Article 73
L'article L. 626-5 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « un contrôleur » sont remplacés par les mots : « le ou les contrôleurs », et, après les mots : « le rapport », sont insérés les mots : « , présentant le bilan économique et social et le projet de plan, » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le ministère public reçoit communication du rapport. » - (Adopté.)
Article 74
M. le président. L'article 74 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 75
L'article L. 626-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 626-6. - Après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs ainsi que les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le tribunal statue au vu du rapport de l'administrateur, après avoir recueilli l'avis du ministère public. Lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d'un débiteur qui emploie un nombre de salariés ou qui justifie d'un chiffre d'affaires hors taxes supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat, les débats doivent avoir lieu en présence du ministère public. »
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par Mmes Assassi, Mathon, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
délégués du personnel,
remplacer la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-6 du code de commerce par les dispositions suivantes :
s'ils existent, à défaut les salariés, le tribunal statue au vu du rapport de l'administrateur, après avoir recueilli l'avis du ministère public et des représentants des salariés. Cet avis est annexé au rapport.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Notre amendement prévoit que l'avis des salariés soit recueilli et joint au rapport de l'administrateur. Il ne s'agit donc pas de prévoir une simple consultation des représentants du personnel. Vous connaissez notre argumentation. Je connais votre réponse, mais j'insiste...
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, pour les raisons que j'ai exposées à plusieurs reprises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 75.
(L'article 75 est adopté.)
Article 76
L'article L. 626-7 est ainsi modifié :
1° A la première phrase du premier alinéa, les mots : « au redressement » sont remplacés par les mots : « à la sauvegarde » ;
2° Au dernier alinéa, les références : « L. 621-58, L. 621-74, L. 621-88, L. 621-91 et L. 621-96 » sont remplacées par les références : « L. 626-2 et L. 626-13 ». - (Adopté.)
Article 77
L'article L. 626-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 626-8. - Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous, y compris aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une caution personnelle ou une garantie autonome, qui peuvent s'en prévaloir.
« Ne peuvent, en revanche, s'en prévaloir les cautions personnelles, les coobligés et les personnes ayant consenti une garantie autonome, lorsqu'il s'agit de personnes morales. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 61, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour rédiger l'article L. 626-8 du code de commerce :
« Art. L. 626-8. - Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous.
« A l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une caution ou une garantie autonome peuvent s'en prévaloir. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'article L. 626-8 ouvre la possibilité aux personnes physiques coobligées ou qui auraient consenti un engagement de caution personnelle ou une garantie autonome, de se prévaloir des dispositions du plan à l'encontre d'un créancier poursuivant.
La commission des lois est favorable à cette disposition essentielle, qui devrait avoir pour effet de ne pas dissuader les dirigeants d'entreprise ayant souscrit de tels engagements de solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Toutefois, elle s'interroge sur la restriction apportée par le texte, qui ne permettrait qu'aux personnes ayant souscrit un engagement de caution personnelle de tirer parti des dispositions du plan. Or les personnes ayant, par exemple, fourni une caution hypothécaire doivent tout autant faire l'objet d'une protection.
En conséquence, cet amendement de réécriture globale tend à permettre aux personnes physiques ayant souscrit un engagement de caution réelle de se prévaloir également des dispositions du plan.
M. le président. L'amendement n° 239, présenté par Mmes Assassi, Mathon, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet pour l'article L. 626-8 du code de commerce, après les mots :
opposables à tous,
insérer les mots :
exceptées celles relatives aux licenciements économiques,
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Cet amendement vise à donner au salarié le droit de contester le motif économique du licenciement.
En effet, selon une jurisprudence constante dans le cadre du redressement, lorsque l'ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements pendant la période d'observation est devenue définitive, le caractère économique du motif de licenciement ne peut plus être contesté. Or ce qui existe pour la procédure de redressement ne doit pas être la règle pour la procédure de sauvegarde. Il convient donc de laisser au salarié le pouvoir de remettre en cause la légitimité du licenciement à ce stade de la procédure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le plan de sauvegarde constituant un tout, on ne voit pas comment certaines de ses dispositions seraient rendues inopposables. Cet amendement, comme plusieurs de ceux que vous avez proposés, est encore une curiosité juridique, madame !
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 61, qui reprend un amendement qui a déjà été adopté voilà quelques instants.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 239, l'argumentation de Mme Assassi est sans rapport avec la question de l'opposabilité des dispositions du plan.
Je tiens en tout état de cause à rappeler que les dispositions dérogatoires au droit commun du licenciement prévues pour la période d'observation et de redressement judiciaire ne sont pas applicables au cours de la procédure de sauvegarde. Le plan de sauvegarde n'aurait plus de sens s'il pouvait être contesté dans certaines de ses dispositions devant d'autres juridictions : la durée des procédures le rendrait inapplicable et conduirait à la perte de l'entreprise et de ses emplois.
C'est pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 239 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 77, modifié.
(L'article 77 est adopté.)
Article 78
L'article L. 626-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 626-9. - Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 626-15, la durée du plan est fixée par le tribunal. Elle ne peut excéder dix ans. Lorsque le débiteur est un agriculteur, elle ne peut excéder quinze ans. » - (Adopté.)
Article 79
L'article L. 626-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 626-10. - L'arrêt du plan par le tribunal entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d'émettre des chèques conformément à l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en oeuvre à l'occasion du rejet d'un chèque émis avant le jugement d'ouverture de la procédure. » - (Adopté.)
Article 80
L'article L. 626-11 est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « pour les immeubles conformément aux dispositions de l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et pour les biens mobiliers d'équipement au greffe du tribunal dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat » sont remplacés par les mots : « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ;
2° Dans le dernier alinéa, après les mots : « à la demande de tout intéressé », sont insérés les mots : « ou du ministère public ».
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Avant le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° A. - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée de l'inaliénabilité ne peut excéder celle du plan. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La rédaction retenue par le texte proposé ne déterminerait pas la durée maximale de la mesure d'aliénabilité relative aux biens du débiteur que peut prononcer le tribunal.
Certes, l'article L. 626-25 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 91 du présent projet de loi, prévoyant que la constatation de l'achèvement du plan par le tribunal ne pourra intervenir que si les engagements décidés par le tribunal ont été tenus par le débiteur, il faut en conclure que les mesures d'inaliénabilité mentionnées ne pourront excéder la durée de ce plan. La commission estime qu'il conviendrait cependant d'être plus clair et de poser expressément la règle selon laquelle les mesures d'inaliénabilité mentionnées ne pourront excéder la durée du plan.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 80, modifié.
(L'article 80 est adopté.)
Article 81
A l'article L. 626-12, le mot : « continuation » est remplacé par le mot : « réorganisation ». - (Adopté.)
Article 82
L'article L. 626-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 626-13. - En cas de nécessité, le jugement qui arrête le plan donne mandat à l'administrateur de convoquer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, l'assemblée compétente pour mettre en oeuvre les modifications prévues par le plan. » - (Adopté.)
Article 83
L'article L. 626-15 est ainsi modifié :
1° A la première phrase, les mots : « aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 621-60 » sont remplacés par les mots : « au deuxième alinéa de l'article L. 626-4 et à l'article L. 626-4-1 » ;
2° La troisième phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « qui peuvent excéder la durée du plan » ;
3° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le premier paiement ne peut intervenir au-delà d'un délai d'un an.
« Au-delà de la deuxième année, le montant de chacune des annuités prévues par le plan ne peut, sauf dans le cas d'une exploitation agricole, être inférieur à 5 % du passif admis. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 83
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 626-16 est supprimé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il apparaît superfétatoire de mentionner que les délais de paiement plus brefs accordés en contrepartie d'une réduction du montant de la créance ne peuvent excéder la durée du plan. C'est pourquoi la commission propose la suppression du second alinéa de l'article L. 626-16.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de coordination.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 83.
Article 84
M. le président. L'article 84 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 85
L'article L. 626-18 est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « ou si le plan n'en dispose autrement » sont supprimés ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal fixe les modalités du paiement des dividendes arrêtés par le plan. Les dividendes sont payés entre les mains du commissaire à l'exécution du plan, qui procède à leur répartition. » - (Adopté.)
Article 85 bis
Dans le premier alinéa de l'article L. 626-19, après les mots : « ou d'une hypothèque, », sont insérés les mots : « la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignation et ». - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 85 bis
M. le président. L'amendement n° 272 rectifié, présenté par MM. Buffet, Lecerf, J. Blanc, Girod et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 85 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A l'article L. 626-20 du code de commerce, les mots : « à l'entreprise » sont remplacés par les mots : « au débiteur ».
La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Cet amendement a pour objet, en cohérence avec l'ensemble du texte, de remplacer une mention impropre de l'entreprise par celle du débiteur.
L'article L. 626-20 du code de commerce prévoit en effet l'affectation du prix d'une cession partielle d'actifs au débiteur propriétaire de ces actifs, sous réserve des droits reconnus aux créanciers titulaires de sûretés. Il est à tort mentionné ici « à l'entreprise » au lieu de « au débiteur », ce qui est de nature à créer une confusion sur l'identité de la personne soumise à la procédure.
L'ensemble du nouveau dispositif ayant le mérite de procéder nettement à cette distinction, il est souhaitable qu'il ne subsiste plus de disposition de sens contraire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cohérent avec l'ensemble du texte, cet amendement tend à bien distinguer le sort du débiteur de celui de l'entreprise. La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 85 bis.
Article 86
M. le président. L'article 86 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 87
L'article L. 626-21 est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, sont insérés les mots : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 622-1, et s'il l'estime nécessaire, » ;
2° Dans le second alinéa, les mots : « à la vérification des créances » sont remplacés par les mots : « à la vérification et à l'établissement définitif de l'état des créances ».
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° de cet article :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le tribunal peut charger l'administrateur d'effectuer les actes, nécessaires à la mise en oeuvre du plan, qu'il détermine. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'Assemblée nationale a souhaité préciser que la mission de l'administrateur ne pouvait être fixée que « sous réserve des dispositions de l'article L. 622-1 », afin de ne pas remettre en cause le principe, exprimé dans cette disposition, selon lequel, en procédure de sauvegarde, le débiteur assure seul l'administration de son entreprise, l'administrateur ne pouvant qu'exercer une mission d'assistance ou de surveillance.
Ce souci de précision fait cependant naître une difficulté liée au fait que les dispositions de l'article L. 626-21 seraient rendues applicables sans modification en cas de redressement judiciaire. Or, l'article L. 622-1 du code de commerce ne serait pas applicable dans cette dernière procédure, l'administrateur pouvant se substituer, en tout ou partie, au débiteur dans l'administration de son entreprise.
La commission vous soumet donc un amendement tendant à supprimer la référence à l'article L. 622-1 du code de commerce et à améliorer la rédaction de cette disposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 87, modifié.
(L'article 87 est adopté.)
Article 88
L'article L. 626-22 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le tribunal nomme, pour la durée fixée à l'article L. 626-9, l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan. Le tribunal peut, en cas de nécessité, nommer plusieurs commissaires. » ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal.
« Le commissaire à l'exécution du plan est également habilité à engager des actions dans l'intérêt collectif des créanciers. » ;
2° bis Dans la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « procureur de la République » sont remplacés par les mots : « ministère public » ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le commissaire à l'exécution du plan peut être remplacé par le tribunal, soit d'office, soit à la demande du ministère public. » - (Adopté.)
Article 89
L'article L. 626-23 est ainsi rédigé :
« Art. L. 626-23. - Une modification substantielle dans les objectifs ou les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du débiteur et sur le rapport du commissaire à l'exécution du plan.
« Le tribunal statue après avoir recueilli l'avis du ministère public et avoir entendu ou dûment appelé les parties, les contrôleurs, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et toute personne intéressée. »
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-23 du code de commerce, remplacer les mots :
les parties
par les mots :
le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
Difficultés de la filière agricole
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, c'est à vous personnellement que je m'adresse, et pas seulement au ministre en charge du secteur agricole. Vous connaissez la profession de vigneron, sa noblesse, son impact considérable sur notre société.
M. René-Pierre Signé. C'est vrai !
M. Gérard Delfau. Or la viticulture du Languedoc-Roussillon risque de disparaître en une génération si nous manquons de courage dans la crise qu'elle traverse.
Sous nos yeux, dans l'indifférence générale, de plus en plus de vignerons lâchent prise, brisés par la mévente continue d'un vin, dont ils sont fiers, pourtant, d'avoir amélioré la qualité.
Ils ont subi en peu de temps une baisse de 30 % de leurs revenus. Quelle profession accepterait une telle amputation de ressources ?
Des caves coopératives sont au bord de la cessation de paiement, d'autres, déjà fermées, se vendent au prix fort de l'immobilier, sans que les municipalités aient les moyens de racheter ce patrimoine.
Les stocks de vin sont au plus haut, alors qu'une récolte abondante se prépare.
Les prix de vente sont sans cesse tirés à la baisse par un négoce et une grande distribution qui se savent en position de force. Les modalités de retiraison et les délais de paiement imposés par les circuits de commercialisation seraient jugés inacceptables dans toutes les autres branches. Les causes structurelles de cette crise sont connues, je n'y reviens pas.
Les mesures conjoncturelles que vous avez prises et que vous allez sans doute exposer de nouveau, monsieur le ministre, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Même la distillation obligatoire, arrachée trop tard à Bruxelles, démarre lentement, en raison de la faible attractivité de son montant par rapport aux prix des vins d'appellation d'origine contrôlée, les AOC. Le supplément de crédits publics destinés à l'exportation, 7 millions d'euros, est dérisoire. Quant à l'arrachage définitif auquel vous entrouvrez la porte, il risque d'aboutir à une nouvelle poussée d'urbanisation mal contrôlée, sans apporter de remède de fond.
Depuis deux ans, des cortèges pacifiques ont défilé dans les grandes villes du Languedoc-Roussillon.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Delfau !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est important !
M. Gérard Delfau. Je termine, monsieur le président.
Des actions individuelles violentes ont été commises, traduisant la désespérance. Il est temps, monsieur le ministre, de reprendre la situation en main, de réunir l'ensemble des acteurs de la filière et, avec l'aide des élus, de chercher des solutions d'avenir.
Que pensez-vous faire, monsieur le ministre, sur ce dossier brûlant avant les vendanges, cette échéance à la fois très belle et redoutable ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Delfau, le cri d'inquiétude que vous venez de lancer devant la Haute Assemblée est justifié. Quelles que soient les difficultés que connaissent les différents vignobles, elles ne sont en rien comparables à celles qui frappent actuellement le Languedoc-Roussillon. C'est d'ailleurs une affaire récurrente car, dans le passé, cette région a déjà connu des difficultés et a déjà lancé de tels cris d'alarme.
Comme vous le savez, je me suis rendu à plusieurs reprises dans chacun des départements de votre région et nous avons déjà réagi.
Nous avons pris des mesures de soutien conjoncturelles, pour un montant supérieur à 100 millions d'euros ; 45 % de ces sommes destinées aux caves coopératives et aux viticulteurs ont été effectivement affectées sur le terrain.
Par ailleurs, nous avons obtenu de la Commission européenne, voilà déjà plusieurs mois, un taux historique de distillation : 3,35 % pour les AOC, et ce pour 1,5 million d'hectolitres, et 2,48 % pour les vins de table. Cette possibilité étant ouverte jusqu'au 31 juillet, j'invite celles et ceux qui souhaitent en bénéficier à présenter leur dossier le plus rapidement possible. Certes, ce n'est pas une solution extraordinaire, mais cela permet de réagir.
Si nous voulons que notre vignoble se développe, monsieur Delfau, il faut exporter.
J'ai été très surpris l'autre jour par la qualité de la présentation des vignobles du Languedoc-Roussillon à Vinexpo. J'ai bien senti la volonté des viticulteurs de se battre et d'exporter ; leurs stands étaient parmi les plus beaux.
Nous avons affecté 7 millions d'euros de crédits à l'exportation. M. le Premier ministre a souhaité que j'aie à mes côtés un « Monsieur Exportations viticoles » qui commence à travailler. Je recevrai de nouveau dans quelques semaines l'ensemble des représentants de la viticulture de votre région. Nous travaillerons ensemble à l'élaboration de mesures structurelles supplémentaires et nous ferons le point.
La crise de la région Languedoc-Roussillon sera traitée, monsieur Delfau. Le gouvernement de Dominique de Villepin en prend l'engagement. Nous avons entendu votre message, nous continuerons à travailler avec vous sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, ce n'est ni par hasard ni par fantaisie que la France a toujours considéré que, pour des raisons économiques, sociales, culturelles et territoriales, son agriculture représentait un élément fondateur de sa substance.
Il ne faut pas s'étonner que, depuis plus de quarante ans, l'agriculture soit demeurée une force pour l'Union européenne.
M. René-Pierre Signé. Labourages et pâturages !
M. Henri de Raincourt. Pilier de l'union à six dans un contexte de pénurie alimentaire et élément central des élargissements successifs, la politique agricole commune a permis d'assurer à l'Europe son autosuffisance alimentaire et de garantir aux consommateurs une production de qualité, sans parler de ses capacités exportatrices.
M. René-Pierre Signé. Il a 900 hectares !
M. Henri de Raincourt. Pourtant, malgré ces succès indéniables, la politique agricole commune fait aujourd'hui l'objet d'une remise en cause de la part de certains pays membres - et même parfois dans notre pays hélas ! -, au premier rang desquels la Grande Bretagne, qui prend aujourd'hui la présidence de l'Union.
M. René-Pierre Signé. Accélérez !
M. Henri de Raincourt. Cette remise en cause, outre qu'elle s'appuie sur des contrevérités, aurait pour effet une transformation brutale de notre agriculture.
En réalité, il est faux de prétendre que la politique agricole commune ne profite qu'à 4 % des Européens. En effet, l'ensemble de la filière agroalimentaire représente deux fois plus d'emplois que les actifs agricoles proprement dits, sans compter tous les emplois induits.
Au demeurant, les Britanniques sont-ils les mieux placés pour donner des leçons en matière de politique agricole et de rigueur budgétaire sur la PAC ? L'Europe n'a pas oublié qu'elle a payé au prix fort les erreurs britanniques, notamment dans la crise de la vache folle et celle de la fièvre aphteuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. La question !
M. Henri de Raincourt. Alors que depuis un demi-siècle le monde agricole a montré de formidables capacités d'adaptation pour répondre aux attentes de l'Union européenne, la remise en cause des fondements de la politique agricole commune réduirait la visibilité des agriculteurs pour l'avenir et susciterait la désespérance, antichambre de la violence.
Aussi serait-il utile, monsieur le Premier ministre, de connaître les intentions de votre gouvernement face à ces attaques et de savoir quel message vous souhaitez délivrer à l'intention des agriculteurs, premiers acteurs de l'ensemble de la chaîne agroalimentaire, mais également architectes des paysages qui ont fait de la France et de ses campagnes le pays enchanté, loué par ses habitants et ses nombreux visiteurs étrangers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. René-Pierre Signé. M. de Raincourt est bien lyrique !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur de Raincourt, vous avez raison de faire appel au lyrisme quand vous parlez de notre agriculture. Nous savons en effet tout ce que nous lui devons.
Vous avez parlé en grand connaisseur du milieu agricole, et je vous en remercie.
N'ayez aucun souci : le Président de la République et le Gouvernement sont conscients de l'enjeu essentiel que représente l'agriculture française pour la France, mais aussi pour l'Europe. C'est un atout que nous voulons défendre.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. La politique agricole commune constitue l'une des forces de l'Europe. Il ne faut pas oublier que l'agriculture a donné à l'Europe son indépendance. Voilà quarante ans, l'agriculture européenne n'était pas autonome et ne pouvait satisfaire notre exigence d'indépendance en la matière.
En quarante ans, nous avons donc rattrapé le temps perdu : aujourd'hui, l'Europe est la deuxième puissance agricole au monde.
La politique agricole commune est également un atout pour notre pays, et ce à plusieurs titres. De ce point de vue, nous ne devons pas bouder notre satisfaction et fuir notre responsabilité.
Vous le savez, monsieur le sénateur, c'est d'abord un atout pour notre emploi : les filières agricoles et agroalimentaires représentent 2,5 millions d'emplois dans notre pays.
M. René-Pierre Signé. Il n'y a toujours pas de réponse !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. C'est ensuite un atout économique : la France est le premier exportateur de produits transformés au monde. Or, quand on est champion du monde, on ne laisse pas sa place, on assume ses responsabilités ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
Allons-nous renoncer à ces atouts, à cette responsabilité à l'égard de notre planète, alors qu'il y a plus de 6 milliards d'hommes, de femmes et d'enfants à nourrir ? Aujourd'hui, les Etats-Unis ambitionnent d'être les seuls maîtres du « pouvoir vert ». Nous serions à la fois bien naïfs et bien irresponsables de ne pas agir : nous tiendrons notre rang et nous assumerons notre responsabilité pleine et entière dans ce domaine.
La politique agricole commune est également un atout pour le développement économique de nos territoires. Nous ne l'oublions pas, l'identité de notre pays est profondément marquée par notre agriculture. Les Français sont attachés à leurs territoires, à leurs terroirs. Nous pouvons le constater tous les week-ends : ils aiment se rendre dans ces lieux, qui sont la marque de leur identité.
La politique agricole commune est enfin une chance pour l'avenir. Ce serait une profonde erreur d'imaginer que l'agriculture appartient à un passé lointain. Elle garantit la sécurité de ce que nous mangeons et de ce que nous produisons, sécurité à laquelle nous sommes très attachés. Les Français souhaitent en effet connaître aujourd'hui l'origine et la traçabilité des produits qui sont dans leur assiette, ainsi que leur chaîne de fabrication et de distribution. Il faut le rappeler, la France est leader dans le domaine de la sécurité alimentaire.
M. Henri de Raincourt. Exactement !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Le poulet asiatique, la vache folle, ce n'est pas chez nous ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
En outre, l'agriculture est respectueuse de l'environnement et de l'équilibre de nos paysages. Cette tradition-là, nous en sommes aussi comptables. Elle fait partie de notre héritage.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Le 11 juillet prochain, je recevrai les principaux représentants des organisations agricoles, afin de préparer avec eux les prochaines échéances, qu'il s'agisse du projet de loi d'orientation agricole ou de l'Organisation mondiale du commerce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Je doute que les agriculteurs soient satisfaits par cette réponse !