compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Décès d'un sénateur
M. le président. J'ai le très profond regret de vous faire part du décès de notre collègue Daniel Bernardet, survenu hier, le 21 novembre 2007.
Il était sénateur de l'Indre depuis 1989.
Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement, mais je tiens d'ores et déjà à saluer sa mémoire.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille, à ses proches et au groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je vous propose d'observer un instant de recueillement. (Mme et M. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
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Transmission du projet de loi de finances pour 2008
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 90, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.
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Loi de finances pour 2008
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).
Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2008, un an presque jour pour jour après l'ouverture de l'examen du précédent projet de budget.
Je vous remercie, madame la ministre de l'économie, d'être parmi nous en ce moment solennel d'ouverture de la discussion budgétaire, de même que, vous, monsieur le ministre des comptes, dont nous avons déjà pu apprécier, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la disponibilité, la capacité d'écoute et la compréhension à l'égard du Parlement.
La période pionnière de l'inauguration de la LOLF est désormais révolue. Cependant, si la rénovation de la discussion budgétaire promue par notre « constitution financière » a déjà, par deux fois, fait ses preuves, c'est à nous de « transformer l'essai » pour ce troisième budget « lolfien ».
C'est bien la formule consacrée, monsieur le président de la commission des finances ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Cette journée n'en reste pas moins particulière, car il s'agit du premier projet de budget de cette XIIIe législature, marquée sur le plan des finances publiques, qui nous intéresse aujourd'hui, par la « Révision générale des politiques publiques », comme l'a souligné M. le rapporteur général à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2008, en juillet dernier. Beau et vaste programme !
Comme l'année dernière, je renouvelle ma confiance à tous, commission des finances, commissions saisies pour avis, groupes politiques de la majorité comme de l'opposition, pour faire vivre les règles que nous avons adoptées en 2001, et dont la vocation est de renforcer la portée de l'autorisation budgétaire dans une logique de résultat.
Je voudrais insister une nouvelle fois sur l'importance déterminante qui s'attache au respect par chacun de son temps de parole. Il s'agit là d'une condition essentielle du bon déroulement de nos débats.
Ne l'oublions pas - je me tourne vers le banc du Gouvernement -, il appartient aussi aux ministres de ne pas dépasser les temps de parole qui, comme chaque année, ont été arrêtés en conférence des présidents, cela avec l'accord de M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, qui, depuis longtemps, connaît bien nos contraintes.
Je vous rappelle enfin que, comme l'année dernière, la conférence des présidents a prévu, sur proposition de la commission des finances, l'organisation de quatre débats dans le cadre de l'examen des articles de la première partie.
Le débat sur les collectivités territoriales, qui aura lieu le mardi 27 novembre à seize heures, revêt une importance particulière au Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales dont le renouvellement pour un tiers aura lieu en septembre prochain.
Le débat sur le « prélèvement européen », à l'occasion de la discussion de l'article 31, se tiendra le mercredi 28 novembre.
À l'occasion du vote sur l'article d'équilibre, le mercredi 28 novembre, auront lieu le débat sur les effectifs de la fonction publique et le débat sur l'évolution de la dette de l'État, sujets éminemment d'actualité.
Enfin, le mardi 11 décembre, nous procéderons au scrutin public à la tribune sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2008, à une heure que je souhaite raisonnable.
Avec l'effort de chacun, je suis sûr que c'est un débat fructueux qui s'ouvre aujourd'hui, et que les vingt jours à venir feront honneur à notre assemblée, soucieuse comme toujours d'assumer pleinement ses prérogatives budgétaires, lesquelles relèvent de notre double fonction législative et surtout de contrôle. Je me plais à dire que cette dernière fonction est la seconde nature de notre institution !
Maintenant, place au débat !
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, se projeter dans l'avenir en faisant face aux problèmes du présent, tel est bien évidemment le sens du projet de loi de finances pour 2008, que j'ai l'honneur de vous présenter avec Mme Christine Lagarde.
Notre ambition, c'est de mettre fin au déficit d'avenir dont souffre notre pays. Notre politique pour y parvenir, c'est de lutter contre les déficits présents et d'investir dans la croissance de demain. Ces deux objectifs sont parfaitement cohérents entre eux. Ils sont conciliables, complémentaires ; ils s'aident l'un l'autre.
Qui prétendra que c'est en asphyxiant la croissance qu'on réduira la dette ? Nous voulons rétablir les conditions d'une croissance forte et durable en France.
Notre logique, c'est une logique d'investissement : nous investissons aujourd'hui dans la croissance pour en tirer profit dans les années à venir. Nous investissons dans la recherche et l'enseignement supérieur. Nous investissons dans la baisse des prélèvements et la revalorisation du travail. Cela crée les conditions d'une croissance durablement forte et d'une baisse rapide des déficits durant le mandat du président de la République.
L'objectif de réduction du déficit de l'État est plus que jamais la priorité.
Le déficit était à 42 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2007, à 41,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances que nous avons déposé et à 41,8 milliards d'euros à la sortie de l'Assemblée nationale. Votre Assemblée aura peut-être à coeur de revenir au chiffre initial, voire - pourquoi pas ? - en deçà à l'issue de ces débats !
Le déficit de l'ensemble des administrations publiques sera, quant à lui, ramené à 2,3 % du PIB, après 2,4 % cette année.
Ces objectifs seront tenus, parce que notre prévision de croissance est raisonnable, parce que nous avons fait des prévisions de recettes volontairement prudentes, comme l'a noté votre rapporteur général, M. Philippe Marini, et parce que nous faisons un effort sans précédent pour maîtriser la dépense. Nous disposons d'ailleurs, avec la LOLF, d'un outil efficace, la réserve de précaution, que nous allons utiliser à plein et que nous vous proposons de renforcer dans ce projet de loi de finances.
Pour muscler la croissance, nous nous attaquons aux déficits de travail et de compétitivité de notre pays. Nous y procédons en prenant trois séries de mesures : nous revalorisons le travail et le pouvoir d'achat, nous renforçons les leviers de croissance et nous consolidons le tissu des entreprises.
Le projet de loi de finances pour 2008 vise tout d'abord à financer la baisse massive de prélèvements inscrite dans le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, présenté par Mme Christine Lagarde en juillet dernier. Il poursuit ainsi la démarche que nous avons engagée pour revaloriser le travail et les rémunérations, qui sont évidemment au coeur de l'actualité dans notre pays.
Vous remarquerez que les mesures de cette loi sont d'autant plus justifiées aujourd'hui que nous faisons face à une conjoncture internationale moins porteuse. En baissant les prélèvements obligatoires, qui seront ramenés de 44,2 % à 43,7 % du PIB, nous renforçons l'attractivité et la compétitivité de notre pays.
Je rappelle, en outre, que la démarche de valorisation du travail est complétée par un encouragement de l'emploi des seniors, grâce à différentes dispositions présentées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Voilà pour les leviers de la croissance au présent : le travail et le pouvoir d'achat.
Venons-en aux leviers de la croissance à venir.
Dans l'économie de la connaissance, ces leviers sont la recherche et l'innovation. J'imagine que vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, êtes d'accord sur ce diagnostic. Le projet de loi de finances pour 2008 fait des choix clairs et volontaristes en ce sens, avec plusieurs mesures phare.
Dans le domaine fiscal - Mme Christine Lagarde y reviendra de façon plus approfondie -, nous renforçons l'ensemble des maillons de la chaîne de la recherche. Je rappelle, notamment, l'amplification très forte du crédit d'impôt recherche, qui profitera aux entreprises en 2009, en fonction des efforts de recherche et de développement qu'elles feront en 2008.
Par ailleurs, dès l'année prochaine, nous augmenterons de 1,8 milliard d'euros les moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche pour accompagner, notamment, la réforme des universités adoptée cet été. Si l'on y ajoute les dépenses d'investissement, les dépenses qui fondent notre avenir progressent de 6 % dans ce budget, soit près de quatre fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'État, alors que l'on entend toujours dire que les dépenses de fonctionnement progressent au détriment des dépenses d'investissement.
Ces « dépenses d'avenir » atteignent 39 milliards d'euros, soit un niveau proche du déficit budgétaire. Si l'on ne peut pas, bien sûr, se satisfaire de ce déficit, on doit néanmoins constater - et c'est nouveau - qu'il est de plus en plus lié à des dépenses d'investissement et non pas seulement aux dépenses de fonctionnement courant.
Enfin, troisième axe de la dynamisation de notre économie, nous consolidons le tissu des entreprises par quatre mesures.
Tout d'abord, la baisse de la taxe professionnelle, que vous avez votée voilà deux ans (Mme Nicole Bricq s'exclame.) et dont la répercussion croissante dans le budget de l'Etat est prise en compte dans ce projet de loi de finances, représentera une charge supplémentaire de 2 milliards d'euros en 2008.
Ensuite, la simplification et l'harmonisation des règles relatives aux pactes d'actionnaires favoriseront la pérennité des entreprises, notamment des PME, qui sont souvent fragilisées au moment de leur transmission.
De même, nous modernisons la fiscalité des dividendes, afin de dynamiser l'épargne en l'orientant davantage vers le financement des entreprises. Sur ce sujet, les débats à l'Assemblée nationale ont permis de trouver une solution consensuelle.
Nous étendons la retenue à la source aux revenus des actions, mais nous portons le taux de ce prélèvement de 16 % à 18 % pour l'ensemble des revenus concernés, qu'il s'agisse de produits de taux ou de dividendes.
L'objectif initial est ainsi respecté. Les investissements risqués, c'est-à-dire les actions, ne seront plus pénalisés par rapport aux produits qui sont moins risqués, comme les obligations ou les SICAV à court terme.
M. François Marc. Supprimez tous les impôts !
M. Éric Woerth, ministre. En outre, cette réforme, qui apporte des recettes supplémentaires pour 2008, n'aura aucun coût les années suivantes. C'est un débat que nous avons eu à l'Assemblée nationale.
Enfin, nous avons supprimé, à compter de 2009, l'impôt sur les opérations de bourse, l'IOB, afin de renforcer la compétitivité de la place de Paris et d'éviter toute délocalisation des transactions. Cette suppression a été gagée en portant à 18 % le taux de la taxation sur les plus-values mobilières.
J'ai bien noté que la commission des finances du Sénat propose de supprimer l'IOB dès 2008 et qu'elle a gagé cette mesure. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce sujet dans les jours à venir.
L'investissement que nous faisons en faveur de la croissance est crédible parce qu'il s'inscrit dans un cadre maîtrisé pour les finances publiques.
Concrètement, les dépenses de l'État seront stabilisées en volume, c'est-à-dire qu'elles ne progresseront pas plus vite que l'inflation. Compte tenu de la croissance, le poids de la dépense publique dans le PIB sera ainsi ramené, sur deux ans, de 53,4 % en 2006 à 52,6 % en 2008.
L'innovation dans ce projet de loi de finances pour 2008, c'est que cette stabilisation s'appliquera, pour la première fois, à un périmètre élargi de dépenses, qui inclut les prélèvements sur recettes destinés à l'Union européenne et aux collectivités locales. Dans ce périmètre très large, qui représente 335 milliards d'euros en 2007, les dépenses n'augmenteront donc que de 5,5 milliards d'euros.
Nous bénéficierons certes d'une évolution favorable du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ; mais ne nous trompons pas de débat ! L'élargissement de la norme représente bien une réforme profonde de gouvernance et non un avantage conjoncturel, réforme que les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale appelaient depuis longtemps de leurs voeux.
Avec cette norme élargie, il est clair que nous amplifions les efforts antérieurs, puisque, dans ce nouveau périmètre, les dépenses ont augmenté en moyenne de 1,1 % en volume entre 1999 et 2006 et de 0,2 % en 2007.
Cette maîtrise renforcée s'inscrira dans la durée. Notre objectif, je le rappelle, est de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique, qu'il s'agisse de l'État, de la sécurité sociale ou des collectivités locales, pendant les cinq prochaines années. Nous ramènerons sa progression à un peu plus de 1 % en volume, alors qu'elle était supérieure à 2 % par an au cours de ces dix dernières années.
Contrairement à ce que j'ai pu lire, et qui m'a parfois étonné, l'élargissement de la norme n'a pas rendu l'élaboration du budget plus facile, d'autant que cette stabilisation est soumise à de fortes contraintes, que nous nous sommes d'ailleurs imposées à nous-mêmes.
La hausse des taux d'intérêt renchérit de 1,6 milliard d'euros la charge de la dette, fruit du passé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Fruit d'un long passé et du présent des marchés !
M. Éric Woerth, ministre. L'accélération des départs en retraite augmente les versements consacrés aux pensions de 2 milliards d'euros.
Les dotations aux collectivités territoriales sous contrat, ...
M. François Marc. Elles baissent !
M. Éric Woerth, ministre. ... sujet éminemment sensible à l'Assemblée nationale, mais surtout, ici, au Sénat - j'y intègre également le FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA -, sont toujours dynamiques, puisqu'elles progressent de 600 millions d'euros. En tenant également compte des dégrèvements d'impôts locaux, l'effort de l'État en faveur des collectivités territoriales est en réalité en progression de près de 4 % entre 2007 et 2008.
J'ai toutefois bien noté que l'indexation sur les prix des dotations concernées par le contrat de stabilité impose un ajustement fort des dotations hors dotation globale de fonctionnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prêt à améliorer les modalités de cet ajustement au Sénat, comme j'ai commencé à le faire à l'Assemblée nationale.
Enfin, je le souligne, nous faisons un effort accru de sincérité et de clarté budgétaires. Comme je l'ai dit lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, il n'est pas normal que, chaque année, on sous-estime dans le projet de loi de finances initial le montant des dispositifs gérés par les organismes sociaux, mais financés par l'État. Je pense notamment aux minima sociaux ou encore aux aides au logement. Dans le projet de loi de finances pour 2008, nous remettons à niveau leurs dotations en leur affectant 1,2 milliard d'euros supplémentaires.
Au total, avec 1,6 milliard d'euros pour la charge de la dette, 2 milliards d'euros destinés aux retraites et 1,2 milliard d'euros consacrés à la remise à niveau des minima sociaux, nous aurons quasiment consommé l'enveloppe calculée en fonction de la règle « zéro volume ».
Le budget de l'aide médicale d'État inscrit en projet de loi de finances initial passe ainsi de 233 millions d'euros à 413 millions d'euros, et la dotation destinée au financement du fonds de solidarité progresse de 600 millions d'euros, ce qui, je pense, mérite d'être noté.
Par ailleurs, tous les amendements adoptés par l'Assemblée nationale qui affectent les dépenses ont été financés sans dégrader le solde. Je pense notamment à la réforme des exonérations pour les organismes d'intérêt général dans les zones de revitalisation rurale.
Il est vrai que la remise à niveau de certaines sous-dotations chroniques n'est peut-être pas encore parfaite. La commission des finances a relevé à juste titre un certain nombre de points, dont certains me semblent cependant contestables. Je suis bien évidemment prêt à en discuter, en apportant, comme je l'ai toujours fait, tous les éclaircissements nécessaires pour lever tout doute sur ce sujet.
En ce qui concerne les crédits affectés aux opérations extérieures et aux opérations de maintien de la paix, que la commission des finances a examinés à juste titre de façon très précise, des efforts de réalisme ont été entrepris depuis plusieurs années et sont poursuivis dans ce projet de loi de finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai ! Mais des efforts restent à faire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut persévérer !
M. Éric Woerth, ministre. Je vais même accentuer cet effort, monsieur le président de la commission des finances, en déposant, au cours de la discussion, des amendements permettant d'accroître d'environ 100 millions d'euros chacune de ces deux dotations.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est formidable !
M. Éric Woerth, ministre. Ces amendements seront, bien sûr, gagés. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
Comment faisons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour tenir à la fois l'objectif de relance de la croissance et celui de la maîtrise raisonnée de la dépense ? Nous faisons un effort de réduction des effectifs de l'État, un effort de clarification de ses engagements et un effort de rationalisation de l'ensemble des politiques publiques. Notre objectif, c'est que la dépense publique soit plus réactive, mieux assumée une fois engagée et plus productive.
Nous avons réalisé un effort sans précédent sur les effectifs, qui seront réduits dans des proportions très supérieures à ce qui avait été fait au cours des exercices précédents : 22 900 départs à la retraite ne seront pas remplacés en 2008, soit un départ à la retraite sur trois, pour une économie en année pleine de 716 millions d'euros. Ces non-remplacements se feront sans report de charges vers les opérateurs de l'État, puisque les effectifs seront stabilisés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Vous pourrez le constater dans le document budgétaire « jaune ». En outre, j'ai donné consigne à mes représentants de veiller à ce que ces niveaux d'emploi soient des plafonds, et que toutes les créations d'emploi soient motivées ; ce travail devra être réalisé avec les conseils d'administration de chaque opérateur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. À l'effort de redéploiement s'ajoute un effort de clarification et de sincérité dans les comptes. J'ai déjà parlé de la remise à niveau des dispositifs sociaux. Il ne sert à rien - et je suis particulièrement sensible à cet aspect en tant que ministre des comptes publics, c'est-à-dire ministre de l'ensemble des comptes - d'améliorer une situation A pour dégrader une situation B.
Nous avons aussi effectué, le 5 octobre dernier, le remboursement de la totalité de la dette de l'État à la sécurité sociale au 31 décembre 2006, soit 5,1 milliards d'euros. Ce sujet envenimait, à juste titre d'ailleurs, les rapports entre l'État et la sécurité sociale ; il était donc nécessaire de clarifier la situation.
Nous avons également assuré la compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales pour les bas salaires et les heures supplémentaires. Pour l'année 2007, cette compensation, je le précise, est inscrite dans le projet de loi de finances rectificative, qui a été présenté hier en conseil des ministres.
Par ailleurs, le Gouvernement vous proposera un amendement ajustant le montant des transferts de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et de la taxe sur le chiffre d'affaires aux régions et aux départements afin de tenir compte du coût réel des transferts des personnels techniciens, ouvriers et de services - ou TOS - de l'éducation nationale et des directions départementales de l'équipement.
M. Jacques Gautier. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Cet ajustement sera défini sur la base des choix que ces personnels ont eu la possibilité d'exprimer jusqu'au 31 août dernier et qui ne pouvaient donc être pris en compte dans la construction initiale du projet de loi de finances pour 2008,
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les ministères se sont engagés dans un effort de rationalisation de leurs interventions.
Avec la révision générale des politiques publiques lancée en juin dernier, à laquelle M. Philippe Marini participe activement, nous allons franchir une étape supplémentaire dans les années à venir en matière d'efficacité de la dépense publique.
Les décisions de réforme qui en découleront seront mises en oeuvre, pour la première fois, dans le cadre d'une programmation budgétaire pluriannuelle, qui couvrira les années 2009-2012. Cette recherche permanente d'une plus grande efficacité dans les dépenses doit nous permettre, comme je l'ai dit au début de mon propos, de restaurer l'équilibre des finances publiques en 2012 au plus tard, tout en continuant, bien évidemment, de répondre aux attentes de nos concitoyens dans le domaine de la qualité des services publics.
Enfin, cet effort de rationalisation de la dépense publique passe par un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et sociale
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Dans ce domaine, conformément à la demande du Président de la République et du Premier ministre, je veux que nous changions d'échelle, tant en termes d'outils juridiques que de moyens généraux consacrés à cette lutte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun mesure l'ampleur de l'effort qu'il nous reste à accomplir - et il y a trop d'experts parmi vous pour ne pas en être conscients - afin de redresser durablement nos finances publiques. Cet effort, le Gouvernement ne peut le conduire seul.
Nous avons besoin d'une implication très forte des parlementaires, en particulier de vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le plan de la législation dans son ensemble, ainsi que sur celui du contrôle de l'action du Gouvernement.
C'est pourquoi nous vous avons associés, par l'intermédiaire de votre rapporteur général, M. Philippe Marini, comme je l'ai indiqué, à l'exercice de révision générale des politiques publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. C'est pourquoi aussi nous rénovons la procédure budgétaire afin de donner plus de poids à la loi portant règlement définitif du budget.
Ce rééquilibrage permettra de nous concentrer autant sur les résultats des politiques publiques que sur les moyens engagés.
Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a fait le choix de l'avenir en pariant sur la croissance.
C'est un pari audacieux, mais c'est aussi un pari calculé, car nous mettons tous les atouts favorables de notre côté, et un pari maîtrisé, car nous disposons, avec les réformes que nous engageons, des cartes nécessaires au redressement durable des comptes publics.
C'est ce pari raisonné et responsable que je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à partager avec nous. Après les améliorations apportées par l'Assemblée nationale, je suis convaincu que nos débats permettront, sans modifier l'équilibre, et peut-être même en l'améliorant, de perfectionner encore ce projet de loi, et je vous en remercie à l'avance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Eric Woerth vient de vous présenter les efforts que l'État va entreprendre pour maîtriser les dépenses publiques, rétablir l'équilibre budgétaire et, il l'a dit et répété, gagner en efficacité.
Il me revient de vous exposer les réformes structurelles contenues dans le présent projet de loi de finances et destinées à dynamiser notre économie. Car la gestion rigoureuse des finances publiques, à laquelle M. Eric Woerth faisait référence, doit s'accompagner d'une croissance vigoureuse.
Notre pays a les moyens, dans les prochaines années, de gagner un point de croissance supplémentaire. Le Gouvernement s'est fixé cet objectif, sous la conduite du Président de la République et du Premier ministre.
Vous savez déjà - nous en avons débattu cet été devant votre assemblée - ce que nous avons entrepris pour le pouvoir d'achat : d'un côté, en permettant l'augmentation des rémunérations fondée sur le travail supplémentaire, grâce à la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat du 21 août 2007, qui lui consacre une partie très importante de l'ensemble de son financement ; de l'autre, en faisant baisser les prix par un renforcement des règles de la concurrence et un meilleur équilibre entre les acteurs, ce qui est tout l'enjeu du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), que nous avons présenté hier soir, avec M. Luc Chatel, devant l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, dans le cadre de ce budget, nous vous proposons de doubler le taux du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour le porter de 20 % à 40 % en première année. À titre d'exemple, pour un couple avec deux enfants empruntant 200 000 euros sur vingt ans au taux de 4 %, l'avantage fiscal pourrait ainsi atteindre 3 400 euros la première année, ce qui ferait diminuer le coût total du crédit de près de 10 %.
Vous savez déjà ce que nous avons prévu d'entreprendre pour réformer le service public de l'emploi : je serai en mesure de vous présenter, avant la fin de l'année, un projet de loi sur la fusion entre l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, et l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, ou UNEDIC, et entre l'ANPE et les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, les ASSEDIC.
Je suis également très attachée à développer davantage pour nos jeunes les possibilités de formation en alternance comme l'apprentissage.
M. le président. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Quand on sait que, d'un côté, le nombre de chômeurs doit diminuer de 900 000 pour nous permettre d'atteindre le taux de chômage considéré comme résiduel en situation de plein-emploi, (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.) et que, de l'autre, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, estime à environ 500 000 le nombre de postes non pourvus, les entreprises ne trouvant pas les salariés qualifiés qu'elles recherchent, on se dit qu'une formation plus adaptée résoudrait une bonne partie du problème !
C'est pourquoi, par rapport à la loi de finances pour 2007, ce budget revoit à la hausse les dispositifs d'alternance pour les jeunes, avec 285 000 contrats d'apprentissage, soit 10 000 de plus et 140 000 contrats de professionnalisation, soit 5 000 de plus.
S'il est vrai que les emplois aidés dans le secteur non marchand sont en réduction dans le budget pour 2008 par rapport au budget pour 2007, puisqu'ils diminuent d'environ 12 % - ce qui ne paraît pas déraisonnable compte tenu de la diminution constante du chômage -, en revanche, permettez-moi de souligner que, s'agissant des contrats d'apprentissage et des contrats de professionnalisation, nous prévoyons un effort plus important en 2008 qu'en 2007.
Avant d'évoquer nos prévisions en termes de croissance, je voudrais m'attarder quelques instants sur une réforme fondamentale, celle du crédit d'impôt recherche.
La réforme du crédit d'impôt recherche reflète notre priorité centrale qui est d'améliorer la compétitivité de l'économie française.
Nous le savons, dans des pays développés tels que la France, la compétitivité passe nécessairement par l'innovation, le progrès technologique.
Le crédit d'impôt recherche encourage nos entreprises à investir dans la recherche et permet à l'État de se mettre à leurs côtés pour cet effort concernant l'avenir de l'économie française.
De même, - et je peux vous l'assurer pour l'avoir expérimenté auprès d'investisseurs internationaux -, il incite les investisseurs étrangers à venir s'installer en France ou à éviter de délocaliser ailleurs des centres de recherche et développement implantés en France.
Je veux insister auprès de vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les mérites de la recherche et du développement, comme je l'ai déjà fait lors du forum des pôles de compétitivité, qui s'est tenu récemment à Nice, sous la direction de votre collègue Pierre Laffitte, dont je tiens à saluer tout le mérite pour soutenir la recherche et le développement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait ! C'est très justifié !
Mme Christine Lagarde, ministre. Vous connaissez le contexte international : dans une économie globalisée, une économie de la connaissance, ce sont tout simplement les meilleures idées qui font la différence.
Vous connaissez l'étendue du champ de la recherche et du développement, qui ne s'arrête pas aux procédés liés à la haute technologie, mais comprend aussi des procédés techniques, des savoir-faire, des brevets de médicament, des logiciels informatiques. C'est véritablement le terreau de la croissance.
Vous connaissez aussi les chiffres, hélas ! La stratégie de Lisbonne a fixé comme objectif pour les économies européennes de consacrer 3 % de leur produit intérieur brut à l'investissement dans la recherche développement.
Où en sommes-nous en France, ce pays développé, qui considère traditionnellement que le domaine de la recherche et du développement est important ? Nous en sommes à 2,13 % !
Du point de vue de la répartition, force est de constater que l'investissement public en recherche et développement est en ligne avec les prévisions, tandis que l'investissement privé en recherche et développement est encore loin du compte !
M. Jean Bizet. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Il y a longtemps qu'on le dit !
Mme Christine Lagarde, ministre. Pourquoi ? Parce que l'attractivité du territoire français doit être améliorée !
À cet égard, vous serez heureux de constater que la réforme que nous envisageons place la France au premier rang des pays européens pour l'investissement en recherche et développement sur les plans législatif et fiscal.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le crédit d'impôt recherche, ou CIR, a déjà fait la preuve de son efficacité : les études de mes services montrent qu'il s'ajoute à la dépense privée de recherche et développement sans s'y substituer. Un euro économisé au titre du CIR, c'est un euro qui est généralement réinvesti dans la recherche et le développement.
Nous avons donc toutes les raisons d'amplifier ce dispositif.
Tout d'abord, nous proposons, dans un souci de simplicité, de supprimer ce qui s'appelait autrefois la part en accroissement, obligation aux termes de laquelle, pour bénéficier du crédit d'impôt recherche, l'entreprise devait accroître d'une année sur l'autre son budget de recherche et de développement.
Ensuite, nous triplons le taux du crédit d'impôt sur la part en volume, qui sera porté de 10 % à 30 % jusqu'à 100 millions d'euros de dépenses en recherche et développement, et 5 % au-delà de ce seuil.
Enfin, lorsqu'une entreprise décidera de profiter du crédit d'impôt recherche, elle bénéficiera d'un taux à 50 % la première année et à 40 % la deuxième année, à la suite d'un amendement introduit par l'Assemblée nationale. Cet amendement me paraissait justifié, dans le souci que nous avons d'encourager vivement les entreprises qui n'y songeaient pas ou qui y étaient quelque peu récalcitrantes, à entrer dans des programmes de recherche et de développement à long terme.
Je dirai un mot au sujet des petites et moyennes entreprises, dont le sort nous tient à tous particulièrement à coeur, car nous savons que c'est dans ce secteur d'activité que nous trouverons les gisements non seulement d'emplois, mais aussi de créativité.
À l'heure actuelle, les PME réalisent, à elles seules, un quart des dépenses de recherche et de développement, et représentent quatre cinquièmes des entreprises bénéficiant du crédit d'impôt recherche. Par conséquent, il est inexact de dire, comme nous l'entendons, que seules les grandes entreprises bénéficient du crédit d'impôt recherche.
Aujourd'hui, une PME innovante reçoit en moyenne 100 000 euros de crédits d'impôt recherche. Demain, grâce à l'effet de la réforme qui vous est proposée dans ce projet de loi de finances, elle recevra 150 000 euros à ce titre.