M. le président. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement vous a écouté avec une grande attention et, j'en suis persuadé, il ne manquera pas de prendre en considération vos suggestions, en particulier celles qui concernent les collectivités territoriales et plus particulièrement encore les départements ! (Sourires.)
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, nouvelle présidence, nouvelle législature... Nous voici donc aujourd'hui réunis pour examiner le premier projet de loi de finances présenté par le gouvernement de M. François Fillon.
C'est un exercice délicat, une épreuve de vérité désormais encadrée par l'exigence de sincérité. Je salue, madame, monsieur le ministre, votre écoute puisque vous allez déposer un amendement tendant à parfaire encore la sincérité de votre budget.
En ce début de législature, l'attente de rupture est sans doute à son plus haut niveau. Force est de constater que l'absence de marges de manoeuvre condamne trop souvent le budget à transcrire tout le poids des gestions antérieures.
Il est donc temps de prendre conscience que toutes les facilités, toutes les commodités, toutes les astuces de présentation sont épuisées. Convenons, en effet, que les vraies réformes, celles qui opèrent une rupture, sont souvent coûteuses lors de leur phase de mise en oeuvre, ce qui ne doit pas, bien au contraire, nous faire renoncer à les entreprendre. Ce n'est qu'au fil des années que leurs bienfaits se manifestent dans les budgets.
Le temps de l'affichage immédiat est donc révolu au profit, je l'espère, de la détermination calme et résolue.
Osons renoncer aux tentations de la gesticulation et ouvrons les yeux sur la réalité, au risque de nous priver d'éphémères enchantements.
Je veux, dans cet esprit, évoquer le contexte dans lequel s'inscrit ce budget, avant de tenter de répondre à la question de savoir si le projet de loi de finances initiale pour 2008 amorce la trajectoire du redressement.
Sur la forme, vous m'autoriserez à rompre avec quelques conventions de langage.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes d'accord !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au moment où de vives inquiétudes s'expriment à propos du pouvoir d'achat, des risques d'inflation, du déséquilibre de la balance commerciale, de la dette publique, de la délocalisation des emplois, de la hausse du baril de pétrole, du gaz et des matières premières, de la dépréciation du dollar, nous avons le devoir de mieux appréhender les enjeux de la mondialisation.
Acceptons donc de rompre avec nos discours anesthésiants, faussement rassurants.
Parmi les thèmes stimulants du moment, j'attire un instant votre attention sur le volume désormais massif et le rôle des « surliquidités mondiales » : 4 000 milliards de dollars et peut-être même 5 000 milliards de dollars ! Prenons conscience du pouvoir financier et économique dont disposent aujourd'hui les pays qui nous approvisionnent en énergie - gaz, pétrole - et en biens de consommation.
On voit émerger le concept de fonds souverains. Comme le soulignait Alain Lambert ce matin en commission des finances, si ces pays ont des fonds souverains, au moins avons-nous, nous, la dette souveraine ! (Sourires.)
Ce phénomène, mes chers collègues, est révélateur de nos insuffisances. Pourtant, nos colloques, nos messages institutionnels « politiquement corrects », nous invitent à considérer comme flatteur qu'autant de capitaux s'investissent en France, et ce « tous azimuts » : immeubles de haut standing, titres de sociétés cotées en bourse, bons du Trésor, petites et moyennes entreprises dynamiques de nos provinces... J'arrête ici la liste.
Ces investissements sont effectués soit directement, soit par l'intermédiaire de « fonds souverains » dont la force de frappe financière n'a désormais d'égale que l'opacité. Nous devrions donc nous demander s'ils nous renforcent ou si, au contraire, ils nous affaiblissent.
Mon opinion est qu'ils stimulent l'inflation des actifs, qu'il s'agisse des biens immobiliers ou des actions des sociétés cotées en bourse, sans toutefois renforcer notre potentiel de production.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pis, quand ils concernent des PME, ces investissements donnent bien souvent lieu, dans nos territoires, à la délocalisation des activités et des emplois.
Nous mesurons au surplus que, si la mondialisation a pu contribuer un temps à la baisse des prix des biens de consommation, la tendance est en train de s'inverser. Notre indépendance est en jeu : veillons à ne pas subir les effets de stratégies dont la définition et la conduite nous échappent largement, sinon totalement !
Or, s'il est un élément dont nous avons le contrôle, c'est bien la loi de finances. À cet égard, le projet de loi de finances initiale pour 2008 est indéniablement un budget de transition.
C'est un budget de transition, qui ne peut donc traduire les effets positifs de réformes qui, pour beaucoup, sont encore à mettre en oeuvre.
Ainsi, et vous l'avez rappelé, madame le ministre, l'insuffisance de la croissance - ce fameux point de croissance qui nous manque et qu'il nous faut à tout prix débusquer - met cruellement en évidence nos problèmes de compétitivité : le déficit de compétitivité dont souffre notre pays, notamment par rapport à l'Allemagne, est patent et se concrétise malheureusement, chaque mois, dans nos performances commerciales, qui sont plus qu'inquiétantes.
De même, faute de réformes structurelles, il ne nous a pas encore été possible de rendre la sphère publique plus performante ou moins onéreuse - même s'il nous faut garder à l'esprit qu'il n'existe pas de formule miracle : je l'ai dit, les bonnes réformes sont coûteuses dans un premier temps.
C'est aussi un budget de transition qui révèle nos contraintes dans leur cruelle vérité. Je n'en donnerai que deux exemples, qui préemptent déjà les deux tiers du budget.
La seule dette de l'État - 919 milliards d'euros à la fin décembre 2007 - représente, avec ses 40,8 milliards d'euros de charge nette annuelle, les deux tiers du produit de l'impôt sur le revenu, alors que la perspective de hausse durable des taux d'intérêt ne pourra qu'en alourdir le fardeau. Tout aussi pesantes, les charges de personnel et de pension, quant à elles, s'élèveront en 2008 à 120 milliards d'euros, soit 330 millions d'euros à acquitter chaque jour !
C'est encore un budget de transition qui, heureusement, grâce à l'usage qui est fait de la LOLF, tend vers la sincérité, même s'il reste exposé à quelques critiques résiduelles ; il est probable que notre discussion contribuera à en éliminer quelques-unes.
Demeurent en effet, madame, monsieur le ministre, quelques « poches de sous-budgétisation » concernant certains crédits, pour environ 1,3 milliard, peut-être 1,5 milliard d'euros. Des progrès ont d'ores et déjà été réalisés, et l'annonce que vient de faire M. Éric Woerth donne à penser que les trois prochaines semaines nous permettront de poursuivre dans cette voie.
M. le président. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La tentation de contourner la « case déficit » est encore trop présente lorsqu'il s'agit pour l'État de reprendre les dettes accumulées par des organismes extérieurs, notamment au sein de la sphère sociale : 5,1 milliards d'euros viennent d'être entérinés, pour la sécurité sociale, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, et nous avons encore en mémoire le projet de loi de finances rectificative pour 2005, qui avait « épongé » 2,5 milliards d'euros de dettes du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA. Je m'en étonne d'autant plus que ces dettes ne sont que l'accumulation de déficits passés : ceux-ci n'auront donc jamais été transcrits comme tels...
Il s'agit là d'une bien curieuse alchimie budgétaire, et il nous faudra y renoncer si nous voulons faire oeuvre de pédagogie : nous n'avons pas d'autre choix. Nos convictions sont fortes, nous pouvons les faire partager si nous prenons appui sur un message de vérité.
Enfin, ce budget procède à un « habillage » de la norme de progression des dépenses de l'État dite « zéro volume ». Comme le rapporteur général l'a fort bien démontré, l'élargissement de cette norme revient en réalité à faire prendre en charge une partie de la dérive des dépenses de l'État par les collectivités territoriales ou par le prélèvement européen.
À l'évidence, il appartiendra à nos discussions des semaines à venir d'éclaircir ces zones encore un peu grises du budget.
Je comprends bien la volonté du Gouvernement de ne pas modifier les critères d'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Le rythme soutenu de sa progression - 2,08 % pour une dotation correspondant à plus de 80 % du montant de l'enveloppe globale, dont la progression plafonne pour sa part à 1,6 % - nécessite que l'on recoure à des variables d'ajustement ; toutefois, le choix de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, et de la compensation des exonérations de la taxe foncière sur les propriétés non bâties donne lieu à des ajustements brutaux et contestables, de l'ordre d'au moins 25 %. Nous avons le devoir, mes chers collègues, de les corriger, d'en atténuer les effets, et je ne doute pas, madame, monsieur le ministre, que vous nous y aiderez, car c'est une question d'équité.
M. le président. Cela va de soi !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aussi, qu'il me soit permis de formuler pour l'avenir une suggestion afin de compléter les efforts de sincérité mis en oeuvre. Puisque, d'un point de vue économique et budgétaire, les dépenses fiscales présentent le même effet que les dépenses « classiques », ainsi que l'a rappelé le rapporteur général, ne serait-il pas possible de les intégrer dans cette norme élargie de progression de la dépense ? Rien ne me semble s'y opposer, et nous disposerions ainsi, grâce à vous, d'un instrument plus complet pour mesurer la véritable place de l'État dans l'économie.
C'est enfin un budget de transition qui survient après la loi TEPA de juillet dernier. Il aurait pu cependant faire l'économie de certaines dépenses fiscales, tel le doublement du crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunts immobiliers contractés au titre de l'acquisition de la résidence principale. Cette disposition, mes chers collègues, coûtera 220 millions d'euros en 2008 ; elle représentera, madame, monsieur le ministre, 800 millions d'euros en année pleine.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour ce qui me concerne, je continue de m'interroger sur la « soutenabilité » d'une telle disposition eu égard à l'état de nos finances publiques, et vous comprendrez qu'à titre personnel je ne puisse pas, dans ces conditions, voter une telle mesure.
M. Josselin de Rohan. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au total, le projet de loi de finances pour 2008 traduit bien la gravité de la situation tant économique que financière et constitue une base pédagogique pour aider à faire comprendre l'ampleur, l'urgence et la nécessité des réformes que nous devrons conduire.
Par sa sincérité, ce projet de loi de finances met en évidence l'extrême tension de la situation financière de l'État.
Le déficit prévisionnel de fonctionnement - je parle bien de fonctionnement, mes chers collègues - est évalué à 21,220 milliards d'euros. Si nous y ajoutons les 8,8 milliards de la sécurité sociale et les 2,7 milliards du FFIPSA, ce sont près de 33 milliards d'euros de dépenses courantes qui seront financés par le recours à l'emprunt !
Et nous qui devions nous interdire de financer des dépenses récurrentes, des dépenses de fonctionnement par le recours à l'emprunt...Nous en sommes bien loin !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette indication alarmante est à intégrer dans les enseignements révélés par la première publication de la situation patrimoniale de l'État : au 31 décembre 2006, les valeurs d'actif s'élevaient à 538 milliards d'euros et le passif à 1 131 milliards d'euros, dont 893 milliards d'euros de dettes financières, soit une situation nette négative de 593 milliards d'euros.
Or les dettes, le « passif », ne tiennent pas compte des provisions qu'il conviendrait d'enregistrer pour refléter le poids des engagements de l'État employeur au titre des pensions de retraite. Les engagements hors bilan sont à ce titre de 941 milliards d'euros, soit 53 % du produit intérieur brut.
C'est dire si nous attendons avec impatience les décisions résultant de la révision générale des politiques publiques ! Placée sous la responsabilité directe du Président de la République, celle-ci a vocation, à mes yeux, à s'inscrire pleinement dans la démarche réformatrice exceptionnelle qui fut par exemple, en 1959, celle du comité Rueff-Armand. C'est à ce prix que nous doterons la France d'une administration performante.
Si la réforme de l'État ne peut plus attendre, nous savons aussi que le redressement est impossible sans le retour de la croissance. Nos handicaps se mesurent en termes de compétitivité. À cet égard, je voudrais réaffirmer que nos prélèvements obligatoires, notamment le mode de financement des branches « santé » et « famille », altèrent nos chances de créer des emplois et de dynamiser la croissance dans une économie désormais mondialisée.
Il nous faudra donc, mes chers collègues, avoir le courage de briser certains tabous, notamment les tabous relatifs à l'impôt sur la consommation, la TVA.
Nous avons eu un débat riche et éclairant, à propos des prélèvements obligatoires il y a quelques jours. Nos discussions ont été à la hauteur des enjeux, notamment grâce à la contribution de la commission des affaires sociales. Croyez bien que je m'en félicite tout particulièrement.
On parle beaucoup de compétitivité. On s'interroge également sur le pouvoir d'achat. Il y a, à mon sens, un bon pouvoir d'achat, celui qui est la contrepartie du travail ou de la production. C'est en ce sens que l'on peut, en effet, augmenter la masse salariale lorsqu'il y a un surcroît de production. En revanche, il y a un pouvoir d'achat artificiel, celui qui résulte de dotations publiques.
J'entends dire que l'on pourrait augmenter la prime pour l'emploi.
M. Alain Lambert. Il faudrait déjà la rendre efficace !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, sommes-nous bien conscients que la prime pour l'emploi, si elle améliore, en effet, le pouvoir d'achat, se transforme assez rapidement en importations supplémentaires ?
J'ai personnellement la conviction que la prime pour l'emploi, compte tenu de nos lois, de nos réglementations, de nos pratiques, crée infiniment plus d'emplois hors de France que sur notre territoire national. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Il faudra aussi briser ce tabou des 35 heures (Nouvelles marques d'approbation sur les mêmes travées.)...
Mme Nicole Bricq. Il faut baisser les impôts !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et accepter de travailler plus suivant des modalités moins compliquées que celles qui résultent de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Nous entendons remonter un certain nombre de critiques ; nous observons des hésitations liées à des conventions collectives ou, au contraire, à l'absence de conventions collectives ; nous constatons des réticences liées à des plafonds réglementaires, bref, de quoi faire perdre une grande partie des effets attendus de la loi TEPA.
Mes chers collègues, il faudra donc aller jusqu'au bout de nos convictions si nous voulons durablement sortir de cette situation.
C'est parce que le monde a changé que nos réformes ne peuvent plus attendre. La globalisation a rendu obsolètes des pans entiers de nos législations, de nos réglementations, de nos pratiques. Éclairons donc la réalité et les enjeux, chassons les faux-semblants et les gesticulations !
La discussion budgétaire est un rendez-vous avec la réalité.
Cessons donc de penser qu'en politique la réalité est toujours dans l'opposition !
C'est ce que nous allons tenter de démontrer pendant toute la discussion du projet de loi de finances pour 2008, avec exigence, avec confiance, avec vigueur et avec rigueur, pour vous aider, madame, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je crois savoir que vous avez une communication à faire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, monsieur le président. Je dois indiquer à mes collègues de la commission des finances qu'une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2008 vient d'être déposée par le groupe communiste républicain et citoyen et que la commission des finances se réunira à quatorze heures quarante-cinq pour l'examiner.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
remplacement d'un sénateur décédé
M. le président. J'informe le Sénat que Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales m'a fait connaître que M. Louis Pinton, président du conseil général, est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de l'Indre, notre très regretté collègue Daniel Bernardet.
Le mandat de M. Pinton a débuté ce matin à zéro heure.
6
Loi de finances pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons aujourd'hui est le sixième budget présenté par la majorité qui détient les leviers de commande de l'économie depuis maintenant plus de cinq ans ! Les mêmes gouvernants menant les mêmes politiques, les mêmes causes produisent les mêmes effets : la plus constante des continuités dans une alliance de l'inefficacité économique et de l'injustice sociale, avec peut-être un petit « plus », si c'était nécessaire, du côté de l'injustice sociale !
Le taux de croissance retenu ne l'a été que parce qu'il conditionne les recettes fiscales, le niveau des déficits publics et qu'il satisfait aux critères de convergence européens. Mais tout le monde sait bien que cette hypothèse n'est pas réaliste ! En effet, ce n'est pas la réduction des dépenses, que la suppression de 22 900 postes de fonctionnaires est censée entraîner, qui peut constituer la solution miracle de nature à rétablir l'équilibre de nos finances publiques !
Le déficit budgétaire est officiellement stabilisé dans la loi de finances initiale, mais il est trois fois supérieur à celui de l'Allemagne et placé sous la surveillance de l'Union européenne !
En effet, nous sommes sous le coup des allégements fiscaux, qui s'élèvent à 11,5 milliards d'euros, dont une grande part - 8 milliards d'euros - a été votée en juillet dernier dans le cadre de la « fameuse » loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, ou encore « paquet fiscal » ! Et ces allégements fiscaux représentent à eux seuls la moitié de ceux qui ont été consentis au cours de la législature précédente !
Le poids des prélèvements obligatoires a été de l'ordre de 44 % du PIB en 2007, soit l'un des plus élevés de l'Union européenne ! Or la diminution prévue en 2008 sera bien onéreuse, pour un gain de 0,3 point seulement !
Cet objectif, plus politique qu'économique, atteste un double choix.
Tout d'abord, il résulte d'un choix idéologique du Gouvernement, celui de donner la priorité à la baisse des impôts pour les plus aisés plutôt qu'au désendettement de l'État. Parallèlement, il procède d'un choix économique peu orthodoxe, celui de consacrer la baisse de la dépense publique non pas au désendettement, mais aux baisses d'impôts pour les mêmes !
Ainsi, la progression des dépenses est calée sur celle de l'inflation, y compris pour ce qui concerne les dotations aux collectivités locales et les affectations de recettes, et non plus pour les seuls crédits ministériels. En fait, ce sont surtout les dotations aux collectivités locales qui sont concernées, celles-ci étant désormais assignées par votre majorité - c'est un fait avéré, monsieur le ministre - au rôle de variable d'ajustement idéale pour la gestion de l'État !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2008 est un budget non pas « de rupture », mais de continuité, comme certains l'ont indiqué ce matin. La dette publique devrait s'élever en 2008, dans le meilleur des cas, à 64 % du PIB ! Et encore, si l'État arrive à céder une quantité suffisante des titres qu'il détient dans les entreprises publiques !
Toutefois, les privatisations n'ont rapporté que 3,7 milliards d'euros depuis le début de l'année 2007, soit quatre fois moins qu'en 2006 ! Pour 2008, le Gouvernement table sur un produit de cession de 5 à 10 milliards d'euros, ce chiffre étant en fait assez arbitraire. De toute façon, une telle recette constituerait une contribution marginale à la réduction d'une dette de 1 194milliards d'euros prévue pour la fin de l'année 2007 !
Le Gouvernement affirme qu'il ramènera en 2011, c'est-à-dire en quatre ans, le ratio de la dette en dessous de 60 % grâce à une croissance moyenne annuelle de 2,5 % ! Mais, pour y parvenir, même en cinq ans, encore faudrait-il qu'il affecte la totalité des réductions de dépenses au désendettement, et non à la baisse des impôts en faveur de certains, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure !
De plus, pour financer cette dette, le Gouvernement envisage d'emprunter 119 milliards d'euros en 2008, les émissions nettes de rachat de la dette de l'État à moyen et long terme étant en augmentation de 17 milliards d'euros par rapport à 2006 !
J'aborderai maintenant les recettes.
Les rentrées fiscales ne devraient progresser que faiblement et, parallèlement, le taux des prélèvements obligatoires ne devrait diminuer que modestement, alors que cette mesure constituait l'objectif initial de l'année 2007. Cela étant, je tiens à préciser que je n'ai pas la religion de la baisse des prélèvements obligatoires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ah !
M. Marc Massion. Je me borne simplement à mettre en regard les professions de foi officielles des chantres de la baisse des prélèvements obligatoires et les résultats de leur pratique.
Au demeurant, le plus grave, c'est que le « paquet fiscal » va considérablement réduire les marges de manoeuvre de l'État, et cette impuissance programmée augure bien mal du troisième mandat présidentiel de la droite !
Le projet de budget que nous allons examiner dans les prochains jours ne comporte officiellement que peu de mesures à caractère fiscal, car « l'essentiel du travail », comme l'on dit pour les basses besognes, a déjà été fait pendant l'été.
Certes, on peut constater un certain effort en direction des entreprises, notamment au travers de la revalorisation du crédit d'impôt recherche ou de l'allégement de la fiscalité sur les brevets.
Mais que dire des mesures telles que l'assouplissement du régime fiscal des pactes d'actionnaires, instaurés par la loi Dutreil, sinon que le système des pactes d'actionnaires devait, à l'origine, éviter l'éclatement du capital d'une entreprise et, partant, la disparition de celle-ci, à l'occasion d'un décès ? Ce système a été étendu aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, alors qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, de sauvegarder un outil de travail ! Le dispositif initial a donc été vidé de sa raison d'être et ne constitue plus qu'un « énième » coup de boutoir contre l'ISF.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est tout à fait inexact ! C'est désespérant !
M. Marc Massion. Que dire encore de la possibilité, pour des personnes physiques, de déduire de l'ISF, dans la limite de 50 000 euros, les sommes qu'elles investissent dans leur propre PME ? Sinon que l'extension de ce dispositif prévu par la loi TEPA n'est, là encore, qu'une nouvelle mesure visant à remettre en cause le régime de l'ISF et à accroître fortement les possibilités de s'en exonérer, alors que les chefs d'entreprise concernés en sont déjà dispensés au titre des biens professionnels ! Et il n'est pas très correct de se verser à soi-même, pour son propre bénéfice, une somme que l'on devrait acquitter au titre de l'impôt !
Que dire aussi d'une fiscalité allégée pour les ménages les plus aisés, coûteuse pour l'État ? L'allégement de la fiscalité des dividendes d'actions permet aux contribuables de se soumettre à un prélèvement libératoire à la source de 16 %, porté à 18 % par l'Assemblée nationale, plutôt qu'au barème de l'impôt sur le revenu.
Que dire, enfin, du maintien du crédit d'impôt sur le revenu accordé au titre des intérêts des prêts contractés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale, modifié pour tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel ? Nous le savons - nous l'avons déjà dit au mois de juillet dernier et cela a été confirmé ce matin -, ce dispositif aura pour effet pervers un renchérissement du prix de l'immobilier et une restriction de l'offre. Le résultat sera donc contraire au but recherché !
Face à ces mesures, le pouvoir d'achat de nombreux bénéficiaires de la prime pour l'emploi, la PPE, devrait se réduire en 2008 en raison des contradictions internes liées à l'indice des prix, à la hausse des prélèvements sociaux, aux déremboursements de médicaments, aux bien mal nommées « franchises » médicales et à la perte éventuelle du bénéfice de la PPE causée par la nouvelle réglementation des heures supplémentaires !
J'en viens maintenant aux dépenses.
Dans ce projet de budget, tous les ministères sont touchés par la rigueur, mis à part, nous dit-on, l'enseignement supérieur et la recherche. Mais il ne faut pas exagérer les faveurs affichées pour ce ministère !
Les faibles marges de manoeuvre budgétaire seront absorbées, dans leur quasi-totalité, par les charges « contraintes » que constituent les intérêts de la dette et les pensions des fonctionnaires. Les dépenses de fonctionnement vont marquer le pas. La suppression de 23 000 postes de fonctionnaires n'entraînera, vous le savez bien, monsieur le ministre, qu'une économie limitée.
Dans le secteur de l'emploi, le nombre des emplois aidés va diminuer, et le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise est supprimé !
Dans le domaine de l'environnement, aucun crédit de l'État n'a été prévu pour mettre en pratique le fameux Grenelle de l'environnement !
S'agissant de la justice, que l'on dit favorisée, la priorité affichée n'est qu'une apparence, dans un contexte général de diète ! Et je ne parle pas de la fameuse réforme de la carte judiciaire qui soulève les remous que vous savez.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes en présence d'un projet de budget qui n'est pas sincère !
Ce projet de loi de finances est un texte intermédiaire entre ce que le Parlement a voté en juillet 2007 et ce qu'il devra voter au printemps 2008, à savoir ce que le Gouvernement nous cache actuellement : les mesures de rigueur que ce dernier sera conduit à mettre en oeuvre, sans doute après l'échéance des élections municipales et cantonales !
Le Gouvernement est pris en tenaille entre les promesses électorales de Nicolas Sarkozy, la crise financière et la situation réelle du pays.
Le paquet fiscal voté en juillet 2007 est un « OFNI », c'est-à-dire un objet fiscal non identifié ! C'est un programme fiscal qui ne relève ni d'une politique de l'offre ni d'une politique de la demande ! Il engendrera un manque à gagner fiscal, véritable boulet que l'État traînera tout au long de l'année 2008, comme au cours des années suivantes, et qui n'aura aucun effet de levier sur la politique économique !
Le projet de loi de finances pour 2008 n'est pas un acte fort qui va engager des politiques publiques. Les finances publiques vont, hélas ! poursuivre leur dégradation !
Le scénario de 2002 risque de se répéter. Cette année-là, le Gouvernement avait réduit l'impôt sur le revenu, mesure qui, comme le paquet fiscal adopté en juillet 2007, n'était ni financée ni gagée : on connaît la suite !
Cette politique a échoué : les comptes publics se sont dégradés du fait de dépenses qui ont pesé, année après année, sur le budget de l'État, tandis que le Gouvernement n'a pas non plus réussi à redresser les comptes de la sécurité sociale.
La dette a progressé de 8 points de PIB en cinq ans, en raison de dépenses excessives, mal ciblées et qui pèsent inévitablement sur les comptes non seulement de l'année en cours, mais aussi des années suivantes.
La croissance dépend de la conjonction entre la progression de la consommation des ménages, l'augmentation de l'investissement des entreprises et un commerce extérieur au minimum équilibré. Or la loi TEPA de juillet 2007 et le projet de loi de finances pour 2008 ne peuvent assurer cette conjonction.
La consommation des ménages ne devrait pas être plus forte en 2008 qu'en 2007, surtout sans réévaluation du SMIC et de la prime pour l'emploi au-delà du niveau de l'inflation. De même, la disposition relative à la défiscalisation des heures supplémentaires ne devrait pas avoir plus de conséquences que cela puisque le Gouvernement lui-même estime qu'il n'y en aura pas davantage en 2008 qu'en 2007 !
L'augmentation de la consommation des ménages ne sera donc pas plus de nature à redresser l'économie dans les proportions supposées par le Gouvernement qu'à réduire la dette, financer les réformes ou assurer la trésorerie des fins de mois de l'État. Pour cette raison, ce dernier en est réduit, en ce qui concerne par exemple les contrats de plan, à demander aux régions de payer à sa place !
Quant à la crise financière partie des États-Unis, elle devrait entraîner, en France comme ailleurs, un durcissement du crédit. Dans un tel contexte, les entreprises risquent fort de ne pas investir suffisamment pour stimuler la croissance, d'autant qu'aucune disposition n'est prévue dans ce projet de budget pour infléchir cette évolution !
Ce projet de budget est donc incohérent et inconséquent, car il ne traduit aucun choix : le Gouvernement ne choisit pas entre une politique de l'offre et une politique de la demande. Ces deux politiques ont leurs avantages et inconvénients respectifs, certes, mais il est un fait que le projet de loi de finances pour 2008 ne favorise ni le pouvoir d'achat ni l'investissement.
Comme en 2002, le Gouvernement n'a pas tiré, en 2007, les conclusions des textes adoptés cet été dans l'urgence.
Ce projet de budget s'avère inconsistant.
La croissance prévue est quasiment identique à la croissance moyenne de la zone euro. Cependant, ces cinq dernières années, la croissance française a systématiquement été inférieure de 0,8 à 1 point de PIB à la moyenne de la zone euro.
Par quel tour de magie l'écart de croissance entre la moyenne de croissance de la zone euro et la croissance française serait-il soudain de 0,05 point l'année prochaine quand il a été de plus ou moins 1 point ces cinq dernières années ?
Quelles mesures du projet de loi de finances pour 2008 ou quelles dispositions prises auparavant - je veux parler de la loi TEPA - pourraient-elles expliquer la réduction soudaine de l'écart entre la croissance française et la croissance moyenne de la zone euro ? Il n'y aura pourtant ni hausse du pouvoir d'achat ni investissement supplémentaire dans les entreprises ; le commerce extérieur continuera à se dégrader, les conditions du crédit se durciront, la parité entre l'euro et le dollar est souvent défavorable aux exportations et le prix du baril de pétrole ne devrait pas baisser !
Faute de revenir sur des dispositions non financées, non gagées et qui lestent les finances publiques dans des conditions insupportables, le Gouvernement sera vraisemblablement contraint de mettre en oeuvre un plan de rigueur dans le courant de l'année 2008, le déficit de l'État risquant fort d'être plus important que prévu.
Il n'est pas convenable que les Français ne soient pas honnêtement avertis de ce qui les attend pour pallier les inconséquences coupables du Président de la République et de son gouvernement.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas le projet de budget qui nous est présenté.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je vous poserai, en guise de conclusion, une question précise liée à l'actualité : ce projet de budget vous permettra-t-il de répondre aux attentes des fonctionnaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)