PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
commerce extérieur
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le commerce extérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme il est de tradition lorsque l'on parle du commerce extérieur, qui est un thème relativement consensuel entre nous, je commencerai ma présentation par une bref tableau de la situation internationale et de la position française au regard des derniers chiffres connus, avant de commenter les grandes évolution du budget proprement dit.
L'originalité de l'année consistera en un commentaire des indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui ont pu nous être transmis.
Quelle est la situation du commerce extérieur français ?
Il convient tout d'abord de replacer son évolution dans un contexte plus large. Plusieurs éléments peuvent le caractériser, qui sont d'une grande importance. Ainsi, l'année 2004 a été marquée par un retour limité de la croissance, mais nous ignorons si elle se poursuivra. En effet, la hausse continue des prix du pétrole, les incertitudes géopolitiques ou bien les craintes suscitées par l'élargissement de l'Union européenne sont autant de facteurs qui pourraient, le moment venu, handicaper une croissance qui reste fragile.
Au niveau des négociations internationales, deux faits doivent être rappelés.
D'abord, l'échec du sommet de Cancun, qui a révélé de graves divergences entre les différents partenaires. La déclaration interministérielle qui a conclu les débats, réaffirmant la détermination des membres à achever les négociations au 1er janvier 2005, ne doit pas dissimuler les incertitudes qui pèsent sur cette forme de multilatéralisme. Si un accord-cadre a pu être négocié le 31 juillet 2004, il ne préjuge en rien le contenu de l'accord final et il n'est pas certain que l'échéancier puisse être tenu.
Ensuite, les différends commerciaux entre l'Europe et les Etats-Unis semblent plus exacerbés que jamais. Le rapporteur spécial des crédits de l'aviation civile, notre collègue Yvon Collin, a fait état de ses craintes quant au contentieux relatif à Airbus. Je partage naturellement son point de vue, même s'il faut faire la part des choses. On observe, en effet, une concordance troublante entre la campagne électorale américaine et les plaintes de l'administration, et il n'est absolument pas certain que Boeing ait intérêt à porter l'affaire devant l'organe de règlement des différends. Donc, sur ce point, nous devons attendre la position de la nouvelle administration Bush.
J'en viens maintenant à la position française.
En apparence, elle s'est caractérisée, au premier semestre 2004, par une hausse des exportations de 3,1 %. Cependant, les importations ayant progressé de 3,8 %, l'excédent commercial est en recul, à 1,1 milliard d'euros, alors qu'il était de 2,2 milliards d'euros au second semestre 2003. Naturellement, ce chiffre peut sembler inquiétant. Il convient toutefois de le relativiser.
Tout d'abord, une croissance des importations n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Je vous rappelle que les plus forts excédents commerciaux ont été constatés en années de crise, non pas à cause de la progression de nos exportations, mais tout simplement parce que les gens ne consommaient pas ! Donc, une partie au moins de ce tassement n'est que le reflet de la hausse, même modérée, de la consommation nationale. De plus, la part de marché mondial de la France reste stable, en termes tant absolus que relatifs.
Cependant, je voudrais, dans le temps qui m'est imparti, consacrer quelques développements à deux points qui me paraissent importants : les déséquilibres régionaux de nos échanges et la place des PME.
De manière optimale, la structure géographique de nos échanges devrait correspondre aux grandes tendances observées dans le monde. Or, on constate qu'ils sont toujours très nettement déséquilibrés en faveur de nos partenaires de l'Union européenne, avec 66 % du total.
De plus, alors que nos échanges avec l'Amérique latine et l'Afrique restent stables, ils ont tendance à reculer avec l'Asie émergente, notamment en raison de la crise monétaire violente de la fin des années quatre-vingt-dix.
Je ne citerai qu'un seul chiffre : l'Europe occidentale, le Proche-Orient et le Moyen-Orient représentent 45 % du commerce mondial, mais absorbent 75 % de nos échanges.
Pour ce qui est de la part des PME dans le commerce français, selon les dernières données disponibles, en 2002, sur 2,4 millions de PME, seules 115 000 ont participé aux échanges extérieurs, soit 5 %. Il y a donc une dissociation entre la réalité de l'économie française, composée essentiellement de PME, et la structure des exportations, majoritairement dominées par les grands groupes qui obtiennent, il est vrai, des résultats remarquables. A titre de comparaison, en Allemagne, 18 % des PME exportent.
Ces deux éléments - déséquilibre des échanges et place des PME - appellent des politiques volontaristes. C'est le sens de l'action lancée par le Gouvernement, qui doit s'inscrire sur le long terme, prévoyant des plans particuliers pour vingt-cinq pays cibles et une accessibilité plus grande des PME au réseau de la DREE, la direction des relations économiques extérieures, via notamment les directions régionales du commerce extérieur. Les régions devraient d'ailleurs recevoir prochainement des compétences plus larges en matière de promotion de leur territoire à l'international ; je crois que c'est une bonne chose.
Mais, plus que jamais, nous avons besoin d'actions concrètes. A titre d'exemple, je me permets de vous rappeler le contrôle sur la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA, que j'ai mené cette année avec mon collègue Joël Bourdin. Il s'agit là manifestement d'un bel instrument au profit du monde agricole, et il serait réellement dommage de ne pas en conserver en partie la maîtrise. Cependant, comme nous avons pu le montrer - et je pense que ce constat vaut pour le commerce extérieur - cela nécessite une vision claire et à long terme, ainsi qu'un vrai courage politique.
Il convient, dans ce contexte, de rappeler l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de la conférence de l'exportation, le 25 octobre dernier. L'ancien ministre d'Etat s'est montré déterminé à soutenir l'effort des entreprises françaises par le biais de plusieurs mesures, dont deux méritent d'être rappelées, même si elles ne concernent pas directement les crédits du commerce extérieur : un crédit d'impôt export pour les PME et un contrat emploi-export, sur le modèle des contrats de chantier. Nous jugerons de l'efficacité de ces mesures, mais il est évidemment positif que l'exportation mobilise les acteurs publics et privés.
Sur l'ensemble de ces thèmes, je souhaiterais que M. le ministre puisse nous donner son sentiment et qu'il nous précise le cadre que le Gouvernement se fixe afin d'améliorer de manière significative la position française au niveau international, partant du principe que, quelle que soit notre sensibilité politique, nous ne pouvons que souhaiter que la France demeure le grand pays exportateur qu'elle est depuis longtemps.
J'en viens, mes chers collègues, à la présentation des grandes lignes du projet de budget pour 2005.
Les crédits sont en nette baisse par rapport à 2004, puisqu'ils diminuent de 6,19 %. A cet égard, deux éléments doivent être soulignés.
D'une part, des efforts importants ont été mis en oeuvre par la direction des relations économiques extérieures, afin de rationaliser son réseau et de fermer certaines implantations. Il devrait ainsi être possible de financer les projets destinés aux « pays prioritaires ».
D'autre part, je vois dans cette réduction des crédits les effets très positifs de la contractualisation. Depuis plusieurs années déjà, la DREE et la direction du budget signent des « contrats de performance ». Sans entrer dans le détail, des objectifs qualitatifs et quantitatifs sont fixés de part et d'autre, et des évaluations sont réalisées annuellement.
On peut remarquer qu'il s'agit d'une préfiguration de la LOLF et que les méthodes employées pour ces contrats ont été utilisées pour l'ensemble des ministères. L'année dernière, je déplorais que le contrat n'ait pas été signé. De fait, il l'a bien été, la veille de l'examen du budget au Sénat ! On peut donc voir dans cette reconduction un élément extrêmement positif.
L'évolution des crédits appelle finalement peu de remarques. La réorganisation d'UbiFrance, fusionné avec le Centre français du commerce extérieur et dont une partie est délocalisée à Marseille, génère des économies de l'ordre de 5 millions d'euros.
En ce qui concerne la mise en place de la LOLF, l'actuel budget du commerce extérieur est éclaté en cinq missions différentes. Par souci de clarté, je ne présenterai que deux d'entre elles, les trois autres étant en fait assez éloignées des objectifs du commerce extérieur puisqu'elles concernent surtout l'aide au développement.
La mission « stratégie économique et pilotage des finances publiques » regroupe l'essentiel des crédits de l'administration centrale du ministère des finances, dont ceux de la DREE. On peut cependant isoler cette direction dans l'objectif n° 4, qui concerne « la prise en compte des intérêts économiques de la France ».
Il convient de remarquer que l'indicateur associé ne peut mesurer pleinement l'efficacité d'une action qui dépend de nombreux paramètres - attitude de nos principaux partenaires, importance des enjeux, etc. En conséquence, l'indicateur choisi est avant tout qualitatif. Il consiste à fixer annuellement des objectifs prioritaires de négociation et à évaluer sur cette base l'efficacité sur une échelle de zéro - objectif non atteint - à trois - objectif atteint -.
Pour l'année 2005, cinq négociations ont été choisies : l'amélioration des positions françaises dans la détermination des positions communautaires ; l'Organisation mondiale du commerce et la suite de la conférence ministérielle de Doha ; la poursuite des accords régionaux ; la promotion de la diversité culturelle, notamment dans le cadre de l'UNESCO ; enfin, les contentieux commerciaux transatlantiques.
Il convient de remarquer que la détermination des objectifs reste largement à l'appréciation du Gouvernement. Une information préalable du Parlement serait bienvenue, notamment destinée aux rapporteurs spéciaux et pour avis des commissions concernées.
La mission « développement et régulation économique » comprend un programme « développement des entreprises » qui vise à « faciliter le développement d'un tissu économique structurant pour les territoires et générateur d'emplois, tout en contribuant à la répartition équilibrée des activités sur le territoire ».
L'action n° 7 du programme « développement international de l'économie française » comprend la totalité des crédits des missions économiques à l'étranger et des directions régionales du commerce extérieur, les DRCE, tant en personnels qu'en fonctionnement et en immobilier, ainsi que les crédits d'intervention en faveur d'UbiFrance, de l'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, des expositions universelles, des contrats de plan Etat-régions mis en oeuvre par les DRCE. Il s'agit donc de la partie la plus importante du commerce extérieur.
L'action comprend deux finalités : le développement international des entreprises françaises par l'information, la mise en relation et la promotion, ainsi que l'implantation de sociétés étrangères par la mise en valeur du territoire national.
A ces deux finalités, on peut associer deux indicateurs.
L'indicateur n° 1 mesure le nombre d'entreprises clientes du réseau international de la DREE. Il prend donc pour données la base SIRET pour les entités françaises ou l'identifiant unique Athéna pour les entités à l'étranger. La mesure est de périodicité mensuelle.
Le choix de cet indicateur paraît pertinent. En effet, le fait pour une entreprise d'accéder au réseau payant de la DREE est la reconnaissance de l'efficacité de ses missions. Cela étant posé, l'indicateur pourrait être affiné en fonction de la taille de l'entreprise, ce qui permettrait de distinguer les efforts consentis en faveur des petites entreprises ou de déterminer si les plus grands groupes - qui, compte tenu de la structure du tissu économique français, représentent la majorité de nos exportations - utilisent aussi les services de la DREE.
De même, il n'est pas prévu d'associer à cet indicateur le taux de satisfaction des entreprises ; j'estime qu'il devrait également en être tenu compte.
Enfin, l'indicateur ne mesure pas les clients pour les opérations collectives à l'étranger, notamment les actions menées par UbiFrance, ce qui est regrettable puisqu'il s'agit précisément de la vocation de cette société.
Cet indicateur gagnerait donc à être affiné et enrichi.
Sous cette réserve, les indicateurs choisis me semblent permettre de manière relativement satisfaisante de déterminer la contribution de la DREE à la conduite de la politique commerciale de la France. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de la dernière décennie, l'insertion de la France dans les échanges internationaux s'est caractérisée par un solde commercial excédentaire et en forte hausse. Mais, en 2003, le solde commercial français a accusé un net recul : il s'est réduit de 4 milliards d'euros. Et, sur les neuf premiers mois de 2004, la France a même enregistré un déficit de 3,3 milliards d'euros.
On invoquera l'atonie de la demande mondiale, bien sûr, la faible croissance européenne, ainsi que l'appréciation de l'euro face au dollar, qui a effectivement fait perdre à nos exportateurs une partie des gains de compétitivité acquis dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix.
Face à cette perte de compétitivité, et pour soutenir les exportations, quelle action le Gouvernement a-t-il entrepris ?
Depuis deux ans, monsieur le ministre, vous avez redynamisé la politique de soutien public à l'export.
Tout d'abord, vous avez pris soin d'orienter notre dispositif dans une visée stratégique : nous échangeons insuffisamment avec les zones en forte croissance et, si rien n'était fait, la part de marché de la France dans le commerce mondial serait ramenée de 5,1 % en 2003 à 4,6 % en 2012. Comment la France pourrait-elle continuer à exporter autant en Autriche qu'en Chine, et seulement deux fois plus en Inde qu'à Malte ?
Vingt-cinq pays ont donc été identifiés comme cibles, en fonction de la taille de leur marché, de leur dynamisme et de l'insuffisante présence française, et ce, sans occulter nos priorités diplomatiques ; je pense au Maghreb. Pour chacun de ces pays, un plan d'action commerciale a été finalisé.
Au niveau sectoriel, la France n'est pas si mal placée, mais elle reste trop absente sur les secteurs les plus dynamiques. C'est pourquoi vous avez entrepris d'élaborer des plans d'action sectoriels pour développer nos exportations de produits de haute technologie et à fort contenu en innovation.
En complément, le Gouvernement entend donner un nouveau souffle au dispositif de soutien à nos entreprises exportatrices. Il s'agit de conforter les 110 000 PME exportatrices - dont la moitié sont occasionnelles - , mais aussi d'amener à l'export, d'ici à cinq ans, 50 000 nouvelles PME, ce qui rapprocherait la performance de la France de celle de ses voisins allemands et italiens.
Monsieur le ministre, vous avez déjà fait beaucoup : l'Agence UbiFrance est devenue le guichet national unique d'information et de promotion, le nombre de salons professionnels à l'étranger a déjà doublé et celui des volontaires internationaux en entreprise, les VIE, s'accroît sensiblement.
Vous avez dynamisé divers partenariats, notamment avec les conseillers du commerce extérieur, ou avec des réseaux bancaires, pour diffuser auprès des PME les produits publics d'accompagnement à l'export.
Enfin, à la suite du rapport de M. Paul-Henry Ravier, le Gouvernement compte mieux adapter aux besoins des entreprises, notamment petites, les garanties financières que l'Etat propose pour maîtriser les risques liés à l'internationalisation.
Surtout, avec l'appui du Président de la République, vous nous proposez deux mesures importantes pour soutenir l'emploi tourné vers l'export.
La première concerne un crédit d'impôt associé à tout recrutement de salarié pour la fonction export, dont le Sénat a opportunément porté le montant à 40 000 euros par entreprise et à 80 000 euros pour un groupement d'entreprises.
La seconde consiste en la création d'un nouveau contrat-export afin d'inciter les entreprises à recruter des cadres à l'exportation pour des durées limitées inconnues à l'avance. Nous l'examinerons attentivement.
Je conclurai en évoquant deux pistes prometteuses : d'une part, les expérimentations à venir en région qu'autorise la loi de décentralisation d'août dernier, qui offrent l'occasion de faire converger nos actions de soutien à l'export et de les rendre plus lisibles pour les entreprises ; d'autre part, l'éventuelle refonte du financement de la protection sociale, assis aujourd'hui sur les cotisations sociales et demain, peut-être, sur une TVA de compétitivité, comme l'a suggéré notre commission dans son récent rapport sur les délocalisations.
La TVA de compétitivité frapperait aussi bien les biens importés que les biens nationaux, qui gagneraient ainsi en compétitivité relative. En outre, les biens que nos entreprises exportent n'auraient pas à supporter cette taxe et se trouveraient donc plus compétitifs sur les marchés mondiaux. Je me réjouis que sa mise à l'étude ait été annoncée par Nicolas Sarkozy, voilà quelques jours.
Le projet de budget qui nous est soumis, à hauteur de 423,44 millions d'euros, permettra de servir l'ambitieuse politique que vous menez, monsieur le ministre. J'insiste sur la juste contrepartie de cet effort : le réseau de la direction des relations économiques extérieures, la DREE, ne doit pas subir de régulation budgétaire.
Je dirai un mot, enfin, de la présentation du prochain budget : son éclatement en cinq missions différentes n'est pas sans m'inquiéter s'agissant de la visibilité de votre action, mais je regrette surtout qu'aucun indicateur ne soit envisagé pour mesurer l'efficacité économique de l'action menée. Pourquoi ne pas continuer à mesurer, par exemple, l'effet de levier économique de l'assurance prospection en rapportant les exportations aux indemnités ? Cela permettrait de visualiser l'efficacité d'un tel outil pour l'accroissement des exportations des PME.
Car tel est bien pour moi, monsieur le ministre, l'enjeu de ce budget, sur lequel la commission des affaires économiques et du Plan a donné un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
- Groupe Union pour un mouvement populaire, 12 minutes ;
- Groupe socialiste, 7 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
- Groupe Communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
- Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on examine les crédits du commerce extérieur au sens strict figurant au budget des services financiers, nous sommes évidemment en présence de sommes relativement faibles, sans commune mesure avec les enjeux que recouvrent nos échanges internationaux.
En effet, pour 2005, compte tenu d'une transformation de postes de contractuels en postes de titulaires - à ce propos, les mêmes personnes occuperont-elles les mêmes postes ? -, les dépenses de l'agrégat « commerce extérieur » sont en diminution, passant d'un peu moins de 264 millions d'euros à un peu moins de 256 millions d'euros.
Cela se traduit, par exemple, par la mise en place, en 2005, au sein de la structure UbiFrance, créée pour regrouper les moyens de piloter le soutien à l'export des petites et moyennes entreprises, d'un plan social associé à la délocalisation à Marseille de ses activités et impliquant une réduction des effectifs.
En fait, pour s'en tenir à l'analyse des orientations politiques en matière de commerce extérieur, tout laisse à penser - notamment les dispositions de la première partie du projet de loi de finances - que l'on va désormais privilégier le crédit d'impôt et la dépense fiscale en faveur des entreprises désireuses de développer leur activité à l'export, au détriment de la dépense budgétaire directe, consistant par exemple à développer le service des relations économiques extérieures.
On notera que cette politique vise concrètement les PME, ce qui ne peut manquer de nous faire penser que le soutien à l'export va désormais être un peu plus segmenté qu'il ne l'était par le passé.
Aux grands groupes et aux grandes entreprises à visée stratégique - je pense aux sociétés spécialisées dans la production et la vente de matériels militaires, de matériels de transport ferroviaire ou de turbines de production électrique - sera accordé le soutien direct immédiat avec les crédits de bonification de la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE.
Aux petites et moyennes entreprises sera réservé un soutien par la dépense fiscale, autrement dit non immédiat, accordé « au petit bonheur la chance » en fonction de leur capacité à proposer un ou des produits innovants sur les nouveaux marchés à conquérir.
L'autre aspect de la politique mise en place est évidemment celui du ciblage des pays vers lesquels nous allons produire un effort particulier.
Outre un certain nombre de nos partenaires européens, avec lesquels, globalement, nous continuons d'éprouver des difficultés à l'export, les cibles concernent également les pays d'Amérique du Nord, le Japon, les pays du Maghreb et certains des grands pays émergents, la Chine constituant de ce point de vue le meilleur exemple.
Un tel ciblage pose question.
On peut comprendre la volonté de gagner des parts de marché dans le commerce mondial quand notre excédent est en baisse et notre part globale dans les échanges commerciaux internationaux en déclin, mais on ne peut oublier qu'il faudrait peut- être attendre de la France autre chose, notamment qu'elle contribue, autant que faire se peut, à résoudre, par ses interventions et son rôle sur le plan international, une partie des inégalités liées à l'organisation des échanges internationaux.
La France peut et doit porter plus encore la coopération économique internationale et favoriser l'émergence d'un commerce international plus vertueux et plus équitable.
Mais nous sommes aussi préoccupés par le fait que ce ciblage prioritaire peut conduire, au-delà de la conquête des parts de marché et des transferts de technologie, au transfert pur et simple, à terme, des activités par délocalisation.
Deux autres questions essentielles pèsent dans le débat cette année.
La première est celle du renchérissement de l'euro, qui risque fort de déprimer nos échanges en 2005 et de rendre les produits français, malgré toutes leurs qualités, moins compétitifs que les produits d'autres pays, et singulièrement ceux des Etats-Unis.
Une fois encore est prouvée toute la nocivité de cette logique de l'euro fort, qui risque de peser gravement sur la qualité de nos échanges.
La seconde question a trait à la fiscalité de l'exportation.
Certains esprits bien intentionnés ont, en effet, en vue de procéder à la mise en avant de la TVA sociale.
En réduisant le coût de production par abaissement des cotisations sociales normalement dues par les entreprises, on rendrait les produits français plus compétitifs à l'export,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bravo ! Quelle bonne idée !
Mme Evelyne Didier. ...étant donné que l'exonération de TVA à la sortie du territoire constitue la plus formidable incitation qui puisse se trouver pour développer les échanges internationaux.
Une telle perspective, je vous le dis tout net, doit être rejetée, de notre point de vue, bien entendu.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faudrait que nous puissions en débattre !
Mme Evelyne Didier. Elle conduirait, en effet, à une déprime du marché intérieur...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !
Mme Evelyne Didier. ...parce qu'il est fort probable que la baisse des cotisations sociales ne serait pas intégralement répercutée sur les prix...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est faux !
Mme Evelyne Didier. ... et les tirerait à la hausse sur le territoire français.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certainement pas !
Mme Evelyne Didier. C'est à voir !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Parlons-en !
Mme Evelyne Didier. De plus, elle ne serait qu'une formidable incitation pour les plus grands groupes à vocation internationale à délocaliser encore un peu plus leurs activités.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non ! Non !
Mme Evelyne Didier. Au-delà de toute autre considération, au motif de répondre à une exigence de compétitivité internationale, la TVA sociale ne serait en fin de compte qu'un cadeau fiscal et social de plus pour les entreprises à base française, mais à vocation internationale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, madame Didier ?
Mme Evelyne Didier. Je préférerais conclure, car il ne me reste plus qu'un paragraphe à exposer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'insiste pour vous répondre en cet instant, ma chère collègue !
Mme Evelyne Didier. Si vous y tenez vraiment, je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout l'intérêt de la séance publique, c'est que nous puissions débattre et introduire un peu de spontanéité dans nos échanges, faute de quoi nous resterons dans le triptyque liturgie, léthargie, litanie... (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) et nous ne donnerons pas de valeur ajoutée à ces débats budgétaires.
M. Yves Coquelle. Certains discours vous déplairaient-ils ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ma chère collègue, je souhaite que nous puissions débattre franchement de ce modèle de prélèvements obligatoires. Ce sujet était au coeur du débat ce matin.
Vous dites que la TVA sociale serait un cadeau fiscal fait aux entreprises. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Cette référence est historiquement datée ! Elle remonte à une époque où la globalisation n'existait pas !
M. Yves Coquelle. Ah oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous constatez, comme nous tous, que les délocalisations sont là. Ce matin, Hélène Luc faisait référence à un cas extrêmement précis.
Mme Evelyne Didier. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si nous maintenons des impôts sur la production, nous organisons les délocalisations. En revanche, si nous leur substituons un impôt sur les produits, alors nous mettons à parité ce qui est fabriqué en Chine, en Extrême-Orient ou ailleurs.
Mme Evelyne Didier. C'est sûrement avec cette mesure que vous allez arrêter les délocalisations !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ainsi que vous redonnerez de la compétitivité aux produits français.
Si vous taxez la production, vous aurez peut-être la satisfaction idéologique d'imposer les entreprises, mais je vous rends attentive au fait que vous serez alors complice de la délocalisation. (M. Yves Coquelle s'esclaffe.)
La problématique est bien là !
M. Aymeri de Montesquiou. Eh oui, c'est vrai !
Mme Evelyne Didier. Là, vous poussez le bouchon un peu loin, monsieur Arthuis !
M. Yves Coquelle. C'est tout de même un peu fort de café !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite que nous ayons ce débat de fond.
Si nous restons calés sur cette idée des prélèvements obligatoires, ce sera alors idéologiquement et « politiquement correct ». Mais que dirons-nous à ces hommes et à ces femmes qui se désespèrent, soit parce qu'ils sont au chômage, soit parce qu'ils craignent de perdre leur emploi ?
M. Yves Coquelle. Tout à l'heure, nous serons les responsables des délocalisations !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Alors, je vous en prie, essayons d'avoir un vrai échange sur ces questions et de sortir d'une vision quelque peu datée au plan historique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur Arthuis, il faut savoir jusqu'où vous voulez aller en termes de flexibilité et de baisse des salaires. Vous parlez d'idéologie, mais vous tenez, vous aussi, un discours complètement idéologique. C'est le vôtre. Chacun le sien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sur la flexibilité, aussi !
Mme Evelyne Didier. En tout cas, je répète qu'il faut savoir jusqu'où l'on est capable d'aller dans ce domaine, car, ne nous y trompons pas, la flexibilité s'accompagne de la paupérisation. Et l'on verra si vous parvenez à stopper les délocalisations !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ma chère collègue, je suggère que nous fassions ensemble un voyage d'étude au Danemark, où je me suis rendu récemment. (Sourires.)
M. Yves Coquelle. Oh !
M. le président. C'est l'invitation au voyage !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce pays social-démocrate affiche 50 % de prélèvements obligatoires par rapport au PIB et pratique une flexibilité totale.
M. Yves Coquelle. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il bénéficie du plein emploi, je le souligne !
M. Yves Coquelle. Ah oui ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pensez-vous qu'on licencie en éprouvant une espèce de jubilation ? Je n'y crois pas un seul instant. Si vous introduisez de la flexibilité,...
M. Yves Coquelle. Bien sûr, pour casser les conditions de travail !
Mme Evelyne Didier. Et sans état d'âme !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances....vous vous redonnez les chances d'accéder au plein emploi.
En tout état de cause, j'espère que nous aurons à nouveau ce débat.
M. le président. Laissez conclure l'orateur, monsieur le président de la commission.
Mme Evelyne Didier. Je conclurai en affirmant que la politique du commerce extérieur, telle qu'elle est définie dans le présent projet de loi de finances, ne nous convient pas, comme vous vous en doutez. Aussi, nous ne voterons pas les crédits qui lui sont affectés.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'économie mondiale est en grand bouleversement. Toutefois, les structures de notre commerce extérieur restent trop figées, alors que leur fonction est d'aider les entreprises françaises à s'adapter au marché international. La France a perdu cette année sa place de quatrième exportateur mondial au profit de la Chine. L'Allemagne a, pour sa part, ravi le premier rang mondial aux Etats-Unis.
Je proposerai trois pistes pour redéfinir l'organisation de notre commerce extérieur : envisager une nouvelle architecture, enraciner l'esprit de performance insufflé par la loi organique relative aux lois de finances et créer un pôle de prospective avec les ministères de la recherche et de l'industrie.
L'Union européenne ne peut plus être considérée comme une zone d'exportation. Souvent, des entreprises ayant recours aux services de nos missions économiques s'entendent dire qu'elles trouveraient les informations demandées sur le web.
A cet égard, je prendrai un exemple ponctuel, mais révélateur : un viticulteur français sollicitant notre mission économique à Bruxelles s'est entendu répondre par un fonctionnaire qu'il pouvait consulter les pages jaunes ! Ce fonctionnaire, de bon sens, avait raison, mais il avouait ainsi que rien ne justifiait sa présence en Belgique. De plus, les sites du ministère chargé du commerce extérieur et d'UbiFrance sont de grande qualité et procurent des informations précises, utiles et souvent suffisantes.
En 2003, les deux tiers des échanges de la France ont été réalisés avec les pays membres de l'Union européenne, mais il ne faut plus les considérer comme des exportations. Il convient d'intégrer une fois pour toutes l'idée que nous faisons partie d'un marché unique. Cela permettrait d'avoir une vue non seulement plus prospective et politique, mais aussi plus dynamique de nos échanges internationaux.
Nos vraies cibles doivent être des pays en forte croissance et au grand potentiel en raison de leur population et de leur développement. Orientons donc l'essentiel de notre force de frappe vers ces pays et luttons contre ce conservatisme qui consiste à pérenniser des structures et des postes sans prendre en compte une évolution qui s'accélèrera avec l'intensification de la mondialisation.
Ainsi, il est absurde aujourd'hui d'avoir, entre autres, quatre-vingts personnes en Allemagne et seulement soixante-dix-sept en Chine, cinquante-six en Italie et quarante-trois en Inde !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une bonne question !
M. Aymeri de Montesquiou. Certaines villes chinoises comptent plusieurs millions d'habitants, et nous en sommes totalement absents. Un redéploiement radical ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. le ministre est sensible à la notion de « radical » ! (Sourires.)
M. Aymeri de Montesquiou. ... est indispensable pour que nous ne soyons pas exclus des marchés porteurs. Désigner la Chine comme une cible à nos entreprises est, en ce sens, une excellente initiative, mais mettez en place les structures nécessaires, monsieur le ministre !
Pour améliorer la performance de la gestion publique et la culture de résultat sous-tendues par la LOLF, il faut poursuivre la rationalisation et le redéploiement des effectifs que vous avez mis en oeuvre.
Dans le même esprit de recherche de résultat, nous pourrions envisager l'instauration d'une prime pour les missions économiques les plus performantes. L'efficacité des missions économiques, qui est souvent fonction de la personnalité des responsables des postes, doit être prise en compte. Je propose qu'une partie des salaires soit liée à l'augmentation du chiffre d'affaires de chaque poste : cela satisfera les meilleurs et tirera les moins bons de leur somnolence.
Votre ministère doit prendre plus en compte son rôle stratégique. Il doit, par sa connaissance globale, donner une perspective aux entreprises, lesquelles ont souvent une vision sectorielle qui est réduite à leur activité. Elles pourraient ainsi anticiper les changements du marché pouvant s'avérer désastreux ou très prometteurs.
Cette philosophie du ministère chargé du commerce extérieur implique un lien permanent avec les ministères de la recherche et de l'industrie. Une recherche et une politique industrielle européennes auraient un effet multiplicateur, sans doute vital, si la France et l'Europe veulent rivaliser avec les deux géants, qui grandiront encore beaucoup, que sont l'Inde et la Chine.
Un élément de cette stratégie est l'accueil des étudiants étrangers des pays aux marchés porteurs. En 2003-2004, plus de 51 % des étudiants étrangers inscrits à l'université étaient originaires d'Afrique et seulement 17 % d'entre eux étaient originaires d'Asie. Je conçois l'attachement historique de la France à l'Afrique, mais un réajustement en faveur des pays d'Asie me semble impératif.
Par ailleurs, un autre élément important est celui du volontariat international en entreprise, le VIE. Il connaît toujours une très forte demande, avec environ 40 000 candidats, mais l'offre est encore insuffisante : l'an dernier, 2 198 volontaires étaient en poste à l'étranger, essentiellement dans des grands groupes, seuls 20 % d'entre eux étaient dans des PME. Des moyens incitatifs forts pour les PME intégrant ces volontaires permettraient de réduire l'écart considérable qui existe entre le nombre de PME françaises exportatrices et leurs concurrentes italiennes ou allemandes.
Avec la modernisation de la gestion publique, la simplification des procédures et la régionalisation du commerce extérieur, votre action à la tête du ministère chargé du commerce extérieur depuis maintenant trois ans va dans le bon sens.
Cependant, les échanges mondiaux vivent une révolution. Dès lors, monsieur le ministre, révolutionnez votre ministère ! Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera vos crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le solde de la balance commerciale de la France accuse un repli notable depuis plusieurs mois : il n'est que de 1,1 milliard d'euros au premier semestre de 2004 alors qu'il s'élevait à 2,2 milliards d'euros au dernier semestre de 2003. Il est de notre devoir de nous interroger sur cette inquiétante inversion de tendance.
Alors qu'en 2003 le solde de la balance courante était toujours excédentaire avec 4,8 milliards d'euros, c'est notamment la hausse plus rapide des importations qui conduit, cette année, au tassement de notre excédent commercial. En outre, comparé au dynamisme du commerce mondial, avec plus de 8,5 % attendus en 2004, ce tassement confirme le lent grignotage des parts françaises sur les marchés extérieurs.
Si, au sein de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, notre part de marché reste relativement bonne, au niveau mondial, la part de marché de la France dans les échanges de marchandises s'est établie, selon l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, à 5,1 % en 2003. Ce pourcentage est stable par rapport à 2002, mais il est en baisse sensible depuis 1993, puisqu'il s'élevait alors à 5,9 %. Si rien ne change, la France pourrait perdre 0,5 point de parts de marché supplémentaires d'ici à 2012.
S'agissant des exportations, ce sont les échanges industriels qui dominent le commerce extérieur de la France. En la matière, l'économie française possède des atouts structurels que sont non seulement, bien entendu, les secteurs dans lesquels elle détient traditionnellement des avantages comparatifs forts, mais également les gains de compétitivité qui se sont accumulés depuis le début des années quatre-vingt-dix, dans le secteur manufacturier en particulier.
Cette progression encourageante se lit aisément dans les statistiques relatives aux années 1994-2000. Ainsi, eu égard aux prix, la compétitivité s'est améliorée de 9,3 %. Comparée à la moyenne des vingt dernières années, elle est même, en 2004, supérieure de 2 % en moyenne. Eu égard aux coûts, la compétitivité a progressé de 25 % ; toujours comparée à la moyenne des vingt dernières années ; elle reste, en 2004, supérieure de 15 % en moyenne.
En outre, rappelons que la France se singularise en adoptant un bon positionnement sur les segments « hors prix » à l'exportation.
Ces observations concrètes vont singulièrement à l'encontre du discours tenu par le Gouvernement quant à une supposée détérioration de la compétitivité française. On ne peut manquer de constater qu'un certain « prêt-à-penser idéologique » est mis à mal de manière flagrante, de même que la prétendue « perte d'attractivité du site France », qui est si souvent citée par M. le Premier ministre, a été contestée dans un rapport qui a été récemment rendu public par le conseil des impôts, mais également dans plusieurs rapports de l'OCDE ou de l'INSEE notamment.
M. Daniel Raoul. C'est bien !
M. François Marc. Il est vrai que, depuis trois ans, notre économie est confrontée au mouvement d'appréciation de l'euro, une appréciation qui se révèle mécaniquement pénalisante pour nos échanges. Mais cette appréciation de l'euro est de nature conjoncturelle. Elle n'obère en rien les facteurs intrinsèques de compétitivité de nos entreprises ni leur capacité à rebondir.
En revanche, deux problèmes structurels majeurs doivent être mis en avant.
Il s'agit, tout d'abord, de la structure déséquilibrée du positionnement de la France à l'export ; M. le rapporteur spécial en a fait état dans son rapport, s'agissant notamment de notre présence dans la zone Asie-Amérique du Nord et Amérique du Sud, où nos entreprises ne contribuent aux exportations qu'à hauteur de 20 %.
Dans ces conditions, la France perd du terrain, notamment par rapport à l'Allemagne, qui a su développer, au cours de ces dernières années, une stratégie efficace et payante, notamment pour ses exportations vers la Chine.
Dans un tel contexte est-il bien raisonnable, monsieur le ministre, de diminuer de 9 % le montant global des dotations accordées aux organismes d'appui au commerce extérieur ?
En effet, en retranchant aux 50,3 millions d'euros du total inscrit sur cette ligne budgétaire les 10 millions d'euros exceptionnels qui seront versés à l'Agence française pour les investissements internationaux en vue de financer sa campagne pour l'image de la France en 2005, cela fera bien, au total, 40,39 millions d'euros contre 44,84 millions d'euros en 2004, soit une baisse de 9 % !
Ensuite, les multiples réorganisations qui affectent depuis quelques années aussi bien UbiFrance que la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, n'ont pas empêché le commerce extérieur français de marquer le pas ni de continuer à n'avoir pour principal moteur que les grands groupes déjà présents à l'étranger. Malheureusement, on ne compte pas plus de 100 000 PME et PMI présentes à l'exportation, contrairement à notre partenaire italien, avec 170 000 PME exportatrices, ou notre partenaire allemand, avec 200 000 PME qui exportent.
Monsieur le ministre, la situation du commerce extérieur devient inquiétante. Vous annoncez la mise en place d'un crédit d'impôt en 2005 pour les PME, la création d'un contrat de travail spécifique à l'export et la définition de vingt-cinq nouveaux pays cibles dans des pays émergents. Cet objectif est louable et cette action est nécessaire. Toutefois, j'aimerais être sûr qu'il s'agit bien de soutenir nos exportations et l'emploi qu'elles génèrent en France.
La compétitivité de nos entreprises est bonne, elle est même excellente, monsieur le ministre, contrairement à ce que l'on entend souvent dire, et les employés de ces entreprises ont apporté une large contribution à ce succès.
Dans ces conditions, ne doit-on pas attendre un plus grand sens des responsabilités d'un gouvernement qui, par ses déclarations politiciennes sur la prétendue perte de compétitivité de la France, crée un contexte propice à la démobilisation et à la démotivation de nos PME face à l'exportation ? Cette question mérite incontestablement d'être posée. Monsieur le ministre, j'en suis certain, vous nous apporterez des éclaircissements en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le ministre, si j'ai souhaité intervenir au cours de la discussion de ce projet de budget pour 2005, c'est avant tout pour saluer vos efforts et pour soutenir l'action que vous poursuivez, avec succès, depuis que vous avez pris vos fonctions.
M. Daniel Raoul. On s'en doutait !
M. André Ferrand. Je pense, en particulier, aux initiatives que vous avez prises pour améliorer notre dispositif d'appui aux entreprises à l'international et pour encourager ces dernières à s'ouvrir sur les marchés extérieurs.
Grâce à nos excellents rapporteurs, cette action a été décrite et approuvée sous tous ses aspects ; je n'y reviendrai donc pas.
Mon propos consistera seulement à évoquer trois points qui ne me paraissent pas nécessiter de grandes réformes, mais qui relèvent d'un ensemble de mesures diverses qui, réunies, contribuent à faire avancer la cause de notre commerce extérieur, en accélérant l'évolution des mentalités de nos compatriotes en général et de nos PME en particulier, en les amenant à acquérir et à s'imprégner d'une culture d'entreprise à l'international.
Je vous parlerai du volontariat international en entreprise, le VIE, de la décentralisation du commerce extérieur et des chambres de commerce françaises à l'étranger.
S'agissant des VIE, il faut saluer votre persévérance et vos talents de communicateur, monsieur le ministre, ainsi que l'action d'UbiFrance, qui ont permis que s'amorce, ces derniers mois, un net décollage du nombre de jeunes compatriotes qui partent, servant ainsi nos entreprises et acquérant une précieuse expérience internationale. Pour aller encore plus loin, comme vous le souhaitez, et pour atteindre l'objectif de 4 000 VIE en poste à la fin de l'année 2005, je suggère fortement que tout soit fait pour mettre en oeuvre les recommandations qui ont été récemment formulées par le comité national des conseillers du commerce extérieur.
Elles sont au nombre de trois.
Premièrement, parce que, pour les PME, les VIE coûtent encore top cher, il faut encourager les collectivités territoriales soucieuses de pousser leurs PME à l'international à prendre, à l'exemple du conseil général des Hauts -de- Seine, 40 % du coût des VIE à leur charge.
Deuxièmement, il faut qu'UbiFrance assure réellement l'intégralité de la gestion administrative des VIE, les confiant en quelque sorte « clé en main » aux PME.
Troisièmement, il faut cibler la communication en direction des directeurs des ressources humaines des grands groupes. Vous le savez, il existe des institutions qui, comme le centre interentreprises de l'expatriation, le CINDEX, et le cercle Magellan, pourraient constituer des forums propres à cet exercice.
Concernant la décentralisation du commerce extérieur, la question n'est pas simple, nous le savons, et vous avez raison de l'aborder sans a priori, sans esprit de système. Vous avez décidé d'envoyer un missus dominici à la rencontre des exécutifs régionaux et la moisson de données qu'il en rapportera vous sera, c'est certain, extrêmement précieuse pour la conduite de cette opération qui doit être un succès.
A mes yeux, et quels que soient, selon les différents environnements régionaux, les principaux acteurs en charge, l'enjeu essentiel consistera à mobiliser les élus locaux sur le sujet. Il faudra les convaincre que, au-delà des plaintes et des incantations, il n'y a pas de fatalité de la désertification industrielle et économique. Certes, la mondialisation et les délocalisations existent, mais malgré les conséquences souvent malheureuses et parfois dramatiques qui en découlent, il ne faut pas le nier, nous n'avons pas le choix : il faut apprendre à les gérer et réagir.
C'est concrètement, au niveau du terrain, que cette réaction doit se produire, afin de faire évoluer notre culture et d'imprégner l'ensemble du tissu non seulement économique mais aussi social. Vous savez mieux que moi, monsieur le ministre, vous qui êtes très proche des réalités de votre région, que de nombreux élus - sénateurs, en particulier - responsables d'exécutifs montrent l'exemple en emmenant eux-mêmes des PME dans des opérations internationales. Ils les sauvent ainsi souvent du déclin, voire d'une mort annoncée, préservant chez eux de précieux emplois, et leur permettant de se développer sur de nouveaux marchés.
Quel que soit le dispositif finalement adopté, cette décentralisation du système d'appui aux entreprises doit avoir pour résultat de rendre familiers aux élus tous les outils qui sont mis à leur disposition en France et à l'étranger.
Sur ce même sujet de la décentralisation, je voudrais également évoquer le partenariat maintenant ancien et dont chacun se félicite entre UbiFrance - le centre français du commerce extérieur, le CFCE, autrefois - et le Sénat. Peut-être serait-il intéressant de réfléchir et de mettre plus spécialement ce partenariat au service de cette belle cause qu'est la territorialisation de notre commerce extérieur.
Mon troisième point, monsieur le ministre, concerne nos chambres de commerce françaises à l'étranger.
J'ai participé, lundi dernier, à la chambre de commerce et d'industrie de Paris, à l'assemblée générale annuelle de l'association qui fédère un réseau de 110 implantations dans 75 pays : l'union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, l'UCCIFE. Cela a été pour moi une nouvelle occasion de regretter que l'on ne profite pas de tout le potentiel qu'elles représentent.
Si toutes ne sont pas au même niveau, le rôle et la valeur ajoutée des meilleures sont importants. Grâce aux efforts conjugués de leurs dirigeants, de l'UCCIFE, de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, l'ACFCI, et de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, la CCIP, le peloton des plus performantes s'agrandit régulièrement. Malgré cela, je pense qu'elles n'ont pas, dans le dispositif, la place qui devrait leur revenir. Il faut, me semble-t-il, faire en sorte qu'elles disposent des moyens, financiers en particulier, qui leur permettront d'accélérer ce mouvement d'homogénéisation de leur réseau et, ensuite, préciser les rôles confiés à chacune aux côtés des missions économiques dont il faudrait, chaque fois que c'est possible, les rapprocher, y compris au niveau de la localisation des bureaux.
UbiFrance, à qui vous avez confié la responsabilité de l'appui aux entreprises, pourrait utilement considérer que, au cas par cas, elle ira dans le bon sens chaque fois qu'elle pourra réduire le rôle des missions économiques à sa partie régalienne et élargir autant qu'elles en seront capables celui des chambres de commerce.
Avant de terminer, vous ne m'en voudrez pas si je soulève, auprès du ministre délégué au commerce extérieur, une question de grande actualité : elle concerne les PME françaises sinistrées en Côte-d'Ivoire.
A ce jour, on peut estimer que quelque cent soixante de nos compatriotes qui ont investi en Côte-d'Ivoire, y créant leur affaire, ont tout perdu : entreprise, fonds de commerce, matériel, maison et biens personnels. Rentrés en France dans les circonstances que l'on sait, ils sont en train de s'organiser collectivement, ce qui permettra aux services de l'Etat d'avoir des interlocuteurs pertinents et patentés.
Je ne peux malheureusement pas entrer, au cours de cette discussion budgétaire, dans le détail de ce qu'il conviendrait de faire pour mettre rapidement en oeuvre en leur faveur la solidarité nationale, qui relève du domaine interministériel ; mais, puisqu'il s'agit d'entrepreneurs français installés à l'étranger, je voudrais, monsieur le ministre, que vous interveniez dans ce dossier afin que, dans un premier temps, ils obtiennent un moratoire de la part des banques et de leurs autres créanciers et que, très vite, on leur donne les moyens de recommencer, sans doute ailleurs.
Ne représentent-ils pas, d'ailleurs, un potentiel d'entrepreneurs expérimentés qui pourraient profiter d'opportunités que notre dispositif à l'étranger, solidaire et mobilisé à cet effet, leur proposerait dans d'autres pays ?
J'ai rencontré leurs représentants ce matin même. Ils sont dignes et ne songent pas à baisser les bras ; et puis, monsieur le ministre, ils ne sont pas difficiles à trouver, ils ont basé à Strasbourg le siège de leur association !
J'en ai terminé, mais avant de quitter cette tribune, je voudrais encore, monsieur le ministre, vous remercier de tout l'intérêt qu'avec le réseau des missions économiques vous portez à nos écoles françaises à l'étranger, car vous avez pris conscience de toute leur importance en faveur de notre présence économique et de notre influence dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je voudrais simplement compléter l'intervention de mon collègue François Marc sur un point qui me tient beaucoup à coeur et qui permettra une transition avec les sujets qui vont nous occuper tout à l'heure : les PME, l'artisanat et le commerce.
La presse s'est largement fait l'écho, ces dernières semaines, de la crise que connaît le commerce extérieur français : la France est passée de 5,8% à 5,1% de part de marché et a laissé le quatrième rang mondial à la Chine.
Alors qu'il s'agit bien d'un secteur extrêmement important pour le développement de nos entreprises et plus particulièrement de nos PME, le budget que vous nous proposez ne semble pas être à la hauteur de l'enjeu. Aujourd'hui, sur les 2,4 millions d'entreprises que compte notre pays, 115 000 à peine participent au commerce extérieur, et 90 % des ventes sont réalisées par 10 % d'entre elles.
C'est pourtant au coeur même de notre réseau de PME que nous pourrions trouver des gisements d'emplois, si nous voulions nous en donner la peine.
Même Francis Mer, alors qu'il quittait le ministère des finances, considérait que « le problème de l'exportation tient au fait qu'elle n'est pas considérée comme fondamentale ».
Par ailleurs, l'implantation de nos clients traditionnels ne correspond plus aux marchés en expansion - d'où l'opération que vous avez menée en direction des vingt-cinq pays cibles - et je vous signale que des continents entiers sont en attente d'une présence française, en particulier l'Amérique du Sud, notamment le Mercosur.
Un certain nombre de marchés ne sont pas suffisamment explorés ou, s'ils le sont, c'est par trop peu d'entreprises. Nous avons tous dans nos départements des entreprises, notamment des PME, qui travaillent dans des secteurs proches, voire concurrents. Chacune de ces petites structures n'a pas les moyens humains et/ou financiers de développer une cellule internationale. Quand bien même elles les auraient, la méconnaissance des marchés, de la culture des différents pays et des outils existants suffirait à les dissuader.
Le volet commerce du XIIe contrat de plan Etat-région renforce les aides dans ce domaine mais le manque de cohérence et de généralisation est flagrant.
Aujourd'hui, l'essentiel est assuré soit par les réseaux d'appui mis en place par les régions, soit par les directions régionales du commerce extérieur. Dans ces deux cas, les territoires et leurs entreprises ne sont pas logés à la même enseigne. Les réseaux d'appui mis en place par les régions, comme ceux qui existent en Bretagne et en Rhône-Alpes, sont sûrement à approfondir et surtout à généraliser.
L'accompagnement par des structures extérieures n'y suffira pas si nous souhaitons avoir une politique du commerce extérieur véritablement ambitieuse. La France doit pouvoir proposer à son tissu de PME des solutions de mutualisation. C'est en se regroupant et en recrutant - au sein de groupements d'employeurs, par exemple - des cadres spécialisés à l'export qu'elles seront armées et prêtes à relever le défi de l'international.
Monsieur le ministre, vous parliez récemment de « chasser en meute ». C'est une expression que j'utilise volontiers au sein de mon agglomération et du département, car la réussite économique demande l'union de toutes les énergies. Les entreprises de la lunetterie italienne l'ont bien compris et travaillent ensemble à l'export, avec un succès qui fait logiquement envie.
Les solutions de regroupement, de mutualisation - type groupements d'employeurs, que j'ai déjà évoqués - permettraient de dépasser les obstacles, qui sont trop hauts pour une PME.
Ce type de solution durable, avec des structures et des emplois pérennes, me semble plus approprié que le contrat de longue durée déterminée que vous nous proposez, monsieur le ministre, pour les missions à l'exportation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'effort global en faveur du commerce extérieur atteint plus de 423 millions d'euros.
On l'a entendu, certains disent que ce n'est pas assez. Mais c'est oublier la volonté affichée et le dynamisme déployé par le Président de la République, Nicolas Sarkozy et vous-même, monsieur le ministre, pour encourager nos exportations.
En effet, alors que, pendant plusieurs années, le commerce extérieur a cessé d'être, dans notre pays, la priorité qu'il avait été après les chocs pétroliers, vous avez su lui redonner, avec ténacité, multipliant les déplacements à l'étranger afin de vanter les capacités et les talents de la France dans le monde, la place qu'il n'aurait jamais dû quitter.
Partant du constat très simple que la France reste trop tournée vers elle-même, vous avez pris un certain nombre de mesures très efficaces pour encourager nos entreprises, et plus particulièrement les PME, à développer leurs exportations.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'en citer quelques- unes.
Désormais, les entreprises ont un interlocuteur privilégié dans le domaine de l'export : c'est UbiFrance.
La fusion du centre français du commerce extérieur avec UbiFrance a notamment permis de créer un guichet national unique d'informations et d'accompagnement vers les marchés extérieurs, véritable outil de soutien aux entreprises.
De même, l'accord de partenariat conclu entre UbiFrance et le groupe Banque populaire permet de mettre à disposition des PME 16 000 responsables commerciaux du réseau Banque populaire susceptibles de leur proposer, d'une part, le recours à des VIE, d'autre part, des missions de prospection réalisées par le réseau des missions économiques à l'étranger.
Nous connaissons tous le dynamisme, la compétence et surtout la disponibilité de ces missions, qui ne demandent qu'à être sollicitées par nos entrepreneurs désireux d'investir sur les marchés extérieurs.
Vous envisagez de doubler le nombre de VIE ; ce sera un atout supplémentaire pour les PME, qui seront ainsi plus nombreuses à bénéficier à la fois d'avantages fiscaux mais aussi de l'audace de ces jeunes qui contribuera à leur développement.
Par ailleurs, n'oublions pas qu'un certain nombre des cadres travaillant dans des entreprises qui s'installent à l'étranger sont issus de ces jeunes qui ont découvert les marchés extérieurs en tant que VIE.
Ces mesures reflètent bien votre philosophie que je résumerai ainsi : desserrer les freins qui entravent l'exportation et, surtout innover, lorsque cela est nécessaire.
Cette année encore, vous avez souhaité axer votre politique sur l'accès des PME et des PMI à l'exportation. On ne peut que s'en réjouir, car, malgré les efforts déjà entrepris, elles restent encore trop frileuses.
En effet, à l'heure actuelle, un tiers du commerce extérieur est réalisé par les grands groupes français, un autre tiers par les filiales françaises des grands groupes étrangers et un dernier tiers seulement par les PME.
Cela est d'autant plus regrettable que la vitalité de nos PME est une clé essentielle du développement de notre commerce extérieur. Nos PME, on le sait, ont pourtant tous les atouts nécessaires pour réussir. Elles sont souvent porteuses de technologies très avancées et de savoir-faire industriels ou commerciaux qui n'ont rien à envier à ceux des grands groupes ni à ceux de leurs concurrents étrangers.
Je pense qu'il existe un vivier de plusieurs milliers de PME qui, demain, si elles sont suffisamment informées et aidées, pourraient s'intéresser à l'exportation et en faire ainsi profiter notre économie, puisque un milliard d'euros d'exportation supplémentaire crée 15 000 emplois en France ! Je suis persuadé que les mesures que vous nous proposez cette année contribueront à accroître l'emploi.
J'aimerais m'arrêter plus particulièrement sur certaines d'entre elles.
Dès 2005, les PME pourront bénéficier d'un crédit d'impôt pour les prospections commerciales réalisées en dehors de l'Espace économique européen. Cela permettra à de nombreuses PME qui n'ont pas les ressources humaines suffisantes pour prospecter à l'étranger et ramener des contrats de mettre le pied à l'étrier de l'export, notamment en direction des pays émergents.
De surcroît, par ce crédit d'impôt, vous allez encourager les consortiums de PME. En effet, les associations ou les groupements d'intérêt économique créés par les PME qui mutualiseront leur fonction export pourront bénéficier de cet impôt majoré lorsqu'ils recruteront un cadre.
Voilà, à double titre, une excellente mesure puisque non seulement elle est créatrice d'emplois, mais elle incite des PME complémentaires à travailler ensemble et à développer leurs exportations.
Vous souhaitez, par ailleurs, encourager le portage ; nous soutenons totalement cette démarche.
Le portage aidera les PME à ne pas reproduire les erreurs souvent commises lors de l'installation sur un nouveau marché, l'expérience de grands groupes leur permettant de bénéficier de conseils judicieux. Je sais, là encore, pouvoir compter sur votre énergie pour inciter les grands groupes français à soutenir à l'étranger les PME françaises dans leur action de prospection d'un marché à l'export.
En conclusion, j'aimerais faire mienne une phrase de Michel Camdessus : « Dans la compétition internationale comme dans le combat militaire, la bonne articulation du front et de l'arrière est la clé du succès. »
Aussi permettez-moi d'insister sur un dernier point : la nécessité de permettre à nos entreprises d'être, par une politique nationale qui leur soit favorable, plus compétitives.
En effet, l'un des principaux handicaps à l'export réside, nous le savons bien, dans ces maux récurrents, dénoncés de rapport en rapport, qui freinent notre économie, notre progrès social et nous font perdre chaque jour des parts du marché extérieur.
C'est pourquoi nous avons le devoir de mettre en place une meilleure politique de l'emploi, non seulement des seniors mais aussi des plus jeunes, passant par une formation plus adaptée et un apprentissage efficace et pertinent.
Nous devons, par ailleurs, continuer à diminuer non seulement la fiscalité qui pèse sur nos entreprises, mais aussi les lourdeurs administratives qui ralentissent leur action.
Certes, de nombreuses mesures ont déjà été prises. Mais nous sommes tenus de continuer nos réformes si nous voulons que nos entreprises puissent faire face à ce formidable défi d'adaptation aux nouvelles exigences mondiales auquel elles sont confrontées.
Votre budget répond, je crois, à cette ambition. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous le soutenons totalement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Yves Coquelle. Il n'est pas inscrit dans la discussion !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous discutons du projet de loi de finances, et, rassurez-vous, je m'efforcerai d'être bref.
Je tiens d'abord à saluer le ministre délégué au commerce extérieur ainsi que le ministre chargé des petites et moyennes entreprises.
Messieurs les ministres, je voudrais vous dire à quel point la commission des finances est préoccupée par la compétitivité du territoire national et des entreprises françaises.
Il est clair que nous devons nous efforcer d'alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises, ne serait-ce que les prélèvements obligatoires. A cet égard, je salue notre collègue Dominique Leclerc, qui a de très bonnes idées pour faire baisser la dépense publique.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il avait formulé des propositions. Je vous invite, monsieur Loos, à vous rapprocher de votre collègue Mme Girardin s'agissant des indemnités temporaires de retraite versées aux fonctionnaires métropolitains qui prennent leur retraite dans certains espaces ultramarins. Vous avez là, si j'en crois la Cour des comptes et notre collègue Dominique Leclerc, une économie potentielle de 200 millions d'euros par an à terme.
J'évoquerai trois points.
Premièrement : comment améliorer la compétitivité des entreprises françaises ?
Messieurs les ministres, la commission des finances souhaite convaincre l'opinion publique et les partenaires sociaux, les acteurs économiques et les responsables politiques de la nécessité de renoncer au prélèvement d'impôts de production, tels que la taxe professionnelle. Ce pourrait être la taxe sur le foncier non bâti, qui est la taxe professionnelle des agriculteurs, monsieur Jacob, mais également les cotisations sociales que doivent acquitter les entreprises, charges des employeurs.
Nous perdons de la compétitivité. Ces impôts de production ne sont supportés que par ceux qui produisent chez nous (Mme Evelyne Didier s'exclame.) et tout ce qui vient de l'extérieur échappe à cette contrainte.
Nous savons très bien, mes chers collègues, je le redis à l'attention de Mme Didier, qu'en définitive ce sont toujours les mêmes qui payent, c'est-à-dire les ménages.
Mme Evelyne Didier. Sur ce point, je suis d'accord avec vous !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ayez bien cela en tête ! Et ce n'est pas parce que vous lèverez une taxe professionnelle que les ménages échapperont au paiement de cette taxe, puisqu'elle sera répercutée dans le prix de revient, donc dans le prix d'achat de ce qu'ils consommeront.
Mme Evelyne Didier. Certains ne peuvent pas consommer !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est pourquoi, messieurs les ministres, cette question doit être débattue devant le Parlement dans les meilleurs délais. Nous devons franchir l'épreuve de ce qu'on appelle généralement le « politiquement incorrect », dont résultent une série d'inhibitions qui nous empêchent d'évoluer, de réformer. Nous voulons rompre avec cette tradition qui met à rude épreuve la compétitivité des entreprises françaises.
Deuxièmement, je souhaiterais évoquer l'aide aux PME.
Vous avez prévu, dans un article de la première partie du projet de loi de finances, un dispositif de crédit d'impôt pour les PME qui recrutent un collaborateur chargé de l'exportation.
Messieurs les ministres, j'attire votre attention sur le fait que le nouveau venu dans une PME n'est pas le mieux à même d'aller vendre à l'étranger les produits de l'entreprise et de la promouvoir hors du territoire national. Celui qui est le plus apte à le faire, c'est forcément quelqu'un qui appartient déjà à l'entreprise.
Donc, j'exprime à nouveau le souhait que, dans les textes d'application de la mesure du crédit d'impôt, pour éviter tout effet d'aubaine, vous indiquiez que la nouvelle personne qui sera recrutée ne sera pas forcément celle qui va aller vendre l'entreprise à l'extérieur.
Celui qui est la plus qualifié pour cette tâche, c'est le cadre qui est en place depuis un certain nombre d'années, qui connaît parfaitement l'entreprise, qui a une conviction et qui est capable d'aller projeter cette entreprise hors du territoire national. Je me permets d'insister sur ce point, faute de quoi votre dispositif aura des vertus rhétoriques, mais sera d'un faible secours au plan de l'efficacité.
Troisièmement, je ferai une observation concernant la parité monétaire.
La parité monétaire a des effets plus corrosifs que le droit de douane. On constate aujourd'hui une envolée de l'euro par rapport au dollar. Les monnaies asiatiques, notamment le yuan chinois, sont adossées au dollar et aller à l'exportation devient une rude épreuve pour les entreprises nationales.
Je ne doute pas que vous serez solidaires, messieurs les ministres, de la disparition du déficit public afin que la France soit le meilleur élève de la classe européenne et qu'elle puisse participer intensément, avec autorité, à une gouvernance économique de l'Europe.
Nous avons l'euro, ce qui est sans doute une chance, qui a mis un terme à ces dévaluations compétitives, mais qu'est-ce qu'une monnaie orpheline d'Etat ?
Il est urgent qu'il y ait un gouvernement économique pour que soit instaurée une politique globale qui mette en synergie politique monétaire et politique budgétaire et économique, faute de quoi nous risquons de constater que l'Europe reste l'espace économique mondial le moins apte à susciter de la croissance.
Je me permets donc d'insister sur ce point particulier. Il n'est pas question de porter atteinte aux prérogatives de la Banque centrale européenne, indépendante, mais le niveau de parité que nous avons atteint va devenir un vrai problème pour le commerce extérieur et pour l'équilibre des échanges de la France.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, d'avoir pris la parole dans ce débat sans l'avoir prévu, mais je souhaite que l'égrenage des discussions sur les fascicules budgétaires soit marqué par un peu de spontanéité.
A cet égard, nous avons eu un moment de déception, ce matin, quand M. Devedjian nous a « resservi », si j'ose dire, le discours qu'il avait prononcé devant l'Assemblée nationale ; il ne nous a pas appris grand-chose de nouveau ! Nous souhaitons, en effet, que les débats sur les budgets soient marqués par une exigence de valeur ajoutée.
Nous devons nous préparer à clore les discussions de lois de finances selon les règles édictées par l'ordonnance de 1959 et à vivre avec enthousiasme et ardeur les nouvelles discussions qui seront organisées dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances. C'est le rendez-vous de l'automne prochain, messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le président de la commission des finances, je tiens d'abord à vous remercier de votre intervention, qui était une réponse à certains des orateurs qui affirmaient que le commerce extérieur n'était pas une priorité. Après avoir entendu vos réflexions et vos propositions, je m'aperçois à quel point nous sommes, au contraire, dans le débat fondamental de la compétitivité de la France, de sa capacité à se projeter à l'extérieur.
Aujourd'hui, c'est sur ce plan que je voudrais vous répondre. Comme vous me faites une obligation d'originalité par rapport à l'Assemblée nationale, je parlerai sans papiers, me référant simplement à la liste très longue des questions qui ont été posées.
Je ferai tout d'abord un tour d'horizon des éléments de la compétitivité.
A la lecture des chiffres du commerce extérieur, on peut immédiatement relever que, sur les neuf premiers mois de 2004 par rapport à la même période de l'année précédente, la croissance du commerce extérieur, c'est-à-dire des exportations françaises, est de 5,1 %. C'est à la fois remarquable, compte tenu de l'extrême faiblesse actuelle du dollar, et très intéressant parce que cela veut dire que nos entreprises ont la compétitivité nécessaire pour affronter la concurrence internationale.
Malgré la baisse du dollar, malgré la hausse du pétrole, la croissance est de 5,1 %. Le mois de septembre marque d'ailleurs un record historique, puisque la France n'a jamais exporté autant.
On peut effectivement lire des commentaires dans la presse sur le déficit du commerce extérieur. Il faut savoir que si le niveau des exportations est très haut, celui des importations est encore plus élevé, mais, comme l'ont rappelé plusieurs sénateurs, cela est simplement dû au dynamisme de la consommation des ménages et de l'investissement en France et, accessoirement, à l'augmentation très importante du prix du pétrole qui, a elle seule, explique le déficit constaté sur les neuf premiers mois de l'année.
Donc, s'agissant de la compétitivité de la France à l'international, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
D'un autre côté, les résultats ne sont pas suffisants si on les rapporte à la croissance du commerce extérieur dans le monde qui, cette année, sera de 8,5 %. En fait, la croissance mondiale sera de 4,5 %, mais les échanges sont beaucoup plus importants que la croissance endogène de chaque pays.
Les échanges commerciaux de la France sont mal orientés. Ils sont insuffisants vers les pays dont la croissance est de 8%, 9% ou 10 %, à l'exemple de la Chine ou des grands pays émergents.
Donc, si la France est compétitive, l'orientation géographique de ses échanges doit néanmoins être améliorée. Avant de dire comment on peut procéder pour y parvenir, j'évoquerai l'attractivité de notre pays.
Cette attractivité peut être mesurée de manière excellente par l'importance des investissements étrangers qui y sont réalisés. Certes, il est possible de recourir à des paramètres plus techniques, mais il n'est rien de plus intéressant que de constater que nous attirons cette année de nombreux investisseurs. L'an passé, 27 000 emplois ont été créés en France grâce aux investissements étrangers. Cette année, le rythme est comparable. Surtout, si l'on excepte le Luxembourg, peu significatif, nous nous situons à la première place en Europe et à la troisième place dans le monde en termes de capitaux étrangers investis.
M. François Marc. Pourquoi M. Raffarin dit-il le contraire ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. François Loos, ministre délégué. Bien volontiers, monsieur le président de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre délégué.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je souhaiterais que nous puissions ensemble analyser s'il est pertinent de mesurer l'attractivité du territoire français à l'importance des capitaux étrangers qui s'y investissent.
Un discours convenu tend à prendre prétexte de l'importance de ces investissements en France pour justifier que l'on ne modifie guère les choses. Je me demande quand même si une part significative des investissements servant à mesurer la compétitivité et l'attractivité de la France n'est pas réalisée dans l'immobilier et si un certain nombre d'investissements ne sont pas d'ordre strictement financier.
Je voudrais que vous y soyez attentif, monsieur le ministre, car on sent une espèce de décalage entre le discours général régulièrement tenu et la réalité telle que nous la vivons.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le président, je souscris tout à fait à votre analyse et je pense que nous pourrons faire ce travail en commun pour mesurer et comprendre précisément ce dont vous parlez.
Ceci dit, toutes choses étant égales par ailleurs, nous nous plaçons devant les Allemands, devant les Anglais, devant les Espagnols, devant les Italiens et devant les Japonais. D'autres pays réalisent combien il est important de s'ouvrir aux investissements. Cette question fait d'ailleurs l'objet d'une négociation accessoire dans le cadre de l'OMC. Notre capacité à accueillir des entreprises étrangères est bien supérieure à celle du Japon, par exemple. Le Premier ministre japonais, M. Koizumi, a d'ailleurs fermement souhaité que son pays évolue en ce sens ; la France, elle, n'a pas besoin de le dire. Les chiffres doivent néanmoins être analysés : il est clair que nos efforts, pour demeurer attractifs, doivent être permanents. Un certain nombre de mes collègues travaillent précisément à améliorer l'attractivité de notre pays.
Nous avons intérêt à faire connaître l'attractivité de la France à l'étranger. A cet effet, 10 millions d'euros, dans ce budget, sont affectés à un plan de communication pour inciter des entreprises étrangères à venir s'implanter chez nous. Il nous faut tenir un discours sur la qualité du « site France tout en sachant que, bien évidemment, sur un certain nombre de sujets, nous avons beaucoup de progrès à faire, indispensables pour créer des emplois, évidemment dans une proportion bien supérieure aux 27 000 qui l'ont été l'année dernière par des entreprises étrangères.
Pour améliorer l'orientation de nos échanges, nous avons défini vingt-cinq pays cibles. Dans ces pays, nous avons conçu des plans qui consistent à préciser les actions que nous souhaitons voir engager par les PME et les soutiens que nous leur apportons pour ce faire.
Ces plans d'action produisent des résultats positifs. En effet, au cours du premier semestre de cette année, nos échanges commerciaux avec ces vingt-cinq pays cibles ont augmenté de 4 % par rapport au second semestre de l'année dernière, la moyenne pour tous les pays s'établissant à 3 %. Si l'on exclut les Etats-Unis, la croissance atteint même 5 % et elle est encore plus importante avec la Chine. L'orientation géographique que nous avons donnée à notre action a donc des résultats significatifs, même si, bien entendu, cette dernière doit être poursuivie et être beaucoup plus forte pour corriger nos retards dans ce domaine.
Nous devons aussi mobiliser davantage nos PME. Toutes les institutions qui peuvent concourir à cette mobilisation sont nécessaires. En particulier, les conseils régionaux peuvent mettre en place des schémas de développement économique comportant un plan « internationalisation des entreprises ». Je souhaite que, le plus rapidement possible, l'ensemble des conseils régionaux développent de tels schémas. Nous mettrons tout en oeuvre pour les y aider.
Plusieurs conditions sont nécessaires.
D'une part, il nous faut réaliser un programme commun à l'ensemble de la région afin qu'il existe une cohérence dans les propositions relatives aux objectifs géographiques et dans le soutien aux entreprises. Aucune différence ne doit être faite selon que le point d'entrée est une chambre de commerce et d'industrie ou un comité d'expansion. Une première condition de réussite réside dans la réalisation d'un programme pluriannuel cohérent, commun à toutes les collectivités. Une seconde tient au choix de pays prioritaires en direction desquels ces régions peuvent avoir une action plus marquée, action pouvant même servir de modèle à l'ensemble du territoire national.
Il est évident que nous avons du retard dans l'organisation de missions à l'étranger. Nous essayons de le combler grâce à l'action menée au plan national par UbiFrance ; plusieurs orateurs y ont fait allusion. Cependant, il est nécessaire que ce travail soit fait également au niveau des régions. Nous ferons en sorte que tout cela se réalise le plus rapidement possible dans le cadre de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales.
D'autre part, nous devons élaborer des plans sectoriels, c'est-à-dire non plus géographiques mais par filière industrielle ou par activité professionnelle. Ce travail a commencé et, à l'instar de celui que nous avons effectué en direction de vingt-cinq pays cibles, nous allons oeuvrer en faveur des secteurs les plus importants du commerce extérieur pour qu'ils puissent mener des plans d'action cohérents en relation avec les professions et avec un soutien public.
Enfin, les PME qui n'exportent pas encore ou qui exportent peu doivent s'adapter à l'environnement international. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un crédit d'impôt export, voté par le Sénat la semaine dernière. Il s'élèvera, sur deux ans, à 40 000 euros pour les entreprises et à 80 000 euros pour les consortiums qui « chassent en meute », et il permettra à ses bénéficiaires de disposer de moyens importants pour se développer à l'international.
J'entends bien la remarque du président Arthuis qui estime que l'on va embaucher de nouveaux collaborateurs pour accomplir un travail qui revient normalement au plus ancien dans l'entreprise. Il est clair que ce crédit d'impôt doit être utilisé avec souplesse. Bien évidemment, je ferai en sorte que les textes autorisent une pratique très flexible.
Nous avons déjà assoupli considérablement le système du volontariat à l'international en entreprise, le VIE. En résumé, il suffit d'être âgé de moins de vingt-huit ans. Nous nous fixons comme but qu'un nombre croissant de jeunes se tournent vers l'international. Ce faisant, notre objectif est que les jeunes, quelles que soient les entreprises dans lesquelles ils travailleront tout au long de leur vie, se sentent à l'aise dans ce domaine.
Dans le cadre du projet de la loi de programmation pour la cohésion sociale, nous avons aussi créé le contrat d'emploi -export - le dispositif a été adopté hier par l'Assemblé nationale et j'espère qu'il le sera bientôt par le Sénat. Ce contrat permettra plus particulièrement à une entreprise d'envoyer un spécialiste à l'étranger pour monter un projet, procéder à une implantation ou réaliser une étude de marché, sans qu'elle soit obligée de le réintégrer dans ses effectifs à son retour.
Ce dispositif complète le VIE et permet aux entreprises de disposer de toutes les compétences nécessaires, tant pour défricher un marché que pour y prendre place. Eligible au crédit d'impôt export, ce dispositif présente donc des conditions économiques extrêmement avantageuses.
Ces mesures, non budgétées, pourraient compléter de façon importante le budget du ministère. Les dépenses de ses services ont été effectivement réduites, d'une part, en raison de la gestion pluriannuelle des effectifs, d'autre part, à la suite d'un plan social chez UbiFrance destiné à permettre sa délocalisation. Ce plan a permis de réaliser quelques économies dans les dépenses de cet organisme.
Ces mesures sont suffisantes pour gérer l'évolution des effectifs ainsi que le ciblage, dont a fait état tout à l'heure M. Aymeri de Montesquiou. Nous avons en effet l'intention de favoriser les pays dont le développement est le plus important.
Toutefois, en dépit de sa proximité, les ventes que nous réalisons en Allemagne sont bien des exportations. Actuellement, les pays proches de la France entraînent la moitié de la facturation des missions économiques et d'UbiFrance. Les questions qui sont posées aux missions économiques de ces pays sont très nombreuses et généralement difficiles à résoudre.
L'Allemagne est notre premier partenaire économique. Bien que nos exportations vers ce pays soient six fois plus importantes que celles vers la Chine, nous disposons des mêmes effectifs dans ces deux pays. Aussi, nous devons tendre à favoriser la Chine. Nous y affecterons les effectifs nécessaires compte tenu de son importance. Toutefois, il ne faut pas non plus sous-estimer les difficultés que l'on peut rencontrer dans les pays européens. L'expérience prouve que les entreprises sont prêtes à payer pour qu'on les aide à résoudre leurs problèmes.
Les prestations étant dispensées à titre onéreux - après une première prestation gratuite -, nous comprenons mieux la nature exacte des demandes formulées. De surcroît, c'est un gage de motivation.
Je voudrais maintenant répondre à quelques questions qui m'ont été posées.
M. le rapporteur Massion, en évoquant la LOLF, a fait plusieurs propositions. Bien sûr, nous avons tout à fait l'intention de prendre ses remarques en compte pour une mise en oeuvre le 1er janvier 2006. Nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler.
Concernant la TVA sociale, dont M. Bécot a parlé, vous savez qu'un groupe de travail a été constitué par Nicolas Sarkozy à la suite du rapport remis par Jean Arthuis. Je pense que nous disposerons bientôt de ses propositions.
La question a été posée de savoir combien rapporte l'assurance prospection. D'un coût de 30 millions d'euros environ, ses retombées immédiates - celles qui sont contenues dans les accords et dans les contrats d'assurance prospection - représentent 1 milliard d'euros. Trente millions d'euros génèrent donc directement 1 milliard d'euros d'exportations, ce chiffre ne tenant pas compte du flux d'affaires permanent.
Mme Didier a estimé qu'il ne suffisait pas de s'en tenir aux seules parts de marché et qu'il fallait aussi se soucier du commerce équitable. Nous nous en occupons. Nous avons le souhait de favoriser en France non seulement le commerce équitable, réalisation formidable, mais aussi toutes ses filières. Une semaine du commerce équitable aura lieu l'an prochain, au cours du deuxième trimestre. Nous encourageons fortement cette forme de commerce qui non seulement permet de fixer un prix plancher aux matières premières internationales, mais encore assure aux agriculteurs de bonnes conditions de travail dans leurs pays.
Cela vaut pour le café. Je regrette que cela ne vaille pas pour le coton, qui connaît actuellement un effondrement de ses cours. De plus, ceux-ci sont fixés en dollars, ce qui est doublement grave pour les pays concernés, qui utilisent le franc CFA.
En ce qui concerne l'aide que nous pouvons apporter à travers les activités commerciales, il faut savoir que ce Gouvernement a procédé à beaucoup plus d'annulations de dettes en 2003 que le gouvernement Jospin au cours des années précédentes. Nous poursuivons cette démarche en 2004, l'annulation de dettes en direction des pays les plus pauvres ayant été de l'ordre de 2 milliards l'année dernière. Il me semble, par conséquent, que nous prenons en compte l'ensemble des préoccupations de nos partenaires.
M. Aymeri de Montesquiou a proposé que soit créée une prime destinée aux missions économiques les plus performantes. Je lui répondrai que le Gouvernement envisage de mettre en place à partir de l'année prochaine un bonus lié aux performances. J'ai demandé à la direction des relations économiques extérieures, la DREE, de nous faire des propositions en ce sens.
Monsieur le sénateur, vous avez dit que les étudiants africains étaient plus nombreux en France que les étudiants d'origine asiatique.
Nous souhaitons évidemment accueillir un grand nombre d'étudiants asiatiques. Mais il est vrai que les étudiants africains sont plus nombreux à parler le français ce qui, pour faire des études dans notre pays, est un avantage.
M. Aymeri de Montesquiou. Trois fois plus !
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons cependant les moyens de faire évoluer cette situation.
M. Ferrand a posé plusieurs questions concernant la promotion du volontariat international en entreprise, dont UbiFrance fait la promotion auprès des directions des ressources humaines : une présentation a été faite sur ce sujet devant le cercle Magellan et elle sera suivie par d'autres.
Je viens également de signer un contrat avec UbiFrance et les dirigeants commerciaux français, afin que ceux-ci fassent la promotion du volontariat international en entreprise. Cela signifie que, aujourd'hui, tous les acteurs susceptibles de parler de l'existence du VIE et de ses avantages sont mobilisés.
Notre objectif de 4 000 contrats de VIE pour l'année prochaine est donc toujours d'actualité. Nous sommes ainsi passés de 2 000 contrats au cours des mois précédents à 2 700 pour ce mois de décembre. Le mouvement est donc lancé et nous allons poursuivre dans cette direction.
Actuellement, dix-huit régions ont mis en place des systèmes d'aide au VIE, une aide qui s'ajoute au crédit impôt export.
Monsieur Ferrand, vous avez aussi évoqué la situation extrêmement difficile des entreprises installées en Côte d'Ivoire. J'ai le plaisir de vous annoncer que le Premier ministre a décidé de dégager un fonds de 5 millions d'euros pour dédommager les entrepreneurs qui connaîtraient de grandes difficultés à la suite des récents événements qui s'y sont déroulés.
Enfin, Daniel Raoul a fait allusion à la nécessité de « chasser en meute ». Il aura compris que le doublement du crédit d'impôt export est une mesure spéciale, destinée aux entrepreneurs qui décident de prospecter de cette façon, afin de les inciter à se constituer en consortiums.
Cette méthode est effectivement intéressante, car les chefs d'entreprise préfèrent se fier les uns aux autres plutôt qu'à un fonctionnaire, même très compétent, censé les conseiller sur la promotion de leurs produits dans un pays qu'il ne connaît pas. Ce système fonctionne mieux entre entrepreneurs et c'est pourquoi nous avons créé ce type d'incitations.
M. Leclerc a parlé de l'importance du portage et de la bonne articulation entre « le front et l'arrière ». Nous nous en préoccupons également. Le Président de la République lui-même a sensibilisé à plusieurs reprises, sur cette question, les chefs des grandes entreprises françaises, qui ont presque tous pris des engagements en ce sens.
Il sera ainsi possible d'installer des bureaux de VIE au sein de ces grandes entreprises installées à l'étranger et de se servir de leurs implantations pour réaliser des opérations de portage. Mais pour cela, il faut traverser les strates séparant les PDG des responsables opérationnels.
Nous avons initié des actions consistant à lancer de grandes missions rattachées à une entreprise, notamment en Chine, et nous démontrerons l'année prochaine l'utilité de ce type de portage pour des centaines d'entreprises.
L'organisation de ces opérations revient à UbiFrance, qui dispose de crédits permettant aux grandes entreprises de développer le portage sans aucun état d'âme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout en vous remerciant pour la diversité des sujets que vous avez abordés, je souhaite vous transmettre un message d'optimisme. Nous avons bien compris que la compétitivité de la France était conditionnée par l'emploi des Français. Les résultats que nous obtenons actuellement prouvent que nos entreprises innovent et se battent sur le marché international. Les dispositifs que nous avons mis en place ont pour objet de les inciter à le faire encore plus et plus vite.
Nous avons le sentiment, après deux ans passés aux affaires, que ces dispositifs ont bien ciblé les entreprises concernées. Il faut désormais passer à la vitesse supérieure pour obtenir plus de résultats en termes d'emploi dans notre pays.
Il faut savoir que 1 milliard d'euros d'exportations supplémentaires représentent 15 000 emplois. Dès lors, une augmentation de 5% du commerce extérieur correspond à 200 000 emplois créés sur les marchés de l'exportation. L'enjeu est donc considérable et nous avons quelque chance d'atteindre ces objectifs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le commerce extérieur et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le commerce extérieur seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
État B
Titre III : 46 835 662 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : moins 842 736 234 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 421 588 000 € ;
Crédits de paiement : 96 073 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 554 628000 €;
Crédits de paiement : 1 139 644 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le commerce extérieur.
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat, ainsi que l'article 73 sexies.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, cher ami, je me réjouis tout d'abord de votre promotion et je vous en félicite.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous présenter la partie des crédits du projet de budget du ministère de l'économie et des finances pour 2005 qui m'échoit, en tant que rapporteur spécial.
Je vous rappelle que ce budget ne comprend aucun crédit de fonctionnement et que les subventions d'investissement n'y occupent plus qu'une place très marginale. Il est avant tout composé de crédits d'intervention.
Pour 2005, ce budget affiche une nouvelle baisse : le montant des crédits, qui était d'un peu plus de 171 millions d'euros pour 2004, s'élève désormais à près de 168 millions d'euros, soit une diminution de près de 2,18 %. Toutes les grandes actions financées par les crédits du ministère sont touchées, sauf l'accès au crédit, qui reste stable, et l'action économique, qui progresse à un rythme inférieur à celui de l'inflation.
Je formulerai plusieurs observations.
Tout d'abord, le Gouvernement ne souhaite plus afficher ses priorités avec des budgets en hausse.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. . Or, il est certain que les petites et moyennes entreprises constituent un axe majeur de la politique du Gouvernement. Le budget des PME, du commerce et de l'artisanat s'inscrit donc parfaitement dans cette nouvelle logique, à laquelle il faut adhérer : il n'existe pas de lien mécanique entre dépense et résultat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Encore faut-il pouvoir mesurer l'efficacité de la dépense ...
Cela m'amène à ma deuxième observation : le ministère va fournir, en 2005, un effort considérable pour favoriser la mise en oeuvre de la réforme budgétaire introduite par la loi organique relative aux lois de finances, ce dont je me félicite car, en 2004, il accusait un net retard.
L'action « développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales » fait partie du programme « développement des entreprises », au sein de la mission « développement et régulation économique ».
Elle est structurée autour de quatre sous-actions : favoriser l'initiative économique dans les secteurs du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales ; assurer la tutelle, la régulation et le dialogue dans ces mêmes secteurs ; mettre en oeuvre des actions de solidarité économique en faveur des entreprises commerciales, artisanales, de services et libérales ; participer à des logiques territoriales de développement durable au profit de ces mêmes entreprises.
La structuration de l'action me donne deux motifs de satisfaction : les moyens humains du ministère seront compris dans cette action, et non plus dans une fonction support du ministère de l'économie, de même que la totalité des crédits en faveur des PME relatifs à la participation à des fonds de garantie, qui n'étaient pas jusqu'à présent inscrits au budget du ministère.
En ce qui concerne les objectifs et les indicateurs de performance, il convient de noter qu'ils sont définis au niveau du programme et non de l'action. Je ne sais donc pas, aujourd'hui, comment il me sera possible d'évaluer, l'année prochaine, les finalités de l'action développement des PME.
Pour autant, le ministère gèrera directement deux indicateurs.
Le premier est relatif à l'objectif : « assurer une haute qualité de service aux entreprises, moderniser et simplifier le droit applicable aux entreprises ». Il s'agira d'utiliser une étude réalisée pour la Commission européenne. Cet indicateur ne me semble pas permettre de mesurer l'efficacité de l'action menée par le ministère. Je souhaite vivement que ce dernier prolonge, en 2005, sa réflexion pour tenter de l'améliorer.
Le second indicateur est relatif à l'objectif : « développer des formations adaptées aux besoins des entreprises et reconnues à l'étranger ». Il correspond au taux de placement pendant six mois des stagiaires ayant suivi des formations subventionnées par le ministère. C'est bien la performance de l'action de celui-ci qui sera cette fois évaluée.
Enfin, si, l'année dernière, le budget du ministère préfigurait insuffisamment la réforme budgétaire, il n'en sera pas de même en 2005. En effet, une expérimentation d'envergure va être menée, portant sur 148,7 millions d'euros, soit 88,7 % des crédits.
L'expérience concernera tous les crédits du titre IV et du titre VI du budget du ministère, ainsi que les crédits d'études, qui sont aujourd'hui inscrits dans les crédits de fonctionnement.
En revanche, certains crédits de fonctionnement ne seront pas inclus en raison du caractère indivis de certaines dépenses, pas plus que les crédits de rémunération - car la DECAS n'a pas les moyens requis pour les gérer - et les crédits relatifs aux garanties d'emprunt, qui continueront d'être transférés à la direction du Trésor public.
Une nouvelle nomenclature d'exécution du budget devrait permettre d'évaluer précisément l'expérimentation, laquelle s'accompagne d'un développement significatif du contrôle de gestion que j'avais appelé de mes voeux.
Troisième observation, je me félicite des signaux encourageants que donne la gestion des crédits affectés aux PME.
D'abord, l'effort de simplification administrative en direction des petites entreprises se poursuit. Le second projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, qui vient d'âtre adopté, prévoit notamment la simplification de l'organisation des régimes de sécurité sociale des travailleurs indépendants, simplification qui est vivement attendue.
Ensuite, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales prévoit, en particulier, que l'Etat délègue aux régions qui ont adopté un schéma régional expérimental de développement économique le montant des ressources consacrées aux actions territorialisées du FISAC, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce.
Ce transfert trouve déjà sa traduction budgétaire. Une nouvelle ligne, portant sur près de 50 millions d'euros et représentant 70 % des moyens du FISAC, est destinée à ces actions territoriales. Je me réjouis d'ailleurs que le Gouvernement ait tenu ses engagements et que la dotation du FISAC reste stable, à 71 millions d'euros, comme je l'avais recommandé lorsque, en 2003, a été décidée la budgétisation de la TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.
Enfin, la déconcentration de la gestion des crédits se poursuit. Ainsi, les délégations régionales au commerce et à l'artisanat sont devenues de réels pivots de l'action du ministère.
J'en viens ainsi à ma quatrième observation. Par construction, ce budget retrace bien mal l'effort financier de l'Etat en faveur des PME, qui ressort à 1,15 milliard d'euros sans les dépenses fiscales. Quant à ces dernières, elles frisent les 4,5 milliards d'euros.
Je conclurai en retenant que la baisse des crédits est raisonnée. Il faut apprendre à s'en réjouir, d'autant qu'elle s'accompagne d'un réel engagement du ministère pour la réforme budgétaire, en 2005.
Il faut bien comprendre que l'évolution de ses crédits n'est pas la grande affaire du ministère chargé des PME. L'essentiel réside ailleurs, dans la recherche des allègements de charges et dans la politique de simplification.
Mes chers collègues, adhérons sans réserve à cette préférence donnée aux améliorations structurelles sur les politiques de subvention.
Votre commission vous propose d'adopter les crédits alloués aux PME, au commerce et à l'artisanat pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits consacrés aux PME, au commerce et à l'artisanat est aussi, pour nous, l'occasion de dresser un bilan de l'action du Gouvernement en faveur des 2,2 millions de PME de France.
La loi Dutreil du 1er août 2003, la loi de simplification du 2 juillet 2003, le second texte de simplification récemment adopté, le deuxième projet de loi sur l'entreprise en cours d'élaboration et qui devrait être examiné l'an prochain, tout cela nous conduit à constater que l'activité du ministre chargé des PME ne se dément pas pour alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises et faciliter davantage l'acte d'entreprendre.
Dans ces conditions, on ne peut qu'être surpris par les procès d'intention intentés au Premier ministre par certain responsable patronal : loin de n'avoir « rien fait pour les entreprises », ce gouvernement, soutenu par le Parlement, a, au contraire, beaucoup agi pour favoriser leur développement, comme en témoigne dans les faits le formidable sursaut de la création d'entreprises observé ces dix-huit derniers mois.
La Banque mondiale pourrait-elle saluer la France comme la « championne du monde » du soutien à la création d'entreprises si la politique du Gouvernement n'était qu'une « bêtise économique » ? Fort heureusement, la plupart des représentants des entrepreneurs ne sont pas atteints de cécité et reconnaissent que l'action du Gouvernement améliore véritablement l'environnement des entreprises et des entrepreneurs.
Sur le plan budgétaire, outre les crédits du ministère, qui s'élèveront à 167,6 millions d'euros en 2005, d'autres financements ou dépenses fiscales concourent au développement des PME. Ainsi, le seul impact budgétaire de la loi pour l'initiative économique s'élèvera, pour les années 2004 et 2005, à plus de 550 millions d'euros, soit plus de trois fois le budget annuel ministériel.
De toute manière, ce sont l'utilisation et l'affectation des crédits budgétaires au regard des objectifs fixés qui importent.
Notre collègue Auguste Cazalet vient de vous présenter les principales caractéristiques du fascicule budgétaire. Je ne m'y attarderai donc pas, sauf pour vous indiquer que la commission des affaires économiques approuve l'orientation plus marquée donnée au soutien actif à la création et à la reprise d'entreprises.
Cette priorité est, en effet, essentielle pour l'avenir économique du pays, pour l'emploi et pour le dynamisme des territoires. La sauvegarde d'un tissu dense de PMI, de PME, d'entreprises commerciales ou artisanales, dépend ainsi de l'effort que les pouvoirs publics seront en mesure d'accomplir pour préparer la transition démographique que nous allons connaître : plus de 500 000 chefs d'entreprises vont partir à la retraite dans les dix ans à venir !
C'est pourquoi tout en vous proposant de donner un avis favorable sur les crédits du ministère, la commission a exprimé des inquiétudes quant au retard pris dans l'exécution des contrats de plan, ainsi qu'aux difficultés rencontrées pour l'accès au FISAC, malgré - et je tiens à le souligner- la reconduction des crédits à hauteur de 71 millions d'euros en 2005 et l'abondement supplémentaire de 29 millions prévu en loi de finances rectificative pour 2004.
Compte tenu du nombre de dossiers déposés, je crois nécessaire de pérenniser cette augmentation des crédits du FISAC. Les élus locaux y sont très attachés, tant il est vrai que ce fonds participe de façon importante à l'aménagement de notre territoire.
Je vous y sais vous aussi très attaché, monsieur le ministre. Il me paraît donc essentiel que, l'année prochaine, ces 71 millions d'euros plus les 29 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative pour 2004 ne fassent plus qu'un seul paquet de cent millions d'euros.
Par ailleurs, pouvez-vous nous donner des précisions sur l'ampleur et les conséquences de l'augmentation des dossiers déposés que l'on a connue en 2004 ?
La seconde partie de mon avis budgétaire évoque la situation des relations commerciales et de l'équipement commercial, deux questions qui ont agité l'année 2004 et au coeur desquelles se trouve la grande distribution.
Le débat récurrent sur les marges arrière s'est accéléré cet été, avec l'accord du 17 juin entre distributeurs et fournisseurs, pour conduire à une réduction des prix des produits industriels de grande marque de 2 % en moyenne.
Cette initiative a été suivie par la publication, en octobre, du rapport Canivet, qui suggère diverses pistes pour stabiliser les relations commerciales dans notre pays.
Quelles que soient les propositions qui peuvent être faites, il est essentiel, selon moi, d'instaurer un système accepté par tous les acteurs et empêchant des dérives dont sont victimes à la fois les producteurs, en particulier les agriculteurs et les PME, et les consommateurs.
Quant à la situation de l'équipement commercial, le constat et le contexte ont été excellemment présentés au début du mois d'octobre par notre collègue Alain Fouché. Celui-ci formule aussi un certain nombre de propositions et de simplifications intéressantes, que votre commission approuve pour l'essentiel.
Monsieur le ministre, je ne doute pas que le groupe de travail que vous avez constitué autour du député Luc-Marie Chatel - dont j'ai l'honneur de faire partie - s'attachera à trouver des solutions satisfaisantes à ces deux problèmes, dans la perspective d'un texte législatif que nous examinerons l'an prochain.
Dans cette attente, et sous le bénéfice de ces observations, votre commission des affaires économiques vous propose de donner un avis favorable sur les crédits pour 2005 du budget des PME, du commerce et de l'artisanat, ainsi que sur l'article 73 sexies rattaché, relatif au financement des chambres de métiers et de l'artisanat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
-
- Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;
- Groupe socialiste, 18 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 6 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
- Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 5 minutes ;
- Réunion administrative des sénateursne figurant sur la liste d'aucun groupe5 minutes ;
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, la politique du ministère aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, dirigée depuis le mois d'avril 2004 par Christian Jacob, a donné des résultats remarquables, puisque les chiffres de la création d'entreprises, repartis à la hausse depuis 2002, connaissent cette année un nouveau record, soit 7,2 % en un an.
Ces chiffres, les meilleurs depuis près de quinze ans -cela mérite d'être souligné- nous rapprochent de nos principaux concurrents européens par rapport auxquels nous avions traditionnellement un grave déficit.
Ces résultats sont la conséquence de l'effort de réforme engagé depuis deux ans par le Gouvernement pour répondre à l'urgence et à l'ampleur des attentes des entrepreneurs.
La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, ainsi que les ordonnances prises en vertu de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, ont permis des avancées unanimement appréciées aujourd'hui.
En outre, la loi de finances de 2004 a prévu un certain nombre de mesures importantes pour les entreprises, sans oublier la loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement.
Le projet de loi de finances pour 2005 sera marqué, quant à lui, par la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés. Les mesures en faveur des entreprises concernent notamment la suppression en deux ans de la contribution additionnelle, afin de ramener le taux effectif d'imposition à 33,33 %, au lieu de 34,33 % actuellement, la prorogation du dégrèvement temporaire de taxe professionnelle pour les investissements productifs jusqu'au 31 décembre 2005, un crédit d'impôt pour les dépenses de prospection commerciale en dehors de l'Union européenne, lié à l'embauche d'un salarié qualifié ou d'un volontaire international en entreprise affecté à l'export.
En outre, les dispositions fiscales relatives au plan de lutte contre les délocalisations auront nécessairement des incidences positives pour les PME.
Je me réjouis, par ailleurs, de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de l'un de nos collègues de l'UMP ayant pour objet d'améliorer le statut du conjoint de l'exploitant d'une entreprise individuelle. Cet amendement vise à autoriser la déduction totale du salaire du conjoint pour les adhérents des centres ou des associations de gestion agréés et à porter à 13 800 euros le plafond de déductibilité pour les non-adhérents, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005.
S'agissant de l'apprentissage, nous nous félicitons de ce que le Gouvernement affiche pour objectif d'augmenter de 40 % le nombre des apprentis, ce qui représentera 500 000 jeunes apprentis de plus d'ici à 2009.
A cet égard, il faut saluer, encore une fois, les avancées législatives obtenues dans ce domaine avec la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui comporte des assouplissements du dispositif d'apprentissage, ainsi que le plan de modernisation de l'apprentissage, présenté en conseil des ministres en février dernier et qui trouve sa concrétisation dans le projet de loi de programmation de cohésion sociale.
Il est notamment prévu un crédit d'impôt « apprentissage », fixé à 1600 euros par apprenti employé et porté à 2200 euros lorsque le jeune sans qualification a bénéficié d'un accompagnement personnalisé.
Il faut également saluer le plan de mobilisation dans le secteur du bâtiment, présenté en juin dernier par le Gouvernement. L'objectif est d'améliorer l'image des professionnels du bâtiment, de renforcer les filières technologiques et les formations professionnelles en alternance, dont nous connaissons l'efficacité. Nous nous réjouissons, par ailleurs, du projet de création d'un observatoire des métiers et de la qualification dans le BTP.
Enfin, monsieur le ministre, votre projet de loi relative au soutien à la création et au développement des entreprises, qui est actuellement en cours d'élaboration et dont l'examen par le Parlement est prévu en 2005, est également très attendu.
L'ensemble de ces initiatives ne peut que nous rendre optimistes pour les années à venir s'agissant de la création d'entreprises, et donc de la création d'emplois et de richesses. Dans le contexte actuel, ce sont les PME, chacun le sait, qui créent le plus d'emplois.
C'est pourquoi mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même tenons à vous féliciter, monsieur le ministre, de votre action. Connaissant votre engagement et votre détermination, nous approuvons, sans réserve, les orientations de votre projet de budget pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec près de 168 millions d'euros, les crédits inscrits dans le projet de budget au titre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat sont particulièrement modestes, ne représentant que 0,06 % du total. Qui plus est, pour la troisième année consécutive, ils connaissent une baisse, leur diminution étant de 2,2 % par rapport à l'exercice précédent, selon les chiffres donnés par M. le rapporteur spécial.
A cela s'ajoute le fait que le budget des PME, du commerce et de l'artisanat a fait l'objet d'importantes mesures de régulation budgétaire, se traduisant par des annulations de crédits pour 2003, estimées à 21,5 millions d'euros, et du gel, pour l'instant, de 10 millions d'euros de crédits au titre de 2004. Les PME, le petit commerce et l'artisanat ne sont manifestement pas, quoi qu'on en dise, la priorité de l'action de ce gouvernement !
Dans ces conditions, quel peut être l'intérêt de discuter d'un projet de budget dont l'essentiel des crédits risquent d'être annulés ou gelés ? Dans quelle mesure les financements pour 2005 des contrats de plan Etat-régions seront-ils touchés ? Pourtant, je reste convaincu que des aides pérennes sont nécessaires au maintien et au développement de ce secteur, qui représente environ dix millions d'emplois et qui contribue au développement économique local, ainsi qu'à l'aménagement équilibré de notre territoire.
Dans un tel contexte de restriction drastique des dépenses, le Gouvernement a beau jeu d'affirmer que ce ne sont pas tant les moyens financiers qui comptent que les mesures favorisant l'initiative économique. Vous-même, monsieur le rapporteur spécial, vous nous avez expliqué que « les entrepreneurs, les commerçants et les artisans demandent moins de subventions ou d'aides financières que de facilités pour entreprendre, de simplifications des formalités administratives, d'allègements des contraintes pesant sur la création, la transmission ou la reprise des entreprises ».
Au fond, toutes les difficultés que rencontrent nos petites entreprises pour perdurer et se développer relèveraient soit d'une fiscalité trop lourde, comme on nous le répète depuis ce matin, soit de contraintes réglementaires et administratives qui entraveraient l'esprit d'entreprise, nuiraient à l'initiative économique et créeraient un environnement économique asphyxiant les meilleures volontés !
Ainsi, la solution consisterait à accorder des exonérations de charges, des crédits d'impôts, des crédits de taxe professionnelle, bref à multiplier les allégements de toute sorte, soit, ne l'oublions pas, autant de recettes publiques fiscales globales ou locales en moins.
A cet égard, la loi pour l'initiative économique a largement ouvert la voie, l'ensemble de l'effort financier s'élevant, pour les années 2004 et 2005, à quelque 500 millions d'euros. Cela n'a évidemment rien à voir avec la réduction d'impôt, estimée à 3,8 milliards d'euros, que Bercy a accordée cet été au groupe Vivendi, en contrepartie de la création de 420 emplois chaque année jusqu'en 2009 !
M. Bernard Dussaut. Très bien !
M. Yves Coquelle. Ce sont pourtant ces mêmes multinationales qui organisent la sous-traitance en cascade, qui s'entourent d'un réseau de PME sur lesquelles elles font peser des exigences de rentabilité toujours plus lourdes, et qui, en tant que donneurs d'ordre, exigent le raccourcissement des délais de production et une réduction drastique des coûts ! La loi Dutreil est restée muette sur ces contraintes réelles exercées par les grands groupes, qui asphyxient les plus petites de nos entreprises.
Dans la même optique, la réforme de la loi Galland suscite de vives inquiétudes pour les PME qui fournissent la grande distribution. Elles doivent faire face d'un côté à une grande distribution très concentrée, dominée par quelques groupes puissants, de l'autre à de gros concurrents directs, comme les grandes firmes de l'agroalimentaire, Danone ou Nestlé par exemple.
Si le rapport Canivet ouvre quelques pistes, il serait illusoire de considérer qu'un retour aux lois du marché puisse permettre une meilleure régulation des prix. Pour donner une suite à ce rapport, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, dans ce domaine ?
Enfin, si le rythme de la création d'entreprises s'est fortement accéléré ces derniers mois,...
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. C'est bien de le reconnaître !
M. Yves Coquelle. Attendez que j'aie fini ma phrase, mon cher collègue !
... il reste, selon l'INSEE, fortement corrélé au taux de chômage. Cela relativise considérablement l'incidence de la simplification administrative et des exonérations fiscales sur la démographie des entreprises.
Selon l'Agence pour la création d'entreprises et l'ANPE, les chômeurs représenteraient aujourd'hui la moitié des créateurs d'entreprise. Or nous savons que peu d'entreprises nouvelles parviennent à survivre : 40 % d'entre elles disparaissent au bout de trois ans, ...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yves Coquelle. ... ce taux s'élevant à 47 % quand les créateurs étaient des demandeurs d'emploi. Le niveau de formation est essentiel pour que le projet du créateur soit mené jusqu'à son terme et que l'entreprise survive au-delà des trois années fatidiques. Or j'observe que la politique de l'emploi et les aides à la formation professionnelle, notamment à destination des chômeurs, demeurent extrêmement limitées, alors que, dans le contexte actuel, elles devraient faire l'objet d'une attention toute particulière.
Ce sont, là aussi, les résultats de cette orthodoxie budgétaire et comptable drastique à laquelle nous sommes condamnés. La modération des dépenses publiques s'accompagne nécessairement d'une plus grande sélectivité, qui a particulièrement affecté, ces dernières années, les crédits que nous examinons. C'est la raison pour laquelle le groupe CRC votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés aux PME, au commerce et à l'artisanat connaissent à nouveau une baisse significative. Cependant, ils ne représentent qu'une petite partie de l'effort global de l'Etat en faveur des PME, qui s'élève à plus de 1 milliard d'euros.
Par conséquent, ce projet de budget ne rend qu'imparfaitement compte de l'action menée pour le dynamisme de notre économie, puisque le Gouvernement a choisi, à terme, la voie de la baisse des charges sociales et des prélèvements obligatoires. Sa priorité demeure l'incitation à la création d'entreprises : 240 000 entreprises nouvelles furent lancées en 2004. J'aimerais toutefois, monsieur le ministre, que vous nous disiez quel est le pourcentage d'entreprises toujours en vie un an après leur création.
M. Bernard Dussaut. Oui !
M. Jacques Pelletier. En effet, je pense souhaitable, et même indispensable, que le jeune créateur d'entreprise soit suivi, pendant douze à dix-huit mois, par quelqu'un de compétent qui pourra le guider dans sa difficile démarche. Ces intervenants peuvent être des conseillers de chambre de commerce et d'industrie ou de chambre de métiers, ou encore des ingénieurs retraités appartenant à l'association EGEE, l'Entente des générations pour l'emploi et l'entreprise, qui font un travail extraordinaire au profit de leurs jeunes collègues. En tout état de cause, il me semble nécessaire que les créateurs d'entreprise soient suivis pendant un temps assez long, afin que leurs chances de réussite soient plus élevées.
La dynamique engagée dès 2002, avec l'instauration du statut de la jeune entreprise innovante et les mesures relatives aux dépenses de recherche des PME et aux entreprises situées dans des zones urbaines sensibles, doit être amplifiée. Cette démarche devrait déboucher sur des résultats positifs, grâce par exemple à la prorogation jusqu'en 2005 du dégrèvement de taxe professionnelle pour les investissements productifs des entreprises, au soutien fiscal à la prospection commerciale hors de l'Union européenne et à l'action en faveur du développement de l'apprentissage et des pôles de compétitivité.
L'entreprise est aujourd'hui au coeur de toutes les préoccupations, au coeur de la dynamique de la création d'emplois. Tout ce qui va dans le sens de l'entreprise est bon pour l'emploi. L'entreprise et l'individu sont les acteurs essentiels de la société : que ce soit en matière d'aménagement du territoire, de développement durable, de maîtrise des nouvelles technologies, mais aussi de promotion sociale et d'évolution des carrières, tout passe par l'entreprise. Entreprendre est un acte formidable dans une société comme la nôtre.
Il faut donc permettre aux entrepreneurs de se consacrer pleinement à leurs projets et lever les freins, qui sont encore, hélas ! très nombreux. A cet égard, la politique de l'abaissement des charges sociales a montré tous les bénéfices que l'on pouvait attendre de sa mise en oeuvre : plus de 440 000 emplois ont été créés. Il me semble important de maintenir ces dispositifs.
Par ailleurs, il est aujourd'hui des secteurs qui attirent plus difficilement que d'autres les jeunes, et il est donc urgent d'en renforcer l'attractivité, en particulier pour les petites entreprises, les structures artisanales et le commerce, c'est-à-dire là où se trouve le plus grand gisement d'emplois. La baisse des charges sociales, le développement de l'apprentissage, une formation permanente pourraient mener les plus jeunes aux portes d'un réel projet professionnel, vers des perspectives de création d'entreprise. Le terme « employabilité » dit bien ce qu'il veut dire : il illustre à quel point de grands efforts doivent être faits pour que les salariés et les jeunes entrepreneurs puissent être prêts à affronter les risques du changement professionnel.
II est indispensable d'initier véritablement et sans faux- semblant une réelle réforme fiscale d'ensemble qui fasse que les fruits du travail et les outils de production ne soient plus confisqués au gré de textes législatifs et réglementaires volatiles et tatillons.
Plus encore, une réforme fiscale efficace encouragerait la création de fonds d'investissements de proximité et renforcerait l'attractivité des collectivités territoriales. Je tiens ici à saluer les initiatives du Gouvernement en la matière.
L'attractivité du site France, sans cesse rognée, ne cesse de m'inquiéter. Les difficultés en la matière tiennent tant à notre fiscalité qu'aux charges sociales imposées aux entreprises ou aux rigidités de la législation. Artisans, commerçants, PME françaises ou étrangères, tous sont concernés par ce problème fondamental qui reste l'une des principales faiblesses de notre économie. J'espère que le Gouvernement sera bien inspiré, et y apportera des solutions efficaces.
Les décisions à prendre ont pour ambition commune l'emploi, principale préoccupation de nos concitoyens : il importe de recréer un environnement social favorable au développement et au maintien des entreprises. C'est de leur aptitude à engendrer des ressources que dépendent la création et la survie des emplois.
A cet égard, l'amélioration de la compétitivité des PME reste un objectif fondamental. C'est aussi le contexte budgétaire, l'alourdissement des prélèvements fiscaux et sociaux, faute d'une maîtrise des dépenses publiques, qui pourrait entraver en 2005 la création d'emplois.
Réduire les prélèvements, favoriser l'esprit d'entreprise par l'innovation, supprimer les carcans administratifs, obstacles à l'embauche, sont les voies explorées au sein de l'Union européenne pour développer l'emploi.
Suivons, monsieur le ministre, les exemples de certains de nos voisins, qui s'imposent à nous.
Comme la grande majorité de mes collègues du groupe RDSE, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le ministre, les crédits de votre budget sont en baisse constante depuis trois exercices : ils s'élevaient à 172 millions d'euros en 2003, à 171 millions d'euros en 2004 et devraient s'élever à seulement 168 millions d'euros pour 2005.
Ce secteur essentiel non seulement pour notre économie, mais également pour le développement de nos territoires est, au regard de ces chiffres, peu favorisé. Le rapport d'Augustin Bonrepaux sur l'exécution des contrats de plan Etat-région et l'utilisation des crédits européens, déposé à l'Assemblée nationale le 27 octobre, souligne le peu d'ardeur du Gouvernement à tenir ses engagements en faveur des PME, du commerce et de l'artisanat.
Prenant notamment pour exemple l'exécution du volet « PME-commerce-artisanat » dans la région Aquitaine, région à laquelle je suis particulièrement attentif, M. Augustin Bonrepaux écrit ceci :
« Selon les informations fournies par la préfecture, les actions destinées à la création et à la reprise d'entreprises, maintenues in extremis à un niveau de réalisation prévu jusqu'en 2002, ont donné lieu aux premières coupes financières en 2003.
« Les actions d'appui au développement technologique, à la démarche qualité dans l'artisanat de production et dans l'agroalimentaire, sont réalisées depuis le début du contrat de plan à un niveau inférieur aux objectifs fixés, malgré les besoins criants exprimés par les entreprises. »
M. Roland Courteau. C'est clair !
M. Bernard Dussaut. « Par ailleurs, pour les ORAC, la situation est à ce jour très préoccupante parce qu'il est très difficile de financer tant la phase préalable à l'étude que la phase de travaux de ces opérations qui se mettent en place au rythme désormais accéléré des pays. »Cela se passe de commentaire !
Certes, les crédits du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC, sont stables à 71 millions d'euros, et devraient être abondés de 29 millions d'euros dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, pour atteindre 100 millions d'euros, comme M. le rapporteur spécial le rappelait voilà un instant.
Nous y sommes d'autant plus sensibles que la demande continue d'augmenter considérablement, entraînant des délais préoccupants pour le traitement des dossiers. Les aides sont attribuées tardivement, ce qui bloque totalement l'avancée des projets.
En effet, si cette contribution ne représente pas l'essentiel de l'apport financier - elle en représente 10 % -, elle permet d'enclencher les autres participations.
Les crédits du FISAC devraient être délégués aux régions. Cela pourra peut-être accélérer les procédures, mais avec un risque de multiplicité des politiques : il faudra veiller à ce qu'il n'y ait pas autant de politiques que de régions.
Monsieur le ministre, les modalités de ces délégations de crédits sont-elles arrêtées, et, si oui, à quelle échéance ?
Vous nous avez présenté les grandes orientations du projet de loi « Entreprises », qui semble tenir compte d'un certain nombre de revendications formulées par le secteur de la petite entreprise. Vous avez dégagé quatre axes : la consolidation de la viabilité des entreprises, la création de nouvelles formes d'activités, le renforcement de la transmission-reprise d'entreprise, la simplification administrative.
S'il est indéniable que la situation des conjoints collaborateurs doit être améliorée, le recours à la formation facilité, le patrimoine personnel protégé, il n'en demeure pas moins que les outils existants, ceux qui ont fait leurs preuves, doivent être financés par l'Etat et pérennisés. Les contrats de plan doivent être honorés, les dossiers du FISAC traités. On ne peut pas excuser la faiblesse d'un budget en invoquant des participations extrabudgétaires qui s'avèrent finalement insuffisamment opérantes.
Les éléments développés précédemment ne peuvent que conforter notre scepticisme.
Cela dit, cette année, l'attention a été très mobilisée par les déclarations de notre précédent ministre de l'économie et des finances concernant les relations avec la grande distribution.
Je dois dire que les organisations professionnelles ont de quoi être un peu perdues.
Le Gouvernement prône une politique favorable au développement des petites entreprises, à l'aménagement équilibré du territoire, avec notamment le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, texte qui prend d'ailleurs peu en considération les artisans et les commerçants, ce qui est dommage.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Bernard Dussaut. Mais il prend parallèlement des mesures qui menacent l'avenir de l'artisanat et du commerce de proximité, et en annonce d'autres qui ne sont pas moins inquiétantes.
L'ouverture de la publicité aux grandes enseignes commerciales a soulevé un juste tollé, et ce ne sont pas les 30 millions d'euros débloqués par le Gouvernement pour une campagne de proximité qui feront le poids, face aux milliards dont dispose la grande distribution.
L'autorisation de la publicité sur le crédit gratuit pour inciter les consommateurs à recourir plus largement au crédit profitera également directement aux grandes surfaces, avec pour conséquence dramatique le risque d'aggraver encore le surendettement des ménages.
Quant aux déclarations concernant la révision de la loi Galland, l'éventuelle modification des dispositions sur l'ouverture dominicale des commerces et l'assouplissement des modalités d'autorisation d'implantation des grandes surfaces, elles ne font qu'ajouter à cette inquiétude.
Alors que l'on répète que le commerce de proximité est le dernier rempart avant la désertification rurale, alors que l'on connaît le caractère extrêmement précaire de l'équilibre entre les différentes formes de commerces, on ne peut qu'être catastrophé par ces déclarations et par les menaces qui pèsent.
Monsieur le ministre, allez-vous réellement, sous la pression de cinq enseignes, prendre le risque d'anéantir les efforts fournis pendant plusieurs années pour assainir les pratiques commerciales ?
Vous le savez, les petites entreprises subissent de lourdes pressions de la part des enseignes pour avoir accès aux linéaires, et elles défendent la loi Galland. Elles estiment que cette loi les a protégées et dénoncent non les principes de la loi mais les efforts et les abus déployés pour la contourner. Ce sont les grands distributeurs qui ont trouvé la parade des marges arrière pour augmenter leurs profits.
Un assouplissement des règles d'ouverture dominicale favoriserait également la grande distribution, fragiliserait le commerce de centre-ville et ne résoudrait en aucun cas la question de la consommation des ménages.
Il ne faut pas inverser le problème : si les ménages consomment peu, c'est non par manque de disponibilité mais bien par manque de pouvoir d'achat.
On sait que la grande distribution, à chiffre d'affaire constant, occupe quatre fois moins de personnels que le commerce de proximité et qu'elle est implantée dans la périphérie des villes importantes.
Si vous allez dans ce sens, monsieur le ministre, vous accentuerez alors les concentrations économiques et spatiales, ce qui aura malheureusement un impact bien supérieur à toutes les lois en faveur du développement des entreprises que vous pourrez élaborer.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Dussaut. Dans un communiqué de presse du mois de mai dernier, mais toujours d'actualité, l'Union professionnelle artisanale soulignait que, dans ce contexte, « la mesure tendant à exonérer de taxe sur les plus values la vente des fonds de commerce apparaissait comme illusoire » ; elle ajoutait ceci : « en effet, quels sont les jeunes qui voudraient reprendre une entreprise artisanale ou commerciale dans un environnement aussi défavorable ? »
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur la politique à conduire en direction de la grande distribution ?
Vous êtes désormais ministre de plein exercice,...
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Bernard Dussaut. ... ce dont je vous félicite. Sans doute faut-il voir là la volonté du Premier ministre de soutenir votre politique en direction des petites et moyennes entreprises. Mais les moyens ne sont pas au rendez-vous.
M. Roland Courteau. Eh oui, c'est clair !
M. Bernard Dussaut. Nous ne voterons donc pas votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Henri de Raincourt et Charles Pasqua. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances nous permet tout d'abord de revenir un peu en arrière, sur une question qui m'est particulièrement chère : le problème des PME et des PMI.
Je reconnais que la loi pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil », a permis des avancées. Par déformation professionnelle, je dirai pourtant : « Peut mieux faire ! »
Nous sommes soumis, dans nos agglomérations, dans nos quartiers, à des problèmes de « transmission » - je préfère ce terme à celui de « reprise », qui fait souvent penser à « accroc », alors qu'il s'agit d'une continuité de l'activité.
Quand nous nous battons pour conserver dans nos quartiers des services, des commerces, nous faisons face à une difficulté, liée au gap que doit franchir parfois le compagnon de la personne qui prend sa retraite. Ce saut paraît trop haut.
Vous avez certes fait des efforts sur la plus-value.
Je crois qu'il aurait fallu accompagner la personne qui souhaite reprendre l'entreprise dans laquelle elle a travaillé depuis dix ans, vingt ans ou davantage.
Je ne sais exactement quelle forme il faudrait donner à cette aide, mais cette dernière est réellement nécessaire : je connais plusieurs entreprises unipersonnelles où le compagnon de l'entrepreneur possède des capacités professionnelles, mais n'a pas la capacité financière de racheter le fonds. Il faudrait se pencher sur ce problème qui touche tous nos bourgs et nos quartiers.
Par ailleurs, le volet d'accompagnement de la loi Dutreil m'a toujours paru insuffisant. On sait - les chiffres le démontrent - que la période au cours de laquelle les entreprises sont les plus fragiles couvre leurs trois premières années. Il me semble que l'effort d'accompagnement devrait être plus ample que ce qui est prévu dans cette loi.
En outre - permettez-moi un petit coup de griffe -, pourquoi avez-vous transformé une prime à la création d'entreprise pour les chômeurs en avance remboursable ? Vous « plombez » le haut du bilan de l'entreprise au moment même où celle-ci est la plus fragile !
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Daniel Raoul. Enfin, à l'approche de Noël, nous rêvons d'un équivalent de la Small Business Administration, la SBA américaine : pourquoi, en vue d'une simplification, ne pas regrouper en une seule administration l'ensemble des démarches et des accompagnements nécessaires à la création et à la transmission des entreprises ?
J'en viens maintenant à la recherche-développement.
Nous parlions tout à l'heure du commerce extérieur. Nous savons qu'un gisement possible d'exportations se situe dans les PME. Il faudrait, pour favoriser l'accès de ces entreprises aux marchés extérieurs, encourager des mises en réseau.
Ainsi, des entreprises se regrouperaient pour payer un cadre qui se spécialiserait dans l'export. Il serait d'ailleurs sans doute préférable, comme le soulignait tout à l'heure M. Arthuis, que ce cadre appartienne déjà à l'une de ces entreprises, de manière qu'il en ait la culture, plutôt que de procéder à un recrutement spécifique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà, c'est ça !
M. Daniel Raoul. Je crois, de plus, qu'un groupement d'employeurs permettrait à des PME et même à des TPE de trouver une plus grande capacité d'innovation et d'exportation.
Des pôles de référence sont institués dans certains endroits. Je pense, par exemple, au pôle « enfant » de Cholet, pour faire face à la crise du textile, ou au pôle italien de la lunetterie.
Pourquoi la mise en réseau des entreprises n'aboutirait-elle pas à la constitution de ce genre de pôles de référence ? Ces pôles ne seraient d'ailleurs pas nécessairement géographiquement déterminés : les techniques dont nous disposons le permettent.
La mise en réseau réelle des compétences nous permettrait peut-être de développer la recherche et l'innovation dans ces TPE et PME.
Telles sont les quelques réflexions que m'inspire le projet de budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, dont l'examen, je le constate, ne mobilise pas les foules ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez considéré à juste titre qu'il ne fallait pas uniquement mesurer le résultat de l'action du Gouvernement, notamment sur les PME, au travers du seul prisme budgétaire. Ce point a également été soulevé par Jacques Pelletier. Les bons instruments de mesure sont aussi la pérennité des entreprises et le développement économique.
Vous l'avez souligné, les crédits sont en légère baisse : près de 3 millions d'euros, soit un peu plus de 2 %. En revanche, la dépense fiscale augmente de 20 %, ce qui permet de créer une véritable dynamique, de favoriser le développement des fonds propres, et donc de mieux assurer la pérennité des entreprises.
Parmi les critères que nous allons retenir dans le cadre de la LOLF figurent la perception de la complexité administrative, qui me semble un élément tout à fait intéressant, et la pérennité des entreprises : nous pourrons ainsi faire le point trois ans après la création de ces dernières ; si l'entreprise a disparu, nous chercherons à connaître la nature des difficultés qu'elle a rencontrées et à savoir comment l'intervention publique aurait pu l'accompagner ou lui éviter ces difficultés.
Vous avez souligné aussi la difficulté de suivre l'évolution budgétaire dans le cadre de la LOLF. C'est vrai pour partie. Mais si la lecture ligne par ligne paraît plus difficile, la fongibilité des crédits, qui est l'un des principes de la LOLF, nous donnera plus de réactivité et, par là même, plus d'efficacité.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous m'avez interrogé sur l'augmentation des dossiers déposés pour l'accès au FISAC. Celle-ci est effectivement importante.
Le FISAC est un bon outil, qui fonctionne bien. Je crois qu'il donne satisfaction non seulement aux collectivités territoriales, mais aussi aux associations de commerçants et à tous les porteurs de projets.
En 2003, 750 dossiers avaient été déposés. Aujourd'hui, nous en sommes à 1 650. A la fin de l'année 2004, nous tournerons autour de 1 700. Le nombre de dossiers a donc plus que doublé en un an, ce qui a effectivement entraîné des délais de paiement.
Je suis, comme vous, attaché à la pérennisation de ces crédits. Pour ma part, je souhaite que le montant prévu dans la loi de finances initiale et dans la loi de finances rectificative soit maintenu, ce qui nous permettrait de disposer d'un financement de l'ordre de 100 millions d'euros.
Vous avez également évoqué, comme d'ailleurs d'autres orateurs, la loi Galland et la situation de l'équipement commercial.
L'appellation « loi Galland » est relativement impropre dans la mesure où il s'agit d'une modification du code général du commerce.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, avant que vous n'évoquiez la loi Galland, m'autorisez-vous à faire une ou deux observations ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les représentants de la grande distribution tiennent parfois des propos un peu démagogiques.
M. Bernard Dussaut. C'est clair !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans les relations qu'ils entretiennent avec leurs fournisseurs, il y a souvent, de mon point de vue, plus qu'une présomption d'abus de position dominante.
Voilà un an, par exemple, le Parlement a créé une taxe d'équarrissage, qui avait pour objet d'améliorer la situation sanitaire de tous les Français. Elle aurait donc dû être payée par tous les consommateurs.
Certains grands distributeurs se sont opposés à répercuter cette taxe sur les prix. Ce sont donc les fournisseurs, notamment dans un secteur que vous connaissez bien, celui de l'agriculture et de l'élevage, qui l'ont supportée. C'est là l'exemple d'un abus de position dominante.
On nous a dit que la loi Galland empêchait une baisse des prix. Mais il suffirait que les centrales d'achat, qui se sont concentrées de façon assez spectaculaire, renoncent aux marges arrière pour que les fournisseurs puissent vendre à des prix moins élevés et que ceux qui proclament leur volonté de vendre moins cher puissent le faire sans enfreindre la loi Galland.
Les grands distributeurs me donnent l'impression de prendre les Français pour des gogos.
M. Charles Pasqua. Je dirai même plus...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'aimerais que cette situation cesse et que l'on ne nous abuse pas sur la loi Galland. Il y a là une hypocrisie qu'il convient de dénoncer et de combattre !
M. Charles Pasqua. La loi est faite pour ça !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Jacob, ministre. Je partage très largement votre point de vue, monsieur Arthuis. La logique dans laquelle nous nous inscrivons, qui me semble essentielle pour notre économie, est de favoriser le développement de la consommation. Dans ce cadre, deux éléments importants sont à prendre en compte : le prix du produit et la confiance.
Je le répète, il ne faut pas uniquement voir les choses au travers du seul prisme du prix. Accompagné de plusieurs acteurs économiques, je suis allé voir ce qui s'était passé aux Pays-Bas. Certes, comparaison n'est pas raison, les systèmes de distribution entre la France et les Pays-Bas n'étant pas identiques.
Quoi qu'il en soit, aux Pays-Bas, les distributeurs se sont livrés à une guerre des prix très dure qui s'est traduite par une baisse moyenne des prix de 3 %, et une baisse de 10 % sur les 1 000 premières références. Or la diminution du chiffre d'affaires n'a pas été compensée par une reprise équivalente de la consommation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Christian Jacob, ministre. En revanche, cela s'est traduit par une perte de 17 000 emplois en dix mois, soit l'équivalent de 10 000 emplois à temps plein.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ce qui va se passer chez nous !
M. Christian Jacob, ministre. Il faut savoir que, dans ce pays de quinze millions d'habitants, le secteur de la grande distribution représente à peu près 100 000 emplois.
Alors, attention à ne pas déstabiliser l'emploi par les actions que l'on pourrait mener sur les prix ! Le pouvoir d'achat commence d'abord par le fait d'avoir un travail et un salaire !
M. Bernard Dussaut. Eh oui !
M. Christian Jacob, ministre. C'est la raison pour laquelle, souhaitant que nous prenions le temps d'étudier sérieusement cette question, j'ai mis en place un groupe de travail composé de l'ensemble des acteurs économiques concernés : la grande distribution, les PME, le commerce de centre-ville, les chambres de métiers, les chambres de commerce et les associations de consommateurs. Nous nous sommes fixé un calendrier de travail à raison d'une réunion d'une demi-journée par semaine, jusqu'à la mi-février. Je ferai alors des propositions au Premier ministre.
En ce qui concerne les marges arrière, j'entends parfois avancer des solutions un peu rapides : « Puisqu'il existe des marges arrière, et qu'elles faussent la lisibilité du commerce, intégrons-les directement dans le prix ! »
Là aussi, attention, car on entre alors dans la logique du triple net ! L'intégration directe de l'ensemble de la marge nette dans le prix du produit, dans ce qu'on appelle le seuil de revente à perte, aboutirait à ce que plus une entreprise aurait développé des marges arrière importantes - elles sont en moyenne de 25 % à 30 %, mais peuvent atteindre 50 % dans certains secteurs -, plus elle serait bénéficiaire. Du jour au lendemain, les distributeurs pourraient baisser leurs prix de 50 %. Ce n'est sûrement pas le but recherché.
Donner la possibilité d'afficher une baisse des prix aussi importante créerait de véritables distorsions de concurrence avec les commerces qui ne les pratiquent pas, et, surtout, aboutirait à déstabiliser complètement le secteur de la production.
Il faut vraiment prendre le temps, et ne pas répondre aux provocations de quelques personnalités connues dans le monde de la distribution.
Quant à la situation de l'équipement commercial, M. Fouché a réalisé un travail très sérieux et fait d'excellentes propositions à ce sujet. Je souhaite que nous les examinions dans le cadre du groupe de travail afin d'en prendre toute la mesure.
M. Béteille a évoqué l'apprentissage. Je partage très largement ses réactions et j'adhère à ses propositions. Le Président de la République et le Premier ministre ont d'ailleurs souhaité en faire une priorité. Nous y avons travaillé avec Jean-Louis Borloo et Laurent Hénart dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Le texte a d'ailleurs été amélioré par le Sénat à la suite d'un débat particulièrement riche.
En matière d'apprentissage, comme pour les formations en alternance en général, il faut renforcer le lien entre l'entreprise et l'école. Celui-ci, à une époque, a connu une certaine distorsion. Pourtant, la meilleure façon de préparer à la vie en entreprise est de donner la possibilité aux jeunes d'y recevoir une partie de leur formation. C'est dans cet esprit que le Président de la République a souhaité que l'on renforce et que l'on développe l'apprentissage.
Monsieur Pelletier, vous avez abordé plusieurs points, notamment le projet de loi « Entreprises ».
Vous m'avez posé une question sur la pérennité des entreprises au lendemain de leur création. Les chiffres sont significatifs : trois ans après leur création, 30 % d'entre elles disparaissent.
Cependant, ce chiffre est à relativiser. Notre système d'identification classe les entreprises en fonction de leur raison sociale et de leur statut. Or certaines entreprises changent de statut, et d'autres peuvent très bien disparaître à la suite des aléas de la vie, et non pour des motifs économiques. Cela étant, les chiffres sont importants : je le répète, 30 % des entreprises disparaissent.
M. Dussaut et plusieurs intervenants ont évoqué les réseaux d'accompagnement. Lorsque ces derniers interviennent en matière de gestion, de fiscalité ou sur le plan juridique, le taux de mortalité des entreprises est divisé par deux. On mesure donc bien tout l'intérêt de développer de tels réseaux.
Le projet de loi « Entreprises » est organisé autour de quatre priorités. La méthode retenue pour sa préparation m'a conduit à rassembler pendant trois mois, à raison d'une fois par semaine, ce qui a représenté plus d'une vingtaine de réunions de groupes de travail et une trentaine d'auditions, l'ensemble des représentants des milieux professionnels, des organisations professionnelles, du monde de l'entreprise, des réseaux consulaires, ainsi que des parlementaires. L'un des deux groupes de travail était d'ailleurs animé par M. Gérard Cornu. Une quarantaine de propositions, autour de quatre axes forts, ont été présentées.
Premièrement, le financement : beaucoup de projets restent encore dans les tiroirs en raison des difficultés de leurs auteurs à trouver le bon outil de financement. C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé sur des propositions de fonds de garantie, de fonds de cautionnement, de renforcement et de développement des fonds propres et des fonds d'investissement de proximité. Un grand nombre de propositions ont été faites en ce domaine.
Deuxièmement, les différentes formes d'activité, le statut du conjoint et du collaborateur libéral. En effet, le problème d'accès au métier se pose aussi dans les professions libérales où certains jeunes, au sortir de leur formation, n'ont pas nécessairement la possibilité financière de reprendre un fonds ou une clientèle. Pour pallier cette situation, le groupe de travail a imaginé un système de portage avec les entreprises déjà implantées.
Troisièmement, la transmission d'entreprise. Il s'agit là d'un point fort de notre réflexion. Au-delà des aménagements fiscaux, nous entendons développer le tutorat, l'accompagnement dont M. Raoul a fait état à propos de la fermeture de commerces. Puisque vous m'avez interrogé, monsieur le sénateur, sur les crédits réservés à cet effet, je peux vous dire qu'ils s'élèvent à une quarantaine de millions d'euros, plus précisément, si ma mémoire est bonne, à 38 millions d'euros. Cette mesure, selon moi, demande sans doute à être inversée pour encourager les entreprises qui trouvent un repreneur.
M. Daniel Raoul. Voilà !
M. Christian Jacob, ministre. Dans ce dessein, il s'agit de faire en sorte que le coût de la reprise soit diminué du montant de cette aide, d'une part pour permettre au repreneur, sinon d'éviter de s'endetter, du moins de s'endetter beaucoup moins, et, d'autre part, pour encourager ceux qui cherchent à faire reprendre leur outil de travail. Sur ce point, monsieur le sénateur, je partage tout à fait votre analyse.
Quatrièmement, la simplification des procédures : quel que soit le gouvernement, c'est sans doute là qu'existe la plus grande marge de progression. Un certain nombre d'actions ont déjà été engagées, mais j'estime qu'il est possible d'aller beaucoup plus loin, et je ne doute pas que, au moment de l'examen du projet de loi « Entreprises », vous saurez, les uns et les autres, enrichir nos débats et nos propositions sur ce sujet.
S'agissant du dossier FISAC, vous m'avez attristé, monsieur le sénateur Dussaut, en déclarant, avant même de m'entendre, que vous n'alliez pas voter la proposition gouvernementale. Je pensais en effet parvenir à vous convaincre ! (Sourires.)
Sur les crédits FISAC, sur lesquels vous m'avez alerté, je reprendrai les propos que j'ai tenus en réponse à Gérard Cornu : je rappelle que les crédits FISAC, qui s'élevaient, en 2002, à 66 millions d'euros, ont été portés à 71 millions d'euros, montant qui devrait progresser de 42 % dans la loi de finances rectificative pour 2004, atteignant ainsi 100 millions d'euros. Ce gouvernement s'est donc vraiment engagé en faveur du développement du FISAC.
S'agissant de l'ouverture des commerces le dimanche, je partage assez largement votre point de vue à une exception près : il convient, à mon sens, de faire preuve d'une certaine souplesse à l'égard des zones de forte activité touristique, étant entendu que le commerce n'y fonctionne que lorsque les chalands sont présents.
En revanche, je suis beaucoup plus réservé pour les autres secteurs commerciaux, car l'ouverture dominicale crée une distorsion qui n'est pas saine : il sera beaucoup plus difficile de trouver du personnel pour les commerces de centre-ville, où le commerçant travaille bien souvent seul avec son conjoint ou un ou deux salariés, que pour les réseaux de grande distribution. En outre, j'estime que les commerçants peuvent aussi prendre un jour de repos dans la semaine.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis très réservé sur le développement de l'ouverture des commerces le dimanche au-delà du cadre touristique qui appelle une étude plus approfondie.
Monsieur Coquelle, vous m'avez interrogé sur la réduction du budget et sur la loi Galland. Je pense vous avoir répondu à cet égard en répondant à M. Auguste Cazalet.
S'agissant du rapport Canivet, nous allons, dans le cadre du groupe de travail que j'ai évoqué, en reprendre toutes les propositions, à l'instar de ce que nous allons faire pour les propositions de M. le sénateur Fouché ; nous les évaluerons s'agissant de leur implication en termes d'emploi. Je pense, comme je l'ai dit tout à l'heure, que je serai ainsi en mesure, à la mi-février, de présenter des propositions.
S'agissant des contrats de plan Etat-région, monsieur Raoul, l'Etat tient ses engagements à la hauteur des crédits ouverts par le Parlement ; je ne peux rien dire de plus !
Enfin, je précise à l'intention de M. Dussaut que seules les régions qui auront adopté un schéma régional expérimental de développement économique pourront utiliser les crédits du FISAC.
Tels sont monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, les éléments d'information que je pouvais porter à votre connaissance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie, et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les autres crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie ont été examinés aujourd'hui même.
État B
Titre III : 46 835 662 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 842 736 234 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V - Autorisations de programme : 421 588 000 euros ;
Crédits de paiement : 96 073 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI - Autorisations de programme : 1 554 628 000 € ;
Crédits de paiement : 1 139 644 000 €.
M. le président. J'appelle en discussion l'article 73 sexies qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.
Economie, finances et industrie
Article 73 sexies
I. - L'article 1601 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le a, le montant : « 93,50 € » est remplacé par le montant : « 95,50 € » ;
2° Le a est complété par les mots : « pour les chambres de métiers et de l'artisanat de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion, le montant maximum du droit fixe est fixé à 102,50 € ; »
3° Après le a, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour 2005, le montant maximum du droit fixe des chambres de métiers et de l'artisanat est exceptionnellement majoré de 1 € afin de permettre le financement de l'organisation des élections aux chambres de métiers et de l'artisanat ; cette majoration n'est pas prise en compte dans le calcul du droit additionnel à la taxe professionnelle. »
II. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1601 A du même code, les mots : « à l'article 1601 » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa du a de l'article 1601 ».
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat.
Services du Premier ministre
I. - SERVICES GÉNÉRAUX
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique et à la réforme de l'Etat, à la presse, à l'audiovisuel et au Conseil supérieur de l'audiovisuel).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, le budget des services généraux du Premier ministre, dont je suis le rapporteur spécial au nom de la commission des finances, regroupe des crédits très divers, à hauteur de 830 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005.
Parmi ces crédits figurent ceux de cabinets ministériels, en particulier, du cabinet du Premier ministre et des ministres en charge de la fonction publique, les dotations de directions d'administration centrale des services du Premier ministre et d'organismes placés auprès de lui, aussi divers que la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur sous l'occupation ou que le conseil d'orientation des retraites.
Enfin, plusieurs autorités administratives indépendantes sont rattachées aux services généraux du Premier ministre, parmi lesquelles le Médiateur de la République et le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
S'agissant des actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur sous l'occupation et des victimes d'actes de barbarie durant le Seconde guerre mondiale, je relève, d'une part, que le décret ne concerne pas les orphelins de toutes les victimes de la barbarie nazie, d'autre part, que le chapitre correspondant apparaît de nouveau sous-doté. Sur ces différents points, je me permets toutefois de renvoyer à l'examen des crédits du budget des Anciens combattants par notre collègue Jacques Baudot, rapporteur spécial.
Compte tenu de l'hétérogénéité des crédits inscrits au budget du Premier ministre, j'ai plaidé de manière constante pour que le périmètre des services généraux du Premier ministre corresponde aux seules fonctions d'état-major de l'action gouvernementale.
A cet égard, le projet de loi de finances pour 2005 marque un progrès en transférant le remboursement des exonérations de redevance audiovisuelle au budget des charges communes.
La nouvelle nomenclature budgétaire prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, poursuit cette clarification, puisque les crédits d'aide à la presse aujourd'hui inscrits au budget des services généraux du Premier ministre relèveraient, demain, de la mission « Médias », où ils trouvent naturellement leur place.
Par ailleurs, la maquette prévue par la LOLF envisage de regrouper tous les crédits des services du Premier ministre, qui ne se limitent pas à ceux des services généraux du Premier ministre, dans une mission intitulée « Direction de l'action du gouvernement ».
A périmètre constant, les crédits proposés dans le cadre du présent projet de loi de finances sont en légère baisse : ils s'élèvent à 706 millions d'euros, soit une diminution de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Cependant, ce resserrement budgétaire doit être relativisé en raison des variations qui ont affecté les crédits en exécution.
D'une part, les crédits des services généraux du Premier ministre n'ont pas été entièrement consommés ; ces crédits, reportés sur l'année suivante, ont ainsi abondé de 143 millions d'euros les dotations en loi de finances initiale en 2003, et ces reports ont encore atteint 68 millions d'euros en 2004.
D'autre part, les annulations de crédits, les mesures de répartition et les transferts ont réduit a contrario les crédits disponibles. Les annulations de crédits montrent un effort de régulation notable puisqu'elles ont atteint 39 millions d'euros en 2003 ; pour l'année 2004, elles s'élèvent à la date actuelle à près de 29 millions d'euros. Partant, les annulations de crédits représentent de 3 % à 4 % des dotations votées en loi de finances initiale.
Au final, pour l'exercice budgétaire 2003, le solde de ces différents mouvements de crédits a conduit à un excédent de 47 millions d'euros des crédits ouverts par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale.
Du point de vue de l'exécution budgétaire, cette progression des crédits ouverts conduit à nuancer les observations de votre rapporteur spécial fondées sur la seule comparaison des dotations en loi de finances initiale quasi stables depuis 2001.
Si ce décalage entre les crédits votés et les crédits ouverts est préjudiciable à la sincérité des crédits votés en loi de finances initiale, je me félicite de l'amélioration du taux de consommation des crédits à hauteur de 94,2 % en 2003. En effet, il diminue mécaniquement les reports et rapproche le niveau des crédits votés de celui des crédits ouverts en exécution.
Ces précisions me semblaient nécessaires à une juste appréciation de l'évolution des crédits des services généraux du Premier ministre.
Ce budget est lui-même confronté à d'importantes évolutions, dans le cadre de la préparation du passage à la LOLF. J'ai évoqué la nouvelle maquette dont l'élaboration a été d'autant plus difficile que les services du Premier ministre ne concourent pas véritablement aux moyens de mise en oeuvre d'une politique publique identifiable comme telle.
En 2005, une expérimentation de globalisation des crédits préfigurera l'application du principe de fongibilité asymétrique des crédits prévue par la LOLF.
Je me félicite de cette expérimentation, qui permet d'associer les agents à la conduite du changement exigé par la mise en oeuvre de la réforme budgétaire.
En revanche, la réflexion sur les objectifs et les indicateurs de performance doit encore être approfondie. L'efficience de la gestion, mesurée au regard des moyens alloués, doit davantage être prise en compte.
Ainsi, il n'est guère pertinent de retenir comme objectif la part des crédits relevant des fonctions supports de soutien de l'ensemble des dépenses du programme. De tels objectifs et indicateurs de moyens ne nous renseignent pas, en effet, sur la performance de l'action publique.
Je me réjouis de la définition d'un objectif de performance visant à conforter le rôle d'éditeur de référence de la Documentation française. Cependant, dans la continuité de mes travaux de contrôle budgétaire, je regrette qu'il n'ait pas été choisi de définir un objectif et des indicateurs pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et ce malgré les recommandations faites en ce sens par la mission de contrôle budgétaire menée au premier semestre 2004. Il est vrai que le nombre d'objectifs par programme doit rester limité pour d'évidentes raisons de lisibilité de l'action publique.
Je dirai encore quelques mots de la mise en oeuvre de la réforme des fonds spéciaux inscrits au chapitre 37-91 du budget des services généraux. Depuis la réforme de 2002, les fonds spéciaux correspondent exclusivement à des actions liées à la sécurité.
A cet égard, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005 s'élèvent à 37,8 millions d'euros, en très légère progression de 0,8 % par rapport à l'année antérieure. Compte tenu d'un nouvel abondement de ces dotations de plus de 3 millions d'euros à la date du 31 août 2004 - soit 8 % des crédits votés -, les fonds spéciaux apparaissent, une fois de plus, sous-dotés en loi de finances initiale.
J'ajoute que, pour la première fois en 2004, 30 000 euros ont été alloués au fonctionnement de la commission de vérification des fonds spéciaux. Or, ces crédits n'étaient pas consommés à la date du 31 août 2004.
Telles sont, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais porter à votre connaissance concernant un budget, par nature, hétérogène.
La commission des finances s'est ainsi prononcée pour l'adoption du budget des services généraux du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les sénateurs, hors fonction publique, le projet de budget des services généraux du Premier ministre pour 2005 s'établit à 674,9 millions d'euros contre 931,3 millions d'euros en 2004. Comme M. le rapporteur spécial l'a signalé, cette diminution résulte, pour l'essentiel, d'une mesure de transfert des crédits destinés à la compensation par l'Etat des exonérations de redevance audiovisuelle vers le budget des charges communes.
Au sein du budget des services généraux, nous avons déterminé trois priorités.
La première priorité est le développement de l'administration électronique. Grâce au plan « Administration électronique 2004/2007 » ou « ADELE », lancé par le Premier ministre le 9 février de cette année, 140 projets créateurs de 300 nouveaux services seront réalisés d'ici à 2007.
Les moyens humains et financiers supplémentaires dont disposera l'agence pour le développement de l'administration électronique, ou ADAE, résultent non pas d'une dépense nouvelle pour l'Etat, mais d'un transfert par ponction de crédits et de postes budgétaires provenant d'autres ministères. Cette taxation correspond à la volonté du Gouvernement de mutualiser l'effort des différents ministères plutôt que de continuer à laisser agir chacun de son côté, ce qui serait à la fois coûteux et probablement dangereux sur le plan technique.
L'administration électronique est un facteur essentiel de la modernisation de l'Etat. Je sais que vous en êtes convaincus, car nous en avons parlé à plusieurs reprises. Les propositions du président Jean Arthuis, contenues dans le rapport, dont je salue la qualité, remis au nom de la commission des finances, nous seront d'ailleurs fort utiles pour améliorer au fur et à mesure des années et des exercices budgétaires l'efficacité de notre action dans ce domaine.
L'indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde guerre mondiale constitue la deuxième priorité de ce budget. A la suite des engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a mis en place, par décret du 27 juillet 2004, un régime d'indemnisation en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale. Ce régime est d'ores et déjà applicable. De nombreux dossiers sont en cours d'instruction et donneront lieu à indemnisation dès les prochaines semaines. Une dotation de 20 millions d'euros est inscrite pour 2005 au budget des services généraux du Premier ministre pour l'application de ce régime.
La troisième priorité est constituée par les expérimentations envisagées en 2005 au titre de la préparation de la mise en oeuvre de la LOLF. La principale mesure prend la forme de la création d'un chapitre expérimental de globalisation qui regroupe les crédits rattachés à l'action de soutien du futur programme « Coordination du travail gouvernemental ». Ce chapitre s'élève aujourd'hui à 43,6 millions d'euros.
Par ailleurs, M. le rapporteur spécial a soulevé des questions auxquelles je souhaite répondre.
Il s'interroge tout d'abord sur la pertinence du rattachement au Premier ministre des crédits du comité consultatif national d'éthique, autrefois relevant du budget du ministre chargé de la santé. Cette mesure résulte d'une disposition de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Elle vise à souligner l'importance que revêtent pour l'Etat les travaux de ce comité, ainsi que le caractère interministériel de l'activité de ce dernier. Toutefois, dans l'optique de la LOLF, cette disposition pourrait effectivement être réexaminée en projet de loi de finances pour 2006.
En outre, M. le rapporteur spécial souligne son intérêt pour la mission d'étude visant à organiser le rapprochement des activités de la direction des Journaux Officiels et de la direction de la Documentation française, mission confiée à M. Tiberghien. Les premières conclusions de cette mission, portant sur le routage, la diffusion et l'impression, sont déjà mises en oeuvre. De nouvelles propositions sont attendues pour la fin de cette année.
S'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, il a été souligné que le rattachement des crédits liés à l'indemnisation des victimes des spoliations antisémites en vigueur pendant l'occupation et des victimes de la barbarie nazie pourra relever de la mission « Mémoire et lien avec la nation ». Je tiens à appeler l'attention de la représentation nationale du Sénat sur le caractère unique des actes en question. Ils ne sont pas assimilables aux faits relevant de la mémoire combattante et ils ont donné lieu, de la part de M. le Président de la République, à la reconnaissance d'une responsabilité nationale si particulière qu'elle justifie un rattachement, y compris sur le plan budgétaire, au plus haut niveau de l'Etat.
Enfin, la possibilité de rattacher les crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel à la mission « Médias » a été évoquée par le Gouvernement au cours des travaux préparatoires à la mise en place de la LOLF, comme elle l'a été également par M. le rapporteur spécial. Cette hypothèse n'a cependant pas été retenue, car lier une autorité administrative indépendante à un programme dont le responsable est l'autorité qu'elle doit contrôler aurait été paradoxal.
S'agissant de l'écart observé entre les dotations inscrites en loi de finances initiale et les crédits ouverts, il résulte - M. le rapporteur spécial l'a bien noté - de l'importance des reports et de la volonté du Gouvernement d'assurer en 2003 la maîtrise la plus complète de l'exécution de l'autorisation budgétaire.
Quant à la dotation des fonds spéciaux, que M. le rapporteur spécial estime sous-évaluée en loi de finances initiale, je peux indiquer à la Haute Assemblée qu'elle ne couvre que les opérations programmées. Elle ne comporte pas de dotations forfaitaires pour les opérations spéciales non prévues. L'obligation de recourir à des décrets de dépenses accidentelles pour chacune de ces opérations ne nuit pas au contrôle budgétaire qui doit être exercé sur ces opérations.
Enfin, la non-consommation de la dotation inscrite au bénéfice de la commission de contrôle des fonds spéciaux correspond au fait que celle-ci a choisi de faire porter son effort, pour la première année de son activité, sur les services centraux et non sur les postes à l'étranger. De ce fait, elle n'a pas eu l'occasion d'utiliser sa dotation destinée à financer les dépenses liées à ses déplacements.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter à la Haute Assemblée, s'agissant du budget des services généraux du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, vous avez également en charge les stratégies ministérielles de réforme, et tout doit tendre à l'efficacité de la dépense publique.
Nous devons nous mobiliser pour réduire la dépense publique, la rendre plus efficace, diminuer le déficit public, réduire les prélèvements obligatoires.
Nous avons observé que, dans les crédits des services généraux du Premier ministre, au chapitre 37-30, article 20, sous-article 22, est inscrite la création d'un conseil d'analyse de la société, pour laquelle 150 000 euros ont été prévus.
Naturellement, 150 000 euros rapportés au total des dépenses prévues au budget, c'est peu.
Cependant, c'est un signe, monsieur le ministre. Comment peut-on à la fois proclamer une telle volonté de maîtrise de la dépense publique et créer un organisme de plus ? Nous avons beaucoup hésité, constatant que rien ne change du côté du Plan, que l'on a complété par un conseil d'analyse économique, et que le Conseil économique et social est un haut lieu de réflexion sur l'analyse de la société. Il y a également le Parlement, qui compte des délégations pour la planification et pour l'aménagement du territoire ; et voilà que le Premier ministre crée un conseil d'analyse de la société !
Nous sommes dans une vraie contradiction. Je ne vais pas réunir ce soir la commission des finances pour déposer un amendement et retrancher symboliquement 50 000 euros.
Mais je voudrais être sûr que, si ce conseil devait être créé - et je fais le voeu qu'il ne le soit pas -, l'on nous donne alors tous les éléments d'information attestant qu'il n'y aura pas de création d'emplois ; en effet, ce serait en contradiction avec notre volonté affirmée de réduire les effectifs de la fonction publique. Je voudrais que l'on nous donne l'analyse de ces dépenses, que l'on nous explique ce qui justifie ce budget. Et nous nous réservons le droit, en commission mixte paritaire, de procéder à une restriction de ces crédits.
Je souhaite dire au Premier ministre que nous attendons pour l'an prochain une remise en ordre de ces multiples organismes, dont la coordination nous semble très aléatoire. Il s'agit de dépenses publiques, dans l'engagement desquelles nous devons nous montrer plus rigoureux.
Peut-être avez-vous des éléments de réponse sur ce conseil d'analyse économique, monsieur le ministre ; très franchement - je vous le dis avec une grande sincérité -, nous sommes ici dans un exercice contredisant les grandes lignes directrices que le M. le ministre d'Etat a rappelées en présentant le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, je partage évidemment votre souci de combattre les organismes inutiles dans l'administration française, de procéder à un élagage. Nous l'avons d'ailleurs fait l'année dernière, au travers du projet de loi d'habilitation, en supprimant un grand nombre de commissions ; et nous le referons à partir du projet de loi d'habilitation n° 2, voté voilà à peu près un mois, qui va nous permettre de poursuivre cette oeuvre.
Mais élaguer ne signifie pas ne pas créer. Il faut élaguer les structures qui montrent leur inutilité ou qui montrent simplement qu'elles sont en décalage par rapport à ce que l'on attendait.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. La création de nouvelles structures n'est pas nécessairement interdite, mais il faut évidemment - et je partage complètement votre souci - qu'elles montrent leur utilité.
Le Premier ministre a souhaité, et il n'est pas le seul, que soit créé, à côté des autres organismes de prospective et, finalement, d'investissement intellectuel, le conseil d'analyse de la société dont la mission a été précisée par un décret de juillet 2004.
Il s'agit d'un conseil modeste, ne comptant ni organes permanents ni personnels titulaires qui seraient rattachés ; il ne sera pas créé d'emplois de fonctionnaires, et ce conseil ne sera pas un outil qui alourdirait la machine administrative. C'est au contraire une structure très souple qui devra, au fur et à mesure du temps, montrer son utilité.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le président de la commission, et je pense pouvoir prendre l'engagement que, à l'issue d'une première année de fonctionnement du conseil d'analyse de la société, une évaluation précise des résultats de ce dernier permette de savoir si les espoirs que l'on place en lui seront ou non fondés.
Mais il ne faut pas confondre les deux manières de faire : on peut sans arrêt alléger, supprimer, tout en ayant un axe et une culture de création, les deux n'étant pas incompatibles.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne suis pas du tout convaincu ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous nous réservons la possibilité de trancher en commission mixte paritaire. Si cet organisme devait être créé, je ne doute pas qu'il serait une référence en matière d'évaluation de performances. Alors, peut-être, monsieur le ministre, pour compléter notre échange, me permettrai-je de vous demander de venir devant la commission des finances pour nous expliquer tout cela. (M. Hugues Portelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas, monsieur le président, engager un long dialogue avec le président de la commission des finances, mais nous sommes évidemment sur la même longueur d'ondes, et je suis prêt à aller devant la commission pour bien préciser les choses.
J'ajoute que, par ailleurs, un certain nombre d'économies sont réalisées, notamment au commissariat général du Plan, ce qui permet d'adapter les organismes à leurs fonctions.
M. le président. Je vous rappelle que les crédits inscrits à la ligne « services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix demain à la suite des crédits relatifs à la communication.
État B
Titre III : moins 36 875 266 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : moins 284 372 080 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 23 320 000 € ;
Crédits de paiement : 8 938 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services généraux du Premier ministre.
II. - secrétariat genéral de la défense nationale
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat national de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'application de la loi organique relative aux lois de finances entraînant la suppression du budget du secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, c'est donc pour la dernière fois que je vous présente ses crédits. Ces derniers atteindront, en 2005, 56,67 millions d'euros, soit une augmentation apparente de 12,9 %. Cette évolution résulte principalement de transferts d'emplois auparavant mis à disposition.
Après intégration de 36 personnes, dont 33 en provenance du ministère de la défense, et la création de 16 emplois, le SGDN disposera d'un effectif de 353 emplois. Par ailleurs, la subvention à l'Institut des hautes études de la défense nationale, l'IHEDN, est doublée pour atteindre 4,2 millions d'euros, en raison du transfert de 43 emplois venant du même ministère. La hausse réelle des moyens du SGDN, compte tenu de ces opérations de transfert à coût nul pour l'Etat, n'est donc que de 5,1 %.
Cette augmentation permettra - par les créations d'emplois et avec près d'un million d'euros de mesures nouvelles pour le matériel et le fonctionnement - de satisfaire aux nouvelles missions confiées au SGDN.
Les dépenses en capital s'établissent en crédits de paiement en légère hausse de 3,6 %, conséquence de l'attribution de 1,1 million d'euros pour le soutien à l'innovation du titre VI. Ces crédits serviront à la mise en oeuvre du plan de renforcement de la sécurité des systèmes d'information, le PRSSI, et aux actions menées au titre de l'intelligence économique. Si le programme civil de défense continue à bénéficier de crédits représentatifs, des réductions de crédits lui ont cependant été appliquées ces dernières années, ce que je regrette.
Enfin, les autorisations de programme augmentent de 4 millions d'euros en faveur du centre de transmissions gouvernemental et du nouveau titre VI.
Le SGDN, instrument privilégié du Premier ministre en matière de direction générale de la défense, travaille également en liaison avec la Présidence de la République. Son rôle est conforté par les moyens mis à sa disposition et les appels à sa compétence.
Le SGDN est aussi chargé de la préparation du comité interministériel du renseignement, le CIR. A ce propos, je pense que la coordination du renseignement pourrait être améliorée par la création d'un conseil sur le modèle du conseil de sécurité intérieure.
Les responsabilités du SGDN ont été récemment élargies. En effet, une cellule de veille et d'alerte fonctionnant en permanence a été mise en place, un haut responsable chargé de l'intelligence économique et rattaché au SGDN a été nommé, et le comité interministériel aux crises nucléaires et radiologiques, le CICNR, dont le secrétariat est assuré par le SGDN, a été créé.
L'évolution vers une réelle autonomie de l'IHEDN est poursuivie par un important transfert d'emplois. J'apprécie cet effort, de même que l'impulsion nouvelle donnée aux trinômes académiques et les avancées pour la création d'un futur collège européen de sécurité et de défense.
Les fonctions du SGDN recouvrent également la coordination de la protection des populations. Dans le contexte international, votre rapporteur spécial s'inquiète tout particulièrement, comme chaque année d'ailleurs, des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.
Aussi convient-il d'apprécier la création du CICNR à sa juste valeur. Le SGDN, qui en assure le secrétariat, est désormais chargé de mettre en cohérence les mesures planifiées en cas d'accidents ou d'attentats et de veiller à la planification d'exercices dans ce domaine. A ce titre, il faut relever la participation du secrétaire général du SGDN aux conseils de sécurité intérieure. Il instruit et présente les questions de sécurité intérieure intéressant la défense, le renseignement et la planification de la sécurité nationale.
J'approuve également la mise en oeuvre du PRSSI, les administrations de l'Etat disposant, pour cette sécurisation des systèmes d'information, de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, désormais intégrée dans les locaux du SGDN.
Enfin, je constate avec satisfaction que les transmissions gouvernementales restent aussi l'une des priorités du SGDN, notamment la valorisation du réseau Rimbaud.
Les chantiers nécessaires à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances sont en bonne voie au SGDN avec l'utilisation, depuis le 1er janvier 2002, du logiciel Accord et la mise en place d'un plan pluriannuel d'application du contrôle de gestion et de suivi de la masse salariale. Celle-ci est désormais présentée dans un chapitre unique 37-10, et, dans l'optique de la mise en place d'un budget opérationnel de programme, vingt-sept objectifs ont été définis pour le SGDN.
Après application de la loi organique relative aux lois de finances, les crédits du SGDN seront rattachés à une action de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Le format du SGDN ne pouvait justifier le maintien de son « bleu » budgétaire au regard des principes retenus par la loi organique relative aux lois de finances. Cependant, je souhaite que les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions, notamment de coordination interministérielle en matière de défense et de sécurité, indispensables aux plus hautes autorités politiques de notre pays, soient maintenus dans l'avenir. Je ne suis toutefois pas inquiet à ce sujet dans la mesure où, ces dernières années, les pouvoirs publics de toutes tendances ont régulièrement accru ses moyens et ses compétences.
Compte tenu de l'effort consenti en faveur des missions tant traditionnelles que nouvelles du SGDN qui ressort de ce budget, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le secrétariat général de la défense nationale, service du Premier ministre, assure la coordination interministérielle dans les domaines de la défense et de la sécurité de la France.
L'année 2004 a été marquée par un accroissement des missions du SGDN vers une vision plus globale de la sécurité. Cette prise en charge de missions nouvelles justifie l'augmentation du projet de budget du SGDN pour 2005 tel qu'il vous est présenté.
Cependant, si ce projet de budget augmente en apparence de 12,9 % par rapport à la loi de finances initiale de 2004, passant de 50,2 millions d'euros à 56,67 millions d'euros, cette progression est en réalité de 5,1 % en raison d'importants transferts d'emplois. En effet, 60 % des crédits nouveaux correspondent à des transferts d'emplois depuis d'autres ministères dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.
Les crédits destinés au fonctionnement, inscrits au chapitre 34-98, augmentent de 8 %. Cet octroi de crédits nouveaux permettra de prendre en charge les besoins courants induits par quatre nouvelles missions.
La première mission tient au renforcement du dispositif de veille et d'alerte au profit des plus hautes autorités de l'Etat afin d'assurer cette fonction de façon permanente sept jours sur sept.
La deuxième mission est le développement de la capacité d'anticipation et la planification de la réponse aux crises de toutes natures ainsi que la réalisation de plusieurs exercices interministériels.
La troisième mission est la coordination des actions d'intelligence économique, à la suite de l'institution d'un haut responsable chargé de l'intelligence économique auprès du secrétaire général de la défense nationale par décret du 22 décembre 2003. Même si le budget qui lui est consenti est, comme l'a noté M. le rapporteur spécial, relativement modeste, il convient de souligner que celui-ci est adapté à une première année d'activité et qu'il doit être examiné en tenant compte du fait que les crédits prévus au titre VI pour le soutien à l'innovation dans les PME concourent aux missions du haut responsable.
Enfin, la quatrième mission est le secrétariat du comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques, créé par le décret du 8 septembre 2003, dont le SGDN assure l'animation.
Le projet de budget pour 2005 présenté ici traduit également un nouvel élan demandé par le Premier ministre dans le domaine de la sécurité des systèmes d'information, domaine qui relève de la compétence du SGDN depuis 1996 : un plan de renforcement de la sécurité des systèmes d'information pluriannuel, approuvé par le Premier ministre en décembre 2003, doit permettre à l'Etat non seulement de s'adapter aux avancées technologiques, mais aussi de protéger ses infrastructures de communications.
Pour 2005, ce plan se traduit, au SGDN, par la création de six emplois à la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, un effort d'investissement poursuivi l'année prochaine et des possibilités d'intervention accrues dans le monde économique par la création d'un titre VI au budget du SGDN.
Ce projet de budget permettra la prise en charge de ces nouvelles missions ; toutefois, il ne néglige pas les missions plus traditionnelles du SGDN.
Ainsi, l'investissement au profit de la lutte contre le terrorisme nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique permettra de poursuivre les projets engagés les années précédentes. Il en va de même pour les capacités techniques des services spécialisés.
Par ailleurs, l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, dont le SGDN exerce la tutelle au nom du Premier ministre, voit sa subvention doubler dans le projet de loi de finances pour 2005. Cependant, la majeure partie de cette augmentation est due à des transferts d'emplois depuis le ministère de la défense.
La politique de transfert d'emplois appliquée par le SGDN et l'IHEDN dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances permet de mettre fin aux mises à disposition sans remboursement.
Le projet de budget du SGDN pour 2005 permet non seulement de poursuivre les actions engagées, mais aussi de prendre en compte les besoins budgétaires des nouvelles missions qu'il s'est vu confier.
De même, par les transferts prévus, il participe à une clarification des soutiens apportés par d'autres ministères, particulièrement en personnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.
État B
Titre III : 5 713 314 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 20 620 000 € ;
Crédits de paiement : 8 758 000 €.
M. le président. Je mets aux voix crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 180 000 € ;
Crédits de paiement : 1 100 000 €.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, selon l'ordre du jour de ce vendredi, nous devons encore examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le Conseil économique et social, le Plan, le budget annexe des Journaux officiels, la fonction publique et la réforme de l'Etat.
Nous devions, en principe, suspendre nos travaux à vingt heures, pour les reprendre à vingt-deux heures ; mais peut-être pourrions-nous envisager de les achever avant le dîner, à condition, toutefois, que chacun trouve cette proposition à sa convenance et accepte d'être concis - le débat budgétaire est, traditionnellement, riche, plein de spontanéité et d'émotion, mais les sujets que nous avons à examiner maintenant ne devraient peut-être pas donner lieu à des débordements passionnés ! -, afin que la séance ne se prolonge pas au-delà de vingt et une heures ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. C'est parfait !
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Je vous invite cependant à la concision, mes chers collègues, par égard pour le personnel des services des comptes rendus.
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget du Conseil économique et social - renouvelé voilà tout juste trois mois -s'inscrit dans la continuité de celui de l'année passée.
En augmentation de 0,5 %, il s'élève à 33 millions d'euros. Il n'offre guère de marges de manoeuvre, l'essentiel étant constitué de frais liés aux ressources humaines, parfaitement stables depuis 2001. Aucun facteur d'augmentation marquant n'est à relever.
Comme les ministères, le Conseil économique et social est frappé par des mesures de réduction de crédits, tant sur 2004 que sur 2005. Cependant, il bénéficie d'une réelle autonomie de gestion que lui ont accordée les constituants de 1958.
Les crédits du Conseil économique et social sont peu détaillés, les dépenses sont réalisées sur décision de son bureau sans que s'applique la loi du 10 août 1922, relative au contrôle des dépenses engagées. Seuls s'imposent les contrôles a posteriori de la Cour des comptes.
Pour autant, « indépendance » ne signifie pas « opacité », je dois le souligner, et le Conseil économique et social fournit volontiers à la commission des finances de la Haute Assemblée toute information complémentaire utile à la compréhension de sa situation budgétaire et financière.
La troisième assemblée constitutionnelle, qui se veut acteur essentiel de la démocratie participative à l'échelle nationale, européenne et mondiale, s'est incontestablement dynamisée au cours de la mandature 1999-2004, grâce au président Dermagne.
Chacun de nous connaît les travaux effectués par le Conseil économique et social sur saisine gouvernementale, ou sur autosaisine, sur des sujets qu'il sait être au coeur des préoccupations de la société civile.
Toutefois, c'est bien sûr au cours du processus législatif que le Conseil économique et social voudrait être plus souvent consulté. Il vient de l'être, et sur un thème d'importance : la cohésion sociale. Après avoir travaillé tout l'été, il a rendu un avis dont le Parlement et le Gouvernement n'ont pas manqué de tirer profit.
Si certaines critiques demeurent, par exemple sur sa composition ou sur les modes de désignation de certains de ses membres, le Conseil économique et social lui-même peut être une véritable force de proposition ; mais, tant sur l'opportunité que sur le sens d'une réforme, la décision appartient, bien entendu, au seul législateur.
Après ces observations d'ordre général, j'en viens à ce qui a donné lieu à bien des discussions : l'application à cette institution si particulière de la loi organique relative aux lois de finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh oui !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. Le Gouvernement n'a pas répondu favorablement à la demande exprimée par le Conseil économique et social d'un rattachement à la mission intitulée « Pouvoirs publics », suivant en cela les arguments du Parlement. Cette assemblée n'émanant pas, en effet, du suffrage universel, elle ne peut donc être assimilée aux assemblées parlementaires. En outre, elle ne dispose pas du pouvoir de décision qui caractérise les pouvoirs publics.
Du reste, comment faire figurer dans la mission « Pouvoirs publics » une institution que les constituants ont placée « auprès » de ces pouvoirs publics ?
Le Gouvernement n'a pas davantage suivi la préconisation du Parlement d'un programme « Conseil économique et social » qui aurait été rattaché à la mission aujourd'hui dénommée « Direction de l'action du Gouvernement », estimant que cette préconisation niait la nature même de la troisième assemblée constitutionnelle.
Il a opté pour une solution autre, que le législateur avait délibérément écartée : une mission monoprogramme, sans indicateur de performance - ces deux notions sont en contradiction avec l'esprit ayant présidé à l'élaboration de la loi organique relative aux lois de finances -, ce qui fait de cette mission la plus petite mission chiffrée parmi toutes celles qui relèvent de la loi organique relative aux lois de finances.
Ce choix répond en grande partie aux attentes du Conseil économique et social, qui ne peut voir sa spécificité mieux reconnue, puisqu'il n'est rattaché à aucun autre ensemble. Il garde donc souplesse et autonomie de gestion. Ses crédits sont non seulement fongibles, parce que regroupés dans un même programme,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. ... mais aussi protégés de tout risque de virement d'un programme à un autre, parce que rassemblés dans le seul programme d'une mission.
En revanche, ce choix gouvernemental ne peut satisfaire pleinement le Parlement. La notion même de mission monoprogramme « malmène » quelque peu l'esprit et la lettre de la loi organique relative aux lois de finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle les contredit totalement !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. Outre qu'elle est contraire à l'article 7, précisant qu'une mission comprend un ensemble de programmes, elle limite sérieusement le pouvoir d'amendement du Parlement, pouvoir que la loi organique relative aux lois de finances vise, au contraire, à élargir.
Mme Nicole Bricq. Exactement !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. Tout redéploiement de crédits d'un programme à un autre lui étant impossible, le Parlement ne pourrait exercer son pouvoir que dans le sens d'une diminution des crédits, ce qui, a priori, ne risque guère de se produire.
Enfin, il est incontestable que l'absence d'indicateurs de performance déroge à la règle.
Sur ce point, efforçons-nous à un peu d'indulgence, et reconnaissons que la détermination de ratios significatifs de ce que serait l'efficacité du Conseil économique et social est bien délicate !
Pour sortir de l'impasse - j'insiste sur ce point -, le Conseil économique et social se dit prêt à transmettre son programme pluriannuel de travail au Parlement, lequel pourrait l'amender. Cette proposition mérite d'être examinée attentivement.
A l'évidence, l'application de la loi organique relative aux lois de finances au Conseil économique et social pose des problèmes juridiques particuliers. Si la « bonne » solution existait, elle aurait été trouvée depuis un an. Tel n'est pas le cas, mais la réflexion n'est pas tout à fait close, et le Sénat souhaiterait connaître votre sentiment, monsieur le secrétaire d'Etat, sur cet épineux problème.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits affectés pour 2005 au Conseil économique et social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil économique et social joue un rôle déterminant pour associer les forces vives de la nation et de l'ensemble des partenaires sociaux à l'élaboration des politiques publiques.
Pour 2005, son projet de budget, en progression de 0,46 % par rapport à l'année 2004, s'élève à 32,93 millions d'euros, 31,98 millions d'euros relevant du titre III et 0,95 million d'euros étant des crédits inscrits au titre V. Il appelle assez peu de commentaires.
Je tiens cependant à illustrer l'activité et l'utilité du Conseil économique et social par quelques chiffres, puisque M. le rapporteur spécial a parlé d'indicateurs.
Au cours de l'année 2003, le Conseil économique et social a tenu 21 assemblées plénières, contre 18 en 2002. Ses membres ont participé à 331 réunions, au cours desquelles 235 personnalités extérieures ont été auditionnées. A l'issue de ces travaux, 2 études et 25 avis et rapports ont été adoptés, dont 9 sur saisine gouvernementale. Au cours de la période s'étendant de janvier 2004 au mois d'août de la même année, 19 avis ont été adoptés, dont 3 sur saisine gouvernementale.
Depuis juin 1999, le texte intégral des rapports du Conseil économique et social est mis en ligne sur son site Internet : 120 000 visites ont été recensées en 2003, contre 80 000 en 2002.
Je tiens également à saluer l'action internationale du Conseil économique et social, qui est nouvelle, en citant deux exemples.
Le Conseil économique et social assure le secrétariat de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires, l'AICESIS, depuis sa création, en 1999, association à la présidence de laquelle le président de notre Conseil économique et social a été élu en juin 2003, à Alger, pour une durée de deux ans, ce qui témoigne bien du rayonnement du Conseil économique et social français.
L'Organisation des Nations unies a, par ailleurs, accordé à l'AICESIS un statut d'observateur, et les liens historiques entre le Conseil économique et social et le Bureau international du travail ont encore été resserrés.
En ce qui concerne l'organisation de la loi organique relative aux lois de finances, vous vous interrogez, monsieur le rapporteur spécial, sur ce programme unique concernant le Conseil économique et social. Nous pouvons fort bien, d'ici à 2006, année où la loi organique relative aux lois de finances entrera en application, réfléchir à ce problème : les choses n'étant pas définitivement arrêtées, la discussion avec les personnes compétentes et, évidemment, avec le Parlement est ouverte.
Il est bien sûr un peu délicat de vouloir fixer des indicateurs de mesure de performance pour une institution prévue par la Constitution ou pour une assemblée parlementaire ; d'ailleurs, le Conseil économique et social n'est pas une administration, monsieur le rapporteur spécial ; il faut bien le noter et faire la différence entre les deux.
Cela étant, les crédits inscrits au Conseil économique et social n'appellent pas, de ma part, d'autres observations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Conseil économique et social et figurant aux états B et C.
État b
Titre III : 373 884 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 950 000 € ;
Crédits de paiement : 950 000 €.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Conseil économique et social.
IV. - plan
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous renvoie à la lecture de mon rapport écrit pour une analyse détaillée des crédits affectés en 2005 au Plan. Je centrerai en effet mon propos sur deux observations principales.
Ma première observation porte sur l'évaluation. En effet, dans le projet de budget qui nous est soumis, l'ambiguïté relative aux crédits d'évaluation n'est pas totalement levée.
Il est vrai que le Plan se recentre, conformément aux orientations définies l'année dernière par le Premier ministre, sur une mission de prospective, la « prospective de l'Etat stratège ». Cela se traduit notamment par un déplacement de son centre de gravité de l'économique vers le politique et par un abandon de la mission d'évaluation des politiques publiques.
La réorganisation des services du Commissariat général du Plan témoigne de cette évolution. Ainsi sont mis en place des groupes de projets - j'en décris le fonctionnement dans mon rapport écrit -, qui sont régulièrement évalués afin de ne pas constituer des structures pérennes si la qualité de leurs travaux est insuffisante ou ne correspond pas aux nouvelles missions du Plan.
De même, le détachement de trois organismes, auparavant subventionnés par le Plan, explique une large part de la diminution des crédits affectés en 2005 et traduit l'évolution du rôle assigné à cette institution.
Toutefois, le présent projet de budget ne rend pas totalement compte des nouvelles orientations du Plan. En effet, des crédits sont maintenus, à hauteur de 300 000 euros, ce qui représente une baisse de 50 % par rapport à 2004.
Quelle est la vocation de ces crédits ? Ils constitueraient une espèce de « réserve », qui pourrait, le cas échéant, être utile à la future structure en charge de l'évaluation des politiques publiques.
On le voit, ce troisième projet de budget ne porte pas la marque d'un choix clair du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous préciser la conception du Gouvernement en matière d'évaluation des politiques publiques ? Envisagez-vous de regrouper les crédits d'évaluation au profit d'une structure unique ? Si oui, laquelle ?
S'agissant des crédits en faveur de l'évaluation des contrats de plan Etat-région qui ont la particularité d'être confiés au Plan, l'examen de ce projet de budget à l'Assemblée nationale a permis d'apporter des précisions. Ainsi, les crédits dévolus à cette mission, soit 800 000 euros, ont été transférés au budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Pour autant, cette solution est-elle satisfaisante ? La commission des affaires économiques - le rapporteur pour avis, M. Jean-Paul Alduy, le confirmera dans un instant - ne le pense pas. Elle a raison ! En effet, le Gouvernement, au moment où il dispose des rapports sur l'avenir des contrats de plan Etat-région à la fois de la délégation pour la planification du Sénat et de la délégation parlementaire pour la planification de l'Assemblée nationale, est en mesure d'orienter sa position sur l'avenir des contrats de plan Etat-région. Il semble plus naturel que la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, en soit le réceptacle.
Ma seconde observation porte sur la mise en oeuvre de la LOLF, qui suscite, dans la nouvelle maquette, certaines interrogations sur le rôle du Plan et, par voie de conséquence, sur celui de l'ensemble des organismes affectés à cette fonction stratégique de l'Etat.
Ainsi, on peut s'interroger sur le choix opéré de ne pas placer, au sein de la même action « Prospective », les crédits du Commissariat général du Plan, du Conseil d'orientation des retraites, le COR, et du Conseil d'analyse économique, le CAE, contrairement à ce qui était envisagé dans la première maquette présentée en janvier 2004. Les trois instances effectuant des travaux de prospective, la proposition initiale paraissait en effet pertinente.
Le commissaire au Plan, M. Alain Etchegoyen, que j'ai interrogé à ce sujet, m'a précisé que, dans les sujets d'études qu'il choisissait, il évitait que le travail de ces trois instances ne se chevauche. En outre, ces trois organismes ne figurent plus au sein du même programme : le CAE et le COR sont rattachés au programme « Coordination du travail gouvernemental », tandis que l'action « Prospective » est rattachée au programme « Fonction publique, réforme de l'Etat et prospective ».
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner les raisons qui ont conduit le Gouvernement à opérer ce choix, alors qu'il ne correspond apparemment pas à une demande du Plan et que, surtout, il apporte une confusion supplémentaire ?
Dans cette optique, on peut comprendre - M. le président de la commission des finances y a fait allusion dans le débat précédent - le mouvement d'humeur des députés qui, à l'unanimité, ont voulu supprimer les crédits du nouveau Conseil d'analyse de la société, créé récemment par le Premier ministre.
En outre, à ce stade, aucun indicateur de performance de l'action « Prospective n'est envisagé. Si cela peut témoigner d'une réelle difficulté d'appréciation des résultats de la prospective, il me paraît toutefois essentiel qu'un indicateur de performance soit défini à l'avenir. Sur ce sujet encore, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attends votre réaction.
M. Alain Etchegoyen m'a indiqué que le Plan, dont le passé a été prestigieux, avait été un « vivier », un « tremplin » pour nombre de ses membres, l'ambition du nouveau commissaire au Plan étant d'ailleurs de rendre au Plan cette qualité, cette force d'attraction et de « propulsion ». Si la mutation est désormais bien engagée, il est encore trop tôt pour en dresser un bilan positif et dire si cette ambition sera atteinte.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits affectés au Plan pour 2005.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Jean Arthuis nous a invités à être brefs et, comme Mme Nicole Bricq vient de faire une présentation complète des enjeux, je limiterai mon intervention à quelques points.
Voilà quelques décennies, la planification, avec la DATAR pour la planification territoriale et le Commissariat général au Plan pour tout ce qui relevait du social et de l'économique, constituait une « ardente obligation », soutenue par une mobilisation de toutes les intelligences sur la prospective. Aujourd'hui, le Gouvernement manifeste sa volonté de recentrer le Plan sur des missions de prospective, affectant prochainement ses missions d'évaluation à une structure qui reste à définir.
S'agissant de la mission « Prospective », M. Alain Etchegoyen, nouveau commissaire au Plan, a développé, dès son entrée en fonction, des méthodes beaucoup plus dynamiques et actives. Il a ainsi mis en place une trentaine de groupes de travail, qui ne sont pas destinés à être pérennes, mais qui ont vocation à fournir régulièrement des notes précises au Gouvernement, aux professionnels, ou tout simplement à ceux qui, de plus en plus nombreux, consultent le site Internet du Commissariat général du Plan. Les choses évoluent donc dans le bon sens.
Toutefois, on peut s'étonner, d'une part, que la LOLF contienne quelque incohérence dans la répartition des missions d'un certain nombre d'organismes qui s'occupent de prospective, d'autre part, que soient créées des commissions ad hoc organisées sur des sujets de société, alors que le Plan pourrait tout à fait être le lieu de cette réflexion.
La cellule « Prospective » de la DATAR pourrait très bien être rattachée au Commissariat général du Plan, puisque c'est bien sûr ce dernier que nous voulons concentrer tous les moyens de prospective.
En revanche, s'agissant du volet « Evaluation des politiques publiques », le projet de budget qui nous est soumis est encore plein d'ambiguïtés. En effet, lors de l'examen du budget du Plan pour 2004, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat d'alors, M. Henri Plagnol, avait annoncé qu'une nouvelle structure serait mise en place au début de l'année 2004. Force est de constater que, à la fin de l'année 2004, cette structure n'existe toujours pas !
Je concentrerai mon intervention sur l'évaluation des contrats de plan Etat-région. A cet égard, quelque 800 000 euros étaient prévus au budget du Plan. Or le Plan ne sert que de « relais budgétaire » pour assurer la redistribution des crédits d'évaluation aux préfets de région. En d'autres termes, aucune méthodologie, aucune coordination de ces évaluations région par région n'est organisée. Nous sommes donc amenés à ne pas pouvoir consolider ces évaluations, et même à constater que, dans certains domaines, notamment les politiques territoriales - infrastructures de circulation, universités, etc. -, elles sont particulièrement malmenées.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, au nom de la commission des affaires économiques, un amendement tendant à réduire le budget du Plan de 800 000 euros et à affecter cette somme à la DATAR, afin que le nouveau délégué à la DATAR soit investi de cette mission de coordination et de définition des méthodologies d'évaluation des contrats de plan Etat-région.
L'Assemblée nationale avait transféré ces crédits au ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais, hier soir, ils lui ont été retirés.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Grâce à votre amendement, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis. J'avais effectivement déposé un amendement en ce sens, au nom de la commission des affaires économiques !
Monsieur le secrétaire d'Etat, il vous appartient ce soir de prendre l'engagement que ces 800 000 euros sont effectivement réaffectés à la DATAR pour lui permettre d'assumer cette mission essentielle d'évaluation des contrats de plan Etat-région, à un moment où nous allons avoir à négocier la génération future de contrats de Plan.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des affaires économiques a approuvé le projet de budget du Plan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon collègue et ami André Chassaigne, rapporteur pour avis à l'Assemblée nationale, l'a très bien dit : le projet de budget du Plan pour 2005 est un budget d'abandon qui ne fait que traduire le renoncement de l'Etat à la mise en oeuvre d'une politique de planification rénovée et moderne, capable de répondre aux exigences et aux défis du XXIe siècle.
Que le rôle du Plan, dans un contexte d'économie ouverte de plus en plus soumise à la concurrence internationale, soit amené à évoluer relève de l'évidence. Pour autant, il ne faudrait pas que, sous prétexte d'un recentrage de son rôle sur des missions de prospective, le Plan perde de sa consistance et oublie sa raison d'être, qui est de prévoir et d'anticiper, pour mieux en maîtriser le cours, les mutations économiques et sociales à l'oeuvre.
La plupart de nos voisins européens mènent des politiques de planification beaucoup plus volontaristes. Ils ont mis en place des « administrations publiques dont la mission est à la fois d'établir des études prospectives et de proposer des politiques de prévention, d'accompagnement ou d'anticipation des mutations économiques ». Force est de constater que ce n'est pas la voie qu'a choisie le Gouvernement français.
Comment, dans le contexte actuel de mondialisation et d'exacerbation de la concurrence, guider les choix de politique économique, sociale et sociétale si le Commissariat général du Plan perd trois des centres de recherche qui lui étaient rattachés ? Il s'agit là, en effet, d'un véritable démantèlement de son réseau scientifique interdisciplinaire sur lequel il pouvait précisément s'appuyer pour alimenter sa démarche prospective. Ces trois organismes, nous le savons bien, utilisent et développent des outils mathématiques et des modèles macroéconomiques de prospective utiles et pertinents pour toute politique de planification.
Au-delà du transfert de ces trois budgets, la réorientation et la redéfinition des missions du Plan se traduisent globalement par une amputation significative de plus de 6 millions d'euros, soit plus d'un quart des crédits affectés en 2004. En outre, toutes les lignes de crédit sont touchées par cette diminution.
Il y a pire ! La baisse des moyens du titre III, notamment avec la suppression de quatre postes budgétaires et le transfert de deux emplois au profit de l'Agence pour le développement de l'administration électronique, l'ADAE,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le redéploiement, c'est bien !
Mme Evelyne Didier. ...s'inscrit dans le mouvement de compression des effectifs du Plan engagé ces dernières années et qui, sur fond de précarisation du personnel, grève progressivement le Plan de moyens pérennes.
La réduction de plus de 11 % des crédits de l'Institut de recherches économiques et sociales, l'IRES, hors recherche, et de 7,2 % globalement, la baisse drastique des moyens de subventions du Plan destinés à la recherche de l'ordre de 28,6 % en autorisations de programme et de 17,2 % en crédits de paiement sont autant de chiffres qui témoignent non d'une modération, mais d'un réel appauvrissement budgétaire du Plan. Voilà qui ne présage rien de bon pour la pérennité de son existence !
Monsieur le secrétaire d'Etat, le chômage persiste, la pauvreté s'accroît, les entreprises multiplient les plans de délocalisation, il est question de désindustrialisation et, à nouveau, d'essoufflement de la croissance.
Nous avons besoin d'un véritable instrument nous permettant d'anticiper les conséquences des restructurations industrielles si nous voulons pouvoir agir sur le cours de choses et non subir de plein fouet la concurrence internationale. Selon nous, cet instrument, c'est le Plan. Quel sens, quelle efficacité, quelle finalité aurait notre politique économique sans un tel outil ? En effet, la politique n'est-elle pas d'emblée limitée dans ses effets si elle ne s'appuie pas sur une planification, qui doit être rénovée, à moins de considérer que la politique n'est là que pour rétablir les lois du marché reniant toute stratégie de développement ?
En réalité, nous avons de bonnes raisons de penser que la réduction des moyens budgétaires du Plan est significative du retrait du politique au profit de la régulation par le marché, du désengagement de l'Etat dans le cadre de la mondialisation, de la décentralisation et du programme de privatisation de nos services publics engagé par ce gouvernement.
On comprend mieux, aussi, dans cette perspective, les raisons pour lesquelles le Plan abandonne progressivement toute activité d'évaluation des politiques et celles pour lesquelles les crédits du Conseil national de l'évaluation, le CNE, sont réduits à néant. Au fond, il faut bien reconnaître qu'il n'y a aucune incompatibilité a priori entre un recentrage sur des missions de prospective de l'Etat stratège et la poursuite des missions d'évaluation des politiques. Au contraire, et ce serait d'ailleurs rénover profondément le rôle du Plan que d'élargir ses compétences en matière de contrats de plan Etat-région en lui confiant, par exemple, un véritable rôle de pilotage des négociations de ces contrats.
Au lieu de cela, on se dirige tout droit vers l'abandon de l'évaluation des politiques publiques par le Plan. La baisse des moyens de l'évaluation des contrats de plan Etat-région dans le budget pour 2005 est tout à fait significative à cet égard. Apparemment, 800 000 euros, dévolus à cette mission, auraient été transférés au ministère de l'intérieur. Par conséquent, où sont les crédits destinés à l'évaluation ? Ont-ils été confiés à la DATAR ? Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne votera pas les crédits affectés au Plan pour 2005.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion que nous menons nous permettra, je l'espère, de clarifier un certain nombre de points sur ce budget qui concerne, notamment, l'avenir et les perspectives de travail du Commissariat général du Plan et les dispositifs d'évaluation des politiques publiques.
En premier lieu, je ferai un bref rappel des crédits consacrés au Plan.
Par rapport à la loi de finances de 2004, le projet de loi de finances pour 2005 comporte une diminution de plus de 25 % des crédits affectés au Commissariat général du Plan et aux organismes rattachés, diminution qui s'explique certes par des transferts d'organismes.
Pour ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, nous relevons une diminution globale des crédits de l'ordre de 5 %. Les crédits dévolus à l'évaluation des politiques publiques diminuent de 50 % et ceux qui sont consacrés à l'évaluation des contrats de plan baissent de plus de 12 %.
J'aborderai maintenant la question de l'avenir et des perspectives de travail du Commissariat général du Plan.
Aux points relatifs aux crédits que j'ai soulevés, l'on me répondra que le Commissariat général du Plan est désormais recentré sur les seules fonctions de prospective - dont acte -, et qu'il est somme toute logique de retrouver un tel schéma budgétaire.
Mais je répondrai à mon tour que cette logique doit induire une ligne politique claire et cohérente, ce qui, en l'occurrence, n'est pas tout à fait le cas. Les rapports présentés par nos collègues Mme Bricq et M. Alduy soulignent que si des résultats encourageants existent dans le cadre du nouveau positionnement du Plan, des synergies restent cependant à préciser pour conforter les orientations du Plan
Est soulignée la nécessité de se doter d'un véritable outil de prospective de façon à remédier à la profusion des organismes qui travaillent sur cette mission particulière, et ainsi à assurer un travail cohérent et non déconnecté de la décision publique. Nous adhérons pleinement à cette démarche.
Ces points justifient donc à eux seuls mes questions relatives à l'avenir et aux perspectives de travail du Plan.
Concernant les dispositifs d'évaluation des politiques publiques, là aussi l'attente est grande
Il est en effet étonnant et paradoxal de déconnecter la prospective de l'évaluation. Une réelle corrélation entre les deux permettrait de créer des synergies, lesquelles sont d'ailleurs demandées avec force par les rapporteurs.
Le Plan ne faisant plus d'évaluation, sur quels fondements, quelles analyses, quelles photographies reposent ses travaux sur la prospective de l'Etat stratège ? L'abandon de l'évaluation par le Plan ne me paraît pas en soi une bonne chose.
Mais le plus étonnant est que la représentation nationale ne connaît toujours pas les orientations du Gouvernement sur la question des évaluations des politiques publiques. De même, concernant l'évaluation des contrats de plan Etat-région, les décisions prises en première lecture par l'Assemblée nationale ne me paraissent pas opportunes et risquent d'apporter de nombreuses déceptions, tant il est vrai que les régions attendent beaucoup du développement d'un réseau animé par le Commissariat général du Plan sur cette question.
Il est donc essentiel de connaître la volonté du Gouvernement en la matière car, pour paraphraser les rapports de mes collègues, l'évaluation des politiques publiques est en effet essentielle dans la perspective de la réforme de l'Etat et de la mise en oeuvre de la LOLF, et l'on ne saurait se satisfaire de cette situation qui, d'une part, est contraire à l'objectif de transparence et de lisibilité que le Parlement est en droit d'attendre de la présentation du budget, et, d'autre part, résulte d'une absence de décision très préoccupante, lorsque l'on connaît l'enjeu que représente l'évaluation des politiques publiques.
Si je ne peux que souscrire à la volonté politique d'établir la prospective comme un véritable outil nous permettant de répondre aux évolutions constantes et rapides du monde actuel, je ne peux admettre, devant cette réalité du monde, que nous restions les bras croisés, dans l'ambiguïté ou encore dans les non-choix.
La prospective de l'Etat stratège vise à anticiper les crises et en maîtriser le cours. Cette anticipation ne peut venir de la seule réflexion prospective. Il est donc nécessaire de trouver des synergies et des corrélations entre la prospective et l'évaluation, peut-être autour - pourquoi pas ? - de la mission confiée à la DATAR. Le rapatriement des crédits affectés au ministère de l'intérieur vers cette délégation nous semble plus judicieux pour assurer une véritable coordination.
Il est important de définir une ligne politique claire, d'adopter un budget traduisant réellement et concrètement les orientations définies. Le souhait de la représentation nationale est simple, monsieur le secrétaire d'Etat : il est de participer à ce travail pour le maintien d'un Plan cohérent avec des évaluations claires en vue de faire en sorte que, les uns et les autres, nous appréhendions mieux l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur Pastor, vous semblez exprimer des doutes à propos de la loi organique relative aux lois de finances.
Jusqu'à présent, l'évaluation était une notion assez virtuelle. Le système d'information comptable, budgétaire et financière dont nous disposions était véritablement illisible. Comment pouvait-on demander à l'Etat de faire mieux alors que l'on ne savait pas ce que l'on faisait ?
La LOLF est un instrument de transparence, de lucidité. Il nous appartient de nous doter d'éléments d'appréciation, afin d'assumer un travail d'évaluation.
Il faut aussi que nous nous préparions pour l'an prochain aux nouvelles modalités de la discussion du projet de loi de finances. Une véritable révolution nous attend.
Le Parlement doit rester l'instance d'évaluation.
M. Jean-Marc Pastor. Certainement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comme le dit M. le président Christian Poncelet, c'est la seconde nature du Parlement que le contrôle. Dans ces conditions, il faudra revoir le rôle du Plan. A la vérité, je m'interroge sur son utilité. Si on le transforme en instrument d'évaluation, il faudra prendre en considération les dispositions qui sont mises en oeuvre en ce moment et essayer de regrouper un certain nombre d'institutions qui ne font que brouiller le paysage.
M. Jean-Marc Pastor. Nous sommes tout à fait d'accord pour ce qui concerne la coordination des organismes !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ne surestimons pas le rôle du Plan. J'ai pris connaissance des dernières contributions. Certaines actions me laissent un peu perplexe.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'importante diminution des crédits du budget du Plan est liée à une modification de son « périmètre », comme Mme le rapporteur spécial l'a indiqué.
Le Premier ministre, reprenant une proposition formulée par le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, a en effet décidé le transfert vers d'autres budgets de la subvention de l'Etat en faveur de trois organismes : l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, est transféré au budget de l'enseignement supérieur, le Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification, le CEPREMAP, au budget de la recherche, et le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, au budget de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les moyens du Commissariat général du Plan stricto sensu concourent à l'effort général de rigueur des finances publiques, puisque six emplois sont supprimés. L'objectif d'une diminution annuelle des effectifs au moins égale à celle des départs en retraite sera poursuivi au cours des prochaines années.
L'activité du Commissariat général du Plan se concentre désormais sur les travaux de prospective, comme l'ont souligné les rapporteurs et différents orateurs. L'état d'avancement de ses travaux est d'ailleurs régulièrement mis à la disposition de tous sur son nouveau site Internet.
De plus, le commissariat exerce ses missions d'expertise ponctuelle à la demande du Gouvernement. Je veux en citer deux en exemple : le concours apporté à l'élaboration du plan Borloo et les travaux conduits sur le taux d'actualisation des infrastructures à la demande du ministère de l'équipement.
En 2004, le Plan s'est doté d'une nouvelle organisation, à la fois plus souple et plus efficace, autour d'une trentaine de groupes de projet. Ces groupes ne sont pas des structures pérennes et sont évalués - vous pouvez constater qu'il est question d'évaluation... - trois fois par an par un comité composé de personnalités indépendantes.
La commission des finances s'est interrogée sur le maintien dans le budget du Plan de 300 000 euros affectés à l'évaluation des politiques publiques, le Plan n'étant plus chargé de missions d'évaluation.
Comme vous le savez, nous avons engagé une réflexion sur l'organisation administrative de l'évaluation des politiques publiques. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis certain que, comme moi, vous êtes persuadés qu'il faut procéder à une telle évaluation.
Par ma voix, le Gouvernement prend devant vous l'engagement de vous soumettre, avant la fin de la discussion budgétaire, un dispositif d'évaluation, qui associera d'ailleurs le Parlement.
Mais notre réflexion n'étant pas achevée, nous vous proposons de maintenir cette somme, à titre conservatoire, dans le budget du Plan. Nous pourrons ainsi, ultérieurement, la déléguer à l'organisme qui aura été choisi pour remplir cette mission.
L'évaluation des politiques publiques est une nécessité, nous en sommes persuadés. Aussi devons-nous ménager les moyens de la rendre possible.
La commission des finances s'est également interrogée sur l'opportunité de maintenir, dans le budget du Plan, les crédits délégués aux préfets de région pour l'évaluation des contrats de plan Etat-région.
Je rappelle que ces crédits ont fait l'objet depuis dix ans d'un engagement, constamment réaffirmé par les premiers ministres successifs, de consacrer six dix millièmes de la part étatique des financements de ces contrats à leur évaluation. Il n'est donc pas dans l'intention du Gouvernement de revenir sur ce point.
En revanche, le Gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale de transférer ces crédits, d'un montant de 800 000 euros, au budget du ministère de l'intérieur, ce qui aurait facilité et accéléré la délégation de ces crédits. Ce sont des raisons de simplicité de gestion administrative qui ont guidé l'adoption de cette mesure.
La Haute Assemblée a finalement souhaité, hier, que ces crédits figurent au budget de la DATAR, et le Gouvernement s'en est remis à sa sagesse. Il en sera donc ainsi, monsieur le rapporteur pour avis. C'est une bonne chose.
Enfin, s'agissant de la fonction prospective de la DATAR, il convient que cette dernière organise son activité d'études et de prospective en étroite synergie avec le Plan. La présence du commissaire adjoint au Plan au sein du conseil de prospective de cette délégation témoigne de cette volonté réciproque.
Le Plan n'est pas un organisme d'évaluation. Si on le considère comme tel, on fait fausse route. C'est un organisme de prospective qui, comme les autres organismes de recherche qui éclairent l'évolution de notre société, engendre des débats et des contestations. Cependant, l'utilité du Plan ne doit pas être remise en cause.
Pour ce qui concerne la LOLF, je tiens à vous dire que le Plan, qui est une administration, ne pourra échapper, en 2006, à une batterie d'indicateurs de performance, afin d'évaluer son efficacité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et figurant aux états B et C.
État B
Titre III : moins 1 090 638 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 5 037 190 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre VI. - Autorisations de programme : 649 000 € ;
Crédits de paiement : 195 000 €.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Plan.
Budget annexe des Journaux officiels
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Vera, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la Direction des Journaux officiels relève aujourd'hui avec beaucoup de détermination le défi que représente la mise en oeuvre du projet gouvernemental « Administration électronique 2004/2007 », ou ADELE.
Fondé sur le développement des nouvelles technologies, ce projet devrait garantir un meilleur accès des citoyens à la norme juridique et une meilleure circulation des informations entre les administrations.
Engagés sur la voie de réformes profondes, les Journaux officiels mettent progressivement en place des dispositifs réglementaires et techniques qui améliorent la saisie à la source des annonces légales et des débats parlementaires. D'autres projets sont également en cours de réalisation. Ces procédures accélèrent et fiabilisent le processus de publication.
A ce propos, je tiens à signaler les très gros efforts réalisés depuis le mois d'avril dernier par le personnel du service du compte rendu intégral du Sénat, qui a pris en charge la saisie à la source des débats parlementaires, réduisant ainsi les délais de publication au Journal officiel et permettant parallèlement une mise en ligne sur le site du Sénat dans les quarante-huit heures.
Depuis le 1er juin 2004, la diffusion du Journal officiel des lois et décrets est assurée sous une forme électronique authentifiée, concomitamment à sa diffusion sous forme papier. Le Journal officiel des lois et décrets, support officiel de référence pour la publication des textes législatifs et réglementaires, est donc consultable sur Internet avec les mêmes garanties que sa version papier. Je me réjouis bien évidemment du succès de ces opérations. Les informations sont fiables et circulent vite. Il faudra cependant veiller à ce que l'accès au droit soit préservé.
L'édition papier, comme l'édition électronique, est d'une fiabilité indéniable, garantie par le savoir-faire et le sens du service public de la Direction des Journaux officiels, la DJO, et de la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels, la SACI-JO.
Toutefois, afin de constituer une véritable amélioration de l'accès aux données publiques pour les citoyens, la transmission électronique des données doit, à mon sens, s'accompagner de leur diffusion sous forme imprimée.
En effet, nombre de petites communes et près de trois-quarts des foyers n'ont toujours pas accès à Internet. L'équilibre entre support papier et support électronique demeure donc un enjeu démocratique important et doit permettre à chaque citoyen de bénéficier d'un service public de qualité et d'un accès égal à la norme juridique.
Je souhaite souligner que les salariés, attachés à leur mission de service public, s'inquiètent des conséquences de ces évolutions et craignent une restriction drastique des effectifs sous couvert de dématérialisation des Journaux officiels.
Pour compenser les réductions du plan de charge, la Direction des Journaux officiels s'est engagée à tout faire pour trouver de nouveaux travaux et à mettre en oeuvre toute disposition permettant la réintégration des opérations actuellement sous-traitées, en commençant par le Bulletin officiel des annonces légales et obligatoires, le BALO.
La Direction des Journaux officiels met également en place un certain nombre d'initiatives, dont quelques-unes sont menées en collaboration avec la Documentation française. Sur ce point, j'indique que la Cour des comptes, à l'issue d'un contrôle de la gestion de la Documentation française et des Journaux officiels, a préconisé en octobre 2003 une réflexion sur les missions de ces deux organismes qui, selon elle, pourraient être menées en commun.
Une mission d'étude est actuellement menée par M. Frédéric Tiberghien, maître des requêtes au Conseil d'Etat. Des groupes de travail constitués au sein des deux institutions sont chargés de rendre un rapport sur l'opportunité d'un rapprochement entre la Documentation française et les Journaux officiels.
Sur le volet social, nous pouvons observer que le régime particulier des retraites est gravement déficitaire. Le constat du déficit croissant de la caisse des pensions a été présenté au ministère du budget par la Direction des Journaux officiels. A ce jour, la Direction et les personnels sont parfaitement au fait de la situation. Des discussions exploratoires ont été entamées et les réflexions se poursuivent pour étudier les solutions les mieux adaptées afin de préserver les acquis et les intérêts des personnels actuellement en activité.
Dans ce contexte de changements importants, le budget annexe des Journaux officiels pour 2005 est en baisse de 6,6 % et s'établit à 158 millions d'euros. Les recettes d'annonces légales, qui représentent près de 80 % de l'ensemble des recettes, subissent le contrecoup de la réforme du code des marchés publics, applicable depuis janvier 2004, qui a rendu obligatoire la saisie numérisée des annonces des marchés publics devant faire l'objet d'une publication au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, le BOAMP.
Les recettes de diffusion subissent la concurrence d'Internet. Les prévisions de vente au numéro sont en baisse de 35 % pour 2005. Les dépenses de fonctionnement diminuent de près de 5 %, les investissements de 34 %.
Lors d'un contrôle effectué en 2002, la Cour des comptes avait relevé une baisse marquée des investissements depuis 1999, reflétant une insuffisance de modernisation. Des efforts importants ont été réalisés dans ce domaine en 2003 et en 2004. Les reports prévus fin 2004 permettront de financer les investissements informatiques en 2005.
De manière générale, cette année verra donc la poursuite de la modernisation du système d'information qui repose sur des projets dont les réalisations sont pluriannuelles.
Les estimations de dépenses d'investissement, en baisse pour 2005, ne devraient pas interrompre l'effort de modernisation, notamment informatique, qui est loin d'être achevé. Il y a tout lieu d'anticiper, me semble-t-il, sur les investissements que nécessitera la mise en place de la nouvelle plate-forme éditoriale.
En conclusion, je pense qu'il nous appartient de rester vigilants. Dans cette période de profondes restructurations, nous devons veiller au maintien de la qualité du service public qu'assurent les Journaux officiels, en préservant l'avenir de personnels qui se caractérisent par un haut niveau de compétences et par un sens du service public hérité d'une longue tradition.
Les nécessaires évolutions technologiques ne doivent en aucun cas se traduire par une restriction de l'accès au droit. Elles doivent, en revanche, permettre un élargissement et une meilleure qualité du service rendu. C'est ainsi que l'institution d'excellence que sont les Journaux officiels pourra poursuivre l'importante mission que la nation lui a confiée voilà 125 ans, en assurant avec une efficacité renouvelée le service public de qualité qu'est en droit d'attendre tout citoyen et auquel, j'en suis persuadé, nous sommes tous attachés.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter le budget annexe des Journaux officiels.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la Direction des Journaux officiels, l'année 2004 a été placée sous le signe de la progression très rapide de la communication électronique - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial -, aussi bien pour la saisie à la source que pour la diffusion.
La saisie en ligne des avis d'appel public à concurrence et des avis d'attribution publiés au BOAMP a connu un développement sans précédent : alors que 20 % des annonces de marchés publics étaient saisies en ligne à la fin de l'année 2003, ce chiffre atteint aujourd'hui 78 %.
Ce travail de dématérialisation a également concerné le Parlement puisque, depuis le début de l'année, les deux assemblées parlementaires ont mis en oeuvre les travaux nécessaires pour opérer une saisie à la source quasi totale de leurs débats. Je tiens d'ailleurs à remercier le Sénat de la collaboration dynamique que nous avons entretenue avec lui sur ce chantier.
Enfin, la principale nouveauté a consisté en la mise en place du Journal officiel authentifié le 1er juin 2004, qui garantit l'inviolabilité de la version électronique du Journal officiel des lois et décrets et lui donne dorénavant la même force, la même valeur juridique que la version papier.
Notre pays est l'un des tout premiers au monde à avoir franchi cette étape de modernisation.
Cette réforme constitue, contrairement à ce qui peut être parfois allégué, un progrès essentiel pour les citoyens en termes d'accessibilité au droit.
Ces progrès décisifs de la dématérialisation, tant pour la diffusion que pour la saisie à la source, ont entraîné la signature le 26 mai dernier d'un accord-cadre avec la fédération CGT des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication, qui pose le principe d'une renégociation des effectifs de la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels, la SACI-JO.
Cet accord ouvre une période pendant laquelle les recrutements en remplacement des départs à la retraite ou en préretraite seront gelés. Le même gel des recrutements est opéré à la Direction des Journaux officiels.
Le projet de budget pour 2005 s'inscrit dans la perspective de la poursuite de ce mouvement de dématérialisation de la production et de la diffusion de l'information.
C'est pourquoi ce projet de budget prévoit une diminution de 5 % des dépenses de fonctionnement. Celle-ci est essentiellement due, d'une part, à une baisse des crédits d'achat de papier, soit une économie de plus de 1,5 million d'euros, et, d'autre part, à une diminution de 10,5 % des charges de personnels de la SACI-JO, soit une économie de plus de 6,5 millions d'euros.
Ces économies seront - vous ne pourrez y être insensibles - rétrocédées en grande partie aux clients des Journaux officiels, notamment aux collectivités locales, puisque les coûts des annonces légales, particulièrement celles qui concernent des montants inférieurs aux seuils fixés dans le code des marchés publics, seront fortement diminués.
Au total, les recettes devraient s'élever à 157 millions d'euros en 2005, dont 132 millions d'euros pour les recettes d'annonces.
La chute des recettes d'abonnement liée à la dématérialisation sera compensée par la mise en place d'un service électronique personnalisé pour les envois d'annonces des marchés publics.
La baisse du niveau des investissements qu'a soulignée M. le rapporteur spécial n'est pas inquiétante. Elle est en réalité le signe de la conversion des Journaux officiels à de nouvelles technologies plus économes, et non celui d'un ralentissement - bien au contraire ! - de sa modernisation. Elle est aussi, plus conjoncturellement, le signe d'une période de préparation de projets nouveaux.
Ainsi la modernisation du système information se traduira-t-elle par la réalisation de grands projets pluriannuels : mise en place d'un progiciel de gestion de la relation client, d'un système d'information des ressources humaines, adaptation à la loi organique relative aux lois de finances des systèmes comptables et budgétaires et refonte du site Internet des Journaux officiels.
Enfin débutera l'étude d'une nouvelle plate-forme éditoriale prenant intégralement en compte l'ensemble des transmissions électroniques des données par Internet.
Les efforts en matière de compression des dépenses permettent de prévoir un excédent d'exploitation de 962 000 euros et un reversement au Trésor de 276 000 euros, après financement des immobilisations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 50 et 51 du projet de loi de finances.
Services votés
Crédits : 158 729 730 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 50, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
I - Autorisations de programme : 6 710 000 € ;
II - Crédits : moins 802 664 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 51, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, je n'ai pas souhaité intervenir dans le débat mais, maintenant que le vote a eu lieu, je me permets d'indiquer que la numérisation du compte rendu intégral des débats du Sénat s'est traduite par un transfert de charges significatif des Journaux officiels vers notre service du compte rendu intégral.
Ce transfert, qui a un coût pour le Sénat, permettra, je l'espère, de réduire encore les délais de parution du Journal officiel des débats, qui sont passés de deux semaines à une semaine environ.
J'ajoute que, parallèlement, comme l'a indiqué M. Vera, le compte rendu intégral est désormais mis en ligne sur le site Internet du Sénat dans un délai de quarante-huit heures.
Tout cela a été permis grâce aux efforts de notre service du compte rendu intégral, et je tiens à le remercier. (Applaudissements.)
En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion l'amendement n° II-18, qui est rattaché pour son examen au budget annexe des Journaux officiels.
Article additionnel après l'article 81
M. le président. L'amendement n° II-18, présenté par MM. Portelli, Laffitte, Collin, Mercier, Fortassin et Seillier et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
I - Après l'article 81, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les associations légalement formées doivent, dans les quinze jours suivant l'attribution par l'Etat ou par toute collectivité locale ou territoriale d'une ou plusieurs subventions, publier au Journal Officiel de la République française ou sur tout support électronique ou numérique de données publiques le montant de la ou des subventions.
II - En conséquence, faire précéder cet article par une division ainsi rédigée :
Budget annexe des Journaux officiels
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Cet amendement vise à favoriser la promotion du secteur associatif par la mise en place d'une politique de transparence dans la gestion de certaines de ses ressources.
Son adoption aurait des conséquences financières importantes, aussi bien pour l'Etat que pour les collectivités territoriales. En effet, on constate encore trop souvent que des subventions sont accordées soit à des associations qui n'existent plus, qu'elles aient été dissoutes en droit ou en fait, soit à des associations qui présentent des anomalies de gestion.
La publication au Journal officiel, par le biais du support numérique ou électronique, des subventions touchées par les associations permettrait aux collectivités qui versent ces subventions, aux autres associations mais aussi à tous les citoyens de détecter automatiquement toute anomalie de fonctionnement.
Sachant que les sommes versées chaque année par les collectivités aux associations sont considérables, l'adoption de cet amendement permettrait de rationaliser de façon efficace et rigoureuse le financement desdites associations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Vera, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas eu la possibilité d'examiner cet amendement. Aussi, en concertation avec son président, je me permets de solliciter l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Monsieur Portelli, votre souci est évidemment partagé par le Gouvernement.
Mme Evelyne Didier. Et par nous !
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. C'est à la fois un souci de transparence - c'est une de nos préoccupations constantes dans la politique que nous menons - et de simplification : c'est parce qu'il y a transparence qu'il y a au bout du compte confiance, et probablement simplification.
Nous avons d'ailleurs demandé, dans le cadre de la loi de simplification du droit qui vient d'être adoptée, l'habilitation du Parlement pour clarifier et harmoniser les obligations comptables et de publicité des organismes sans but lucratif, donc des associations.
Cette mesure tend aux mêmes fins que votre amendement, que nous vous serions donc reconnaissant de bien vouloir retirer.
M. Jacques Mahéas. Invraisemblable !
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Les maires qui siègent ici - ils sont nombreux - savent que les communes accordent aux associations locales de nombreuses subventions. Ces dernières font l'objet d'une délibération du conseil municipal, dont le compte rendu est publié.
Cela étant, il me paraît difficile de demander la publication de toutes ces subventions au Journal officiel ou dans un organe quelconque. L'obligation que vous proposez d'instituer, monsieur Portelli, constituerait probablement une charge supplémentaire pour les associations.
Toutefois, je puis vous assurer que nous allons intégrer pleinement votre proposition - et l'idée de transparence qu'elle contient - lors de l'élaboration de l'ordonnance que le ministère de l'intérieur prendra dans les quelques mois qui viennent en vertu de l'habilitation donnée par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander de nouveau le retrait de votre amendement.
M. le président. Monsieur Portelli, l'amendement est-il maintenu ?
M. Hugues Portelli. Je le retire, monsieur le président, mais je me réserve la possibilité de le représenter lorsque le projet de ratification de l'ordonnance sera débattu par notre assemblée.
M. le président. L'amendement n° II-18 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.
Fonction publique et réforme de l'état
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses distinctes : la première concerne la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, la seconde l'ensemble des charges de personnel de l'Etat.
Les crédits du ministère, qui s'élèvent à 155 millions d'euros pour 2005, sont en diminution de 30 %.
Cette baisse est d'abord liée à la centralisation de la gestion des prestations familiales des fonctionnaires auprès des caisses d'allocations familiales. On peut donc considérer qu'il y a une quasi-stagnation des crédits du ministère par rapport à l'année 2004.
Les dépenses de personnel de l'Etat s'établissent à 118 milliards d'euros pour 2005, soit une hausse de 2,3 %.
Au total, les charges de personnel de l'Etat passent de 41 % des crédits du budget général en 1993 à probablement près de 45 % en 2005.
Ainsi, la tendance à l'accroissement des charges de la fonction publique demeure, même si la volonté d'infléchir cette tendance est aujourd'hui réelle et si des mesures tout à fait nécessaires ont commencé à être prises.
L'évolution des charges de la fonction publique m'amène à formuler quatre observations.
Premièrement, pour 2003, en rupture avec la tendance à l'augmentation des effectifs qui prévalait jusqu'alors, le nouveau gouvernement avait annoncé une baisse d'un millier d'emplois. La baisse portera, pour 2004, sur 4 500 emplois et, pour 2005, sur 7 200 emplois, ce qui représente une économie de 186 millions d'euros. Par ailleurs, les différentes mesures de la réforme des retraites devant entrer progressivement en vigueur, leur effet sera très faible en 2005.
Deuxièmement, l'Etat doit d'abord diminuer le nombre des fonctionnaires. Ainsi, pour contenir la part des crédits de personnel dans le budget de l'Etat, il faut infléchir la charge des rémunérations. Or l'évolution individuelle des traitements obéit à des règles auxquelles il est difficile de s'abstraire, en particulier au « glissement vieillesse technicité », dû à l'effet des carrières.
M. Jacques Mahéas. Il va bientôt s'inverser !
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Cumulé aux mesures catégorielles et aux revalorisations de la valeur du point, il aboutit à un gain annuel moyen de pouvoir d'achat qui, sur une période de dix ans, a presque toujours été supérieur à 2 %. Il ne faut pas l'oublier !
Par ailleurs, la reconnaissance du mérite des fonctionnaires dans le cadre de la logique de performance imprimée par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, doit se traduire par des mesures catégorielles plutôt que par des mesures d'ordre général.
Quoi qu'il en soit, personne n'entend baisser la rémunération des agents de l'Etat, et le problème est donc bien leur nombre.
Or les départs en retraite des agents de l'Etat augmenteront jusqu'en 2008, pour se maintenir à un niveau historiquement élevé. Il s'agit donc d'un contexte privilégié pour diminuer les effectifs de l'administration sans qu'il en résulte un coût social.
A titre d'illustration, j'indiquerai que la réforme des retraites permettra d'économiser 10 milliards d'euros en 2020, alors que la même économie serait réalisée, en cas de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, dès 2013.
La stabilisation des charges de la fonction publique implique donc une politique de non-remplacement systématique des départs à la retraite.
En lissant la politique de non-remplacement sur la période 2005-2020, on aboutit à un ordre de grandeur de 30 000 non-remplacements annuels, ce qui n'est déjà pas mal...
J'estime qu'un indicateur devrait être mis en place, afin d'asseoir une politique de baisse des effectifs qui soit lisible. Cet indicateur montrerait dans quelle mesure la baisse est imputable à des gains de productivité, à des actions de décentralisation ou à des actions de privatisation.
La diminution des effectifs de l'Etat doit être un objectif de la réforme de l'Etat, et non une incidente.
Ma troisième observation concerne l'évolution des charges de pensions.
S'agissant des régimes de la fonction publique, la réforme des retraites était absolument nécessaire : les nouveaux besoins de financement devaient atteindre 28 milliards d'euros en 2020, dont 21 milliards d'euros pour le seul régime de l'Etat.
L'élément central de la réforme est l'allongement de la durée de cotisation, puisque le niveau des pensions pour une carrière complète est maintenu.
Par ailleurs, la revalorisation des pensions est modernisée par le recours à une indexation sur les prix, comme dans le régime général, et non plus sur la valeur du point.
Les mesures qui ont été adoptées permettront de réduire, à l'horizon de 2020, de 13 milliards d'euros le besoin de financement des régimes de la fonction publique.
Quatrième observation, la réforme de l'Etat est relancée depuis plusieurs mois déjà.
La réforme budgétaire portée par la LOLF, jointe à la nécessité de contenir l'évolution des charges de fonction publique, incitait à un saut qualitatif en matière de réforme de l'Etat. Le Gouvernement a décidé de provoquer cette avancée.
Je ne reviendrai pas sur les principaux instruments qui vont être mis en place en application de la loi organique, me contentant de rappeler que les « projets annuels de performance » auront vocation à être rapprochés des « rapports annuels de performance » en vue de confronter les résultats aux objectifs.
Ce qui compte, c'est le passage d'une logique de moyens à une logique de résultat, ce qui bouleverse la gestion publique et nécessite la mise en place d'une gestion prévisionnelle des effectifs.
Ainsi, le Gouvernement doit être amené à réformer le statut de la fonction publique et, monsieur le ministre, nous savons que les textes annoncés faciliteront certains redéploiements.
Dans le cadre d'une réactualisation, en juin dernier, des récentes stratégies ministérielles de réforme, 225 « actions prioritaires » ont été sélectionnées puis chiffrées. A l'horizon 2007, il en est attendu 1,5 milliard d'euros d'économies.
Afin d'accompagner la décentralisation et la pleine application de la LOLF, le Gouvernement a également relancé la déconcentration en rationalisant l'échelon administratif régional.
Pour ce qui est de l'informatisation des administrations, je rejoins le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, qui, dans son rapport intitulé Pour un Etat en ligne avec tous les citoyens, a préconisé de sanctuariser les crédits concernés. En effet, ces crédits font trop souvent, hélas ! l'objet de régulations budgétaires.
La simplification de la vie des usagers, à laquelle l'administration électronique est en partie liée, reçoit, depuis 2003, l'apport décisif de lois de simplification du droit.
Les instruments de la réforme de l'Etat sont nombreux. Ils traduisent une indéniable volonté de changement. Et, bien que la logistique de la réforme de l'Etat s'éloigne parfois du « jardin à la française », il ne faut pas douter de ses fruits si l'on en juge par les progrès de l'administration électronique, tant à l'échelon central que dans les collectivités territoriales, voire dans les services de l'Etat dans les départements.
Tels sont les éléments qui ont conduit la commission des finances à vous recommander, mes chers collègues, l'adoption de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la deuxième fois que la commission des lois se saisit des crédits consacrés à la fonction publique, et je tenais tout d'abord à rendre hommage à mon prédécesseur en tant que rapporteur pour avis sur ces crédits, M. Pierre Fauchon.
Cet avis intervient cette année dans un contexte particulier.
D'une part, le Gouvernement discute actuellement des rémunérations des fonctionnaires...
M. Jacques Mahéas. Il a du mal !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. ...avec les organisations syndicales, qui ont d'ailleurs, semble-t-il, refusé de se rendre à la réunion organisée le 23 novembre dernier.
D'autre part, le ministre nous a annoncé, lors de son audition par la commission, l'élaboration d'un projet de loi relatif à la fonction publique territoriale qui pourrait également contenir quelques mesures applicables aux trois fonctions publiques.
De plus, la loi organique relative aux lois de finances, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2005, devrait avoir des incidences directes sur la fonction publique, tant en matière de maîtrise des effectifs qu'en matière de gestion des ressources humaines.
Je ne reviendrai ni sur les crédits consacrés à la fonction publique ni sur les dépenses de personnels de l'Etat - ils ont été présentés par le rapporteur spécial, M. Henri de Raincourt -, et je concentrerai mon propos sur quelques observations générales relatives à la fonction publique.
Tout d'abord, deux grandes réformes législatives concernant la fonction publique ont marqué l'année 2004.
Il s'agit, en premier lieu, de la réforme des retraites, la loi du 21 août 2003 étant entrée en vigueur, pour l'essentiel de ses dispositions, le 1er janvier 2004.
Il s'agit, en second lieu, de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui organise les modalités de transfert des personnels des services - ou parties de service - nécessaires à l'exercice des compétences transférées, et qui doivent l'être pour certaines dès le 1er janvier 2005.
Vous savez que, par ailleurs, le Gouvernement souhaite insister sur la nécessité d'améliorer la gestion de l'emploi public.
Plusieurs axes d'amélioration sont proposés.
Le premier concerne la rémunération au mérite. Cette dernière permet d'introduire la « culture de la performance » - c'est l'expression officielle - au sein de la fonction publique, et de valoriser ainsi le travail des fonctionnaires.
M. Jacques Mahéas. On va le faire au Sénat !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. S'appuyant sur une procédure d'évaluation récemment rénovée, la rétribution au mérite a été mise en application pour les emplois « à la décision du Gouvernement » et fait l'objet d'une expérimentation pour les directeurs d'administration centrale de certains ministères, expérimentation qui devrait être généralisée en 2005 à tous les ministères.
Au nom de l'indépendance de la justice, les magistrats de Moulins ont décidé, en octobre dernier, de redistribuer entre eux - et à parts égales - la prime modulable qui leur avait été versée. Monsieur le ministre, il serait intéressant de connaître votre position sur ce point.
Le deuxième axe d'amélioration proposé consiste à offrir aux fonctionnaires une formation efficace et adaptée aux exigences de leur fonction, tant lors de leur recrutement qu'au cours de leur carrière.
Si la formation continue des agents doit être encore améliorée, les efforts du ministère de la fonction publique pour y parvenir doivent être toutefois salués.
Le troisième axe d'amélioration porte sur la mobilité des fonctionnaires. Celle-ci contribue à la qualité de la fonction publique, qui se voit enrichie par les compétences accrues et diversifiées de ses agents, ce qui favorise son attractivité.
Pourtant, malgré les mesures prises ces dernières années, les cas de mobilité, fonctionnelle ou géographique, ne sont toujours pas assez nombreux.
Plus particulièrement, la mobilité des fonctionnaires en Europe mériterait d'être développée et encouragée. Le principe de liberté de circulation des travailleurs doit permettre à nos agents publics d'enrichir leur parcours professionnel en partant travailler au sein d'autres administrations européennes.
Actuellement, ce type de mobilité demeure soumis à de trop nombreuses difficultés et le nombre de ressortissants ayant franchi le pas reste très limité.
Plus généralement, d'importants enjeux pour l'avenir de la fonction publique sont directement issus de l'application du droit communautaire, s'agissant notamment du recours aux contractuels.
Sur ce point, monsieur le ministre, je sais qu'un rapport a été remis à votre prédécesseur, en avril 2003, par Jean-Michel Lemoyne de Forges sur « l'adaptation de la fonction publique française au droit communautaire ». Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Pour conclure, mes chers collègues, si tous les élus locaux attendent le futur projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, les dispositions statutaires régissant les autres fonctions publiques devront à terme évoluer, et le nombre de corps de fonctionnaires de l'Etat, notamment, devra être réduit.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la fonction publique dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Les crédits de la fonction publique que vous nous présentez, monsieur le ministre, s'inscrivent, hélas ! dans la perspective plus large d'un travail de désagrégation que mène depuis deux ans le Gouvernement contre l'emploi public et son personnel. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
En préparant mon intervention, j'ai pris connaissance d'articles parus dans la presse relatant certains de vos propos, monsieur le ministre, dont la gravité éclaire plus crûment encore les orientations ultra-libérales de votre budget.
Confirmez-vous, monsieur le ministre, avoir déclaré devant la fondation « Concorde », comme le rapporte l'édition du 27 octobre dernier de l'hebdomadaire Charlie-Hebdo, que « les retraités de la fonction publique ne rendent plus de services à la nation » et qu'ils « sont inutiles mais continuent à peser très lourdement » ?
M. Jacques Mahéas. A jeter !
Mme Nicole Bricq. Il s'est lâché !
Mme Josiane Mathon. Pensez-vous réellement, comme le rapporte cet article, que le problème que nous avons en France, c'est que les gens sont contents des services publics ?
Ce sont là des propos âpres pour un représentant de l'Etat, des propos qui ne conduisent pas à la promotion d'une fonction publique moderne, digne du passé et du présent de notre pays, digne de l'intérêt général.
En 2005, votre projet de budget devrait subir, à structure constante, une mutilation de 8 % de ses crédits. Cette baisse vertigineuse, vous la revendiquez puisque votre approche consiste à faire « fondre » l'Etat, même si, évidemment, vous habillez cette présentation d'un discours sur l'efficacité et sur la culture de la performance.
L'idée que l'on puisse « faire mieux avec moins » ne vaut que dans une logique comptable et boutiquière, dans une recherche effrénée de restriction massive de la dépense publique.
Si, comme cela doit être sa finalité, la fonction publique est le bras de l'Etat pour répondre aux besoins de nos concitoyens, pour servir le développement de notre pays, alors votre projet de budget ampute la nation, altère ses capacités et crée même un nouvel handicap.
De quoi souffre aujourd'hui notre société ? De trop de justice sociale ? De trop de services publics ? D'une redistribution trop égalitaire des richesses ?
Il me semble intéressant à cet égard de citer les chiffres que vient de publier, pour la région Rhône-Alpes, une organisation caritative connue, le Secours catholique : 500 000 personnes y vivent sous le seuil de pauvreté, parmi lesquelles certaines travaillent dans la sphère publique !
Votre budget, monsieur le ministre, concerne directement plus de 5 millions d'agents publics. Il joue même un rôle d'entraînement dans le secteur privé. La présence de services publics conditionne en effet l'implantation d'entreprises et la vie des territoires.
Sans être exhaustive, je désire souligner la suppression de 4 816 emplois dans l'enseignement scolaire, de 1 018 emplois dans la défense et de 2 210 emplois dépendant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Comble du cynisme, vous réussissez l'exploit de supprimer 80 emplois au parent pauvre de votre gouvernement, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Votre collègue M. Borloo peut toujours s'escrimer à parler de « cohésion sociale » ! La seule cohésion que nous identifions dans ce gouvernement est celle de la priorité absolue au marché et à la privatisation du service public.
Ainsi, si M. Borloo confie l'ANPE au MEDEF à travers les Maisons pour l'emploi, vous-même confiez le service téléphonique de renseignements administratifs à une société privée au nom évocateur de « Phone Marketing ». Il en coûtera 12 centimes d'euro par minute à celui que l'on ne peut plus nommer un usager, mais bel et bien un client, alors que les centres interministériels de renseignements administratif, les CIRA, qui remplissent déjà cette fonction, proposaient ce service au prix d'un appel local de neuf centimes d'euro la première minute, puis de trois centimes d'euro pour les suivantes. Mis en concurrence, les CIRA ont aligné leurs tarifs sur ceux du privé. Est-ce cela, la rationalisation ?
Enfin, levons tout malentendu sur cette notion de prime au mérite que vous souhaitez mettre en place. Avec votre discours sur la culture de la performance, vous recherchez non pas le meilleur service rendu au public, mais le moindre coût de l'action de l'Etat.
Mme Josiane Mathon. Nous serions prêts et disponibles pour travailler avec vous à l'amélioration, à la démocratisation, à la modernisation sociale et économique de la fonction publique.
Cependant, dans ce pays, les fonctionnaires ont perdu 5 % de leur pouvoir d'achat depuis le 1er janvier 2000 et vous avez réussi à faire l'unanimité contre vous lors des négociations salariales.
Vous vous présentez devant nous avec un budget qui ne tient pas compte de l'aboutissement - toujours hypothétique - de vos discussions, actuellement dans l'impasse, avec les organisations représentatives des personnels.
Allez-vous, monsieur le ministre, répondre favorablement à la revendication syndicale tendant à assurer une juste rémunération et allez-vous discuter d'une évolution positive du point d'indice ? Je l'espère.
Nous estimons que c'est là une condition du bon fonctionnement des services publics. En effet, l'adhésion des personnels, leur implication motivée ne se décrète pas ; elle se construit dans le dialogue, la confiance et la reconnaissance.
Les agents du service public sont ulcérés de cette manoeuvre contre les départs anticipés à la retraite de celles et de ceux d'entre eux qui ont commencé à travailler tôt. Pourquoi retarder d'un an encore l'application dans le secteur public de dispositions permettant aux hommes et aux femmes ayant commencé à travailler entre quatorze ans et seize ans de partir en retraite anticipée ? Pourquoi créer une discrimination entre les salariés du privé et ceux du public ?
L'Etat manque à sa parole. Vous avez, il y a deux ans, mené une réforme des retraites au nom de l'égalité entre privé et public, et vous voilà en train de piétiner quelque peu les discours d'alors !
Enfin, s'agissant de la réforme de l'Etat, ...
M. le président. Veuillez conclure, madame Mathon.
Mme Josiane Mathon. Je conclus, monsieur le président.
S'agissant de la réforme de l'Etat, votre projet de budget prévoit un recul de 7,2 millions d'euros des crédits octroyés au fonds pour la réforme par rapport à l'année précédente. Même en tenant compte d'une régulation de 6,7 millions d'euros, vous envisagez une diminution des moyens attribués aux différents services de l'Etat pour se moderniser.
Votre approche de la réforme de l'Etat se résume à de pures et simples suppressions. Les crédits pour la formation stagnent - c'est-à-dire qu'ils vont baisser - ainsi que ceux qui sont consacrés au fonds pour l'insertion des personnes handicapées, domaine pourtant privilégié pour le Président de la République.
Vous annoncez un prochain projet de loi relatif à la fonction publique territoriale qui intégrerait des mesures pour les trois fonctions publiques et la création des PACTE, les parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat ; j'y serais très attentive.
Enfin, à la lumière de votre projet de budget, monsieur le ministre, je ne peux que m'inquiéter, comme s'inquiètent les agents des services publics.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, je suis, ainsi que tous les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, farouchement contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons ce soir est assez peu enviable, tant il est marqué par la coupe claire.
Nous déplorons, en effet, une réduction importante des crédits de l'ordre de 30 % : à peine 150 millions d'euros ! Même à structure constante, la diminution reste de 8,4 %.
Cela traduit une véritable obsession comptable, sans réflexion d'ensemble sur les besoins et les missions du service public. Seuls importent les gains de productivité.
Dans ce « vertige du moins », l'action sociale interministérielle, avec seulement 51,36 millions d'euros de crédits prévus contre 117 millions d'euros l'an passé, soit une baisse programmée des crédits de 56,2 %, s'avère considérablement réduite.
La ligne directrice semble claire : il s'agit, par souci d'économie, de se décharger de ces prestations, qui aux caisses d'allocations familiales en transférant la « prestation crèche », qui aux autres ministères ou aux préfets en déconcentrant la réservation de logements, qui à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat en supprimant l'aide à l'amélioration de l'habitat des retraités, qui au fonds de roulement de la Mutualité fonction publique, en réduisant les crédits dédiés aux aides à l'installation, à l'aide ménagère à domicile et aux chèques-vacances.
Outre l'impression d'absence de pilotage et de manque de transparence que suscite une telle énumération, ces changements ne sont pas sans poser quelques difficultés. Pour ne reprendre que l'exemple de la « prestation crèche », son transfert aux caisses d'allocations familiales abolit toute possibilité de politique d'ensemble, chacune des cent vingt-trois CAF décidant de sa politique d'action sociale. Les prestations ne seront d'ailleurs plus payées avec le traitement, mais décalées au mois suivant. En outre, il n'est nullement anodin d'ajouter 2,5 millions de fonctionnaires aux dizaines de millions de bénéficiaires actuels du régime général, sachant que les CAF sont déjà fortement embouteillées ! Et que faites-vous, monsieur le ministre, des 700 emplois que vous vous félicitez de supprimer ?
Même les crédits du fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées ont légèrement diminué, après avoir subi des mesures de gel et d'annulation en 2003 d'environ 20 % de la dotation initiale. Qu'en est-il de cette priorité voulue par le Président de la République ?
Quant aux crédits alloués à la formation, malgré une légère augmentation, ils ne sont pas à la hauteur des défis qu'imposent la modernisation de l'Etat et la diffusion de nouveaux savoirs. Et vous voulez des fonctionnaires bien formés !
Examinons ensuite, comme il est coutume de le faire, les perspectives qui s'offrent à la fonction publique.
On assiste, pour 2005, à la suppression nette de 7 188 postes, après 1 745 postes en 2003 et 4 561 en 2004. C'est heureusement bien en deçà des objectifs du Gouvernement, qui ambitionne le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux jusqu'en 2015...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Mais non !
M. Jacques Mahéas. ...soit environ 40 000 fonctionnaires - et non pas 30 000, cher collègue ! - par an.
Cette règle du « un sur deux » est déjà en vigueur dans certains ministères comme aux finances, même si M. Sarkozy appliquait plutôt à son propre cabinet la règle du « deux sur un », ayant doublé les effectifs de son prédécesseur !
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Il avait du boulot ! (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. Le plus inquiétant, c'est que la réponse paraît purement comptable, sans analyse des besoins. Notre rapporteur spécial de la commission des finances ne s'en cache pas, qui parle de « politique volontaire de diminution des recrutements » constituant une « priorité budgétaire ».
Pourquoi, par exemple, pénaliser ainsi l'éducation en la privant de 4 816 postes ? Depuis 2002, la présence d'adultes diminue chaque année dans les établissements scolaires. Le résultat était prévisible : la violence y repart à la hausse !
Par une forme de chantage assez stigmatisante, vous ne cessez, monsieur le ministre, de lier cette réduction des effectifs à une hypothétique augmentation du pouvoir d'achat : l'une serait impossible sans l'autre.
M. Jacques Mahéas. Or, en pratique, pour la troisième année consécutive, l'équation du gouvernement Raffarin, c'est moins de fonctionnaires et moins de pouvoir d'achat : moins 4 % à 5 % depuis le mois de janvier 2000 ! Pour les agents, l'exercice est donc nettement « perdant-perdant », surtout dans un contexte général de hausses des loyers, des consultations médicales, du gazole, de l'essence, du gaz, etc.
Bref, le dialogue social s'étant transformé en monologue unilatéral - quel que soit le sujet, d'ailleurs ! - les négociations salariales ont été repoussées au 8 décembre prochain. L'absence de politique salariale globale se poursuit, aucune provision n'étant prévue pour revaloriser le point d'indice.
Le Gouvernement préfère dégager 430 millions d'euros pour des mesures catégorielles, pratiquant une politique de saupoudrage dont il est coutumier, comme pour les restaurateurs, les routiers, etc.
Autre leitmotiv, la rémunération au mérite, qui promet d'être généralisée. A ce sujet, je me contenterai de répéter que « faire du chiffre » n'est pas un gage de qualité du service rendu.
M. Jacques Mahéas. Cette forte individualisation enfonce un coin supplémentaire dans un statut que fragilisera probablement encore le futur projet de loi de modernisation de la fonction publique, tant de fois annoncé.
Ainsi, les voies dérogatoires au recrutement par concours se multiplient : les contrats à durée déterminée renouvelables qui pourront déboucher directement sur des contrats à durée indéterminée,...
M. Jacques Mahéas. ... les parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat, ou PACTE, qu'ils soient juniors ou seniors, sanctionnés par un examen professionnel, ou encore la seconde carrière pour les enseignants.
On songe également à supprimer les limites d'âge, dans un contexte de réduction du nombre des postes offerts aux concours. Or je tiens à rappeler notre attachement au concours, seul à garantir l'égalité d'accès, même si certaines mesures dérogatoires peuvent être acceptables.
Autre sujet d'inquiétude, le départ anticipé en retraite pour les carrières longues, mesure appliquée dans le privé depuis le 1er janvier 2004. Dans ce seul cas, monsieur le ministre, vous semblez peu enclin à l'alignement sur le privé, puisque le dispositif proposé aux fonctionnaires s'avère similaire, mais pas identique, au point que, pour ne citer que cette disparité frappante, les départs anticipés à cinquante-six ans et à cinquante-sept ans attendront 2008, soit quatre ans après l'entrée en vigueur dans le privé ! Les amendements socialistes tendant à rétablir l'équité ont en effet été rejetés.
Tout votre enthousiasme semble aller à la réforme de l'Etat, présentée à grand renfort de jargon d'entreprise, de « productivité » et de « performance », censées « "agiliser" l'Etat », comme le réclame le très libéral rapport Camdessus. M. le ministre n'hésite d'ailleurs pas à se définir à l'Assemblée nationale comme « le DRH des fonctionnaires ». (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Dans la pratique, décentralisation, déconcentration, externalisation, privatisation ne sont que les sombres variantes de l'abandon dont souffre le service public. La démarche se fait à l'aune de la seule rentabilité économique, sans se soucier de la qualité du service rendu ni des conséquences pour les agents.
Sous couvert de rationalisation, on assiste au désengagement de l'Etat, qui délègue missions et compétences sans les charges afférentes. Il en est ainsi des 95 000 TOS, techniciens, ouvriers et de service transférés aux régions, ce qui va entraîner des embauches d'encadrement et une hausse vertigineuse des impôts locaux. Marché de dupes, donc !
Il paraît tristement évident que la fonction publique n'intéresse guère le Gouvernement et sa majorité, qui la sacrifient sur l'autel de la rigueur budgétaire.
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Oh !
M. Jacques Mahéas. Que penser du rapporteur de la commission des finances à l'Assemblée nationale lorsqu'il écrit : « Plusieurs pays ont supprimé la notion de fonction publique, s'en remettant au contrat de travail de droit commun pour organiser la relation de travail, et garantir la souplesse et l'efficacité des ressources humaines des services publics. En France, nous ne semblons pas aller jusque-là ».
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Ah !
M. Jacques Mahéas. Heureusement, me permettrai-je d'ajouter ! Est-ce là néanmoins le but poursuivi ?
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial, et Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Non !
M. Jacques Mahéas. Quant à vous, monsieur le ministre, vous faites régulièrement preuve envers les fonctionnaires d'un tel manque de considération, d'une telle propension au dénigrement...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Oh !
M. Jacques Mahéas. ...que l'on aurait presque peine à vous croire lorsque vous démentez avoir tenu à leur encontre des propos particulièrement outranciers au sein d'un cercle libéral.
Vous comprendrez qu'un climat si délétère, où le chantage le dispute à la suspicion, ne peut qu'entraîner le groupe socialiste à rejeter votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. C'est consternant !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos se situe, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances, dans la perspective du futur projet de loi sur la réforme de la fonction publique.
En effet, l'examen du budget de la fonction publique, et notamment de son budget de fonctionnement, conduit chaque année à s'interroger sur l'efficacité économique du système administratif français. Faute de parvenir à le réformer radicalement de l'intérieur, c'est de la contrainte extérieure librement consentie, puisque venue du droit de l'Union européenne, que viendra peut-être le salut, notamment dans le domaine des relations entre l'Etat, les collectivités publiques, et leurs agents.
Ces dernières années, la fonction publique française a évolué sous l'influence du droit communautaire, mais cette évolution s'est faite à reculons. Or les préconisations du droit européen ne sont pas motivées par le seul principe de liberté de circulation et de non-discrimination en fonction de la nationalité. Elles visent à diffuser au sein de l'administration une culture managériale qui lui fait souvent défaut, mais aussi, on l'oublie trop souvent, à améliorer le droit du travail.
Le domaine du droit du travail est au coeur de ces différentes exigences et pose la question de la transposition du droit communautaire dans le droit français de la fonction publique. En ce domaine, la frilosité du législateur n'a d'égale que celle du juge administratif, Conseil d'Etat en tête, puisque ni l'un ni l'autre ne se résolvent à transposer des directives vieilles de cinq ans, au mépris des engagements communautaires de la France.
Le droit communautaire considère que la forme normale de travail est, aux termes de la directive n° 1999/70/CE du Conseil des ministres du 28 juin 1999 - qui aurait dû être transposée avant le 10 juillet 2001 ! -, la relation de travail à durée indéterminée.
Cela concerne non pas les agents titulaires, qui bénéficient de la garantie statutaire, mais les agents contractuels. Alors que le statut général pose, dans l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, la règle de l'interdiction des contrats à durée indéterminée, à l'exception de certaines dispositions législatives sur lesquelles je reviendrai, la directive énonce au contraire que la forme générale de la relation d'emploi entre employeurs et salariés est le contrat à durée indéterminée.
Ce principe conduit à s'interroger sur la condition des agents liés à une collectivité par un contrat de droit public d'une durée maximale de trois ans qui, même régulièrement renouvelé, ne peut conduire à un contrat à durée indéterminée, puisque la jurisprudence du Conseil d'Etat - arrêt « Bayeux » du 27 octobre 1999 - l'interdit formellement.
La directive européenne incite donc à préciser les conditions du renouvellement du contrat, à fixer le nombre des renouvellements possibles ou la durée maximale de tous les contrats cumulés, à réglementer les cas et les conditions de renouvellement. Elle vise également à « prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs » et pose la condition que ces contrats ne soient utilisés que pour répondre à « des besoins de secteurs spécifiques » ou à « certaines catégories de travailleurs ».
Le droit français de la fonction publique ne répond en rien à ces engagements européens, puisque les « secteurs spécifiques » autorisés à maintenir des CDD n'ont jamais été définis.
Le législateur a pourtant introduit récemment des dérogations au principe de l'interdiction des CDI, avec la loi du 3 janvier 2001 sur la résorption de l'emploi précaire. Encore cette possibilité est-elle limitée aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale...
La Cour de cassation a suivi en transposant une directive du 12 mars 2001 pour la reprise, par une personne publique, d'un service public auparavant géré par une personne privée.
La Cour de justice des Communautés européennes, enfin, sur la base de la même directive, l'a confirmé pour la municipalisation d'activités associatives.
Le droit de la fonction publique doit donc être revu, comme le rapport du professeur Lemoyne de Forges le soulignait déjà en 2003, en distinguant les cas dans lesquels la nature et la spécificité des besoins des services justifient le recours à des contrats à durée déterminée, par exception à une nouvelle règle, celle du contrat à durée indéterminée.
Monsieur le ministre, il faudra rapidement mettre fin à la jurisprudence et à la législation restrictive actuelles, et encadrer sur le plan législatif les renouvellements de contrats à durée déterminée.
Mais l'introduction des contrats à durée indéterminée ne signifie pas simplement l'alignement sur le droit communautaire, car la cohabitation du statut et des CDD était fonctionnelle jusqu'à présent dans le système français. Dans un système administratif fondé sur l'emploi à vie, elle a permis au système de disposer d'une souplesse relative de gestion.
La cohabitation entre le statut et le CDI, la concurrence entre un régime statutaire où le contrat d'affectation sur emploi et les accords de performance deviendront la règle et un régime de CDI protégé contre les licenciements abusifs par le droit communautaire rendront la frontière toujours moins étanche, à l'heure de la mobilité généralisée et du travail à temps partiel, notamment pour les nouvelles générations de salariés du secteur public.
Cette tendance est d'autant plus vraisemblable que la pratique des recrutements, notamment dans les collectivités territoriales, est surtout régie par la loi de la pénurie et non par des critères tels que les emplois spécifiques ou régaliens : sont contractuels les agents dont on ne parvient pas à assurer le recrutement dans le cadre des emplois statutaires, quitte à faciliter ensuite leur intégration dans la fonction publique en assurant leur formation. Mais chacun sait que les contrats négociés sont ensuite consolidés lorsqu'ils deviennent des emplois statutaires.
S'il n'est pas souhaitable de contractualiser toute la fonction publique, à l'exemple de l'Italie, de la Finlande ou de la Suède, il n'est pas envisageable d'aborder sérieusement la modernisation de l'administration et la diminution du poids excessif de la masse salariale sur les budgets de fonctionnement sans appliquer sans crainte le droit communautaire. Celui-ci, comme dans de nombreux autres domaines, est d'abord le levier qui accélérera la modernisation de l'Etat et des autres collectivités publiques, sans remettre en cause la protection de leurs agents, mais en la garantissant autrement.
N'est-il pas temps, monsieur le ministre, de s'engager résolument dans l'application de mesures européennes que la France est censée appliquer depuis quatre ans et qui permettront à l'Etat d'améliorer durablement sa gestion ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget, je commencerai par dire un mot sur le programme législatif du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je sais combien le Sénat est attaché à la modernisation de la fonction publique territoriale. Il est d'ailleurs à l'origine de très nombreuses propositions, que j'ai faites miennes et qui feront l'objet d'un texte qui sera présenté en premier lieu devant le Sénat au début de l'année 2005. Je tiens à remercier les sénateurs qui ont préparé ce travail et je sais à quel point je peux compter sur la Haute Assemblée pour l'améliorer au cours de la discussion qui aura lieu dans cette enceinte.
La fonction publique de l'Etat, quant à elle, ne sera pas en reste, puisqu'elle doit être également modernisée, en s'inspirant peut-être parfois de ce qui a été fait dans la fonction publique territoriale. Trop souvent, la fonction publique de l'Etat est présentée comme un modèle, alors que la fonction publique territoriale a développé des innovations et des améliorations qui peuvent être transposées.
Je veux également vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que certains propos qui ont été rapportés par les orateurs de l'opposition ne concordent pas - si j'ose dire... (Sourires) -, avec ceux que je tiens habituellement.
En voici un exemple très simple : alors que j'ai dit que la masse salariale de l'Etat augmentait à la suite du départ à la retraite d'un nombre croissant de fonctionnaires...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Oui, c'est mécanique !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... qui devenaient donc inactifs - et, dans mon esprit, ce terme n'est pas désobligeant à leur égard - ...
M. Jacques Mahéas. Ah !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... mes propos ont ensuite été caricaturés par l'hebdomadaire satirique de référence de l'opposition, qui a écrit que je considérais les intéressés comme des gens inutiles. Il y a là tout de même une marge !
J'ajoute d'ailleurs que le même hebdomadaire m'a également caricaturé en officier nazi envoyant des fonctionnaires au four crématoire !
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. C'est grave !
M. Renaud Dutreil, ministre. La Ligue contre le racisme et l'antisémitisme s'est d'ailleurs émue de cet amalgame et de cette instrumentalisation de la Shoah au service d'arguments polémiques.
Je n'ose imaginer que les orateurs de l'opposition aillent puiser à une source aussi trouble ! (M. Jacques Mahéas s'en défend.)
S'agissant de la question de la négociation salariale en cours, qui a été abordée par M. de Raincourt, Mme Gourault et Mme Mathon, je dois vous faire part d'une conviction très claire : pour conserver une fonction publique de qualité - et tel est bien le souhait du Gouvernement -, nous devons préserver les espérances de pouvoir d'achat des fonctionnaires.
Nous le ferons non pas dans l'immobilisme, mais dans la réforme de l'Etat, la modernisation de la fonction publique et dans une politique salariale innovante.
J'ai ouvert un rendez-vous salarial, le 8 novembre dernier, avec les organisations syndicales représentatives des agents des trois fonctions publiques.
A cette occasion, j'ai dressé un constat de l'évolution du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Celui-ci évolue sous l'effet de trois facteurs. Tout d'abord, des mesures d'avancement individuel, automatiques, constituent l'un des éléments du dispositif nommé GVT, ou glissement vieillesse technicité : tous les trois ans, la rémunération de chaque fonctionnaire progresse alors de 6 % en moyenne, soit de 2 % par an, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial ; interviennent ensuite des mesures ministérielles catégorielles, notamment sur les primes, et la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
Sous ces trois effets, la feuille de paye moyenne des fonctionnaires a augmenté, ces dix dernières années, de près de 4 % par an, soit d'un pourcentage supérieur à celui de l'inflation. (M. Jacques Mahéas en doute.)
Les syndicats de la fonction publique ne veulent considérer qu'un seul de ces facteurs, la valeur du point indiciaire. C'est cette incompréhension qui a conduit dans l'impasse toutes les tentatives de négociation salariale, tant de la part du gouvernement actuel que de celle des gouvernements précédents. Tous se sont heurtés à cette contradiction.
Il est vrai qu'une feuille de paye moyenne recouvre des situations différentes, certains fonctionnaires touchant plus, d'autres moins. Je suis le premier à le reconnaître et c'est pourquoi je propose aux organisations syndicales d'identifier les fonctionnaires qui ont le moins bénéficié de l'augmentation du pouvoir d'achat, voire ceux qui ont perdu du pouvoir d'achat.
Quoi qu'il en soit, le point indiciaire n'est certainement pas la meilleure façon de corriger ces inégalités, puisqu'il distribue, les yeux fermés, les crédits qui lui sont alloués. Je lui préfère une politique salariale de justice sociale, celle-là même que j'ai présentée aux organisations syndicales le 23 novembre dernier et que j'évoquerai à nouveau devant elles le 8 décembre prochain.
Certes, la définition d'une politique salariale pour les années à venir ne peut s'abstenir d'une réflexion sur les effectifs. Là encore, ne nous dissimulons pas derrière des tabous. Sans faire des effectifs une variable d'ajustement budgétaire, on peut imaginer que l'Etat de demain, notre Etat moderne, dont la mission première est de rendre un service aux usagers et aux citoyens, peut garantir un service d'aussi bonne qualité avec des effectifs moindres. La réforme de l'Etat, c'est aussi cela. Or, aujourd'hui, certains syndicats acceptent l'idée de gains de productivité au sein de l'Etat.
Sur cette question des salaires, j'ajoute, pour répondre à Mme le rapporteur pour avis, que les rémunérations doivent également être un outil de motivation des agents. Tous les éléments de modulation existent déjà dans le statut, mais ils sont peu utilisés dans ce sens : pour ne parler que des primes de rendement, dont l'appellation est d'ailleurs trompeuse puisque ces primes sont souvent versées de façon forfaitaire, c'est dans le cadre statutaire qu'est actuellement expérimentée la rémunération au mérite des cadres dirigeants des administrations centrales de l'Etat. Ce nouveau dispositif est mis en oeuvre dans cinq départements ministériels qui se sont portés volontaires, à savoir les finances, l'agriculture, la défense, l'équipement et l'intérieur, ainsi qu'au sein des services du Premier ministre.
La rémunération globale sera modulée, à hauteur de 20 %, en fonction des résultats effectivement obtenus. C'est là une innovation importante que je souhaite voir généralisée en 2005 à tous les ministères, du moins pour l'ensemble des agents qui exercent des emplois de responsabilité, car ce système de rémunération au mérite individuel ne peut être étendu à l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat, auxquels d'autres outils doivent être appliqués.
Mme Gourault m'a également interrogé sur la motion présentée par les magistrats du tribunal de grande instance de Moulins, dans l'Allier, qui se sont émus de la prime modulable instituée par le décret du 26 décembre 2003 aux termes duquel cette prime est « attribuée en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ».
Ces primes modulables ne sont en aucun cas une atteinte à l'indépendance des magistrats ! Elles existent d'ailleurs dans les juridictions administratives et financières ainsi qu'à la Cour de cassation sans que personne ne puisse mettre en doute l'indépendance de ces magistrats. Personne ne pourrait imaginer un seul instant que l'indépendance de la magistrature puisse être menacée par une prime modulable, qui représente de surcroît une part modeste de la rémunération des magistrats.
Mme Gourault et M. Portelli m'ont questionné sur la transposition des directives européennes dans la fonction publique et sur la situation de agents non titulaires.
Vous le savez, le droit communautaire influence de plus en plus la fonction publique française - souvent dans un sens positif -, notamment dans les domaines suivants : l'ouverture des emplois publics aux ressortissants communautaires, la lutte contre les discriminations, les conditions de recours au contrat à durée déterminée.
J'ai constaté, en prenant mes fonctions, un certain retard dans la transposition des normes européennes. Pour y répondre, j'ai fait préparer un projet de loi de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Il sera soumis, lundi 6 décembre prochain, à l'approbation du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Je souhaite, en effet, que mon ministère soit exemplaire en matière de transposition des directives.
Ce projet de loi, qui répond notamment aux problématiques posées par le rapport de M. Lemoyne de Forges, sera soumis au Parlement dès le début de l'année 2005.
J'attache une importance particulière à la transposition de la directive européenne du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée, qui doit permettre de réduire la précarité dans la fonction publique. La lutte contre la précarité est en effet l'un des objectifs fixés par le Gouvernement. Cette directive avait d'ailleurs été approuvée sous le gouvernement de M. Jospin, qui aurait dû la transposer et qui ne l'a pas fait.
C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'ai lancé une concertation avec les partenaires sociaux sur ce sujet.
Il est aujourd'hui possible de renouveler sans fin le contrat des agents contractuels à durée déterminée de la fonction publique sans que ces derniers aient la possibilité de se voir proposer un contrat à durée indéterminée. Cette situation n'est conforme ni au droit communautaire, je le répète, ni surtout à une bonne gestion des ressources humaines. On imagine la situation matérielle de ces agents qui, de façon renouvelée et permanente, restent dans la précarité !
Il faut donc améliorer les règles d'emploi des contractuels de la fonction publique, dans le respect des principes du statut de la fonction publique.
Pour ce faire, je propose, premièrement, un contrat à durée déterminée de trois ans maximum, renouvelable dans la limite de six ans maximum. Cette durée, relativement longue, est destinée à permettre aux contractuels d'être candidats au moins deux fois aux concours internes de recrutement des fonctionnaires. Quatre ans d'activité sont, en effet, nécessaires pour se présenter à ces concours.
Deuxièmement, le renouvellement du contrat après six ans ne sera possible que pour un contrat à durée indéterminée.
Troisièmement, je propose également la transformation automatique des contrats des agents ayant plus de cinquante ans et justifiant de huit ans de service public en contrats à durée indéterminée. Cette disposition est destinée à protéger ceux qui seraient les plus susceptibles de rencontrer des difficultés sur le marché du travail.
Enfin, je propose l'application anticipée du dispositif de transformation automatique en CDI au 1er juin 2004.
Je note que les organisations syndicales, après quelques hésitations - que l'on comprend bien, car il s'agit là d'une véritable innovation dans le statut de la fonction publique -, ont assez bien accueilli ce projet, qui va améliorer très concrètement la vie des agents concernés. Ces derniers éprouvent aujourd'hui des difficultés au quotidien, et c'est la raison pour laquelle il fallait prendre rapidement ces mesures.
La question des carrières longues a été ma priorité lorsque j'ai pris mes fonctions, et elle est aujourd'hui réglée. Les dispositions que nous avons prises vont profiter à 100 000 fonctionnaires, ...
M. Jacques Mahéas. En 2008 !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... ce qui n'est pas négligeable : 15 000 en 2005, 25 000 en 2006, 30 000 en 2007, 30 000 en 2008. Ainsi, toutes ces personnes vont pouvoir partir à la retraite plus tôt que prévu. C'est un vrai progrès social qui doit être souligné et mis au crédit de ce gouvernement.
J'en arrive au projet de budget qui vous est proposé.
Les crédits de la fonction publique s'élèvent à 154,87 millions d'euros pour 2005, ce qui représente effectivement une diminution de 30,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Mais, à structure constante, la diminution est de 8,2 %.
Cette diminution correspond à deux orientations : d'abord, une réforme exemplaire de la réforme de l'Etat, qui a été engagée avec le transfert de la gestion des prestations familiales dues aux agents de l'Etat aux caisses d'allocations familiales ; puis une maîtrise globale de la dépense, qui, à service quasiment identique, participe à l'effort général de rigueur budgétaire.
Le transfert de la gestion des prestations familiales aux caisses d'allocations familiales permettra de dégager une économie de 55,09 millions d'euros et une économie de 600 emplois équivalents temps plein dans l'ensemble des services gestionnaires des ministères, soit plus de 8 % du nombre total de suppressions d'emplois prévues dans le projet de loi de finances pour 2005.
Cette réforme ne détériore pas la qualité du service rendu par l'Etat. C'est en ce sens qu'elle est exemplaire, car elle n'entraîne certainement pas la dégradation du service que nous rendons aux Français ; bien au contraire, nous visons à l'améliorer ou à réduire son coût.
En supprimant cette redondance, les prestations dues aux agents de l'Etat seront gérées par deux instances différentes : d'une part, les services gestionnaires de personnel et les services de paie pour les allocations familiales ou l'allocation de rentrée scolaire et, d'autre part, les caisses d'allocations familiales pour la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, ou l'aide au logement. Toutes ces prestations seront transférées, et quelque 350 000 agents pourront donc en bénéficier dès le 1er janvier 2005 pour ce qui concerne l'ensemble des ministères à l'exception du ministère de l'éducation nationale, et le 1er juillet 2005 pour ce dernier ministère.
La seconde orientation de ce projet de budget concerne la maîtrise globale de la dépense.
Ainsi, s'agissant de l'action sociale interministérielle, le projet de budget de mon ministère comporte deux mesures d'économie.
La première est liée à la suppression de l'aide à l'amélioration de l'habitat des retraités. Cette suppression ne vise pas du tout à dégrader l'action sociale interministérielle, mais elle faisait double emploi avec les aides de droit commun apportées par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. De surcroît, elle ne correspondait que de façon marginale aux besoins des retraités de la fonction publique. Depuis dix ans, en effet, son montant n'a cessé de diminuer.
M. Jacques Mahéas. Elle n'était pas connue !
M. Renaud Dutreil, ministre. C'est vrai, monsieur Mahéas, mais bien souvent il existe trop de mesures de saupoudrage, ce qui entraîne un manque de clarté et de lisibilité des politiques menées. Afin d'apporter un service meilleur, y compris à nos fonctionnaires, il est donc nécessaire de rendre plus lisible et plus simple notre action sociale : c'est aussi cela, la réforme de l'Etat.
La seconde mesure d'économie, avec 1,6 million d'euros, est liée à la réforme de la politique de réservation de logements pour les agents de l'Etat. Là encore, il s'agit tout simplement de tirer parti de la réforme récente du code de la construction et de l'habitation, qui permet à tous les ministères de réserver des logements pour leurs fonctionnaires.
Telles sont les quelques réponses que je tenais à vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, et elles devraient rassurer les esprits inquiets : il n'y a pas de réduction de crédits qui ne soit fondée sur la recherche d'une optimisation de ceux-ci, et ce sans dégradation des services ou des prestations qui sont rendues aux fonctionnaires, je tiens à le souligner.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir écouté ces éléments de réponse, qui traduisent non seulement une gestion sérieuse de ce budget, mais également une réelle volonté de réforme au service des usagers ainsi que des fonctionnaires, auxquels, vous le savez, le Gouvernement apporte une attention toute particulière, car il a le sentiment que notre Etat ne fonctionnera bien que s'il s'appuie sur des collaborateurs à la fois motivés, reconnus...
M. Jacques Mahéas. Et valorisés !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... et accompagnés dans la voie de modernisation qui est aujourd'hui nécessaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je tiens à remercier tous les intervenants d'avoir fait un effort de concision et d'avoir tenu leurs engagements.
Je vous rappelle que les crédits inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix demain à la suite des crédits relatifs à la communication.
État B
Titre III : moins 36 875 266 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : moins 284 372 080 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V.- Autorisations de programme : 23 320 000 € ;
Crédits de paiement : 8 938 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.