PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame le rapporteur, je vous remercie d'avoir souligné la qualité et l'ampleur du travail de recodification qui a été effectué.
Je laisse aux orateurs la responsabilité des reproches qu'ils ont adressés au Gouvernement ; mais je tiens à préciser que le travail accompli ne l'a pas été par le seul pouvoir exécutif. Une part importante a en effet été effectuée par de très nombreux partenaires sociaux. Compte tenu du nombre d'heures qu'ils ont consacré à cette recodification, ils seront très sensibles à un certain nombre de propos qui viennent d'être tenus...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je salue également la qualité des travaux de la commission dont vous êtes le rapporteur, madame Procaccia. Les amendements que vous allez présenter vont aussi contribuer à améliorer la qualité et la lisibilité de ce nouveau code. Vous avez pris sincèrement et largement votre part à ce travail de grande ampleur, et je tiens à vous en remercier.
Comme l'a souligné M. Paul Blanc tout à l'heure, il s'agissait effectivement d'un travail d'ensemble. Permettez-moi, monsieur le sénateur, de rappeler, de façon plus détaillée encore que tout à l'heure, les conditions dans lesquelles cette nouvelle codification est intervenue.
Le nouveau code est le fruit de travaux qui ont impliqué une mission spécialement créée à cet effet de six agents à temps plein au ministère, monsieur Michel, rattachés non au cabinet du ministre quel qu'il soit mais au directeur général du travail. Six agents ! Jamais un ministère n'a affecté autant d'agents et de moyens à une mission chargée d'une recodification. Je serais curieux de connaître le nombre d'agents affectés au travail de recodification qui a eu lieu entre 1997 et 2002. Je n'ai pas eu la curiosité de chercher, mais vous m'avez donné envie d'entrer dans le détail !
Deux rapporteurs, membres du Conseil d'État auprès de la Commission supérieure de codification, placée auprès du Premier ministre, un comité d'experts, une commission de partenaires sociaux dont la composition - ce que j'ai entendu tout à l'heure m'a fait bondir... - est identique à celle de la Commission nationale de la négociation collective...Or j'ai entendu dire tout à l'heure que l'on n'avait pas réuni la Commission nationale de la négociation collective ! La commission de partenaires sociaux a été créée spécialement à cet effet, pour bien montrer qu'elle était affectée à ce travail ! Que veut-on de plus ? Voilà la réalité et, au bout d'un moment, les meilleurs arguments du monde sont confrontés aux murs de cette réalité !
De plus, la Commission supérieure de codification a tenu six réunions restreintes et six réunions plénières. Ses membres, que vous connaissez, ne sont pas du genre à se réunir pour ne rien faire et ne rien dire !
Le Conseil d'État a procédé ensuite à un examen exhaustif par quatre rapporteurs, avec un passage du texte - excusez du peu ! - en section sociale et en assemblée générale.
Le projet d'ordonnance a été passé au crible non pas de quelques dizaines, mais de plusieurs milliers de questions !
Vous vous en étonniez, mais nous sommes en présence d'un texte comprenant pas loin de 2 000 articles. Des erreurs matérielles, que j'assume complètement, ont été commises dans les opérations de recodification. Certaines, détectées très tôt, ont été corrigées. D'autres ne l'ont été que grâce aux travaux du Parlement, qui a un regard différent. Cela montre la qualité des amendements proposés.
Je précise qu'en 2003 la ratification du code de l'éducation avait également entraîné une cinquantaine de modifications.
Comme vous l'avez d'ailleurs très bien noté, monsieur Paul Blanc, nombre des modifications proposées sont en fait des actualisations dues à l'intégration de textes légaux intervenue avant que ces derniers aient pu être pris en compte dans le nouveau code du travail.
Madame David, vous avez évoqué les dispositions issues de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Le débat a déjà eu lieu sur les dispositions qui permettent à la salariée de réduire, à sa demande, et sous réserve d'un avis favorable du professionnel de santé qui suit la grossesse, le congé prénatal de trois semaines au maximum, le congé postnatal étant augmenté d'autant. Je tenais à vous apporter ces précisions, d'autant que la jurisprudence constante en la matière est particulièrement sévère et contraignante. C'est une excellente chose. Je n'ai pas à commenter le jugement des tribunaux, mais la jurisprudence en la matière est selon moi profondément protectrice, et j'ai peine à imaginer un revirement compte tenu, justement, des nouvelles dispositions adoptées par la loi de mars 2007.
Mme Annie David. Cela reste à voir !
M. Xavier Bertrand, ministre. On peut aussi faire confiance à la justice, surtout sur des sujets comme ceux-là, d'autant que - on le sait pertinemment - la valeur travail dans notre pays est liée à la valeur familiale, au libre choix pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Ce sont des principes fondateurs de notre politique familiale et de la valeur du travail dans notre pays.
Il est d'autres dispositions qui ne pouvaient être introduites dans l'ordonnance, car elles sont intervenues postérieurement à la saisine pour avis du Conseil d'État sur la nouvelle partie législative du code. La commission des affaires sociales va donc proposer des amendements sur ces points-là.
Madame David, vous avez évoqué aussi la question du caractère démocratique de la codification. Toutes les codifications - toutes ! - se font par voie d'ordonnance. Le Parlement est maître à la fois de l'habilitation et de la ratification. Je ne peux vraiment pas dire que nous avons innové en la matière ! Notre mode opératoire est toujours le même.
Par ailleurs, je tiens à préciser que, jamais, une opération de codification n'a été aussi transparente. Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire que ce n'est pas moi qui ai pris l'initiative d'une telle démarche. Je me trouve en bout de processus. Chacun, je crois, peut reconnaître que, compte tenu de la composition des commissions, nous avons voulu jouer la transparence la plus complète. Nous ne sommes même pas dans le débat de fond que certains ont cherché à ouvrir. Laissons le dogmatisme de côté, si vous le voulez bien. Il s'agit tout simplement d'une opération quasiment formelle. Voilà la réalité du sujet !
En outre, tous les syndicats, sans exception, ont travaillé dans un état d'esprit très constructif. Ils ont en effet compris que l'enjeu de ce texte n'était pas le fond. D'ailleurs, s'agissant des opérations de déclassement de la partie législative vers la partie réglementaire, qui ont pu apparaître comme un sujet de fond, nous avons accepté de revoir notre copie, alors qu'une lecture particulièrement stricte nous aurait poussés à refuser toute modification. Nous souhaitions ainsi éviter de fausses interprétations en la matière.
Mais au moment même où la recodification va nous permettre de donner une lisibilité nouvelle au code du travail, j'entends dire que nous sommes en train de démanteler ce dernier ! Les bras m'en tombent !
Concernant une prétendue précipitation, je rappelle que les travaux de recodification ont débuté dans la concertation voilà vingt-quatre mois. Nous ne risquons donc pas de confondre vitesse et précipitation, ni d'ailleurs vitesse et concertation ! À mes yeux, prendre le temps de la concertation, ce n'est pas perdre son temps !
Madame Demontès, je reviens sur le sujet sensible de la protection du salarié, qui vous passionne. Pour ma part, je considère que cette protection n'est pas suffisamment assurée quand la règle de droit est confuse, ambiguë, peu lisible. Quand on n'arrive pas à comprendre tout seul comment les choses se passent dans ce domaine, quand on ne réussit pas à extraire directement les informations du code du travail, simplifier est, me semble-t-il, une nécessité ! Bien évidemment, il est toujours possible de prendre conseil auprès d'un responsable syndical ou professionnel ou d'un juriste. Néanmoins, la possibilité de trouver seul la réponse à une question témoigne de la lisibilité du code, et donc de l'effectivité de la règle de droit.
Le déclassement et la scission d'articles constituent - ce n'est pas un scoop ! - la règle de base de toute codification. Toutes ces opérations ont été effectuées sous le contrôle vigilant de la Commission supérieure de codification et, excusez du peu, du Conseil d'État lui-même.
Monsieur Michel, s'agissant de l'articulation de la ratification avec la procédure contentieuse que vous avez évoquée, nous savions depuis bien longtemps qu'un projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2007-329 serait examiné par le Parlement. Cette décision ne remonte pas à quelques semaines ! Vous connaissez suffisamment bien cette matière pour être averti des procédures elles-mêmes. N'allons donc pas chercher des interprétations qui feraient croire à une procédure détournée ! À mon sens, il vaut tout de même mieux se concentrer sur le fond du sujet.
Je reviendrai sur la représentativité syndicale et le critère de l'attitude patriotique pendant l'Occupation lors de l'examen des amendements.
Au demeurant, nous voulons, sur tous ces sujets, rendre les dispositions plus lisibles et compréhensibles, notamment pour les salariés et les employeurs, alors que vous avez pour votre part choisi le statu quo. Et ce n'est pas le seul domaine dans lequel vous avez fait ce choix. Tout le monde l'aura compris, ce n'est pas le nôtre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Godefroy, Mme Demontès, M. Michel, Mme Printz, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 25, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007 329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la motion.
(Mme Michèle André remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sessions se succèdent, mais les méthodes de travail ne changent pas. Une fois de plus, ce sont de sérieuses raisons qui motivent cette motion que le groupe socialiste m'a chargé de vous présenter, tendant au renvoi à la commission.
M. Jean-Pierre Godefroy. Au début du mois d'août, nous étions supposés examiner, au cours de cette seconde session extraordinaire, un texte relatif aux médicaments. Le rapporteur avait même été nommé en commission dans le courant du mois de juillet. À notre retour, en septembre, nous découvrons que le Gouvernement a inscrit à l'ordre du jour, en catastrophe, ...
M. Jean-Pierre Godefroy. ... le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative). Dans la foulée, le projet de loi relatif aux médicaments a disparu de l'ordre du jour et est reporté à une date indéterminée.
C'est donc en moins d'une heure, la semaine dernière, que la commission des affaires sociales a à la fois nommé Mme Procaccia rapporteur de ce texte et examiné son rapport, rédigé sans doute au cours de sa nomination, ainsi que les amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle a dû travailler tout l'été !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez tout à fait raison, mes chers collègues, d'applaudir Mme Procaccia ! Elle a réalisé, me semble-t-il, un exploit unique dans notre assemblée !
M. René Garrec. Remarquable !
M. Guy Fischer. C'est vraiment se moquer de la représentation nationale !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mme le rapporteur a travaillé cet été, pendant que vous dansiez, ou chantiez !
M. Jean-Pierre Godefroy. Après les rires, et avec tout le respect que je dois à M. le président de la commission des affaires sociales et à Mme le rapporteur, force est de reconnaître que le travail en commission a été pour le moins expéditif, pour ne pas dire bâclé.
Aujourd'hui, on nous accorde royalement, pour débattre de ce texte, une heure de discussion générale, ramenée à trente-huit minutes, sur lesquelles sept minutes sont réservées à un orateur de la majorité ! À mon avis, le sujet est bien trop technique pour être mobilisateur, et je le regrette.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est une codification à droit constant !
M. Jean-Pierre Godefroy. Quand nous sommes tous réunis ici, monsieur le ministre, la qualité est là, personne ne saurait en douter ! L'inverse serait d'ailleurs tout à fait dommageable ! (M. le président de la commission s'exclame.)
Une telle situation nous amène à nous poser deux questions.
Premièrement, pouvons-nous réellement travailler sérieusement dans ces conditions, en particulier sur un sujet aussi considérable, qui intéresse la plupart de nos concitoyens ?
MM. Paul Blanc et Patrice Gélard. Oui !
M. Guy Fischer. Non !
M. Jean-Pierre Godefroy. Deuxièmement, les initiateurs de cette procédure très contestable veulent-ils vraiment que nous puissions examiner à fond ce texte, en débattre et nous prononcer en connaissance de cause ? (Oui ! sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Non !
M. Jean-Pierre Godefroy. À ces deux questions, la réponse est « non », mes chers collègues.
Nous aurions pu nous réjouir que, pour une fois, nous soit soumis un projet de loi de ratification d'une ordonnance, avant l'entrée en vigueur de cette dernière.
Nous nous en serions félicités si les raisons de notre présence dans l'hémicycle n'étaient pas l'utilisation du Parlement pour contourner quelque peu les institutions. En effet, il est proposé aux parlementaires de « se tirer une balle dans le pied », l'objet de ce texte - nous le savons tous ici - étant en fait de court-circuiter le Conseil d'État, devant lequel plusieurs recours ont été déposés. Ces derniers pourraient bien donner satisfaction aux requérants, ce qui entraînerait l'annulation de l'ordonnance de recodification.
Alors que le Conseil d'État aurait déjà dû statuer, le Gouvernement s'est évertué à faire traîner les choses en ne remettant pas dans les temps son mémoire en réplique, ce qu'il doit faire impérativement, si mes informations sont justes, avant le 6 octobre prochain.
Ainsi, monsieur le ministre, vous voulez faire adopter ce texte par le Parlement au pas de charge, afin de rendre caduque la procédure engagée devant le Conseil d'État. Une telle attitude n'est pas très respectueuse de ceux qui ont déposé un recours.
Tout cela est inadmissible ! Une fois de plus, le rôle et le travail du Parlement sont détournés. Nous ne pouvons accepter d'être complices de cette manoeuvre, comme nous ne pouvons tolérer les conditions que vous nous imposez.
Monsieur le ministre, si ce projet de loi devait être voté en l'état, la commission Balladur, dont on parle tant actuellement, pourrait le prendre comme exemple de ce qui se passe aujourd'hui, afin de faire des propositions visant à renforcer réellement le rôle et les moyens de contrôle du Parlement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De l'intérêt de voter ce texte aujourd'hui !
M. Jean-Pierre Godefroy. De l'intérêt du contre-exemple que nous présentons aujourd'hui !
Nous notons par ailleurs le silence éloquent - mais non l'absence ! - des membres de la commission des lois. En effet, si ce texte ne comporte que cinq articles, alors qu'il ratifie une ordonnance qui en compte elle-même douze, il s'agit en fait d'examiner une recodification qui devrait comprendre, une fois complétée par sa partie réglementaire, pas moins de 3 600 articles concernant les aspects les plus divers des rapports entre employeurs et salariés, comme vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le ministre.
Cette recodification procède en réalité à une réécriture complète du texte : plan, numérotation, titres, découpage ou regroupement des articles, vocabulaire,... tout est bouleversé ! Il suffit d'ailleurs d'examiner les tableaux de concordance mis en ligne sur le site du ministère du travail, soit pas loin de 350 pages au total, pour apprécier l'extrême complexité de l'exercice.
M. Jean-Pierre Godefroy. Et tout cela dans l'urgence ! Mais Mme Procaccia a réussi à effectuer ce travail en une heure : j'en suis admiratif !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle a travaillé plus que ça !
M. Jean-Pierre Godefroy. II serait donc pour le moins utile que nous disposions du temps suffisant pour lire ce nouveau code et nous l'approprier. Il serait souhaitable que nous puissions, après en avoir pris connaissance, auditionner les partenaires sociaux, les juristes les mieux qualifiés et les organismes compétents, certains d'entre eux n'ayant pas été consultés par le Gouvernement, notamment le Conseil supérieur de l'emploi et le Conseil supérieur de la prud'homie, lequel est tout de même très concerné, pour nous éclairer sur le contenu de ce nouveau code et les conséquences possibles des nouvelles rédactions proposées.
M. Guy Fischer. C'est la moindre des choses !
M. Jean-Pierre Godefroy. Que dire aux membres de la commission concernant la difficulté d'appréhender en aussi peu de temps et sans information la spécificité du droit de l'Alsace-Moselle dans ce nouveau code ?
De même, avant d'aborder le contenu de ce nouveau code, il eût été nécessaire que nous mesurions le besoin réel de cette recodification, prétendument simplificatrice, ce dont doutent, vous ne l'ignorez pas, de nombreux spécialistes de la matière. À ce propos, je ne citerai que MM. Jeammeaud et Lyon-Caen, qui notaient, dans La Revue de droit du travail de juin dernier, que « le progrès dans la clarté et l'intelligibilité de la loi ne paraît pas à la hauteur du très respectable effort des artisans de cette recodification ».
J'ignore si ce nouveau code simplifiera réellement la tâche de ses utilisateurs. Mais fallait-il vraiment entreprendre un travail aussi important sans autre but ? Ne fallait-il pas en profiter pour mener une réflexion plus approfondie, par exemple en y intégrant la jurisprudence, si importante en la matière ? À aucun moment, la finalité et la faisabilité de cette recodification n'ont fait l'objet du débat nécessaire.
En outre - vous me permettrez cette parenthèse, monsieur le ministre -, pourquoi cette hâte, alors même que le Président de la République nous annonçait, voilà une semaine, à deux pas d'ici, son intention d'impulser des modifications profondes à la législation sociale ?
Cette remarque me conduit à évoquer le fond de cette affaire, car fond et forme sont ici intimement liés.
Avant de voter ce projet de loi de ratification, il nous faudrait aussi pouvoir en mesurer les conséquences. Cette recodification, nous dit-on, est réalisée à droit constant. Sans entrer dans des débats juridiques byzantins, nous ferons observer que de simples modifications rédactionnelles peuvent entraîner des débats d'interprétation concernant les intentions du législateur. De même, peut-on véritablement considérer le déclassement de 500 dispositions de la partie législative vers la partie réglementaire comme une opération à droit constant, sachant que leur future modification pourra ainsi se faire sans l'intervention du législateur ?
Le problème est identique pour les modifications apportées au classement des articles relatifs au licenciement économique ou le remplacement de la mention « inspection du travail » par celle d'« autorité administrative ».
Je suis sûr que nous pourrions soulever de nombreux autres points litigieux, concernant notamment les prud'hommes. Cependant, faute de temps, nous n'avons pas pu vérifier, article par article, les nouvelles dispositions, et vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que, en la matière, nous ne soyons pas disposés à vous délivrer a priori un blanc-seing. C'est d'ailleurs tout à fait normal !
M. Jean-Pierre Godefroy. En fait, dans un État de droit, seuls les magistrats du Conseil d'État sont susceptibles de trancher cette question en toute indépendance ; mais encore faut-il qu'ils puissent le faire !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous le restreignez drôlement, monsieur le ministre !
Quoi qu'il en soit, ces adaptations sont à nos yeux de véritables modifications qui n'ont rien d'anodin. Elles ouvrent de nouvelles portes juridiques pour diminuer encore, à l'avenir, les droits des salariés et de leurs représentants. Elles s'inscrivent dans une démarche entamée dès 2002 et qui est en passe d'être accélérée par le nouveau président de la République, démarche dont le Parlement, comme le souhaitent certains, sera largement laissé à l'écart. On lui demandera d'entériner, sans y mettre son nez, les nouvelles règles du jeu, satisfaisant ainsi une vieille volonté du MEDEF, qui veut individualiser les relations du travail et faire primer le contrat sur la loi. Il s'agit d'un changement profond de nos habitudes en matière de droit du travail. Celui-ci doit-il sortir du corpus législatif pour devenir un droit des corporations ?
M. Guy Fischer. Très bonne formule !
M. Jean-Pierre Godefroy. À mon avis, ce serait une faute grave ! Ce n'est pas notre vision de l'ordre social.
M. Jean-Pierre Michel. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite, mes chers collègues, à faire respecter le rôle du Parlement en lui donnant les moyens d'aborder ce débat de manière sérieuse et approfondie. Vous devez nous permettre de reprendre l'examen de ce texte dans des conditions normales et régulières, ce qui ne préjuge en rien l'appréciation finale, une fois que chacun aura été correctement informé de la réalité des dispositions qu'il lui est proposé de ratifier dans les conditions que je viens de décrire.
Je vous demande donc, au nom du groupe socialiste, d'adopter cette motion de renvoi à la commission. Ce renvoi nous fera peut-être perdre un peu de temps, mais il nous permettra d'éclairer le débat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cher Jean-Pierre Godefroy, ce n'est pas parce que la commission a dû travailler vite - ce que je reconnais - qu'elle n'a pas effectué un travail de fond.
Il existe une grande différence entre nous, c'est que je ne prétends nullement avoir la capacité, ni en tant que rapporteur ni comme membre de la commission, d'accomplir en quelques semaines, comme vous le réclamez, un travail qui a demandé deux ans aux experts. Cela me paraît impossible.
J'ai effectivement « hérité » le 2 août dernier, à dix-sept heures, de ce projet de loi, pas très épais, que j'ai emporté en vacances. Mais je ne suis pas partie avec le code du travail !
Dès mon retour, quelques jours avant la réunion de la commission, j'ai travaillé sérieusement sur le dossier, avec les syndicats auditionnés et les contributions écrites de ceux qui n'ont pu l'être. Tous les éléments recueillis vous ont été communiqués. La preuve en est que je les ai parfois retrouvés mot pour mot dans certains de vos amendements !
J'ai donc le sentiment qu'un vrai débat a eu lieu. Certains partenaires sociaux, qui participent très sérieusement depuis deux ans aux travaux de la commission sur ce sujet, nous ont affirmé que la brièveté du délai ne les gênait pas.
Par ailleurs, comme l'a souligné M. le ministre, un travail d'une telle ampleur nécessitera sûrement encore d'autres modifications de référence, de ponctuation, etc.
En réalité, le problème tient à ma façon de travailler, puisque, comme rapporteur sur deux autres textes cette année, je vous ai habitués, mes chers collègues, à tenir des réunions ouvertes à tous, ce que vous avez apprécié, même si je ne les menais pas toujours comme vous le vouliez.
Or, il ne m'a pas été possible de le faire cette fois-ci.
M. Guy Fischer. Cela nous manque !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Certes, monsieur Fischer !
Bien entendu, si je suis rapporteur sur un nouveau texte, je ferai en sorte de procéder comme d'habitude.
M. Jean-Pierre Godefroy. Soyez conséquente, donnez-nous quinze jours !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cela étant, je le répète, les travaux sur le présent projet de loi ont été aussi approfondis que sur les autres textes, et c'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cette motion.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Après les arguments que j'ai entendus à la tribune, j'ai hâte de rentrer dans le débat !
D'ailleurs, bien que vous déploriez le manque de préparation, monsieur le sénateur, le Gouvernement se propose de donner un avis favorable sur un certain nombre d'amendements, ce qui démontre, au contraire, que le travail des parlementaires n'a pas été bâclé !
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur la présente motion.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 25, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 129 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
4
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Léonce Dupont membre du conseil d'administration de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
5
Code du travail
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).
Nous passons à la discussion des articles.