Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
3. Demande d’examen de projets de loi selon la procédure simplifiée
4. Modification de l'ordre du jour
5. Modernisation du marché du travail. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d’urgence.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Amendements identiques nos 51 de M. Jacques Muller et 74 de Mme Annie David. – M. Jacques Muller, Mme Annie David, MM. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; Mme Catherine Procaccia, MM. Dominique Leclerc, Guy Fischer, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Pierre Fourcade. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 8 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 75 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mmes Raymonde Le Texier, Annie David, MM. Jean-Luc Mélenchon, Jean-Pierre Fourcade. – Rejet.
Amendements nos 9 rectifié de la commission et 32 de Mme Christiane Demontès. – M. le rapporteur, Mme Christiane Demontès, MM. le ministre, Jean-Luc Mélenchon. – Adoption de l’amendement no 9 rectifié, l’amendement no 32 devenant sans objet.
Amendements identiques nos 18 de M. Renée Beaumont et 19 rectifié de M. Laurent Béteille ; amendement n° 16 de M. François Zocchetto. – MM. René Beaumont, Laurent Béteille, Nicolas About, le rapporteur, le ministre. – Retrait des trois amendements.
Amendements nos 76 de Mme Annie David, 33 de Mme Christiane Demontès et 10 de la commission. – Mmes Annie David, Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait des amendements nos 76 et 33 ; adoption de l’amendement no 10.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Christiane Demontès. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. – Adoption.
Amendement n° 11 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, Mmes Annie David, Christiane Demontès. – Adoption.
Amendement n° 53 rectifié de M. Louis Souvet. – MM. Louis Souvet, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 77 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Catherine Procaccia. – Rejet.
Amendement n° 35 de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 36 de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 40 rectifié bis de M. Laurent Béteille et 54 rectifié bis de M. François Zocchetto. – MM. Laurent Béteille, Nicolas About, le rapporteur, le ministre. – Adoption des deux amendements.
Amendement n° 78 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Mme Annie David, M. Jean-Luc Mélenchon.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 79 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 22 de M. Serge Dassault. – MM. Serge Dassault, le rapporteur, le ministre, Mme Christiane Demontès. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Serge Dassault. – MM. Serge Dassault, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Retrait.
Amendements nos 81 de Mme Annie David et 37 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Annie David, Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 82 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 80 de Mme Annie David. – MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 83 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendements nos 84 de Mme Annie David et 12 (priorité) de la commission. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Demande de priorité et adoption de l’amendement no 12, l’amendement no 84 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 38 de Mme Christiane Demontès. – Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 85 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Annie David, M. Jean-Luc Mélenchon.
Amendements nos 86, 87 de Mme Annie David, 13 à 15 de la commission, 17 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe et 55 rectifié de M. Louis Souvet. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, Nicolas About, Mme Catherine Procaccia, M. le ministre. – Retrait des amendements nos 17 et 15 ; rejet des amendements nos 86 et 87 ; adoption des amendements nos 13, 14 et 55 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Annie David.
Amendements nos 23 et 24 de M. Serge Dassault. – M. Serge Dassault. – Retrait des deux amendements.
M. le ministre.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 10
Amendement n° 20 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur, Jean-Pierre Godefroy. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mmes Annie David, Raymonde Le Texier, M. Jacques Muller, Mme Catherine Procaccia, M. le président de la commission.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
M. le ministre.
6. Transmission d’un projet de loi
7. Dépôt de propositions de loi
8. Transmission d'une proposition de loi
9. Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution
11. Ordre du jour
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 68 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, le rapport évaluant l’utilisation et l’impact économique et social des dispositions permettant à des contribuables de réduire leur impôt sur le revenu sans limitation de montant, dit rapport sur les « niches fiscales ».
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Ce document sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.
3
Demande d’examen de projets de loi selon la procédure simplifiée
M. le président. Mes chers collègues, lors de sa réunion de ce jour, la commission des affaires étrangères a souhaité étendre la procédure simplifiée à trois conventions inscrites à l’ordre du jour de notre séance du jeudi 15 mai au matin :
- projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française au profit de la Principauté de Monaco à l’occasion d’événements particuliers (n° 279) ;
- projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie relatif à la coopération en matière d’application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux terres australes et antarctiques françaises, à l’île Heard et aux îles Mcdonald (n° 206) ;
- projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (n° 277).
En conséquence, sur les huit conventions inscrites ce matin-là, seul le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes sera examiné selon la procédure habituelle, sauf si un groupe politique demandait le retour à cette procédure pour l’une des sept autres conventions au plus tard le mardi 13 mai, à dix-sept heures.
4
Modification de l'ordre du jour
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 242 de M. Gérard Bailly est inscrite à l’ordre du jour de la séance du mardi 20 mai 2008.
Acte est donné de cette communication.
5
Modernisation du marché du travail
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d’urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant modernisation du marché du travail (nos 302, 306).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 5.
Article 5
I. - Dans l'article L. 1231-1 du code du travail, après les mots : « ou du salarié », sont insérés les mots : « ou d'un commun accord ».
I bis. - Dans l'article L. 1233-3 du même code, après les mots : « du contrat de travail, », sont insérés les mots : « à l'initiative de l'employeur et ».
II. - Après la section 2 du chapitre VII du titre III du livre II de la première partie du même code, il est inséré une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Rupture conventionnelle
« Art. L. 1237-11. - L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
« La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
« Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
« Les salariés dont la rupture du contrat de travail résulte d'une rupture conventionnelle visée à la présente section bénéficient du versement des allocations d'assurance chômage dans des conditions de droit commun dès lors que la rupture conventionnelle a été homologuée par l'autorité administrative compétente.
« Art. L. 1237-12. - Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
« 1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
« 2° Soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.
« Lors du ou des entretiens, l'employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l'employeur auparavant ; si l'employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
« Art. L. 1237-13. - La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9.
« Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.
« À compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.
« Art. L. 1237-14. - À l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.
« L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours calendaires, à compter de la réception de la demande, pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. À défaut de notification dans ce délai, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie.
« La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
« L'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif.
« Art. L. 1237-15. - Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation.
« Art. L. 1237-16. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux ruptures de contrats de travail résultant :
« 1° Des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions définies par l'article L. 2242-15 ;
« 2° Des plans de sauvegarde de l'emploi dans les conditions définies par l'article L. 1233-61. »
III. - Le 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° La fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas :
« a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ;
« b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; ».
IV. - Dans le douzième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et dans le troisième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural, les mots : « de départ volontaire » sont remplacés par les mots : « versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au sens de l'article L. 1237-13 du code du travail, et les indemnités de départ volontaire ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. L’article 5 est certainement l’un des plus emblématiques du texte que nous examinons.
Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles l’accord a été conclu avec les partenaires sociaux, car je suis déjà intervenu sur cette question au début de notre discussion. Pour l’heure, je ne veux me soucier que du fond : la rupture conventionnelle du contrat de travail.
Vous le savez, le mouvement socialiste s’est opposé pendant la campagne électorale et à de nombreuses reprises depuis au contrat unique, qui devait englober en son sein toutes les autres formes de contrat de travail, et à l’idée que la rupture du contrat de travail pourrait dorénavant être négociée de gré à gré.
Le texte proclame que le CDI est la forme normale du contrat de travail. Or, nous l’avons déjà souligné, cette formule est si incomplète qu’elle s’apparente à une pure pétition de principe sans contenu normatif particulier, d’autant que le même projet de loi prévoit de nouvelles formes de contrat de travail qui sont tellement dérogatoires par rapport au CDI que l’on a affaire plutôt à une généralisation du contrat atypique qu’à une généralisation du CDI.
Mais, avec la rupture par consentement mutuel, on aborde la mesure la plus choquante du projet de loi, non seulement au regard de la longue histoire du mouvement ouvrier, mais aussi par rapport à ce que représente le contrat de travail. Le dispositif présuppose en effet une égalité qui n’existe pas entre l’employeur et l’employé, alors que, au contraire, c’est sur l’absence d’égalité entre les deux que repose tout notre droit du travail. Même si, cela va de soi, ce sont deux êtres humains qui sont égaux par nature, dans une relation de travail, l’un est le subordonné de l’autre, l’un prend la décision de donner ou non du travail à l’autre !
Si le contrat de travail est entouré de telles précautions, c’est parce que c’est le seul exemple dans notre expérience collective de pays libre et de peuple libre où un individu reconnaît son état de subordination permanent à l’égard d’un autre.
J’ai déjà cité devant le Sénat cette magnifique phrase de Jean Jaurès : « La République a fait les Français rois dans la cité, mais les a laissés serfs dans l’entreprise. » Cette formule a le mérite de bien montrer que la rupture entre l’Ancien Régime et l’idéal républicain n’est pas de fait dans tous les lieux de notre pays ni dans toutes les circonstances, en particulier dans celle-là.
Non, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne sommes pas dans une relation égalitaire.
Certains ont comparé la relation employeur-employé à celle d’un couple. L’analogie est très choquante. Qui dit couple, dit affection, mais il n’en va pas forcément de même de la relation de travail. Certes, on peut beaucoup aimer son patron ou sa patronne, mais ce sentiment n’entre pas en ligne de compte dans la conclusion du contrat de travail. Par parenthèse, je signale que les ruptures dans un couple, même par consentement mutuel, sont rarement heureuses. Ce serait donc une illusion que de croire que, dans le cas qui nous occupe, ce sera du pur bonheur, à plus forte raison s’agissant d’une relation contrainte.
Parce que donc nous ne sommes pas dans une relation égalitaire, la rupture par consentement mutuel peut être la conséquence de n’importe quelle situation ou pression, quelle que soit la bonne ou la mauvaise volonté des parties concernées, en particulier de la partie la plus forte, c’est-à-dire le patron. On imagine bien le choix que laissera le patron au salarié : si tu acceptes tout de suite, c’est tant ; on se dit au revoir et merci ; si tu résistes, je te mets quand même à la porte - je trouverais bien une raison pour motif personnel - et, si tu n’es pas content, tu en auras pour deux ou trois ans devant les prud’hommes. En fait, cela durera même davantage maintenant que le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a supprimé un quart des conseils prud’homaux de ce pays. Voilà qui ne va pas accélérer les procédures !
Comment voulez-vous que, placé devant une telle alternative, un travailleur puisse résister ?
Cette relation est totalement inégalitaire. Dans ces conditions, comment peut-on imaginer que le consentement mutuel sera acquis de bon gré ? Ce n’est pas possible !
De plus – conséquence terrible de ce que l’on a examiné préalablement–, la période d’essai va être allongée, au point de correspondre à la durée moyenne d’un CDD, à savoir quatre mois. Durant cette période, les travailleurs n’ont aucun droit, puisque l’on peut mettre fin au contrat sans motif et sans verser d’indemnités.
Voilà pour l’entrée ! Et à la sortie ? Il y a le consentement mutuel, cette disposition qui permet qu’on vous pousse dehors hors de tout cadre légal, grâce à un simple échange de paroles. On en revient donc à une situation où la loi n’est plus là et donc ne protège plus le faible contre le fort. Mes chers collègues, dans ce type de situation - même si l’image a été beaucoup utilisée, elle me paraît particulièrement opportune en cet instant -, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui affranchit.
Parce que c’est article crée un nouvel espace de non-droit où la palabre remplace la loi et le respect de la loi, parce qu’il substitue à la protection et aux garanties que la loi apporte à chaque citoyen libre le rapport de force pur et simple entre deux personnes dont l’une jouit de prérogatives immenses mais l’autre ne dispose d’aucun pouvoir, il fera l’objet d’un examen attentif de la part de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme les autres, d’ailleurs !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 74 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 51.
M. Jacques Muller. Il faut avant tout faire remarquer que ce type de rupture à l’amiable entre l’employeur et le salarié existe déjà. Les ASSEDIC dénoncent clairement cette pratique, qui consiste pour l’employeur à demander une garantie écrite par laquelle, même si le document n’a pas de caractère officiel, le salarié reconnaît avoir demandé la rupture et s’engage à ne pas poursuivre l’entreprise devant les prud’hommes.
Cette prétendue « rupture à l’amiable » fonctionne déjà en dehors de tout cadre juridique : ce projet de loi vise à la légaliser et à la généraliser.
On retrouve très exactement la philosophie de la présidente du MEDEF, Mme Parisot, qui affirmait : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »
Ce raccourci édifiant revient à nier purement et simplement les fondements mêmes du droit du travail, qui repose sur la reconnaissance du déséquilibre structurel, intrinsèque, de la relation entre l’employeur et le salarié.
Nos prédécesseurs ne s’y étaient pas trompés : tout le code du travail reposait jusqu’à présent sur la volonté du législateur de tenter de corriger une situation dans laquelle la liberté des deux parties signifie que l’un, objectivement, domine l’autre, puisque le salarié, dont les revenus dépendent directement de l’employeur, est en situation de dépendance et de faiblesse.
Comme le résume Lacordaire dans l’une de ses conférences de Notre-Dame, dans un monde de forts et de faibles, « c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
En introduisant le principe de rupture à l’amiable, ce projet de loi, décidément taillé sur mesure pour le MEDEF, méconnaît ces réalités qui prennent une dimension particulière dans la crise que nous connaissons.
Oui, dans un contexte marqué par le chômage et les emplois précaires, l’inégalité structurelle entre l’employeur et le salarié prend une dimension particulière, encore plus dure !
Le monde du travail n’est pas idyllique. Dans le contexte actuel, de trop nombreux salariés y subissent déjà harcèlement ou discrimination. Le salarié est souvent poussé vers la porte. Multiplication des arrêts de maladie, consommation de psychotropes, dépression ou, pire, suicides : tels sont les symptômes d’un profond mal-être de nombreux salariés pour lesquels une rupture à l’amiable n’a évidemment aucune signification.
Les dispositifs prévus dans le projet de loi assurent trop peu de garanties aux salariés victimes de pressions de la part des employeurs, alors que, hors du système de rupture conventionnelle prévu, il existe des possibilités d’obtenir réparation par voie judiciaire.
Précisément, lorsque le salarié aura accepté, sous la pression, de signer une convention de rupture, aura-t-il toujours la possibilité de poursuivre l’employeur pour harcèlement ou discrimination ? Le projet de loi reste bien muet sur cette question !
Pour conclure, ce qui est en jeu, ce n’est ni plus ni moins qu’une atteinte au droit du licenciement. C’est un pan entier du droit du travail qui est mis à mal par les dispositions de ce projet de loi.
C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à supprimer purement et simplement l’article 5, emblématique d’un projet de loi qui, on peut le dire, introduit une rupture, une régression historique dans notre droit.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 74.
Mme Annie David. Cet article 5 instaurant la fameuse rupture conventionnelle, l’un des piliers de votre projet de loi, monsieur le ministre, n’est rien de moins qu’une brèche supplémentaire dans la législation relative au licenciement et aux limites qui le concerne.
Cet article, nous dites-vous, est censé satisfaire les attentes des employeurs et des salariés. Pourtant, en y regardant de plus près, ce projet de loi n’apporte aux salariés aucun droit nouveau, comme mon collègue Guy Fischer et moi-même le dénonçons depuis hier.
En effet, soit la rupture conventionnelle est à l’initiative de l’employeur, et il s’agit alors de contourner la législation en matière de licenciement ; soit elle est à l’initiative du salarié et, dans ce cas, on voit mal quel intérêt aurait le salarié à accepter une telle rupture, si ce n’est pour la monétisation qui s’ensuit et l’ouverture d’un droit nouveau à l’assurance chômage !
S’agit-il réellement d’un avantage ? On peut en douter lorsque l’on connaît la politique de radiation que mène l’ANPE et la pénurie d’emplois qui pèse sur notre pays.
Quant à la monétisation, hormis le fait qu’il s’agit pour les personnes embauchées en dessous du seuil fatidique d’un an d’un nouvel outil de pression sur elles, ce n’est ni plus ni moins qu’un dû au salarié qui aurait touché une indemnité en cas de licenciement et, de plus, bénéficié de droits supplémentaires en cas de contestation !
Cependant, il est vrai que certains salariés, usés par l’exigence toujours plus élevée de productivité ou découragés par la dégradation des ambiances de travail et par le blocage de leur progression de carrière, souhaitent quitter leur emploi.
Il est vrai, également, que certains employeurs, peu sûrs de disposer d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, proposent à des salariés un départ négocié, suivi d’une transaction, une fois le faux licenciement notifié, la transaction pouvant, par la suite, être remise en cause par un juge, si le salarié démontre l’absence de concessions réciproques.
L’employeur demeure donc sous la menace d’une possible annulation de la transaction et d’une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. On comprend donc un peu mieux cette volonté d’instaurer une rupture conventionnelle !
Aussi, en permettant un licenciement sans cause réelle et sérieuse, car l’accord du salarié ne sera dans bien des cas qu’une fiction tant l’inégalité est importante entre les parties, l’accord met à bas quarante ans de construction des protections contre le licenciement arbitraire.
Enfin, je voudrais vous faire part des doutes exprimés par la Fondation Copernic et par le Syndicat des avocats de France, …
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est une sacrée référence !
Mme Annie David. … qui soulignent que la procédure ne sera soumise qu’au contrôle du directeur départemental du travail.
Or, compte tenu des moyens de plus en plus réduits de cette autorité administrative, on peut se demander si le contrôle sera aisé, et ce d’autant plus que le Gouvernement mène une politique de « casse » du service public, dont l’inspection du travail est l’une des premières victimes.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Avec 7 000 postes en plus !
Mme Annie David. Comment, dès lors, faire peser sur la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, qui souffre d’une carence en inspecteurs et en contrôleurs, le poids de l’homologation, qui plus est dans un délai presque grotesque de quinze jours ?
Avec cette rédaction, vous vous êtes assurés de créer les conditions pour que l’homologation soit incontestable : joli tour de passe-passe !
On voit bien comment cette rupture conventionnelle ne satisfait que l’une des catégories de personnes concernées par la relation contractuelle : l’employeur.
En effet, en plus de contourner les règles du licenciement, cette rupture conventionnelle intègre une fois de plus des éléments de droit privé dans le code du travail.
Cette rupture conventionnelle, censée faire écho au divorce par consentement, ignore volontairement un élément considérable : l’emprise de l’employeur sur son salarié, le lien de subordination qui a été fort bien décrit par les orateurs précédents.
Vous voudriez faire croire que les salariés et les employeurs sont sur un pied d’égalité. Qui croyez-vous abuser ?
Cela vous servira demain pour d’autres projets toujours plus rétrogrades, comme la création d’un contrat de travail unique ou l’individualisation de toute la relation contractuelle.
En tout état de cause, le groupe CRC demande la suppression de cet article 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements identiques visent purement et simplement à supprimer la disposition essentielle de ce projet de loi.
Il s’agit effectivement d’une disposition emblématique, qui caractérise des relations contractuelles de travail apaisées, civilisées, modernes, pour élaborer un modèle social français et européen à mi-chemin entre un libéralisme pur et dur et une vision par trop caricaturale de l’entreprise d’aujourd'hui.
M. Guy Fischer. Oui, bien sûr !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cette rigidité est fondée davantage sur les idéologies que sur la réalité de la situation internationale telle que nous la vivons. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
De plus, vous le savez, c’est totalement contraire à l’accord passé entre toutes les organisations.
Par conséquent, nous ne pouvons émettre qu’un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
M. Guy Fischer. Et voilà : c’est emballé !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Cet article 5 apporte effectivement une nouveauté qui est attendue par les salariés.
Vous parliez, madame David, d’un divorce par consentement.
Effectivement, dans des entreprises, il peut y avoir à la fois des salariés qui veulent quitter l’entreprise et des employeurs qui veulent bien laisser partir leurs employés, ne serait-ce que parce que ces derniers ont envie d’autre chose, par exemple de créer leur propre entreprise. Il n’y a aucune raison que l’employeur licencie quelqu’un qui travaille bien parce que cette personne a envie d’autre chose !
Mme Annie David. Il n’y a aucune raison de faire une loi pour cela !
Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait ! Les employés n’ont pas besoin de cet article pour partir à l’amiable !
Mme Catherine Procaccia. Vous parliez, chère collègue, de quarante ans de construction des protections contre le licenciement arbitraire. J’ai travaillé trente-cinq ans dans une entreprise. Pendant ces trente-cinq années, je puis vous assurer que, quasiment tous les ans, au sein d’une entreprise qui comptait à l’époque 20 000 salariés et qui en compte aujourd'hui 40 000, au moins une ou deux personnes auraient eu envie de partir. Et cela n’était pas dû à la pression de l’employeur !
Mme Raymonde Le Texier. Donc, il n’y a pas besoin d’introduire cet article-là !
Mme Catherine Procaccia. Vous dites que cet article est taillé sur mesure pour le MEDEF. Je ne suis pas d’accord. L’employé attend des indemnités. Sinon, pourquoi voulez-vous que l’entreprise le licencie alors qu’il fait bien son travail ?
Pour ma part, il me semble que ce texte est taillé sur mesure pour répondre à des réalités concrètes de l’entreprise.
Cette mesure est demandée. Comme l’ont si bien rappelé à la fois M. le rapporteur et M. le ministre, …
Mme Annie David. Le ministre n’a rien dit ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Catherine Procaccia. … l’accord a été signé par quatre syndicats, ce qui interdit de penser qu’il ait pu être obtenu au détriment des salariés, sauf à imaginer que des syndicats braderaient les droits des salariés, ce que je ne crois pas !
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc. Je souhaiterais comprendre.
Cet article 5 définit une nouvelle procédure, la rupture conventionnelle du contrat de travail, et ce pour encourager la rupture à l’amiable au détriment du recours au licenciement.
Loin de moi l’idée de mettre en cause la liberté contractuelle. Néanmoins, nous le savons tous, à cette procédure est adossé un régime fiscal et social assez avantageux.
Je dois dire, pour me souvenir des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, que l’on se rapproche du « départ négocié en commun avec l’accord de l’employeur » créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et, surtout, supprimé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Certaines précautions juridiques ont été prises. Ce qui nous est proposé aujourd'hui n’est pas pire que ce qui existe actuellement.
Pourtant, on le sait, à l’usage, toutes ces affirmations ont fréquemment été démenties dans le passé, car l’apparition de dispositions nouvelles est souvent source de difficultés supplémentaires.
Pour ma part, il me semble qu’il convient surtout de veiller à ce que l’assouplissement juridique dont nous avons la volonté cet après-midi ne donne pas lieu, une fois de plus, à des détournements, sous la forme d’un accroissement des départs anticipés à la retraite avant l’âge légal.
Mme Raymonde Le Texier. Évidemment !
M. Dominique Leclerc. Je vous renvoie ici, mes chers collègues, au taux d’emploi des seniors dans notre pays et aux détournements de procédure qui ont été évoqués dans cette assemblée lors de l’examen des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Au-delà de cet article5, qui détermine la procédure applicable en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail, on voit bien que ce texte constitue véritablement un recul par rapport au pacte social, lequel, pour nous, de toute évidence, sera détourné, une fois de plus, par l’entreprise et le patronat !
M. Dominique Leclerc, qui travaille sur le problème des retraites, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et il a raison !
M. Guy Fischer. … sait fort bien qu’une des difficultés majeures est le taux d’emploi des seniors.
Nous attendons avec impatience les futurs textes de loi que nous présentera le Gouvernement.
En effet, si le taux d’emploi des seniors s’élève à 38 % dans notre pays, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Guy Fischer. … c’est surtout, nous le savons, même si M. Leclerc ne l’a pas dit, le fait du prince, c'est-à-dire de l’entreprise !
Les politiques d’emploi qui sont menées aujourd'hui, d’une manière ou d’une autre, visent à diminuer dans des proportions considérables la masse salariale, action bien souvent concentrée sur l’emploi des seniors, et ce pour le plus grand bénéfice des actionnaires. C’est un débat qui nous oppose depuis déjà très longtemps.
À partir de là, que ce soit pour les ressources de la sécurité sociale, pour la vie de l’entreprise, pour entretenir et perpétuer des savoir-faire, notamment à travers le tutorat, des problèmes réels se posent.
Nous souhaitons donc véritablement que le Gouvernement ne se contente pas aujourd’hui de suivre la commission, mais qu’il nous en dise plus.
Je prendrai un exemple, qui est hors sujet, mais à propos duquel je voulais faire un rappel au règlement.
Hier, pendant que nous débattions de ce projet de loi, le Gouvernement recevait les organisations syndicales pour - pensions-nous alors - engager une négociation relative à l’indemnisation du chômage. Or, hier, à plusieurs reprises, M. le rapporteur mais surtout M. le ministre nous ont annoncé qu’un certain nombre de textes allaient être examinés. Dans quelles conditions en débattrons-nous ? C’est bien notre préoccupation majeure en tant que parlementaires. Il y a notamment le texte sur l’assurance chômage, le texte sur la formation professionnelle, celui sur l’emploi des seniors, et je pourrais continuer l’énumération.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N’oubliez pas le texte sur la pénibilité !
M. Guy Fischer. En effet, un texte que l’on attend depuis des années et qui trouverait ici toute sa pertinence.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons beaucoup regretté que vous n’ayez jamais traité le problème !
M. Guy Fischer. Nous pensions que le Gouvernement engagerait une négociation relative à l’indemnisation du chômage, une négociation que vous nous promettiez hier encore, lorsque nous vous faisions part de notre réticence à voter un texte qui parle d’ « employabilité » et veut faire de celle-ci la nouvelle norme protectrice des salariés au détriment du droit fondamental, c’est-à-dire au maintien dans l’emploi.
Or, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, a annoncé, hier après-midi, ce que serait le contenu du projet de loi : sanctions pour les salariés privés d’emploi qui refuseraient deux offres d’emploi dont la rémunération serait égale à 80 % du salaire antérieur et qui n’entraîneraient pas un trajet de plus de trente kilomètres !
Et, là, quelle est la stratégie adoptée, sinon celle qu’a définie le Président de la République en disant qu’il faut que tout cela aille très vite ? M. Laurent Wauquiez est même allé plus loin : le problème devrait être traité avant les vacances d’été !
Va-t-on traiter d’un problème aussi important que celui du chômage de cette manière ?
M. Wauquiez reste d’ailleurs curieusement silencieux sur la nature du contrat que les salariés se verraient contraints d’accepter et l’on ne comprend que trop pourquoi. On est là vraiment au cœur du problème ; ce n’est pas le contrat unique, puisqu’il a fallu faire très vite.
Et le secrétaire d’État chargé de l’emploi d’ajouter, tout juste après la fin de cette rencontre, qu’un texte serait prêt avant l’été, tout en précisant : « La porte du Gouvernement reste ouverte » – notez la formulation ! – pour des « concertations informelles ». Va-t-on traiter d’un sujet aussi important par des « concertations informelles » ?
Voilà donc la conception que vous vous faites du dialogue social !
Vous ne pouvez poursuivre ce double discours qui est le vôtre. Vous ne pouvez pas promettre à la représentation nationale un grand débat sur l’indemnisation du chômage et sur ses conditions et annoncer, en même temps, des discussions « informelles » qui renvoient presque les syndicats dans la clandestinité. D’autant que, lorsqu’il s’agit d’offrir au patronat une loi faite sur mesure pour licencier à moindre coût, vous êtes prêts à prendre le temps nécessaire…
Par conséquent, je crains fort que certaines organisations signataires de cet accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 ne regrettent déjà leur signature, car, au chantage qui a été le vôtre, doit s’ajouter aujourd’hui le mensonge, et cela, nous le dénonçons, monsieur le ministre !
Il en est de même du débat sur les retraites, que vous voulez escamoter, et dont nous reparlerons lors de l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Notre collègue Dominique Leclerc pourrait nous éclairer sur ce sujet. Le texte que vous nous avez présenté il y a une semaine mériterait amplement un débat national. Eh bien, non ! c’est à travers le décret et certains articles du PLFSS que vous comptez traiter un problème aussi important ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Une explication de vote en effet s’impose.
Dans la réponse qu’il nous a faite, notre excellent rapporteur nous a reproché de présenter une vision idéologique de l’entreprise et non une vision concrète.
Je dirai d’abord à notre rapporteur qu’il aura du mal - mais je salue ses efforts - à faire passer le libéralisme pour un état de nature. Je suis obligé de remarquer que ce qu’il propose, c’est ce que proposent partout les gouvernements libéraux. Je le comprends, mais comment peut-il dire que la vision des uns serait idéologique tandis que celle des autres procéderait de l’évidence, de ce qui va de soi ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Non, monsieur le rapporteur !
J’ajoute que je ne crois pas du tout à l’efficacité économique de sa thèse ! La précarité, ce n’est pas efficace économiquement.
Le jour viendra - et il est proche - où les pénuries de main-d’œuvre vous obligeront à une autre vision. Lorsqu’en 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, la reprise a été telle que de nombreux secteurs d’activité ont été confrontés à des pénuries de main-d’œuvre, j’ai pu observer que les branches qui ont réussi à retenir leurs personnels étaient celles qui leur offraient la plus grande stabilité et la moindre précarité sociale. C’était un avantage comparatif tout à fait décisif.
J’aime mieux vous dire que le « marché social » - je mets des guillemets à cette expression - a tranché. Les êtres humains sont ainsi faits que, depuis l’origine des temps, ils préfèrent la stabilité à l’insécurité, la garantie à la précarité.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, la vision idéologique, c’est celle qui consiste à essayer de tordre le bras à cette réalité humaine pour imposer ce que vous appelez « une situation apaisée » au motif, monsieur le rapporteur, que l’on discuterait tranquillement de la rupture du contrat de travail, entre employeur et salarié. C’est ce que vous appelez « une relation apaisée », parce que les deux parties discutent entre elles, même s’il l’une est très forte et l’autre très faible.
Si cela suffisait, alors, à quoi bon légiférer sur le divorce ? La répudiation n’est-elle pas suffisante, puisque aussi bien l’homme que la femme peuvent répudier ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas la répudiation !
M. Jean-Luc Mélenchon. Où est le problème ? N’est-ce pas une relation civilisée, normale, entre deux personnes qui discutent tranquillement ? Non ! Nous faisons des lois parce que nous essayons d’organiser les relations humaines entre le faible et le fort dans l’intérêt général.
Je répondrai également à la remarque formulée par Mme Procaccia selon laquelle la rupture de contrat négociée de cette manière correspondrait à une demande des salariés parce que, dit-elle, et je veux bien la croire, statistiquement, sur 20 000 ou 30 000 employés, il y en a toujours un ou deux par an qui ont envie de quitter l’entreprise. Bien sûr ! Je ne conteste pas ce point, mais ces salariés peuvent partir et ils ont toujours pu le faire : cela s’appelle la démission.
Vous m’objecterez, madame Procaccia, mais vous y avez déjà fait allusion, qu’en cas de démission ces salariés ne peuvent pas obtenir d’indemnité, tandis que, dans la rupture par consentement mutuel, ils en obtiendront une.
Madame Procaccia, vous aurez mal lu le texte ! Le texte ne fait aucune obligation en ce sens dans le cas de rupture par consentement mutuel. Imaginez qu’une personne qui fait bien son travail mais qui veut quitter son emploi parce qu’elle ne se plaît pas chez son employeur lui demande une indemnité. Par consentement mutuel, que va répondre l’employeur ? Qu’il ne consent pas ! Et que peut faire le salarié qui aurait voulu partir avec une indemnité ? Rien ! C’est pour cela qu’il y a des lois qui prévoient que, dans certains cas de rupture, l’employé a droit à une indemnité et dans d’autres, pas !
Par conséquent, croire que cette disposition garantira à des salariés individuels qui voudraient quitter l’entreprise une indemnité qu’ils n’auraient pas pu obtenir en démissionnant n’est absolument pas conforme à la réalité de ce que contient ce texte.
La vérité, c’est que cette disposition n’a rien à voir avec la revendication des salariés. Personne ne peut signaler une seule pétition d’un seul syndicat, d’une seule association de travailleurs ayant demandé la mise en place de la rupture du contrat par consentement mutuel !
En revanche, je peux vous citer l’auteur de cette invention. Il s’agit – et c’est bien le travail des responsables du MEDEF – de la présidente du MEDEF ; c’est elle qui a inventé cette histoire de « séparabilité », ainsi qu’elle a nommé son nouveau concept. Mais c’est bien son droit, après tout, d’avoir des idées au regard des intérêts qu’elle défend.
La « séparabilité » date de 2006, donc ce n’est pas d’aujourd’hui. Je vous fais grâce des citations, car je pense que vous me croirez sur parole. Le cas échéant, je tiens à votre disposition l’extrait du discours qui vous permettra de vous assurer de l’origine, de la paternité, si je puis dire dans le cas qui nous occupe, de cette « séparabilité ».
Mais, ce qui est le plus frappant, c’est le cri de victoire à la sortie… Aucun des syndicats, même les plus sensibles aux arguments que vous avancez, n’a fait de communiqué pour dire que tout cela était excellent ou se réjouir qu’une de ses revendications ait été satisfaite ! En revanche, on a entendu Mme Parisot dire : « L’idée de la séparabilité était en France une idée totalement neuve. Elle a d’abord fait rire, car c’était impossible. » En effet, nous pensions que c’était impossible. « Elle a semé le trouble jusque dans les esprits des professeurs de droit et des observateurs les plus spécialistes. Peu à peu, elle s’est installée. […] Aujourd’hui, le mot de séparabilité n’est plus seulement labellisé MEDEF, et c’est tant mieux. »
En effet, elle a gagné et nous sommes invités aujourd’hui à consacrer sa victoire. Mais essayer de déguiser cette idée ou faire croire qu’il s’agit d’une revendication des travailleurs, c’est un très mauvais coup pour eux et pour leur vie professionnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je suis très surpris de ce débat, et ce pour deux raisons.
Nous sommes en train de discuter d’un accord intervenu entre sept organisations professionnelles et syndicales, après de longs mois de négociations. Alors que nous réclamions tous, ici, et depuis très longtemps, la reprise du dialogue social, voilà que le premier acte qui marque sa renaissance suscite l’opposition d’un certain nombre de nos collègues s’agissant de telle ou telle disposition de cet accord. Cela signifie en fait que nos collègues ne sont pas partisans du dialogue social ni des accords. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. On ne négocie pas avec un revolver sur la tempe !
M. Jean-Pierre Fourcade. Soyons francs ! Seule la CGT n’a pas voulu signer. Or la CGT n’est pas un syndicat majoritaire dans le secteur privé, vous le savez comme moi.
Mme Raymonde Le Texier. Quand le chantage s’exerce continuellement, il n’y a pas de négociation !
M. Jacques Muller. On ne négocie pas sous la menace du chômage !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, je constate que vous ne voulez pas entrer dans la voie du dialogue social.
Mme Raymonde Le Texier. On leur a dit que c’était l’accord ou le chaos !
M. Jean-Pierre Fourcade. J’en viens à mon second sujet d’étonnement.
Nous discutons aujourd’hui comme si la France était totalement seule, comme s’il n’y avait pas de concurrence mondiale, comme s’il n’y avait pas de compétitivité, et comme si nous pouvions régler, ici, dans des conditions assez satisfaisantes, un après-midi de mai, le problème du développement des entreprises et du commerce international, en évoquant le droit du travail.
Or la compétitivité de notre pays recule actuellement. Je me suis récemment rendu en Chine et en Russie avec la commission des affaires étrangères. Nos entreprises perdent des parts de marché ; elles sont soumises à des systèmes rigides.
Mme Raymonde Le Texier. Si ce n’est pas de l’idéologie, cela….
M. Jean-Pierre Fourcade. Le ministre du travail essaie d’assouplir les règles, en conservant les valeurs fondamentales qui font notre spécificité.
Je considère que focaliser le débat, aujourd’hui, sur cet article 5, après des événements aussi emblématiques que la suppression du contrat nouvelles embauches, le CNE, sans parler du problème des stages, c’est vraiment faire peu de cas du développement de nos entreprises, et donc de l’emploi, dans la compétition mondiale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Nous avons le droit de faire notre travail de parlementaires !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur Fourcade, si vous aviez été présent hier, au début de ce débat, vous auriez entendu ce que j’ai expliqué.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il était là !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet !
M. Jacques Muller. J’ai expliqué très clairement dans quelles conditions les négociations se sont déroulées, en termes de calendrier, d’objectifs…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi les organisations syndicales ont-elles signé, alors ? Vous les prenez pour des enfants de chœur !
M. Jacques Muller. … et de pressions exercées sur les salariés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quel mépris pour les partenaires sociaux !
M. Jacques Muller. Or, en droit civil, un contrat signé sous contrainte est considéré comme nul.
Nous considérons que, dans les conditions où se sont déroulées les négociations, les conclusions de ce contrat ne sont…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous prenez les représentants pour des guignols ! Ils pouvaient refuser de signer !
M. Jacques Muller. Non, ils n’avaient pas le choix !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On a toujours le choix !
M. Jacques Muller. On les a menacés en leur disant que si ce n’était pas cela, ce serait pire!
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils nous ont dit qu’ils approuvaient l’accord !
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à garder à nos débats la sérénité que requièrent ces lieux.
Monsieur Muller, veuillez poursuivre et conclure, je vous prie.
M. Jacques Muller. On peut parler d’idéologie, mais l’idéologie n’est pas que d’un côté. À vous entendre, elle serait dans un camp et ne serait pas dans l’autre. L’idéologie néolibérale transpire dans tout ce texte, de la première à la dernière ligne. Assumez-le, tout simplement !
Mme Bernadette Dupont. Nous l’assumons !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas avec de tels discours que la représentativité des syndicats va s’améliorer dans notre pays !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 74.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le I bis de cet article, après le mot :
Dans
insérer les mots :
le second alinéa de
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il s’agit d’un amendement très technique qui vise à corriger une simple erreur d’imputation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 1237-11 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
La rupture conventionnelle dont l’employeur est à l’initiative doit être motivée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’amendement n° 75 vise à donner pleine application à la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, en ce qui concerne le droit au licenciement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous ne parlons pas d’un licenciement !
M. Guy Fischer. Vous savez qu’il s’agit d’une question importante puisque le respect de cet accord international est une garantie pour les droits de tous les salariés.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à compléter la rédaction actuelle de l’article 5 de ce projet de loi en précisant que la rupture conventionnelle, lorsqu’elle résulte de l’initiative de l’employeur, doit être motivée, ce qui est le moins s’agissant d’une décision aussi importante.
En effet, la convention n° 158 précise : « Aux fins de la présente convention, le terme de licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur. ». Cela signifie que toute cessation de la relation de travail due à l’initiative de l’employeur doit obéir au droit du licenciement de base prévu par la convention.
Or, vous en conviendrez avec moi, une rupture conventionnelle aura bien pour effet de faire cesser la relation de travail. Si elle intervient sur l’initiative de l’employeur, d’après notre analyse, elle entre alors en plein dans la définition posée par l’OIT.
Comment, dès lors, justifier l’absence de motivation, alors que nos engagements internationaux nous contraignent – et c’est tant mieux – à adapter notre législation pour qu’aucune rupture de relation contractuelle à l’initiative de l’employeur ne puisse intervenir sans motivation ?
Cette motivation est un outil complémentaire de protection des salariés, puisqu’un licenciement non motivé est interdit, mais permet également de rendre sa dignité au salarié auquel il faut impérativement expliciter les raisons pour lesquelles l’entreprise se sépare de lui. C’est la moindre des choses !
Notre raisonnement, qui vise à assimiler toute cessation de rupture contractuelle résultant de l’initiative d’un employeur à un licenciement et exige, par là même, une motivation, est confirmé par un arrêt récent de la Cour de cassation, rendu le 5 mars 2008, selon lequel : « une rupture qui est réputée d’un commun accord […] ne […] prive pas le salarié de la possibilité d’en contester le motif économique ».
Si l’on peut contester le motif économique lors d’une rupture à l’amiable, c’est donc bien que, même dans ce type de rupture, la motivation est obligatoire.
L’amendement que nous vous proposons d’adopter vise donc, en partie, à éviter que la France ne soit à nouveau sanctionnée par l’OIT et, comme nous l’avons vu avec le contrat nouvelles embauches, par les chambres sociales de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je comprends bien qu’après avoir échoué dans votre tentative de suppression complète vous essayiez de détourner le sens de cet article, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. Nous essayons d’en préciser le sens !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement est contraire à la logique même de la rupture conventionnelle. Ce qui compte, ce n’est pas tant l’initiative que l’accord entre les parties. Je suis d’ailleurs persuadé qu’il y aura plus de ruptures conventionnelles demandées par les salariés que par les chefs d’entreprise.
Cet amendement est tout à fait contraire à ce qu’ont souhaité les signataires de l’accord national interprofessionnel. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’amendement n° 75.
Mme Raymonde Le Texier. L’amendement de nos collègues communistes soulève le problème fondamental que pose la rupture conventionnelle : qui en prend l’initiative ?
En théorie, personne, ce qui est évidemment une fiction. Si je vends ma voiture à un tiers, il s’agit certes de la rencontre de deux volontés, comme le veut la théorie du droit des obligations, mais il faut bien que mon initiative trouve en écho une demande, à moins que la volonté d’achat d’un tiers ne suscite mon assentiment. En d’autres termes, il faut bien que l’une des deux parties au contrat parle la première. Même si l’accord se fait immédiatement, ou presque, il y a toujours une initiative.
Pour une affaire aussi importante que la rupture d’un contrat de travail, il va de soi que l’acceptation ne peut intervenir « entre deux portes ». Le texte le reconnaît explicitement, puisque des entretiens sont prévus afin que l’on discute des conditions de la convention de rupture.
Pour autant, si tout se déroule comme prévu et dans un climat de bonne foi, nous ne sommes ni dans le cas d’un licenciement, ni dans le cas d’une démission.
Ce n’est pas une démission, puisque l’employeur accepte les conditions financières de la rupture conventionnelle et que le salarié bénéficie donc d’une indemnité et des allocations de chômage. Ce n’est pas non plus un licenciement, puisque le salarié décide ou accepte de quitter l’entreprise, sans exiger l’application de la procédure de licenciement. Il renonce, sinon aux avantages financiers, au moins aux voies de recours juridiques afférentes au licenciement.
Les deux parties s’en remettent à l’homologation par l’administration du travail et à un éventuel recours devant les prud’hommes, aucun citoyen ne pouvant être privé de recours juridique. Mais l’historique de la rupture, précisant qui peut être considéré comme en ayant pris l’initiative, n’est susceptible d’apparaître que dans les procès-verbaux d’entretiens.
On peut raisonnablement présumer que tout employeur un peu avisé et bien conseillé aura soin que la mention de son éventuelle initiative ne soit jamais portée au procès-verbal. Mais le salarié n’aura pas non plus intérêt à ce que son initiative risque d’être requalifiée en démission si un problème apparaît. On peut donc dire que chacun tient l’autre par la barbichette !
Juridiquement, si la rupture conventionnelle n’est pas un licenciement, elle n’entre donc pas dans le champ de la convention n° 158 de l’OIT. Nous sommes dans le cadre d’une convention qui glisse doucement vers le contrat de droit civil entre deux parties en situation d’égalité.
C’est ici que nous en venons à la deuxième fiction, car l’employeur et le salarié ne sont pas en situation d’égalité. Le fondement du droit du travail est la reconnaissance de cette réalité, et c’est précisément pour cela que les efforts constants du patronat visent à faire disparaître cette spécificité.
Il est aussi excessif de considérer le monde du travail comme un roman de la comtesse de Ségur que comme un western, avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Mais c’est un monde structurellement inégalitaire, où le facteur humain doit aussi être pris en compte. Non, les employeurs et les salariés ne sont pas en situation d’égalité !
Comment ne pas voir que le salarié n’a aucun moyen de pression sur l’employeur pour accéder à la rupture conventionnelle, comme cela a été dit tout à l’heure ? Pour exercer sa volonté de départ, il ne dispose que de la démission, qui le prive d’indemnités et d’allocations de chômage. En revanche, l’employeur, si – par extraordinaire, bien sûr – il était de mauvaise foi, pourrait créer toutes sortes de difficultés au salarié pour lui rendre la vie impossible et l’acculer à accepter la rupture conventionnelle, nous le savons bien ! Il suffit de penser au chantage habituel, mille fois entendu : il vaut mieux pour le salarié qui cherche un nouvel emploi être démissionnaire plutôt que démissionné.
Pour une somme relativement modique, l’employeur échappe à la fastidieuse procédure de licenciement et, dans la quasi-totalité des cas, au recours juridique, puisque le salarié aura signé la rupture et que l’initiative de cette rupture restera dans l’ombre.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Le Texier. J’en ai bientôt terminé, monsieur le président.
L’homologation par défaut, émanant d’une autorité administrative débordée et de plus en plus lointaine en raison de la révision générale des politiques publiques, et le recours in fine aux prud’hommes apparaissent en fin de compte comme des procédures assez largement formelles.
La rupture conventionnelle est donc un OVNI sympathique, si l’employeur et le salarié sont eux-mêmes sympathiques, mais notre rôle de législateur nous oblige à envisager toutes les éventualités, à commencer par les plus désagréables.
Il n’est pas raisonnable de permettre que, dans le cas où l’employeur prend l’initiative de la rupture conventionnelle, il puisse le dissimuler. S’il est de bonne foi…
M. le président. Chère collègue, vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Raymonde Le Texier. Il est limité ?
M. le président. Je le regrette, mais votre temps de parole en explication de vote est limité à cinq minutes, et il incombe au président de séance de faire respecter le règlement pour que chacun soit traité à la même enseigne.
Mme Raymonde Le Texier. Avouez qu’on vous énerve !
Mme Catherine Procaccia. Vous n’avez qu’à lire plus vite !
M. le président. Madame Le Texier, je vous ai accordé deux minutes supplémentaires, mais vous ne sembliez toujours pas vous acheminer vers votre conclusion. (Mme Raymonde Le Texier manifeste son mécontentement.)
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 75.
Mme Annie David. Je vais essayer de développer une explication de vote à partir de la réponse de M. le rapporteur, puisque M. le ministre ne nous parle plus depuis hier soir.
L’amendement n° 75 tend non pas à détourner l’article 5 de son sens initial, monsieur le rapporteur, mais à le préciser, puisque nous demandons simplement que, lorsque la rupture conventionnelle est demandée, la partie qui en a pris l’initiative soit mentionnée.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que l’initiative de la rupture conventionnelle reviendra autant aux salariés qu’aux employeurs. Pourquoi pas ? Je veux bien l’admettre. Vu les conditions de travail, la pression, les difficultés que rencontrent certains salariés dans leur entreprise, ils ne demandent qu’à en partir pour trouver un emploi plus intéressant ailleurs. Mais, dans un tel cas, l’employeur les fera démissionner.
Pour quelle raison un employeur signerait-il une rupture conventionnelle pour verser, au bout du compte, une indemnité, alors que le salarié qui veut partir n’a qu’à démissionner, l’employeur n’ayant plus à verser d’indemnité ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il vaut mieux un abandon de poste !
Mme Annie David. Nous y reviendrons tout à l’heure, je crois que vous avez déposé un amendement à ce sujet, monsieur le président.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, je l’ai retiré !
Mme Annie David. Tant mieux, nous n’aurons pas à en débattre ! Je souhaiterais poursuivre mon explication de vote, sous peine d’être prise par le temps…
Vouloir nous faire croire que l’initiative de la rupture pourrait revenir au salarié, c’est faire fi de tout ce que nous avons dit depuis hier sur le lien de subordination qui existe dans les entreprises. Les salariés et les employeurs ne sont pas sur un pied d’égalité, tout le monde le sait ici. Bien naïfs sont ceux qui prétendraient le contraire ! Je n’ai jamais vu traiter un salarié sur le même pied qu’un employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise ! Dire que le salarié pourra, sur son initiative, imposer à l’employeur de signer une rupture conventionnelle, c’est croire en un monde utopique, celui dans lequel vous vivez peut-être, mais qui n’est pas le monde réel, celui dans lequel vivent les salariés ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.)
Non, nous ne souhaitons pas dévoyer cet article 5, nous souhaitons simplement, avec cet amendement, que la rupture soit motivée lorsque l’initiative en a été prise par l’employeur, tout simplement pour respecter la convention n° 158 de l’OIT. Je vous rappelle que c’est sur la base de cette convention que la France a été condamnée par le Bureau international du travail dans le cas du contrat nouvelles embauches, ou CNE, pour des raisons identiques à celles que nous venons d’évoquer, puisque l’employeur pouvait mettre fin au CNE sans être obligé de fournir un motif valable.
Je tenais à apporter ces précisions, monsieur le rapporteur. Je ne m’adresse pas à M. le ministre puisqu’il ne nous a rien dit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il s’est associé aux propos du rapporteur !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l’amendement n° 75.
M. Jean-Luc Mélenchon. Après ce qu’ont dit nos collègues et, plus particulièrement, Mme Raymonde Le Texier, il n’y aurait rien à ajouter. Mais, comme M. Fourcade est intervenu tout à l’heure et que je respecte beaucoup ses interventions, je me dois de répondre à la question préalable qu’il a en quelque sorte posée. Ayant en effet longtemps présidé la commission des affaires sociales de notre assemblée, il est certainement l’un des plus fins connaisseurs de ces sujets et, faut-il l’ajouter, un parlementaire confirmé.
Il est donc tout à fait surprenant de l’entendre nous demander pourquoi nous discutons alors qu’un accord est déjà intervenu. Et M. Fourcade d’en conclure que nous serions contre la négociation sociale !
Plusieurs d’entre nous vous ont déjà répondu, monsieur Fourcade, que nous n’étions pas contre la négociation, bien au contraire. Je ne reviens pas sur leurs arguments, notamment sur le caractère contraint de la négociation.
Mais, monsieur Fourcade, faut-il conclure de votre raisonnement que, du fait même de la loi de modernisation du dialogue social adoptée en janvier 2007, qui prévoit qu’une concertation intervienne entre les parties concernées avant toute législation sociale, le Parlement n’aurait plus qu’à enregistrer tel quel le résultat de ces négociations paritaires ?
À quoi bon, alors, discuter ? Pourquoi un Parlement et pourquoi une commission des affaires sociales ? Pourquoi un droit d’amendement ? Et, monsieur Fourcade, que faites-vous ici, alors qu’il vous serait si simple de ne venir qu’au moment du vote et d’effacer en quelques instants tous ces débats, tous ces blablas ?...
Mais non, vous êtes comme nous présent et désireux comme nous de faire votre travail de parlementaire. En l’espèce, nous devons procéder à la transcription d’un accord négocié entre deux parties, car, s’il y a bien eu accord, il n’a pas force de loi.
Nous tous, ici, avons pour charge de représenter la société tout entière et de défendre l’intérêt général. C’est bien ce que nous sommes en train de faire, et nous sommes donc fondés à intervenir à tout moment, et sur quelque accord que ce soit.
Il n’y a pas d’autre voix suprême dans notre pays que celle du souverain, et le souverain, c’est nous qui le représentons !
Sur cet accord, il est de notre devoir de défendre l’intérêt général, l’intérêt de la société tout entière, elle qui, tiers à la négociation et donc exclue de l’accord, devra pourtant assumer les conséquences non seulement matérielles mais aussi morales des licenciements. La société est tout de même fondée à avoir un avis sur la question !
Nous aurions de surcroît l’outrecuidance de prétendre pouvoir régler, depuis cet hémicycle, tous les problèmes de la compétition entre les nations, les firmes et les biens. Je vous reconnais bien là, monsieur Fourcade. Mais on pourrait aussi bien généraliser et se demander s’il est encore utile de débattre de quoi que ce soit puisque, de toute façon, les rapports de force qui régissent le monde extérieur nous écrasent…
S’agissant, précisément, de la compétitivité de nos entreprises, souffrez qu’il y ait deux visions de la question et non pas une seule.
La première, c’est que la compétitivité est globale : les produits français portent en eux tout ce qui caractérise, en amont, la production à la française, à savoir des services publics de grande qualité et, partant, un haut niveau de santé et d’éducation. Dans les comparaisons internationales, le poids de ces atouts n’est pas nul dès lors que le produit lui-même traverse nos frontières. Mais nous ne sommes pas toujours dans ce cas de figure. Le plus souvent, les entreprises françaises proposent leurs prestations à l’étranger et, pour ce faire, embauchent des travailleurs locaux, à qui s’applique le droit local. Or, vous le savez bien, nous n’avons nullement l’intention que le droit social « déménage » d’un pays à l’autre et que les migrants qui s’installent dans un pays se voient appliquer le droit social de leur pays d’origine. Ce serait très bon pour les travailleurs russes ou chinois embauchés localement, mais terrible pour nous !
À l’évidence, monsieur Fourcade, la question ne se pose pas dans des termes aussi simples que vous l’avez formulée. En outre, en quoi la stabilité des relations sociales, la lutte contre la précarité, la tranquillité d’esprit seraient des facteurs défavorables à la qualité de la production hexagonale ? En quoi la précarité et la peur du lendemain constitueraient des stimulants pour l’ouvrier et le feraient travailler davantage et mieux ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Une telle analyse est une vue de l’esprit : cela ne se passe pas ainsi dans la réalité. La qualité de la production est d’autant meilleure et de haut niveau que le travailleur est reconnu dans sa dignité de personne et d’homme, donc dans des relations sociales stables dont la peur doit être exclue.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat est non seulement légitime, mais encore nécessaire et, de toute façon, indispensable.
Mme Annie David. Très bien !
M. le président. Monsieur Fourcade, souhaitez-vous répondre à M. Mélenchon ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Je connais les arguments de M. Mélenchon, cela fait vingt ans que nous débattons. (Sourires.) Je constate simplement que nos exportations diminuent ; il doit bien y avoir une explication à ce phénomène !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en êtes resté au XIXe siècle !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-11 du code du travail.
II. - Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II bis. - Dans les articles L. 5421-1 et L. 5422-1 du code du travail, après les mots : « involontairement privés d'emploi », sont insérés les mots : « ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’Assemblée nationale a souhaité préciser dans la loi que les personnes ayant conclu une rupture conventionnelle de leur contrat de travail ont droit à être indemnisées par l’assurance chômage. Nous approuvons tout à fait cette précision. Toutefois, nous souhaitons modifier la rédaction qui a été retenue par l'Assemblée nationale. Il nous paraît en effet beaucoup plus cohérent de faire figurer cette indication dans la partie du code qui est relative à l’assurance chômage.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-11 du code du travail, remplacer les mots :
des conditions
par les mots :
les conditions
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Nous proposons une modification sémantique, mais d’importance.
La discussion qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, tant en commission qu’en séance publique, a retenu toute notre attention. D’aucuns, tout en étant satisfaits de voir des licenciements transactionnels devenir des ruptures conventionnelles, sont en effet inquiets de « l’appel d’air » que cela pourrait susciter sur les finances de l’assurance chômage, au moment même où le Gouvernement entend obtenir le basculement d’une partie des cotisations vers le financement des retraites et où le MEDEF souhaite une diminution des cotisations d’assurance chômage, qui serait concomitante avec les mesures coercitives que le Gouvernement annonce à l’encontre des chômeurs.
Nous ne croyons pas que la rupture conventionnelle va gravement mettre à mal les finances de l’assurance chômage, pour les raisons que nous avons déjà exposées. En revanche, nous craignons que le patronat et le Gouvernement ne profitent de l’introduction de cette méthode nouvelle de rupture du contrat de travail pour réaliser quelques petites économies - peut-être pas si minimes que cela ! – au détriment des salariés ayant signé une rupture conventionnelle. Ces salariés, en effet, seront non pas victimes d’un licenciement, mais parties à une convention, fût-ce de rupture.
La tentation pourrait donc exister, dans le cadre de la nouvelle convention d’assurance chômage qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009, de n’accorder aux salariés concernés qu’une indemnité au rabais, possibilité que la rédaction de l’article n’interdit pas.
Nous tenons donc tout particulièrement à obtenir une réponse claire sur ce point : les salariés qui signeront une rupture conventionnelle auront-ils bien droit aux allocations chômage en fonction des barèmes de droit commun d’ancienneté dans l’emploi, comme l’ensemble des salariés licenciés ?
J’ajouterais qu’une réponse imprécise ou dilatoire à cette question ne pourrait que causer les plus vives inquiétudes aux salariés par rapport aux termes de l’accord des partenaires sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Si le Sénat retient mon amendement – comme je l’espère –, je ne pense pas qu’il puisse être compatible avec celui de Mme Demontès. En conséquence, je suis défavorable à l’amendement n° 32.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 9 rectifié et donc défavorable à l’amendement n° 32.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je prends la parole à cet instant moins pour expliquer mon vote que pour que les quelques échanges que nous avons eus dans les travées avec le ministre – qui a bien voulu s’intéresser à nous à cette occasion – et avec M. Fourcade puissent figurer au compte rendu de nos débats.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un show !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il parle pour son blog !
M. Jean-Luc Mélenchon. L’un et l’autre s’interrogeaient, à la suite de mes propos, sur la diminution des parts de marché de la France dans le monde. Le sujet vaut la peine que l’on s’y attarde, mais il faudrait que nous nous posions plutôt la question dans l’autre sens.
Monsieur Fourcade, expliquez-moi en quoi le fait de licencier plus facilement et sans indemnités les travailleurs va améliorer la compétitivité des produits français. Je n’y crois pas du tout, sauf sur un point.
M. Jean-Luc Mélenchon. Il y aura certes une baisse des frais généraux de l’entreprise qui connaîtra un mouvement naturel de main-d’œuvre dans le cours de l’exercice annuel, mais, franchement, c’est de l’ordre de l’epsilon !
Quel est le résultat recherché ici, sinon faire peser sur la main-d’œuvre une pression telle que son coût va diminuer ? Mais c’est la vision la plus primaire qui puisse exister de l’augmentation de la compétitivité ! En effet, il y a bien d’autres manières de la faire progresser, par exemple en étant les meilleurs techniquement grâce à une élévation du niveau de la recherche et de l’éducation, ou les plus offensifs, en ayant un meilleur niveau de pénétration des marchés. Pour cela, il faut établir un bilan d’ensemble pour ne pas tout imputer aux malheureux travailleurs.
Comment conciliez-vous vos discours catastrophistes sur le déclin de la France, sur lesquels reposent toutes vos mesures, avec le fait que les travailleurs français sont par tête parmi les plus productifs au sein des trois premiers exportateurs mondiaux ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean-Luc Mélenchon. Pour en arriver là, il a bien fallu qu’ils fassent des efforts. Il faut donc reconnaître leurs performances.
Maintenant, si vous voulez que les choses aillent mieux, il faudrait que notre monnaie soit beaucoup moins forte qu’elle ne l’est actuellement. La France perd actuellement des marchés dans des créneaux qui correspondent justement à ses capacités productives et où les écarts de taux de change jouent complètement en sa défaveur. Cette situation ne peut pas être imputée aux travailleurs. La solution ne passe pas par une baisse de leurs rémunérations ou de leurs protections qui irait jusqu’à compenser les pertes dues au taux de change.
Non, il ne sera pas dit que l’on aura vu ici, d’un côté, ceux qui défendent les travailleurs et, de l’autre, ceux qui, paraît-il, seraient les experts et les grands cerveaux de l’économie. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.) Tout ce que vous faites là relève de la pure idéologie ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Diversion !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes pressés, mais pas quand il s’agit de défendre les grands patrons !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 32 n'a plus d'objet.
Cela étant, j’aimerais, pour la suite de nos travaux, que le débat ne se résume pas à un dialogue entre M. Mélenchon et M. Fourcade. (Sourires.)
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Beaumont.
L'amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Béteille, Buffet, Pillet, Vial, Portelli, J. Gautier, Lecerf, de Richemont et Gélard et Mme Desmarescaux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les trois premiers alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister par un représentant ou un avocat de son choix.
La parole est à M. René Beaumont, pour présenter l’amendement n° 18.
M. René Beaumont. Avant d’aborder le fond de cet amendement, permettez-moi une observation sur le climat qui règne depuis hier dans cet hémicycle.
Malgré tout le respect que je dois à un ancien ministre de la République, je voudrais dire à M. Mélenchon qu’il n’a pas le monopole de la défense des travailleurs. Nous défendons tous ici les travailleurs. Et j’ai le sentiment d’en faire autant que vous ! Moi aussi, j’ai le droit de prendre la parole,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais prenez-le donc !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne vous conteste pas ce droit !
M. René Beaumont. … tout comme j’ai le droit de m’intéresser au sort des travailleurs. Je le prouve d’ailleurs avec l’amendement que j’ai déposé.
Sans vouloir m’immiscer dans le dialogue qu’évoquait le président, je voudrais indiquer à M. Mélenchon et à ses collègues que leur conception du travail n’est plus du tout la bonne. Sans doute n’ont-ils pas perçu les évolutions de ces dernières années, et surtout de ces derniers mois, et n’ont-ils pas compris que désormais le travail est une valeur que les Français respectent totalement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Mme Annie David. Surtout ceux qui sont au chômage !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous plaisantez !
M. René Beaumont. Je vous en prie, madame ! Nous respectons la valeur travail autant de ce côté-ci de notre hémicycle que de l’autre. Le travail est respectable, et salué par tous comme nécessaire non seulement pour créer de la richesse qui profitera à tous, mais aussi pour faire évoluer la société et créer les conditions d’un partenariat dans le travail …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le dialogue social !
M. René Beaumont. …destiné à remplacer cet environnement conflictuel qui était, selon M. Mélenchon, jusqu’à présent nécessaire aux évolutions.
C’est d’ailleurs bien pour cette raison que notre collègue est tellement en colère : il a le sentiment de perdre son fonds de commerce, et il a raison de le penser ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) De notre côté, nous allons continuer à défendre cette valeur du travail qui est la nôtre et que nous conservons comme telle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La lutte des classes n’est pas morte !
M. Dominique Leclerc. Revenons à l’amendement !
M. René Beaumont. Mais j’en viens en effet à l’amendement.
Après l’examen du texte par l'Assemblée nationale, il m’était apparu nécessaire de rééquilibrer le dispositif s’agissant des possibilités d’information dont disposeront le salarié et l’employeur lors de la rupture conventionnelle. Partant du principe que l’employeur a naturellement un recours facilité au droit et aux spécialistes du droit que sont les avocats par rapport à un simple employé, j’avais souhaité déposer cet amendement pour permettre à l’employé d’être lui aussi judiciairement protégé par un expert.
Cependant, après avoir entendu hier sur ce sujet notre excellent rapporteur, j’avoue avoir un doute sur l’utilité de mon amendement. Mon souci est de mettre à égalité de chances et d’information l’employé et l’employeur. Est-il bien nécessaire pour autant de judiciariser cette rupture conventionnelle ? Les arguments de notre rapporteur m’ayant pour partie convaincu, j’aimerais entendre la position de M. le ministre sur ce sujet, avant – certainement – de retirer mon amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il veut défendre les travailleurs en retirant son amendement !
M. Guy Fischer. Et, de toute manière, le ministre ne parle pas !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l'amendement n° 19 rectifié.
M. Laurent Béteille. Mon amendement étant identique à l'amendement n° 18, je fais bien volontiers miens les arguments que vient d’avancer M. Beaumont.
En revanche, nous divergeons sur la judiciarisation. Il convient de rappeler que l’avocat n’est pas uniquement le professionnel de la plaidoirie, il est aussi celui du conseil, celui qui précisément peut éviter le contentieux. Il est intéressant que l’avocat soit présent lors de cette phase de discussion, car son expertise peut justement consolider l’accord. Je pense que cette mesure serait extrêmement utile et de nature à consolider le dispositif prévu par la loi.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Soit par un conseil extérieur à l'entreprise.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement est défendu, monsieur le président, même s’il diffère légèrement dans sa rédaction de celui de M. Béteille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Ces amendements tendent à permettre au salarié d’être assisté, lors de l’entretien de négociation de la rupture conventionnelle, par un conseil extérieur à l’entreprise, par exemple un avocat.
La commission, cela a été rappelé, n’a pas souhaité retenir cette option. Elle a donc émis un avis défavorable sur ces amendements, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les partenaires sociaux eux-mêmes ont écarté cette solution dans leur accord. Ils ont en effet souhaité calquer les dispositions relatives à l’assistance du salarié sur celles qui prévalent en matière d’entretien préalable au licenciement.
Ensuite, nous souhaitons maintenir la spécificité de la relation de travail qui unit un employeur et un salarié, éventuellement assistés par une personne extérieure à l’entreprise, mais à condition qu’elle soit titulaire d’un mandat représentatif.
Enfin, nous souhaitons éviter une judiciarisation de cette procédure.
Il est vrai, monsieur Béteille, qu’un trop grand nombre de nos concitoyens, et peut-être même les partenaires signataires de l’accord, ont une conception dépassée de la profession d’avocat. L’avocat n’est pas qu’un professionnel de la plaidoirie, il est aussi un conseil. En la circonstance, les différents partenaires de l’accord n’ont pas souhaité qu’il intervienne, ce que nous respectons.
Pour terminer, j’ajoute que rien n’empêche le salarié ou le chef d’entreprise de consulter un avocat avant ou après l’entretien officiel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il s’agit simplement d’écarter un conseil extérieur à l’entreprise au moment où se noue l’accord, dans le cadre de la négociation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je propose à Nicolas About et à Laurent Béteille de se rallier à la position de M. Beaumont et les prie donc de bien vouloir retirer leurs amendements.
Tout d’abord, la disposition que vous proposez, messieurs les sénateurs, mais vous le savez, ne figure pas dans l’accord du 11 janvier.
Ensuite, notre droit du travail présente une spécificité : ne participent à l’entretien préalable à un licenciement que les parties au contrat de travail, éventuellement assistées d’une personne appartenant au personnel de l’entreprise. L’introduction d’un avocat n’a jamais été prévue. La jurisprudence a d’ailleurs toujours clairement écarté cette possibilité.
Dans le cadre de la rupture conventionnelle, l’avocat peut intervenir avant et après l’entretien, voire pendant le délai de rétractation, mais toujours en dehors du moment spécifique qu’est l’entretien, celui-ci constituant le cœur véritable de la discussion. Et c’est vrai qu’il s’agisse d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement.
Cette question a été évoquée avec les partenaires sociaux, qui ont établi une liste limitative.
Concernant les risques de judiciarisation qu’a évoqués M. Beaumont – je lui laisse la paternité du propos –, il me paraît important de sanctuariser, de maintenir les dispositions du droit du travail telles qu’elles existent aujourd'hui.
Rien n’interdit, je le répète, aux avocats d’intervenir avant et après l’entretien – j’ai bien conscience que l’avocat n’a pas pour seul rôle de plaider, et qu’il peut aussi conseiller –, mais pas pendant ce moment spécifique de l’entretien. Les partenaires sociaux – les représentants des salariés, mais aussi ceux des employeurs – ne l’ont pas souhaité.
M. le président. Monsieur Beaumont, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. René Beaumont. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
Monsieur Béteille, l'amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille. Je ne suis pas vraiment convaincu, monsieur le ministre : je ne vois pas le conseil intervenir avant l’entretien, rester derrière la porte pendant l’entretien, après avoir rédigé une petite note à celui qu’il conseille, puis faire le point ensuite.
Vous me demandez de bien vouloir retirer mon amendement en arguant du fait que les partenaires sociaux n’ont pas retenu la solution que je propose. Je vais accéder à votre demande, monsieur le ministre, mais bien à contrecœur !
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié est retiré.
Monsieur About, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Convaincu par les arguments et de M. le ministre et de M. le rapporteur, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 76, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail :
Lors du ou des entretiens, l'employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise à condition que le salarié ait lui-même fait valoir ce droit.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je ne m’attarderai pas sur cet amendement, dont la rédaction et l’objet me semblent suffisamment clairs.
Il vise à encadrer législativement l’assistance de l’employeur au cours de la ou des réunions visant à mettre fin à la relation contractuelle par une personne membre de l’entreprise, comme c’est le cas aujourd’hui.
Il nous semble en effet que le parallélisme des formes doit impérativement être respecté : l’employeur doit pouvoir être assisté, comme c’est le cas pour l’employé. En revanche, l’assistance d’une personne étrangère à l’entreprise, je pense par exemple à un avocat, doit être interdite, comme pour le salarié. Nous venons d’en parler à l’instant.
Il est en effet inutile d’aggraver le déséquilibre qui caractérise la relation de travail en raison du lien de subordination entre l’employeur et le salarié et de la précarité qui règne sur ce que vous appelez le marché du travail.
L’amendement n° 76 tend donc à préciser que, si l’employeur se fait assister, cela doit être par une personne appartenant au personnel de l’entreprise, à condition – toujours pour respecter le parallélisme des formes – que le salarié soit lui-même assisté par une personne de son choix.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail, après les mots :
de se faire assister
insérer les mots :
par une personne de son choix membre de l'entreprise ou d'une organisation représentative d'employeurs
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement est proche de celui qu’a déposé M. le rapporteur.
Il est important que l’équilibre dont vous vous félicitez ne soit pas rompu dans le cadre du ou des entretiens entre l’employeur et le salarié pour fixer les conditions de la convention de rupture.
À l’égal du salarié qui peut se faire assister par un représentant du personnel ou un conseiller du salarié, il semble équitable que l’employeur puisse être assisté par une personne de son choix, membre de l’entreprise ou d’une organisation représentative des employeurs.
Il importe tout particulièrement que cette assistance demeure non rétribuée. En effet, les moyens du salarié ne lui permettent pas, le plus souvent, de faire face aux dépenses d’assistance. Quant aux dépenses engagées par l’employeur, elles pourraient être prises en charge par l’entreprise. C’est d’ailleurs pour cette raison que les groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient voté la proposition de loi relative au conseiller du salarié, contre l’avis de la majorité, qui étend aujourd’hui cette procédure aux employeurs, et c’est très bien !
Monsieur le président, je vous ai rendu une minute. Je vous en dois encore une !
M. le président. Je vous félicite de votre concision, ma chère collègue. (Sourires.)
L'amendement n° 10, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 76 et 33.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à permettre à l'employeur de se faire assister, lors du ou des entretiens préalables à la rupture conventionnelle, par une personne appartenant à son organisation patronale ou par un autre employeur relevant du même secteur professionnel que lui. Cette faculté serait ouverte uniquement aux entreprises comptant moins de cinquante salariés.
En l'état actuel du texte, l'employeur ne peut être assisté que par un salarié de son entreprise. Or on ne trouve pas nécessairement, dans les petites entreprises, un salarié ayant la volonté d’assister le chef d’entreprise ou les compétences nécessaires pour le faire.
Dans la mesure où le salarié a la possibilité, dans certains cas, de se faire assister par une personne extérieure à l'entreprise, il ne paraît pas inéquitable d’accorder la même possibilité au patron d'une très petite entreprise.
J’indique que, si cet amendement était adopté, les amendements nos 76 et 33 n’auraient plus d’objet.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous demanderons le vote par priorité de l’amendement n° 10 !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis vraiment désolé, mais je pense que l’amendement n° 10 est plus complet que les amendements nos 76 et 33.
Mme Raymonde Le Texier. Vous êtes tellement plus intelligent, c’est normal ! (Sourires.)
M. Xavier Bertrand, ministre. J’aurais tellement aimé vous dire que les amendements nos 76 et 33 étaient meilleurs que l’amendement n° 10 ! (Nouveaux sourires.)
Je prie les auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement n° 10, qui devrait les satisfaire.
M. le président. Madame Le Texier, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Le Texier. Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Annie David. Je veux bien admettre que la rédaction proposée par M. le rapporteur est meilleure.
M. le rapporteur ayant bien précisé que son amendement concernait les toutes petites entreprises – il est vrai que les chefs de ces entreprises n’ont pas toujours les compétences suffisantes pour mener à bien ces entretiens –, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 76 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-14 du code du travail, remplacer le mot :
calendaires
par le mot :
ouvrables
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Un délai de quinze jours calendaires, soit au plus dix jours ouvrés, à compter de la réception de la demande nous paraît trop court pour permettre un examen au fond de la rupture conventionnelle.
Dans ces conditions, l’homologation va se trouver réduite à un simple contrôle de légalité, ce qui présume implicitement que les parties à la rupture conventionnelle sont en situation d’égalité, comme s’il s’agissait d’un contrat de droit civil.
Nous ne partageons évidemment pas cette opinion, qui traduit une méconnaissance de la raison d’être fondamentale d’un droit du travail autonome : la sujétion du salarié à l’employeur, qui justifie un réel examen des conditions de la rupture.
Dans sa version initiale, notre amendement tendait à prévoir un délai de deux mois, cette durée correspondant au délai de recours contentieux de droit commun dans les cas de décision implicite résultant du silence gardé par l’administration.
Il faut que l’administration du travail soit en mesure de vérifier la réalité du consentement des salariés et, en cas de doute, le contexte propre à l’entreprise, ce qui nécessite un délai d’examen suffisant.
Monsieur le ministre, après une discussion en commission des affaires sociales, nous avons accepté de modifier notre amendement.
Estimant qu’une durée de quinze jours calendaires était tout de même trop courte – si une homologation devait avoir lieu entre le 1er mai 2008 et 15 mai 2008, le délai de quinze jours ne correspondrait qu’à sept jours ouvrables ! –, nous proposons de porter le délai d’instruction à trois semaines. Une telle disposition ne nous paraît pas remettre fondamentalement en cause l’accord qui a été signé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement. En effet, comme l’a très justement expliqué M. Godefroy, si une demande d’homologation était faite au mois de mai, cela poserait quelques difficultés, y compris dans les directions du travail !
J’accepte donc tout à fait la proposition de M. Godefroy. Je suis d’ailleurs heureux que nous soyons enfin d’accord sur un amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Combien aurais-je aimé ne pas rompre cette unanimité naissante ! (Sourires.) D’ailleurs, il est vrai que, dans un premier temps, j’ai été tenté d’adopter la même position que vous, monsieur le rapporteur.
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur un point. Dès lors que nous avons fixé à quinze jours calendaires le délai légal pour exercer le droit de rétractation, il est cohérent que nous options pour la même durée s’agissant du délai d’homologation.
Par ailleurs, dans le présent dispositif, le silence vaut acceptation. Nous avons donc intérêt à avoir le délai le plus court et le plus sécurisé possible, car cela profitera aux parties.
Dans ces conditions, s’il était adopté, un tel amendement viendrait tout simplement fragiliser l’homologation.
Certes, dans les cas où le système exige qu’une réponse soit apportée, je comprends que l’on ait besoin de plus de temps. Mais, dès lors que le silence vaut acceptation, mieux vaut que le délai soit le plus court possible.
Or remplacer « calendaires » par « ouvrables » aurait pour effet d’allonger la procédure et n’irait nullement dans le sens d’une sécurisation.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments, mais je pense tout de même que votre position s’explique avant tout par votre refus de modifier votre texte.
M. Jean-Pierre Godefroy. Soit ! Alors, parlons plutôt de votre « accord », puisque vous l’avez signé.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais vous l’avez avalisé.
Pour en revenir au fond de notre débat, vous soulignez que le silence vaut approbation. Or, pour reprendre mon exemple du mois de mai 2008, le temps que la demande parvienne à l’administration, puis qu’elle soit transmise à la personne susceptible d’examiner le dossier, on peut compter effectivement sur un silence total !
En tant qu’élus, mes chers collègues, nous savons bien que les délais d’acceptation silencieuse de l’administration posent parfois des problèmes.
Aussi, porter le délai à trois semaines ne constituerait pas, me semble-t-il, une remise en cause fondamentale du texte. En revanche, cela permettrait de sécuriser la procédure, et ce pour les deux parties, en constatant qu’il n’y a pas d’objection formulée. À mon sens, cela ne peut pas fragiliser la procédure.
Quoi qu’il en soit, avec le dispositif actuel, c'est-à-dire un délai de quinze jours calendaires pour obtenir un accord par silence, il n’y aura jamais de refus d’homologation !
Mme Raymonde Le Texier. C’est bien l’objectif !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas l’avis de M. le ministre.
À mon sens, le délai de rétractation et le délai d’homologation sont bien distincts.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans le cas du délai de rétractation, les deux parties connaissent le contenu du contrat – elles l’ont signé – et n’ont pas à étudier les pièces qui leur sont communiquées, puisque c’est leur volonté qui s’exprime. Dès lors qu’elles connaissent le texte pour l’avoir approuvé et signé, il est tout à fait concevable que le délai soit fixé en jours « calendaires ».
Pour sa part, l’autorité administrative doit avoir le temps de prendre connaissance des conditions dans lesquelles l’accord a été conclu. Encore faut-il qu’il y ait des jours travaillés et que les dossiers ne s’empilent pas trop…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Certes, monsieur le ministre, nous savons bien que l’État est présent jour et nuit, notamment lors des fêtes de fin d’années ou pendant la période excessivement « ouvrée » des ponts du mois de mai. (Nouveaux sourires.)
Par conséquent, de notre point de vue, fixer le délai d’homologation en jours « ouvrables » ne nous paraît pas abusif. Peut-être faisons-nous une erreur. Dans ce cas, nous aurions toujours le temps d’y remédier d’ici à la commission mixte paritaire.
En attendant, monsieur le ministre, donnez-nous quelques jours ouvrables !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. M. le président de la commission des affaires sociales vient de rappeler dans quels cadres respectifs se situent le délai de rétractation et le délai d’homologation. Il est vrai que je les avais moi-même mis en parallèle.
À la limite, si une suite favorable devait être donnée à un tel amendement, c’est plutôt le délai de rétractation qu’il faudrait définir en jours « ouvrables », et non en jours « calendaires ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi ?
M. Xavier Bertrand, ministre. En effet, dans ce cas, cela offrirait une possibilité supplémentaire aux parties !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ma part, je reste sur ma position. Il y a bien un problème de symétrie. Si le délai de rétractation est fixé en jours « calendaires », il doit en être de même pour le délai d’homologation.
En outre, j’ai bien conscience – vous l’avez souligné vous-même en mentionnant la commission mixte paritaire, monsieur le président de la commission des affaires sociales – que si de tels sujets ne sont pas portés par de grands espoirs, il vaut mieux arrêter tout de suite !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non ! Nous avons une véritable volonté d’avancer !
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-14 du code du travail, après les mots :
du conseil des prud'hommes,
insérer les mots :
qui statue en premier et dernier ressort,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le conseil de prud'hommes statue en premier et dernier ressort quand il est saisi d'un recours contre une convention de rupture du contrat de travail.
Une telle mesure vise à réduire la durée des procédures juridictionnelles et à sécuriser ainsi plus rapidement, sur le plan juridique, la rupture conventionnelle.
En outre, cet amendement est cohérent avec la logique de la rupture conventionnelle, qui vise à favoriser des solutions négociées, et non des procédures conflictuelles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est partagé.
D'une part, le sujet n’a pas à proprement parler été visé par l’accord national interprofessionnel et ne me semble pas faire l’unanimité parmi les signataires.
D'autre part, monsieur le rapporteur, le dispositif que vous proposez permettrait tout de même de gagner deux années de procédure.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est pas neutre !
Ne l’oublions pas, il s’agit d’une procédure de rupture conventionnelle – je dis bien « conventionnelle », et non « amiable » –, ce qui suppose également la possibilité d’attendre l’homologation et d’intervenir ensuite. Dès lors, il ne me semble pas logique de se placer de prime abord dans une perspective de conflit.
Cependant, si la justice est amenée à trancher à un moment donné, il est vrai qu’il n’est pas neutre de gagner deux ans, surtout lorsque l’on évoque la sécurisation des procédures.
Par ailleurs, le seul vrai juge de la liberté du consentement est le juge prud’homal, c'est-à-dire une juridiction à caractère paritaire. Aussi, le double degré de juridiction ne trouve pas tout à fait sa place de la même manière que pour d’autres juridictions.
D’ailleurs, et vous le savez, en fonction du montant des affaires, le conseil de prud’hommes juge parfois en premier et dernier ressort ; il reste alors seulement la possibilité de se pourvoir en cassation. Il me semble important que le juge prud’homal soit soumis au contrôle du juge de cassation en cas d’erreur de droit.
En revanche, d’aucuns objectent que, si le pourvoi en cassation, donc devant des magistrats professionnels, devient la seule voie de recours possible, cela posera des problèmes de coûts. La suppression de l’appel ne risque-t-elle pas de dissuader certains justiciables d’aller devant la Cour de cassation ?
Tels sont les termes du problème posé. Voyons maintenant les réponses.
D’abord, l’accès à aide juridictionnelle, qui bénéficie au salarié dont les ressources mensuelles sont égales ou inférieures à 1 328 euros, est également ouvert devant la Cour de cassation.
Ensuite, si son recours devant la Cour de cassation est fondé, le salarié pourra bénéficier des frais irrépétibles, qui correspondent aux frais d’avocat. Dans ce cas, c’est l’employeur qui pourra être condamné aux dépens.
Enfin, un syndicat peut également intervenir aux côtés du salarié, par exemple en prenant en charge ses frais d’avocat.
Tels sont les tenants et les aboutissants de ce débat, et le sujet n’est pas neutre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Pour ma part, je voterai contre cet amendement.
Cela vous surprendra sans doute, mes chers collègues, mais je rejoins l’argumentation qui vient d’être défendue par M. le ministre, encore que je ne le dirai pas trop fort, ni trop souvent. (Sourires.)
De mon point de vue, le fait que les prud’hommes statuent en premier et en dernier ressort prive effectivement les salariés de certaines possibilités. M. le ministre a très bien expliqué les difficultés qui surgiraient si le pourvoi en cassation devenait la seule voie de recours possible.
Certes, la procédure sera plus longue si le conseil de prud’hommes ne statue pas en premier et en dernier ressort. Mais, en même temps, il est, me semble-t-il, normal de maintenir une procédure respectueuse du droit des parties.
C’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Tout comme ma collègue Annie David, je partage l’avis de M. le ministre, notamment lorsqu’il rappelle que le sujet n’a pas été visé par l’accord national interprofessionnel.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un bon argument !
Mme Christiane Demontès. De notre point de vue, il n’y a pas lieu d’empêcher l’appel, sauf à vouloir limiter les contentieux sur la rupture conventionnelle et à chercher à éviter pour l’employeur tout risque de sanction, comme la réintégration du salarié ou le versement de dommages et intérêts.
Par conséquent, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par M. Souvet, Mme Procaccia, M. Esneu, Mme Henneron et MM. Hérisson et Bordier, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1237-14 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.
La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Je le rappelle, au mois de janvier 2005, j’ai été le rapporteur du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Nous avions alors adopté une disposition tendant à limiter à douze mois les délais de recours contentieux ou de recours juridictionnel.
Afin de mieux « borner » le système de la rupture conventionnelle et de sécuriser davantage les conditions dans lesquelles les parties peuvent s’accorder, j’ai pensé qu’il était nécessaire et positif d’intégrer une telle disposition dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Une telle précision nous paraît effectivement en cohérence avec la limitation à douze mois du délai de recours en cas de licenciement. Elle va effectivement dans le sens d’une meilleure sécurité juridique et d’une diminution de la durée du recours contentieux.
Néanmoins, cette disposition n’ayant pas été visée par l’accord national interprofessionnel, la commission a préféré émettre un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
En effet, comme vous le savez, en matière sociale, des discussions et des réflexions sont actuellement menées pour unifier le régime des prescriptions, qui serait fixé à cinq ans. À ce titre, je vous renvoie à la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, qui vient d’être adoptée par l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, un progrès a déjà été réalisé avec l’adoption de l’amendement n° 11 visant à préciser que le conseil des prud’hommes statue en premier et dernier ressort. Je ne souhaite pas que nous allions plus loin.
De plus, nous savons pertinemment que le nombre de recours dont nous serons saisis a peu vocation à varier au-delà des douze premiers mois. Je ne vois donc pas pourquoi, surtout au moment où nous menons une réflexion d’ensemble, nous modifierions le délai pour le ramener de cinq ans à douze mois.
Voilà pourquoi, pour une question à la fois de fond et de méthode, eu égard aux discussions qui sont en cours, le Gouvernement demande le retrait ou, à défaut, le rejet de cet amendement.
M. le président. Monsieur Souvet, l'amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?
M. Louis Souvet. Non, monsieur le président. Je comprends les raisons invoquées par M. le ministre, et je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 53 rectifié est retiré.
L'amendement n° 77, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-15 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’objet de cet amendement est clair. Le texte proposé pour l’article L. 1237-15 du code du travail prévoit que les salariés protégés, c’est-à-dire détenteurs d’un mandat syndical, pourraient bénéficier de ce nouveau dispositif.
Notre amendement est tout aussi simple : nous proposons de supprimer cet alinéa, au motif que la disposition n’est pas dans l’accord national interprofessionnel, l’ANI.
On s’étonne de voir cette mesure figurer dans le projet de loi, d’autant que le Gouvernement n’a cessé de répéter que tout ce qui excédait la stricte transposition de l’ANI n’avait rien à faire dans ce texte ! Nombre de nos amendements ont d’ailleurs été repoussés sous ce prétexte ; j’espère donc que M. le ministre saura prêter une oreille attentive à notre proposition.
Cette mesure nouvelle par rapport à l’ANI vient contredire tous les discours gouvernementaux officiels. Nous en avons pris l’habitude ! Lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, sur lequel la commission mixte paritaire se réunira mardi prochain, vous nous disiez déjà vouloir réaliser une simple transposition. Vous avez pourtant malicieusement inséré un alinéa autorisant l’enseignement non mixte… Cela a d'ailleurs fait l’objet d’un débat passionnant ici même !
De plus, la disposition que vous ajoutez pourrait faire courir un risque d’achat de mandat. Cette mesure pourrait faire peser un doute trop important sur les représentants des salariés à qui l’on donne mandat pour défendre ces derniers dans l’entreprise.
La démocratie sociale d’entreprise, comme la démocratie dans son ensemble, exige à la fois de la transparence et de la confiance ; votre mesure pourrait entamer cette dernière, les représentants du personnel pouvant être suspectés de monnayer leur départ.
Or, ne l’oublions pas, les salariés élus le sont pour l’ensemble des salariés et, s’ils sont protégés, c’est justement pour les mettre à l’abri de l’arbitraire et du seul pouvoir de l’employeur.
Adopter cette disposition aboutirait indéniablement à revenir sur cet équilibre, ce qui est inacceptable. Cette disposition est en outre contraire à l’ANI.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je suis quelque peu surpris que Mme David veuille supprimer la protection des salariés protégés. La commission, quant à elle, a souhaité maintenir cette protection ; elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. M. le rapporteur se dit surpris de ma demande de suppression puisque, ce faisant, on supprimerait une protection pour des salariés qui sont déjà protégés.
Comme je l’ai dit en commission, lorsqu’un salarié est titulaire d’un mandat syndical, quel qu’il soit, il doit mettre ce mandat au service des salariés qu’il est censé défendre et non à son propre profit. Ces salariés bénéficient fort justement d’une protection particulière puisque leur licenciement doit recevoir l’accord de la direction départementale du travail.
La direction départementale du travail étant déjà sollicitée pour une rupture conventionnelle, je ne vois pas pourquoi on ajouterait une protection supplémentaire, sauf à jeter le doute sur l’ensemble des représentants syndicaux dans les entreprises.
La représentativité syndicale fait actuellement l’objet d’une négociation, et une position commune commence à émerger.
La disposition en question n’a jamais été évoquée au cours des quatre mois de négociation avec l’ensemble des partenaires sociaux ; aucun partenaire n’a demandé qu’elle soit intégrée dans l’accord. Nous ne savons ni comment ni pourquoi elle figure dans le projet de loi.
Toujours est-il que je trouve dommage de jeter la suspicion sur les représentants des salariés, qui sont toujours l’objet de multiples pressions auxquelles il est quelquefois difficile de résister. Je crains que cette disposition n’accroisse encore la pression qui pèse sur leurs épaules.
Monsieur le ministre, vous ne m’avez absolument pas répondu. Comment se fait-il que cette mesure figure dans le projet de loi alors qu’il n’en est absolument pas question dans le fameux accord national interprofessionnel signé par l’ensemble des organisations syndicales ? Y aurait-il deux poids, deux mesures : des éléments qu’il faudrait laisser, d’autres qu’il importerait d’écarter, d’autres encore qu’il conviendrait d’ajouter ?
Ce n’est pas bon pour les syndicats, alors que la négociation sur la représentativité est en cours.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous sommes-nous éloignés de la lettre de l’accord ? Oui, et je vais vous dire pourquoi. Nous sommes-nous éloignés de son esprit ? Certainement pas !
Pourquoi interdire ou empêcher un salarié protégé de bénéficier de ces dispositions ? Ne l’oublions pas, la jurisprudence est constante. Toutes les protections, notamment le contrôle réalisé par l’autorité administrative, continueront à s’appliquer. Il n’y a strictement aucun problème. D’ailleurs, si nous avons apporté cette précision, c’est tout simplement pour conserver et pour renforcer la protection du salarié protégé.
Voilà pourquoi nous avons inscrit cette mesure dans le projet de loi. Je tenais à m’en expliquer.
Mme Annie David. Quelle jurisprudence ? La disposition n’existe pas encore !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je ne voterai pas cet amendement, mais je tenais à saluer la démarche responsable et courageuse de Mme David. Il n’est pas toujours évident de défendre ce type d’amendement. Il est dommage, en effet, que ce texte ne fasse pas partie de l’accord.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les dispositions du présent article sont applicables à compter de la signature par les partenaires sociaux du renouvellement suivant de la Convention d'assurance chômage.
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Les dispositions proposées pour l’article L. 1237-11 du code du travail indiquent que les salariés dont la rupture du contrat de travail résulte d’une rupture conventionnelle homologuée bénéficieront du versement des allocations d’assurance chômage dans des conditions de droit commun.
Comme nous l’avons déjà indiqué, un certain nombre d’incertitudes pèsent actuellement sur le financement des différentes branches de la protection sociale. Une nouvelle convention d’assurance chômage doit entrer en application le 1er janvier 2009. Le Gouvernement entend obtenir le basculement d’une partie du financement des allocations de chômage sur les retraites. Des mesures coercitives sont prises à l’encontre des demandeurs d’emploi pour les obliger à accepter des emplois précaires, déqualifiés, sous-rémunérés et éloignés de leur domicile. Le MEDEF veut profiter de l’opportunité pour obtenir non pas un simple transfert des cotisations d’assurance chômage vers les cotisations retraite, mais aussi et surtout une diminution de leur montant.
Il nous paraît donc raisonnable de vérifier préalablement que le nouvel organisme issu de la réforme du service public de l’emploi dont nous avons débattu au début de l’année tiendra les engagements pris par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel et transposés dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement semble redondant avec la disposition qui est déjà inscrite dans la loi selon laquelle les salariés dont le contrat a été rompu par la voie conventionnelle bénéficieront d’allocations chômage.
De plus, il n’y a aucune raison de douter que le droit à l’assurance chômage stipulé par l’accord du 11 janvier sera concrétisé dans la prochaine convention d’assurance-chômage, puisque ce sont les mêmes organisations qui négocieront. C’est en quelque sorte un signal qui leur est adressé.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. J’ajoute que cette disposition est redondante avec la rédaction qui résulte de l’adoption d’un amendement socialiste, à l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans un délai de trois ans à compter de la date de promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le nombre de conventions de rupture conventionnelle signées, le nombre de demandes d'homologation réputées acquises par défaut de notification de l'autorité administrative, le nombre de recours au conseil de prud'hommes et leur conclusion.
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement a pour finalité de permettre au Parlement de disposer de statistiques sur les ruptures conventionnelles et, par là même, sur les caractéristiques de celles-ci.
Il y a une incertitude complète face à la concrétisation de la séparation à l’amiable voulue par le MEDEF et acceptée par un certain nombre de syndicats de salariés, à l’exception de la CGT, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel.
Plusieurs questions se posent.
Quel sera le nombre de ruptures conventionnelles par rapport à ce que l’on sait aujourd’hui des licenciements négociés ? Sera-t-il plus important, ou moins important ?
En fonction de ce nombre, l’homologation par l’administration du travail sera-t-elle une procédure d’examen au fond ou une simple formalité administrative ?
Si la rupture conventionnelle n’est pas applicable dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou d’un plan de licenciements, ne risque-t-elle pas d’être utilisée en substitution à ces procédures dans certains cas ?
Peut-on imaginer que des pressions s’exercent à l’encontre de salariés pour les contraindre à signer une rupture conventionnelle ? À combien de contentieux la rupture négociée donnera-t-elle lieu ?
Quelles questions juridiques seront-elles soulevées au contentieux sur cette forme innovante de rupture du contrat de travail ? Y aura-t-il des requalifications en licenciement ?
Il est important que, sur tous ces points, le Parlement soit clairement informé des conséquences de ce que l’on nous demande de voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Les partenaires sociaux ont déjà prévu de mettre en place une commission de suivi et d’évaluation de cet accord, ce qui nous permettra d’évaluer le fonctionnement de la rupture conventionnelle.
Dans ces conditions, le Parlement aura, me semble-t-il, les moyens d’être parfaitement informé. Il n’est donc pas nécessaire d’exiger un autre rapport puisque nous pourrons disposer de celui que les partenaires sociaux auront eux-mêmes élaboré. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 40 rectifié bis est présenté par MM. Béteille, Lecerf, Pillet, de Richemont, Buffet et Mme Desmarescaux.
L'amendement n° 54 rectifié bis est déposé par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste – UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le dernier alinéa de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, après les mots : « contrat de travail », sont insérés les mots : « ou de la convention de rupture, l'homologation ou le refus d'homologation de la convention, ».
La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié bis.
M. Laurent Béteille. Cet amendement, sans lien aucun avec les amendements précédents, vise le régime particulier des avocats salariés pour lesquels des dispositions spéciales prévoient la compétence du bâtonnier en cas de litige lié au contrat de travail. Comme vous le savez, actuellement, lorsqu’un avocat salarié est licencié, le litige est porté non devant le conseil de prud’hommes, mais devant la juridiction ordinale.
Par cohérence, il convient de faire en sorte que les litiges relatifs aux cas de rupture d’un commun accord intervenant entre un avocat salarié et son patron remontent également à la juridiction du bâtonnier plutôt qu’au conseil de prud’hommes. Tel est l’objet de l’amendement n° 40 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié bis.
M. Nicolas About. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir une exception à la compétence de principe du conseil de prud’hommes au profit des avocats salariés. La commission n’a pas souhaité suivre l’esprit de la loi de 1971, préférant que cette profession rejoigne le droit commun. Elle m’a donc demandé d’émettre, en son nom, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est partagé. J’ai bien entendu ce qui a été dit tant par M. Béteille que par M. le rapporteur. Il ne s’agit pas que les avocats ne puissent bénéficier des dispositions dont profitent l’ensemble des salariés. Pour autant, je ne méconnais pas la crainte nourrie par certains de voir d’autres professions invoquer l’exemple des bâtonniers pour faire intervenir les responsables de leurs ordres.
Monsieur Béteille, je vous dirai très franchement que, si la commission avait émis un avis favorable, je l’aurais suivie. Puisqu’il en va autrement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Ce point est important pour la profession. Il a fait l’objet de discussions lors de la mise en place, au profit des avocats, de contrats salariés, succédant aux contrats de collaboration qui obéissaient à d’autres règles. Le fait que les avocats puissent être salariés a constitué un véritable progrès obtenu par la négociation, notamment avec la Chancellerie.
Il a été jugé qu’il n’était pas opportun que les litiges liés au contrat de travail des avocats soient jugés directement par une juridiction devant laquelle certains sont appelés à plaider journellement. Par conséquent, la compétence du conseil de prud’hommes aurait, en l’occurrence, posé problème. De toute façon, le litige se retrouve, en cas d’appel, devant la même juridiction, la cour d’appel, puisque la décision du bâtonnier est toujours à charge d’appel. Il est clair que la cour d’appel a une plus grande distance par rapport à l’exercice quotidien de la profession d’avocat.
Je défends cette mesure, car elle a sa cohérence et elle respecte l’indépendance de la profession d’avocat. L’enjeu est de rendre cohérents les textes précédents et le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui. Il me paraît en effet difficile de comprendre que le licenciement pour faute soit du ressort du bâtonnier, alors que les difficultés liées à l’homologation d’un accord relèveraient du conseil de prud’hommes. Soucieux d’éviter cette incohérence totale, j’insiste auprès de vous, mes chers collègues, pour que cet amendement vraiment nécessaire soit adopté.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 rectifié bis et 54 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement présentera au Parlement, dans les deux ans suivant la publication de la présente loi, un rapport sur l'évaluation des conséquences de ce dispositif sur le régime d'assurance chômage et sur les conséquences budgétaires de la défiscalisation des indemnités de rupture conventionnelle.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La proposition de réduire de deux ans à un an la durée d’ancienneté exigée pour pouvoir bénéficier de l’assurance chômage nous amenait déjà à nous interroger quant aux conséquences d’une telle mesure sur la situation financière du régime d’indemnisation du chômage.
Tel est également le cas avec cette rupture conventionnelle, qui, dès son homologation, ouvrira droit à une indemnisation du chômage.
Cela ne sera pas sans conséquence sur le régime d’indemnisation du chômage, surtout si le Gouvernement ne prévoit pas d’accroître la participation des employeurs au financement de ce dernier.
Je voudrais d’ailleurs vous rappeler que la présidente de la Caisse nationale d’assurance vieillesse a fait part de son opposition sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle nous demandons que soit remis au Parlement un rapport portant sur les conséquences de cet article sur le régime d’assurance chômage et sur l’effet d’aubaine que cette rupture conventionnelle pourrait provoquer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler tout à l’heure que les partenaires sociaux s’étaient souciés de mettre en place des commissions de suivi. Il en est ainsi de l’objet que vient d’évoquer notre collègue Guy Fischer. Les partenaires sociaux ont en effet prévu une commission de suivi et d’évaluation des dispositifs mis en place par l’ensemble de l’accord.
Le Parlement aura donc les moyens d’être informé sans qu’il soit procédé à la remise formelle par le Gouvernement d’un rapport consacré à l’évolution de cet accord et à son bilan.
Ne souhaitant pas multiplier les rapports, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Un contrat de travail à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini, d'une durée minimale de dix-huit mois et maximale de trente-six mois, peut être conclu pour le recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives. Le recours à ce contrat est subordonné à la conclusion d'un accord de branche étendu ou, à défaut, d'un accord d'entreprise.
L'accord de branche étendu ou l'accord d'entreprise définit :
1° Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauchage et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;
3° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.
Ce contrat est régi par le titre IV du livre II de la première partie du code du travail, à l'exception des dispositions spécifiques fixées par le présent article.
Ce contrat prend fin avec la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance au moins égal à deux mois. Il peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux. Il ne peut pas être renouvelé. Lorsque, à l'issue du contrat, les relations contractuelles du travail ne se poursuivent pas par un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité d'un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute.
Le contrat à durée déterminée à objet défini est établi par écrit et comporte les clauses obligatoires pour les contrats à durée déterminée, sous réserve d'adaptations à ses spécificités, notamment :
1° La mention « contrat à durée déterminée à objet défini » ;
2° L'intitulé et les références de l'accord collectif qui institue ce contrat ;
3° Une clause descriptive du projet et mentionnant sa durée prévisible ;
4° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;
5° L'événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;
6° Le délai de prévenance de l'arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
7° Une clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux et le droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à l'initiative de l'employeur, à une indemnité égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.
Ce contrat est institué à titre expérimental pendant une période de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.
À l'issue de cette période, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport, établi après concertation avec les partenaires sociaux et avis de la Commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d'application de ce contrat et sur son éventuelle pérennisation.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Mes chers collègues, cet article 6 constitue le quatrième article défavorable aux salariés ou participant à l’aggravation des conditions de travail et de précarité ! Quatre articles sur six, autant dire que cela témoigne du déséquilibre profond de ce texte ! Et encore devrais-je dire « quatre sur cinq », tant l’article 1er, je le rappelle, ne crée aucun droit et ne renforce pas la protection existante. Il entérine même l’existence de contrats précaires. Il s’agit là d’un résultat dont le MEDEF peut se féliciter.
Cet article 6 prévoit la création d’un nouveau contrat précaire, allongeant la liste des trente-six ou trente-sept contrats précaires déjà existants si l’on compte par avance le contrat de portage. On comprend donc que, pour vous, la seule manière de moderniser le marché du travail réside dans le fait de lui donner toujours plus de souplesse en le libérant des fameux carcans légaux que votre majorité ne cesse de dénoncer.
Il s’agit donc ici de créer un véritable contrat de projet ou de mission en direction des ingénieurs et des cadres. En somme, les employeurs pourront recourir à du personnel en leur confiant une mission particulière. Ils disposeront toutefois de la possibilité de les licencier au bout de douze mois, ou de dix-huit mois – cela devrait être précisé dans un instant –, et au bout de vingt-quatre mois. Ce licenciement résulterait non du mauvais accomplissement de leur mission par les salariés, mais tout simplement de l’arrivée d’un seuil présupposé fatidique de un an et de deux ans. L’employeur pourrait encore se séparer de son salarié au bout de trente-six mois ou à l’issue de la mission, sans compter qu’il peut toujours le faire pendant la période d’essai qui, je le rappelle, s’agissant de cadres, peut aller jusqu’à huit mois.
Je vois bien où est la flexibilité pour les employeurs, mais je cherche encore la sécurisation de l’emploi pour ces cadres !
En outre, l’argument de la limitation de ce projet de loi, tant dans le temps que dans le public visé, ne nous satisfait pas. Nous savons pertinemment que les employeurs trouveront dans cette disposition l’outil de précarisation qui correspond à leurs attentes et à leurs pratiques managériales. Il ne fait alors aucun doute que le patronat proposera au Gouvernement d’étendre ce dispositif à tous les salariés. L’un de nos collègues va d’ailleurs le proposer dans un instant !
Ce contrat, s’il était adopté, ferait peser sur les cadres et les ingénieurs une pression inacceptable. Ces derniers devraient satisfaire à toutes les attentes, à toutes les exigences, avec une seule certitude, celle de devoir quitter l’entreprise une fois la mission accomplie.
On se retrouvera donc dans la situation immorale où le cadre qui aura participé à l’essor de l’entreprise, qui aura permis le développement du capital et l’enrichissement de la société se verra licencier pour la qualité de ses bonnes performances !
C’est injuste socialement, et contradictoire, me semble-t-il, avec l’engagement présidentiel pris récemment d’associer les salariés à la réussite de l’entreprise en favorisant l’intéressement.
Il y aurait donc des salariés que l’on gratifie pour l’excellence de leur participation, ceux en CDI, et d’autres dont on se sépare pour le même motif, ceux en CDD à objet défini. Mais on sait également que ces mesures sont contreproductives dans la mesure où les salariés s’épanouissent lorsqu’ils ont la sécurité de l’emploi et où, de cet épanouissement, naît une productivité accrue. C’est ce qui est observé aux États-Unis, où l’on a pu constater une baisse de productivité à l’approche de la date de fin du contrat.
Ce contrat sera donc, au final, contreproductif pour les entreprises et dangereux pour les salariés. Je voudrais rappeler que les ingénieurs et les cadres figurent parmi les salariés les plus concernés par le stress au travail et les nouvelles formes de troubles de santé liés au travail ou survenant sur le lieu de travail. Nous gardons tous en mémoire la vague de suicides survenus dans un technocentre d’une grande marque française d’automobiles. Or, les négociations sur la pénibilité du travail sont au point mort.
Cette mesure aggravera les conditions de travail ; c’est pourquoi il nous semble opportun de l’écarter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l’article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est dit ailleurs dans le texte que le CDI est dorénavant la forme de contrat de travail de référence. Or, nonobstant cela, nous nous préparons, avec cet article 6, à créer un nouveau contrat de travail qui n’est ni le CDI ni le CDD, puisqu’il est moins qu’un CDD : il s’agit du fameux contrat de mission ou de projet, l’appellation ayant changé suivant les périodes. C’était une idée du MEDEF qui l’avait fait figurer dans ses propositions en 2002. Si mes souvenirs sont exacts, en 2004, Ernest-Antoine Seillières, au nom du MEDEF, avait salué la reprise du contrat de mission dans le rapport Virville commandé par François Fillon. Voilà pour l’historique.
Cet article vise à étendre aux cadres et aux ingénieurs, c'est-à-dire à 10 % de la population active, la possibilité de recours au CDD, alors qu’ils en étaient jusqu’à présent relativement protégés.
Ce CDD à objet défini est, en outre, plus précaire que le CDD actuel. Son terme est incertain – entre dix-huit et trente-six mois –, et l’employeur est le seul maître de la fixation de son terme. La durée maximale de ce CDD pourra en effet être de trente-six mois, alors que les CDD actuels ne peuvent pas excéder vingt-quatre mois.
Le CDD à objet défini pourra être rompu par l’employeur – et nous y revoilà ! – pour un simple motif réel et sérieux, alors qu’une faute grave est exigée pour pouvoir rompre un CDD normal. Autrement dit, ce contrat de travail, d’ailleurs plus proche de l’intermittence que du CDD, est caractérisé par un maximum de flexibilité.
Dans l’esprit du patronat, ce nouveau contrat avait clairement vocation à être étendu au-delà des cadres et des ingénieurs. D’ailleurs, on a entendu à cette tribune qu’il était proposé d’y soumettre l’ensemble des travailleurs, à l’instar de la suggestion de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, comme le rapporte le journal Les Echos du 10 avril dernier. C’est une logique d’individualisation des contrats par rapport à une tâche.
J’en arrive au cœur de l’affaire. Jusqu’à présent, dans la hiérarchie de la vulnérabilité, c’était à celui qui pouvait être le plus facilement remplacé que l’on donnait les contrats les plus précaires. Bref, il y avait entre la stabilité et l’instabilité, entre la précarité et la sécurité, une sorte d’échelle qui allait de l’emploi le moins qualifié vers l’emploi le plus qualifié.
Pour la première fois, on bouscule cet ordre en instituant pour les plus qualifiés, pour ceux qui sont en état de produire les prestations de plus haut niveau, exigeant la préparation la plus longue et le savoir incorporé le plus large, un contrat de mission, c'est-à-dire rien d’autre que le travail à la tâche, lequel n’existait jusqu’à présent que pour les emplois les moins qualifiés.
C’est une bien curieuse invention que ce contrat, car les entreprises peuvent avoir recours à une prestation de services en s’adressant à une autre entreprise ! Mais peut-être justement veut-on pousser les cadres et les prestataires de services des plus hauts niveaux de qualification à abandonner le statut de salarié d’une entreprise pour devenir travailleur indépendant ou entrepreneur individuel, puisque c’est vers ce type de rapports sociaux que tend désormais la société…
C’est une erreur terrible, parce que, quelle que soit l’appellation, c’est quand même bien du travail à la tâche ! J’interrogerais d’ailleurs volontiers les grands industriels de ce pays,…
Mme Annie David. Il y en a dans cet hémicycle !
M. Jean-Luc Mélenchon. Effectivement !
…qui, parfois, profèrent des vues totalement idéologiques ayant vocation à s’appliquer aux autres mais pas à eux, car, ce que je sais des entreprises les plus performantes de notre pays, celles dont les travailleurs sont les plus qualifiés et qui intègrent les plus hauts niveaux de technique, c’est précisément qu’elles ne précarisent pas leurs cadres. Bien au contraire !
M. Guy Fischer. Est-ce vrai, monsieur Dassault ?
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est en effet en gardant pour soi les salariés les plus performants, les plus qualifiés, les plus compétents que l’on fait « tourner » une entreprise. Or, plus un salarié a un haut niveau, plus la compétition est rude pour l’embaucher, et c’est là que la charge de la preuve se retourne : le premier avantage qu’un entrepreneur donnera à un personnel de haut niveau, au-delà de la seule rémunération, c’est la stabilité dans l’emploi. Et les mouvements de main-d’œuvre d’une entreprise à une autre – même à rémunération égale, voire parfois inférieure – s’expliquent par la recherche constante de cette stabilité dans l’emploi.
L’affaire semble entendue, puisque le nouveau contrat correspond à la logique générale de la transformation du travail en simple marchandise et de l’émancipation de tout entrepreneur à l’égard de ses responsabilités sociales dès lors que les personnes qu’il embauche sont considérées comme de purs et simples prestataires de services.
Je ferai tout de même encore une remarque, qui concerne la marche générale de notre société.
Jusqu’à présent, ce sont les classes moyennes qui fournissaient le point d’ancrage et la stabilité de nos sociétés économiquement avancées. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
En ce moment, alors même qu’elles sont les plus endettées – et on les y a d’ailleurs bien aidées ! –, elles constituent aussi les catégories sociales qui se sentent les plus directement menacées par une évolution de situations qui ne concernait que les salariés les moins qualifiés et dont elles se croyaient exemptes et dispensées à jamais.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. Or, par des dispositions de cette nature, on va en effet terriblement fragiliser leur situation.
On me dira que tous les entrepreneurs ne seront pas obligés de recourir à ce type de contrat ; mais ils devront bien sûr le faire, et ce quelle que soit la qualité de leurs intentions ! En effet, les impératifs de gestion, de rentabilité financière et de performances veulent que ce soit toujours par le bas du droit social que les entreprises s’ajustent les unes aux autres !
J’attends donc de pied ferme certains de mes collègues de la majorité le jour où nous aurons à proposer nos programmes comparatifs !
Peut-être irai-je alors dans le sud du département de l’Essonne avec M. le sénateur Serge Dassault, et nous expliquerons à ces cadres qualifiés des classes moyennes qui ont quitté le nord du département parce que le foncier coûtait moins cher dans le sud, qui ont construit là leur maison et qui se sont endettés, que, grâce à ce type d’invention, ceux qui se pensaient les plus tranquilles et les plus à l’aise du fait de leurs compétences et de leurs hautes qualifications sont dorénavant aussi peu en sécurité dans leur situation sociale qu’ils ne l’étaient dans leur situation financière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
L'amendement n° 79, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet article nous renvoie à l’engagement du candidat Nicolas Sarkozy de valoriser la valeur travail. Nous nous souvenons tous l’avoir entendu affirmer que les salariés se moquaient de leur RTT et que ce qu’ils voulaient se résumait en une phrase : plus d’argent sur la fiche de paye.
Un an après, on peut dire que le compte n’y est pas !
Nicolas Sarkozy avait en même temps promis aux employeurs de « libérer l’initiative », comme si la législation française la corsetait.
On peut dire que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui l’aide, de ce point de vue, à accomplir ses promesses, tout en regrettant qu’un texte aussi important soit examiné juste avant le pont du 8 mai, le projet de loi relatif à la mobilité et au parcours professionnel dans la fonction publique – texte tout aussi important – ayant quant à lui été discuté juste avant le pont du 1er mai…
Notre droit social serait donc l’une des raisons de la crise que rencontrent les entreprises et que les salariés payent si cher.
Pourtant, les employeurs disposent d’un véritable arsenal de trente-sept contrats atypiques – auquel nous sommes sur le point d’en ajouter un trente-huitième –, soit trente-sept modes de gestion d’entreprise permettant à l’employeur de déroger à la règle que, si l’on se réfère à son article 1er, le présent projet de loi est censé imposer : « Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. »
Ce contrat est-il un recul par rapport au droit du travail tel que nous le connaissons ? J’en suis profondément persuadé, comme Annie David d’ailleurs.
En effet, aujourd’hui, aucun contrat ne permet la signature d’une forme particulière de CDD de plus dix-huit mois. La seule possibilité de dépasser ce délai est de conclure un CDI. On peut donc craindre que les employeurs ne préfèrent recourir à de multiples contrats de mission plutôt qu’à de véritables contrats à durée indéterminée, ce qui ne sera pas sans conséquences sur le régime d’assurance chômage.
Cela ne sera pas non plus sans conséquences sur les salariés eux-mêmes, qui se verront, temporairement ou définitivement s’ils ne parviennent qu’à conclure ce type de contrat, interdits de projet de vie tels que l’accession à la propriété que vous défendez pourtant si souvent.
Décidément, avec ce projet de loi, vous ne refusez vraiment rien au MEDEF ! Vous parvenez même à obtenir, par les pressions que l’on connaît, que des syndicats signent un accord qui va plus loin encore que les propositions issues des rapports Boissonnat et Virville ! Ces pressions ont dû être importantes…
Cela ne fait qu’aggraver notre inquiétude quant aux projets que vous gardez encore dans vos cartons ; je pense en particulier au projet de loi de modernisation de l’économie, qui vous permettra d’ajouter une nouvelle pierre à votre édifice. Avec ce dernier, avec le projet de loi relatif aux contrats de partenariats, et avec les deux textes que nous aurons examinés à une période où tout le monde pense à autre chose, les mauvais coups auront été effectués ! Le Président de la République aura ainsi tenu ses promesses, et une régression sans précédent affectera l’exercice de l’activité salariée et la protection des travailleurs !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Là encore, c’est une disposition essentielle, un véritable pilier de l’accord que vous voulez mettre à bas !
Qui plus est, il s’agit d’un contrat tout de même très encadré, sa durée étant contenue entre dix-huit mois et trente-six mois. Cette disposition est prise à titre expérimental pendant cinq ans, et ce type de contrat ne peut être conclu que dans la mesure où un accord de branche ou d’entreprise le prévoit. Il est limité aux cadres et aux ingénieurs.
Pour toutes ces raisons, la commission émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
« d'une durée minimale de dix-huit mois »
par les mots :
« d'une durée minimale de six mois »
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Je regrette que Jean-Luc Mélenchon ne soit pas là.
M. Serge Dassault. J’aurais en effet pu lui apporter des éléments d’information complémentaires.
Je voudrais faire trois remarques préliminaires.
L’accord entre le patronat et les syndicats que tout le monde a salué comme une nouveauté constitue un compromis, et je m’étonne, comme l’a fait tout à l’heure M. Fourcade, que l’on passe son temps à casser tout ce qui peut éventuellement favoriser une certaine flexibilité telle qu’elle a été acceptée par les chefs d’entreprise. En effet, si tout cela est supprimé, il n’y a plus d’accord, et cela ne rime à rien !
Je regrette d’ailleurs que cet accord ait été signé avant la discussion, car c’est un facteur de blocage. Mais je m’aperçois que, en termes de blocage, nos collègues siégeant sur les travées de gauche de cet hémicycle reviennent en réalité sur tout !
S’il n’y a pas de compromis, il n’y a plus rien ! Or que faites-vous ? À chaque fois, vous voulez supprimer, sous prétexte de protéger les salariés, tout ce qui peut donner un brin de liberté de gestion aux entreprises, si ténu soit-il. Mais vous devez tout de même comprendre qu’un chef d’entreprise ne passe pas son temps à vouloir licencier ses salariés ! Quand il y a du travail et qu’il emploie un bon salarié, il garde ce dernier et n’a pas besoin de contrat pour cela ! Le but d’une entreprise est non pas d’embaucher des gens pour rien, mais de satisfaire des clients. Or, en l’absence de clients, il n’y a pas d’entreprise, il n’y a pas de salariés, il n’y a pas de production, il n’y a rien !
Par conséquent, si l’on empêche les entreprises de travailler normalement, elles s’en vont ailleurs ! Telle est aujourd’hui la raison majeure des délocalisations.
Si l’on continue à faire des contrats de travail qui enserrent les entreprises et qui, prétendument, favorisent les salariés afin de mettre fin à la précarité du travail, on se trompe ! En effet, le travail se fera ailleurs, comme cela se passe d’ailleurs aujourd’hui.
En effet, pour être rentable, une entreprise doit produire, vendre des matériels compétitifs. Or si, à chaque fois que c’est possible, on supprime la moindre liberté de gestion, on n’obtiendra rien et, en fin de compte, les salariés que vous voulez protéger se retrouveront au chômage ! Ils pourront alors dire que les socialistes les ont mis dans cette situation !
J’en viens à l’amendement n° 22, qui représente une possibilité de liberté d’action pour les entreprises. Il vise à ce que la durée minimale des nouveaux contrats soit ramenée de dix-huit mois à six mois.
En effet, un contrat à durée déterminée à objet défini a pour objectif de rendre plus flexible le marché du travail. Or certains, semble-t-il, ne veulent pas de la flexibilité !
Dans la plupart des secteurs d'activités, les missions de travail ont une durée de réalisation bien inférieure à dix-huit mois : cela peut-être six mois, voire moins. Dès lors, pourquoi limiter cette durée à dix-huit mois, même si certaines missions, il est vrai, peuvent être supérieures à trente-six mois ?
Il m’apparaît que, grâce à des contrats de mission limités à la réalisation d’objet défini, quelle que soit sa durée, les chefs d’entreprise seraient plus enclins à embaucher un grand nombre de chômeurs.
C’est la raison pour laquelle je souhaite modifier quelque peu l’article 6. En effet, dans la plupart des entreprises, le travail est aléatoire : il y a des contrats, mais pour combien de temps ? Ensuite, il y en aura peut-être d’autres, mais il n’y en aura peut-être pas.
Dès lors, certains chefs d’entreprise peuvent considérer qu’ils prennent un risque s’ils doivent embaucher pour réaliser tel ou tel contrat de travail. En effet, que feront-ils quand ce contrat arrivera à échéance ? Malgré le manque de travail, ils ne pourront pas licencier facilement le personnel. Dans ces conditions, ils n’embauchent pas, ils ne prennent pas la commande, ou ils vont embaucher à l’étranger, là où toutes ces contraintes n’existent pas.
Par conséquent, je souhaite, à travers cet amendement, une libéralisation du marché du travail, en ramenant la durée minimale de dix-huit mois à six mois et en supprimant la limite maximale de trente-six mois, qui d’ailleurs peut être inférieure ou supérieure à cette durée.
Grâce au contrat d’objectif élargi, de nombreux chômeurs seront immédiatement embauchés, que ce soit pour repeindre une maison, ce qui, évidemment, ne dure pas très longtemps, ou pour honorer une commande d’avion, ce qui, certes, demande un peu plus de temps mais ne dure pas non plus indéfiniment. Or que fera-t-on ensuite, lorsque le travail sera terminé ? Devra-t-on procéder à des licenciements massifs ?
Je rappelle que, aux États-Unis, quand l’entreprise Boeing perd une commande, elle n’hésite pas à licencier de 5 000 à 10 000 personnes, ce qui ne pose aucun problème. En revanche, lorsqu’elle obtient une commande, elle embauche immédiatement, et l’entreprise est ainsi toujours en bonne santé.
M. le président. Monsieur Dassault, je vous prie de conclure !
M. Serge Dassault. Cela s’appelle la flexibilité du travail ; mais il est vrai qu’aux États-Unis où le chômage est, je le rappelle, de 4,5 %, l’Organisation internationale du travail n’a pas la même place que chez nous, et tout fonctionne à la satisfaction de tous.
Par conséquent, si l’on ne veut pas diminuer le chômage en France, il n’y a qu’à continuer comme on l’a fait jusqu’à maintenant !
M. le président. Monsieur Dassault, comme je l’ai indiqué tout à l’heure à Mme Le Texier, tout sénateur est tenu de défendre son amendement dans un délai maximal de cinq minutes. Cette remarque s’applique à vous de la même façon.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à ramener à six mois la durée minimale du CDD à objet défini.
Indépendamment de tout jugement de valeur que l’on peut porter sur cette proposition, nous constatons qu’elle remet en cause un point important du compromis qui a été dégagé par les partenaires sociaux.
C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Monsieur Dassault, ce contrat a fait l’objet de très longues discussions, et c’est l’un des points qui ont conditionné l’accord global du 11 janvier.
J’ai parlé dès le début non seulement de l’équilibre global, mais aussi d’un certain nombre d’équilibres à l’intérieur du texte. Or la rédaction retenue pour cet article constitue vraiment un équilibre très fin et, si ce dernier n’avait pas été atteint, l’accord n’aurait pu être signé.
Certes, je comprends fort bien votre logique, monsieur le sénateur, et vous savez que nous souscrivons tout à fait à votre volonté d’aller le plus rapidement possible vers le plein emploi ; mais je tiens à vous rappeler que nous commençons déjà à obtenir de vrais résultats. En outre, la signature de cet accord, la transposition de ce dernier et l’adoption de ce projet de loi vont nous permettre d’y contribuer plus largement encore.
Or, si ce que vous proposez était voté, nous aboutirions à un vrai blocage. En d’autres termes, il serait inutile de parler d’expérimentation au sujet du contrat qui est aujourd’hui souhaité puisqu’il ne serait même pas mis en œuvre !
Tel est le problème que soulève votre amendement. C’est pourquoi, même si je comprends votre motivation, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi le Gouvernement, j’en suis désolé, émettra à son sujet un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 22 est-il maintenu, monsieur Dassault ?
M. Serge Dassault. Si je comprends la position exprimée par M. le ministre, je rappelle que je travaille ici dans l’intérêt des chômeurs. (M. Guy Fischer applaudit.)
Si vous souhaitez que les chômeurs restent chômeurs, il n’y a qu’à continuer ainsi !
M. Dominique Leclerc. Très bien !
M. Serge Dassault. Je ne pense pas que le fait de passer de dix-huit mois à six mois changerait grand-chose quant à la façon dont cette opération sera menée, et cela ne saurait remettre en cause l’accord qui a été signé entre les syndicats et le patronat.
Passer de dix-huit mois à six mois permettrait simplement de faciliter l’embauche, donc de réduire le chômage, ce qui est tout de même l’intention et la volonté du Président de la République et du Gouvernement. Par conséquent, monsieur le ministre, cela ne me semble pas insurmontable. Loin de compromettre l’application de l’accord entre les syndicats et le patronat,…
M. Serge Dassault. …il s’agirait là, selon moi, d’une petite avancée.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous allons bien évidemment voter contre cet amendement, mais, auparavant, je tiens à réagir à l’intervention de notre collègue Serge Dassault.
Je ferai trois remarques.
Notre collègue nous a reproché, alors que Jean-Luc Mélenchon s’était absenté à ce moment-là, de remettre en cause l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail. Or à quoi d’autre tend son propre amendement ?
Ma deuxième remarque est la suivante : ce que nous propose M. Dassault illustre bien ce que nous craignons, à savoir que les employeurs – certains, en tout cas – en veulent toujours plus en matière de déréglementation.
M. Guy Fischer. Et voilà !
Mme Christiane Demontès. Enfin, je ferai une troisième remarque : il est déjà possible de recourir, en cas de surcroît temporaire d’activité, à un certain nombre de contrats à durée déterminée. Par conséquent, il n’est nul besoin de ce nouveau contrat !
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
d'ingénieurs et de cadres
par les mots :
de salariés
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Je trouve que mes petits camarades ont un peu manqué de courage !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ont peut-être des convictions à la place !
M. Serge Dassault. C’est encore pire !
Je voudrais étendre l’opération dont j’ai parlé précédemment.
En effet, l’article 6 prévoit de restreindre le contrat à objet défini aux cadres et aux ingénieurs. Or, pour que la mise en place de ce contrat soit la plus optimale possible en matière de réduction du chômage – seul cela m’importe, le reste m’est égal –, il convient d’élargir la gamme de ses bénéficiaires à toutes les catégories de salariés.
Dans cette optique, le fait d’ouvrir ce contrat à objet défini à toutes les catégories professionnelles permettrait de favoriser les embauches pour les autres activités à durée limitée quelles qu’elles soient.
Il s’agit là uniquement de permettre d’embaucher des chômeurs. Mais, si l’on ne veut pas réduire le chômage, il n’y a qu’à continuer comme cela !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Là encore, il s’agit d’une proposition qui est contraire à l’accord.
M. Serge Dassault. Ah !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Par ailleurs, je rappelle qu’il existe tout de même une période expérimentale de cinq ans et que nous pourrons, à l’issue de cette dernière, décider d’étendre le dispositif s’il y a lieu ; telle est précisément la raison d’être de cette période expérimentale.
Dans ces conditions, la commission est, pour l’heure, défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour les mêmes raisons et en suivant la même logique que la commission, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons évidemment contre cet amendement.
Monsieur Dassault, vous voulez lutter contre le chômage, mais, pour cela, il nous faut plus d’emplois et non pas toujours plus de précarité ! De nombreuses entreprises d’intérim proposent déjà aux salariés d’exercer les missions de courte durée que vous évoquez.
Depuis le début de nos débats, nous avons rencontré trente-sept contrats précaires différents. Pourquoi en ajouter un trente-huitième à objet défini, alors que les employeurs ont déjà la possibilité de recourir aux CDD, aux contrats précaires aidés et à toutes sortes de dispositifs ?
Pour notre part, nous craignons que ce contrat ne soit étendu à tous les salariés. D'ailleurs, en vous répondant, monsieur Dassault, M. le rapporteur a affirmé que le bilan de l’expérimentation servirait à décider, ou non, d’une telle extension.
Comme nous le dénoncions, et contrairement à ce qu’on nous a affirmé, la période expérimentale vise donc non pas seulement à évaluer officiellement le contrat à durée déterminée à objet défini et à le faire perdurer, mais aussi à l’étendre à l’ensemble des salariés, ce qui est inacceptable !
En France, il existe suffisamment de précarité et de dispositifs permettant d’embaucher les salariés pour des missions d’une, de deux ou de trois semaines – nous évoquions même hier des contrats d’une durée de quelques jours – pour qu’il ne soit pas nécessaire, en plus, d’étendre ce contrat à tous les salariés !
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Le contrat à durée déterminée à objet défini est intéressant, mais il n’est pas lié à une activité précise. Or, il arrive qu’on embauche un salarié pour une période déterminée et qu’on n’ait plus de travail à lui confier avant le terme de cette mission, ou, au contraire, qu’on en ait encore une fois cette durée passée. Si l’activité réelle de l’entreprise est inférieure à la durée prévue, à quoi sert ce contrat ? Si elle est supérieure, pourquoi limiter cette durée ?
Le dispositif que je propose est donc beaucoup plus souple pour l’entreprise et bien plus favorable – beaucoup moins « précaire », pour reprendre votre expression, madame David – pour le personnel. Il permet aux entreprises, dès qu’elles peuvent offrir un travail, que celui-ci dure deux, quatre ou six mois, et dans quelque activité que ce soit, d’embaucher des salariés, et donc de réduire le chômage.
Je ne sais pas si tel est l’esprit du contrat à durée déterminée à objet défini, et si celui-ci va vraiment assouplir le marché du travail. Il s'agit sans doute d’un progrès, qui va permettre aux entreprises de créer plus d’activité et d’embaucher, mais je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, que, tant que nous ne changerons pas d’optique, les entreprises embaucheront ailleurs !
Aujourd'hui, à force de vouloir protéger les salariés contre les « méchants patrons » qui prétendument les maltraitent, on limite les embauches, car les « méchants patrons », quand ils ne peuvent pas recruter en France, vont chercher leurs salariés ailleurs, dans les pays où ils ne rencontrent pas de tels obstacles ! C’est ce qui se passe aujourd'hui : avec de telles intentions, on fait le jeu du chômage, et c’est précisément ce que je reproche au système.
Cela dit, pour plaire à mon ministre préféré (Sourires.),…
M. Serge Dassault. …je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 81, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 81 et 80, qui portent sur des sujets proches.
M. le président. Je vous en prie, madame David.
Mme Annie David. L’amendement n° 81 vise à supprimer la référence aux nécessités économiques qui justifient le recours à ce nouveau mode contractuel, tandis que l’amendement n° 80 a pour objet de faire disparaître la référence à l’accroissement temporaire d’activité.
En effet, le recours aux emplois précaires ne peut constituer, selon nous, la seule et unique réponse aux exigences de l’économie libérale. En ce sens, je m’inscris bien sûr complètement en faux contre les propos que vient de tenir M. Dassault : pour qu’une économie fonctionne correctement, une certaine stabilité est nécessaire. La précarité n’a jamais permis aux salariés d’être hautement productifs ! Ceux-ci ne peuvent sans cesse servir de variable d’ajustement, que ce soit dans la conclusion, dans la forme ou dans la rupture du contrat de travail.
En outre, selon vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, un tel contrat a pour objet la réalisation d’une mission particulière, ce qui semble contradictoire avec la notion de satisfaction d’un certain nombre de nécessités économiques, celles-ci n’étant d’ailleurs pas précisément définies.
À l’évidence, nous n’avons pas tous la même conception du marché du travail dans cet hémicycle ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce contrat ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Le texte de l’ANI dont nous devons, je le rappelle, préserver l’équilibre mentionne expressément – c’est à l’article 12 b) quatrième alinéa – que le CDD à terme incertain et à objet défini ne « peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ».
Il s'agit là d’une précision importante, et il est donc surprenant que le projet de loi ne la reprenne pas. C’est d’autant plus étonnant que l’alinéa précédent de l’article indique que l’accord de branche étendu ou l’accord d’entreprise qui autorise le recours à cette catégorie de contrat précise « les nécessités économiques auxquelles il est susceptible d’apporter une réponse adaptée » et qu’« il est l’occasion d’un examen d’ensemble des conditions dans lesquelles il est fait appel aux contrats à durée limitée, afin de rationnaliser leur utilisation et de réduire la précarité. »
Cette formulation précise, complétée par l’interdiction de recourir à ce nouveau CDD pour faire face à un surcroît temporaire d’activité, montre que les partenaires sociaux ont réfléchi à cette question. Leur volonté, que nous présumons unanime ou à tout le moins consensuelle, s’exprime de la manière la plus claire : ce nouveau CDD peut être conclu en cas de projet nouveau bien spécifique, et il ne peut l’être pour autre chose.
Nous ne voyons donc aucune raison pour que la précision contenue dans l’ANI ne soit pas intégrée dans la loi. Bien au contraire, cette indication doit conduire, comme le veulent explicitement les partenaires sociaux, à une réflexion sur l’usage souvent irréfléchi, voire abusif, des contrats précaires, qui plombent les comptes de l’assurance chômage, ce qui renvoie à la discussion que nous avons eue sur l’article 5 du présent projet de loi.
Le nécessaire redressement des comptes sociaux, que chacun appelle de ses vœux, à commencer par le Gouvernement, passe aussi par un comportement responsable des employeurs. Le signe que leur envoient les partenaires sociaux doit donc être clairement mis en évidence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. De fait, l’accord stipule très explicitement que le CDD à objet défini ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.
Cette précision ne figure cependant pas dans le projet de loi, et la commission, avant de prendre position, souhaite donc entendre le Gouvernement afin de savoir pourquoi.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur le ministre, M. le rapporteur vous a interrogé…
M. Xavier Bertrand, ministre. Si l’on examine cette disposition avec attention, on s’aperçoit qu’elle est superfétatoire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme Raymonde Le Texier. C’est un peu court…
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette disposition a peut-être surtout un caractère déclaratif ; elle pourrait être compliquée à mettre en œuvre et se révéler source de contentieux.
La commission s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
ou, à défaut, d'un accord d'entreprise
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous avons déjà expliqué en détail notre hostilité au contrat de mission, que cet amendement a pour objet de rendre moins « précarisant » en prévoyant qu’il ne pourra être conclu qu’à l’occasion de négociations par branche.
Pour nous, il s'agit de limiter les risques inhérents à l’article 6 du projet de loi, qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit que « le recours à un contrat de travail à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation d’un objet défini […] se trouve subordonné à la conclusion d’un accord de branche étendu ou, à défaut, d’un accord d’entreprise ».
Nous sommes opposés à cette dernière disposition qui pourrait avoir comme conséquence de réintroduire par la fenêtre – l’accord d’entreprise – ce qui avait été sorti par la porte, à savoir un élément affectant le contrat de travail des salariés et refusé lors d’un accord de branche. Mes chers collègues, n’oublions pas que, dans la pyramide des normes, les accords d’entreprise sont inférieurs aux accords de branche.
En outre, le risque est grand que les salariés, notamment quand ils travaillent dans les plus petites entreprises, celles qui comptent moins de cinquante employés et dans lesquelles les organisations syndicales ne sont pratiquement pas représentées, ne parviennent pas à se défendre face à un employeur qui voudrait imposer le recours à ce type de contrat.
Cette disposition risque de nuire au dialogue social et d’accroître la précarité. C’est pourquoi nous proposons de la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise en fait à supprimer une disposition de l’article 6 qui constitue un important élément de souplesse. Son adoption, en outre, serait contraire à l’accord national interprofessionnel, qui prévoit de façon tout à fait expresse deux possibilités : soit un accord de branche, soit un accord d’entreprise.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa (1°) de cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la disposition qui prévoit qu’un accord collectif détermine les nécessités économiques auxquelles le CDD à objet défini doit répondre.
Or cette mesure nous semble constituer une garantie pour les salariés : elle certifie que ce CDD ne sera utilisé que dans des cas bien délimités. La commission, souhaitant son maintien, émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
À ce titre, les salariés titulaires d'un tel contrat sont inclus dans le calcul du décompte des effectifs prévu à l'article L. 1111-2 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous craignons que la création de ces nouveaux contrats n’ait pour effet de réduire de manière très importante le recours au CDI.
En effet, quel intérêt aurait un employeur à embaucher sous la forme d’un contrat à durée indéterminée dès lors qu’il peut recourir à sa guise à des formes de contrats de travail plus souples pour lui, c'est-à-dire, bien sûr, plus précaires pour le salarié ? À cet égard, les propos tenus tout à l'heure par M. Dassault étaient sans ambiguïté.
Cet amendement a donc pour objet d’intégrer les salariés embauchés en CDD à objet défini à l’effectif du personnel de l’entreprise. Ainsi, les employeurs ne pourraient se soustraire aux obligations qui leur incombent lorsque cet effectif atteint certains paliers ; à cet égard, je pense, par exemple, au seuil des cinquante salariés au-dessus duquel la constitution d’un comité d’entreprise devient obligatoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une précision inutile, puisque les règles de décompte des effectifs sont déjà mentionnées à l’article L. 1111-2 du code du travail.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement est satisfait. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer, madame David.
M. le président. Madame David, l’amendement n° 83 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Monsieur le ministre, ces nouveaux contrats, qui ne sont pas encore créés, entrent-ils dans le champ de l’article 6 ? Ne sera-t-il pas nécessaire de modifier l’article pour qu’il couvre ces contrats ?
Mme Annie David. Des CDD à objet défini !
Mme Annie David. Avec des particularités, et ils s’appellent d'ailleurs « CDD à objet défini ». Font-ils vraiment partie de la catégorie des CDD ?
Mme Annie David. Dans ces conditions, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 84, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du septième alinéa de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’objet de cet amendement porte sur la date anniversaire de conclusion du CDD à objet défini.
Monsieur le ministre, nous ne partageons pas votre point de vue quant aux qualités de ce contrat. S’il ne fait nul doute qu’il remplit sa mission en termes de flexibilité, il peine en revanche à accroître la sécurité des salariés !
Si le texte était adopté en l’état, l’employeur disposerait d’une première possibilité de rompre le contrat au bout d’un an – c'est-à-dire à la date anniversaire de sa conclusion –, d’une deuxième possibilité six mois plus tard – ce type de contrat a en effet une durée minimale de dix-huit mois –, d’une troisième possibilité six mois après – cela correspond au deuxième anniversaire de la conclusion du contrat –, enfin d’une quatrième possibilité au bout de trente-six mois, puisque cette période correspond à la durée maximale du contrat, c'est-à-dire à la fin de la mission du salarié.
En d’autres termes, une fois passé le délai d’un an, l’employeur pourrait légalement licencier son salarié tous les six mois. Il s’agit là d’une forme de CDD dans le CDD que nous ne pouvons accepter. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer la possibilité de rompre le CDD à objet défini à sa date anniversaire.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du septième alinéa de cet article :
Il peut être rompu par l'une ou l'autre partie, pour une cause réelle et sérieuse, au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 84.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l'article 6 présente une ambiguïté quant à la date à laquelle le CDD à objet défini peut être rompu. Aux termes de cet article, en effet, le contrat peut être rompu à « la date anniversaire de sa conclusion », c'est-à-dire dès le douzième mois. Or il est également précisé que le contrat est « d’une durée minimale de dix-huit mois ».
Dans un souci de clarification et de compromis, l’amendement n° 12 vise à autoriser la rupture du contrat au bout de dix-huit mois, puis au vingt-quatrième mois, c'est-à-dire à la date du deuxième anniversaire de la conclusion.
Si, comme je l’espère, cet amendement est adopté, l'amendement n° 84, auquel la commission est défavorable, n’aura plus d’objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°84, mais émet un avis favorable sur l'amendement n° 12.
Mme Raymonde Le Texier. Quelle est l’argumentation du ministre ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Monsieur le président, je demande, au nom de la commission, la priorité du vote de l'amendement n° 12.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je mets donc aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 84 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Après l'article L. 1226-4 du code du travail, il est inséré un article L. 1226-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1226-4-1. - En cas de licenciement prononcé dans le cas visé à l'article L. 1226-4, les indemnités dues au salarié au titre de la rupture sont prises en charge soit directement par l'employeur, soit au titre des garanties qu'il a souscrites à un fonds de mutualisation.
« La gestion de ce fonds est confiée à l'association prévue à l'article L. 3253-14. »
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1226 -4 -1 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Dans ce cas, le fonds de mutualisation effectue une avance mensuelle des indemnités dues au salarié dans l'attente de la conclusion de la procédure.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. L’article 7 prévoit la mise en place d’un fonds de mutualisation géré par l’Association pour la garantie des salaires, l’AGS, afin de permettre aux employeurs de supporter collectivement la charge financière des indemnités de licenciement pour cause d’inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel.
La création de ce fonds sera certainement très utile aux petites entreprises. C’est pourquoi nous l’approuvons.
Toutefois, à la demande de nos interlocuteurs représentants des salariés, nous voulons appeler l’attention sur une difficulté rencontrée par les salariés licenciés pour ce motif, qui se retrouvent souvent sans rémunération pendant plusieurs mois. Se juxtaposent, en effet, le temps du préavis non effectué, donc non payé, le mois pendant lequel l’employeur cherche les possibilités de reclassement, et les délais entre les visites médicales.
Pour ces salariés, il s’agit là d’un véritable problème ! Les difficultés matérielles s’ajoutent aux problèmes de santé.
Il importe donc d’essayer de trouver une solution, par exemple en instaurant un dispositif d’avance du fonds de mutualisation. Ainsi, le salarié ne se trouverait pas démuni pendant cette période.
Bien entendu, nous n’ignorons pas qu’une telle proposition ne relève pas précisément de la compétence du Parlement. Nous estimons cependant que le fait d’exposer publiquement le problème, dans un esprit de bonne volonté, permettra d’avancer dans la voie d’un règlement positif de ce problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La commission est sensible à la motivation très respectable qui anime les auteurs de cet amendement. Toutefois, la solution qu’ils proposent nous paraît très difficile à mettre en œuvre, puisque cela reviendrait à ouvrir des droits au salarié, alors que la rupture du contrat de travail n’est pas encore intervenue.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est également défavorable, car le fonds de mutualisation est prévu pour les employeurs, et non pour les salariés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous sommes tout à fait favorables à cet amendement, qui vise à permettre aux salariés de bénéficier du fonds de mutualisation.
Il est vrai que certains salariés se retrouvent dans des situations assez dramatiques à l’issue d’un licenciement pour cause d’inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel.
Alors qu’est mis en place un fonds de solidarité pour les employeurs qui ne pourraient régler les indemnités à payer, aucun fonds n’existe pour subvenir aux besoins des salariés qui se retrouvent sans rien. Il y a là deux poids deux mesures !
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à relever par décret le montant de la cotisation patronale du montant nécessaire au financement des dispositions prévues à l'article L. 1226-4-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas opposés par principe à l’article 7. Il n’en reste pas moins que la proposition visant à confier à l’Association pour la garantie des salaires la gestion du fonds de mutualisation créé par cet article nous laisse dubitatifs.
Curieusement, cette disposition oublie de prévoir les conditions de financement de ce fonds. Je devine la réponse que vous m’apporterez, monsieur le ministre : cela relève du domaine réglementaire, et le Parlement ne peut donner d’injonction au Gouvernement. Je le sais pertinemment. Toutefois, rien n’empêche que la loi précise sinon le taux, du moins le principe de l’abondement de ce fonds.
Tel est le sens de cet amendement.
Créée en 1974, l’AGS reste gérée par le seul patronat. De fait, les organisations syndicales en sont exclues, ce qui n’est pas de bon augure pour le développement de la démocratie sociale.
En outre, ses comptes sont dans le rouge. S’il en est ainsi, c’est parce qu’en 2003 François Fillon, alors ministre des affaires sociales, a décidé par voie réglementaire de diminuer de moitié le taux de cotisation, le faisant passer de 0,35 au 1er janvier 2003 à 0,15 aujourd’hui.
Monsieur le ministre, nous avons déjà discuté de ce problème voilà quelques mois, au moment de la transposition d’une directive européenne concernant les sociétés coopératives ouvrières de production. J’avais alors émis une demande identique et formulé les mêmes remarques sur le financement de ce fonds. Je vous propose aujourd'hui de relever ce taux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Vous l’avez souligné, madame David, cet amendement tend à donner une injonction au Gouvernement, ce qui est contraire à la Constitution. En outre, l’Association pour la garantie des salaires est gérée par les organisations patronales, et il n’appartient pas au Gouvernement de fixer autoritairement le niveau de ses cotisations. Certes, cela s’est produit une fois, mais ce n’est pas une raison pour continuer.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
I. - Le chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Portage salarial
« Art. L. 1251-60. - Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. »
II. - Dans le 1° de l'article L. 8241-1 du code du travail, après les mots : « au travail temporaire, », sont insérés les mots : « au portage salarial, ».
III. - Par exception aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 2261-19 du code du travail et pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la présente loi, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser, par accord de branche étendu, le portage salarial.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, avec cet article, vous entendez légaliser une activité jusqu’alors interdite, considérée comme un délit pénal et assimilable au délit de marchandage ou au prêt illégal de main-d’œuvre. Certaines sociétés recouraient toutefois à ce type de contrat, en spéculant sur une jurisprudence sociale instable, même si les tribunaux sanctionnaient généralement de telles pratiques.
Pourquoi légiférer afin d’intégrer cette pratique dans notre code du travail ? Ces nouveaux types de contrats auront-ils pour effet l’embauche massive de salariés ? Permettront-ils de lutter contre d’autres formes d’emplois plus précaires ? Il n’en est rien, je le crains.
De quoi s’agit-il ? Le contrat de portage instaure une relation triangulaire unissant une entreprise cliente, un salarié porté et une société de portage.
Le salarié porté démarche des sociétés, propose ses services, particulièrement dans le domaine du marketing, élabore un projet et le mène à bien. La société cliente bénéficie de cette relation. Quel est alors le rôle de la société de portage ? Il est quasiment nul ! Celle-ci se contente d’empocher une somme confortable de la part de la société cliente. Sa participation aura pour le moins été réduite à peu, voire à presque rien, ce qui ne l’empêchera pas de percevoir une commission.
Cela ne vous semble peut-être pas immoral, monsieur le ministre, mais tel n’est pas notre cas ! Pour nous, tout travail mérite salaire, et le travail revêt une importance capitale. Vous disiez vouloir donner plus à ceux qui travaillent plus ; là, vous donnez plus à ceux qui travaillent moins !
Et si le patronat avait un rêve, celui de l’extension de ce type de contrat ? L’avantage qu’il en retirerait me semble clair : l’individualisation à outrance de la relation contractuelle. Avec un tel dispositif, en effet, le salarié serait responsable du maintien de son emploi, du déroulement et de l’existence de ce dernier, puisqu’il lui appartiendrait de prospecter lui-même pour se constituer une clientèle. Enfin, vertu suprême, le salarié négocierait lui-même sa rémunération avec l’entreprise cliente.
Il s’agit donc d’une nouvelle forme de précarité, qui a l’incroyable avantage de faire directement dépendre le niveau des salaires du salarié porté de la capacité de ce dernier à négocier un contrat commercial. Faire peser l’enjeu du niveau de rémunération sur le salarié, voilà, à n’en pas douter, un très grand progrès !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cet article participe d’une logique qui s’exprime à d’autres endroits dans ce projet de loi : il s’agit de donner une forme légale à des pratiques qui résultaient jusqu’à présent de la déstabilisation des rapports sociaux, de la précarité de l’emploi et de l’évolution des rapports de force dans la société.
C’est ainsi qu’est apparue la « rupture par consentement mutuel », qui correspond en fait à un mode de fonctionnement déjà existant. D’abord, une pression s’exerçait, ensuite l’employeur et le salarié se séparaient car le salarié démissionnait. En contrepartie, des arrangements, que la loi aurait condamnés, étaient souvent trouvés. C’est pourquoi ce type d’agissement a été légalisé. Il n’empêche qu’il a toujours été et reste moralement condamnable et économiquement contre-performant.
Le contrat de portage s’inspire de cette logique de l’entreprise individuelle. Une telle idée aurait choqué voilà encore quinze ans, parce que nous étions habitués au contrat de travail, à l’emploi salarié avec un minimum de stabilité et des droits.
L’individualisation des rapports sociaux n’est pas le produit naturel de la complexité de la production ou de son développement, pas plus qu’elle n’est celui de l’élévation des niveaux de qualification. Elle est purement et simplement – il ne faut pas perdre de vue ce point – un résultat social.
Cela explique qu’aujourd'hui on en vienne à trouver banal que chacun cherche son emploi, notamment en créant son entreprise individuelle.
Évidemment, la création d’une entreprise individuelle reste encore bien compliquée, et certains n’en sont pas capables. Puisqu’ils n’y parviennent pas et que l’entreprise individuelle ne connaît pas le développement qu’elle mérite, il faut inventer un nouveau dispositif. Voilà à quoi répond le contrat de portage.
Certes, nous connaissons tous un ou deux cas particuliers pour lesquels ce dispositif est pertinent et permet au salarié de travailler dans de véritables conditions de dignité et de satisfaction individuelle. C’est absolument incontestable.
Mais c’est la généralisation de ce type de formule qui pose problème. Loin d’être prévu pour des cas minoritaires, le contrat de portage sera proposé et imposé à un très grand nombre de personnes. Là réside la difficulté.
Il existe donc maintenant, en dessous de l’intérim, le sous-intérim, système dans lequel le travailleur recherche lui-même un travail et émarge à une société de portage.
Je le dis après d’autres orateurs dans cet hémicycle, nous allons donner un nom légal à ce qui, hier, constituait le délit de marchandage ou le prêt illégal de main-d’œuvre à but lucratif. Naturellement, le portage salarial va connaître les développements que l’on peut imaginer, et toutes sortes d’idées seront trouvées pour contourner la loi.
Il s’agit là d’une déresponsabilisation large de l’employeur vis-à-vis de l’employé qui pousse la masse des salariés vers un statut de travailleur indépendant, la liberté en moins. En effet, le salarié porté doit faire face aux inconvénients du salariat, au lien de subordination, sans bénéficier d’aucune des protections qui y sont attachées.
Pour toutes ces raisons, il aurait à mon avis été préférable de prendre plus de précautions avant de mettre cette mesure sur la table des négociations.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 86, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. J’ai déjà défendu cet amendement qui tend à la suppression de l’article 8 en m’exprimant sur ce dernier, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
section 6
par les mots :
section 7
II. - En conséquence, rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le même I pour la section 6 du chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail :
« Section 7
III. - En conséquence, rédiger comme suit le début du texte proposé par le même I pour l'article L. 1251-60 du code du travail :
« Art. L. 1251-70. - Le portage...
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tient compte de l'insertion, dans le code du travail, d'une section 6 par le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Il faut donc insérer dans le même code une section 7 et modifier, en conséquence, la numérotation des articles. C’est un amendement technique.
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 1251-60 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de portage est conclu pour une durée maximale de trois ans. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Malgré tout le mal que nous pensons du contrat de portage, il nous semble important d’en limiter la durée, la précarité dans la précarité, telle que vous l’avez présentée, n’ayant pas de limite.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un II bis ainsi rédigé :
II bis. - L'article L. 1251-4 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° L'activité de portage salarial prévue à l'article L. 1251-70. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L'article 8, reprenant sur ce point l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, a confié à la branche du travail temporaire le soin d'organiser, par accord collectif, le portage salarial.
Cet amendement de cohérence vise à autoriser les entreprises de travail temporaire à exercer l'activité de portage salarial. Il serait en effet singulier que la branche du travail temporaire organise le portage salarial sans que les entreprises de la branche aient le droit d'exercer cette activité.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le III de cet article :
III. - Un accord ou une convention collective de branche étendue viendront préciser, le cas échéant, les modalités d'application de l'organisation de la branche du portage salarial.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement vise à confier l'organisation du portage salarial à un accord collectif de branches. Il s'agit de prendre en compte l'accord du 15 novembre 2007, conclu entre les entreprises du portage salarial.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, après les mots :
la mission d'organiser,
insérer les mots :
en concertation avec les organisations représentatives des entreprises du portage salarial et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à garantir que les trois fédérations des entreprises de portage seront bien associées à la négociation qui aura pour objet d'organiser leur secteur, ainsi que le syndicat du travail temporaire PRISME s'y est engagé. Il vise à rendre obligatoire une concertation avec ces organisations, processus interactif qui permettrait de prendre en compte le point de vue de ces trois fédérations.
Il faut savoir que le portage salarial existe depuis une vingtaine d’années. L’un des syndicats représentatifs de ce secteur a déjà signé des accords. Même si l’intérim est désormais chargé d’organiser la branche, il paraît légitime que l’on fasse part dans les futures négociations de l’expérience qu’ont acquise les responsables du portage salarial.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par M. Souvet, Mme Procaccia, M. Esneu, Mme Henneron et MM. Hérisson et Bordier, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, après les mots :
la mission d'organiser,
insérer les mots :
après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement, bien qu’un peu différent, a le même esprit que l’amendement n° 15 que vient de défendre M. le rapporteur. À partir du moment où un accord est intervenu entre les syndicats, il m’apparaît également anormal que l’on n’en tienne pas compte.
Mme Catherine Procaccia. À la différence de l’amendement n° 15, l’amendement n° 55 rectifié vise la « consultation » des organisations représentant les entreprises de portage salarial.
Mme Catherine Procaccia. Cette expression est un peu plus sécurisante,…
Mme Catherine Procaccia. … puisque le PRISME a été appelé à mener les négociations. Il aurait d’ailleurs mieux valu, à mon avis, associer d’autres personnes. Cet amendement permet donc de donner une portée normative à cette association.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 86, je tiens à rappeler que les partenaires sociaux ont reconnu l’utilité sociale et économique du contrat de portage salarial, en particulier pour les seniors, au moment où le Gouvernement agit très efficacement en leur faveur. Ce contrat concerne environ 20 000 personnes par an. Il a vu le jour voilà une vingtaine d’années. Jusqu’ici, le portage salarial s’est déroulé dans une grande insécurité juridique. Il y a maintenant lieu de codifier cette activité, puisque les partenaires sociaux sont d’accord. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 86.
La précision que l’amendement n° 87 tend à introduire figure dans l’accord, et l’on peut se demander pourquoi elle n’a pas été transcrite dans le projet de loi. Qu’en pense le Gouvernement ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Par conséquent, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat, lequel est d’ailleurs de plus en plus sage ce soir, comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre. (M. Guy Fischer s’exclame.)
L’amendement n° 17 est contraire aux dispositions de l’accord qui a confié à la branche de l’intérim le soin d’organiser le portage salarial. Nous souhaitons que les fédérations représentant le secteur du portage soient associées d’une manière ou d’une autre à ces discussions.
Cependant, il serait ingérable d’organiser une coexistence entre deux accords de branches. Si des précisions doivent être apportées à l’accord qui va être négocié par la branche de l’intérim, elles seront discutées au niveau de chaque société de portage, en fonction de ses besoins propres.
Monsieur About, je suis désolé d’être en désaccord avec vous…
M. Nicolas About. Je retire l’amendement n° 17 !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 55 rectifié, je pense être autorisé à émettre un avis favorable, au nom de la commission, sur cet amendement que vient de défendre brillamment Mme Procaccia. Par conséquent, la commission retire l’amendement n° 15.
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 13.
L’amendement n° 14 tend à introduire une précision juridiquement nécessaire, mais qui devance le processus de régulation par la négociation qui va s’engager. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Il était défavorable à l’amendement n° 15, mais, ce dernier ayant été retiré, la sagesse n’est plus requise, bien que je sache qu’elle est permanente au Sénat ! Le Gouvernement lui préfère l’amendement n° 55 rectifié, auquel il est donc favorable.
Il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 86, de même que sur l’amendement n° 87. S’agissant de ce dernier, la précision que vous voulez introduire est inutile, madame David, car elle figure dans l’accord du 11 janvier dernier. Par ailleurs, une négociation, qui va permettre de l’intégrer, va être engagée.
En conclusion, le processus de négociation qui va s’engager rapidement dans le cadre de la branche de l’intérim va donner un cadre complet nécessaire au portage, sous ses diverses facettes.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 87.
Mme Annie David. La précision que nous souhaitons introduire figure dans l’accord et n’a donc pas besoin d’être inscrite dans la loi, vient de m’indiquer M. le ministre. Dans ces conditions, pourquoi légiférons-nous ? Je maintiens cet amendement !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. - Les sections 1 du chapitre III du titre II et 1 du chapitre VI du titre III du livre II de la première partie, la sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie, le 4° de l'article L. 5423-24 ainsi que les articles L. 6322-26 et L. 6323-4 du code du travail sont abrogés.
II. - Les contrats « nouvelles embauches » en cours à la date de publication de la présente loi sont requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun dont la période d'essai est fixée par voie conventionnelle ou, à défaut, à l'article L. 1221-19 du code du travail.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, le titre de mon intervention est : « La revanche » ! Quoi qu’il en soit, je vous fais grâce de la lecture des interventions des uns et des autres, tous expliquant, la main sur le cœur, les raisons pour lesquelles le contrat nouvelles embauches, le CNE, était la meilleure des choses et était conforme aux accords internationaux de la France, à l’Organisation internationale du travail, entre autres. Je le fais par pure amitié et camaraderie pour un grand nombre d’entre vous, mes chers collègues, quoi que vous ne le méritiez pas ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
L’abrogation du CNE a été présentée, à de nombreuses reprises, comme une contrepartie, une faveur faite en échange des autres horreurs contenues dans cet accord. Mais tel n’est absolument pas le cas ! Il est important, en cet instant, de préciser que cette abrogation est le résultat non pas de la négociation collective, mais d’un constat juridique et de l’imbroglio résultant de la décision de créer le CNE.
Une centaine de condamnations par les conseils de prud’hommes puis plusieurs confirmations en appel ont conclu que le CNE violait la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, au motif, comme nous vous l’avions expliqué dans cet hémicycle même cent fois, qu’il ne respectait ni le délai raisonnable de la période d’essai – cette période était fixée à deux ans dans le cadre d’un CNE – ni l’obligation d’invoquer des motifs valables lors de tout licenciement, tel le droit pour le salarié de se défendre. Je n’insisterai pas sur ce point.
Mais vous vous êtes entêtés à maintenir une mesure qui ne provoquait que des contentieux et des jugements défavorables.
Le CNE a considérablement compliqué les relations de travail puisque plus de 900 litiges les concernant ont été instruits par les conseils de prud’hommes, avec de lourdes conséquences pour les employeurs ayant eu la sottise d’y recourir et d’en abuser puisque le montant moyen des dommages et intérêts auquel ils ont été condamnés s’élève à 7 200 euros.
Mes chers collègues, vous pourrez lire le détail de ces informations dans divers rapports, notamment dans La Revue de droit du travail du mois de septembre 2007.
Cette situation ne résulte que de votre obstination idéologique. Et, parmi les obstinés, marche en tête de cortège le Président de la République lui-même, qui, le 24 janvier dernier, lors du congrès de la CGPME, affirmait sur ce ton inimitable, péremptoire et définitif qu’on lui connaît : « Le CNE est un progrès, il ne faut pas y toucher. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Par conséquent, chers collègues de la majorité,…
Mme Raymonde Le Texier. Vous devriez écouter plus attentivement !
M. Jean-Luc Mélenchon.… nous allons observer avec beaucoup d’intérêt comment vous allez vous y prendre pour le supprimer sans y toucher, car il vous faudra tout de même bien lever la main pour voter !
J’espère que cet instant va vous coûter. Ce sera en tout cas pour nous un pur délice que de vous contempler en train de défaire ce que vous avez mis tant d’obstination à faire, et ce pour des raisons parfaitement similaires !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, ne vous en défendez pas !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce ne sont pas les mêmes motivations !
M. Jean-Luc Mélenchon. En voilà déjà un qui quitte le navire avant le naufrage !
Que je sache, le CNE, ce n’est pas nous qui l’avons créé, c’est vous, c’est vous qui en avez fait avaler la pilule aux Français ! Et maintenant, il vous faut lever la main pour dire le contraire. Nous vivons un moment très agréable, et je voulais à tout prix vous le signaler ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C’est de la jouissance pure !
M. le président. Monsieur Mélenchon, votre délice est si grand qu’il est remonté jusqu’ici !
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici enfin un article pour lequel les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront, même si, malgré ce moment de plaisir que vient si bien de décrire M. Mélenchon, ils ne le feront pas des deux mains.
En effet, nous ne pouvons que regretter les nombreux lots de consolation accordés au MEDEF et au patronat dans son ensemble, pour compenser la perte d’un outil que les employeurs défendaient tant. Ils l’ont défendu bec et ongles au point que, en commission, le représentant de la CGPME a exhorté les sénatrices et sénateurs à ne pas supprimer cette disposition, quitte à continuer dans le chemin du non-respect des engagements internationaux, quitte aussi, je le signale au passage, à ne pas respecter l’ANI.
Quelle drôle de conception de la légalité, tout de même, que de préférer bafouer la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, dont nous sommes signataires, pour permettre à quelques employeurs de poursuivre leurs politiques de précarisation du salariat !
Car, nous le savons aujourd’hui, le recours au CNE n’aura pas permis de créer le nombre d’emplois escompté. Comme toujours, on a voulu vendre aux Français la précarisation comme outil de relance de l’emploi – nous avons eu droit tout à l’heure aux explications toutes personnelles de M. Dassault sur ce sujet – et, comme toujours, cela s’est soldé par un échec statistique.
Selon une étude de la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, dont on ne peut remettre en cause la neutralité, seuls 8 % des employeurs affirment qu’ils n’auraient pas embauché si le CNE n’avait pas été adopté. Autant dire que l’effet d’aubaine fut grand !
On découvre encore, dans la même étude, ce titre qui laisse pour le moins dubitatif : « Le CNE favorise les embauches dans les petites entreprises, mais l’enquête ne permet pas d’en mesurer les effets nets sur l’emploi. »
Cette étude, fort intéressante, vient également confirmer ce que nous dénoncions : au bout d’un an, 60 % des salariés embauchés ne sont plus sous contrat dans l’entreprise et ils ne sont pas plus de 28 % à avoir mis fin eux-mêmes à la relation contractuelle. Autant dire que les employeurs ont pris ce projet de loi pour ce qu’il était, un outil de flexibilisation et de précarisation supplémentaires.
La suppression du CNE est donc une bonne et, même, une très bonne nouvelle. Mais il est dommage qu’elle s’accompagne d’autres mesures « précarisantes », mesures que nous n’avons cessé de dénoncer lors de nos précédentes interventions. C’est d’autant plus regrettable que chacun sait ici qu’une telle suppression résulte non pas de l’accord négocié, mais bien de condamnations successives de la France, de la part, notamment, du BIT.
Ce n’est pas très flatteur pour notre pays, à quelques semaines du début de la présidence française de l’Union européenne !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune et qui sont présentés par M. Dassault.
L’amendement n° 23 est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 24 est ainsi libellé :
I. - Compléter le I de cet article par les mots :
pour les contrats conclus après l’entrée en vigueur de la présente loi
II. — En conséquence, après le mot :
date
rédiger comme suit la fin du II de cet article :
d’entrée en vigueur de la présente loi, s’ils sont résiliés à l’initiative de l’employeur, sont soumis aux dispositions de l’article 4 de la présente loi.
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Chers collègues de l’opposition, vous n’avez que le mot « précarité » à la bouche. Il faudrait tout de même vous mettre ceci dans la tête une bonne fois pour toutes : sans précarité, pas d’embauche ; c’est aussi simple que cela. Alors, cessez de répéter ce terme à tout bout de champ !
Je le rappellerai une énième fois : dans une entreprise où il y a de l’activité, où le personnel est motivé et travaille bien, il n’y a pas de licenciement, ni de précarité, et ce même sans contrat stable. Si vous n’arrivez pas à comprendre cette réalité pourtant évidente, c’est parce que vous ne connaissez rien aux entreprises. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Moi, au moins, je m’y connais, j’en gère une depuis vingt-cinq ans !
Mme Raymonde Le Texier. Arrêtez ! Pour qui vous prenez-vous ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous, on les connaît, mais pas du même côté que vous !
M. Serge Dassault. Qu’avez-vous fait dans les entreprises ?
Mme Annie David. Pas les mêmes choses que vous, c’est sûr !
M. Guy Fischer. Vous, vous savez tout, vous avez tout fait, la France vous appartient !
M. Serge Dassault. C’est ainsi ! Vous ne savez pas comment se gère une entreprise et ce qui s’y passe réellement. Moi, je sais, et je vous transmets mon expérience. Vous en ferez ce que vous voulez !
Mme Raymonde Le Texier. Arrêtez avec vos clichés grotesques !
Mme Christiane Demontès. C’est insupportable !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Serge Dassault. Le CNE a constitué une réelle ouverture, qui, à la fin, n’a plus eu de succès en raison des objections juridiques, que M. Mélenchon a développées, dont il a fait l’objet de la part du BIT.
C’est le BIT qui nous empêche de continuer dans cette voie. S’il n’existait pas, si nous n’avions pas eu l’imprudence de signer cette fameuse convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, qui nous lie dans cette affaire, convention que d’autres pays européens se sont d’ailleurs bien gardés de signer, nous n’en serions pas là et d’autres CNE pourraient encore être conclus.
M. Guy Fischer. Supprimez aussi le BIT et l’OIT tant que vous y êtes !
M. Serge Dassault. Le CNE a la faveur de très nombreuses petites entreprises. Au début, quoi que vous en disiez, il a permis de créer plus d’un million d’emplois. La plus grande partie des contrats de ce type ont ensuite été requalifiés en CDI. Si le CNE n’avait pas existé, je peux vous dire que tous ces salariés n’auraient pas été embauchés.
C’était donc une bonne mesure pour lutter contre le chômage, quand bien même elle pouvait engendrer une certaine précarité. Je vous l’ai déjà dit à maintes reprises, mais je le répéterai autant de fois que nécessaire : plus une entreprise a du mal à licencier, moins elle embauche !
Par cet amendement n° 23, je propose donc de supprimer l’article 9. Puisque je sais bien que je n’obtiendrai pas satisfaction, je le retire par avance, ce qui nous évitera une discussion inutile.
Cela étant, monsieur le ministre, je voudrais vous faire une proposition. Étant donné que le CNE présente tout de même un certain nombre d’avantages, sans pour autant répondre aujourd’hui aux critères du BIT, pourquoi n’envisagerait-on pas de créer un nouveau type de contrat – un de plus, ce ne serait tout de même pas si gênant ! –, une sorte de CNE bis, lequel respecterait les exigences juridiques et n’encourrait donc aucune objection ?
Il n’y aurait pas grand-chose à faire : il suffirait d’introduire dans ce nouveau contrat, conformément à ce que nous avons voté, l’obligation de motiver tout licenciement. S’il n’y a que cela qui gêne, ce n’est vraiment pas un problème !
Pour autant, le faire par amendement me semble par trop compliqué. Mieux vaut créer un autre dispositif, pour redonner de la souplesse à l’emploi, et ce sans précarité.
Avec le CNE, l’entreprise pouvait licencier au cours des deux premières années sans trop de difficultés. Chacun le sait, le problème principal pour une entreprise, c’est le niveau insuffisant de l’activité, c’est ce qui est à l’origine de nombreux licenciements. Or, s’il n’y a plus de travail et plus de possibilité de licencier, que fait-on des emplois existants ? Une entreprise qui n’a plus de travail ne peut plus payer son personnel : ce n’est tout de même pas si compliqué à comprendre !
M. Guy Fischer. Qu’elle arrête, d’abord, de rémunérer ses actionnaires !
M. Serge Dassault. Et ce n’est pas parce qu’il y aura des contrats à durée indéterminée que cela y changera quelque chose. En tout état de cause, l’alternative est claire : soit l’entreprise licencie, soit elle court à la faillite ; dans ce dernier cas, l’ensemble du personnel se retrouve au chômage et, donc, dans une situation précaire.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un second amendement, qui vise à répondre aux objections du BIT en instaurant l’obligation de motiver le licenciement et en excluant tout licenciement sans cause. Son adoption permettrait donc de résoudre le problème.
Monsieur le ministre, comme je ne pense pas non plus qu’un tel dispositif puisse être adopté aujourd’hui sous cette forme, comme je sais ce que vous allez me demander, je vais vous faire à nouveau plaisir en retirant également dès à présent cet amendement !
M. Guy Fischer. C’est bien !
M. Serge Dassault. Mais je souhaiterais qu’en échange vous vous engagiez à proposer un nouveau texte de loi en vue de rétablir une certaine flexibilité dans l’emploi, tout en prenant en compte l’ensemble des objections formulées par le Bureau international du travail.
Ce faisant, nous aurons tout de même quelque peu avancé sur le sujet. Je le répète, le CNE avait uniquement pour objectif de réduire le chômage en facilitant l’embauche des salariés en France, et non à l’étranger.
Chers collègues de l’opposition, quand vous aurez compris cela, vous aurez fait un grand pas vers ce que vous-mêmes appelez la « protection du salarié ». Sachez-le, ce dernier est automatiquement protégé quand l’entreprise qui l’emploie a du travail. Dans le cas contraire, qu’il ait ou non un contrat stable, il n’est plus protégé : s’il n’y a plus de travail, il n’y a plus d’argent, plus de possibilité de payer les salaires ; l’entreprise n’a pas d’autres choix que de licencier, faute de quoi elle fait faillite et tout le monde se retrouve au chômage.
Encore une fois, si vous comprenez cela, on aura fait un grand pas, et peut-être n’aurai-je pas parlé pour rien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Dassault, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir bien voulu retirer ces amendements.
J’en conviens, la rédaction de l’article 9 a fait l’objet d’un certain nombre d’incompréhensions et appelle donc quelques éclaircissements.
Tout d’abord, je ne pense pas que cet article aille plus loin que le texte de l’accord du 11 janvier dernier, pour la simple et bonne raison que la requalification des CNE en CDI date non pas d’aujourd’hui, ni même de la signature de l’accord, mais de la décision du Bureau international du travail. C’était d’ailleurs la première fois que la France était condamnée de la sorte, et nous nous en serions bien passés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous vous avions pourtant prévenus !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le BIT a souligné non seulement le problème de la motivation du licenciement, mais aussi, ne l’oublions pas, celui de la période d’essai. Or je sais que nombre de chefs d’entreprise, encouragés en cela par des organisations telles que la CGPME, ont joué le jeu, sincèrement, pour appliquer ce qui était une loi de la République, le fruit d’une volonté politique gouvernementale.
Aujourd’hui, il faut bien avoir conscience de l’absolue nécessité d’une clarification sur ce sujet, faute de quoi des chefs d’entreprises désireux de licencier risqueraient d’appliquer les règles du CNE devenues obsolètes. Ils ne manqueraient pas alors, à la suite des arrêts des cours d’appel de Bordeaux et de Paris, puisque la jurisprudence est constante à ce niveau, de voir les contrats requalifiés et de tomber sous le coup d’une condamnation judiciaire.
Dans ces conditions, mesdames, messieurs les sénateurs, il convenait de sécuriser le système sur le plan juridique, conformément, d’ailleurs, aux souhaits des organisations concernées. Comme j’attache une grande importance à la transparence sur la méthode employée, je précise que la rédaction du projet de loi a été élaborée en concertation avec tous les signataires de l’accord, y compris, donc, avec la CGPME.
Sur ce sujet important des relations sociales, c’est finalement l’engagement de l’État à ce moment précis qui est en cause. La réponse qu’il a apportée se trouve dans la loi du 31 janvier 2007de modernisation du dialogue social, la fameuse loi « Larcher », aux termes de laquelle toute modification du droit du travail ne peut se faire sans avoir recueilli l’avis préalable des partenaires sociaux. Les pouvoirs publics ont privilégié la négociation en la matière. Cela nous permettra d’éviter de telles erreurs à l’avenir. C’est aussi me semble-t-il, l’un des enseignements que la loi de 2007 a permis de tirer de l’application du CNE.
Par ailleurs, le contrat nouvelles embauches, c’est vrai, a créé des emplois. (M. Serge Dassault approuve.) Ce fut un premier outil de flexibilité. Cela étant, aujourd’hui, au XXIe siècle, on ne peut pas licencier quelqu’un sans lui dire pourquoi ; c’est une question de respect.
Mme Annie David. Cela va de soi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Dassault, nous avons aujourd’hui besoin non plus seulement de flexibilité, mais aussi de sécurité, et personne n’acceptera l’une sans avoir l’autre en même temps. C’est cela, la flexisécurité, et ce qui est vrai pour les entreprises l’est aussi pour les salariés. Tout est une question d’équilibre.
Désormais, il importe également de veiller à bien faire passer le message, car il y a encore eu des embauches en CNE au premier trimestre. Plus beaucoup, certes, mais quelques-unes encore, à hauteur de 0,7 % du total des embauches. Les responsables patronaux à qui j’en ai parlé ne comprenaient même pas eux-mêmes comment cela était encore possible, alors que chacun sait clairement, depuis la décision du BIT et les arrêts des cours d’appel, que tous les CNE sont devenus des CDI.
Voilà pourquoi il était indispensable d’apporter une clarification juridique et de faire passer le message, bien que, je le répète, la fin du CNE date non pas d’aujourd’hui ni du 11 janvier dernier, mais de la décision du Bureau international du travail.
En tout cas, monsieur Dassault, je vous suis reconnaissant d’avoir bien voulu retirer ces amendements, même si je sais que la question a fait l’objet de longs échanges au Parlement, notamment avec vous. En fin de compte, les propos que vous avez tenus traduisent aussi l’incompréhension d’un certain nombre de chefs d’entreprise. Soyez rassuré : le message a été bien reçu !
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, des mesures relevant du domaine de la loi pour étendre à Mayotte, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi, et modifier à cet effet le code du travail applicable à Mayotte.
L’ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi.
Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement, au plus tard, le dernier jour du troisième mois suivant sa publication. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi, à prévoir par ordonnance, dans le code du travail maritime, les mesures d’adaptation et les dispositions de cohérence nécessaires à l’application de la présente loi aux personnes exerçant la profession de marin.
Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement, au plus tard, le dernier jour du deuxième mois suivant sa publication.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement vise à permettre l’adaptation du projet de loi aux personnes exerçant la profession de marin en prenant en compte la spécificité de la relation de travail à bord d’un navire. Si cet amendement n’était pas adopté, il ne serait pas possible d’appliquer les dispositions de l’accord national interprofessionnel aux marins.
Les partenaires sociaux maritimes ont, bien sûr, été informés des conséquences éventuelles du futur projet de loi sur le droit du travail maritime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le Gouvernement propose donc que les mesures d’adaptation et les dispositions de cohérence nécessaires à l’application de la présente loi aux personnes exerçant la profession de marin soient prévues par voie d’ordonnance. Vous savez la passion que nous, sénateurs, avons pour les ordonnances, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ah bon ? Je pensais que vous aviez, habituellement, des réticences. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C’était une boutade, monsieur le ministre !
Ce que je voudrais savoir c’est si le projet de loi de ratification de cette ordonnance nous sera bien soumis ou s’il en ira comme pour la recodification du code du travail ? Autrement dit, aurons-nous vraiment l’occasion d’en débattre ou sera-t-il simplement déposé sur le bureau des assemblées, la ratification se réduisant alors à une simple formalité, comme d’habitude ?
Ces dispositions ne seront peut-être pas d’une mise en œuvre facile, mais, d’ici à un an, les discussions auront certainement abouti.
Par ailleurs, les partenaires sociaux ont-ils été informés ? L’ENIM, l’Établissement national des invalides de la marine, a-t-il été consulté ?
De toute façon, comme cet amendement vise à donner au Gouvernement la possibilité de prendre des dispositions par ordonnance, nous ne pourrons pas le voter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. L’ENIM a été consulté. Les partenaires sociaux maritimes vont pouvoir négocier. Leurs conclusions seront reprises dans le texte qui sera soumis au Parlement.
Je ne peux pas entrer dans un champ qui n’est pas le mien, mais je vous indique que ce texte vous sera présenté : il appartiendra à la conférence des présidents de décider de la manière dont il sera discuté.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Pendant les débats, nous sommes déjà longuement intervenus. Au terme de l’examen de ce projet de loi, je me bornerai donc à rappeler que l’accord national interprofessionnel a été obtenu à partir des textes d’orientation qui ont été remis aux organisations syndicales et patronales, texte d’orientation qui n’était pas neutre.
Où est l’innovation sociale, lorsque les lignes directrices et les conclusions sont fixées dès le début et que les partenaires sociaux n’ont plus qu’à discuter à la marge des modalités de leur mise en œuvre ? Il faut donc rester modeste quant aux conclusions de cet accord et ne pas les dissocier du contexte de négociations.
En dehors de l’abrogation du CNE et du dernier article, qui n’appelle aucun commentaire puisqu’il concerne l’application à Mayotte des dispositions, nous sommes résolument opposés à l’ensemble de ce texte : la rupture conventionnelle opère un retour en arrière incroyable, le contrat à durée déterminée pour objet défini nous ramène au travail à la tâche du XVIIIe siècle. De plus, quel est l’intérêt que le contrat à durée indéterminée soit à nouveau cité dans ce texte, puisque, de toute manière, y est créé un nouveau contrat précaire ?
Monsieur le ministre, nous sommes donc totalement hostiles à ce projet de loi, qui marque une régression sans précédent pour le monde du travail, venant après la recodification du code du travail qui, contrairement à ce que vous aviez annoncé, ne s’est pas opérée à droit constant.
En fait, nous avons beaucoup de mal à comprendre les signataires de l’ANI.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de ce débat.
Ce projet de loi dit de modernisation du marché du travail avait pour objet de transcrire dans la loi l’accord signé par la plupart des partenaires sociaux le 11 janvier dernier, à l’exception notable de la CGT.
Cependant, transcrire dans la loi, ce n’est pas juste faire un « copier-coller » de l’accord, comme on voudrait nous le faire croire. Transcrire dans la loi, c’est demander aux représentants du peuple, garants de l’intérêt collectif, de se prononcer non seulement sur ce texte et ses répercussions dans la vie des Français, mais aussi sur sa genèse.
Commençons par sa genèse. Je tiens certes, à saluer l’instauration de l’impératif de dialogue social. La concertation entre les partenaires sociaux est précisément ce qui aurait permis d’éviter au gouvernement précédent le fiasco du CNE-CPE, dont ce texte constitue – c’est là sa véritable avancée ! – l’acte de décès.
Nous apportons notre soutien aux partenaires sociaux, qui, lors de cette négociation, ont tenté de « sauver les meubles », notamment en évitant le contrat unique. Mais il est clair pour tous, aujourd’hui, que ce « dialogue social » a eu lieu en permanence sous la menace du Gouvernement de passer en force, par une loi plus dure, plus ultralibérale. Face à cette menace, les syndicats ont fait ce qu’ils ont pu.
J’en viens au fond. Cette « transcription » de l’ANI fait la part belle à toutes les dispositions qui accentuent la flexibilité. Les périodes d’essai sont tellement allongées qu’elles deviennent des mini-CNE, la séparation à l’amiable, idée louable dans son principe, est organisée de façon à aggraver l’inégalité fondamentale qui existe entre l’employé et l’employeur, enfin, constitué dans le but de contourner le droit du licenciement, le CDD de mission constitue un contrat précaire de plus.
On se trouve toujours devant la même idéologie, bien loin des réalités de l’économie : faciliter encore et encore les débauchages. On ajoute de la sécurité pour les entreprises en éloignant les juges de ces questions et on conforte la précarité des salariés.
En contrepartie sont accordées quelques réductions du temps d’ancienneté nécessaire pour bénéficier de la complémentaire santé et de l’indemnité de rupture, autant dire peu de choses.
La flexisécurité nécessite un équilibre différent. Or, en parcellisant l’accord, en renvoyant à de futures négociations les progressions obtenues par les syndicats, le Gouvernement a, si ce n’est rompu, en tout cas reporté l’application de l’équilibre très précaire qui avait été obtenu le 11 janvier.
Comment ne pas nourrir des inquiétudes quand on observe que les négociations sur la pénibilité ne sont toujours pas terminées, que l’accord sur le dialogue social dans l’artisanat n’a pas été transcrit, que les déclarations gouvernementales et présidentielles fustigeant les demandeurs d’emploi et s’attaquant à la formation professionnelle se multiplient ?
Au demeurant, parce qu’il s’agit de la première concrétisation du dialogue social, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce texte.
Toutefois, sachez bien, monsieur le ministre, que nous serons tout aussi vigilants sur le prochain texte que vous nous présenterez selon cette méthode, sur le suivant, puis sur le suivant encore, car c’est notre rôle de porter l’effort plus loin que ne le peuvent les partenaires sociaux, soumis aux pressions de votre idéologie ; c’est notre fonction de parlementaires et notre fierté de militants de gauche que de défendre l’intérêt du plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi nous a été présenté comme le lancement de la flexibilité à la française, de la « flexisécurité » à la française, comme le début d’une nouvelle période du dialogue social, comme un tournant historique dans la gestion des relations sociales dans notre pays.
Certes, le concept de flexisécurité n’est pas à rejeter en soi : il est légitime d’essayer d’apporter une certaine souplesse aux employeurs, qui hésitent à embaucher, dans un contexte de mutation et d’instabilité économiques.
Cependant, le concept de flexisécurité comporte un second volet : il s’agit de conforter la sécurité des parcours professionnels grâce, notamment, à l’indemnisation des personnes en formation et en retour à l’emploi.
Cependant, cette garantie apportée aux salariés a un coût financier. Je l’avais rappelé lors de mon intervention dans la discussion générale : au Danemark, 5 % du PIB sont consacrés à la sécurisation des parcours professionnels des salariés.
Or, lorsque j’ai proposé, par le biais de l’amendement n° 43, d’éviter le dévoiement de la procédure des CDD en taxant les entreprises qui y recourent de manière abusive, il m’a été objecté qu’il n’en n’était pas question, car cela serait trop onéreux. Et voilà, le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont prêts à instaurer la flexisécurité, mais à condition que cela ne coûte rien !
Nous ne sommes donc pas en train d’imiter, voire de transposer le modèle danois, car il coûte cher : le gouvernement danois investit beaucoup dans ce domaine.
Ce texte comporte des ruptures, tout d’abord s’agissant du droit des salariés. Cela a été dit et je l’évoquerai très rapidement : le contrat de mission entraîne une nouvelle forme de précarité, l’allongement des stages est tel qu’aujourd’hui ces derniers durent autant que les CDD et deviennent des CNE par défaut, sans parler de l’irruption du droit civil dans les relations du travail, avec la rupture conventionnelle.
Ce texte marque également une rupture historique en faisant régresser comme jamais le droit des salariés, puisque, du début à la fin, le rapport de subordination y est nié systématiquement.
Il y a également rupture en matière de dialogue social. Le dialogue social s’est déroulé sous la contrainte, les salariés ayant été menacés d’une loi pire encore si aucun accord n’était trouvé, et surtout, il a servi d’alibi.
Nombre de nos amendements ont été rejetés au motif qu’ils comportaient des dispositions qui ne figuraient pas dans l’accord, et pourtant, mon amendement n° 49, qui intégrait des éléments de l’accord, a été repoussé lui aussi. C’est ce que l’on appelle l’effet de cliquet : on peut démonter le droit du travail, mais en aucun cas le conforter.
Cette flexisécurité à la française est en fait une flexibilité à l’anglo-saxonne, néolibérale, dont on sait qu’elle se solde par un nombre accru d’emplois précaires et de pauvres, et une recrudescence de la violence sociale. Elle n’a, en tout cas, rien à voir avec le modèle nordique, qui méritait d’être observé, critiqué, amendé, transposé, mais qui, je le répète, a un coût.
Monsieur le ministre, vous êtes figé dans une logique ultralibérale, qui vous conduit à refuser la moindre augmentation des prélèvements obligatoires.
Dans ces conditions, il n’y a pas de flexisécurité, il y a de la flexibilité tout court. Les sénateurs Verts voteront donc contre ce semblant de réforme, qui détruit finalement le droit du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP se réjouit du débat qui vient d’avoir lieu : ce projet de loi marque le succès du dialogue social et introduit une certaine flexibilité, aujourd’hui nécessaire aux entreprises, tout en protégeant les salariés.
Je constate avec joie qu’est ainsi construit un droit du travail du XXIe siècle et non du XIXe siècle !
M. Jean-Luc Mélenchon. Du XVIIIe siècle !
Mme Catherine Procaccia. Je me réjouis d’être la dernière à m’exprimer, après mes collègues de la gauche, pour apporter en conclusion une note positive et dire tout le bien que le groupe UMP pense de ce texte.
Ce projet de loi est la première application – réussie - de la loi de la modernisation du dialogue social, présentée voilà seize mois par Gérard Larcher et dont j’ai été le rapporteur. Je suis très heureuse de constater comment cette loi a pu être adaptée concrètement.
Ce texte retranscrit très fidèlement les choix faits par les organisations syndicales et patronales dans l’accord du 11 janvier dernier. Nous avons joué notre rôle de parlementaires, même si cela n’a pas toujours été facile en raison de l’existence de cet accord préalable. Mais la plupart d’entre nous, notamment l’ensemble des membres du groupe UMP, se sont efforcés de respecter les termes de cet accord.
Je tiens à souligner la qualité du travail de notre rapporteur, qui a su faire preuve de retenue afin de ne pas ruiner les efforts accomplis auparavant, bâtir une démocratie sociale plus responsable, tout en respectant le rôle du Parlement, puisque la loi de modernisation du dialogue social indiquait que celui-ci devait jouer son rôle en innovant et en suivant les décisions des partenaires sociaux.
Je considère, monsieur le rapporteur, que vous avez parfaitement accompli cette mission.
Ce projet de loi, et c’est un autre point important, introduit dans notre droit plus de flexibilité afin de libérer les entreprises des contraintes qu’elles subissent actuellement, flexibilité qui s’accompagne toutefois d’une sécurité renforcée pour les salariés, visant à éviter que leurs droits ne soient affectés par les nouvelles marges de manœuvre offertes aux entreprises.
Au nom du groupe UMP, je remercie encore une fois M. le rapporteur, qui, dans les limites qu’il s’était fixées, est parvenu à apporter plusieurs modifications sur les points suivants : période d’essai, reçu pour solde de tout compte, moment de rupture possible du contrat à durée déterminée à objet défini, procédure encadrant le nouveau mode de rupture du contrat de travail.
Personnellement, je suis enchantée de voir naître la rupture conventionnelle du contrat de travail, qui avait tant préoccupé les partenaires sociaux - pas du tout dans le sens indiqué aujourd’hui dans cet hémicycle ! - lorsque nous étions sur les bancs de l’Institut national du droit du travail.
Je me réjouis également de la reconnaissance juridique du portage salarial. Même si, selon M. Mélenchon, il ne concernera que quelques cas, il est très utile, notamment pour le travail des seniors.
M. le rapporteur a souhaité ouvrir les auditions à l’ensemble de notre commission, ce qui est fort appréciable. Même si je n’ai pas participé à toutes les auditions, j’ai écouté les représentants des syndicats. Peut-être suis-je sourde, mais je ne les ai pas entendus tenir les mêmes propos que nos collègues de gauche ! En effet, hormis la CGT, tous les syndicats nous ont dit que l’accord du 11 janvier leur convenait et qu’ils souhaitaient qu’il ne soit pas modifié.
Monsieur le ministre, vous avez dit que les lois les plus durables et les mieux acceptées étaient issues des accords. Aujourd’hui a été franchie une étape, qui sera bientôt suivie d’autres réformes. Le groupe UMP vous fait confiance pour accomplir ces réformes dans le respect du dialogue social. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
M. Guy Fischer. Elle a de la chance d’avoir confiance !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, ainsi que M. le président du Sénat et M. Gouteyron, d’avoir bien voulu présider ces séances.
Je veux également exprimer mon admiration à notre rapporteur, dont nous avions pu apprécier le talent lorsqu’il était membre du Gouvernement, talent qu’il met désormais au service de la commission des affaires sociales, comme le montre ce premier rapport. Nous en sommes heureux !
Enfin, je remercie M. le ministre pour la qualité de son écoute, ainsi que pour sa volonté de travailler avec le Parlement et de lui laisser sa place.
M. Guy Fischer. Il nous a déçus !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je remercie également tous ceux de nos collègues qui ont participé à ces débats et les ont rendus particulièrement intéressants.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?….
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 90 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 226 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 114 |
Pour l’adoption | 196 |
Contre | 30 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je tiens à remercier la Haute Assemblée pour ce vote. Nous nous sommes livrés à un exercice nouveau, en quelque sorte à des travaux pratiques sur la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007. L’accord du 11 janvier 2008 se situait d’ores et déjà dans cette logique.
Je remercie également les différents groupes du Sénat, même si certains nous ont ménagé quelques surprises, notamment par rapport à ce que j’ai pu entendre à l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, les groupes ont essayé de se montrer fidèles à l’accord qui a été passé. Il s’agit, en quelque sorte, d’une « photographie » de cet accord du 11 janvier.
J’exprime tout particulièrement ma reconnaissance au président About, qui se consacre entièrement à sa tâche,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour son côté urbain ! (Sourires.)
M. Xavier Bertrand, ministre… et à M. le rapporteur pour la qualité de son travail.
Chacun, avec ses convictions et son tempérament, a pu animer ce débat. J’ai le sentiment que cet exercice constituait une « première », et certainement pas une « dernière ». Un ministre que vous connaissez bien, car il a été sénateur, Hubert Falco, me disait hier que le Sénat travaillait dans un climat de confiance et de sérénité. J’ai pu le vérifier.
Enfin, je remercie Catherine Procaccia pour les propos qu’elle a adressés au Gouvernement, ainsi que le Sénat dans son ensemble pour sa sagesse et sa capacité à éclairer nos débats. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
6
Transmission d’un projet de loi
M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 314, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
Dépôt de propositions de loi
M. le président. J’ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi pour le développement de l’épargne retraite.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 321, distribuée et renvoyée à commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de MM. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 322, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
Transmission d'une proposition de loi
M. le président. J’ai reçu de M. le président de l’Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 323, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
9
Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3856 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3857 et distribué.
10
Dépôt de rapports
M. le président. J’ai reçu de M. René Garrec un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur :
- le projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives du Conseil constitutionnel (n° 304, 2007-2008) ;
- et le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives (n° 305, 2007 2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 313 et distribué.
J’ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie relatif à la coopération en matière d’application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux Terres australes et antarctiques françaises, à l’île Heard et aux îles McDonald (n° 206, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 315 et distribué.
J’ai reçu de Mme Joëlle Garriaud-Maylam un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (n° 220, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 316 et distribué.
J’ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d’un dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l’ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense (n° 270, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 317 et distribué.
J’ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (n° 277, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n°° 318 et distribué.
J’ai reçu de M. Jacques Blanc un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française au profit de la Principauté de Monaco à l’occasion d’événements particuliers (n° 279, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 319 et distribué.
J’ai reçu de M. Auguste Cazalet un rapport supplémentaire fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi, présentée par M. Michel Mercier, renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion (n° 212, 2007-2008).
Le rapport supplémentaire sera imprimé sous le n° 320 et distribué.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 mai 2008 :
À seize heures :
1. Question orale avec débat n° 18 de M. Nicolas Alfonsi à Mme la ministre de la culture et de la communication sur la sauvegarde et la transmission des langues régionales ou minoritaires.
M. Nicolas Alfonsi demande à Mme la ministre de la culture et de la communication à propos des mesures envisagées par le Gouvernement pour donner un cadre légal afin de créer des obligations à la charge de l’État en vue de la sauvegarde et de la transmission de langues régionales ou minoritaires pratiquées sur son territoire.
Par sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution certaines clauses de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée à Budapest le 7 mai 1999.
Le Conseil constitutionnel a toutefois relevé dans sa décision que l’application de l’article 2 de la Constitution ne devait pas conduire à méconnaître l’importance que revêt en matière d’enseignement, de recherche et communication audiovisuelle la pratique des langues régionales ou minoritaires.
Il s’agit maintenant de savoir si le Gouvernement entend soumettre au Parlement des dispositions de nature législative en la matière ou s’il choisit au contraire de trancher par la voie réglementaire.
2. Discussion de la proposition de loi (n° 269, 2006-2007) pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, présentée par M. Ladislas Poniatowski.
Rapport (n° 307, 2007-2008) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Le soir :
3. Examen des conclusions (n° 320, 2007-2008) de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD