Art. 4
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie
Art. 5 (début)

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Après l'article 39 octies D du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ...  - Les entreprises soumises à un régime réel d'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux peuvent déduire chaque année de leur bénéfice une somme plafonnée soit à 3 000 €, soit à 40 % de ce bénéfice dans la limite de 12 000 €. Ce plafond est majoré de 20 % de la fraction de bénéfice comprise  entre 30 000 €  et 76 300 €.

« Cette déduction doit être utilisée dans les cinq années qui suivent celle de sa réalisation pour l'acquisition et la création d'immobilisations amortissables strictement nécessaires à l'activité.

« La base d'amortissement de l'acquisition ou de la création d'immobilisations amortissables doit être réduite à due concurrence.

« Lorsqu'elle n'est pas utilisée conformément à son objet, la déduction est rapportée aux résultats de la cinquième année suivant sa réalisation. »

II - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs mentionnée aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. La majeure partie des petites entreprises et des entreprises artisanales sont soumises à l'impôt sur le revenu. Ce régime fiscal et leurs capacités limitées d'autofinancement ne favorisent pas l'investissement.

Une incitation fiscale en faveur de l'investissement réalisé par les entreprises soumises à un régime réel d'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, comme celle qui existe dans l'agriculture, serait de nature à encourager l'investissement dans les nouvelles technologies, à favoriser la modernisation des biens productifs, à accélérer les efforts de mise aux normes, en particulier dans le secteur alimentaire, et à améliorer la structure financière des entreprises individuelles.

Il a donc été proposé, lors des travaux préparatoires au projet de loi, au nom de l'efficacité économique, d'étendre le mécanisme de déduction fiscale pour investissement autorisé par l'article 72 D du code général des impôts à toutes les entreprises soumises à un régime réel d'imposition dans la catégorie des BIC.

Le projet actuel limite cette possibilité aux seules « entreprises nouvelles », ce qui lui retire toute efficacité réelle, une entreprise récemment créée n'ayant, sauf exception, pas de résultat imposable significatif. Alléger temporairement la charge fiscale d'une entreprise qui ne paie pas l'impôt ne signifie rien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission tient à rappeler que cet amendement reprend les dispositions prévues par l'article 8 du projet de loi Dutreil en faveur des PME.

Toutefois, il présente un mécanisme plus général, aucune condition limitative pour le bénéfice de ce régime de provision n'étant posée, tandis que l'article 8 du projet de loi Dutreil prévoit que la provision pour investissement de 5 000 euros par an concernera les entreprises créées ou reprises depuis moins de cinq ans, employant moins de cinq salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros, dans le respect des règles de minimis.

Il s'agit donc de la création d'une nouvelle niche, selon les méthodes habituelles en la matière. Cela représente un décalage de trésorerie pour l'Etat puisque le coût du dispositif, selon le rapport de notre excellent collègue Auguste Cazalet, est estimé à 111 millions d'euros pour 2006, à 120 millions d'euros pour 2007 et à 123 millions d'euros pour 2008. Ensuite, la réintégration au sein des bénéfices fiscaux des montants investis et l'arrêt de la constitution des provisions des années suivantes se traduiraient par un gain, pour l'Etat, de 403 millions d'euros de 2008 à 2013.

Le groupe de l'Union centriste-UDF voudrait aller plus loin. Pour ma part, je pense qu'il vaudrait mieux observer quels résultats entraînera l'application du dispositif de l'article 8 du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises. D'ailleurs, il eût été plus approprié d'examiner ce sujet lors de la discussion de ce dernier texte.

En tout état de cause, dans l'immédiat, le coût d'une telle extension du dispositif de provision ne me semblerait pas supportable pour l'Etat.

Pour l'ensemble de ces raisons, et tout en restant, bien entendu, très attentif à l'avis qu'exprimera le Gouvernement, je souhaiterais que les auteurs de l'amendement veuillent bien en envisager le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement a inscrit une mesure de provision pour investissement à l'article 8 du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, que le Sénat a adopté le 16 juin dernier. Je suggère d'en rester à l'équilibre défini à cette occasion. Dans ces conditions, je ne peux accepter cet amendement, et je vous demande, monsieur Jégou, de bien vouloir le retirer.

M. le président. Monsieur Jégou, l'amendement n° 128 est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. Les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre me paraissent assez convaincants, d'autant que nous sommes attachés à la maîtrise des dépenses budgétaires. Nous retirons donc cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 128 est retiré.

Art. additionnel après l'art. 4
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Art. 5 (interruption de la discussion)

Article 5

L'établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial, dénommé Agence de l'innovation industrielle, est ajouté, à compter de sa création, à la liste figurant à l'annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, sur l'article.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec une certaine satisfaction que je relève que, pour la première fois, l'Agence de l'innovation industrielle est mentionnée dans un texte.

La création de cette agence est, en effet, très attendue, et l'audition de M. Jean-Louis Beffa par la commission des affaires économiques du Sénat le 11 mai dernier a confirmé tout l'intérêt porté à ce projet et à la mise en oeuvre des programmes mobilisateurs.

Lors de cette audition, M. Beffa nous avait indiqué qu'il remettrait vers le 15 mai au Premier ministre un avant-projet de décret de création de l'agence. Je saisis donc l'occasion de la discussion de cet article 5 du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie pour demander à M. le ministre quelle est la date prévue pour la prise du décret de création de l'agence et la mise en place effective de celle-ci.

A côté des pôles de compétitivité et des dispositions de la loi d'orientation pour la recherche que nous attendons, cette agence doit, en effet, devenir un élément moteur du sursaut technologique dont nous parlons depuis maintenant plus d'un an.

J'espère donc, monsieur le ministre, que vous pourrez me rassurer quant aux délais de mise en place de l'agence.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre avenir est lié à l'innovation : c'est ce que je répète depuis plus de vingt ans dans cette enceinte, notamment en tant que rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, du budget de la recherche ou à l'occasion de la discussion des textes concernant l'innovation.

L'innovation est à mon sens une priorité absolue. Au début, je prêchais un peu dans le désert, mais je crois que le Sénat dans son ensemble en est maintenant tout à fait convaincu, et je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez vous-même, dans ce débat, évoqué cette priorité avec beaucoup de force.

Il s'agit d'une priorité à la fois financière et politique. Dans ce système complexe qui va de la recherche jusqu'à l'innovation et à la création d'entreprises et d'emplois, nous devons évidemment pouvoir nous appuyer sur une évaluation pour viser à l'excellence, sur une modernisation de notre recherche publique, sur l'expérimentation de nouvelles formes de gouvernance, notamment pour les universités, de manière qu'elles puissent entrer de plain-pied dans le grand concert mondial des universités de qualité, enfin sur un recours plus important aux fondations. A cet égard, je rappellerai que, au Royaume-Uni, 13 % du financement de la recherche passe par des fondations, alors que, en France, nous sommes loin d'atteindre le dixième de ce pourcentage.

M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !

M. Pierre Laffitte. Notre politique industrielle « musclée » en matière d'innovation nous a tout de même bien rendu service, même si cela relève un peu du colbertisme, monsieur le rapporteur ! (Sourires.) C'est en effet grâce à elle que la France reste, dans le monde industriel, une grande nation dans les domaines du nucléaire, de l'aérospatial et des transports à grande vitesse.

Nos amis Américains font d'ailleurs preuve d'un colbertisme dynamique et contemporain s'agissant précisément des secteurs liés à l'innovation, qui revêtent une importance stratégique. C'est là un domaine où, à mon avis, le colbertisme doit être réaffirmé, même s'il s'agit d'un colbertisme rénové.

Dans cette perspective, le rapport Beffa et la création de l'Agence de l'innovation industrielle constituent des éléments majeurs en vue de la renaissance d'une politique forte en matière d'innovation, d'autant plus nécessaire qu'elle permettra aussi à l'ensemble des pôles de compétitivité - dont la mise en place a conduit à une mobilisation massive des collectivités territoriales et à un rapprochement entre des gens qui se parlaient peu, qu'ils travaillent dans les grandes industries, les PME, les établissements de recherche ou les laboratoires universitaires - d'enclencher une nouvelle dynamique.

Le développement de cette nouvelle dynamique est éventuellement financé par l'Agence nationale de la recherche, mais selon une thématique qui est beaucoup plus régionale. Or il s'agit ici, avec l'Agence de l'innovation industrielle, d'une politique qui s'appuiera, d'après ce que nous a dit M. Beffa et d'après ce que nous en savons, sur une structure novatrice, originale et bien financée.

Je souhaiterais, pour ma part, que le Parlement puisse être associé au fonctionnement du nouvel établissement public à caractère industriel et commercial. En effet, nous disposons tout de même, en tant que représentation nationale, d'une certaine compétence, et la promotion de l'innovation devient, dans nos sociétés modernes, un élément majeur de la politique. Car c'est bien de la politique que de faire en sorte d'éviter la fuite des cerveaux et d'attirer, au contraire, les talents venus d'ailleurs !

Sur ce plan, nous pouvons nous prévaloir, à Sophia Antipolis, d'une certaine expérience, puisque nous sommes en mesure d'attirer les meilleurs cerveaux américains et, bientôt, chinois et indiens. Il existe là un potentiel, à condition que soit menée une action continue, ferme et efficace.

Il me semble, à cet égard, que l'article 5 du présent projet de loi constitue un élément important du dispositif, surtout à l'heure où, dans le cadre de la préparation du projet de loi d'orientation pour la recherche, le collectif « Sauvons la recherche » a réussi à obtenir que l'on supprime toute référence à l'innovation, tandis que la notion d'excellence commence, apparemment, à sentir le soufre !

Certes, évoquer l'excellence signifie que l'on puisse établir une gradation dans la qualité des recherches menées : s'il existe d'excellents chercheurs, d'autres sont moins bons, voire, rarement je pense, médiocres...

M. Philippe Marini, rapporteur. Eh oui !

M. Pierre Laffitte. Est-ce là une recherche à deux vitesses ? Eh bien oui ! Il en est ainsi dans le monde entier, et je ne vois pas pourquoi, s'agissant d'un secteur crucial, l'on exclurait, dans notre pays, une distinction que l'on accepte volontiers dans le domaine sportif, où certains jouent en première division et d'autres en deuxième division. Dans la recherche, c'est la même chose, et il y existe une forme de compétition interne.

Dans cet esprit, les chercheurs doivent bien entendu pouvoir disposer de moyens plus importants et de structures adaptées et souples. Dans le même temps, une évaluation efficace doit être mise en oeuvre. C'est là, à mon avis, une question de volonté politique. Je souhaite donc que, sur ce sujet, nous montrions du courage, de la détermination et de la ténacité. (Applaudissements sur certaines travées de l'UC-UDF. - M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Valade.

M. Jacques Valade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise que nous connaissons depuis deux ans dans le domaine de la recherche et du développement industriel et économique a entraîné une mobilisation de tous les acteurs de la recherche, des réflexions approfondies et un foisonnement de propositions. Le Sénat, notamment dans le cadre des travaux menés par sa commission des affaires culturelles, a largement apporté sa contribution.

Ces propositions commencent à trouver leur traduction dans le concret, même si nous sommes toujours dans l'attente d'un projet de loi sur la recherche, qui devrait - enfin, oserai-je dire ! - être présenté à l'automne.

Les avancées enregistrées depuis deux ans sont cependant réelles, ainsi que cela a été rappelé : la loi de finances pour 2004 a sensiblement amélioré le dispositif du crédit d'impôt recherche - Dieu sait si nous appelions de nos voeux une telle évolution ! - et instauré le statut des jeunes entreprises innovantes ; la loi de finances pour 2005 a notamment créé l'Agence nationale de la recherche ; l'année 2005 est déjà marquée par le lancement de fondations de recherche, la création de l'établissement public OSÉO et la concertation en vue de la mise en place de pôles de compétitivité.

Enfin, le présent projet de loi comporte deux avancées majeures.

La première tient à la création d'une Agence de l'innovation industrielle. Je souscris à cette initiative, qui répond à une nécessité. M. Jean-Louis Beffa a précisé les contours du dispositif devant la commission des affaires culturelles du Sénat et le groupe d'études « Innovation et entreprise », présidé par notre collègue Pierre Laffitte. Je n'y reviendrai pas, M. Laffitte ayant abordé ce point.

La seconde innovation tient à l'introduction, à l'article 5 bis du présent projet de loi, d'une incitation fiscale en faveur de la recherche et de l'innovation.

Il faut se réjouir que soient enfin visées les recherches menées non seulement par les PMI innovantes, mais aussi par des établissements publics de recherche, des établissements d'enseignement supérieur ou des organismes à but non lucratif, à condition d'exercer coordination et contrôle.

Il est, en effet, indispensable d'encourager, dans notre pays, le financement privé de la recherche, tout en décloisonnant et en sortant des contradictions, voire des oppositions stériles, assez hexagonales, entre recherche publique et recherche privée ou entre recherche fondamentale et recherche appliquée.

C'est pourquoi je tiens à exprimer ma satisfaction devant l'ensemble de ces avancées, même si leur dispersion dans différents textes comporte le risque d'une moindre lisibilité de la stratégie globale.

Espérons, monsieur le ministre, que le projet de loi attendu et annoncé saura définir les objectifs, préciser les obligations de chacun et dégager les moyens nécessaires, afin que tous continuent à participer à un effort indispensable au développement de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je me suis exprimée, sur le fond, lors de la discussion générale, à propos de ce que devrait être, à notre sens, la politique industrielle de la France.

S'agissant de l'Agence de l'innovation industrielle, j'ai posé un certain nombre de questions sur le mode de financement et la composition de ce futur organisme, ainsi que sur sa cohérence avec d'autres outils qui ont été mis en place, notamment l'appel à projets concernant les pôles de compétitivité. J'ai pu constater que je n'étais pas seule à m'interroger sur ces points !

Or M. le ministre n'a pas répondu sur ce sujet, dont les trois intervenants qui m'ont précédée ont mis en exergue la grande importance.

S'agissant précisément de l'article 5 de ce projet de loi, je voudrais souligner qu'il ne s'agit pas de créer l'Agence de l'innovation industrielle. On nous demande en fait, ce qui est tout de même assez extraordinaire, de décider par avance que l'une des dispositions de la loi de 1983 concernant le statut d'établissement public ne s'appliquera pas à un organisme qui sera créé ultérieurement, par un décret en préparation dont nous ne savons rien.

Par conséquent, si nous n'obtenons pas, à ce stade, un certain nombre de réponses aux interrogations que nous avons soulevées et que j'ai reformulées très brièvement pour ne pas prolonger inutilement les débats, nous serons amenés à nous prononcer contre cette dérogation, alors que nous ne savons rien du dispositif qui va être mis en place.

Même si, sur le fond, je le redis, nous apprécions que l'on entende redonner souffle à ce qu'il faudra bien finir par appeler une politique de réarmement industriel de la France, afin que notre pays puisse faire face aux dangers qui le menacent, j'estime que M. le ministre doit fournir des réponses aux questions que nous avons posées.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Breton, ministre. Au nom de l'ensemble du Gouvernement, je souhaite tout d'abord rendre hommage à M. Pierre Laffitte pour sa contribution en matière d'innovation. Depuis plus de vingt ans, il consacre beaucoup de temps, d'énergie et de force de conviction à faire prendre conscience de la nécessité pour nos entreprises d'aller de l'avant et d'investir encore plus en matière de recherche et développement.

Je tiens à lui préciser d'emblée que deux parlementaires siégeront au conseil de surveillance de l'Agence de l'innovation industrielle, de manière que le Parlement soit associé à ses travaux.

Madame Bricq, je veux redire ici que la volonté du Gouvernement est de participer résolument, à travers cette agence, aux grands programmes industriels, de permettre que de grands programmes voient de nouveau le jour. Nous en sommes bien conscients, l'une des forces de notre pays est précisément d'avoir su et de savoir mettre en oeuvre ces grands programmes.

Il ne faut pas être naïf : un certain nombre de pays interviennent en amont dans le financement de tels programmes. Le gouvernement français est le premier à avoir décidé de se doter d'un instrument qui permettra de les réaliser. Ces programmes verront le jour au bénéfice de grandes entreprises ou de réseaux de petites et moyennes entreprises.

Afin d'être validés, ces programmes devront être présentés à l'Agence en association avec un certain nombre d'entreprises, je l'ai dit, et ce sera indiqué au président du conseil de surveillance comme au président du directoire. S'agissant de la part des sommes disponibles qui pourrait être réallouée aux petites et moyennes entreprises, on a parlé de 25 % ; c'est en tout cas l'objectif que s'est fixé le Gouvernement.

J'ajoute que le Premier ministre a décidé de doter l'Agence dès la première année d'un milliard d'euros, ce qui est un montant tout à fait considérable.

Mme Nicole Bricq. Venant d'où ?

M. Philippe Marini, rapporteur. On le sait déjà !

M. Thierry Breton, ministre. Ces fonds proviennent des recettes de privatisations, dont certaines sont déjà réalisées.

Des programmes vont être définis, des avances remboursables consenties. Un suivi très attentif permettra à notre pays d'avoir les moyens, financiers, techniques et humains, de bâtir les grands programmes industriels de demain.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Art. 5 (début)
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Discussion générale

5

communication relative à une COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

6

Art. 5 (interruption de la discussion)
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Art. 5

Confiance et modernisation de l'économie

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n° 72, à l'article 5.

Discussion générale
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Art. additionnel après l'art. 5

Article 5 (suite)

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Avec cet article 5, nous voici en présence d'un bien étrange objet législatif. En effet, on nous propose de valider par avance, sans rien connaître de ses missions, de son fonctionnement ni même de la composition de son capital, la création d'un nouvel établissement public à caractère industriel et commercial, c'est-à-dire un établissement public destiné à réaliser des opérations demandant rémunération.

Pour le moment, l'agence de l'innovation industrielle est une déclaration d'intention, sa création étant préconisée par le rapport Beffa intitulé Pour une politique industrielle. Plusieurs de nos collègues ont d'ailleurs rappelé ce matin le lien entre ledit rapport et cette proposition.

Certains objectifs ambitieux pourraient être confiés à cette agence, mais ils procèdent, pour l'essentiel, d'un constat simple : malgré un environnement fiscal de plus en plus favorable - TVA déductible, crédit d'impôt recherche, par exemple, statut des fonds communs de placement à risques, des entreprises innovantes, etc. -, les entreprises industrielles de notre pays ne participent pas à hauteur des besoins de compétitivité de notre économie à l'effort de recherche-développement en matière de nouveaux brevets. Certains de nos collègues ont également rappelé ce matin que d'autres pays connaissaient une meilleure participation dans ce domaine.

En clair, l'orientation libérale et financière qui anime de plus en plus la gestion d'entreprise laisse dépérir les capacités d'innovation.

De fait, ainsi que l'indique l'exposé des motifs de notre amendement, nous sommes dans le plus grand flou, laissant penser que le rôle joué par l'agence de l'innovation industrielle n'est pas défini et risque fort de s'apparenter à la faculté laissée à l'Etat d'assumer, en lieu et place des entreprises, des coûts de recherche-développement sur certains créneaux prétendument porteurs, quoique probablement sur le long terme.

A défaut de financement direct de la recherche-développement par les entreprises, à travers notamment le développement de la recherche privée - bureaux d'études, laboratoires -, ce serait donc à l'Etat de se charger de financer cette démarche de longue haleine, au demeurant nécessaire pour assurer la compétitivité de notre économie.

Ce matin, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. le président de la commission des finances ont laissé entendre que les moyens financiers proviendraient de la privatisation des sociétés autoroutières. Or ces fonds doivent déjà financer des infrastructures routières dans notre pays. Dès lors, on ne peut que s'interroger.

Dans le même temps, il faut aussi analyser la place particulière de l'agence de l'innovation industrielle au regard de ce qui existe, notamment les établissements publics que constituent, par exemple, les laboratoires du CNRS et des établissements universitaires.

Le débat que nous devions avoir sur le financement de la recherche n'a toujours pas eu lieu et, tout à coup, on nous propose une nouvelle structure sur une part de cette recherche ! Dès lors, ce que nous craignons, c'est que l'agence de l'innovation industrielle ne devienne le « super sous-traitant » de la recherche-développement des entreprises privées de notre pays, permettant le démantèlement des équipes de recherche publique existant sur les créneaux concernés, comme l'externalisation des coûts de recherche-développement des entreprises privées.

Quant à l'innovation industrielle, elle risque aussi de se traduire dans ce cadre par une précarité renforcée des chercheurs, embauchés temporairement sur missions et programmes de plus ou moins long terme, avec tout ce que cela implique.

Dans tous les cas, la solution avancée par l'article 5 n'est pas la meilleure pour faciliter la nécessaire relance de la recherche. C'est pourquoi nous présentons cet amendement visant à sa suppression. Nous espérons que la question de la recherche pourra être discutée dans son ensemble et non morceau par morceau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances est bien évidemment défavorable à la suppression de l'article 5, qui permet d'évoquer dans le projet de loi l'agence de l'innovation industrielle, même si cet article n'aborde qu'un aspect très marginal des missions et du statut de cette dernière.

Je m'étonne de la méfiance exprimée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen. La création d'une telle agence devrait pourtant leur plaire, puisqu'il s'agit d'une volonté de l'Etat de faire à nouveau émerger une politique de filières et d'appliquer aux activités d'aujourd'hui ce qui prévalait hier, au début de la Ve République, pour les filières industrielles, que l'on considère désormais comme plus traditionnelles.

J'ai donc du mal à comprendre pourquoi nos collègues de l'opposition sénatoriale expriment de telles réticences à l'égard de l'agence de l'innovation industrielle. Celle-ci sera financée - nous l'avons évoqué ce matin - par une fraction du produit de la cession de certains actifs publics. Pour sa part, la commission des finances n'a pas d'objection de fond à émettre quant à ce mode de financement, bien au contraire ! Il s'agit d'un effort en capital financé par des cessions en capital.

Par ailleurs, je tiens à souligner que la commission des finances a été particulièrement sensible aux propos tenus en fin de matinée par M. Pierre Laffitte. Notre collègue a su replacer l'agence de l'innovation industrielle dans son contexte et faire observer la cohérence qui existait entre cette initiative et le texte sur la recherche, qui est en cours d'élaboration. Nous partageons sa vision exigeante et ses convictions. L'évaluation et la définition des modes d'organisation de la recherche, tant publique que privée, doivent en effet être les plus efficaces possible. En l'occurrence, il ne s'agit pas que d'un problème de moyens, de postes budgétaires. C'est surtout une question de vision de ce secteur et de mise à jour de nos modes d'organisation en fonction des besoins du monde actuel.

En ce qui concerne l'amendement n° 72, la commission des finances, pour les raisons que j'ai évoquées, émet, bien évidemment, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Je voudrais tout d'abord remercier M. Philippe Marini d'avoir mis en avant l'utilité de l'agence de l'innovation industrielle.

Madame Beaufils, compte tenu de la situation actuelle, le Gouvernement estime que la recherche industrielle doit gagner en puissance dans notre pays. S'il y a une chose que l'on observe sur les marchés internationaux, c'est bien la diminution de la place de l'innovation en France.

Nous sommes fiers de l'Airbus A380, ainsi que du développement de nouvelles voitures par nos constructeurs automobiles et de leur présence sur tous les marchés mondiaux. Mais en regardant de façon plus globale, à l'échelle de la nation, bien que nous possédions de nombreux fleurons, nous sommes loin du compte. Alors que les dépenses de recherche devraient, conformément à un engagement européen -  la stratégie de Lisbonne - atteindre 3 % du produit intérieur brut, elles ne sont en France que de 2,2 %, 1,2 % venant du secteur public et 1 % du secteur privé. Il faudrait que la part du secteur privé s'élève à 2 %. Notre objectif est donc de faire en sorte que la recherche industrielle, ses applications et la création d'emploi qui en découle soient les plus rapides et les plus efficaces possible.

Comme l'ont dit ce matin Jacques Valade et Pierre Laffitte, cette politique permettrait d'offrir à notre industrie la possibilité de changer de braquet et de trouver plus rapidement des solutions, comme ce fut le cas par le passé, à une époque où vos amis soutenaient ces idées, avec des projets comme le TGV.

Si la décision de fabriquer ce type de train n'avait dépendu que des entreprises, cela n'aurait pas été possible. Pour être cohérente, il fallait que la décision soit prise à la fois par l'Etat, les collectivités, la SNCF et les entreprises.

Aujourd'hui, face au développement des industries dans le monde et devant les évolutions technologiques, nous pensons que ce type de besoin se fait à nouveau sentir. Grâce à cet instrument, nous aurons la possibilité de donner un coup d'accélérateur et de replacer la France à un niveau supérieur dans la création de nouveaux produits, de nouvelles entreprises, et donc de nouveaux emplois.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien écouté les explications de la commission et du Gouvernement. Mais je continue à penser que l'article 5 n'apporte aucun éclairage sur ce que sera l'agence de l'innovation industrielle. D'ailleurs, il n'y a eu aucun débat dans cet hémicycle sur cette question.

En outre, nous n'avons pas davantage d'éléments sur le futur projet de loi concernant la recherche. M. le rapporteur y a fait tout à l'heure allusion, mais ce texte n'a pas encore été examiné ici.

Quelle est donc la cohérence entre l'agence de l'innovation industrielle et le texte sur la recherche, qu'on appelle généralement la recherche fondamentale ? Aucun élément ne nous permet de le savoir !

Vous avez cité l'exemple de l'Airbus A380, monsieur le ministre. Pour le réaliser, on sait que des coopérations très fortes ont été mises en oeuvre, y compris dans le domaine industriel.

A l'époque où certaines de ces propositions ont été acceptées - je pense notamment au développement du TGV -, la part de la recherche industrielle était bien supérieure à ce qu'elle est actuellement.

Telles sont les questions que nous aimerions voir débattues aujourd'hui ! De même, il conviendrait que l'on analyse pourquoi la part de l'entreprise dans la recherche a si fortement diminué.

Nous abordons cette question avec une appréciation que vous ne partagez apparemment pas et dont vous ne voulez pas débattre ; le texte tel qu'il est présenté aujourd'hui ne nous le permet pas. On ne nous propose que des aménagements financiers pour créer cette agence, mais en aucun cas un débat de fond.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article 5.

Mme Nicole Bricq. C'est la troisième fois que j'interviens sur la future agence de l'innovation industrielle : dans la discussion générale, sur l'article et en explication de vote. Je voudrais que la majorité sénatoriale m'écoute : nous n'avons jamais dit, que nous étions en désaccord avec le principe de la création d'une telle agence et l'élément de politique industrielle qu'il constitue. Je le répète afin qu'il en soit bien pris acte.

Cela étant, l'article 5 nous pose un problème dans la mesure où le Gouvernement nous demande d'exonérer l'agence d'un certain nombre d'obligations résultant de la loi de 1983, alors que cette agence n'est pas encore créée - elle le sera par décret ! - et que nous n'avons obtenu de réponse ni sur le calendrier de création, ni sur la cohérence du dispositif avec le projet de loi sur la recherche et avec les pôles de compétitivité, ni sur les moyens d'un financement pérenne et garanti de cette agence.

Cela dit, nous sommes favorables à cet élément de politique industrielle, et nous avons d'ailleurs appuyé les conclusions du rapport Beffa.

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)