PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 11.
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. L'amendement n° I-224, présenté par MM. Détraigne, Deneux et les membres du groupe de l'Union centriste, MM. Bizet et Revet, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le 1 de l'article 265 bis A du code des douanes, après le mot : "bénéficient" sont ajoutés les mots : ", jusqu'au 31 décembre 2009,". »
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. L'article 16 de la directive du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, dont la publication, nous l'espérons, est prochaine, prévoit que les Etats membres peuvent appliquer une exonération ou un taux de taxe réduit aux biocarburants. Cette directive doit être transposée en droit national avant le 31 décembre 2003.
Ces exonérations ou réductions peuvent être octroyées dans le cadre d'un programme pluriannuel ne pouvant dépasser six années consécutives, cette période étant renouvelable pour permettre l'amortissement des unités industrielles avec une visibilité suffisante.
Nous vous proposons de préciser cette période courant jusqu'en décembre 2009, afin de rassurer cette filière industrielle et de lui donner une certaine lisibilité à moyen terme. Rappelerai-je que cette filière, pour satisfaire aux directives européennes, a besoin, au cours des cinq prochaines années, de multiplier par six ses capacités de production ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est très intéressée par ce sujet et, dans le récent rapport sur les prélèvements obligatoires que j'ai présenté en son nom, j'ai consacré tout un développement à la question des biocarburants.
C'est une affaire essentielle, et ce à plusieures titres : tout d'abord pour l'avenir de notre agriculture, donc pour l'aménagement du territoire ; ensuite, en termes de politique industrielle, car les obligations qui nous sont faites par la nouvelle directive européenne nous créent des devoirs, dont nous devons faire une chance pour notre pays ; enfin, du point de vue de l'environnement et du développement durable, car l'incorporation de biocarburants dans les différents produits pétroliers est un facteur de réduction de l'effet de serre.
En outre, les constructeurs automobiles savent que l'adjonction de biocarburants et plus précisément d'éthanol dans certaines conditions offre une solution technique et économique tout à fait optimale en termes de rendement et de bon fonctionnement des moteurs.
Monsieur le ministre, il faut rappeler que la France a joué un rôle essentiel dans l'émergence de ces technologies. La question est de savoir si nous serons au rendez-vous de leur passage à l'échelle industrielle.
Je me suis efforcé de montrer, dans le rapport de la commission, que le régime fiscal d'exception en faveur de ces produits encourt beaucoup de critiques. C'est un régime d'origine douanière, un régime administratif d'essence nécessairement malthusienne. En effet, ce régime s'applique à des quantités déterminées ; l'Etat accordant une compensation budgétaire pour permettre à ces produits d'être incorporés dans des conditions économiques acceptables, plus on augmente les quantités, plus le coût budgétaire apparaît difficilement supportable.
A partir de ces constats, la commission a engagé une réflexion et suggéré que des solutions de nature différente soient trouvées. Nous estimons qu'il n'est pas normal de traiter d'une certaine manière l'énergie éolienne, qui n'est pas adossée à une industrie, et de ne pas accepter, du moins jusqu'à présent, que le surcoût des biocarburants soit mutualisé, de telle sorte qu'ils soient assis sur une réalité économique beaucoup plus large et que le surcoût soit incorporé dans le prix des carburants facturés à l'usager. Telle est la démarche intellectuelle qui a animé la commission.
Dans le projet de loi de finances rectificative, nous le savons, le Gouvernement propose pour l'essentiel de maintenir le régime existant. En raison de ce choix, je suppose que c'est plutôt dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année que ce sujet pourra être traité dans toute son ampleur. En tout cas, j'ai le sentiment que la proposition de notre collègue Marcel Deneux sera satisfaite par l'article qui figurera dans le projet de loi de finances rectificative.
Je formule ces quelques observations en espérant qu'une vision plus large et plus offensive de ce sujet pourra être engagée. En effet, monsieur le ministre, que se passera-t-il si l'on en reste aux errements actuels ? En termes de capacités de production de biocarburants, la France sera très vite dépassée par d'autres Etats. Déjà - Marcel Deneux le dirait mieux que moi, car il connaît infiniment bien ce sujet -, l'Allemagne, si je ne m'abuse, produit plus de biocarburants que la France. Un grand nombre d'Etats, grâce à des systèmes fiscaux de conception différente, grâce surtout à l'obligation d'incorporer une certaine proportion d'éthanol dans l'essence, permettent à leurs industries de production de biocarburants de se développer beaucoup plus vite.
Monsieur le ministre, je le répète, c'est un sujet essentiel, structurant. Il faudra vraiment que, tous ensemble, nous trouvions le moyen de le traiter de manière satisfaisante, car c'est véritablement un grand enjeu d'avenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme M. le rapporteur général vient de le dire, il s'agit d'un sujet essentiel, structurant, qui engage l'avenir. Pour autant, nous avons décidé de le traiter globalement à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 qui sera discuté devant la Haute Assemblée dans quelques semaines, puisque nous avons d'ores et déjà prévu que le soutien octroyé aux biocarburants serait traité dans ce cadre. Nous pourrions ainsi débattre de dispositions coordonnées.
Je prends bonne note des propos de Marcel Deneux et de ceux que vient d'ajouter M. le rapporteur général sur les enjeux. Je prie Marcel Deneux de bien vouloir accepter le rendez-vous du projet de loi de finances rectificative et d'accepter de retirer cet amendement, de manière à ne pas adopter un dispositif qui serait déconnecté du débat global que je vous propose d'avoir à cette occasion.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Deneux ?
M. Marcel Deneux. Je prends acte de la déclaration de M. le ministre. Un débat appréhendant toute l'étendue du problème, mené sans passion, permettra de mettre à plat les exigences industrielles et budgétaires.
Je veux rappeler à cette occasion que la France a joué un rôle considérable à Bruxelles dans l'élaboration de ces deux directives et qu'il serait tout de même invraisemblable qu'elle ne les applique pas.
Par ailleurs, poussons le raisonnement jusqu'à l'absurde : nous acceptons les directives d'incorporation, mais nous achetons du biocarburant au Brésil. Cette vision caricaturale est possible si nous ne procédons pas à des ajustements de la filière de production industrielle française.
Ces préalables étant posés, monsieur le ministre, j'accepte que nous en discutions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et, pour la paix du débat, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-224 est retiré.
L'amendement n° I-223, présenté par MM. Détraigne, Deneux et les membres du groupe de l'Union centriste, MM. Bizet et Revet, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b) du 1 de l'article 265 bis A du code des douanes est ainsi rédigé :
« b) 42,6 EUR par hectolitre pour le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante alcool est d'origine agricole et pour l'alcool éthylique d'origine agricole incorporé aux supercarburants. »
« II. - Les pertes de recettes résultant éventuellement, pour l'Etat, de l'application du I du présent article sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs fixés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Dans l'attente du débat global annoncé par M. le ministre, je retire l'amendement n° I-223.
Néanmoins, je voudrais rappeler que cet amendement vise à appliquer la décision prise l'an dernier au Sénat, après un débat qui n'a pas été facile, de modifier le niveau d'exonération en fonction du cours des matières premières.
Or, les cours des matières premières constatés entre juillet 2002 et juillet 2003 conduisent à augmenter la compensation nécessaire. Nous en avions accepté le principe et une formule algébrique relativement caricaturale figurait même dans l'article et dans l'amendement que nous avions retiré.
En retirant cet amendement, nous acceptons que les promesses faites l'année dernière ne soient pas pleinement tenues. Néanmoins, je l'accepte afin que nous puissions en parler de nouveau.
M. le président. L'amendement n° I-223 est retiré.
L'amendement n° I-222, présenté par MM. Détraigne, Deneux et les membres du groupe de l'Union centriste, MM. Bizet et Revet, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le 2 de l'article 265 bis A du code des douanes, après les mots : "esters méthyliques d'huile végétale" sont insérés les mots : ", d'alcool éthylique".
« II. - Les pertes de recettes résultant éventuellement, pour l'Etat, de l'application du I du présent article sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs fixés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. L'amendement n° I-222 est plus simple que le précédent, mais il est cependant difficile à comprendre lorsque l'on n'a pas une connaissance parfaite du problème des biocarburants.
L'enseignement étant fondé sur la répétition, je rappellerai que les biocarburants sont de deux types. Ce sont des esters méthyliques quant il s'agit d'incorporer une subsistance dans du carburant destiné aux moteurs diesel, c'est-à-dire au gazole ; ainsi, de l'huile de colza oxygénée peut être ajoutée au diesel. Pour ce qui concerne l'essence, il s'agit d'incorporer de l'alcool provenant de multiples sources, qu'il s'agisse d'alcool viticole, d'alcool de betterave, d'alcool de céréale, de bioéthanol.
En France, de 1924 à 1974, on a incorporé 10 % d'alcool dans l'essence ; c'était la règle. Puis, des lobbies de toute nature sont intervenus, et cette pratique a disparu. Aujourd'hui, le code des douanes permet d'incorporer des dérivés d'esters méthyliques d'huiles végétales et des dérivés d'alcool éthylique. Pour ceux qui peuvent décoder ce texte quelque peu ésotérique, cela signifie que l'on n'a pas le droit d'incorporer directement de l'alcool.
Or, si nous examinons la situation des quinze pays européens, seuls la France et l'Espagne n'incorporent pas directement de l'alcool.
En effet, notre réglementation actuelle permet au système de distribution des produits pétroliers de garder la main sur ce produit en imposant 50 % d'alcool et 50 % d'un produit dérivé du pétrole. Si nous autorisions l'incorporation directe, nous irions plus vite en matière de dépollution et nous contournerions en partie le monopole technique, voire économique, qu'ont imposé les pétroliers.
Ce sont des enjeux économiques que le Gouvernement peut comprendre. Je souhaite que le débat à venir nous permette tranquillement de mettre à plat cette question et d'envisager de nouvelles solutions.
Si nous ne le faisons pas, la France sera une nouvelle fois en retard. Or un rapport officiel de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, affirme, que à chaque fois que l'on mélange une goutte d'alcool ou de diester à du pétrole, on gagne 70 % en matière d'effet de serre.
Nous n'avons pas le droit de nous priver de cet apport pour les années qui viennent. Nous avons signé le protocole de Kyoto et nous nous sommes engagés à passer de 15 % à 21 % d'énergies renouvelables. Or, sur le plan technique, à l'horizon de quinze ans, rien ne semble pouvoir remplacer le pétrole pour faire fonctionner les véhicules. Nous serons déjà satisfaits si les piles à hydrogène sont au point en 2020.
Il s'agit donc de la seule réponse technique possible, et de la seule réponse convenable pour la santé des Français au regard de l'environnement.
Cela étant, je retire l'amendement n° I-222.
M. le président. L'amendement n° I-222 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je tiens à souligner que l'amendement n° I-222 a une grande importance stratégique. Il transforme l'approche industrielle de la question et comporte à ce sujet un grand nombre de conséquences.
Ces sujets, que Mme la ministre déléguée à l'industrie connaît bien, sont actuellement développés dans différentes instances. Il me semble que la voie qui nous est ouverte par l'amendement n° I-222 de M. Deneux est vraiment prometteuse.
Pour autant, monsieur le ministre, l'ensemble des enjeux apparaîtra encore mieux dans la discussion globale que nous aurons à l'occasion de la loi de finances rectificative.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour marquer l'intérêt que je porte au débat qui s'est esquissé en vue de l'examen du projet de loi de finances rectificative, j'ai identifié trois sujets principaux - les volumes de production, le taux de défiscalisation sur la durée et l'incorporation directe d'alcool éthylique dans les carburants - dont il nous faudra absolument traiter.
Je vous remercie d'avoir bien voulu retirer ces amendements, fort de cet engagement, monsieur Deneux.
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. - 1. Au c du 7° bis de l'article 257, les mots : « , pour lesquels le fait générateur est intervenu à compter du 15 septembre 1999 et qui sont réalisés avant le 31 décembre 2003 » sont supprimés.
2. Au i de l'article 279 et au 1 de l'article 279-0 bis, les mots : « Jusqu'au 31 décembre 2003, » sont supprimés.
B. - 1. Le 7° bis de l'article 257 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux travaux bénéficiant du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 279-0 bis. »
2. Au 2 de l'article 279-0 bis, le b est abrogé.
II. - Les dispositions du I sont applicables sous réserve de l'accord de l'ensemble des Etats membres sur une modification de l'annexe H à la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme. Elles sont également applicables en cas d'accord de l'ensemble des Etats membres sur la prorogation de l'article 28, paragraphe 6, premier alinéa, de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, précitée.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Cet article 12 est le premier des articles relatifs au devenir de la TVA.
En l'espèce, il s'agit de prolonger le dispositif consistant à appliquer le taux réduit de la taxe aux services dits à forte intensité de main-d'oeuvre.
Dans les faits, cette disposition concerne au premier chef les travaux effectués dans les logements, ces derniers bénéficient depuis trois ans de l'application du taux réduit. Cette mesure a conduit au développement des activités de la branche.
De manière plus générale, on peut toutefois regretter que la prolongation de ce dispositif soit aussi étroitement liée à l'harmonisation fiscale européenne, laquelle se trouve quelque peu conditionnée par le respect du critère relatif aux déficits publics que doivent impérativement respecter les pays participant à la monnaie unique.
Nous sommes donc préoccupés par le fait que ce qui constitue une mesure positive pour l'emploi et pour les consommateurs puisse être, demain, mis en question au motif que notre pays ne serait pas « dans les clous » en matière de déficit, alors même que l'Union européenne demeure toujours aussi incapable - ou sourde - lorsqu'il s'agit de lutter contre la spéculation monétaire et les transactions financières frauduleuses ou lorsqu'il faut définir une règle commune en ce qui concerne la fiscalité des placements financiers.
Aussi, outre le fait que l'on pourrait enjoindre au Gouvernement de prendre ses responsabilités pour assurer le maintien du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée mais aussi son extension à d'autres services, au premier rang desquels la restauration, on ne peut que revendiquer la mise en oeuvre de mesures appropriées visant à faire valoir les impératifs de justice sociale et fiscale dont manque cruellement la construction européenne.
C'est aussi cela qu'il convenait de pointer à l'occasion de l'ouverture de ce débat sur la TVA.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 12 bis
M. le président. L'amendement n° I-71, présenté par MM. Le Cam et Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 12 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation, le taux : "0,45 %" est remplacé par le taux : "0,55 %".
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. On pourrait s'étonner de trouver au milieu de ce passionnant débat sur la TVA, un amendement proposant de relever le niveau de la participation des entreprises à l'effort de construction.
En vérité, cet amendement procède d'un examen de la situation dramatique du logement de notre pays.
Le nombre de mises en chantier de logements sociaux est, en effet, en chute libre - moins de 50 000 -, alors que les besoins sont immenses. Le ministre de la ville a beau installer à grand renfort de publicité la nouvelle Agence nationale de la rénovation urbaine, la réalité est moins reluisante. En effet, 200 millions d'euros de crédit ont disparu sur la ligne PLA - PALULOS, et les sommes destinées à l'ANAH ont également été largement amputées.
Je ne sais pas si l'effet de levier de l'argent public continuera à jouer, mais il subira dans un premier temps le contrecoup des coupes budgétaires.
Il nous semble qu'il faut mettre à disposition des sommes plus importantes au titre des financements disponibles pour le logement. Cela passe, non pas par la réduction de la rémunération du livret A, par exemple, mais plutôt par des mesures comme celle que nous préconisons avec cet amendement. Il s'agit de relever à 0,55 % de la masse salariale le prélèvement destiné au financement de la construction. Cela permettrait d'injecter dans le circuit de financement du logement de 220 millions à 230 millions d'euros de ressources nouvelles, ressources dont le coût modique versé en subventions ou en prêts à faible taux d'intérêt aurait de manière incontestable un véritable effet de levier.
La crise du logement que nous connaissons aujourd'hui appelle d'autres solutions que celles qui consistent à réduire la dépense publique ou encore à faciliter la cession de logements sociaux ou les politiques discriminatoires de peuplement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. D'une façon générale, la commission n'est pas favorable à l'augmentation des prélèvements obligatoires, en particulier sur les entreprises. Je fais remarquer à notre collègue Thierry Foucaud que le rendement de cette participation représente actuellement environ 1,1 milliard d'euros et que, dès 2004, sur ce montant, 457 millions d'euros seront consacrés au renouvellement urbain.
S'agissant en particulier des opérations de démolition-reconstruction, qui sont financées pour partie grâce à cette ressource, notre collègue sait que le problème est non pas celui de la rareté des moyens financiers, mais bien la difficulté de trouver des collectivités répondant à toutes les conditions favorables pour mener de telles opérations. Celles-ci sont en effet extrêmement complexes, notamment parce qu'elles nécessitent d'envisager le relogement des personnes déplacées. Il faut aussi trouver les contreparties nécessaires sous forme de droits à construire à proximité du site qui fait l'objet de la démolition.
L'ensemble de ces facteurs permet de comprendre la raison des très longs délais qui caractérisent ces opérations.
Donc, sur le plan des principes, nous ne sommes pas favorables à cette augmentation. Quant à la capacité de dégager des crédits supplémentaires pour des opérations de renouvellement urbain, en particulier de démolition-reconstruction, la commission n'est pas persuadée qu'une hausse du versement permettrait d'engager un nombre significativement plus élevé d'opérations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Cet amendement avait déjà été déposé lors de l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Le Gouvernement avait émis à l'époque un avis défavorable. Pour les mêmes raisons, il confirme aujourd'hui cet avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur, de très nombreux maires, dont je suis, sont aujourd'hui confrontés à des problèmes liés à la politique de la ville, notamment d'ordre financier. Cet amendement a précisément pour objet d'accorder plus de moyens pour faciliter la mise en oeuvre des opérations de démolition-reconstruction. Si nous voulons réussir ces opérations, il faut aussi investir quelque argent !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-71.
(L'amendement n'est pas adopté.)
I. - Le I de l'article 278 sexies du code général des impôts est complété par un 5 ainsi rédigé :
« 5. Les ventes de droits immobiliers démembrés de logements sociaux neufs à usage locatif mentionnés aux 2 et 3, lorsque l'usufruitier bénéficie d'un prêt prévu à l'article R. 331-1 du code de la construction et de l'habitation et a conclu avec l'Etat une convention en application du 3° et du 5° de l'article L. 351-2 du même code. »
II. - Le III de l'article 284 du même code est ainsi modifié :
1° Après les mots : « à usage locatif », sont insérés les mots : « ou des droits immobiliers démembrés de tels logements » ;
2° Après les mots : « dans les conditions du 3 », sont insérés les mots : « ou du 5 ».
M. le président. L'amendement n° I-70, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Avec cet article 12 bis, nous sommes en présence d'une mesure dont la portée est relativement aléatoire et sans grande signification par rapport au problème qui nous est posé, celui de la réalisation de programmes locatifs sociaux.
Plutôt que de parier sur le désintéressement de quelques investisseurs privés vis-à-vis de la réalisation de tel ou tel type de logement qui viendrait à ne pas trouver d'acquéreur sur le marché dit « libre », il conviendrait de mettre en oeuvre une autre politique du logement social, renforçant la faisabilité des constructions de logements neufs et, bien sûr, de logements neufs sociaux.
Même si nous pouvons comprendre, parce qu'il faut aussi être objectif, que, ici ou là, des logements puissent se vendre, notre amendement pose la question fondamentale du logement social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je serais tenté de citer la maxime qu'utilisait volontiers, paraît-il, Deng Xiaoping : « Qu'importe qu'un chat soit blanc ou noir, pourvu qu'il attrape les souris. » (Sourires.)
Je vois notre collègue hostile à une disposition qui vise pourtant à faciliter la construction de logements locatifs sociaux. Il est vrai qu'il est fait appel, ce qui est peut-être une tare pour vous, mon cher collègue, à des investisseurs privés, selon un mécanisme reposant sur le démembrement de propriété.
En effet, l'article que vous voulez supprimer, et qui a été introduit à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, permet que le logement social soit en partie financé par l'investisseur privé, qui récupère son bien immobilier à l'extinction du conventionnement social du bien, lequel est au minimum de quinze ans pour les logements bénéficiant d'un prêt locatif social, ou PLS.
Mon cher collègue, les personnes de condition modeste qui occuperont ces nouveaux logements seront indifférentes à la manière dont ils auront été financés, donc indifférentes à la couleur du chat ! (Nouveaux sourires.) L'important est que leur besoin de logement soit satisfait, et il peut l'être par cette procédure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement, sans vouloir se prononcer sur les références philosophiques de M. le rapporteur général, est défavorable à l'amendement !
M. le président. La parole est à Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, nous ne nous sommes pas compris.
Je l'ai dit et je le répète, la question fondamentale est celle du logement social, ce n'est pas celle de la vente de quelques logements sociaux à des propriétaires privés. Cet amendement était un signe, mais la réponse de M. le rapporteur général ne va pas du tout dans le sens du texte. Il s'agit, certes, de faciliter la vente des logements sociaux à des propriétaires privés, mais pas pour accélérer la construction de logements sociaux. Il y a là une différence entre nous que je tenais à rappeler à M. le rapporteur général.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-70.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis.
(L'article 12 bis est adopté.)
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa du 1 du I de l'article 293 B, après les mots : « les assujettis établis en France », sont insérés les mots : « , à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, » ;
2° Il est inséré, après l'article 302 septies A ter A, un article 302 septies A ter B ainsi rédigé :
« Art. 302 septies A ter B. - Les dispositions des articles 302 septies A et 302 septies A bis ne sont pas applicables aux personnes physiques ou morales ni aux groupements de personnes de droit ou de fait qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. ». - (Adopté.)
I. - A compter du 1er janvier 2004, les acquisitions de matières premières ou de biens d'investissement, effectuées pour les besoins d'opérations taxées, en exonération de taxe sur la valeur ajoutée en application du 2° ou du 5° du 1 de l'article 295 du code général des impôts, donnent lieu à un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée égal au prix d'achat ou de revient hors taxes de ces biens multipliée par la moitié du taux prévu au b du 1° de l'article 296 du même code.
Cet avantage est également accordé aux fabricants locaux dès lors que leurs ventes sont effectuées en exonération de taxe en application du b du 5° du 1 de l'article 295 du même code et aux revendeurs de produits dont l'importation est exonérée ainsi qu'aux exportateurs dont les livraisons sont exonérées en application du I de l'article 262 du même code.
Ce droit à déduction n'est pas ouvert pour les acquisitions de produits pétroliers.
II. - A compter du 1er janvier 2005, les biens mentionnés au I ne donnent lieu à aucun droit à déduction.
M. le président. La parole est à M. Paul Vergès, sur l'article.
M. Paul Vergès. Il s'agit du sort d'un texte appliqué depuis un demi-siècle. C'est pourquoi, avant la défense de l'amendement visant à supprimer l'article 12 quater, quelques observations d'ordre général s'imposent.
En effet quelle que soit l'appréciation que l'on peut porter sur la loi de programme pour l'outre-mer, celle-ci a pour ambition proclamée de favoriser le développement économique, qui repose avant tout sur la confiance des acteurs. Il serait vain de croire que la loi de programme pour l'outre-mer aura les effets escomptés, alors que le climat est marqué par une inquiétude grandissante dans tous les milieux - sans exception - de la société réunionnaise.
Alors même que la loi de programme entre en application, une partie de la majorité parlementaire multiplie les signes de nature à inquiéter l'outre-mer, qu'il s'agisse des amendements relatifs à la suppression de la majoration des retraites des fonctionnaires, du rapport Laffineur ou, aujourd'hui, de la suppression du dispositif de TVA non perçu récupérable.
Toutes ces propositions semblent relever de la même philosophie : l'outre-mer serait une enclave de privilégiés, d'assistés privilégiés qu'il conviendrait de faire participer plus que tous les autres à la politique de réduction des dépenses publiques.
Faut-il le rappeler, pour la réduction du déficit prévue dans le projet de loi de finances pour 2004, l'effort demandé à l'outre-mer va bien au-delà des capacités de sa population. La vision qu'a l'outre-mer des initiatives de Paris est lourde de conséquence. Je ne voudrais citer qu'un seul exemple.
A la suite des amendements relatifs à la retraite majorée des fonctionnaires, six cents de ces fonctionnaires viennent de déposer leur dossier de demande de départ à la retraite. Du même coup, l'effort de rattrapage des effectifs accompli depuis des années est totalement remis en cause.
La conviction outre-mer est qu'à Paris la volonté de plus en plus forte de faire participer l'outre-mer à la politique de réduction des dépenses publiques, indépendamment de la prise en compte de ses spécificités et de la fragilité de ses économies, entraînera la fin de la mise en oeuvre d'une politique de rattrapage des retards structurels de l'outre-mer dans tous les domaines.
C'est sur ces questions que nous demanderons à nos collègues de prendre position par scrutin public.
Monsieur le ministre, pour autant, je tiens à souligner ici que la Réunion n'est pas rétive à la réforme, au contraire : aucun domaine n'est tabou. Mais cette réforme suppose le respect de plusieurs conditions préalables : mettre en oeuvre une concertation avec les acteurs concernés et les élus, et non pas procéder de façon unilatérale, ce qui ajoute à la confusion ; respecter un principe cardinal voulant qu'aucune réforme ne doit se traduire par l'appauvrissement de la Réunion ou par la fragilisation des entreprises, elles qui doivent faire face, dans nos zones géographiques, à une concurrence internationale très vive.
Et c'est parce que nous voulons la réforme que nous posons la question : puisque le Gouvernement propose, dans l'amendement n° I-274 rectifié, de présenter au Parlement avant 2005, un rapport « analysant la fiscalité des entreprises outre-mer », pourquoi s'en tient-il à la seule fiscalité ? Tout doit être mis sur la table, à commencer par la formation des prix, puisque c'est elle qui est à l'origine de tous les problèmes arrivés aujourd'hui à maturité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-1 est présenté par MM. Vergès et Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-38 rectifié ter est présenté par Mmes Payet et G. Gautier, MM. Deneux et Amoudry, Mme Michaux-Chevry, MM. Désiré, Reux, Virapoullé, Biwer et Détraigne, Mme Gourault, MM. Henry, Loufoaulu, Loueckhote, Mercier, Moinard, Nogrix, Vanlerenberghe, J.-L. Dupont, Soulage, de Montesquiou, Larifla, Demilly et Juilhard.
L'amendement n° I-196 est présenté par M. Lise et les membres du groupe socialiste et rattachée.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° I-274 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2005, un rapport analysant la fiscalité des entreprises outre-mer. Ce rapport mesurera la pertinence des spécificités de cette fiscalité au regard des objectifs de développement économique de l'outre-mer. »
La parole est à M. Paul Vergès, pour présenter l'amendement n° I-1.
M. Paul Vergès. La Réunion voit depuis quarante ans s'amonceler toutes sortes de dispositions qui manquent - c'est le moins que l'on puisse dire ! - de cohérence entre elles. Aujourd'hui, elles sont remises en cause, problème par problème, sans que soit appréhendée la situation dans sa globalité.
La Réunion, c'est 750 000 habitants ; c'est 330 000 personnes tributaires de la couverture maladie universelle ; c'est 68 000 foyers bénéficiaires du RMI, qui représentent 150 000 personnes ; c'est 55 000 travailleurs aux ASSEDIC. La Réunion, c'est aussi, d'après une étude de l'INSEE de la semaine dernière, 40 % de la population qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
Et tout cela est bâti sur le recyclage de surrémunérations, de fonds de solidarité sociale et de crédits d'équipement, soit une construction extrêmement artificielle et fragile ; y toucher, c'est risquer de tout voir s'écrouler.
Alors, ensemble, mettons tout sur la table, et terminons-en avec cette situation que quelqu'un a appelée la fracture sociale et qui est devenue aujourd'hui un véritable gouffre !
Nous ne refusons pas la réforme, mais nous voulons la réforme d'ensemble. Abandonnons le pointillisme, et abordons désormais le problème dans sa totalité avant qu'il ne soit trop tard.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° I-38 rectifié ter.
Mme Anne-Marie Payet. Le dispositif de la TVA non perçue récupérable, dite « TVA NPR », a été créé en 1953 comme mécanisme de subvention automatique des entreprises d'outre-mer, qui souffrent de nombreux handicaps structurels liés à l'éloignement et aux difficultés d'approvisionnement.
Ce dispositif n'est pas plus une curiosité législative qu'une spécificité de l'outre-mer, contrairement à ce qu'ont affirmé les auteurs de l'amendement qui, à l'Assemblée nationale, est devenu l'article 12 quater. En effet, d'autres départements de métropole en bénéficient, la Corse par exemple. Il n'est aucunement opaque, contrairement à ce qu'a avancé M. Méhaignerie, puisque, depuis cinquante ans, son mécanisme est maîtrisé et régulièrement contrôlé dans les entreprises par les services fiscaux.
Sa suppression aurait une incidence grave sur les prix, qui sont déjà supérieurs à ceux de la métropole, et je voudrais dénoncer l'attitude de certains « chasseurs de spécificités » - je veux parler des auteurs du texte de cet article, qui, à l'Assemblée nationale, ont pris la décision de supprimer le remboursement de la TVA NPR sans en mesurer toutes les conséquences sur les entreprises des DOM : ce ne sont ni les investisseurs ni les importateurs qui en bénéficient, ce sont bien les consommateurs.
Je précise que cette TVA, traitée comme une subvention, est soumise à l'impôt sur les sociétés : l'Etat en récupère donc 35,43 %.
Par ailleurs, la suppression de la TVA NPR paraît en totale contradiction, d'une part, avec l'esprit de la loi de programme pour l'outre-mer et, d'autre part, avec les directives européennes qui visent à reconnaître les particularités des régions ultrapériphériques. Je me permets de rappeler les propos de Mme la ministre de l'outre-mer, qui avait affirmé : « Nous n'accepterons pas que la politique de l'outre-mer soit définie par voie d'amendement sur des sujets souvent très complexes. »
Mes chers collègues, les habitants d'outre-mer ont parfois la désagréable impression d'être considérés comme des Français d'adoption, des enfants capricieux, des Français exotiques à qui il serait reproché de réclamer autant et parfois davantage que les enfants légitimes que seraient les Français de métropole.
Nous constatons qu'il existe parfois une discrimination entre les citoyens, et la question de la continuité territoriale en est un bon exemple : la Corse, qui est proche de la métropole et compte 200 000 habitants, reçoit 168 millions d'euros de subventions, alors que l'ensemble de l'outre-mer, qui compte 2,4 millions d'habitants, reçoit une dotation de 30 millions d'euros, soit une aide par habitant soixante fois moins élevée !
Ce n'est pas un reproche que j'adresse à Mme Girardin, notre ministre, qui a eu le mérite de se pencher sur ce problème et qui a évidemment dû tenir compte de la situation budgétaire de la France dans les mesures qu'elle a proposées. Je voulais cependant vous livrer ces chiffres pour vous montrer que nous ne sommes pas les Français les plus choyés, comme cela nous est souvent reproché.
Nous avons aussi l'impression que, souvent, l'outre-mer est pris pour cible ; vous ne pouvez pourtant pas lui imputer l'entière responsabilité du déficit public !
Pour revenir au remboursement de la TVA, j'admets qu'il faudrait modifier la liste des produits concernés, toiletter le dispositif, voire le remplacer par une nouvelle mesure qui, tout en ayant le même effet sur l'économie locale serait plus conforme à la législation. Mais il serait catastrophique de le supprimer brutalement !
Mes chers collègues, je comprends et je fais mienne votre volonté farouche de réduire le déficit public, mais la rigueur ne doit pas s'allier à la brutalité pour mettre à rude épreuve les entreprises des départements d'outre-mer. Tout doit se faire dans la concertation.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. Denis Badré. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° I-196.
M. François Marc. Je m'exprime plus particulièrement au nom de Claude Lise, sénateur et président du conseil général de la Martinique, qui, bien que n'ayant pu être des nôtres ce soir, a déposé au nom du groupe socialiste cet amendement qui vise à rétablir le dispositif ouvrant droit à déduction, pour les DOM, de la TVA non perçue.
Cela a déjà été dit, ce dispositif, appliqué depuis 1953, est essentiel à la survie des entreprises. Il s'agit en effet de l'équivalent d'une subvention égale à 8,5 % du prix de revient des importations de biens exonérées de TVA et destinées, notamment, aux secteurs du tourisme, du bâtiment et de l'industrie, subvention qui a eu pour effet- c'était son objet ! - de compenser certains handicaps structurels des départements d'outre-mer en réduisant le coût des matières premières. En effet, les entreprises insulaires, qui sont en majorité de très petites structures, sont soumises à des contraintes pénalisantes telles que l'étroitesse du marché, la nécessité de constituer d'importants niveaux de stocks, ou encore la difficulté d'accéder à des financements extérieurs ; de plus, les importateurs locaux doivent ajouter au prix des matières premières un coût de transport très élevé ainsi qu'une taxe qui n'existe pas en métropole : l'octroi de mer. Aussi les entreprises locales connaissent-elles un taux de défaillance de cinq à dix fois supérieur à celui que l'on constate en métropole.
La spécificité des conditions d'exploitation et de rentabilité des entreprises des départements d'outre-mer, la fragilité de l'économie de ces régions, qui connaissent des taux de chômage - on vient de le rappeler - près de trois fois supérieurs au taux de la France continentale, et le PIB moyen par habitant, l'un des plus bas des 211 régions européennes, plaident certainement en faveur de tels dispositifs.
La suppression de cette subvention aurait des incidences extrêmement négatives sur l'activité dans les départements d'outre-mer, donc sur l'emploi, d'autant que les secteurs d'activité aidés par cette mesure - le tourisme, le bâtiment, ou encore l'industrie - demeurent des plus fragiles.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous sommes nous aussi favorables au maintien de ce dispositif et nous préconisons l'adoption de cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour défendre l'amendement n° I-274 rectifié.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme je l'avais annoncé à l'occasion de la discussion générale, quand Jean-Paul Virapoullé et Anne-Marie Payet ont insisté sur ce point -et j'ai entendu, à l'instant, les propos de Paul Vergès -, le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, l'abandon irrémédiable de la particularité que constitue en matière de TVA le régime des déductions applicables dans les départements d'outre-mer pour certains secteurs d'activité ciblés, et je m'étais, en son nom, engagé à le maintenir.
Ce régime consiste à ouvrir droit à déduction comme si la TVA avait été payée, alors même que les achats en question ne sont pas taxés. Pour mesurer de façon objective les effets économiques de cet avantage tant pour les entreprises que pour les consommateurs concernés, il importe de disposer d'un diagnostic complet des spécificités fiscales des entreprises situées outre-mer. C'est donc à l'aune d'une approche globale que le dossier particulier de la TVA doit être analysé, et ce, dans une large concertation, associant les acteurs économiques de terrain des départements d'outre-mer. Aussi le Gouvernement prend-il l'engagement de présenter devant le Parlement, d'ici au dépôt du projet de loi de finances pour 2005, un rapport qui traitera de l'ensemble des spécificités fiscales concernant les entreprises d'outre-mer.
C'est pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de substituer à la mesure d'abrogation de ce dispositif de TVA spécifique l'amendement du Gouvernement, qui prévoit la remise d'un rapport sur la fiscalité économique de l'outre-mer. Nous pourrons ainsi avoir, dès l'an prochain, une discussion totalement éclairée sur ces questions, qui sont très complexes.
Par ailleurs, j'indique d'ores et déjà que je suis défavorable aux trois amendements identiques qui visent à supprimer purement et simplement l'article 12 quater.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je demande le vote par priorité de l'amendement n° I-274 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Quel est l'avis de la commission sur les quatre amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avant toute chose, il nous faut remercier nos collègues de l'Assemblée nationale, plus précisément Gilles Carrez et les membres de la commission des finances, car la recherche d'économies budgétaires est au coeur même de la responsabilité de nos commissions des finances. On ne saurait faire grief à des parlementaires de s'efforcer d'accomplir leur mandat en se livrant à ce travail : quel que soit le sujet, partout où il semble nécessaire de parvenir à une meilleure utilisation des fonds publics, ils sont parfaitement dans leur rôle lorsqu'ils évoquent de telles questions.
C'est grâce à cette initiative que beaucoup d'entre nous découvrent ce régime, qui, il faut bien en convenir, quel que soit par ailleurs son impact économique, a un caractère étrange. Il repose en effet sur une lettre ministérielle du 2 novembre 1953. Le ministre de la France d'outre-mer s'appelait alors Louis Jacquinot, le président du Conseil, Joseph Laniel, et le ministre des finances et des affaires économiques, Edgar Faure.
M. Louis de Broissia. C'était hier ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'est-ce pas ? (Nouveaux sourires.) Il n'y a guère que cinquante ans ! Les contours en rose de la France d'outre-mer sur les mappemondes avaient, pour les Français de cette époque, une apparence flatteuse !
Nous avons demandé à disposer de cette lettre ministérielle. Eh bien, mes chers collègues, je vous le donne en mille : personne n'a été en mesure de la retrouver. Voilà une base juridique quelque peu...
M. Alain Lambert, ministre délégué. Mystérieuse !... (Sourires).
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... fragile, voire mystérieuse ! Pourtant, elle fonctionne depuis cinquante ans. La République est parfois étrange...
Sur le fond des choses, je me suis efforcé, de façon, si j'ose dire, notariale, d'indiquer dans le rapport général, aux pages 196 à 199 du volume 1 du tome II, le contenu de ce régime. La surprise que j'ai éprouvée dans ce travail n'a pas été moins grande, puisque j'ai appris qu'il était possible, quelque part sur le territoire de la République, de récupérer une TVA non payée ! Je ne sais pas - je reste très prudent - s'il existe d'autres anomalies de même nature dans d'autres lieux, mais il demeure assez remarquable que des opérations exonérées donnent droit à déduction fictive.
Sont en l'occurrence concernés les achats effectués par les fabricants locaux, dès lors que leurs ventes sont effectuées en exonération de taxes, en application du 5° du 1 de l'article 295 du code général des impôts ; dans ce cas, la base législative est claire. Sont aussi concernés les achats effectués par les revendeurs de produits dont l'importation est exonérée. Sont encore concernés les achats faits par les exportateurs, dans la mesure où leurs livraisons sont exonérées, en vertu du I de l'article 262 du code général des impôts.
Nos collègues d'outre-mer ont raison de souligner que ce dispositif revient en réalité à octroyer des subventions directes. Mais à qui profitent-elles réellement ? Quels sont les avantages économiques que l'on en attend ?
Ces subventions sont distribuées de façon tout à fait inconditionnelle : les entreprises bénéficiaires ne s'engagent en aucune façon à répercuter l'avantage sur les prix. Certes, du point de vue de la consommation locale et du pouvoir d'achat, dans des départements où la situation sociale est assurément très difficile, voire explosive, des mesures permettant d'abaisser le niveau des prix des produits de consommation courante pourraient se justifier. Or tel n'est pas le cas, puisque les entreprises bénéficiaires incorporent comme elles l'entendent cet avantage, le répercutent ou ne le répercutent pas, selon leur seule volonté. Le mécanisme n'est subordonné à aucune spécialisation sectorielle, à aucun engagement en termes d'emploi, à aucun élément de la situation financière de l'entreprise. En d'autres termes, cet avantage fiscal est distribué de manière totalement aveugle. Or, son montant, si je ne m'abuse, est de 90 millions d'euros.
Que nous propose le Gouvernement par cet amendement ? Ayant entendu, semble-t-il, l'appel de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et de l'Assemblée nationale tout entière, il envisage une mise à plat de la fiscalité des entreprises d'outre-mer et prescrit un rapport dont l'objet sera de mesurer la pertinence des spécificités de cette fiscalité au regard des objectifs de développement économique de l'outre-mer.
Mes chers collègues, compte tenu de tous les arguments que le Gouvernement a avancés tant au cours de la discussion générale que ce soir, il me semble qu'il nous faut adopter cet amendement, en faisant toutefois bien observer que le réexamen du dispositif auquel le rapport nous permettra de nous livrer devra nous mettre à même de mesurer la pertinence des avantages existants au regard, je le répète, des objectifs de développement économique de l'outre-mer, de telle sorte que, le cas échéant, il soit possible de redéployer les aides et d'établir, par rapport aux autres efforts consentis, quel est leur bon niveau, en valeur absolue, pour répondre aux critères d'efficacité économique et sociale en même temps que d'équité et de développement durable de ces départements de la République.
De ce point de vue, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que ce dispositif n'est pas isolé et que la totalité des aides fiscales aux investissements dans l'ensemble de l'outre-mer représente globalement 1 900 millions d'euros, soit près de 2 milliards d'euros. Ce n'est pas un petit montant !
Sous le bénéfice de ces quelques observations, la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à adopter l'amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote sur l'amendement n° I-274 rectifié.
M. Denis Badré. La notion de TVA non perçue récupérable m'a paru tout à fait surréaliste et, à la limite, anticommunautaire, et j'ai fait beaucoup de peine à ma collègue Anne-Marie Payet lorsque j'ai dû lui expliquer que je ne pouvais vraiment pas signer l'amendement qu'elle me proposait.
Pour me racheter, je n'avais qu'une solution : cheminer avec elle pour situer le problème et essayer d'aller un peu plus loin dans la réflexion.
Il est clair que traiter les spécificités des DOM par des solutions bricolées comme celles sous le régime desquelles ils sont placés n'est pas respectueux de ces départements. Ils connaisssent de vraies difficultés qui méritent de vraies solutions, et non pas de tels systèmes qui sont à la limite, encore une fois surréalistes.
Si j'ai bien compris la proposition de M. le ministre, je pense qu'Anne-Marie Payet et nos collègues des DOM peuvent être rassurés, car le régime actuel est appelé à durer le temps que la réflexion que va engager le Gouvernement aboutisse à l'élaboration de solutions de remplacement, s'il se confirme, ce que je crois, que les préoccupations de nos collègues sont justifiées et si des aides s'avèrent nécessaires.
Je précise au passage que, si j'interviens, c'est parce que nous sommes tous sénateurs de la France et que, à ce titre, nous sommes tout autant concernés par les difficultés des DOM que nos collègues qui les représentent, tout comme ils sont eux-mêmes concernés par les problèmes que rencontrent l'Ile-de-France ou les régions de montagne.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Dans une autre vie, j'ai eu à travailler comme inspecteur général des finances pour l'outre-mer.
Beaucoup de problèmes se posent outre-mer, mais une chose est certaine : on n'échappera pas à un certain volume d'aides, aussi bien budgétaires que fiscales.
M. le rapporteur général nous a cité le montant global de ces aides. A l'intérieur de ce volume qui, probablement, ne variera guère dans les prochaines années, figurent certainement des mesures plus ou moins adaptées, plus ou moins utiles, plus ou moins acceptables selon le degré de la conscience civique.
On a cité une mesure mystérieuse, dont on ne connaît pas la source et dont on ne comprend pas très bien les raisons, mais elle existe. Il faut aujourd'hui la remplacer par une autre. C'est bien de cela qu'il s'agit, et l'amendement du Gouvernement est sage. Nous aurions tous intérêt à le voter, pour ne pas créer, quoi que nous pensions de sa justification technique, un problème que nous n'arriverions pas à dominer dans les mois qui viennent.
M. Paul Girod. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Rodolphe Désiré, pour explication de vote.
M. Rodolphe Désiré. Avant de me rallier à la proposition du Gouvernement, je tiens à rappeler qu'aujourd'hui, après cinquante années de départementalisation, le produit intérieur brut moyen des DOM représente la moitié du produit intérieur brut métropolitain ; la Martinique, par exemple, ne couvre que 15 % de ses importations par ses exportations.
Il est vrai que l'aide de la France aux DOM est considérable, mais je me demande si, lorsque ce dispositif a été mis en place, la TVA existait déjà. Il ne faut pas oublier que, en 1953 six ans à peine s'étaient écoulés depuis la loi de départementalisation qui a fait de pays de monoculture, d'îles à économie postesclavagiste, donc avec un énorme retard à rattraper, des départements français à part entière.
Le problème se pose encore à ce jour, et je me demande si ce genre de dispositif, évidemment plus intéressant que les dispositifs des sursalaires et des aides au fonctionnement que nous connaissons, ne pourrait pas être considéré comme relevant du principe de la continuité territoriale, à l'image du dispositif mis au point pour les transports aériens par Mme Girardin.
Je signale simplement qu'un produit qui coûte 100 euros en métropole atteint, avec les frais d'approche, un coût de 115 euros à 180 euros en Martinique. Le mécanisme de la TVA non perçue récupérable ramène le prix d'un produit de 115 euros à 109 euros. L'aide est donc intéressante, mais elle ne compense pas tous nos handicaps.
Il faut savoir que l'Espagne a mis en place dans les Canaries, qui comptent 1,7 million d'habitants, soit la population de l'ensemble des trois DOM, un dispositif qui a permis à l'archipel de faire un véritable bon économique au cours des vingt-cinq dernières années. Il s'agit d'un dispositif comparable à celui que nous connaissons dans le domaine de la fiscalité des télécommunications, du transport des passagers et des marchandises.
Par conséquent, je me rallie à la position de mon collègue Paul Vergès, qui propose, puisqu'un rapport sur la fiscalité spécifique des DOM va être établi, d'en profiter pour mettre à plat tous les problèmes liés à notre retard en termes de développement économique et pour réfléchir aux mécanismes qui pourraient permettre un véritable rattrapage économique et éviter le recours permanent au système de la perfusion financière.
M. le président. La parole est à M. Paul Vergès, pour explication de vote.
M. Paul Vergès. Je voudrais exposer les raisons de mes réticences.
Il n'est pas possible que l'examen en séance de l'ensemble de la fiscalité de la Réunion ait été uniquement provoquée par le problème de la suppression de la récupération de la TVA non payée. Ainsi, à la suite des incidents de procédure qui ont abouti à un blocage, on examine dans son ensemble toute la fiscalité ! Mais, comme vient de vous le confirmer notre collègue Rodolphe Désiré, il n'y a pas que la fiscalité.
En 1945, la Réunion exportait 300 000 tonnes de marchandises et en importait l'équivalent. Aujourd'hui, on en est toujours à 300 000 tonnes d'exportation, mais on est passé à 3 millions de tonnes d'importation ! Or, ces 3 millions de tonnes passent par le port et c'est là que tout ce joue puisque c'est là qu'est évalué l'octroi de mer et que sont appliquées la plupart des taxes qui vont déterminer le coût de la vie à la Réunion et donc servir à justifier les 53 % de surrémunération de la fonction publique.
Les fonctionnaires demandent au Gouvernement, s'il veut modifier les règles, d'établir l'information sur les prix et de les justifier, mais le Gouvernement ne prend pas les syndicats au mot, et, comme tous les gouvernements successifs, il recule.
On n'a pas, dit-on, retrouvé la base juridique du remboursement de la TVA non perçue, mais, à la Réunion, dans la fonction publique communale, tous les fonctionnaires titularisés touchent les 53 % de surrémunération. Or, il n'existe aucun texte pour justifier une telle pratique. Cela n'empêche pas la trésorerie générale de payer, et la préfecture laisse passer. Si vous allez à la recherche du « papier » sur la TVA, vous découvrirez sans doute d'autres papiers ou, plus exactement, d'autres absences de papiers qui justifient pourtant certaines pratiques juridiques propres à la Réunion.
Mais mon inquiétude tient à ce qu'on ne voit que la fiscalité et, on oublie le reste, alors que c'est l'ensemble qui compte.
Je ne vous donnerai qu'un exemple : au 1er janvier 2001, la Réunion comptait 750 000 habitants, dont 303 000 étaient en âge de travailler. Parmi eux, plus de 100 000 étaient inscrits à l'ANPE, soit le tiers. Or, et le chiffre a été prononcé devant M. le Premier ministre lorsqu'il est venu à la Réunion à l'occasion des débats sur les responsabilités locales, le directeur général de l'INSEE a annoncé que l'évolution moyenne des perspectives faisait apparaître que nous allions passer de 303 000 personnes en âge de travailler en 2001 à 444 000 dans les trois décennies qui viennent, soit 46 % d'augmentation. Il est dès lors évident que nous allons au devant de situations ingérables parce qu'on ne veut pas mettre de l'ordre dans le désordre organisé depuis quarante ans.
On ne peut pas fermer les yeux sur le désordre et se contenter d'examiner le problème du remboursement de la TVA non perçue ; si on doit revoir la fiscalité, alors il faudra aborder la question dans son ensemble. La population augmente inéxorablement et cela entraîne des problèmes qu'il est difficile de faire comprendre en métropole où l'évolution démographique est inversée. C'est pourquoi nous attachons une valeur de principe à la demande que nous formulons.
Nous ne voulons pas toucher au seul système de la TVA non perçue récupérée. Nous voulons que la fiscalité, y compris sur ce point, soit revue dans son ensemble. C'était l'objet de l'amendement qui a été écarté.
Vous voulez une enquête, mais vous n'empêcherez pas qu'avec la distance l'on dise à la Réunion qu'il s'agissait d'une « raffarinade », d'un marchandage. Vous n'empêcherez pas que la décision de consacrer une année à l'examen des spécificités de notre fiscalité ne déclenche, comme pour la retraite dans la fonction publique, le dépôt immédiat de 600 dossiers. Personne - aucun petit paysan, aucun artisan - ne se lancera dans une activité s'il sait que, pendant un an, sera menée une enquête car chacun sera persuadé qu'au terme de l'enquête c'est sur lui que tombera le couperet. C'est pourquoi je ne peux approuver ni l'esprit ni la forme de l'amendement n° I-274 rectifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. La majorité de notre groupe se ralliera à l'amendement de Mme Payet et de M. Larifla, parce qu'il faut être solidaire avec les départements d'outre-mer.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je voudrais faire écho aux propos de Paul Vergès, qui estime que cet amendement n'est pas bon au motif qu'en prévoyant un rapport il fait naître un doute sur la pérennité d'un dispositif fiscal existant.
Je rappelle simplement que tous les dispositifs fiscaux sans exception sont, chaque année, susceptibles de faire l'objet d'une modification dans le projet de loi de finances.
Le Gouvernement se sent bien mal récompensé du souci qu'il a d'apaiser la préoccupation exprimée par la représentation nationale quant à la modification des dispositifs fiscaux existants ! Il lui propose pourtant de les examiner paisiblement et avec objectivité, comme le disait M. le rapporteur général.
L'équilibre des départements d'outre-mer est délicat à assurer. Chacun en est conscient, et il ne faut pas voir dans cet amendement un signal négatif. C'est au contraire un signal positif que le Gouvernement a voulu envoyer.
M. le président. La parole est à M. Paul Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le ministre, je me suis très mal exprimé, mais, dans les circonstances actuelles, aborder un sujet aussi important que la fiscalité à l'occasion d'un débat sur un régime particulier auquel sont certes attachés les professionnels à la Réunion, mais qui ne représente qu'une partie d'un tout et écarter la possibilité d'examiner ce tout - les revenus, la formation des prix pour comprendre comment des produits qui transitent par le port en ressortent cinquante ou soixante fois plus cher, etc., c'est mal prendre le problème, car l'argument clé des fonctionnaires c'est justement que, si les produits doivent coûter cinquante ou soixante fois plus cher, alors leur rémunération est juste.
Démontrez-nous que l'on peut diminuer ces prix, qui sont exorbitants, autrement que par la fiscalité. Il faut tout revoir à la Réunion.
Je ne fais pas de procès d'intention à M. le ministre, je ne suis pas un médecin scolaire qui a d'abord appris qu'il était écarté de la réforme et puis qu'il y était finalement inclus !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. J'ai beaucoup d'estime pour M. le rapporteur général et pour mon collègue et ami Jean Arthuis. Je suis la première à saluer sa rigueur, son intégrité, ses autres qualités, qui sont nombreuses. Je comprends et je partage tout à fait son désir de réduire le déficit public, mais il me semble hasardeux de décider le rejet de mon amendement, c'est-à-dire la suppression du remboursement de la TVA NPR, avant de savoir avec précision par quel dispositif il sera remplacé, même si c'est dans un an. J'aimerais donc avoir des explications un peu plus précises de la part de M. le ministre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais apaiser les craintes de Mme Payet, car l'amendement du Gouvernement maintient le statu quo pour l'année 2004. L'amendement prescrit un rapport pour mettre à plat la politique d'aides fiscales aux entreprises dans les départements d'outre-mer. C'est un engagement précis de faire cette mise à plat sereinement et de manière objective en abordant le problème dans toute sa dimension pour entamer dans un an la discussion budgétaire à la lumière des conclusions de ce rapport . Peut-être proposera-t-on alors des modifications aux régimes actuellement en vigueur. Mais, pour l'année 2004, les choses vont se poursuivre comme depuis la lettre ministérielle introuvable de novembre 1953.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Nous sortons d'une discussion très approfondie sur la situation économique de l'outre-mer. Un texte de loi nous a été soumis, une grande discussion a eu lieu. Ont été analysées dans tous les sens et dans toutes les dimensions les conditions optimales à réunir pour que le développement économique de l'outre-mer puisse être envisagé sous le meilleur angle possible.
Or à aucun moment nous n'avons été amenés à débattre de la disposition fiscale qui est visée ici. Dans ces conditions, nous avons un peu de mal à admettre que, quelques mois après le grand débat sur l'outre-mer, l'on engage de nouveau une réflexion sur un point de la fiscalité.
Nous rejoignons l'argumentation développée à l'instant par notre collègue Paul Vergès : dès lors que les braises n'ont pas été complètement éteintes, le feu va continuer à couver sur le risque de voir disparaître cette disposition. L'incertitude qui va subsister chez les décideurs économiques va certainement entraîner des conséquences très néfastes en termes de développement économique.
Dans ces conditions, il nous semble tout à fait raisonnable d'éteindre dès à présent et complètement l'incendie qui a été allumé et de s'en tenir à l'annulation pure et simple de cette disposition qui a été adoptée par nos collègues députés.
Je saisis parfaitement les ambiguïtés créées et la difficulté dans laquelle se trouve le Gouvernement : sa majorité à l'Assemblée nationale ayant adopté ces dispositions, il essaie de trouver un terrain d'entente, une porte de sortie. Néanmoins, l'annulation pure et simple de l'article 12 quater paraît la solution la mieux adaptée à la situation dans laquelle nous nous trouvons.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. J'ai enfin compris où se situe le problème de compréhension qui nous occupe.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui est devenu un article nouveau du projet de loi de finances, l'article 12 quater. Nous proposons de rédiger autrement celui-ci ; si l'amendement n° I-274 rectifié du Gouvernement est adopté par la Haute Assemblée, la rédaction présentée pour l'article 12 quater se substituera à celle que l'Assemblée nationale avait retenue. Par conséquent, alors que nous avons le sentiment d'être en désaccord, nous visons tous en fait le même objectif.
Notre amendement, j'y insiste, tend à remplacer par l'élaboration d'un rapport la suppression de la récupération par les entreprises d'outre-mer de la TVA non perçue sur certains produits exonérés de TVA.
Il s'agit donc bien d'abroger le dispositif voté par l'Assemblée nationale, ce qui correspond exactement au souhait des auteurs des trois amendements identiques. Cependant, dès lors qu'il n'a pas été procédé au dépôt d'un amendement de suppression, suivi d'un amendement tendant à prévoir l'élaboration d'un rapport,...
M. Michel Sergent. Il fallait voter les amendements dans l'ordre !
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... certains membres de la Haute Assemblée ont pu croire que notre proposition avait pour objet de maintenir le texte de l'Assemblée nationale, tout en prévoyant la présentation au Parlement d'un rapport sur la fiscalité des entreprises outre-mer.
M. Michel Sergent. Il ne fallait pas demander la priorité !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Je crois que la confusion est née du dépôt de la demande de priorité pour l'amendement du Gouvernement. (Mais non ! sur les travées de l'UMP.)
Il aurait suffi d'adopter les amendements de suppression de l'article avant de voter l'amendement du Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est la même chose !
M. le président. Monsieur Miquel, suivre cette procédure n'était pas possible, car l'adoption des amendements de suppression aurait rendu sans objet l'amendement du Gouvernement.
M. Denis Badré. Evidemment !
M. le président. Par conséquent, la demande de priorité se justifie. Les choses me paraissent maintenant claires.
Je mets aux voix l'amendement n° I-274 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 97
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 214 |
Majorité absolue des suffrages | 108 |
Pour | 214 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 12 quater est ainsi rédigé, et les amendements identiques n°s I-1, I-38 rectifié ter et I-196 n'ont plus d'objet.
M. Louis de Broissia. C'est glorieux !
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, une confusion est survenue à l'occasion du vote de l'article 11. Il conviendrait d'intervertir les votes pour et les votes contre s'agissant du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.