociations futures, en particulier la portabilité des droits, l’indemnisation des demandeurs d’emploi, la formation professionnelle, ce qui n’est pas sans nous inquiéter.
Et cela fait dire à Jacques Freyssinet, professeur émérite à l’université Paris-I : « Il convient de rappeler que le mode de construction de l’accord engendre un degré élevé d’incertitude sur la nature et l’ampleur de ses effets prévisibles. ». Il y a donc, dans ce texte, une règle à deux vitesses : la certitude pour les employeurs, le doute pour les salariés.
Ce doute persiste également face à la proposition, aux apparences généreuses, de réduire à un an la durée nécessaire pour bénéficier de l’indemnisation chômage. Simultanément, le Président de la République, Mme Lagarde et M. Wauquiez relancent le débat engagé lors de l’examen du projet de loi fusionnant l’ANPE et les ASSEDIC et les négociations débutent sur ce texte dans un contexte là encore bien délimité.
Ainsi, les salariés privés d’emploi se verraient contraints d’accepter non plus « une offre valable d’emploi », mais, au choix, selon à qui l’on s’adresse, « une offre raisonnable d’emploi » ou « une offre acceptable d’emploi ». Toutefois, derrière ce vocable se dissimule une diversité de conception que votre gouvernement ne veut pas préciser aujourd’hui, jouant avec l’ambiguïté.
Une chose est sûre, cependant, la logique sera au durcissement et les salariés ont tout à y perdre.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Ne croyez-vous pas toutefois que l’éclaircissement de ces notions et la définition des conditions qui pourraient conduire, en cas de refus, à une sanction pouvant aller jusqu’à la radiation mériteraient d’être traitées simultanément et de faire partie intégrante de ce projet de loi ?
De la même manière, nombreux sont les syndicalistes et les représentants des associations de chômeurs à s’inquiéter d’une baisse annoncée de la durée et du montant des indemnisations chômage.
Face à ces interrogations, – chose curieuse – pas un mot de votre gouvernement ou du Président de la République ! Et pas un mot non plus dans ce texte de loi, qui doit pourtant traiter de la modernisation du marché du travail !
De même, il est surprenant que la question de l’aménagement et de la modulation du temps de travail ou encore celle de l’organisation du travail, pourtant centrale en matière de « flexisécurité » dite interne, soient déconnectées de ce texte.
Mme Annie David. Effectivement !
M. Guy Fischer. S’agissant des 35 heures, on peut aisément concevoir que cet aspect pour le moins conflictuel ait été écarté des négociations. Concernant l’organisation du travail, nous sommes cependant là au cœur du sujet : gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, allongement de la durée d’activité des seniors, emploi des jeunes, développement de l’effort de formation en direction des salariés les moins qualifiés, dont on sait qu’il n’est efficace que s’il s’appuie sur une organisation du travail qualifiante, etc.
Il est fort regrettable que ces questions soient absentes du projet de loi, mais il est vrai, madame la secrétaire d'État, qu’il n’est que l’une des premières pierres d’un édifice de généralisation de la précarité.
Mme Parisot, présidente du MEDEF, ne s’y est d’ailleurs pas trompée, annonçant dans le journal Les Échos en date du 14 janvier 2008 : « Cet accord n’est pas révolutionnaire. Il constitue une première étape. »
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. La question légitime que nous devons vous poser, et que les Français se posent, est donc la suivante : nous connaissons les réformes à venir, mais pour quelle finalité les engagez-vous ?
À quoi ressemblera le « marché du travail » dont vous rêvez et, plus globalement, que sera la politique sociale de notre pays ?
Je voudrais d’ailleurs revenir sur cette notion même de « marché du travail ». Celle-ci renvoie à une réalité que peu de salariés connaissent. Le marché, économiquement parlant, est l’espace où s’échangent des biens contre une rémunération juste, correspondant à leur valeur. Tel n’est pas le cas pour le travail, dont la nature même devrait rendre impossible son assimilation à un simple bien.
Surtout, nous savons que la rémunération que perçoivent les salariés en échange de leur travail n’est pas, loin s’en faut, à la hauteur de leur tâche. Preuve en est les grandes difficultés que rencontrent des millions de nos concitoyens pour vivre dans la dignité, pour consommer ou pour épargner.
Souvenons-nous au contraire que les patrons français sont au premier rang des patrons européens les mieux payés alors que les salariés ne sont qu’à la quatorzième position !
La précarité dans le travail n’est malheureusement pas une lubie inventée par les sénatrices et sénateurs communistes ; c’est le vécu douloureux de celles et de ceux qui sont payés en dessous des besoins ou contraints à travailler à temps partiel.
Vos deux lois censées, à six mois d’écart, redonner du pouvoir d’achat aux Français n’auront en fait été que de la poudre aux yeux, car vous concentrez l’essentiel de vos efforts sur la précarisation du salariat, faisant vôtre le désormais célèbre adage de Mme Parisot, selon lequel, puisque « la vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ».
Il faut dire que votre gouvernement, en un an, aura tout fait pour satisfaire à ces exigences, à commencer par les 15 milliards d’euros de cadeaux accordés aux plus riches au mois d’août…
M. Michel Bécot. Ce n’est pas vrai !
M. Guy Fischer. Si, et je le démontrerai dans la suite du débat !
Mme Catherine Procaccia. Pas aux plus riches, mais aux familles !
M. le président. Poursuivez, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Ces cadeaux aux plus riches allaient contre le bon sens économique et contre l’intérêt du monde du travail, et le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette triste continuité.
Vous partez du postulat idéologique selon lequel il faudrait toujours que les règles protectrices en matière de travail soient amoindries et vous vantez la capacité du marché à s’autoréguler dès lors que l’État n’intervient plus ou intervient peu.
Ces éléments sont caractéristiques du système libéral. « Déréglementer, privatiser, libérer les échanges, faire respecter le droit de propriété et réduire drastiquement le champ d’intervention de la loi et de l’État au bénéfice du contrat », voilà comment Alain Laurent, auteur du Libéralisme américain, histoire d’un détournement, décrit la feuille de route d’une économie libérale efficace, l’efficacité se mesurant alors à l’aune de profits accumulés par quelques-uns. (Mme Christiane Hummel s’exclame.)
Telle est la ligne directrice de vos gouvernements successifs, et ce projet de loi ne fait pas exception. Comment ne pas le relier au rapport Virville qui avait pour objectif de réduire considérablement l’impératif légal au profit du contrat ou, autrement dit, de sécuriser encore plus les entreprises ?
On a l’impression que votre recherche perpétuelle du modèle social le plus adapté conduit notre pays à la disparition pure et simple de tout modèle. Hier, c’étaient l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, c’est le Danemark. Pourtant, entre ce pays et le nôtre, il n’y rien de comparable, et Jacques Muller a cité quelques exemples.
Près de 30% des salariés danois changent chaque année d’employeurs, mais il s’agit là d’une mobilité voulue et non subie. La moitié des femmes travaillent à temps partiel. Est-ce cela que vous voulez reproduire en France, en contraignant les femmes à subir des parcours incomplets, à « faire » avec la précarité et la misère, à percevoir des retraites largement amputées ? Jusqu’où irez-vous dans la recherche du modèle le moins protecteur, alors que l’on a vu que l’engagement du Gouvernement et des syndicats danois est d’une tout autre nature ?
En réalité, la fameuse « flexisécurité » n’est cependant pas l’apanage de M. Sarkozy : il s’agit là d’un mouvement européen. Il s’agit même de l’un des objectifs de l’Europe libérale et technocratique que vous construisez. Nous nous souvenons tous du traité constitutionnel européen et de la fameuse concurrence « libre et non faussée », ainsi que de la directive Bolkestein.
Le concept de « flexisécurité » que vous développez est l’un des objectifs de l’Union européenne. La Commission le précisait en 2007 en ces termes : « une stratégie intégrée, visant à améliorer simultanément la flexibilité et la sécurité sur le marché du travail ».
Si nous comprenons de quoi il s’agit lorsque la Commission fait référence à la flexibilité, qu’entend-elle par la sécurité ? Cela « représente bien plus que l’assurance de garder son emploi. Il s’agit de donner aux individus les compétences qui leur permettent de progresser dans leur vie professionnelle et de les aider à trouver un nouvel emploi. »
Pour Henri Houben, docteur en économie et membre d’ATTAC Bruxelles, « la flexibilité se justifie par l’existence de la mondialisation capitaliste actuelle : pour être compétitive, l’entreprise doit pouvoir s’adapter rapidement aux changements du marché. De fait, cela heurte de plein fouet la possibilité pour les salariés de garder leur poste et affecte leur sécurité d’emploi ».
Les salariés ne savent que trop combien ils sont considérés dans les entreprises comme un coût alors que précisément ils participent, par leur force de travail, par leur expérience et par leur volonté, au développement de l’entreprise et de la France !
Les tenants de l’économie libérale les considèrent comme une variable d’ajustement sur laquelle on peut rogner sans cesse, et les salariés à qui l’on vient d’imposer un chantage odieux entre licenciement et recul social ne nous démentiront pas.
En conclusion, ce projet de loi effectue un transfert de sécurité. L’enjeu est donc pour vous non plus de protéger collectivement l’emploi, mais d’instaurer une fausse protection individuelle consistant à accompagner la perte d’emploi.
C’est sur cela que se fonde votre « flexisécurité », et l’on sait que l’employabilité est au cœur de cette conception, qui ne cherche plus à garantir ni le droit au travail, ni les conditions dans lesquelles le salarié effectue celui-ci, tout en niant le rôle des organisations syndicales.
La conférence européenne des syndicats l’a d’ailleurs bien compris, en précisant que « réduire la protection contre le licenciement creusera le fossé des inégalités et entraînera une augmentation du nombre d’exclus, tout en étant néfaste pour la performance économique en termes de productivité du marché ».
Je terminerai en me référant au rapport intitulé Les indicateurs clés du marché du travail rendu par le Bureau international du travail en 2007 : la France, grâce à ses salariés et à ses ouvriers, est placée au troisième rang de la productivité, derrière la Norvège et les États-Unis. C’est à croire que les « déclinologues », qui n’ont de cesse de nous dire que la législation française trop protectrice est un carcan faisant fuir les investisseurs et plombant la productivité, se trompent !
Je regrette sincèrement que vous n’ayez pas profité de l’examen de ce projet de loi pour dire à la représentation nationale, comme à tous les Français, quelle est votre conception du travail et des règles qui doivent lui être associées. Vous en êtes restés aux slogans – d’ailleurs contradictoires – alors que, dans les textes, vous déconstruisez pas à pas tout ce qui fonde la relation employeur-employé telle que nous la connaissons, exception faite du rapport de subordination, qui persiste et qui, du fait de l’individualisation des rapports, se renforce même.
Une seule certitude demeure et, à la veille de la présidence de l’Union européenne par la France, un spectre hante toute l’Europe : le capitalisme financiarisé dont le libéralisme économique est un outil.
En dehors de cette certitude, les Français ignorent tout de vos projets réels. C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter la motion tendant à opposer la question préalable, afin d’obliger le Gouvernement à préciser ce qu’il préfère taire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Le chemin pour parvenir à un consensus sera encore long et difficile ! Ce débat démontre en effet que, dans la façon d’aborder les relations du travail, il y a toujours dans notre pays deux conceptions qui s’affrontent.
D’une part, il y a ceux qui pensent, et j’en suis, que, compte tenu de la situation internationale, nous devons aller progressivement, en dialoguant et en écoutant, vers plus de flexibilité, mais de flexibilité compensée par plus de sécurité.
D’autre part, il y a ceux qui, et je le dis avec regret, sont attachés aux méthodes anciennes, c'est-à-dire aux rapports de force inspirés de la théorie de la lutte des classes, et qui estiment pouvoir continuer aujourd'hui à suivre ces méthodes en prenant le risque de mettre demain notre pays dans une situation plus difficile encore pour avoir capitulé devant l’ultralibéralisme faute d’avoir été capable d’adapter la voie moyenne que représente la « flexisécurité » déjà élaborée par nos partenaires nordiques, que vous avez un peu brocardés mais qui sont tout de même parvenus à de bons résultats. (Mme Annie David s’exclame.)
Nous sommes ici une majorité à estimer que cette voie mérite d’être explorée et qu’elle est même la seule de nature à nous permettre d’avancer vers un consensus plus large dans notre pays. Nous ne pouvons prendre le risque de vous suivre, raison pour laquelle je demande le rejet de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur Fischer, on ne peut parler de certitude pour les employeurs et de doute pour les salariés.
Nous sommes en train d’essayer de trouver les voies et moyens qui nous éviteront plus tard d’être dans une situation que nous regretterions tout en maintenant une position juste et équilibrée.
Le doublement des indemnités de licenciement, c’est certain ! L’abaissement de l’ancienneté et du délai de carence pour obtenir une meilleure indemnisation maladie, c’est certain ! Le fait que le CDI est la forme normale et générale du travail, c’est certain ! (Mme Annie David fait un signe de dénégation.) Je pourrais d’ailleurs citer un certain nombre d’autres exemples.
De la même façon, monsieur le sénateur, vous savez très bien que ce projet de loi s’inscrit dans une globalité, qu’il doit être regardé avec du recul et qu’il faut tenir compte de l’ensemble des mesures et des décisions qui ont été prises pour accompagner précisément l’accord du 11 janvier 2008.
Le texte dont nous débattons est une chose, mais il faut aussi prendre en considération tout à la fois les décrets qui ont été transmis aux présidents de groupe, l’arrêté d’extension, toutes les négociations programmées dans le cadre de l’accord, sur la mobilité, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou encore la convention avec l’assurance chômage, c’est-à-dire un ensemble de mesures qui feront que, véritablement, le travail de négociation sera honoré.
Tel le sens de ce texte, à savoir accompagner un vaste projet qui, en même temps qu’il permettra de la flexibilité, apportera de la sécurité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 56, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Godefroy, Muller et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 39 tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail (n° 302, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis constitue la première application concrète du dialogue social instauré par la loi du 31 janvier 2007 et, à ce titre, nous devrions tous pouvoir nous en réjouir ; je note d’ailleurs qu’il y a pléthore de satisfecit, mais plus particulièrement de la part du Gouvernement et du patronat.
À l’écoute plus attentive des différentes réactions, « le chœur des célébrations » nous est apparu pour ce qu’il est, c’est-à-dire beaucoup plus contrasté qu’il n’y paraît.
Mais, avant d’entrer dans le texte, parlons du contexte.
La menace d’un passage en force, par le biais d’une loi, a constamment plané sur les négociations. Même les représentants des syndicats de salariés ayant signé l’accord ont admis l’avoir fait avec la crainte, en cas d’échec, d’une loi plus dure, qui imposerait par exemple le contrat unique, fantasme du MEDEF.
Or, je le redis ici, la menace ne doit pas être le pistolet que l’on pose sur la tempe des partenaires sociaux. En tout cas, telle n’est pas notre conception du dialogue social.
Mme Patricia Schillinger. Effectivement !
Mme Raymonde Le Texier. Mais tout cela, notre collègue Christiane Demontès l’a dit avec force voilà quelques instants.
Par ailleurs, c’est la prérogative du Parlement d’examiner et de modifier ou non les textes qui lui sont soumis. Ce n’est pas parce qu’un accord interprofessionnel a été trouvé, même avec un équilibre prétendument « délicat », que le Parlement ne doit pas faire son travail. La hiérarchie des normes et des légitimités demeure claire : à son sommet, il y a la loi et le suffrage universel. Le Parlement ne peut être, ne doit être, ni un moyen de pression, ni une chambre d’enregistrement.
Madame la secrétaire d’État, je voudrais revenir sur le fameux modèle danois auquel le Gouvernement aime se référer. De la flexisécurité danoise, celui-ci n’a gardé que la plus grande facilité d’embauche et de débauche pour les entreprises. Disparues les indemnités de chômage jusqu’à 90 % de l’ancien salaire, pendant deux ans, pour les revenus les plus faibles.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Raymonde Le Texier. De la politique de l’emploi, le Gouvernement n’a gardé que l’encadrement strict des allocations chômage. Disparus les importants moyens financiers et humains au service de la formation et de la reconversion des chômeurs pourtant au cœur du dispositif danois !
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. Oubliés aussi les propos tenus voilà quelques semaines à M. Xavier Bertrand par son homologue danois M. Frederiksen : « La seule chose que nous pouvons faire, c’est donc garantir les revenus. Si nous avions eu ce débat il y a quinze ans, j’aurais eu un discours différent car j’étais alors plus libéral que social. J’aurais dit que l’on ne doit pas avoir d’allocations chômage trop élevées. Maintenant je pense que si l’on protège les revenus, on donne confiance et ce point est essentiel. ».
Peut-être le Gouvernement actuel regrettera-t-il à son tour, dans quinze ans, d’être passé à côté de l’essentiel ? Entre- temps, ce sont les Français qui auront payé cet aveuglement idéologique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Ces éléments lourds de sens étant rappelés, venons-en aux raisons précises qui rendent nécessaire à nos yeux le renvoi à la commission, à travers l’examen des trois mesures phares de la loi : le contrat d’objectif, la rupture conventionnelle et les périodes d’essai.
Avant tout, ce projet de loi présente une incohérence constitutive en ce qu’il tente d’associer des contraires.
En effet, comment concilier les articles 1er et 6 ? Comment concilier la réaffirmation de la prédominance du CDI comme « la forme normale et générale du travail » avec la création d’un nouveau CDD, le contrat de mission ? Le Gouvernement prône la stabilité alors que, dans le même temps, il met en place des outils qui la sapent.
Le contrat d’objectif répondra certainement à la flexibilité d’embauche et de débauche réclamée par certains secteurs économiques. Mais, ajoutant de la précarité à la précarité, en quoi va-t-il améliorer la situation de nombre de ses bénéficiaires ?
En outre, si pour l’instant il ne concerne que 10 % des actifs – cadres qualifiés et ingénieurs –, et si l’on tente de nous rassurer en mettant en avant son caractère expérimental, il y a tout lieu de penser qu’il sera rapidement étendu à d’autres catégories professionnelles. Dans son édition du 10 avril dernier, le journal Les Échos rapportait que, lors de sa dernière assemblée, l’Association nationale des directeurs de ressources humaines proposait l’extension de ce contrat d’objectif à l’ensemble des salariés, alors même que le texte n’est pas encore voté !
Du fait de ces lacunes et imprécisions, l’article 6 mettant en place ce nouveau contrat précaire – le trente-septième ou trente-huitième, je ne sais plus – pose plusieurs problèmes qui doivent être résolus avant le vote.
Premier point : la question de la date anniversaire à partir de laquelle il est possible de rompre le contrat. Si le salarié peut être licencié dès le douzième mois, cela ne lui ouvrira bien sûr des droits aux indemnités de chômage que sur douze mois. En revanche, si la rupture du contrat ne peut intervenir avant le dix-huitième mois, cela ouvrira des droits sur vingt-trois mois. Il ne s’agit donc pas là d’un détail technique qu’il importe peu de préciser : entre douze et vingt-trois mois de droits au chômage, la différence est énorme !
En outre, si la date anniversaire est au douzième mois, doit-on comprendre qu’il y aura au vingt-quatrième mois une nouvelle opportunité de licenciement ? Au regard de ce que nous prépare le Gouvernement avec la nouvelle convention chômage, ces interrogations, madame la secrétaire d’État, doivent déjà vous paraître de luxueuses considérations.
Deuxième point : la possibilité de rupture à la date anniversaire, quelle qu’elle soit, offre pour la première fois à l’employeur l’opportunité de mettre fin à un CDD dans des conditions moins restrictives, c’est-à-dire en dehors de la faute grave ou du cas de force majeure, ce qui constitue une dose supplémentaire de précarité dans des contrats déjà précaires par définition.
Troisième point : dans la mesure où ces éléments fourniront à la jurisprudence des principes d’appréciation, il semble important de clarifier ce que peuvent être « l’événement ou le résultat d’objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ». Cette formulation générique risque de prêter le flanc à de trop grandes interprétations.
Quatrième point : ce contrat participe à la tendance générale du recul de la primauté de la loi en matière de droit du travail, au profit des mesures contractuelles et du droit civil ; j’aurai l’occasion d’y revenir.
En effet, contrairement aux autres CDD, c’est un accord de branche ou d’entreprise qui fixera ce que le Gouvernement appelle pudiquement « les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée ». En termes profanes, ce n’est donc plus la loi qui fixera les cas de recours !
Cinquième et dernier point : pour restreindre le champ d’application de ce CDD, pour qu’il ne soit pas un moyen d’embaucher et de débaucher à volonté, l’accord national interprofessionnel, l’ANI, précise que ce contrat ne peut pas être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d’activité. Pourquoi cette disposition de l’ANI n’est-elle pas reprise dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui ? Peut-être parce qu’il s’agit bien dans l’esprit du Gouvernement d’un contrat précaire supplémentaire et de rien de plus.
Les cinq points que je viens de mentionner mériteraient à eux seuls d’être précisés dans le cadre d’un renvoi à la commission.
Mais, au-delà, il serait intéressant que la commission considère la dimension humaine de ce projet de loi. N’est-ce pas aussi notre rôle de parlementaires ? À peine le CNE abrogé, le Gouvernement créé un nouveau CDD, qui, comme tous les contrats précaires, interdit aux salariés l’accès au crédit immobilier et donc à la propriété de leur logement, aucune banque ne voulant prêter aux travailleurs en CDD.
Quant aux locations, le problème est identique. En effet, quel propriétaire acceptera de louer son bien à une personne dont les revenus sont programmés pour s’arrêter ?
Enfin, fussent-ils cadres ou ingénieurs, a-t-on bien mesuré tout l’impact que ces dispositions vont avoir dans la vie personnelle de ces salariés soumis sans arrêt à des fins de contrats, et ne sachant jamais de quoi demain sera fait ?
Si l’on voit bien l’intérêt de l’employeur à embaucher sur contrat d’objectif, quel est l’intérêt du salarié ? Il est vrai que le fait de rester à la recherche d’un emploi pendant des mois, même à la sortie d’une école d’ingénieur, rend moins regardant sur la qualité du contrat que l’on finit par se voir proposer !
Passons maintenant à une autre disposition phare de ce projet, je veux parler de la rupture conventionnelle, que certains nomment « séparation à l’amiable ».
Dans un premier temps, il m’avait semblé que cette expression empruntée au registre des relations de couple était déplacée et inappropriée. Or, à bien y regarder, elle est au contraire éclairante.
Ainsi, dans un couple qui se sépare « d’un commun accord », nous savons bien qu’il y a toujours l’un des deux qui « est plus d’accord que l’autre » ! Dans le cas qui nous intéresse, l’employeur sera assurément celui qui sera « plus d’accord que l’autre », puisqu’il conservera, pour ainsi dire, « l’appartement, les meubles, et la voiture », le salarié, quant à lui, ne gardant que ses cliques, ses claques, plus une indemnité de chômage grâce à un amendement proposé par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale rétablissant ce qui avait été négocié dans l’ANI, et oublié dans la loi !
Instituer la rupture conventionnelle en l’état, c’est témoigner d’une incompréhension fondamentale sur la nature de la relation de travail en ignorant, délibérément, la persistance du rapport de subordination entre le salarié et l’employeur.
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
Mme Raymonde Le Texier. En outre, la rupture conventionnelle pourrait relever du droit international du licenciement. La convention 158 de l’OIT énonce : « le terme de licenciement signifie la cessation de relation de travail à l’initiative de l’employeur ». Or, en toute logique, comme l’a expliqué Emmanuel Dockès, dans le numéro de mars 2008 de la revue Droit social, la rupture conventionnelle sur l’initiative de l’employeur s’apparentera sans équivoque à un licenciement.
Dès lors, doit-on s’attendre à ce que ce texte soit, comme le CNE, condamné par l’OIT ? Cela est tout à fait envisageable, même si nous avons bien noté que celui qui est à l’origine de la rupture n’a pas à apparaître en tant que tel dans l’accord.
Confrontée à la réalité, la « séparation à l’amiable » se révélera profondément inégalitaire. En effet, comment un employé souhaitant initier une rupture conventionnelle pourra-t-il convaincre l’entreprise de l’accepter, alors même que cela engendrera pour celle-ci un coût financier, à savoir l’indemnité de rupture ?
À l’inverse, une entreprise voulant se séparer d’un ou plusieurs employés, tout en se libérant de ses obligations de reclassement ou d’information-consultation, et surtout sans avoir à fournir de motif « réel et sérieux », aura tout loisir de faire comprendre au salarié où est son intérêt.
L’absence de motif pour justifier cette rupture de la relation de travail – licenciement qui ne dit pas son nom – constitue une dérive préoccupante. Cela revient ni plus ni moins à offrir aux entreprises la capacité de contourner la loi sur le licenciement, une nouvelle fois par le biais d’une disposition d’ordre contractuel.
Nous sortons ainsi peu à peu le droit du travail du champ de la loi pour le livrer aux aléas et déséquilibres du droit civil.
Si, depuis des générations, nous avons institué et développé un code du travail volontairement dissocié du droit civil, ce n’est pas pour rien. De ce point de vue, les « garanties » prévues par ce texte ne suffisent pas pour rééquilibrer le rapport de force qui fausse le principe même de cette rupture. Ainsi, le délai excessivement restreint de quinze jours pour le traitement du dossier et l’absence d’un représentant de la direction départementale du travail, la DDT, lors de la signature de la convention de rupture rendent uniquement formelle et tout à fait insuffisante l’homologation de la DDT, et vous le savez parfaitement, madame la secrétaire d’État !
On a bien compris que, pour les entreprises, l’intérêt essentiel de cette rupture conventionnelle était de limiter la judiciarisation des ruptures de contrats. Toutefois, s’agissant de l’intérêt des salariés, ceux-ci seront une fois de plus les dindons de la farce !
Mes chers collègues, j’en viens à l’article 2 du projet de loi et à la question des périodes d’essai.
Au regard de l’allongement substantiel, à travers ce texte, des durées de périodes d’essai, qui pourront atteindre, renouvellement compris, quatre, six ou huit mois, on est obligé de s’interroger sur ce qui peut justifier des périodes d’essai aussi longues.
À cet égard, on ne peut s’empêcher de noter la concomitance entre la disparition du CNE, condamné par l’OIT, notamment en raison de sa période d’essai de deux ans, et la volonté d’instaurer ces nouvelles périodes d’essai. S’agit-il d’une compensation, d’une solution de secours pour permettre aux employeurs de disposer encore d’une longue période pendant laquelle il leur est possible de licencier un salarié sans avoir à motiver ce licenciement ? Cela y ressemble.
Car enfin, tous ceux parmi nous qui ont travaillé dans le milieu de l’entreprise le savent bien, un bon recruteur voit en quelques jours, en quelques semaines dans certains cas, si sa nouvelle recrue est à la hauteur. Par conséquent, si ces longues périodes de précarité tolérée se révèlent disproportionnées par rapport à leur objectif d’évaluation du salarié, elles n’ont pas lieu d’être.
Je rappelle que, jusqu’à présent, les périodes d’essai dépendaient uniquement des conventions collectives de branche. Pourquoi ce passage en force ?
De même, il est prévu que les accords de branche antérieurs instituant des périodes d’essai plus courtes que celles qui sont définies à l’article 2 devront se conformer à la loi d’ici au 30 juin 2009, tandis que les accords prévoyant des périodes d’essai plus longues pourront rester en l’état ad vitam æternam.
Il s'agit véritablement d’un flagrant délit de manipulation. Quand on est dans une période d’essai de huit mois, c’est d’autre chose qu’il s’agit.
Je terminerai en pointant une seconde fois l’incohérence constitutive qui grève ce texte.
L’article 4 relatif à l’encadrement des licenciements consacre que tout licenciement, pour motif personnel ou économique, doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse, et que celle-ci est portée à la connaissance du salarié, alignant ainsi le droit national sur les impératifs de la convention 158 de l’OIT.
Il s’agit là de réaffirmer que le licenciement ne se fait pas à la légère. Pourtant, les principales dispositions de ce texte disent le contraire et facilitent les licenciements.
Les CDD à objet défini offrent pour la première fois à l’employeur, à la date anniversaire, la possibilité de licencier le salarié même s’il n’y a pas faute grave ou cas de force majeure. Les licenciements déguisés de la rupture conventionnelle se feront sans motif. Les périodes d’essai, pouvant aller jusqu’à huit mois, changent de nature et se transforment en ersatz des CNE défunts.
On constate clairement que l’axe directeur de ce projet de loi est, au mieux, le contournement, au pire, la déconstruction des barrières législatives encadrant le licenciement.
Cette majorité, dans une négociation du pire, a concocté un texte démantelant le cadre législatif du licenciement. Les salariés se trouvent pris en otage en raison de votre incapacité manifeste à sortir d’une pensée unique : la sacro-sainte flexibilité comme panacée au problème de l’emploi.
On comprend bien que les partenaires sociaux aient considéré cette négociation comme une occasion de mieux contrôler les abus et les dysfonctionnements dont ils sont témoins. On comprend aussi qu’ils aient surtout été sensibles à vos pressions. Ils vous connaissent bien, ils savent que vous pouvez faire pire. (M. le président de la commission des affaires sociales s’esclaffe). Il suffit d’entendre, à propos de ce texte, les commentaires des parlementaires les plus libéraux.
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Raymonde Le Texier. Madame la secrétaire d'État, ce texte est plus flexible pour le patronat que sécurisant pour les salariés, et son équilibre annoncé est un leurre. La démocratie sociale, dont vous semblez vous réjouir, doit être une avancée, pas un marché de dupes !
Afin de clarifier les principales zones d’ombre que nous avons mises en évidence, nous demandons le renvoi de ce texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Ma chère collègue, vous nous avez offert un bel éloge de la rigidité du marché du travail, que nous entendons justement fluidifier !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela promet !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je ne peux suivre votre raisonnement.
Tout d'abord, nous avons beaucoup travaillé en commission. Nous avons reçu tous les syndicats signataires de l’accord, et je me demande ce qu’ils penseraient s’ils lisaient le compte rendu des propos que vous venez de tenir. Ils se demanderaient à quoi ils servent, si leur signature aboutit aux résultats que vous venez de décrire ! (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.)
Ensuite, je rappelle que nous avons reçu aussi les syndicats qui n’ont pas signé l’accord. Nous avons écouté attentivement les arguments des représentants de la CGT. Je leur ai demandé d'ailleurs s’ils auraient signé s’ils avaient obtenu satisfaction, et ils étaient très embarrassés pour me répondre. (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ne pouvaient pas répondre !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il me semble que, même dans ce cas, ils n’auraient pas signé cet accord !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne spéculez pas sur les intentions des gens !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Nous devons également prendre en considération cette attitude.
M. Jean-Luc Mélenchon. Respectez la démocratie sociale !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Outre les organisations patronales et syndicales, j’ai reçu personnellement les représentants du portage salarial, de l’intérim et des avocats. Et bien entendu, nous avons tous écouté attentivement le ministre M. Xavier Bertrand.
Madame Le Texier, vous avez évoqué les éminents professeurs de faculté que nous n’aurions pas reçus. Toutefois, nous avons tous pu consulter les revues où ils s’étaient exprimés, et leurs appréciations sont très diverses. Vous avez cité un professeur de Lyon très hostile au projet de loi, mais d’autres universitaires lui sont très favorables.
Je ne vois donc pas ce que pourrait apporter la prolongation de notre discussion en commission, qui, au demeurant, nous empêcherait de débattre ici même de ce texte, en répondant, article après article, à tous les arguments que vous avez présentés.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 39, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je vous indique que la commission des affaires sociales va se réunir immédiatement afin d’examiner les amendements au présent projet de loi.
MM. Daniel Raoul et Jean-Pierre Godefroy. Salle Gaveau ? (Sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant modernisation du marché du travail.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
Article 1er
I. - L'article L. 1221-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « il peut » sont remplacés par les mots : « le contrat de travail peut ».
II. - Le livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 2313-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En l'absence de comité d'entreprise, l'employeur informe les délégués du personnel, une fois par an, des éléments qui l'ont conduit à faire appel au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire. » ;
2° Après le premier alinéa de l'article L. 2323-47, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À cette occasion, l'employeur informe le comité d'entreprise des éléments qui l'ont conduit à faire appel au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire. » ;
3° L'article L. 2323-51 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Des éléments qui l'ont conduit à faire appel au titre de la période écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour la période à venir, à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’il reprenne l'article 1er de l’accord national interprofessionnel, l’article 1er de ce projet de loi ne nous convient pas en l’état. Je défendrai d’ailleurs dans un instant avec mon collègue Guy Fischer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, un certain nombre d’amendements à ce sujet.
Selon un adage très connu, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Or, nous en conviendrons tous, la loi n’est théoriquement pas un recueil de promesses : elle est une règle de conduite à laquelle nous sommes toutes et tous tenus de nous conformer, qui permet de vivre ensemble et dont l’État garantit, par différents outils, le respect et l’application.
Pour autant, l’article 1er du projet de loi fait obstacle à cette définition, dont les principaux éléments sont pourtant précisés dans un très célèbre dictionnaire juridique, le « Cornu ».
En effet, cet article reste malheureusement une simple et pure déclaration de principe : « Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. » Pourtant, en 2000 déjà, la norme d’emploi correspondant au CDI à temps plein ne concernait que 56 % de la population active.
Comment expliquer alors que près de 50 % de nos concitoyens en activité professionnelle ne soient pas concernés par une norme pourtant générale ? Nous pouvons donc nous interroger sur l’efficacité d’une disposition législative qui est censée viser tout le monde et qui ne concerne en réalité que la moitié de la population active.
La réalité est connue de tous : l’emploi stable, c’est-à-dire le CDI à temps plein, n’a jamais été généralisé. En fait, depuis les années soixante, pour satisfaire aux exigences de plus en plus fortes de l’économie de marché, la relation de travail n’a cessé de perdre de sa stabilité. Cette dernière était pourtant justifiée par l’existence d’une présente et prégnante subordination de l’employé à l’employeur. Parce que le salarié est subordonné à l’employeur, il lui faut impérativement des règles claires, le protégeant de l’arbitraire.
Or, depuis un certain temps, un double mécanisme vient contredire ce principe.
C’est d’abord et avant tout l’exigence d’une grande autonomie. L’entreprise exige des salariés – des stagiaires aussi, d’ailleurs – une autonomie d’action et de gestion toujours plus importante avec, à la clé, un impératif de résultat dont le salarié est seul responsable. Pour autant, le lien de subordination ne s’amenuise pas. Il existe et se renforce dans des formes différentes de celles qui étaient connues hier, principalement axées autour de la culture de la réussite et de la culpabilisation de ce qui apparaît comme un échec pour l’employeur.
Alors que l’on demande au salarié d’être à la fois plus productif et plus autonome, dans le même temps, on renie ses droits, multipliant le recours aux contrats atypiques et au temps partiel.
En outre, les législations théoriquement protectrices, censées – comme le précisait le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale issu du rapport de Virville – « mobiliser l’emploi », se sont en fait révélées des politiques de contournement de la règle générale.
Conséquence logique, une nouvelle forme de précarité s’est installée, très connue dans le domaine de l’aéronautique : la sous-traitance, voire la co-traitance, qui ressemble d’ailleurs au portage salarial, sujet sur lequel nous reviendrons ultérieurement.
Depuis l’adoption de la loi Madelin en 1994 et l’instauration d’une présomption d’indépendance, les entreprises peuvent externaliser virtuellement une entreprise ou une part de son activité. Peu importe alors que cette entreprise ne travaille qu’avec une société, ses salariés sont indépendants de la société cliente. Ils sont aussi les premiers licenciés quand les crises économiques – les mutations, puisque c’est le terme que vous préférez employer, monsieur le ministre – surviennent. Les entreprises sous-traitantes recourent donc, de manière très importante, à l’emploi précaire, qu’il s’agisse du temps partiel ou de l’intérim.
Si nous doutons des résultats de cet article 1er, monsieur le ministre, c’est parce que vous persistez à refuser de donner à cette loi les moyens législatifs d’être incontournable.
Vous avez par exemple refusé, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, comme lors de la discussion du projet de loi pour le pouvoir d’achat, de moduler le taux des cotisations sociales payées par les employeurs en fonction de la précarité des emplois créés. Ce dispositif est pourtant appliqué aux États-Unis en matière d’assurance chômage depuis des années. Vous avez réservé le même sort à nos amendements visant à limiter le recours aux contrats dits « atypiques », afin d’éviter notamment que ces contrats soient plus nombreux que les CDI.
Vous refusez également de renforcer le rôle des délégués et des représentants du personnel en les dotant de réels moyens de contrôle et de décision sur les politiques sociales des entreprises.
Loin des positions dogmatiques des tenants d’une économie libérale qui appelle à toujours plus de souplesse de la part des salariés, nous défendrons sur cet article un certain nombre d’amendements visant à protéger réellement la valeur centrale et générale du contrat à durée indéterminée. Il s’agit pour nous de satisfaire à une double exigence : faire cesser le transfert de prise de risque de l’entrepreneur sur le salarié et permettre l’émergence d’une réelle démocratie sociale d’entreprise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen de cet article 1er, je souhaite vous faire part de l’état d’esprit dans lequel je me trouve au moment d’entrer dans ce débat.
D’aucuns ont soutenu que parce que ce texte serait le résultat partiel d’une négociation entre les partenaires sociaux, son contenu s’imposerait à nous. Je veux vous expliquer brièvement pourquoi, selon moi, cet argument n’est pas valable.
Tout d’abord, ainsi que cela a été indiqué à de nombreuses reprises, la négociation a eu lieu sous la contrainte. Elle a été non pas voulue par la partie ouvrière, mais subie parce qu’elle a été imposée par le Gouvernement. L’essentiel des axes a été tracé par une note gouvernementale et les principales conclusions ont été annoncées par le Président de la République lui-même à l’occasion de l’université d’été du MEDEF.
Cette négociation s’est donc déroulée suivant la règle que je vais résumer par un aphorisme : « donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure ». Tel fut le donnant-donnant ! (M. Michel Bécot proteste.)
En cet instant, je dois répéter en séance publique ce qui se dit dans les couloirs afin que ce propos figure au Journal officiel : pas un de nos interlocuteurs n’a considéré qu’il s’agissait d’un bon accord dans lequel le compromis comporterait telle mesure en notre défaveur, certes, mais en échange de cela. Où se trouve le « cela » favorable ? Aujourd’hui règne la peur du pire : on nous recommande de donner notre accord afin d’éviter le pire. Cette façon de procéder s’appelle non pas une négociation, mais un chantage !
Par ailleurs, le Parlement n’a pas à être la chambre d’enregistrement de quelque négociation que ce soit.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est représentatif de la tierce partie lorsque deux parties s’accordent. L’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, même si ces derniers ont fait l’objet d’un arbitrage raisonné dans le cadre d’un contrat.
Le Parlement représente la société tout entière, qui est le partenaire exclu de la négociation à deux. Il peut donc dire ce qui lui paraît juste pour la société du point de vue de l’intérêt général au moment, particulièrement crucial, où le travailleur cesse d’être un citoyen pour entrer dans un rapport de subordination, tel que décrit dans le contrat de travail ; il devient alors, selon la formule de Jaurès, « sujet ».
Avec l’article 1er, nous entrons dans l’hypocrisie du projet de loi. Il est indiqué que le CDI sera la forme de référence du contrat de travail. Cependant, dans le même mouvement, on le nie à tous les articles suivants.
M. Guy Fischer. Et voilà ! Mensonges !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les exceptions confirment la règle !
M. Jean-Luc Mélenchon. On aura beau jeu de constater que le nombre de CDI augmentera peut-être par rapport à celui de CDD. Entretemps, on aura réussi le tour de force de faire correspondre la période d’essai moyenne des nouveaux CDI à la durée d’un CDD actuel. Autrement dit, il sera plus facile de se « débarrasser » d’un travailleur embauché sous CDI que de se séparer aujourd’hui d’un salarié employé sous CDD.
Je ne prendrai que quelques exemples frappants parce que je veux me limiter, en cet instant, à des observations générales.
Pour ce qui concerne la rupture par « consentement mutuel », la formule est affreuse. La référence faite sans cesse aux relations de couple est indigne ! Entre l’employeur et le salarié, il ne s’agit pas d’une relation affective ou familiale. C’est une relation contractuelle de travail ; une marchandise est échangée contre une autre : le travail contre un salaire. Par conséquent, il ne saurait y avoir, dans un rapport de subordination, de consentement mutuel réellement équilibré.
Enfin, mes chers collègues, réfléchissez bien avant de vous prononcer sur le contrat de mission ! Sous couleur de progrès, nous sommes en train de réinventer le travail à la tâche, mais cette fois-ci, pour le travail hautement qualifié. Dans une société qui a consacré tant d’efforts à l’éducation de ses citoyens et à l’élévation du niveau moyen des qualifications, cela va à rebours de la tendance de l’histoire.
Je vais achever mon propos, puisque mon temps de parole est limité. Il n’est pas raisonnable, dans une économie développée, d’augmenter la précarisation des salariés. Dans une économie recourant à du travail qualifié, les travailleurs ont besoin d’avoir des relations sociales stables, d’entretenir de bons rapports avec leur hiérarchie et de ne pas sentir peser sur eux la menace constante du licenciement.
Pas une seule fois au cours de la discussion générale vous n’avez réussi à faire valoir en quoi ce projet de loi était un compromis qui pouvait être favorable aux travailleurs dans la mesure où vous n’avez jamais pu mettre en regard de la flexibilité accrue des sécurités supplémentaires, car il n’en existe pas dans ce texte.
C’est un nouvel habillage de rapports de force léonins. C’est une prébende prise sur le dos des travailleurs parce que vous avez obtenu une victoire politique. Ce n’est pas de cette façon que l’on assure le long terme dans un pays. Et n’invoquez pas ici la contrainte que feraient peser sur nous les relations internationales, les contraintes extérieures, le marché. C’est faux ! Nous sommes dans la liberté des relations de travail en France, pays où l’on peut produire des objets de haute valeur ajoutée. Cela n’est pas possible avec un salariat qui tremble pour son avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 57, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 1° du I de cet article :
« Le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée et à temps plein. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements n°s 57 et 58.
Comme nous l’avons déjà indiqué au cours de la discussion générale et lors de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable, nous sommes très opposés à ce projet de loi – Jean-Luc Mélenchon vient d’exposer ses arguments avec la verve que nous lui connaissons – et à l’économie générale qui le sous-tend. Cependant, nous avons décidé de déposer et de défendre un certain nombre d’amendements visant à apporter à ce texte des améliorations considérables, attendues par de très nombreux travailleurs de notre pays et par des syndicalistes, y compris dans les rangs des organisations pourtant signataires de l’accord national interprofessionnel.
L’amendement n° 57 a vocation à substituer à la définition proposée à l’article 1er la rédaction actuelle de l’article L. 1221-2 du code du travail, qui nous semble préférable.
Le Gouvernement a usé d’un subterfuge, que nous dénonçons. En effet, l’insertion des termes « normale et générale » dans l’article qui pose le principe de la généralité du CDI a pour effet secondaire d’autoriser a contrario le recours aux contrats dits « atypiques ». Ces derniers sont d’ailleurs même justifiés dans l’accord signé le 11 janvier ! Le temps dira qui avait raison et qui se trouvera dans un rapport de faiblesse.
Anticipant votre refus prévisible d’adopter cet amendement, les membres du groupe CRC ont déposé l’amendement n° 58 visant à intégrer un élément complémentaire à la définition proposée par le présent projet de loi : il s’agit de préciser que le contrat normal doit être le CDI à temps plein.
Cette mesure paraît d’autant plus importante que se multiplie le travail à temps partiel. Aujourd’hui, la situation économique de notre pays se caractérise par l’explosion de la précarité. La mise en place du revenu de solidarité active, le RSA, tel un trompe-l’œil, va faire baisser les statistiques des minimas sociaux ; le recours aux différents contrats atypiques va également faire baisser les statistiques du chômage.
Le travail à temps partiel a augmenté au point de devenir, avec le temps, un véritable mode de gestion d’entreprise. Lorsque l’on connaît les conditions de vie très difficiles d’une grande majorité des travailleurs à temps partiel subi, qui sont d’ailleurs très souvent des femmes ou des travailleurs handicapés, avec une rémunération de l’ordre de 700 ou 800 euros, on ne peut accepter de faire la norme de cette forme de travail, même en CDI.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 41 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 58 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le second alinéa du 1° du I de cet article, après le mot :
indéterminée
insérer les mots :
et à temps plein
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 41.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à préciser que le contrat à durée indéterminée est « à temps plein ». De grandes déclarations sont régulièrement faites sur le travail à temps partiel, notamment sur celui qui est subi par nombre de femmes salariées. Celles-ci ont droit à des lamentations constantes et répétées, mais jamais à des actions concrètes.
Plus généralement, rien n’est fait pour améliorer la situation des salariés à temps partiel, que ce soit dans la grande distribution, dans le secteur du nettoyage ou des services à la personne. Pire, dans la loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, alors que la question se posait de savoir si les dispositions devaient concerner l’ensemble des contrats ou uniquement ceux qui relevaient de structures collectives, les contrats de gré à gré ont été écartés. Pourtant, ce sont précisément ceux-là même qui enregistrent le plus grand nombre de bas salaires et de temps partiels.
Monsieur le ministre, je vous propose de saisir cette opportunité de ne pas vous limiter à la simple lettre de l’accord, mais de renforcer le caractère central du contrat à durée indéterminé à temps plein.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements.
Tout d’abord, ils tendent à ajouter dans le projet de loi une précision qui ne figure pas dans l’accord. De surcroît, le travail à temps partiel n’est pas systématiquement subi ; il peut être choisi. Tout le monde ne veut pas ou ne peut pas travailler à plein temps. Nous ne devons pas écarter du marché du travail les personnes qui souhaitent travailler à temps partiel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 57.
M. Jean-Luc Mélenchon. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt M. Fischer. Je ne comprends pas bien la position de la commission et du Gouvernement. L’amélioration qui est proposée vise à définir la forme normale du contrat de travail. Elle n’exclut pas le travail à temps partiel consenti en CDI ; au contraire, elle donne toute sa force à la formule.
Si l’on veut que le CDI soit la forme normale, de référence, du contrat de travail, il faut alors préciser « à temps plein ». Car c’est la forme normale du CDI ! Vous ne pouvez donc pas soulever comme seule objection le fait que cette précision exclurait qui que ce soit, à moins que ce ne soit une objection de principe. Cela n’a pas de sens, car qui peut le plus, peut le moins.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je serai très brève, car M. Mélenchon vient d’exposer les arguments que je voulais développer.
Le fait que nous précisions « à temps plein » n’exclut absolument pas le travail à temps partiel. Certes, cette mention ne figure pas dans l’accord national interprofessionnel. Quoi qu’il en soit, le Parlement peut faire des propositions dans l’intérêt général allant au-delà de cet accord. Les amendements que nous examinons ne sont pas du tout contradictoires avec le travail à temps partiel ou à mi-temps.
Nous voterons évidemment ces amendements, car la réponse de M. le rapporteur ne nous satisfait pas.
M. Jacques Muller. Elle est hors sujet !
Mme Annie David. Effectivement !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 58.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions prévues aux alinéas 5 à 11 de l’article 1er, relatives au dialogue social dans l’entreprise.
En effet, les mesures envisagées dans ce texte nous apparaissent n’apporter aucune avancée supplémentaire par rapport aux rédactions actuelles des articles L. 2323-6 et L. 2323-53 du code du travail. Pour mémoire, ce dernier dispose, dans son second alinéa : « l’employeur communique au comité d’entreprise le nombre de salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée et de salariés temporaires, les motifs l’ayant amené à y recourir ainsi que le nombre des journées de travail accomplies par les intéressés depuis la dernière communication faite à ce sujet ».
La rédaction qui nous est proposée est donc loin de correspondre aux objets initiaux de ces articles, qui étaient d’apporter au comité d’entreprise des éléments précis sur le recours aux emplois atypiques, pour ne pas dire précaires.
Cela nous semble incompatible avec la démocratie sociale que le Gouvernement dit vouloir instaurer.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa du 1° du II de cet article, supprimer les mots :
En l'absence de comité d'entreprise,
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Par cet amendement, nous proposons de supprimer la mention « en l’absence de comité d’entreprise », qui a été introduite à l’Assemblée nationale, afin d’éviter, nous dit-on, une information redondante des représentants du personnel sur le recours à l’emploi temporaire.
Les entreprises importantes peuvent disposer de plusieurs établissements. L’existence d’un comité d’entreprise au sein de l’entreprise n’implique évidemment pas une présence de celui-ci dans les établissements.
Qu’il y ait ou non un comité d’entreprise, nous souhaitons donc que les délégués du personnel, dans chaque établissement, soient informés au moins une fois par an du recours par l’employeur aux contrats à durée déterminée et à l’intérim. C’est en effet à ce niveau, au plus près des impératifs de production, et non à partir de statistiques, que peut se mesurer le besoin d’avoir recours ou non aux contrats précaires.
Le texte qui nous est soumis comporte une contradiction : d’une part, le progrès que constitue la notion d’éléments ayant conduit l’employeur à faire appel aux salariés sous contrat précaire – en fait, le surcroît temporaire d’activité – et, d’autre part, cette limitation de l’information dans les établissements. Or il n’y a pas de lieu plus approprié pour juger réellement du surcroît d’activité que l’établissement.
Telle est la raison du dépôt de cet amendement, qui n’a d’autre objet que de permettre le développement du dialogue social, conformément à la philosophie de l’ANI.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le second alinéa du 1° du II de cet article, remplacer le mot :
éléments
par le mot :
motifs
II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans les seconds alinéas du 2° et du 3° de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il s’agit d’un simple amendement de précision, visant à remplacer le terme « éléments » par le terme « motifs », lequel nous semble plus approprié en la matière.
Il nous paraît en effet étonnant de demander à un employeur de s’expliquer sur les « éléments » du recours à des emplois atypiques et non sur les « motifs », c’est-à-dire les raisons véritables, de ce recours. La notion d’« éléments » laisse à penser que l’employeur n’a eu d’autres choix que d’y recourir. Or nous refusons cette logique selon laquelle les employeurs n’auraient d’autres choix que de précariser l’emploi.
La notion de « motifs » renvoie, quant à elle, plus légitimement, à celle de volonté.
Cette substitution est d’ailleurs conforme avec la loi jusqu’alors existante, puisque, dans l’article L. 2323-53, notamment, est utilisé précisément, dans un contexte assimilable, le terme « motifs ».
C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter cet amendement.
Nous n’aurons de cesse de rappeler que la précarisation de l’emploi est au cœur des préoccupations des Français, notamment des jeunes : aujourd’hui, ces derniers, qu’ils soient diplômés ou non, subissent des pressions terribles, s’agissant des salaires, lorsqu’ils accèdent à un premier emploi ; bien souvent, de surcroît, ils sont obligés de faire des stages, et se retrouvent dans les différentes stratégies déployées par l’employeur, stratégies qui, de toute évidence, conduisent à précariser l’emploi.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans les 1°, 2° et 3° du II de cet article, remplacer les mots :
à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire
par les mots :
à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une société de portage salarial
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement anticipe sur le développement prévisible du portage salarial : il y est prévu que le chef d’entreprise informe les délégués du personnel ou le comité d’entreprise sur les éléments qui l’ont conduit à faire appel aux services d’une société de portage.
Il paraît en effet légitime que l’information des représentants du personnel porte non seulement sur les CDD et l’intérim, mais aussi sur le portage.
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 1° du II de cet article, après le mot :
déterminée
insérer les mots :
ou à temps partiel, à des contrats aidés non comptabilisés dans l'effectif, à des contrats de stage
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le ministre, vous avez récemment fait voter une recodification du code du travail qui visait à rendre celui-ci plus lisible.
Actuellement, l’article L. 2313-5 du code du travail dispose : « Les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des contrats de mise à disposition conclus avec les entreprises de travail temporaire ainsi que des contrats suivants :
« 1° Contrats d’accompagnement dans l’emploi ;
« 2° Contrats d’avenir ;
« 3° Contrats initiative emploi ;
« 4° Contrats insertion-revenu minimum d’activité. »
Dans le même temps, la loi renvoyait de nombreux points au domaine réglementaire.
La rédaction actuelle de l’article L. 2313-5 est donc le fruit de cette recodification.
Or l’article 1er du présent projet de loi vise à y ajouter un alinéa que je ne saurais désapprouver totalement, tout en regrettant que la portée en soit limitée, puisque l’information par l’employeur des délégués du personnel ne porte que sur les contrats de travail à durée déterminée et les contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire.
Je tiens à exprimer mon regret quant au fait que cet ajout des deux types de contrats ne soit pas intégré dans la structure de l’article L. 2313-5 du code du travail par la simple précision des contrats qui ne pouvaient être inclus. Le code nouvellement révisé aurait ainsi gagné en cohérence et en lisibilité.
Je tiens surtout à noter que ledit article prévoit actuellement que les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des contrats, alors que, selon l’article 1er du projet de loi, « l’employeur informe les délégués du personnel », ce qui n’est pas la même chose.
Nous nous retrouvons ainsi avec deux niveaux différents pour les contrats déjà prévus à l’article L. 2313-5 : les délégués du personnel pourront en prendre connaissance, ce qui est très précis, tandis que, pour les deux autres types de contrats qui figurent dans le projet de loi, il ne s’agira que d’une simple information de la part de l’employeur, ce qui est beaucoup plus vague et flou.
Je regrette cette divergence de rédaction alors que le code du travail vient d’être réécrit.
Voilà pourquoi, prenant acte du fait que le législateur va dans le sens d’un allongement de la liste des contrats pour lesquels les délégués du personnel sont informés, nous proposons, par cet amendement, que l’information concerne également les contrats à temps partiel, les contrats aidés non comptabilisés dans l’effectif, ainsi que les contrats de stages.
Cela permettrait aux délégués du personnel de disposer d’une information complète sur l’ensemble des contrats et des situations de travail qui ne relèvent pas de la forme normale de la relation du travail.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 1° du II de cet article par les mots :
, des contrats d'accompagnement dans l'emploi, des contrats d'avenir, des contrats insertion revenu minimum d'activité et des contrats initiative emploi
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, avec votre accord, je défendrai en même temps l’amendement n° 63, qui a à peu près le même objet. Mon propos rejoindra celui de Jacques Muller, qui vient de parler de l’information des délégués du personnel.
Il s’agit en effet de renforcer l’information à destination du comité d’entreprise en matière de recours aux contrats atypiques en y intégrant les différentes formes de contrats précaires, comme le code du travail en fait désormais obligation.
Ce n’est là qu’une reprise des dispositifs préexistants : il me semble, comme à l’ensemble des membres de mon groupe, qu’il est très important de les intégrer à l’article 1er du présent texte.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° du II de cet article :
« À cette occasion, l'employeur consulte le comité d'entreprise sur le recours pour l'année et pour celle à venir aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de missions conclus ou à conclure avec une entreprise de travail temporaire. » ;
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Les amendements que nous avons défendus jusqu’à présent, et bon nombre de ceux que nous présenterons au cours de l’examen de ce projet de loi, ont pour objet d’améliorer le dialogue social.
Nous considérons en effet que ce projet de loi est profondément déséquilibré et qu’il permet, en fait, d’asseoir la domination des employeurs, donc du patronat, sur les salariés.
Cet amendement vise donc à renforcer les pouvoirs du comité d’entreprise : s’il était adopté, l’employeur ne serait alors plus obligé d’informer le comité d’entreprise sur la conclusion de contrats atypiques, mais il serait dans l’obligation de le consulter. Cela pourrait avoir pour conséquence de réduire considérablement le recours aux contrats précaires.
Les patrons ne sont pas les seuls à user de contrats précaires : au sein des collectivités territoriales, cette pression sur l’emploi joue à partir des contrats d’accès à l’emploi, des contrats d’avenir, des contrats d’accompagnement dans l’emploi, et se retrouve dans la gestion de bon nombre d’établissements. Ces contrats sont censés créer de l’emploi, mais, en fait, ils sont critiquables dans la mesure où ils ne conduisent pas nécessairement à un contrat à durée indéterminée et n’apparaissent pas, pour les jeunes, pour ceux qui en sont bénéficiaires, comme un pas vers l’avenir, comme un « ascenseur social ».
Notre proposition trouve, en outre, un très large écho dans le monde syndical, qui voit ainsi la possibilité de renforcer le poids du comité d’entreprise : celui-ci pèse aujourd’hui bien peu, si on le compare aux réunions d’actionnaires, qui décident seuls non seulement du devenir de l’entreprise en tant qu’outil de production, mais également de celui des salariés.
Compte tenu de ces considérations, nous estimons être bien loin du modèle suédois, que vous nous présentez toujours comme l’exemple à suivre. Encore faut-il regarder tous les aspects dudit modèle ! En allant dans ce sens, nous nous en rapprocherions davantage.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 2° du II de cet article par les mots :
, des contrats d'accompagnement dans l'emploi, des contrats d'avenir, des contrats insertion revenu minimum d'activité et des contrats initiative emploi
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs de l’amendement n° 59, le projet de loi ne diminue en rien les obligations de consultation du comité d’entreprise. En revanche, il augmente les obligations d’information.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Les auteurs de l’amendement n° 25 ont souhaité indiquer que les délégués du personnel sont informés sur le recours aux CDD et à l’intérim seulement s’il n’existe pas de comité d’entreprise dans leur société. Dans le cas contraire, c’est fort logiquement le comité d’entreprise qui reçoit cette information.
Je ne vois pas ce qu’apporte cet amendement. Ses auteurs devraient même le retirer, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
M. Guy Fischer. Pourquoi ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’amendement n° 60 a pour objet de remplacer le terme « éléments » par le terme « motifs ». Il me semble que le mot « éléments » est plus large que le mot « motifs », même si ce dernier est peut-être juridiquement plus précis.
Je serais heureux de connaître la position du Gouvernement sur ce point.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Encore faut-il que le Gouvernement ait des éléments !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission serait assez encline à s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’amendement n° 42 a pour d’objet d’élargir, à notre avis de manière excessive, les obligations d’information à la charge de l’employeur.
En effet, les stagiaires ne sont pas titulaires d’un contrat de travail et les salariés à temps partiel ne peuvent pas être assimilés à des titulaires d’un contrat précaire. De plus, puisque les contrats aidés sont des contrats à durée déterminée, ils sont couverts par l’obligation d’information.
Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Madame David, tous les contrats évoqués dans l’amendement n° 61 étant des CDD, ils sont de fait couverts par l’obligation d’information. L’adoption d’une telle mesure n’apporterait donc rien de plus par rapport à ce qui est proposé dans le projet de loi. Au contraire, elle aurait pour effet d’allonger inutilement la rédaction du texte, alors même que vous avez d’ores et déjà satisfaction. La commission y est par conséquent défavorable.
Sur l’amendement n° 63, je ferai le même commentaire que pour l’amendement n° 61 et, partant, j’émettrai le même avis défavorable.
Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 62, les partenaires sociaux ont clairement opté pour une information, et non une consultation, du comité d’entreprise. Il y a lieu de respecter leur souhait et la commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Sur les différents amendements, à l’exception de l’amendement n° 1 de la commission, j’émettrai, à l’instar de M. le rapporteur, un avis défavorable.
Monsieur Fischer, dans la mesure où il m’a semblé vous entendre rejeter par avance toute demande éventuelle de retrait, je n’entrerai pas dans le débat. Nous gagnerons ainsi du temps et je ne vous mettrai pas dans l’embarras, ce que je me refuse d’ailleurs à faire, car je déteste cela. (Sourires.)
S’agissant plus particulièrement de l’amendement de précision n° 60, nous préférons le mot « éléments » au mot « motifs », parce qu’il nous semble correspondre beaucoup plus à la position adoptée par les partenaires sociaux.
En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 1 de la commission, qui vise à apporter une précision très utile.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 60.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, je regrette votre avis défavorable sur cet amendement. En effet, tout à l’heure en commission et à l’instant dans l’hémicycle, M. le rapporteur a jugé notre proposition intéressante, estimant qu’elle permettait de reprendre un terme reconnu par le code du travail et la jurisprudence, en l’occurrence le terme « motifs ».
Vous nous répondez qu’il ne correspond pas au terme retenu dans l’ANI. Certes, mais quand le législateur est saisi de la transcription d’un accord, son devoir est tout de même de s’assurer que celle-ci est conforme sur le plan législatif. (M. Jacques Muller approuve.)
Il m’a très souvent été reproché, surtout de la part de certains de mes collègues, de vouloir introduire dans la loi des termes – le premier qui me vient à l’esprit est l’adverbe « notamment » –, qui n’appartiendraient pas au vocabulaire législatif ou qui seraient insuffisamment précis. Combien de fois nous a-t-on demandé de retirer nos amendements pour cette raison !
En l’espèce, l’accord national interprofessionnel signé dans un premier temps par les partenaires sociaux est, certes, un accord national, mais il n’a aucune valeur législative. Or nous ne proposons rien d’autre que d’assurer sa transcription dans les meilleures conditions, pour lui donner force de loi.
Je regrette donc, monsieur le ministre, que vous ne nous suiviez pas dans cette voie et que vous ne teniez pas compte de l’avis de sagesse émis par la commission, car nous souhaitions simplement ne retenir dans ce projet de loi que des termes dont la valeur est reconnue sur le plan juridique.
J’espère que nous n’aurons pas, dans quelques jours ou quelques semaines, à modifier cette formulation au motif qu’elle ne serait pas valable et qu’elle n’aurait pas dû figurer dans ce texte.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 42 n’a plus d’objet.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 61.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, j’aurais aimé que vous repreniez à votre compte les explications de M. le rapporteur sur les amendements nos 61 et 63, par lesquels nous proposons d’ajouter les contrats précaires aux contrats figurant à l’article 1er.
Si vous nous assurez, à l’instar de M. le rapporteur, que ces contrats précaires sont effectivement d’ores et déjà inclus dans la liste, prévue par le code du travail, des contrats étudiés régulièrement par les comités d’entreprise, je suis prête à retirer ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le président. Dans ces conditions, madame David, les amendements nos 61 et 63 sont-ils maintenus ?
Mme Annie David. Non, monsieur le président, je les retire.
M. Xavier Bertrand, ministre. Merci de votre confiance, madame David ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. N’allez pas trop loin, monsieur le ministre !
M. le président. Les amendements nos 61 et 63 sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 62.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er juillet 2008, les établissements de toute nature ne relevant pas d’un accord conventionnel agréé en matière de travail précaire, employant au moins onze salariés et dont le nombre total de salariés occupés par un contrat de travail autre qu’un contrat à durée indéterminée à temps plein, hormis les travailleurs saisonniers, ou mis à disposition par une entreprise de travail temporaire ou travaillant dans les locaux de l’établissement pour le compte d’une entreprise sous-traitante ou avec un statut de travailleur indépendant, excède 10 % de l’effectif total de l’établissement, durant une année civile, sont assujettis à une taxe de précarité, perçue au profit du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, assise sur l’ensemble des rémunérations brutes, indemnités et prestations de toute nature, payées aux salariés susmentionnés ou aux entreprises dont ils relèvent durant ladite année. Le taux de cette taxe est fixé à 5 %.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à instaurer une « taxe de précarité » pour encourager les entreprises citoyennes, c’est-à-dire celles qui ont recours massivement aux CDI, et dissuader celles qui ont recours massivement aux emplois précaires.
L’accord du 11 janvier 2008 prévoit : « Le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail. » Partant, a contrario, tout autre contrat, notamment le contrat précaire, ne relève pas de la forme normale et générale du contrat de travail.
Je réitère par le biais de cet amendement les nombreuses propositions des Verts, formulées notamment par ma collègue députée Martine Billard, qui visent à limiter le recours au travail précaire. Même s’il a été rétorqué à l’Assemblée nationale qu’une telle mesure n’a pas de rapport avec l’ANI, je tiens à défendre cet amendement, car il me paraît essentiel dans le contexte du marché du travail à deux vitesses que nous connaissons aujourd’hui dans notre pays.
Nous souhaitons ainsi que les entreprises employant au moins onze salariés soient soumises à une taxe de précarité, qui serait perçue dès lors qu’elles emploient de manière permanente des salariés sous contrats autres que les CDI à temps plein. Sont exclus bien sûr de ce dispositif les CDD signés à l’occasion d’un remplacement en cas d’un arrêt maternité, d’un arrêt longue maladie ou d’un travail momentanément supplémentaire.
Pour le reste, on sait très bien que, dans certains secteurs, on emploie systématiquement des salariés en CDD. Ainsi utilise-t-on un salarié pendant six mois ou un an, puis on le met à la porte au terme de son contrat, sans que cela ait un quelconque rapport avec la qualité de son travail, et l’on embauche un nouveau salarié pour réaliser le même travail.
Ce n’est ni plus ni moins qu’un dévoiement de la philosophie du CDD, dévoiement implicitement encouragé puisque les entreprises qui ont massivement recours aux CDD sont avantagées en matière de paiement de cotisations et de divers assujettissements.
Le présent amendement vise donc à rétablir l’équilibre, en assujettissant à une taxe de précarité, perçue au profit du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, les entreprises qui ne méritent pas le titre d’entreprises citoyennes, car elles se développent sur le dos de celles qui respectent le code du travail.
Je souligne que cette proposition ne relève pas de la volonté du « tout-impôt » et je rappelle à cet effet que, lors des débats à l’Assemblée nationale, M. Francis Vercamer, député du Nouveau centre, a considéré qu’il s’agissait d’une bonne mesure : « Cette idée de bonus-malus n’est tout de même pas à rejeter ; elle est même bonne si elle implique que plus on a recours aux contrats précaires, plus on doit participer à l’effort de solidarité nationale et que, inversement, plus les entreprises utilisent des CDI, moins elles ont à participer à la solidarité nationale. »
À l’instar de mon collègue, j’invite la Haute Assemblée à faire la preuve de sa volonté de dépasser les clivages politiques en votant ce dispositif constructif, qui vise à protéger le CDI et à lutter contre une forme de dumping social pratiquée de manière déloyale par de trop nombreuses entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement, qui vise à créer une taxe nouvelle à la charge des entreprises employant des salariés en contrats précaires.
Trois raisons essentielles peuvent être avancées : tout d’abord, cette proposition s’écarte totalement des termes de l’accord ; ensuite, elle est contraire à la politique d’allégement des charges des entreprises ; enfin, elle fixe arbitrairement comme base de référence un taux de 10 %.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. L’examen de cet amendement me paraît une occasion profitable pour essayer de nous expliquer sur l’emploi à durée déterminée et de connaître l’analyse que fait le Gouvernement de l’explosion du nombre de ces contrats qu’on appelait autrefois « atypiques », mais qu’on ne saurait aujourd’hui continuer à dénommer ainsi dans la mesure où les trois quarts des embauches se font sous le régime du contrat de travail à durée déterminée et de l’intérim. (Mme Annie David acquiesce.)
Ce qui s’est passé mérite une explication. Au départ, la formule du CDD avait été imaginée, aux dires de ses concepteurs, comme un instrument de souplesse. Pour avoir moi-même participé à quelques-uns des débats de l’époque, je peux vous dire que l’on avait déjà beaucoup discuté pour savoir s’il ne s’agissait pas plutôt d’un dévoiement du CDI. On nous avait alors assuré, la main sur le cœur, que, bien au contraire, le CDD constituait un outil moderne permettant de répondre aux éventuels « coups d’accordéon » dans la production.
Or, aujourd’hui, cette dernière progresse, et la richesse globale du pays s’accroît. Personne ne peut donc plus affirmer que la production connaît, en France, des coups d’accordéon tels que cela justifie d’en être arrivés à 6 % de titulaires de CDD et de contrats d’intérim parmi la population active. Sans parler du temps partiel contraint, qui concerne 300 000 personnes de plus qu’il y a quatre ans.
Si je pose la question à cet instant du débat, c’est parce que j’ai eu l’honneur, comme tout parlementaire est en droit de le faire, de la poser à plusieurs reprises par écrit, la dernière fois le 21 décembre 2006, et ce à l’attention des différents ministres délégués à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Or je n’ai jamais reçu de réponse !
Par conséquent, voilà un phénomène qui semble n’avoir aucune explication et qui pourtant mériterait à mes yeux d’en avoir. D’ailleurs, j’en verrais bien une : c’est celle qui vient le plus facilement à l’esprit, mais elle ne me convient pas totalement parce qu’elle suppose que les employeurs auraient eu l’intention de dévoyer la procédure ; néanmoins, certains éléments semblent confirmer cette hypothèse.
Monsieur le ministre, ce problème dépasse le simple cadre de la négociation entre les deux parties concernées et relève de la défense de l’intérêt général. Si vous n’envisagez aucun dispositif pour y remédier, que comptez-vous faire pour lutter contre ces abus à répétition, dont j’ai quelques exemples sous les yeux que je vais vous citer ?
En janvier 2008, la société Peugeot, qui n’est tout de même pas un « traîne-patins » économique ou un « traîne-misère » financier, a été condamnée pour la cent cinquantième fois pour recours abusif à l’intérim pour quatorze salariés. C’est dire que la condamnation lui importe peu ; sinon, elle se serait arrêtée à la deuxième !
Autre exemple : en décembre 2007, Cofiroute a été condamnée pour la douzième fois pour avoir contraint certains salariés à cumuler entre soixante-dix et cent cinquante CDD, sur des durées s’échelonnant de deux à quatre ans.
Qui oserait parler de « coups d’accordéon » de la production à propos de ces deux entreprises importantes, qui ne sauraient être considérées comme des maillons faibles de notre économie ?
En septembre 2007, en février et en avril 2008, La Poste a été condamnée à trois reprises pour recours abusif aux CDD. La Poste, mes chers collègues, rendez-vous compte : il s’agit tout de même d’une institution aussi stable que les colonnes du temple ! (Sourires.) Sept cents CDD pour une salariée pendant treize ans et deux cent soixante-seize CDD pour une autre pendant trente ans !
À l’évidence, ce n’est pas faire un mauvais procès que de dire qu’il y a un abus permanent du dispositif, observable de la manière la plus facile qui soit. Quelle attitude adopter face à cette situation ? On laisse faire ou bien on adopte une logique d’intérêt général ?
L’amendement proposé semble tout à fait correspondre au système habituel du bonus-malus. Il serait moral d’inciter à la retenue celui qui contribue à la précarisation d’une manière abusive en lui faisant prendre conscience qu’une telle conduite peut lui coûter cher. Car, en définitive, c’est bien la société tout entière qui prend en charge les conséquences de ces abus en termes de santé et de vie quotidienne des travailleurs en situation précaire.
Le mouvement socialiste a beaucoup réfléchi à cette question. Notre programme prévoyait ainsi de moduler - et non de réduire - les cotisations sociales. Vous noterez que je parle de « cotisations sociales » et non de charges sociales, car il est particulièrement agaçant de toujours entendre qualifier ces contributions de « charges », terme totalement abusif. Il s’agit de cotisations versées dans l’intérêt général ; c’est en effet le seul mode de financement possible.
Nous avions donc proposé que les cotisations sociales soient modulées en fonction de l’importance du recours à telle ou telle forme de contrat de travail.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous nous éclairiez, afin que nous puissions comprendre les raisons pour lesquelles, pour l’instant en tout cas - mais peut-être n’ai-je pas tout compris -, vous entendez ne rien faire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Mélenchon, je ne voudrais pas faire de retour en arrière trop imprudent ou trop impudent, mais, sauf erreur de ma part, les contrats intérimaires ne sont-ils pas nés en 1982 ? Qui était au pouvoir à l’époque ? La gauche !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vérifierai ! Vous m’avez déjà fait le coup une fois et c’était un bobard !
M. Xavier Bertrand, ministre. La gauche au pouvoir en 1982, c’est un bobard ? Je vous laisse la paternité du propos ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas ce que je voulais dire ! Respectez mes opinions et mes arguments !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je respecte vos opinions, monsieur le sénateur, mais laissez-moi poursuivre !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous m’avez posé une question. Permettez-moi de vous répondre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, avec l’autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce qui était un bobard, monsieur le ministre, ce n’était pas le fait que nous ayons été au pouvoir en 1982.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je faisais référence à une discussion qui a eu lieu dans cet hémicycle sur le service minimum. Vous aviez alors affirmé sur le même ton comminatoire que vous employez aujourd’hui que, en 1982, c’était la gauche qui avait instauré les retenues sur salaire pour les jours de grève et vous en tiriez la conclusion que cela vous habilitait à prolonger le processus. Or, vérification faite pendant le repas, la gauche avait en réalité modifié la rédaction de l’article en question afin de supprimer la disposition prévoyant que, pour une heure de grève, la pénalisation s’appliquait à la journée entière. Me souvenant de cette discussion, je vérifierai chacune de vos affirmations !
Après cette affirmation erronée, pour laquelle vous n’avez formulé aucune excuse, vous n’êtes plus crédible ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’agit d’un a priori ou d’un procès d’intention, car vous ne m’avez même pas laissé finir ma phrase !
Je veux bien refaire l’histoire de cet article : je me souviens très bien, car j’ai un peu de mémoire, que la disposition en question a été ajoutée sous un gouvernement de gauche. Nous aurions pu en débattre plus largement, mais vous ne m’aviez pas invité à votre repas.
Toujours est-il que je souhaite compléter mon propos. Qui était au pouvoir en 1990, lorsque le contrat à durée déterminé a été créé ? François Mitterrand ! Je veux donc bien tout entendre sur les contrats précaires, mais si l’on fait une recherche en paternité, on s’aperçoit que c’est bien souvent la gauche qui les a mis en place ! (Eh oui ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est inacceptable ! Il s’agit ici de dévoyer ces contrats !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. La question est de savoir non pas si l’on est pour ou contre les CDD, mais si l’on accepte ou non leur dévoiement. La réponse de M. le ministre est inacceptable !
Article 2
I. - Le chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Période d'essai
« Art. L. 1221-19. - Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :
« 1° Pour les ouvriers et les employés de deux mois ;
« 2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens de trois mois ;
« 3° Pour les cadres de quatre mois.
« Art. L. 1221-19-1. - La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
« Art. L. 1221-20. - La période d'essai ne peut être renouvelée qu'une fois et que si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
« La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
« 1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
« 2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
« 3° Huit mois pour les cadres.
« Art. L. 1221-21. - Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-20 ont un caractère impératif à l'exception :
« - de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° du portant modernisation du marché du travail ;
« - de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° du portant modernisation du marché du travail ;
« - de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
« Art. L. 1221-22. - La période d'essai ne se présume pas. Elle est expressément stipulée dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
« Art. L. 1221-23. - En cas d'embauche dans l'entreprise à l'issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de ce stage est déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables.
« Art. L. 1221-24. - Lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
« 1° Quarante-huit heures au cours du premier mois de présence ;
« 2° Deux semaines après un mois de présence ;
« 3° Un mois après trois mois de présence.
« La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
« Art. L. 1221-25. - Lorsqu'il est mis fin à la période d'essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. »
II. - Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1221-21 du code du travail, les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de la présente loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Je suis d’accord avec mon collègue Jacques Muller : il s’agit non pas de rechercher la paternité des CDD, mais de savoir ce que l’on en fait aujourd’hui et d’en empêcher la prolifération. Pour mener ce débat à son terme, nous devons rester sereins et nous respecter les uns les autres.
S’agissant de l’article 2, je veux saluer avant toute chose – une fois n’est pas coutume ! - la sagesse de nos collègues députés, qui ont adopté un amendement déposé par le groupe de la gauche démocrate et républicaine, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était sage, en effet !
Mme Annie David. ... défendu par notre collègue Roland Muzeau et visant à préciser la finalité de la période d’essai.
Cette disposition, équilibrée dans les droits qu’elle fait naître, précise : « La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».
Cet ajout est logique puisqu’il reprend la définition donnée à la période d’essai par les partenaires sociaux lors de l’adoption de l’ANI, une disposition qui, curieusement, n’a pas fait l’objet d’une transposition dans le projet de loi. J’avais pourtant cru comprendre qu’il s’agissait pour le Gouvernement de reprendre dans la loi l’intégralité de l’ANI. Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale avait même invité les législateurs à ne pas l’amender, par respect pour le dialogue social. Ce texte apparaît pourtant incomplet et « censuré », en ce qui concerne tout au moins cette disposition, par le Gouvernement.
Notre collègue Pierre Bernard-Reymond est, quant à lui, plus mesuré, et je le comprends, lorsqu’il déclare : « Il convient de trouver la voie étroite qui concilie le respect de l’accord des partenaires sociaux et celui des responsabilités du législateur ».
Alors, pourquoi cet oubli ? N’est-ce pas tout simplement parce que définir précisément la notion de période d’essai, c’est donner au salarié la possibilité de faire valoir ses droits en la matière ? On ne peut donc que se féliciter de l’adoption de cet amendement.
Pour autant, et malgré cet ajout, cet article aura pour effet d’accroître considérablement la durée des périodes d’essai, puisque celles-ci seront comprises entre deux et quatre mois maximum pour les ouvriers et employés, entre trois et six mois maximum pour les agents de maîtrise et les techniciens, et entre quatre et huit mois maximum pour les cadres, période de renouvellement comprise.
Il est clair que cette disposition est l’un des compromis imposés aux partenaires sociaux en compensation de la suppression du CNE. Souvenons-nous que le patronat était très attaché à ce contrat qui présentait le double avantage d’autoriser le licenciement sans motivation et de disposer, deux années durant, d’un salarié plus corvéable, puisque soumis au risque de rupture de cette période d’essai.
Avec cet article, dans lequel on retrouve purement et simplement la logique des CNE mais aussi des CPE, vous donnez satisfaction au MEDEF, ou encore à la CGPME, en allongeant le plus possible la période pendant laquelle l’employeur peut rompre le contrat sans motif.
Je ne partage naturellement pas l’avis du rapporteur, qui considère que l’allongement de la période d’essai serait de nature à combattre le recours au CDD ou à l’intérim. En quoi une période d’essai de huit mois, renouvellement compris, interdirait-elle à l’employeur de recourir à un certain nombre d’emplois précaires pour satisfaire ce que le patronat nomme les « impératifs du marché » ?
Si l’on envisageait une baisse des recours aux CDD, ce serait aux dépens des salariés en période d’essai, l’employeur pouvant jouer avec le renouvellement et la multiplication des nouveaux contrats pour s’exonérer, dans la durée, des règles applicables en matière de licenciements.
Je souhaite préciser ici notre accord avec le rapporteur lorsqu’il préconise d’instaurer, en faveur des CDD, un délai de prévenance différent suivant la période déjà effectuée. Nous restons toutefois opposés à sa volonté d’en réduire la durée, considérant qu’il s’agit là d’une mesure supplémentaire rendant plus flexible encore le droit du travail.
Dans le même ordre d’idée, nous sommes opposés aux principes dérogatoires selon lesquels les conventions collectives et accords de branche prévoyant des périodes d’essai plus courtes que celles qui figurent dans la loi ne devraient plus avoir cours, alors que ceux prévoyant des durées plus longues continueraient de s’appliquer jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention.
Peut-être cette mesure s’explique-t-elle par votre volonté de favoriser le dialogue social ! En effet, vous renvoyez à plus tard une mesure favorable aux salariés, espérant que le dialogue social la maintiendra, ou la supprimera ... Il est vrai qu’il ne faut pas trop en demander au patronat : vous risqueriez de le contrarier et, alors, bonjour les délocalisations !
S’il est vrai qu’il existait auparavant un grand nombre de conventions stipulant des périodes d’essai différentes, ce qui rendait sans doute nécessaire une harmonisation, pourquoi celle-ci devrait-elle se faire dans le sens d’un recul pour les salariés ? Pourquoi ne l’avez-vous pas envisagée en respectant les branches professionnelles, ce qui aurait donné du sens à la « valeur travail » que défend votre gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l’article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je souhaite intervenir à nouveau, car je ne veux pas en rester là dans mon échange avec M. le ministre.
Monsieur le ministre, pour la qualité de notre débat, nous devons apprendre à nous respecter. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Pour ma part, je respecte les arguments de mes collègues qui siègent à la droite de cet hémicycle, car ils sont cohérents et de qualité. Je n’essaie pas d’imputer à ces collègues des pensées ou des raisonnements qui ne sont pas les leurs. C’est la seule manière de traiter rationnellement d’un problème au Parlement ! Il n’est pas acceptable d’imputer à la partie adverse des pensées ou des orientations qui ne sont pas les siennes. Sinon, ce n’est plus une discussion, c’est un pugilat !
Si le CDD est une invention de la gauche, une mesure perverse qui crée de la précarité et que vous déplorez, alors supprimez-le !
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. Déposez un projet de loi tendant à la suppression du CDD ! Vous ne le faites pas, car ce contrat correspond à certains besoins de la production.
Nous savons qu’un remède, quel qu’il soit, pris à la bonne dose, conduit à la guérison, mais que, pris à une dose excessive, il peut être fatal. Il en est de même des CDD !
Avec l’article 2, ce n’est pas la gauche qui augmente la précarité ! Il faut bien que quelqu’un ait trouvé cette idée de l’allongement des périodes d’essai, dont on ne comprend d’ailleurs pas le sens. Vous remarquerez que personne ne se risque à expliquer pourquoi il faudrait allonger la durée des périodes d’essai. En quoi cette mesure améliorerait-elle la qualité de la production dans notre pays, la qualification des travailleurs ? Nous ne le saurons pas !
Voici, en revanche, ce que nous comprenons : plus on allonge la durée des périodes d’essai, plus on rend possible le licenciement de salariés pour des raisons qui ne sont pas liées à la qualité du travail. Nous savons tous, dans cet hémicycle, de quel travail il s’agit : celui de l’ouvrier ou de l’employé, dont la période d’essai est de deux mois, celui du cadre intermédiaire, dont la période d’essai est de trois mois, celui du cadre supérieur, dont la période d’essai est de quatre mois.
Il vous faut quatre mois pour déterminer si une caissière ou un employé de service fait bien son travail ? Bien sûr que non ! Vous le savez au bout d’une semaine. Ou alors, il faut changer de métier !
Mme Catherine Procaccia. Une semaine, c’est un peu court !
M. Jean-Luc Mélenchon. En tout cas, un ou deux mois suffisent largement !
Jusqu’à présent, cette durée relevait de la négociation. Désormais, la loi fixe un cadre : les périodes d’essai les plus longues sont garanties et maintenues, les plus courtes sont supprimées. On nous dira que c’est de la flexisécurité ! Mais où est la sécurité pour les travailleurs ?
M. Alain Vasselle. Allez dans les entreprises : vous verrez ce que c’est que la gestion des personnels !
M. Jean-Luc Mélenchon. Donc, les périodes d’essai les plus longues fixées par des accords antérieurs à la loi pourront être conservées ; à l’inverse, les durées les plus courtes disparaîtront automatiquement au 30 juin 2009.
Expliquez-moi pourquoi seules les clauses les plus avantageuses pour les travailleurs, toutes choses égales par ailleurs, sont supprimées !
En quoi l’allongement des périodes d’essai serait-il justifié par l’intérêt de la production et par la qualité du travail ? Sur quelle expérience se fonde cette affirmation ? L’économie française se portait-elle si mal du fait des règles régissant jusqu’à présent les périodes d’essai ?
M. le président. Je rappelle que la commission a demandé l’examen séparé des amendements identiques de suppression n°s 44 et 64.
L'amendement n° 44 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 64 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 44.
M. Jacques Muller. L’article 2 est censé transposer dans notre droit les dispositions figurant aujourd’hui dans les accords de branche, mais deux problèmes se posent.
Actuellement, la majorité des accords de branche prévoit une période d’essai d’un mois pour les emplois d’ouvriers ou d’employés non qualifiés et de deux mois pour les emplois qualifiés. Ces dispositions sont inscrites dans chaque accord de branche en fonction de la classification. Les métiers n’étant pas les mêmes dans chaque branche, on peut comprendre qu’il existe des différences en termes de périodes d’essai.
Je relève d’ailleurs que la majorité présidentielle était la première à vanter cette possibilité d’adaptation de la loi en fonction des branches et des métiers.
Or, avec cet article, on entre, dans le droit codifié, dans une logique de massification des durées d’essai totalement éloignée de la réalité du terrain.
Le Conseil d’État a d’ailleurs proposé de supprimer les planchers et de ne retenir que des maxima. Mais si l’on parle de maxima, c’est qu’il peut y avoir des durées inférieures telles que celles qui sont prévues à l’alinéa 16.
En outre, l’alinéa 26 prévoit que les accords de branche qui fixent actuellement des durées d’essai plus courtes seront caducs le 30 juin 2009. Cette disposition illustre très clairement la volonté du Gouvernement de faire disparaître les durées d’essai les plus courtes et d’imposer les durées maximales pour l’ensemble des salariés.
L’ANI proposait que les durées augmentent d’un mois pour chaque catégorie. Soit ! Mais l’obstination du Gouvernement quant à l’alinéa 26 de l’article 2 incite à penser que l’alignement de toutes les périodes d’essai sur les maxima est le but poursuivi non pas par les confédérations syndicales de salariés, mais par le patronat, qui se bat depuis des années pour l’obtenir.
Faute d’avoir pu imposer le CPE et d’avoir pu maintenir le CNE, le Gouvernement offre au patronat un dispositif relevant de la même philosophie, à savoir une séparation sans motif sur une période la plus longue possible. Cela revient à donner un coup de couteau clair et net dans le droit du travail.
C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 2 et de nous en tenir à ce qui existe aujourd’hui dans les accords de branche.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 64.
Mme Annie David. L’article 2 a pour effet d’accroître considérablement la durée des périodes d’essai.
Aujourd’hui, les conventions collectives prévoient des périodes d’essai allant d’une semaine à trois mois, suivant la qualification que requièrent les postes à pourvoir, ce qui correspond à une durée jugée « raisonnable ».
Ainsi, un salarié serait soumis à une période d’essai de deux mois, quatre mois en cas de renouvellement, pour les ouvriers et les employés, de trois à six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et je ne parle même pas des huit mois, renouvellement compris, que vous entendez imposer aux cadres.
Cette disposition semble plus inspirée par une volonté idéologique que par une nécessité réelle, cette durée excessive pouvant apparaître comme une volonté de précariser plus encore les salariés, évitant aussi longtemps que possible l’application des mesures relatives au droit du licenciement.
Comment soutenir raisonnablement qu’un employeur aurait besoin de deux mois, voire de quatre mois, pour apprécier la compétence d’un salarié à un emploi ne nécessitant pas de formation particulière, si ce n’est pour pouvoir s’en séparer sans aucune formalité pendant tout ce temps ?
Il s’agit donc bien d’une position dogmatique visant à satisfaire le patronat, encore profondément mécontent de la suppression du CNE. Cette forme contractuelle n’est pas véritablement plébiscitée par les employeurs, qui n’y recourent que rarement, mais elle revêt l’avantage d’exister et d’habituer les employeurs et les salariés aux formes de contrats les plus précaires.
Sans doute doit-on se satisfaire du fait que les signataires de cet accord n’aient pas élargi la définition de l’objet de la période d’essai en permettant à l’employeur d’en faire, comme le souhaitait initialement le MEDEF, un outil de vérification de la viabilité économique de l’emploi pourvu. Pour autant, l’article 2 ne nous convient absolument pas, et nous vous proposons, mes chers collègues, de le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je souhaitais répondre à M. Mélenchon, mais M. Muller lui-même a rappelé que les durées d’essai prévues dans le texte sont des maxima ; elles n’ont aucun caractère obligatoire. La discussion reste donc ouverte entre l’employeur et le salarié pour déterminer la durée de la période d’essai.
Cela dit, les amendements identiques nos 44 et 64 visent à supprimer l’une des dispositions essentielles du projet de loi et de l’accord des partenaires sociaux, à savoir rien de moins que la suppression de la période d’essai.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 et 64.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19 du code du travail, après le mot :
maximale
insérer les mots :
indiquée par écrit dans le contrat
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Avant de présenter cet amendement, je tiens à dire à mes collègues qui siègent à la droite de cet hémicycle qu’ils n’ont pas le monopole de la connaissance de la gestion des ressources humaines dans les entreprises. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je souscris aux propos de Jean-Luc Mélenchon : aucun employeur n’a besoin de quatre mois pour évaluer la compétence d’une caissière, et je parle d’expérience en la matière.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 27. II s’agit d’un amendement de précision, les salariés et les candidats à l’emploi consultant très rarement, trop rarement même, lorsqu’ils en ont connaissance, le code du travail et les conventions collectives, a fortiori avant une embauche éventuelle. Nous proposons donc que la durée maximale de l’essai soit indiquée par écrit dans le contrat de travail.
Nous tenons aussi à faire part au Gouvernement de notre perplexité face à la rédaction de ces nouveaux articles du code du travail, qui devaient être plus simples et plus lisibles.
Si une durée maximale est prévue, c’est qu’il y a aussi une durée minimale et des durées intermédiaires. Sinon, les durées des périodes d’essai seraient impératives et le maximum n’aurait pas de minimum. Puisqu’il n’y a qu’une seule durée, il n’est pas nécessaire d’utiliser le terme « maximale ».
Toutefois, le texte est encore plus compliqué puisqu’il permet que subsistent des périodes d’essai plus longues déterminées par les accords de branche actuels, tout en autorisant des durées plus courtes fixées par les nouveaux accords de branche et par les contrats de travail. De plus, les durées plus courtes figurant dans les actuelles conventions collectives ne resteront en vigueur que jusqu’au 30 juin 2009.
Au total, il est permis de se demander quelle sera exactement la durée de la période d’essai. À l’évidence, elle sera totalement variable selon les branches et les classifications. Si cela se justifie, il demeure indispensable que le candidat à l’emploi soit au moins clairement et personnellement informé de la durée maximale de sa propre période d’essai.
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cette précision ne me semble vraiment pas utile dans la mesure où le contrat de travail mentionne de toute façon la durée de la période d’essai, laquelle peut bien entendu être inférieure aux plafonds légaux.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, d’autant que l’accès à la convention collective est prévu par le code du travail.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deuxième (1°) à dernier (3°) alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19 du code du travail :
« 1° Un mois pour les ouvriers et employés ;
« 2° Deux mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
« 3° Trois mois pour les cadres.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Dans un souci de simplification, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 65 et 66, car leur objet est similaire.
Compte tenu de votre refus de supprimer l’article 2, mes chers collègues, je vous propose de diviser par deux les durées d’essai prévues. Ces durées restent malgré tout, dans certains cas, supérieures à celles qui sont actuellement en vigueur. S’agissant effectivement de maxima, ces durées seraient beaucoup plus raisonnables.
Je sais pertinemment que la majorité restera fidèle aux engagements que le Gouvernement a pris à l’égard du MEDEF et de la CGPME, mais je vous invite, mes chers collègues, à adopter ces amendements afin de refuser une disposition dogmatique qui fera une nouvelle fois peser sur les seuls salariés le poids de la flexibilité. Car ce sont bien les salariés qui supporteront ces délais rallongés !
Je déplore le procédé utilisé ; le subterfuge est grossier. En augmentant de manière excessive les périodes d’essai, le Gouvernement tente, chacun pourra s’en apercevoir, de compenser la perte du CNE pour le patronat. Pourtant, selon la seconde étude réalisée sur le CNE, contrat bien précaire, plus de la moitié des contrats conclus ont été rompus au terme d’une année.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19 du code du travail, remplacer les mots :
de deux
par les mots :
d'un
II. Dans le troisième alinéa (2°) du même texte, remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
III. Dans le dernier alinéa (3°) du même texte, remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 44.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Les amendements nos 65 et 45 visent à revenir sur les durées qui ont été retenues par les partenaires sociaux.
Considérant que ceux-ci ont arrêté leur choix en toute responsabilité, la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement a le même avis que la commission, car ces amendements sont contraires à l’accord.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19-1 du code du travail, ajouter les mots :
Afin de faciliter l'accès direct au contrat à durée indéterminée,
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Nous approuvons l’adjonction dans le projet de loi d’un article définissant la période d’essai à la suite d’un débat relativement consensuel à l’Assemblée nationale. Toutefois, il nous paraît souhaitable de rappeler dans la loi l’objet de la période d’essai. C’est pourquoi nous proposons de préciser que celle-ci a pour finalité de faciliter l’accès direct au CDI.
En l’état, rien ne garantit que la période d’essai, si elle se déroule positivement, soit suivie d’une embauche en CDI. L’essai peut fort bien se dérouler sans accroc et ne déboucher sur rien, comme cela a été prévu pour le CNE.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, personne ne peut nier de bonne foi qu’une période d’essai pouvant atteindre jusqu’à huit mois, en cas de renouvellement, ressemble fort, surtout si elle est effectuée par un salarié formé et expérimenté, à un contrat précaire, d’une durée bien supérieure à la durée moyenne des CDD et des contrats de travail temporaire, d’autant que l’employeur pourra y mettre fin à sept mois et demi, par exemple, sans motif de licenciement ni indemnité de précarité.
Rien n’interdit non plus que la période d’essai arrive à son terme sans résultat positif pour le salarié, et donne néanmoins lieu, quelques semaines plus tard, à un CDD, voire à un CDD renouvelé ou à un contrat à objet défini.
Bien évidemment, la plupart des employeurs ne sont pas animés de telles intentions. Mais le vif intérêt manifesté par certains pour empêcher la fin brutale du CNE ne peut manquer de nous alerter.
Le rôle du législateur est d’envisager les anicroches possibles ou autres contournements de la loi et de s’efforcer d’en prévenir les conséquences.
C’est pourquoi nous proposons de rappeler que l’objet de la période d’essai est de faciliter l’accès au CDI, ce qui constituerait un élément d’appréciation utile pour les praticiens et la jurisprudence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à ajouter dans la loi une précision qui est, en fait, dépourvue de toute portée normative. Elle serait donc davantage à sa place dans un exposé des motifs, mais ne peut certainement pas figurer dans un texte de loi.
Par conséquent, je demande à Mme Le Texier de bien vouloir retirer son amendement. Si tel n’était pas le cas, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Le Texier, l'amendement n° 26 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Le Texier. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-20 du code du travail :
La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-20 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le salarié est avisé par écrit des motifs du renouvellement de la période d'essai.
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement a pour objet d’apporter un peu de clarté au salarié se trouvant en situation d’essai.
Si seuls des accords de branche étendus pourront prévoir la possibilité du renouvellement d’une période d’essai, il est fort probable qu’ils seront muets sur les motivations de ces renouvellements !
Cette motivation est pourtant fondamentale pour permettre au salarié de mesurer les progrès qu’il lui reste à accomplir en vue d’une embauche en CDI. Dans cette affaire, l’aspect qualitatif est au moins aussi important que le volet quantitatif.
S’agissant du renouvellement de la période d’essai, de deux choses l’une.
Soit l’employeur n’est pas totalement convaincu par le salarié, et il veut donner à ce dernier une occasion de montrer l’étendue de ses compétences. Il est alors important qu’il explique ses exigences, sous peine de ne pouvoir être compris. Nous sommes là au cœur de la raison d’être, de l’utilité de la période d’essai.
Soit il ne donne aucune explication, ce que l’on peine à imaginer, et il souhaite alors seulement prolonger l’essai du salarié en le laissant dans l’incertitude. Dans ces conditions, à quoi sert l’essai ? Ne risque-t-il pas de se substituer à un contrat précaire sans aucune des garanties qui s’attachent à celui-ci ?
Nous proposons donc que le salarié soit informé de manière individuelle des motifs du renouvellement de la période d’essai qui lui est imposé, ce qui donnerait tout son sens à la définition de l’essai figurant dans le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La période d’essai ne doit pas être encadrée par des mesures trop formalistes. Il faut laisser l’employeur et le salarié faire leurs preuves et estimer le degré de satisfaction que leur apporte leur relation.
La période d’essai se caractérise par la possibilité reconnue à l’employeur d’y mettre un terme ou, au contraire, de la prolonger, sans avoir à donner de motif. L’adoption de cet amendement remettrait donc en cause la nature même de la période d’essai et ouvrirait la voie à de nombreux contentieux. C’est pourquoi la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les troisième (1°) à dernier (3°) alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-20 du code du travail :
« 1° Deux mois pour les ouvriers et employés ;
« 2° Quatre mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
« 3° Six mois pour les cadres. »
Cet amendement de cohérence avec l’amendement n° 65 a déjà été défendu par M. Fischer.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 67 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-21 du code du travail.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 29.
Mme Christiane Demontès. Notre amendement vise à supprimer du projet de loi ce qui nous semble être une anomalie.
Les durées maximales des périodes d’essai sont en effet définies comme impératives au premier alinéa de l’article 2, mais des exceptions sont prévues quelques paragraphes plus loin, en faveur de durées plus longues.
Ces durées ne sont donc plus maximales, bien qu’elles aient fait l’objet d’un accord soigneusement calibré entre les partenaires sociaux et que les périodes d’essai puissent être renouvelées. Il y a là une véritable incohérence.
Il importe de déterminer pourquoi la valeur d’un accord national interprofessionnel deviendrait, au travers du projet de loi, inférieure à celle d’accords de branche, alors même que ceux-ci lui sont antérieurs et que leur teneur ne pouvait donc manquer d’être connue des négociateurs.
Nous relevons que l’accord national interprofessionnel mentionne expressément, à son article 4, que les durées impératives d’essai qu’il fixe « ne font pas échec à la fixation de périodes d’essai plus courtes dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail ».
Il n’est nullement question de maintenir des durées plus longues en fonction d’accords de branche qui ne sont même pas, selon le projet de loi, étendus. Il y a là une contradiction flagrante entre le texte de l’accord national interprofessionnel, que l’on voudrait nous voir adopter en l’état, et le texte du projet de loi.
Il serait donc préférable, puisque les partenaires sociaux ont, en connaissance de cause, paraphé un texte fixant des durées maximales d’essai renouvelables sous certaines conditions, de rester au moins fidèles à leur choix.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 67.
Mme Annie David. Cet amendement est identique à l’amendement n° 29, et je me rallie donc aux arguments présentés par Christiane Demontès. Nous souhaitons nous aussi la suppression de l’alinéa visé.
On entend autoriser des durées de période d’essai plus longues que celles qui sont prévues aux articles L. 1221-19 et L. 1221-20 du code du travail alors que, précisément, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui tend déjà à les augmenter considérablement. C’est dire le peu de cas que l’on fait des salariés qui devront subir, à leur embauche, des périodes d’essai beaucoup plus longues que ce qui est généralement pratiqué.
En outre, on propose d’allonger les périodes d’essai dans les cas où leur durée est actuellement plus courte que les maxima prévus… Là encore, les quelques mesures favorables aux salariés qui auraient pu subsister sont supprimées, tandis que celles qui profitent au patronat ont la vie dure !
De plus, cette disposition nous paraît contradictoire avec le principe annoncé de ce projet de loi, qui nous semblait être le renforcement de la démocratie sociale.
L’adoption de l’amendement que nous présentons aurait au moins pour effet d’amener employeurs et salariés à se réunir autour de la table de négociations et permettrait, naturellement, qu’aucun accord de branche ne puisse contourner une disposition légale déjà bien avantageuse pour les employeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La disposition que ces amendements visent à supprimer a été élaborée en concertation étroite avec les partenaires sociaux. Elle reflète donc bien la volonté des organisations signataires de l’accord du 11 janvier 2008.
Par conséquent, accepter ces amendements reviendrait à remettre en cause un point important de l’équilibre qui a été négocié. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 67.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-22 du code du travail :
« Art. L. 1221-22. - La période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que la possibilité de renouveler la période d’essai devra être précisée dans le contrat de travail du salarié ou dans sa lettre d’engagement.
Aujourd’hui, cette exigence est déjà prévue par la jurisprudence. Dans un souci de clarté et de complète information du salarié, il nous paraît utile de l’inscrire dans la loi.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-22 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut, la durée de la période d'essai est présumée être de un mois. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a fait l’objet d’un débat intéressant ce matin en commission. Les arguments avancés par M. le rapporteur m’ont quelque peu troublée et presque convaincue de le retirer.
Toutefois, avant de le faire, j’aimerais obtenir une confirmation de la part de la commission et du Gouvernement : dans l’hypothèse où le contrat de travail ou la lettre d’engagement ne stipule pas de période d’essai, le salarié est-il vraiment dispensé d’en effectuer une ? Si tel est bien le cas, notre amendement irait à l’encontre de notre volonté de réduire les périodes d’essai.
Par conséquent, si M. le rapporteur et M. le ministre pouvaient me confirmer ce point en séance publique, j’accepterais de retirer l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 68 ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Madame David, je maintiens les observations qui ont été faites ce matin en commission. M. le ministre confirmera, je pense, l’interprétation que j’ai alors développée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 3 rectifié et 68 ?
M. Xavier Bertrand, ministre. La rectification à laquelle tend l’amendement n° 3 rectifié est importante ; aussi le Gouvernement y est-il favorable.
S’agissant de l’amendement n° 68, madame David, je ne voudrais pas abuser du capital de confiance dont vous seriez tentée de créditer le Gouvernement ! (Sourires.)
Cela étant, je confirme les propos de M. le rapporteur : adopter votre amendement reviendrait à figer les choses et à imposer une période d’essai alors même que les deux parties souhaiteraient s’en dispenser.
C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 68 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 68 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 30, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-23 du code du travail :
« Art. L. 1221-23. - En cas d'embauche dans l'entreprise à la suite d'un stage, la durée de ce stage s'impute sur la période d'essai. Elle est également prise en compte dans le calcul de l'ancienneté du salarié. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Au travers de cet amendement, nous souhaitons préciser qu’en cas d’embauche dans l’entreprise à la suite d’un stage, la durée de ce dernier s’impute sur la période d’essai et est également prise en compte dans le calcul de l’ancienneté du salarié.
Cet amendement vise donc à intégrer la durée totale des stages dans la période d’essai, indépendamment du fait que ces stages ont été ou non réalisés lors de la dernière année d’études d’un cursus pédagogique.
Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne d’une proposition de loi que le groupe socialiste avait déposée et que j’avais soutenue. Sans même évoquer la notion d’abus de stage, ce qui n’est pas notre sujet d’aujourd’hui, je rappellerai brièvement les conditions d’utilisation des stagiaires par les entreprises considérées comme normales.
D’après l’étude menée en 2002 par l’université Paris-I, la plupart des entreprises participent au parcours d’insertion professionnelle des jeunes diplômés. Certaines utilisent les stages comme un mode d’ajustement des effectifs à moindre coût, les stagiaires assistant voire remplaçant temporairement des salariés permanents.
Les stagiaires disposant d’une qualification très pointue peuvent même se voir confier des missions de longue durée ou se succéder sur un même poste comportant de vraies responsabilités et à temps complet. Certaines entreprises procèdent ainsi sans objectif de recrutement particulier, mais estiment utile de participer à la formation des étudiants. D’autres, et c’est beaucoup mieux, considèrent le stage comme un outil de prérecrutement ; le stage devient alors une forme de période d’essai informelle.
Dans tous ces cas, le simple bon sens montre que si l’employeur embauche le stagiaire, c’est qu’il considère que l’expérience a été concluante et que le jeune s’est bien intégré.
Il est donc dans la logique de l’accord signé par les partenaires sociaux, ainsi que dans celle de la législation que le Gouvernement a commencé à mettre en place, même si nous la jugeons encore insuffisante, que le stage soit considéré comme une période d’essai.
Contrairement à ce que vous avez dit à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, cette proposition n’est pas généreuse, elle est cohérente.
De plus, si l’équilibre de l’accord national interprofessionnel doit être préservé, notre droit d’amendement nous autorise, et doit même nous conduire, à améliorer l’accord, ne fût-ce qu’à la marge.
C’est donc une nouvelle forme du principe de faveur que nous proposons au Sénat de mettre en œuvre. En cas d’embauche, il est, me semble-t-il, de bon sens de considérer que la totalité du stage est comprise dans la période d’essai.
Je souhaite apporter quelques précisions sur ce point.
Le texte proposé pour l’article L. 1221-23 du code du travail prévoit que la durée du stage est déduite de la période d’essai, à concurrence de la moitié de celle-ci. Cela signifie que, dans les branches où la période d’essai pourra être étendue, pour atteindre jusqu’à huit mois pour les cadres, des jeunes qui seront embauchés à la suite d’un stage devront effectuer une période d’essai, d’une durée de quatre mois pour les cadres et de trois mois pour les techniciens.
Cela ne me semble pas raisonnable. En effet, si l’employeur décide d’embaucher un stagiaire, c’est bien parce qu’il a donné satisfaction ! Il serait donc tout à fait logique que, dans un tel cas, la totalité de la période de stage soit prise en compte et couvre, le cas échéant, la période d’essai.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 69 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
d'essai
supprimer la fin du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-23 du code du travail.
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 46.
M. Jacques Muller. Il s’agit d’un amendement de repli, monsieur le président.
Le dix-neuvième alinéa de l’article 2 prévoit que, « en cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue d’un stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables ».
L’amendement n° 46 vise à supprimer cette dernière précision, la période de stage devant à notre sens être déduite intégralement, dans tous les cas, de la période d’essai.
En effet, les stages intégrés à un cursus pédagogique sont longs. Par conséquent, si l’employeur embauche le stagiaire, c’est qu’il estime que l’expérience a été concluante et que la personne fera l’affaire. Dès lors, imposer une période d’essai ne se justifie pas.
En outre, ces stages relèvent non pas de la formation professionnelle, mais d’un autre statut, et ils concernent souvent des cadres. Il est donc plutôt paradoxal de demander à des personnes qui viennent d’effectuer un stage de longue durée de subir une nouvelle période d’essai, pouvant aller jusqu’à huit mois.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 69.
M. Guy Fischer. Les arguments que je vais développer rejoignent entièrement ceux qui viennent d’être présentés par mes collègues, puisque nous souhaitons nous aussi la déduction intégrale de la durée des stages de la période d’essai.
Je sais, monsieur le ministre, que vous présentez la déduction partielle de la durée des stages de la période d’essai comme une bonne mesure.
M. Guy Fischer. Je sais également que vous nous objecterez qu’il s’agit là d’une avancée considérable venant combler un vide juridique et que, après tout, cela vaut mieux que rien !
Autant vous dire que nous sommes en désaccord complet avec une telle conception, qui revient à se contenter de demi-mesures ! Il faut dire que, en matière de stages, c’est devenu une habitude !
Que répondez-vous aux stagiaires et aux associations qui les représentent quand ils vous interrogent sur la faiblesse des rémunérations des stages, lesquelles représentent, je vous le rappelle, moins de 30 % du SMIC ? Vous leur dites que c’est une étape ! Et que leur répondez-vous encore quand ils déplorent que cette rémunération n’ait été rendue obligatoire que pour les seuls stages d’une durée supérieure à trois mois ? Vous leur rétorquez qu’une telle disposition n’existait pas auparavant, et que ce n’est déjà pas si mal !
En tout état de cause, de nombreux stagiaires se trouvent aujourd’hui dans une situation difficile parce que les entreprises ne veulent pas les rémunérer. On s’aperçoit ainsi que, pour beaucoup d’entre elles, les stagiaires étaient, et resteront en partie, une bonne source d’économies ! Quoi qu’il en soit, il faut faire respecter la loi, monsieur le ministre, et je souhaite que vous soyez très attentif à cette question.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous propose d’adopter l’amendement n° 69, qui vise à compléter la mesure prévue par le projet de loi en instaurant la déduction totale de la durée des stages de la période d’essai.
C’est là une des attentes des stagiaires et de leurs représentants, qui y voient une mesure utile « pour redonner au stage toutes leurs vertus d’insertion professionnelle » et « lutter contre la précarité des jeunes travailleurs ».
En effet, dans certains cas, les jeunes chercheurs qui sortent par exemple de l’École normale supérieure de Lyon ou d’une autre grande école et qui effectuent des stages à Lyon biopôle ou dans de grands laboratoires occupent des emplois qui devraient relever de contrats à durée indéterminée.
Adopter la mesure que nous préconisons permettrait de dessiner des perspectives d’avenir pour les jeunes concernés, en contribuant véritablement à les intégrer dans les entreprises et les laboratoires qui acceptent des stagiaires, mais les exploitent parfois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 30, ainsi que sur les amendements identiques nos 46 et 69 ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Tous les stages ne permettent pas nécessairement d’apprécier les compétences du salarié, certains étant de simples stages de sensibilisation au monde du travail. Il est donc peu raisonnable d’imposer aux entreprises une obligation aussi générale que celle qui est présentée par M. Godefroy.
Par ailleurs, une telle disposition est contraire à l’accord national interprofessionnel. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 30.
Les mêmes arguments valent contre les amendements identiques nos 46 et 69, sur lesquels la commission a également émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 30.
M. Jean-Pierre Godefroy. Votre réponse, monsieur le rapporteur, ne me satisfait pas ! Vous nous parlez de stages de découverte du monde du travail, alors qu’il s’agit ici non pas de cela, mais de stages réalisés lors de la dernière année d’études. Or chacun sait que, dans un certain nombre de cursus, notamment ceux des écoles d’ingénieurs ou des écoles de commerce, de longs stages sont prévus. Certaines écoles d’ingénieurs demandent même que leur durée soit allongée !
Pour les embauches faisant suite à une longue période de stage, il serait donc logique que ce dernier soit considéré comme une période d’essai. Pourquoi remettre en situation précaire un stagiaire qui a donné satisfaction et que l’employeur souhaite embaucher pendant les trois, quatre ou cinq mois d’une période d’essai ? C’est tout à fait déraisonnable, car il ne s’agit pas du tout, monsieur le rapporteur, de stages d’initiation au monde de l’entreprise !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vais m’exprimer sur ce sujet en tant qu’ancien ministre délégué à l’enseignement professionnel.
J’observe comment mes camarades du groupe socialiste essaient, avec beaucoup d’énergie, de vérifier la « sincérité » de la période d’essai. Il ne doit pas être question de période d’essai à l’issue d’un stage de qualification.
En effet, un stage constitue un exercice à l’intérieur d’un parcours pédagogique à vocation qualifiante. Cela signifie que, à la fin du stage, lorsque le diplôme est validé, la personne possède une qualification. Elle a les connaissances requises pour l’exécution d’un ensemble de tâches de haut niveau. Nier cela, c’est nier le caractère qualifiant du stage et remettre en cause la notion même de diplôme ! Cela revient à prendre le risque très grave de déstabiliser tout le système.
Cela étant, la période d’essai est aussi destinée à vérifier que la personne embauchée est apte à occuper le poste de travail précis pour lequel elle est recrutée. En effet, les qualifications liées aux diplômes sont extrêmement amples dans notre pays et couvrent des champs de connaissances très étendus. Il faut donc également vérifier que la personne présente l’aptitude au poste de travail, notion différente de celle de qualification.
Cependant, dès lors qu’un employeur prend la décision d’embaucher une personne ayant effectué un stage qualifiant dans son entreprise, cela signifie qu’il a pu vérifier son aptitude à occuper le poste de travail qui lui est destiné.
Par conséquent, quel peut être, dans un tel cas, le sens d’une période d’essai ? Une période d’essai est en effet destinée à vérifier une qualification et une aptitude. Or ces deux vérifications ont d’ores et déjà eu lieu ! La qualification est attestée par l’éducation nationale au travers du diplôme remis, l’aptitude est validée par la décision d’embauche de l’employeur !
Mes collègues socialistes, verts ou communistes ont donc raison de vouloir instaurer une équivalence entre stage et période d’essai : c’est une proposition qui relève du pur bon sens.
Cela va d’ailleurs au-delà de la seule question du contrat de travail : il y va de la valeur que nous attribuons à un diplôme, qu’il s’agisse d’un diplôme d’ingénieur ou de chercheur ou de n’importe quelle qualification.
Refuser d’intégrer le stage à la période d’essai met en cause soit l’ensemble du système que je viens d’évoquer, soit la sincérité et l’honnêteté du concept même de période d’essai lorsque cette dernière est effectuée dans de telles conditions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Monsieur Godefroy, vous avez affirmé que votre amendement vise une certaine catégorie de stages. Cependant, son texte concerne tous les stages, y compris ceux que j’ai qualifiés tout à l’heure de stages de sensibilisation.
Il n’est donc pas possible d’émettre un avis favorable sur un tel amendement, qui porte sur l’ensemble des stages.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le rapporteur, permettez-moi, à cet instant, de donner lecture du texte proposé pour l’article L. 1221-23 du code du travail :
« En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai. »
Ce sont donc non pas les stages de sensibilisation ou de découverte qui sont visés, mais les stages de qualification intégrés à un cursus pédagogique et effectués à la fin de celui-ci.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le texte que vient de citer Mme Demontès vise expressément les stages effectués lors de la dernière année d’études. Il s’agit donc non pas de tous les stages, mais de ceux qui marquent le terme d’études supérieures. Je tenais à insister sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La rédaction du projet de loi fait en effet référence aux stages effectués lors de la dernière année d’études, mais cette précision ne figure pas dans le texte de l’amendement !
Mme Christiane Demontès. Non, puisqu’elle figure dans la rédaction du projet de loi !
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Je suis quelque peu navré de constater que certains de nos collègues semblent considérer qu’un chef d’entreprise n’a d’autre préoccupation que de profiter du stagiaire et de le maintenir dans un emploi précaire. Il n’en est pas du tout ainsi !
Ne perdons pas de vue le fait qu’il est impossible de confier des responsabilités importantes à un jeune stagiaire, fût-il en fin de formation. Ce n’est qu’à partir du moment où il est embauché que l’entreprise pourra progressivement, lors de la période d’essai, lui donner des responsabilités. Il faut donc bien analyser la situation.
J’ajouterai qu’un jeune embauché a souvent reçu une formation générale. Supposons, par exemple, que l’entreprise engage un titulaire d’un diplôme de niveau « bac+4 » en tant que cadre technique ou commercial. Elle met une voiture à sa disposition et prend en charge, outre son salaire, ses frais d’hôtel et de repas, or des mois pourront s’écouler sans qu’il rapporte quoi que ce soit à son employeur ! Cela peut finalement contraindre l’entreprise à annoncer au jeune embauché qu’il ne fait pas l’affaire, ce dont il a d’ailleurs souvent lui-même conscience.
Telle est la réalité que nous devons garder à l’esprit, au-delà des discours.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’aimerais pouvoir souscrire aux propos tenus par MM. Godefroy, Mélenchon et Mme Demontès selon lesquels il convient de déduire intégralement de la période d’essai les stages effectués en fin de formation, car ils paraissent frappés au coin du bon sens.
Toutefois, il faut tenir compte de la réalité suivante : les missions confiées à un stagiaire ne sont pas toujours comparables à celles qu’effectue un salarié « ordinaire ». Il est donc parfois difficile de considérer que le stage équivaut à une période de travail effectif.
En fin de compte, la sagesse me paraît donc plutôt résider dans la rédaction prévue par le projet de loi, aux termes de laquelle la durée du stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié. De surcroît, le chef d’entreprise pourra toujours supprimer la période d’essai s’il considère qu’elle n’est pas nécessaire pour confirmer les aptitudes du stagiaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 46 et 69.
Mme Annie David. Je veux bien entendre l’argument de M. le rapporteur concernant l’amendement n° 30 que le Sénat vient de rejeter, puisque la rédaction présentée par celui-ci pour l’article L. 1221–23 du code du travail ne spécifiait pas, en effet, que seuls étaient visés les stages effectués en fin de cursus pédagogique.
Toutefois, je voudrais attirer l’attention sur le fait que les amendements identiques tendent non pas à réécrire en totalité la rédaction proposée pour l’article précité, mais simplement à en supprimer la fin, pour l’établir comme suit : « En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue d’un stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai. » Par conséquent, il est bien fait référence à une catégorie spécifique de stages.
Je soulignerai également qu’il ne s’agit nullement de prévoir une obligation d’embauche par l’entreprise à l’issue du stage. Ce n’est que si l’employeur décide d’embaucher le stagiaire que la durée de stage sera déduite en totalité de la période d’essai, car une telle décision signifie que l’intéressé a été jugé apte à remplir la fonction qui lui sera confiée en tant que salarié.
Mme Christiane Demontès. Oui !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je me rallie aux amendements identiques nos 46 et 69, car il est vrai que l’amendement n° 30 visait la totalité des stages. Ces amendements sont beaucoup plus ciblés et devraient répondre aux inquiétudes exprimées par M. le rapporteur, puisqu’il est bien précisé que seuls les stages effectués lors de la dernière année d’études sont concernés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela étant, pourquoi ne voulez-vous pas prendre en compte l’intégralité de la durée des stages ? Dès lors que l’employeur souhaite embaucher un stagiaire qui lui a donné satisfaction, pourquoi voulez-vous à tout prix imposer une période d’essai de plusieurs mois, source d’insécurité pour l’intéressé ? N’est-ce pas pour donner une marge de manœuvre à l’entreprise afin de lui permettre, le cas échéant, de se débarrasser rapidement du nouvel embauché à l’issue des trois ou quatre mois de la période d’essai, lorsqu’il aura achevé le travail commencé en tant que stagiaire ?
On sait très bien, en effet, que certains stagiaires se voient confier des missions ordinairement dévolues à des salariés relevant d’un contrat de travail classique. Tous les employeurs ne se comportent certes pas ainsi, monsieur Bécot, mais de tels cas existent ; nous en avons tous en tête.
Lorsque l’employeur décide d’embaucher un stagiaire, il le fait en connaissance de cause. Dès lors, pourquoi remettre ce jeune dans une situation précaire en lui imposant une période d’essai ? D’un côté, vous prêchez pour le recours aux contrats conventionnels, de l’autre, vous tentez d’introduire une nouvelle dose d’incertitude. Une telle démarche est complètement incohérente, je me permets de vous le dire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Tout d’abord, je vous remercie, monsieur Godefroy, d’avoir confirmé l’analyse que j’avais faite de votre amendement.
Cela étant, vous venez d’indiquer qu’il s’agissait d’imposer à tout prix une période d’essai. Il n’en est rien !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est dans la loi !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. S’il y a accord entre le salarié et l’employeur, il n’y aura pas de période d’essai à l’issue du stage. Elle n’a rien d’obligatoire !
En revanche, notamment pour les raisons évoquées tout à l’heure par M. Vanlerenberghe, il est bon à mon sens de prévoir la possibilité – et nullement l’obligation – de faire suivre le stage par une période d’essai.
Cette flexibilité a été voulue par les partenaires sociaux avec juste raison, me semble-t-il, et nous entendons respecter leur souhait en la matière.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46 et 69.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, après les mots :
aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23
insérer les mots :
ou à l'article L. 1242-10
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à imposer le respect d'un délai de prévenance quand le contrat d'un salarié en CDD est rompu pendant la période d'essai. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit le respect d’un tel délai seulement quand le salarié est titulaire d'un CDI.
Cette différence de traitement entre deux catégories de salariés nous paraît difficile à justifier : pourquoi le salarié en CDD, qui souffre déjà d'une certaine précarité de l'emploi, ne bénéficierait-il pas de cette protection élémentaire que constitue un délai de prévenance, même si ce délai est très bref ?
Il est vrai que cet amendement va au-delà des stipulations de l'accord national interprofessionnel,…
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. … mais il me semble cependant qu'il apporte un complément à ce dernier, sans remettre en cause sa cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est bien dommage qu’un amendement de la commission ne puisse être retiré en séance publique, car sinon c’est ce que j’aurais tenté d’obtenir !
En effet, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et je vais exposer les raisons de sa position. Je suis convaincu que mon argumentation ira droit au cœur de M. le président About !
Tout d’abord, cet amendement se situe hors du champ de l’accord du 11 janvier 2008, dont l’objet est le seul CDI. Le CDD relève d’un équilibre différent. Nous avons d’ailleurs eu un débat sur ce point tout à l’heure, monsieur Mélenchon.
En tout état de cause, il ne me paraît pas de bonne politique d’introduire dans la transposition de l’accord du 11 janvier 2008 une réforme à caractère ponctuel.
Enfin, dans le cas de CDD très courts, s’agissant notamment des contrats saisonniers, adopter la disposition présentée serait gênant, parce que cela pourrait aboutir à allonger la durée des contrats dans une mesure parfois proportionnellement importante.
Ainsi, un CDD rompu au bout de trois jours devrait être prolongé d’une journée supplémentaire : ce serait porter atteinte à l’équilibre même du système, s’agissant notamment des contrats saisonniers, qui sont particulièrement courts.
Il n’est pas possible à la commission de retirer son amendement, mais j’espère que mon argumentation amènera une évolution de sa position.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je découvre qu’il y a des contrats de trois jours !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On peut aussi envisager une rupture de contrat au bout de deux jours, voire le renvoi d’un salarié avant même son recrutement ! (Sourires.)
Cela dit, nous comprenons votre argumentation, monsieur le ministre. Nous pourrions donc rectifier notre amendement en indiquant par exemple qu’il faudrait tenir compte du cas des contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine.
M. Xavier Bertrand, ministre. Quel serait l’intérêt de cet ajout, monsieur le président de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette précision permettrait par exemple au titulaire d’un contrat d’une durée de cinq semaines, assorti d’une période d’essai d’une semaine au minimum, de bénéficier de quarante-huit heures de préavis en cas de renvoi. C’est une question de respect à l’égard du salarié.
Si notre amendement ainsi rectifié ne donnait pas totalement satisfaction, nous pourrions améliorer ensemble la disposition dans le cadre de la commission mixte paritaire.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, après les mots :
aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23
insérer les mots :
ou à l'article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cette rectification ne me semble pas de nature à faire évoluer la position du Gouvernement.
Monsieur About, viser comme vous le proposez les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine ne correspond pas à la logique de proportionnalité propre aux CDD et revient à figer les choses.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, j’introduis un plancher !
M. Xavier Bertrand, ministre. La fixation d’un plancher tend précisément à figer les choses et crée, à mon sens, une complexité supplémentaire.
En tout état de cause, l’ANI porte sur les CDI. Or, dans le cas présent, il est question des CDD.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Certes, il ne s’agit pas d’un « cavalier », mais nous ne sommes pas au cœur du champ de l’accord. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
En outre, j’ajouterai, monsieur le président de la commission, que nous ne pourrons travailler avec vous sur cette disposition en commission mixte paritaire, puisque le Gouvernement n’y participe pas.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement doit maintenir, ce dont je suis sincèrement désolé, l’avis défavorable qu’il a émis sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission maintient son amendement dans sa forme actuelle et s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. M. le ministre affirme que nous nous situons dans le cadre d’un CDI, or une période d’essai n’aboutit pas nécessairement à la conclusion d’un tel contrat. Par conséquent, il ne saurait être uniquement question, dans le cas présent, de CDI.
Mme Catherine Procaccia. Un CDD ne comporte pas de période d’essai ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame David, l’accord portant sur les CDI, seules peuvent nous intéresser, dans le cadre de sa transposition législative, les périodes d’essai qui leur sont liées. Or l’amendement de la commission vise les CDD. Par conséquent, nous sortons ici du champ de l’accord.
C’est la raison pour laquelle, au-delà de questions de méthode, le Gouvernement, qui ne souhaite pas s’engager dans une réforme ponctuelle, n’est pas favorable à cet amendement.
J’ai bien compris que la position de M. le président About était inébranlable, mais le Gouvernement maintient lui aussi la sienne.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J’indique à Mme Procaccia que les CDD comportent une période d’essai d’une durée proportionnelle à celle du contrat, à concurrence d’un jour ouvré par semaine. C’est dans ce cadre que, s’agissant des CDD, la commission proposait de prévoir un délai de prévenance de quarante-huit heures pour les contrats conclus pour une durée d’au moins cinq semaines. Cela ne nous semblait pas disproportionné et demeurait cohérent avec les textes en vigueur à ce jour.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous nous livrons à de très longues démonstrations concernant des contrats très courts !
Votre proposition, monsieur About, revient à ajouter un jour supplémentaire par semaine à celui qui était prévu jusqu’à présent, soit un doublement de la durée.
Par conséquent, non seulement cet amendement se situe en dehors du champ de l’accord, mais il introduit de surcroît une rigidité et une complexité supplémentaires, ainsi que je l’expliquais tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. À l’heure des sophismes, je ne voudrais pas demeurer en reste ! (Sourires.)
L’accord ne visant que les CDI, le Parlement est parfaitement fondé à traiter, pour sa part, la question des CDD ! M. le président About et M. le rapporteur sont donc parfaitement en droit de faire des propositions dans un domaine qui n’interfère pas avec celui du sacro-saint accord, devant lequel il faudrait s’incliner à tout instant !
En outre, monsieur le ministre, il me semble que vous confondez la durée de la période d’essai et le délai de prévenance. Quoi qu’il en soit, un jour de délai de prévenance avant de jeter quelqu’un dehors, quelle tendresse soudaine ! Quel laxisme ! Quel laisser-aller ! Quel manquement à cette flexibilité si absolument nécessaire à la vigueur de nos entreprises ! Nous n’avions pas été habitués, jusqu’à présent, à une telle sollicitude de la part de nos collègues de la majorité !
Pour une fois, nous pouvions nous accorder sur une disposition qui non seulement ne dérangeait personne, mais encore rendait service à de pauvres diables dont les contrats de travail sont déjà extrêmement peu avantageux. Pourtant, le ministre n’en veut pas. Son argumentation ne tient pas, ni sur le fond ni au regard du contexte.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n’allons pas nous battre inutilement à propos de cette mesure. J’ai indiqué tout à l’heure que la commission s’en remettait à la sagesse du Sénat. Nous avons cherché à rapprocher les positions de M. le rapporteur et de M. le ministre ; si cela se révèle impossible, le Sénat tranchera. Nous aurons simplement eu raison un peu trop tôt, mais un jour viendra où un délai de prévenance sera accordé dans les cas visés par l’amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous n’êtes pas encore battu, monsieur le président de la commission !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous ne pourrons profiter de ce vote positif que quelques jours !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Remplacer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
« 2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
II. - En conséquence, dans les troisième et quatrième alinéas du même texte, remplacer respectivement les références :
2°
et :
3°
par les références :
3°
et :
4°
III. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-25 du même code par une phrase ainsi rédigée :
Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l'entreprise est inférieure à huit jours.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à réduire la durée du délai de prévenance quand la durée de présence du salarié dans l'entreprise est très brève, soit moins de huit jours, ce qui est une manière d'encourager les périodes d'essai courtes.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
cinq jours ouvrés
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’alinéa visé de l’article 2 a pour objet de créer un délai de prévenance lorsque l’employeur décide, durant la période d’essai, de se séparer de son salarié.
Évidemment, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne sont pas hostiles par principe à cette mesure, qui confère une certaine dignité à des situations parfois difficiles sur le plan humain.
Toutefois, nous considérons que le délai de prévenance de quarante-huit heures actuellement prévu dans le cas des salariés présents dans l’entreprise depuis moins d’un mois est trop court. C’est pourquoi nous proposons de le porter à cinq jours ouvrés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 70 ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Les partenaires sociaux ont négocié la durée du délai de prévenance, qui est proportionnée à la durée de présence du salarié dans l’entreprise. Il est utile de conserver cet équilibre voulu par les partenaires sociaux. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 5 et 70 ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 5, mais je voudrais indiquer à la commission que la logique qu’elle a retenue pour les CDI se situe aux antipodes de celle qu’elle vient de défendre s’agissant des CDD. Le présent amendement tend en effet à réduire le délai de prévenance dans le cas d’un CDI, alors même que l’amendement n° 4 rectifié de la commission visait à créer un délai de prévenance s’agissant des CDD. Je tenais à le souligner !
S’agissant de l’amendement n° 70, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
Mme Annie David. Mon groupe s’abstiendra sur l’amendement de la commission.
Si nous sommes d’accord pour moduler le délai de prévenance en fonction du temps passé par le salarié dans l’entreprise, nous ne pouvons pour autant accepter que ce délai ne soit que de quarante-huit heures pour un salarié dont la durée de présence dans l’entreprise varie entre huit jours et un mois. C’est pourquoi nous avons présenté un amendement tendant à porter ce délai à cinq jours ouvrés. Il est dommage que nous n’ayons pu nous mettre d’accord sur ce point.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 70 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 71 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à supprimer le vingt-sixième alinéa de l’article 2, qui prévoit que tout accord conclu avant la date de publication de la présente loi et fixant des durées d’essai plus courtes devra être renégocié avant le 30 juin 2009.
Cette disposition ne figure pas dans l’accord. Si l’ANI a prévu le maintien des accords fixant des durées plus longues que celles qui seront inscrites dans la loi, il n’a, en revanche, rien précisé à propos des durées plus courtes, pour la simple raison que le texte fixe des maxima. Dès lors, il est normal que des accords de branche puissent prévoir des durées inférieures.
Alors que, jusqu’à présent, nous n’avions pas eu le droit de toucher à la moindre virgule de ce sacro-saint accord, il est surprenant que l’on nous demande soudainement d’ajouter l’alinéa visé. Cela laisse à penser que l’objectif du Gouvernement est bien de porter la durée des périodes d’essai au maximum de chaque catégorie, et non plus de la maintenir dans une fourchette comprise entre zéro et le maximum.
En définitive, il n’est à mon sens ni correct ni cohérent de demander au Parlement d’entériner sur de telles bases une modification de l’accord, d’autant que le Gouvernement et M. le rapporteur n’ont cessé de nous répéter ce soir qu’il fallait nous en tenir à celui-ci. Il n’est qu’à voir le nombre d’amendements déposés par nos soins qui ont été rejetés pour ce motif.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 71.
M. Guy Fischer. Au travers de cet amendement, nous voulons faire en sorte que les accords de branche plus favorables aux salariés que le texte qui nous est soumis, c'est-à-dire ceux qui prévoient des périodes d’essai plus courtes que celles qui sont fixées par le présent article, continuent à prévaloir.
L’alinéa visé de l’article 2 nous apporte la triste confirmation de ce que nous ne cessons de dénoncer ici, à savoir le déséquilibre profond de ce projet de loi, qui fait droit à toutes les exigences du patronat et renvoie à plus tard, quand il ne les nie pas, les attentes des salariés.
En l’occurrence, cet alinéa prévoit tout simplement l’extinction en 2009 des mesures instituant des périodes d’essai plus courtes que prévu aux alinéas précédents, et qui sont donc plus favorables aux salariés.
Cette disposition est bien curieuse, puisque vous avez décidé au contraire, monsieur le ministre, d’autoriser le maintien des périodes d’essai plus longues que celles qui auront été légalement instituées dès lors que des accords de branche les prévoient.
En l’espèce, il s’agit donc d’une mise en œuvre des règles à deux vitesses, et l’on comprend que la loi doit s’appliquer dans tous les cas, sauf si les dispositions des accords de branche sont plus favorables aux employeurs.
Cette distinction, sauf à considérer qu’elle n’a d’autre objet que de satisfaire le patronat, ne peut nullement se justifier. C’est la raison pour laquelle je propose au Sénat d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début du II de cet article, supprimer les mots :
Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1221-21 du code du travail,
La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter et pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 47 et 71.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’amendement n° 6 est purement rédactionnel.
L’adoption des deux amendements identiques réduirait grandement la portée de l’article 2, qui a pour objet de contraindre certaines branches où l’on applique des périodes d’essai particulièrement courtes à renégocier celles-ci.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 47 et 71, et un avis favorable sur l’amendement n° 6.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 71.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l’article 2.
M. Jean-Luc Mélenchon. Chacun aura bien compris les raisons de notre extrême vigilance concernant la question de la période d’essai. Je les rappelle pour le cas où elles auraient échappé à certains de nos collègues.
La période d’essai est une période pendant laquelle sont mis entre parenthèses la quasi-totalité des droits du travailleur. L’employeur peut décider d’interrompre l’essai sans que le salarié bénéficie d’aucune contrepartie ; il n’est pas obligé de fournir une justification ni tenu de verser une quelconque indemnisation.
Il s’agit donc d’un moment juridique extrêmement sensible qu’il convient d’examiner avec beaucoup de soin, puisque la dépendance du salarié est alors totale.
L’idée d’une période d’essai est en elle-même justifiée, comme l’ont expliqué tout à l’heure plusieurs de nos collègues. Il est parfaitement admissible que l’employeur veuille vérifier l’adaptation au poste de travail du candidat à l’embauche, dont la qualification est au demeurant incontestable du fait des indications fournies sur son CV, qu’il s’agisse des diplômes qu’il a obtenus ou de l’expérience qu’il a acquise en occupant un poste de travail comparable dans une autre entreprise.
La notion de période d’essai n’est donc pas le sujet de notre discussion ; ce qui nous préoccupe depuis le début, c’est la durée de cette période.
Or, sur ce point, les constatations que nous avons faites jusqu’à présent nous inquiètent. Nous sommes partis de l’idée – nombre de nos collègues la partagent certainement ! – que cette période d’essai sert uniquement à vérifier l’aptitude du salarié au poste de travail occupé et qu’elle n’a aucune visée économique. C’est totalement différent !
Or nous nous sommes aperçus que la période d’essai était utilisée comme un substitut au contrat à durée déterminée, système intermédiaire qui se justifie lorsque le travail à accomplir n’est pas toujours le même et que la production exigée varie. Les objectifs économiques peuvent être atteints par le biais du CDD, mais pas par celui de la période d’essai.
Les propositions figurant dans le présent article entérinent ce glissement, conformément à la note de problématique qui a été transmise au début du mois de septembre 2007 aux syndicats par le MEDEF, la CGPME et l’UPA. Les organisations patronales justifiaient la création d’une « période d’essai cohérente et suffisamment longue » non pas pour améliorer les conditions de vérification de l’aptitude du salarié au poste de travail, mais pour réduire le recours au CDD à l’embauche. Il y a bien un changement de nature du contenu de la période d’essai. C’est ce que décrit la note du patronat.
C’est pourquoi, depuis le début de cette discussion sur l’article 2 du projet de loi, nous avons fait deux tentatives.
La première visait, par le biais des amendements que Christiane Demontès a défendus tout à l’heure, à vérifier la sincérité de cette période d’essai, en prévoyant que celle-ci soit précisée individuellement pour chaque travailleur.
La seconde tentative avait pour objet, dans le même souci de clarification, de déduire de cette période d’essai la durée du stage de fin d’études, qui est censé permettre de s’assurer de l’aptitude au poste concerné.
L’examen de ces amendements était pour nous l’occasion d’ouvrir ce débat et de procéder à la vérification du sens de la période d’essai.
Nous avons donc écouté avec attention tous les arguments qui ont été avancés. Or, comme l’ont fait valoir MM. Muller et Fischer, une disposition figurant à l’article 2 ne se trouvait pas dans l’accord national interprofessionnel : il s’agit de l’allongement généralisé de la période d’essai, que personne ne réclamait.
M. le rapporteur nous a alors dit que cet ajout avait été prévu pour « contraindre » les branches ayant recours à des périodes d’essai « particulièrement courtes » – dans son esprit, cela semble être une chose odieuse ! – à reconsidérer leur point de vue. Il s’agit de les obliger à allonger la période d’essai, et donc à en modifier complètement le contenu.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas nécessairement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans ces cas, les professionnels, ceux qui sont en état de vérifier l’aptitude du salarié au poste de travail visé, estiment que la formule de la période d’essai adaptée à chaque salarié en fonction des caractéristiques dudit poste est satisfaisante. Or on leur dit que, dorénavant, ce système ne fonctionne plus et qu’il leur faudra mettre en place une flexibilité nouvelle à la place de l’ancienne sécurité. La flexibilité au lieu de la sécurité, ce n’est plus la « flexisécurité » !
Tout cela permet de comprendre pourquoi, depuis le début de ce débat, personne n’a répondu à la question que nous avons posée sur l’utilité de l’allongement de la période d’essai, tant du point de vue de la constatation de la qualification du salarié qu’au regard de l’intérêt économique.
À nos yeux, la seule justification de ces mesures réside dans le fait qu’elles permettent aux employeurs de disposer à leur guise des travailleurs. En réalité, le rapport de subordination qui est inhérent au contrat de travail est encore accentué. Autrefois, le code du travail et l’ordre public social garantissaient à la partie la plus faible un rééquilibrage du rapport qui la liait à la partie la plus forte. Avec le présent texte, il n’en est plus du tout ainsi ! Nous ne nous situons plus dans le cadre où la loi affranchit le faible dans ses relations avec le fort ; désormais, c’est la liberté qui opprime !
Mme Annie David. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Dans le premier alinéa de l'article L. 1226-1 du code du travail, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « une année ».
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Avant le dernier alinéa de l'article L. 1226-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'appréciation de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités prévues au présent article, toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise ou dans différentes entreprises appartenant au même groupe dans le cadre d'un contrat de travail, sont prises en compte. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. L’article 3 du projet de loi constitue, du point de vue de la codification, une avancée sensible pour les branches où l’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités de l’assurance maladie était de trois ans.
Cet amendement vise à transposer l’alinéa 2 de l’article 5 de l’accord national interprofessionnel relatif à l’accès aux droits, dont je vais donner lecture :
« Toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d’un contrat de travail sont prises en compte pour l’appréciation de l’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités conventionnelles de maladie prévues par les accords de mensualisation. »
Mes chers collègues, si les partenaires sociaux ont pris le soin de souligner qu’il s’agissait de « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise », c’est que cette précision a son importance. Peuvent en effet être concernés un CDI, un CDD, plusieurs CDD ou toute autre forme de contrat de travail. Or la rédaction du projet de loi est à cet égard assez imprécise.
C’est la raison pour laquelle cet amendement très technique tend à compléter l’article 3, afin de reprendre la formulation de l’accord national interprofessionnel visant à prendre en compte « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d’un contrat de travail ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Contrairement à ce qu’affirment les auteurs de cet amendement, l’alinéa 2 de l’article 5 de l’ANI ne prévoit pas de prendre en compte, pour calculer l’ancienneté du salarié, toutes les périodes de travail effectuées dans un même groupe. Le droit du travail prévoit de retenir uniquement l’activité accomplie dans une même entreprise, même si certains groupes prennent de leur propre chef en considération l’ancienneté du salarié dans l’ensemble de leurs entités.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Le titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1232-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1232-1. - Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.
« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;
2° L'article L. 1233-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-2. - Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.
« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;
3° L'article L. 1234-9 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « une année » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « calcul », sont insérés les mots : « de cette indemnité » ;
4° L'article L. 1234-20 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1234-20. - Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.
« Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé de manière écrite et motivée dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Depuis des années, le patronat exige que les règles relatives au licenciement soient considérablement assouplies, afin que leur usage soit simplifié du point de vue administratif et rendu moins coûteux, quitte à limiter les possibilités d’exercer un recours en justice pour les salariés.
Tel est d’ailleurs le sens de l’un des amendements déposés par M. le rapporteur, qui aurait pour effet, s’il était adopté, de faire du conseil de prud’hommes le premier et le dernier recours du salarié. En l’espèce, cela ne figure pas dans l’accord national interprofessionnel !
Cet article 4 offre l’exemple parfait de ce que j’ai dénoncé au cours de la discussion générale en mettant en exergue des dispositions en apparence généreuses pour les salariés, mais dans les faits inutiles, insatisfaisantes ou, comme pour le reçu pour solde de tout compte, contraires à leurs intérêts.
De plus, et cela ne vous étonnera pas, chers collègues, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont hostiles au changement de vocable opéré au travers du présent projet de loi, dont la rédaction recourt à la notion de « justification » de préférence à celle de « motivation » du licenciement.
Il a été impossible de supprimer la référence explicite à la « cause réelle et sérieuse », bien que ce soit le souhait du patronat. Les exemples du contrat première embauche et du contrat nouvelles embauches nous ont appris que vous étiez prêts à satisfaire cette exigence, mais les syndicats s’y étaient alors fortement opposés ! Il ne reste donc qu’à supprimer l’obligation de motivation du licenciement, pour la remplacer par celle de justification.
Outre que la justification ne fait l’objet d’aucune reconnaissance juridique par la jurisprudence ou par la loi, qui ignore ce concept en droit du travail, cela fait craindre une limitation du champ de la mission de contrôle du juge prud’homal, qui sera invité non plus à contrôler la motivation du licenciement, c’est-à-dire son fondement, mais à vérifier que la justification a été effectivement opérée auprès des salariés. Le risque est donc grand de passer progressivement d’un contrôle de fond à un contrôle d’opportunité, ce que nous ne pouvons que dénoncer. C’est pourquoi il nous semble plus opportun de recourir à la notion de « motivation ».
De la même manière, nous sommes opposés au caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte.
Tout d’abord, la rédaction que vous proposez représente, pour les salariés, un recul considérable les ramenant des années, pour ne pas dire des décennies, en arrière. Vous ne reprenez pas les précisions et clarifications exigées par la jurisprudence antérieure à l’année 2002, qui sont pourtant importantes, et vous n’en prévoyez pas de plus protectrices. Pourquoi ne pas exiger que soit précisé le fondement des sommes dues ? Pourquoi ne pas mentionner sur le reçu pour solde de tout compte les délais pour agir ? Pourquoi les avoir limités à une durée si courte ? Enfin, pourquoi ne pas avoir interdit la signature du reçu pour solde de tout compte durant la période d’existence contractuelle, c’est-à-dire tant que persiste le lien de subordination ?
En outre, nous sommes également opposés à cette disposition parce que le délai de six mois prévu nous paraît très largement insuffisant et semble s’inscrire dans une démarche identique à celle qui a inspiré le dépôt de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, à savoir la diminution du délai d’action.
Enfin, je voudrais revenir sur la création étonnante d’une indemnité de rupture interprofessionnelle unique. Celle-ci était prévue à l’article 11 de l’ANI, et vous n’avez naturellement pas oublié de la retranscrire dans le projet de loi. Cela aura pour effet d’entraîner, outre la réduction des périodes d’ancienneté, qui peut apparaître positive, la suppression de la majoration prévue pour les salariés licenciés après plus de dix ans d’ancienneté, particulièrement quand il s’agit de salariés licenciés pour motif économique, qui vont perdre le bénéfice de la majoration de deux quinzièmes de mois supplémentaires par année d’ancienneté.
À ce propos, M. le ministre m’a répondu tout à l’heure, à la suite de la discussion générale, que les présidents des groupes avaient reçu le projet de décret, qui devrait me rassurer sur le point que cette anomalie ne durerait que le temps du débat. Or mon groupe n’a absolument rien reçu, si ce n’est un courrier concernant trois autres décrets en date du 17 avril dernier, donc bien antérieur à votre audition par la commission et à ma demande relative audit décret, et dans lequel vous précisez que le quatrième projet de décret portant sur le montant des indemnités de licenciement fait l’objet de discussions avec les signataires. Je n’ai donc pu obtenir la confirmation que ce décret réglera l’anomalie et ne l’aura laissée vivre que le temps du débat.
Certes, cette nouvelle mesure que vous prenez fera bénéficier le salarié qui n’a qu’une année d’ancienneté de la somme de 400 euros, alors qu’aujourd’hui il ne perçoit rien. Toutefois, ce sera au détriment des autres catégories de salariés licenciés. Votre politique consiste, en la matière, à remédier à une injustice par une autre injustice, puisque vous amputez considérablement les indemnités des salariés licenciés justifiant de plus de dix ans d’ancienneté.
Cela est intolérable et témoigne une nouvelle fois de votre politique comptable, selon laquelle toute mesure un tant soit peu sociale doit impérativement être compensée par la réduction d’autres acquis sociaux. Je pense ici aux franchises médicales ou à la tentative, plus récente encore, de suppression de la carte « famille nombreuse » ! Nous nous sommes d’ailleurs entretenus tout à l’heure avec Martin Hirsch du revenu de solidarité active, qui se substituera pour une part à la prime pour l’emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l’article.
M. Jean-Luc Mélenchon. La discussion de cet article va mettre en lumière quelques-uns des aspects du dispositif qui gagneraient à être précisés ou qui appellent une meilleure compréhension, car ils soulèvent certaines inquiétudes.
À ce stade du débat, je souhaite attirer l’attention sur les conséquences de la modification du mode de calcul des indemnités de licenciement pour certains salariés. Si je me concentre sur cette disposition, c’est parce qu’on la présente comme substantiellement avantageuse pour les salariés. Ce serait là, enfin, la fameuse contrepartie de l’accord ! Or telle n’est pas mon analyse.
En effet, cet article et son corollaire réglementaire auront des effets tout à fait inégalitaires selon les catégories de salariés considérées. Je vais m’efforcer de le montrer en prenant des exemples concrets.
L’abaissement de deux ans à un an de l’ancienneté requise pour accéder aux indemnités, qui est présenté comme la grande avancée du texte, ne mettra en jeu que des montants somme toute assez modestes : un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, c’est-à-dire 200 euros pour un travailleur ou une travailleuse payé au SMIC et licencié après une année de présence.
On me dira que c’est toujours ça, mais il faut mettre cette somme en balance avec ce qui va être perdu par le salarié licencié avec trente ans d’ancienneté. Si ce salarié gagnait 2 000 euros par mois, ce qui n’est tout de même pas mirobolant, son indemnité de licenciement passera de 17 300 euros à l’heure actuelle à 12 000 euros…
Mme Raymonde Le Texier. C’est super !
M. Jean-Luc Mélenchon. Autrement dit, la disposition visée permettra au salarié payé au SMIC et licencié après un an de présence de gagner 200 euros mais fera perdre 5 300 euros à celui qui est licencié au bout de trente ans avec un salaire mensuel de 2 000 euros.
Mme Annie David. C’est un texte équilibré !
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà comment la baisse des indemnités des uns va financer l’augmentation de celles des autres !
M. Guy Fischer. C’est comme pour le RSA !
M. Jean-Luc Mélenchon. On aurait pourtant pu répartir les 5 300 euros d’une manière égalitaire pour que cela n’aboutisse pas, en bout de chaîne, à un « gain » de 200 euros. Voilà de quoi il s’agit en fait de grande avancée !
Sous couvert d’égalisation des indemnités de licenciement, l’accord va donc permettre de réduire le coût des licenciements économiques.
L’homogénéisation du montant des indemnités à hauteur d’un cinquième de mois de salaire par année de présence dans l’entreprise prévue à l’article 11 de l’accord national interprofessionnel, qui sera étendue par décret, ne profitera de toute façon qu’à une partie des salariés. Un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, c’est déjà le montant minimal auquel ont droit les salariés licenciés pour motif économique. Cela ne sera donc pas une avancée, sauf pour les personnes licenciées pour motif personnel. Cependant, il convient d’observer que l’on a renoncé, au travers de l’accord, au principe de la majoration des indemnités en cas de licenciement économique affirmé par la loi de modernisation sociale.
Par conséquent, deux parties, certes respectables, mais qui ne sont jamais que deux parties, ont décidé de revenir en deçà de la loi. Voilà ce que nous sommes en train de faire ! Au début de notre discussion, nous avions souligné que le contrat prenait une place croissante par rapport à la loi, mais nous en arrivons maintenant au point où non seulement il se substitue à elle, mais il en réduit la portée. Une telle démarche procède à l’évidence d’une autre logique et d’un autre rapport de force que ceux qui conviennent dans une enceinte parlementaire. Il s’agit là d’un rapport de force social, celui-là même qui a été désigné tout à l’heure comme un archaïsme sous le nom de « lutte de classes ».
Il est pourtant logique que le salarié licencié pour un motif économique soit plus fortement indemnisé que celui qui est licencié pour un motif personnel. Cette plus forte indemnisation avait aussi un effet dissuasif : elle permettait d’éviter le recours abusif aux licenciements économiques.
Je n’en dirai pas davantage pour l’heure, mais il me semble que tout cela suffit à nourrir de très sérieuses inquiétudes.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 1233-2 du code du travail, remplacer le mot :
justifié
par le mot :
motivé
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de remplacer le mot « justifié » par le terme « motivé », plus juridique.
Nous nous interrogeons en effet sur la pertinence même du changement de terminologie institué par le projet de loi.
Si cette évolution du vocabulaire n’apporte aucune modification de fond – nous sommes prêts à le croire –, est-elle alors nécessaire ?
En revanche, si la nature même du licenciement se trouve modifiée, l’une des exigences jurisprudentielles quant à sa validité se voyant de fait réduite, nous ne pouvons que nous opposer à ce changement de terminologie.
S’il devait en être ainsi, la France encourrait d’ailleurs une sanction de la part de l’Organisation internationale du travail, puisque notre pays est signataire de la fameuse convention 158 de l’OIT, qui a déjà amené le retrait du CNE.
Or, nous le savons tous, la motivation d’un licenciement suppose nécessairement que le motif de cette rupture contractuelle sur l’initiative de l’employeur repose sur un fait réel justifiant que l’employeur mette fin à la relation contractuelle qui l’unit à son employé.
En supprimant la notion de motivation, on affecte nécessairement celle de motif. Nous en déduisons que le Gouvernement, tentant de répondre, une fois encore, à l’une des exigences du MEDEF, est moins soucieux d’influer sur la procédure de licenciement ou sur ses preuves que de jouer sur la notion même de motif. S’il suffit de justifier un licenciement, il est aisé de comprendre que l’employeur n’aura plus à le motiver, c’est-à-dire, en somme, à le fonder.
On en revient encore et toujours à l’institution d’un licenciement sans motif, qui relève de la pensée structurante du MEDEF, sous-tendant son projet de généralisation de la précarité et d’assouplissement sans limites du code du travail. Le terme de flexisécurité prend alors tout son sens : plus de flexibilité et de sécurité pour l’employeur lorsqu’il se sépare d’un salarié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’article 4 introduit une distinction entre la motivation du licenciement, qui renvoie à une question de procédure, et sa justification, qui renvoie aux raisons de fond ayant conduit l’employeur à décider le licenciement.
En visant à gommer cette nuance, l’amendement nuit à la clarté du texte. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’adoption de l’amendement aboutirait à un recul dans la protection du salarié, car la justification correspond à une exigence de fond, alors que la motivation relève d’une exigence de forme. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme Annie David. Vous savez que ce n’est pas vrai !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. À cet instant du débat, je voudrais indiquer à M. Mélenchon que je me suis exprimé à l’Assemblée nationale sur la question qu’il a évoquée.
À propos du contenu du décret qui sera prochainement publié et dont j’ai transmis le projet aux groupes politiques du Sénat, j’ai pris l’engagement qu’aucun salarié, quels que soient son statut, son ancienneté ou la nature de son licenciement, ne verra les indemnités auxquelles il a droit diminuer.
Un risque existait initialement parce que, pour tout vous dire, les partenaires sociaux ne s’étaient pas encore mis d’accord. Ce sujet ne faisait pas l’unanimité entre eux, or il n’est pas concevable que, aux termes d’un tel accord, des salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté licenciés pour des motifs économiques voient le montant de leur indemnisation régresser.
Les partenaires sociaux s’étant réunis depuis pour débattre de ce point, je peux vous apporter la garantie que j’évoquais. Il est vrai que, d’une certaine façon, j’ai exercé une pression à l’Assemblée nationale – je ne suis pas certain que l’on me le reprochera –, en déclarant que jamais je ne publierais un décret prévoyant un tel recul des droits des salariés. Je tenais à vous le dire.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le b du 3° de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. M. le ministre vient d’apporter une réponse partielle aux inquiétudes que M. Mélenchon et moi-même avions exprimées à propos de la nouvelle méthode de calcul des indemnités de licenciement, qui risquait d’être défavorable aux salariés justifiant d’une grande ancienneté. Il a indiqué que le projet de décret nous avait été transmis, mais, pour ma part, je n’ai pas encore pu en prendre connaissance. Je suis prête à faire une nouvelle fois confiance au Gouvernement, mais cela commence à faire beaucoup !
Pour autant, je veux bien croire que les dispositions de ce décret ne défavoriseront aucun salarié. Il n’en demeure pas moins que le paragraphe b du 3° de l’article 4 tend à supprimer la différence entre licenciement économique et licenciement pour motif personnel, même si, une fois n’est pas coutume, cette évolution profite aux salariés, puisque le montant de l’indemnité de licenciement dans le second cas sera aligné sur celui de l’indemnité de licenciement pour motif économique, ce qui se traduira par son doublement.
Nous ne pouvons bien entendu pas être défavorables à une telle disposition, d’autant qu’elle a reçu l’aval des partenaires sociaux. Toutefois, sur le fond, on supprime toute différence, au regard de l’indemnisation, entre licenciement pour motif personnel et licenciement économique, alors que dans ce dernier cas aucune responsabilité n’est imputable au salarié. Il ne me semble pas juste d’abolir ainsi une distinction qui avait été acquise de haute lutte.
Peut-être cela fait-il trop longtemps que je n’ai pas participé à des réunions syndicales, mais il faudra que je me tourne vers les organisations représentatives des salariés afin de les interroger sur leur absence de réaction à une telle évolution… Il me semble tout de même important de maintenir la différence entre licenciement économique et licenciement pour motif personnel. Certes, la suppression de cette différence se fait à l’avantage des salariés, mais, sur le fond, cela pose problème.
Cela dit, monsieur le ministre, puisque vous nous avez donné la garantie qu’aucune catégorie de salariés ne serait perdante en termes d’indemnités de licenciement, je suis tentée de retirer l’amendement, quitte à revoir ma position d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire si le texte du projet de décret ne correspond pas à votre annonce !
M. le président. L’amendement n° 88 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 73 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 4° de cet article.
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 50.
M. Jacques Muller. Les douzième à quatorzième alinéas de l’article 4 prévoient que le reçu pour solde de tout compte devient libératoire au bout de six mois. Après ce délai, un salarié ne peut plus en contester la validité, même s’il s’aperçoit qu’il n’a pas obtenu l’intégralité du paiement de ses congés payés ou des indemnités auxquelles il avait droit.
Un salarié licencié pour raison économique bénéficie pendant un an, rappelons-le, d’une priorité de réembauche dans son ancienne entreprise. Dans une zone où le chômage est important, le mince espoir de retrouver son ancien poste peut le conduire à s’abstenir de déposer un recours. Dans ces conditions, pourquoi vouloir réduire à six mois, si tant est qu’une modification était nécessaire, un délai qui est aujourd’hui de cinq ans ?
Une telle disposition va à l’encontre des intérêts des salariés, qui sont nombreux à ne pas connaître leurs droits, notamment dans les petites entreprises. Dans les grandes entreprises, les syndicats sont là pour les leur rappeler. Le temps de réaliser qu’ils n’ont pas obtenu tout ce à quoi ils avaient droit, les six mois seront écoulés.
Je n’aurais pas déposé cet amendement si l’échéance pour que le reçu pour solde de tout compte devienne libératoire avait été fixée à un terme plus éloigné. Le délai prévu me paraissant trop court, je souhaite la suppression des alinéas visés.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 73.
M. Guy Fischer. Sans revenir trop longuement sur les propos qu’a tenus ma collègue Annie David, je tiens à défendre cet amendement dont l’objet est de supprimer l’instauration d’un reçu pour solde de tout compte prévue par le présent projet de loi.
À n’en pas douter, il s’agit une nouvelle fois d’une disposition « cousue main » destinée à satisfaire le MEDEF, qui ne cesse de dénoncer un droit français trop corseté.
En termes d’accueil d’entreprises, la France se place pourtant au deuxième rang, après l’Écosse. De très nombreuses entreprises étrangères, notamment américaines, choisissent donc de s’implanter chez nous, dans un pays où, à en croire les déclinologues, les salariés ne travaillent pas, passent leur temps en congé, à cause des 35 heures et des jours fériés du mois de mai…
M. Guy Fischer. Non, ce n’est pas moi, c’est vous, monsieur le ministre !
Seulement, comme vous le savez fort bien et comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler, le taux de productivité des travailleurs français est parmi les meilleurs au monde. C’est le savoir-faire de nos salariés qui explique l’implantation de nombreuses entreprises et l’apport d’investissements étrangers.
La France est pourtant un pays où le fisc prend tout et où il est impossible de se séparer d’un salarié. Si les investisseurs viennent si nombreux chez nous, c’est donc sans doute pour notre gastronomie – surtout à Lyon ! (Sourires.)
Cela étant, d’après les études réalisées par la direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques, la DREES, 39,7 % des procédures engagées devant les prud’hommes se concluent par une décision favorable au salarié et 37,1 % par une décision favorable à l’employeur, le reste relevant de la conciliation. On est donc loin, très loin de l’image d’Épinal qui voudrait que les salariés l’emportent toujours aux prud’hommes.
La mesure qui nous est ici proposée n’a d’autre objet que de limiter les possibilités de recours des salariés devant la juridiction compétente : le reçu pour solde de tout compte aura pour effet de les éteindre dans un délai record de six mois, alors que le salarié licencié dispose de trente ans – ce délai sera bientôt ramené à cinq ans – pour faire valoir ses droits s’il s’estime victime d’une discrimination.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne pouvons accepter cette mesure très déséquilibrée de plus. Nous vous invitons à adopter notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l’article L. 1234-20 du code du travail, supprimer les mots :
de manière écrite et motivée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur une modification qui avait été introduite par l’Assemblée nationale et que la commission a jugée peu judicieuse.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. En premier lieu, l’exigence d’un écrit est déjà posée dans la partie réglementaire du code.
En second lieu, prévoir une obligation de motivation ouvre la voie à d’innombrables contentieux et à une grande incertitude juridique.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je constate que, d’emblée, le Gouvernement approuve notre proposition !
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l’article L. 1234-20 du code du travail, remplacer les mots :
six mois
par les mots :
cinq ans
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Nous sommes attentifs à ne pas introduire d’éléments de déséquilibre dans un accord qui a manifestement été pesé au trébuchet.
Toutefois, s’agissant des dispositions de cet accord qui sont retranscrites dans le projet de loi, nous relevons que le reçu pour solde de tout compte aurait un effet libératoire à l’issue d’un délai de six mois. L’instauration d’un tel délai est en contradiction avec la prescription quinquennale qui s’applique en matière salariale. Or, il est bien évident que le reçu porte sur le salaire et ses accessoires : il nous semble qu’il y a là une incohérence qu’il nous appartient de corriger.
De plus, dans de nombreuses entreprises, notamment les plus petites, les salariés connaissent peu ou mal leurs droits et ne peuvent réagir dans un délai aussi court.
Nous estimons donc nécessaire de maintenir le délai de cinq ans qui prévalait avant 2002.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 50 et 73, ainsi que sur l’amendement n° 31 ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Les amendements identiques nos 50 et 73 visent à supprimer la disposition tendant au rétablissement du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte. Or la commission a approuvé cette mesure, qui va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique. Elle ne peut donc qu’être opposée à ces deux amendements.
Je rappelle que l’accord précisait effectivement le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte. Nous avons donc toutes raisons d’émettre un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Quant à l’amendement n° 31, nous pensons que six mois représentent déjà un délai important, dont l’allongement créerait une insécurité juridique qui n’est pas souhaitable. Au demeurant, les parties à l’accord n’ont pas désiré aller au-delà. Nous sommes donc également défavorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est lui aussi défavorable aux trois amendements nos 50, 73 et 31.
En revanche, il émet un avis favorable sur l’amendement n° 7 de la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 73.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Transmission d’un projet de loi
M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 309, distribué et renvoyé à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
Dépôt de propositions de loi
M. le président. J’ai reçu de M. Jean-François Humbert une proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif et modifiant le code du sport.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 310, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de MM. Gérard César, Alain Dufaut, Raymond Couderc, Jean-Paul Emorine, Charles Guené, Mme Élisabeth Lamure, MM. Michel Doublet, Jacques Valade, Mme Catherine Procaccia, M. Alain Milon, Mme Catherine Troendle, MM. Gérard Bailly, Roger Besse, Paul Blanc, Jean-Pierre Cantegrit, Jean Pierre Chauveau, Philippe Leroy, Joël Billard, Jean-Patrick Courtois, Mme Bernadette Dupont, MM. Louis Duvernois, Michel Esneu, Bernard Fournier, Francis Grignon, Michel Houel, Dominique Leclerc, Gérard Longuet, Henri Revol, Yves Rispat, Yannick Texier, François Trucy, François-Noël Buffet, Bernard Barraux, Michel Bécot, Dominique Braye, Hubert Haenel, René Beaumont, Alain Gournac, Benoît Huré, Louis Pinton, Rémy Pointereau, Louis Souvet, Louis Grillot, Gérard Dériot, René Garrec, Marc Laménie, Jean Bizet, Jean-Paul Émin, Mme Janine Rozier, MM. Bernard Saugey, Louis de Broissia, Mme Christiane Hummel, MM. Charles Revet, Jacques Blanc, Mme Françoise Henneron, M. Jean-Paul Alduy, Mme Christiane Kammermann, MM. Yann Gaillard, Alain Gérard, Pierre Bordier, André Lardeux, Mmes Colette Mélot, Esther Sittler, M. Laurent Béteille, Mme Jacqueline Panis et M. Jean-Pierre Vial une proposition de loi relative à la publicité en faveur du vin et autres boissons alcoolisées.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 311, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de MM. Roland Courteau et Claude Saunier une proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre l’obésité.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 311, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
– Proposition de décision du Conseil définissant la position à adopter, au nom de la Communauté, à l’égard d’une proposition visant à modifier l’annexe III de la convention de Rotterdam.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3852 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
– Proposition de décision du Conseil modifiant, aux fins de l’actualisation de son annexe, la décision 2004/162/CE relative au régime de l’octroi de mer.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3853 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
– Proposition de décision du Conseil sur l’éligibilité des pays d’Asie centrale au titre de la décision 2006/1016/CE du Conseil accordant une garantie communautaire à la Banque européenne d’investissement en cas de pertes résultant de prêts et de garanties de prêts en faveur de projets en dehors de la Communauté.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3854 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
– Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 866/2004 concernant un régime en application de l’article 2 du protocole n° 10 de l’acte d’adhésion relatif aux règles applicables aux marchandises, services et personnes franchissant la ligne verte sur l’île de Chypre.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3855 et distribué.
9
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 29 avril 2008
Transmission d’un projet de loi organique
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives du Conseil constitutionnel.
(Dépôt enregistré à la présidence le 30 avril 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 29 avril 2008)
Ce projet de loi organique sera imprimé sous le n° 304, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Transmission d’un projet de loi
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives.
(Dépôt enregistré à la présidence le 30 avril 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 29 avril 2008)
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 305, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Pierre Bernard-Reymond un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant modernisation du marché du travail (n° 302, 2007-2008).
(Dépôt enregistré à la présidence le 30 avril 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 29 avril 2008)
Ce rapport sera imprimé sous le n° 306 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Ladislas Poniatowski un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse (n° 269, 2007-2008).
(Dépôt enregistré à la présidence le 30 avril 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 29 avril 2008)
Ce rapport sera imprimé sous le n° 307 et distribué.
Dépôt d’un rapport d’information
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Marini un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l’épargne retraite.
(Dépôt enregistré à la présidence le 30 avril 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 29 avril 2008)
Ce rapport d’information sera imprimé sous le n° 308 et distribué.
10
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 7 mai 2008, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 302, 2007-2008), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant modernisation du marché du travail.
Rapport (n° 306, 2007-2008) de M. Pierre Bernard-Reymond, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 7 mai 2008, à zéro heure quarante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD