sommaire
présidence de Mme michèle André
2. Organisme extraparlementaire
3. Décisions du Conseil constitutionnel
4. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Economie, finances et industries
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la consommation et la concurrence.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.
M. Bernard Vera.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé.
Article 73 septies. - Adoption
Charges communes et Comptes spéciaux du trésor
M. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances pour les charges communes ; Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances pour les comptes spéciaux du Trésor ; M. Bernard Vera.
MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Amendement no II-20 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres II à IV et VI. - Adoption
Amendement no II-15 de M. Bertrand Auban. - MM. Bertrand Auban, le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no II-16 de M. Bertrand Auban. - MM. Bertrand Auban, le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no II-17 de M. Bertrand Auban. - MM. Bertrand Auban, le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no II-21 du Gouvernement. - M. le ministre délégué, Mme le rapporteur spécial, M. le président de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 55 à 56 bis, 57 et 58. - Adoption
Budget annexe des Monnaies et médailles
MM. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances ; Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.
Adoption des crédits figurant aux articles 50 et 51.
Economie, finances et industries (suite)
MM. Eric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances ; Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'industrie ; Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les technologies de l'information et la Poste ; Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'énergie ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Michel Bécot, Yves Coquelle, Daniel Raoul, Gérard Cornu.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.
M. Yves Coquelle.
Vote des crédits réservé.
Mme Hélène Luc, MM. le ministre délégué, le président de la commission.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres V et VI. - Adoption
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Roland du Luart
MM. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Evelyne Didier, MM. Aymeri de Montesquiou, François Marc, André Ferrand, Daniel Raoul, Dominique Leclerc, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
MM. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur ; le président de la commission.
Crédits des titres III à VI. - Vote réservé
PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, COMMERCE ET ARTISANAT
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Laurent Béteille, Yves Coquelle, Jacques Pelletier, Bernard Dussaut, Daniel Raoul.
MM. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Crédits des titres III à VI. - Adoption
MM. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances ; Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Crédits des titres III à V. - Vote réservé
II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE
MM. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances ; Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Crédits des titres III, V et VI. - Adoption
M. le président de la commission.
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
MM. Jean-Pierre Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances ; Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Crédits des titres III et V. - Adoption
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances ; M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan ; Mme Evelyne Didier, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Arthuis, président de la commission des finances.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Crédits des titres III, IV et VI. - Adoption
Budget annexe des Journaux officiels
MM. Bernard Vera, rapporteur spécial de la commission des finances ; Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Adoption des crédits figurant aux articles 50 et 51.
M. le président.
Article additionnel après l'article 81
Amendement no II-18 de M. Hugues Portelli. - MM. Hugues Portelli, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Fonction publique et réforme de l'Etat
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Mahéas, Hugues Portelli.
M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. le président.
Crédits des titres III à V. - Vote réservé
5. Fin de mission d'un sénateur
6. Dépôt de propositions de loi
7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
organisme extraparlementaire
Mme la présidente. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de l'Observatoire des territoires.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.
La nomination au sein de ce nouvel organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
3
DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Mme la présidente. En application de l'article 40 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions rendues le 2 décembre 2004 par lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes concernant les élections sénatoriales du 26 septembre 2004, respectivement dans la Haute-Saône et à la Guadeloupe.
Acte est donné de cette communication.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 2 décembre 2004, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi de simplification du droit
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
4
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74).
Economie, finances et industrie
services financiers
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des services financiers constitue le principal fascicule budgétaire du bleu « économie, finances et industrie », qui en compte quatre.
Ce budget représente 74 % des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 au titre du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le MINEFI.
Ce budget est à 96 % un budget de fonctionnement, contrairement aux budgets de l'industrie ou du commerce et de l'artisanat, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, qui associent intervention, investissement et fonctionnement. On peut donc considérer que le budget des services financiers constitue le budget des moyens de Bercy.
Il est principalement un budget de services déconcentrés. Les services extérieurs de la direction générale de la comptabilité publique, la DGCP, et la direction générale des impôts, la DGI, occupent en effet 54,6 % des crédits.
En ce qui concerne le budget pour 2005, deux tendances doivent être soulignées : d'une part, une diminution en valeur des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; d'autre part, une maîtrise des dépenses affectées aux services financiers.
Les crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie diminuent en effet de 1,1 % à périmètre constant. Ainsi, 2 262 postes budgétaires sont supprimés en 2005, soit 1,3 % des effectifs du ministère. Ce chiffre correspond globalement au non-remplacement d'un peu plus d'un départ à la retraite sur deux. Bercy est ainsi un des seuls ministères à se voir appliquer un taux de non-remplacement des départs à la retraite aussi élevé.
Au sein de ce budget en diminution, les services financiers progressent de 0,98 %. Les dépenses de fonctionnement connaîtraient une évolution modérée en 2005, avec une hausse de 0,74 %.
Une priorité budgétaire est donnée comme les années précédentes aux dépenses informatiques, ce dont je me félicite. Les grands programmes informatiques mobiliseraient une enveloppe de crédits de paiement en hausse de 21,57 % pour le nouveau système d'information des administrations fiscales Copernic et en hausse de 1,07 % pour l'ensemble du programme « gestion publique », porteur notamment du projet Hélios relatif au secteur public local.
Parmi les directions des services financiers, les deux grandes directions, la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, connaîtraient, pour la première fois en loi de finances initiale, une diminution de leurs crédits en valeur.
Plus fondamentalement, le budget des services financiers pour 2005 traduit, d'abord, une accentuation de l'effort de limitation de la dépense. Les précédentes législatures avaient montré une grande maîtrise dans l'évolution des crédits de Bercy ; les effectifs ont été stabilisés depuis plusieurs années.
Depuis deux ans cependant, Bercy, avec le ministère de l'agriculture, de l'écologie et de l'équipement, a une quasi-exclusivité dans la maîtrise de la dépense prônée par l'actuel gouvernement.
Les réductions d'effectifs se concentrent également sur ce ministère. La recherche d'économies est systématique et la gestion 2003 a été particulièrement douloureuse.
Les annulations de crédits ont porté sur un montant de crédits de paiement de 363 millions d'euros, soit 16,5 % des crédits votés hors personnel. Les directions sous contrats de performances n'ont malheureusement pas été exemptées de l'effort de régulation.
Ainsi, le MINEFI cherche à mobiliser d'importants gains de productivité, en pratiquant une réingéniérie des processus administratifs et en investissant massivement dans l'informatique. Les crédits informatiques représentent 6 % du budget total à Bercy, contre 0,9 % pour l'Etat dans son ensemble.
Si l'effort de rationalisation des structures est poursuivi, un accent très particulier, contesté dans plusieurs parties du territoire par de nombreux élus de toute tendance, est mis sur la diminution du nombre d'implantations territoriales des services financiers. Près de 1 200 opérations de réorganisation des services déconcentrés sont en cours sur la période 2003-2005 selon la Cour des comptes. Je manque, monsieur le ministre, de précisions à ce sujet, notamment en ce qui concerne le réseau rural de la direction générale de la comptabilité publique. La transparence devrait pourtant être de mise.
L'effort de limitation de la dépense ne peut aller sans une recherche d'une amélioration des performances du ministère. L'amélioration de la qualité de service est certes manifeste, grâce notamment à la signature par la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des impôts de contrats de performance, dont elles rendent compte chaque année dans un rapport annuel de performance. Notre commission des finances a d'ailleurs entendu le directeur général des impôts à ce sujet en juillet dernier.
Au-delà de l'amélioration de la qualité de service se pose la question de la mesure de la performance. En ce domaine, avant même l'intervention de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, Bercy disposait d'une antériorité certaine grâce aux procédures de contractualisation dans lesquelles sont entrées depuis des mois, voire des années, la direction des relations économiques extérieures, la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique.
J'ai néanmoins examiné les indicateurs inclus dans les avant-projets de performances annexés au projet de loi de finances. Ils permettent aux directions des services financiers de confronter leurs indicateurs à l'esprit de la LOLF, de les comparer avec ceux des autres ministères et de les soumettre à l'examen critique du Parlement. Pour beaucoup, ces indicateurs sont satisfaisants. Ils présentent l'avantage d'avoir déjà été « testés », utilisés par les gestionnaires et, pour certains, améliorés sur le plan technique au fil des mois.
Compte tenu néanmoins des avantages comparatifs du MINEFI, la première version des projets annuels de performances reste quelque peu décevante. Le guide méthodologique pour l'application de la LOLF a visiblement été négligé. Ainsi, alors que les indicateurs « en valeur absolue » sont déconseillés, la mission « gestion et contrôle des finances publiques » en emploie. Certains indicateurs, comme celui relatif au taux d'intervention sur les recettes dépendent évidemment de la structure d'imposition, de la complexité de l'impôt, de l'évolution « spontanée » des recettes également, toutes choses qui ne dépendent pas directement des administrations fiscales.
De plus, il est également souhaitable que la DGCP et la DGI, lorsque ces directions concourent aux mêmes objectifs, harmonisent leurs indicateurs.
Au final, en ce qui concerne la LOLF, je crois que la structuration du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en différentes missions rendra ses actions plus compréhensibles et son budget plus lisible qu'aujourd'hui.
En ce qui concerne les fameux indicateurs de performance, une réflexion doit avoir lieu pour permettre au Parlement de disposer de tableaux de bord fiables au sujet d'un ministère qui s'est rebaptisé, en toute simplicité, « ministère de la performance ».
La commission des finances a, dans sa majorité, décidé de recommander l'approbation des crédits des services financiers pour 2005.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la consommation et la concurrence. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à la répartition des travaux au sein de la commission des affaires économiques et du Plan, mon intervention portera spécifiquement sur les crédits de la concurrence et de la consommation au sein du budget des services financiers.
Il s'agit des crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dont nous connaissons bien l'action de terrain en tant qu'élus locaux.
Si l'on tient compte des changements de périmètre, les crédits de la DGCCRF, fixés à 193 millions d'euros, sont stables à l'euro près, c'est-à-dire qu'ils diminuent dans des proportions au moins égales à l'inflation. La conséquence directe en est la suppression de quatorze emplois dans le projet de loi de finances pour 2005, soit une perte de 71 agents depuis 2002, sur un total de 3 664 postes, alors même que les attentes de la société sont toujours plus fortes à l'égard des trois grandes missions de la DGCCRF : les actions en faveur de la concurrence, de la sécurité des consommateurs, ainsi que de la surveillance de la qualité et de la loyauté des produits et services.
Il existe, à mes yeux, un décalage entre la baisse de ces moyens et la place toujours grandissante que prennent les questions de consommation dans la vie quotidienne des familles. Je l'ai dit en commission des affaires économiques, bien que la majorité qui la compose ait décidé de donner un avis favorable aux crédits de ce projet de loi de finances pour 2005.
Je vous rassure, je ne me suis pas contentée de remarquer que des attentes étaient insatisfaites. J'ai aussi cherché à en savoir davantage sur ce que souhaitent vraiment les consommateurs, notamment sur un sujet d'actualité sur lequel ils n'avaient peut-être pas été assez entendus. Je veux parler des grandes surfaces.
Pour ce faire, j'ai questionné l'ensemble des associations de consommateurs. Huit associations agréées sur dix-huit m'ont répondu, dans des délais qui étaient extrêmement courts. De cette écoute des consommateurs, j'ai retiré cinq enseignements, que je vous livre.
Premier enseignement : toutes les associations ayant répondu se fixent comme objectif le plus grand choix possible pour le consommateur, choix dans les types de commerces - grandes surfaces, supermarchés et aussi hard discount - et choix dans les localisations - plusieurs souhaitent la présence de grandes surfaces en centre-ville.
Deuxième enseignement : toutes les associations, sauf une, estiment que la libéralisation du développement des grandes surfaces n'est pas synonyme de baisse des prix. Elles s'inquiètent plutôt de la concentration du secteur, au niveau tant des enseignes que des centrales d'achats. Tout cela est considéré comme étant nuisible à la concurrence.
Troisième enseignement, compte tenu des débats actuels, elles considèrent largement que l'application des lois Galland et Raffarin n'est pas satisfaisante quant au mode de formation des prix. Plusieurs estiment qu'il existe un problème général de transparence des prix dans les grandes surfaces, rendus opaques par la multiplication des actions promotionnelles.
Quatrième enseignement : la démarche du rapport Canivet est jugée globalement intéressante. Cependant, certains l'estiment trop globale. Peut-on traiter de la même façon les fruits et légumes, l'électroménager ou la parapharmacie ?
Cinquième enseignement : la proposition principale du rapport, qui consiste en un assouplissement de la règle du seuil de vente à perte, est globalement accueillie avec prudence. Les associations sont presque toutes très attachées au principe du maintien d'un seuil et sont majoritairement sceptiques quant aux conséquences, à terme, de cette libéralisation sur les PME, face au pouvoir des groupes et des grandes marques.
Or c'est précisément ce pouvoir qui est ressenti comme une entrave à un retour au « juste prix », sans lequel le choix éclairé du consommateur est faussé.
Cependant, la plupart des associations qui souhaitent un respect effectif du seuil estiment que cela nécessiterait plus d'implication et de suivi de la part de la DGCCRF. Elles évoquent spontanément cette question des moyens de contrôle alors même que je ne les avais pas interrogées sur ce point.
Vous voyez donc où je veux en venir, ou plutôt revenir. Quelle que soit la solution définitive que choisira le Gouvernement sur ce sujet, la question des moyens de contrôle reste centrale. Le passé a montré que l'imagination quotidienne des grands groupes pour contourner les lois en matière de distribution était très fertile.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'espère que cet éclairage vous aura été utile.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier M. Angels de la qualité et de l'intérêt de son rapport. Il a su analyser avec finesse et justesse le budget des services financiers, en dépit de toute la difficulté technique et du caractère touffu de ce périmètre budgétaire très spécifique.
Le budget des services financiers qui vous est proposé traduit l'ampleur des réformes conduites au MINEFI depuis deux ans.
Je sais gré à M. Angels d'avoir relevé que ces réformes font de ce ministère l'un des principaux acteurs des économies qui mettent le Gouvernement en position de tenir la norme de dépenses du budget de l'Etat présentée au Parlement.
Le MINEFI occupe une place particulière dans l'appareil de l'Etat : il est le garant de la bonne utilisation des deniers publics. Ce rôle éminent lui donne évidemment une responsabilité particulière, celle de tout mettre en oeuvre pour améliorer la performance de la gestion administrative.
Pour que les autres administrations s'y emploient, nous devons naturellement montrer l'exemple. C'est tout le sens du programme de réformes du ministère et de sa stratégie ministérielle de réforme : faire du MINEFI le ministère de la performance administrative.
Notre ambition est que le ministère, dans toutes ses composantes, se mette en mouvement, ne subisse pas les changements, mais les anticipe et les provoque.
L'attente de nos concitoyens est immense. Ils veulent du service public, mais un service public efficace et économe, qui leur en donne pour les impôts qu'ils paient.
Deux chiffres témoignent de ce souci de rendre un meilleur service à moindre coût.
Le premier est celui des crédits en budget global pour 2005 : 14,94 milliards d'euros, soit une réduction de 0,3 %, obtenue sans altérer le bon exercice de ses missions.
Le MINEFI contribue à l'effort gouvernemental de maîtrise des dépenses publiques. Comme le souligne dans son rapport M. Angels, le budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est celui, après ceux des ministères de l'agriculture, de l'écologie et de la jeunesse, des sports et de la vie associative, qui baissera le plus fortement en 2005. C'est un bon budget.
Nous avons pour ambition de faire mieux avec moins, dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Si nous y parvenons, c'est que nous dégageons des gains de productivité.
Le second chiffre est celui des 2 262 postes budgétaires supprimés en 2005, après transferts. Cela veut dire que nous respectons - nous allons même au-delà - l'objectif de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux. La masse salariale constituant notre premier poste de dépenses, c'est là que doivent porter nos efforts, pour garantir une organisation administrative rationalisée et performante.
Le budget que j'ai l'honneur de vous présenter est la traduction concrète de cette dynamique de réforme qui a été insufflée depuis plus de deux ans et sur laquelle je souhaiterais m'arrêter brièvement.
J'évoquerai dans un premier temps la démarche de réforme engagée au MINEFI.
Appartenant au ministère de la performance administrative, nous nous sommes fixé deux objectifs majeurs.
Le premier objectif est de renforcer l'efficacité du ministère, en resserrant ses structures et en dynamisant son fonctionnement.
A cette fin, nous fusionnons deux directions dans le domaine industriel - la direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes, la DIGITIP, et la direction de l'action régionale et de la petite et moyenne industrie, la DARPMI -, trois dans le domaine économique- le trésor, la prévision et la direction des relations économiques extérieures, la DREE - et les quatre principaux corps de contrôle du MINEFI - le contrôle d'Etat, le contrôle financier, l'inspection générale de l'industrie et du commerce et l'inspection générale des postes et télécommunications.
Dans nos réseaux locaux, nous regroupons aussi toutes les petites structures pour constituer des entités viables, seules susceptibles de garantir un service public de qualité. Plutôt que celui de la gesticulation démagogique, nous avons fait le seul choix responsable : rationaliser, après concertation avec les élus, nos implantations locales et proposer des formules systématiques de substitution pour que le service public local soit assuré en permanence.
Nous organiser de façon plus efficace, c'est aussi confier à des tiers des fonctions qui n'appartiennent plus à nos missions de base. C'est ce que nous faisons en externalisant le contrôle technique des véhicules industriels ; nous venons d'ailleurs de choisir les repreneurs privés.
Mieux gérer, c'est aussi inventer des formules innovantes. C'est tout le sens de la réforme du mode de perception de la redevance audiovisuelle, dont on parlait depuis vingt ans, et que nous avons menée à bien, avec votre aide.
Nous abandonnons cette année sa perception par un service spécifique, en l'adossant à la taxe d'habitation pour les ménages, tout en veillant à garantir le droit des personnels concernés.
Au total, l'impôt sera mieux collecté, la fraude mieux combattue, et mille fonctionnaires seront redéployés et affectés à des tâches nouvelles, comme la gestion des amendes radar.
Renforcer notre efficacité, c'est aussi diffuser la culture du résultat. D'ici à la fin de l'année, toutes les directions du ministère auront des indicateurs nationaux et locaux mesurant leurs activités et retraçant leurs progrès. Vous pouvez compter sur moi pour que le MINEFI mette en oeuvre la LOLF de façon exemplaire dans tous ses services. Soixante-douze pour cent de nos effectifs sont engagés dans les expérimentations. L'an prochain, 43 % de nos crédits seront concernés.
Cette culture du résultat passe aussi par une meilleure organisation des fonctions logistiques. Nous engagerons en 2005 deux initiatives fortes.
Tout d'abord, les achats se verront appliquer un plan d'économies de 150 millions d'euros sur trois ans. Ils seront globalisés et les consommations seront rationalisées. Trente-trois millions d'euros d'économies vous sont d'ores et déjà présentés dans notre budget pour 2005.
Ensuite, nous voulons valoriser notre patrimoine immobilier. Le MINEFI, qui pilote la mission interministérielle dédiée aux cessions immobilières, renforce sa politique d'abandon du coeur de Paris pour se recentrer dans l'est parisien, plus économique.
Dominique Bussereau a dévoilé, la semaine dernière, dans le cadre de ses anciennes fonctions de secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, une première vague de cessions. Le MINEFI y occupe une place exemplaire. Toutefois, l'ensemble des ministères est touché. L'objectif global est d'atteindre 950 millions d'euros sur deux ans.
Notre second objectif est d'améliorer le service rendu à l'usager.
Nous devons développer la disponibilité, l'accessibilité, la réactivité et le regroupement des services pour que l'usager n'ait qu'un seul interlocuteur. C'est capital.
Nous développons donc l'interlocuteur fiscal unique au sein de la direction générale des impôts. Pour les entreprises, cette unification sera achevée en 2005. Pour les particuliers, nous avançons à bonne allure.
Je ne reviendrai pas, enfin, sur les trente mesures que Nicolas Sarkozy a présentées, le 3 novembre dernier, pour améliorer les relations entre les contribuables et l'administration fiscale, sauf pour redire que la révolution est copernicienne : faire passer l'administration fiscale d'une attitude de méfiance systématique vis-à-vis des contribuables vers davantage de confiance réciproque, sans qu'il soit question d'affaiblir les pouvoirs dont elle dispose pour mettre en oeuvre les lois votées par le Parlement.
Naturellement, on ne pourra engager un processus durable de changement que si les agents y adhèrent et bénéficient d'une partie des gains de productivité qu'ils réalisent.
C'est pourquoi le budget pour 2005 du MINEFI intègre le financement d'un plan de promotions internes permettant de traduire les efforts de restructuration et l'accroissement de la qualification des personnels.
J'en viens au budget des services financiers.
Dans ce contexte de réforme, dont tout le monde percevra les fruits, le budget de moyens des services financiers s'établit à 11 milliards d'euros, en progression de 1 % par rapport à 2004. Compte tenu de l'inflation, nous dépenserons donc moins en 2005 qu'en 2004.
Sur le plan des effectifs, comme je l'ai dit, nous ne remplaçons qu'un départ sur deux, ce qui représente 2 262 suppressions de postes et un gain général de productivité de 1,27 % par rapport à 2004. La Direction générale des impôts, le Trésor public et l'INSEE, administrations de production qui conduisent des travaux de masse, connaissent un taux un peu supérieur à 1 % pour les suppressions de postes. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et les services des douanes en ont moins.
Les marges ainsi dégagées iront à de nouveaux secteurs prioritaires : il y aura ainsi, en 2005, 63 créations brutes au MINEFI, dans la radioprotection, la régulation de l'énergie et des télécommunications ou encore la certification des comptes de l'Etat.
Concernant les crédits de fonctionnement et d'investissement, nous cherchons à préparer l'avenir. Les grands projets informatiques - COPERNIC, ACCORD et HELIOS, relatif au service public local - disposeront d'une enveloppe de crédits de paiement en hausse de 17,7 %. Ces investissements conditionnent la productivité de demain. C'est sur les dotations de fonctionnement courant, hors informatique et projets de modernisation, que nous recherchons les économies : ces crédits sont en baisse de 2,46 %.
S'agissant, enfin, des crédits traduisant le retour vers les agents d'une partie des gains de productivité qu'ils ont réalisés, les crédits immobiliers, gages de bonnes conditions de travail, augmentent de 1,9 %, les crédits sociaux sont majorés de 1,05 million d'euros, un plan de promotions internes est prévu à hauteur de 30 millions d'euros et une prime collective de performance viendra récompenser les agents des services particulièrement méritants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même à la fin de l'examen des crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
État B
M. Bernard Vera. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme s'il fallait montrer l'exemple, le budget des services financiers connaît, comme il est de coutume depuis maintenant une bonne quinzaine d'années, un ajustement à la baisse des effectifs budgétaires.
Deux points essentiels sont à relever dans ce projet de budget pour 2005.
Le premier est l'adossement de la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation qui, au motif de lutter contre la fraude et d'assurer au service public de la radiodiffusion et de la télévision les moyens de son financement, va se traduire concrètement par la suppression du service de la redevance, le redéploiement de ses 1 500 agents au sein des services du ministère, en l'occurrence la DGI, et par la parcellisation du traitement de cette redevance au sein des centres des impôts de ressort dans chaque département.
Outre ce redéploiement, les administrations financières subissent donc, dans ce projet de budget, une nouvelle ponction de leurs effectifs budgétaires, particulièrement significative. Force est de donc constater que, selon certains, ces administrations doivent donner l'exemple en matière de contraction des effectifs budgétaires, comme si la Direction générale des impôts, la Direction de la comptabilité publique, la Direction générale des douanes et des droits indirects, les services de l'INSEE ou ceux de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, devaient être les « premiers de la classe » pour ce qui est des gains de productivité, des suppressions d'emplois et des non-remplacements de départs en retraite.
Pour autant, l'accroissement en quantité et en complexité des tâches réalisées par les agents de ces administrations est particulièrement significatif. Ainsi, en moins de cinq ans, les services des impôts ont instruit 10 % de déclarations de revenus de plus et, chaque année, le nombre de dossiers fiscaux à traiter augmente avec une belle régularité.
Par exemple, l'accroissement du nombre des contribuables imposables à l'impôt de solidarité sur la fortune, passé en quelques années d'un peu moins de 180 000 à environ 300 000, entraîne pour les agents du fisc autant de tâches complémentaires, qui nécessitent naturellement des moyens matériels et humains spécifiques. Comment en serait-il autrement d'ailleurs alors que cet impôt fait l'objet d'autant de fraudes ?
Le contrôle fiscal est précisément l'une des missions les plus significatives de l'action de nos administrations financières. La lutte contre la fraude, véritable cancer à la source d'une part importante du déficit de l'Etat, appelle la mobilisation de moyens à hauteur des besoins pour que l'ensemble de la collectivité puisse retrouver l'intégralité de ses droits en la matière.
La complexité technique de nombre des dispositifs incitatifs que nous avons pu adopter dans le passé montre la nécessité de disposer d'un nombre suffisant de fonctionnaires bien formés et correctement équipés, pour dire le droit en ces matières et l'appliquer.
Ce projet de loi de finances, en ce qui concerne les services financiers, est un projet de loi d'impuissance. Il consacre, une fois encore, l'acceptation d'une perte d'efficacité de nos services fiscaux dans le recouvrement du produit de l'impôt et dans la simple équité fiscale découlant de la lutte contre la fraude. Nous ne pouvons donc, en tout état de cause, voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV: moins 842 736 234 euros.
Mme la présidente Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Mme la présidente. Titre V. - Autorisations de programme : 421 588 000 euros ;
Crédits de paiement : 96 073 000 euros.
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 554 628 000 euros ;
Crédits de paiement : 1 139 644 000 euros.
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 73 septies, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés aux services financiers.
Article 73 septies
Dans le premier alinéa de l'article 31 de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, l'année : « 2004 » est remplacée par l'année : « 2010 ».
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers.
charges communes et comptes spéciaux du trésor
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les charges communes et les comptes spéciaux du Trésor.
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur spécial.
M. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les charges communes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des charges communes pour 2005 représente, à lui seul, 20,1 % des crédits du présent projet de loi de finances.
En exécution, ce budget représente traditionnellement 30 % des dépenses nettes du budget général, car il bénéficie, en cours de gestion, du transfert des crédits pour charges de pensions en provenance des autres fascicules budgétaires.
Ce budget est, tout d'abord, celui de la charge de la dette, qui représente 33,6 % des crédits des charges communes, ensuite, celui des remboursements et dégrèvements d'impôts pour 54,2 % du total et, enfin, celui des pensions de personnel pour 9 %.
C'est dire l'importance d'un budget qui n'existera pourtant plus en 2006. Nous vivons ainsi les derniers moments du budget des charges communes. A compter de la loi de finances pour 2006, en effet, en application de la LOLF, et conformément à la nouvelle nomenclature budgétaire proposée par le Gouvernement, les dotations et chapitres des charges communes seront répartis entre pas moins de quinze missions.
Cela démontre le caractère encore hétéroclite des chapitres inscrits au budget des charges communes et la nécessité d'une mise en cohérence que permettra la LOLF. Les principales missions destinées à remplacer le budget des charges communes permettront de saisir, de façon plus lisible, les enjeux d'un fascicule budgétaire trop méconnu : engagements financiers de l'Etat, dégrèvements et remboursements d'impôts, provisions, pouvoirs publics, régimes sociaux et retraites.
Grâce à cette nouvelle présentation, la dette pourra devenir, plus qu'elle ne l'est aujourd'hui, et comme elle devra l'être toujours, l'enjeu d'un vrai débat politique à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.
Il convient en effet que le Parlement prenne mieux en compte dans ses débats le poids budgétaire de la charge de la dette. Nette des recettes d'ordre, elle serait en progression de 3,1 %, à 39,5 milliards d'euros en 2005, soit 14 % des dépenses de l'Etat. C'est probablement l'un de ses premiers budgets.
Trois éléments me paraissent particulièrement inquiétants.
Premièrement, dette et déficit s'entretiennent mutuellement. Il s'agit, en effet, de déséquilibres jumeaux puisque, chaque année, il faut rajouter le déficit de l'année à la dette courante précédente. Or l'apurement des dettes précédentes ne se fait que par création de nouveaux emprunts. C'est un système « boule de neige » qui s'alimente tout seul.
Deuxièmement, les comptes de la nation montrent que la progression de l'endettement de l'Etat s'accompagne d'une dégradation de ses comptes de patrimoine. Vous trouverez dans mon rapport écrit un graphique intéressant sur ce sujet, qui montre que ce phénomène n'est pas nouveau et ne fait que s'aggraver. Le patrimoine net de l'Etat est devenu fortement négatif.
Troisièmement, la dette négociable est détenue aujourd'hui, à hauteur de 44 %, par des non-résidents, ce qui signifie que 44 % de la dette de l'Etat français sont dus à des personnes dont le domicile est situé hors de France. Certes, on nous dit qu'une grande partie d'entre elles résident à l'intérieur de l'Union européenne. Mais il n'empêche qu'elles ne doivent pas avoir la même disposition d'esprit que nous vis-à-vis de l'Etat français.
La remontée, même limitée, des taux d'intérêt, prévue par le consensus des économistes, rendra les choses plus difficiles en 2005 qu'en 2003 et 2004. Ces dernières années, l'Etat avait bénéficié de conditions extraordinairement favorables pour son financement, grâce à la baisse des taux. On aboutit d'ailleurs à une curieuse constatation : 2003, pourtant marqué par un déficit record, a été le seul exercice au cours duquel où le poids de la dette s'est allégé, car l'effet de la baisse des taux et l'effet calendaire ont été tels qu'à raison de 2 milliards d'euros pour l'un et de 100 millions d'euros pour l'autre ils ont entraîné une diminution de la charge de la dette pour l'année.
Mais pendant ce temps, la dette a continué à augmenter. L'effet calendaire est d'ailleurs aggravant à cet égard : à partir du moment où l'émission des titres afférents à la nouvelle dette a lieu dans le courant de l'année, le poids n'en apparaît que l'année suivante. Par conséquent, plus on s'engage dans une accélération de l'endettement, plus l'effet calendaire se fait sentir, ce qui masque la réalité de la situation dans laquelle on se trouve.
Selon les simulations de l'agence France Trésor, une augmentation supplémentaire de 100 points de base aurait un coût supplémentaire de 910 millions d'euros en 2005, à volume d'émission inchangé, et de 1,95 milliard d'euros en 2006, ce qui montre que le problème de la dette, qui est déjà gravissime, se posera de manière encore plus cruciale dans les années qui viennent.
C'est dire l'importance d'une gestion performante de la dette. Il convient à ce sujet de saluer le professionnalisme des équipes de l'agence France Trésor. Il convient également de veiller à ce que la dette du budget annexe de l'aviation civile, gérée en direct par la direction générale de l'aviation civile, et celle de Charbonnages de France, gérée par cet établissement, ne soient pas intégrées dans une organisation générale de la dette publique française, puisque ces deux endettements ne bénéficient pas de l'effet de masse que représente l'ensemble du système géré par l'agence France Trésor.
Il y a là quelques sources de déficit supplémentaire. L'écart devrait être de l'ordre de 20 points de base pour l'aviation civile et de 15 points de base pour Charbonnages de France, soit autant que l'on n'aurait pas à ajouter.
J'aborderai rapidement les dégrèvements et remboursements d'impôts. Leur poids financier est considérable, 68,3 milliards d'euros, en augmentation de 2,6 % en 2005, sans qu'ils fassent l'objet d'un réel débat lors de l'examen du projet de loi de finances.
C'est la raison pour laquelle je regrette que la nouvelle nomenclature proposée par le Gouvernement - et ce problème se reposera d'ailleurs probablement l'année prochaine - en application de la LOLF, n'ait pas prévu une présentation des crédits de dégrèvements par nature de dépense, au lieu de les regrouper ensemble dans une mission « fourre-tout ».
Tous les dégrèvements n'obéissent pas, monsieur le ministre, à la même logique. Quelle est la cohérence, par exemple, d'une inscription des restitutions liées à la prime pour l'emploi dans une mission « dégrèvements et remboursements » ?
S'agissant du poids budgétaire des dégrèvements liés à la prime pour l'emploi, qui équivaut à près de 2 milliards d'euros en 2005, vous trouverez une étude dans mon rapport écrit. La répartition des foyers bénéficiaires par décile, c'est-à-dire en l'occurrence par tranche de 280 000, tend à montrer que le montant de la prime pour l'emploi est sensiblement le même, quel que soit le décile de revenu auquel on appartient.
Cela mérite, me semble-t-il, un examen attentif. Je vous pose la question, monsieur le ministre : la prime pour l'emploi joue-t-elle vraiment son rôle ?
Ma dernière observation concernera les charges de pensions des fonctionnaires. Le hors bilan lié aux charges de retraite représente, selon le compte général de l'administration des finances, 850 milliards d'euros, soit 55 % du PIB, évidemment pas exigible en une seule année. Ce montant considérable tient compte pourtant de la réforme des retraites de la loi du 21 août 2003. En 2005, les charges de pensions devraient représenter 35,75 milliards d'euros, soit presque autant que la charge de la dette.
La progression des crédits de retraite sera de 5,8 % en 2005, après une hausse de 4,7 % en 2002, de 3,94 % en 2003 et de 5,27 % en 2004. Cette progression a lieu hors la vue du Parlement. Car, jusqu'à présent, en loi de finances initiale, les crédits sont répartis entre les charges communes et les différents fascicules ministériels. C'est le phénomène que j'ai signalé au début de mon exposé du retour des charges de pensions des fascicules ministériels vers les charges communes en cours d'année.
Le taux de cotisation implicite de l'Etat employeur est de 60,2 % de la masse salariale, ce qui est sans équivalent.
Pour cette raison, je crois qu'il faut se féliciter de la création d'un compte d'affectation spéciale « pensions » à compter du 1er janvier 2006, qui constitue en quelque sorte une caisse des retraites de la fonction publique, certes sans personnalité juridique, avec, en dépenses, les retraites servies aux anciens fonctionnaires et, en recettes, les cotisations patronales et salariales, sur le modèle du privé. On y verra probablement beaucoup plus clair avec cette nouvelle articulation.
La création de ce compte n'entraîne évidemment pas en soi une amélioration du financement des pensions de retraites de la fonction publique, mais permet une plus grande transparence et une plus grande visibilité sur un sujet peu connu de nos concitoyens et qui mériterait sans doute d'être beaucoup plus largement diffusé, médité et commenté, surtout compte tenu du poids budgétaire qu'il représente.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a décidé de vous recommander, mes chers collègues, l'adoption des crédits inscrits au titre des charges communes.
Je présenterai maintenant brièvement l'article 73 rattaché au budget des charges communes. Cet article vise à instaurer un dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires de l'Etat ayant eu une carrière longue, à l'instar de la récente amélioration des droits des affiliés du régime général d'assurance vieillesse qui ont commencé tôt leur activité professionnelle. Il s'agit donc d'une mesure d'équité, qui vise à offrir les mêmes conditions de retraite au public et au privé.
Le coût de la mesure, évalué à 70 millions d'euros en 2005, devrait atteindre 190 millions d'euros en 2006. En rythme de croisière, il devrait représenter environ 340 millions d'euros. Je vous rappelle qu'il s'agit d'une montée par étapes sur trois ans. A titre de comparaison, le coût est de 1,3 milliard d'euros pour les salariés du privé en 2005.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des finances préconise l'adoption de l'article 73. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les comptes spéciaux du Trésor. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la dernière fois qu'est présenté, sous cette forme, un fascicule budgétaire unique des comptes spéciaux du Trésor qui retrace les opérations budgétaires des trente comptes spéciaux restants.
A compter du projet de loi de finances pour 2006, conformément à la LOLF, chaque compte spécial deviendra une mission en tant que telle et, donc, une unité de vote budgétaire.
Cela nous évitera, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, la présentation d'un rapport sur trente comptes distincts, sans aucun rapport les uns avec les autres, dont la cohérence d'ensemble peut largement échapper au lecteur et paraître particulièrement décousu.
Depuis plusieurs années, le nombre de comptes spéciaux du Trésor a tendance à décroître de manière significative. Cette tendance se renforce à l'approche de la mise en oeuvre de la LOLF.
Ce phénomène concerne principalement les comptes d'affectation spéciale, qui traduisent la volonté d'affecter certaines ressources spécifiques à des dépenses particulières, à tel point qu'ils ne sont plus que sept dans le projet de loi de finances pour 2005. Ils seront encore moins nombreux dans le prochain projet de loi de finances.
Deux reproches sont adressés à ces comptes d'affectation spéciale.
Premièrement, un certain nombre d'entre eux ont accumulé des reports de crédits. Ces reports sont parfois importants. En ce qui concerne, par exemple, le Fonds d'aide à la modernisation de la presse, qui a fait l'objet d'un contrôle de notre ancien collègue Paul Loridant, les reports sur l'exercice 2004 représentent 172 % des crédits de la dotation initiale pour 2004.
Ces reports sont dus, pour l'essentiel, aux modalités spécifiques de financement des investissements des comptes d'affectation spéciale. La combinaison des procédures d'engagement des autorisations de programme, qui doivent concerner l'ensemble de l'opération d'investissement, et de la règle relative aux comptes d'affectation spéciale, selon laquelle les dépenses engagées ou ordonnancées ne peuvent excéder les ressources constatées, conduit le gestionnaire du compte à attendre de disposer des recettes nécessaires avant de donner son accord pour engager son opération d'investissement.
Ces modalités conduisent mécaniquement à des reports. Les comptes d'affectation spéciale sont, pour cette raison, considérés par Bercy comme ne constituant pas le support idéal pour l'investissement.
Deuxièmement, un certain nombre de comptes contreviennent à la règle posée par l'article 21 de la LOLF, selon laquelle les recettes sont par nature en relation directe avec les dépenses.
En conséquence, ont été clôturés l'année passée, ainsi que leurs actions inscrites au budget général, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le Fonds national de développement de la vie associative, cette année, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aériens, l'année prochaine, sans doute, le Fonds national pour le développement du sport.
Ce mouvement de budgétisation des comptes d'affectation spéciale m'inspire, monsieur le ministre, une certaine inquiétude. Rien ne garantit, en effet, que les actions financées par ces fonds très utiles, notamment sur le plan local, bénéficient à l'avenir des ressources budgétaires qui leur revenaient auparavant grâce au compte d'affectation spéciale.
Il y aurait sans doute un suivi à faire sur la durée pour vérifier les conditions de transfert des comptes les plus importants sur le budget général.
J'ai lu dans le rapport de notre collègue Michel Sergent en ce qui concerne, par exemple, le sport, que la probable création d'un établissement public administratif pour remplacer le FNDS se trouverait budgétisée avec une fraction des crédits du FNDS. On a donc du mal à percevoir ce que sera demain le développement de l'activité sportive dans notre pays !
Avez-vous, monsieur le ministre, par exemple, pu vérifier auprès de vos services que le Fonds national pour le développement des adductions d'eau bénéficiait encore des moyens lui permettant de financer les projets, en particulier des communes rurales ? Vous le savez, l'an dernier, c'est un sujet qui avait largement mobilisé notre assemblée au moment de ce transfert.
J'en viens maintenant à l'analyse du compte n° 902-24 d'affectation des produits de cessions de titres et de parts de sociétés, dit parfois compte de privatisation, alors qu'il relate autant des recettes, liées à des cessions d'actifs publics, que des dépenses, c'est-à-dire en l'occurrence le plus souvent des apports en capital.
Ce compte a été consacré par la LOLF, puisque l'article 21 de la loi organique crée de droit un compte retraçant les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante.
Plusieurs conditions doivent, me semble-t-il, être réunies pour que ce compte fonctionne de manière satisfaisante.
Il faut, tout d'abord, que le compte n° 902-24 soit exhaustif et mentionne l'ensemble des opérations patrimoniales de l'Etat. Or, je constate que les dotations en capital à Réseau Ferré de France, par exemple, ne transitent plus par ce compte depuis la loi de finances pour 2004. Elles sont financées par le budget général.
Cela ne permet pas d'aborder la situation de RFF de la même façon qu'une autre entreprise publique, alors que les apports du budget de l'Etat visent à prendre en compte un endettement dont la part de décision incombe, pour l'essentiel, à l'Etat tout au long de la vie de la SNCF. Il me semble donc que c'est bien l'équivalent d'un apport en capital à cette entreprise publique qui devrait être pris en compte par le budget.
De plus, cette procédure ne paraît pas très satisfaisante au regard du principe posé par la LOLF.
Echappent également à ce compte les recettes issues des cessions immobilières de l'Etat.
Il faut, ensuite, que les comptes soient transparents. Sur le compte 902-24 stricto sensu, il est parfois difficile de vérifier que les dotations prévues ont bien été versées.
Je pense, par exemple, aux dotations en capital aux fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche : les 150 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale leur ont-ils bien été versés en 2004 ? Nous ne pouvons pas le savoir au vu des éléments mis à notre disposition.
En ce qui concerne les comptes des entreprises publiques, on peut, en revanche, se féliciter de la publication dans le rapport relatif à l'Etat actionnaire des premiers comptes combinés des entreprises publiques.
L'effort est réel puisque ces comptes permettent d'éclairer le Parlement sur la situation consolidée des entreprises du secteur public. Un premier constat peut être tiré de ces comptes : ces entreprises manquent globalement de fonds propres.
Il faut, enfin, que l'Etat ait une véritable politique en direction de ses entreprises, notamment de celles qui ont besoin de son appui. Je pense, par exemple, à GIAT- Industries.
Il est regrettable, de ce point de vue, que l'Etat, client des entreprises publiques, ait, en raison de la régulation budgétaire qui a pesé en 2003, différé le paiement de certaines de ses factures.
Il faut convenir par ailleurs que rien, dans le fonctionnement du compte d'affectation spéciale, ne permet une adéquation entre des recettes de privatisation, par définition frappées d'aléas économiques, financiers, politiques, et les besoins en fonds propres des entreprises publiques.
Il y a donc parfois des reports préoccupants dans les dotations en capital. Alors que cela est possible, jamais l'Etat n'investit, à partir du budget général, dans ses entreprises. Il s'ensuit le manque de fonds propres que je soulignais précédemment.
Dans ces conditions, les entreprises publiques - je pense à Aéroports de Paris, mais j'aurais pu aussi citer la SNCF - n'ont pas eu, dans le passé, d'autre alternative que de financer leurs investissements par un endettement qui est devenu parfois préoccupant. Faute d'exercice de ses responsabilités par l'Etat actionnaire, le mode de financement retenu pour le secteur public est devenu celui du marché. On sait, en particulier, pour la SNCF que les conséquences ont été lourdes sur son endettement, surtout pendant les périodes où les taux d'intérêt étaient très élevés.
Je vous poserai une question pour finir, monsieur le ministre, sur la situation financière de Bull. Je me demande si l'aide à la restructuration accordée via le compte 902-24 en 2005 sera suffisante pour assurer de manière pérenne la survie de l'entreprise et à quelles conditions cette aide a été acceptée par la Commission européenne.
La commission des finances a, dans sa majorité, recommandé l'adoption des crédits des comptes spéciaux du Trésor et des articles 52, 53, 55, 56, 57 et 58 dans la rédaction résultant des votes du Sénat en première partie, ainsi que des articles rattachés 54 et 56 bis. (Applaudissements.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose dans la discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme d'habitude, ce budget des charges communes et les opérations visées par les comptes spéciaux du Trésor représentent des montants particulièrement significatifs, conditionnant d'ailleurs une part déterminante de l'exécution budgétaire.
Si l'on regarde la question des comptes spéciaux du Trésor, on se retrouve avec des engagements particulièrement significatifs - près de cinq milliards d'euros - pour les comptes d'affectation spéciale, près de deux pour les comptes de commerce, ou encore plus de soixante pour les comptes d'avances, du fait notamment du compte d'avances aux collectivités locales sur le produit des impositions votées.
Si l'on examine, par ailleurs, la question du budget des charges communes, on ne peut, dans ce cadre, que rappeler l'essentiel. Il s'agit en fait du poste budgétaire le plus important de l'ensemble de la deuxième partie, puisque la somme des crédits ouverts atteindra cette année près de 126 milliards d'euros, en hausse de 4 milliards sur 2004.
C'est évidemment le service de la dette publique qui est à l'origine de cette croissance nouvelle du budget concerné, budget que nous ne pouvons, dans les faits, encadrer dans les limites fixées pour l'ensemble de la dépense publique.
La dette de l'Etat négociable représentera, en 2005, un coût de 41,92 milliards d'euros, soit les trois quarts du produit de l'impôt sur le revenu et une somme supérieure au montant des dispositions correctrices qui affectent cet impôt.
On notera que le principal facteur d'accroissement de cette dette publique est l'indexation des OAT sur l'inflation. Année après année, cet outil de financement de l'action publique, particulièrement prisé des marchés financiers, coûte de plus en plus cher. Ainsi, en 2005, la charge des OATi, les obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation, passera à 3 047 millions d'euros, contre 1 980 millions d'euros précédemment.
Ce qui constitue une bonne affaire pour les investisseurs représente, au fil du temps, un coût très important pour les finances publiques, et il devient de plus en plus manifeste que la situation va encore se dégrader dans les années à venir.
En effet, malgré une tendance globale à la baisse, le taux à échéance constante à dix ans, le TEC 10, fluctue aujourd'hui autour de 4 %, c'est-à-dire que la charge de la dette correspondante consomme une part déterminante en valeur des ressources offertes par la croissance économique.
Quant à l'encours de la dette publique d'Etat, il atteint aujourd'hui quelque 829 milliards d'euros, ayant sensiblement progressé depuis 2002, avec le cumul des déficits de 2002 et de 2003, auxquels s'ajoutera celui que nous constaterons à la fin du mois lors de l'examen du collectif budgétaire.
Une telle situation appelle évidemment plusieurs observations.
Certains pensent qu'il convient de tout faire pour réduire le déficit comptable de l'Etat dans le cadre de l'exécution budgétaire immédiate, comme l'illustrent les prises de position de la majorité sénatoriale.
Ce que nous craignons, pour notre part, c'est que les économies du jour ne soient, comme c'est souvent le cas, les gaspillages financiers de demain et que ne soit repoussé le moment de résoudre, par l'action publique, les problèmes liés à la vie quotidienne de nos compatriotes et au développement de la nation dans son ensemble.
Nous pensons qu'il conviendrait sans doute, dans les années à venir, de poser deux questions essentielles : celle de la fiscalité des revenus tirés de l'investissement dans les OAT et les BTAN, tous titres de la dette publique, et celle de l'émission éventuelle d'un emprunt défiscalisé à faible taux d'intérêt, que l'on pourrait lever par exemple auprès des établissements financiers.
Pourquoi ne pas concevoir, par exemple, un emprunt obligatoire assorti d'un taux d'intérêt égal au taux prévu de l'inflation, légèrement majoré, pour faire face aux besoins de financement de l'Etat et alléger la structure globale de la dette publique ?
Ce sont là quelques observations que nous souhaitions formuler à l'occasion de la discussion de ce projet de budget des charges communes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget des charges communes et les comptes spéciaux du Trésor pour 2005. Ils représentent des enjeux considérables, à hauteur de 126 milliards d'euros de crédits pour les charges communes et des masses financières de près de 80 milliards d'euros pour les comptes spéciaux du Trésor.
Deux considérations méritent que l'on s'y arrête un instant : il s'agit de la masse la plus importante du budget général, et d'un assemblage hétérogène, j'en conviens volontiers, de crédits aux destinations très diverses.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les charges communes, évoquées tout à l'heure par M. Paul Girod, représentent ainsi 35 % des dépenses brutes du budget général. Toutefois, la part des dépenses d'ordre est, au sein de ce budget, de 71 milliards d'euros. Ainsi, seuls 55 milliards d'euros pèsent sur les dépenses nettes.
La répartition de cette masse financière de 55 milliards d'euros s'opère selon trois catégories : la charge nette de la dette, à hauteur de 39,9 milliards d'euros ; les crédits de personnel non ventilés entre les budgets des ministères, qui représentent 11,4 milliards d'euros ; enfin, les autres dépenses, qui atteignent 3,7 milliards d'euros et qui comprennent notamment des subventions aux régimes spéciaux de retraite, des interventions en faveur du logement et les crédits des pouvoirs publics.
M. Girod a évoqué, à très juste titre, l'avenir de cette masse hétérogène de crédits. Cet avenir est limpide : je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, qu'il n'y aura plus de budget des charges communes dans la forme actuelle à compter du 1er` janvier 2006. C'est donc la dernière fois que nous en débattons.
La loi organique relative aux lois de finances détermine la destination future de la plupart des crédits inscrits à ce budget. Les quelques crédits des charges communes dont le sort n'est pas réglé par ce texte seront répartis entre les missions et programmes susceptibles de les accueillir. Nous en avons tous conscience : c'est la lisibilité du budget qui s'en trouvera améliorée !
Je souhaite maintenant revenir brièvement, à la suite de M. Girod, sur la principale dépense du budget des charges communes, à savoir la charge de la dette.
La charge nette de la dette, qui atteint 39,9 milliards d'euros, représente plus d'un tiers du total. Elle connaîtra une hausse de 1,2 milliard d'euros, soit de 3,1 %, entre 2004 et 2005. Cette croissance somme toute modérée doit beaucoup aux effets de la réduction du déficit engagée depuis deux ans et demi et de la baisse des taux. Cependant, ne nous réjouissons pas trop vite de cet « effet taux », qui ne durera que tant que subsistera un différentiel entre le taux moyen de la dette et le taux moyen du marché. Le répit pourrait être de courte durée, et un retournement de la situation sur les marchés des taux nous exposerait à un risque fort.
Par exemple, une augmentation de 1 % du taux d'intérêt de la dette aurait pour conséquence un alourdissement du service de la dette de 1 milliard d'euros la première année, puis de 3 milliards d'euros la deuxième.
Ce constat ne doit pas nous amener à baisser les bras. Il nous rappelle simplement avec force combien nous devons poursuivre, sans relâche, notre effort de réduction du déficit budgétaire. C'est l'unique moyen de maîtriser sur la durée le service de la dette. Sait-on suffisamment que ce poste, qui figure parmi les tout premiers du budget de l'Etat, consomme aujourd'hui l'équivalent de plus de 80 % des recettes d'impôt sur le revenu, contre seulement 20 % en 1981 ?
Les remboursements et dégrèvements s'élèveront en 2005 à 68,3 milliards d'euros, soit 2,6 % de plus qu'en 2004. Signe de l'importance de ce mécanisme, ils représentent plus d'un cinquième des ressources fiscales brutes.
Les charges de pensions relevant des charges communes progresseront en 2005 de 1,5 %, pour atteindre 6,87 milliards d'euros. Rappelons que les pensions sont désormais indexées sur les prix, et non plus sur le point d'indice de la fonction publique.
Les crédits des pouvoirs publics augmenteront de 1,6 %, pour s'élever à 844,4 millions d'euros. Notons en particulier que le processus de clarification engagé depuis plusieurs années est arrivé à son terme. L'ensemble des crédits concourant à l'action de la présidence de la République ont été regroupés au sein des charges communes, et ils évoluent désormais, je le souligne, comme l'ensemble des charges de l'Etat, quoi qu'on ait pu en dire.
J'évoquerai rapidement, à la suite de Mme Marie-France Beaufils, les comptes spéciaux du Trésor, dont deux sont examinés avec le projet de budget des charges communes.
Je salue l'excellence de votre rapport, madame Beaufils, car vous avez retracé avec beaucoup de clarté l'évolution positive des comptes spéciaux du Trésor. En 1970, nous en avons compté jusqu'à soixante-seize ; pour 2005, nous sommes revenus à des chiffres plus acceptables, avec trente comptes spéciaux du Trésor. Ayant moi-même été rapporteur des comptes spéciaux du Trésor à l'Assemblée nationale, je me souviens que, voilà une dizaine d'années, ces comptes étaient encore au nombre de quarante-cinq. La progression est donc nette.
Dans ce projet de loi de finances pour 2005, deux comptes d'affectation spéciale sont supprimés, et un compte d'avance est créé. Le Gouvernement poursuit ainsi un vaste mouvement de clarification, rendu nécessaire par la loi organique relative aux lois de finances. C'est notamment le cas pour le traitement budgétaire de la redevance audiovisuelle, emblématique de notre dynamique de réforme : un compte est clôturé et un compte d'avance est créé. La représentation nationale y verra plus clair : c'est le moindre des respects qui lui sont dus. In fine, les Français comprendront mieux, je l'espère, ce que l'on fait de leur argent, ce qui n'est pas inutile au regard du fonctionnement de notre démocratie.
Les comptes spéciaux du Trésor participent de façon positive au solde général, comme l'a relevé fort justement Mme Beaufils. Ils se solderaient, comme les années précédentes, par une charge nette négative, dégageant un excédent de 571 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 250 millions d'euros par rapport à l'excédent prévu dans la loi de finances initiale pour 2004, qui s'élevait à 313 millions d'euros.
Là encore, la loi organique relative aux lois de finances va bientôt modifier le paysage de fond en comble. Deux comptes de commerce sont ainsi prévus dans cette dernière.
Il s'agit, en premier lieu, d'un compte de commerce pour les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'Etat. Le compte de commerce actuel intitulé « gestion active de la dette » verra ainsi son périmètre élargi à l'ensemble des opérations du service de la dette.
Il a semblé opportun au Gouvernement de soumettre au Parlement, dès la présentation du collectif budgétaire pour 2004, que nous avons déposé le 19 novembre dernier, les modalités pratiques d'organisation et de fonctionnement de ce compte. Tel est l'objet de l'article 54 du projet de loi de finances rectificative pour 2004, qui sera examiné dans les prochains jours par la Haute Assemblée.
Compte tenu de l'ampleur de l'habilitation conférée au législateur financier pour préciser les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances concernant ce compte de gestion de la dette, il nous paraissait en effet nécessaire de recueillir l'avis de la représentation nationale avant la préparation du budget de 2006.
Il s'agit, en second lieu, du compte d'affectation spéciale pour les charges de retraite de l'Etat. Le but est de retracer les opérations relatives aux pensions et aux avantages accessoires. L'objectif, dans ce domaine, en pleine cohérence avec l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, est d'accroître la transparence s'agissant des charges de l'Etat.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire sur ce projet de budget des charges communes et sur les comptes spéciaux du Trésor pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais exprimer ma satisfaction et rendre hommage au Gouvernement, qui a pris toutes dispositions utiles pour que, l'Agence des participations de l'Etat étant créée, puissent être enfin publiés les comptes consolidés des entreprises publiques.
Cela répond à un voeu ancien du Sénat, puisque, dès 1994, lors de l'examen d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, la Haute Assemblée avait demandé la publication des comptes consolidés des entreprises contrôlées par l'Etat. Cette demande était restée vaine et n'avait pas été suivie d'effet, et nous l'avions renouvelée à l'occasion, si ma mémoire est bonne, de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
Ces comptes consolidés ont été finalement appelés « comptes combinés ». La formule est peu élégante, mais elle correspond à une réalité d'ordre technique. Ces comptes combinés ont donc été publiés voilà quelques semaines, et je tiens à en remercier et à en féliciter le Gouvernement.
Cela étant dit, je voudrais maintenant m'interroger sur le contenu de ces comptes combinés.
Mme Beaufils l'a rappelé tout à l'heure, la situation financière est préoccupante. En effet, le bilan des comptes combinés fait apparaître que, au sein des actifs incorporels - ce sont eux qui peuvent donner lieu à interrogations -, il existe ce que l'on appelle des survaleurs, c'est-à-dire ce qui a été payé au-delà des valeurs réelles, par exemple lorsque France Télécom a racheté Orange ou Wanadoo ou lorsque EDF s'est livré à certaines opérations quelque peu audacieuses.
La vocation des survaleurs est d'être progressivement amorties, dépréciées, afin qu'elles finissent par ne plus apparaître dans les comptes. Pour l'heure, elles atteignent 37 milliards d'euros, inscrits à l'actif, alors que le montant des capitaux propres du groupe est de 38,5 milliards d'euros, c'est-à-dire que la situation nette présente un solde, positif il est vrai, d'un peu plus de 1 milliard d'euros, soit une somme dérisoire.
Je voudrais donc rendre l'Etat actionnaire attentif au fait que c'est là une situation extrêmement fragile et qu'il apparaît comme un actionnaire très impécunieux, d'autant qu'un certain nombre d'entreprises publiques ont fait preuve dans le passé d'un certain laxisme, s'agissant de la constatation de leurs charges en matière de retraites.
L'exemple le plus flagrant à cet égard, qui a récemment défrayé la chronique après celui de France Télécom, c'est celui d'EDF. Certes, la dette liée aux retraites des régimes spéciaux s'amenuise progressivement, puisque l'on a créé à cette fin, cet été, une taxe spéciale sur les transports d'énergie, mais c'est au prix d'engagements dont les consommateurs français d'énergie feront les frais.
Bien sûr, la dette se tasse progressivement, mais c'est au prix d'engagements que les Français consommateurs d'énergie devront payer.
D'autres entreprises publiques n'ont pas encore consolidé leurs dettes de retraites, monsieur le ministre. Si elles l'avaient fait, on verrait que ces dettes approchent une centaine de milliards : 100 milliards de dettes au regard de 1,5 milliards de capitaux propres, déduction faite des survaleurs, c'est tout de même très préoccupant !
J'appelle donc l'Etat actionnaire à beaucoup de vigilance.
Mon étonnement, lors de l'examen des comptes combinés, provient de ce que je n'ai pas retrouvé l'ancienne dette de la SNCF, placée, par ce qui a dû être, à l'époque, un trait du génie créatif des hautes sphères de l'Etat, dans le service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF. Je pensais donc que les 9 milliards d'euros de ce service annexe allaient apparaître dans les dettes des comptes combinés de l'Etat : ils n'y apparaissent pas. Il est vrai que, s'ils y apparaissaient, les 1,5 milliard d'euros seraient devenus 8,5 milliards.
Je me suis alors dit que cette dette apparaissait certainement dans les dettes de l'Etat : elle n'y apparaît pas non plus.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de trouver rapidement une solution à une question qui, sans être anxiogène, pourrait accréditer l'idée que l'Etat s'égare encore, à la veille de la mise en oeuvre de la LOLF, sur les chemins de la créativité comptable, aux confins de la cosmétique... (Sourires.)
C'est le crédit de l'Etat qui est ici en cause. C'est la raison pour laquelle j'ai cru devoir faire cette observation.
Si je reconnais qu'il y a beaucoup de progrès à faire, cela ne doit pourtant pas altérer les compliments que j'adresse au Gouvernement pour avoir enfin présenté les comptes combinés des entreprises publiques. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Charges communes
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant les charges communes.
État b
Titre I : 3 473 000 000 €.
Mme la présidente. L'amendement n° II-20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Majorer ces crédits de 1 000 000 €.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de coordination assez simple, pour traduire à l'état B l'incidence de la majoration de 1 million d'euros des crédits du chapitre 15-01 des charges communes.
Il s'agit de l'extension du dégrèvement de la taxe professionnelle au transport fluvial de passagers.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Nous avons informé le Gouvernement que la commission des finances va mener une étude approfondie sur le dégrèvement de taxe professionnelle au cours de l'année à venir : c'est un domaine dans lequel il faut voir plus clair.
M. Paul Girod, rapporteur spécial. L'amendement du gouvernement est un amendement de conséquence sur une décision prise, la commission n'a donc aucune observation à formuler.
Mme la présidente. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre I.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre II : 13 436 614 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre II.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre III : 565 005 374 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 40 840 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV
(Ces crédits sont adoptés.)
État c
Titre VI. - Autorisations de programme : 151 000 000 € ;
Crédits de paiement : 18 000 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J'appelle en discussion l'article 73 qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés aux charges communes.
Charges communes
Article 73
I. - Il est inséré, après l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, un article L. 25 bis ainsi rédigé :
« Art. L. 25 bis - I. - L'âge de soixante ans mentionné au 1° du I de l'article L. 24 est abaissé pour les fonctionnaires relevant du régime des pensions civiles et militaires de retraites qui justifient, dans ce régime et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d'une durée d'assurance, ou de périodes reconnues équivalentes, au moins égale à 168 trimestres :
« 1° A compter du 1er janvier 2008, à cinquante-six ans pour les fonctionnaires qui justifient d'une durée d'activité ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à 168 trimestres et ayant débuté leur activité avant l'âge de seize ans ;
« 2° A compter du 1er juillet 2006, à cinquante-huit ans pour les fonctionnaires qui justifient d'une durée d'activité ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à 164 trimestres et ayant débuté leur activité avant l'âge de seize ans ;
« 3° A compter du 1er janvier 2005, à cinquante-neuf ans pour les fonctionnaires qui justifient d'une durée d'activité ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à 160 trimestres et ayant débuté leur activité avant l'âge de dix-sept ans.
« Pour l'application de la condition d'âge de début d'activité définie aux 1°, 2° et 3°, sont considérés comme ayant débuté leur activité avant l'âge de seize ou dix-sept ans les fonctionnaires justifiant :
« - soit d'une durée d'assurance d'au moins cinq trimestres à la fin de l'année au cours de laquelle est survenu, respectivement, leur seizième ou leur dix-septième anniversaire ;
« - soit, s'ils sont nés au cours du quatrième trimestre et ne justifient pas de la durée d'assurance prévue à l'alinéa précédent, d'une durée d'assurance d'au moins quatre trimestres au titre de l'année au cours de laquelle est survenu, respectivement, leur seizième ou leur dix-septième anniversaire.
« Pour l'application de la condition de durée d'activité ayant donné lieu à cotisations à la charge des fonctionnaires définie aux 1°, 2° et 3° ci-dessus, sont réputées avoir donné lieu à cotisations :
« - les périodes de service national, à raison d'un trimestre par période d'au moins quatre-vingt-dix jours, consécutifs ou non. Lorsque la période couvre deux années civiles, elle peut être affectée à l'une ou l'autre de ces années, la solution la plus favorable étant retenue ;
« - les périodes pendant lesquelles les fonctionnaires ont été placés en congé de maladie statutaire ainsi que les périodes comptées comme périodes d'assurance dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au titre de la maladie, de la maternité et de l'inaptitude temporaire.
« Ces périodes sont retenues respectivement dans la limite de quatre trimestres et sans que le nombre de trimestres ayant donné lieu à cotisations ou réputés tels puisse excéder quatre pour une même année civile.
« Pour l'application de cette même condition de durée d'activité ayant donné lieu à cotisations à la charge des fonctionnaires, il est retenu un nombre de trimestres au plus égal à quatre au titre de chaque année civile au cours de laquelle l'assuré a été affilié successivement ou simultanément à plusieurs des régimes considérés.
« Pour l'application de la condition de durée d'assurance ou de périodes reconnues équivalentes définie au premier alinéa, sont prises en compte la bonification pour enfant mentionnée aux b et b bis de l'article L. 12, les majorations de durée d'assurance mentionnées aux articles L. 12 bis et L. 12 ter et les périodes d'interruption ou de réduction d'activité mentionnées au 1° de l'article L. 9.
« II. - L'année au cours de laquelle sont réunies les conditions définies au I du présent article est l'année retenue pour l'application des dispositions du II et du III de l'article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, à condition que le fonctionnaire demande à bénéficier des dispositions du présent article avant son soixantième anniversaire. »
II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2005.
Mme la présidente. L'amendement n° II-15, présenté par MM. Auban, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Au début du deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, supprimer les mots :
A compter du 1er janvier 2008
II. - Au début du troisième alinéa (2°) du I du même texte, supprimer les mots :
A compter du 1er juillet 2006
III. - Au début du quatrième alinéa (3°) du I du même texte, supprimer les mots :
A compter du 1er janvier 2005
La parole est à M. Bertrand Auban.
M. Bertrand Auban. Cet amendement concerne le dispositif de départ anticipé en retraite des salariés du secteur privé prévu par l'article 23 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites et son décret d'application 2003-1036 du 30 octobre 2003, qui est en vigueur depuis le 1er janvier 2004.
Depuis cette date, il a permis aux assurés d'en bénéficier dès lors qu'ils réunissaient, pour l'une des trois possibilités de départ, les quatre conditions relatives à l'âge de départ, à l'âge de début d'activité, à la durée d'assurance et à la durée d'activité cotisée.
Avec un an de retard, les fonctionnaires pourront accéder à ce dispositif, mais, à la différence des assurés du secteur privé, ils ne pourront y recourir d'emblée dès le 1er janvier 2005.
Le projet introduit une progressivité qui oblige certains d'entre eux à attendre le 1er juillet 2006, voire le 1er janvier 2008, alors qu'ils rempliront les conditions exigées à compter de 2005.
Dans un souci d'équité et en vertu du principe d'égalité de traitement, il est proposé de supprimer cette entrée en vigueur progressive pénalisante et d'aligner l'accès des fonctionnaires au dispositif sur celui du régime général. Cette proposition ne peut qu'être approuvée par les pouvoirs publics, au nom de la simplification des mesures administratives.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Le coût de la mesure est évalué à 70 millions d'euros en 2005, pour atteindre progressivement un rythme de croisière de 340 millions en 2008.
C'est le système qui existe dans le régime général : il n'y a aucune raison, dans le difficile contexte budgétaire de 2005, d'accepter cet amendement de nos collègues socialistes.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable, madame la présidente.
En effet, la situation des fonctionnaires de l'Etat n'est pas comparable à celle des salariés du régime général.
En 2001, l'âge moyen de départ en retraite des fonctionnaires était légèrement inférieur à cinquante-sept ans et demi, contre plus de soixante et un an pour les salariés du régime général.
Je rappellerai par ailleurs que le régime général ne connaissait pas de dispositif transversal de départ à la retraite avant soixante ans, tout au moins avant l'instauration du dispositif « carrières longues ».
En revanche, la fonction publique offre depuis longtemps plusieurs dispositifs de départ anticipé. Ainsi en 2001, seuls 26 % des fonctionnaires de l'Etat cessaient leur activité au delà de soixante ans.
C'est pourquoi il a été proposé, dans un souci d'équité et de responsabilité, de mettre en oeuvre le dispositif dit des « carrières longues » de manière progressive, comme cela a été le cas pour l'ensemble des mesures qui sont intervenues dans le cadre de la réforme des retraites.
J'ajoute que cette mesure d'ouverture immédiate du dispositif va bien au delà de la simplification des mesures administratives évoquées par l'amendement de manière un peu sommaire. Son application générerait en effet un coût supplémentaire de 54 millions d'euros en 2005 et de près de 180 millions d'euros en 2006.
Mme la présidente. L'amendement n° II-16, présenté par MM. Auban, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Compléter le cinquième alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite par les mots :
d'un trimestre entier au moins de durée d'assurance avant ces âges,
II - Supprimer les sixième et septième alinéas du I du même texte.
La parole est à M. Bertrand Auban.
M. Bertrand Auban. L'objectif de cette proposition est d'améliorer le dispositif d'accès au départ anticipé, en prévoyant une seule règle relative au début d'activité applicable dans tous les cas.
Quel que soit le mois de naissance du fonctionnaire, il lui suffira d'une durée d'assurance d'un trimestre avant l'âge de 16 ans ou de 17 ans.
Ainsi, tous les fonctionnaires concernés bénéficieront d'un traitement équitable et la gestion de leurs dossiers s'en trouvera allégée.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Cet amendement tend à revenir sur les modalités de décompte de durée d'assurance permettant de considérer les fonctionnaires comme ayant débuté leur activité à seize ans ou dix-sept ans.
Ainsi, un seul trimestre d'assurance serait requis pour enclencher le bénéfice de la clause.
Pourquoi s'éloigner du système du régime général ?
Aucun gouvernement n'avait à tel point fait avancer la question des carrières longues. Il n'y a pas de raison que les fonctionnaires aient un système différent.
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° II-17, présenté par MM. Auban, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, remplacer les mots :
la bonification pour enfant mentionnée aux b et b bis de l'article L. 12
par les mots :
les bonifications visées à l'article L. 12
La parole est à M. Bertrand Auban.
M. Bertrand Auban. Cet amendement concerne le dispositif particulier aux carrières longues, qui introduit une notion de durée d'assurance différente de celle retenue par la législation portant réforme des retraites dans la mesure où il ne retient que la bonification pour enfants.
Il convient donc de prendre en compte toutes les bonifications.
A défaut, la création de critères spécifiques va contraindre les régimes de retraite de la fonction publique, qui viennent de connaître des modifications d'une ampleur sans précédent avec la mise en oeuvre de la réforme, à réaliser des adaptations informatiques et des procédures de contrôle supplémentaires.
Il ne paraît pas pertinent d'alourdir leurs investissements et de complexifier leur gestion des droits, et ce pour trois raisons. Le dispositif envisagé se doit, d'une part, d'intégrer l'obligation de simplification administrative et du droit à l'information. Il est, d'autre part, transitoire. Enfin il concerne un nombre limité de fonctionnaires, eu égard à toutes les conditions exigées.
Il est proposé, en conséquence, d'adopter en matière de durée d'assurance des règles rigoureusement identiques à celles qui sont issues de la réforme des retraites.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Je serais tenté de dire à nos collègues qu'il est un peu désagréable de voir appliquer à un régime de retraite qui se doit d'être clair des recettes qui ressortent d'une cuisine mijotée qui mélange de nombreux ingrédients...
On ne peut mélanger des dispositions qui augmentent le montant de la retraite par référence à un certain nombre de sujétions étant intervenues pendant la carrière avec la notion de durée de la carrière. Il s'agit de notions complètement différentes.
Il n'est évidemment pas question de revenir subrepticement sur la réforme de la durée de service des fonctionnaires par ce biais.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement a souhaité que, pour qualifier de « longue » la carrière d'un fonctionnaire et lui ouvrir un droit à départ anticipé, les critères soient strictement identiques à ceux qui sont définis pour les salariés du secteur privé.
C'est une question d'équité. Le Gouvernement y est attaché : il est donc défavorable à l'amendement.
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes.
Comptes spéciaux du trésor
Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les articles 52 à 56, 56 bis, 57 et 58 du projet de loi de finances qui concernent les comptes spéciaux du Trésor.
C. - Opérations à caractère définitif des comptes d'affectation spéciale
Article 52
Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2005, au titre des services votés des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, est fixé à la somme de 565 658 000 €. - (Adopté.)
Article 53
I. - Il est ouvert aux ministres, pour 2005, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des dépenses en capital des comptes d'affectation spéciale, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 3 988 400 000 €.
II. - Il est ouvert aux ministres, pour 2005, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, des crédits de paiement s'élevant à la somme de 4 324 155 500 € ainsi répartie :
Dépenses ordinaires civiles |
335 755 500 € |
Dépenses civiles en capital |
3 988 400 000 € |
Total |
4 324 155 500 € |
Mme la présidente. L'amendement n° II-21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. A la fin du I de cet article, remplacer la somme :
3 988 400 000 €
par la somme :
4 505 400 000 €
II. Dans le II de cet article à la fin de la ligne « dépenses civiles en capital », remplacer la somme :
3 988 400 000 €
par la somme :
4 505 400 000 €
III. En conséquence, à la fin de la ligne « Total » du II de cet article, remplacer la somme :
4 324 155 500 €
par la somme :
4 841 155 500 €
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui traduit en fait la majoration de 517 millions d'euros des crédits affectés à la restructuration de la société Bull.
Mme Beaufils a tout à l'heure demandé quelle appréciation pouvait être portée sur l'avenir de Bull.
Je dirai que ce soutien se fait avec l'accord de la Commission européenne, puisque la Commission l'a totalement validé, en prenant en considération le fait que la situation avait largement évolué.
En effet, l'actionnariat a été fortement renouvelé, la situation financière a été restaurée, et la stratégie de développement a une pertinence qui a été soulignée par la Commission européenne.
Le groupe Bull continuera donc de proposer à ses clients une offre couplée dans les services informatiques et les services associés, qui répond à leur attente spécifique.
Je crois que ce groupe possède dorénavant tous les moyens nécessaires à son développement : c'est la raison pour laquelle, dans cette restructuration qui est enfin sur le bon chemin, l'Etat consent ce dernier effort.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. La commission regrette que cet amendement ait été déposé si tardivement. Elle n'a donc pas pu l'examiner. Etant donné la situation, le Gouvernement aurait pu nous le transmettre plus tôt. Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous en donniez acte.
Après en avoir discuté avec M. le président de la commission des finances, je considère que la majorité de la commission approuverait cette majoration.
A titre personnel, je pense que cet apport à Bull était nécessaire, mais je regrette que l'on ne se soit pas montré plus exigeant par rapport à l'emploi.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La société Bull suscite des interrogations, si j'en crois un hebdomadaire satirique, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... qui titre : « Bull touche le fond, et ses cadres le pactole ».
A l'occasion, j'aimerais que l'Etat actionnaire nous indique quelle est sa position par rapport à la fixation des rémunérations des dirigeants d'entreprises publiques, notamment vis-à-vis des plans d'attribution d'options d'achat et de souscription.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'Etat doit être le laboratoire de la transparence. Cela me paraît constituer le meilleur régulateur qui soit s'agissant des rémunérations et de leurs différents compléments.
Plutôt que de suggérer sans cesse de nouvelles formes de législation, l'Etat doit passer aux travaux pratiques et donner l'exemple. On est beaucoup plus convaincant par l'exemple que par le discours. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 53, modifié.
(L'article 53 est adopté.)
Article 54
I. - Le dernier alinéa de l'article 71 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est ainsi rédigé :
« - en dépenses, les dépenses afférentes aux achats et aux ventes de titres, de parts ou de droits de sociétés, les dotations en capital, avances d'actionnaires et autres apports aux entreprises publiques et aux établissements publics, les dotations en capital aux fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche, les apports au groupement d'intérêt public chargé de préfigurer une agence nationale de la recherche, les investissements réalisés directement ou indirectement par l'Etat dans des fonds de capital-investissement, l'aide à la restructuration à la société Bull, les versements au Fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, les reversements au budget général et les versements à la Caisse de la dette publique. »
II. - En 2005, une dotation de 350 millions d'euros pourra être allouée sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24 « Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés » à l'agence nationale de la recherche mentionnée au dernier alinéa de l'article 71 de la loi de finances pour 1993 précitée ainsi qu'au groupement d'intérêt public constitué avant la création de cette agence.
III. - En 2005, une aide à la restructuration de 517 millions d'euros pourra être allouée sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24 précité à la société Bull mentionnée au dernier alinéa de l'article 71 de la loi de finances pour 1993 précitée. - (Adopté.)
II. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE TEMPORAIRE
Article 55
I. - Le montant des découverts applicables, en 2005, aux services votés des comptes de commerce est fixé à 1 929 344 800 €.
II. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2005, au titre des services votés des comptes d'avances du Trésor, est fixé à la somme de 64 057 200 000 €.
III. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2005, au titre des services votés des comptes de prêts, est fixé à la somme de 107 710 000 €. - (Adopté.)
Article 56
Il est ouvert aux ministres, pour 2005, au titre des mesures nouvelles des opérations temporaires des comptes d'affectation spéciale, un crédit de paiement de dépenses ordinaires de 2 580 000 €. - (Adopté.)
Article 56 bis
Il est ouvert aux ministres, pour 2005, au titre des mesures nouvelles des comptes de commerce une autorisation de découvert s'élevant à 29 265 000 €. - (Adopté.)
Article 57
Il est ouvert au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2005, au titre des mesures nouvelles des comptes de prêts, une autorisation de programme et des crédits de paiement s'élevant respectivement à 90 000 000 € et 720 950 000 €. - (Adopté.)
Article 58
Il est ouvert au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2005, au titre des mesures nouvelles des comptes d'avances, un crédit de 2 641 820 000 €. - (Adopté.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les comptes spéciaux du Trésor.
Budget annexe des Monnaies et médailles
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des monnaies et médailles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je vous présente le budget annexe d'une institution de plus en plus écartelée entre sa mission indiscutablement régalienne de frappe de notre monnaie métallique et ses activités concurrentielles, qui l'obligent à se battre quotidiennement pour conserver ou gagner des parts de marché, et dont elle tire les deux tiers de ses recettes. De ce fait, la direction des monnaies et médailles obéit à un impératif de plus en plus fort et urgent : la rentabilité.
L'année 2005 devrait marquer la mémoire des passionnés d'histoire de la monnaie, puisque, pour la première fois depuis que l'émission de monnaie a été centralisée, en 864, il sera frappé plus de pièces étrangères que de pièces françaises. C'est la conséquence d'une double conjoncture.
D'abord, la commande de l'Etat français demeure réduite - 565 millions de pièces - en raison des stocks de pièces excédentaires qui dorment, et pour longtemps !
Ensuite et surtout, la Monnaie de Paris a été retenue pour produire 600 millions d'afghanis, la nouvelle monnaie afghane. Même si ce contrat n'offre qu'une très faible marge bénéficiaire, il représente une véritable aubaine - certains ont parlé de « ballon d'oxygène » - pour l'établissement monétaire de Pessac, qui va ainsi retrouver un niveau normal d'activité en 2005.
Cette situation sans précédent entraîne une augmentation du budget de 12,8 % : 98 millions d'euros de dépenses et 95,3 millions d'euros de recettes. Il s'en faut de peu pour que les secondes équilibrent les premières. La subvention demandée demeure donc limitée : 2,7 millions d'euros.
L'augmentation des dépenses concerne essentiellement deux chapitres fortement dépendants de l'activité : les achats et les services extérieurs.
Je veux insister sur les efforts sans relâche et souvent douloureux de la direction des monnaies et médailles pour diminuer ses coûts, notamment de personnel. Un large plan de formation permet de développer la polyvalence et les départs à la retraite ne sont pas remplacés. Ainsi, compte tenu de la suppression de 44 postes en 2005, l'effectif global est porté à 768 personnes. De nombreuses activités sont transférées de Paris à Pessac, où l'établissement girondin se trouve ainsi mieux rentabilisé.
Du côté des recettes, celles qui proviennent de l'activité régalienne augmentent de 26 % pour s'élever à 31 millions d'euros. Cette augmentation, certes neutre pour le budget de l'Etat, peut surprendre, puisque les quantités cédées au Trésor diminuent d'environ 25 %. Elle résulte de l'utilisation d'un système de comptabilité analytique entièrement rénové, permettant à la direction des monnaies et médailles de facturer au « juste prix » les pièces que lui commande la direction du Trésor, en intégrant tous ses coûts, notamment ceux de stockage à Pessac.
Cette cession au Trésor conduit à s'interroger sur le sujet plus large des besoins de monnaie métallique à plus ou moins long terme. Le porte-monnaie électronique Moneo est-il mort ou ne fait-il que sommeiller ? Quelle est l'appétence des consommateurs - de quelque pays qu'ils soient - pour les pièces de monnaie - de quelque coupure qu'elles soient -, sachant que la question fait particulièrement débat au sein de la zone euro pour les pièces de 1 centime et de 2 centimes ?
S'agissant de ses activités commerciales, la Monnaie de Paris se bat sur des marchés fluctuants, incertains, souffrant de phénomènes de ventes à perte, de contrefaçon ou de spéculation.
Si, pour 2005, tous secteurs confondus, les recettes sont prévues à 59 millions d'euros, leur structure change : régression confirmée des ventes de monnaies de collection, après l'éclatement d'une bulle spéculative en février 2004, et explosion des ventes de monnaies courantes étrangères, fortement dynamisées par la commande afghane.
La Monnaie de Paris développe une stratégie judicieuse de diversification dans la frappe de monnaies courantes, en ciblant les pays les plus susceptibles de passer des commandes et en cherchant à bénéficier d'effets de volume. L'objectif sans précédent de près de 21 millions d'euros pour ce secteur traduit un optimisme dont on espère qu'il sera suivi de résultats.
J'en viens à l'application de la LOLF, qui s'adapte mal à l'article 18 relatif aux budgets annexes.
La solution pour l'instant retenue est celle d'une mission « monnaies et médailles », hors budget général de l'Etat, composée de deux programmes : « activités régaliennes » et « activités commerciales ». Mais il s'agit d'une solution nécessairement transitoire puisqu'elle est liée au statut de la direction des monnaies et médailles, lequel est probablement appelé à évoluer dans le cadre du grand chantier de la réforme de l'Etat.
Certes, pour ce qui concerne son secteur concurrentiel, aujourd'hui largement majoritaire, son statut actuel empêche la Monnaie de Paris d'élargir ses activités et la prive des marges de manoeuvre dont disposent ses concurrents. Il semble donc plus la contraindre que la protéger.
Monsieur le ministre, les personnels sont inquiets ! L'an dernier, dans cet hémicycle, la question posée à votre prédécesseur est restée sans réponse. Je la réitère aujourd'hui : quelles sont vos intentions s'agissant du statut de la direction des monnaies et médailles ?
Nul ne doute de la qualité de notre institut de frappe monétaire, lequel fait partie de notre patrimoine. Mais nul n'ignore que c'est maintenant que se dessinent les contours d'une future réorganisation de la frappe des monnaies à l'échelle européenne. C'est dans ce cadre qu'il faut, sans tarder, donner à la Monnaie de Paris les moyens de se battre efficacement.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du budget annexe des monnaies et médailles.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens à la présentation du budget annexe des monnaies et médailles pour 2005. Je serai bref.
Au préalable, je remercierai M. Bertrand Auban de la qualité de son rapport. Il est très complet et décrit bien l'évolution du budget des monnaies et médailles.
Le projet de budget pour 2005 répond à plusieurs grandes orientations : rigueur et maîtrise des dépenses, restructuration des services afin d'en améliorer la compétitivité, dynamisation des forces de vente afin d'en faire croître la performance, modernisation du dialogue social.
A cet égard, je remercie M. le rapporteur spécial d'avoir bien voulu prendre acte du mouvement engagé vers la vérité des prix et reconnaître les efforts déployés, dans ce budget, vers davantage de transparence.
Les orientations que je viens de décrire s'inscrivent dans une conjoncture économique difficile, en raison d'un programme de frappe de pièces en euros en nette diminution et d'un marché des monnaies de collection en crise.
La percée sur les monnaies courantes étrangères, grâce, notamment, à un contrat signé avec la République Afghane, que vous avez qualifié de « ballon d'oxygène », monsieur le rapporteur spécial, et une réduction significative des charges viennent toutefois contrebalancer ces effets négatifs.
L'impact de l'ensemble de ces mesures permet au budget annexe de réaliser l'équilibre, au moyen d'une subvention limitée à 2,7 millions d'euros, que l'on peut en effet qualifier de « modeste ».
Même si une subvention d'équilibre est inscrite au projet de budget, je ne doute pas des efforts que fera à nouveau la monnaie de Paris pour atteindre l'équilibre. Je suis persuadé qu'elle y parviendra.
Depuis deux ans, tout a été fait pour sauvegarder l'emploi et le savoir-faire. Je citerai quelques axes forts : le transfert d'activités et de services de Paris à Pessac, la mise au point progressive des procédures permettant à Pessac d'assumer ses choix, la mise en oeuvre progressive de ce que M. le rapporteur spécial a bien voulu qualifier de « mobilisation commerciale sans faille », conduisant la Monnaie de Paris à diversifier ses sources de recettes en s'appuyant sur la qualité de ses produits et la renommée de sa marque.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire sur le projet de budget pour 2005 des monnaies et médailles.
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des monnaies et médailles et figurant aux articles 50 et 51 du projet de loi.
Services votés
Crédits : 81 868 492 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 50, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
I.- Autorisations de programme : 2 914 000 € ;
II.- Crédits : 16 157 080 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 51, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des monnaies et médailles.
Economie, finances et industrie (suite)
industrie
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous allons examiner donne de la politique industrielle et des moyens qui lui sont consacrés une image imparfaite et incomplète. Les enseignements de son analyse étant fort intéressants, il constitue néanmoins un instrument très important de l'action des pouvoirs publics en faveur de l'industrie.
Ce budget ne donne qu'une image imparfaite et incomplète des moyens de la politique industrielle.
Imparfaite, à cause du rattachement indu de dépenses sans lien évident avec cette politique : les prestations sociales versées à d'anciens mineurs, par exemple, ou l'aide au transport de la presse, pour ne citer que les principales.
Incomplète, car la politique industrielle, c'est aussi la politique de l'Etat actionnaire, et les moyens qui lui sont consacrés comprennent des crédits qui ne figurent pas dans ce budget : les dépenses de personnel et de fonctionnement des services du ministère délégué notamment, ou le produit des privatisations réaffecté à certaines opérations, comme la participation à l'augmentation du capital d'EDF.
La nouvelle loi organique relative aux lois de finances améliorera la lisibilité des dépenses, mais pas autant qu'on aurait pu l'espérer : les prestations à différents retraités ont, par exemple, été incluses dans la nouvelle mission dédiée au développement économique. La persistance d'une absence d'identification des moyens de personnel et de fonctionnement des services de l'industrie empêchera de discerner, de façon précise, qui fait quoi dans l'immense ministère de la rue de Bercy.
Néanmoins, l'examen de ce budget suscite beaucoup d'intérêt ; il permet de se pencher à la fois sur le passé et l'avenir de notre industrie, sur ses succès et sur ses échecs.
Le passé et l'avenir : l'image que donne ce budget de l'industrie va de Germinal à la science fiction avec, d'un côté, le traitement des séquelles de notre passé minier, qui suppose encore d'indemniser les victimes d'affaissement de terrain, et, de l'autre, les recherches, très prospectives, sur la fusion thermonucléaire ou la nouvelle révolution annoncée par la convergence des nanotechnologies, de la biologie, des technologies de l'information et des sciences de la cognition.
Au titre des succès, je citerai la réussite, par exemple, de la création, par la loi de finances de l'année dernière, du statut des jeunes entreprises innovantes.
Je mentionnerai également la résistance de notre industrie micro-électronique à la concurrence américaine et japonaise, grâce à de grands programmes européens, JESSI puis MEDEA, élaborés dans le cadre de la procédure Eurêka.
Je n'oublierai pas, non plus, la localisation, à Grenoble, à Sophia-Antipolis, et en d'autres lieux, d'ensembles attractifs d'activités dont le succès a inspiré le dispositif des pôles de compétitivité proposé dans la présente loi de finances.
Nous enregistrons donc des succès, mais aussi des difficultés et des contre-performances.
Pourquoi, par exemple, la construction navale et l'industrie textile ont-elles connu, en France, une détérioration plus forte qu'en Italie ou en Allemagne ?
La diminution du chômage dans notre pays suppose de « limiter la casse » dans les secteurs les plus traditionnels et de créer le maximum d'emplois dans les activités nouvelles. Or, pour prendre l'exemple des biotechnologies, il semble que nous soyons, sur ce plan, en retard sur la Grande-Bretagne et l'Allemagne, malgré les progrès que nous sommes en train d'accomplir.
Telles sont quelques-unes des questions que l'analyse de ce budget, qui est un instrument important, permet de se poser.
Ses crédits atteignent près de 2,4 milliards d'euros, total auquel s'ajoutent les 145 millions d'euros de moyens des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement - DRIRE - regroupés en un agrégat spécifique, et auquel devraient être jointes, je l'ai dit, les dépenses de personnel et de fonctionnement des services de l'industrie.
Les actions du ministère ont trois grandes finalités : le soutien aux secteurs ou aux zones en difficulté, l'accès à l'énergie, dans une perspective de développement durable, et les aides à la modernisation et au développement des entreprises, à travers, notamment, l'innovation et la recherche industrielle.
La ventilation des crédits ne correspond pas parfaitement à cette répartition thématique et c'est inévitable.
Le salut des entreprises en difficulté passe en partie, en effet, par l'innovation : les trois cinquièmes des dépenses de l'Agence nationale de valorisation de la recherche - ANVAR - sont ainsi consacrées à la consolidation et au développement d'entreprises préexistantes et 42 % desdites dépenses concernent les industries de base, les équipements et les biens de consommation.
Par ailleurs, des établissements, comme le Commissariat à l'énergie atomique - CEA - et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - ADEME -, dont les actions sont a priori plutôt orientées vers le domaine de l'énergie, interviennent également dans d'autres secteurs de recherche et de développement industriels : la micro-électronique et les technologies de la santé, pour le premier, la mise au point de technologies non polluantes, pour la seconde.
Si vous le voulez bien, je me limiterai, pour chaque finalité, à vous faire part de mes principales observations, vous renvoyant à mon rapport écrit pour les analyses chiffrées.
En ce qui concerne les aides aux secteurs et aux zones en difficulté, je reviens, dans ce rapport, sur le problème de la dette de Charbonnages de France, qui dépasse encore aujourd'hui 3,5 milliards d'euros.
La Cour des comptes, dès la fin de l'année 2000, avait suggéré sa reprise par l'Etat, ce qui aurait permis de faire des économies, grâce à des conditions de refinancement plus favorables. Notre président avait interrogé à ce sujet Mme Nicole Fontaine. Il semble que le statu quo ait prévalu et que ce passif soit venu aggraver la dette publique, car l'activité de Charbonnages de France a cessé de pouvoir être considérée comme marchande dès lors que le produit de ses ventes est descendu en dessus du seuil de 50 % de ses coûts de production.
Mon rapport écrit rappelle également les critiques de la même haute magistrature concernant les politiques de restructuration et de conversion industrielles dont elle jugeait, en 2003, les instruments trop dispersés et insuffisamment efficaces. Un nouveau dispositif mieux adapté a été mis en place comprenant un appel au financement bancaire, une garantie publique et le recours, pour une durée limitée, à un prestataire de conseil.
Les crédits de l'industrie ont, dans ces domaines, une influence qui, certes, peut être parfois importante, mais qui tend à devenir secondaire par rapport au rôle des crédits des affaires sociales pour le reclassement des salariés des entreprises sinistrées.
De toute façon, les actions de médiation et de coordination, menées souvent à l'échelle locale, parfois en marge des cadres institutionnels, importent davantage que l'utilisation de fonds publics, laquelle n'est pas à négliger pour autant.
S'agissant de la situation de nos établissements qui interviennent dans le domaine de l'énergie, je note qu'ils ne sont pas épargnés par la rigueur budgétaire.
Le CEA, acteur essentiel de la recherche industrielle, a subi des annulations en 2003 et des mises en réserves de crédits en 2004, alors que de nouvelles missions lui sont confiées, notamment en matière de valorisation de la biomasse ou de lutte contre les menaces nucléaires, biologiques ou chimiques. Il a été obligé d'affecter le produit de la vente de son siège parisien au financement de ses charges de démantèlement et d'assainissement, en attendant d'y consacrer une partie de la vente de ses participations au capital d'AREVA.
Je vous dirai à titre tout à fait personnel que l'avenir de notre économie, et donc de notre société, passe par la recherche, la découverte, le développement, la matière grise, tout ce qui ne doit surtout pas être délocalisé. Je me pose donc des questions quant à la rigueur dont on fait preuve vis-à-vis du CEA.
Par ailleurs, la situation budgétaire de l'ADEME demeure tendue, en dépit d'une certaine remise à niveau de ses crédits de paiement pour résorber sa dette, et l'Institut français du pétrole voit sa dotation diminuer de 8 %, contrairement à ce que prévoit son contrat d'objectifs.
La « sanctuarisation » des crédits de recherche ne devrait-elle pas concerner l'ensemble du budget civil de recherche et de développement - BCRD -, dont le ministère de l'industrie est le deuxième contributeur, et non pas seulement le ministère de la recherche ?
Concernant précisément le soutien que ce budget apporte à la recherche industrielle, mais aussi à l'innovation et, plus généralement, à la modernisation de nos PMI, je me félicite de la rationalisation du dispositif d'aide correspondant, sous l'égide de l'ANVAR.
A propos du rapprochement de cette agence avec la banque des PME, je souhaite le maintien du système des avances remboursables, qui présente l'avantage de ne pas alourdir le passif des entreprises en création, tout en contribuant à satisfaire leurs besoins de trésorerie.
Peut-être conviendrait-il d'aller plus loin dans la restructuration des aides, en déconcentrant les aides à la modernisation des PMI, qui continuent d'être gérées, en direct, par la direction générale des technologies de l'information et de La Poste.
La dualité des DRIRE pose problème.
Leur mission de développement économique régional a été considérablement réduite par le transfert à l'ANVAR de la responsabilité de la procédure ATOUT de diffusion des techniques.
Au cours de l'examen du présent budget en commission des finances, un certain nombre de mes collègues élus locaux ont critiqué l'action de ces directions, leur reprochant de privilégier leurs responsabilités environnementales aux dépens de la contribution qu'elles devraient apporter au développement économique régional.
La protection de l'environnement est, certes, indispensable, mais, comme en toutes choses, il ne faut pas être excessif, et je pourrais citer un ou deux exemples de mesures qui n'ont pas favorisé notre économie. Heureusement, l'action de la DRIRE s'avère, en de nombreux cas, fort positive.
Indépendamment de cette question, peut-on envisager que les services déconcentrés de l'Etat soient regroupés au niveau régional, d'un côté, au sein d'un pôle économique animé par l'ANVAR, et, de l'autre, au sein d'un pôle environnement sous l'égide de l'ADEME ?
J'évoquerai enfin le problème de l'autonomie, indispensable pour la commission des finances, des ressources des autorités de régulation. Le rapporteur général avait déposé à ce sujet, en juillet dernier, un amendement concernant la commission de régulation de l'énergie, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur le statut d'EDF et de Gaz de France.
Vous lui aviez fixé rendez-vous, pour faire le point sur cette question, qui concerne aussi l'autorité de régulation des télécommunications - ART -, à la date de la discussion de la prochaine loi de finances. L'échéance est atteinte : où en est-on ?
En conclusion, mes chers collègues, je vous demande d'adopter ce budget parce qu'il constitue l'un des instruments d'une nouvelle politique industrielle que j'approuve.
Il donne la priorité à la modernisation et au développement de nos entreprises par l'innovation et la recherche.
La nouvelle politique industrielle à laquelle il participe repose sur un triptyque « réseaux - pôles - filières » : réseaux de recherche partenariale, pôles de compétitivité, développement de filières, dans le domaine du médicament, par exemple, à partir des biotechnologies et, je l'espère, dans celui de la valorisation de la biomasse, à travers la promotion des biocarburants et de l'agrochimie.
Cette constitution d'une véritable filière agro-industrielle mériterait d'ailleurs, à mon sens, de faire l'objet d'un grand programme interministériel. Je sais que de nombreuses réflexions sont actuellement engagées sur le sujet, dont certaines, d'ailleurs, me surprennent parfois, mais je suppose, monsieur le ministre, que nous aurons l'occasion d'en reparler. Cette nouvelle politique, et c'est là son mérite et sa force, fait confiance aux initiatives des acteurs locaux du développement industriel et les incite à unir leurs efforts.
Elle utilise non seulement les subventions budgétaires, mais aussi les allégements de charges fiscales et même sociales.
Ses promoteurs s'efforcent, avec un certain succès, de la faire accepter par Bruxelles.
Nos industries d'excellence, l'espace, l'aéronautique, le nucléaire, intègrent des technologies avancées, plus qu'elles ne les diffusent dans l'ensemble du tissu industriel.
Tel n'est pas le cas des biotechnologies et des nanotechnologies, bases du développement futur de notre industrie. Le rattrapage du retard pris par la France et l'Europe dans la maîtrise de ces nouveaux outils est une priorité urgente et absolue. Notre gouvernement l'a bien compris, mais je voulais néanmoins terminer mon propos en soulignant ce point, en raison de son extrême importance.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis
M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'industrie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à nos traditions, mon intervention portera sur les moyens de l'industrie, hors poste et télécommunications et hors énergie, les crédits de ces deux secteurs devant être respectivement présentés par mes collègues de la commission des affaires économiques, MM. Pierre Hérisson et Roland Courteau.
Le budget de l'industrie ainsi délimité connaît en apparence une baisse de 11 %, pour s'établir à 688 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, contre 772 millions d'euros en 2004.
Je parle d'une baisse « apparente » car, en fait, elle résulte d'une modification de périmètre, liée au financement des centres techniques industriels comme l'exige la LOLF, ainsi que d'une fin annoncée et programmée d'aides aux chantiers navals.
Le point le plus intéressant de ce budget est la priorité donnée à l'innovation industrielle, qui est - faut-il le rappeler ? - la clé de notre compétitivité. La face émergée de cet effort, ce sont les 23 millions d'euros supplémentaires pour l'ANVAR et les écoles d'ingénieurs rattachées au ministère. Mais la présentation ne peut en rester là, car la partie immergée de cet effort gouvernemental pour l'innovation et la recherche est beaucoup plus importante que les crédits dont nous parlons.
Je ne reviendrai pas sur le milliard d'euros supplémentaire pour la recherche en 2005, qui répond aux engagements du président de la République. Mais je voudrais, un instant, évoquer l'effort considérable consenti pour le plan anti-délocalisation arrêté au CIADT du 14 septembre 2004.
Ce plan n'apparaît quasiment pas dans les crédits du ministère, car il repose, d'ici à 2007, sur 130 millions d'euros par an de fléchage des financements de la Caisse des dépôts et consignations et de la banque de développement des petites et moyennes entreprises - BDPME -, sur 120 millions d'euros par an de redéploiements des moyens des ministères, et surtout sur 800 millions d'euros de dépenses fiscales et d'exonérations de charges nouvelles pour 2005, dont c'est vrai, 450 millions d'euros proviennent de la baisse de l'impôt sur les sociétés, qui était, de toute façon, indispensable.
Certaines de ces baisses de prélèvements sont générales tandis que d'autres sont ciblées sur les situations de relocalisations, sur les zones menacées de délocalisation ainsi que sur les pôles de compétitivité.
En conséquence, monsieur le ministre, je voudrais formuler deux questions qui s'appuient sur les travaux que vous connaissez et qui ont été menés au Sénat, il y a quelques mois, par le groupe de travail sur les délocalisations dans les industries de main-d'oeuvre, que j'ai eu l'honneur de présider.
Premièrement, monsieur le ministre, à côté des quinze à vingt pôles de compétitivité pour lesquels les moyens sont prévus, comment envisagez-vous l'effort de l'Etat en direction des pôles, moins centrés sur l'excellence scientifique que sur les savoir-faire, que l'on appelle « les pôles d'excellence régionale » ?
Deuxièmement, vous savez que nous sommes nombreux ici, au Sénat - notamment sur la base du récent rapport du groupe de travail qui prolonge la réflexion amorcée par le président de la commission des finances il y a un peu plus de 10 ans - à soutenir une proposition forte : celle de la TVA de compétitivité.
Elle diminuerait les charges sociales et pèserait aussi bien sur les importations étrangères extra-européennes que sur nos exportations, et ce sans rien coûter puisqu'il s'agirait d'un simple transfert de charges de certaines branches de la sécurité sociale vers la TVA.
Les études que nous avons menées montrent que cette solution est potentiellement intéressante sur les plans économique, financier et juridique.
II y a quelques jours, ici même, le secrétaire d'Etat au budget, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, s'est engagé à ce que le gouvernement étudie, de manière approfondie, la faisabilité la TVA de compétitivité ou TVA sociale.
Monsieur le ministre de l'industrie, vous qui êtes en charge directe de notre compétitivité industrielle, comment envisagez-vous cette proposition ?
En effet, je crois que vous vous êtes engagé, au-delà des crédits stricto sensu de votre ministère, dans la voie de la diminution des charges afin d'améliorer la compétitivité de nos entreprises et de nos territoires.
Dans cette voie, vous pouvez compter sur le soutien de la commission des affaires économiques du Sénat, qui a émis un avis favorable sur les crédits de l'industrie, hors énergie et PTT, inscrits au projet de loi de finances 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour les technologies de l'information et La Poste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de 329 millions d'euros consacré au soutien du secteur des postes et télécommunications affiche, en apparence, une baisse de 25 %. Cette diminution s'explique par la réduction des crédits consacrés au transport de presse, transférés pour partie vers les crédits du Premier ministre.
Mis à part ce transfert, ce budget connaît en réalité une augmentation réelle de 2 %, dont le principal bénéficiaire est l'autorité de régulation des télécommunications. Cela devrait lui permettre d'assumer prochainement la mission de régulation postale qui devrait lui échoir dès que le projet de loi sera définitivement adopté.
A ce sujet, permettez-moi, monsieur le ministre, de déplorer les réductions budgétaires qui frappent régulièrement l'ART. Cette situation est navrante surtout lorsqu'on la compare avec les moyens dont disposent les autorités de régulation de nos principaux partenaires européens.
Avec l'entrée en vigueur de la LOLF, au 1er janvier 2006, le budget des postes et télécommunications sera scindé en deux parties.
Une part sera consacrée au développement du secteur. Je propose de l'évaluer à l'aune du nombre de communes françaises couvertes en téléphonie mobile et du nombre de transactions électroniques.
Une autre part ira à la régulation du secteur à laquelle je crois d'ailleurs nécessaire d'assigner l'objectif suivant : assurer à tous les usagers une meilleure qualité de service à de meilleurs prix. Ce but sera atteint par une fourniture satisfaisante du service universel et un bon rapport entre la qualité du service et les prix. Aujourd'hui, l'opérateur historique se porte bien mieux que par le passé : raison supplémentaire pour être plus exigeants !
Au-delà de ces considérations budgétaires, je rappellerai que La Poste se trouve à la croisée des chemins.
Certes, le résultat net du groupe progresse de 175 millions d'euros. Mais son chiffre d'affaires, égal à celui de la poste allemande, en 1997, n'en vaut plus que la moitié aujourd'hui. Sa rentabilité d'exploitation, de 1,7 %, est étouffée par sa structure de charges fixes, de coûts fixes et par les handicaps qui pèsent sur sa productivité.
Mes chers collègues, il ne suffit pas de se contenter de parler du maintien de la poste en milieu rural et du maintien de la poste sur le territoire. Comme le disait notre collègue Gérard Larcher quand il était en charge de ce dossier dans notre assemblée, la présence immobilière ne suffit pas.
Nous avons besoin de moderniser, de redéployer et de faire de la poste française une grande entreprise assurant une mission de service public tout en étant soumise aux règles de la concurrence afin qu'elle ne soit pas, dans l'avenir, attaquée sur des problèmes de distorsion de concurrence, ne serait-ce que par le secteur bancaire.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, il m'apparaît indispensable de relever le prix du timbre. Cela faciliterait la modernisation de La Poste pendant le peu de temps qui nous sépare de l'ouverture à la concurrence.
Nous sommes toujours en décalage avec la poste allemande, principale poste européenne. Outre-Rhin, le prix du timbre est de 54 centimes. Dans ce domaine-là, malgré l'effort de redressement et de réajustement que nous avons opéré - de 46 centimes, ce prix est passé à 50 centimes - nous avons encore beaucoup à faire. Nous serions bien avisés d'avoir un tarif unique dans le cadre d'un accord ou, tout du moins, d'un alignement franco-allemand.
A mon sens, le contrat de performances et de convergences 2003-2007, signé le 13 janvier 2004, peut faire de La Poste une entreprise performante sur le plan commercial et capable d'assurer ses missions de service public.
Je me félicite déjà que trois chantiers soient engagés.
Grâce à 3,4 milliards d'euros d'investissement autorisés dans le cadre du contrat de plan, la chaîne de traitement du courrier est en cours de modernisation, afin que neuf lettres sur dix - et non pas sept comme en 2003 - soient distribuées le lendemain.
L''accord de juillet dernier a abouti à la mise en place d'une relation contractuelle exigeante entre la presse et La Poste, laquelle assumera une charge diminuée de 40 millions d'euros.
Enfin, je salue la modernisation du dialogue social, même si j'avoue m'interroger sur l'impact financier de l'accord majoritaire signé le 3 novembre 2004 dans le secteur du courrier, secteur difficile à gérer dans la mesure où la concurrence se fera, au-delà du critère financier, avec le courrier électronique et les nouvelles technologies.
Malgré ces avancées, La Poste doit encore lever de lourdes hypothèques pour atteindre ses ambitions.
D'abord, créer un établissement de crédit postal : j'invite le Gouvernement à en accélérer les prémices législatives.
Ensuite, poursuivre le travail de désamorçage de la bombe à retardement que représentent les retraites. De toute façon, il y a matière à discussion. La Poste doit savoir, de manière transparente, ce qui restera à sa charge et ce qui sera assumé par la collectivité ou par d'autres. Sur les 300 000 agents de La Poste, 200 000 sont des fonctionnaires. Ce sujet doit être traité avec beaucoup de sérieux.
Enfin, assurer l'indispensable évolution du réseau sans diminuer le nombre de point de contacts. Sur ce point qui nous tient à coeur, je poserai deux exigences.
D'une part, il faut cesser de mettre les maires devant le fait accompli et travailler ensemble à l'organisation de la grande entreprise postale dont j'ai parlé tout à l'heure.
D'autre part, il faut construire un financement pour compenser la mission d'aménagement du territoire de La Poste. Cette mission doit être examinée indépendamment de l'organisation et du fonctionnement de l'entreprise. Comment La Poste est-elle aidée, y compris sur le plan financier, pour remplir cette mission en regard de ses obligations de service universel ?
La loi prévoit, certes, une exonération de 80 % de la taxe professionnelle à cet effet. Mais est-ce une situation durable compte tenu des exigences bruxelloises dans ce domaine ?
Venons-en au secteur des télécommunications. Le haut débit a explosé et comptera 6 millions d'abonnés à la fin de l'année 2004, plaçant la France au deuxième rang en Europe. Les services se sont enrichis, les offres « triple play » - téléphone, Internet et télévision - sont apparues. Et tout cela à la faveur du dégroupage de la boucle locale.
Cet effort doit être poursuivi et les dispositions doivent être transparentes entre l'opérateur historique et les opérateurs alternatifs.
La diffusion territoriale du haut débit est aussi en bonne voie grâce à la course de vitesse engagée par France Télécom, qui promet une couverture de 96 % de la population fin 2005, avec ses concurrents privés, voire publics. Les collectivités territoriales peuvent maintenant, grâce au fameux article L. 1425-du code des collectivités territoriales, devenir des opérateurs. J'ai eu l'occasion de rappeler qu'il fallait utiliser cet outil avec les précautions d'usage, compte tenu de la rapidité avec laquelle les technologies évoluent. Ne nous retrouvons pas avec un deuxième « plan câble » ! Nous n'avons pas besoin de cela.
La téléphonie mobile s'est encore diffusée. Elle compte 42,9 millions de clients, soit un taux de pénétration moyen de 71,1 %. L'UMTS, enfin lancé, devrait couvrir 58 % de la population fin 2005. La couverture en GSM devrait, pour sa part, être parachevée fin 2007. Sa finalisation sera à la charge des seuls opérateurs mobiles grâce aux conditions que le Gouvernement leur a imposées lors du renouvellement de leurs licences.
Je regrette toutefois la trop grande lenteur du déploiement. Il faudra absolument l'accélérer et bien surveiller que les opérateurs ayant bénéficié des licences respectent leurs engagements, particulièrement en termes de calendrier.
Je dirai un mot maintenant sur l'opérateur historique. Il a su dégager en 2003 un résultat net positif de 3,2 milliards d'euros et ramener sa dette à 48 milliards d'euros. Ce montant reste considérable, même s'il est moins important que les 77 milliards d'euros que nous avons connus.
France Télécom a suivi en 2004 une judicieuse stratégie d'intégration en rachetant Orange et Wanadoo. L'entreprise a été privatisée le 2 septembre dernier. Parallèlement à cette privatisation, la fourniture du service universel a été juridiquement et financièrement assurée. Monsieur le ministre, je crois que nous vous devons beaucoup sur ce point.
Je conclurai en évoquant l'action du régulateur. Je souhaite qu'elle se concentre sur trois sujets : la téléphonie mobile via les opérateurs virtuels et la portabilité des numéros, le prix des terminaisons d'appel fixe vers mobiles - je me félicite de sa baisse progressive bien qu'il y ait là encore beaucoup à faire - et le marché de détail du haut débit. Il doit être, comme le dit la loi de 1996, à un prix « abordable », et nous n'y sommes pas tout à fait.
L'objectif essentiel de la régulation est d'assurer, au bénéfice du consommateur, la pérennité de la concurrence, donc son émergence, mais aussi la qualité du service et une couverture fiable du territoire.
Au terme de ces remarques, je vous indique que la commission des affaires économiques a donné un avis favorable sur le budget pour 2005 des postes et télécommunications. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour l'énergie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits affectés au ministère de l'industrie constitue traditionnellement l'occasion, pour la commission des affaires économiques, de dresser le bilan du secteur énergétique.
Je souhaite cette année m'arrêter un instant sur les enjeux environnementaux de la politique énergétique.
Tout d'abord, nos engagements européens nous fixent un objectif indicatif de 21 % en 2010 pour la consommation d'électricité brute provenant d'énergies renouvelables. Or, en 2003, la France se situait à un peu plus de 15 %. C'est dire le chemin qui reste à parcourir !
Bien évidemment, le développement des énergies renouvelables est une nécessité environnementale au titre de la lutte contre le réchauffement climatique.
C'est également une nécessité économique pour deux raisons.
Les énergies renouvelables nous évitent, chaque année, des importations d'énergies fossiles pour un montant de 3 milliards d'euros, sur une facture énergétique de 22 milliards d'euros. Les énergies renouvelables représentent entre 40 000 et 50 000 emplois, pour la plupart locaux, qui contribuent fortement à l'aménagement du territoire en zone rurale.
La commission des affaires économiques a tenu à souligner que certaines sources d'énergies renouvelables, tels le bois ou la biomasse, sont encore sous-utilisées en France alors que notre pays dispose de ressources abondantes en la matière. J'y ajouterai, à titre personnel, l'éolien et le solaire.
Ce constat me conduit à vous poser plusieurs questions, monsieur le ministre.
Pouvez-vous nous indiquer pourquoi les réseaux de chaleur, plus particulièrement ceux qui fonctionne au bois, ne peuvent bénéficier de l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % ?
Je me félicite du crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement utilisant des énergies renouvelables que vous nous proposez à l'article 65 du projet de loi de finances, même si cette disposition n'est pas complètement nouvelle puisqu'elle figurait déjà dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Je m'interroge toutefois sur l'exclusion des inserts de cheminées du champ de ce dispositif. En effet, ces équipements sont, au même titre que les hammams ou les saunas, considérés comme des équipements de confort alors qu'ils sont, à l'évidence, particulièrement utiles.
En outre, les pompes à chaleur seront intégrées dans le champ du crédit d'impôt à 40 %. Pouvez-vous nous garantir que cette disposition ne sera pas détournée ? En effet, elle pourrait être utilisée pour subventionner le développement des appareils de climatisation dans la mesure où les pompes à chaleur à air réversible sont concernées.
Si tel était le cas, mieux vaudrait que cette aide publique concernant la climatisation soit limitée aux personnes âgées.
A la suite du vote d'un amendement du projet de loi réformant le statut d'EDF et de GDF, les producteurs d'énergies renouvelables ne peuvent désormais plus bénéficier du renouvellement du contrat d'obligation d'achat, qui constitue pourtant le principal vecteur de promotion des énergies renouvelables.
On nous a indiqué à cette occasion que cette réforme était réclamée par la Commission européenne, qui jugeait que la reconduction de ce contrat pouvait constituer une aide de l'Etat.
Or, si je me réfère aux considérants de la directive de 2001 sur les énergies renouvelables, il est explicitement indiqué que les Etats membres ont le droit d'appliquer des régimes de soutien direct des prix pour promouvoir les énergies renouvelables.
Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, cet apparent paradoxe, et nous faire part de vos analyses en la matière ?
Tous les producteurs d'énergies renouvelables, sans oublier les hydrauliciens, éprouvent les plus grandes craintes quant à cette réforme, qui menace la viabilité économique de la filière à moyen terme.
Enfin, la commission des affaires économiques s'est intéressée à la question des biocarburants. Nous considérons tous que la France reste sous-développée en la matière, même si nous nous félicitons de la décision qui a été prise par le Premier ministre de construire quatre unités de production supplémentaires.
Je m'interroge sur la situation de la France, qui incorpore péniblement moins de 1% de carburant renouvelable dans les essences, alors que le Brésil en incorpore aujourd'hui plus de 20 %.
Pouvez-vous également nous indiquer pourquoi les marchés européen et français des véhicules particuliers ne font pas un usage plus massif des moteurs dits « flex-fioul », qui fonctionnent soit à l'éthanol, soit à l'essence, soit au moyen des deux.
Je rappelle que Wolkswagen, Fiat et d'autres constructeurs européens sont présents sur le marché brésilien, comme Renault avec la Clio, Citroën avec la C3, et PSA avec la 206 dès l'année 2005.
En conclusion, j'évoquerai la situation du secteur pétrolier. A la fin du mois d'octobre dernier, le prix du baril de pétrole a dépassé le seuil des 50 dollars, atteignant un niveau préoccupant, même s'il est encore éloigné de ceux que nous avons connus lors des chocs pétroliers.
Cette évolution, liée à un décalage croissant au cours de l'année 2004 entre les capacités de productions obérées par les aléas exceptionnels et la demande structurellement en hausse, suscite, monsieur le ministre, un grand nombre d'interrogations.
Même si je constate aujourd'hui que le prix du baril de pétrole baisse légèrement, j'émets les plus vives craintes, à titre personnel, quant aux conséquences économiques de l'envolée des prix du brut, notamment pour la France, qui pourrait en pâtir lourdement du fait d'une hausse de l'inflation, du ralentissement des exportations et de la consommation des ménages.
Toujours à titre personnel, je m'interroge sur la pertinence de la prévision de croissance pour 2005 sur laquelle est assis ce projet de budget et qui est loin d'être assurée si l'on se réfère aux estimations de la Commission européenne et de l'OCDE pour l'année 2005.
Le temps m'étant compté, je vous invite, mes chers collègues, à vous reporter à mon rapport n° 76, tome 6, pour plus de détails sur les grandes questions concernant les évolutions des marchés de l'électricité et du gaz, la poursuite du mouvement de libéralisation, la question du programme électronucléaire et celle des déchets nucléaires, les évolutions du secteur pétrolier et l'état des réserves pétrolières dans le monde, la préparation de l'économie de l'après pétrole, la recherche des énergies alternatives aux hydrocarbures telles que la pile à combustible et les techniques de liquéfaction des gaz issus de la biomasse.
Il est également traité dans ce rapport du protocole de Kyoto, de la lutte contre les changements climatiques, des permis d'émission, du plan climat, des économies d'énergie et des impacts des gaz à effet de serre.
En outre, à titre personnel, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le dérapage fatal du secteur des transports du point de vue tant de la dépendance quasi exclusive à l'égard des produits pétroliers - le secteur consomme en effet 50 millions de tonnes de produits pétroliers par an - que des émissions de gaz à effet de serre, qui représentent 33 % de l'ensemble des émissions.
Le transport de marchandises est réalisé à hauteur de 75 % par la route en tonne-kilomètre, tandis que cette part n'était que de l'ordre de 60 % en 1980. Aujourd'hui, 22 % de ce transport sont assurés par le ferroviaire, et 3 % seulement par les canaux.
Au total, contrairement à ce que je lui ai proposé, la commission des affaires économiques s'est prononcée favorablement sur l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je voudrais saluer l'ambition qui anime le Gouvernement.
La désindustrialisation n'est pas une fatalité, pas plus que les délocalisations d'activités et d'emplois.
Ce n'est pas dans votre budget que nous trouverons l'essentiel des moyens de votre action. Je salue la baisse des crédits de votre budget : vous êtes un excellent ministre puisque vous parvenez à faire baisser le montant des crédits. C'est ainsi que nous parviendrons sans doute à réduire le déficit public et à réduire le poids des prélèvements obligatoires.
La fiscalité est un élément majeur dans votre boite à outils, monsieur le ministre ; c'est pourquoi j'évoquerai les impôts supportés par les entreprises.
Je commencerai par la taxe professionnelle. Je dois vous avouer que la déclaration faite par le Président de la République le 6 janvier 2004 devant les forces vives de la nation nous a étonnés. En effet, l'un d'entre nous avait déposé sur ce sujet, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, un amendement que le Gouvernement avait condamné d'une manière absolue.
Naturellement, l'annonce du Président de la République suscite des inquiétudes, notamment chez les élus territoriaux. Pour ma part, je pense qu'il a posé la bonne question, qui nous oblige tous à nous demander si notre fiscalité est encore adaptée à notre économie.
La politique industrielle pouvait être maîtrisée par l'Etat nation lorsque le monde disposait de moyens frustes de transport, lorsque les moyens de communication, en particulier les nouvelles technologies de l'information et de la communication, étaient pratiquement inexistants.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, ce dont vous avez la charge est soumis à une concurrence impitoyable et tout ce qui apparaît comme un excès de contraintes et d'altération de la compétitivité est arbitré instatanément par les acteurs économiques. Le nomadisme est à l'oeuvre ; on délocalise l'activité.
La taxe professionnelle, comme les charges sociales supportées par les employeurs - Christian Gaudin l'a rappelé tout à l'heure en évoquant la TVA de compétitivité - sont des impôts de production. Peut-on continuer à pratiquer des impôts de production ?
Je ne suis pas persuadé que la feuille de route que nous a donnée le Premier ministre sur la réforme de la taxe professionnelle ne doive pas être légèrement modifiée. En effet, il nous dit que la taxe professionnelle doit être remplacée par un impôt à la charge des entreprises. C'est formidable ! C'est politiquement correct, parce que l'on n'inquiète pas les ménages.
Pourtant, monsieur le ministre, existe-t-il un seul impôt à la charge des entreprises qui ne soit pas, en définitive, payé par les ménages ? L'entreprise qui ne répercute pas le coût des impôts de production dans son prix de vente disparaît immanquablement, sauf à bénéficier de subventions. Les agriculteurs connaissent cela : les prix sont maintenus parce que ce que le consommateur ne paie pas à la caisse l'est par l'impôt ou par le déficit public. On ne pourra pas tenir indéfiniment.
En fait, monsieur le ministre, si nous maintenons des impôts de production tels que la taxe professionnelle, l'impôt sur le foncier non bâti ou les charges sociales, nous prenons le risque d'encourager la délocalisation.
Faut-il imposer la production, avec pour sanction la délocalisation, ou faut-il imposer les produits, et dans ce cas c'est la TVA qui porte l'imposition ? Nous l'appelons TVA sociale à la commission des finances, parce que nous pensons qu'il faudra fiscaliser les ressources des régimes de santé et de politique familiale. La santé et la famille ne sont pas uniquement l'affaire des salariés.
La commission des finances parle de TVA sociale, la commission des affaires économique de TVA de compétitivité, mais c'est bien du même concept qu'il s'agit.
Permettez-moi de rappeler l'urgence et la nécessité de la tenue d'un débat public en France et en Europe, car si nous maintenons des impôts de production, nous devons nous préparer à subir de nouvelles érosions du tissu économique par des délocalisations d'activités et d'emplois.
Je ne serais pas étonné qu'il faille renoncer à une partie significative de la ressource de 22 milliards que paient aujourd'hui les entreprises pour rendre applicable le nouveau dispositif de réforme de la taxe professionnelle. En effet, si la réforme de la taxe professionnelle crée des gagnants et des perdants, je crains que son application ne soit rapidement compromise. Cette réforme ne sera vraiment viable que s'il n'y a pas de vrai perdant et, pour ce faire, il faudra trouver une ressource de substitution qui pourrait être un impôt sur le revenu ou un impôt sur la consommation, c'est-à-dire la TVA.
M. Yves Coquelle. Les vrais perdants ce sont les chômeurs !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Evitons de répéter, parce que c'est une espèce de convention commode, que si l'on augmente la TVA l'inflation progressera. Je récuse cette idée, car si nous réduisons les impôts de production, nous réduirons le prix de revient hors taxe de ce qui est fabriqué en France, le prix toute taxe comprise n'étant pas modifié. En effet, seuls les produits importés subiront une légère inflation du fait de la TVA.
Enfin, je voudrais évoquer la fiscalité des plus-values. Nous avons eu un échange très constructif avec le ministre délégué au budget, qui a pris argument de sa récente nomination pour ne pas se prononcer sur l'intérêt d'un amendement qui venait achever la réforme de l'impôt sur les résultats des entreprises, la France ayant cette singularité de continuer à imposer lourdement les plus-values sur cession de titres et sur cession de brevets. Vous qui êtes en charge de votre département ministériel depuis plus longtemps, insistez auprès de lui. Je suis convaincu qu'il vous offrira cet outil supplémentaire pour mener à bien votre politique !
Ce qui est vrai pour les cessions de titres, l'est peut-être plus encore pour la fiscalité des brevets. Les Français sont un peu honteux parce que nous déposons moins de brevets en France qu'ailleurs. Alors, demandons-nous si notre fiscalité est un encouragement à la l'enregistrement de brevets localisés en France ou plutôt un encouragement à la délocalisation !
Telles sont les quelques observations que je souhaitais exposer à M. le ministre de l'industrie afin de lui faire partager les convictions qui sont celles de la commission des finances, de la commission des affaires économiques, mais qui sont également, j'en suis persuadé, celles de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Michel Bécot.
M. Michel Bécot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si, voilà vingt ans, l'industrie française employait un salarié sur quatre, ce secteur a, aujourd'hui, perdu un million et demi d'emplois, et seul un emploi sur six est désormais un emploi industriel.
L'industrie française est aujourd'hui confrontée à la diminution de l'emploi industriel, à la montée en puissance des pays d'Asie à faible coût de main-d'oeuvre, notamment la Chine et l'Inde, à l'élargissement de l'Europe à l'Est et aux délocalisations d'entreprises.
Notre pays, qui, depuis cent cinquante ans, fondait sa prospérité sur un développement industriel constant, a de bonnes raisons de s'inquiéter de l'irruption, dans le commerce mondial, de nouveaux acteurs.
Si les géants économiques que sont l'Inde et la Chine sont les plus visibles, d'autres puissances émergentes sont, elles aussi, en passe de s'imposer prochainement comme des concurrents redoutables : demain, le Brésil, l'Afrique du Sud ou l'Indonésie, un peu plus tard, sans doute, la Russie. A ces nations s'ajoutent, à nos frontières immédiates, les pays d'Europe centrale et orientale, qui, bien que d'une taille non comparable à celle des précédents, présentent cependant des caractéristiques de développement économique telles que nous pouvons craindre leur concurrence pendant de nombreuses années.
Face à ce constat, la France doit prendre position sur les créneaux qui lui confèrent un avantage comparatif et sont porteurs de croissance, ce qui n'est pas facile, car, il faut bien le dire, ses efforts en matière de recherche et de développement sont bien insuffisants et elle ne cesse de perdre en dynamisme, face, en particulier, aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne : sauf pour quelques « niches », le nucléaire ou l'espace, notamment, elle figure en queue de peloton des pays industrialisés dans les secteurs innovants.
Malgré tout, dans ce contexte de mutation industrielle, notre activité industrielle a réussi, à la fin de l'année 2003, à se redresser, et a progressé, au cours de l'année 2004, de 3 %.
Pour soutenir cette reprise, le Gouvernement a engagé une politique volontariste et dynamique visant à lutter contre la désindustrialisation et à mobiliser les synergies autour de pôles de compétitivité.
Le projet de loi de finances pour 2005 met en oeuvre les mesures adoptées par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 14 septembre 2004 en ces domaines. Le projet de budget de l'industrie pour 2005 participe à la réussite de cette politique visant à lutter contre la désindustrialisation et à développer notre activité industrielle.
Le CIADT du 14 septembre a jeté les bases d'une nouvelle stratégie de développement industriel axée sur l'innovation technologique et la création de pôles de compétitivité.
Dans un contexte budgétaire de maîtrise des dépenses publiques, nous ne pouvons que nous réjouir de la progression de 2,5 %, par rapport à l'exercice 2004, des crédits réservés à l'industrie pour 2005. Les dépenses d'intervention et d'investissement y tiennent une part prépondérante.
Le groupe UMP approuve les grandes orientations de ce projet de budget, à savoir le soutien à la politique énergétique de la France, l'accompagnement des mutations industrielles et le soutien à la recherche et au développement des petites et moyennes entreprises.
La réflexion sur l'avenir de notre politique énergétique a été au coeur de l'action du Gouvernement en 2004. La flambée des prix du pétrole et les risques d'alourdissement de la facture énergétique nous imposent une politique de maîtrise de la demande d'énergie. Il nous faut donc diversifier notre bouquet énergétique et redoubler notre effort de recherche. Les crédits du ministère de l'industrie concourent à la réalisation de ces objectifs : je citerai la subvention allouée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, ou au Commissariat à l'énergie atomique, le CEA.
Mes collègues de mon groupe et moi-même nous félicitons de l'augmentation des moyens accordés à la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, qui joue un rôle majeur dans le cadre de l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité à la concurrence.
La solidarité s'exprime également à travers l'accompagnement des mutations industrielles, dont les moyens augmentent de 8,7 %. La nouvelle présentation du programme « passifs financiers miniers » regroupe l'ensemble des actions en faveur du secteur minier et de la gestion de l'après-mines : à l'augmentation des moyens consacrés à la sécurité et à la gestion de sites miniers en reconversion s'ajoutera la modernisation de la garantie apportée par l'Etat aux droits sociaux des mineurs.
La montée en puissance du crédit d'impôt-recherche, le dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des jeunes entreprises, le renforcement de l'aide aux PMI, grâce à la nouvelle agence des PME, résultant de la fusion de la Banque de développement des petites et moyennes entreprises, la BDPME, et de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, ainsi que la création de l'Agence nationale de la recherche, concourent à aider les entreprises.
La formation aux métiers de l'industrie est également soutenue, grâce aux moyens alloués aux écoles d'ingénieurs, aux centres techniques industriels ainsi qu'au programme de groupements européens d'établissements d'enseignements supérieurs.
S'agissant, enfin, de la partie du projet de budget consacrée à La Poste et aux télécommunications, mon groupe approuve pleinement les observations qui viennent d'être faites par notre excellent collègue M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les technologies de l'information et La Poste. Je serai donc bref.
Je me bornerai à me féliciter que la réduction de la fracture numérique soit en cours, car il s'agit là d'un véritable enjeu de cohésion sociale et territoriale, ces nouvelles technologies de l'information constituant une chance pour l'attractivité de nos territoires.
Lors du CIADT du 14 septembre dernier, le Gouvernement a affecté 13 millions d'euros au soutien de l'expérimentation des technologies de raccordement alternatives dans les zones peu denses et 100 millions d'euros au Fonds national de soutien au déploiement du haut débit sur les territoires.
Je me dois, enfin, de souligner les efforts importants de France Télécom pour étendre la couverture du territoire par le système ADSL.
La France du haut débit progresse donc rapidement, et les résultats obtenus par l'Etat et les collectivités locales prouvent qu'une action commune est essentielle.
Le bilan est moins positif en ce qui concerne la téléphonie mobile, puisque 3 000 communes sont encore en zone blanche et que des secteurs importants, majoritairement ruraux, restent couverts par un seul opérateur. L'amélioration de la couverture, qui est, elle aussi, en cours, est à l'évidence un enjeu essentiel d'aménagement du territoire.
Je terminerai mon propos en évoquant la situation de La Poste, qui sera bientôt dotée du cadre législatif et des adaptations juridiques dont elle a besoin pour améliorer sa compétitivité et faire face aux missions d'intérêt général qui lui incombent. Son efficacité économique passe par une meilleure définition des missions de service public qui lui sont assignées, et donc par une meilleure évaluation de leur coût. Les changements dans la représentation de La Poste en milieu rural doivent impérativement être réalisés en concertation permanente avec les élus locaux.
Telles sont les quelques observations que je tenais à faire aujourd'hui, au nom du groupe UMP. Comme je le disais tout à l'heure, nous approuvons totalement les orientations de ce projet de budget, qui est la traduction de la volonté du Gouvernement en matière de politique industrielle. C'est la raison pour laquelle nous y apporterons notre soutien.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, diminution des cotisations sociales des entreprises, exonérations et allègements fiscaux, crédits d'impôts, crédits de taxes professionnelles : autant de choix budgétaires pour 2005 qui témoignent d'une véritable fuite en avant dans le dumping fiscal et social, quoi qu'en dise M. le président de la commission des finances.
Est-ce là la solution aux mouvements de délocalisation en cours, aux plans de licenciements et aux plans sociaux de liquidation qui frappent de plein fouet notre industrie depuis plusieurs années ? Est-ce là la réponse pour diminuer le chômage, qui touche près de trois millions de personnes aujourd'hui ? Est-ce là la réponse à apporter aux dix millions de salariés qui vivent dans une situation d'extrême précarité ?
Je suis loin d'en être convaincu, et je ne suis pas le seul.
En septembre dernier, dans son vingt-deuxième rapport sur la concurrence fiscale et l'entreprise, le Conseil des impôts relativisait fortement l'influence de la fiscalité sur l'implantation des entreprises, soulignant que « la fiscalité semble jouer un rôle réduit dans la problématique d'ensemble de l'implantation des entreprises. » L'impôt de solidarité sur la fortune et, plus globalement, la fiscalité sur les hauts revenus, n'y sont pas considérés comme des facteurs susceptibles de nuire à la compétitivité de nos entreprises.
Quant aux nouvelles mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005, à savoir le crédit d'impôt en faveur des entreprises qui relocalisent en France, le crédit de taxe professionnelle, les allègements fiscaux et sociaux en faveur des entreprises participant aux pôles de compétitivité, elles participent des logiques de moins-disant fiscal et social qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas permis de renchérir en emplois le contenu de la croissance.
Dans le même temps, ce sont autant de recettes en moins pour les finances publiques globales et locales, ce qui pèsera sur la croissance future.
Vous estimez, monsieur le rapporteur, qu'il en résultera une augmentation, et que cette « augmentation de 800 millions d'euros constitue un signal très fort en faveur du retour de la politique industrielle ». Je ne crois pas qu'un tel plan permettra de mettre un terme à l'hémorragie d'emplois que connaît notre pays depuis plusieurs années.
Dans mon propre département, le Pas-de-Calais, ce ne sont pas moins de trente-trois entreprises qui, en 2004, par le biais de délocalisations, pour la plupart, ont supprimé ou s'apprêtent à supprimer plus de 6 000 emplois. Ces 6 000 suppressions d'emplois viennent s'ajouter aux 4 000 intervenues l'année dernière, ce qui fait 10 000 suppressions d'emplois en deux ans.
La croissance demeure atone, limitée, selon l'INSEE, à 2,3 %. Elle manquera encore de souffle en 2005.
Si l'investissement semble repartir, il demeure fortement orienté vers la rationalisation. Nos grandes entreprises encore publiques, comme La Poste, la SNCF, ou récemment privatisées, comme France Télécom, ont engagé des plans drastiques de réduction de l'emploi et des coûts.
Dans un tel contexte, où l'Etat lui-même se targue de supprimer plus de 7 000 postes, j'ai beaucoup de doutes, monsieur le ministre, quant à l'efficacité des mesures de surenchère qui visent à tirer vers le bas l'ensemble de nos coûts, à placer nos territoires en concurrence, à conduire les entreprises à profiter des avantages fiscaux des zones franches urbaines et à mettre la clé sous la porte lorsque ceux-ci prennent fin !
Ces nouvelles mesures dites d'anti-délocalisations participent, en réalité, de la même problématique qui consiste, sous prétexte de compétitivité et d'attractivité, à multiplier les cadeaux aux entreprises sans pour autant faire peser sur elles de véritables contraintes en matière de maintien d'emplois à moyen terme et à long terme.
Monsieur le ministre, il est nécessaire et urgent de responsabiliser les entreprises qui délocalisent leur production à l'étranger : à cette fin, il serait utile de rétablir la loi « Hue » sur le contrôle des fonds publics, de sanctionner financièrement et fiscalement les entreprises bénéficiaires qui licencient, de créer un lien juridique entre le donneur d'ordre et ses sous-traitants lorsqu'un plan de licenciements intervient.
Pourquoi ne pas supprimer toute aide publique aux entreprises ayant procédé, l'année précédente, à des délocalisations ?
Pourquoi ne pas taxer les importations de produits délocalisés pour des raisons de bas coûts de main-d'oeuvre ou de concurrence fiscale déloyale ?
Une telle mesure, fondée sur le rejet des pratiques de dumping social auxquelles se livrent les multinationales avides de profit, n'est ni plus protectionniste, ni moins légitime que la TVA de compétitivité ou la TVA sociale proposées par certains de nos collègues de droite.
M. Michel Mercier. Du centre !
M. Yves Coquelle. Ce projet de budget s'inscrivant dans la logique d'un ajustement vers le bas, le groupe CRC votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le projet de budget de l'industrie, qui nous occupe ce matin, je tiens à revenir sur un dossier qui me tient particulièrement à coeur et qui a été évoqué par notre éminent collègue M. Courteau dans son très intéressant rapport, à savoir le problème de l'énergie.
Vous allez peut-être, monsieur le ministre, nous annoncer à quelle date nous examinerons à nouveau le projet de loi d'orientation sur l'énergie, dont je regrette, d'ailleurs, qu'il se limite à l'orientation. Dans le contexte international actuel, il conviendrait, en effet, d'avoir plutôt une loi de programmation sur l'indépendance énergétique qui prenne en compte la sécurité et la concertation au plan européen, la seule issue étant pour l'Europe, selon moi, d'avoir une politique énergétique commune.
Concernant l'énergie, je formulerai quelques remarques sur les pistes qui sont souvent évoquées.
Si le principal combat est de diminuer les gaz à effet de serre, nous devons, puisque nous accusons un retard en matière de développement des énergies renouvelables, nous poser les vraies questions et faire un bilan global environnemental. Nous devons être sûrs des pistes sur lesquelles nous nous engageons afin de ne pas être amenés à faire marche arrière dans quelques années.
Je m'attarderai sur deux de ces pistes.
La première piste est celle des biocarburants. Certes, les biocarburants absorbent une partie du CO2 lors de leur croissance, mais ils rejettent la même masse lors de leur combustion. En termes de lutte contre l'effet de serre, le bénéfice du recours à cette énergie alternative est donc nul. Le seul avantage que présentent les biocarburants est de diminuer la quantité de CO2 produite par les énergies fossiles. Il faut bien admettre que les biocarburants n'ont pas que des qualités !
Je préfère d'ailleurs le diester à l'éthanol : la différence de rendement entre un moteur essence et un moteur diesel est de l'ordre de 30 % ! Sans doute vaudrait-il mieux développer les moteurs utilisant des diesters plutôt que ceux qui utilisent de l'éthanol ou de l'essence.
Il faut également tenir compte de la pollution que pourraient générer les intrans nécessaires à la production intensive de biocarburants.
La seconde piste est celle de la biomasse. Lors de la fermentation, elle fabrique, vous le savez, une part relativement importante de CO2, qui est rejetée dans l'atmosphère.
Avant de s'engager dans une quelconque direction, il faudra donc nécessairement faire le bilan des avantages et des inconvénients du procédé choisi.
Je vous ferai part, maintenant, des attentes des collectivités territoriales.
Premièrement, s'agissant de la réforme du statut d'EDF et de Gaz de France, les collectivités concédantes ou les collectivités locales regroupées en syndicats nous ont fait part de leurs inquiétudes. Au moment où EDF et GDF sont transformées en sociétés anonymes, et sont donc soumises au droit des sociétés, les collectivités locales, propriétaires des réseaux de distribution, vous demandent, monsieur le ministre, de veiller strictement à ce que ces deux entreprises respectent leurs obligations.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Raoul. Obligations en termes de clarification entre le réseau d'alimentation générale et le réseau de distribution publique, d'abord. Un certain nombre de contentieux apparaissent à l'heure actuelle, à la suite du vote de la loi, en particulier entre Réseau de transport d'électricité, RTE, et les syndicats d'électricité.
Je n'ouvrirai pas de nouveau le débat que nous avons eu sur RTE, même si ses capitaux restent entièrement publics. Pour moi, cette société aurait dû rester dans le patrimoine national. Cette affaire est classée, cela a été voté, mais ma position demeure inchangée.
Obligations en termes de transparence des chiffres communiqués aux autorités concédantes en ce qui concerne l'amortissement du patrimoine concédé, ensuite. Ce n'est pas simple, je vous l'accorde, d'autant que, vous le savez, monsieur le ministre, EDF et GDF sont en plein changement de leurs règles comptables.
Deuxièmement, s'agissant de l'ouverture des marchés de l'énergie, le législateur a autorisé les collectivités locales à poursuivre les contrats de fourniture en cours au tarif régulé. Elles souhaitent toutefois avoir la confirmation que cette mesure est également applicable pour les nouveaux contrats conclus, par exemple, à la suite de la mise en service d'un nouvel équipement. Vous savez que EDF et GDF ont toutes deux une interprétation différente de la loi.
Troisièmement, s'agissant des énergies renouvelables, les producteurs éprouvent à l'heure actuelle de nombreuses difficultés pour obtenir les autorisations nécessaires au raccordement de leurs installations au réseau et injecter leur production.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Daniel Raoul. Il est indispensable que les pouvoirs publics s'assurent que les gestionnaires de réseau respectent bien les procédures et les délais d'instruction des demandes.
Quatrièmement enfin, de nombreux consommateurs, et pas seulement les collectivités, se plaignent du coût élevé des forfaits tarifaires pratiqués par les concessionnaires, en particulier par EDF, pour le branchement des nouvelles habitations au réseau de distribution. Certes, nous pouvons comprendre la logique d'EDF, qui consiste à ne pas investir pour ses concurrents. Cela étant, ce sont les consommateurs qui se trouvent confrontés au problème ! Les autorités concédantes vous demandent donc d'accélérer la publication de l'arrêté prévu à l'article 61 de la loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, devant fixer les principes généraux de calcul des contributions dans ce domaine. En effet, cet arrêté conditionne la conclusion d'avenants aux contrats de concessions.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Il permettra d'imposer aux concessionnaires le respect du principe de facturation conforme au coût des prestations. S'il n'est pas publié, aucun avenant ne sera possible.
J'en viens maintenant au projet de budget de l'industrie pour 2005 proprement dit.
Depuis 1997, monsieur le ministre, le ministère de l'industrie a disparu : seul subsiste un ministère délégué à l'industrie intégré au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Je le regrette fortement. (M. le ministre délégué manifeste son étonnement.) La suite vous surprendra plus encore ! (Sourires.)
En attendant l'application, l'an prochain, de la LOLF, les crédits de l'industrie répartis, pour la dernière fois, suivant l'ancienne nomenclature, sont regroupés dans cinq des dix-sept agrégats que compte encore cette année le "bleu" du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous pouvons émettre de nombreuses critiques sur ces « ensembles insuffisamment explicites, comme les qualifie M. Doligé, rapporteur spécial. Ainsi, l'agrégat 23 relatif à l'environnement et à la compétitivité des entreprises fait office de « fourre-tout » - ou de « lessiveuse » puisque y figurent à la fois des actions concernant la formation des cadres de l'industrie, comme le budget de l'Ecole des mines, la régulation des télécommunications, le transport de la presse, etc.
Certaines prestations de l'agrégat 24 « accompagnement des mutations industrielles », qui financent les prestations de certains retraités, ne relèvent pas, à l'évidence, d'une quelconque politique industrielle tournée vers des choix et des défis porteurs pour l'avenir !
Le « flou » caractérise donc les crédits du ministère délégué à l'industrie, qui laissent apparaître une importance très inégale des différentes dotations : les lignes budgétaires correspondant aux dotations accordées à trois établissements - le CEA, l'ANVAR, l'IFP, l'Institut français du pétrole - ainsi qu'aux prestations à certains retraités des mines représentent près des deux tiers - 64 % - du total des crédits de l'industrie.
Que l'on ne se méprenne pas sur mes propos : je ne conteste pas la prise en charge et l'indemnisation des sinistrés de l'après-mines, bien au contraire ! Permettez-moi de rappeler les propos qu'a tenus à cette même tribune mon collègue Jean-Pierre Masseret, le 24 novembre dernier, lors du débat sur la question orale qu'il avait posée sur la gestion de « l'après-mines » : il dénonçait les « retards à l'allumage » de l'Etat et son désengagement financier pour régler ce grave dossier.
Ce qui est contestable c'est que ce dossier si lourd et si complexe, ayant des répercussions sur ceux qui vivent sur ces territoires et mettant en cause d'autres ministères, soit traité de cette façon, c'est-à-dire au milieu d'autres dépenses tout aussi incongrues à la charge du budget de l'industrie.
M. Daniel Raoul. Je prends votre défense, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Nous sommes en droit d'attendre de l'Etat un engagement collectif et financier volontaire, significatif pour sortir du marasme économique certaines régions françaises, comme la Lorraine ou le Nord. C'est en associant les collectivités locales et territoriales, les chambres consulaires, les industriels locaux, les organismes spécifiques qu'un schéma de développement économique pourra émerger et redonner à ces régions sinistrées un nouvel élan économique et social.
J'en viens maintenant aux choix affichés dans le projet de loi de finances pour 2005.
La contrainte budgétaire appliquée à l'ensemble du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - qui se traduit par une baisse de 1 % - concerne aussi les crédits de l'industrie - qui enregistrent une baisse de 2,3 % - et plus encore les crédits hors énergie et postes et télécommunications - dont la baisse est de 11 %.
Faut-il croire, monsieur le ministre, comme le soulignent les différents rapporteurs, que les baisses de crédits affichées ne s'expliquent que par des facteurs techniques ? Je ne suis pas sûr, pour ma part, qu'un bon budget soit essentiellement un budget en hausse : ce qui importe, c'est le fléchage, l'efficacité et la mise en oeuvre de ces crédits.
On peut s'interroger sur les baisses de crédits concernant les actions de soutien à la compétitivité et au développement régional des PMI - 23 % -ainsi que le soutien à la construction navale. Sur ce dernier point, en tant que sénateur des Pays de Loire, je suis directement touché puisque 21,5 millions d'euros de crédits sont prévus, contre 91,47 millions d'euros. En outre, le rôle des petites et moyennes entreprises industrielles sous-traitantes en faveur de l'environnement et de l'innovation est unanimement reconnue et le périmètre d'action de la construction navale s'étend sur 200 kilomètres. Il va même jusqu'à la Mayenne, mon cher collègue !
Diminuer les crédits des PMI et, dans le même temps, diviser par quatre le soutien à la construction navale posera le double problème de l'aménagement du territoire et de la survie de certaines entreprises.
Les aides à la modernisation des PMI financées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions subissent un ajustement aux besoins constatés, qui se traduit par une baisse de 14,72 %, ainsi que le souligne le rapporteur spécial. Une telle situation ne peut nous satisfaire : nous savons pertinemment que les crédits qui financent les actions de développement industriel régional sont indispensables pour favoriser l'élévation du niveau technologique des PMI.
Je pourrais prendre d'autres exemples, notamment celui de la fin des aides à la construction navale qui me semble le plus choquant.
Si nous ne pouvons contester sur le fond la pression de certains Etats tiers, comme la Corée du Sud, qui ont conduit à un nouveau règlement communautaire, nous partageons l'avis du rapporteur spécial qui « restera très vigilant pour que la combativité du Gouvernement ne s'émousse pas quant à de nouvelles possibilités de soutien après 2005, en cas de non-respect persistant des règles de concurrence par nos compétiteurs extracommunautaires ».
S'agissant des pôles de compétitivité, dont le cahier des charges est paru hier au Journal officiel, le périmètre importe peu : seules comptent les zones de recherche et de développement, qui permettront de freiner les délocalisations. Il n'y a qu'une solution : l'innovation et la création.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas seulement !
M. Daniel Raoul. Je tiens à réaffirmer le rôle que doivent jouer la commission des affaires économiques et le ministère de l'industrie dans le domaine de la recherche et du développement. Même la LOLF, telle qu'elle a été mise en place, ne nous permet pas d'avoir une vision complète dans ce domaine, qui me paraît le plus important.
Certes, il est bon que la recherche publique dépende du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur. Pour autant, monsieur le ministre, je souhaiterais que votre ministère soit doté d'une délégation concernant la recherche et le développement.
M. Daniel Raoul. Je terminerai en évoquant la TVA sociale. Même si l'instauration de cette nouvelle TVA peut avoir un effet bénéfique sur le prix hors taxe, cela revient à transférer une partie de la taxe professionnelle sur la TVA. Qui paiera, sinon les consommateurs ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont toujours eux !
M. Daniel Raoul. Or, vous le savez très bien, monsieur le président de la commission des finances, la TVA est l'impôt le plus injuste.
Les différentes réserves que je viens d'émettre vous laissent deviner la position de notre groupe sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout l'intérêt d'une séance publique est d'échanger des arguments et non pas de les énumérer les uns après les autres.
Mon cher collègue, aujourd'hui, qui paie, en définitive, la taxe professionnelle ? C'est le consommateur. Les entreprises de l'Anjou répercutent dans le prix de revient de leurs productions la taxe professionnelle.
Sommes-nous capables de sortir de cette conception un peu idéologique, historiquement datée, périmée, archaïque, qui nous égare tous ? Même Mme Luc s'égare.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cessons d'opposer les impôts selon qu'ils sont payés par les entreprises ou par les ménages !
Aujourd'hui en France, y compris en Anjou, mon cher collègue, des hommes et des femmes redoutent une délocalisation de leur entreprise. Le Gouvernement veut se battre contre la vie chère. Fort bien, monsieur le ministre, mais qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce que cela ne reviendra pas à donner encore plus de pouvoir aux centrales d'achats qui iront faire leur sourcing en Chine et ailleurs ? Essayons de mettre un peu de cohérence entre nos propos et nos actes
Il faut que nous ayons ce débat.
M. Daniel Raoul. Tout à fait.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cessons de dire que la TVA est un impôt injuste. L'impôt qui engendre, pour un salarié, la perte de son emploi est-il juste ? Y a-t-il pire injustice que l'incapacité de ramener le chômage en dessous du seuil de 10 % ?
C'est vrai qu'il faut de la recherche et du développement. C'est vrai qu'on ne réglera pas tout avec la TVA sociale. On ne financera pas tout avec la TVA.
Si les entreprises, en dehors de l'impôt sur les bénéfices, n'acquittent pas de contribution par le biais de la taxe professionnelle ou des charges sociales, l'assiette des cotisations sera soit l'impôt sur le revenu, soit l'impôt sur le patrimoine, soit l'impôt sur la consommation. C'est sur ce point que nous devons travailler, mes chers collègues. Ainsi peut-être retrouverons-nous de la compétitivité.
Certes, la recherche et le développement doivent être poursuivis. Mais il convient également de réformer le modèle des prélèvements obligatoires et, éventuellement, d'assouplir la législation sociale. Le Danemark, pays social-démocrate, pratique la flexibilité absolue. Je me permets de vous suggérer de mener une réflexion à ce sujet, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. L'énergie, c'est vrai, intéresse nombre de collègues. Je vais moi aussi centrer mon intervention sur ce sujet et plus particulièrement sur les bioénergies.
Faire prendre conscience à nos concitoyens des enjeux énergétiques de notre société moderne est un défi que le Gouvernement s'emploie à relever, au travers, notamment, d'une campagne audiovisuelle que chacun a pu découvrir récemment sur son petit écran.
Trop souvent, en effet, l'énergie ne devient un objet de préoccupation que lorsqu'elle se raréfie ou lorsque le prix du baril de Brent se met à flamber, entraînant les conséquences que l'on sait sur notre économie.
Pourtant, si rien n'est fait d'ici à vingt ans ou trente ans, l'impact environnemental de l'énergie sera insupportable et notre dépendance énergétique telle que notre vulnérabilité économique sera véritablement insoutenable.
Parce que gouverner c'est prévoir, il est plus que temps, si nous voulons être des élus responsables, que nous proposions des stratégies volontaristes pour atténuer cette dépendance, mieux encore, pour y remédier.
Outre que, aux dires des économistes, le moment à partir duquel l'extraction du pétrole va devenir de plus en plus cher est en train d'être franchi, nous devons impérativement trouver une réponse à notre trop grande dépendance géographique vis-à-vis de nos importations d'énergie.
L'Europe nous montre le chemin, tant il est vrai que le débat ne peut plus se cantonner à l'échelon national. Comment utiliser l'énergie de façon plus efficace pour consommer moins tout en préservant notre qualité de vie ?
Il est tout d'abord essentiel de réduire notre consommation d'énergie fossile et de diversifier les combustibles employés au quotidien. Nous devons largement convertir notre pays à l'emploi de l'énergie éolienne, de la biomasse, de l'énergie hydraulique, de l'énergie solaire et des biocarburants obtenus à partir de matières organiques.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Cornu. Le Gouvernement a bien compris que c'était la fin du « tout pétrole » et finalise en ce moment un plan de développement des biocarburants. Outre qu'elles sont protectrices de notre environnement et donc plus respectueuses de la planète, ces bioénergies ont pour avantage d'offrir des débouchés à notre agriculture.
M. Doligé et moi-même y voyons un avantage certain pour les agriculteurs de Beauce. De surcroît, je me réjouis que la France emboîte le pas à des pays comme l'Espagne, le Brésil ou encore les Etats-Unis qui pratiquent déjà l'incorporation d'éthanol dans les essences, même si elle se montre encore timide.
Sur les 42 millions de tonnes de carburants routiers consommées actuellement en France, les biocarburants représentent moins de 1 %.
Sur l'initiative, heureuse, de députés de la majorité, lors de l'examen du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a augmenté le quota de production de biocarburants bénéficiant de réductions de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et prévu une possibilité de globalisation des unités de production d'un même opérateur. Elle a également introduit une taxe pour les entreprises commercialisant des produits pétroliers à effet de serre que le Sénat a transformée en prélèvement supplémentaire au titre de la taxe générale sur les activités polluantes.
Certes, le coût de production des biocarburants demeure un handicap. Ces carburants ne deviendront économiquement viables que s'ils sont produits à grande échelle, ce qui suppose de très lourds investissements. Aujourd'hui, il nous manque indiscutablement un tissu industriel.
L'Union européenne fixe à 5,75 % la part des énergies renouvelables dans les énergies consommées en matière de transport à l'horizon 2010.
Monsieur le ministre, je sais que ce sujet vous préoccupe. Beaucoup d'annonces ont été faites dans ce domaine. Je voudrais que vous fassiez le point et que vous nous disiez quels moyens va se donner la France pour atteindre ce taux. Ainsi, qu'est-il prévu en termes de créations d'usines de transformation ?
M. Doligé et moi-même sommes extrêmement concernés. Nous sommes prêts à agir au plan interdépartemental pour favoriser le développement des biocarburants. Monsieur le ministre, quelles solutions proposez-vous pour optimiser économiquement ces carburants ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. La présentation du budget de l'industrie devant le Sénat est pour moi un moment privilégié pour faire un bilan de notre politique industrielle.
Je remercie MM. les rapporteurs, Eric Doligé, Christian Gaudin, Roland Courteau et Pierre Hérisson, de leur présentation très complète du budget de l'industrie, des postes et des télécommunications et de la politique de mon ministère.
L'action du ministère de l'industrie, et donc le budget qu'il mobilise, a un objectif central : améliorer l'environnement de nos entreprises et accroître leur compétitivité. C'est le défi essentiel que nous devons relever pour préparer l'avenir de notre pays et la défense de nos emplois.
Le Sénat y a précisément consacré d'importantes réflexions dans le cadre de l'élaboration du rapport d'information de Francis Grignon pour le compte du groupe de travail présidé par votre rapporteur Christian Gaudin.
Cet objectif central se décline autour de cinq grands axes.
Le premier d'entre eux concerne le renforcement des atouts compétitifs de notre industrie.
Si l'on regarde les indicateurs macroéconomiques, notre pays dispose de positions fortes. En termes de produit intérieur brut, il est la cinquième puissance économique du monde, avec une part de l'industrie dans la valeur ajoutée constante et élevée depuis plusieurs décennies. Il a su faire de ses entreprises, comme EDF, Areva, France Télécom, Aventis-Sanofi, Saint-Gobain, Total, Renault, PSA, Alstom, des champions européens ou mondiaux. Il est le premier pays d'Europe, avec la Grande-Bretagne, pour ce qui concerne l'accueil des investissements étrangers, fait qui en dit long sur son attractivité. Notre pays est également le cinquième exportateur mondial.
Mais, en matière économique, aucune situation n'est définitivement acquise.
Notre industrie évolue dans un monde compétitif marqué par une accélération colossale des progrès technologiques, par une internationalisation des activités commerciales et des entreprises et par l'ascension de nouvelles puissances économiques.
Dans ce contexte, le premier enjeu de ce budget est donc bien de préparer l'industrie de demain. A cet égard, nous devons agir dans trois domaines.
Tout d'abord, notre fiscalité reste trop élevée. Je partage ce point de vue avec nombre d'orateurs. Le poids des déficits accumulés n'est évidemment pas étranger à cette situation. C'est un handicap pour l'investissement et la consommation dans notre pays. C'est pourquoi la réduction des déficits est une priorité. Il faut aussi faire preuve de volontarisme en faveur de l'attractivité de notre territoire pour les entreprises et les investissements.
Deux dispositifs sont proposés par le projet de loi de finances dans ses articles 10 et 14.
D'une part, un crédit d'impôt est accordé aux entreprises qui acceptent de se relocaliser sur notre territoire. Ce crédit d'impôt, qui sera dégressif sur cinq ans, sera fonction des emplois créés.
D'autre part, un crédit de taxe professionnelle sera accordé aux entreprises qui sont localisées dans les régions les plus défavorisées en termes d'emploi et les plus exposées aux délocalisations. Il sera aussi fonction des emplois préservés.
Par ailleurs, notre compétitivité résultant des coûts s'est érodée. Il faut le dire : c'est en particulier l'effet des 35 heures.
M. Gérard Cornu. Et oui !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La France est le pays d'Europe où le nombre d'heures travaillées dans l'industrie est le plus faible, soit 37,4 heures pour une moyenne européenne de 40 heures. Cette évolution n'est pas sans conséquence sur nos coûts salariaux au sein de l'Europe et sur notre compétitivité. Elle astreindra les entreprises à dégager plus de gains de productivité et à produire des efforts d'innovation supérieurs à ceux de leurs concurrents. Il faut les y aider. C'est la raison du soutien important de ce budget en faveur de la recherche et de l'innovation.
Cette stratégie, qui est aussi celle de nos partenaires européens, a été unanimement approuvée à Lisbonne. Le budget de l'industrie apporte sa contribution à cet objectif à l'aide de trois leviers.
Le premier d'entre eux est le soutien direct à l'innovation et à la recherche industrielle. Il s'agit de l'axe majeur du budget pour 2005, qui assure la remise à niveau des crédits budgétaires destinés au soutien direct à l'innovation, notamment au travers du Fonds de compétitivité des entreprises, le FCE. Les moyens de ce fonds sont l'une des priorités de ce budget : avec 158 millions d'euros, ils augmentent de 9,5 % environ et le Gouvernement proposera que cet effort soit poursuivi dans le cadre du collectif budgétaire pour 2004.
Les fonds ainsi mobilisés favoriseront également la mise en place des pôles de compétitivité pour lesquels le ministère de l'industrie apportera 40 millions d'euros par an sur les trois prochaines années.
Le deuxième levier est la refonte des dispositifs de soutien à l'innovation et la mobilisation des moyens extrabudgétaires.
Indépendamment des moyens financiers, l'Etat attend une plus grande efficacité de notre dispositif d'innovation. C'est pourquoi il a décidé de mettre en place une agence nationale de la recherche, dotée de 350 millions d'euros en 2005, qui financera des projets de recherche dont il est essentiel qu'ils soient sélectionnés pour leur intérêt non seulement scientifique mais aussi économique.
De même, avec le rapprochement de l'ANVAR et de la BDPME, le Gouvernement a voulu que soient mobilisés, au service d'une politique cohérente et globale de financement des PME, non seulement les moyens budgétaires de l'ANVAR et de la SOFARIS mais aussi les moyens extrabudgétaires de la BDPME.
Enfin, troisième levier : les incitations à l'investissement privé dans la recherche et l'innovation.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les dispositifs budgétaires et la nouvelle organisation des soutiens à l'innovation doivent amplifier l'effet des mesures fiscales décidées pour 2005 au profit de l'innovation et de la compétitivité des entreprises.
Le projet de loi de finances pour 2005 poursuit l'action engagée en termes d'allègements fiscaux pour les entreprises participant à un projet de recherche et de développement dans les pôles de compétitivité, de renforcement du dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des jeunes entreprises innovantes, de montée en charge du crédit d'impôt-recherche en 2005 et de mise en place d'un crédit d'impôt pour les dépenses de prospection commerciale.
Enfin, la défense de la propriété intellectuelle est devenue, avec la mondialisation de l'économie, un enjeu essentiel pour la compétitivité, la protection des savoir-faire et la localisation des emplois : avec 6,5 % environ des brevets européens déposés chaque année, notre pays se situe derrière l'Allemagne, qui en a déposé 19,8 %, et le Japon, qui en a déposé 15 %. Je souligne que, pour la première fois depuis dix ans, le nombre de brevets déposés a augmenté en 2004 de 3,5 %. Ce résultat, important et encourageant, couronne nos efforts de formation et de recherche.
La valeur ajoutée que constitue l'intelligence est un atout majeur dans la compétition mondiale. Il faut non seulement accroître la formation de nos ingénieurs et de nos techniciens, mais aussi assurer une meilleure diffusion du savoir entre la recherche et l'entreprise.
Le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche devrait notamment contribuer à renforcer les effets d'entraînement de la recherche publique sur le développement de l'innovation technologique dans le secteur privé. La formation des ingénieurs, quant à elle, est une action essentielle que mène mon ministère à travers son propre réseau d'écoles de formation, notamment les écoles des mines et celles des télécommunications.
Plus de 212 millions d'euros seront consacrés l'an prochain à cette action : cet effort, qui représente 10 % du budget total de mon ministère, sera en hausse de 1,5 % par rapport à 2004.
Le deuxième axe concerne le renfort des synergies entre les acteurs économiques.
La mise en synergie des actions de chacun est un objectif au moins aussi essentiel que le renforcement des moyens d'action. C'est tout le sens de la démarche des pôles de compétitivité, qui visent à donner la priorité non plus à des entreprises, à des régions ou à des filières industrielles, mais à des projets communs de développement économique, fondés sur l'innovation et rassemblant les efforts conjoints des industriels, des collectivités locales et de l'Etat.
C'est aussi pour renforcer l'efficacité de notre action sur le terrain que le Gouvernement a entrepris une réforme des chambres de commerce et d'industrie, notamment de leurs modes électifs, afin d'améliorer leur représentativité, de déconcentrer leur tutelle et de les rendre plus efficaces au service du tissu industriel.
La réforme du financement des centres techniques industriels, les CTI, et des comités professionnels de développement économique, les CPDE, s'inscrit dans cette logique de structuration du débat avec les filières professionnelles et mérite d'être soulignée. Elle est maintenant achevée avec la mise en place d'une taxe affectée garantissant le niveau de ressources de ces organismes précieux pour les secteurs industriels qu'ils servent.
Malgré les contraintes budgétaires, les crédits réservés à cet ensemble d'actions sont stabilisés en 2005.
Enfin, il revient à l'Etat de susciter, plus qu'il ne l'a fait jusqu'à présent, la réflexion collective des acteurs, de conduire l'élaboration d'une stratégie, de dégager une vision à long terme. J'ai d'ores et déjà engagé des démarches de ce type dans plusieurs branches d'activités prioritaires : celles du textile, de la chimie et de la pharmacie.
D'abord, en ce qui concerne le secteur du textile, qui sera touché le 1er janvier 2005 par le choc très brutal que constituera l'ouverture des échanges avec la Chine, une mission stratégique a été mise en place ; son rapport vient de m'être remis. Par ailleurs, un groupe européen de haut niveau, dont la France a été à l'initiative et auquel elle a participé très activement, a également été instauré.
Ensuite, s'agissant du secteur de la chimie ensuite, qui est en pleine phase de recomposition, en particulier dans la région lyonnaise, avec des groupes en devenir comme Rhodia et Arkema, j'ai mis en place un groupe de travail au mois de septembre, dont la présidence a été confiée au député Daniel Garrigue.
Enfin, en ce qui concerne la pharmacie, secteur d'avenir dans lequel la France est forte, mais où elle doit se préoccuper de conserver son potentiel industriel, un comité stratégique, présidé par le Premier ministre lui-même, a été créé.
Le troisième axe est de favoriser l'accès aux ressources indispensables au développement des entreprises.
Je veux à cet égard mettre l'accent sur deux points essentiels : la nécessité d'une politique énergétique d'une part, l'importance des nouvelles technologies de l'information et de la communication d'autre part.
Je commencerai par évoquer la politique énergétique.
Le Gouvernement actuel a tenu, dès son arrivée, à réaffirmer avec force une réalité quelque peu oubliée : l'importance capitale de la politique énergétique parmi les politiques en faveur de la compétitivité.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : n'ayant pas de ressources énergétiques fossiles, notre pays supporte une facture pétrolière de 23 milliards d'euros. La consommation d'énergie est l'un des premiers postes de consommation des ménages : elle représente 7,4 % de leurs dépenses. La production d'énergie est indispensable à toute activité industrielle.
Le projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui a été voté en première lecture, pose les fondements de notre politique énergétique pour l'avenir.
La loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui traduit nos engagements européens en matière de concrétisation de l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz, donne aux grands opérateurs industriels que sont EDF et GDF les moyens de se développer dans un cadre international.
Au-delà de ces textes, le Gouvernement a, sans attendre, traduit concrètement les orientations qu'il a définies avec le Parlement.
Ainsi, dans le domaine de la maîtrise de l'énergie, il a lancé, dès mai 2004, avec l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et l'ensemble des professionnels du secteur pétrolier et automobile qui se sont ralliés à cette démarche, une campagne de sensibilisation aux économies d'énergies.
S'agissant de la diversification du bouquet énergétique, le Gouvernement, après un débat au Parlement, a confirmé sans ambiguïté le choix de la filière nucléaire et le lancement du réacteur EPR - european pressurised reactor. Pour sa construction, EDF a entériné le choix du site de Flamanville. Ce projet, si longtemps différé malgré son importance pour notre pays, va pouvoir se concrétiser.
Le choix du nucléaire, celui de l'énergie hydraulique, dont la France est l'un des plus gros producteurs en Europe, c'est celui de l'autonomie énergétique. C'est aussi la réponse de la France à ses difficultés d'accès aux ressources fossiles, au problème de la maîtrise des rejets de gaz à effet de serre et à la nécessaire préservation du pouvoir d'achat de nos concitoyens face aux évolutions du prix du pétrole.
Mais il est clair que le nucléaire et l'hydraulique ne sont pas la solution unique. S'ils répondent bien au besoin d'électricité domestique et industrielle, en base, de notre pays, ils ne nous exonéreront pas des progrès à réaliser dans les domaines du transport et du chauffage, qui restent très dépendants du pétrole.
C'est pourquoi le Gouvernement a également souhaité développer les biocarburants en portant leur production de 500 000 tonnes à 1 300 000 tonnes en 2007, car c'est encore une énergie dans laquelle, au vu de nos atouts, nous pouvons être l'un des leaders européens.
S'agissant de la maîtrise des nouvelles technologies de l'énergie, le budget de l'industrie finance trois grands acteurs de la recherche qui sont les fers de lance de notre pays pour les recherches dans ce domaine : le CEA, l'ADEME, et l'IFP.
La dotation au CEA est stabilisée en 2005. Mais cet organisme bénéficiera prochainement d'un plan à long terme et d'un contrat d'objectif qui confortera dans la durée ses moyens pour la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie, notamment l'utilisation de l'hydrogène, les piles à combustible et l'énergie photovoltaïque.
Avec 192 millions d'euros en 2005, la dotation de l'IFP est en baisse de 8 millions d'euros, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial. Mais cet organisme dispose de ressources externes importantes qui lui permettront de poursuivre les actions engagées au titre de son contrat d'objectif.
Enfin, le ministère de l'industrie renforce sa subvention globale à l'ADEME, qui est portée à 50 millions d'euros.
J'en viens aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.
L'accès aux grands réseaux de communication constitue également un facteur clé du développement d'une économie de la connaissance.
L'accès à l'Internet à haut débit et à la téléphonie mobile est devenu une condition essentielle, non seulement de la compétitivité économique, mais aussi de l'intégration culturelle et sociale.
Les collectivités locales viennent d'être dotées, par la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, d'une compétence très large. Elles sont désormais autorisées à exercer les activités d'opérateurs de télécommunications, y compris, dans certains cas, en concurrence avec les opérateurs privés.
Mais l'Etat ne saurait se limiter à accompagner les projets de collectivités locales. La priorité du Gouvernement, c'est l'Internet à haut débit et la téléphonie mobile pour tous, c'est-à-dire l'extension à l'ensemble de la population nationale de la couverture en haut débit et en téléphonie mobile.
Le haut débit pour tous ne sera pas durablement installé si nous ne favorisons pas la concurrence la plus effective et la plus large possible.
Le moyen essentiel de favoriser la concurrence n'est pas, à mon sens, l'attribution de subventions par des administrations nationales, mais une régulation efficace du secteur. Les excellents résultats obtenus depuis deux ans par la France en matière de haut débit en sont la preuve. Faut-il rappeler que la France se situe dans le peloton de tête en Europe et dans le monde pour l'accès à Internet à haut débit ?
Monsieur Hérisson, les moyens de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, ont été renforcés, puisque six postes supplémentaires lui ont été accordés dans le projet de budget pour 2005 et que ses crédits augmentent d'un peu plus de 5 %.
Le marché du haut débit est devenu en deux ans un marché de masse. Plusieurs millions de Français ont accès à des offres innovantes à des tarifs abordables. Ce succès de la France est essentiellement dû au dynamisme de ses opérateurs et à sa régulation avisée du secteur. Il convient donc de veiller à ce que l'engagement de moyens publics locaux ou nationaux ne vienne pas perturber cette dynamique concurrentielle particulièrement vertueuse.
Mon objectif est de donner à l'ART la panoplie complète des instruments d'une régulation plus efficace du secteur sur l'ensemble du territoire.
La loi transposant le « paquet télécom » a paru le 9 juillet dernier. Je me suis engagé à ce que les décrets d'applications soient pris avant la fin de l'année 2004. Cet engagement est tenu. Le décret sur le contrôle des opérateurs puissants, qui comporte tous les instruments d'une régulation efficace du secteur a été publié.
Le quatrième axe concerne l'adaptation du tissu industriel aux mutations en cours.
La priorité à l'accompagnement des mutations industrielles est clairement affirmée dans le projet de budget pour 2005. Les crédits d'intervention du ministère de l'industrie destinés aux restructurations, à la reconversion des salariés, à la réindustrialisation des bassins d'emplois et à la gestion de l'arrêt de l'extraction charbonnière sont en progression de 8,68 %.
Un nouveau dispositif de conversion, qui comporte un appel au financement bancaire, une garantie publique par la SOFARIS et le recours à un prestataire de conseil ayant un mandat limité dans le temps, sous forme de délégation de service public, a été mis en place. Ce dispositif est actuellement appliqué en Basse-Normandie pour Moulinex et dans le Nord-Pas-de-Calais pour Metaleurop.
L'augmentation des moyens consacrés à la sécurité et à la gestion de sites miniers en reconversion s'accompagnera de la modernisation de la garantie apportée par l'Etat aux droits sociaux des mineurs. La fin programmée des exploitants miniers publics, notamment du premier d'entre eux, Charbonnages de France, qui cessera toute activité à la fin de l'année 2007, nécessite que soit accélérée la mise en place du dispositif de l'après-mines dans tous ses aspects. La mise en oeuvre de ce dispositif sera poursuivie à un rythme soutenu durant l'année 2005. Nous avons largement débattu de cette importante question au Sénat le 24 novembre dernier.
Le cinquième axe concerne la modernisation de l'intervention de l'Etat.
Le projet de budget pour 2005 porte aussi la marque de la réforme budgétaire engagée par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Mon ministère s'est engagé dans un véritable mouvement de réforme de l'Etat.
Premièrement, la gestion des contrôles de véhicules est en cours d'externalisation. L'appel d'offres lancé au mois de juin 2004 a été un succès. Cette opération devrait se traduire pour l'Etat par une recette de 53,8 millions d'euros. Elle témoigne de l'évolution des missions du ministère qui se recentre sur son rôle de régulateur et de normalisateur.
Deuxièmement, le Gouvernement a engagé une réforme de l'administration en régions en regroupant les services par pôles. Les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, seront intégrées aux pôles économiques, mais elles participeront à une expérimentation de rapprochement avec les directions régionales de l'environnement, les DIREN, au sein des pôles environnement.
Les DRIRE ont vocation à être les interlocuteurs privilégiés des entreprises industrielles de toute nature, qu'il s'agisse des contrôles réglementaires ou de leur développement. Leur double rattachement aux activités économiques et aux activités de contrôle de l'environnement consacre leur double mission, car elles sont l'essentiel de la culture industrielle à l'échelon local.
Troisièmement, enfin, l'Etat a engagé l'évolution en profondeur des grands opérateurs publics dont il a la tutelle.
L'évolution du statut d'EDF et de GDF constitue une étape majeure pour le développement de ces entreprises et la clarification du rôle de l'Etat, qui n'avait pas vocation à y rester actionnaire exclusif. Il en va de même de France Télécom, où l'Etat a réduit sa participation en dessous du seuil de 50 %.
La modernisation de La Poste est en cours. Elle a fait l'objet d'un débat approfondi dans cet hémicycle. M. Hérisson l'a décrite dans son rapport et vient d'en parler avec beaucoup de justesse. Je veux cependant y revenir brièvement.
Les principaux sujets stratégiques de La Poste s'inscrivent désormais dans le cadre du contrat de plan qui a été signé en janvier 2004 et qui comporte plusieurs dispositions ayant un impact budgétaire.
Ainsi, La Poste pourra bénéficier à compter de 2006 de l'exonération de charges sociales sur les bas salaires qui lui avait été refusée initialement par la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
Cette mesure a un coût budgétaire non négligeable puisqu'il est de l'ordre de 230 millions d'euros. Je crois cependant qu'il s'agit d'un progrès important dont nous pouvons nous féliciter et dont nous aurons certainement l'occasion de reparler lors de la discussion du budget de 2006.
Le contrat de plan reconduit également le dispositif de compensation relatif aux retraites des employés fonctionnaires de La Poste, en définissant une méthode pour parvenir à une solution plus complète.
Après dix-huit mois de travaux intenses, la mission confiée à M. Henri Paul sur le transport de la presse par La Poste a permis d'aboutir à la signature en juillet 2004 d'un accord couvrant la période 2005-2008.
Le secteur de la presse continue ainsi à bénéficier, de la part de La Poste, de tarifs préférentiels pour son transport et sa distribution. La presse peut en conséquence développer sa diffusion par une politique d'abonnements à un coût raisonnable pour le public, en bénéficiant de prestations relevant du service universel postal adaptées à ses besoins et fournies avec une bonne qualité de service.
Le projet de loi sur la régulation des activités postales dont vous avez débattu, mesdames, messieurs les sénateurs, tend à transposer la directive européenne de mai 2002, ce que seule la France n'a pas fait à ce jour. Il complète aussi la transposition de la directive de 1997 en créant un régulateur postal français indépendant, dont l'absence a justifié l'avis motivé adressé à La France par la Commission.
Le retard français dans la transposition des « directives postales » a conduit la Commission européenne à annoncer son intention de saisir la Cour de justice : il y a donc urgence.
Plus largement, l'ouverture progressive des marchés du courrier rend nécessaire une modernisation de la législation française en créant un cadre d'exercice pour les acteurs du secteur postal et en instituant un régulateur indépendant. Cette orientation est déjà mise en oeuvre dans de nombreux pays européens.
Le débat politique actuel sur la présence territoriale de La Poste conforte la priorité que le Gouvernement entend donner à la modernisation du secteur postal. L'Assemblée nationale examinera ce projet de loi en première lecture dès janvier.
Comme vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget pour 2005 du ministère de l'industrie est un budget plus économe, car il tire profit des gains de réformes en profondeur et des simplifications en cours, mais il est aussi résolument offensif.
Il est tourné vers l'avenir, et l'avenir, pour toutes nos entreprises, c'est la globalisation des échanges et la bataille pour la compétitivité. Face à ce défi majeur, le soutien de l'Etat en matière industrielle doit se recentrer sur l'essentiel.
C'est le but de ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même à la fin de l'examen des crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
État B
Titre III : 46 835 662 €.
M. Yves Coquelle. Au coeur de cet été, le Gouvernement a transformé les établissements publics à caractère industriel et commercial Gaz de France et Electricité de France en sociétés anonymes.
Mon groupe s'est radicalement et fermement opposé à ce qu'il considérait comme la première étape vers la privatisation de ces deux EPIC et l'abandon des missions de service public.
Nos inquiétudes portaient notamment sur les hausses prévisibles des tarifs du gaz et de l'électricité pour les usagers domestiques. Or nous observons que les directions des nouvelles sociétés anonymes ont fait pression pour obtenir de sensibles hausses de prix.
Face au mécontentement, après de multiples tergiversations, le Gouvernement a finalement décidé d'augmenter de 3,8 % le prix du gaz mais en renonçant à l'augmentation de 3 % prévue pour l'électricité.
Une telle augmentation était-elle justifiée ? Le Gouvernement a beau jeu d'invoquer comme argument l'indexation des cours du gaz sur ceux du pétrole, mais je continue de penser que cette augmentation est le résultat de la libéralisation et de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie, lesquelles portent atteinte aux exigences mêmes de notre service public en matière de politique tarifaire.
Doit-on rappeler que l'article 1er de la loi votée cet été prévoit la création d'un contrat de service public qui porte, entre autres choses, sur l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz ?
Cela suppose un minimum de transparence en matière de fixation des tarifs régulés pour les usagers. Ce n'est manifestement pas le cas. Bien au contraire, c'est le règne de l'opacité la plus totale !
A qui profite donc cette opacité en matière tarifaire ? Le président de Gaz de France avait souhaité que la hausse tarifaire se situe entre 7,5 % et 17,5 %. La Commission de régulation de l'énergie proposait une hausse de 10,4 %, hausse suffisante à ses yeux pour attirer de nouveaux entrants, au taux du marché à court terme.
Quid du service public ? Quid de la maîtrise publique des tarifs d'entreprises encore publiques à 100 % ?
Depuis des mois, les organisations syndicales, la CGT en particulier, exigent plus de transparence quant aux mécanismes qui interviennent dans la fixation des tarifs du gaz. Les administrateurs CGT de Gaz de France réclament en vain la formule tarifaire utilisée par Gaz de France afin de disposer des éléments qui justifieraient les augmentations de tarifs.
Doit-on rappeler qu'en 2002 et en 2003 les tarifs destinés aux usagers domestiques avaient permis de dégager une hausse de la marge brute de près de l milliard d'euros ? Une telle hausse aurait dû être rétrocédée sous forme de baisse des tarifs du gaz. La CGT avait demandé pour 2003 une diminution de 15 %, diminution légitime au bénéfice des usagers.
Aujourd'hui, malgré la hausse actuelle des coûts d'approvisionnement, un gel des tarifs du gaz est non seulement possible mais aussi tout à fait légitime au vu des marges excessives engrangées ces dernières années. Il ne mettrait pas en danger les comptes de l'entreprise.
Les actuelles demandes d'augmentation semblent plus destinées à offrir des garanties aux nouveaux entrants potentiels qu'à répondre à de réelles exigences en matière de coûts. Le manque de transparence ne nous permet toutefois pas d'en juger véritablement.
Hausses des tarifs, coupures d'électricité et de gaz pour les foyers les plus modestes qui n'arrivent plus à payer leurs factures, telles sont quelques-unes des dramatiques conséquences de la libéralisation du secteur de l'énergie.
Nous refusons de cautionner une telle politique et réclamons la transparence sur les règles tarifaires en matière d'électricité et de gaz.
L'Etat abandonne progressivement sa politique tarifaire et d'autres objectifs des missions de service public. A cet égard, le non-respect des objectifs inscrits au contrat « Etat-entreprise » pour 2001-2003 est significatif. En sera-t-il de même pour le nouveau contrat de service public 2004-2007, prévu par la loi votée l'été dernier et actuellement en cours de négociation ?
La soumission des grandes entreprises publiques aux critères de gestion du privé relève d'un choix politique et idéologique, choix qui se traduit par l'abandon progressif de la maîtrise publique tarifaire au profit d'autorités de régulation, généralement plus soucieuses de l'intérêt du marché que de celui des usagers, comme on a pu l'observer dans le secteur des télécommunications.
Je continue de penser que de tels choix ne constituent pas la réponse appropriée aux besoins des usagers et de notre industrie. Ils contribuent au contraire à la casse de notre service public et anticipent la privatisation de EDF et de GDF.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen réclame une réappropriation publique de la maîtrise tarifaire et, condition sine qua non de sa mise en oeuvre, que la priorité soit donnée à un large maintien du capital public de EDF et de Gaz de France.
Il s'agit, mes chers collègues, de préserver notre politique énergétique et industrielle au service de l'intérêt général de notre pays !
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : moins 842 736 234 €.
La parole est à Mme Hélène Luc, sur les crédits du titre IV.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, un dossier très étroitement lié au sujet qui nous occupe me tient particulièrement à coeur : la délocalisation programmée de la FACOM, entreprise célèbre pour la qualité de l'outillage, notamment des clés plates, qu'elle produit à Villeneuve-le-Roi.
Alors qu'aujourd'hui nous examinons les crédits du ministère de l'industrie, une conférence de presse organisée par le groupe CRC et les salariés de la FACOM s'est tenue ce matin au Sénat.
Les salariés, et tous leurs syndicats unis, n'acceptent ni la fermeture du site de Villeneuve-Saint-Georges et la suppression de 247 emplois, ni la fin - puisqu'elle serait délocalisée à Taïwan - de cette industrie.
Ils sont soutenus par les sénateurs communistes, mes amis Jean-François Voguet et Bernard Vera, mais ils le sont également, unanimement, par le conseil général du Val-de-Marne et par son président, M. Favier, par le président du conseil régional d'Ile-de-France, M. Huchon, ainsi que par le maire de Villeneuve-le-Roi, qui appartient à votre majorité, monsieur le ministre et monsieur le président de la commission des finances, et par les députés de Villeneuve-Saint-Georges et d'Ivry-sur-Seine.
Les salariés et leurs experts désignés par le comité d'entreprise, utilisant le droit d'alerte des salariés - nous avons donc bien fait de nous battre pour le conserver ! - font des propositions en vue de diversifier la production et de développer cette entreprise moderne, qui produit 24 000 clés par jour et pourrait en produire 42 000.
Monsieur le ministre, je vous invite à venir un jour prochain à Villeneuve-Saint-Georges pour discuter avec ces salariés.
Une centaine d'entre eux étaient ce matin devant le Sénat. Ils m'ont remis cette clé (L'orateur présente une clé plate) pour vous la montrer, mais je suis sûre que vous en avez déjà vu de semblable, car, certainement, vous êtes un bricoleur du dimanche,...
Mme Hélène Luc. ...comme nombre d'hommes, mais aussi de femmes. Les salariés de la FACOM ont d'ailleurs inventé une clé qui, justement, permet aux femmes, qui ont peut-être un peu moins de force dans les bras, de faire des choses qu'elles ne pouvaient faire auparavant.
Si vous saviez comment ces salariés sont fiers de leur travail et de leur entreprise,...
Mme Hélène Luc. ...contrairement à ce que prétend M. Seillière, qui, l'autre soir à la télévision, disait qu'il y avait une coupure entre les salariés et leur entreprise. Je m'inscris en faux contre cette assertion.
Nous avons obtenu que plusieurs tables rondes soient organisées à la préfecture, avec le préfet du Val-de-Marne, la représentante de M. Sarkozy, la direction de l'entreprise, le directeur de l'emploi, les élus du conseil régional et du conseil général, ainsi que le maire de Villeneuve-le-Roi.
Le directeur de l'entreprise persiste à faire peser sur les salariés de Villeneuve-le-Roi la responsabilité des difficultés financières, qui proviennent pourtant d'une mauvaise gestion depuis l'arrivée du groupe FIMALAC.
Je précise que la région et le département se sentent parties prenantes, mais c'est tout de suite que l'entreprise a besoin d'aide et c'est donc tout de suite qu'il faut prendre les décisions nécessaires pour permettre son développement.
Vous avez d'ailleurs souligné, monsieur le ministre, l'importance de la recherche dans les nouveaux pôles de développement. Qui ne pourrait être d'accord ?
M. Sarkozy avait pris l'engagement de nous recevoir dans sa réponse à une question orale que je lui avais adressée. Malheureusement, cet engagement n'a pas été tenu. M. Sarkozy avait pourtant annoncé sa volonté politique de faire reculer les délocalisations !
Je vous propose, monsieur le ministre, de recevoir quant à vous très rapidement la délégation des salariés de la FACOM et de prendre à bras-le-corps ce dossier.
Je m'adresse aussi à vous, monsieur le président de la commission des finances, car, si mes souvenirs sont exacts, vous êtes l'auteur d'un rapport dans lequel vous donniez, il y a quelques années déjà, l'alerte sur le danger des délocalisations.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est exact, et c'était il y a onze ans.
Mme Hélène Luc. Déjà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Hélène Luc. Et c'est bien ce qui se passe : dans la seule région parisienne, une trentaine d'entreprises sont menacées !
Pour l'avenir, il faut bien sûr prévoir des pôles de développement et d'innovation, mais il faut aussi dès aujourd'hui empêcher les délocalisations qui sont en train de se produire et donc aider les entreprises concernées.
Comme vient de le dire M. Coquelle, nous sommes quant à nous décidés à accompagner jusqu'au bout les salariés de ces entreprises, notamment ceux de la FACOM, pour les aider à sauver leurs emplois et à sauver l'emploi industriel en France.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Madame Luc, j'assume bien volontiers les engagements qu'a pris Nicolas Sarkozy et qu'il m'a d'ailleurs transmis.
Peut-être n'a-t-il pas eu le temps de vous recevoir ; il a néanmoins eu le temps de s'occuper du dossier puisque, sur son intervention, les propositions de reclassement, qui étaient au nombre de 90, sont passées à 131.
En réalité, si l'on ajoute ces chiffres à ceux de l'entreprise externe chargée du reclassement, ce sont 261 offres de reclassement qui sont proposées, contre 243 suppressions d'emploi.
Mme Hélène Luc. Oui, mais ce n'est pas cela que veulent les salariés !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je connais ce dossier, je le suis et j'en parlerai volontiers avec vous.
La FACOM est une entreprise qui produit de très beaux outils. Les ouvriers ont raison d'être fiers de ce qu'ils fabriquent.
Mais cette entreprise, qui emploie en France 2 000 personnes dans neuf usines, n'a pas encore quitté notre pays. Le problème est donc ponctuel ; nous nous attachons à le résoudre et je vous rappelle que les offres de reclassement sont supérieures aux suppressions d'emploi.
Mme Hélène Luc. On en discutera !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ai bien entendu les propos de Mme Luc. Comme elle, je pense à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui se demandent s'ils vont pouvoir conserver leur emploi.
Cette question va occuper une large place dans les débats politiques des mois et des années à venir.
J'invite Mme Luc et son groupe à réfléchir à ce sujet des délocalisations en sachant que l'économie s'est aujourd'hui globalisée sur le plan européen et sur le plan mondial - qu'on le veuille ou non, c'est ainsi - et que nous devons tous être extrêmement attentifs à ce qui met en difficulté la compétitivité de nos entreprises, où qu'elles soit implantées.
On a cru très longtemps qu'on pouvait « tirer sur le grand capital », comme on dit ! Cette idée est commode pour les discours et pour la rhétorique politique mais, sur le plan pratique, elle est nulle !
Demandons-nous, en revanche, ce qui nuit à la compétitivité : les impôts de production et les lois sociales qui gèlent la situation et bloquent les possibilités d'emploi. C'est ce que je me suis efforcé de dire une nouvelle fois à la tribune tout à l'heure. Il va falloir trancher, je vous l'assure !
Mme Hélène Luc. Mais pas dans ce sens !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sinon nous serons suspectés, par ceux qui nous mandatent, de ne pas être conséquents.
Madame Luc, tous les amendements que votre groupe a déposés sur le projet de loi de finances instituent des charges supplémentaires sur les entreprises. Vous êtes ainsi en contradiction totale avec les intérêts de la FACOM, dont vous menacez les chances de réussite et de préservation de l'emploi.
Il faut sortir d'une idéologie passée qui nous marque, les uns et les autres, pour regarder devant nous et faire ainsi de la France le pays le plus compétitif, et donc celui qui est le plus à même d'assurer le plein emploi et la cohésion sociale.
Mme Hélène Luc. La FACOM est malade de sa mauvaise gestion !
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
éTAT C
Titre V. - Autorisations de programme : 421 588 000 € ;
Crédits de paiement : 96 073 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 554 628 000 € ;
Crédits de paiement : 1 139 644 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
commerce extérieur
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le commerce extérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme il est de tradition lorsque l'on parle du commerce extérieur, qui est un thème relativement consensuel entre nous, je commencerai ma présentation par une bref tableau de la situation internationale et de la position française au regard des derniers chiffres connus, avant de commenter les grandes évolution du budget proprement dit.
L'originalité de l'année consistera en un commentaire des indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui ont pu nous être transmis.
Quelle est la situation du commerce extérieur français ?
Il convient tout d'abord de replacer son évolution dans un contexte plus large. Plusieurs éléments peuvent le caractériser, qui sont d'une grande importance. Ainsi, l'année 2004 a été marquée par un retour limité de la croissance, mais nous ignorons si elle se poursuivra. En effet, la hausse continue des prix du pétrole, les incertitudes géopolitiques ou bien les craintes suscitées par l'élargissement de l'Union européenne sont autant de facteurs qui pourraient, le moment venu, handicaper une croissance qui reste fragile.
Au niveau des négociations internationales, deux faits doivent être rappelés.
D'abord, l'échec du sommet de Cancun, qui a révélé de graves divergences entre les différents partenaires. La déclaration interministérielle qui a conclu les débats, réaffirmant la détermination des membres à achever les négociations au 1er janvier 2005, ne doit pas dissimuler les incertitudes qui pèsent sur cette forme de multilatéralisme. Si un accord-cadre a pu être négocié le 31 juillet 2004, il ne préjuge en rien le contenu de l'accord final et il n'est pas certain que l'échéancier puisse être tenu.
Ensuite, les différends commerciaux entre l'Europe et les Etats-Unis semblent plus exacerbés que jamais. Le rapporteur spécial des crédits de l'aviation civile, notre collègue Yvon Collin, a fait état de ses craintes quant au contentieux relatif à Airbus. Je partage naturellement son point de vue, même s'il faut faire la part des choses. On observe, en effet, une concordance troublante entre la campagne électorale américaine et les plaintes de l'administration, et il n'est absolument pas certain que Boeing ait intérêt à porter l'affaire devant l'organe de règlement des différends. Donc, sur ce point, nous devons attendre la position de la nouvelle administration Bush.
J'en viens maintenant à la position française.
En apparence, elle s'est caractérisée, au premier semestre 2004, par une hausse des exportations de 3,1 %. Cependant, les importations ayant progressé de 3,8 %, l'excédent commercial est en recul, à 1,1 milliard d'euros, alors qu'il était de 2,2 milliards d'euros au second semestre 2003. Naturellement, ce chiffre peut sembler inquiétant. Il convient toutefois de le relativiser.
Tout d'abord, une croissance des importations n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Je vous rappelle que les plus forts excédents commerciaux ont été constatés en années de crise, non pas à cause de la progression de nos exportations, mais tout simplement parce que les gens ne consommaient pas ! Donc, une partie au moins de ce tassement n'est que le reflet de la hausse, même modérée, de la consommation nationale. De plus, la part de marché mondial de la France reste stable, en termes tant absolus que relatifs.
Cependant, je voudrais, dans le temps qui m'est imparti, consacrer quelques développements à deux points qui me paraissent importants : les déséquilibres régionaux de nos échanges et la place des PME.
De manière optimale, la structure géographique de nos échanges devrait correspondre aux grandes tendances observées dans le monde. Or, on constate qu'ils sont toujours très nettement déséquilibrés en faveur de nos partenaires de l'Union européenne, avec 66 % du total.
De plus, alors que nos échanges avec l'Amérique latine et l'Afrique restent stables, ils ont tendance à reculer avec l'Asie émergente, notamment en raison de la crise monétaire violente de la fin des années quatre-vingt-dix.
Je ne citerai qu'un seul chiffre : l'Europe occidentale, le Proche-Orient et le Moyen-Orient représentent 45 % du commerce mondial, mais absorbent 75 % de nos échanges.
Pour ce qui est de la part des PME dans le commerce français, selon les dernières données disponibles, en 2002, sur 2,4 millions de PME, seules 115 000 ont participé aux échanges extérieurs, soit 5 %. Il y a donc une dissociation entre la réalité de l'économie française, composée essentiellement de PME, et la structure des exportations, majoritairement dominées par les grands groupes qui obtiennent, il est vrai, des résultats remarquables. A titre de comparaison, en Allemagne, 18 % des PME exportent.
Ces deux éléments - déséquilibre des échanges et place des PME - appellent des politiques volontaristes. C'est le sens de l'action lancée par le Gouvernement, qui doit s'inscrire sur le long terme, prévoyant des plans particuliers pour vingt-cinq pays cibles et une accessibilité plus grande des PME au réseau de la DREE, la direction des relations économiques extérieures, via notamment les directions régionales du commerce extérieur. Les régions devraient d'ailleurs recevoir prochainement des compétences plus larges en matière de promotion de leur territoire à l'international ; je crois que c'est une bonne chose.
Mais, plus que jamais, nous avons besoin d'actions concrètes. A titre d'exemple, je me permets de vous rappeler le contrôle sur la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA, que j'ai mené cette année avec mon collègue Joël Bourdin. Il s'agit là manifestement d'un bel instrument au profit du monde agricole, et il serait réellement dommage de ne pas en conserver en partie la maîtrise. Cependant, comme nous avons pu le montrer - et je pense que ce constat vaut pour le commerce extérieur - cela nécessite une vision claire et à long terme, ainsi qu'un vrai courage politique.
Il convient, dans ce contexte, de rappeler l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de la conférence de l'exportation, le 25 octobre dernier. L'ancien ministre d'Etat s'est montré déterminé à soutenir l'effort des entreprises françaises par le biais de plusieurs mesures, dont deux méritent d'être rappelées, même si elles ne concernent pas directement les crédits du commerce extérieur : un crédit d'impôt export pour les PME et un contrat emploi-export, sur le modèle des contrats de chantier. Nous jugerons de l'efficacité de ces mesures, mais il est évidemment positif que l'exportation mobilise les acteurs publics et privés.
Sur l'ensemble de ces thèmes, je souhaiterais que M. le ministre puisse nous donner son sentiment et qu'il nous précise le cadre que le Gouvernement se fixe afin d'améliorer de manière significative la position française au niveau international, partant du principe que, quelle que soit notre sensibilité politique, nous ne pouvons que souhaiter que la France demeure le grand pays exportateur qu'elle est depuis longtemps.
J'en viens, mes chers collègues, à la présentation des grandes lignes du projet de budget pour 2005.
Les crédits sont en nette baisse par rapport à 2004, puisqu'ils diminuent de 6,19 %. A cet égard, deux éléments doivent être soulignés.
D'une part, des efforts importants ont été mis en oeuvre par la direction des relations économiques extérieures, afin de rationaliser son réseau et de fermer certaines implantations. Il devrait ainsi être possible de financer les projets destinés aux « pays prioritaires ».
D'autre part, je vois dans cette réduction des crédits les effets très positifs de la contractualisation. Depuis plusieurs années déjà, la DREE et la direction du budget signent des « contrats de performance ». Sans entrer dans le détail, des objectifs qualitatifs et quantitatifs sont fixés de part et d'autre, et des évaluations sont réalisées annuellement.
On peut remarquer qu'il s'agit d'une préfiguration de la LOLF et que les méthodes employées pour ces contrats ont été utilisées pour l'ensemble des ministères. L'année dernière, je déplorais que le contrat n'ait pas été signé. De fait, il l'a bien été, la veille de l'examen du budget au Sénat ! On peut donc voir dans cette reconduction un élément extrêmement positif.
L'évolution des crédits appelle finalement peu de remarques. La réorganisation d'UbiFrance, fusionné avec le Centre français du commerce extérieur et dont une partie est délocalisée à Marseille, génère des économies de l'ordre de 5 millions d'euros.
En ce qui concerne la mise en place de la LOLF, l'actuel budget du commerce extérieur est éclaté en cinq missions différentes. Par souci de clarté, je ne présenterai que deux d'entre elles, les trois autres étant en fait assez éloignées des objectifs du commerce extérieur puisqu'elles concernent surtout l'aide au développement.
La mission « stratégie économique et pilotage des finances publiques » regroupe l'essentiel des crédits de l'administration centrale du ministère des finances, dont ceux de la DREE. On peut cependant isoler cette direction dans l'objectif n° 4, qui concerne « la prise en compte des intérêts économiques de la France ».
Il convient de remarquer que l'indicateur associé ne peut mesurer pleinement l'efficacité d'une action qui dépend de nombreux paramètres - attitude de nos principaux partenaires, importance des enjeux, etc. En conséquence, l'indicateur choisi est avant tout qualitatif. Il consiste à fixer annuellement des objectifs prioritaires de négociation et à évaluer sur cette base l'efficacité sur une échelle de zéro - objectif non atteint - à trois - objectif atteint -.
Pour l'année 2005, cinq négociations ont été choisies : l'amélioration des positions françaises dans la détermination des positions communautaires ; l'Organisation mondiale du commerce et la suite de la conférence ministérielle de Doha ; la poursuite des accords régionaux ; la promotion de la diversité culturelle, notamment dans le cadre de l'UNESCO ; enfin, les contentieux commerciaux transatlantiques.
Il convient de remarquer que la détermination des objectifs reste largement à l'appréciation du Gouvernement. Une information préalable du Parlement serait bienvenue, notamment destinée aux rapporteurs spéciaux et pour avis des commissions concernées.
La mission « développement et régulation économique » comprend un programme « développement des entreprises » qui vise à « faciliter le développement d'un tissu économique structurant pour les territoires et générateur d'emplois, tout en contribuant à la répartition équilibrée des activités sur le territoire ».
L'action n° 7 du programme « développement international de l'économie française » comprend la totalité des crédits des missions économiques à l'étranger et des directions régionales du commerce extérieur, les DRCE, tant en personnels qu'en fonctionnement et en immobilier, ainsi que les crédits d'intervention en faveur d'UbiFrance, de l'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, des expositions universelles, des contrats de plan Etat-régions mis en oeuvre par les DRCE. Il s'agit donc de la partie la plus importante du commerce extérieur.
L'action comprend deux finalités : le développement international des entreprises françaises par l'information, la mise en relation et la promotion, ainsi que l'implantation de sociétés étrangères par la mise en valeur du territoire national.
A ces deux finalités, on peut associer deux indicateurs.
L'indicateur n° 1 mesure le nombre d'entreprises clientes du réseau international de la DREE. Il prend donc pour données la base SIRET pour les entités françaises ou l'identifiant unique Athéna pour les entités à l'étranger. La mesure est de périodicité mensuelle.
Le choix de cet indicateur paraît pertinent. En effet, le fait pour une entreprise d'accéder au réseau payant de la DREE est la reconnaissance de l'efficacité de ses missions. Cela étant posé, l'indicateur pourrait être affiné en fonction de la taille de l'entreprise, ce qui permettrait de distinguer les efforts consentis en faveur des petites entreprises ou de déterminer si les plus grands groupes - qui, compte tenu de la structure du tissu économique français, représentent la majorité de nos exportations - utilisent aussi les services de la DREE.
De même, il n'est pas prévu d'associer à cet indicateur le taux de satisfaction des entreprises ; j'estime qu'il devrait également en être tenu compte.
Enfin, l'indicateur ne mesure pas les clients pour les opérations collectives à l'étranger, notamment les actions menées par UbiFrance, ce qui est regrettable puisqu'il s'agit précisément de la vocation de cette société.
Cet indicateur gagnerait donc à être affiné et enrichi.
Sous cette réserve, les indicateurs choisis me semblent permettre de manière relativement satisfaisante de déterminer la contribution de la DREE à la conduite de la politique commerciale de la France. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de la dernière décennie, l'insertion de la France dans les échanges internationaux s'est caractérisée par un solde commercial excédentaire et en forte hausse. Mais, en 2003, le solde commercial français a accusé un net recul : il s'est réduit de 4 milliards d'euros. Et, sur les neuf premiers mois de 2004, la France a même enregistré un déficit de 3,3 milliards d'euros.
On invoquera l'atonie de la demande mondiale, bien sûr, la faible croissance européenne, ainsi que l'appréciation de l'euro face au dollar, qui a effectivement fait perdre à nos exportateurs une partie des gains de compétitivité acquis dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix.
Face à cette perte de compétitivité, et pour soutenir les exportations, quelle action le Gouvernement a-t-il entrepris ?
Depuis deux ans, monsieur le ministre, vous avez redynamisé la politique de soutien public à l'export.
Tout d'abord, vous avez pris soin d'orienter notre dispositif dans une visée stratégique : nous échangeons insuffisamment avec les zones en forte croissance et, si rien n'était fait, la part de marché de la France dans le commerce mondial serait ramenée de 5,1 % en 2003 à 4,6 % en 2012. Comment la France pourrait-elle continuer à exporter autant en Autriche qu'en Chine, et seulement deux fois plus en Inde qu'à Malte ?
Vingt-cinq pays ont donc été identifiés comme cibles, en fonction de la taille de leur marché, de leur dynamisme et de l'insuffisante présence française, et ce, sans occulter nos priorités diplomatiques ; je pense au Maghreb. Pour chacun de ces pays, un plan d'action commerciale a été finalisé.
Au niveau sectoriel, la France n'est pas si mal placée, mais elle reste trop absente sur les secteurs les plus dynamiques. C'est pourquoi vous avez entrepris d'élaborer des plans d'action sectoriels pour développer nos exportations de produits de haute technologie et à fort contenu en innovation.
En complément, le Gouvernement entend donner un nouveau souffle au dispositif de soutien à nos entreprises exportatrices. Il s'agit de conforter les 110 000 PME exportatrices - dont la moitié sont occasionnelles - , mais aussi d'amener à l'export, d'ici à cinq ans, 50 000 nouvelles PME, ce qui rapprocherait la performance de la France de celle de ses voisins allemands et italiens.
Monsieur le ministre, vous avez déjà fait beaucoup : l'Agence UbiFrance est devenue le guichet national unique d'information et de promotion, le nombre de salons professionnels à l'étranger a déjà doublé et celui des volontaires internationaux en entreprise, les VIE, s'accroît sensiblement.
Vous avez dynamisé divers partenariats, notamment avec les conseillers du commerce extérieur, ou avec des réseaux bancaires, pour diffuser auprès des PME les produits publics d'accompagnement à l'export.
Enfin, à la suite du rapport de M. Paul-Henry Ravier, le Gouvernement compte mieux adapter aux besoins des entreprises, notamment petites, les garanties financières que l'Etat propose pour maîtriser les risques liés à l'internationalisation.
Surtout, avec l'appui du Président de la République, vous nous proposez deux mesures importantes pour soutenir l'emploi tourné vers l'export.
La première concerne un crédit d'impôt associé à tout recrutement de salarié pour la fonction export, dont le Sénat a opportunément porté le montant à 40 000 euros par entreprise et à 80 000 euros pour un groupement d'entreprises.
La seconde consiste en la création d'un nouveau contrat-export afin d'inciter les entreprises à recruter des cadres à l'exportation pour des durées limitées inconnues à l'avance. Nous l'examinerons attentivement.
Je conclurai en évoquant deux pistes prometteuses : d'une part, les expérimentations à venir en région qu'autorise la loi de décentralisation d'août dernier, qui offrent l'occasion de faire converger nos actions de soutien à l'export et de les rendre plus lisibles pour les entreprises ; d'autre part, l'éventuelle refonte du financement de la protection sociale, assis aujourd'hui sur les cotisations sociales et demain, peut-être, sur une TVA de compétitivité, comme l'a suggéré notre commission dans son récent rapport sur les délocalisations.
La TVA de compétitivité frapperait aussi bien les biens importés que les biens nationaux, qui gagneraient ainsi en compétitivité relative. En outre, les biens que nos entreprises exportent n'auraient pas à supporter cette taxe et se trouveraient donc plus compétitifs sur les marchés mondiaux. Je me réjouis que sa mise à l'étude ait été annoncée par Nicolas Sarkozy, voilà quelques jours.
Le projet de budget qui nous est soumis, à hauteur de 423,44 millions d'euros, permettra de servir l'ambitieuse politique que vous menez, monsieur le ministre. J'insiste sur la juste contrepartie de cet effort : le réseau de la direction des relations économiques extérieures, la DREE, ne doit pas subir de régulation budgétaire.
Je dirai un mot, enfin, de la présentation du prochain budget : son éclatement en cinq missions différentes n'est pas sans m'inquiéter s'agissant de la visibilité de votre action, mais je regrette surtout qu'aucun indicateur ne soit envisagé pour mesurer l'efficacité économique de l'action menée. Pourquoi ne pas continuer à mesurer, par exemple, l'effet de levier économique de l'assurance prospection en rapportant les exportations aux indemnités ? Cela permettrait de visualiser l'efficacité d'un tel outil pour l'accroissement des exportations des PME.
Car tel est bien pour moi, monsieur le ministre, l'enjeu de ce budget, sur lequel la commission des affaires économiques et du Plan a donné un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
- Groupe Union pour un mouvement populaire, 12 minutes ;
- Groupe socialiste, 7 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
- Groupe Communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
- Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on examine les crédits du commerce extérieur au sens strict figurant au budget des services financiers, nous sommes évidemment en présence de sommes relativement faibles, sans commune mesure avec les enjeux que recouvrent nos échanges internationaux.
En effet, pour 2005, compte tenu d'une transformation de postes de contractuels en postes de titulaires - à ce propos, les mêmes personnes occuperont-elles les mêmes postes ? -, les dépenses de l'agrégat « commerce extérieur » sont en diminution, passant d'un peu moins de 264 millions d'euros à un peu moins de 256 millions d'euros.
Cela se traduit, par exemple, par la mise en place, en 2005, au sein de la structure UbiFrance, créée pour regrouper les moyens de piloter le soutien à l'export des petites et moyennes entreprises, d'un plan social associé à la délocalisation à Marseille de ses activités et impliquant une réduction des effectifs.
En fait, pour s'en tenir à l'analyse des orientations politiques en matière de commerce extérieur, tout laisse à penser - notamment les dispositions de la première partie du projet de loi de finances - que l'on va désormais privilégier le crédit d'impôt et la dépense fiscale en faveur des entreprises désireuses de développer leur activité à l'export, au détriment de la dépense budgétaire directe, consistant par exemple à développer le service des relations économiques extérieures.
On notera que cette politique vise concrètement les PME, ce qui ne peut manquer de nous faire penser que le soutien à l'export va désormais être un peu plus segmenté qu'il ne l'était par le passé.
Aux grands groupes et aux grandes entreprises à visée stratégique - je pense aux sociétés spécialisées dans la production et la vente de matériels militaires, de matériels de transport ferroviaire ou de turbines de production électrique - sera accordé le soutien direct immédiat avec les crédits de bonification de la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE.
Aux petites et moyennes entreprises sera réservé un soutien par la dépense fiscale, autrement dit non immédiat, accordé « au petit bonheur la chance » en fonction de leur capacité à proposer un ou des produits innovants sur les nouveaux marchés à conquérir.
L'autre aspect de la politique mise en place est évidemment celui du ciblage des pays vers lesquels nous allons produire un effort particulier.
Outre un certain nombre de nos partenaires européens, avec lesquels, globalement, nous continuons d'éprouver des difficultés à l'export, les cibles concernent également les pays d'Amérique du Nord, le Japon, les pays du Maghreb et certains des grands pays émergents, la Chine constituant de ce point de vue le meilleur exemple.
Un tel ciblage pose question.
On peut comprendre la volonté de gagner des parts de marché dans le commerce mondial quand notre excédent est en baisse et notre part globale dans les échanges commerciaux internationaux en déclin, mais on ne peut oublier qu'il faudrait peut- être attendre de la France autre chose, notamment qu'elle contribue, autant que faire se peut, à résoudre, par ses interventions et son rôle sur le plan international, une partie des inégalités liées à l'organisation des échanges internationaux.
La France peut et doit porter plus encore la coopération économique internationale et favoriser l'émergence d'un commerce international plus vertueux et plus équitable.
Mais nous sommes aussi préoccupés par le fait que ce ciblage prioritaire peut conduire, au-delà de la conquête des parts de marché et des transferts de technologie, au transfert pur et simple, à terme, des activités par délocalisation.
Deux autres questions essentielles pèsent dans le débat cette année.
La première est celle du renchérissement de l'euro, qui risque fort de déprimer nos échanges en 2005 et de rendre les produits français, malgré toutes leurs qualités, moins compétitifs que les produits d'autres pays, et singulièrement ceux des Etats-Unis.
Une fois encore est prouvée toute la nocivité de cette logique de l'euro fort, qui risque de peser gravement sur la qualité de nos échanges.
La seconde question a trait à la fiscalité de l'exportation.
Certains esprits bien intentionnés ont, en effet, en vue de procéder à la mise en avant de la TVA sociale.
En réduisant le coût de production par abaissement des cotisations sociales normalement dues par les entreprises, on rendrait les produits français plus compétitifs à l'export,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bravo ! Quelle bonne idée !
Mme Evelyne Didier. ...étant donné que l'exonération de TVA à la sortie du territoire constitue la plus formidable incitation qui puisse se trouver pour développer les échanges internationaux.
Une telle perspective, je vous le dis tout net, doit être rejetée, de notre point de vue, bien entendu.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faudrait que nous puissions en débattre !
Mme Evelyne Didier. Elle conduirait, en effet, à une déprime du marché intérieur...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !
Mme Evelyne Didier. ...parce qu'il est fort probable que la baisse des cotisations sociales ne serait pas intégralement répercutée sur les prix...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est faux !
Mme Evelyne Didier. ... et les tirerait à la hausse sur le territoire français.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certainement pas !
Mme Evelyne Didier. C'est à voir !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Parlons-en !
Mme Evelyne Didier. De plus, elle ne serait qu'une formidable incitation pour les plus grands groupes à vocation internationale à délocaliser encore un peu plus leurs activités.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non ! Non !
Mme Evelyne Didier. Au-delà de toute autre considération, au motif de répondre à une exigence de compétitivité internationale, la TVA sociale ne serait en fin de compte qu'un cadeau fiscal et social de plus pour les entreprises à base française, mais à vocation internationale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, madame Didier ?
Mme Evelyne Didier. Je préférerais conclure, car il ne me reste plus qu'un paragraphe à exposer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'insiste pour vous répondre en cet instant, ma chère collègue !
Mme Evelyne Didier. Si vous y tenez vraiment, je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout l'intérêt de la séance publique, c'est que nous puissions débattre et introduire un peu de spontanéité dans nos échanges, faute de quoi nous resterons dans le triptyque liturgie, léthargie, litanie... (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) et nous ne donnerons pas de valeur ajoutée à ces débats budgétaires.
M. Yves Coquelle. Certains discours vous déplairaient-ils ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ma chère collègue, je souhaite que nous puissions débattre franchement de ce modèle de prélèvements obligatoires. Ce sujet était au coeur du débat ce matin.
Vous dites que la TVA sociale serait un cadeau fiscal fait aux entreprises. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Cette référence est historiquement datée ! Elle remonte à une époque où la globalisation n'existait pas !
M. Yves Coquelle. Ah oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous constatez, comme nous tous, que les délocalisations sont là. Ce matin, Hélène Luc faisait référence à un cas extrêmement précis.
Mme Evelyne Didier. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si nous maintenons des impôts sur la production, nous organisons les délocalisations. En revanche, si nous leur substituons un impôt sur les produits, alors nous mettons à parité ce qui est fabriqué en Chine, en Extrême-Orient ou ailleurs.
Mme Evelyne Didier. C'est sûrement avec cette mesure que vous allez arrêter les délocalisations !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ainsi que vous redonnerez de la compétitivité aux produits français.
Si vous taxez la production, vous aurez peut-être la satisfaction idéologique d'imposer les entreprises, mais je vous rends attentive au fait que vous serez alors complice de la délocalisation. (M. Yves Coquelle s'esclaffe.)
La problématique est bien là !
M. Aymeri de Montesquiou. Eh oui, c'est vrai !
Mme Evelyne Didier. Là, vous poussez le bouchon un peu loin, monsieur Arthuis !
M. Yves Coquelle. C'est tout de même un peu fort de café !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite que nous ayons ce débat de fond.
Si nous restons calés sur cette idée des prélèvements obligatoires, ce sera alors idéologiquement et « politiquement correct ». Mais que dirons-nous à ces hommes et à ces femmes qui se désespèrent, soit parce qu'ils sont au chômage, soit parce qu'ils craignent de perdre leur emploi ?
M. Yves Coquelle. Tout à l'heure, nous serons les responsables des délocalisations !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Alors, je vous en prie, essayons d'avoir un vrai échange sur ces questions et de sortir d'une vision quelque peu datée au plan historique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur Arthuis, il faut savoir jusqu'où vous voulez aller en termes de flexibilité et de baisse des salaires. Vous parlez d'idéologie, mais vous tenez, vous aussi, un discours complètement idéologique. C'est le vôtre. Chacun le sien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sur la flexibilité, aussi !
Mme Evelyne Didier. En tout cas, je répète qu'il faut savoir jusqu'où l'on est capable d'aller dans ce domaine, car, ne nous y trompons pas, la flexibilité s'accompagne de la paupérisation. Et l'on verra si vous parvenez à stopper les délocalisations !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ma chère collègue, je suggère que nous fassions ensemble un voyage d'étude au Danemark, où je me suis rendu récemment. (Sourires.)
M. Yves Coquelle. Oh !
M. le président. C'est l'invitation au voyage !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce pays social-démocrate affiche 50 % de prélèvements obligatoires par rapport au PIB et pratique une flexibilité totale.
M. Yves Coquelle. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il bénéficie du plein emploi, je le souligne !
M. Yves Coquelle. Ah oui ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pensez-vous qu'on licencie en éprouvant une espèce de jubilation ? Je n'y crois pas un seul instant. Si vous introduisez de la flexibilité,...
M. Yves Coquelle. Bien sûr, pour casser les conditions de travail !
Mme Evelyne Didier. Et sans état d'âme !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances....vous vous redonnez les chances d'accéder au plein emploi.
En tout état de cause, j'espère que nous aurons à nouveau ce débat.
M. le président. Laissez conclure l'orateur, monsieur le président de la commission.
Mme Evelyne Didier. Je conclurai en affirmant que la politique du commerce extérieur, telle qu'elle est définie dans le présent projet de loi de finances, ne nous convient pas, comme vous vous en doutez. Aussi, nous ne voterons pas les crédits qui lui sont affectés.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'économie mondiale est en grand bouleversement. Toutefois, les structures de notre commerce extérieur restent trop figées, alors que leur fonction est d'aider les entreprises françaises à s'adapter au marché international. La France a perdu cette année sa place de quatrième exportateur mondial au profit de la Chine. L'Allemagne a, pour sa part, ravi le premier rang mondial aux Etats-Unis.
Je proposerai trois pistes pour redéfinir l'organisation de notre commerce extérieur : envisager une nouvelle architecture, enraciner l'esprit de performance insufflé par la loi organique relative aux lois de finances et créer un pôle de prospective avec les ministères de la recherche et de l'industrie.
L'Union européenne ne peut plus être considérée comme une zone d'exportation. Souvent, des entreprises ayant recours aux services de nos missions économiques s'entendent dire qu'elles trouveraient les informations demandées sur le web.
A cet égard, je prendrai un exemple ponctuel, mais révélateur : un viticulteur français sollicitant notre mission économique à Bruxelles s'est entendu répondre par un fonctionnaire qu'il pouvait consulter les pages jaunes ! Ce fonctionnaire, de bon sens, avait raison, mais il avouait ainsi que rien ne justifiait sa présence en Belgique. De plus, les sites du ministère chargé du commerce extérieur et d'UbiFrance sont de grande qualité et procurent des informations précises, utiles et souvent suffisantes.
En 2003, les deux tiers des échanges de la France ont été réalisés avec les pays membres de l'Union européenne, mais il ne faut plus les considérer comme des exportations. Il convient d'intégrer une fois pour toutes l'idée que nous faisons partie d'un marché unique. Cela permettrait d'avoir une vue non seulement plus prospective et politique, mais aussi plus dynamique de nos échanges internationaux.
Nos vraies cibles doivent être des pays en forte croissance et au grand potentiel en raison de leur population et de leur développement. Orientons donc l'essentiel de notre force de frappe vers ces pays et luttons contre ce conservatisme qui consiste à pérenniser des structures et des postes sans prendre en compte une évolution qui s'accélèrera avec l'intensification de la mondialisation.
Ainsi, il est absurde aujourd'hui d'avoir, entre autres, quatre-vingts personnes en Allemagne et seulement soixante-dix-sept en Chine, cinquante-six en Italie et quarante-trois en Inde !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une bonne question !
M. Aymeri de Montesquiou. Certaines villes chinoises comptent plusieurs millions d'habitants, et nous en sommes totalement absents. Un redéploiement radical ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. le ministre est sensible à la notion de « radical » ! (Sourires.)
M. Aymeri de Montesquiou. ... est indispensable pour que nous ne soyons pas exclus des marchés porteurs. Désigner la Chine comme une cible à nos entreprises est, en ce sens, une excellente initiative, mais mettez en place les structures nécessaires, monsieur le ministre !
Pour améliorer la performance de la gestion publique et la culture de résultat sous-tendues par la LOLF, il faut poursuivre la rationalisation et le redéploiement des effectifs que vous avez mis en oeuvre.
Dans le même esprit de recherche de résultat, nous pourrions envisager l'instauration d'une prime pour les missions économiques les plus performantes. L'efficacité des missions économiques, qui est souvent fonction de la personnalité des responsables des postes, doit être prise en compte. Je propose qu'une partie des salaires soit liée à l'augmentation du chiffre d'affaires de chaque poste : cela satisfera les meilleurs et tirera les moins bons de leur somnolence.
Votre ministère doit prendre plus en compte son rôle stratégique. Il doit, par sa connaissance globale, donner une perspective aux entreprises, lesquelles ont souvent une vision sectorielle qui est réduite à leur activité. Elles pourraient ainsi anticiper les changements du marché pouvant s'avérer désastreux ou très prometteurs.
Cette philosophie du ministère chargé du commerce extérieur implique un lien permanent avec les ministères de la recherche et de l'industrie. Une recherche et une politique industrielle européennes auraient un effet multiplicateur, sans doute vital, si la France et l'Europe veulent rivaliser avec les deux géants, qui grandiront encore beaucoup, que sont l'Inde et la Chine.
Un élément de cette stratégie est l'accueil des étudiants étrangers des pays aux marchés porteurs. En 2003-2004, plus de 51 % des étudiants étrangers inscrits à l'université étaient originaires d'Afrique et seulement 17 % d'entre eux étaient originaires d'Asie. Je conçois l'attachement historique de la France à l'Afrique, mais un réajustement en faveur des pays d'Asie me semble impératif.
Par ailleurs, un autre élément important est celui du volontariat international en entreprise, le VIE. Il connaît toujours une très forte demande, avec environ 40 000 candidats, mais l'offre est encore insuffisante : l'an dernier, 2 198 volontaires étaient en poste à l'étranger, essentiellement dans des grands groupes, seuls 20 % d'entre eux étaient dans des PME. Des moyens incitatifs forts pour les PME intégrant ces volontaires permettraient de réduire l'écart considérable qui existe entre le nombre de PME françaises exportatrices et leurs concurrentes italiennes ou allemandes.
Avec la modernisation de la gestion publique, la simplification des procédures et la régionalisation du commerce extérieur, votre action à la tête du ministère chargé du commerce extérieur depuis maintenant trois ans va dans le bon sens.
Cependant, les échanges mondiaux vivent une révolution. Dès lors, monsieur le ministre, révolutionnez votre ministère ! Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera vos crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le solde de la balance commerciale de la France accuse un repli notable depuis plusieurs mois : il n'est que de 1,1 milliard d'euros au premier semestre de 2004 alors qu'il s'élevait à 2,2 milliards d'euros au dernier semestre de 2003. Il est de notre devoir de nous interroger sur cette inquiétante inversion de tendance.
Alors qu'en 2003 le solde de la balance courante était toujours excédentaire avec 4,8 milliards d'euros, c'est notamment la hausse plus rapide des importations qui conduit, cette année, au tassement de notre excédent commercial. En outre, comparé au dynamisme du commerce mondial, avec plus de 8,5 % attendus en 2004, ce tassement confirme le lent grignotage des parts françaises sur les marchés extérieurs.
Si, au sein de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, notre part de marché reste relativement bonne, au niveau mondial, la part de marché de la France dans les échanges de marchandises s'est établie, selon l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, à 5,1 % en 2003. Ce pourcentage est stable par rapport à 2002, mais il est en baisse sensible depuis 1993, puisqu'il s'élevait alors à 5,9 %. Si rien ne change, la France pourrait perdre 0,5 point de parts de marché supplémentaires d'ici à 2012.
S'agissant des exportations, ce sont les échanges industriels qui dominent le commerce extérieur de la France. En la matière, l'économie française possède des atouts structurels que sont non seulement, bien entendu, les secteurs dans lesquels elle détient traditionnellement des avantages comparatifs forts, mais également les gains de compétitivité qui se sont accumulés depuis le début des années quatre-vingt-dix, dans le secteur manufacturier en particulier.
Cette progression encourageante se lit aisément dans les statistiques relatives aux années 1994-2000. Ainsi, eu égard aux prix, la compétitivité s'est améliorée de 9,3 %. Comparée à la moyenne des vingt dernières années, elle est même, en 2004, supérieure de 2 % en moyenne. Eu égard aux coûts, la compétitivité a progressé de 25 % ; toujours comparée à la moyenne des vingt dernières années ; elle reste, en 2004, supérieure de 15 % en moyenne.
En outre, rappelons que la France se singularise en adoptant un bon positionnement sur les segments « hors prix » à l'exportation.
Ces observations concrètes vont singulièrement à l'encontre du discours tenu par le Gouvernement quant à une supposée détérioration de la compétitivité française. On ne peut manquer de constater qu'un certain « prêt-à-penser idéologique » est mis à mal de manière flagrante, de même que la prétendue « perte d'attractivité du site France », qui est si souvent citée par M. le Premier ministre, a été contestée dans un rapport qui a été récemment rendu public par le conseil des impôts, mais également dans plusieurs rapports de l'OCDE ou de l'INSEE notamment.
M. Daniel Raoul. C'est bien !
M. François Marc. Il est vrai que, depuis trois ans, notre économie est confrontée au mouvement d'appréciation de l'euro, une appréciation qui se révèle mécaniquement pénalisante pour nos échanges. Mais cette appréciation de l'euro est de nature conjoncturelle. Elle n'obère en rien les facteurs intrinsèques de compétitivité de nos entreprises ni leur capacité à rebondir.
En revanche, deux problèmes structurels majeurs doivent être mis en avant.
Il s'agit, tout d'abord, de la structure déséquilibrée du positionnement de la France à l'export ; M. le rapporteur spécial en a fait état dans son rapport, s'agissant notamment de notre présence dans la zone Asie-Amérique du Nord et Amérique du Sud, où nos entreprises ne contribuent aux exportations qu'à hauteur de 20 %.
Dans ces conditions, la France perd du terrain, notamment par rapport à l'Allemagne, qui a su développer, au cours de ces dernières années, une stratégie efficace et payante, notamment pour ses exportations vers la Chine.
Dans un tel contexte est-il bien raisonnable, monsieur le ministre, de diminuer de 9 % le montant global des dotations accordées aux organismes d'appui au commerce extérieur ?
En effet, en retranchant aux 50,3 millions d'euros du total inscrit sur cette ligne budgétaire les 10 millions d'euros exceptionnels qui seront versés à l'Agence française pour les investissements internationaux en vue de financer sa campagne pour l'image de la France en 2005, cela fera bien, au total, 40,39 millions d'euros contre 44,84 millions d'euros en 2004, soit une baisse de 9 % !
Ensuite, les multiples réorganisations qui affectent depuis quelques années aussi bien UbiFrance que la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, n'ont pas empêché le commerce extérieur français de marquer le pas ni de continuer à n'avoir pour principal moteur que les grands groupes déjà présents à l'étranger. Malheureusement, on ne compte pas plus de 100 000 PME et PMI présentes à l'exportation, contrairement à notre partenaire italien, avec 170 000 PME exportatrices, ou notre partenaire allemand, avec 200 000 PME qui exportent.
Monsieur le ministre, la situation du commerce extérieur devient inquiétante. Vous annoncez la mise en place d'un crédit d'impôt en 2005 pour les PME, la création d'un contrat de travail spécifique à l'export et la définition de vingt-cinq nouveaux pays cibles dans des pays émergents. Cet objectif est louable et cette action est nécessaire. Toutefois, j'aimerais être sûr qu'il s'agit bien de soutenir nos exportations et l'emploi qu'elles génèrent en France.
La compétitivité de nos entreprises est bonne, elle est même excellente, monsieur le ministre, contrairement à ce que l'on entend souvent dire, et les employés de ces entreprises ont apporté une large contribution à ce succès.
Dans ces conditions, ne doit-on pas attendre un plus grand sens des responsabilités d'un gouvernement qui, par ses déclarations politiciennes sur la prétendue perte de compétitivité de la France, crée un contexte propice à la démobilisation et à la démotivation de nos PME face à l'exportation ? Cette question mérite incontestablement d'être posée. Monsieur le ministre, j'en suis certain, vous nous apporterez des éclaircissements en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le ministre, si j'ai souhaité intervenir au cours de la discussion de ce projet de budget pour 2005, c'est avant tout pour saluer vos efforts et pour soutenir l'action que vous poursuivez, avec succès, depuis que vous avez pris vos fonctions.
M. Daniel Raoul. On s'en doutait !
M. André Ferrand. Je pense, en particulier, aux initiatives que vous avez prises pour améliorer notre dispositif d'appui aux entreprises à l'international et pour encourager ces dernières à s'ouvrir sur les marchés extérieurs.
Grâce à nos excellents rapporteurs, cette action a été décrite et approuvée sous tous ses aspects ; je n'y reviendrai donc pas.
Mon propos consistera seulement à évoquer trois points qui ne me paraissent pas nécessiter de grandes réformes, mais qui relèvent d'un ensemble de mesures diverses qui, réunies, contribuent à faire avancer la cause de notre commerce extérieur, en accélérant l'évolution des mentalités de nos compatriotes en général et de nos PME en particulier, en les amenant à acquérir et à s'imprégner d'une culture d'entreprise à l'international.
Je vous parlerai du volontariat international en entreprise, le VIE, de la décentralisation du commerce extérieur et des chambres de commerce françaises à l'étranger.
S'agissant des VIE, il faut saluer votre persévérance et vos talents de communicateur, monsieur le ministre, ainsi que l'action d'UbiFrance, qui ont permis que s'amorce, ces derniers mois, un net décollage du nombre de jeunes compatriotes qui partent, servant ainsi nos entreprises et acquérant une précieuse expérience internationale. Pour aller encore plus loin, comme vous le souhaitez, et pour atteindre l'objectif de 4 000 VIE en poste à la fin de l'année 2005, je suggère fortement que tout soit fait pour mettre en oeuvre les recommandations qui ont été récemment formulées par le comité national des conseillers du commerce extérieur.
Elles sont au nombre de trois.
Premièrement, parce que, pour les PME, les VIE coûtent encore top cher, il faut encourager les collectivités territoriales soucieuses de pousser leurs PME à l'international à prendre, à l'exemple du conseil général des Hauts -de- Seine, 40 % du coût des VIE à leur charge.
Deuxièmement, il faut qu'UbiFrance assure réellement l'intégralité de la gestion administrative des VIE, les confiant en quelque sorte « clé en main » aux PME.
Troisièmement, il faut cibler la communication en direction des directeurs des ressources humaines des grands groupes. Vous le savez, il existe des institutions qui, comme le centre interentreprises de l'expatriation, le CINDEX, et le cercle Magellan, pourraient constituer des forums propres à cet exercice.
Concernant la décentralisation du commerce extérieur, la question n'est pas simple, nous le savons, et vous avez raison de l'aborder sans a priori, sans esprit de système. Vous avez décidé d'envoyer un missus dominici à la rencontre des exécutifs régionaux et la moisson de données qu'il en rapportera vous sera, c'est certain, extrêmement précieuse pour la conduite de cette opération qui doit être un succès.
A mes yeux, et quels que soient, selon les différents environnements régionaux, les principaux acteurs en charge, l'enjeu essentiel consistera à mobiliser les élus locaux sur le sujet. Il faudra les convaincre que, au-delà des plaintes et des incantations, il n'y a pas de fatalité de la désertification industrielle et économique. Certes, la mondialisation et les délocalisations existent, mais malgré les conséquences souvent malheureuses et parfois dramatiques qui en découlent, il ne faut pas le nier, nous n'avons pas le choix : il faut apprendre à les gérer et réagir.
C'est concrètement, au niveau du terrain, que cette réaction doit se produire, afin de faire évoluer notre culture et d'imprégner l'ensemble du tissu non seulement économique mais aussi social. Vous savez mieux que moi, monsieur le ministre, vous qui êtes très proche des réalités de votre région, que de nombreux élus - sénateurs, en particulier - responsables d'exécutifs montrent l'exemple en emmenant eux-mêmes des PME dans des opérations internationales. Ils les sauvent ainsi souvent du déclin, voire d'une mort annoncée, préservant chez eux de précieux emplois, et leur permettant de se développer sur de nouveaux marchés.
Quel que soit le dispositif finalement adopté, cette décentralisation du système d'appui aux entreprises doit avoir pour résultat de rendre familiers aux élus tous les outils qui sont mis à leur disposition en France et à l'étranger.
Sur ce même sujet de la décentralisation, je voudrais également évoquer le partenariat maintenant ancien et dont chacun se félicite entre UbiFrance - le centre français du commerce extérieur, le CFCE, autrefois - et le Sénat. Peut-être serait-il intéressant de réfléchir et de mettre plus spécialement ce partenariat au service de cette belle cause qu'est la territorialisation de notre commerce extérieur.
Mon troisième point, monsieur le ministre, concerne nos chambres de commerce françaises à l'étranger.
J'ai participé, lundi dernier, à la chambre de commerce et d'industrie de Paris, à l'assemblée générale annuelle de l'association qui fédère un réseau de 110 implantations dans 75 pays : l'union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, l'UCCIFE. Cela a été pour moi une nouvelle occasion de regretter que l'on ne profite pas de tout le potentiel qu'elles représentent.
Si toutes ne sont pas au même niveau, le rôle et la valeur ajoutée des meilleures sont importants. Grâce aux efforts conjugués de leurs dirigeants, de l'UCCIFE, de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, l'ACFCI, et de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, la CCIP, le peloton des plus performantes s'agrandit régulièrement. Malgré cela, je pense qu'elles n'ont pas, dans le dispositif, la place qui devrait leur revenir. Il faut, me semble-t-il, faire en sorte qu'elles disposent des moyens, financiers en particulier, qui leur permettront d'accélérer ce mouvement d'homogénéisation de leur réseau et, ensuite, préciser les rôles confiés à chacune aux côtés des missions économiques dont il faudrait, chaque fois que c'est possible, les rapprocher, y compris au niveau de la localisation des bureaux.
UbiFrance, à qui vous avez confié la responsabilité de l'appui aux entreprises, pourrait utilement considérer que, au cas par cas, elle ira dans le bon sens chaque fois qu'elle pourra réduire le rôle des missions économiques à sa partie régalienne et élargir autant qu'elles en seront capables celui des chambres de commerce.
Avant de terminer, vous ne m'en voudrez pas si je soulève, auprès du ministre délégué au commerce extérieur, une question de grande actualité : elle concerne les PME françaises sinistrées en Côte-d'Ivoire.
A ce jour, on peut estimer que quelque cent soixante de nos compatriotes qui ont investi en Côte-d'Ivoire, y créant leur affaire, ont tout perdu : entreprise, fonds de commerce, matériel, maison et biens personnels. Rentrés en France dans les circonstances que l'on sait, ils sont en train de s'organiser collectivement, ce qui permettra aux services de l'Etat d'avoir des interlocuteurs pertinents et patentés.
Je ne peux malheureusement pas entrer, au cours de cette discussion budgétaire, dans le détail de ce qu'il conviendrait de faire pour mettre rapidement en oeuvre en leur faveur la solidarité nationale, qui relève du domaine interministériel ; mais, puisqu'il s'agit d'entrepreneurs français installés à l'étranger, je voudrais, monsieur le ministre, que vous interveniez dans ce dossier afin que, dans un premier temps, ils obtiennent un moratoire de la part des banques et de leurs autres créanciers et que, très vite, on leur donne les moyens de recommencer, sans doute ailleurs.
Ne représentent-ils pas, d'ailleurs, un potentiel d'entrepreneurs expérimentés qui pourraient profiter d'opportunités que notre dispositif à l'étranger, solidaire et mobilisé à cet effet, leur proposerait dans d'autres pays ?
J'ai rencontré leurs représentants ce matin même. Ils sont dignes et ne songent pas à baisser les bras ; et puis, monsieur le ministre, ils ne sont pas difficiles à trouver, ils ont basé à Strasbourg le siège de leur association !
J'en ai terminé, mais avant de quitter cette tribune, je voudrais encore, monsieur le ministre, vous remercier de tout l'intérêt qu'avec le réseau des missions économiques vous portez à nos écoles françaises à l'étranger, car vous avez pris conscience de toute leur importance en faveur de notre présence économique et de notre influence dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je voudrais simplement compléter l'intervention de mon collègue François Marc sur un point qui me tient beaucoup à coeur et qui permettra une transition avec les sujets qui vont nous occuper tout à l'heure : les PME, l'artisanat et le commerce.
La presse s'est largement fait l'écho, ces dernières semaines, de la crise que connaît le commerce extérieur français : la France est passée de 5,8% à 5,1% de part de marché et a laissé le quatrième rang mondial à la Chine.
Alors qu'il s'agit bien d'un secteur extrêmement important pour le développement de nos entreprises et plus particulièrement de nos PME, le budget que vous nous proposez ne semble pas être à la hauteur de l'enjeu. Aujourd'hui, sur les 2,4 millions d'entreprises que compte notre pays, 115 000 à peine participent au commerce extérieur, et 90 % des ventes sont réalisées par 10 % d'entre elles.
C'est pourtant au coeur même de notre réseau de PME que nous pourrions trouver des gisements d'emplois, si nous voulions nous en donner la peine.
Même Francis Mer, alors qu'il quittait le ministère des finances, considérait que « le problème de l'exportation tient au fait qu'elle n'est pas considérée comme fondamentale ».
Par ailleurs, l'implantation de nos clients traditionnels ne correspond plus aux marchés en expansion - d'où l'opération que vous avez menée en direction des vingt-cinq pays cibles - et je vous signale que des continents entiers sont en attente d'une présence française, en particulier l'Amérique du Sud, notamment le Mercosur.
Un certain nombre de marchés ne sont pas suffisamment explorés ou, s'ils le sont, c'est par trop peu d'entreprises. Nous avons tous dans nos départements des entreprises, notamment des PME, qui travaillent dans des secteurs proches, voire concurrents. Chacune de ces petites structures n'a pas les moyens humains et/ou financiers de développer une cellule internationale. Quand bien même elles les auraient, la méconnaissance des marchés, de la culture des différents pays et des outils existants suffirait à les dissuader.
Le volet commerce du XIIe contrat de plan Etat-région renforce les aides dans ce domaine mais le manque de cohérence et de généralisation est flagrant.
Aujourd'hui, l'essentiel est assuré soit par les réseaux d'appui mis en place par les régions, soit par les directions régionales du commerce extérieur. Dans ces deux cas, les territoires et leurs entreprises ne sont pas logés à la même enseigne. Les réseaux d'appui mis en place par les régions, comme ceux qui existent en Bretagne et en Rhône-Alpes, sont sûrement à approfondir et surtout à généraliser.
L'accompagnement par des structures extérieures n'y suffira pas si nous souhaitons avoir une politique du commerce extérieur véritablement ambitieuse. La France doit pouvoir proposer à son tissu de PME des solutions de mutualisation. C'est en se regroupant et en recrutant - au sein de groupements d'employeurs, par exemple - des cadres spécialisés à l'export qu'elles seront armées et prêtes à relever le défi de l'international.
Monsieur le ministre, vous parliez récemment de « chasser en meute ». C'est une expression que j'utilise volontiers au sein de mon agglomération et du département, car la réussite économique demande l'union de toutes les énergies. Les entreprises de la lunetterie italienne l'ont bien compris et travaillent ensemble à l'export, avec un succès qui fait logiquement envie.
Les solutions de regroupement, de mutualisation - type groupements d'employeurs, que j'ai déjà évoqués - permettraient de dépasser les obstacles, qui sont trop hauts pour une PME.
Ce type de solution durable, avec des structures et des emplois pérennes, me semble plus approprié que le contrat de longue durée déterminée que vous nous proposez, monsieur le ministre, pour les missions à l'exportation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'effort global en faveur du commerce extérieur atteint plus de 423 millions d'euros.
On l'a entendu, certains disent que ce n'est pas assez. Mais c'est oublier la volonté affichée et le dynamisme déployé par le Président de la République, Nicolas Sarkozy et vous-même, monsieur le ministre, pour encourager nos exportations.
En effet, alors que, pendant plusieurs années, le commerce extérieur a cessé d'être, dans notre pays, la priorité qu'il avait été après les chocs pétroliers, vous avez su lui redonner, avec ténacité, multipliant les déplacements à l'étranger afin de vanter les capacités et les talents de la France dans le monde, la place qu'il n'aurait jamais dû quitter.
Partant du constat très simple que la France reste trop tournée vers elle-même, vous avez pris un certain nombre de mesures très efficaces pour encourager nos entreprises, et plus particulièrement les PME, à développer leurs exportations.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'en citer quelques- unes.
Désormais, les entreprises ont un interlocuteur privilégié dans le domaine de l'export : c'est UbiFrance.
La fusion du centre français du commerce extérieur avec UbiFrance a notamment permis de créer un guichet national unique d'informations et d'accompagnement vers les marchés extérieurs, véritable outil de soutien aux entreprises.
De même, l'accord de partenariat conclu entre UbiFrance et le groupe Banque populaire permet de mettre à disposition des PME 16 000 responsables commerciaux du réseau Banque populaire susceptibles de leur proposer, d'une part, le recours à des VIE, d'autre part, des missions de prospection réalisées par le réseau des missions économiques à l'étranger.
Nous connaissons tous le dynamisme, la compétence et surtout la disponibilité de ces missions, qui ne demandent qu'à être sollicitées par nos entrepreneurs désireux d'investir sur les marchés extérieurs.
Vous envisagez de doubler le nombre de VIE ; ce sera un atout supplémentaire pour les PME, qui seront ainsi plus nombreuses à bénéficier à la fois d'avantages fiscaux mais aussi de l'audace de ces jeunes qui contribuera à leur développement.
Par ailleurs, n'oublions pas qu'un certain nombre des cadres travaillant dans des entreprises qui s'installent à l'étranger sont issus de ces jeunes qui ont découvert les marchés extérieurs en tant que VIE.
Ces mesures reflètent bien votre philosophie que je résumerai ainsi : desserrer les freins qui entravent l'exportation et, surtout innover, lorsque cela est nécessaire.
Cette année encore, vous avez souhaité axer votre politique sur l'accès des PME et des PMI à l'exportation. On ne peut que s'en réjouir, car, malgré les efforts déjà entrepris, elles restent encore trop frileuses.
En effet, à l'heure actuelle, un tiers du commerce extérieur est réalisé par les grands groupes français, un autre tiers par les filiales françaises des grands groupes étrangers et un dernier tiers seulement par les PME.
Cela est d'autant plus regrettable que la vitalité de nos PME est une clé essentielle du développement de notre commerce extérieur. Nos PME, on le sait, ont pourtant tous les atouts nécessaires pour réussir. Elles sont souvent porteuses de technologies très avancées et de savoir-faire industriels ou commerciaux qui n'ont rien à envier à ceux des grands groupes ni à ceux de leurs concurrents étrangers.
Je pense qu'il existe un vivier de plusieurs milliers de PME qui, demain, si elles sont suffisamment informées et aidées, pourraient s'intéresser à l'exportation et en faire ainsi profiter notre économie, puisque un milliard d'euros d'exportation supplémentaire crée 15 000 emplois en France ! Je suis persuadé que les mesures que vous nous proposez cette année contribueront à accroître l'emploi.
J'aimerais m'arrêter plus particulièrement sur certaines d'entre elles.
Dès 2005, les PME pourront bénéficier d'un crédit d'impôt pour les prospections commerciales réalisées en dehors de l'Espace économique européen. Cela permettra à de nombreuses PME qui n'ont pas les ressources humaines suffisantes pour prospecter à l'étranger et ramener des contrats de mettre le pied à l'étrier de l'export, notamment en direction des pays émergents.
De surcroît, par ce crédit d'impôt, vous allez encourager les consortiums de PME. En effet, les associations ou les groupements d'intérêt économique créés par les PME qui mutualiseront leur fonction export pourront bénéficier de cet impôt majoré lorsqu'ils recruteront un cadre.
Voilà, à double titre, une excellente mesure puisque non seulement elle est créatrice d'emplois, mais elle incite des PME complémentaires à travailler ensemble et à développer leurs exportations.
Vous souhaitez, par ailleurs, encourager le portage ; nous soutenons totalement cette démarche.
Le portage aidera les PME à ne pas reproduire les erreurs souvent commises lors de l'installation sur un nouveau marché, l'expérience de grands groupes leur permettant de bénéficier de conseils judicieux. Je sais, là encore, pouvoir compter sur votre énergie pour inciter les grands groupes français à soutenir à l'étranger les PME françaises dans leur action de prospection d'un marché à l'export.
En conclusion, j'aimerais faire mienne une phrase de Michel Camdessus : « Dans la compétition internationale comme dans le combat militaire, la bonne articulation du front et de l'arrière est la clé du succès. »
Aussi permettez-moi d'insister sur un dernier point : la nécessité de permettre à nos entreprises d'être, par une politique nationale qui leur soit favorable, plus compétitives.
En effet, l'un des principaux handicaps à l'export réside, nous le savons bien, dans ces maux récurrents, dénoncés de rapport en rapport, qui freinent notre économie, notre progrès social et nous font perdre chaque jour des parts du marché extérieur.
C'est pourquoi nous avons le devoir de mettre en place une meilleure politique de l'emploi, non seulement des seniors mais aussi des plus jeunes, passant par une formation plus adaptée et un apprentissage efficace et pertinent.
Nous devons, par ailleurs, continuer à diminuer non seulement la fiscalité qui pèse sur nos entreprises, mais aussi les lourdeurs administratives qui ralentissent leur action.
Certes, de nombreuses mesures ont déjà été prises. Mais nous sommes tenus de continuer nos réformes si nous voulons que nos entreprises puissent faire face à ce formidable défi d'adaptation aux nouvelles exigences mondiales auquel elles sont confrontées.
Votre budget répond, je crois, à cette ambition. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous le soutenons totalement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Yves Coquelle. Il n'est pas inscrit dans la discussion !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous discutons du projet de loi de finances, et, rassurez-vous, je m'efforcerai d'être bref.
Je tiens d'abord à saluer le ministre délégué au commerce extérieur ainsi que le ministre chargé des petites et moyennes entreprises.
Messieurs les ministres, je voudrais vous dire à quel point la commission des finances est préoccupée par la compétitivité du territoire national et des entreprises françaises.
Il est clair que nous devons nous efforcer d'alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises, ne serait-ce que les prélèvements obligatoires. A cet égard, je salue notre collègue Dominique Leclerc, qui a de très bonnes idées pour faire baisser la dépense publique.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il avait formulé des propositions. Je vous invite, monsieur Loos, à vous rapprocher de votre collègue Mme Girardin s'agissant des indemnités temporaires de retraite versées aux fonctionnaires métropolitains qui prennent leur retraite dans certains espaces ultramarins. Vous avez là, si j'en crois la Cour des comptes et notre collègue Dominique Leclerc, une économie potentielle de 200 millions d'euros par an à terme.
J'évoquerai trois points.
Premièrement : comment améliorer la compétitivité des entreprises françaises ?
Messieurs les ministres, la commission des finances souhaite convaincre l'opinion publique et les partenaires sociaux, les acteurs économiques et les responsables politiques de la nécessité de renoncer au prélèvement d'impôts de production, tels que la taxe professionnelle. Ce pourrait être la taxe sur le foncier non bâti, qui est la taxe professionnelle des agriculteurs, monsieur Jacob, mais également les cotisations sociales que doivent acquitter les entreprises, charges des employeurs.
Nous perdons de la compétitivité. Ces impôts de production ne sont supportés que par ceux qui produisent chez nous (Mme Evelyne Didier s'exclame.) et tout ce qui vient de l'extérieur échappe à cette contrainte.
Nous savons très bien, mes chers collègues, je le redis à l'attention de Mme Didier, qu'en définitive ce sont toujours les mêmes qui payent, c'est-à-dire les ménages.
Mme Evelyne Didier. Sur ce point, je suis d'accord avec vous !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ayez bien cela en tête ! Et ce n'est pas parce que vous lèverez une taxe professionnelle que les ménages échapperont au paiement de cette taxe, puisqu'elle sera répercutée dans le prix de revient, donc dans le prix d'achat de ce qu'ils consommeront.
Mme Evelyne Didier. Certains ne peuvent pas consommer !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est pourquoi, messieurs les ministres, cette question doit être débattue devant le Parlement dans les meilleurs délais. Nous devons franchir l'épreuve de ce qu'on appelle généralement le « politiquement incorrect », dont résultent une série d'inhibitions qui nous empêchent d'évoluer, de réformer. Nous voulons rompre avec cette tradition qui met à rude épreuve la compétitivité des entreprises françaises.
Deuxièmement, je souhaiterais évoquer l'aide aux PME.
Vous avez prévu, dans un article de la première partie du projet de loi de finances, un dispositif de crédit d'impôt pour les PME qui recrutent un collaborateur chargé de l'exportation.
Messieurs les ministres, j'attire votre attention sur le fait que le nouveau venu dans une PME n'est pas le mieux à même d'aller vendre à l'étranger les produits de l'entreprise et de la promouvoir hors du territoire national. Celui qui est le plus apte à le faire, c'est forcément quelqu'un qui appartient déjà à l'entreprise.
Donc, j'exprime à nouveau le souhait que, dans les textes d'application de la mesure du crédit d'impôt, pour éviter tout effet d'aubaine, vous indiquiez que la nouvelle personne qui sera recrutée ne sera pas forcément celle qui va aller vendre l'entreprise à l'extérieur.
Celui qui est la plus qualifié pour cette tâche, c'est le cadre qui est en place depuis un certain nombre d'années, qui connaît parfaitement l'entreprise, qui a une conviction et qui est capable d'aller projeter cette entreprise hors du territoire national. Je me permets d'insister sur ce point, faute de quoi votre dispositif aura des vertus rhétoriques, mais sera d'un faible secours au plan de l'efficacité.
Troisièmement, je ferai une observation concernant la parité monétaire.
La parité monétaire a des effets plus corrosifs que le droit de douane. On constate aujourd'hui une envolée de l'euro par rapport au dollar. Les monnaies asiatiques, notamment le yuan chinois, sont adossées au dollar et aller à l'exportation devient une rude épreuve pour les entreprises nationales.
Je ne doute pas que vous serez solidaires, messieurs les ministres, de la disparition du déficit public afin que la France soit le meilleur élève de la classe européenne et qu'elle puisse participer intensément, avec autorité, à une gouvernance économique de l'Europe.
Nous avons l'euro, ce qui est sans doute une chance, qui a mis un terme à ces dévaluations compétitives, mais qu'est-ce qu'une monnaie orpheline d'Etat ?
Il est urgent qu'il y ait un gouvernement économique pour que soit instaurée une politique globale qui mette en synergie politique monétaire et politique budgétaire et économique, faute de quoi nous risquons de constater que l'Europe reste l'espace économique mondial le moins apte à susciter de la croissance.
Je me permets donc d'insister sur ce point particulier. Il n'est pas question de porter atteinte aux prérogatives de la Banque centrale européenne, indépendante, mais le niveau de parité que nous avons atteint va devenir un vrai problème pour le commerce extérieur et pour l'équilibre des échanges de la France.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, d'avoir pris la parole dans ce débat sans l'avoir prévu, mais je souhaite que l'égrenage des discussions sur les fascicules budgétaires soit marqué par un peu de spontanéité.
A cet égard, nous avons eu un moment de déception, ce matin, quand M. Devedjian nous a « resservi », si j'ose dire, le discours qu'il avait prononcé devant l'Assemblée nationale ; il ne nous a pas appris grand-chose de nouveau ! Nous souhaitons, en effet, que les débats sur les budgets soient marqués par une exigence de valeur ajoutée.
Nous devons nous préparer à clore les discussions de lois de finances selon les règles édictées par l'ordonnance de 1959 et à vivre avec enthousiasme et ardeur les nouvelles discussions qui seront organisées dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances. C'est le rendez-vous de l'automne prochain, messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le président de la commission des finances, je tiens d'abord à vous remercier de votre intervention, qui était une réponse à certains des orateurs qui affirmaient que le commerce extérieur n'était pas une priorité. Après avoir entendu vos réflexions et vos propositions, je m'aperçois à quel point nous sommes, au contraire, dans le débat fondamental de la compétitivité de la France, de sa capacité à se projeter à l'extérieur.
Aujourd'hui, c'est sur ce plan que je voudrais vous répondre. Comme vous me faites une obligation d'originalité par rapport à l'Assemblée nationale, je parlerai sans papiers, me référant simplement à la liste très longue des questions qui ont été posées.
Je ferai tout d'abord un tour d'horizon des éléments de la compétitivité.
A la lecture des chiffres du commerce extérieur, on peut immédiatement relever que, sur les neuf premiers mois de 2004 par rapport à la même période de l'année précédente, la croissance du commerce extérieur, c'est-à-dire des exportations françaises, est de 5,1 %. C'est à la fois remarquable, compte tenu de l'extrême faiblesse actuelle du dollar, et très intéressant parce que cela veut dire que nos entreprises ont la compétitivité nécessaire pour affronter la concurrence internationale.
Malgré la baisse du dollar, malgré la hausse du pétrole, la croissance est de 5,1 %. Le mois de septembre marque d'ailleurs un record historique, puisque la France n'a jamais exporté autant.
On peut effectivement lire des commentaires dans la presse sur le déficit du commerce extérieur. Il faut savoir que si le niveau des exportations est très haut, celui des importations est encore plus élevé, mais, comme l'ont rappelé plusieurs sénateurs, cela est simplement dû au dynamisme de la consommation des ménages et de l'investissement en France et, accessoirement, à l'augmentation très importante du prix du pétrole qui, a elle seule, explique le déficit constaté sur les neuf premiers mois de l'année.
Donc, s'agissant de la compétitivité de la France à l'international, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
D'un autre côté, les résultats ne sont pas suffisants si on les rapporte à la croissance du commerce extérieur dans le monde qui, cette année, sera de 8,5 %. En fait, la croissance mondiale sera de 4,5 %, mais les échanges sont beaucoup plus importants que la croissance endogène de chaque pays.
Les échanges commerciaux de la France sont mal orientés. Ils sont insuffisants vers les pays dont la croissance est de 8%, 9% ou 10 %, à l'exemple de la Chine ou des grands pays émergents.
Donc, si la France est compétitive, l'orientation géographique de ses échanges doit néanmoins être améliorée. Avant de dire comment on peut procéder pour y parvenir, j'évoquerai l'attractivité de notre pays.
Cette attractivité peut être mesurée de manière excellente par l'importance des investissements étrangers qui y sont réalisés. Certes, il est possible de recourir à des paramètres plus techniques, mais il n'est rien de plus intéressant que de constater que nous attirons cette année de nombreux investisseurs. L'an passé, 27 000 emplois ont été créés en France grâce aux investissements étrangers. Cette année, le rythme est comparable. Surtout, si l'on excepte le Luxembourg, peu significatif, nous nous situons à la première place en Europe et à la troisième place dans le monde en termes de capitaux étrangers investis.
M. François Marc. Pourquoi M. Raffarin dit-il le contraire ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. François Loos, ministre délégué. Bien volontiers, monsieur le président de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre délégué.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je souhaiterais que nous puissions ensemble analyser s'il est pertinent de mesurer l'attractivité du territoire français à l'importance des capitaux étrangers qui s'y investissent.
Un discours convenu tend à prendre prétexte de l'importance de ces investissements en France pour justifier que l'on ne modifie guère les choses. Je me demande quand même si une part significative des investissements servant à mesurer la compétitivité et l'attractivité de la France n'est pas réalisée dans l'immobilier et si un certain nombre d'investissements ne sont pas d'ordre strictement financier.
Je voudrais que vous y soyez attentif, monsieur le ministre, car on sent une espèce de décalage entre le discours général régulièrement tenu et la réalité telle que nous la vivons.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le président, je souscris tout à fait à votre analyse et je pense que nous pourrons faire ce travail en commun pour mesurer et comprendre précisément ce dont vous parlez.
Ceci dit, toutes choses étant égales par ailleurs, nous nous plaçons devant les Allemands, devant les Anglais, devant les Espagnols, devant les Italiens et devant les Japonais. D'autres pays réalisent combien il est important de s'ouvrir aux investissements. Cette question fait d'ailleurs l'objet d'une négociation accessoire dans le cadre de l'OMC. Notre capacité à accueillir des entreprises étrangères est bien supérieure à celle du Japon, par exemple. Le Premier ministre japonais, M. Koizumi, a d'ailleurs fermement souhaité que son pays évolue en ce sens ; la France, elle, n'a pas besoin de le dire. Les chiffres doivent néanmoins être analysés : il est clair que nos efforts, pour demeurer attractifs, doivent être permanents. Un certain nombre de mes collègues travaillent précisément à améliorer l'attractivité de notre pays.
Nous avons intérêt à faire connaître l'attractivité de la France à l'étranger. A cet effet, 10 millions d'euros, dans ce budget, sont affectés à un plan de communication pour inciter des entreprises étrangères à venir s'implanter chez nous. Il nous faut tenir un discours sur la qualité du « site France tout en sachant que, bien évidemment, sur un certain nombre de sujets, nous avons beaucoup de progrès à faire, indispensables pour créer des emplois, évidemment dans une proportion bien supérieure aux 27 000 qui l'ont été l'année dernière par des entreprises étrangères.
Pour améliorer l'orientation de nos échanges, nous avons défini vingt-cinq pays cibles. Dans ces pays, nous avons conçu des plans qui consistent à préciser les actions que nous souhaitons voir engager par les PME et les soutiens que nous leur apportons pour ce faire.
Ces plans d'action produisent des résultats positifs. En effet, au cours du premier semestre de cette année, nos échanges commerciaux avec ces vingt-cinq pays cibles ont augmenté de 4 % par rapport au second semestre de l'année dernière, la moyenne pour tous les pays s'établissant à 3 %. Si l'on exclut les Etats-Unis, la croissance atteint même 5 % et elle est encore plus importante avec la Chine. L'orientation géographique que nous avons donnée à notre action a donc des résultats significatifs, même si, bien entendu, cette dernière doit être poursuivie et être beaucoup plus forte pour corriger nos retards dans ce domaine.
Nous devons aussi mobiliser davantage nos PME. Toutes les institutions qui peuvent concourir à cette mobilisation sont nécessaires. En particulier, les conseils régionaux peuvent mettre en place des schémas de développement économique comportant un plan « internationalisation des entreprises ». Je souhaite que, le plus rapidement possible, l'ensemble des conseils régionaux développent de tels schémas. Nous mettrons tout en oeuvre pour les y aider.
Plusieurs conditions sont nécessaires.
D'une part, il nous faut réaliser un programme commun à l'ensemble de la région afin qu'il existe une cohérence dans les propositions relatives aux objectifs géographiques et dans le soutien aux entreprises. Aucune différence ne doit être faite selon que le point d'entrée est une chambre de commerce et d'industrie ou un comité d'expansion. Une première condition de réussite réside dans la réalisation d'un programme pluriannuel cohérent, commun à toutes les collectivités. Une seconde tient au choix de pays prioritaires en direction desquels ces régions peuvent avoir une action plus marquée, action pouvant même servir de modèle à l'ensemble du territoire national.
Il est évident que nous avons du retard dans l'organisation de missions à l'étranger. Nous essayons de le combler grâce à l'action menée au plan national par UbiFrance ; plusieurs orateurs y ont fait allusion. Cependant, il est nécessaire que ce travail soit fait également au niveau des régions. Nous ferons en sorte que tout cela se réalise le plus rapidement possible dans le cadre de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales.
D'autre part, nous devons élaborer des plans sectoriels, c'est-à-dire non plus géographiques mais par filière industrielle ou par activité professionnelle. Ce travail a commencé et, à l'instar de celui que nous avons effectué en direction de vingt-cinq pays cibles, nous allons oeuvrer en faveur des secteurs les plus importants du commerce extérieur pour qu'ils puissent mener des plans d'action cohérents en relation avec les professions et avec un soutien public.
Enfin, les PME qui n'exportent pas encore ou qui exportent peu doivent s'adapter à l'environnement international. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un crédit d'impôt export, voté par le Sénat la semaine dernière. Il s'élèvera, sur deux ans, à 40 000 euros pour les entreprises et à 80 000 euros pour les consortiums qui « chassent en meute », et il permettra à ses bénéficiaires de disposer de moyens importants pour se développer à l'international.
J'entends bien la remarque du président Arthuis qui estime que l'on va embaucher de nouveaux collaborateurs pour accomplir un travail qui revient normalement au plus ancien dans l'entreprise. Il est clair que ce crédit d'impôt doit être utilisé avec souplesse. Bien évidemment, je ferai en sorte que les textes autorisent une pratique très flexible.
Nous avons déjà assoupli considérablement le système du volontariat à l'international en entreprise, le VIE. En résumé, il suffit d'être âgé de moins de vingt-huit ans. Nous nous fixons comme but qu'un nombre croissant de jeunes se tournent vers l'international. Ce faisant, notre objectif est que les jeunes, quelles que soient les entreprises dans lesquelles ils travailleront tout au long de leur vie, se sentent à l'aise dans ce domaine.
Dans le cadre du projet de la loi de programmation pour la cohésion sociale, nous avons aussi créé le contrat d'emploi -export - le dispositif a été adopté hier par l'Assemblé nationale et j'espère qu'il le sera bientôt par le Sénat. Ce contrat permettra plus particulièrement à une entreprise d'envoyer un spécialiste à l'étranger pour monter un projet, procéder à une implantation ou réaliser une étude de marché, sans qu'elle soit obligée de le réintégrer dans ses effectifs à son retour.
Ce dispositif complète le VIE et permet aux entreprises de disposer de toutes les compétences nécessaires, tant pour défricher un marché que pour y prendre place. Eligible au crédit d'impôt export, ce dispositif présente donc des conditions économiques extrêmement avantageuses.
Ces mesures, non budgétées, pourraient compléter de façon importante le budget du ministère. Les dépenses de ses services ont été effectivement réduites, d'une part, en raison de la gestion pluriannuelle des effectifs, d'autre part, à la suite d'un plan social chez UbiFrance destiné à permettre sa délocalisation. Ce plan a permis de réaliser quelques économies dans les dépenses de cet organisme.
Ces mesures sont suffisantes pour gérer l'évolution des effectifs ainsi que le ciblage, dont a fait état tout à l'heure M. Aymeri de Montesquiou. Nous avons en effet l'intention de favoriser les pays dont le développement est le plus important.
Toutefois, en dépit de sa proximité, les ventes que nous réalisons en Allemagne sont bien des exportations. Actuellement, les pays proches de la France entraînent la moitié de la facturation des missions économiques et d'UbiFrance. Les questions qui sont posées aux missions économiques de ces pays sont très nombreuses et généralement difficiles à résoudre.
L'Allemagne est notre premier partenaire économique. Bien que nos exportations vers ce pays soient six fois plus importantes que celles vers la Chine, nous disposons des mêmes effectifs dans ces deux pays. Aussi, nous devons tendre à favoriser la Chine. Nous y affecterons les effectifs nécessaires compte tenu de son importance. Toutefois, il ne faut pas non plus sous-estimer les difficultés que l'on peut rencontrer dans les pays européens. L'expérience prouve que les entreprises sont prêtes à payer pour qu'on les aide à résoudre leurs problèmes.
Les prestations étant dispensées à titre onéreux - après une première prestation gratuite -, nous comprenons mieux la nature exacte des demandes formulées. De surcroît, c'est un gage de motivation.
Je voudrais maintenant répondre à quelques questions qui m'ont été posées.
M. le rapporteur Massion, en évoquant la LOLF, a fait plusieurs propositions. Bien sûr, nous avons tout à fait l'intention de prendre ses remarques en compte pour une mise en oeuvre le 1er janvier 2006. Nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler.
Concernant la TVA sociale, dont M. Bécot a parlé, vous savez qu'un groupe de travail a été constitué par Nicolas Sarkozy à la suite du rapport remis par Jean Arthuis. Je pense que nous disposerons bientôt de ses propositions.
La question a été posée de savoir combien rapporte l'assurance prospection. D'un coût de 30 millions d'euros environ, ses retombées immédiates - celles qui sont contenues dans les accords et dans les contrats d'assurance prospection - représentent 1 milliard d'euros. Trente millions d'euros génèrent donc directement 1 milliard d'euros d'exportations, ce chiffre ne tenant pas compte du flux d'affaires permanent.
Mme Didier a estimé qu'il ne suffisait pas de s'en tenir aux seules parts de marché et qu'il fallait aussi se soucier du commerce équitable. Nous nous en occupons. Nous avons le souhait de favoriser en France non seulement le commerce équitable, réalisation formidable, mais aussi toutes ses filières. Une semaine du commerce équitable aura lieu l'an prochain, au cours du deuxième trimestre. Nous encourageons fortement cette forme de commerce qui non seulement permet de fixer un prix plancher aux matières premières internationales, mais encore assure aux agriculteurs de bonnes conditions de travail dans leurs pays.
Cela vaut pour le café. Je regrette que cela ne vaille pas pour le coton, qui connaît actuellement un effondrement de ses cours. De plus, ceux-ci sont fixés en dollars, ce qui est doublement grave pour les pays concernés, qui utilisent le franc CFA.
En ce qui concerne l'aide que nous pouvons apporter à travers les activités commerciales, il faut savoir que ce Gouvernement a procédé à beaucoup plus d'annulations de dettes en 2003 que le gouvernement Jospin au cours des années précédentes. Nous poursuivons cette démarche en 2004, l'annulation de dettes en direction des pays les plus pauvres ayant été de l'ordre de 2 milliards l'année dernière. Il me semble, par conséquent, que nous prenons en compte l'ensemble des préoccupations de nos partenaires.
M. Aymeri de Montesquiou a proposé que soit créée une prime destinée aux missions économiques les plus performantes. Je lui répondrai que le Gouvernement envisage de mettre en place à partir de l'année prochaine un bonus lié aux performances. J'ai demandé à la direction des relations économiques extérieures, la DREE, de nous faire des propositions en ce sens.
Monsieur le sénateur, vous avez dit que les étudiants africains étaient plus nombreux en France que les étudiants d'origine asiatique.
Nous souhaitons évidemment accueillir un grand nombre d'étudiants asiatiques. Mais il est vrai que les étudiants africains sont plus nombreux à parler le français ce qui, pour faire des études dans notre pays, est un avantage.
M. Aymeri de Montesquiou. Trois fois plus !
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons cependant les moyens de faire évoluer cette situation.
M. Ferrand a posé plusieurs questions concernant la promotion du volontariat international en entreprise, dont UbiFrance fait la promotion auprès des directions des ressources humaines : une présentation a été faite sur ce sujet devant le cercle Magellan et elle sera suivie par d'autres.
Je viens également de signer un contrat avec UbiFrance et les dirigeants commerciaux français, afin que ceux-ci fassent la promotion du volontariat international en entreprise. Cela signifie que, aujourd'hui, tous les acteurs susceptibles de parler de l'existence du VIE et de ses avantages sont mobilisés.
Notre objectif de 4 000 contrats de VIE pour l'année prochaine est donc toujours d'actualité. Nous sommes ainsi passés de 2 000 contrats au cours des mois précédents à 2 700 pour ce mois de décembre. Le mouvement est donc lancé et nous allons poursuivre dans cette direction.
Actuellement, dix-huit régions ont mis en place des systèmes d'aide au VIE, une aide qui s'ajoute au crédit impôt export.
Monsieur Ferrand, vous avez aussi évoqué la situation extrêmement difficile des entreprises installées en Côte d'Ivoire. J'ai le plaisir de vous annoncer que le Premier ministre a décidé de dégager un fonds de 5 millions d'euros pour dédommager les entrepreneurs qui connaîtraient de grandes difficultés à la suite des récents événements qui s'y sont déroulés.
Enfin, Daniel Raoul a fait allusion à la nécessité de « chasser en meute ». Il aura compris que le doublement du crédit d'impôt export est une mesure spéciale, destinée aux entrepreneurs qui décident de prospecter de cette façon, afin de les inciter à se constituer en consortiums.
Cette méthode est effectivement intéressante, car les chefs d'entreprise préfèrent se fier les uns aux autres plutôt qu'à un fonctionnaire, même très compétent, censé les conseiller sur la promotion de leurs produits dans un pays qu'il ne connaît pas. Ce système fonctionne mieux entre entrepreneurs et c'est pourquoi nous avons créé ce type d'incitations.
M. Leclerc a parlé de l'importance du portage et de la bonne articulation entre « le front et l'arrière ». Nous nous en préoccupons également. Le Président de la République lui-même a sensibilisé à plusieurs reprises, sur cette question, les chefs des grandes entreprises françaises, qui ont presque tous pris des engagements en ce sens.
Il sera ainsi possible d'installer des bureaux de VIE au sein de ces grandes entreprises installées à l'étranger et de se servir de leurs implantations pour réaliser des opérations de portage. Mais pour cela, il faut traverser les strates séparant les PDG des responsables opérationnels.
Nous avons initié des actions consistant à lancer de grandes missions rattachées à une entreprise, notamment en Chine, et nous démontrerons l'année prochaine l'utilité de ce type de portage pour des centaines d'entreprises.
L'organisation de ces opérations revient à UbiFrance, qui dispose de crédits permettant aux grandes entreprises de développer le portage sans aucun état d'âme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout en vous remerciant pour la diversité des sujets que vous avez abordés, je souhaite vous transmettre un message d'optimisme. Nous avons bien compris que la compétitivité de la France était conditionnée par l'emploi des Français. Les résultats que nous obtenons actuellement prouvent que nos entreprises innovent et se battent sur le marché international. Les dispositifs que nous avons mis en place ont pour objet de les inciter à le faire encore plus et plus vite.
Nous avons le sentiment, après deux ans passés aux affaires, que ces dispositifs ont bien ciblé les entreprises concernées. Il faut désormais passer à la vitesse supérieure pour obtenir plus de résultats en termes d'emploi dans notre pays.
Il faut savoir que 1 milliard d'euros d'exportations supplémentaires représentent 15 000 emplois. Dès lors, une augmentation de 5% du commerce extérieur correspond à 200 000 emplois créés sur les marchés de l'exportation. L'enjeu est donc considérable et nous avons quelque chance d'atteindre ces objectifs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le commerce extérieur et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le commerce extérieur seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
État B
Titre III : 46 835 662 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : moins 842 736 234 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 421 588 000 € ;
Crédits de paiement : 96 073 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 554 628000 €;
Crédits de paiement : 1 139 644 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le commerce extérieur.
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat, ainsi que l'article 73 sexies.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, cher ami, je me réjouis tout d'abord de votre promotion et je vous en félicite.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous présenter la partie des crédits du projet de budget du ministère de l'économie et des finances pour 2005 qui m'échoit, en tant que rapporteur spécial.
Je vous rappelle que ce budget ne comprend aucun crédit de fonctionnement et que les subventions d'investissement n'y occupent plus qu'une place très marginale. Il est avant tout composé de crédits d'intervention.
Pour 2005, ce budget affiche une nouvelle baisse : le montant des crédits, qui était d'un peu plus de 171 millions d'euros pour 2004, s'élève désormais à près de 168 millions d'euros, soit une diminution de près de 2,18 %. Toutes les grandes actions financées par les crédits du ministère sont touchées, sauf l'accès au crédit, qui reste stable, et l'action économique, qui progresse à un rythme inférieur à celui de l'inflation.
Je formulerai plusieurs observations.
Tout d'abord, le Gouvernement ne souhaite plus afficher ses priorités avec des budgets en hausse.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. . Or, il est certain que les petites et moyennes entreprises constituent un axe majeur de la politique du Gouvernement. Le budget des PME, du commerce et de l'artisanat s'inscrit donc parfaitement dans cette nouvelle logique, à laquelle il faut adhérer : il n'existe pas de lien mécanique entre dépense et résultat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Encore faut-il pouvoir mesurer l'efficacité de la dépense ...
Cela m'amène à ma deuxième observation : le ministère va fournir, en 2005, un effort considérable pour favoriser la mise en oeuvre de la réforme budgétaire introduite par la loi organique relative aux lois de finances, ce dont je me félicite car, en 2004, il accusait un net retard.
L'action « développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales » fait partie du programme « développement des entreprises », au sein de la mission « développement et régulation économique ».
Elle est structurée autour de quatre sous-actions : favoriser l'initiative économique dans les secteurs du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales ; assurer la tutelle, la régulation et le dialogue dans ces mêmes secteurs ; mettre en oeuvre des actions de solidarité économique en faveur des entreprises commerciales, artisanales, de services et libérales ; participer à des logiques territoriales de développement durable au profit de ces mêmes entreprises.
La structuration de l'action me donne deux motifs de satisfaction : les moyens humains du ministère seront compris dans cette action, et non plus dans une fonction support du ministère de l'économie, de même que la totalité des crédits en faveur des PME relatifs à la participation à des fonds de garantie, qui n'étaient pas jusqu'à présent inscrits au budget du ministère.
En ce qui concerne les objectifs et les indicateurs de performance, il convient de noter qu'ils sont définis au niveau du programme et non de l'action. Je ne sais donc pas, aujourd'hui, comment il me sera possible d'évaluer, l'année prochaine, les finalités de l'action développement des PME.
Pour autant, le ministère gèrera directement deux indicateurs.
Le premier est relatif à l'objectif : « assurer une haute qualité de service aux entreprises, moderniser et simplifier le droit applicable aux entreprises ». Il s'agira d'utiliser une étude réalisée pour la Commission européenne. Cet indicateur ne me semble pas permettre de mesurer l'efficacité de l'action menée par le ministère. Je souhaite vivement que ce dernier prolonge, en 2005, sa réflexion pour tenter de l'améliorer.
Le second indicateur est relatif à l'objectif : « développer des formations adaptées aux besoins des entreprises et reconnues à l'étranger ». Il correspond au taux de placement pendant six mois des stagiaires ayant suivi des formations subventionnées par le ministère. C'est bien la performance de l'action de celui-ci qui sera cette fois évaluée.
Enfin, si, l'année dernière, le budget du ministère préfigurait insuffisamment la réforme budgétaire, il n'en sera pas de même en 2005. En effet, une expérimentation d'envergure va être menée, portant sur 148,7 millions d'euros, soit 88,7 % des crédits.
L'expérience concernera tous les crédits du titre IV et du titre VI du budget du ministère, ainsi que les crédits d'études, qui sont aujourd'hui inscrits dans les crédits de fonctionnement.
En revanche, certains crédits de fonctionnement ne seront pas inclus en raison du caractère indivis de certaines dépenses, pas plus que les crédits de rémunération - car la DECAS n'a pas les moyens requis pour les gérer - et les crédits relatifs aux garanties d'emprunt, qui continueront d'être transférés à la direction du Trésor public.
Une nouvelle nomenclature d'exécution du budget devrait permettre d'évaluer précisément l'expérimentation, laquelle s'accompagne d'un développement significatif du contrôle de gestion que j'avais appelé de mes voeux.
Troisième observation, je me félicite des signaux encourageants que donne la gestion des crédits affectés aux PME.
D'abord, l'effort de simplification administrative en direction des petites entreprises se poursuit. Le second projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, qui vient d'âtre adopté, prévoit notamment la simplification de l'organisation des régimes de sécurité sociale des travailleurs indépendants, simplification qui est vivement attendue.
Ensuite, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales prévoit, en particulier, que l'Etat délègue aux régions qui ont adopté un schéma régional expérimental de développement économique le montant des ressources consacrées aux actions territorialisées du FISAC, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce.
Ce transfert trouve déjà sa traduction budgétaire. Une nouvelle ligne, portant sur près de 50 millions d'euros et représentant 70 % des moyens du FISAC, est destinée à ces actions territoriales. Je me réjouis d'ailleurs que le Gouvernement ait tenu ses engagements et que la dotation du FISAC reste stable, à 71 millions d'euros, comme je l'avais recommandé lorsque, en 2003, a été décidée la budgétisation de la TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.
Enfin, la déconcentration de la gestion des crédits se poursuit. Ainsi, les délégations régionales au commerce et à l'artisanat sont devenues de réels pivots de l'action du ministère.
J'en viens ainsi à ma quatrième observation. Par construction, ce budget retrace bien mal l'effort financier de l'Etat en faveur des PME, qui ressort à 1,15 milliard d'euros sans les dépenses fiscales. Quant à ces dernières, elles frisent les 4,5 milliards d'euros.
Je conclurai en retenant que la baisse des crédits est raisonnée. Il faut apprendre à s'en réjouir, d'autant qu'elle s'accompagne d'un réel engagement du ministère pour la réforme budgétaire, en 2005.
Il faut bien comprendre que l'évolution de ses crédits n'est pas la grande affaire du ministère chargé des PME. L'essentiel réside ailleurs, dans la recherche des allègements de charges et dans la politique de simplification.
Mes chers collègues, adhérons sans réserve à cette préférence donnée aux améliorations structurelles sur les politiques de subvention.
Votre commission vous propose d'adopter les crédits alloués aux PME, au commerce et à l'artisanat pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits consacrés aux PME, au commerce et à l'artisanat est aussi, pour nous, l'occasion de dresser un bilan de l'action du Gouvernement en faveur des 2,2 millions de PME de France.
La loi Dutreil du 1er août 2003, la loi de simplification du 2 juillet 2003, le second texte de simplification récemment adopté, le deuxième projet de loi sur l'entreprise en cours d'élaboration et qui devrait être examiné l'an prochain, tout cela nous conduit à constater que l'activité du ministre chargé des PME ne se dément pas pour alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises et faciliter davantage l'acte d'entreprendre.
Dans ces conditions, on ne peut qu'être surpris par les procès d'intention intentés au Premier ministre par certain responsable patronal : loin de n'avoir « rien fait pour les entreprises », ce gouvernement, soutenu par le Parlement, a, au contraire, beaucoup agi pour favoriser leur développement, comme en témoigne dans les faits le formidable sursaut de la création d'entreprises observé ces dix-huit derniers mois.
La Banque mondiale pourrait-elle saluer la France comme la « championne du monde » du soutien à la création d'entreprises si la politique du Gouvernement n'était qu'une « bêtise économique » ? Fort heureusement, la plupart des représentants des entrepreneurs ne sont pas atteints de cécité et reconnaissent que l'action du Gouvernement améliore véritablement l'environnement des entreprises et des entrepreneurs.
Sur le plan budgétaire, outre les crédits du ministère, qui s'élèveront à 167,6 millions d'euros en 2005, d'autres financements ou dépenses fiscales concourent au développement des PME. Ainsi, le seul impact budgétaire de la loi pour l'initiative économique s'élèvera, pour les années 2004 et 2005, à plus de 550 millions d'euros, soit plus de trois fois le budget annuel ministériel.
De toute manière, ce sont l'utilisation et l'affectation des crédits budgétaires au regard des objectifs fixés qui importent.
Notre collègue Auguste Cazalet vient de vous présenter les principales caractéristiques du fascicule budgétaire. Je ne m'y attarderai donc pas, sauf pour vous indiquer que la commission des affaires économiques approuve l'orientation plus marquée donnée au soutien actif à la création et à la reprise d'entreprises.
Cette priorité est, en effet, essentielle pour l'avenir économique du pays, pour l'emploi et pour le dynamisme des territoires. La sauvegarde d'un tissu dense de PMI, de PME, d'entreprises commerciales ou artisanales, dépend ainsi de l'effort que les pouvoirs publics seront en mesure d'accomplir pour préparer la transition démographique que nous allons connaître : plus de 500 000 chefs d'entreprises vont partir à la retraite dans les dix ans à venir !
C'est pourquoi tout en vous proposant de donner un avis favorable sur les crédits du ministère, la commission a exprimé des inquiétudes quant au retard pris dans l'exécution des contrats de plan, ainsi qu'aux difficultés rencontrées pour l'accès au FISAC, malgré - et je tiens à le souligner- la reconduction des crédits à hauteur de 71 millions d'euros en 2005 et l'abondement supplémentaire de 29 millions prévu en loi de finances rectificative pour 2004.
Compte tenu du nombre de dossiers déposés, je crois nécessaire de pérenniser cette augmentation des crédits du FISAC. Les élus locaux y sont très attachés, tant il est vrai que ce fonds participe de façon importante à l'aménagement de notre territoire.
Je vous y sais vous aussi très attaché, monsieur le ministre. Il me paraît donc essentiel que, l'année prochaine, ces 71 millions d'euros plus les 29 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative pour 2004 ne fassent plus qu'un seul paquet de cent millions d'euros.
Par ailleurs, pouvez-vous nous donner des précisions sur l'ampleur et les conséquences de l'augmentation des dossiers déposés que l'on a connue en 2004 ?
La seconde partie de mon avis budgétaire évoque la situation des relations commerciales et de l'équipement commercial, deux questions qui ont agité l'année 2004 et au coeur desquelles se trouve la grande distribution.
Le débat récurrent sur les marges arrière s'est accéléré cet été, avec l'accord du 17 juin entre distributeurs et fournisseurs, pour conduire à une réduction des prix des produits industriels de grande marque de 2 % en moyenne.
Cette initiative a été suivie par la publication, en octobre, du rapport Canivet, qui suggère diverses pistes pour stabiliser les relations commerciales dans notre pays.
Quelles que soient les propositions qui peuvent être faites, il est essentiel, selon moi, d'instaurer un système accepté par tous les acteurs et empêchant des dérives dont sont victimes à la fois les producteurs, en particulier les agriculteurs et les PME, et les consommateurs.
Quant à la situation de l'équipement commercial, le constat et le contexte ont été excellemment présentés au début du mois d'octobre par notre collègue Alain Fouché. Celui-ci formule aussi un certain nombre de propositions et de simplifications intéressantes, que votre commission approuve pour l'essentiel.
Monsieur le ministre, je ne doute pas que le groupe de travail que vous avez constitué autour du député Luc-Marie Chatel - dont j'ai l'honneur de faire partie - s'attachera à trouver des solutions satisfaisantes à ces deux problèmes, dans la perspective d'un texte législatif que nous examinerons l'an prochain.
Dans cette attente, et sous le bénéfice de ces observations, votre commission des affaires économiques vous propose de donner un avis favorable sur les crédits pour 2005 du budget des PME, du commerce et de l'artisanat, ainsi que sur l'article 73 sexies rattaché, relatif au financement des chambres de métiers et de l'artisanat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
-
- Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;
- Groupe socialiste, 18 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 6 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
- Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 5 minutes ;
- Réunion administrative des sénateursne figurant sur la liste d'aucun groupe5 minutes ;
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, la politique du ministère aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, dirigée depuis le mois d'avril 2004 par Christian Jacob, a donné des résultats remarquables, puisque les chiffres de la création d'entreprises, repartis à la hausse depuis 2002, connaissent cette année un nouveau record, soit 7,2 % en un an.
Ces chiffres, les meilleurs depuis près de quinze ans -cela mérite d'être souligné- nous rapprochent de nos principaux concurrents européens par rapport auxquels nous avions traditionnellement un grave déficit.
Ces résultats sont la conséquence de l'effort de réforme engagé depuis deux ans par le Gouvernement pour répondre à l'urgence et à l'ampleur des attentes des entrepreneurs.
La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, ainsi que les ordonnances prises en vertu de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, ont permis des avancées unanimement appréciées aujourd'hui.
En outre, la loi de finances de 2004 a prévu un certain nombre de mesures importantes pour les entreprises, sans oublier la loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement.
Le projet de loi de finances pour 2005 sera marqué, quant à lui, par la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés. Les mesures en faveur des entreprises concernent notamment la suppression en deux ans de la contribution additionnelle, afin de ramener le taux effectif d'imposition à 33,33 %, au lieu de 34,33 % actuellement, la prorogation du dégrèvement temporaire de taxe professionnelle pour les investissements productifs jusqu'au 31 décembre 2005, un crédit d'impôt pour les dépenses de prospection commerciale en dehors de l'Union européenne, lié à l'embauche d'un salarié qualifié ou d'un volontaire international en entreprise affecté à l'export.
En outre, les dispositions fiscales relatives au plan de lutte contre les délocalisations auront nécessairement des incidences positives pour les PME.
Je me réjouis, par ailleurs, de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de l'un de nos collègues de l'UMP ayant pour objet d'améliorer le statut du conjoint de l'exploitant d'une entreprise individuelle. Cet amendement vise à autoriser la déduction totale du salaire du conjoint pour les adhérents des centres ou des associations de gestion agréés et à porter à 13 800 euros le plafond de déductibilité pour les non-adhérents, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005.
S'agissant de l'apprentissage, nous nous félicitons de ce que le Gouvernement affiche pour objectif d'augmenter de 40 % le nombre des apprentis, ce qui représentera 500 000 jeunes apprentis de plus d'ici à 2009.
A cet égard, il faut saluer, encore une fois, les avancées législatives obtenues dans ce domaine avec la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui comporte des assouplissements du dispositif d'apprentissage, ainsi que le plan de modernisation de l'apprentissage, présenté en conseil des ministres en février dernier et qui trouve sa concrétisation dans le projet de loi de programmation de cohésion sociale.
Il est notamment prévu un crédit d'impôt « apprentissage », fixé à 1600 euros par apprenti employé et porté à 2200 euros lorsque le jeune sans qualification a bénéficié d'un accompagnement personnalisé.
Il faut également saluer le plan de mobilisation dans le secteur du bâtiment, présenté en juin dernier par le Gouvernement. L'objectif est d'améliorer l'image des professionnels du bâtiment, de renforcer les filières technologiques et les formations professionnelles en alternance, dont nous connaissons l'efficacité. Nous nous réjouissons, par ailleurs, du projet de création d'un observatoire des métiers et de la qualification dans le BTP.
Enfin, monsieur le ministre, votre projet de loi relative au soutien à la création et au développement des entreprises, qui est actuellement en cours d'élaboration et dont l'examen par le Parlement est prévu en 2005, est également très attendu.
L'ensemble de ces initiatives ne peut que nous rendre optimistes pour les années à venir s'agissant de la création d'entreprises, et donc de la création d'emplois et de richesses. Dans le contexte actuel, ce sont les PME, chacun le sait, qui créent le plus d'emplois.
C'est pourquoi mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même tenons à vous féliciter, monsieur le ministre, de votre action. Connaissant votre engagement et votre détermination, nous approuvons, sans réserve, les orientations de votre projet de budget pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec près de 168 millions d'euros, les crédits inscrits dans le projet de budget au titre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat sont particulièrement modestes, ne représentant que 0,06 % du total. Qui plus est, pour la troisième année consécutive, ils connaissent une baisse, leur diminution étant de 2,2 % par rapport à l'exercice précédent, selon les chiffres donnés par M. le rapporteur spécial.
A cela s'ajoute le fait que le budget des PME, du commerce et de l'artisanat a fait l'objet d'importantes mesures de régulation budgétaire, se traduisant par des annulations de crédits pour 2003, estimées à 21,5 millions d'euros, et du gel, pour l'instant, de 10 millions d'euros de crédits au titre de 2004. Les PME, le petit commerce et l'artisanat ne sont manifestement pas, quoi qu'on en dise, la priorité de l'action de ce gouvernement !
Dans ces conditions, quel peut être l'intérêt de discuter d'un projet de budget dont l'essentiel des crédits risquent d'être annulés ou gelés ? Dans quelle mesure les financements pour 2005 des contrats de plan Etat-régions seront-ils touchés ? Pourtant, je reste convaincu que des aides pérennes sont nécessaires au maintien et au développement de ce secteur, qui représente environ dix millions d'emplois et qui contribue au développement économique local, ainsi qu'à l'aménagement équilibré de notre territoire.
Dans un tel contexte de restriction drastique des dépenses, le Gouvernement a beau jeu d'affirmer que ce ne sont pas tant les moyens financiers qui comptent que les mesures favorisant l'initiative économique. Vous-même, monsieur le rapporteur spécial, vous nous avez expliqué que « les entrepreneurs, les commerçants et les artisans demandent moins de subventions ou d'aides financières que de facilités pour entreprendre, de simplifications des formalités administratives, d'allègements des contraintes pesant sur la création, la transmission ou la reprise des entreprises ».
Au fond, toutes les difficultés que rencontrent nos petites entreprises pour perdurer et se développer relèveraient soit d'une fiscalité trop lourde, comme on nous le répète depuis ce matin, soit de contraintes réglementaires et administratives qui entraveraient l'esprit d'entreprise, nuiraient à l'initiative économique et créeraient un environnement économique asphyxiant les meilleures volontés !
Ainsi, la solution consisterait à accorder des exonérations de charges, des crédits d'impôts, des crédits de taxe professionnelle, bref à multiplier les allégements de toute sorte, soit, ne l'oublions pas, autant de recettes publiques fiscales globales ou locales en moins.
A cet égard, la loi pour l'initiative économique a largement ouvert la voie, l'ensemble de l'effort financier s'élevant, pour les années 2004 et 2005, à quelque 500 millions d'euros. Cela n'a évidemment rien à voir avec la réduction d'impôt, estimée à 3,8 milliards d'euros, que Bercy a accordée cet été au groupe Vivendi, en contrepartie de la création de 420 emplois chaque année jusqu'en 2009 !
M. Bernard Dussaut. Très bien !
M. Yves Coquelle. Ce sont pourtant ces mêmes multinationales qui organisent la sous-traitance en cascade, qui s'entourent d'un réseau de PME sur lesquelles elles font peser des exigences de rentabilité toujours plus lourdes, et qui, en tant que donneurs d'ordre, exigent le raccourcissement des délais de production et une réduction drastique des coûts ! La loi Dutreil est restée muette sur ces contraintes réelles exercées par les grands groupes, qui asphyxient les plus petites de nos entreprises.
Dans la même optique, la réforme de la loi Galland suscite de vives inquiétudes pour les PME qui fournissent la grande distribution. Elles doivent faire face d'un côté à une grande distribution très concentrée, dominée par quelques groupes puissants, de l'autre à de gros concurrents directs, comme les grandes firmes de l'agroalimentaire, Danone ou Nestlé par exemple.
Si le rapport Canivet ouvre quelques pistes, il serait illusoire de considérer qu'un retour aux lois du marché puisse permettre une meilleure régulation des prix. Pour donner une suite à ce rapport, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, dans ce domaine ?
Enfin, si le rythme de la création d'entreprises s'est fortement accéléré ces derniers mois,...
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. C'est bien de le reconnaître !
M. Yves Coquelle. Attendez que j'aie fini ma phrase, mon cher collègue !
... il reste, selon l'INSEE, fortement corrélé au taux de chômage. Cela relativise considérablement l'incidence de la simplification administrative et des exonérations fiscales sur la démographie des entreprises.
Selon l'Agence pour la création d'entreprises et l'ANPE, les chômeurs représenteraient aujourd'hui la moitié des créateurs d'entreprise. Or nous savons que peu d'entreprises nouvelles parviennent à survivre : 40 % d'entre elles disparaissent au bout de trois ans, ...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yves Coquelle. ... ce taux s'élevant à 47 % quand les créateurs étaient des demandeurs d'emploi. Le niveau de formation est essentiel pour que le projet du créateur soit mené jusqu'à son terme et que l'entreprise survive au-delà des trois années fatidiques. Or j'observe que la politique de l'emploi et les aides à la formation professionnelle, notamment à destination des chômeurs, demeurent extrêmement limitées, alors que, dans le contexte actuel, elles devraient faire l'objet d'une attention toute particulière.
Ce sont, là aussi, les résultats de cette orthodoxie budgétaire et comptable drastique à laquelle nous sommes condamnés. La modération des dépenses publiques s'accompagne nécessairement d'une plus grande sélectivité, qui a particulièrement affecté, ces dernières années, les crédits que nous examinons. C'est la raison pour laquelle le groupe CRC votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés aux PME, au commerce et à l'artisanat connaissent à nouveau une baisse significative. Cependant, ils ne représentent qu'une petite partie de l'effort global de l'Etat en faveur des PME, qui s'élève à plus de 1 milliard d'euros.
Par conséquent, ce projet de budget ne rend qu'imparfaitement compte de l'action menée pour le dynamisme de notre économie, puisque le Gouvernement a choisi, à terme, la voie de la baisse des charges sociales et des prélèvements obligatoires. Sa priorité demeure l'incitation à la création d'entreprises : 240 000 entreprises nouvelles furent lancées en 2004. J'aimerais toutefois, monsieur le ministre, que vous nous disiez quel est le pourcentage d'entreprises toujours en vie un an après leur création.
M. Bernard Dussaut. Oui !
M. Jacques Pelletier. En effet, je pense souhaitable, et même indispensable, que le jeune créateur d'entreprise soit suivi, pendant douze à dix-huit mois, par quelqu'un de compétent qui pourra le guider dans sa difficile démarche. Ces intervenants peuvent être des conseillers de chambre de commerce et d'industrie ou de chambre de métiers, ou encore des ingénieurs retraités appartenant à l'association EGEE, l'Entente des générations pour l'emploi et l'entreprise, qui font un travail extraordinaire au profit de leurs jeunes collègues. En tout état de cause, il me semble nécessaire que les créateurs d'entreprise soient suivis pendant un temps assez long, afin que leurs chances de réussite soient plus élevées.
La dynamique engagée dès 2002, avec l'instauration du statut de la jeune entreprise innovante et les mesures relatives aux dépenses de recherche des PME et aux entreprises situées dans des zones urbaines sensibles, doit être amplifiée. Cette démarche devrait déboucher sur des résultats positifs, grâce par exemple à la prorogation jusqu'en 2005 du dégrèvement de taxe professionnelle pour les investissements productifs des entreprises, au soutien fiscal à la prospection commerciale hors de l'Union européenne et à l'action en faveur du développement de l'apprentissage et des pôles de compétitivité.
L'entreprise est aujourd'hui au coeur de toutes les préoccupations, au coeur de la dynamique de la création d'emplois. Tout ce qui va dans le sens de l'entreprise est bon pour l'emploi. L'entreprise et l'individu sont les acteurs essentiels de la société : que ce soit en matière d'aménagement du territoire, de développement durable, de maîtrise des nouvelles technologies, mais aussi de promotion sociale et d'évolution des carrières, tout passe par l'entreprise. Entreprendre est un acte formidable dans une société comme la nôtre.
Il faut donc permettre aux entrepreneurs de se consacrer pleinement à leurs projets et lever les freins, qui sont encore, hélas ! très nombreux. A cet égard, la politique de l'abaissement des charges sociales a montré tous les bénéfices que l'on pouvait attendre de sa mise en oeuvre : plus de 440 000 emplois ont été créés. Il me semble important de maintenir ces dispositifs.
Par ailleurs, il est aujourd'hui des secteurs qui attirent plus difficilement que d'autres les jeunes, et il est donc urgent d'en renforcer l'attractivité, en particulier pour les petites entreprises, les structures artisanales et le commerce, c'est-à-dire là où se trouve le plus grand gisement d'emplois. La baisse des charges sociales, le développement de l'apprentissage, une formation permanente pourraient mener les plus jeunes aux portes d'un réel projet professionnel, vers des perspectives de création d'entreprise. Le terme « employabilité » dit bien ce qu'il veut dire : il illustre à quel point de grands efforts doivent être faits pour que les salariés et les jeunes entrepreneurs puissent être prêts à affronter les risques du changement professionnel.
II est indispensable d'initier véritablement et sans faux- semblant une réelle réforme fiscale d'ensemble qui fasse que les fruits du travail et les outils de production ne soient plus confisqués au gré de textes législatifs et réglementaires volatiles et tatillons.
Plus encore, une réforme fiscale efficace encouragerait la création de fonds d'investissements de proximité et renforcerait l'attractivité des collectivités territoriales. Je tiens ici à saluer les initiatives du Gouvernement en la matière.
L'attractivité du site France, sans cesse rognée, ne cesse de m'inquiéter. Les difficultés en la matière tiennent tant à notre fiscalité qu'aux charges sociales imposées aux entreprises ou aux rigidités de la législation. Artisans, commerçants, PME françaises ou étrangères, tous sont concernés par ce problème fondamental qui reste l'une des principales faiblesses de notre économie. J'espère que le Gouvernement sera bien inspiré, et y apportera des solutions efficaces.
Les décisions à prendre ont pour ambition commune l'emploi, principale préoccupation de nos concitoyens : il importe de recréer un environnement social favorable au développement et au maintien des entreprises. C'est de leur aptitude à engendrer des ressources que dépendent la création et la survie des emplois.
A cet égard, l'amélioration de la compétitivité des PME reste un objectif fondamental. C'est aussi le contexte budgétaire, l'alourdissement des prélèvements fiscaux et sociaux, faute d'une maîtrise des dépenses publiques, qui pourrait entraver en 2005 la création d'emplois.
Réduire les prélèvements, favoriser l'esprit d'entreprise par l'innovation, supprimer les carcans administratifs, obstacles à l'embauche, sont les voies explorées au sein de l'Union européenne pour développer l'emploi.
Suivons, monsieur le ministre, les exemples de certains de nos voisins, qui s'imposent à nous.
Comme la grande majorité de mes collègues du groupe RDSE, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le ministre, les crédits de votre budget sont en baisse constante depuis trois exercices : ils s'élevaient à 172 millions d'euros en 2003, à 171 millions d'euros en 2004 et devraient s'élever à seulement 168 millions d'euros pour 2005.
Ce secteur essentiel non seulement pour notre économie, mais également pour le développement de nos territoires est, au regard de ces chiffres, peu favorisé. Le rapport d'Augustin Bonrepaux sur l'exécution des contrats de plan Etat-région et l'utilisation des crédits européens, déposé à l'Assemblée nationale le 27 octobre, souligne le peu d'ardeur du Gouvernement à tenir ses engagements en faveur des PME, du commerce et de l'artisanat.
Prenant notamment pour exemple l'exécution du volet « PME-commerce-artisanat » dans la région Aquitaine, région à laquelle je suis particulièrement attentif, M. Augustin Bonrepaux écrit ceci :
« Selon les informations fournies par la préfecture, les actions destinées à la création et à la reprise d'entreprises, maintenues in extremis à un niveau de réalisation prévu jusqu'en 2002, ont donné lieu aux premières coupes financières en 2003.
« Les actions d'appui au développement technologique, à la démarche qualité dans l'artisanat de production et dans l'agroalimentaire, sont réalisées depuis le début du contrat de plan à un niveau inférieur aux objectifs fixés, malgré les besoins criants exprimés par les entreprises. »
M. Roland Courteau. C'est clair !
M. Bernard Dussaut. « Par ailleurs, pour les ORAC, la situation est à ce jour très préoccupante parce qu'il est très difficile de financer tant la phase préalable à l'étude que la phase de travaux de ces opérations qui se mettent en place au rythme désormais accéléré des pays. »Cela se passe de commentaire !
Certes, les crédits du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC, sont stables à 71 millions d'euros, et devraient être abondés de 29 millions d'euros dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, pour atteindre 100 millions d'euros, comme M. le rapporteur spécial le rappelait voilà un instant.
Nous y sommes d'autant plus sensibles que la demande continue d'augmenter considérablement, entraînant des délais préoccupants pour le traitement des dossiers. Les aides sont attribuées tardivement, ce qui bloque totalement l'avancée des projets.
En effet, si cette contribution ne représente pas l'essentiel de l'apport financier - elle en représente 10 % -, elle permet d'enclencher les autres participations.
Les crédits du FISAC devraient être délégués aux régions. Cela pourra peut-être accélérer les procédures, mais avec un risque de multiplicité des politiques : il faudra veiller à ce qu'il n'y ait pas autant de politiques que de régions.
Monsieur le ministre, les modalités de ces délégations de crédits sont-elles arrêtées, et, si oui, à quelle échéance ?
Vous nous avez présenté les grandes orientations du projet de loi « Entreprises », qui semble tenir compte d'un certain nombre de revendications formulées par le secteur de la petite entreprise. Vous avez dégagé quatre axes : la consolidation de la viabilité des entreprises, la création de nouvelles formes d'activités, le renforcement de la transmission-reprise d'entreprise, la simplification administrative.
S'il est indéniable que la situation des conjoints collaborateurs doit être améliorée, le recours à la formation facilité, le patrimoine personnel protégé, il n'en demeure pas moins que les outils existants, ceux qui ont fait leurs preuves, doivent être financés par l'Etat et pérennisés. Les contrats de plan doivent être honorés, les dossiers du FISAC traités. On ne peut pas excuser la faiblesse d'un budget en invoquant des participations extrabudgétaires qui s'avèrent finalement insuffisamment opérantes.
Les éléments développés précédemment ne peuvent que conforter notre scepticisme.
Cela dit, cette année, l'attention a été très mobilisée par les déclarations de notre précédent ministre de l'économie et des finances concernant les relations avec la grande distribution.
Je dois dire que les organisations professionnelles ont de quoi être un peu perdues.
Le Gouvernement prône une politique favorable au développement des petites entreprises, à l'aménagement équilibré du territoire, avec notamment le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, texte qui prend d'ailleurs peu en considération les artisans et les commerçants, ce qui est dommage.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Bernard Dussaut. Mais il prend parallèlement des mesures qui menacent l'avenir de l'artisanat et du commerce de proximité, et en annonce d'autres qui ne sont pas moins inquiétantes.
L'ouverture de la publicité aux grandes enseignes commerciales a soulevé un juste tollé, et ce ne sont pas les 30 millions d'euros débloqués par le Gouvernement pour une campagne de proximité qui feront le poids, face aux milliards dont dispose la grande distribution.
L'autorisation de la publicité sur le crédit gratuit pour inciter les consommateurs à recourir plus largement au crédit profitera également directement aux grandes surfaces, avec pour conséquence dramatique le risque d'aggraver encore le surendettement des ménages.
Quant aux déclarations concernant la révision de la loi Galland, l'éventuelle modification des dispositions sur l'ouverture dominicale des commerces et l'assouplissement des modalités d'autorisation d'implantation des grandes surfaces, elles ne font qu'ajouter à cette inquiétude.
Alors que l'on répète que le commerce de proximité est le dernier rempart avant la désertification rurale, alors que l'on connaît le caractère extrêmement précaire de l'équilibre entre les différentes formes de commerces, on ne peut qu'être catastrophé par ces déclarations et par les menaces qui pèsent.
Monsieur le ministre, allez-vous réellement, sous la pression de cinq enseignes, prendre le risque d'anéantir les efforts fournis pendant plusieurs années pour assainir les pratiques commerciales ?
Vous le savez, les petites entreprises subissent de lourdes pressions de la part des enseignes pour avoir accès aux linéaires, et elles défendent la loi Galland. Elles estiment que cette loi les a protégées et dénoncent non les principes de la loi mais les efforts et les abus déployés pour la contourner. Ce sont les grands distributeurs qui ont trouvé la parade des marges arrière pour augmenter leurs profits.
Un assouplissement des règles d'ouverture dominicale favoriserait également la grande distribution, fragiliserait le commerce de centre-ville et ne résoudrait en aucun cas la question de la consommation des ménages.
Il ne faut pas inverser le problème : si les ménages consomment peu, c'est non par manque de disponibilité mais bien par manque de pouvoir d'achat.
On sait que la grande distribution, à chiffre d'affaire constant, occupe quatre fois moins de personnels que le commerce de proximité et qu'elle est implantée dans la périphérie des villes importantes.
Si vous allez dans ce sens, monsieur le ministre, vous accentuerez alors les concentrations économiques et spatiales, ce qui aura malheureusement un impact bien supérieur à toutes les lois en faveur du développement des entreprises que vous pourrez élaborer.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Dussaut. Dans un communiqué de presse du mois de mai dernier, mais toujours d'actualité, l'Union professionnelle artisanale soulignait que, dans ce contexte, « la mesure tendant à exonérer de taxe sur les plus values la vente des fonds de commerce apparaissait comme illusoire » ; elle ajoutait ceci : « en effet, quels sont les jeunes qui voudraient reprendre une entreprise artisanale ou commerciale dans un environnement aussi défavorable ? »
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur la politique à conduire en direction de la grande distribution ?
Vous êtes désormais ministre de plein exercice,...
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Bernard Dussaut. ... ce dont je vous félicite. Sans doute faut-il voir là la volonté du Premier ministre de soutenir votre politique en direction des petites et moyennes entreprises. Mais les moyens ne sont pas au rendez-vous.
M. Roland Courteau. Eh oui, c'est clair !
M. Bernard Dussaut. Nous ne voterons donc pas votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Henri de Raincourt et Charles Pasqua. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances nous permet tout d'abord de revenir un peu en arrière, sur une question qui m'est particulièrement chère : le problème des PME et des PMI.
Je reconnais que la loi pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil », a permis des avancées. Par déformation professionnelle, je dirai pourtant : « Peut mieux faire ! »
Nous sommes soumis, dans nos agglomérations, dans nos quartiers, à des problèmes de « transmission » - je préfère ce terme à celui de « reprise », qui fait souvent penser à « accroc », alors qu'il s'agit d'une continuité de l'activité.
Quand nous nous battons pour conserver dans nos quartiers des services, des commerces, nous faisons face à une difficulté, liée au gap que doit franchir parfois le compagnon de la personne qui prend sa retraite. Ce saut paraît trop haut.
Vous avez certes fait des efforts sur la plus-value.
Je crois qu'il aurait fallu accompagner la personne qui souhaite reprendre l'entreprise dans laquelle elle a travaillé depuis dix ans, vingt ans ou davantage.
Je ne sais exactement quelle forme il faudrait donner à cette aide, mais cette dernière est réellement nécessaire : je connais plusieurs entreprises unipersonnelles où le compagnon de l'entrepreneur possède des capacités professionnelles, mais n'a pas la capacité financière de racheter le fonds. Il faudrait se pencher sur ce problème qui touche tous nos bourgs et nos quartiers.
Par ailleurs, le volet d'accompagnement de la loi Dutreil m'a toujours paru insuffisant. On sait - les chiffres le démontrent - que la période au cours de laquelle les entreprises sont les plus fragiles couvre leurs trois premières années. Il me semble que l'effort d'accompagnement devrait être plus ample que ce qui est prévu dans cette loi.
En outre - permettez-moi un petit coup de griffe -, pourquoi avez-vous transformé une prime à la création d'entreprise pour les chômeurs en avance remboursable ? Vous « plombez » le haut du bilan de l'entreprise au moment même où celle-ci est la plus fragile !
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Daniel Raoul. Enfin, à l'approche de Noël, nous rêvons d'un équivalent de la Small Business Administration, la SBA américaine : pourquoi, en vue d'une simplification, ne pas regrouper en une seule administration l'ensemble des démarches et des accompagnements nécessaires à la création et à la transmission des entreprises ?
J'en viens maintenant à la recherche-développement.
Nous parlions tout à l'heure du commerce extérieur. Nous savons qu'un gisement possible d'exportations se situe dans les PME. Il faudrait, pour favoriser l'accès de ces entreprises aux marchés extérieurs, encourager des mises en réseau.
Ainsi, des entreprises se regrouperaient pour payer un cadre qui se spécialiserait dans l'export. Il serait d'ailleurs sans doute préférable, comme le soulignait tout à l'heure M. Arthuis, que ce cadre appartienne déjà à l'une de ces entreprises, de manière qu'il en ait la culture, plutôt que de procéder à un recrutement spécifique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà, c'est ça !
M. Daniel Raoul. Je crois, de plus, qu'un groupement d'employeurs permettrait à des PME et même à des TPE de trouver une plus grande capacité d'innovation et d'exportation.
Des pôles de référence sont institués dans certains endroits. Je pense, par exemple, au pôle « enfant » de Cholet, pour faire face à la crise du textile, ou au pôle italien de la lunetterie.
Pourquoi la mise en réseau des entreprises n'aboutirait-elle pas à la constitution de ce genre de pôles de référence ? Ces pôles ne seraient d'ailleurs pas nécessairement géographiquement déterminés : les techniques dont nous disposons le permettent.
La mise en réseau réelle des compétences nous permettrait peut-être de développer la recherche et l'innovation dans ces TPE et PME.
Telles sont les quelques réflexions que m'inspire le projet de budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, dont l'examen, je le constate, ne mobilise pas les foules ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez considéré à juste titre qu'il ne fallait pas uniquement mesurer le résultat de l'action du Gouvernement, notamment sur les PME, au travers du seul prisme budgétaire. Ce point a également été soulevé par Jacques Pelletier. Les bons instruments de mesure sont aussi la pérennité des entreprises et le développement économique.
Vous l'avez souligné, les crédits sont en légère baisse : près de 3 millions d'euros, soit un peu plus de 2 %. En revanche, la dépense fiscale augmente de 20 %, ce qui permet de créer une véritable dynamique, de favoriser le développement des fonds propres, et donc de mieux assurer la pérennité des entreprises.
Parmi les critères que nous allons retenir dans le cadre de la LOLF figurent la perception de la complexité administrative, qui me semble un élément tout à fait intéressant, et la pérennité des entreprises : nous pourrons ainsi faire le point trois ans après la création de ces dernières ; si l'entreprise a disparu, nous chercherons à connaître la nature des difficultés qu'elle a rencontrées et à savoir comment l'intervention publique aurait pu l'accompagner ou lui éviter ces difficultés.
Vous avez souligné aussi la difficulté de suivre l'évolution budgétaire dans le cadre de la LOLF. C'est vrai pour partie. Mais si la lecture ligne par ligne paraît plus difficile, la fongibilité des crédits, qui est l'un des principes de la LOLF, nous donnera plus de réactivité et, par là même, plus d'efficacité.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous m'avez interrogé sur l'augmentation des dossiers déposés pour l'accès au FISAC. Celle-ci est effectivement importante.
Le FISAC est un bon outil, qui fonctionne bien. Je crois qu'il donne satisfaction non seulement aux collectivités territoriales, mais aussi aux associations de commerçants et à tous les porteurs de projets.
En 2003, 750 dossiers avaient été déposés. Aujourd'hui, nous en sommes à 1 650. A la fin de l'année 2004, nous tournerons autour de 1 700. Le nombre de dossiers a donc plus que doublé en un an, ce qui a effectivement entraîné des délais de paiement.
Je suis, comme vous, attaché à la pérennisation de ces crédits. Pour ma part, je souhaite que le montant prévu dans la loi de finances initiale et dans la loi de finances rectificative soit maintenu, ce qui nous permettrait de disposer d'un financement de l'ordre de 100 millions d'euros.
Vous avez également évoqué, comme d'ailleurs d'autres orateurs, la loi Galland et la situation de l'équipement commercial.
L'appellation « loi Galland » est relativement impropre dans la mesure où il s'agit d'une modification du code général du commerce.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, avant que vous n'évoquiez la loi Galland, m'autorisez-vous à faire une ou deux observations ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les représentants de la grande distribution tiennent parfois des propos un peu démagogiques.
M. Bernard Dussaut. C'est clair !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans les relations qu'ils entretiennent avec leurs fournisseurs, il y a souvent, de mon point de vue, plus qu'une présomption d'abus de position dominante.
Voilà un an, par exemple, le Parlement a créé une taxe d'équarrissage, qui avait pour objet d'améliorer la situation sanitaire de tous les Français. Elle aurait donc dû être payée par tous les consommateurs.
Certains grands distributeurs se sont opposés à répercuter cette taxe sur les prix. Ce sont donc les fournisseurs, notamment dans un secteur que vous connaissez bien, celui de l'agriculture et de l'élevage, qui l'ont supportée. C'est là l'exemple d'un abus de position dominante.
On nous a dit que la loi Galland empêchait une baisse des prix. Mais il suffirait que les centrales d'achat, qui se sont concentrées de façon assez spectaculaire, renoncent aux marges arrière pour que les fournisseurs puissent vendre à des prix moins élevés et que ceux qui proclament leur volonté de vendre moins cher puissent le faire sans enfreindre la loi Galland.
Les grands distributeurs me donnent l'impression de prendre les Français pour des gogos.
M. Charles Pasqua. Je dirai même plus...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'aimerais que cette situation cesse et que l'on ne nous abuse pas sur la loi Galland. Il y a là une hypocrisie qu'il convient de dénoncer et de combattre !
M. Charles Pasqua. La loi est faite pour ça !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Jacob, ministre. Je partage très largement votre point de vue, monsieur Arthuis. La logique dans laquelle nous nous inscrivons, qui me semble essentielle pour notre économie, est de favoriser le développement de la consommation. Dans ce cadre, deux éléments importants sont à prendre en compte : le prix du produit et la confiance.
Je le répète, il ne faut pas uniquement voir les choses au travers du seul prisme du prix. Accompagné de plusieurs acteurs économiques, je suis allé voir ce qui s'était passé aux Pays-Bas. Certes, comparaison n'est pas raison, les systèmes de distribution entre la France et les Pays-Bas n'étant pas identiques.
Quoi qu'il en soit, aux Pays-Bas, les distributeurs se sont livrés à une guerre des prix très dure qui s'est traduite par une baisse moyenne des prix de 3 %, et une baisse de 10 % sur les 1 000 premières références. Or la diminution du chiffre d'affaires n'a pas été compensée par une reprise équivalente de la consommation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Christian Jacob, ministre. En revanche, cela s'est traduit par une perte de 17 000 emplois en dix mois, soit l'équivalent de 10 000 emplois à temps plein.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ce qui va se passer chez nous !
M. Christian Jacob, ministre. Il faut savoir que, dans ce pays de quinze millions d'habitants, le secteur de la grande distribution représente à peu près 100 000 emplois.
Alors, attention à ne pas déstabiliser l'emploi par les actions que l'on pourrait mener sur les prix ! Le pouvoir d'achat commence d'abord par le fait d'avoir un travail et un salaire !
M. Bernard Dussaut. Eh oui !
M. Christian Jacob, ministre. C'est la raison pour laquelle, souhaitant que nous prenions le temps d'étudier sérieusement cette question, j'ai mis en place un groupe de travail composé de l'ensemble des acteurs économiques concernés : la grande distribution, les PME, le commerce de centre-ville, les chambres de métiers, les chambres de commerce et les associations de consommateurs. Nous nous sommes fixé un calendrier de travail à raison d'une réunion d'une demi-journée par semaine, jusqu'à la mi-février. Je ferai alors des propositions au Premier ministre.
En ce qui concerne les marges arrière, j'entends parfois avancer des solutions un peu rapides : « Puisqu'il existe des marges arrière, et qu'elles faussent la lisibilité du commerce, intégrons-les directement dans le prix ! »
Là aussi, attention, car on entre alors dans la logique du triple net ! L'intégration directe de l'ensemble de la marge nette dans le prix du produit, dans ce qu'on appelle le seuil de revente à perte, aboutirait à ce que plus une entreprise aurait développé des marges arrière importantes - elles sont en moyenne de 25 % à 30 %, mais peuvent atteindre 50 % dans certains secteurs -, plus elle serait bénéficiaire. Du jour au lendemain, les distributeurs pourraient baisser leurs prix de 50 %. Ce n'est sûrement pas le but recherché.
Donner la possibilité d'afficher une baisse des prix aussi importante créerait de véritables distorsions de concurrence avec les commerces qui ne les pratiquent pas, et, surtout, aboutirait à déstabiliser complètement le secteur de la production.
Il faut vraiment prendre le temps, et ne pas répondre aux provocations de quelques personnalités connues dans le monde de la distribution.
Quant à la situation de l'équipement commercial, M. Fouché a réalisé un travail très sérieux et fait d'excellentes propositions à ce sujet. Je souhaite que nous les examinions dans le cadre du groupe de travail afin d'en prendre toute la mesure.
M. Béteille a évoqué l'apprentissage. Je partage très largement ses réactions et j'adhère à ses propositions. Le Président de la République et le Premier ministre ont d'ailleurs souhaité en faire une priorité. Nous y avons travaillé avec Jean-Louis Borloo et Laurent Hénart dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Le texte a d'ailleurs été amélioré par le Sénat à la suite d'un débat particulièrement riche.
En matière d'apprentissage, comme pour les formations en alternance en général, il faut renforcer le lien entre l'entreprise et l'école. Celui-ci, à une époque, a connu une certaine distorsion. Pourtant, la meilleure façon de préparer à la vie en entreprise est de donner la possibilité aux jeunes d'y recevoir une partie de leur formation. C'est dans cet esprit que le Président de la République a souhaité que l'on renforce et que l'on développe l'apprentissage.
Monsieur Pelletier, vous avez abordé plusieurs points, notamment le projet de loi « Entreprises ».
Vous m'avez posé une question sur la pérennité des entreprises au lendemain de leur création. Les chiffres sont significatifs : trois ans après leur création, 30 % d'entre elles disparaissent.
Cependant, ce chiffre est à relativiser. Notre système d'identification classe les entreprises en fonction de leur raison sociale et de leur statut. Or certaines entreprises changent de statut, et d'autres peuvent très bien disparaître à la suite des aléas de la vie, et non pour des motifs économiques. Cela étant, les chiffres sont importants : je le répète, 30 % des entreprises disparaissent.
M. Dussaut et plusieurs intervenants ont évoqué les réseaux d'accompagnement. Lorsque ces derniers interviennent en matière de gestion, de fiscalité ou sur le plan juridique, le taux de mortalité des entreprises est divisé par deux. On mesure donc bien tout l'intérêt de développer de tels réseaux.
Le projet de loi « Entreprises » est organisé autour de quatre priorités. La méthode retenue pour sa préparation m'a conduit à rassembler pendant trois mois, à raison d'une fois par semaine, ce qui a représenté plus d'une vingtaine de réunions de groupes de travail et une trentaine d'auditions, l'ensemble des représentants des milieux professionnels, des organisations professionnelles, du monde de l'entreprise, des réseaux consulaires, ainsi que des parlementaires. L'un des deux groupes de travail était d'ailleurs animé par M. Gérard Cornu. Une quarantaine de propositions, autour de quatre axes forts, ont été présentées.
Premièrement, le financement : beaucoup de projets restent encore dans les tiroirs en raison des difficultés de leurs auteurs à trouver le bon outil de financement. C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé sur des propositions de fonds de garantie, de fonds de cautionnement, de renforcement et de développement des fonds propres et des fonds d'investissement de proximité. Un grand nombre de propositions ont été faites en ce domaine.
Deuxièmement, les différentes formes d'activité, le statut du conjoint et du collaborateur libéral. En effet, le problème d'accès au métier se pose aussi dans les professions libérales où certains jeunes, au sortir de leur formation, n'ont pas nécessairement la possibilité financière de reprendre un fonds ou une clientèle. Pour pallier cette situation, le groupe de travail a imaginé un système de portage avec les entreprises déjà implantées.
Troisièmement, la transmission d'entreprise. Il s'agit là d'un point fort de notre réflexion. Au-delà des aménagements fiscaux, nous entendons développer le tutorat, l'accompagnement dont M. Raoul a fait état à propos de la fermeture de commerces. Puisque vous m'avez interrogé, monsieur le sénateur, sur les crédits réservés à cet effet, je peux vous dire qu'ils s'élèvent à une quarantaine de millions d'euros, plus précisément, si ma mémoire est bonne, à 38 millions d'euros. Cette mesure, selon moi, demande sans doute à être inversée pour encourager les entreprises qui trouvent un repreneur.
M. Daniel Raoul. Voilà !
M. Christian Jacob, ministre. Dans ce dessein, il s'agit de faire en sorte que le coût de la reprise soit diminué du montant de cette aide, d'une part pour permettre au repreneur, sinon d'éviter de s'endetter, du moins de s'endetter beaucoup moins, et, d'autre part, pour encourager ceux qui cherchent à faire reprendre leur outil de travail. Sur ce point, monsieur le sénateur, je partage tout à fait votre analyse.
Quatrièmement, la simplification des procédures : quel que soit le gouvernement, c'est sans doute là qu'existe la plus grande marge de progression. Un certain nombre d'actions ont déjà été engagées, mais j'estime qu'il est possible d'aller beaucoup plus loin, et je ne doute pas que, au moment de l'examen du projet de loi « Entreprises », vous saurez, les uns et les autres, enrichir nos débats et nos propositions sur ce sujet.
S'agissant du dossier FISAC, vous m'avez attristé, monsieur le sénateur Dussaut, en déclarant, avant même de m'entendre, que vous n'alliez pas voter la proposition gouvernementale. Je pensais en effet parvenir à vous convaincre ! (Sourires.)
Sur les crédits FISAC, sur lesquels vous m'avez alerté, je reprendrai les propos que j'ai tenus en réponse à Gérard Cornu : je rappelle que les crédits FISAC, qui s'élevaient, en 2002, à 66 millions d'euros, ont été portés à 71 millions d'euros, montant qui devrait progresser de 42 % dans la loi de finances rectificative pour 2004, atteignant ainsi 100 millions d'euros. Ce gouvernement s'est donc vraiment engagé en faveur du développement du FISAC.
S'agissant de l'ouverture des commerces le dimanche, je partage assez largement votre point de vue à une exception près : il convient, à mon sens, de faire preuve d'une certaine souplesse à l'égard des zones de forte activité touristique, étant entendu que le commerce n'y fonctionne que lorsque les chalands sont présents.
En revanche, je suis beaucoup plus réservé pour les autres secteurs commerciaux, car l'ouverture dominicale crée une distorsion qui n'est pas saine : il sera beaucoup plus difficile de trouver du personnel pour les commerces de centre-ville, où le commerçant travaille bien souvent seul avec son conjoint ou un ou deux salariés, que pour les réseaux de grande distribution. En outre, j'estime que les commerçants peuvent aussi prendre un jour de repos dans la semaine.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis très réservé sur le développement de l'ouverture des commerces le dimanche au-delà du cadre touristique qui appelle une étude plus approfondie.
Monsieur Coquelle, vous m'avez interrogé sur la réduction du budget et sur la loi Galland. Je pense vous avoir répondu à cet égard en répondant à M. Auguste Cazalet.
S'agissant du rapport Canivet, nous allons, dans le cadre du groupe de travail que j'ai évoqué, en reprendre toutes les propositions, à l'instar de ce que nous allons faire pour les propositions de M. le sénateur Fouché ; nous les évaluerons s'agissant de leur implication en termes d'emploi. Je pense, comme je l'ai dit tout à l'heure, que je serai ainsi en mesure, à la mi-février, de présenter des propositions.
S'agissant des contrats de plan Etat-région, monsieur Raoul, l'Etat tient ses engagements à la hauteur des crédits ouverts par le Parlement ; je ne peux rien dire de plus !
Enfin, je précise à l'intention de M. Dussaut que seules les régions qui auront adopté un schéma régional expérimental de développement économique pourront utiliser les crédits du FISAC.
Tels sont monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, les éléments d'information que je pouvais porter à votre connaissance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie, et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les autres crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie ont été examinés aujourd'hui même.
État B
Titre III : 46 835 662 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 842 736 234 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V - Autorisations de programme : 421 588 000 euros ;
Crédits de paiement : 96 073 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI - Autorisations de programme : 1 554 628 000 € ;
Crédits de paiement : 1 139 644 000 €.
M. le président. J'appelle en discussion l'article 73 sexies qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.
Economie, finances et industrie
Article 73 sexies
I. - L'article 1601 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le a, le montant : « 93,50 € » est remplacé par le montant : « 95,50 € » ;
2° Le a est complété par les mots : « pour les chambres de métiers et de l'artisanat de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion, le montant maximum du droit fixe est fixé à 102,50 € ; »
3° Après le a, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour 2005, le montant maximum du droit fixe des chambres de métiers et de l'artisanat est exceptionnellement majoré de 1 € afin de permettre le financement de l'organisation des élections aux chambres de métiers et de l'artisanat ; cette majoration n'est pas prise en compte dans le calcul du droit additionnel à la taxe professionnelle. »
II. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1601 A du même code, les mots : « à l'article 1601 » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa du a de l'article 1601 ».
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat.
Services du Premier ministre
I. - SERVICES GÉNÉRAUX
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique et à la réforme de l'Etat, à la presse, à l'audiovisuel et au Conseil supérieur de l'audiovisuel).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, le budget des services généraux du Premier ministre, dont je suis le rapporteur spécial au nom de la commission des finances, regroupe des crédits très divers, à hauteur de 830 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005.
Parmi ces crédits figurent ceux de cabinets ministériels, en particulier, du cabinet du Premier ministre et des ministres en charge de la fonction publique, les dotations de directions d'administration centrale des services du Premier ministre et d'organismes placés auprès de lui, aussi divers que la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur sous l'occupation ou que le conseil d'orientation des retraites.
Enfin, plusieurs autorités administratives indépendantes sont rattachées aux services généraux du Premier ministre, parmi lesquelles le Médiateur de la République et le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
S'agissant des actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur sous l'occupation et des victimes d'actes de barbarie durant le Seconde guerre mondiale, je relève, d'une part, que le décret ne concerne pas les orphelins de toutes les victimes de la barbarie nazie, d'autre part, que le chapitre correspondant apparaît de nouveau sous-doté. Sur ces différents points, je me permets toutefois de renvoyer à l'examen des crédits du budget des Anciens combattants par notre collègue Jacques Baudot, rapporteur spécial.
Compte tenu de l'hétérogénéité des crédits inscrits au budget du Premier ministre, j'ai plaidé de manière constante pour que le périmètre des services généraux du Premier ministre corresponde aux seules fonctions d'état-major de l'action gouvernementale.
A cet égard, le projet de loi de finances pour 2005 marque un progrès en transférant le remboursement des exonérations de redevance audiovisuelle au budget des charges communes.
La nouvelle nomenclature budgétaire prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, poursuit cette clarification, puisque les crédits d'aide à la presse aujourd'hui inscrits au budget des services généraux du Premier ministre relèveraient, demain, de la mission « Médias », où ils trouvent naturellement leur place.
Par ailleurs, la maquette prévue par la LOLF envisage de regrouper tous les crédits des services du Premier ministre, qui ne se limitent pas à ceux des services généraux du Premier ministre, dans une mission intitulée « Direction de l'action du gouvernement ».
A périmètre constant, les crédits proposés dans le cadre du présent projet de loi de finances sont en légère baisse : ils s'élèvent à 706 millions d'euros, soit une diminution de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Cependant, ce resserrement budgétaire doit être relativisé en raison des variations qui ont affecté les crédits en exécution.
D'une part, les crédits des services généraux du Premier ministre n'ont pas été entièrement consommés ; ces crédits, reportés sur l'année suivante, ont ainsi abondé de 143 millions d'euros les dotations en loi de finances initiale en 2003, et ces reports ont encore atteint 68 millions d'euros en 2004.
D'autre part, les annulations de crédits, les mesures de répartition et les transferts ont réduit a contrario les crédits disponibles. Les annulations de crédits montrent un effort de régulation notable puisqu'elles ont atteint 39 millions d'euros en 2003 ; pour l'année 2004, elles s'élèvent à la date actuelle à près de 29 millions d'euros. Partant, les annulations de crédits représentent de 3 % à 4 % des dotations votées en loi de finances initiale.
Au final, pour l'exercice budgétaire 2003, le solde de ces différents mouvements de crédits a conduit à un excédent de 47 millions d'euros des crédits ouverts par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale.
Du point de vue de l'exécution budgétaire, cette progression des crédits ouverts conduit à nuancer les observations de votre rapporteur spécial fondées sur la seule comparaison des dotations en loi de finances initiale quasi stables depuis 2001.
Si ce décalage entre les crédits votés et les crédits ouverts est préjudiciable à la sincérité des crédits votés en loi de finances initiale, je me félicite de l'amélioration du taux de consommation des crédits à hauteur de 94,2 % en 2003. En effet, il diminue mécaniquement les reports et rapproche le niveau des crédits votés de celui des crédits ouverts en exécution.
Ces précisions me semblaient nécessaires à une juste appréciation de l'évolution des crédits des services généraux du Premier ministre.
Ce budget est lui-même confronté à d'importantes évolutions, dans le cadre de la préparation du passage à la LOLF. J'ai évoqué la nouvelle maquette dont l'élaboration a été d'autant plus difficile que les services du Premier ministre ne concourent pas véritablement aux moyens de mise en oeuvre d'une politique publique identifiable comme telle.
En 2005, une expérimentation de globalisation des crédits préfigurera l'application du principe de fongibilité asymétrique des crédits prévue par la LOLF.
Je me félicite de cette expérimentation, qui permet d'associer les agents à la conduite du changement exigé par la mise en oeuvre de la réforme budgétaire.
En revanche, la réflexion sur les objectifs et les indicateurs de performance doit encore être approfondie. L'efficience de la gestion, mesurée au regard des moyens alloués, doit davantage être prise en compte.
Ainsi, il n'est guère pertinent de retenir comme objectif la part des crédits relevant des fonctions supports de soutien de l'ensemble des dépenses du programme. De tels objectifs et indicateurs de moyens ne nous renseignent pas, en effet, sur la performance de l'action publique.
Je me réjouis de la définition d'un objectif de performance visant à conforter le rôle d'éditeur de référence de la Documentation française. Cependant, dans la continuité de mes travaux de contrôle budgétaire, je regrette qu'il n'ait pas été choisi de définir un objectif et des indicateurs pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et ce malgré les recommandations faites en ce sens par la mission de contrôle budgétaire menée au premier semestre 2004. Il est vrai que le nombre d'objectifs par programme doit rester limité pour d'évidentes raisons de lisibilité de l'action publique.
Je dirai encore quelques mots de la mise en oeuvre de la réforme des fonds spéciaux inscrits au chapitre 37-91 du budget des services généraux. Depuis la réforme de 2002, les fonds spéciaux correspondent exclusivement à des actions liées à la sécurité.
A cet égard, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005 s'élèvent à 37,8 millions d'euros, en très légère progression de 0,8 % par rapport à l'année antérieure. Compte tenu d'un nouvel abondement de ces dotations de plus de 3 millions d'euros à la date du 31 août 2004 - soit 8 % des crédits votés -, les fonds spéciaux apparaissent, une fois de plus, sous-dotés en loi de finances initiale.
J'ajoute que, pour la première fois en 2004, 30 000 euros ont été alloués au fonctionnement de la commission de vérification des fonds spéciaux. Or, ces crédits n'étaient pas consommés à la date du 31 août 2004.
Telles sont, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais porter à votre connaissance concernant un budget, par nature, hétérogène.
La commission des finances s'est ainsi prononcée pour l'adoption du budget des services généraux du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les sénateurs, hors fonction publique, le projet de budget des services généraux du Premier ministre pour 2005 s'établit à 674,9 millions d'euros contre 931,3 millions d'euros en 2004. Comme M. le rapporteur spécial l'a signalé, cette diminution résulte, pour l'essentiel, d'une mesure de transfert des crédits destinés à la compensation par l'Etat des exonérations de redevance audiovisuelle vers le budget des charges communes.
Au sein du budget des services généraux, nous avons déterminé trois priorités.
La première priorité est le développement de l'administration électronique. Grâce au plan « Administration électronique 2004/2007 » ou « ADELE », lancé par le Premier ministre le 9 février de cette année, 140 projets créateurs de 300 nouveaux services seront réalisés d'ici à 2007.
Les moyens humains et financiers supplémentaires dont disposera l'agence pour le développement de l'administration électronique, ou ADAE, résultent non pas d'une dépense nouvelle pour l'Etat, mais d'un transfert par ponction de crédits et de postes budgétaires provenant d'autres ministères. Cette taxation correspond à la volonté du Gouvernement de mutualiser l'effort des différents ministères plutôt que de continuer à laisser agir chacun de son côté, ce qui serait à la fois coûteux et probablement dangereux sur le plan technique.
L'administration électronique est un facteur essentiel de la modernisation de l'Etat. Je sais que vous en êtes convaincus, car nous en avons parlé à plusieurs reprises. Les propositions du président Jean Arthuis, contenues dans le rapport, dont je salue la qualité, remis au nom de la commission des finances, nous seront d'ailleurs fort utiles pour améliorer au fur et à mesure des années et des exercices budgétaires l'efficacité de notre action dans ce domaine.
L'indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde guerre mondiale constitue la deuxième priorité de ce budget. A la suite des engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a mis en place, par décret du 27 juillet 2004, un régime d'indemnisation en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale. Ce régime est d'ores et déjà applicable. De nombreux dossiers sont en cours d'instruction et donneront lieu à indemnisation dès les prochaines semaines. Une dotation de 20 millions d'euros est inscrite pour 2005 au budget des services généraux du Premier ministre pour l'application de ce régime.
La troisième priorité est constituée par les expérimentations envisagées en 2005 au titre de la préparation de la mise en oeuvre de la LOLF. La principale mesure prend la forme de la création d'un chapitre expérimental de globalisation qui regroupe les crédits rattachés à l'action de soutien du futur programme « Coordination du travail gouvernemental ». Ce chapitre s'élève aujourd'hui à 43,6 millions d'euros.
Par ailleurs, M. le rapporteur spécial a soulevé des questions auxquelles je souhaite répondre.
Il s'interroge tout d'abord sur la pertinence du rattachement au Premier ministre des crédits du comité consultatif national d'éthique, autrefois relevant du budget du ministre chargé de la santé. Cette mesure résulte d'une disposition de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Elle vise à souligner l'importance que revêtent pour l'Etat les travaux de ce comité, ainsi que le caractère interministériel de l'activité de ce dernier. Toutefois, dans l'optique de la LOLF, cette disposition pourrait effectivement être réexaminée en projet de loi de finances pour 2006.
En outre, M. le rapporteur spécial souligne son intérêt pour la mission d'étude visant à organiser le rapprochement des activités de la direction des Journaux Officiels et de la direction de la Documentation française, mission confiée à M. Tiberghien. Les premières conclusions de cette mission, portant sur le routage, la diffusion et l'impression, sont déjà mises en oeuvre. De nouvelles propositions sont attendues pour la fin de cette année.
S'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, il a été souligné que le rattachement des crédits liés à l'indemnisation des victimes des spoliations antisémites en vigueur pendant l'occupation et des victimes de la barbarie nazie pourra relever de la mission « Mémoire et lien avec la nation ». Je tiens à appeler l'attention de la représentation nationale du Sénat sur le caractère unique des actes en question. Ils ne sont pas assimilables aux faits relevant de la mémoire combattante et ils ont donné lieu, de la part de M. le Président de la République, à la reconnaissance d'une responsabilité nationale si particulière qu'elle justifie un rattachement, y compris sur le plan budgétaire, au plus haut niveau de l'Etat.
Enfin, la possibilité de rattacher les crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel à la mission « Médias » a été évoquée par le Gouvernement au cours des travaux préparatoires à la mise en place de la LOLF, comme elle l'a été également par M. le rapporteur spécial. Cette hypothèse n'a cependant pas été retenue, car lier une autorité administrative indépendante à un programme dont le responsable est l'autorité qu'elle doit contrôler aurait été paradoxal.
S'agissant de l'écart observé entre les dotations inscrites en loi de finances initiale et les crédits ouverts, il résulte - M. le rapporteur spécial l'a bien noté - de l'importance des reports et de la volonté du Gouvernement d'assurer en 2003 la maîtrise la plus complète de l'exécution de l'autorisation budgétaire.
Quant à la dotation des fonds spéciaux, que M. le rapporteur spécial estime sous-évaluée en loi de finances initiale, je peux indiquer à la Haute Assemblée qu'elle ne couvre que les opérations programmées. Elle ne comporte pas de dotations forfaitaires pour les opérations spéciales non prévues. L'obligation de recourir à des décrets de dépenses accidentelles pour chacune de ces opérations ne nuit pas au contrôle budgétaire qui doit être exercé sur ces opérations.
Enfin, la non-consommation de la dotation inscrite au bénéfice de la commission de contrôle des fonds spéciaux correspond au fait que celle-ci a choisi de faire porter son effort, pour la première année de son activité, sur les services centraux et non sur les postes à l'étranger. De ce fait, elle n'a pas eu l'occasion d'utiliser sa dotation destinée à financer les dépenses liées à ses déplacements.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter à la Haute Assemblée, s'agissant du budget des services généraux du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, vous avez également en charge les stratégies ministérielles de réforme, et tout doit tendre à l'efficacité de la dépense publique.
Nous devons nous mobiliser pour réduire la dépense publique, la rendre plus efficace, diminuer le déficit public, réduire les prélèvements obligatoires.
Nous avons observé que, dans les crédits des services généraux du Premier ministre, au chapitre 37-30, article 20, sous-article 22, est inscrite la création d'un conseil d'analyse de la société, pour laquelle 150 000 euros ont été prévus.
Naturellement, 150 000 euros rapportés au total des dépenses prévues au budget, c'est peu.
Cependant, c'est un signe, monsieur le ministre. Comment peut-on à la fois proclamer une telle volonté de maîtrise de la dépense publique et créer un organisme de plus ? Nous avons beaucoup hésité, constatant que rien ne change du côté du Plan, que l'on a complété par un conseil d'analyse économique, et que le Conseil économique et social est un haut lieu de réflexion sur l'analyse de la société. Il y a également le Parlement, qui compte des délégations pour la planification et pour l'aménagement du territoire ; et voilà que le Premier ministre crée un conseil d'analyse de la société !
Nous sommes dans une vraie contradiction. Je ne vais pas réunir ce soir la commission des finances pour déposer un amendement et retrancher symboliquement 50 000 euros.
Mais je voudrais être sûr que, si ce conseil devait être créé - et je fais le voeu qu'il ne le soit pas -, l'on nous donne alors tous les éléments d'information attestant qu'il n'y aura pas de création d'emplois ; en effet, ce serait en contradiction avec notre volonté affirmée de réduire les effectifs de la fonction publique. Je voudrais que l'on nous donne l'analyse de ces dépenses, que l'on nous explique ce qui justifie ce budget. Et nous nous réservons le droit, en commission mixte paritaire, de procéder à une restriction de ces crédits.
Je souhaite dire au Premier ministre que nous attendons pour l'an prochain une remise en ordre de ces multiples organismes, dont la coordination nous semble très aléatoire. Il s'agit de dépenses publiques, dans l'engagement desquelles nous devons nous montrer plus rigoureux.
Peut-être avez-vous des éléments de réponse sur ce conseil d'analyse économique, monsieur le ministre ; très franchement - je vous le dis avec une grande sincérité -, nous sommes ici dans un exercice contredisant les grandes lignes directrices que le M. le ministre d'Etat a rappelées en présentant le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, je partage évidemment votre souci de combattre les organismes inutiles dans l'administration française, de procéder à un élagage. Nous l'avons d'ailleurs fait l'année dernière, au travers du projet de loi d'habilitation, en supprimant un grand nombre de commissions ; et nous le referons à partir du projet de loi d'habilitation n° 2, voté voilà à peu près un mois, qui va nous permettre de poursuivre cette oeuvre.
Mais élaguer ne signifie pas ne pas créer. Il faut élaguer les structures qui montrent leur inutilité ou qui montrent simplement qu'elles sont en décalage par rapport à ce que l'on attendait.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. La création de nouvelles structures n'est pas nécessairement interdite, mais il faut évidemment - et je partage complètement votre souci - qu'elles montrent leur utilité.
Le Premier ministre a souhaité, et il n'est pas le seul, que soit créé, à côté des autres organismes de prospective et, finalement, d'investissement intellectuel, le conseil d'analyse de la société dont la mission a été précisée par un décret de juillet 2004.
Il s'agit d'un conseil modeste, ne comptant ni organes permanents ni personnels titulaires qui seraient rattachés ; il ne sera pas créé d'emplois de fonctionnaires, et ce conseil ne sera pas un outil qui alourdirait la machine administrative. C'est au contraire une structure très souple qui devra, au fur et à mesure du temps, montrer son utilité.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le président de la commission, et je pense pouvoir prendre l'engagement que, à l'issue d'une première année de fonctionnement du conseil d'analyse de la société, une évaluation précise des résultats de ce dernier permette de savoir si les espoirs que l'on place en lui seront ou non fondés.
Mais il ne faut pas confondre les deux manières de faire : on peut sans arrêt alléger, supprimer, tout en ayant un axe et une culture de création, les deux n'étant pas incompatibles.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne suis pas du tout convaincu ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous nous réservons la possibilité de trancher en commission mixte paritaire. Si cet organisme devait être créé, je ne doute pas qu'il serait une référence en matière d'évaluation de performances. Alors, peut-être, monsieur le ministre, pour compléter notre échange, me permettrai-je de vous demander de venir devant la commission des finances pour nous expliquer tout cela. (M. Hugues Portelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas, monsieur le président, engager un long dialogue avec le président de la commission des finances, mais nous sommes évidemment sur la même longueur d'ondes, et je suis prêt à aller devant la commission pour bien préciser les choses.
J'ajoute que, par ailleurs, un certain nombre d'économies sont réalisées, notamment au commissariat général du Plan, ce qui permet d'adapter les organismes à leurs fonctions.
M. le président. Je vous rappelle que les crédits inscrits à la ligne « services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix demain à la suite des crédits relatifs à la communication.
État B
Titre III : moins 36 875 266 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : moins 284 372 080 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 23 320 000 € ;
Crédits de paiement : 8 938 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services généraux du Premier ministre.
II. - secrétariat genéral de la défense nationale
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat national de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'application de la loi organique relative aux lois de finances entraînant la suppression du budget du secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, c'est donc pour la dernière fois que je vous présente ses crédits. Ces derniers atteindront, en 2005, 56,67 millions d'euros, soit une augmentation apparente de 12,9 %. Cette évolution résulte principalement de transferts d'emplois auparavant mis à disposition.
Après intégration de 36 personnes, dont 33 en provenance du ministère de la défense, et la création de 16 emplois, le SGDN disposera d'un effectif de 353 emplois. Par ailleurs, la subvention à l'Institut des hautes études de la défense nationale, l'IHEDN, est doublée pour atteindre 4,2 millions d'euros, en raison du transfert de 43 emplois venant du même ministère. La hausse réelle des moyens du SGDN, compte tenu de ces opérations de transfert à coût nul pour l'Etat, n'est donc que de 5,1 %.
Cette augmentation permettra - par les créations d'emplois et avec près d'un million d'euros de mesures nouvelles pour le matériel et le fonctionnement - de satisfaire aux nouvelles missions confiées au SGDN.
Les dépenses en capital s'établissent en crédits de paiement en légère hausse de 3,6 %, conséquence de l'attribution de 1,1 million d'euros pour le soutien à l'innovation du titre VI. Ces crédits serviront à la mise en oeuvre du plan de renforcement de la sécurité des systèmes d'information, le PRSSI, et aux actions menées au titre de l'intelligence économique. Si le programme civil de défense continue à bénéficier de crédits représentatifs, des réductions de crédits lui ont cependant été appliquées ces dernières années, ce que je regrette.
Enfin, les autorisations de programme augmentent de 4 millions d'euros en faveur du centre de transmissions gouvernemental et du nouveau titre VI.
Le SGDN, instrument privilégié du Premier ministre en matière de direction générale de la défense, travaille également en liaison avec la Présidence de la République. Son rôle est conforté par les moyens mis à sa disposition et les appels à sa compétence.
Le SGDN est aussi chargé de la préparation du comité interministériel du renseignement, le CIR. A ce propos, je pense que la coordination du renseignement pourrait être améliorée par la création d'un conseil sur le modèle du conseil de sécurité intérieure.
Les responsabilités du SGDN ont été récemment élargies. En effet, une cellule de veille et d'alerte fonctionnant en permanence a été mise en place, un haut responsable chargé de l'intelligence économique et rattaché au SGDN a été nommé, et le comité interministériel aux crises nucléaires et radiologiques, le CICNR, dont le secrétariat est assuré par le SGDN, a été créé.
L'évolution vers une réelle autonomie de l'IHEDN est poursuivie par un important transfert d'emplois. J'apprécie cet effort, de même que l'impulsion nouvelle donnée aux trinômes académiques et les avancées pour la création d'un futur collège européen de sécurité et de défense.
Les fonctions du SGDN recouvrent également la coordination de la protection des populations. Dans le contexte international, votre rapporteur spécial s'inquiète tout particulièrement, comme chaque année d'ailleurs, des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.
Aussi convient-il d'apprécier la création du CICNR à sa juste valeur. Le SGDN, qui en assure le secrétariat, est désormais chargé de mettre en cohérence les mesures planifiées en cas d'accidents ou d'attentats et de veiller à la planification d'exercices dans ce domaine. A ce titre, il faut relever la participation du secrétaire général du SGDN aux conseils de sécurité intérieure. Il instruit et présente les questions de sécurité intérieure intéressant la défense, le renseignement et la planification de la sécurité nationale.
J'approuve également la mise en oeuvre du PRSSI, les administrations de l'Etat disposant, pour cette sécurisation des systèmes d'information, de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, désormais intégrée dans les locaux du SGDN.
Enfin, je constate avec satisfaction que les transmissions gouvernementales restent aussi l'une des priorités du SGDN, notamment la valorisation du réseau Rimbaud.
Les chantiers nécessaires à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances sont en bonne voie au SGDN avec l'utilisation, depuis le 1er janvier 2002, du logiciel Accord et la mise en place d'un plan pluriannuel d'application du contrôle de gestion et de suivi de la masse salariale. Celle-ci est désormais présentée dans un chapitre unique 37-10, et, dans l'optique de la mise en place d'un budget opérationnel de programme, vingt-sept objectifs ont été définis pour le SGDN.
Après application de la loi organique relative aux lois de finances, les crédits du SGDN seront rattachés à une action de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Le format du SGDN ne pouvait justifier le maintien de son « bleu » budgétaire au regard des principes retenus par la loi organique relative aux lois de finances. Cependant, je souhaite que les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions, notamment de coordination interministérielle en matière de défense et de sécurité, indispensables aux plus hautes autorités politiques de notre pays, soient maintenus dans l'avenir. Je ne suis toutefois pas inquiet à ce sujet dans la mesure où, ces dernières années, les pouvoirs publics de toutes tendances ont régulièrement accru ses moyens et ses compétences.
Compte tenu de l'effort consenti en faveur des missions tant traditionnelles que nouvelles du SGDN qui ressort de ce budget, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le secrétariat général de la défense nationale, service du Premier ministre, assure la coordination interministérielle dans les domaines de la défense et de la sécurité de la France.
L'année 2004 a été marquée par un accroissement des missions du SGDN vers une vision plus globale de la sécurité. Cette prise en charge de missions nouvelles justifie l'augmentation du projet de budget du SGDN pour 2005 tel qu'il vous est présenté.
Cependant, si ce projet de budget augmente en apparence de 12,9 % par rapport à la loi de finances initiale de 2004, passant de 50,2 millions d'euros à 56,67 millions d'euros, cette progression est en réalité de 5,1 % en raison d'importants transferts d'emplois. En effet, 60 % des crédits nouveaux correspondent à des transferts d'emplois depuis d'autres ministères dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.
Les crédits destinés au fonctionnement, inscrits au chapitre 34-98, augmentent de 8 %. Cet octroi de crédits nouveaux permettra de prendre en charge les besoins courants induits par quatre nouvelles missions.
La première mission tient au renforcement du dispositif de veille et d'alerte au profit des plus hautes autorités de l'Etat afin d'assurer cette fonction de façon permanente sept jours sur sept.
La deuxième mission est le développement de la capacité d'anticipation et la planification de la réponse aux crises de toutes natures ainsi que la réalisation de plusieurs exercices interministériels.
La troisième mission est la coordination des actions d'intelligence économique, à la suite de l'institution d'un haut responsable chargé de l'intelligence économique auprès du secrétaire général de la défense nationale par décret du 22 décembre 2003. Même si le budget qui lui est consenti est, comme l'a noté M. le rapporteur spécial, relativement modeste, il convient de souligner que celui-ci est adapté à une première année d'activité et qu'il doit être examiné en tenant compte du fait que les crédits prévus au titre VI pour le soutien à l'innovation dans les PME concourent aux missions du haut responsable.
Enfin, la quatrième mission est le secrétariat du comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques, créé par le décret du 8 septembre 2003, dont le SGDN assure l'animation.
Le projet de budget pour 2005 présenté ici traduit également un nouvel élan demandé par le Premier ministre dans le domaine de la sécurité des systèmes d'information, domaine qui relève de la compétence du SGDN depuis 1996 : un plan de renforcement de la sécurité des systèmes d'information pluriannuel, approuvé par le Premier ministre en décembre 2003, doit permettre à l'Etat non seulement de s'adapter aux avancées technologiques, mais aussi de protéger ses infrastructures de communications.
Pour 2005, ce plan se traduit, au SGDN, par la création de six emplois à la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, un effort d'investissement poursuivi l'année prochaine et des possibilités d'intervention accrues dans le monde économique par la création d'un titre VI au budget du SGDN.
Ce projet de budget permettra la prise en charge de ces nouvelles missions ; toutefois, il ne néglige pas les missions plus traditionnelles du SGDN.
Ainsi, l'investissement au profit de la lutte contre le terrorisme nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique permettra de poursuivre les projets engagés les années précédentes. Il en va de même pour les capacités techniques des services spécialisés.
Par ailleurs, l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, dont le SGDN exerce la tutelle au nom du Premier ministre, voit sa subvention doubler dans le projet de loi de finances pour 2005. Cependant, la majeure partie de cette augmentation est due à des transferts d'emplois depuis le ministère de la défense.
La politique de transfert d'emplois appliquée par le SGDN et l'IHEDN dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances permet de mettre fin aux mises à disposition sans remboursement.
Le projet de budget du SGDN pour 2005 permet non seulement de poursuivre les actions engagées, mais aussi de prendre en compte les besoins budgétaires des nouvelles missions qu'il s'est vu confier.
De même, par les transferts prévus, il participe à une clarification des soutiens apportés par d'autres ministères, particulièrement en personnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.
État B
Titre III : 5 713 314 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 20 620 000 € ;
Crédits de paiement : 8 758 000 €.
M. le président. Je mets aux voix crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 180 000 € ;
Crédits de paiement : 1 100 000 €.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, selon l'ordre du jour de ce vendredi, nous devons encore examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le Conseil économique et social, le Plan, le budget annexe des Journaux officiels, la fonction publique et la réforme de l'Etat.
Nous devions, en principe, suspendre nos travaux à vingt heures, pour les reprendre à vingt-deux heures ; mais peut-être pourrions-nous envisager de les achever avant le dîner, à condition, toutefois, que chacun trouve cette proposition à sa convenance et accepte d'être concis - le débat budgétaire est, traditionnellement, riche, plein de spontanéité et d'émotion, mais les sujets que nous avons à examiner maintenant ne devraient peut-être pas donner lieu à des débordements passionnés ! -, afin que la séance ne se prolonge pas au-delà de vingt et une heures ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. C'est parfait !
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Je vous invite cependant à la concision, mes chers collègues, par égard pour le personnel des services des comptes rendus.
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget du Conseil économique et social - renouvelé voilà tout juste trois mois -s'inscrit dans la continuité de celui de l'année passée.
En augmentation de 0,5 %, il s'élève à 33 millions d'euros. Il n'offre guère de marges de manoeuvre, l'essentiel étant constitué de frais liés aux ressources humaines, parfaitement stables depuis 2001. Aucun facteur d'augmentation marquant n'est à relever.
Comme les ministères, le Conseil économique et social est frappé par des mesures de réduction de crédits, tant sur 2004 que sur 2005. Cependant, il bénéficie d'une réelle autonomie de gestion que lui ont accordée les constituants de 1958.
Les crédits du Conseil économique et social sont peu détaillés, les dépenses sont réalisées sur décision de son bureau sans que s'applique la loi du 10 août 1922, relative au contrôle des dépenses engagées. Seuls s'imposent les contrôles a posteriori de la Cour des comptes.
Pour autant, « indépendance » ne signifie pas « opacité », je dois le souligner, et le Conseil économique et social fournit volontiers à la commission des finances de la Haute Assemblée toute information complémentaire utile à la compréhension de sa situation budgétaire et financière.
La troisième assemblée constitutionnelle, qui se veut acteur essentiel de la démocratie participative à l'échelle nationale, européenne et mondiale, s'est incontestablement dynamisée au cours de la mandature 1999-2004, grâce au président Dermagne.
Chacun de nous connaît les travaux effectués par le Conseil économique et social sur saisine gouvernementale, ou sur autosaisine, sur des sujets qu'il sait être au coeur des préoccupations de la société civile.
Toutefois, c'est bien sûr au cours du processus législatif que le Conseil économique et social voudrait être plus souvent consulté. Il vient de l'être, et sur un thème d'importance : la cohésion sociale. Après avoir travaillé tout l'été, il a rendu un avis dont le Parlement et le Gouvernement n'ont pas manqué de tirer profit.
Si certaines critiques demeurent, par exemple sur sa composition ou sur les modes de désignation de certains de ses membres, le Conseil économique et social lui-même peut être une véritable force de proposition ; mais, tant sur l'opportunité que sur le sens d'une réforme, la décision appartient, bien entendu, au seul législateur.
Après ces observations d'ordre général, j'en viens à ce qui a donné lieu à bien des discussions : l'application à cette institution si particulière de la loi organique relative aux lois de finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh oui !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. Le Gouvernement n'a pas répondu favorablement à la demande exprimée par le Conseil économique et social d'un rattachement à la mission intitulée « Pouvoirs publics », suivant en cela les arguments du Parlement. Cette assemblée n'émanant pas, en effet, du suffrage universel, elle ne peut donc être assimilée aux assemblées parlementaires. En outre, elle ne dispose pas du pouvoir de décision qui caractérise les pouvoirs publics.
Du reste, comment faire figurer dans la mission « Pouvoirs publics » une institution que les constituants ont placée « auprès » de ces pouvoirs publics ?
Le Gouvernement n'a pas davantage suivi la préconisation du Parlement d'un programme « Conseil économique et social » qui aurait été rattaché à la mission aujourd'hui dénommée « Direction de l'action du Gouvernement », estimant que cette préconisation niait la nature même de la troisième assemblée constitutionnelle.
Il a opté pour une solution autre, que le législateur avait délibérément écartée : une mission monoprogramme, sans indicateur de performance - ces deux notions sont en contradiction avec l'esprit ayant présidé à l'élaboration de la loi organique relative aux lois de finances -, ce qui fait de cette mission la plus petite mission chiffrée parmi toutes celles qui relèvent de la loi organique relative aux lois de finances.
Ce choix répond en grande partie aux attentes du Conseil économique et social, qui ne peut voir sa spécificité mieux reconnue, puisqu'il n'est rattaché à aucun autre ensemble. Il garde donc souplesse et autonomie de gestion. Ses crédits sont non seulement fongibles, parce que regroupés dans un même programme,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. ... mais aussi protégés de tout risque de virement d'un programme à un autre, parce que rassemblés dans le seul programme d'une mission.
En revanche, ce choix gouvernemental ne peut satisfaire pleinement le Parlement. La notion même de mission monoprogramme « malmène » quelque peu l'esprit et la lettre de la loi organique relative aux lois de finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle les contredit totalement !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. Outre qu'elle est contraire à l'article 7, précisant qu'une mission comprend un ensemble de programmes, elle limite sérieusement le pouvoir d'amendement du Parlement, pouvoir que la loi organique relative aux lois de finances vise, au contraire, à élargir.
Mme Nicole Bricq. Exactement !
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. Tout redéploiement de crédits d'un programme à un autre lui étant impossible, le Parlement ne pourrait exercer son pouvoir que dans le sens d'une diminution des crédits, ce qui, a priori, ne risque guère de se produire.
Enfin, il est incontestable que l'absence d'indicateurs de performance déroge à la règle.
Sur ce point, efforçons-nous à un peu d'indulgence, et reconnaissons que la détermination de ratios significatifs de ce que serait l'efficacité du Conseil économique et social est bien délicate !
Pour sortir de l'impasse - j'insiste sur ce point -, le Conseil économique et social se dit prêt à transmettre son programme pluriannuel de travail au Parlement, lequel pourrait l'amender. Cette proposition mérite d'être examinée attentivement.
A l'évidence, l'application de la loi organique relative aux lois de finances au Conseil économique et social pose des problèmes juridiques particuliers. Si la « bonne » solution existait, elle aurait été trouvée depuis un an. Tel n'est pas le cas, mais la réflexion n'est pas tout à fait close, et le Sénat souhaiterait connaître votre sentiment, monsieur le secrétaire d'Etat, sur cet épineux problème.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits affectés pour 2005 au Conseil économique et social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil économique et social joue un rôle déterminant pour associer les forces vives de la nation et de l'ensemble des partenaires sociaux à l'élaboration des politiques publiques.
Pour 2005, son projet de budget, en progression de 0,46 % par rapport à l'année 2004, s'élève à 32,93 millions d'euros, 31,98 millions d'euros relevant du titre III et 0,95 million d'euros étant des crédits inscrits au titre V. Il appelle assez peu de commentaires.
Je tiens cependant à illustrer l'activité et l'utilité du Conseil économique et social par quelques chiffres, puisque M. le rapporteur spécial a parlé d'indicateurs.
Au cours de l'année 2003, le Conseil économique et social a tenu 21 assemblées plénières, contre 18 en 2002. Ses membres ont participé à 331 réunions, au cours desquelles 235 personnalités extérieures ont été auditionnées. A l'issue de ces travaux, 2 études et 25 avis et rapports ont été adoptés, dont 9 sur saisine gouvernementale. Au cours de la période s'étendant de janvier 2004 au mois d'août de la même année, 19 avis ont été adoptés, dont 3 sur saisine gouvernementale.
Depuis juin 1999, le texte intégral des rapports du Conseil économique et social est mis en ligne sur son site Internet : 120 000 visites ont été recensées en 2003, contre 80 000 en 2002.
Je tiens également à saluer l'action internationale du Conseil économique et social, qui est nouvelle, en citant deux exemples.
Le Conseil économique et social assure le secrétariat de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires, l'AICESIS, depuis sa création, en 1999, association à la présidence de laquelle le président de notre Conseil économique et social a été élu en juin 2003, à Alger, pour une durée de deux ans, ce qui témoigne bien du rayonnement du Conseil économique et social français.
L'Organisation des Nations unies a, par ailleurs, accordé à l'AICESIS un statut d'observateur, et les liens historiques entre le Conseil économique et social et le Bureau international du travail ont encore été resserrés.
En ce qui concerne l'organisation de la loi organique relative aux lois de finances, vous vous interrogez, monsieur le rapporteur spécial, sur ce programme unique concernant le Conseil économique et social. Nous pouvons fort bien, d'ici à 2006, année où la loi organique relative aux lois de finances entrera en application, réfléchir à ce problème : les choses n'étant pas définitivement arrêtées, la discussion avec les personnes compétentes et, évidemment, avec le Parlement est ouverte.
Il est bien sûr un peu délicat de vouloir fixer des indicateurs de mesure de performance pour une institution prévue par la Constitution ou pour une assemblée parlementaire ; d'ailleurs, le Conseil économique et social n'est pas une administration, monsieur le rapporteur spécial ; il faut bien le noter et faire la différence entre les deux.
Cela étant, les crédits inscrits au Conseil économique et social n'appellent pas, de ma part, d'autres observations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Conseil économique et social et figurant aux états B et C.
État b
Titre III : 373 884 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 950 000 € ;
Crédits de paiement : 950 000 €.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Conseil économique et social.
IV. - plan
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous renvoie à la lecture de mon rapport écrit pour une analyse détaillée des crédits affectés en 2005 au Plan. Je centrerai en effet mon propos sur deux observations principales.
Ma première observation porte sur l'évaluation. En effet, dans le projet de budget qui nous est soumis, l'ambiguïté relative aux crédits d'évaluation n'est pas totalement levée.
Il est vrai que le Plan se recentre, conformément aux orientations définies l'année dernière par le Premier ministre, sur une mission de prospective, la « prospective de l'Etat stratège ». Cela se traduit notamment par un déplacement de son centre de gravité de l'économique vers le politique et par un abandon de la mission d'évaluation des politiques publiques.
La réorganisation des services du Commissariat général du Plan témoigne de cette évolution. Ainsi sont mis en place des groupes de projets - j'en décris le fonctionnement dans mon rapport écrit -, qui sont régulièrement évalués afin de ne pas constituer des structures pérennes si la qualité de leurs travaux est insuffisante ou ne correspond pas aux nouvelles missions du Plan.
De même, le détachement de trois organismes, auparavant subventionnés par le Plan, explique une large part de la diminution des crédits affectés en 2005 et traduit l'évolution du rôle assigné à cette institution.
Toutefois, le présent projet de budget ne rend pas totalement compte des nouvelles orientations du Plan. En effet, des crédits sont maintenus, à hauteur de 300 000 euros, ce qui représente une baisse de 50 % par rapport à 2004.
Quelle est la vocation de ces crédits ? Ils constitueraient une espèce de « réserve », qui pourrait, le cas échéant, être utile à la future structure en charge de l'évaluation des politiques publiques.
On le voit, ce troisième projet de budget ne porte pas la marque d'un choix clair du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous préciser la conception du Gouvernement en matière d'évaluation des politiques publiques ? Envisagez-vous de regrouper les crédits d'évaluation au profit d'une structure unique ? Si oui, laquelle ?
S'agissant des crédits en faveur de l'évaluation des contrats de plan Etat-région qui ont la particularité d'être confiés au Plan, l'examen de ce projet de budget à l'Assemblée nationale a permis d'apporter des précisions. Ainsi, les crédits dévolus à cette mission, soit 800 000 euros, ont été transférés au budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Pour autant, cette solution est-elle satisfaisante ? La commission des affaires économiques - le rapporteur pour avis, M. Jean-Paul Alduy, le confirmera dans un instant - ne le pense pas. Elle a raison ! En effet, le Gouvernement, au moment où il dispose des rapports sur l'avenir des contrats de plan Etat-région à la fois de la délégation pour la planification du Sénat et de la délégation parlementaire pour la planification de l'Assemblée nationale, est en mesure d'orienter sa position sur l'avenir des contrats de plan Etat-région. Il semble plus naturel que la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, en soit le réceptacle.
Ma seconde observation porte sur la mise en oeuvre de la LOLF, qui suscite, dans la nouvelle maquette, certaines interrogations sur le rôle du Plan et, par voie de conséquence, sur celui de l'ensemble des organismes affectés à cette fonction stratégique de l'Etat.
Ainsi, on peut s'interroger sur le choix opéré de ne pas placer, au sein de la même action « Prospective », les crédits du Commissariat général du Plan, du Conseil d'orientation des retraites, le COR, et du Conseil d'analyse économique, le CAE, contrairement à ce qui était envisagé dans la première maquette présentée en janvier 2004. Les trois instances effectuant des travaux de prospective, la proposition initiale paraissait en effet pertinente.
Le commissaire au Plan, M. Alain Etchegoyen, que j'ai interrogé à ce sujet, m'a précisé que, dans les sujets d'études qu'il choisissait, il évitait que le travail de ces trois instances ne se chevauche. En outre, ces trois organismes ne figurent plus au sein du même programme : le CAE et le COR sont rattachés au programme « Coordination du travail gouvernemental », tandis que l'action « Prospective » est rattachée au programme « Fonction publique, réforme de l'Etat et prospective ».
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner les raisons qui ont conduit le Gouvernement à opérer ce choix, alors qu'il ne correspond apparemment pas à une demande du Plan et que, surtout, il apporte une confusion supplémentaire ?
Dans cette optique, on peut comprendre - M. le président de la commission des finances y a fait allusion dans le débat précédent - le mouvement d'humeur des députés qui, à l'unanimité, ont voulu supprimer les crédits du nouveau Conseil d'analyse de la société, créé récemment par le Premier ministre.
En outre, à ce stade, aucun indicateur de performance de l'action « Prospective n'est envisagé. Si cela peut témoigner d'une réelle difficulté d'appréciation des résultats de la prospective, il me paraît toutefois essentiel qu'un indicateur de performance soit défini à l'avenir. Sur ce sujet encore, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attends votre réaction.
M. Alain Etchegoyen m'a indiqué que le Plan, dont le passé a été prestigieux, avait été un « vivier », un « tremplin » pour nombre de ses membres, l'ambition du nouveau commissaire au Plan étant d'ailleurs de rendre au Plan cette qualité, cette force d'attraction et de « propulsion ». Si la mutation est désormais bien engagée, il est encore trop tôt pour en dresser un bilan positif et dire si cette ambition sera atteinte.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits affectés au Plan pour 2005.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Jean Arthuis nous a invités à être brefs et, comme Mme Nicole Bricq vient de faire une présentation complète des enjeux, je limiterai mon intervention à quelques points.
Voilà quelques décennies, la planification, avec la DATAR pour la planification territoriale et le Commissariat général au Plan pour tout ce qui relevait du social et de l'économique, constituait une « ardente obligation », soutenue par une mobilisation de toutes les intelligences sur la prospective. Aujourd'hui, le Gouvernement manifeste sa volonté de recentrer le Plan sur des missions de prospective, affectant prochainement ses missions d'évaluation à une structure qui reste à définir.
S'agissant de la mission « Prospective », M. Alain Etchegoyen, nouveau commissaire au Plan, a développé, dès son entrée en fonction, des méthodes beaucoup plus dynamiques et actives. Il a ainsi mis en place une trentaine de groupes de travail, qui ne sont pas destinés à être pérennes, mais qui ont vocation à fournir régulièrement des notes précises au Gouvernement, aux professionnels, ou tout simplement à ceux qui, de plus en plus nombreux, consultent le site Internet du Commissariat général du Plan. Les choses évoluent donc dans le bon sens.
Toutefois, on peut s'étonner, d'une part, que la LOLF contienne quelque incohérence dans la répartition des missions d'un certain nombre d'organismes qui s'occupent de prospective, d'autre part, que soient créées des commissions ad hoc organisées sur des sujets de société, alors que le Plan pourrait tout à fait être le lieu de cette réflexion.
La cellule « Prospective » de la DATAR pourrait très bien être rattachée au Commissariat général du Plan, puisque c'est bien sûr ce dernier que nous voulons concentrer tous les moyens de prospective.
En revanche, s'agissant du volet « Evaluation des politiques publiques », le projet de budget qui nous est soumis est encore plein d'ambiguïtés. En effet, lors de l'examen du budget du Plan pour 2004, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat d'alors, M. Henri Plagnol, avait annoncé qu'une nouvelle structure serait mise en place au début de l'année 2004. Force est de constater que, à la fin de l'année 2004, cette structure n'existe toujours pas !
Je concentrerai mon intervention sur l'évaluation des contrats de plan Etat-région. A cet égard, quelque 800 000 euros étaient prévus au budget du Plan. Or le Plan ne sert que de « relais budgétaire » pour assurer la redistribution des crédits d'évaluation aux préfets de région. En d'autres termes, aucune méthodologie, aucune coordination de ces évaluations région par région n'est organisée. Nous sommes donc amenés à ne pas pouvoir consolider ces évaluations, et même à constater que, dans certains domaines, notamment les politiques territoriales - infrastructures de circulation, universités, etc. -, elles sont particulièrement malmenées.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, au nom de la commission des affaires économiques, un amendement tendant à réduire le budget du Plan de 800 000 euros et à affecter cette somme à la DATAR, afin que le nouveau délégué à la DATAR soit investi de cette mission de coordination et de définition des méthodologies d'évaluation des contrats de plan Etat-région.
L'Assemblée nationale avait transféré ces crédits au ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais, hier soir, ils lui ont été retirés.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Grâce à votre amendement, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis. J'avais effectivement déposé un amendement en ce sens, au nom de la commission des affaires économiques !
Monsieur le secrétaire d'Etat, il vous appartient ce soir de prendre l'engagement que ces 800 000 euros sont effectivement réaffectés à la DATAR pour lui permettre d'assumer cette mission essentielle d'évaluation des contrats de plan Etat-région, à un moment où nous allons avoir à négocier la génération future de contrats de Plan.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des affaires économiques a approuvé le projet de budget du Plan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon collègue et ami André Chassaigne, rapporteur pour avis à l'Assemblée nationale, l'a très bien dit : le projet de budget du Plan pour 2005 est un budget d'abandon qui ne fait que traduire le renoncement de l'Etat à la mise en oeuvre d'une politique de planification rénovée et moderne, capable de répondre aux exigences et aux défis du XXIe siècle.
Que le rôle du Plan, dans un contexte d'économie ouverte de plus en plus soumise à la concurrence internationale, soit amené à évoluer relève de l'évidence. Pour autant, il ne faudrait pas que, sous prétexte d'un recentrage de son rôle sur des missions de prospective, le Plan perde de sa consistance et oublie sa raison d'être, qui est de prévoir et d'anticiper, pour mieux en maîtriser le cours, les mutations économiques et sociales à l'oeuvre.
La plupart de nos voisins européens mènent des politiques de planification beaucoup plus volontaristes. Ils ont mis en place des « administrations publiques dont la mission est à la fois d'établir des études prospectives et de proposer des politiques de prévention, d'accompagnement ou d'anticipation des mutations économiques ». Force est de constater que ce n'est pas la voie qu'a choisie le Gouvernement français.
Comment, dans le contexte actuel de mondialisation et d'exacerbation de la concurrence, guider les choix de politique économique, sociale et sociétale si le Commissariat général du Plan perd trois des centres de recherche qui lui étaient rattachés ? Il s'agit là, en effet, d'un véritable démantèlement de son réseau scientifique interdisciplinaire sur lequel il pouvait précisément s'appuyer pour alimenter sa démarche prospective. Ces trois organismes, nous le savons bien, utilisent et développent des outils mathématiques et des modèles macroéconomiques de prospective utiles et pertinents pour toute politique de planification.
Au-delà du transfert de ces trois budgets, la réorientation et la redéfinition des missions du Plan se traduisent globalement par une amputation significative de plus de 6 millions d'euros, soit plus d'un quart des crédits affectés en 2004. En outre, toutes les lignes de crédit sont touchées par cette diminution.
Il y a pire ! La baisse des moyens du titre III, notamment avec la suppression de quatre postes budgétaires et le transfert de deux emplois au profit de l'Agence pour le développement de l'administration électronique, l'ADAE,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le redéploiement, c'est bien !
Mme Evelyne Didier. ...s'inscrit dans le mouvement de compression des effectifs du Plan engagé ces dernières années et qui, sur fond de précarisation du personnel, grève progressivement le Plan de moyens pérennes.
La réduction de plus de 11 % des crédits de l'Institut de recherches économiques et sociales, l'IRES, hors recherche, et de 7,2 % globalement, la baisse drastique des moyens de subventions du Plan destinés à la recherche de l'ordre de 28,6 % en autorisations de programme et de 17,2 % en crédits de paiement sont autant de chiffres qui témoignent non d'une modération, mais d'un réel appauvrissement budgétaire du Plan. Voilà qui ne présage rien de bon pour la pérennité de son existence !
Monsieur le secrétaire d'Etat, le chômage persiste, la pauvreté s'accroît, les entreprises multiplient les plans de délocalisation, il est question de désindustrialisation et, à nouveau, d'essoufflement de la croissance.
Nous avons besoin d'un véritable instrument nous permettant d'anticiper les conséquences des restructurations industrielles si nous voulons pouvoir agir sur le cours de choses et non subir de plein fouet la concurrence internationale. Selon nous, cet instrument, c'est le Plan. Quel sens, quelle efficacité, quelle finalité aurait notre politique économique sans un tel outil ? En effet, la politique n'est-elle pas d'emblée limitée dans ses effets si elle ne s'appuie pas sur une planification, qui doit être rénovée, à moins de considérer que la politique n'est là que pour rétablir les lois du marché reniant toute stratégie de développement ?
En réalité, nous avons de bonnes raisons de penser que la réduction des moyens budgétaires du Plan est significative du retrait du politique au profit de la régulation par le marché, du désengagement de l'Etat dans le cadre de la mondialisation, de la décentralisation et du programme de privatisation de nos services publics engagé par ce gouvernement.
On comprend mieux, aussi, dans cette perspective, les raisons pour lesquelles le Plan abandonne progressivement toute activité d'évaluation des politiques et celles pour lesquelles les crédits du Conseil national de l'évaluation, le CNE, sont réduits à néant. Au fond, il faut bien reconnaître qu'il n'y a aucune incompatibilité a priori entre un recentrage sur des missions de prospective de l'Etat stratège et la poursuite des missions d'évaluation des politiques. Au contraire, et ce serait d'ailleurs rénover profondément le rôle du Plan que d'élargir ses compétences en matière de contrats de plan Etat-région en lui confiant, par exemple, un véritable rôle de pilotage des négociations de ces contrats.
Au lieu de cela, on se dirige tout droit vers l'abandon de l'évaluation des politiques publiques par le Plan. La baisse des moyens de l'évaluation des contrats de plan Etat-région dans le budget pour 2005 est tout à fait significative à cet égard. Apparemment, 800 000 euros, dévolus à cette mission, auraient été transférés au ministère de l'intérieur. Par conséquent, où sont les crédits destinés à l'évaluation ? Ont-ils été confiés à la DATAR ? Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne votera pas les crédits affectés au Plan pour 2005.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion que nous menons nous permettra, je l'espère, de clarifier un certain nombre de points sur ce budget qui concerne, notamment, l'avenir et les perspectives de travail du Commissariat général du Plan et les dispositifs d'évaluation des politiques publiques.
En premier lieu, je ferai un bref rappel des crédits consacrés au Plan.
Par rapport à la loi de finances de 2004, le projet de loi de finances pour 2005 comporte une diminution de plus de 25 % des crédits affectés au Commissariat général du Plan et aux organismes rattachés, diminution qui s'explique certes par des transferts d'organismes.
Pour ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, nous relevons une diminution globale des crédits de l'ordre de 5 %. Les crédits dévolus à l'évaluation des politiques publiques diminuent de 50 % et ceux qui sont consacrés à l'évaluation des contrats de plan baissent de plus de 12 %.
J'aborderai maintenant la question de l'avenir et des perspectives de travail du Commissariat général du Plan.
Aux points relatifs aux crédits que j'ai soulevés, l'on me répondra que le Commissariat général du Plan est désormais recentré sur les seules fonctions de prospective - dont acte -, et qu'il est somme toute logique de retrouver un tel schéma budgétaire.
Mais je répondrai à mon tour que cette logique doit induire une ligne politique claire et cohérente, ce qui, en l'occurrence, n'est pas tout à fait le cas. Les rapports présentés par nos collègues Mme Bricq et M. Alduy soulignent que si des résultats encourageants existent dans le cadre du nouveau positionnement du Plan, des synergies restent cependant à préciser pour conforter les orientations du Plan
Est soulignée la nécessité de se doter d'un véritable outil de prospective de façon à remédier à la profusion des organismes qui travaillent sur cette mission particulière, et ainsi à assurer un travail cohérent et non déconnecté de la décision publique. Nous adhérons pleinement à cette démarche.
Ces points justifient donc à eux seuls mes questions relatives à l'avenir et aux perspectives de travail du Plan.
Concernant les dispositifs d'évaluation des politiques publiques, là aussi l'attente est grande
Il est en effet étonnant et paradoxal de déconnecter la prospective de l'évaluation. Une réelle corrélation entre les deux permettrait de créer des synergies, lesquelles sont d'ailleurs demandées avec force par les rapporteurs.
Le Plan ne faisant plus d'évaluation, sur quels fondements, quelles analyses, quelles photographies reposent ses travaux sur la prospective de l'Etat stratège ? L'abandon de l'évaluation par le Plan ne me paraît pas en soi une bonne chose.
Mais le plus étonnant est que la représentation nationale ne connaît toujours pas les orientations du Gouvernement sur la question des évaluations des politiques publiques. De même, concernant l'évaluation des contrats de plan Etat-région, les décisions prises en première lecture par l'Assemblée nationale ne me paraissent pas opportunes et risquent d'apporter de nombreuses déceptions, tant il est vrai que les régions attendent beaucoup du développement d'un réseau animé par le Commissariat général du Plan sur cette question.
Il est donc essentiel de connaître la volonté du Gouvernement en la matière car, pour paraphraser les rapports de mes collègues, l'évaluation des politiques publiques est en effet essentielle dans la perspective de la réforme de l'Etat et de la mise en oeuvre de la LOLF, et l'on ne saurait se satisfaire de cette situation qui, d'une part, est contraire à l'objectif de transparence et de lisibilité que le Parlement est en droit d'attendre de la présentation du budget, et, d'autre part, résulte d'une absence de décision très préoccupante, lorsque l'on connaît l'enjeu que représente l'évaluation des politiques publiques.
Si je ne peux que souscrire à la volonté politique d'établir la prospective comme un véritable outil nous permettant de répondre aux évolutions constantes et rapides du monde actuel, je ne peux admettre, devant cette réalité du monde, que nous restions les bras croisés, dans l'ambiguïté ou encore dans les non-choix.
La prospective de l'Etat stratège vise à anticiper les crises et en maîtriser le cours. Cette anticipation ne peut venir de la seule réflexion prospective. Il est donc nécessaire de trouver des synergies et des corrélations entre la prospective et l'évaluation, peut-être autour - pourquoi pas ? - de la mission confiée à la DATAR. Le rapatriement des crédits affectés au ministère de l'intérieur vers cette délégation nous semble plus judicieux pour assurer une véritable coordination.
Il est important de définir une ligne politique claire, d'adopter un budget traduisant réellement et concrètement les orientations définies. Le souhait de la représentation nationale est simple, monsieur le secrétaire d'Etat : il est de participer à ce travail pour le maintien d'un Plan cohérent avec des évaluations claires en vue de faire en sorte que, les uns et les autres, nous appréhendions mieux l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur Pastor, vous semblez exprimer des doutes à propos de la loi organique relative aux lois de finances.
Jusqu'à présent, l'évaluation était une notion assez virtuelle. Le système d'information comptable, budgétaire et financière dont nous disposions était véritablement illisible. Comment pouvait-on demander à l'Etat de faire mieux alors que l'on ne savait pas ce que l'on faisait ?
La LOLF est un instrument de transparence, de lucidité. Il nous appartient de nous doter d'éléments d'appréciation, afin d'assumer un travail d'évaluation.
Il faut aussi que nous nous préparions pour l'an prochain aux nouvelles modalités de la discussion du projet de loi de finances. Une véritable révolution nous attend.
Le Parlement doit rester l'instance d'évaluation.
M. Jean-Marc Pastor. Certainement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comme le dit M. le président Christian Poncelet, c'est la seconde nature du Parlement que le contrôle. Dans ces conditions, il faudra revoir le rôle du Plan. A la vérité, je m'interroge sur son utilité. Si on le transforme en instrument d'évaluation, il faudra prendre en considération les dispositions qui sont mises en oeuvre en ce moment et essayer de regrouper un certain nombre d'institutions qui ne font que brouiller le paysage.
M. Jean-Marc Pastor. Nous sommes tout à fait d'accord pour ce qui concerne la coordination des organismes !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ne surestimons pas le rôle du Plan. J'ai pris connaissance des dernières contributions. Certaines actions me laissent un peu perplexe.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'importante diminution des crédits du budget du Plan est liée à une modification de son « périmètre », comme Mme le rapporteur spécial l'a indiqué.
Le Premier ministre, reprenant une proposition formulée par le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, a en effet décidé le transfert vers d'autres budgets de la subvention de l'Etat en faveur de trois organismes : l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, est transféré au budget de l'enseignement supérieur, le Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification, le CEPREMAP, au budget de la recherche, et le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, au budget de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les moyens du Commissariat général du Plan stricto sensu concourent à l'effort général de rigueur des finances publiques, puisque six emplois sont supprimés. L'objectif d'une diminution annuelle des effectifs au moins égale à celle des départs en retraite sera poursuivi au cours des prochaines années.
L'activité du Commissariat général du Plan se concentre désormais sur les travaux de prospective, comme l'ont souligné les rapporteurs et différents orateurs. L'état d'avancement de ses travaux est d'ailleurs régulièrement mis à la disposition de tous sur son nouveau site Internet.
De plus, le commissariat exerce ses missions d'expertise ponctuelle à la demande du Gouvernement. Je veux en citer deux en exemple : le concours apporté à l'élaboration du plan Borloo et les travaux conduits sur le taux d'actualisation des infrastructures à la demande du ministère de l'équipement.
En 2004, le Plan s'est doté d'une nouvelle organisation, à la fois plus souple et plus efficace, autour d'une trentaine de groupes de projet. Ces groupes ne sont pas des structures pérennes et sont évalués - vous pouvez constater qu'il est question d'évaluation... - trois fois par an par un comité composé de personnalités indépendantes.
La commission des finances s'est interrogée sur le maintien dans le budget du Plan de 300 000 euros affectés à l'évaluation des politiques publiques, le Plan n'étant plus chargé de missions d'évaluation.
Comme vous le savez, nous avons engagé une réflexion sur l'organisation administrative de l'évaluation des politiques publiques. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis certain que, comme moi, vous êtes persuadés qu'il faut procéder à une telle évaluation.
Par ma voix, le Gouvernement prend devant vous l'engagement de vous soumettre, avant la fin de la discussion budgétaire, un dispositif d'évaluation, qui associera d'ailleurs le Parlement.
Mais notre réflexion n'étant pas achevée, nous vous proposons de maintenir cette somme, à titre conservatoire, dans le budget du Plan. Nous pourrons ainsi, ultérieurement, la déléguer à l'organisme qui aura été choisi pour remplir cette mission.
L'évaluation des politiques publiques est une nécessité, nous en sommes persuadés. Aussi devons-nous ménager les moyens de la rendre possible.
La commission des finances s'est également interrogée sur l'opportunité de maintenir, dans le budget du Plan, les crédits délégués aux préfets de région pour l'évaluation des contrats de plan Etat-région.
Je rappelle que ces crédits ont fait l'objet depuis dix ans d'un engagement, constamment réaffirmé par les premiers ministres successifs, de consacrer six dix millièmes de la part étatique des financements de ces contrats à leur évaluation. Il n'est donc pas dans l'intention du Gouvernement de revenir sur ce point.
En revanche, le Gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale de transférer ces crédits, d'un montant de 800 000 euros, au budget du ministère de l'intérieur, ce qui aurait facilité et accéléré la délégation de ces crédits. Ce sont des raisons de simplicité de gestion administrative qui ont guidé l'adoption de cette mesure.
La Haute Assemblée a finalement souhaité, hier, que ces crédits figurent au budget de la DATAR, et le Gouvernement s'en est remis à sa sagesse. Il en sera donc ainsi, monsieur le rapporteur pour avis. C'est une bonne chose.
Enfin, s'agissant de la fonction prospective de la DATAR, il convient que cette dernière organise son activité d'études et de prospective en étroite synergie avec le Plan. La présence du commissaire adjoint au Plan au sein du conseil de prospective de cette délégation témoigne de cette volonté réciproque.
Le Plan n'est pas un organisme d'évaluation. Si on le considère comme tel, on fait fausse route. C'est un organisme de prospective qui, comme les autres organismes de recherche qui éclairent l'évolution de notre société, engendre des débats et des contestations. Cependant, l'utilité du Plan ne doit pas être remise en cause.
Pour ce qui concerne la LOLF, je tiens à vous dire que le Plan, qui est une administration, ne pourra échapper, en 2006, à une batterie d'indicateurs de performance, afin d'évaluer son efficacité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et figurant aux états B et C.
État B
Titre III : moins 1 090 638 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 5 037 190 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre VI. - Autorisations de programme : 649 000 € ;
Crédits de paiement : 195 000 €.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Plan.
Budget annexe des Journaux officiels
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Vera, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la Direction des Journaux officiels relève aujourd'hui avec beaucoup de détermination le défi que représente la mise en oeuvre du projet gouvernemental « Administration électronique 2004/2007 », ou ADELE.
Fondé sur le développement des nouvelles technologies, ce projet devrait garantir un meilleur accès des citoyens à la norme juridique et une meilleure circulation des informations entre les administrations.
Engagés sur la voie de réformes profondes, les Journaux officiels mettent progressivement en place des dispositifs réglementaires et techniques qui améliorent la saisie à la source des annonces légales et des débats parlementaires. D'autres projets sont également en cours de réalisation. Ces procédures accélèrent et fiabilisent le processus de publication.
A ce propos, je tiens à signaler les très gros efforts réalisés depuis le mois d'avril dernier par le personnel du service du compte rendu intégral du Sénat, qui a pris en charge la saisie à la source des débats parlementaires, réduisant ainsi les délais de publication au Journal officiel et permettant parallèlement une mise en ligne sur le site du Sénat dans les quarante-huit heures.
Depuis le 1er juin 2004, la diffusion du Journal officiel des lois et décrets est assurée sous une forme électronique authentifiée, concomitamment à sa diffusion sous forme papier. Le Journal officiel des lois et décrets, support officiel de référence pour la publication des textes législatifs et réglementaires, est donc consultable sur Internet avec les mêmes garanties que sa version papier. Je me réjouis bien évidemment du succès de ces opérations. Les informations sont fiables et circulent vite. Il faudra cependant veiller à ce que l'accès au droit soit préservé.
L'édition papier, comme l'édition électronique, est d'une fiabilité indéniable, garantie par le savoir-faire et le sens du service public de la Direction des Journaux officiels, la DJO, et de la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels, la SACI-JO.
Toutefois, afin de constituer une véritable amélioration de l'accès aux données publiques pour les citoyens, la transmission électronique des données doit, à mon sens, s'accompagner de leur diffusion sous forme imprimée.
En effet, nombre de petites communes et près de trois-quarts des foyers n'ont toujours pas accès à Internet. L'équilibre entre support papier et support électronique demeure donc un enjeu démocratique important et doit permettre à chaque citoyen de bénéficier d'un service public de qualité et d'un accès égal à la norme juridique.
Je souhaite souligner que les salariés, attachés à leur mission de service public, s'inquiètent des conséquences de ces évolutions et craignent une restriction drastique des effectifs sous couvert de dématérialisation des Journaux officiels.
Pour compenser les réductions du plan de charge, la Direction des Journaux officiels s'est engagée à tout faire pour trouver de nouveaux travaux et à mettre en oeuvre toute disposition permettant la réintégration des opérations actuellement sous-traitées, en commençant par le Bulletin officiel des annonces légales et obligatoires, le BALO.
La Direction des Journaux officiels met également en place un certain nombre d'initiatives, dont quelques-unes sont menées en collaboration avec la Documentation française. Sur ce point, j'indique que la Cour des comptes, à l'issue d'un contrôle de la gestion de la Documentation française et des Journaux officiels, a préconisé en octobre 2003 une réflexion sur les missions de ces deux organismes qui, selon elle, pourraient être menées en commun.
Une mission d'étude est actuellement menée par M. Frédéric Tiberghien, maître des requêtes au Conseil d'Etat. Des groupes de travail constitués au sein des deux institutions sont chargés de rendre un rapport sur l'opportunité d'un rapprochement entre la Documentation française et les Journaux officiels.
Sur le volet social, nous pouvons observer que le régime particulier des retraites est gravement déficitaire. Le constat du déficit croissant de la caisse des pensions a été présenté au ministère du budget par la Direction des Journaux officiels. A ce jour, la Direction et les personnels sont parfaitement au fait de la situation. Des discussions exploratoires ont été entamées et les réflexions se poursuivent pour étudier les solutions les mieux adaptées afin de préserver les acquis et les intérêts des personnels actuellement en activité.
Dans ce contexte de changements importants, le budget annexe des Journaux officiels pour 2005 est en baisse de 6,6 % et s'établit à 158 millions d'euros. Les recettes d'annonces légales, qui représentent près de 80 % de l'ensemble des recettes, subissent le contrecoup de la réforme du code des marchés publics, applicable depuis janvier 2004, qui a rendu obligatoire la saisie numérisée des annonces des marchés publics devant faire l'objet d'une publication au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, le BOAMP.
Les recettes de diffusion subissent la concurrence d'Internet. Les prévisions de vente au numéro sont en baisse de 35 % pour 2005. Les dépenses de fonctionnement diminuent de près de 5 %, les investissements de 34 %.
Lors d'un contrôle effectué en 2002, la Cour des comptes avait relevé une baisse marquée des investissements depuis 1999, reflétant une insuffisance de modernisation. Des efforts importants ont été réalisés dans ce domaine en 2003 et en 2004. Les reports prévus fin 2004 permettront de financer les investissements informatiques en 2005.
De manière générale, cette année verra donc la poursuite de la modernisation du système d'information qui repose sur des projets dont les réalisations sont pluriannuelles.
Les estimations de dépenses d'investissement, en baisse pour 2005, ne devraient pas interrompre l'effort de modernisation, notamment informatique, qui est loin d'être achevé. Il y a tout lieu d'anticiper, me semble-t-il, sur les investissements que nécessitera la mise en place de la nouvelle plate-forme éditoriale.
En conclusion, je pense qu'il nous appartient de rester vigilants. Dans cette période de profondes restructurations, nous devons veiller au maintien de la qualité du service public qu'assurent les Journaux officiels, en préservant l'avenir de personnels qui se caractérisent par un haut niveau de compétences et par un sens du service public hérité d'une longue tradition.
Les nécessaires évolutions technologiques ne doivent en aucun cas se traduire par une restriction de l'accès au droit. Elles doivent, en revanche, permettre un élargissement et une meilleure qualité du service rendu. C'est ainsi que l'institution d'excellence que sont les Journaux officiels pourra poursuivre l'importante mission que la nation lui a confiée voilà 125 ans, en assurant avec une efficacité renouvelée le service public de qualité qu'est en droit d'attendre tout citoyen et auquel, j'en suis persuadé, nous sommes tous attachés.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter le budget annexe des Journaux officiels.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la Direction des Journaux officiels, l'année 2004 a été placée sous le signe de la progression très rapide de la communication électronique - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial -, aussi bien pour la saisie à la source que pour la diffusion.
La saisie en ligne des avis d'appel public à concurrence et des avis d'attribution publiés au BOAMP a connu un développement sans précédent : alors que 20 % des annonces de marchés publics étaient saisies en ligne à la fin de l'année 2003, ce chiffre atteint aujourd'hui 78 %.
Ce travail de dématérialisation a également concerné le Parlement puisque, depuis le début de l'année, les deux assemblées parlementaires ont mis en oeuvre les travaux nécessaires pour opérer une saisie à la source quasi totale de leurs débats. Je tiens d'ailleurs à remercier le Sénat de la collaboration dynamique que nous avons entretenue avec lui sur ce chantier.
Enfin, la principale nouveauté a consisté en la mise en place du Journal officiel authentifié le 1er juin 2004, qui garantit l'inviolabilité de la version électronique du Journal officiel des lois et décrets et lui donne dorénavant la même force, la même valeur juridique que la version papier.
Notre pays est l'un des tout premiers au monde à avoir franchi cette étape de modernisation.
Cette réforme constitue, contrairement à ce qui peut être parfois allégué, un progrès essentiel pour les citoyens en termes d'accessibilité au droit.
Ces progrès décisifs de la dématérialisation, tant pour la diffusion que pour la saisie à la source, ont entraîné la signature le 26 mai dernier d'un accord-cadre avec la fédération CGT des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication, qui pose le principe d'une renégociation des effectifs de la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels, la SACI-JO.
Cet accord ouvre une période pendant laquelle les recrutements en remplacement des départs à la retraite ou en préretraite seront gelés. Le même gel des recrutements est opéré à la Direction des Journaux officiels.
Le projet de budget pour 2005 s'inscrit dans la perspective de la poursuite de ce mouvement de dématérialisation de la production et de la diffusion de l'information.
C'est pourquoi ce projet de budget prévoit une diminution de 5 % des dépenses de fonctionnement. Celle-ci est essentiellement due, d'une part, à une baisse des crédits d'achat de papier, soit une économie de plus de 1,5 million d'euros, et, d'autre part, à une diminution de 10,5 % des charges de personnels de la SACI-JO, soit une économie de plus de 6,5 millions d'euros.
Ces économies seront - vous ne pourrez y être insensibles - rétrocédées en grande partie aux clients des Journaux officiels, notamment aux collectivités locales, puisque les coûts des annonces légales, particulièrement celles qui concernent des montants inférieurs aux seuils fixés dans le code des marchés publics, seront fortement diminués.
Au total, les recettes devraient s'élever à 157 millions d'euros en 2005, dont 132 millions d'euros pour les recettes d'annonces.
La chute des recettes d'abonnement liée à la dématérialisation sera compensée par la mise en place d'un service électronique personnalisé pour les envois d'annonces des marchés publics.
La baisse du niveau des investissements qu'a soulignée M. le rapporteur spécial n'est pas inquiétante. Elle est en réalité le signe de la conversion des Journaux officiels à de nouvelles technologies plus économes, et non celui d'un ralentissement - bien au contraire ! - de sa modernisation. Elle est aussi, plus conjoncturellement, le signe d'une période de préparation de projets nouveaux.
Ainsi la modernisation du système information se traduira-t-elle par la réalisation de grands projets pluriannuels : mise en place d'un progiciel de gestion de la relation client, d'un système d'information des ressources humaines, adaptation à la loi organique relative aux lois de finances des systèmes comptables et budgétaires et refonte du site Internet des Journaux officiels.
Enfin débutera l'étude d'une nouvelle plate-forme éditoriale prenant intégralement en compte l'ensemble des transmissions électroniques des données par Internet.
Les efforts en matière de compression des dépenses permettent de prévoir un excédent d'exploitation de 962 000 euros et un reversement au Trésor de 276 000 euros, après financement des immobilisations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 50 et 51 du projet de loi de finances.
Services votés
Crédits : 158 729 730 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 50, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
I - Autorisations de programme : 6 710 000 € ;
II - Crédits : moins 802 664 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 51, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, je n'ai pas souhaité intervenir dans le débat mais, maintenant que le vote a eu lieu, je me permets d'indiquer que la numérisation du compte rendu intégral des débats du Sénat s'est traduite par un transfert de charges significatif des Journaux officiels vers notre service du compte rendu intégral.
Ce transfert, qui a un coût pour le Sénat, permettra, je l'espère, de réduire encore les délais de parution du Journal officiel des débats, qui sont passés de deux semaines à une semaine environ.
J'ajoute que, parallèlement, comme l'a indiqué M. Vera, le compte rendu intégral est désormais mis en ligne sur le site Internet du Sénat dans un délai de quarante-huit heures.
Tout cela a été permis grâce aux efforts de notre service du compte rendu intégral, et je tiens à le remercier. (Applaudissements.)
En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion l'amendement n° II-18, qui est rattaché pour son examen au budget annexe des Journaux officiels.
Article additionnel après l'article 81
M. le président. L'amendement n° II-18, présenté par MM. Portelli, Laffitte, Collin, Mercier, Fortassin et Seillier et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
I - Après l'article 81, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les associations légalement formées doivent, dans les quinze jours suivant l'attribution par l'Etat ou par toute collectivité locale ou territoriale d'une ou plusieurs subventions, publier au Journal Officiel de la République française ou sur tout support électronique ou numérique de données publiques le montant de la ou des subventions.
II - En conséquence, faire précéder cet article par une division ainsi rédigée :
Budget annexe des Journaux officiels
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Cet amendement vise à favoriser la promotion du secteur associatif par la mise en place d'une politique de transparence dans la gestion de certaines de ses ressources.
Son adoption aurait des conséquences financières importantes, aussi bien pour l'Etat que pour les collectivités territoriales. En effet, on constate encore trop souvent que des subventions sont accordées soit à des associations qui n'existent plus, qu'elles aient été dissoutes en droit ou en fait, soit à des associations qui présentent des anomalies de gestion.
La publication au Journal officiel, par le biais du support numérique ou électronique, des subventions touchées par les associations permettrait aux collectivités qui versent ces subventions, aux autres associations mais aussi à tous les citoyens de détecter automatiquement toute anomalie de fonctionnement.
Sachant que les sommes versées chaque année par les collectivités aux associations sont considérables, l'adoption de cet amendement permettrait de rationaliser de façon efficace et rigoureuse le financement desdites associations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Vera, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas eu la possibilité d'examiner cet amendement. Aussi, en concertation avec son président, je me permets de solliciter l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Monsieur Portelli, votre souci est évidemment partagé par le Gouvernement.
Mme Evelyne Didier. Et par nous !
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. C'est à la fois un souci de transparence - c'est une de nos préoccupations constantes dans la politique que nous menons - et de simplification : c'est parce qu'il y a transparence qu'il y a au bout du compte confiance, et probablement simplification.
Nous avons d'ailleurs demandé, dans le cadre de la loi de simplification du droit qui vient d'être adoptée, l'habilitation du Parlement pour clarifier et harmoniser les obligations comptables et de publicité des organismes sans but lucratif, donc des associations.
Cette mesure tend aux mêmes fins que votre amendement, que nous vous serions donc reconnaissant de bien vouloir retirer.
M. Jacques Mahéas. Invraisemblable !
M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat. Les maires qui siègent ici - ils sont nombreux - savent que les communes accordent aux associations locales de nombreuses subventions. Ces dernières font l'objet d'une délibération du conseil municipal, dont le compte rendu est publié.
Cela étant, il me paraît difficile de demander la publication de toutes ces subventions au Journal officiel ou dans un organe quelconque. L'obligation que vous proposez d'instituer, monsieur Portelli, constituerait probablement une charge supplémentaire pour les associations.
Toutefois, je puis vous assurer que nous allons intégrer pleinement votre proposition - et l'idée de transparence qu'elle contient - lors de l'élaboration de l'ordonnance que le ministère de l'intérieur prendra dans les quelques mois qui viennent en vertu de l'habilitation donnée par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander de nouveau le retrait de votre amendement.
M. le président. Monsieur Portelli, l'amendement est-il maintenu ?
M. Hugues Portelli. Je le retire, monsieur le président, mais je me réserve la possibilité de le représenter lorsque le projet de ratification de l'ordonnance sera débattu par notre assemblée.
M. le président. L'amendement n° II-18 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.
Fonction publique et réforme de l'état
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses distinctes : la première concerne la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, la seconde l'ensemble des charges de personnel de l'Etat.
Les crédits du ministère, qui s'élèvent à 155 millions d'euros pour 2005, sont en diminution de 30 %.
Cette baisse est d'abord liée à la centralisation de la gestion des prestations familiales des fonctionnaires auprès des caisses d'allocations familiales. On peut donc considérer qu'il y a une quasi-stagnation des crédits du ministère par rapport à l'année 2004.
Les dépenses de personnel de l'Etat s'établissent à 118 milliards d'euros pour 2005, soit une hausse de 2,3 %.
Au total, les charges de personnel de l'Etat passent de 41 % des crédits du budget général en 1993 à probablement près de 45 % en 2005.
Ainsi, la tendance à l'accroissement des charges de la fonction publique demeure, même si la volonté d'infléchir cette tendance est aujourd'hui réelle et si des mesures tout à fait nécessaires ont commencé à être prises.
L'évolution des charges de la fonction publique m'amène à formuler quatre observations.
Premièrement, pour 2003, en rupture avec la tendance à l'augmentation des effectifs qui prévalait jusqu'alors, le nouveau gouvernement avait annoncé une baisse d'un millier d'emplois. La baisse portera, pour 2004, sur 4 500 emplois et, pour 2005, sur 7 200 emplois, ce qui représente une économie de 186 millions d'euros. Par ailleurs, les différentes mesures de la réforme des retraites devant entrer progressivement en vigueur, leur effet sera très faible en 2005.
Deuxièmement, l'Etat doit d'abord diminuer le nombre des fonctionnaires. Ainsi, pour contenir la part des crédits de personnel dans le budget de l'Etat, il faut infléchir la charge des rémunérations. Or l'évolution individuelle des traitements obéit à des règles auxquelles il est difficile de s'abstraire, en particulier au « glissement vieillesse technicité », dû à l'effet des carrières.
M. Jacques Mahéas. Il va bientôt s'inverser !
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Cumulé aux mesures catégorielles et aux revalorisations de la valeur du point, il aboutit à un gain annuel moyen de pouvoir d'achat qui, sur une période de dix ans, a presque toujours été supérieur à 2 %. Il ne faut pas l'oublier !
Par ailleurs, la reconnaissance du mérite des fonctionnaires dans le cadre de la logique de performance imprimée par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, doit se traduire par des mesures catégorielles plutôt que par des mesures d'ordre général.
Quoi qu'il en soit, personne n'entend baisser la rémunération des agents de l'Etat, et le problème est donc bien leur nombre.
Or les départs en retraite des agents de l'Etat augmenteront jusqu'en 2008, pour se maintenir à un niveau historiquement élevé. Il s'agit donc d'un contexte privilégié pour diminuer les effectifs de l'administration sans qu'il en résulte un coût social.
A titre d'illustration, j'indiquerai que la réforme des retraites permettra d'économiser 10 milliards d'euros en 2020, alors que la même économie serait réalisée, en cas de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, dès 2013.
La stabilisation des charges de la fonction publique implique donc une politique de non-remplacement systématique des départs à la retraite.
En lissant la politique de non-remplacement sur la période 2005-2020, on aboutit à un ordre de grandeur de 30 000 non-remplacements annuels, ce qui n'est déjà pas mal...
J'estime qu'un indicateur devrait être mis en place, afin d'asseoir une politique de baisse des effectifs qui soit lisible. Cet indicateur montrerait dans quelle mesure la baisse est imputable à des gains de productivité, à des actions de décentralisation ou à des actions de privatisation.
La diminution des effectifs de l'Etat doit être un objectif de la réforme de l'Etat, et non une incidente.
Ma troisième observation concerne l'évolution des charges de pensions.
S'agissant des régimes de la fonction publique, la réforme des retraites était absolument nécessaire : les nouveaux besoins de financement devaient atteindre 28 milliards d'euros en 2020, dont 21 milliards d'euros pour le seul régime de l'Etat.
L'élément central de la réforme est l'allongement de la durée de cotisation, puisque le niveau des pensions pour une carrière complète est maintenu.
Par ailleurs, la revalorisation des pensions est modernisée par le recours à une indexation sur les prix, comme dans le régime général, et non plus sur la valeur du point.
Les mesures qui ont été adoptées permettront de réduire, à l'horizon de 2020, de 13 milliards d'euros le besoin de financement des régimes de la fonction publique.
Quatrième observation, la réforme de l'Etat est relancée depuis plusieurs mois déjà.
La réforme budgétaire portée par la LOLF, jointe à la nécessité de contenir l'évolution des charges de fonction publique, incitait à un saut qualitatif en matière de réforme de l'Etat. Le Gouvernement a décidé de provoquer cette avancée.
Je ne reviendrai pas sur les principaux instruments qui vont être mis en place en application de la loi organique, me contentant de rappeler que les « projets annuels de performance » auront vocation à être rapprochés des « rapports annuels de performance » en vue de confronter les résultats aux objectifs.
Ce qui compte, c'est le passage d'une logique de moyens à une logique de résultat, ce qui bouleverse la gestion publique et nécessite la mise en place d'une gestion prévisionnelle des effectifs.
Ainsi, le Gouvernement doit être amené à réformer le statut de la fonction publique et, monsieur le ministre, nous savons que les textes annoncés faciliteront certains redéploiements.
Dans le cadre d'une réactualisation, en juin dernier, des récentes stratégies ministérielles de réforme, 225 « actions prioritaires » ont été sélectionnées puis chiffrées. A l'horizon 2007, il en est attendu 1,5 milliard d'euros d'économies.
Afin d'accompagner la décentralisation et la pleine application de la LOLF, le Gouvernement a également relancé la déconcentration en rationalisant l'échelon administratif régional.
Pour ce qui est de l'informatisation des administrations, je rejoins le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, qui, dans son rapport intitulé Pour un Etat en ligne avec tous les citoyens, a préconisé de sanctuariser les crédits concernés. En effet, ces crédits font trop souvent, hélas ! l'objet de régulations budgétaires.
La simplification de la vie des usagers, à laquelle l'administration électronique est en partie liée, reçoit, depuis 2003, l'apport décisif de lois de simplification du droit.
Les instruments de la réforme de l'Etat sont nombreux. Ils traduisent une indéniable volonté de changement. Et, bien que la logistique de la réforme de l'Etat s'éloigne parfois du « jardin à la française », il ne faut pas douter de ses fruits si l'on en juge par les progrès de l'administration électronique, tant à l'échelon central que dans les collectivités territoriales, voire dans les services de l'Etat dans les départements.
Tels sont les éléments qui ont conduit la commission des finances à vous recommander, mes chers collègues, l'adoption de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la deuxième fois que la commission des lois se saisit des crédits consacrés à la fonction publique, et je tenais tout d'abord à rendre hommage à mon prédécesseur en tant que rapporteur pour avis sur ces crédits, M. Pierre Fauchon.
Cet avis intervient cette année dans un contexte particulier.
D'une part, le Gouvernement discute actuellement des rémunérations des fonctionnaires...
M. Jacques Mahéas. Il a du mal !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. ...avec les organisations syndicales, qui ont d'ailleurs, semble-t-il, refusé de se rendre à la réunion organisée le 23 novembre dernier.
D'autre part, le ministre nous a annoncé, lors de son audition par la commission, l'élaboration d'un projet de loi relatif à la fonction publique territoriale qui pourrait également contenir quelques mesures applicables aux trois fonctions publiques.
De plus, la loi organique relative aux lois de finances, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2005, devrait avoir des incidences directes sur la fonction publique, tant en matière de maîtrise des effectifs qu'en matière de gestion des ressources humaines.
Je ne reviendrai ni sur les crédits consacrés à la fonction publique ni sur les dépenses de personnels de l'Etat - ils ont été présentés par le rapporteur spécial, M. Henri de Raincourt -, et je concentrerai mon propos sur quelques observations générales relatives à la fonction publique.
Tout d'abord, deux grandes réformes législatives concernant la fonction publique ont marqué l'année 2004.
Il s'agit, en premier lieu, de la réforme des retraites, la loi du 21 août 2003 étant entrée en vigueur, pour l'essentiel de ses dispositions, le 1er janvier 2004.
Il s'agit, en second lieu, de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui organise les modalités de transfert des personnels des services - ou parties de service - nécessaires à l'exercice des compétences transférées, et qui doivent l'être pour certaines dès le 1er janvier 2005.
Vous savez que, par ailleurs, le Gouvernement souhaite insister sur la nécessité d'améliorer la gestion de l'emploi public.
Plusieurs axes d'amélioration sont proposés.
Le premier concerne la rémunération au mérite. Cette dernière permet d'introduire la « culture de la performance » - c'est l'expression officielle - au sein de la fonction publique, et de valoriser ainsi le travail des fonctionnaires.
M. Jacques Mahéas. On va le faire au Sénat !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. S'appuyant sur une procédure d'évaluation récemment rénovée, la rétribution au mérite a été mise en application pour les emplois « à la décision du Gouvernement » et fait l'objet d'une expérimentation pour les directeurs d'administration centrale de certains ministères, expérimentation qui devrait être généralisée en 2005 à tous les ministères.
Au nom de l'indépendance de la justice, les magistrats de Moulins ont décidé, en octobre dernier, de redistribuer entre eux - et à parts égales - la prime modulable qui leur avait été versée. Monsieur le ministre, il serait intéressant de connaître votre position sur ce point.
Le deuxième axe d'amélioration proposé consiste à offrir aux fonctionnaires une formation efficace et adaptée aux exigences de leur fonction, tant lors de leur recrutement qu'au cours de leur carrière.
Si la formation continue des agents doit être encore améliorée, les efforts du ministère de la fonction publique pour y parvenir doivent être toutefois salués.
Le troisième axe d'amélioration porte sur la mobilité des fonctionnaires. Celle-ci contribue à la qualité de la fonction publique, qui se voit enrichie par les compétences accrues et diversifiées de ses agents, ce qui favorise son attractivité.
Pourtant, malgré les mesures prises ces dernières années, les cas de mobilité, fonctionnelle ou géographique, ne sont toujours pas assez nombreux.
Plus particulièrement, la mobilité des fonctionnaires en Europe mériterait d'être développée et encouragée. Le principe de liberté de circulation des travailleurs doit permettre à nos agents publics d'enrichir leur parcours professionnel en partant travailler au sein d'autres administrations européennes.
Actuellement, ce type de mobilité demeure soumis à de trop nombreuses difficultés et le nombre de ressortissants ayant franchi le pas reste très limité.
Plus généralement, d'importants enjeux pour l'avenir de la fonction publique sont directement issus de l'application du droit communautaire, s'agissant notamment du recours aux contractuels.
Sur ce point, monsieur le ministre, je sais qu'un rapport a été remis à votre prédécesseur, en avril 2003, par Jean-Michel Lemoyne de Forges sur « l'adaptation de la fonction publique française au droit communautaire ». Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Pour conclure, mes chers collègues, si tous les élus locaux attendent le futur projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, les dispositions statutaires régissant les autres fonctions publiques devront à terme évoluer, et le nombre de corps de fonctionnaires de l'Etat, notamment, devra être réduit.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la fonction publique dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Les crédits de la fonction publique que vous nous présentez, monsieur le ministre, s'inscrivent, hélas ! dans la perspective plus large d'un travail de désagrégation que mène depuis deux ans le Gouvernement contre l'emploi public et son personnel. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
En préparant mon intervention, j'ai pris connaissance d'articles parus dans la presse relatant certains de vos propos, monsieur le ministre, dont la gravité éclaire plus crûment encore les orientations ultra-libérales de votre budget.
Confirmez-vous, monsieur le ministre, avoir déclaré devant la fondation « Concorde », comme le rapporte l'édition du 27 octobre dernier de l'hebdomadaire Charlie-Hebdo, que « les retraités de la fonction publique ne rendent plus de services à la nation » et qu'ils « sont inutiles mais continuent à peser très lourdement » ?
M. Jacques Mahéas. A jeter !
Mme Nicole Bricq. Il s'est lâché !
Mme Josiane Mathon. Pensez-vous réellement, comme le rapporte cet article, que le problème que nous avons en France, c'est que les gens sont contents des services publics ?
Ce sont là des propos âpres pour un représentant de l'Etat, des propos qui ne conduisent pas à la promotion d'une fonction publique moderne, digne du passé et du présent de notre pays, digne de l'intérêt général.
En 2005, votre projet de budget devrait subir, à structure constante, une mutilation de 8 % de ses crédits. Cette baisse vertigineuse, vous la revendiquez puisque votre approche consiste à faire « fondre » l'Etat, même si, évidemment, vous habillez cette présentation d'un discours sur l'efficacité et sur la culture de la performance.
L'idée que l'on puisse « faire mieux avec moins » ne vaut que dans une logique comptable et boutiquière, dans une recherche effrénée de restriction massive de la dépense publique.
Si, comme cela doit être sa finalité, la fonction publique est le bras de l'Etat pour répondre aux besoins de nos concitoyens, pour servir le développement de notre pays, alors votre projet de budget ampute la nation, altère ses capacités et crée même un nouvel handicap.
De quoi souffre aujourd'hui notre société ? De trop de justice sociale ? De trop de services publics ? D'une redistribution trop égalitaire des richesses ?
Il me semble intéressant à cet égard de citer les chiffres que vient de publier, pour la région Rhône-Alpes, une organisation caritative connue, le Secours catholique : 500 000 personnes y vivent sous le seuil de pauvreté, parmi lesquelles certaines travaillent dans la sphère publique !
Votre budget, monsieur le ministre, concerne directement plus de 5 millions d'agents publics. Il joue même un rôle d'entraînement dans le secteur privé. La présence de services publics conditionne en effet l'implantation d'entreprises et la vie des territoires.
Sans être exhaustive, je désire souligner la suppression de 4 816 emplois dans l'enseignement scolaire, de 1 018 emplois dans la défense et de 2 210 emplois dépendant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Comble du cynisme, vous réussissez l'exploit de supprimer 80 emplois au parent pauvre de votre gouvernement, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Votre collègue M. Borloo peut toujours s'escrimer à parler de « cohésion sociale » ! La seule cohésion que nous identifions dans ce gouvernement est celle de la priorité absolue au marché et à la privatisation du service public.
Ainsi, si M. Borloo confie l'ANPE au MEDEF à travers les Maisons pour l'emploi, vous-même confiez le service téléphonique de renseignements administratifs à une société privée au nom évocateur de « Phone Marketing ». Il en coûtera 12 centimes d'euro par minute à celui que l'on ne peut plus nommer un usager, mais bel et bien un client, alors que les centres interministériels de renseignements administratif, les CIRA, qui remplissent déjà cette fonction, proposaient ce service au prix d'un appel local de neuf centimes d'euro la première minute, puis de trois centimes d'euro pour les suivantes. Mis en concurrence, les CIRA ont aligné leurs tarifs sur ceux du privé. Est-ce cela, la rationalisation ?
Enfin, levons tout malentendu sur cette notion de prime au mérite que vous souhaitez mettre en place. Avec votre discours sur la culture de la performance, vous recherchez non pas le meilleur service rendu au public, mais le moindre coût de l'action de l'Etat.
Mme Josiane Mathon. Nous serions prêts et disponibles pour travailler avec vous à l'amélioration, à la démocratisation, à la modernisation sociale et économique de la fonction publique.
Cependant, dans ce pays, les fonctionnaires ont perdu 5 % de leur pouvoir d'achat depuis le 1er janvier 2000 et vous avez réussi à faire l'unanimité contre vous lors des négociations salariales.
Vous vous présentez devant nous avec un budget qui ne tient pas compte de l'aboutissement - toujours hypothétique - de vos discussions, actuellement dans l'impasse, avec les organisations représentatives des personnels.
Allez-vous, monsieur le ministre, répondre favorablement à la revendication syndicale tendant à assurer une juste rémunération et allez-vous discuter d'une évolution positive du point d'indice ? Je l'espère.
Nous estimons que c'est là une condition du bon fonctionnement des services publics. En effet, l'adhésion des personnels, leur implication motivée ne se décrète pas ; elle se construit dans le dialogue, la confiance et la reconnaissance.
Les agents du service public sont ulcérés de cette manoeuvre contre les départs anticipés à la retraite de celles et de ceux d'entre eux qui ont commencé à travailler tôt. Pourquoi retarder d'un an encore l'application dans le secteur public de dispositions permettant aux hommes et aux femmes ayant commencé à travailler entre quatorze ans et seize ans de partir en retraite anticipée ? Pourquoi créer une discrimination entre les salariés du privé et ceux du public ?
L'Etat manque à sa parole. Vous avez, il y a deux ans, mené une réforme des retraites au nom de l'égalité entre privé et public, et vous voilà en train de piétiner quelque peu les discours d'alors !
Enfin, s'agissant de la réforme de l'Etat, ...
M. le président. Veuillez conclure, madame Mathon.
Mme Josiane Mathon. Je conclus, monsieur le président.
S'agissant de la réforme de l'Etat, votre projet de budget prévoit un recul de 7,2 millions d'euros des crédits octroyés au fonds pour la réforme par rapport à l'année précédente. Même en tenant compte d'une régulation de 6,7 millions d'euros, vous envisagez une diminution des moyens attribués aux différents services de l'Etat pour se moderniser.
Votre approche de la réforme de l'Etat se résume à de pures et simples suppressions. Les crédits pour la formation stagnent - c'est-à-dire qu'ils vont baisser - ainsi que ceux qui sont consacrés au fonds pour l'insertion des personnes handicapées, domaine pourtant privilégié pour le Président de la République.
Vous annoncez un prochain projet de loi relatif à la fonction publique territoriale qui intégrerait des mesures pour les trois fonctions publiques et la création des PACTE, les parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat ; j'y serais très attentive.
Enfin, à la lumière de votre projet de budget, monsieur le ministre, je ne peux que m'inquiéter, comme s'inquiètent les agents des services publics.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, je suis, ainsi que tous les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, farouchement contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons ce soir est assez peu enviable, tant il est marqué par la coupe claire.
Nous déplorons, en effet, une réduction importante des crédits de l'ordre de 30 % : à peine 150 millions d'euros ! Même à structure constante, la diminution reste de 8,4 %.
Cela traduit une véritable obsession comptable, sans réflexion d'ensemble sur les besoins et les missions du service public. Seuls importent les gains de productivité.
Dans ce « vertige du moins », l'action sociale interministérielle, avec seulement 51,36 millions d'euros de crédits prévus contre 117 millions d'euros l'an passé, soit une baisse programmée des crédits de 56,2 %, s'avère considérablement réduite.
La ligne directrice semble claire : il s'agit, par souci d'économie, de se décharger de ces prestations, qui aux caisses d'allocations familiales en transférant la « prestation crèche », qui aux autres ministères ou aux préfets en déconcentrant la réservation de logements, qui à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat en supprimant l'aide à l'amélioration de l'habitat des retraités, qui au fonds de roulement de la Mutualité fonction publique, en réduisant les crédits dédiés aux aides à l'installation, à l'aide ménagère à domicile et aux chèques-vacances.
Outre l'impression d'absence de pilotage et de manque de transparence que suscite une telle énumération, ces changements ne sont pas sans poser quelques difficultés. Pour ne reprendre que l'exemple de la « prestation crèche », son transfert aux caisses d'allocations familiales abolit toute possibilité de politique d'ensemble, chacune des cent vingt-trois CAF décidant de sa politique d'action sociale. Les prestations ne seront d'ailleurs plus payées avec le traitement, mais décalées au mois suivant. En outre, il n'est nullement anodin d'ajouter 2,5 millions de fonctionnaires aux dizaines de millions de bénéficiaires actuels du régime général, sachant que les CAF sont déjà fortement embouteillées ! Et que faites-vous, monsieur le ministre, des 700 emplois que vous vous félicitez de supprimer ?
Même les crédits du fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées ont légèrement diminué, après avoir subi des mesures de gel et d'annulation en 2003 d'environ 20 % de la dotation initiale. Qu'en est-il de cette priorité voulue par le Président de la République ?
Quant aux crédits alloués à la formation, malgré une légère augmentation, ils ne sont pas à la hauteur des défis qu'imposent la modernisation de l'Etat et la diffusion de nouveaux savoirs. Et vous voulez des fonctionnaires bien formés !
Examinons ensuite, comme il est coutume de le faire, les perspectives qui s'offrent à la fonction publique.
On assiste, pour 2005, à la suppression nette de 7 188 postes, après 1 745 postes en 2003 et 4 561 en 2004. C'est heureusement bien en deçà des objectifs du Gouvernement, qui ambitionne le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux jusqu'en 2015...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Mais non !
M. Jacques Mahéas. ...soit environ 40 000 fonctionnaires - et non pas 30 000, cher collègue ! - par an.
Cette règle du « un sur deux » est déjà en vigueur dans certains ministères comme aux finances, même si M. Sarkozy appliquait plutôt à son propre cabinet la règle du « deux sur un », ayant doublé les effectifs de son prédécesseur !
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Il avait du boulot ! (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. Le plus inquiétant, c'est que la réponse paraît purement comptable, sans analyse des besoins. Notre rapporteur spécial de la commission des finances ne s'en cache pas, qui parle de « politique volontaire de diminution des recrutements » constituant une « priorité budgétaire ».
Pourquoi, par exemple, pénaliser ainsi l'éducation en la privant de 4 816 postes ? Depuis 2002, la présence d'adultes diminue chaque année dans les établissements scolaires. Le résultat était prévisible : la violence y repart à la hausse !
Par une forme de chantage assez stigmatisante, vous ne cessez, monsieur le ministre, de lier cette réduction des effectifs à une hypothétique augmentation du pouvoir d'achat : l'une serait impossible sans l'autre.
M. Jacques Mahéas. Or, en pratique, pour la troisième année consécutive, l'équation du gouvernement Raffarin, c'est moins de fonctionnaires et moins de pouvoir d'achat : moins 4 % à 5 % depuis le mois de janvier 2000 ! Pour les agents, l'exercice est donc nettement « perdant-perdant », surtout dans un contexte général de hausses des loyers, des consultations médicales, du gazole, de l'essence, du gaz, etc.
Bref, le dialogue social s'étant transformé en monologue unilatéral - quel que soit le sujet, d'ailleurs ! - les négociations salariales ont été repoussées au 8 décembre prochain. L'absence de politique salariale globale se poursuit, aucune provision n'étant prévue pour revaloriser le point d'indice.
Le Gouvernement préfère dégager 430 millions d'euros pour des mesures catégorielles, pratiquant une politique de saupoudrage dont il est coutumier, comme pour les restaurateurs, les routiers, etc.
Autre leitmotiv, la rémunération au mérite, qui promet d'être généralisée. A ce sujet, je me contenterai de répéter que « faire du chiffre » n'est pas un gage de qualité du service rendu.
M. Jacques Mahéas. Cette forte individualisation enfonce un coin supplémentaire dans un statut que fragilisera probablement encore le futur projet de loi de modernisation de la fonction publique, tant de fois annoncé.
Ainsi, les voies dérogatoires au recrutement par concours se multiplient : les contrats à durée déterminée renouvelables qui pourront déboucher directement sur des contrats à durée indéterminée,...
M. Jacques Mahéas. ... les parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat, ou PACTE, qu'ils soient juniors ou seniors, sanctionnés par un examen professionnel, ou encore la seconde carrière pour les enseignants.
On songe également à supprimer les limites d'âge, dans un contexte de réduction du nombre des postes offerts aux concours. Or je tiens à rappeler notre attachement au concours, seul à garantir l'égalité d'accès, même si certaines mesures dérogatoires peuvent être acceptables.
Autre sujet d'inquiétude, le départ anticipé en retraite pour les carrières longues, mesure appliquée dans le privé depuis le 1er janvier 2004. Dans ce seul cas, monsieur le ministre, vous semblez peu enclin à l'alignement sur le privé, puisque le dispositif proposé aux fonctionnaires s'avère similaire, mais pas identique, au point que, pour ne citer que cette disparité frappante, les départs anticipés à cinquante-six ans et à cinquante-sept ans attendront 2008, soit quatre ans après l'entrée en vigueur dans le privé ! Les amendements socialistes tendant à rétablir l'équité ont en effet été rejetés.
Tout votre enthousiasme semble aller à la réforme de l'Etat, présentée à grand renfort de jargon d'entreprise, de « productivité » et de « performance », censées « "agiliser" l'Etat », comme le réclame le très libéral rapport Camdessus. M. le ministre n'hésite d'ailleurs pas à se définir à l'Assemblée nationale comme « le DRH des fonctionnaires ». (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Dans la pratique, décentralisation, déconcentration, externalisation, privatisation ne sont que les sombres variantes de l'abandon dont souffre le service public. La démarche se fait à l'aune de la seule rentabilité économique, sans se soucier de la qualité du service rendu ni des conséquences pour les agents.
Sous couvert de rationalisation, on assiste au désengagement de l'Etat, qui délègue missions et compétences sans les charges afférentes. Il en est ainsi des 95 000 TOS, techniciens, ouvriers et de service transférés aux régions, ce qui va entraîner des embauches d'encadrement et une hausse vertigineuse des impôts locaux. Marché de dupes, donc !
Il paraît tristement évident que la fonction publique n'intéresse guère le Gouvernement et sa majorité, qui la sacrifient sur l'autel de la rigueur budgétaire.
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Oh !
M. Jacques Mahéas. Que penser du rapporteur de la commission des finances à l'Assemblée nationale lorsqu'il écrit : « Plusieurs pays ont supprimé la notion de fonction publique, s'en remettant au contrat de travail de droit commun pour organiser la relation de travail, et garantir la souplesse et l'efficacité des ressources humaines des services publics. En France, nous ne semblons pas aller jusque-là ».
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Ah !
M. Jacques Mahéas. Heureusement, me permettrai-je d'ajouter ! Est-ce là néanmoins le but poursuivi ?
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial, et Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Non !
M. Jacques Mahéas. Quant à vous, monsieur le ministre, vous faites régulièrement preuve envers les fonctionnaires d'un tel manque de considération, d'une telle propension au dénigrement...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Oh !
M. Jacques Mahéas. ...que l'on aurait presque peine à vous croire lorsque vous démentez avoir tenu à leur encontre des propos particulièrement outranciers au sein d'un cercle libéral.
Vous comprendrez qu'un climat si délétère, où le chantage le dispute à la suspicion, ne peut qu'entraîner le groupe socialiste à rejeter votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. C'est consternant !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos se situe, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances, dans la perspective du futur projet de loi sur la réforme de la fonction publique.
En effet, l'examen du budget de la fonction publique, et notamment de son budget de fonctionnement, conduit chaque année à s'interroger sur l'efficacité économique du système administratif français. Faute de parvenir à le réformer radicalement de l'intérieur, c'est de la contrainte extérieure librement consentie, puisque venue du droit de l'Union européenne, que viendra peut-être le salut, notamment dans le domaine des relations entre l'Etat, les collectivités publiques, et leurs agents.
Ces dernières années, la fonction publique française a évolué sous l'influence du droit communautaire, mais cette évolution s'est faite à reculons. Or les préconisations du droit européen ne sont pas motivées par le seul principe de liberté de circulation et de non-discrimination en fonction de la nationalité. Elles visent à diffuser au sein de l'administration une culture managériale qui lui fait souvent défaut, mais aussi, on l'oublie trop souvent, à améliorer le droit du travail.
Le domaine du droit du travail est au coeur de ces différentes exigences et pose la question de la transposition du droit communautaire dans le droit français de la fonction publique. En ce domaine, la frilosité du législateur n'a d'égale que celle du juge administratif, Conseil d'Etat en tête, puisque ni l'un ni l'autre ne se résolvent à transposer des directives vieilles de cinq ans, au mépris des engagements communautaires de la France.
Le droit communautaire considère que la forme normale de travail est, aux termes de la directive n° 1999/70/CE du Conseil des ministres du 28 juin 1999 - qui aurait dû être transposée avant le 10 juillet 2001 ! -, la relation de travail à durée indéterminée.
Cela concerne non pas les agents titulaires, qui bénéficient de la garantie statutaire, mais les agents contractuels. Alors que le statut général pose, dans l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, la règle de l'interdiction des contrats à durée indéterminée, à l'exception de certaines dispositions législatives sur lesquelles je reviendrai, la directive énonce au contraire que la forme générale de la relation d'emploi entre employeurs et salariés est le contrat à durée indéterminée.
Ce principe conduit à s'interroger sur la condition des agents liés à une collectivité par un contrat de droit public d'une durée maximale de trois ans qui, même régulièrement renouvelé, ne peut conduire à un contrat à durée indéterminée, puisque la jurisprudence du Conseil d'Etat - arrêt « Bayeux » du 27 octobre 1999 - l'interdit formellement.
La directive européenne incite donc à préciser les conditions du renouvellement du contrat, à fixer le nombre des renouvellements possibles ou la durée maximale de tous les contrats cumulés, à réglementer les cas et les conditions de renouvellement. Elle vise également à « prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs » et pose la condition que ces contrats ne soient utilisés que pour répondre à « des besoins de secteurs spécifiques » ou à « certaines catégories de travailleurs ».
Le droit français de la fonction publique ne répond en rien à ces engagements européens, puisque les « secteurs spécifiques » autorisés à maintenir des CDD n'ont jamais été définis.
Le législateur a pourtant introduit récemment des dérogations au principe de l'interdiction des CDI, avec la loi du 3 janvier 2001 sur la résorption de l'emploi précaire. Encore cette possibilité est-elle limitée aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale...
La Cour de cassation a suivi en transposant une directive du 12 mars 2001 pour la reprise, par une personne publique, d'un service public auparavant géré par une personne privée.
La Cour de justice des Communautés européennes, enfin, sur la base de la même directive, l'a confirmé pour la municipalisation d'activités associatives.
Le droit de la fonction publique doit donc être revu, comme le rapport du professeur Lemoyne de Forges le soulignait déjà en 2003, en distinguant les cas dans lesquels la nature et la spécificité des besoins des services justifient le recours à des contrats à durée déterminée, par exception à une nouvelle règle, celle du contrat à durée indéterminée.
Monsieur le ministre, il faudra rapidement mettre fin à la jurisprudence et à la législation restrictive actuelles, et encadrer sur le plan législatif les renouvellements de contrats à durée déterminée.
Mais l'introduction des contrats à durée indéterminée ne signifie pas simplement l'alignement sur le droit communautaire, car la cohabitation du statut et des CDD était fonctionnelle jusqu'à présent dans le système français. Dans un système administratif fondé sur l'emploi à vie, elle a permis au système de disposer d'une souplesse relative de gestion.
La cohabitation entre le statut et le CDI, la concurrence entre un régime statutaire où le contrat d'affectation sur emploi et les accords de performance deviendront la règle et un régime de CDI protégé contre les licenciements abusifs par le droit communautaire rendront la frontière toujours moins étanche, à l'heure de la mobilité généralisée et du travail à temps partiel, notamment pour les nouvelles générations de salariés du secteur public.
Cette tendance est d'autant plus vraisemblable que la pratique des recrutements, notamment dans les collectivités territoriales, est surtout régie par la loi de la pénurie et non par des critères tels que les emplois spécifiques ou régaliens : sont contractuels les agents dont on ne parvient pas à assurer le recrutement dans le cadre des emplois statutaires, quitte à faciliter ensuite leur intégration dans la fonction publique en assurant leur formation. Mais chacun sait que les contrats négociés sont ensuite consolidés lorsqu'ils deviennent des emplois statutaires.
S'il n'est pas souhaitable de contractualiser toute la fonction publique, à l'exemple de l'Italie, de la Finlande ou de la Suède, il n'est pas envisageable d'aborder sérieusement la modernisation de l'administration et la diminution du poids excessif de la masse salariale sur les budgets de fonctionnement sans appliquer sans crainte le droit communautaire. Celui-ci, comme dans de nombreux autres domaines, est d'abord le levier qui accélérera la modernisation de l'Etat et des autres collectivités publiques, sans remettre en cause la protection de leurs agents, mais en la garantissant autrement.
N'est-il pas temps, monsieur le ministre, de s'engager résolument dans l'application de mesures européennes que la France est censée appliquer depuis quatre ans et qui permettront à l'Etat d'améliorer durablement sa gestion ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget, je commencerai par dire un mot sur le programme législatif du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je sais combien le Sénat est attaché à la modernisation de la fonction publique territoriale. Il est d'ailleurs à l'origine de très nombreuses propositions, que j'ai faites miennes et qui feront l'objet d'un texte qui sera présenté en premier lieu devant le Sénat au début de l'année 2005. Je tiens à remercier les sénateurs qui ont préparé ce travail et je sais à quel point je peux compter sur la Haute Assemblée pour l'améliorer au cours de la discussion qui aura lieu dans cette enceinte.
La fonction publique de l'Etat, quant à elle, ne sera pas en reste, puisqu'elle doit être également modernisée, en s'inspirant peut-être parfois de ce qui a été fait dans la fonction publique territoriale. Trop souvent, la fonction publique de l'Etat est présentée comme un modèle, alors que la fonction publique territoriale a développé des innovations et des améliorations qui peuvent être transposées.
Je veux également vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que certains propos qui ont été rapportés par les orateurs de l'opposition ne concordent pas - si j'ose dire... (Sourires) -, avec ceux que je tiens habituellement.
En voici un exemple très simple : alors que j'ai dit que la masse salariale de l'Etat augmentait à la suite du départ à la retraite d'un nombre croissant de fonctionnaires...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Oui, c'est mécanique !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... qui devenaient donc inactifs - et, dans mon esprit, ce terme n'est pas désobligeant à leur égard - ...
M. Jacques Mahéas. Ah !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... mes propos ont ensuite été caricaturés par l'hebdomadaire satirique de référence de l'opposition, qui a écrit que je considérais les intéressés comme des gens inutiles. Il y a là tout de même une marge !
J'ajoute d'ailleurs que le même hebdomadaire m'a également caricaturé en officier nazi envoyant des fonctionnaires au four crématoire !
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. C'est grave !
M. Renaud Dutreil, ministre. La Ligue contre le racisme et l'antisémitisme s'est d'ailleurs émue de cet amalgame et de cette instrumentalisation de la Shoah au service d'arguments polémiques.
Je n'ose imaginer que les orateurs de l'opposition aillent puiser à une source aussi trouble ! (M. Jacques Mahéas s'en défend.)
S'agissant de la question de la négociation salariale en cours, qui a été abordée par M. de Raincourt, Mme Gourault et Mme Mathon, je dois vous faire part d'une conviction très claire : pour conserver une fonction publique de qualité - et tel est bien le souhait du Gouvernement -, nous devons préserver les espérances de pouvoir d'achat des fonctionnaires.
Nous le ferons non pas dans l'immobilisme, mais dans la réforme de l'Etat, la modernisation de la fonction publique et dans une politique salariale innovante.
J'ai ouvert un rendez-vous salarial, le 8 novembre dernier, avec les organisations syndicales représentatives des agents des trois fonctions publiques.
A cette occasion, j'ai dressé un constat de l'évolution du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Celui-ci évolue sous l'effet de trois facteurs. Tout d'abord, des mesures d'avancement individuel, automatiques, constituent l'un des éléments du dispositif nommé GVT, ou glissement vieillesse technicité : tous les trois ans, la rémunération de chaque fonctionnaire progresse alors de 6 % en moyenne, soit de 2 % par an, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial ; interviennent ensuite des mesures ministérielles catégorielles, notamment sur les primes, et la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
Sous ces trois effets, la feuille de paye moyenne des fonctionnaires a augmenté, ces dix dernières années, de près de 4 % par an, soit d'un pourcentage supérieur à celui de l'inflation. (M. Jacques Mahéas en doute.)
Les syndicats de la fonction publique ne veulent considérer qu'un seul de ces facteurs, la valeur du point indiciaire. C'est cette incompréhension qui a conduit dans l'impasse toutes les tentatives de négociation salariale, tant de la part du gouvernement actuel que de celle des gouvernements précédents. Tous se sont heurtés à cette contradiction.
Il est vrai qu'une feuille de paye moyenne recouvre des situations différentes, certains fonctionnaires touchant plus, d'autres moins. Je suis le premier à le reconnaître et c'est pourquoi je propose aux organisations syndicales d'identifier les fonctionnaires qui ont le moins bénéficié de l'augmentation du pouvoir d'achat, voire ceux qui ont perdu du pouvoir d'achat.
Quoi qu'il en soit, le point indiciaire n'est certainement pas la meilleure façon de corriger ces inégalités, puisqu'il distribue, les yeux fermés, les crédits qui lui sont alloués. Je lui préfère une politique salariale de justice sociale, celle-là même que j'ai présentée aux organisations syndicales le 23 novembre dernier et que j'évoquerai à nouveau devant elles le 8 décembre prochain.
Certes, la définition d'une politique salariale pour les années à venir ne peut s'abstenir d'une réflexion sur les effectifs. Là encore, ne nous dissimulons pas derrière des tabous. Sans faire des effectifs une variable d'ajustement budgétaire, on peut imaginer que l'Etat de demain, notre Etat moderne, dont la mission première est de rendre un service aux usagers et aux citoyens, peut garantir un service d'aussi bonne qualité avec des effectifs moindres. La réforme de l'Etat, c'est aussi cela. Or, aujourd'hui, certains syndicats acceptent l'idée de gains de productivité au sein de l'Etat.
Sur cette question des salaires, j'ajoute, pour répondre à Mme le rapporteur pour avis, que les rémunérations doivent également être un outil de motivation des agents. Tous les éléments de modulation existent déjà dans le statut, mais ils sont peu utilisés dans ce sens : pour ne parler que des primes de rendement, dont l'appellation est d'ailleurs trompeuse puisque ces primes sont souvent versées de façon forfaitaire, c'est dans le cadre statutaire qu'est actuellement expérimentée la rémunération au mérite des cadres dirigeants des administrations centrales de l'Etat. Ce nouveau dispositif est mis en oeuvre dans cinq départements ministériels qui se sont portés volontaires, à savoir les finances, l'agriculture, la défense, l'équipement et l'intérieur, ainsi qu'au sein des services du Premier ministre.
La rémunération globale sera modulée, à hauteur de 20 %, en fonction des résultats effectivement obtenus. C'est là une innovation importante que je souhaite voir généralisée en 2005 à tous les ministères, du moins pour l'ensemble des agents qui exercent des emplois de responsabilité, car ce système de rémunération au mérite individuel ne peut être étendu à l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat, auxquels d'autres outils doivent être appliqués.
Mme Gourault m'a également interrogé sur la motion présentée par les magistrats du tribunal de grande instance de Moulins, dans l'Allier, qui se sont émus de la prime modulable instituée par le décret du 26 décembre 2003 aux termes duquel cette prime est « attribuée en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ».
Ces primes modulables ne sont en aucun cas une atteinte à l'indépendance des magistrats ! Elles existent d'ailleurs dans les juridictions administratives et financières ainsi qu'à la Cour de cassation sans que personne ne puisse mettre en doute l'indépendance de ces magistrats. Personne ne pourrait imaginer un seul instant que l'indépendance de la magistrature puisse être menacée par une prime modulable, qui représente de surcroît une part modeste de la rémunération des magistrats.
Mme Gourault et M. Portelli m'ont questionné sur la transposition des directives européennes dans la fonction publique et sur la situation de agents non titulaires.
Vous le savez, le droit communautaire influence de plus en plus la fonction publique française - souvent dans un sens positif -, notamment dans les domaines suivants : l'ouverture des emplois publics aux ressortissants communautaires, la lutte contre les discriminations, les conditions de recours au contrat à durée déterminée.
J'ai constaté, en prenant mes fonctions, un certain retard dans la transposition des normes européennes. Pour y répondre, j'ai fait préparer un projet de loi de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Il sera soumis, lundi 6 décembre prochain, à l'approbation du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Je souhaite, en effet, que mon ministère soit exemplaire en matière de transposition des directives.
Ce projet de loi, qui répond notamment aux problématiques posées par le rapport de M. Lemoyne de Forges, sera soumis au Parlement dès le début de l'année 2005.
J'attache une importance particulière à la transposition de la directive européenne du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée, qui doit permettre de réduire la précarité dans la fonction publique. La lutte contre la précarité est en effet l'un des objectifs fixés par le Gouvernement. Cette directive avait d'ailleurs été approuvée sous le gouvernement de M. Jospin, qui aurait dû la transposer et qui ne l'a pas fait.
C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'ai lancé une concertation avec les partenaires sociaux sur ce sujet.
Il est aujourd'hui possible de renouveler sans fin le contrat des agents contractuels à durée déterminée de la fonction publique sans que ces derniers aient la possibilité de se voir proposer un contrat à durée indéterminée. Cette situation n'est conforme ni au droit communautaire, je le répète, ni surtout à une bonne gestion des ressources humaines. On imagine la situation matérielle de ces agents qui, de façon renouvelée et permanente, restent dans la précarité !
Il faut donc améliorer les règles d'emploi des contractuels de la fonction publique, dans le respect des principes du statut de la fonction publique.
Pour ce faire, je propose, premièrement, un contrat à durée déterminée de trois ans maximum, renouvelable dans la limite de six ans maximum. Cette durée, relativement longue, est destinée à permettre aux contractuels d'être candidats au moins deux fois aux concours internes de recrutement des fonctionnaires. Quatre ans d'activité sont, en effet, nécessaires pour se présenter à ces concours.
Deuxièmement, le renouvellement du contrat après six ans ne sera possible que pour un contrat à durée indéterminée.
Troisièmement, je propose également la transformation automatique des contrats des agents ayant plus de cinquante ans et justifiant de huit ans de service public en contrats à durée indéterminée. Cette disposition est destinée à protéger ceux qui seraient les plus susceptibles de rencontrer des difficultés sur le marché du travail.
Enfin, je propose l'application anticipée du dispositif de transformation automatique en CDI au 1er juin 2004.
Je note que les organisations syndicales, après quelques hésitations - que l'on comprend bien, car il s'agit là d'une véritable innovation dans le statut de la fonction publique -, ont assez bien accueilli ce projet, qui va améliorer très concrètement la vie des agents concernés. Ces derniers éprouvent aujourd'hui des difficultés au quotidien, et c'est la raison pour laquelle il fallait prendre rapidement ces mesures.
La question des carrières longues a été ma priorité lorsque j'ai pris mes fonctions, et elle est aujourd'hui réglée. Les dispositions que nous avons prises vont profiter à 100 000 fonctionnaires, ...
M. Jacques Mahéas. En 2008 !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... ce qui n'est pas négligeable : 15 000 en 2005, 25 000 en 2006, 30 000 en 2007, 30 000 en 2008. Ainsi, toutes ces personnes vont pouvoir partir à la retraite plus tôt que prévu. C'est un vrai progrès social qui doit être souligné et mis au crédit de ce gouvernement.
J'en arrive au projet de budget qui vous est proposé.
Les crédits de la fonction publique s'élèvent à 154,87 millions d'euros pour 2005, ce qui représente effectivement une diminution de 30,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Mais, à structure constante, la diminution est de 8,2 %.
Cette diminution correspond à deux orientations : d'abord, une réforme exemplaire de la réforme de l'Etat, qui a été engagée avec le transfert de la gestion des prestations familiales dues aux agents de l'Etat aux caisses d'allocations familiales ; puis une maîtrise globale de la dépense, qui, à service quasiment identique, participe à l'effort général de rigueur budgétaire.
Le transfert de la gestion des prestations familiales aux caisses d'allocations familiales permettra de dégager une économie de 55,09 millions d'euros et une économie de 600 emplois équivalents temps plein dans l'ensemble des services gestionnaires des ministères, soit plus de 8 % du nombre total de suppressions d'emplois prévues dans le projet de loi de finances pour 2005.
Cette réforme ne détériore pas la qualité du service rendu par l'Etat. C'est en ce sens qu'elle est exemplaire, car elle n'entraîne certainement pas la dégradation du service que nous rendons aux Français ; bien au contraire, nous visons à l'améliorer ou à réduire son coût.
En supprimant cette redondance, les prestations dues aux agents de l'Etat seront gérées par deux instances différentes : d'une part, les services gestionnaires de personnel et les services de paie pour les allocations familiales ou l'allocation de rentrée scolaire et, d'autre part, les caisses d'allocations familiales pour la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, ou l'aide au logement. Toutes ces prestations seront transférées, et quelque 350 000 agents pourront donc en bénéficier dès le 1er janvier 2005 pour ce qui concerne l'ensemble des ministères à l'exception du ministère de l'éducation nationale, et le 1er juillet 2005 pour ce dernier ministère.
La seconde orientation de ce projet de budget concerne la maîtrise globale de la dépense.
Ainsi, s'agissant de l'action sociale interministérielle, le projet de budget de mon ministère comporte deux mesures d'économie.
La première est liée à la suppression de l'aide à l'amélioration de l'habitat des retraités. Cette suppression ne vise pas du tout à dégrader l'action sociale interministérielle, mais elle faisait double emploi avec les aides de droit commun apportées par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. De surcroît, elle ne correspondait que de façon marginale aux besoins des retraités de la fonction publique. Depuis dix ans, en effet, son montant n'a cessé de diminuer.
M. Jacques Mahéas. Elle n'était pas connue !
M. Renaud Dutreil, ministre. C'est vrai, monsieur Mahéas, mais bien souvent il existe trop de mesures de saupoudrage, ce qui entraîne un manque de clarté et de lisibilité des politiques menées. Afin d'apporter un service meilleur, y compris à nos fonctionnaires, il est donc nécessaire de rendre plus lisible et plus simple notre action sociale : c'est aussi cela, la réforme de l'Etat.
La seconde mesure d'économie, avec 1,6 million d'euros, est liée à la réforme de la politique de réservation de logements pour les agents de l'Etat. Là encore, il s'agit tout simplement de tirer parti de la réforme récente du code de la construction et de l'habitation, qui permet à tous les ministères de réserver des logements pour leurs fonctionnaires.
Telles sont les quelques réponses que je tenais à vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, et elles devraient rassurer les esprits inquiets : il n'y a pas de réduction de crédits qui ne soit fondée sur la recherche d'une optimisation de ceux-ci, et ce sans dégradation des services ou des prestations qui sont rendues aux fonctionnaires, je tiens à le souligner.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir écouté ces éléments de réponse, qui traduisent non seulement une gestion sérieuse de ce budget, mais également une réelle volonté de réforme au service des usagers ainsi que des fonctionnaires, auxquels, vous le savez, le Gouvernement apporte une attention toute particulière, car il a le sentiment que notre Etat ne fonctionnera bien que s'il s'appuie sur des collaborateurs à la fois motivés, reconnus...
M. Jacques Mahéas. Et valorisés !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... et accompagnés dans la voie de modernisation qui est aujourd'hui nécessaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je tiens à remercier tous les intervenants d'avoir fait un effort de concision et d'avoir tenu leurs engagements.
Je vous rappelle que les crédits inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix demain à la suite des crédits relatifs à la communication.
État B
Titre III : moins 36 875 266 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : moins 284 372 080 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V.- Autorisations de programme : 23 320 000 € ;
Crédits de paiement : 8 938 000 €.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
5
FIN DE MISSION D'UN Sénateur
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 23 novembre annonçant, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral, la fin, le 23 novembre 2004, de la mission temporaire confiée à M. Claude Belot, sénateur de la Charente-Maritime auprès du M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Acte est donné de cette communication.
6
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de Mmes Nicole Borvo, Hélène Luc, Annie David, Eliane Assassi, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, MM. Pierre Biarnès, Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, Paul Verges et Jean-François Voguet une proposition de loi relative à la lutte contre les violences au sein des couples.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 95, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi relative aux candidatures aux élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 96, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 1er décembre 2004 relative à une demande de dérogation présentée par la République fédérale d'Allemagne en date du 21 octobre 2004, en application de l'article 30, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2780 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 1er décembre 2004 relative à une demande de dérogation présentée par le Royaume des Pays-Bas en date du 4 octobre 2004, en application de l'article 27 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2781 et distribué.
8
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au samedi 4 décembre 2004 à neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74, 2003-2004) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- Culture :
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 6) ;
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles (avis n° 75, tome I) ;
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles (cinéma, théâtre dramatique, avis n° 75, tome II).
(Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs)
- Communication (+ articles 62, 73 bis, 73 ter, 73 quater et 73 quinquies) :
M. Claude Belot, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexes n°s 7 et 8) ;
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (médias, avis n° 75, tome X).
- Anciens combattants (+ articles 72 quater et 72 quinquies):
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 4).
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 78, tome VI).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2005
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2005 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005 est fixé au vendredi 10 décembre à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD