Article 3
Dans le premier alinéa de l'article L. 1226-1 du code du travail, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « une année ».
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Avant le dernier alinéa de l'article L. 1226-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'appréciation de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités prévues au présent article, toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise ou dans différentes entreprises appartenant au même groupe dans le cadre d'un contrat de travail, sont prises en compte. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. L’article 3 du projet de loi constitue, du point de vue de la codification, une avancée sensible pour les branches où l’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités de l’assurance maladie était de trois ans.
Cet amendement vise à transposer l’alinéa 2 de l’article 5 de l’accord national interprofessionnel relatif à l’accès aux droits, dont je vais donner lecture :
« Toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d’un contrat de travail sont prises en compte pour l’appréciation de l’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités conventionnelles de maladie prévues par les accords de mensualisation. »
Mes chers collègues, si les partenaires sociaux ont pris le soin de souligner qu’il s’agissait de « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise », c’est que cette précision a son importance. Peuvent en effet être concernés un CDI, un CDD, plusieurs CDD ou toute autre forme de contrat de travail. Or la rédaction du projet de loi est à cet égard assez imprécise.
C’est la raison pour laquelle cet amendement très technique tend à compléter l’article 3, afin de reprendre la formulation de l’accord national interprofessionnel visant à prendre en compte « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d’un contrat de travail ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Contrairement à ce qu’affirment les auteurs de cet amendement, l’alinéa 2 de l’article 5 de l’ANI ne prévoit pas de prendre en compte, pour calculer l’ancienneté du salarié, toutes les périodes de travail effectuées dans un même groupe. Le droit du travail prévoit de retenir uniquement l’activité accomplie dans une même entreprise, même si certains groupes prennent de leur propre chef en considération l’ancienneté du salarié dans l’ensemble de leurs entités.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Le titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1232-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1232-1. - Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.
« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;
2° L'article L. 1233-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-2. - Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.
« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;
3° L'article L. 1234-9 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « une année » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « calcul », sont insérés les mots : « de cette indemnité » ;
4° L'article L. 1234-20 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1234-20. - Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.
« Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé de manière écrite et motivée dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Depuis des années, le patronat exige que les règles relatives au licenciement soient considérablement assouplies, afin que leur usage soit simplifié du point de vue administratif et rendu moins coûteux, quitte à limiter les possibilités d’exercer un recours en justice pour les salariés.
Tel est d’ailleurs le sens de l’un des amendements déposés par M. le rapporteur, qui aurait pour effet, s’il était adopté, de faire du conseil de prud’hommes le premier et le dernier recours du salarié. En l’espèce, cela ne figure pas dans l’accord national interprofessionnel !
Cet article 4 offre l’exemple parfait de ce que j’ai dénoncé au cours de la discussion générale en mettant en exergue des dispositions en apparence généreuses pour les salariés, mais dans les faits inutiles, insatisfaisantes ou, comme pour le reçu pour solde de tout compte, contraires à leurs intérêts.
De plus, et cela ne vous étonnera pas, chers collègues, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont hostiles au changement de vocable opéré au travers du présent projet de loi, dont la rédaction recourt à la notion de « justification » de préférence à celle de « motivation » du licenciement.
Il a été impossible de supprimer la référence explicite à la « cause réelle et sérieuse », bien que ce soit le souhait du patronat. Les exemples du contrat première embauche et du contrat nouvelles embauches nous ont appris que vous étiez prêts à satisfaire cette exigence, mais les syndicats s’y étaient alors fortement opposés ! Il ne reste donc qu’à supprimer l’obligation de motivation du licenciement, pour la remplacer par celle de justification.
Outre que la justification ne fait l’objet d’aucune reconnaissance juridique par la jurisprudence ou par la loi, qui ignore ce concept en droit du travail, cela fait craindre une limitation du champ de la mission de contrôle du juge prud’homal, qui sera invité non plus à contrôler la motivation du licenciement, c’est-à-dire son fondement, mais à vérifier que la justification a été effectivement opérée auprès des salariés. Le risque est donc grand de passer progressivement d’un contrôle de fond à un contrôle d’opportunité, ce que nous ne pouvons que dénoncer. C’est pourquoi il nous semble plus opportun de recourir à la notion de « motivation ».
De la même manière, nous sommes opposés au caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte.
Tout d’abord, la rédaction que vous proposez représente, pour les salariés, un recul considérable les ramenant des années, pour ne pas dire des décennies, en arrière. Vous ne reprenez pas les précisions et clarifications exigées par la jurisprudence antérieure à l’année 2002, qui sont pourtant importantes, et vous n’en prévoyez pas de plus protectrices. Pourquoi ne pas exiger que soit précisé le fondement des sommes dues ? Pourquoi ne pas mentionner sur le reçu pour solde de tout compte les délais pour agir ? Pourquoi les avoir limités à une durée si courte ? Enfin, pourquoi ne pas avoir interdit la signature du reçu pour solde de tout compte durant la période d’existence contractuelle, c’est-à-dire tant que persiste le lien de subordination ?
En outre, nous sommes également opposés à cette disposition parce que le délai de six mois prévu nous paraît très largement insuffisant et semble s’inscrire dans une démarche identique à celle qui a inspiré le dépôt de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, à savoir la diminution du délai d’action.
Enfin, je voudrais revenir sur la création étonnante d’une indemnité de rupture interprofessionnelle unique. Celle-ci était prévue à l’article 11 de l’ANI, et vous n’avez naturellement pas oublié de la retranscrire dans le projet de loi. Cela aura pour effet d’entraîner, outre la réduction des périodes d’ancienneté, qui peut apparaître positive, la suppression de la majoration prévue pour les salariés licenciés après plus de dix ans d’ancienneté, particulièrement quand il s’agit de salariés licenciés pour motif économique, qui vont perdre le bénéfice de la majoration de deux quinzièmes de mois supplémentaires par année d’ancienneté.
À ce propos, M. le ministre m’a répondu tout à l’heure, à la suite de la discussion générale, que les présidents des groupes avaient reçu le projet de décret, qui devrait me rassurer sur le point que cette anomalie ne durerait que le temps du débat. Or mon groupe n’a absolument rien reçu, si ce n’est un courrier concernant trois autres décrets en date du 17 avril dernier, donc bien antérieur à votre audition par la commission et à ma demande relative audit décret, et dans lequel vous précisez que le quatrième projet de décret portant sur le montant des indemnités de licenciement fait l’objet de discussions avec les signataires. Je n’ai donc pu obtenir la confirmation que ce décret réglera l’anomalie et ne l’aura laissée vivre que le temps du débat.
Certes, cette nouvelle mesure que vous prenez fera bénéficier le salarié qui n’a qu’une année d’ancienneté de la somme de 400 euros, alors qu’aujourd’hui il ne perçoit rien. Toutefois, ce sera au détriment des autres catégories de salariés licenciés. Votre politique consiste, en la matière, à remédier à une injustice par une autre injustice, puisque vous amputez considérablement les indemnités des salariés licenciés justifiant de plus de dix ans d’ancienneté.
Cela est intolérable et témoigne une nouvelle fois de votre politique comptable, selon laquelle toute mesure un tant soit peu sociale doit impérativement être compensée par la réduction d’autres acquis sociaux. Je pense ici aux franchises médicales ou à la tentative, plus récente encore, de suppression de la carte « famille nombreuse » ! Nous nous sommes d’ailleurs entretenus tout à l’heure avec Martin Hirsch du revenu de solidarité active, qui se substituera pour une part à la prime pour l’emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l’article.
M. Jean-Luc Mélenchon. La discussion de cet article va mettre en lumière quelques-uns des aspects du dispositif qui gagneraient à être précisés ou qui appellent une meilleure compréhension, car ils soulèvent certaines inquiétudes.
À ce stade du débat, je souhaite attirer l’attention sur les conséquences de la modification du mode de calcul des indemnités de licenciement pour certains salariés. Si je me concentre sur cette disposition, c’est parce qu’on la présente comme substantiellement avantageuse pour les salariés. Ce serait là, enfin, la fameuse contrepartie de l’accord ! Or telle n’est pas mon analyse.
En effet, cet article et son corollaire réglementaire auront des effets tout à fait inégalitaires selon les catégories de salariés considérées. Je vais m’efforcer de le montrer en prenant des exemples concrets.
L’abaissement de deux ans à un an de l’ancienneté requise pour accéder aux indemnités, qui est présenté comme la grande avancée du texte, ne mettra en jeu que des montants somme toute assez modestes : un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, c’est-à-dire 200 euros pour un travailleur ou une travailleuse payé au SMIC et licencié après une année de présence.
On me dira que c’est toujours ça, mais il faut mettre cette somme en balance avec ce qui va être perdu par le salarié licencié avec trente ans d’ancienneté. Si ce salarié gagnait 2 000 euros par mois, ce qui n’est tout de même pas mirobolant, son indemnité de licenciement passera de 17 300 euros à l’heure actuelle à 12 000 euros…
Mme Raymonde Le Texier. C’est super !
M. Jean-Luc Mélenchon. Autrement dit, la disposition visée permettra au salarié payé au SMIC et licencié après un an de présence de gagner 200 euros mais fera perdre 5 300 euros à celui qui est licencié au bout de trente ans avec un salaire mensuel de 2 000 euros.
Mme Annie David. C’est un texte équilibré !
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà comment la baisse des indemnités des uns va financer l’augmentation de celles des autres !
M. Guy Fischer. C’est comme pour le RSA !
M. Jean-Luc Mélenchon. On aurait pourtant pu répartir les 5 300 euros d’une manière égalitaire pour que cela n’aboutisse pas, en bout de chaîne, à un « gain » de 200 euros. Voilà de quoi il s’agit en fait de grande avancée !
Sous couvert d’égalisation des indemnités de licenciement, l’accord va donc permettre de réduire le coût des licenciements économiques.
L’homogénéisation du montant des indemnités à hauteur d’un cinquième de mois de salaire par année de présence dans l’entreprise prévue à l’article 11 de l’accord national interprofessionnel, qui sera étendue par décret, ne profitera de toute façon qu’à une partie des salariés. Un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, c’est déjà le montant minimal auquel ont droit les salariés licenciés pour motif économique. Cela ne sera donc pas une avancée, sauf pour les personnes licenciées pour motif personnel. Cependant, il convient d’observer que l’on a renoncé, au travers de l’accord, au principe de la majoration des indemnités en cas de licenciement économique affirmé par la loi de modernisation sociale.
Par conséquent, deux parties, certes respectables, mais qui ne sont jamais que deux parties, ont décidé de revenir en deçà de la loi. Voilà ce que nous sommes en train de faire ! Au début de notre discussion, nous avions souligné que le contrat prenait une place croissante par rapport à la loi, mais nous en arrivons maintenant au point où non seulement il se substitue à elle, mais il en réduit la portée. Une telle démarche procède à l’évidence d’une autre logique et d’un autre rapport de force que ceux qui conviennent dans une enceinte parlementaire. Il s’agit là d’un rapport de force social, celui-là même qui a été désigné tout à l’heure comme un archaïsme sous le nom de « lutte de classes ».
Il est pourtant logique que le salarié licencié pour un motif économique soit plus fortement indemnisé que celui qui est licencié pour un motif personnel. Cette plus forte indemnisation avait aussi un effet dissuasif : elle permettait d’éviter le recours abusif aux licenciements économiques.
Je n’en dirai pas davantage pour l’heure, mais il me semble que tout cela suffit à nourrir de très sérieuses inquiétudes.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 1233-2 du code du travail, remplacer le mot :
justifié
par le mot :
motivé
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de remplacer le mot « justifié » par le terme « motivé », plus juridique.
Nous nous interrogeons en effet sur la pertinence même du changement de terminologie institué par le projet de loi.
Si cette évolution du vocabulaire n’apporte aucune modification de fond – nous sommes prêts à le croire –, est-elle alors nécessaire ?
En revanche, si la nature même du licenciement se trouve modifiée, l’une des exigences jurisprudentielles quant à sa validité se voyant de fait réduite, nous ne pouvons que nous opposer à ce changement de terminologie.
S’il devait en être ainsi, la France encourrait d’ailleurs une sanction de la part de l’Organisation internationale du travail, puisque notre pays est signataire de la fameuse convention 158 de l’OIT, qui a déjà amené le retrait du CNE.
Or, nous le savons tous, la motivation d’un licenciement suppose nécessairement que le motif de cette rupture contractuelle sur l’initiative de l’employeur repose sur un fait réel justifiant que l’employeur mette fin à la relation contractuelle qui l’unit à son employé.
En supprimant la notion de motivation, on affecte nécessairement celle de motif. Nous en déduisons que le Gouvernement, tentant de répondre, une fois encore, à l’une des exigences du MEDEF, est moins soucieux d’influer sur la procédure de licenciement ou sur ses preuves que de jouer sur la notion même de motif. S’il suffit de justifier un licenciement, il est aisé de comprendre que l’employeur n’aura plus à le motiver, c’est-à-dire, en somme, à le fonder.
On en revient encore et toujours à l’institution d’un licenciement sans motif, qui relève de la pensée structurante du MEDEF, sous-tendant son projet de généralisation de la précarité et d’assouplissement sans limites du code du travail. Le terme de flexisécurité prend alors tout son sens : plus de flexibilité et de sécurité pour l’employeur lorsqu’il se sépare d’un salarié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’article 4 introduit une distinction entre la motivation du licenciement, qui renvoie à une question de procédure, et sa justification, qui renvoie aux raisons de fond ayant conduit l’employeur à décider le licenciement.
En visant à gommer cette nuance, l’amendement nuit à la clarté du texte. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’adoption de l’amendement aboutirait à un recul dans la protection du salarié, car la justification correspond à une exigence de fond, alors que la motivation relève d’une exigence de forme. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme Annie David. Vous savez que ce n’est pas vrai !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. À cet instant du débat, je voudrais indiquer à M. Mélenchon que je me suis exprimé à l’Assemblée nationale sur la question qu’il a évoquée.
À propos du contenu du décret qui sera prochainement publié et dont j’ai transmis le projet aux groupes politiques du Sénat, j’ai pris l’engagement qu’aucun salarié, quels que soient son statut, son ancienneté ou la nature de son licenciement, ne verra les indemnités auxquelles il a droit diminuer.
Un risque existait initialement parce que, pour tout vous dire, les partenaires sociaux ne s’étaient pas encore mis d’accord. Ce sujet ne faisait pas l’unanimité entre eux, or il n’est pas concevable que, aux termes d’un tel accord, des salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté licenciés pour des motifs économiques voient le montant de leur indemnisation régresser.
Les partenaires sociaux s’étant réunis depuis pour débattre de ce point, je peux vous apporter la garantie que j’évoquais. Il est vrai que, d’une certaine façon, j’ai exercé une pression à l’Assemblée nationale – je ne suis pas certain que l’on me le reprochera –, en déclarant que jamais je ne publierais un décret prévoyant un tel recul des droits des salariés. Je tenais à vous le dire.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le b du 3° de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. M. le ministre vient d’apporter une réponse partielle aux inquiétudes que M. Mélenchon et moi-même avions exprimées à propos de la nouvelle méthode de calcul des indemnités de licenciement, qui risquait d’être défavorable aux salariés justifiant d’une grande ancienneté. Il a indiqué que le projet de décret nous avait été transmis, mais, pour ma part, je n’ai pas encore pu en prendre connaissance. Je suis prête à faire une nouvelle fois confiance au Gouvernement, mais cela commence à faire beaucoup !
Pour autant, je veux bien croire que les dispositions de ce décret ne défavoriseront aucun salarié. Il n’en demeure pas moins que le paragraphe b du 3° de l’article 4 tend à supprimer la différence entre licenciement économique et licenciement pour motif personnel, même si, une fois n’est pas coutume, cette évolution profite aux salariés, puisque le montant de l’indemnité de licenciement dans le second cas sera aligné sur celui de l’indemnité de licenciement pour motif économique, ce qui se traduira par son doublement.
Nous ne pouvons bien entendu pas être défavorables à une telle disposition, d’autant qu’elle a reçu l’aval des partenaires sociaux. Toutefois, sur le fond, on supprime toute différence, au regard de l’indemnisation, entre licenciement pour motif personnel et licenciement économique, alors que dans ce dernier cas aucune responsabilité n’est imputable au salarié. Il ne me semble pas juste d’abolir ainsi une distinction qui avait été acquise de haute lutte.
Peut-être cela fait-il trop longtemps que je n’ai pas participé à des réunions syndicales, mais il faudra que je me tourne vers les organisations représentatives des salariés afin de les interroger sur leur absence de réaction à une telle évolution… Il me semble tout de même important de maintenir la différence entre licenciement économique et licenciement pour motif personnel. Certes, la suppression de cette différence se fait à l’avantage des salariés, mais, sur le fond, cela pose problème.
Cela dit, monsieur le ministre, puisque vous nous avez donné la garantie qu’aucune catégorie de salariés ne serait perdante en termes d’indemnités de licenciement, je suis tentée de retirer l’amendement, quitte à revoir ma position d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire si le texte du projet de décret ne correspond pas à votre annonce !
M. le président. L’amendement n° 88 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 73 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 4° de cet article.
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 50.
M. Jacques Muller. Les douzième à quatorzième alinéas de l’article 4 prévoient que le reçu pour solde de tout compte devient libératoire au bout de six mois. Après ce délai, un salarié ne peut plus en contester la validité, même s’il s’aperçoit qu’il n’a pas obtenu l’intégralité du paiement de ses congés payés ou des indemnités auxquelles il avait droit.
Un salarié licencié pour raison économique bénéficie pendant un an, rappelons-le, d’une priorité de réembauche dans son ancienne entreprise. Dans une zone où le chômage est important, le mince espoir de retrouver son ancien poste peut le conduire à s’abstenir de déposer un recours. Dans ces conditions, pourquoi vouloir réduire à six mois, si tant est qu’une modification était nécessaire, un délai qui est aujourd’hui de cinq ans ?
Une telle disposition va à l’encontre des intérêts des salariés, qui sont nombreux à ne pas connaître leurs droits, notamment dans les petites entreprises. Dans les grandes entreprises, les syndicats sont là pour les leur rappeler. Le temps de réaliser qu’ils n’ont pas obtenu tout ce à quoi ils avaient droit, les six mois seront écoulés.
Je n’aurais pas déposé cet amendement si l’échéance pour que le reçu pour solde de tout compte devienne libératoire avait été fixée à un terme plus éloigné. Le délai prévu me paraissant trop court, je souhaite la suppression des alinéas visés.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 73.
M. Guy Fischer. Sans revenir trop longuement sur les propos qu’a tenus ma collègue Annie David, je tiens à défendre cet amendement dont l’objet est de supprimer l’instauration d’un reçu pour solde de tout compte prévue par le présent projet de loi.
À n’en pas douter, il s’agit une nouvelle fois d’une disposition « cousue main » destinée à satisfaire le MEDEF, qui ne cesse de dénoncer un droit français trop corseté.
En termes d’accueil d’entreprises, la France se place pourtant au deuxième rang, après l’Écosse. De très nombreuses entreprises étrangères, notamment américaines, choisissent donc de s’implanter chez nous, dans un pays où, à en croire les déclinologues, les salariés ne travaillent pas, passent leur temps en congé, à cause des 35 heures et des jours fériés du mois de mai…
M. Guy Fischer. Non, ce n’est pas moi, c’est vous, monsieur le ministre !
Seulement, comme vous le savez fort bien et comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler, le taux de productivité des travailleurs français est parmi les meilleurs au monde. C’est le savoir-faire de nos salariés qui explique l’implantation de nombreuses entreprises et l’apport d’investissements étrangers.
La France est pourtant un pays où le fisc prend tout et où il est impossible de se séparer d’un salarié. Si les investisseurs viennent si nombreux chez nous, c’est donc sans doute pour notre gastronomie – surtout à Lyon ! (Sourires.)
Cela étant, d’après les études réalisées par la direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques, la DREES, 39,7 % des procédures engagées devant les prud’hommes se concluent par une décision favorable au salarié et 37,1 % par une décision favorable à l’employeur, le reste relevant de la conciliation. On est donc loin, très loin de l’image d’Épinal qui voudrait que les salariés l’emportent toujours aux prud’hommes.
La mesure qui nous est ici proposée n’a d’autre objet que de limiter les possibilités de recours des salariés devant la juridiction compétente : le reçu pour solde de tout compte aura pour effet de les éteindre dans un délai record de six mois, alors que le salarié licencié dispose de trente ans – ce délai sera bientôt ramené à cinq ans – pour faire valoir ses droits s’il s’estime victime d’une discrimination.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne pouvons accepter cette mesure très déséquilibrée de plus. Nous vous invitons à adopter notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l’article L. 1234-20 du code du travail, supprimer les mots :
de manière écrite et motivée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur une modification qui avait été introduite par l’Assemblée nationale et que la commission a jugée peu judicieuse.