COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

TVA APPLICABLE AUX ÉTABLISSEMENTS CONSTITUÉS

EN SARL ACCUEILLANT DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 327, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'Etat, le Président de la République a fait de l'amélioration des conditions de vie des personnes handicapées une priorité nationale. J'attire aujourd'hui votre attention sur une disposition qui permettrait d'améliorer concrètement les conditions de vie de personnes lourdement handicapées.

Il est contraire au bon sens que le taux de TVA actuellement applicable aux établissements constitués en SARL et accueillant des personnes handicapées soit de 19,6 %, alors que les maisons de retraite, constituées elles aussi en SARL, sont soumises à un taux de 5,5 %.

Le taux de TVA à 19,6 % pénalise lourdement les quelque six établissements de ce type situés sur le territoire français, dont deux dans le Gers ; je pense à la maison « Hélios », de Saint-Germé, et aux « Moussarons », à Condom. Il apparaîtrait normal qu'une baisse de TVA soit étudiée et acceptée. Cet alignement des taux de TVA permettrait aux établissements visés de dégager des moyens nouveaux pour leurs résidents.

Je suis conscient du fait que l'équilibre des finances publiques est particulièrement tendu. Il me semble toutefois que cette proposition est soutenable, étant donné le nombre très réduit d'établissements concernés.

Je rappelle que la manifestation de clôture de l'année européenne pour les personnes handicapées se tiendra à l'UNESCO le 15 décembre prochain. L'annonce, à cette occasion, d'une telle décision serait un geste fort en faveur de ces personnes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pensez-vous pouvoir, lors de cette manifestation, annoncer la baisse du taux de TVA pour ces établissements qui accueillent des personnes handicapées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le taux réduit de la TVA s'applique aux prestations relatives à la fourniture de logement et de nourriture dans les maisons de retraite.

Ce taux est également applicable aux prestations exclusivement liées à l'état de dépendance des personnes âgées hébergées dans ces établissements.

A l'occasion de l'année européenne pour les personnes handicapées, vous proposez d'étendre cette disposition aux prestations de même nature rendues par des établissements qui accueillent des personnes handicapées.

Le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation.

Toutefois, l'application du taux réduit de la TVA est subordonnée, pour des raisons liées au droit communautaire, à la nécessité de se trouver en présence d'un établissement du secteur privé lucratif qui a pour objet principal la fourniture de logement. En effet, seules les prestations d'hébergement sont visées au point 11 de l'annexe H à la sixième directive TVA et sont, à ce titre, éligibles au taux réduit de la taxe.

En revanche, sont soumises au taux normal les prestations d'hébergement fournies par des établissements qui n'ont pas pour objet principal la fourniture de logement. Il en est ainsi des établissements du secteur privé lucratif dont l'objet principal est la fourniture de soins, et ce qu'ils accueillent ou non des personnes handicapées.

En effet, la fourniture de nourriture et les prestations liées à l'état de dépendance des personnes hébergées ne relèvent du taux réduit de la TVA qu'en ce qu'elles constituent des prestations accessoires à la fourniture de logement rendue à titre principal.

L'application du taux réduit de la TVA à des prestations de même nature fournies par des établissements du secteur privé lucratif qui accueillent des personnes handicapées se trouve donc subordonnée au fait qu'au préalable il doit être établi qu'il s'agit d'un établissement dont l'objet principal consiste à héberger des personnes et non à les soigner principalement.

Vous constatez donc, comme moi, qu'actuellement c'est la nature de l'activité principale de l'établissement qui détermine in fine le taux applicable aux différentes prestations.

Lorsqu'elles sont imposables, les maisons de retraite sont éligibles au taux réduit de la TVA dans la mesure où leur prestation principale est bien l'hébergement.

Il convient donc d'expertiser les modalités concrètes d'accueil des personnes handicapées dans les structures que vous évoquez pour pouvoir, le cas échéant, cerner les difficultés qu'il y aurait à étendre le bénéfice du taux réduit de la TVA à ces organismes.

Monsieur le sénateur, la direction de la législation fiscale a été chargée par M. Alain Lambert d'une étude sur ce point particulier, et la réflexion engagée pourrait déboucher sur une modification législative, de façon à tenir compte de votre revendication.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'Etat, je remercie le Gouvernement de n'avoir pas clos ce dossier.

C'est une question de bon sens : les prestations fournies aux personnes handicapées et aux personnes âgées sont très comparables, qu'il s'agisse, certes, du logement et de la nourriture, mais aussi des soins, car, à l'évidence, les personnes âgées peuvent, elles aussi, bénéficier de cette prestation-là.

De surcroît, la mesure proposée, d'une incidence budgétaire extrêmement faible, permettrait, compte tenu de l'économie réalisée par les établissements, de fournir de meilleures conditions de vie aux personnes handicapées hébergées.

Encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, le Président de la République a accordé une importance particulière à l'amélioration des conditions de vie des personnes handicapées, et j'espère que la manifestation prochaine, à l'UNESCO, sera l'occasion pour le Gouvernement de montrer toute la considération qu'il accorde à ce dossier.

CONDITIONS D'ASSUJETTISSEMENT

DE FRANCE TÉLÉCOM AUX IMPÔTS LOCAUX

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, auteur de la question n° 320, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, l'article 29 de la loi de finances pour 2003 réalise l'assujettissement de France Télécom aux impositions directes locales dans des conditions de droit commun.

Les collectivités territoriales bénéficient donc désormais du produit des taxes foncières et de la taxe professionnelle acquittées par l'opérateur.

Afin de compenser cette perte pour le budget de l'Etat, il a été prévu de réduire le montant de la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle des collectivités.

Or il apparaît que les modalités de calcul de ce prélèvement compensatoire sont préjudiciables à certaines communes, au rang desquelles une petite collectivité d'Eure-et-Loir de huit cent cinquante habitants, Saint-Symphorien-le-Château, qui compte sur son territoire un important établissement de France Télécom.

Une diminution des immobilisations ayant eu lieu sur le site en 2002, la commune va devoir, contre toute attente, s'acquitter d'une compensation supérieure à la recette attendue et ainsi perdre 30 % de ses recettes fiscales, ce qui obère gravement, outre ses projets de développement, son budget de fonctionnement.

Cette situation nouvelle est intenable pour les élus locaux, dont une délégation est présente aujourd'hui dans nos tribunes. C'est un peu l'histoire de Perrette et du pot au lait : après avoir rêvé naguère d'une recette supplémentaire encore virtuelle, ces élus se satisferaient, maintenant, d'une véritable neutralité fiscale afin de ne pas devoir alourdir considérablement les impôts locaux.

Ma question est donc très simple : comment parvenir à une véritable neutralité fiscale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur la situation de la commune de Saint-Symphorien-le-Château, en Eure-et-Loir, à la suite de la mise en oeuvre de l'article 29 de la loi de finances pour 2003, qui soumet France Télécom aux règles de droit commun au regard des impositions directes locales.

Conformément à cette disposition, les collectivités locales deviennent en effet attributaires des impositions directes locales de l'opérateur France Télécom. En contrepartie, afin de compenser les conséquences financières de cette réforme pour le budget de l'Etat ainsi que pour les crédits alloués à la péréquation, il est opéré un prélèvement sur le montant de la dotation de compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle perçu par les collectivites locales concernées.

Au total, grâce à cette mesure, les collectivités locales peuvent donc bénéficier pleinement de l'évolution des bases de taxe professionnelle de France Télécom. Je dois ajouter qu'aucun prélèvement n'est effectué au titre du supplément de taxes foncières engendré par la réforme, qui reste donc acquis aux collectivités locales.

Cette disposition pénaliserait selon vous la commune de Saint-Symphorien-le-Château, qui a connu, en 2002, une diminution des bases afférentes à l'établissement France Télécom situé sur son territoire et devrait finalement s'acquitter d'un prélèvement supérieur au montant de produit « France Télécom » attendu.

Je suis en mesure de vous rassurer.

Selon les informations qui m'ont été communiquées par les services compétents, la réforme concernant France Télécom a conduit, dans le cas de la commune de Saint-Symphorien-le-Château, à opérer un prélèvement sur sa dotation de compensation de la suppression de la part « salaires » identique au surplus de produit de taxe professionnelle issu des bases de France Télécom qui revient désormais à cette commune.

En outre, et alors que les taux votés en 2002 ont été reconduits en 2003, la commune a perçu, au titre de 2003, un produit supplémentaire relatif aux impositions directes locales de France Télécom de 5 353 euros au titre des taxes foncières, tandis que la hausse de l'ensemble des bases de taxe professionnelle de la commune a engendré une augmentation de produit de 7 757 euros, soit un surplus total de produit de 13 110 euros.

Pour 2004, il apparaît que les baisses de bases de France Télécom sur la commune proviennent de la vente du site de France Télécom à l'entreprise Intel Sat. En conséquence, à compter de 2004, la perte de produit liée aux diminutions de bases de France Télécom que vous évoquez devrait être compensée par le produit de la taxe professionnelle désormais acquittée par Intel Sat.

La réforme opérant l'assujettissement aux impositions directes locales de France Télécom au profit des collectivités locales a été conçue dans un souci d'équilibre entre, d'une part, l'accroissement de l'autonomie financière des collectivités locales et, d'autre part, une certaine neutralité financière pour l'Etat et pour les crédits de la péréquation.

Il m'apparaît que, dans le cas de la commune de Saint-Symphorien-le-Château, cet objectif a été atteint.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne conteste pas, bien sûr, les modalités de la réforme, car il me semble tout à fait normal qu'une entreprise comme France Télécom soit assujettie à la taxe professionnelle et aux impôts locaux, mais je m'inquiétais de la réalité de la neutralité fiscale pour la petite commune de Saint-Symphorien-le-Château. Les précisions importantes que vous venez de m'apporter me rassurent, et je vous en remercie.

PROGRAMME DE RESTRUCTURATION

DU TRÉSOR PUBLIC

M. le président. La parole est M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 333, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Alain Dufaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes collègues sénateurs et moi-même sommes régulièrement au contact des élus locaux de nos départements respectifs. Or, le problème qui semble particulièrement inquiéter, depuis plusieurs mois, les maires de mon département, le Vaucluse, est celui du maintien des services publics en zone rurale.

Le dernier épisode de l'histoire sans fin des restructurations ou, simplement, des fermetures de services de proximité dans les petites communes est le projet de suppression d'un certain nombre de trésoreries dans le cadre d'une vaste restructuration de ces services publics.

Comprenez-moi bien, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne s'agit pas d'être opposé par principe à des évolutions tendant à rendre le service public plus efficace ; il s'agit seulement de vous demander de prendre en compte tous les aspects de la question et, surtout, d'organiser une véritable concertation avant que les décisions définitives soient prises. Pour le Vaucluse, cette concertation n'a pas eu lieu.

Certaines économies peuvent en effet se révéler coûteuses lorsqu'elles remettent en cause la proximité des services publics. En l'occurrence, sont visées les perceptions, qui, dans les communes rurales, assurent un certain nombre de services à la population extrêmement précieux - conseils, renseignements, contentieux, mensualisation, surendettement, transfert d'acomptes prévisionnels - et effectuent également un travail important avec les collectivités locales.

Cette source d'explications et de renseignements qui s'inscrit tout à fait dans la logique du service public va donc disparaître dans plusieurs communes, et les emplois correspondants disparaîtront aussi.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce type de décision, difficilement compréhensible en termes d'aménagement du territoire, suscite la légitime exaspération des élus locaux que nous sommes, et ce d'autant que le plan de restructuration des trésoreries fait suite à celui qui a touché les services de La Poste et aux regroupements des gendarmeries.

Cette exaspération se double d'une certaine forme d'incompréhension puisque, dans le même temps, le ministre de l'agriculture, votre collègue Hervé Gaymard, a présenté un projet de loi sur la ruralité qui comporte un volet consacré au maintien des services publics en zone rurale.

Il serait souhaitable de prendre en compte ces considérations, et je vous demande donc s'il est possible de réexaminer ce plan afin de limiter au maximum les fermetures de trésoreries dans les communes de notre pays et, surtout, de procéder en concertation avec les élus locaux.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, je vais vous transmettre la réponse de M. Alain Lambert.

Dans le cadre de la modernisation du ministère que nous appelons « Bercy en mouvement », la démarche visant à adapter les modes de présence du Trésor public aux attentes de ses partenaires a été engagée.

Les réflexions qui sont actuellement conduites sur la réorganisation du réseau, notamment dans le monde rural, ont pour objectif d'offrir une organisation qui améliore la qualité du service rendu tout en s'adaptant aux réalités géographiques, économiques et humaines. Cette démarche de qualité s'exprime à travers des engagements de services, vis-à-vis des élus et des usagers, formalisés dans une charte de service signée par les responsables locaux du Trésor public concernés. Cette charte conforte la présence et le rôle du Trésor public dans la vie locale en déclinant ses différentes prestations offertes aux usagers et aux collectivités locales.

Le Trésor public cherche en effet à concilier au mieux l'objectif d'accessibilité du service public et la contrainte d'un emploi optimal de ses ressources. Par exemple, le regroupement des activités sur une trésorerie plus importante permet d'optimiser le fonctionnement des services en constituant une entité dotée d'équipes renforcées pour le plus grand bénéfice des usagers concernés. En outre, des permanences avec une périodicité adaptée aux attentes des partenaires peuvent être organisées afin de préserver une proximité des services du Trésor public tant avec les usagers qu'avec les élus.

Ces évolutions sont effectuées en respectant un protocole de conduite des opérations qui privilégie la concertation locale, dont vous avez à juste titre, monsieur le sénateur, souligné l'importance, et le dialogue constructif avec les élus concernés, les présidents des assemblées locales et les parlementaires du département, et cela en liaison étroite avec les préfets sans l'avis desquels aucune réorganisation ne peut s'opérer. M. le ministre délégué au budget attache en effet une grande importance à la qualité de la concertation menée avec l'ensemble des partenaires du Trésor public pour que chaque projet de restructuration aboutisse au dispositif le mieux adapté à la situation locale.

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse et des précisions que vous me communiquez.

Nous savons que les réformes s'inscrivent dans la logique de ce que vous avez appelé « Bercy en mouvement », mais il y a tout de même une différence entre la volonté affichée et ce qui se passe sur le terrain, en particulier s'agissant de la concertation. Je peux vous affirmer que, dans mon département, les parlementaires n'ont pas été consultés en amont. C'est dommage, car des erreurs auraient certainement pu être évitées.

PLAN DE RESTRUCTURATION DU RÉSEAU

DU TRÉSOR PUBLIC DANS LE VAUCLUSE

M. le président. La parole est à M. Claude Haut, auteur de la question n° 317, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Claude Haut. Monsieur le secrétaire d'Etat, la question précédente portait sur le même sujet que la mienne, ce qui démontre la préoccupation des élus locaux.

En réponse à notre collègue Alain Dufaut, vous avez dit que, dans la logique de la réforme, la suppression des trésoreries en milieu rural améliorerait le service rendu. Permettez-moi d'en douter.

Il ne faut pas confondre par ailleurs, comme l'a relevé M. Dufaut, une information donnée de façon succincte et une véritable concertation avec les élus locaux.

J'en profite pour ajouter que d'autres services publics sont concernés. Je ne comprends pas très bien pourquoi, alors que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et le département du Vaucluse en particulier connaissent une évolution démographique croissante, la tendance est à la suppression de services publics.

Il serait nécessaire de mieux répartir les services pour répondre aux besoins et aux attentes des populations : des collèges et des lycées pour leurs enfants, des transports publics, mais aussi des services publics.

Après la fracture sociale, c'est une fracture territoriale qu'il faudra réduire ! On ne procédera pas à un aménagement équilibré du territoire en fermant des succursales de la Banque de France, des gendarmeries, des services hospitaliers et des bureaux de poste.

Fracture territoriale, disais-je : il y aura demain les collectivités richement dotées qui pourront suppléer aux carences de l'Etat en termes de service public et celles qui, malheureusement, ne pourront faire face.

C'est un problème qu'il est urgent de résoudre, mais, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de la réponse que vous venez de transmettre à notre collègue, je ne suis pas certain que nous puissions compter sur le Gouvernement pour défendre une vision harmonieuse de l'aménagement du territoire !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, la réponse d'Alain Lambert que je vais vous transmettre ne différera guère de celle qu'a reçue M. Dufaut !

Dans le cadre de la modernisation du ministère des finances que nous appelons « Bercy en mouvement », il s'agit d'adapter les modes de présence du Trésor public aux attentes de la population, et, en particulier, des principaux usagers de ce service public.

Les réflexions qui sont actuellement conduites sur la réorganisation du réseau, notamment dans le monde rural, ont pour objectif d'offrir une organisation qui améliore - et j'insiste sur ce terme - la qualité du service rendu tout en s'adaptant à des réalités qui sont, vous l'avez d'ailleurs vous-même signalé, mouvantes.

Cette démarche de qualité s'exprime à travers des engagements de services, vis-à-vis des élus et des usagers formalisés dans une charte de service signée par les responsables locaux du Trésor public concernés.

Cette charte répond également à la nécessité d'avoir un service public plus lisible : le rôle du Trésor public dans la vie locale sera ainsi plus clairement défini.

Vous l'avez bien compris, le Trésor public cherche à concilier deux objectifs : d'une part, l'accessibilité, objectif important, car l'accessibilité fait partie des missions du service public ; d'autre part, l'emploi optimal des ressources, objectif d'intérêt général, car ces ressources, ce sont les impôts des Français.

Parmi les solutions inédites, j'évoquais le regroupement des activités sur une trésorerie plus importante. Un tel regroupement peut tout à fait permettre d'optimiser le fonctionnement des services en constituant une entité dotée d'équipes renforcées, plus performantes, plus polyvalentes, pour le plus grand bénéfice des usagers concernés, qui, de plus en plus, attendent de la part des agents une très grande compétence.

Par ailleurs, la périodicité des permanences prévues dans la réforme de « Bercy en mouvement » peut être adaptée aux différentes attentes des partenaires locaux et organisée de manière à préserver la proximité des services du Trésor, qui est appréciée et demandée tant par les usagers que par les élus.

Comme je l'ai également indiqué à M. Alain Dufaut, ces évolutions doivent s'inscrire dans le cadre d'un protocole de conduite qui prévoit une concertation locale et un dialogue très forts entre les différents partenaires, notamment les parlementaires.

S'il apparaissait que dans tel ou tel département les parlementaires n'ont pas été consultés, il faudrait d'ailleurs en informer immédiatement M. Alain Lambert, car ce ne serait pas conforme à ce qu'il a souhaité. M. Alain Lambert attache en effet une très grande importance à la qualité de la concertation, mesdames, messieurs les sénateurs, et je pense que vous pourrez vous-même l'informer du déroulement de la concertation sur le terrain dans vos différents départements.

S'agissant plus particulièrement des trésoreries de Monteux, Pernes-les-Fontaines et Carpentras, aucune opération n'est susceptible de prendre effet avant 2005.

M. le président. La parole est à M. Claude Haut.

M. Claude Haut. Monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne vous étonnera pas : je ne suis pas très convaincu par la réponse de M. Alain Lambert.

Je souhaite qu'une véritable concertation s'instaure dans les départements et que les élus - y compris les parlementaires - y soient étroitement associés. Les décisions devront uniquement être prises après concertation. Cela me paraît indispensable, car, je le répète, les élus sont au plus près du terrain et ils méritent d'être entendus.

M. Roland Courteau. Très bien !

LIGNE FERROVIAIRE À GRANDE VITESSE

EN LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 312, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'Etat, une fois encore dans cet hémicycle je souhaite sensibiliser le Gouvernement à un dossier qui me paraît essentiel : la réalisation d'un chaînon manquant sur l'un des plus grands axes ferroviaires européens de ligne à grande vitesse, reliant l'Europe du Nord au sud de l'Espagne, par Lyon et la façade méditerranéenne du Languedoc-Roussillon.

Va-t-on oui ou non s'attaquer à ce qui deviendra immanquablement et à très brève échéance un véritable goulet d'étranglement ? Je veux parler du tronçon qui relie Montpellier à Perpignan. Le silence à ce propos est effrayant. Or, si on laisse ce tronçon en l'état, on risque d'annuler pour une part les effets positifs de la levée du verrou pyrénéen entre Figueras et Perpignan.

En tant que rapporteur sur l'accord de Madrid pour la réalisation de la section internationale entre la France et l'Espagne, j'insistais déjà tout particulièrement sur ce point il y a quelques années.

Lors du débat qui s'est tenu ici même sur les infrastructures de transport au mois de juin dernier, j'ai « récidivé ».

Je persiste aujourd'hui en réaffirmant que la mise en service de la nouvelle ligne mixte à grande vitesse Figueras-Perpignan rend, du fait de la forte augmentation du trafic ferroviaire qu'elle va provoquer, indispensable la construction d'une ligne nouvelle de bout en bout de Perpignan à Nîmes.

L'explosion annoncée du trafic de fret global transpyrénéen, qui doit passer de 50 millions de tonnes en 1995 à 150 millions de tonnes en 2015, plaide d'autant plus en ce sens que le Languedoc-Roussillon réalise les deux tiers du trafic franco-espagnol.

Or, si rien n'est fait, les échanges vont inévitablement se reporter, avec les conséquences que l'on devine, vers la route, alors que celle-ci est déjà presque saturée.

Si le projet relatif au contournement de Nîmes et de Montpellier devait être mis en oeuvre à terme rapproché, monsieur le secrétaire d'Etat, cela constituerait une avancée certaine, à la condition toutefois que soit réalisée concomitamment la ligne nouvelle Montpellier-Narbonne-Perpignan, faute de quoi on ne ferait que déplacer le problème.

En effet, je le redis, à défaut de la mise en oeuvre rapide d'un projet global de Nîmes à Perpignan, les contraintes liées à la saturation brideront fortement la demande et réduiront, de fait, les retombées attendues, en termes de développement économique ou de rééquilibrage entre le rail et la route.

Cette section de ligne nouvelle à grande vitesse me paraît doublement prioritaire, monsieur le secrétaire d'Etat, d'abord compte tenu des investissements actuellement engagés pour la section internationale, ensuite étant donné le caractère européen de cet axe.

Il convient, en effet, de distinguer les projets d'infrastructures à caractère national et les très grands projets transfrontaliers, qui contribuent, quant à eux, à la construction européenne.

A cet égard, il est évident que la réalisation de bout en bout d'une ligne nouvelle entre Perpignan et Nîmes associant grande vitesse et transport de fret constitue la meilleure des réponses à apporter à la croissance soutenue des échanges entre la France, l'Espagne, le reste de l'Europe et l'Afrique du Nord, ainsi qu'au développement économique du Languedoc-Roussillon.

Les conséquences d'une telle réalisation seraient tout aussi positives s'agissant de la transversale Barcelone-Milan par Gênes ou Turin, qui n'est rien d'autre, aujourd'hui, qu'un couloir à camions, où le trafic pourrait encore s'amplifier avec l'élargissement de l'Union européenne.

Enfin, la création de cette ligne nouvelle à grande vitesse, prolongeant la ligne du TGV Méditerranée de Nîmes au Perthus, permettait de créer une synergie entre l'arc méditerranéen que je viens d'évoquer et la transversale Bordeaux-Narbonne.

En conclusion, il n'est pas imaginable, sauf erreur gravissime des décideurs, que l'on reporte à une lointaine échéance le traitement de ce que l'on qualifie d'ores et déjà de « maillon faible » du plus grand axe européen de ligne à grande vitesse.

Le devoir des décideurs est d'anticiper ; d'où ma question à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer : la volonté politique existe-t-elle, et peut-on espérer que la réalisation du « chaînon manquant » sera bien considérée comme prioritaire par le prochain comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bernard, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de souligner que la mise en service du TGV Méditerranée a permis de rapprocher le sud et le nord de la France. Cette réussite éclatante doit être rappelée.

La mise en oeuvre des opérations d'aménagement du reste de l'axe jusqu'à la frontière espagnole constitue la phase suivante ; elle est bien amorcée. Les deux premières étapes de ce projet sont la réalisation de la section internationale Perpignan-Figueras et le contournement de Nîmes et de Montpellier.

La concession de la section Perpignan-Figueras est en cours d'attribution. Les offres de quatre candidats ont été reçues le 7 octobre dernier. Je puis vous assurer de la détermination de la France et de l'Espagne à faire aboutir cette procédure dans les meilleurs délais.

S'agissant du contournement fret de Nîmes et de Montpellier, l'ouverture de l'enquête publique est prévue pour le 4 novembre prochain.

Lorsque la section internationale aura été ouverte, il faudra, il est vrai, être en mesure de répondre à la hausse attendue du trafic sur la ligne classique entre Perpignan et Montpellier. A cette fin, l'Etat a demandé que toutes les dispositions soient prises afin que les principaux aménagements de capacité sur cette ligne soient effectifs à l'ouverture de ladite section internationale.

La dernière phase de réalisation de la ligne nouvelle, entre Montpellier et Perpignan, relève d'une autre échéance. Il est légitime de s'interroger, dès à présent, sur les problématiques et les caractéristiques qui en découleront. Tel est l'objet des études actuellement conduites par le maître d'ouvrage, Réseau ferré de France.

Sur le fondement de l'éclairage fourni par la représentation nationale, le Gouvernement annoncera, dans les prochaines semaines, des décisions à court terme sur les projets et leurs modalités de financement, ainsi que sur la planification à moyen terme de la réalisation des équipements de transport.

Telles sont les réponses que je peux vous apporter au nom de M. Gilles de Robien, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis au regret de devoir vous dire que vous n'avez pas répondu à ma question, et que les éléments d'information que vous m'avez fournis au nom de M. de Robien me laissent circonspect.

Ainsi, aucune réponse n'a été apportée quant à l'objet même de mon intervention, à savoir la création d'une ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan. Cela signifierait-il que la question serait déjà tranchée, en défaveur du projet languedocien ? Cela signifierait-il que le CIADT de novembre annoncera qu'est privilégié le prolongement du TGV Atlantique jusqu'à Bordeaux, puis jusqu'à Toulouse ? Certaines informations me donnent à penser que j'ai quelques raisons de m'inquiéter...

Je ne veux pas croire que la réalisation de la ligne nouvelle à grande vitesse jusqu'au Perthus puisse faire les frais d'une telle opération et se trouve renvoyée à une hypothétique « deuxième phase » - c'est là aussi une rumeur qui circule -, à une échéance de vingt-cinq ans, autrement dit aux calendes grecques, alors que l'essentiel du travail relatif au tracé de la ligne à grande vitesse Languedoc-Roussillon est accompli depuis 1990 !

Monsieur le secrétaire d'Etat, si tel devait être le cas, nos populations s'estimeraient, à juste titre, tout simplement « larguées », au profit du TGV Atlantique, si cher à M. le maire de Bordeaux !

CONDITIONS D'IMMATRICULATION DES AÉRONEFS

M. le président. La parole est à M. Ernest Cartigny, auteur de la question n° 329, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Ernest Cartigny. Le 6 mai 2003, à l'occasion d'une précédente question orale, je m'étais interrogé sur la portée d'un courrier daté du 13 février 2003, émanant du service du contrôle technique de la Direction générale de l'aviation civile et adressé à l'ensemble des services déconcentrés de cette administration, auxquels il était demandé d'effectuer un recensement des aéronefs immatriculés dans un pays étranger et basés plus de 183 jours par an sur notre territoire.

En réponse à cette question, le ministre avait évoqué la présence sur notre territoire d'aéronefs de construction russe, immatriculés dans des pays de l'Est et se trouvant en contravention avec la réglementation française ainsi que, j'y insiste, avec celle de leur pays d'immatriculation.

Or ma question concernait non pas ces avions russes, mais des avions immatriculés à l'étranger, principalement aux Etats-Unis, répondant aux normes de l'AOCI, l'Organisation de l'aviation civile internationale, et à toutes les exigences techniques des pays signataires de la convention de Chicago et du traité de Rome.

C'est pourquoi j'avais indiqué que je soulèverais de nouveau ce problème lors d'une prochaine séance de questions orales sans débat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande donc quelle est actuellement la position de la DGAC sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, votre question porte sur les aéronefs basés en permanence en France, dont la conception respecte les normes minimales fixées par l'Organisation de l'aviation civile internationale mais qui sont immatriculés dans des pays étrangers.

Il est de la responsabilité du ministre chargé de l'aviation civile d'édicter et de faire respecter des règles pour les appareils utilisés en France, en vue de garantir la sécurité de leur exploitation. Or le niveau de sécurité atteint dans notre pays et imposé aux appareils immatriculés en France n'est pas garanti par la seule conformité aux normes de l'OACI. Ces normes, fixées par l'une des annexes de la convention de Chicago, sont celles, minimales, que chaque Etat doit reprendre et détailler pour les aéronefs dont il est responsable.

Pour un survol ou une escale, chaque pays accepte généralement de se référer à la seule convention, mais ce n'est pas nécessairement le cas pour une utilisation durable d'appareils sur le territoire national. L'immatriculation étrangère ne doit, en effet, pas être un prétexte pour se soustraire à la réglementation nationale.

Une enquête est en cours pour évaluer le nombre d'appareils concernés, à l'issue de laquelle une réflexion sur les éventuelles mesures qu'il conviendrait de mettre en place sera lancée avec l'ensemble des organisations intéressées.

Enfin, je tiens à souligner que le cas des aéronefs immatriculés dans un pays de l'Union européenne et conformes aux nouvelles dispositions adoptées par l'Agence européenne de la sécurité aérienne, l'AESA, sera traité à l'échelon européen, permettant notamment un changement d'immatriculation sans aucune contrainte technique.

M. le président. La parole est à M. Ernest Cartigny.

M. Ernest Cartigny. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, qui me semble de nature à apaiser l'inquiétude d'un grand nombre de propriétaires d'aéronefs concernés par cette question. Je constate avec plaisir que vous avez souligné qu'il convient de comprendre les raisons pour lesquelles ces aéronefs ne sont pas forcément immatriculés en France. Je pense que nous pourrons collaborer très heureusement en la matière.

LA RETRAITE SNCF

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, auteur de la question n° 336, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais soulever une question juridique concernant la SNCF. Celle-ci, en s'appuyant sur son règlement intérieur, peut décider de mettre d'office à la retraite certains de ses agents, sous réserve qu'ils justifient au minimum de vingt-cinq années d'activité et de cinquante - cinquante-cinq ans d'âge, selon qu'il s'agit ou non de personnels roulants. Ces agents se trouvent alors mis à la retraite sans l'avoir choisi, avec, dans certains cas, une pension représentant de 35 % à 36 % de leur revenu d'activité, ce qui est très peu.

Or, le 1er janvier 1983, la SNCF est devenue un établissement public industriel et commercial, ou EPIC, et il avait été indiqué à l'époque que le droit commun du travail s'appliquerait désormais à ses personnels, lequel exclut la mise à la retraite d'autorité d'un salarié.

Par conséquent, ma question est la suivante : la mise à la retraite d'office d'agents de la SNCF est-elle fondée juridiquement, ou s'agit-il d'une disposition obsolète ? Les agents concernés devraient, semble-t-il, relever normalement du code du travail et partir à la retraite selon les conditions générales.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, l'article 7 du règlement des retraites de la SNCF fixe les conditions de départ à la retraite. Les agents de l'entreprise peuvent demander la liquidation de leur pension de retraite lorsqu'ils justifient d'au moins vingt-cinq années de service ; ils doivent avoir atteint l'âge de cinquante ans lorsqu'ils sont conducteurs ou de cinquante-cinq ans dans tous les autres cas. Cet article dispose par ailleurs que la SNCF peut liquider d'office la retraite de tout agent qui remplit les conditions que je viens d'évoquer.

La transformation, au 1er janvier 1983, de la SNCF, qui était jusqu'alors une société anonyme d'économie mixte, en un établissement public industriel et commercial a été sans incidence sur le régime applicable à son personnel. L'article 23 de la loi d'orientation des transports intérieurs précisait que la transformation ne portait pas atteinte aux dispositions législatives, réglementaires ou contractuelles régissant les situations des personnels de l'entreprise. L'intention du législateur était donc sans ambiguïté.

Je rappelle que 85 % des agents de la SNCF partent à la retraite sur leur demande, après en moyenne trente-quatre années de service. En outre, le taux de pension représente en moyenne 60 % du dernier salaire ; pour les agents ayant vingt-cinq ans d'ancienneté, ce taux est en moyenne de 44 %. Le taux de 36 % que vous venez d'évoquer, monsieur le sénateur, ne peut correspondre qu'à la situation tout à fait exceptionnelle d'agents qui auraient, au cours de leur dernière année d'activité, bénéficié d'indemnités importantes ne rentrant pas dans l'assiette de calcul de la pension.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.

M. Jean-Pierre Masseret. Je prends acte de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.

Cela étant, il est clair qu'il faut considérer la situation des personnels qui se trouvent mis à la retraite avec une pension très modeste. En conséquence, il appartient tant à la SNCF qu'aux organisations syndicales d'étudier cette question, afin de la traiter au mieux, dans l'intérêt de l'entreprise et des salariés.

SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DE FONDS

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 322, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, je suis bien obligée de constater que, une fois de plus, le ministre concerné par la question n'a pas daigné venir me répondre. De façon plus générale, il me semble que les séances de questions orales perdent de leur intérêt dans de telles conditions. Je vous demande donc, monsieur le président, d'intervenir une nouvelle fois auprès du Gouvernement pour que le mardi matin soit considéré, dans l'emploi du temps des ministres, comme un moment important et privilégié de rencontre avec le Sénat. Cela étant, je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, que vous exprimerez clairement la position du Gouvernement, qui sera rendue publique à la suite de la présente interpellation. Cela est vraiment nécessaire s'agissant du problème que je vais soulever.

L'activité des bandes armées attaquant les convoyeurs de fonds, loin de s'estomper, s'accentue, et les atermoiements du Gouvernement et du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales encouragent l'agressivité, la détermination, le cynisme et la cruauté de ceux qui n'hésitent pas à tuer et à plonger des familles dans la douleur pour satisfaire leur cupidité.

Je dis bien « atermoiements », et je ne prendrai que deux exemples à cet égard.

En premier lieu, le Parlement avait fixé au 31 décembre 2002 la date limite de mise en conformité des lieux de sortie ou d'accueil des fonds, monnaies et valeurs. C'était une très bonne mesure, mais cette date limite a été repoussée au 31 décembre 2003 et, bien entendu, banques et grandes surfaces multiplient les demandes de dérogation. Nombre de municipalités se montrent en outre inattentives à une situation laxiste qui perdure, avec toutes les conséquences que cela entraîne en termes d'insécurité généralisée.

Je me demande pourquoi M. le ministre de l'intérieur s'obstine à refuser que la mise en conformité fasse l'objet d'autorisation pour tout permis de construire. Pour les locaux à construire, le dépôt d'un permis de construire doit être exigé ; pour les locaux existants non conformes, le dépôt d'un permis de construire modificatif doit également l'être. Tant que la notion d'obligation ne sera pas substituée à celle d'incitation ou de recommandation, nous ne progresserons plus. Pourtant, chacun le sait, les donneurs d'ordre ont de l'argent. Ils peuvent financer les travaux nécessaires. Je crois donc qu'il faut les contraindre, au lieu de continuer à naviguer entre date limite à revoir, octroi de dérogations et retards dans l'application de la loi !

En second lieu, on retrouve la même valse-hésitation concernant le transport de fonds. Un décret du 28 avril 2000 pouvait marquer un progrès, même si nous étions encore loin de l'obligation de convoyage par trois convoyeurs armés dans des fourgons revus, avec des blindages renforcés, solution reconnue par tous comme garantissant une sécurité réelle. Le décret du 28 avril 2000 a-t-il vécu ? M. le ministre de l'intérieur a décidé de le réécrire. Aussitôt, des sociétés de transport, telles que Valiance, Group 4, Falk, Prosegur, Securitas ou Valtis, ont affirmé leur volonté de voir se généraliser l'utilisation du véhicule banalisé, avec celle du système de maculation des billets, pompeusement appelé « nouvelle technologie ».

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous estimons que le transport de fonds par véhicule banalisé est dangereux. En France, pour les huit premiers mois de l'année, on dénombre près de quarante agressions de tels véhicules. Est-ce le modèle européen que le Gouvernement chercherait à nous imposer ? Un bilan est alors nécessaire : l'on relève 800 agressions en moyenne par année en Grande-Bretagne, et l'anarchie la plus complète règne en Allemagne, avec cent vingt sociétés de transport de fonds.

Le 1er octobre dernier, le directeur de cabinet de M. Sarkozy a précisé, à l'occasion de la réception d'une délégation syndicale, que le ministre de l'intérieur, devant la protestation de la profession, abandonnait le projet de remise en cause du décret du 28 avril 2000 dans la forme présentée. Un nouveau décret devrait être publié, avec application immédiate. Pouvez-vous nous en donner confirmation, monsieur le secrétaire d'Etat ?

Je propose, dans ce cadre, de retenir la solution reconnue par tous comme étant la plus efficace, à l'exclusion de toute autre : le transfert par fourgon blindé, avec au moins trois convoyeurs armés. Il faut interdire tout transport par véhicule banalisé. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaffirmer ici l'engagement pris par M. le ministre. Les mesures nécessaires devront être mises en place sans délai ni report ni nouveaux atermoiements. Pour desservir les 70 000 points de distribution de fonds, nous devons tendre vers le risque zéro, ce que seule la solution évoquée permettra.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est attendue par une profession inquiète et très en colère.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Madame la sénatrice, la question est sérieuse : il s'agit de la sécurité de 8 000 convoyeurs de fonds, qui accomplissent un travail difficile avec courage et qui méritent notre respect, notre attention et notre soutien. La mort ne fait pas partie des « risques du métier ».

Aussi, le ministre de l'intérieur a prêté une grande attention aux inquiétudes manifestées par les organisations syndicales des transporteurs de fonds quand il s'est agi de déterminer la place à faire, dans la réglementation de la sécurité des transports de fonds, aux dispositifs dits « intelligents ».

Sur le fond, le ministre s'était fixé deux objectifs. Il s'agit, en premier lieu, de donner leur juste place dans la réglementation aux dispositifs alternatifs. Jusqu'à présent, selon le texte actuellement en vigueur, ils ne pouvaient être utilisés qu'« à titre exceptionnel ». Il s'agit, en second lieu, de respecter l'impératif de sécurité. C'est la vocation première du ministère de l'intérieur ; c'est aussi la revendication des transporteurs de fonds.

Concrètement, madame la sénatrice, le ministre de l'intérieur a réuni le 10 octobre dernier l'ensemble des acteurs de la filière pour leur présenter les projets de nouveaux décrets. Un accord est intervenu sur des règles claires.

Premièrement, en matière d'aménagement des locaux, les donneurs d'ordre - les banques et les commerces - ne bénéficieront d'aucun délai supplémentaire pour effectuer les travaux de sécurité aux lieux de livraison des billets. Deuxièmement, sera maintenue l'obligation de recours aux véhicules blindés pour le transport de la monnaie divisionnaire. Troisièmement, un équipage à deux hommes pour les véhicules banalisés sera obligatoire.

L'accueil favorable fait à ces propositions montre, à l'évidence, qu'il s'agit d'un ensemble équilibré, qui satisfait tous les acteurs concernés. Alors que, voilà quelques semaines encore, planaient des menaces de grève, il n'y aura pas de conflit social avec les convoyeurs de fonds. Nous pouvons d'ailleurs saluer les efforts des uns et des autres pour parvenir à cet accord.

Les textes correspondants seront publiés avant la fin du mois de novembre et le dialogue se poursuivra pour assurer le suivi de leur mise en oeuvre avec, pour préoccupation prioritaire de la part du ministère de l'intérieur, le souci de la sécurité, qu'il s'agisse des transporteurs de fonds, des donneurs d'ordre ou du public.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est décevante.

D'abord, vous confirmez la possibilité d'utilisation de voitures banalisées. M. le ministre de l'intérieur a justifié leur emploi par le fait qu'elles seraient moins meurtrières en cas d'agression. Il est évident que lorsqu'on laisse attaquer un conducteur non armé, donc sans défense, les morts sont moins nombreux. Or, le problème, c'est de ne pas laisser faire, car les attaques s'amplifient, et je vous ai donné les chiffres. Au point où on en est aujourd'hui, il me paraît nécessaire de résister avec des armes.

Par ailleurs, vous confirmez l'utilisation des colorants violets dans les conteneurs Axytrans, ce que l'on appelle les nouvelles technologies ou le modèle « intelligent ». Je confirme l'aspect dérisoire d'un tel procédé, mais j'affirme son côté dangereux. En effet, comme le disent certains chercheurs et médecins, l'exposition aux produits utilisant le colorant AX 123-348910T violet peut avoir des effets néfastes pour la santé des personnels, notamment sur le système respiratoire, le foie, les reins et le système nerveux central.

En revanche, vous ne réaffirmez pas avec force l'utilisation de véhicules blindés avec des convoyeurs armés, et c'est ce qui me semble le plus grave.

POLITIQUE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT

DES BIOCARBURANTS

M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly, auteur de la question n° 325, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Fernand Demilly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question s'adresse effectivement à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, qui a tenu à s'excuser auprès de moi de ne pouvoir être présent, et je comprends parfaitement ses obligations de ce matin.

La question concerne les biocarburants et plus particulièrement l'éthanol, qui s'inscrit naturellement dans le débat national sur les énergies, compte tenu de son impact potentiel sur notre indépendance énergétique et sur la limitation de l'effet de serre. C'est aussi, bien sûr, un débouché important pour notre agriculture.

Deux directives européennes ont offert un cadre juridique adapté : l'une sur la promotion des biocarburants, l'autre autorisant les Etats membres à détaxer les bio-carburants.

En France, au printemps dernier, les ministères concernés - agriculture, finances, industrie, environnement - marquaient leur intérêt pour cette politique de développement des biocarburants. Cependant, il semble que des considérations budgétaires bloquent actuellement cedossier.

Pouvez-vous faire le point et nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, depuis plus de dix ans, notre pays s'est résolument engagé dans une politique volontariste de développement des biocarburants. Ce soutien s'est principalement concrétisé par la mise en place d'un cadre fiscal, puis par la création du groupement d'intérêt scientifique AGRICE, agriculture pour la chimie et l'énergie, destiné à soutenir la recherche et le développement.

Les filières de production de biocarburants constituent donc désormais une réalité dans notre pays, et votre département, la Somme, en est le témoignage.

Pour cette même année, les biocarburants ont bénéficié d'une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, pour un montant global de près de 180 millions d'euros.

Comme vous l'avez rappelé, l'adoption récente de la directive visant à la promotion des biocarburants dans les transports routiers ainsi que l'adoption prochaine de la directive créant un cadre fiscal harmonisé en faveur des carburants verts ouvrent enfin la voie effective d'un développement, que le Gouvernement veut bien sûr soutenir.

Dans cette perspective, mon collègue M. Hervé Gaymard a demandé qu'une mission soit conduite par le comité permanent du corps d'inspection afin de poursuivre le travail engagé sur la mise en place d'un cadre fiscal adapté et évolutif prenant en compte la réalité et les perspectives de gains de productivité que l'on peut normalement attendre d'une industrie moderne et performante.

Soyez-en assuré, monsieur le sénateur, mon collègue M. Hervé Gaymard fera tout son possible pour que, sur le plan interministériel, à Paris comme à Bruxelles, soient enfin prises les mesures tendant à renforcer les filières des biocarburants.

M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly.

M. Fernand Demilly. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse. Elle rassurera sans doute le monde agricole, qui constate que le dossier des biocarburants n'avance pas, alors même que pendant ce temps, en Europe, la Suède et l'Espagne s'apprêtent à doubler leur production et leur consommation, sans parler du Brésil et des Etats-Unis, dont les taux de progression de leur production sont à deux chiffres.

Les objectifs de la directive européenne de mai 2003 concernant les surfaces de betteraves et de blé peuvent tout à fait être atteints en France. Une analyse récente comparant la filière essence et la filière éthanol de betteraves a montré que la production d'éthanol crée plus de richesse pour l'Etat et pour la société.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir affirmé la volonté du Gouvernement de poursuivre l'étude de ces biocarburants, en particulier de l'éthanol.

RÉGIME SOCIAL DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, auteur de la question n° 331, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par ordonnances « offre » - et je mets à dessein ce mot entre guillemets - aux travailleurs indépendants le libre choix de l'interlocuteur pour l'ensemble des formalités et paiements des cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables.

Si je tiens aux guillemets, c'est parce que cette disposition, présentée comme une mesure de simplification, avait été introduite par l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi sur l'initiative économique, mais supprimée par le Sénat tant elle avait suscité d'oppositions.

Les organismes sociaux, comme les organisations professionnelles, ne veulent pas de cette mesure telle qu'elle figure dans la loi. D'abord, ils dénoncent une mise en concurrence des régimes sociaux, contraire à l'esprit du service public. Ensuite, ils dénoncent la complexité, puisqu'il y aurait une démultiplication des interlocuteurs habilités à percevoir l'ensemble des contributions. Enfin, ils dénoncent le danger pour l'emploi dans l'ensemble des régimes.

Les présidents des organismes sociaux - la CANAM, caisse nationale d'assurance maladie, la CANCAVA, caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse obligatoire, et l'ORGANIC, organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce - ont donc travaillé ensemble et ont élaboré un régime social unique pour les travailleurs indépendants, le RSI. Ce régime social unique regrouperait les organismes ayant en charge la protection maladie, la vieillesse et l'invalidité des travailleurs indépendants.

Quant au recouvrement des cotisations et des contributions sociales obligatoires des travailleurs indépendants, les URSSAF sont, à l'évidence, les mieux à même de l'effectuer pour le compte du RSI et sous sa responsabilité.

Il est essentiel, si un tel projet voyait le jour, de rassurer les personnels des URSSAF, qui avaient fait connaître dès la discussion du projet de loi relatif à l'initiative économique leurs plus vives inquiétudes quant à leur avenir, d'autant que les organisations professionnelles posent comme postulat à ce projet de réforme l'absence de licenciement dans les URSSAF. En effet, si les comptes des travailleurs indépendants étaient retirés, cela représenterait une diminution de près de 30 % des comptes à gérer.

Comme M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité le sait, ce projet de réforme est très avancé. M. Fillon a reçu, la semaine dernière, les présidents des organismes sociaux lors d'une table ronde. Je souhaiterais connaître les orientations qu'il préconise pour ce projet.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, je me permets d'observer tout d'abord que le sujet de votre question orale est particulièrement en phase avec l'actualité.

Comme vous le savez déjà, le Gouvernement est très favorable à la création d'un régime social des indépendants, le RSI, résultant de la fusion des trois régimes vieillesse et maladie des travailleurs indépendants que sont la CANAM, la CANCAVA et l'ORGANIC. Pour cette raison, les élections des conseils d'administration des caisses nationales et locales des régimes AVA et ORGANIC ont été reportées à la fin 2004.

Mais, jusqu'à présent, les caisses nationales concernées n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un schéma commun. La difficulté tient à la question du recouvrement des cotisations et des contributions sociales. La loi d'habilitation du 2 juillet 2003 a prévu un « interlocuteur social unique de libre choix ».

Le 22 octobre dernier, MM. François Fillon, Jean-François Mattei et Renaud Dutreil ont réuni l'ensemble des acteurs de la protection sociale des travailleurs indépendants. Au cours de cette réunion, les dirigeants des régimes ont reconnu leurs difficultés à trouver un terrain d'entente.

Pour leur part, les ministres ont rappelé que la création du régime social des indépendants devait nécessairement s'articuler avec l'objectif de simplification du recouvrement, conformément à la volonté exprimée par le législateur. Ils ont demandé aux présidents des caisses nationales CANCAVA, ORGANIC et CANAM de leur soumettre, avant la fin de cette année, un schéma commun pour la composition et les modalités d'élections d'un conseil d'administration d'une instance nationale commune aux trois régimes. Un inspecteur général des finances et un inspecteur général des affaires sociales sont à leur disposition pour les aider à formaliser leur projet.

Le Gouvernement est décidé à proposer prochainement au Parlement les dispositions législatives nécessaires à l'élection, à la fin 2004, du conseil d'administration de l'instance nationale unique du RSI.

S'agissant des dispositions de l'ordonnance prévue par la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 sur l'interlocuteur social unique de recouvrement au choix de l'assuré, le texte sera soumis prochainement aux conseils d'administration des caisses nationales et au Conseil d'Etat.

Toutefois, le Gouvernement accepte de surseoir à la publication des articles de l'ordonnance jusqu'au 1er janvier 2004. Les organismes nationaux concernés ont donc jusqu'à cette date pour se mettre d'accord sur des propositions communes d'organisation du RSI, intégrant l'interlocuteur social unique. Si leurs propositions s'avéraient incompatibles avec le « libre choix » prévu par la loi d'habilitation, le Gouvernement s'engage à en tenir compte.

Faute de proposition convaincante des acteurs de la protection sociale des travailleurs indépendants à la date fixée, le Gouvernement publiera les dispositions de l'ordonnance.

Le Gouvernement est attentif à ce que le dispositif final soit élaboré dans l'intérêt des travailleurs indépendants. En tout état de cause, il veillera à ce que sa mise en oeuvre soit progressive, afin de répondre au souci exprimé par l'ensemble des personnels concernés.

Au nom du Gouvernement, j'entends, à cet égard, rassurer ces personnels. Quelles que soient les décisions prises, les réseaux ne seront pas touchés dans l'immédiat ; leur réorganisation sera ensuite adaptée au rythme des départs naturels. Le dialogue social ainsi qu'une information régulière des personnels devront être assurés tant à l'échelon national qu'à l'échelon local.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'information dont je souhaitais vous faire part.

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'Etat. Je souhaitais en fait connaître la position du Gouvernement et l'état du dossier, notamment après la concertation qui a eu lieu avec les présidents de la CANAM, de la CANCAVA et de l'ORGANIC. J'espère que ces organismes trouveront un terrain d'entente. En effet, cela va dans le sens de la simplification, et c'est l'intérêt même des travailleurs indépendants.

COÛT DE LA MAIN-D'OEUVRE ET COMPÉTITIVITÉ

DES ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, auteur de la question n° 330, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question, qui s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, porte sur la situation très préoccupante des emplois liés à une activité de production.

L'emploi industriel a baissé de 4,4 % depuis 2001, et, pour la seule industrie manufacturière, le mouvement est encore plus marqué puisqu'on estime à plus de 175 000 le nombre d'emplois supprimés dans ce secteur au cours des deux dernières années.

Des dispositifs spécifiques, centrés sur les bas salaires, ont été progressivement mis en place, afin de réduire le coût du travail salarié. Le nouvel allégement des cotisations sociales, résultant de la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, en constitue la dernière étape. Toutefois, ce nouveau dispositif ne compense pas les effets de l'augmentation du SMIC et des GMR, les garanties de rémunération mensuelle, souhaitée dans le cadre de la convergence des SMIC.

Dans mon département, le Maine-et-Loire, la quasi-totalité des entreprises manufacturières ont près de 100 % de leur effectif directement ou indirectement concerné par la hausse du SMIC et des GMR. L'augmentation du coût du travail, déduction faite du nouvel allégement, y est de l'ordre de 22 %. L'effet cumulé de la situation économique et la perspective de hausses identiques au 1er juillet 2004 et au 1er juillet 2005, liées aux rattrapages successifs des SMIC, risquent de compromettre gravement la pérennité de ces entreprises.

Aussi, dans un souci d'une meilleure prise en compte des spécificités de cette catégorie de salariés relevant de l'industrie manufacturière, ne faut-il pas aujourd'hui explorer d'autres voies d'allégement social, plus propices au maintien de l'activité de ces entreprises ?

En conséquence, et au regard d'un contexte de compétition internationale difficile, quel signe fort le Gouvernement peut-il donner aux industriels pour les conforter aujourd'hui dans leurs efforts et pour les encourager à rester compétitifs ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'excuser M. François Fillon, qui est retenu par d'autres obligations. Je vais m'efforcer, en son nom, de répondre à vos préoccupations.

Monsieur le sénateur, d'après les éléments dont nous disposons, un mouvement de reprise s'amorce. Les carnets de commandes des industriels, notamment en provenance de l'étranger, commencent à se regarnir. L'INSEE a par ailleurs confirmé récemment la réaccélération de nos exportations de biens industriels à partir du quatrième trimestre, avec la reprise du commerce international initiée par le rebond de la croissance aux Etats-Unis et son rétablissement au Japon. Un mouvement identique commence à poindre en Allemagne. Vous constatez donc avec nous que la reprise industrielle est en ordre de marche.

L'assouplissement des 35 heures et les nouvelles baisses de charges instaurés par la loi de janvier 2003 vont permettre à nos entreprises industrielles de profiter pleinement de ce redémarrage de la croissance.

S'agissant plus précisément de l'évolution à venir du coût du travail, le Gouvernement a mis en place un programme ambitieux de baisse de charges qui représentera près de 7 milliards d'euros par an à l'horizon 2005. C'est un effort financier très important. Ces nouveaux allégements permettront notamment d'accompagner le relèvement des rémunérations minimales programmé dans le cadre de la remise en ordre des SMIC.

Alors que la hausse moyenne des minima salariaux atteindra 6,5 % en pouvoir d'achat sur trois ans, la hausse du coût réel du travail sera limitée, grâce aux allégements de charges, à 2,7 % seulement.

Cette progression, qui ne représente que 0,9 % par an en moyenne, est relativement modeste. En étant inférieure aux gains habituels de la productivité du travail dans les secteurs industriels, cette évolution du coût salarial est donc parfaitement compatible avec le développement de l'emploi.

Plus précisément, pour les entreprises restées à 39 heures, c'est-à-dire près de 90 % des entreprises, les baisses de charges mises en place depuis le 1er juillet 2003 vont compenser près des deux tiers de la hausse du SMIC horaire.

Ainsi, le coût réel du SMIC-39 heures va progresser chaque année en moyenne de 1,3 %. Or, je me dois de le rappeler, au cours des cinq dernières années, entre 1997 et 2002, le coût du travail avait augmenté chaque année de plus de 2 % dans les entreprises restées à 39 heures. Cette dynamique, provoquée indirectement par la législation sur les 35 heures, a pesé lourdement sur les comptes d'exploitation des entreprises et, bien sûr, sur l'emploi. Nous en constatons, hélas ! les effets.

Au niveau des salaires bas et modestes, le dispositif mis en place par le Gouvernement va se traduire par une baisse du coût du travail qui pourra aller jusqu'à 5 %. Les entreprises de main-d'oeuvre, notamment celles des industries traditionnelles, profiteront donc pleinement de cette baisse du coût du travail.

Comme l'expérience des allégements mis en place à partir de 1993 l'a démontré de façon incontestable, les baisses de charges ciblées sur les bas salaires contribuent significativement à créer des emplois. C'est pourquoi nous les amplifions.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'information dont je souhaitais vous faire part.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Je suis bien conscient des efforts consentis par le Gouvernement en ce domaine et, comme vous, j'appelle de tous mes voeux la confirmation de la reprise économique.

Je veux cependant attirer à nouveau l'attention du Gouvernement sur le cas spécifique des emplois à la production, notamment dans les activités manufacturières, car le coût du reclassement de ces salariés est très élevé.

Il y a certainement des voies à explorer, mais vous avez à nouveau confirmé l'intérêt que porte le Gouvernement à ce sujet, ce dont je vous remercie.

HÉBERGEMENT D'URGENCE DES ÉTRANGERS

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 335 rectifiée, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question s'adressait à M. Fillon, mais M. Falco, compte tenu de ses compétences, de sa qualité de secrétaire d'Etat et d'ancien président de conseil général, est tout à fait apte à y répondre puisqu'elle traite d'une difficulté qu'il a certainement rencontrée dans son département.

Ma question concerne, en effet, la difficulté d'accueillir en urgence des personnes isolées d'origine étrangère, qu'elles soient ou non demandeuses d'asile.

De janvier 2003 à octobre 2003, ce sont 400 demandes d'asile et d'autorisations provisoires de séjour qui ont été déposées en Haute-Vienne. Ce chiffre n'a pas de sens en lui-même, mais il est intéressant à titre de comparaison : il traduit en effet un accroissement de 70 % par rapport à l'année 2002, qui, elle-même, marquait une progression par rapport à l'année antérieure.

Je voudrais attirer l'attention de M. le ministre et, à travers lui, celle du Gouvernement sur les conséquences que cela entraîne pour les services du conseil général dans un domaine où ils n'ont théoriquement pas de compétences, sinon celle - majeure - d'accueillir en urgence les familles avec enfants.

Le Gouvernement n'agit pas suffisamment, me semble-t-il, sur les flux : peut-être ne le peut-il pas, mais ce n'est pas cela le plus important. L'important, pour nous, dans la zone d'accueil, c'est de disposer des moyens adaptés pour accueillir, dans des conditions de dignité et d'humanité satisfaisantes, les personnes qui arrivent, sans que cela nuise aux résidents habituels du département. Or c'est de plus en plus difficile.

Ce qui est en cause, c'est l'accueil d'urgence, car le département est obligé de pallier les déficiences de l'Etat, qui sont anciennes, mais ne cessent de s'aggraver.

Les services du département de la Haute-Vienne sont de plus en plus confrontés à ce problème. Malgré tout leur professionnalisme, les personnels, auxquels je rends hommage parce qu'ils travaillent avec une grande efficacité et une grande dignité citoyenne au regard de la consommation des crédits, ont une tâche extrêmement difficile. Cette dernière est même, dans certains cas, impossible, par exemple lorsque les moyens budgétaires affectés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont insuffisants, sans rapport avec les besoins existants, voire quasiment suspendus, comme ce fut le cas pendant une période pour les accueils de jour.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous puissiez m'informer sur les modalités substitutives que vous comptez mettre en oeuvre afin que ces personnes en situation de détresse ne soient pas les victimes d'une politique dans laquelle l'Etat ne joue plus vraiment son rôle de garant de la solidarité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, le flux de la demande d'asile conventionnelle dans le département de la Haute-Vienne, qui représente environ 0,8 % de la demande nationale, a augmenté de manière significative en 2002 au regard des années antérieures, comme vous l'avez souligné.

Cette évolution a conduit les autorités de l'Etat à accroître les capacités d'accueil d'hébergement spécifique à l'intention des demandeurs d'asile ainsi que le montant des crédits destinés à l'hébergement d'urgence de ceux qui ne pourraient pas être accueillis en centre d'accueil pour demandeurs d'asile, ou CADA.

C'est ainsi qu'au 1er janvier 2002, monsieur le sénateur, la capacité d'accueil en CADA de la Haute-Vienne était de 99 places, et les départements limitrophes de la Corrèze et de la Creuse en étaient dépourvus.

Aujourd'hui, la Haute-Vienne dispose d'une capacité de 159 places réparties en deux centres d'accueil pour demandeurs d'asile, et les deux autres départements de la région apportent leur concours à hauteur de 30 nouvelles places, soit un total régional de 189 places, ce qui représente un quasi-doublement en un an.

Par ailleurs, le montant des crédits alloués au département de la Haute-Vienne pour faire face à l'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, qui s'élevait à 160 000 euros en 2002, a plus que doublé en 2003 pour atteindre 374 544 euros. Ce dernier montant correspond à la demande exprimée par le préfet du département de la Haute-Vienne.

S'agissant du dispositif généraliste d'hébergement d'urgence et d'insertion, des moyens supplémentaires ont été dégagés pour permettre aux structures d'hébergement d'accroître le nombre de places offertes aux personnes à la rue et faire face aux besoins, notamment en période de grand froid, comme c'est le cas actuellement.

Une délégation supplémentaire de crédits d'un montant de 167 120 euros vient d'être attribuée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, de la Haute-Vienne, représentant un accroissement de 20 % de la dotation annuelle consacrée à cet objet.

La dotation du centre d'hébergement et de réinsertion sociale, ou CHRS, a également connu un abondement exceptionnel d'un montant de 147 745 euros.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments dont je souhaitais vous faire part au sujet de vos préoccupations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour ces paroles apaisantes qui, malgré tout, ne m'ont pas totalement convaincu.

En effet, sauf informations nouvelles que vous pourriez me transmettre, j'ai entre les mains une note de mes services en date du 27 octobre qui n'est pas aussi optimiste que vos propos.

L'augmentation des places en CADA est indiscutable. L'ennui c'est que le CADA accueille mais n'héberge pas. En réalité, plus on augmente les places en CADA, plus on augmente les besoins de financement des CHRS, qui sont vraiment des centres d'hébergement.

Même si la situation s'est améliorée au cours de l'année, puisqu'au mois de juin on notait une quasi-suspension des crédits, je voudrais être sûr - et vous pourrez me répondre par écrit sur ce point - que l'augmentation des crédits n'est pas prise en partie sur l'enveloppe des crédits affectés à la lutte contre les exclusions, donc au détriment de l'action en ce domaine.

A propos du dispositif hivernal, je vous indique que, pour une petite structure dont j'ai examiné la situation, actuellement, sur seize places, quatorze sont occupées par des résidents étrangers. Or nous avons « nos pauvres habituels », oserais-je dire, et il est certain que nous nous préparons des jours difficiles pour la période qui s'ouvre.

DIFFICULTÉS DES ORGANISMES DE CONSTRUCTION

ET DE RÉHABILITATION DE LOGEMENTS SOCIAUX

M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 301, adressée à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

M. André Rouvière. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mais M. Borloo m'a fait savoir qu'il ne pouvait pas être présent au Sénat aujourd'hui. Si je l'admets, je ne peux m'empêcher de le regretter, car le problème de la construction et de la rénovation des logements sociaux est d'une tragique actualité.

La demande pour ce type de logements dépasse largement l'offre. Autrement dit, il n'y a pas assez de logements sociaux, notamment de qualité.

Les causes de cette situation sont multiples. Mais je souhaite plus particulièrement vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'aspect financier des opérations de construction et de réhabilitation lourdes.

Dans le département du Gard en particulier, mais aussi sur l'ensemble de l'Hexagone, on observe que les prix plafonds, c'est-à-dire les prix qui permettent d'équilibrer une opération et de la réaliser, ne correspondent plus à la réalité du marché.

De ce fait, nous nous heurtons fréquemment, pour ne pas dire presque toujours, à la difficulté de conclure les appels d'offres, soit parce que les propositions dépassent les prix plafonds, soit parce qu'il n'y a pas de candidats, cette situation ayant tendance à se généraliser.

Ainsi, dans la commune du Vigan, située dans mon département, le Gard, pour une opération de logements neufs, la société d'économie mixte que je préside en est à sa troisième consultation sans être certaine de conclure.

Nous constatons également que les entreprises qui participent aux marchés, et qui les obtiennent parfois, emploient souvent un personnel non qualifié afin d'être compétitives. De ce fait, la qualité du travail n'est pas satisfaisante et les délais de réalisation ne sont généralement pas respectés. Des retards de dix à onze mois, voire davantage, sont courants.

Nous pouvons certes appliquer les pénalités prévues par les dispositions relatives aux marchés publics, mais cela souligne un autre problème. Cela risque en effet de fragiliser encore plus les entreprises au point de provoquer leur disparition et leur dépôt de bilan avant la fin du chantier, ce qui ne peut qu'aggraver la difficulté pour les uns et les autres.

J'ai pu noter que les entreprises compétentes et solides se détournent des opérations concernant les logements sociaux et préfèrent s'orienter vers d'autres secteurs pratiquant des prix en accord avec le marché concurrentiel.

Cette situation, qui est généralisée, est préoccupante. Nous ne pouvons pas répondre aux demandes qualitatives et quantitatives de logements sociaux. La situation financière des sociétés d'économie mixte, des offices et des sociétés d'HLM qui préparent des opérations sans parvenir, dans certains cas, à les réaliser est fragilisée.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures entend prendre le Gouvernement face à cette situation tragique ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue et ami Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, qui n'a malheureusement pas pu être présent au Sénat aujourd'hui pour vous répondre. Croyez bien qu'il le regrette. Il est d'ailleurs actuellement sur le terrain pour régler un problème de logements sociaux.

Je me permets de vous rappeler, monsieur le sénateur, qu'il n'existe plus de prix plafonds dans la réglementation du financement du logement locatif social.

Il appartient à chaque organisme constructeur de déterminer quels coûts il peut accepter pour ses réalisations, en tenant compte des financements dont il dispose, des fonds propres qu'il peut mobiliser et de l'équilibre d'exploitation prévisionnel de chaque opération.

Cette liberté réglementaire n'empêche pas que des organismes puissent effectivement rencontrer des difficultés dans leurs appels d'offres en raison, notamment, de l'augmentation des coûts de construction.

La baisse du livret A ainsi que la prolongation sur l'année 2004 de dispositions financières favorables pour les organismes qui font un effort de relance de leur production, sous la forme de majorations de subventions et de prêts à taux privilégiés du 1 % logement doivent permettre aux organismes d'HLM et aux sociétés d'économie mixte de surmonter leurs difficultés et de réaliser en 2004, avec l'apport de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'objectif de 80 000 logements annoncé par le Gouvernement.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je tenais à vous communiquer, au nom de mon collègue Jean-Louis Borloo.

M. le président. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de la réponse que vous venez de m'apporter, même si, vous l'avez compris, elle ne me satisfait pas.

Il est vrai que, si les prix plafonds n'existent plus dans les textes, malheureusement, ils existent encore sur le terrain, car, pour réaliser une opération, encore faut-il qu'elle soit équilibrée,...

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Eh oui !

M. André Rouvière. ... et on ne peut l'équilibrer que s'il y a des aides.

Par conséquent, ce que j'aurais souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que vous abordiez d'une manière réaliste ce problème.

Pour résoudre la situation que j'ai décrite, il n'y a, à mon sens, que deux solutions.

Première solution : l'Etat augmente ses aides, soit sous la forme de primes accordées pour de tels logements, soit sous la forme de baisse du taux des emprunts et de l'allongement de la durée de remboursement.

Deuxième solution : le recours aux aides des collectivités locales. C'est la solution qui prévaut actuellement. Mais, à mon avis, elle va à l'encontre de l'aménagement du territoire en ce qui concerne la répartition des logements sociaux. En effet, pour qu'une commune réalise sur son territoire des logements sociaux, il faut vraiment qu'elle le veuille, ce qui signifie qu'elle apporte sa contribution, par exemple en fournissant le terrain ou le bâtiment à rénover, en prenant en charge les voies et réseaux divers, etc.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais souhaité que M. Borloo, qui connaît bien ces problèmes, puisse annoncer une augmentation des aides de l'Etat, seule réponse possible à cette situation. Je comprends bien que la décision ne dépend pas de vous.

AVENIR DE LA CONSTRUCTION NAVALE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, auteur de la question n° 334, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai souhaité attirer l'attention sur un dossier qui nous tient particulièrement à coeur dans la région des Pays de la Loire, mais qui, je le sais, est également une préoccupation à l'échelon national, je veux parler de l'avenird'Alstom Marine et, plus généralement. de la construction navale française.

Par un curieux parodoxe, en moins d'un mois, l'avenir préoccupant du groupe Alstom a mobilisé l'actualité française et européenne, tandis que l'opinion publique avait tout le loisir de contempler l'une des plus brillantes réalisations des Chantiers de l'Atlantique à l'occasion des essais à la mer du Queen Mary II.

Même si Alstom Marine ne représente que 5 % de l'ensemble du groupe Alstom, les Chantiers navals de Saint-Nazaire, qui sont les derniers chantiers navals français actifs, constituent une activité économique vitale pour toute la basse Loire. Ils représentent en effet 4 700 emplois directs et 10 000 à 13 000 emplois avec les sous-traitants, et cela dans une région caractérisée par une faible diversité industrielle.

La construction navale française a fortement ressenti les effets de la suppression en 1977, par le précédent gouvernement, des dispositions législatives sur les quirats, dispositions consistant à concéder des avantages fiscaux aux armateurs qui choisissaient de faire construire leurs navires en France. Depuis, aucun mécanisme incitatif n'a été mis en place.

Pour l'ensemble de ces motifs, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous apportiez des éléments de réponse au Parlement sur les deux questions suivantes.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour éviter que nos armateurs, voire nos entreprises publiques, aillent faire construire leurs bateaux en Asie, et plus particulièrement en Corée, pays qui a paradoxalement bénéficié d'aides importantes de la part de l'Europe ?

Le rapprochement des chantiers civils avec la construction navale militaire apparaissant à beaucoup comme une solution permettant de remédier au comportement erratique de la construction navale marchande, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour faciliter le rapprochement des Chantiers de l'Atlantique avec la direction de la construction navale et le groupe Amaris, né récemment du rapprochement de la DCN avec Thales ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame Gautier, je vais vous répondre au nom de M. Francis Mer, qui ne pouvait être présent aujourd'hui et qui vous prie de bien vouloir l'excuser.

Depuis quelques années, comme vous le soulignez fort justement, la construction navale traverse une période délicate.

Plus largement, c'est de l'ensemble de ce secteur en Europe qu'il faudrait parler, dans la mesure où la situation est identique chez nos voisins.

La compétence de nos entreprises, leur savoir-faire ne sont, bien évidemment, pas en cause. Depuis les attentats du 11 septembre, dans un contexte conjoncturel globalement dégradé, c'est l'ensemble du marché mondial qui est atone, dans un secteur où, comme vous le savez, la monnaie de référence reste le dollar.

De nombreux pays pratiquent depuis longtemps ce que l'on peut appeler un dumping commercial agressif, préjudiciable aux industries européennes.

L'équipe précédente qui, malheureusement, ne croyait pas au dumping de la Corée du Sud, pourtant évident, s'est systématiquement opposée à l'adoption par Bruxelles de mécanismes d'aide temporaire. Que de temps perdu pour nos entreprises et pour nos salariés !

Dès juin 2002, le Gouvernement, prenant immédiatement la mesure du problème, a poussé le Conseil européen à sortir de l'indécision et à adopter une stratégie offensive autour de trois instruments : le mécanisme d'aide temporaire, le dépôt d'une plainte à l'OMC contre la Corée et la relance des négociations multilatérales avec l'ensemble des principaux producteurs.

Depuis, notre action résolue a conduit la Commission à engager la phase contentieuse devant l'OMC à l'encontre des pratiques coréennes, crédibilisant ainsi la politique commerciale de l'Union européenne, et à étendre l'application du mécanisme d'aide temporaire au segment des méthaniers, pour lequel les Chantiers de l'Atlantique ont développé des compétences reconnues. Nous allons proposer à nos partenaires et à la Commission que ce mécanisme d'aide soit maintenu tant que le contentieux avec la Corée n'aura pas trouvé une issue satisfaisante pour la construction navale européenne.

Au-delà, nous appuyons la démarche LeaderSHIP 2015 grâce à laquelle la Commission vise à créer les conditions d'une meilleure compétitivité de ce secteur dans un contexte global.

Une étape importante est la révision de l'actuel règlement d'encadrement des aides à la construction navale, qui vient, vous le savez, à échéance à la fin de 2003.

Nous avons demandé à la Commission de mieux tenir compte des spécificités de ce secteur, notamment en termes d'innovation ou de risques technologiques et industriels, pour permettre à cette industrie de bénéficier d'un soutien équivalent à celui des autres secteurs industriels.

Avec ces éléments, nous sommes confiants dans la capacité des Chantiers de l'Atlantique et, plus largement, de l'ensemble de la construction navale française, à pouvoir à nouveau remplir son carnet de commandes. Elle possède aujourd'hui un vrai leadership technologique et une présence mondiale, notamment sur le segment des paquebots de croisière, mais aussi sur les méthaniers. Son savoir-faire est reconnu en matière d'ingénierie des processus de fabrication, notamment quant aux bateaux de grande taille. Il lui appartient de valoriser ces qualités au travers de partenariats ou de coopérations industriels.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je dois dire que vos réponses ne me satisfont que partiellement. Ainsi, je suis navrée que vous n'ayez pas répondu à ma question essentielle, qui portait sur la pérennité des chantiers.

La situation actuelle est complexe. Or tout se passe au cours de discussions feutrées, dont les médias ne donnent que peu d'échos.

Ce qui est certain, c'est que le président-directeur général d'Alstom a pris position et n'envisage pas de conserver Alstom Marine. C'est cela qui est important. Certes, j'ai pris note de l'action qui a été menée à propos de la Corée. Mais, en l'espèce, c'est le devenir des chantiers navals de Saint-Nazaire qui est en jeu.

Les analystes financiers appuient la position de la direction d'Alstom et font pression dans ce sens. Or, si les résultats financiers d'Alstom Marine sont au niveau du rapport de la Caisse d'Epargne, les résultats d'exploitation par rapport au volume de capitaux engagés sont manifestement très bons.

Comme vous l'avez dit très justement, monsieur le secrétaire d'Etat, le carnet de commandes est rempli à court et moyen terme. Des commandes de paquebots de croisière ont été passées. Nous avons connu une période euphorique avec la construction de paquebots destinés aux Etats-Unis notamment, mais aussi avec la construction de méthaniers et de pétroliers. Aussi, mon inquiétude n'est pas là. Elle porte sur le devenir des chantiers navals et sur ce que le Gouvernement peut faire à cet égard.

Jusqu'à présent, Alstom Marine s'appuyait sur le groupe Alstom pour assurer à ses clients une garantie au niveau de ses capitaux propres.

Dans ces conditions, si l'on en croit les déclarations du P-DG d'Alstom, Alstom Marine deviendrait orphelin.

Il existe en tout quatre grands chantiers navals en Europe.

Kvärner-Masa, chantier finlandais, a été racheté par une société qui a fait faillite ; il a été repris par LBO, mais, cinq ans après, il a dû se faire racheter, et sa garantie est assurée par un montage banquier dans lequel l'Etat est pour moitié.

En tout cas, Kvärner-Masa vient de prendre commande d'un super concurrent du Queen Mary II, commande qui nous est passée sous le nez. Il faut dire que ce groupe présente certaines garanties.

Le deuxième chantier, un chantier allemand, ne publie pas ses comptes mais assure une garantie sérieuse. Il vient de recevoir une commande de deux paquebots. Apparemment, la question de l'avenir de ce chantier ne se pose pas.

Le troisième chantier est italien et doit son salut à un mariage entre le civil et le militaire.

Comment faire pour que les chantiers vivent et que les emplois soient préservés ? Faut-il trouver un groupe avec lequel s'allier ? Mais quel groupe ?

L'éventualité d'un rapprochement avec DCN et Thales a été envisagée. Actuellement, des discussions sont en cours mais, encore une fois, le dossier paraît extrêmement complexe.

Tout d'abord, les dirigeants de Thales ne voient pas pourquoi ils bloqueraient des capitaux pour appuyer des chantiers navals, alors qu'ils ont besoin de ces capitaux pour développer leurs activités d'armement. Cela est tout à fait légitime et logique.

Par ailleurs, la DCN serait plutôt favorable à un rapprochement européen, mais dans le domaine militaire, comme l'ont fait les Italiens.

Enfin, le lobby des élus finistériens est opposé à ce rapprochement, qui priverait la DCN Brest de la construction de gros bateaux, porte-avions et porte-hélicoptères, laquelle serait alors réalisée à Saint-Nazaire.

La troisième solution est un rapprochement européen, mais celui-ci doit se faire extrêmement rapidement. Je me permets d'insister, car la question est d'importance. Un tel rapprochement a été réalisé dans un passé tout à fait récent avec bonheur. On peut donc se demander s'il n'y a pas là une piste à suivre afin de trouver une solution viable pour les chantiers navals.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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ÉLOGE FUNÈBRE DE PATRICK LASSOURD,

SÉNATEUR D'ILLE-ET-VILAINE

M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Patrick Lassourd. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

C'est le 28 août dernier que nous est parvenue l'annonce du décès de Patrick Lassourd. Frappé par une brutale, terrible et implacable maladie, notre collègue, malgré un courage exemplaire, a rendu son dernier souffle à l'âge de soixante et un ans.

Son absence dans nos rangs, en juin et en juillet, avait suscité l'inquiétude. Les nombreuses marques spontanées de sollicitude et d'amitié que cette brève absence avait provoquées témoignaient à l'évidence de la place que Patrick Lassourd occupait parmi nous. Nul, cependant, n'envisageait une issue fatale aussi rapide.

L'émotion qui s'ensuivit et les innombrables témoignages de sympathie ont illustré, tristement, la haute estime et l'exceptionnelle considération dont Patrick Lassourd jouissait dans cet hémicycle.

Patrick Lassourd était né le 3 septembre 1942 à La Guerche-de-Bretagne, dans le département d'Ille-et-Vilaine. C'est dans cette parcelle de la terre de France qu'il va enraciner ses engagements professionnels et politiques. Jeune homme, il exprimera un attachement précoce et profond à la France rurale.

Etudiant brillant, il réussira - comme l'avait fait avant lui son père - le concours d'admission aux écoles vétérinaires. C'est tout naturellement dans sa région natale que, une fois diplômé, il exercera son métier. Il accompagnera les mutations de la vie agricole après l'entrée de la France dans ce qu'on appelait alors le « Marché commun ».

Homme de contact, chaleureux, enthousiaste, scrupuleux, déterminé, il sera élu pour la première fois conseiller municipal de sa ville natale en 1983.

Très vite, il sera distingué par ses concitoyens pour représenter le canton de La Guerche-de-Bretagne au conseil général d'Ille-et-Vilaine. Elu brillamment aux élections cantonales en 1988 - et ce sera le cas lors du renouvellement de tous ses mandats successifs - il se présentera l'année suivante au suffrage de ses concitoyens pour devenir maire de sa commune de naissance, à laquelle il était intensément attaché. Il restera le premier magistrat de La Guerche-de-Bretagne jusqu'à son dernier soupir.

Sa compétence, la force de ses engagements, sa détermination et son efficacité à défendre les intérêts légitimes de ses concitoyens lui vaudront l'estime de tous ses interlocuteurs : administrés, bien sûr, mais aussi autres élus du département, fonctionnaires territoriaux et représentants de l'Etat.

Tous étaient frappés par son regard profond, son front large et la force que dégageait sa silhouette. En le voyant, on était en quelque sorte rassuré d'avoir un maire ou un conseiller général tel que lui.

Sa réputation d'homme d'action et de conviction conduisit les grands électeurs d'Ille-et-Vilaine à l'élire, en 1998, au Sénat. Se trouvait ainsi parachevé un parcours sans faute, en même temps que notre assemblée s'enrichissait de la présence en son sein d'un homme d'expérience, doté d'une capacité de travail peu commune.

Durant les cinq années que Patrick Lassourd a passées dans cette assemblée, il a témoigné d'une activité impressionnante.

Le bilan - injustement interrompu - de son mandat parlementaire est frappant, tant par la qualité que par la quantité du travail accompli.

Inscrit dès son arrivée parmi nous à la commission des affaires économiques et du Plan, il en sera élu secrétaire en 2001. Membre de la délégation à la planification dès 1998, il sera aussi désigné par notre Assemblée à la Commission nationale du débat public.

Ces responsabilités, il les assumait avec une remarquable énergie. Ses propositions de loi, ses questions écrites ou orales, ses rapports et ses interventions ont clairement contribué à enrichir nos travaux et à conforter la réputation de notre assemblée dans sa mission constitutionnelle de représentante des collectivités territoriales.

Patrick Lassourd avait acquis, au fil de sa vie professionnelle et publique, une connaissance aiguë et fine du milieu rural. Le développement local, l'aménagement de l'espace avaient ses faveurs, mais d'autres sujets le passionnaient également.

Désigné par la commission des affaires économiques pour être son rapporteur pour avis lors de l'examen du projet de loi sur la démocratie de proximité, il va montrer au fil des débats une vaste connaissance des questions touchant à l'équipement, à l'urbanisme ou au logement.

Homme d'action et de progrès, homme passionnément humain, il a très tôt perçu le bénéfice que son canton pouvait tirer des lois sur l'intercommunalité. Il sera l'un des premiers à mettre en place une communauté de communes, celle du pays guerchais, qu'il présidera jusqu'à sa mort. Il va déployer toute son énergie pour mettre en place des zones d'activités, développer l'habitat et promouvoir la vie culturelle.

La dernière réalisation de cet infatigable bâtisseur sera le centre culturel intercommunal du pays guerchais, qui s'est ouvert en juin dernier.

Notre collègue n'aura pas eu la joie et la légitime satisfaction de voir le résultat de toutes ses initiatives. Mort à la tâche, il laissera aux générations futures des instruments pérennes de développement, en particulier dans sa commune de La Guerche-de-Bretagne, dont il souhaitait qu'elle devînt la ville pivot du sud du département d'Ille-et-Vilaine. Cette ambition, on peut dire que Patrick Lassourd l'a réalisée.

Dédaigneux des honneurs, préférant le savoir-faire au faire savoir, il se satisfaisait du travail bien fait et du bonheur des autres.

La foule nombreuse, recueillie et sincèrement émue qui l'a accompagné dans l'église Notre-Dame le 30 août dernier a montré combien il laissera le souvenir d'un élu d'exception, tout au service de sa chère région natale du pays de Vitré mais aussi de la France.

On voudra bien saluer, avec le respect et l'admiration qu'il mérite, le parcours de cet homme d'exception, qui incarnait avec brio les valeurs du Sénat. Grand élu local, parlementaire de grande valeur, il laissera dans cet hémicycle une empreinte à la hauteur de celle dont il a marqué son pays natal.

A son épouse Françoise, à ses trois enfants, Christèle, Véronique et François, à sa famille et à ses proches,j'exprime la sympathie du Sénat tout entier en même temps que la part personnelle que je prends à leur peine.

A ses collègues de la commission des affaires économiques et du Plan, aux membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, auquel il appartenait, j'exprime avec émotion et tristesse mes sincères condoléances et les assure de ma profonde sympathie. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Patrick Lassourd avait la flamme des gens de mer qu'unissent, dans une même passion, la terre qui les a vu naître et l'océan qui a forgé leur caractère indépendant et courageux.

Exposé à tous les vents et à toutes les houles, il savait toujours garder le cap.

Patrick Lassourd est né - vous l'avez rappelé, monsieur le président - à La Guerche-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine, le 3 septembre 1942, dans cette Bretagne qu'il chérira et à laquelle il sera dévoué toute sa vie. Ici, comme disait Ernest Renan, célèbre natif breton, « on sent vivre une forte protestation pour tout ce qui est plat et banal ».

C'est cette terre de contrastes, riche de ses paysages et de ses hommes, empreinte de modernité et de tradition, qui forgera le solide tempérament de Patrick.

Par atavisme sans doute - son père fut notamment député gaulliste -, par conviction assurément, il se lance très tôt dans le militantisme politique.

Jeune gaulliste, il impressionne ses pairs par son sens du dialogue et du contact, la force de son engagement et son goût prononcé pour le combat des idées. Il a déjà fait sienne la célèbre maxime du général : « Il faut être un homme de caractère. Le meilleur procédé pour réussir dans l'action est de savoir perpétuellement se dominer soi-même. »

Et c'est bien l'action, l'action au service des autres, qui guidera ce parcours singulier et remarquable.

Son métier de docteur vétérinaire et, bientôt, de nombreux mandats électoraux le conduisent à parcourir inlassablement son département. Il aime écouter, il aime comprendre, il aime proposer, il aime agir. C'est tout le sens de son engagement politique.

Pour lui, les mandats viennent moins récompenser l'excellence du travail accompli que l'encourager à servir davantage encore l'intérêt général.

Conseiller municipal de La Guerche-de-Bretagne, il devient très vite maire de cette petite ville qui l'a vu grandir et dont il connaît chaque habitant. Au conseil général d'Ille-et-Vilaine, dont il assure un temps la vice-présidence, avant d'en présider la commission des finances, ou encore à la présidence de la communauté de communes du pays guerchais, à celle de l'OPAC 35 ou à celle de l'ADIL, il multiplie les initiatives pour améliorer le cadre de vie de ses concitoyens.

Lorsqu'il entre au Sénat, en 1998, Patrick Lassourd manifeste le même enthousiasme et le même dévouement au service des autres. Ses collègues apprécient unanimement son affabilité et sa grande compétence.

A la commission des affaires économiques du Sénat, dont il est l'un des membres les plus actifs, il milite pour un juste équilibre entre le monde urbain et le monde rural, il défend les vertus d'une décentralisation ambitieuse pour tous : les nombreuses propositions de loi qu'il a déposées ou cosignées sont là pour en témoigner.

Mais derrière l'homme public, volontaire et combatif, se cachait une personnalité pudique et généreuse, profondément attachée, nous le savions bien, nous qui le côtoyions souvent, au bonheur de ses proches.

Pour cet hyperactif, pour ce voyageur impénitent, la famille reste le point d'ancrage, la référence ultime et, lorsqu'il part se ressourcer dans sa chère île de Noirmoutier, c'est rarement sans les siens. Il aime plus que tout autre cet endroit où les paludiers de Guérande magnifient la tradition. Là, entre digues et dunes, il peut à la fois s'isoler et s'entourer de ceux qu'il aime, faire une pause avant de repartir vers d'autres batailles.

Des combats qu'il mena, celui qui l'opposa à la maladie fut peut-être celui où il se montra le plus courageux mais aussi, sans doute, le plus inégal. Tous ceux qui ont alors été à ses côtés savent avec quelle rage il s'est battu jusqu'au dernier jour, sans jamais laisser transparaître au-dehors la souffrance.

« Le monde était si profond et je l'avais à peine effleuré... j'ai aimé presque tout de cette sacrée existence, et ses vides autant que ses pleins », disait le héros de La Douane de mer, l'un de ses livres fétiches.

La disparition prématurée de Patrick Lassourd nous a tous profondément affligés.

À son épouse, à ses deux filles, à son fils et à ses petites-filles, je présente, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes condoléances les plus sincères et les plus attristées.

M. le président. Mes chers collègues, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux quelques instants en signe de deuil.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

4

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste tient à appeler l'attention de chacun sur les conditions assez confuses dans lesquelles le Gouvernement vient d'évoquer la question de la suppression d'un jour férié dans notre pays.

Cette question, nous le savons tous, relève au premier chef, puisqu'elle relève du code du travail, de la loi, et donc du Parlement. Toutefois, alors qu'aujourd'hui même l'Assemblée nationale est saisie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous constatons qu'il n'est nullement question, dans ledit projet de loi, de supprimer un jour férié, ni même de mettre en oeuvre le grand plan de solidarité à l'égard des personnes âgées que chacun qualifie pourtant d'absolue nécessité depuis la canicule.

En outre, alors que le déficit de la sécurité sociale a été qualifié d'« abyssal » par le ministre le plus directement concerné par la question, nous ne sommes saisis d'aucune mesure significative à cet égard. On nous annonce, certes, une mesure que nous qualifierons de « gadget », mais elle n'est pas du tout à la hauteur du problème posé, et elle crée de surcroît de graves inquiétudes et un profond mécontentement.

Dans ces conditions, monsieur le président, nous voudrions poser trois questions.

Premièrement, nous pensons qu'il serait opportun que M. le Premier ministre et le Gouvernement puissent s'expliquer devant le Parlement car, à lire les dépêches de l'AFP depuis ce matin, la situation semble très confuse et nous ne comprenons pas très bien quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet. Mais peut-être M. le ministre de l'intérieur pourra-t-il nous éclairer ?

En deuxième lieu, nous voudrions demander au Gouvernement de saisir le Parlement d'un plan de solidarité à l'égard des personnes âgées. Pourquoi attendre un an pour déposer sur le bureau du Parlement un projet de loi sur ce sujet si important ?

M. Jean Chérioux. Vous ne l'avez pas réglé !

M. Jean-Pierre Sueur. Enfin, nous avons bien compris que vous souhaitiez diminuer le poids de la fiscalité. Nous avons aussi compris que cette diminution allait de pair avec un certain nombre de hausses : nous allons débattre dans un instant du projet de décentralisation, et les collectivités locales en savent quelque chose !

Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait tout de même dommage que ce gouvernement s'inscrive dans l'histoire comme l'inventeur de l'impôt « jour férié », de l'impôt Pentecôte ? Compte tenu de la situation dans laquelle elle se trouve, notre sécurité sociale mérite plus et mieux que l'impôt Pentecôte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement aurait, si l'on en croit la presse, pris la décision de supprimer un jour férié, en l'occurrence le lundi de Pentecôte, pour financer le plan d'aide aux personnes âgées.

Décidément, la droite au pouvoir, avec ses slogans racoleurs, n'hésite pas à frapper une nouvelle fois les travailleurs dans leurs conditions de travail, mais aussi dans leurs conditions de vie.

Après avoir annualisé le temps de travail, après avoir démoli le dispositif des 35 heures par contournement, après avoir rendu impossible la retraite à soixante ans à taux plein, après avoir réduit l'efficacité de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, le Gouvernement nous conduit, avec cette disposition, dans le faux registre de la revalorisation du travail et de la solidarité.

Le résultat est patent : le seul partenaire social qui applaudit à tout rompre à cette décision, c'est le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF !

Certes, monsieur le ministre, il est acquis que ce gouvernement est aux ordres du grand patronat ; mais cela ne rend pas moins inacceptable cette nouvelle attaque contre le droit du travail.

Les économistes ne s'y sont pas trompés : ils ont analysé qu'il s'agissait d'une hausse de 0,5 % des heures travaillées et d'une baisse identique du coût du travail. Par cette mesure, les entreprises empocheront les trois quarts des gains.

Ce qui est certain aussi, c'est que cette mesure bénéficiera de fait quasi exclusivement aux grandes entreprises, celles-là même qui licencient à tour de bras.

Votre mesure, monsieur le ministre, celle du Gouvernement, nous rappelle l'époque où la vignette automobile avait été créée pour les personnes âgées.

M. Louis de Broissia. La vignette a été supprimée !

M. Roland Muzeau. Or on a vu que, si la vignette a duré, les personnes âgées n'en ont pas vu la couleur très longtemps !

Le groupe communiste républicain et citoyen condamne fermement cette décision. Il la combattra et il tient à dénoncer une nouvelle fois la politique de désengagement et de transferts de charges opérée par le Gouvernement en matière sociale et de santé.

Il souhaite, monsieur le président, que vous demandiez à la commission des affaires sociales de se réunir sur ce sujet qui est grave pour les salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Louis de Broissia. Pourquoi ont-ils supprimé la vignette ?

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

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MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

Adoption des conclusions modifiées

d'une commission mixte paritaire

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. n° 2

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 36, 2003-1004) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

Dans la discussion générale, la parole est à M. lerapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte présenté par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité est le résultat d'un large consensus entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire était appelée à examiner les 73 articles qui restaient en discussion. Si 46 articles ont été modifiés par rapport à la rédaction issue du Sénat, l'immense majorité de ces modifications est de nature rédactionnelle ou consiste en de simples précisions. M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, et moi-même avons d'ailleurs souligné, au cours de la réunion de cette commission mixte paritaire, la vision commune des deux assemblées sur ce texte, le Sénat ayant principalement conforté et complété le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Ce texte porte donc incontestablement l'empreinte de notre assemblée et il reflète la plupart des souhaits et préoccupations exprimés il y a deux semaines dans cet hémicycle.

Néanmoins quelques modifications de fond ont été apportées par la commission mixte paritaire.

A l'article 2, relatif à l'attestation d'accueil, le montant de la prise en charge par l'hébergeant des frais de séjour et de rapatriement d'un étranger qui ne pourrait y pourvoir a été plafonné.

A l'article 7 ainsi qu'aux articles 22, 24 et 38, par coordination, la condition d'entretien et d'éducation de l'enfant ne sera plus appréciée de façon différente selon que l'enfant a été reconnu avant ou après sa naissance.

A l'article 9 bis, relatif à la délivrance d'une carte de séjour temporaire spéciale pour les chercheurs, il a été précisé que cette carte pourrait être retirée avant sa date d'expiration dans le cas où l'activité professionnelle qui a motivé sa délivrance prendrait fin prématurément.

A l'article 28, modifiant le régime du regroupement familial, la commission a prévu que le dossier de demande de regroupement serait transmis à l'Office des migrations internationales après avis du maire, quel que soit le sens de cet avis. La commission a également supprimé la mention selon laquelle la condition de ressources est réputée satisfaite lorsque celles-ci sont au moins égales au salaire minimum de croissance mensuel.

A l'article 45 bis A, relatif au retour des étrangers déjà expulsés ou ayant fait l'objet d'une interdiction du territoire dans le cas où ils entrent dans les catégories bénéficiant de la protection absolue, la commission a approuvé la proposition de M. Michel Dreyfus-Schmidt visant à préciser la notion de famille et à rendre inutile l'édiction d'un décret. Ce dispositif de retour sera donc applicable dès la publication de cette loi, sans attendre ce décret.

Outre ces modifications de fond, deux dispositions ont fait l'objet de débat au cours de la réunion de la commission mixte.

A l'article 19 créant un délit spécifique de mariage de complaisance, la discussion s'est engagée sur le montant des amendes. L'Assemblée nationale avait fixé ces montants à 30 000 euros en cas d'infraction simple et à 750 000 euros en cas de commission en bande organisée. Le Sénat, estimant que ces montants étaient trop élevés, en particulier lorsque sont en cause de simples particuliers, les avait baissés respectivement à 15 000 et à 30 000 euros. Une solution de compromis a été finalement retenue. Concernant l'infraction simple, le montant a été maintenu à 15 000 euros. En cas de commission en bande organisée, laquelle met en cause des passeurs et des filières, le montant de 750 000 euros retenu par l'Assemblée nationale a été rétabli.

A l'article 34 quater introduit par l'Assemblée nationale et autorisant l'expérimentation sur les transports de personnes maintenues ou retenues, le Sénat avait supprimé la possibilité que les agents de sécurité privée chargés de la conduite des véhicules de transfèrement puissent être armés. La commission mixte paritaire a, en définitive, rétabli cette possibilité.

Deux points ont été mis en exergue en faveur de cette solution. En premier lieu, les conducteurs sont actuellement armés. En second lieu, les agents de sécurité privée sont armés pour d'autres missions, notamment le transport de fonds. J'ajouterai qu'il ne s'agit que d'une possibilité et non d'une obligation, et qu'un décret l'encadrera.

Mes chers collègues, je vous demande donc d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire dont je viens de vous rendre compte, sous réserve de trois amendements adoptés ce matin par l'Assemblée nationale et que je présente devant vous à mon tour.

Le premier de ces amendements tend à supprimer les mots : « en tant que de besoin » au dernier alinéa de l'article 2 relatif à l'attestation d'accueil. Cette mention est inutile, car le décret sera nécessaire pour préciser certaines dispositions.

Le deuxième amendement vise à substituer aux mots : « Communauté européenne » les mots : « l'Union européenne » à l'article 6 relatif aux ressortissants de l'Union européenne. C'est un amendement harmonisant les rédactions.

Enfin, un dernier amendement, à l'article 19 bis créant une contribution forfaitaire à la charge des employeurs d'étranger en situation irrégulière, lève une ambiguïté rédactionnelle. Cet amendement précise que les mots : « les deux premiers alinéas » ne s'appliquent qu'à l'article L. 364-3 du code du travail et non aussi à l'article L. 364-10 dudit code.

Je voudrais enfin, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ayant été dit au cours d'une sérieuse première lecture, vous adresser un certain nombre de remerciements.

Je veux tout spécialement vous remercier, monsieur le ministre, pour la clarté de vos explications et l'ouverture dont vous avez fait la preuve au cours de ces débats. Le nombre d'amendements adoptés avec l'avis favorable du Gouvernement et venant de toutes les travées de cette assemblée en témoigne.

Je remercie également les très nombreux intervenants qui, dans un esprit constructif ou critique, ont contribué à leur manière à enrichir le débat et, en définitive, à améliorer ce texte que je vous demande, mes chers collègues de bien vouloir adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, je ne veux pas lasser la patience de la Haute Assemblée. Nous avons eu un débat extrêmement riche en première lecture. M. le rapporteur vient excellemment de présenter le texte de la commission mixte paritaire. Je ne vois donc pas ce que le Gouvernement pourrait ajouter, hormis peut-être le fait qu'il se réjouit de l'atmosphère dans laquelle s'est déroulé le débat.

En effet, beaucoup pensaient qu'on ne pouvait pas parler sereinement d'immigration dans notre pays. La Haute Assemblée a apporté un cinglant démenti à tous ceux qui étaient persuadés que ce sujet était trop sensible pour que nous y parvenions. J'observe d'ailleurs - cela m'a beaucoup frappé - que les articles de la presse se sont concentrés sur les débats de la Haute Assemblée et non sur ce que pouvait dire tel ou tel habituel porteur de discours sur l'immigration qui, en général, ne représente rien ! Pour une fois, c'est au Parlement que les choses sérieuses se sont passées et, finalement, dans une atmosphère de relatif consensus.

Certes, nous n'avons pas été d'accord sur tout, mais nous avons pu, majorité et opposition, sur un certain nombre de dispositions, trouver des points d'accord. Au bout du compte, qui en sort gagnant ? C'est la démocratie. Nous avons pu, pendant de nombreuses heures, parler enfin de la question de l'immigration. Il y a eu un débat, et c'est tant mieux.

La politique du Gouvernement est très claire : une lutte ferme contre l'immigration clandestine et un affichage, très clair aussi, sur la nécessité d'une immigration régulière.

Il n'y a eu ni débordement ni couac. Même la réforme de la double peine, dont on nous expliquait qu'elle était impossible, a été votée à l'unanimité. Personne n'a voulu faire de la surenchère.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Chacun a essayé d'être responsable. Si ce débat a été digne, chacun des sénateurs de la Haute Assemblée y est pour quelque chose, même s'il reviendra, monsieur le président, à la majorité d'avoir eu l'honneur de voter un texte qui nous permet de dire aujourd'hui aux Français que, dorénavant, la France a une politique en matière d'immigration.

Il n'était que temps. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur Jean-Patrick Courtois, le Gouvernement vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Atmosphère, atmosphère », avez-vous dit, monsieur le ministre. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) On peut évidemment enjoliver les choses et être content d'un débat. En ce qui nous concerne, nous ne le sommes pas. Nous n'avons pas été d'accord, et nous ne restons pas d'accord sur l'essentiel de ce texte pour les raisons que nous avons eu l'occasion, à de multiples reprises, d'expliquer. Il n'y a pas eu de véritable débat.

En commission mixte paritaire, à part une exception que je salue, il y a évidemment eu un accord très aisé entre les représentants de la majorité au Sénat et les représentants de la majorité à l'Assemblée nationale. Il n'y a pas eu non plus de véritable débat, parce que le rapporteur était toujours d'accord avec vous - ce n'est pas ce que nous appelons un débat -, et la plupart de nos collègues qui étaient présents n'ont pas éprouvé le besoin de prendre la parole ni d'expliquer leur propre point de vue.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ils ont les mêmes convictions !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est vrai qu'un débat est instauré avec vous, monsieur le ministre, et que vous avez accepté un certain nombre d'amendements à la marge mais, sur l'essentiel, nous restons absolument en désaccord avec ce texte sur lequel il est bien malheureux que l'urgence ait été demandée ; ce projet de loi aurait en effet mérité d'être beaucoup plus travaillé qu'il ne l'a été. Il aurait également mérité de faire l'objet d'un véritable débat.

En ce qui concerne la double peine, vous dites qu'il y a eu un consensus. Vous savez bien que nous demandions beaucoup plus et que, dans de nombreux cas, des gens méritant de ne pas être interdits judiciairement du territoire pourront encore l'être. Il n'y a qu'à voir tous les amendements de M. Pinte qui n'ont pas été retenus à l'Assemblée nationale alors que nous les avions retenus ici.

Je n'ai pas besoin de vous dire que nous saisirons, bien entendu, le Conseil constitutionnel, en particulier à cause de l'inégalité entre riches et pauvres qui fait que ne pourront faire venir leur famille que ceux qui auront les moyens de s'engager à payer le billet de retour, sans parler des assurances et de quelques taxes.

Par ailleurs, les pères et les mères d'enfants français résidant à l'étranger ne pourront pas venir voir leurs enfants pour la raison simple que vous ne demandez plus seulement qu'il y ait exercice de l'autorité parentale partielle ou totale ou contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, mais autorité parentale ou totale « et » contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Il est bien évident que ceux qui vivent à l'étranger ne peuvent pas exercer l'autorité parentale et ne pourront donc pas venir.

Vous avez donné aux maires des rôles qui ne sont pas les leurs, ce qui entraînera, là aussi, des inégalités, puisque ce n'est plus l'Etat qui aura à prendre des décisions ; ce sont les maires, en tout cas dans un premier temps, notamment pour les attestations d'accueil.

De plus, nous ne savons toujours pas si les maires ou les services municipaux auront le droit de pénétrer la nuit dans un domicile, car aucune précision n'est apportée. Il est dit qu'eux et les membres de services municipaux ont le droit d'aller vérifier sur place, mais il n'est pas indiqué dans quelles conditions, si bien que des maires et des fonctionnaires municipaux pourront être poursuivis pour violation de domicile.

Un coup est porté à la liberté du mariage. Vous n'avez pas pu écrire dans le texte de loi qu'un étranger en situation irrégulière n'a pas le droit de se marier, mais les dispositions qu'il contient reviennent très exactement à cela.

Quant au droit d'asile, il ne pourra être demandé que dans les cinq jours suivant l'arrivée dans un centre de rétention, alors que - vous le savez bien - les étrangers y arrivent parfois après cinq jours. Ils ne pourront donc plus le demander, et, par-dessus le marché, vous avez maintenu cette règle que nous avons combattue lors du débat sur le droit d'asile, mais qui figure dans ce texte-ci, et selon laquelle c'est non pas l'OFPRA qui décide si la demande de celui qui arrive est fondée ou manifestement infondée et s'il doit être admis ou non sur le territoire français, mais vous, monsieur le ministre de l'intérieur. Il y a là une confusion regrettable entre le droit d'asile et l'immigration.

Enfin, en ce qui concerne la durée de rétention, vous savez que le Conseil constitutionnel a demandé qu'elle soit réduite au temps strictement nécessaire pour reconduire l'intéressé. Il ne s'agit donc pas d'attendre la formation d'un transport collectif. C'est le premier avion qui doit être pris, si bien que douze jours suffisent largement et que l'extension à trente-deux jours n'est pas acceptable.

Nous parlerons aussi des tribunaux installés dans les zones d'attente avant de les avoir dans les prisons. Ce serait tellement plus rapide !

Bref, nous voterons contre ce projet de loi, car il n'est pas du tout satisfaisant selon nous et précarise, au lieu de la conforter, la situation des étrangers régulièrement établis en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les conclusions de la commission mixte paritaire, qui sont soumises à notre vote aujourd'hui, achèvent une discussion qui n'a jamais vraiment pu commencer ; Michel Dreyfus-Schmidt a raison.

En fait d'un grand débat d'idées sur l'immigration, en fait d'un texte fondateur d'une véritable politique de l'immigration, nous avons assisté, au-delà de la dignité des discussions, à quelque chose qui pourrait s'apparenter à un passage en force, puisque ce texte, présenté de façon éclair - deux petites heures de discussion générale seulement, pas de navette car l'urgence était déclarée -, était largement ficelé d'avance. Voilà, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce que vous qualifiez de large consensus !

Ce ne sont pas les quelques amendements adoptés, dont certains ont été concédés à la gauche, qui pourront donner le sentiment contraire !

La commission mixte paritaire a une nouvelle fois donné libre cours aux thèses de certains députés de droite, notamment du rapporteur de l'Assemblée nationale, tant en ce qui concerne la pénalisation du mariage que l'obligation d'avoir au moins le SMIC pour demander le regroupement familial.

D'autres dispositions ont une constitutionnalité douteuse : l'extension de la vidéoconférence ou - c'est très grave - le rétablissement du port d'armes pour les personnes chargées de transférer les étrangers maintenus ou retenus.

Je propose donc à nos collègues socialistes de saisir ensemble le Conseil constitutionnel, notamment de cette disposition qui, sous prétexte d'un rapprochement très discutable avec les transferts de fonds - comme si transporter des gens et des objets était la même chose - autorise des personnes privées à faire usage d'une arme pour contraindre des étrangers maintenus ou retenus. L'atteinte à la liberté individuelle est extraordinaire s'agissant de personnes qui, il faut le rappeler, ne sont pas détenues !

En dehors de la réforme partielle de la double peine, monsieur le ministre, aussi nécessaire et courageuse soit-elle, que vous avez su imposer à votre majorité, à l'arrivée, qu'avons-nous ? Un texte qui tourne délibérément le dos à la tradition d'accueil de la France par une suspicion systématique à l'égard d'un étranger toujours suspect et une vision purement utilitariste de celui-ci ; nous entrons dans l'ère de « l'étranger-Kleenex », aurais-je pu résumer voilà deux semaines.

Ainsi, le présent texte relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité n'est en fin de compte qu'une déclinaison de la recette du bouc émissaire, qui fonctionne à plein depuis un an, selon un double principe : diviser et opposer pour mieux faire passer les réformes et niveler par le bas les acquis sociaux.

Le trou de la sécurité sociale ? La faute aux faux malades qui abusent des arrêts de travail. Supprimons donc les arrêts maladie et arrêtons de rembourser les médicaments !

Le déficit des ASSEDIC ? La faute aux faux chômeurs qui ne veulent pas travailler. Arrêtons donc de les indemniser - le fameux RMA - et, par-dessus le marché, réduisons l'allocation spécifique de solidarité !

Le déficit de l'UNEDIC ? La faute aux faux intermittents qui profitent du système. Réduisons donc l'indemnisation des artistes et techniciens du spectacle à une peau de chagrin !

L'augmentation des demandeurs d'asile ? La faute aux faux réfugiés qui veulent pénétrer abusivement en France. Donnons donc une conception très réductrice de l'asile !

Quant à l'étranger, en tout cas le non-communautaire, nous avons l'embarras du choix : on peut le juger responsable du chômage, de la montée de l'insécurité, de la xénophobie ou du trou de la sécurité sociale.

C'est le même mode que, depuis un an, le Gouvernement utilise pour cautionner des réformes qui, loin de permettre de s'attaquer aux fraudeurs ou aux clandestins, précarise les plus démunis, encourage leur exploitation au moindre coût et les soumet à une suspicion systématique.

C'est sur ce point que l'immigré, plus que n'importe qui, constitue pour le patronat un laboratoire privilégié d'expérimentation. Dans le rapport qui vient d'être publié par le Conseil économique et social - j'y reviendrai - sont rappelés ces propos lapidaires d'un économiste libéral : « La France paie sous la forme d'une immigration non négligeable la rigidité de son mode de formation des salaires réels due à l'existence du SMIC, de dispositifs de protection de l'emploi, d'un système d'indemnisation du chômage plutôt généreux et de bien d'autres facteurs, notamment le niveau du RMI. C'est à ces rigidités qu'il faut s'attaquer si l'on souhaite réduire l'immigration. » Tout est dit !

Le projet de loi repose sur le principe de l'opposition et de la division : les bons Français contre les mauvais Français, les Français contre les étrangers, les étrangers communautaires contre les étrangers non-communautaires, autant de « hiérarchies » qui, loin des principes affichés par le Gouvernement lors de sa déclaration de politique générale, encouragent le processus d'atomisation du corps social.

Dans mon intervention lors de la discussion générale du projet de loi au Sénat, j'évoquais la lecture ethnique de la délinquance, laquelle s'est substituée à une lecture sociale. En réalité, je crois qu'aujourd'hui les fractures ethniques et sociales se surajoutent.

Nous sommes bien loin des objectifs de façade que vous affichiez : favoriser l'intégration des étrangers par une lutte sans merci à l'égard des mafias et des clandestins. Aucun de ces objectifs ne résiste à l'analyse.

Est-ce qu'en multipliant les obstacles à l'accès au séjour durable que permet la carte de résident on lutte contre l'immigration clandestine ?

Non, on ne fait que précariser la situation de ceux qui sont en situation régulière.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parfaitement !

M. Robert Bret. Est-ce qu'en mettant des barrières au regroupement familial, à la naturalisation ou au mariage on plaide en faveur d'une bonne intégration des étrangers en France ? Non, on alimente seulement les sentiments de rejet et d'exclusion de part et d'autre.

Est-ce qu'en pénalisant le travailleur clandestin ou le marié de complaisance on lutte contre les mafias qui organisent ces détournements ? Non, on ne fait que sanctionner les victimes de ces trafics, qui continueront de s'alimenter de la détresse et de la misère des gens.

Telle n'est pas notre conception de l'immigration. Ma collègue Nicole Borvo avait, comme d'autres ici, fortement réagi à l'attitude condescendante que vous n'avez eu de cesse, monsieur le ministre, d'afficher, tout au long du débat, à l'égard de l'opposition.

Elle vous avait mis en garde contre la tentation de croire que toute critique minoritaire est, par définition, fausse, alors que vous n'avez jamais pu opposer autre chose que la polémique à nos arguments de fond, ou une harmonisation européenne en instance, harmonisation que vous n'hésitez d'ailleurs pas à distordre pour la faire correspondre à vos objectifs.

Malheureusement pour vous, nos critiques ne sont pas aussi isolées qu'il vous plairait qu'elles soient. Le rapport rendu hier par le Conseil économique et social Les Défis de l'immigration future fait très exactement la même lecture de l'évolution de l'immigration et des défis du futur que ceux que nous brossions ici-même voilà deux semaines. Allez-vous aussi les balayer d'un revers de main ?

Permettez que j'en lise quelques extraits :

« Dans les années 1980, le discours peu à peu dominant a accrédité l'idée que l'immigration poserait des "problèmes", alors que jusqu'à la fin des années 1960, entraient et s'installaient en France plus de 300 000 étrangers par an. Cette évolution montre bien que l'étranger est le plus souvent perçu comme un instrument de travail et sa légimité comme relative à son utilité économique pour les employeurs et la prospérité nationale. » On sait que le dogme de la fermeture des frontières n'a jamais empêché aucun gouvernement de procéder à des régularisations en masse pour les besoins de l'économie.

Je poursuis ma lecture du rapport du Conseil économique et social : « Si la politique de l'Union européenne a pu favoriser une certaine ouverture sur le proche étranger (...), elle a aussi institutionnalisé une véritable hiérarchisation entre migrants. Elle a indirectement entraîné la mise en place de filières de main-d'oeuvre clandestine, dont l'illégalité convient aux secteurs fragiles et dérégulés de l'économie. La clandestinité et les conditions de vie qui vont avec nourrissent par ailleurs la xénophobie. Le système s'auto-alimente de sa propre incapacité à faire ce qu'il préconise. » Ce passage du rapport du Conseil économique et social reflète bien le fond de notre débat.

Face à ces dérives, la politique que nous préconisons pour notre part tient à deux idées force.

L'immigration est non seulement une donnée inéluctable de la mondialisation, mais elle est également un atout pour la France. Elle a toujours été un facteur de croissance et de rayonnement. Dès lors, toute politique de l'immigration doit avant tout reposer sur l'échange et le partenariat avec les pays d'origine, avec lesquels nous avons, ne l'oublions pas, des liens tissés par une histoire commune. Elle doit également impliquer une reconnaissance de la vocation de l'étranger à intégrer la communauté nationale.

Les conséquences attachées à une telle politique sont évidemment aux antipodes de ce que vous défendez avec le présent texte, puisqu'il s'agit pour nous de favoriser, autant que faire se peut, l'intégration des étrangers, notamment au travers de la reconnaissance d'un droit inéluctable à mener une vie familiale normale. La réforme de la double peine, si elle en constitue un aspect, monsieur le ministre, par une reconnaissance de la « situation de Français » de fait de certains étrangers, n'épuise évidemment pas la question. Pour notre part, nous menons un combat acharné depuis plusieurs années pour la reconnaissance du droit de vote aux élections locales des étrangers régulièrement installés en France,...

M. Alain Gournac. Pas nous !

M. Robert Bret. ... qui ne peut être, évidemment, qu'un élément d'une conception renouvelée de la « citoyenneté » des étrangers dans notre pays.

Deuxième axe majeur de notre politique de l'immigration : si régulation il doit y avoir et si l'éloignement des étrangers est nécessaire, en aucun cas il ne peut être question de s'accommoder d'une réduction des droits des individus. Inefficace, cette option qui traverse le présent texte est également contraire aux principes fondateurs de la France : la liberté, l'égalité et la fraternité.

Plutôt que de grignoter les droits de la défense en rognant sur l'impartialité, le droit à l'interprète ou le droit au recours, en allongeant systématiquement les durées de rétention, plutôt que de remettre en cause le droit de vivre en famille en durcissant le regroupement familial, en précarisant le statut des enfants et des conjoints, protégeons les victimes de trafics, qu'il s'agisse de femmes turques mariées de force ou de jeunes Algériens saisonniers traités dans des conditions indignes par des employeurs peu scrupuleux. Osons une réelle intégration des étrangers en France en les traitant non pas comme des instruments de travail, mais comme des membres à part entière de la communauté nationale, avec tout ce que cela comporte en matière de lutte contre les discriminations à l'école, au travail ou en matière de logement !

En tout cas, pour nous, ce débat sur l'immigration est loin d'être clos avec un texte qui reproduit en pire, monsieur le ministre, les errements du passé. Les problèmes, on le sait, sont devant nous ; nous verrons ce qu'il en sera dans un futur proche.

Je ne vous surprendrai donc pas en vous annonçant que mon groupe votera contre le texte relatif à la maîtrise de l'immigration tel qu'il ressort de son passage devant le Parlement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire qui, réunie le mercredi 22 octobre, a abouti à un accord sur les articles du texte restant en discussion.

Les rapporteurs des deux assemblées ont souligné que la plupart des dispositions avaient donné lieu à un consensus au cours des débats devant les deux assemblées, les modifications proposées n'étant pour la plupart que d'ordre rédactionnel.

Nous en sommes donc arrivés à l'ultime étape d'un débat qui a montré à plusieurs reprises l'importance de la question. Car l'immigration, sujet longtemps resté tabou à la seule évocation de son nom, a des incidences sur la société qu'il importait de prendre en compte. Vous avez courageusement décidé, monsieur le ministre, de modifier la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Cela s'est fait dans la sérénité et avec beaucoup de sagesse. Nous tenons à vous en remercier.

A cet égard, je voudrais vous faire part d'emblée du soutien unanime du groupe de l'Union centriste, qui approuve le texte dans son ensembre.

Par ailleurs, je profite de ce moment pour saluer le travail de notre collègue Jean-Patrick Courtois, qui a permis une fois de plus à la Haute Assemblée de se distinguer par le sérieux de son travail et le caractère judicieux de ses propositions.

Après ces modifications substantielles de la législation française, la politique européenne de l'Union européenne doit, à son tour, connaître un regain de dynamisme, car nous le savons bien, depuis la mise en oeuvre de l'espace Schengen, le problème de l'immigration a incontestablement une dimension européenne.

La réunion à La Baule des 19 et 20 octobre derniers des ministres de l'intérieur du groupe des Cinq, à savoir l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Grande-Bretagne et la France, est à cet égard un exemple d'expérience à renouveler. Il convient de le souligner.

En effet, les débats ont permis d'avancer sur quelques points juridiques importants de la lutte contre l'immigration clandestine. Ainsi, les Cinq se sont entendus sur la nécessité d'harmoniser le montant minimal de ressources nécessaires à tout demandeur de visa court séjour dans l'espace Schengen.

Par ailleurs, l'Espagne s'est vu confier la rédaction d'une proposition de directive obligeant les compagnies aériennes à transmettre - c'est un minimum ! - aux autorités de contrôle nationales certaines données sur les passagers. L'idée est que la police aux frontières puisse retrouver les noms des étrangers n'ayant pas utilisé leur billet de retour et donc suspectés de séjour irrégulier.

Du point de vue opérationnel, la réunion de La Baule a permis aux ministres d'ébaucher une réponse à la question du renforcement de la coopération dans la lutte contre les filières clandestines. Par exemple, les cinq ministres européens se sont déclarés d'accord pour introduire des données biométriques sur les visas Schengen. Ils ont également décidé de renforcer la coopération policière contre les filières de passeurs.

Ces points d'accord illustrent à quel point les problèmes liés à l'immigration clandestine doivent être abordés dans le cadre d'une vision européenne. L'isolement n'aurait, en effet, que des effets inverses à ceux qui sont désirés.

Certes, nous devons adapter notre législation aux évolutions des caractéristiques actuelles de l'immigration. Mais, comme nous l'avions signalé lors de la discussion du texte sur le droit d'asile, l'application de la méthode communautaire, renforcée d'ailleurs par le traité de Nice, apparaît comme indispensable. Or, aujourd'hui, elle est encore limitée puisque, une fois de plus, les Etats membres de l'Union se sont montrés incapables de s'accorder sur l'étendue du vote à la majorité qualifiée, les opinions les plus diverses continuant d'être émises, ce qui, vous l'admettrez avec moi, est tout de même regrettable.

Le projet de traité constitutionnel préparé par la Convention prévoyait d'augmenter fortement le recours au vote à la majorité qualifiée, notamment en matière de justice, de police ou d'asile et d'immigration. Malheureusement, beaucoup d'Etats membres sont réticents à l'idée de perdre ainsi leur droit de veto dans tel ou tel domaine. Or il semble qu'une véritable politique européenne dans ces domaines spécifiques ne devra son efficacité qu'à la volonté des Etats d'en faire une véritable politique communautaire. C'est en tout cas le souhait que je forme au nom de mon groupe. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

TITRE Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Article 1er A

Avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :

« Art. préliminaire. - Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration.

« Ce rapport indique et commente :

« - le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;

« - le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;

« - le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;

« - le nombre d'attestations d'accueil présentées pour validation et le nombre d'attestations d'accueil validées ;

« - le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;

« - les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en oeuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers ;

« - les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d'oeuvre étrangère ;

« - les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ;

« - les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière.

« Ce rapport propose également des indicateurs permettant d'estimer le nombre d'étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.

« L'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le Haut Conseil à l'intégration, l'Office des migrations internationales et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente joignent leurs observations au rapport.

« Le dépôt du rapport est suivi d'un débat. »

Article 1er C

Le 2° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Remplacer les mots : « des documents prévus par décret en Conseil d'Etat et relatifs » par les mots « du justificatif d'hébergement prévu à l'article 5-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs » ;

2° Après les mots : « à ses moyens d'existence, », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « , à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; ».

Article 1er D

Au quatorzième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, les mots : « troisième alinéa de l'article 9 » sont remplacés par les mots : « deuxième alinéa de l'article 9 ».

Article 1er

Les quatre derniers alinéas de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout refus d'entrée sur le territoire fait l'objet d'une décision écrite motivée prise, sauf en cas de demande d'asile, par le chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou un fonctionnaire désigné par lui titulaire au moins du grade de brigadier dans le premier cas et d'agent de constatation principal de deuxième classe dans le second. Cette décision est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix, et de refuser d'être rapatrié avant l'expiration du délai d'un jour franc. La décision et la notification des droits qui l'accompagne doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend. L'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il souhaite bénéficier du jour franc. La décision prononçant le refus d'entrée peut être exécutée d'office par l'administration. »

Article 2

L'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rétabli :

« Art. 5-3. - Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée.

« L'attestation d'accueil, signée par l'hébergeant et accompagnée des pièces justificatives déterminées par décret en Conseil d'Etat, est présentée pour validation au maire de la commune du lieu d'hébergement ou, à Paris, Lyon et Marseille, au maire d'arrondissement, agissant en qualité d'agent de l'Etat.

« Elle est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant à prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa ou pendant une durée de trois mois à compter de l'entrée de l'étranger sur le territoire des Etats parties à la convention susmentionnée, et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil, et les frais de son rapatriement si l'étranger ne dispose pas, à l'issue de cette période, des moyens lui permettant de quitter le territoire français.

« Le maire peut refuser de valider l'attestation d'accueil dans les cas suivants :

« - l'hébergeant ne peut pas présenter les pièces justificatives requises ;

« - il ressort, soit de la teneur de l'attestation et des pièces justificatives présentées, soit de la vérification effectuée au domicile de l'hébergeant, que l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales de logement ;

« - les mentions portées sur l'attestation sont inexactes ;

« - les attestations antérieurement signées par l'hébergeant ont fait apparaître, le cas échéant après enquête demandée par l'autorité chargée de valider l'attestation d'accueil aux services de police ou aux unités de gendarmerie, un détournement de la procédure.

« A la demande du maire, des agents spécialement habilités des services de la commune chargés des affaires sociales ou du logement ou de l'Office des migrations internationales peuvent procéder à des vérifications sur place. Les agents qui sont habilités à procéder à ces vérifications ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assurés du consentement, donné par écrit, de celui-ci. En cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un accueil dans des conditions normales de logement sont réputées non remplies.

« Tout recours contentieux dirigé contre un refus de validation d'une attestation d'accueil doit être précédé,à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif auprès du préfet territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter du refus. Le préfet peut soit rejeter le recours, soit valider l'attestation d'accueil, le cas échéant après vérification par l'Office des migrations internationales dans les conditions prévues à l'alinéa précédent.

« Par dérogation à l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le silence gardé pendant plus d'un mois par le maire sur la demande de validation de l'attestation d'accueil, ou par le préfet sur le recours administratif visé à l'alinéa précédent, vaut décision de rejet.

« Le maire est tenu informé par l'autorité consulaire des suites données à la demande de visa formulée sur la base de l'attestation d'accueil validée.

« Les demandes de validation des attestations d'accueil peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé afin de lutter contre les détournements de procédure. Les fichiers correspondants sont mis en place par les maires, selon des dispositions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes qui seront amenées à consulter ces fichiers ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès.

« Chaque demande de validation d'une attestation d'accueil donne lieu à la perception, au profit de l'Office des migrations internationales, d'une taxe d'un montant de 15 EUR acquittée par l'hébergeant. Cette taxe est recouvrée comme en matière de droit de timbre.

« Pour les séjours visés par le présent article, l'obligation d'assurance prévue au 2° de l'article 5 peut être satisfaite par une assurance ayant la même portée souscrite au profit de l'étranger par la personne qui se propose de l'héberger.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles l'étranger peut être dispensé du justificatif d'hébergement en cas de séjour à caractère humanitaire ou d'échange culturel, ou lorsqu'il demande à se rendre en France pour une cause médicale urgente ou en raison des obsèques ou de la maladie grave d'un proche. »

Article 3

L'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 6. - Sous réserve des dispositions de l'article 9-1 ou des stipulations d'un accord international en vigueur régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée sur le territoire français, être muni d'une carte de séjour.

« Cette carte est :

« - soit une carte de séjour temporaire, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues à la section 1 du chapitre II. La carte de séjour temporaire est valable pour une durée maximale d'un an. L'étranger qui séjourne sous couvert d'une carte de séjour temporaire peut solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions prévues aux articles 14 ou 15 ;

« - soit une carte de résident, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues à la section 2 du chapitre II. La carte de résident est valable pour une durée de dix ans.

« Lorsque la loi le prévoit, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française. La carte de résident est renouvelable de plein droit, sauf dans les cas prévus par la présente ordonnance. »

« Pour l'appréciation de la condition d'intégration, le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peuvent saisir pour avis le maire de la commune de résidence de l'étranger qui sollicite la carte de résident.

« Lorsqu'une demande d'asile a été définitivement rejetée, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour doit justifier, pour obtenir ce titre, qu'il remplit l'ensemble des conditions prévues par la présente ordonnance et les décrets pris pour son application. »

« Le délai de trois mois prévu au premier alinéa peut être modifié par décret en Conseil d'Etat. »

Article 3 bis

Après l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

« Art. 6-1. - La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger sur le territoire français sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle.

« Entre la date d'expiration de la carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévu par une stipulation internationale et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut également justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte ou du titre arrivé à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle.

« Sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France. »

Article 3 ter

Après le premier alinéa de l'article 8-2 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée ci-dessus et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des vingt kilomètres, la visite peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. »

Article 4

I. - La première phrase du premier alinéa de l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigée :

« Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers, non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique, qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions prévues à l'article 6 peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »

II. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifiée :

« Il en est de même de ceux qui sont en situation irrégulière en France, qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ou qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière en provenance d'un pays tiers aux Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ne remplissent pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de cette convention ou à l'article 5 de la présente ordonnance. »

III. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. »

Article 5

Après l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 8-4 ainsi rédigé :

« Art. 8-4. - Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers qui sollicitent la délivrance, auprès d'un consulat ou à la frontière extérieure des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, d'un visa afin de séjourner en France ou sur le territoire d'un autre Etat partie à ladite convention peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.

« Ces empreintes et cette photographie sont obligatoirement relevées en cas de délivrance d'un visa.

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les catégories de personnes pouvant y accéder et les modalités d'habilitation de celles-ci ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. »

Article 5 bis

L'article 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

bis Au deuxième alinéa, sont ajoutés les mots : « ou une carte de résident en application de l'article 14. » ;

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « au 5° » sont remplacés par les mots : « au troisième alinéa de l'article 14 ».

Article 6

Les deux premiers alinéas de l'article 9-1 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour.

« S'ils en font la demande, il leur est délivré, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat, un titre de séjour, sous réserve d'absence de menace pour l'ordre public.

« Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne qui souhaitent exercer en France une activité économique. »

Article 6 bis A

Le deuxième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« En cas de nécessité liée au déroulement des études, le représentant de l'Etat peut accorder cette carte de séjour même en l'absence du visa de long séjour requis sous réserve de la régularité de son entrée sur le territoire français. Sous les mêmes réserves, il peut également la délivrer à l'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de 16 ans et qui poursuit des études supérieures. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de ces dispositions, en particulier en ce qui concerne les ressources exigées et les conditions d'inscription dans un établissement d'enseignement. »

Article 6 bis

I. - La première phrase du dernier alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est complétée par les mots : « ainsi qu'à tout étranger qui méconnaît les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail ou qui exerce une activité professionnelle non salariée sans en avoir l'autorisation » ;

II. - Dans le dernier alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, après les mots : « passible de poursuites pénales sur le fondement des articles », sont insérés les mots : « 222-39, 222-39-1, ».

Article 7

L'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa (1°), après les mots : « carte de séjour temporaire », sont insérés les mots : « ou de la carte de résident », et les mots : « titulaire de cette carte » sont remplacés par les mots : « titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes » ;

bis Dans le troisième alinéa (2°), le nombre : « dix » est remplacé par le nombre : « treize » ;

ter Le quatrième alinéa (3°) est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. » ;

2° Au cinquième alinéa (4°), après les mots : « ait été régulière, », sont insérés les mots : « que la communauté de vie n'ait pas cessé, » ;

3° Après les mots : « à la condition qu'il », la fin du septième alinéa (6°) est ainsi rédigée : « établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an. »

4° Le douzième alinéa (11°) est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« La décision de délivrer la carte de séjour est prise par le préfet ou, à Paris, le préfet de police, après avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. » ;

5° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut accorder le renouvellement du titre. » ;

6° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'accès de l'enfant français à la majorité ne fait pas obstacle au renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 6° ».

Article 7 bis

Supprimé

Article 9

I. - Les quatre premiers alinéas de l'article 12 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :

« Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour, composée :

« - du président du tribunal administratif ou d'un conseiller délégué, président ;

« - d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ;

« - d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet ou, à Paris, le préfet de police, pour sa compétence en matière de sécurité publique ou de son représentant ;

« - d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet ou, à Paris, le préfet de police, pour sa compétence en matière sociale ou de son représentant ;

« - d'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris.

« A sa demande, le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné, ou son représentant, est entendu.

« Un représentant du préfet ou, à Paris, du préfet de police, assure les fonctions de rapporteur de cette commission. »

I bis - Au sixième alinéa de l'article 12 quater de la même ordonnance, après le mot : « préfet », sont insérés les mots : « ou, à Paris, le préfet de police, ».

I ter - Le même alinéa est complété par les mots suivants : « ainsi que dans le cas prévu au IV bis de l'article 29. »

II. - Après l'article 12 quater de la même ordonnance, il est inséré un article 12 quinquies ainsi rédigé :

« Art. 12 quinquies. - Le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut également saisir la commission du titre de séjour pour toute question relative à l'application des dispositions du présent chapitre. Le président du conseil général ou son représentant est invité à participer à la réunion de la commission du titre de séjour. Il en est de même, en tant que de besoin, du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou de son représentant. »

Article 9 bis

Après l'article 13 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 13 bis ainsi rédigé :

« Art. 13 bis. - Par dérogation aux articles 6 et 11, l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire au titre des troisième et cinquième alinéas de l'article 12 depuis au moins un an peut, à l'échéance de la validité de cette carte, en solliciter le renouvellement pour une durée supérieure à un an et ne pouvant excéder quatre ans.

« Cette dérogation est accordée en tenant compte de la qualification professionnelle du demandeur, de son activité professionnelle, ainsi que des raisons pour lesquelles le bénéfice d'un tel renouvellement est susceptible d'en faciliter l'exercice.

« La durée de validité nouvelle de la carte est déterminée compte tenu de la durée prévue ou prévisible de la présence du demandeur sur le territoire français dans le cadre de son activité professionnelle. Si celle-ci prend fin avant la date d'expiration du titre, celui-ci est retiré sans préjudice de la possibilité, pour l'étranger, de solliciter la délivrance d'un autre titre de séjour à laquelle il pourrait prétendre en application des dispositions de la présente ordonnance. »

Article 10

L'article 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 14. - Tout étranger qui justifie d'une résidence non interrompue conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins cinq années en France, peut obtenir une carte de résident. La décision d'accorder ou de refuser la carte de résident est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, de ses moyens d'existence et des conditions de son activité professionnelle s'il en a une.

« La carte de résident peut également être accordée :

« - au conjoint et aux enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial et qui justifient d'une résidence non interrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins deux années en France ;

« - à l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins deux années de la carte de séjour temporaire visée au 6° de l'article 12 bis, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour temporaire et qu'il ne vive pas en état de polygamie.

« L'enfant visé au présent article s'entend de l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que de l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de celle-ci lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger.

« Dans tous les cas prévus au présent article, la décision d'accorder la carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française dans les conditions prévues à l'article 6.

« La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. »

Article 13

I. - Le 5° de l'article 15 et l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est abrogée.

II. - Supprimé.

Article 14 bis A

Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, les références : « 3°, 5°, » sont supprimées.

Article 14 bis

Supprimé

Article 15

L'article 20 bis de l'ordonnance n° 45-2568 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, la somme : « 1 500 EUR » est remplacée par la somme : « 5 000 EUR » et les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l'Union » ;

2° Après le premier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination. » ;

3° Le I est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« L'amende prévue aux premier et deuxième alinéas est réduite à 3 000 EUR par passager lorsque l'entreprise a mis en place et utilise, sur le lieu d'embarquement des passagers, un dispositif agréé de numérisation et de transmission, aux autorités françaises chargées du contrôle aux frontières, des documents de voyage et des visas. » ;

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application de l'alinéa ci-dessus. Il précise la durée de conservation des données et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les catégories de personnes pouvant y accéder et les modalités d'habilitation de celles-ci ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. » ;

« Lorsque l'étranger débarqué sur le territoire français est un mineur sans représentant légal, la somme de 3 000 ou 5 000 EUR doit être immédiatement consignée auprès du fonctionnaire visé au troisième alinéa du I. Tout ou partie de cette somme est restituée à l'entreprise selon le montant de l'amende prononcée ultérieurement par le ministre de l'intérieur. Si l'entreprise ne consigne pas la somme, le montant de l'amende est porté respectivement à 6 000 ou 10 000 EUR. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de cette consignation et de son éventuelle restitution, en particulier le délai maximum dans lequel cette restitution doit intervenir. »

4° Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :

« Les amendes prévues au I ne sont pas infligées : » ;

5° Le 1° du II est ainsi rédigé :

« 1° Lorsque l'étranger a été admis sur le territoire français au titre d'une demande d'asile qui n'était pas manifestement infondée ; »

6° Le 2° du II est ainsi rédigé :

« 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. » ;

7° Au premier alinéa du III, la somme : « 1 500 EUR » est remplacée par la somme : « 5 000 EUR ».

Article 16

L'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « , alors qu'elle se trouvait en France ou dans l'espace international des zones aéroportuaires situées sur le territoire national, » sont supprimés ;

2° Dans le même alinéa, les mots : « ou dans l'espace international précité » sont supprimés ;

3° Dans le troisième alinéa du I, les mots : « , alors qu'il se trouvait en France ou dans l'espace international mentionné au premier alinéa, » sont supprimés ;

4° La dernière phrase du même alinéa est supprimée ;

5° Le quatrième alinéa du I est ainsi rédigé :

« Sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un Etat partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;

6° Avant le dernier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application des deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent I, la situation irrégulière de l'étranger est appréciée en regard de la législation de l'Etat membre ou de l'Etat partie intéressé. En outre, les poursuites ne pourront être exercées à l'encontre de l'auteur de l'infraction que sur une dénonciation officielle ou sur une attestation des autorités compétentes de l'Etat membre ou de l'Etat partie intéressé. » ;

7° Le II est ainsi rédigé :

« II. - Les personnes physiques coupables de l'un des délits prévus au I encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;

« 2° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire. Cette durée peut être doublée en cas de récidive ;

« 3° Le retrait temporaire ou définitif de l'autorisation administrative d'exploiter soit des services occasionnels à la place ou collectifs, soit un service régulier, ou un service de navettes de transports internationaux ;

« 4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit. Les frais résultant des mesures nécessaires à l'exécution de la confiscation seront à la charge du condamné. Ils seront recouvrés comme frais de justice ;

« 5° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l'article 131-27 du code pénal.

« Toute violation de cette interdiction sera punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 EUR ;

« 6° L'interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. L'interdiction du territoire français entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement. » ;

8° Au premier alinéa du III, les mots : « Sans préjudice de l'article 19 » sont remplacés par les mots : « Sans préjudice des articles 19 et 21 quater » ;

9° Le 1° du III est complété par les mots : « , sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » ;

10° Le 2° du III est ainsi rédigé :

« 2° Du conjoint de l'étranger, sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui. » ;

11° Le III est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° De toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

Article 17

Après l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est rétabli un article 21 bis ainsi rédigé :

« Art. 21 bis. - I. - Les infractions prévues au I de l'article 21 sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 EUR d'amende :

« 1° Lorsqu'elles sont commises en bande organisée ;

« 2° Lorsqu'elles sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

« 3° Lorsqu'elles ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;

« 4° Lorsqu'elles sont commises au moyen d'une habilitation ou d'un titre de circulation en zone réservée d'un aérodrome ou d'un port ;

« 5° Lorsqu'elles ont comme effet, pour des mineurs étrangers , de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel.

« II. - Outre les peines complémentaires prévues au II de l'article 21, les personnes physiques condamnées au titre des infractions visées au I du présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.

« III. - Les étrangers condamnés au titre de l'un des délits prévus au I encourent également l'interdiction définitive du territoire français, dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. »

Article 19

Après l'article 21 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 21 quater ainsi rédigé :

« Art. 21 quater. - I. - Le fait de contracter un mariage aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.

« Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage aux mêmes fins.

« Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 EUR d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.

« Les personnes physiques coupables de l'une ou l'autre des infractions visées au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;

« 2° L'interdiction du territoire français, dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif ;

« 3° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l'article 131-27 du code pénal.

« Les personnes physiques condamnées au titre de l'infraction visée au troisième alinéa du présent I encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.

« II. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues aux deuxième et troisième alinéas du I du présent article.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées aux 1° , 2° , 3 °, 4° , 5° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.

« L'interdiction visée au 2° de l'article 131-39 du même code porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« Les personnes morales condamnées au titre de l'infraction visée au troisième alinéa du I du présent article encourent également la peine de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

Article 19 bis

Après l'article 21 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 21 quinquies ainsi rédigé :

« Art. 21 quinquies. - Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale au bénéfice de l'Office des migrations internationales prévue à l'article L. 341-7 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Le montant total des sanctions pécuniaires pour l'emploi d'un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les deux premiers alinéas de l'article L. 364-3 et L. 364-10 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par les articles 21 à 21 ter de la présente ordonnance.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Article 22

L'article 25 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 25. - Sous réserve des dispositions de l'article 26, ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 :

« 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

« 2° L'étranger marié depuis au moins deux ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

« 3° L'étranger qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention : "étudiant" ;

« 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention : "étudiant" ;

« 5° L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;

« 6° Supprimé.

« Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22.

« Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application des articles 23 et 24 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. »

Article 24

L'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 26. - I. - Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 :

« 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

« 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;

« 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1° , à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;

« 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

« 5° - L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.

« Les dispositions prévues aux 3° et 4° ne sont toutefois pas applicables lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

« Sauf en cas d'urgence absolue, les dispositions de l'article 24 sont applicables aux étrangers expulsés sur le fondement du présent article.

« Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22.

« II. - L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet ni d'un arrêté d'expulsion, ni d'une mesure de reconduite à la frontière prise en application de l'article 22. »

Article 25

L'article 26 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Conformément à la directive 2001/40/CE du Conseil, du 28 mai 2001, relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers, il en est de même lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, qui se trouve sur le territoire français, a fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres Etats membres de l'Union européenne. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent alinéa. »

Article 28

L'article 29 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° A La dernière phrase du troisième alinéa (1° ) du I est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel ; » ;

1° B Supprimé.

1° Les quatre premiers alinéas du II sont remplacés par trois alinéas :

« L'autorisation d'entrer sur le territoire dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par le représentant de l'Etat dans le département après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir.

« Pour procéder à la vérification des conditions de logement et de ressources, le maire examine les pièces justificatives requises dont la liste est déterminée par décret. Des agents spécialement habilités des services de la commune chargés des affaires sociales ou du logement, ou, à la demande du maire, des agents de l'Office des migrations internationales peuvent pénétrer dans le logement. Ils doivent s'assurer au préalable du consentement écrit de son occupant. En cas de refus de l'occupant, les conditions de logement permettant le regroupement familial sont réputées non remplies. Lorsque ces vérifications n'ont pas pu être effectuées parce que le demandeur ne disposait pas encore du logement nécessaire au moment de la demande, le regroupement familial peut être autorisé si les autres conditions sont remplies et après que le maire a vérifié sur pièces les caractéristiques du logement et la date à laquelle le demandeur en aura la disposition. »

« A l'issue de l'instruction, le maire émet un avis motivé. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par le préfet. Le dossier est transmis à l'Office des migrations internationales qui peut demander à ses agents de procéder, s'ils ne l'ont déjà fait, à des vérifications sur place dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. »

bis L'avant-dernier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il informe le maire de la décision rendue. » ;

2° Le dernier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de mise en oeuvre de la procédure du sursis à l'octroi d'un visa prévue aux deux derniers alinéas de l'article 34 bis, ce délai ne court qu'à compter de la délivrance du visa. » ;

3° Le III est ainsi rédigé :

« III. - Les membres de la famille entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour. » ;

4° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. - En cas de rupture de la vie commune, la carte de séjour temporaire qui a été remise au conjoint d'un étranger peut, pendant les deux années suivant sa délivrance, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la délivrance du titre, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, refuse de délivrer la carte de séjour temporaire.

« Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet peut accorder le renouvellement du titre. » ;

5° Après le IV, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. - Le titre de séjour d'un étranger qui n'entre pas dans les catégories visées à l'article 25 et à l'article 26 peut faire l'objet d'un retrait lorsque son titulaire a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial. La décision de retrait du titre de séjour est prise après avis de la commission du titre de séjour visée à l'article 12 quater. »

Article 30

L'article 32 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rétabli :

« Art. 32. - L'entrée et le séjour en France des étrangers appartenant à un groupe spécifique de personnes bénéficiaires de la protection temporaire instituée en application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil sont régis par les dispositions suivantes.

« I. - Le bénéfice du régime de la protection temporaire est ouvert aux étrangers selon les modalités définies par la décision du Conseil de l'Union européenne visée à l'article 5 de ladite directive, définissant les groupes spécifiques de personnes auxquelles s'applique la protection temporaire, fixant la date à laquelle la protection temporaire entrera en vigueur et contenant notamment les informations communiquées par les Etats membres de l'Union européenne concernant leurs capacités d'accueil.

« II. - L'étranger appartenant à un groupe spécifique de personnes visé par la décision du Conseil de l'Union européenne bénéficie de la protection temporaire à compter de la date mentionnée par cette décision. Il est mis en possession d'un document provisoire de séjour assorti le cas échéant d'une autorisation provisoire de travail. Ce document provisoire de séjour est renouvelé tant qu'il n'est pas mis fin à la protection temporaire.

« Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d'un an renouvelable dans la limite maximale de trois années. Il peut être mis fin à tout moment à cette protection par décision du Conseil de l'Union européenne.

« Le document provisoire de séjour peut être refusé lorsque l'étranger est déjà autorisé à résider sous couvert d'un document de séjour au titre de la protection temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne et qu'il ne peut prétendre au bénéfice de la disposition prévue au V.

« III. - Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance du statut de réfugié au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

« Le bénéfice de la protection temporaire ne peut être cumulé avec le statut de demandeur d'asile. L'étranger qui sollicite l'asile reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l'instruction de sa demande. Si, à l'issue de l'examen de la demande d'asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n'est pas accordé à l'étranger bénéficiaire de la protection temporaire, celui-ci conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu'elle demeure en vigueur.

« IV. - Un étranger peut être exclu du bénéfice de la protection temporaire :

« 1° S'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pu commettre un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un crime grave de droit commun commis hors du territoire français, avant d'y être admis en qualité de bénéficiaire de la protection temporaire, ou qu'il s'est rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;

« 2° Lorsque sa présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.

« V. - S'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour, les membres de la famille d'un étranger bénéficiant de la protection temporaire qui ont obtenu le droit de le rejoindre sur le fondement des dispositions de l'article 15 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 précitée reçoivent de plein droit un document provisoire de séjour de même nature que celui détenu par la personne qu'ils sont venus rejoindre, sauf si leur présence constitue une menace à l'ordre public.

« VI. - Dans les conditions fixées à l'article 7 de la directive précitée, peuvent bénéficier de la protection temporaire des catégories supplémentaires de personnes déplacées qui ne sont pas visées dans la décision du Conseil prévue à l'article 5 de cette même directive, lorsqu'elles sont déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d'origine. Les dispositions des II, III, IV et V du présent article sont applicables à ces catégories supplémentaires de personnes.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »

Article 31 bis

L'article 33 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « des sixième à neuvième alinéas de l'article 5 » sont remplacés par les mots : « du dernier alinéa de l'article 5 » ;

2° Dans le même alinéa, les mots : « des premier à quatrième alinéas de l'article 5 » sont remplacés par les mots : « des premier à douzième alinéas de l'article 5 » ;

3° Au quatrième alinéa, les mots : « article 31 bis » sont remplacés par les mots : « article 8 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ».

Article 31 ter

A l'article 34 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, les mots : « code de la nationalité » sont remplacés par les mots : « code civil ».

Article 33

L'article 35 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 35 bis. - I. - Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger :

« 1° Soit, devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat de la Communauté européenne en application de l'article 33, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

« 2° Soit, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

« 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application de l'article 22 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

« 4° Soit, faisant l'objet d'un signalement ou d'une décision d'éloignement visés au deuxième ou au troisième alinéa de l'article 26 bis, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

« 5° Soit, ayant fait l'objet d'une décision de placement au titre de l'un des cas précédents, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent placement ou, y ayant déféré, est revenu sur le territoire français alors que cette mesure est toujours exécutoire.

« La décision de placement est prise par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Un double en est remis à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement.

« L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais que, pendant toute la période de la rétention, il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin, et communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix. Dans chaque lieu de rétention, un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus est prévu. A cette fin, sauf en cas de force majeure, il est accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat. Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les modalités selon lesquelles s'exerce l'assistance de ces intervenants.

« Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Il statue par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l'étranger, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé en présence de son conseil, s'il en a un. Toutefois, si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle. Le juge rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu au présent article émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, au moment de la notification de la décision de placement, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir. Il l'informe des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance.

« L'ordonnance de prolongation de la rétention court à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures fixé à l'alinéa précédent.

« A titre exceptionnel, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution. L'assignation à résidence concernant un étranger qui s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière en vigueur, d'une interdiction du territoire dont il n'a pas été relevé, ou d'une mesure d'expulsion en vigueur doit faire l'objet d'une motivation spéciale.

« L'étranger est astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par le juge et doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement. En cas de défaut de respect des obligations d'assignation à résidence, les dispositions du premier alinéa de l'article 27 sont applicables. Le procureur de la République est saisi dans les meilleurs délais.

« Lorsqu'une ordonnance met fin à la rétention ou assigne l'étranger à résidence, elle est immédiatement notifiée au procureur de la République. A moins que ce dernier n'en dispose autrement, l'étranger est alors maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance au procureur de la République.

« II. - Quand un délai de quinze jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné au neuvième alinéa du I et en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi. Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues au neuvième alinéa du I.

« Si le juge ordonne la prolongation du maintien, l'ordonnance de prolongation court à compter de l'expiration du délai de quinze jours mentionné à l'alinéa précédent, et pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

« Les dispositions du dernier alinéa du I sont applicables.

« III. - Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport, et qu'il est établi par le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, par le préfet de police, que l'une ou l'autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l'administration, pour pouvoir procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai prescrit au premier alinéa du II.

« Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues au neuvième alinéa du I.

« Si le juge ordonne la prolongation du maintien, l'ordonnance de prolongation court à compter de l'expiration du délai de quinze jours fixé au premier alinéa du II. La prolongation ne peut excéder une durée de cinq jours.

« Les dispositions du dernier alinéa du I sont applicables.

« IV. - Les ordonnances mentionnées au I, au II et au III sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui est saisi sans forme et doit statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine ; l'appel peut être formé par l'intéressé, le ministère public et le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police ; ce recours n'est pas suspensif. Toutefois, le ministère public peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou en cas de menace grave pour l'ordre public. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande qui se réfère à l'absence de garanties de représentation effectives ou à la menace grave pour l'ordre public, est formé dans un délai de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance au procureur de la République et transmis au premier président de la cour d'appel ou à son délégué. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à cet appel un effet suspensif, en fonction des garanties de représentation dont dispose l'étranger ou de la menace grave pour l'ordre public, par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel du ministère public, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond.

« IV bis. - A son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Il lui est notamment indiqué que sa demande d'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après cette notification.

« V. - Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

« Si la mesure d'éloignement est annulée par le juge administratif, il est immédiatement mis fin au maintien de l'étranger en rétention et celui-ci est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas.

« S'il est mis fin au maintien de l'étranger en rétention pour une raison autre que l'annulation par le juge administratif de la mesure d'éloignement, le juge des libertés et de la détention rappelle à l'étranger son obligation de quitter le territoire. Si l'étranger est libéré à l'échéance de la période de rétention, faute pour la mesure d'éloignement d'avoir pu être exécutée, le chef du centre de rétention fait de même. La méconnaissance des dispositions du présent alinéa est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé de procédures ultérieures d'éloignement et de rétention.

« Sauf en cas de menace à l'ordre public à l'intérieur ou à l'extérieur du lieu de rétention, ou si la personne ne paraît pas psychologiquement à même de recevoir ces informations, l'étranger est informé par le responsable du lieu de rétention de toutes les prévisions de déplacement le concernant : audiences, présentation au consulat, conditions du départ. Dans chaque lieu de rétention, un document rédigé dans les langues les plus couramment utilisées et définies par arrêté, et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure d'éloignement et de rétention, ainsi que leurs conditions d'exercice, est mis à disposition des étrangers. La méconnaissance des dispositions du présent alinéa est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé des procédures d'éloignement et de rétention.

« VI. - L'intéressé peut bénéficier de l'aide juridictionnelle.

« Par décision du juge sur proposition du préfet ou, à Paris, du préfet de police, et avec le consentement de l'étranger, les audiences prévues aux I, II, III et IV peuvent se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées.

« VII. - Le préfet ou, à Paris, le préfet de police tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

« En cas de nécessité et pendant toute la durée de la rétention, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut décider de déplacer l'étranger d'un lieu de rétention vers un autre lieu de rétention, sous réserve d'en informer les procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d'arrivée, ainsi que, après la première ordonnance de prolongation, les juges des libertés et de la détention compétents.

« Il est tenu, dans tous les lieux recevant des personnes placées ou maintenues au titre du présent article, un registre mentionnant l'état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien.

« Pendant toute la durée de la rétention, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions du maintien et se faire communiquer le registre prévu à l'alinéa précédent. Le procureur de la République visite les lieux de rétention chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an.

« VIII. - L'interdiction du territoire prononcée à titre de peine principale et assortie de l'exécution provisoire entraîne de plein droit le placement de l'étranger dans les lieux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, dans les conditions définies au présent article, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Le huitième alinéa du I est applicable. Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis le prononcé de la peine, il est fait application des dispositions des neuvième à dernier alinéas du I ainsi que des II à X du présent article.

« L'interdiction du territoire prononcée à titre de peine complémentaire peut également donner lieu au placement de l'étranger dans des lieux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement, dans les conditions définies au présent article.

« IX. - "L'appel d'une décision prononcée par la juridiction pénale peut être interjeté par l'étranger placé ou maintenu dans un lieu de rétention au moyen d'une déclaration auprès du chef du centre ou du local de rétention. Il en est de même du pourvoi en Cassation.

« Cette déclaration est constatée, datée et signée par le chef du centre ou du local. Elle est également signée par l'étranger. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef d'établissement. Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Il est transcrit sur le registre prévu par, selon le cas, le troisième alinéa de l'article 380-12, le troisième alinéa de l'article 502 ou le troisième alinéa de l'article 576 du code de procédure pénale, et annexé à l'acte dressé par le greffier.

« Lorsqu'un étranger est condamné en première instance à une peine d'interdiction du territoire français à titre de peine principale assortie de l'exécution provisoire et que l'éloignement du territoire a lieu avant la date de l'audience d'appel, son avocat doit être entendu lors de l'audience d'appel s'il en fait la demande. Il en est de même de l'avocat commis d'office lorsque l'étranger a demandé le bénéfice d'un conseil dans sa requête d'appel. »

« X. - Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités selon lesquelles les étrangers maintenus en rétention bénéficient d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ. »

Article 34

I. - L'article 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « un port ou un aéroport » sont remplacés par les mots : « un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, » ;

bis Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :

« Il est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. Mention en est faite sur le registre mentionné ci-dessous, qui est émargé par l'intéressé. » ;

ter Au cinquième alinéa du I, après les mots : « du port ou de l'aéroport » sont insérés les mots : « ou à proximité du lieu de débarquement » ;

quater Le cinquième alinéa du I est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Dans ces lieux d'hébergement, un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers est prévu. A cette fin, sauf en cas de force majeure, il est accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat. » ;

2° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale. » ;

3° Au premier alinéa du II, les mots : « chef du service de contrôle aux frontières ou d'un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade d'inspecteur » sont remplacés par les mots : « chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou d'un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier dans le premier cas et d'agent de constatation principal de deuxième classe dans le second » ;

bis Supprimé.

4° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque la notification faite à l'étranger mentionne que le procureur de la République a été informé sans délai de la décision de maintien en zone d'attente ou de son renouvellement, cette mention fait foi sauf preuve contraire. » ;

5° Le deuxième alinéa du II est supprimé ;

6° Les deux dernières phrases du premier alinéa du III sont remplacées par huit phrases ainsi rédigées :

« Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance. Toutefois, si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, il statue dans cette salle. En cas de nécessité, le président du tribunal de grande instance peut décider de tenir une seconde audience au siège du tribunal de grande instance, le même jour que celle qui se tient dans la salle spécialement aménagée. Par décision du juge sur proposition du préfet ou, à Paris, du préfet de police, et avec le consentement de l'étranger, l'audience peut également se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées. Sous réserve de l'application de l'article 435 du nouveau code de procédure civile, le juge des libertés et de la détention statue publiquement. Si l'ordonnance met fin au maintien en zone d'attente, elle est immédiatement notifiée au procureur de la République. A moins que le procureur de la République n'en dispose autrement, l'étranger est alors maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance au procureur de la République. » ;

bis Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du III, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Par décision du premier président de la cour d'appel ou de son délégué, sur proposition du préfet ou, à Paris, du préfet de police, et avec le consentement de l'étranger, l'audience peut se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. » ;

7° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, le ministère public peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est formé dans un délai de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance au procureur de la République et transmis au premier président de la cour d'appel ou à son délégué. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu, au vu des pièces du dossier, de donner à cet appel un effet suspensif. Il statue par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel du ministère public, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. » ;

8° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque l'étranger non admis à pénétrer sur le territoire français dépose une demande d'asile dans les quatre derniers jours de cette nouvelle période de maintien en zone d'attente, celle-ci est prorogée d'office de quatre jours à compter du jour de la demande. Cette décision est portée sur le registre prévu au II et portée à la connaissance du procureur de la République dans les conditions prévues à ce même II. Le juge des libertés et de la détention est informé immédiatement de cette prorogation. Il peut y mettre un terme. » ;

9° A la fin de la première phrase du premier alinéa du V, la référence : « II » est remplacée par la référence : « I » ;

10° A la fin de l'avant-dernière phrase du premier alinéa du V, les mots : « au moins une fois par semestre » sont remplacés par les mots : » chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an » ;

10° bis Compléter le VI de l'article 35 quater de l'ordonnance par les mots suivants : « ou un récépissé de demande d'asile » ;

11° Après le premier alinéa du VIII, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de nécessité, l'étranger peut également être transféré dans une zone d'attente dans laquelle les conditions requises pour son maintien dans les conditions prévues au présent article sont réunies. » ;

12° Il est complété par un X ainsi rédigé :

« X. - Sont à la charge de l'Etat et sans recours contre l'étranger, dans les conditions prévues pour les frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police, les honoraires et indemnités des interprètes désignés pour l'assister au cours de la procédure juridictionnelle de maintien en zone d'attente prévue par le présent article. »

II. - Le I de l'article 3 de la loi n° 92-625 du 6 juillet 1992 sur la zone d'attente des ports et des aéroports et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est abrogé.

Article 34 bis

Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 sexies ainsi rédigé :

« Art. 35 sexies. - Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission sur le territoire national, de maintien en zone d'attente ou de placement en rétention et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien ou de placement. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français.

« Lorsqu'il est prévu, dans la présente ordonnance, qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

« En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes prévues à l'alinéa suivant ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

« Dans chaque tribunal de grande instance, il est tenu par le procureur de la République une liste des interprètes traducteurs. Les interprètes inscrits sur cette liste sont soumis à une obligation de compétence et de secret professionnel.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article et définit notamment les règles d'inscription et de révocation des interprètes traducteurs inscrits auprès du procureur de la République. »

Article 34 ter

Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 septies ainsi rédigé :

« Art. 35 septies. - Par dérogation aux dispositions des articles 7 et 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, l'Etat peut confier à une personne ou à un groupement de personnes, de droit public ou privé, une mission portant à la fois sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien, l'hôtellerie et la maintenance de centres de rétention ou de zones d'attente.

« L'exécution de cette mission résulte d'un marché passé entre l'Etat et la personne ou le groupement de personnes selon les procédures prévues par le code des marchés publics. Si le marché est alloti, les offres portant simultanément sur plusieurs lots peuvent faire l'objet d'un jugement global.

« Les marchés passés par l'Etat pour l'exécution de cette mission ne peuvent comporter de stipulations relevant des conventions mentionnées aux articles L. 34-3-1 et L. 34-7-1 du code du domaine de l'Etat et à l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales.

« L'enregistrement et la surveillance des personnes retenues ou maintenues sont confiés à des agents de l'Etat. »

Article 34 quater

Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 octies ainsi rédigé :

« Art. 35 octies. - A titre expérimental, dans les conditions prévues par le code des marchés publics, l'Etat peut passer avec des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'un agrément délivré en application de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité des marchés relatifs aux transports de personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zones d'attente.

« Ces marchés ne peuvent porter que sur la conduite et les mesures de sécurité inhérentes à cette dernière, à l'exclusion de ce qui concerne la surveillance des personnes retenues ou maintenues au cours du transport qui demeure assurée par l'Etat.

« Chaque agent concourant à ces missions doit être désigné par l'entreprise attributaire du marché et faire l'objet d'un agrément préalable, dont la durée est limitée, du préfet du département où l'entreprise a son établissement principal et, à Paris, du préfet de police ainsi que du procureur de la République.

« Il bénéficie d'une formation adaptée et doit avoir subi avec succès un examen technique.

« Les agréments sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement apparaissent incompatibles avec l'exercice de leurs missions. L'agrément ne peut être retiré par le préfet ou par le procureur de la République qu'après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations. Il peut faire l'objet d'une suspension immédiate en cas d'urgence.

« Dans le cadre de tout marché visé au présent article, l'autorité publique peut décider, de manière générale ou au cas par cas, que le transport de certaines personnes, en raison de risques particuliers d'évasion ou de troubles à l'ordre public, demeure effectué par les agents de l'Etat, seuls ou en concours.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ainsi que les conditions dans lesquelles les agents de sécurité privée investis des missions prévues par le présent article peuvent, le cas échéant, être armés.

« Les marchés prévus au premier alinéa peuvent être passés à compter de la promulgation de la loi n° du relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité dans un délai de deux ans et pour une durée n'excédant pas deux ans.

« Avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° du précitée, le Gouvernement présente au Parlement un rapport dressant le bilan de l'expérimentation. »

Article 34 quinquies A

Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 nonies ainsi rédigé :

« Art. 35 nonies. - Il est créé une Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente. Cette commission veille au respect des droits des étrangers qui y sont placés ou maintenus en application des articles 35 bis et 35 quater et au respect des normes relatives à l'hygiène, à la salubrité, à la sécurité, à l'équipement et à l'aménagement de ces lieux. Elle effectue des missions sur place et peut faire des recommandations au Gouvernement tendant à l'amélioration des conditions matérielles et humaines de rétention ou de maintien des personnes.

« La Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente comprend un député et un sénateur, un membre ou ancien membre de la Cour de cassation d'un grade au moins égal à celui de conseiller, un membre ou ancien membre du Conseil d'Etat, une personnalité qualifiée en matière pénitentiaire, deux représentants d'associations humanitaires et deux représentants des principales administrations concernées. Le membre ou ancien membre de la Cour de cassation en est le président. Les membres de la commission sont nommés par décret. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement de la commission. »

Article 34 quinquies B

L'article 37 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 37. - Les dispositions sur le retrait des titres de séjour prévues à l'article 15 bis et au deuxième alinéa de l'article 30, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, ne sont applicables qu'à des étrangers ayant reçu un titre de séjour après l'entrée en vigueur de cette loi.

« Les dispositions du premier alinéa du IV de l'article 29, dans leur rédaction issue de la loi n° du 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ne sont applicables qu'à des étrangers ayant reçu un titre de séjour après l'entrée en vigueur de cette loi. »

TITRE Ier bis

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL

Article 34 quinquies

Supprimé

Article 34 sexies

L'article L. 364-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 364-3. - Toute infraction aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 341-6 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.

« Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.

« L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés. »

Article 34 septies A

L'article L. 364-8 du code du travail est ainsi modifié :

I. - Après le sixième alinéa (5°), il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus. »

II. - A l'avant-dernier alinéa, après les mots : « prévues à », sont insérés les mots : « l'article L. 364-3 et à ».

III. - Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes physiques condamnées au titre de l'infraction visée au deuxième alinéa de l'article L. 364-3 encourent la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

Article 34 septies B

A l'article L. 364-9 du code du travail, les mots : « dans les conditions prévues par l'article 131-30 du code pénal, pour une durée de cinq ans au plus » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif ».

Article 34 septies C

L'article L. 364-10 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes morales condamnées au titre de l'infraction visée au deuxième alinéa de l'article L. 364-3 encourent la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

Article 34 septies

Le deuxième alinéa de l'article L. 611-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils constatent également les infractions prévues par les articles 21 et 21 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »

Article 34 octies

L'avant-dernier alinéa de l'article L. 611-6 du code du travail est complété par les mots : « et les infractions prévues par les articles 21 et 21 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée ».

Article 34 nonies

I. - L'article L. 611-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les inspecteurs du travail sont habilités à demander aux employeurs et aux personnes occupées dans les établissements assujettis au présent code de justifier de leur identité et de leur adresse. »

I bis. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 611-12 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont habilités à demander aux employeurs et aux personnes occupées dans les établissements assujettis au présent code de justifier de leur identité et de leur adresse. »

II. - Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 724-8 du code rural, les mots : « du dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « de l'avant-dernier alinéa ».

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL

Article 35 AA

L'article 17-4 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 17-4. - Au sens du présent titre, l'expression "en France" s'entend du territoire métropolitain, des départements et des collectivités d'outre-mer ainsi que de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises. »

Article 35 AB

Au troisième alinéa (2°) de l'article 19-1 du code civil, les mots : « et à qui n'est attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents » sont remplacés par les mots : « pour lequel les lois étrangères de nationalité ne permettent en aucune façon qu'il se voie transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents ».

Article 35 A

L'article 21-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 21-2. - L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.

« Le délai de communauté de vie est porté à trois ans lorsque l'étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage.

« La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations. »

Article 35 BA

Au premier alinéa de l'article 21-4 du code civil, après les mots : « défaut d'assimilation, », sont insérés les mots : « autre que linguistique ».

Article 35 B

Le 1° de l'article 21-12 du code civil est ainsi rédigé :

« 1° L'enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui, depuis au moins trois années, est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ».

Article 35 C

L'article 21-24 du code civil est complété par les mots : « et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ».

Article 35 D

Après l'article 21-24 du code civil, il est inséré un article 21-24-1 ainsi rédigé :

« Art. 21-24-1. - La condition de connaissance de la langue française ne s'applique pas aux réfugiés politiques et apatrides résidant régulièrement et habituellement en France depuis quinze années au moins et âgés de plus de soixante-dix ans. »

Article 35 bis

Le premier alinéa de l'article 25-1 du code civil est ainsi rédigé :

« La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition. »

Article 35 ter A

Après le premier alinéa de l'article 26-4 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le délai d'un an suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites. »

Article 36

I. - L'article 170 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette audition n'est pas nécessaire au regard de l'article 146, les agents diplomatiques et consulaires doivent, pour l'application du premier et du deuxième alinéa du présent article, procéder à l'audition commune des futurs époux ou des époux, selon les cas, soit lors de la demande de publication prescrite par l'article 63, soit lors de la délivrance du certificat de mariage, soit en cas de demande de transcription du mariage par le ressortissant français. Les agents diplomatiques et consulaires peuvent demander à s'entretenir, si nécessaire, avec l'un ou l'autre des époux ou futurs époux. Ils peuvent également requérir la présence des époux ou des futurs époux à l'occasion de chacune des formalités ci-dessus indiquées. »

II. - Dans les deuxième et dernier alinéas du même article, les mots : « une étrangère » sont remplacés par les mots : « un étranger ».

TITRE III

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE PÉNAL

ET LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Article 38

I. - Les quatrième à dixième alinéas de l'article 131-30 du code pénal sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L'interdiction du territoire français prononcée en même temps qu'une peine d'emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l'objet, aux fins de préparation d'une demande en relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir. »

II. - Après l'article 131-30 du même code, sont insérés deux articles 131-30-1 et 131-30-2 ainsi rédigés :

« Art. 131-30-1. - En matière correctionnelle, le tribunal ne peut prononcer l'interdiction du territoire français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger lorsqu'est en cause :

« 1° Un étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

« 2° Un étranger marié depuis au moins deux ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation, que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

« 3° Un étranger qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ;

« 4° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ;

« 5° Un étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;

« 6° Supprimé.

« Art. 131-30-2. - La peine d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée lorsqu'est en cause :

« 1° Un étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

« 2° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;

« 3° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n'ait pas cessé ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger relevant du 1° ;

« 4° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an.

« 5° Un étranger qui réside en France sous couvert du titre de séjour prévu par le 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »

« Les dispositions prévues au 3° et au 4° ne sont toutefois pas applicables lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus par les chapitres Ier, II et IV du titre Ier du livre IV et par les articles 413-1 à 413-4, 413-10 et 413-11, ni aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV, ni aux infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous prévues par les articles 431-14 à 431-17, ni aux infractions en matière de fausse monnaie prévues aux articles 442-1 à 442-4. »

III. - La dernière phrase des articles 213-2, 222-48, 414-6, 422-4, 431-19 et 442-12 du même code ainsi que de l'article 78 de la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction est supprimée.

Article 39 bis

Après la première phrase du huitième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée ci-dessus et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. »

Article 39 ter

Supprimé

Article 39 quater

Supprimé

Article 39 quinquies

Supprimé

TITRE III bis

DISPOSITIONS MODIFIANT

LE CODE DES DOUANES

Division et intitulé supprimés

Article 41 bis

Supprimé

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 42 A

Le deuxième alinéa de l'article L. 323-5 du code des ports maritimes est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En ce qui concerne les transports de marchandises, ils peuvent procéder à des contrôles visant à détecter une présence humaine sans pénétrer eux-mêmes à l'intérieur des véhicules ou de leur chargement. »

Article 42 B (nouveau)

Le premier alinéa de l'article 67 quater du code des douanes est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée ci-dessus et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des vingt kilomètres, la vérification peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. »

Article 42

I. - Par dérogation aux dispositions de l'article 28 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée et sans préjudice de l'article 702-1 du code de procédure pénale, s'il en fait la demande avant le 31 décembre 2004, tout étranger justifiant qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et ayant été condamné postérieurement au 1er mars 1994, par décision devenue définitive, à la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, est relevé de plein droit de cette peine, s'il entre dans l'une des catégories suivantes :

1° Il résidait habituellement en France depuis au plus l'âge de treize ans à la date du prononcé de la peine ;

2° Il résidait régulièrement en France depuis plus de vingt ans à la date du prononcé de la peine ;

3° Il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de la peine et, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française ou avec un ressortissant étranger qui réside habituellement en France depuis au plus l'âge de treize ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;

4° Il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de la peine et, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, cette condition devant être remplie depuis la naissance de ce dernier ou depuis un an.

Il n'y a pas de relèvement lorsque les faits à l'origine de la condamnation sont ceux qui sont visés au dernier alinéa de l'article 131-30-2 du code pénal. Il en est de même lorsque l'étranger relève des catégories visées aux 3° ou 4° et que les faits en cause ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

La demande ne peut davantage être admise si la peine d'interdiction du territoire français est réputée non avenue.

La demande est portée, suivant le cas, devant le procureur de la République ou le procureur général de la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, de la dernière juridiction qui a statué.

Si le représentant du ministère public estime que la demande répond aux conditions fixées par le présent article, il fait procéder à la mention du relèvement en marge du jugement ou de l'arrêt de condamnation et en informe le casier judiciaire national automatisé. Il fait également procéder, s'il y a lieu, à l'effacement de la mention de cette peine au fichier des personnes recherchées. Il informe le demandeur, par lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse qu'il a fournie lors du dépôt de la demande, du sens de la décision prise.

Tous incidents relatifs à la mise en oeuvre des dispositions prévues aux alinéas précédents sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence qui statue dans les conditions prévues par l'article 711 du code de procédure pénale. A peine d'irrecevabilité, le demandeur doit saisir le tribunal ou la cour dans un délai de dix jours à compter de la notification de la lettre visée à l'alinéa précédent.

II. - Par dérogation aux dispositions de l'article 28 quater de ladite ordonnance, et s'il en fait la demande avant le 31 décembre 2004, tout étranger justifiant qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, peut obtenir l'abrogation de cette décision s'il entre dans l'une des catégories visées aux 1° à 4° du I.

Il n'y a pas d'abrogation lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion sont ceux qui sont visés au premier alinéa du I de l'article 26 de ladite ordonnance. Il en est de même lorsque l'étranger relève des catégories visées aux 3° ou 4° du I du présent article et que les faits en cause ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

La demande doit être formée auprès de l'auteur de l'acte. Si ce dernier constate que la demande répond aux conditions fixées par le présent article, il fait procéder à la suppression de la mention de cette mesure au fichier des personnes recherchées. Il informe l'intéressé du sens de sa décision par lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse qu'il a fournie lors du dépôt de la demande.

Lorsqu'il est prévu, dans les 1° à 4° du I, qu'une condition s'apprécie à la date du prononcé de la peine, cette condition s'apprécie à la date du prononcé de la mesure d'expulsion pour l'application des dispositions du II.

III. - La carte de séjour temporaire visée à l'article 12 bis de ladite ordonnance est délivrée de plein droit, à sa demande, à l'étranger qui a été relevé de l'interdiction du territoire français dont il faisait l'objet ou dont la mesure d'expulsion a été abrogée dans les conditions prévues par le I ou le II du présent article.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque, postérieurement au prononcé de la mesure d'expulsion, l'étranger a commis des faits visés au deuxième alinéa du II, et, s'il y a lieu, dans les conditions prévues par ce même alinéa. Elles ne s'appliquent pas davantage si ces mêmes faits ont été commis avant le prononcé de la mesure d'expulsion, mais n'ont pas été pris en compte pour motiver celle-ci. En cas de pluralité de peines d'interdiction du territoire français, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables qu'en cas de relevé de l'ensemble des peines d'interdiction du territoire.

Article 42 bis A

Sauf en cas de menace pour l'ordre public, dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet ou ont été relevés de leurs peines d'interdiction du territoire français ou encore dont les peines d'interdiction du territoire français ont été entièrement exécutées ou ont acquis un caractère non avenu, bénéficient d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date de la mesure ou du prononcé de la peine, ils relevaient, sous les réserves mentionnées par ces articles, des catégories 1° à 4° des articles 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée ou 131-30-2 du code pénal, et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article 12 bis ou dans celui de l'article 29 de ladite ordonnance.

Lorsqu'ils ont été condamnés en France pour violences ou menaces à l'encontre d'un ascendant, d'un conjoint ou d'un enfant, le droit au visa est subordonné à l'accord des ascendants, du conjoint et des enfants vivant en France.

Ces dispositions ne sont applicables qu'aux étrangers ayant fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une interdiction du territoire français devenue définitive avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Article 42 bis

Dans le délai de cinq ans suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'application de la réforme des règles de protection contre les mesures d'expulsion et les peines d'interdiction du territoire français issue de ladite loi.

Article 44 ter

Les dispositions prévues à l'article 8 et au 3° de l'article 31 bis de la présente loi entreront en vigueur le 1er janvier 2004. Toutefois, les dispositions de l'article 12 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée telle que modifiée par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 précitée resteront en vigueur pour ce qui concerne les demandes d'asile territorial déposées en application de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 précitée.

Article 44 quater A

I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France.

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France regroupe et organise les dispositions législatives relatives à l'entrée, au séjour et au droit d'asile des étrangers en France.

Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit.

II. - L'ordonnance prévue au I sera prise dans les douze mois suivant la publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Article 44 quater

Il est créé une commission composée de parlementaires, de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques, chargée d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires.

La première réunion de cette commission est convoquée au plus tard six mois après la publication de la présente loi.

Un décret fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette commission.

Article 44 quinquies

Il est créé une commission composée de parlementaires, de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques, chargée d'apprécier les conditions d'immigration à La Réunion et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires.

Un décret fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette commission.

M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements qui ont été déposés.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. n° 6

ARTICLE 2

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :

« Au début du dernier alinéa de cet article, après les mots : "Un décret en Conseil d'État fixe", supprimer les mots : ", en tant que de besoin,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. J'ai déjà défendu cet amendement, comme les deux autres amendements, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements n°s 2 et 3.

M. le président. Le vote est réservé.

Art. n° 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. n° 19 bis

ARTICLE 6

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa de cet article, substituer aux mots : "la Communauté européenne" les mots : "l'Union européenne". »

Cet amendement a déjà été défendu, et le Gouvernement a émis un avis favorable.

Le vote est réservé.

Art. n° 6
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Explications de vote sur l'ensemble (début)

ARTICLE 19 bis

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa de cet article, après les mots : "les deux premiers alinéas de l'article L. 364-3 et", insérer les mots : "par l'article". »

Cet amendement a déjà été défendu, et le Gouvernement a émis un avis favorable.

Le vote est réservé.

Personne ne demande la parole sur l'un des articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire ?...

Vote sur l'ensemble

Art. n° 19 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Gouvernement aurait pu proposer les amendements que nous venons de découvrir.

Je n'ai pas d'observation particulière à formuler sur les amendements n°s 2 et 3. En revanche, l'amendement n° 1 nous ôtera l'un de nos nombreux arguments. Ce n'était pas le plus important, et c'est pourquoi je ne l'avais pas indiqué tout à l'heure dans la liste des motifs de notre recours devant le Conseil constitutionnel. En effet, dire qu'un décret en Conseil d'Etat fixe « en tant que de besoin » est une première : ou bien on prévoit un décret en Conseil d'Etat, ou bien on ne le prévoit pas. La précision « en tant que de besoin » aurait sûrement été censurée par le Conseil constitutionnel. Nous comprenons donc que vous la supprimiez.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
 

6

RESPONSABILITÉS LOCALES

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 4, 2003-2004) relatif aux responsabilités locales. [Rapport n° 31 (2003-2004) ; avis n°s 32, 34, 33 et 41 (2003-2004).]

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me réjouis que le Gouvernement ait déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat ce texte majeur de l'acte II de la décentralisation. J'y vois une nouvelle reconnaissance du rôle essentiel que joue le Sénat dans le domaine des libertés locales, ainsi qu'en témoigne également votre présence, monsieur le Premier ministre, une présence à laquelle nous sommes très sensibles.

Les nouvelles dispositions de l'article 39 de la Constitution issues de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 prévoient, vous le savez, que les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont désormais soumis en premier lieu à notre assemblée.

Vous me permettrez à cette occasion de le rappeler à nouveau : le Sénat, assemblée parlementaire à part entière et aussi représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République, a joué un rôle clé, un rôle d'anticipation dans les réflexions préparatoires à cette révision constitutionnelle que nous avons marquée de notre empreinte.

Je ne doute pas que le Sénat se livrera à un examen approfondi de l'important projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.

La décentralisation est un enjeu fondamental de la réforme de l'Etat ; elle en constitue même la pièce maîtresse. Nous devons sans cesse nous poser la question du meilleur niveau de décentralisation, du meilleur périmètre de transfert de compétences pour rapprocher les lieux de prise de décision des citoyens et favoriser de nouvelles solidarités entre les territoires.

Par-delà nos appartenances politiques, par-delà nos sensibilités, nous ne manquerons pas de veiller tous avec la plus grande vigilance au respect des principes fondamentaux de la décentralisation inscrits dans notre Constitution, en particulier l'autonomie financière des collectivités territoriales et la stricte compensation financière des transferts de compétences.

Comme je l'ai déjà dit dans d'autres circonstances, la décentralisation, qui constitue un véritable projet de société, doit s'effectuer sur des bases financières saines, sûres et sereines. Elle ne saurait se réduire à un simple transfert de prélèvements obligatoires et encore moins à une opération de délestage de l'Etat.

Formons le voeu que le grand débat qui s'ouvre aujourd'hui s'enrichisse de l'expérience de terrain de l'ensemble des sénateurs pour permettre au Sénat d'apporter une contribution essentielle à la réussite de cette nouvelle étape décisive de la décentralisation.

Mes chers collègues, nous sommes au début d'un grand marathon parlementaire de plusieurs semaines ; plus de 1 200 amendements sont en effet à examiner, et de la façon la plus sérieuse qui soit, comme d'habitude.

Place maintenant au débat.

Je donne donc immédiatement la parole à M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, que je remercie de nouveau d'être venu présenter lui-même, devant la Haute Assemblée, cet important projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieurs le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les sénateurs, le gouvernement que je conduis, conformément aux orientations du Président de la République, est un gouvernement de mission.

Notre mission est de réformer notre pays pour lui permettre de tenir son rang dans la compétition non seulement européenne, mais aussi mondiale, et pour permettre aux enfants de notre pays d'avoir un avenir plus sûr, plus chaleureux, aussi. Telle est l'ambition qui nous conduit à vouloir mener des réformes structurelles afin d'adapter notre pays aux temps modernes et faire en sorte que la France vive à l'aise dans le xxie siècle.

Ces réformes, je les ai développées dans mon discours de politique générale ; je me tiens à cette feuille de route.

En 2002, le rétablissement de l'autorité de l'Etat républicain a été, vous le savez, notre priorité, qu'il s'agisse de la sécurité, de la justice ou de l'armée. Je voudrai, saluer, dix-huit mois plus tard, l'action du Gouvernement, notamment celle de M. Nicolas Sarkozy, qui est ici présent, mais aussi celle de M. Dominique Perben et de Mme Michèle Alliot-Marie, bref l'action de tous ceux qui, à la tête des ministères régaliens, font en sorte que l'Etat puisse réaffirmer son autorité sur l'ensemble du territoire national. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Nous avons à conduire cinq grandes réformes essentielles pour l'avenir du pays. Ces cinq chantiers structurels, vous les connaissez : sauver les retraites ; décentraliser et réformer l'Etat ; améliorer les conditions de l'accès au travail ; sauver l'assurance maladie ; faire évoluer notre système éducatif.

S'agissant des retraites, nous avons construit une réforme à la hauteur des enjeux auxquels est confronté notre pays. D'ici à l'horizon 2020, les problèmes sont résolus : nous avons prévu les rapports d'étape nécessaires.

Il nous faut aussi assurer de meilleures conditions d'accès au travail. Dans cette perspective, nous avons engagé des réformes importantes. Dans le projet de loi de finances pour 2004, nous prévoyons 17 milliards d'euros d'allégement de charges.

Mais les réformes sont aussi structurelles : je pense à celle de la formation professionnelle ; je pense à l'accord récemment signé avec les partenaires sociaux. Alors qu'on nous annonçait une rentrée difficile,...

M. Henri de Raincourt. Brûlante !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... les partenaires sociaux se sont engagés sur un droit nouveau, le droit individuel à la formation, qui va permettre aux salariés d'accéder à la formation, tout au long de leur vie professionnelle et, ce faisant, de renforcer leur protection dans le monde du travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est que, en effet, la formation professionnelle sera l'une des sécurités sociales de ce xxie siècle.

Il nous faut aussi avancer sur les relations sociales, sur la réforme du droit du travail. Les conclusions du rapport de M. Virville seront mises en oeuvre dès le début de l'année prochaine.

Nous avons enfin engagé une réforme de l'assurance-maladie pour sauver la sécurité sociale menacée par les déficits.

M. Guy Fischer. On n'en prend pas le chemin !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. C'est la raison pour laquelle, comme l'avait fait le gouvernement précédent, c'est-à-dire à partir d'un travail d'expert - je pense au Conseil d'orientation des retraites, le COR -, nous avons créé un Haut Conseil de l'assurance maladie chargé d'établir un diagnostic partagé. A partir de ce diagnostic, nous pourrons engager les négociations nécessaires qui nous permettront d'accomplir cette réforme avant l'été.

J'en viens à la dernière réforme, non moins importante que les précédentes, celle de la décentralisation, à laquelle est liée - les membres de la Haute Assemblée le savent mieux que quiconque - la réforme de l'Etat. Avec le texte qui est proposé par le Gouvernement, par moi-même, par M. Nicolas Sarkozy et par M. Patrick Devedjian, nous franchissons aujourd'hui une étape décisive.

La première étape était constitutionnelle ; désormais, notre République se vivra différemment, puisque « l'organisation de la République est décentralisée ».

Monsieur le président, vous avez souvent manifesté votre ambition pour la décentralisation, mais vous l'avez toujours assortie d'une grande prudence financière. Vous avez à présent devant vous un gouvernement qui vous donne deux garanties et d'abord la plus belle de toutes les garanties juridiques : la Constitution ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Aujourd'hui, aux termes de la Constitution, il n'est plus possible de transférer une charge aux villes, aux départements ou aux régions sans transférer les financements afférents.

M. Jean-Pierre Masseret. Cela a toujours été le cas !

M. Guy Fischer. Nous en reparlerons !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. C'est désormais inscrit dans la Constitution et c'est la meilleure garantie qu'un gouvernement puisse offrir et aux assemblées et à l'ensemble des acteurs locaux de ne plus subir de transfert de charges non financés, c'est-à-dire d'augmentations d'impôts locaux à retardement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Cette protection constitutionnelle est essentielle !

M. Jean-Guy Branger. Bravo !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mais nous avons fait en sorte qu'il y ait une seconde protection, une seconde garantie. En effet, à la fin de cette année et au début de l'année 2004, dès que le Parlement aura décidé des transferts de compétences inhérents aux projets de loi qui lui seront soumis, nous pourrons évaluer le coût de ces transferts et ajuster les financements en conséquence dès la loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Valade. C'est la bonne méthode !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Voilà une double sécurité qui, je crois, vous permettra d'engager cette réforme de la décentralisation avec enthousiasme,...

Mme Nicole Borvo. Personne ne semble vraiment enthousiaste, ici !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... sans réserve, et avec audace. Aujourd'hui, l'ensemble des Etats européens fait confiance à leurs territoires pour développer la dynamique locale, pour faire en sorte que les forces vives puissent mieux s'exprimer. La décentralisation fait partie, aujourd'hui, de la mobilisation des peuples d'Europe.

Tel est d'ailleurs bien l'esprit dont j'ai trouvé empreint l'ensemble de vos travaux, notamment ceux de la commission des lois, de son président, M. René Garrec, et de son rapporteur, M. Jean-Pierre Schosteck. J'exprime ma profonde gratitude à ce dernier pour la qualité de son rapport, ainsi que pour cette audace décentralisatrice qui apparaît dans ses conclusions. Ma gratitude va également aux quatre rapporteurs pour avis, Mme Annick Bocandé, ainsi que MM. Michel Mercier, Philippe Richert et Georges Gruillot.

Ces travaux s'inspirent d'ailleurs des rapports précédents. Je pense aux rapports de MM. Mercier et Delevoye ; je pense naturellement aussi au rapport de M. Mauroy, dont j'ai l'impression de m'inspirer ici beaucoup ! (Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Point trop n'en faut !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Visiblement, d'un côté, on trouve que ce n'est pas assez, de l'autre, on trouve que c'est trop ! Cela doit vouloir dire que c'est bien ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Je voudrais également saluer le travail du président Jean François-Poncet, qui a toujours conjugué décentralisation et aménagement du territoire, deux fonctions distinctes mais qui méritent d'être, en permanence, considérées simultanément.

L'objectif du Gouvernement est triple : le Gouvernement veut responsabiliser ; le Gouvernement veut libérer ; le Gouvernement veut réformer.

Responsabiliser, d'abord. Les Français, vous le savez mieux que quiconque, en ont assez de l'impuissance publique, de ces guichets administratifs où l'on se renvoie la balle de l'un à l'autre. C'est pourquoi ce projet de loi de décentralisation a d'abord pour objet de confier des responsabilités.

La dignité de l'élu réside dans l'exercice de la responsabilité, cette responsabilité qui consiste à lever l'impôt et à affecter son produit, avec une sanction : celle de l'électeur. Nous voulons donc organiser cette responsabilité autour des deux couples dont nous avons souvent parlé : le couple Etat-région, pour les fonctions de cohérence, d'orientation, de développement, de programmation, et le couple département-communes avec l'intercommunalité dans sa globalité, pour l'ensemble des politiques de proximité et de solidarité. C'est, je crois, très important d'avoir cette démarche double de la cohérence et de la proximité.

Un pays comme la France ne doit pas se passer de l'exigence de la cohérence ; à défaut, nous irions vers la dispersion, voire l'éclatement.

Mais, de même que nous ne pouvons pas nous passer de la cohérence, nous ne pouvons pas nous dispenser de la proximité. C'est pour cela qu'il nous faut ces deux couples, le couple de la cohérence Etat-région, le couple de la proximité département-communes et intercommunalité. C'est ce que nous voulons développer par notre réforme.

Nous voulons également libérer l'ensemble des marges de manoeuvre qui sont aujourd'hui nécessaires sur le territoire. Grâce aux transferts de compétences et à une meilleure prise en charge des responsabilités, vous serez porteurs d'une dynamique qui, j'en suis sûr, sera plus égalitaire que celle d'un Etat trop centralisé. Régulièrement, des citoyens nous font part de leur crainte que la décentralisation n'engendre des inégalités entre les territoires...

Plusieurs sénateurs socialistes. C'est même certain !

M. Gérard Delfau. Ils ont raison !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... comme si, aujourd'hui, les lycéens des ZEP avaient les mêmes chances que ceux qui sont inscrits dans les plus grands lycées parisiens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La décentralisation a corrigé bien des disparités. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Parce qu'elle préfère l'égalité à l'égalitarisme, la décentralisation accompagne les personnes, et la gestion des proximités permet de mieux corriger les inégalités.

M. Alain Gournac. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La décentralisation permettra cette dynamique d'une action publique proche du citoyen, plus à même d'organiser aujourd'hui sa promotion, notamment par l'exercice des compétences.

L'exemple des collèges et des lycées montre que ce ne sont pas les territoires les plus fragiles qui ont fait le moins d'efforts pour leurs équipements éducatifs, pour la mobilisation de leurs jeunes et pour la réduction des inégalités ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Delfau. A quel prix !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ce sont eux qui doivent être encouragés. C'est pour cela que nous avons bâti un système de péréquation financière...

MM. Gérard Delfau et Jean-Pierre Sueur. Où est-il ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... afind'aider les territoires. Ces derniers nous permettront ainsi d'organiser cette justice financière qui doit accompagner tout exercice des libertés territoriales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

On le sait bien, à force de vouloir tout faire, l'Etat a fini par négliger ce que lui seul peut faire. La décentralisation doit être le choc qui lui permettra de se recentrer sur ses missions principales.

L'Etat demeurera, au niveau local, acteur et opérateur en matière de sécurité, de justice, d'emploi, d'éducation, de fiscalité, de santé publique, ainsi qu'en ce qui concerne les équipements structurants à l'échelle nationale, l'équilibre entre les territoires ou les interventions en cas de crise. Dans les autres domaines, il restera le garant de la norme législative en amont, et de l'évaluation ou du contrôle en aval, mais ce sont les collectivités territoriales qui assumeront les responsabilités.

L'Etat ne doit pas chercher à garder des compétences résiduelles ou des outils amputés et à regagner, par le biais des administrations, les transferts qui auront été effectués par la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Je souhaite qu'ensemble nous soyons vigilants afin que la décentralisation soit réalisée par blocs entiers de compétences et que ne subsistent pas ces « morceaux » de compétences justifiant les croisements les plus inefficaces et quelquefois, hélas !, les plus coûteux.

Grâce à cette décentralisation, nous pourrons enfin réformer l'Etat avec une vision claire de notre organisation républicaine. C'est ce qui nous paraît le plus important. L'Etat doit assumer ses fonctions régaliennes avec autorité, sans arrogance mais avec force, et faire confiance aux collectivités territoriales : ce ne doit pas être un Etat méfiant qui, par différents contrôles, laisse penser en permanence qu'il agirait mieux que ceux auxquels il a conféré des compétences. L'Etat doit assumer ses responsabilités avec clarté et fermeté et, dans le même temps - en confiance et avec respect -, confier des responsabilités aux collectivités locales.

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas le texte !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous pourrons ainsi démontrer dans notre pays que, grâce à l'action locale, la politique peut se réconcilier avec les citoyens. On sait bien, en effet, que les élus locaux sont les plus proches des citoyens, que la République est mieux considérée s'il s'agit d'une action locale réalisée par le maire sur le terrain. C'est donc de cette crédibilité qu'il nous faut nous inspirer pour réformer l'ensemble de notre appareil national.

Nous pourrons mener cette réforme de l'Etat en recentrant ses responsabilités, en prenant des initiatives et en faisant confiance aux décisions des élus locaux au niveau des villes, des communautés urbaines, des agglomérations, des départements et des régions.

Je voudrais vous dire combien cela me paraît important dans la nouvelle Europe qui est en train de se dessiner. Nous sommes en effet à la veille d'une Europe du xxie siècle. Elle sera peut-être dotée d'une constitution et d'institutions différentes, qui donneront à cet espace agrandi de plus de 400 millions d'habitants des responsabilités importantes. Mais celles-ci risquent d'être lointaines et bureaucratiques.

L'Europe aura besoin de s'appuyer sur les collectivités territoriales et de décentraliser la gestion de fonds comme le Fonds européen de développement régional, le FEDER, et quelques autres interventions européennes au plus près du terrain. Ainsi, elle pourra être proche des citoyens et se sentir en harmonie avec les initiatives des collectivités territoriales.

Avec ce projet de loi, nous parachevons notre dispositif de décentralisation.

Le premier élément de cette architecture est la loi constitutionnelle. Celle-ci donne des garanties, montre le cap et permettra désormais au Conseil constitutionnel d'intervenir à chaque fois qu'une loi ne prendra pas en compte la décentralisation ou qu'un transfert sera décidé sans les financements correspondants destinés à libérer les collectivités territoriales de toute charge supplémentaire.

Les autres éléments de cette architecture sont les deux textes d'organisation, à savoir la loi relative à la démocratie de proximité et la loi organique relative au référendum local. Elles sont très importantes à la fois pour les collectivités territoriales et pour l'Etat. Les consultations qui seront organisées prochainement, outre-mer, qui permettront aux citoyens de s'exprimer sur l'avenir de leur organisation territoriale.

C'est une démocratie vivante que nous voulons développer grâce à la décentralisation. Pour y parvenir, vous avez adopté le texte relatif à la démocratie de proximité et le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales.

L'expérimentation est le moyen de tester, d'évaluer et de lever des craintes afin d'avancer sur la voie de la décentralisation.

Nous avons connu, sous le précédent gouvernement, l'aventure du transport express régional, le TER. Quelques-uns d'entre nous étaient sceptiques, car ils entrevoyaient les difficultés qui se poseraient sur le terrain lors de cette régionalisation du transport ferroviaire. Puis nous avons procédé une expérimentation dans plusieurs régions, ce qui nous a permis de mesurer les difficultés, les problèmes de financement et d'organisation qui se dessinaient. Progressivement, les partenaires sociaux ont pris en considération cette réforme. Alors qu'ils y étaient opposés au départ, la pratique l'a finalement emporté sur l'idéologie. Cette réforme a gagné des adhésions, car elle est apparue de plus en plus concrète et opérationnelle. La régionalisation du TER est ainsi devenue un acquis et a pu être généralisée.

Il nous fallait finaliser ce troisième texte important afin de mettre en place cette capacité d'expérimentation. De grandes réformes ne pourront se faire dans notre pays que grâce au dynamisme des régions, des départements et des communes. Cette expérimentation nous permettra de lever les obstacles à la réforme, qui tiennent en général à la crainte, à la peur, et que le pragmatisme peut permettre de surmonter.

Le quatrième texte, celui qui vous est présenté aujourd'hui, est relatif aux transferts de compétences et constitue sans doute le texte clé. M. Nicolas Sarkozy vous en exposera les grandes lignes dans un instant.

Le cinquième et dernier texte est le projet de loi organique visant à définir notre conception de l'autonomie financière des collectivités territoriales, que vous avez souhaitée lors des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle. Nous voulons accorder aux collectivités locales un degré très important d'indépendance et faire en sorte que, au moment où on les libère de certaines tutelles administratives, elles ne soient pas soumises à d'autres tutelles, financières cette fois.

Le projet de loi organique revêt donc une grande importance. Je remercie d'ailleurs tous ceux, notamment Jean-Pierre Fourcade, qui, par leur travail, ont nourri cette réflexion et permis au Gouvernement d'insérer dans le débat ce projet de loi organique. Nous nous étions engagés à ce que le projet de loi organique soit rendu public avant le début du débat. C'est chose faite. Il pourra donc nourrir vos réflexions sur l'ensemble destextes proposés.

Enfin, sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement est ouvert aux amendements et aux améliorations qui pourront être apportés à ce texte. La Haute Assemblée a une grande expérience de la vie des collectivités territoriales, de la décentralisation. Je voudrais vraiment vous convaincre que, partout où se dégageront des consensus fondés sur l'expérience, le Gouvernement sera prêt à aller plus loin.

Nous souhaitons éviter les querelles entre les échelons, qui conduisent souvent à des paralysies. Nous voulons rassembler les forces de la décentralisation, les installer dans des logiques de projets plutôt que de structures. Ce qui compte pour la France du xxe siècle, c'est que de nos territoires jaillissent des projets portés par différentes structures. Mais l'essentiel est que le projet devance la structure, que nos raisonnements soient ceux des projets et non pas seulement ceux des structures. Evitons les égoïsmes de structures, évitons les frilosités que peut engendrer aujourd'hui la complexité de la décentralisation.

Nous sommes en fait en train d'organiser le service public. Nous parlons de décentralisation ; mais ce qui compte, pour le citoyen, c'est le service : le service de formation, le service rural, le service de développement. C'est de ces services et de cette proximité qu'il faut parler aux citoyens.

Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour vous engager avec audace dans cette réforme. La France a en effet besoin de la dynamique des collectivités territoriales pour tenir sa place dans la nouvelle Europe.

Je compte donc sur vous pour faire preuve de ce dynamisme, de cette audace. Une opportunité formidable nous est offerte aujourd'hui. Les lois sont essentielles, mais, ce qui compte, c'est ce que nous en ferons tous sur le terrain, l'Etat à sa place, et les collectivités à la leur.

En conclusion, je vous livrerai ma conviction. La société vers laquelle nous nous dirigeons n'est pas, hélas ! une société de la simplification extrême. Il est pourtant nécessaire de simplifier nos procédures. Mais aujourd'hui, chaque citoyen veut être reconnu pour lui-même, chaque collectivité territoriale veut être reconnue pour elle-même, et les uns et les autres veulent que leur identité soit reconnue. Nous sommes Normands, bien sûr, mais nous sommes de la Basse-Normandie ; nous sommes de la Basse-Normandie, mais nous sommes du Bocage ; nous sommes du bocage, mais nous sommes de Crèvecoeur et pas d'ailleurs ! Nous avons partout une spécificité, et c'est ce qui fait la force et le charme de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Il faut la préserver et la défendre. Néanmoins, si l'on traite comme on le doit chaque territoire et chaque Français avec leur identité propre, l'ensemble de nos processus publics deviennent complexes, la seule véritable réponse à la complexité, dans la société moderne, étant la proximité.

C'est donc en traitant les sujets sur le terrain au plus près du citoyen que nous pourrons concilier, aujourd'hui, la dynamique et la justice. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'ensemble du Gouvernement, Patrick Devedjian et moi-même nous sommes engagés sans réserve sur ce projet de réforme souhaité par M. le Premier ministre. Nous aurons à coeur de le mener à son terme, car nous avons la conviction que, pour notre pays, cette exigence doit et peut transcender les clivages politiques.

La décentralisation ne doit pas être l'otage des calculs politiques. Confier des responsabilités claires et au bon niveau, donner aux électeurs la chance de savoir exactement pour qui ils votent et pourquoi, mieux organiser les responsabilités locales, voilà le travail qui est le nôtre.

Les discussions qui ont eu lieu cette année sur la réforme constitutionnelle ont parfois été animées. Le débat a été vif, ce qui est une bonne chose.

M. le Premier ministre peut d'ailleurs en porter témoignage. En effet, lorsqu'il a décidé d'engager le Gouvernement dans cette réforme sur la décentralisation, les commentateurs affirmaient que le sujet n'intéresserait et ne mobiliserait personne. Or c'est tout le contraire qui s'est produit. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) La mobilisation a été vive et des inquiétudes, c'est vrai, ont été exprimées. Mais elles sont normales et naturelles. Après tant d'années de défiance, il n'est pas aisé de réunir les conditions de la confiance.

Je tiens particulièrement à remercier Patrick Devedjian pour le travail qu'il a engagé. S'il fallait résumer nos ambitions au début de ce débat, j'utiliserais trois mots : clarté, loyauté et ouverture.

La clarté est le maître mot du projet de loi. Je ne reviendrai pas sur les principes que M. le Premier ministre vous a exposés. Si le projet de loi comporte 126 articles, le Gouvernement a néanmoins été soucieux de respecter le souhait de simplification exprimé au cours de tous les débats et sur l'ensemble des travées de cet hémicyle. Aucune réunion d'élus n'a eu lieu sans que l'on entende le mot « simplifier ». Je note que si ce travail avait été fait plus tôt, on ne nous le réclamerait pas avec la même force. (C'est vrai ! sur les travées de l'UMP.)

Mais la simplification - vous avez été nombreux à nous le dire - ne doit pas conduire au simplisme, et encore moins à la brutalité. Et c'est là que réside toute la difficulté. Comment simplifier sans être brutal ? La France n'est pas une page blanche. Elle hérite de siècles d'histoire. Gardons-nous de réformes prétendument parfaites qui régleraient tout d'un seul coup. Régions, départements, communes et groupements de communes ont acquis leur légitimité. Chaque sénateur, sur quelque travée qu'il siège, est prêt à donner le meilleur de ses convictions pour défendre le niveau auquel il croit le plus. Les aléas de l'histoire ont amené chacun de ces niveaux à exercer des responsabilités très diverses et parfois enchevêtrées. Ignorer le produit de l'histoire conduirait à humilier les uns et à privilégier les autres.

C'est pourquoi nous n'avons pas la prétention d'affirmer que les blocs de responsabilité qu'organise cette réforme doivent toujours avoir des contours rectilignes. En revanche, ce projet de loi a le grand mérite d'améliorer les choses puisque chaque niveau de collectivité se voit confier la responsabilité d'une grande politique.

Les régions sont clairement responsables du développement régional, qui est avant tout le pouvoir de coordonner les interventions économiques : 238 millions d'euros d'aides, auparavant distribués par l'Etat, seront désormais confiés aux régions.

Mais le développement, c'est aussi la formation professionnelle des adultes, qui est entièrement confiée aux régions : les crédits que l'Etat accordait à l'Association de formation professionnelle des adultes seront transférés aux régions, ce qui représente 560 millions d'euros supplémentaires.

Le développement des régions passe aussi par les transports et les grandes infrastructures. Or, s'il est une région où la question du transport des voyageurs se pose avec acuité, c'est bien l'Ile-de-France. Nous vous proposons de transférer le syndicat des transports en Ile-de-France, le STIF, à la région. L'enjeu est considérable puisque le STIF représente 681 millions d'euros, transporte 10 millions de voyageurs par jour et doit rendre la vie quotidienne des Franciliens plus facile, ce qui constirue un véritable défi. Cela fait des années que l'on parle de ce transfert. Eh bien, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin le décidera si la Haute Assemblée le souhaite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Gournac. Bravo !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le développement d'une région dépend aussi de son attractivité touristique. Nous voulons confier aux régions la compétence en matière de tourisme à titre principal, mais nous sommes plus ambitieux encore puisque nous souhaitons leur laisser, à titre expérimental, la gestion des fonds structurels européens, qui, je vous le rappelle, atteignent presque 16 milliards d'euros.

Il y a quelques mois, lorsque nous avons présenté cette mesure, certains s'en sont émus. Je crois cependant qu'ils est grand temps de tester toutes les solutions pour améliorer le taux de consommation des crédits européens. Quel Français peut comprendre que, dans cette période de disette budgétaire, des crédits ne soient pas consommés alors que les besoins sont immenses ?

M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !

M. Alain Gournac. Bravo !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La décentralisation, telle que la conçoit le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, obéit à cette idée que, là ou les préfets de région s'acquittent imparfaitement de leur tâche, les présidents de région réussiront peut-être mieux.

En tout cas, l'expérience mérite d'être tentée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Deuxième niveau de collectivités : les départements.

Les élus départementaux, Patrick Devedjian le sait mieux que quiconque, ont craint, au début du processus, que l'on ne veuille leur faire « une mauvaise affaire ». Je le dis devant la Haute Assemblée, qui compte de nombreux élus départementaux, les départements sortent renforcés du processus de décentralisation puisqu'ils deviennent pleinement et clairement responsables des actions sociales, compétence sur laquelle je veux particulièrement insister, même si, bien sûr, nous allons au bout de la logique dans les autres domaines aussi. Par exemple, les moyens correspondants, pour l'entretien, la réhabilitation et la sécurité, au transfert de 20 000 kilomètres du réseau routier national s'élèvent à 1,2 milliard d'euros.

Compétence pleine et entière est donc confiée aux départements dans le domaine de l'action sociale : à eux de gérer et de coordonner les aides à destination des plus démunis ; à eux de gérer le revenu minimum d'insertion. Ce sont au total 5 milliards d'euros d'aide qui seront ainsi gérés et distribués, avec, nous le souhaitons, plus de justice, d'équité et d'humanité, car avec plus de proximité, par les départements et non plus par l'Etat.

Nous proposons également de transférer aux conseils généraux les compétences générales de coordination de l'action gérontologique et même de toutes les prestations sociales en faveur des personnes âgées.

Vous le constatez, le Gouvernement a choisi de laisser clairement aux départements le soin de relever deux enjeux prioritaires de notre société : la solidarité et la vieillesse. Ce choix ancre de façon définitive les départements dans le paysage administratif et organisationnel français.

Pour les départements comme pour les régions, la Haute Assemblée est-elle prête à ce que nous allions plus loin ? S'il est un secteur où il nous faut être plus imaginatifs, c'est bien celui de la prévention de la délinquance des mineurs.

Nous proposons ainsi à titre expérimental de donner aux départements la possibilité de s'investir dans les mesures d'assistance éducative prononcées par le juge des enfants, mesures qui sont actuellement confiées à la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ. Ce n'est faire injure à personne de dire qu'il y a des marges pour améliorer l'efficacité en la matière.

M. Nicolas Alfonsi. C'est sûr !

MM. Paul Blanc et Alain Gournac. Oh oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Là encore, notre choix n'est pas de dénoncer les uns pour privilégier les autres ; notre souhait, c'est que tous ensemble nous soyons plus efficaces.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour le même prix !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Troisième niveau decollectivités enfin, et il ne s'agit naturellement pas d'un ordre hiérarchique, les communes et leurs groupements.

Le Sénat est le « grand conseil des communes de France ». Communes et intercommunalités sont les premiers acteurs locaux.

Nous avons choisi de leur confier de nouveaux domaines d'action : les aides à la pierre et le logement étudiant.

Je sais qu'il reste encore des points de débat, notamment sur le logement social.

M. Daniel Reiner. Quelques points...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Patrick Devedjian et moi-même attendons vos propositions. Comme nous l'a demandé le Premier ministre, nous ferons preuve d'une très grande ouverture en la matière.

On a parfois décrit le système élaboré comme compliqué. Il est vrai qu'il ne répond pas à une logique théorique automatique. Mais, je vous le disais, la simplicité n'est pas le simplisme, et je vais essayer de le démontrer.

Les communes et leurs groupements sont manifestement les mieux placés aux yeux du Gouvernement pour gérer les aides à la pierre. Pour autant, la concertation a fait également apparaître que certains départements, notamment à dominante rurale, souhaitaient conserver la possibilité d'intervenir. Pourquoi la leur refuser ? Nous vous proposons donc un système pragmatique : d'abord les communes et, chaque fois que cela sera nécessaire parce qu'il n'y aura pas de groupements de communes ou de vastes agglomérations, les départements pourront intervenir.

C'est cela que l'on appelle la France : des siècles d'histoire ont créé des situations diverses qui nous interdisent de trancher à coups de serpe technocratiques.

Bien sûr, les responsabilités des collectivités locales ne s'arrêtent pas aux seuls domaines que je viens de citer. Dans bien des cas, il nous est revenu, à Patrick Devedjian et à moi-même, de parachever ce qui avait été commencé, et parfois bien commencé.

Ainsi, les régions et les départements ont la responsabilité de l'entretien des lycées et des collèges. Il faut maintenant leur transférer les moyens humains correspondants.

C'est déjà fait pour les communes depuis - excusez du peu - la fin du xixe siècle. Il me semble qu'un siècle est un délai suffisant pour que quiconque aurait eu à se plaindre de la qualité du service rendu ou du statut du personnel ait pu se manifester. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Un siècle de réflexion et un système qui marche : peut-être le temps est-il venu d'oser faire pour les régions et pour les départements ce que nos pères ont fait voilà un siècle pour les communes. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Nous proposons donc le transfert des personnels techniques, ouvriers et de service, TOS, à ces collectivités.

Naturellement, la réforme ne se fera pas pour les uns contre les autres. Personne n'en sortirait gagnant. Nous avons entendu les craintes des personnels concernés, et il est bien précisé qu'ils font partie de la communauté éducative. Dans tous les cas, Patrick Devedjian et moi-même avons pour objectif de trouver des solutions apaisantes et, chaque fois que c'est possible, consensuelles. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Nous avons également souhaité que les élus locaux soient mieux associés aux décisions qui ont un impact sur la vie locale.

Je pense à la carte scolaire. Ce n'est pas rien, la carte scolaire ! Elle rythme la vie des familles dans les communes et les départements, et vous impose, à vous, mesdames, messieurs les élus, des charges de transport plus ou moins lourdes.

Je pense aussi à la santé. L'implantation d'un hôpital ou sa fermeture...

M. Daniel Reiner. Plutôt sa fermeture...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... ont des conséquences considérables sur la vie économique d'une région. Nous vous proposons d'associer les régions aux instances de décision chaque fois que cela sera nécessaire. Après tout, le directeur de l'agence régionale n'est pas le seul dans la région à savoir quels choix sont pertinents en matière d'organisation de la santé, et il n'est pas anormal que les élus régionaux aient la possibilité de donner - et de donner puissamment - leur avis.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas la peine de dire que la santé est un domaine d'action majeur si l'on tient pour principe que les élus sont irresponsables et incompétents pour en parler !

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas la peine en effet !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous entendons donc associer les élus aux décisions.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La clarification, naturellement voulue pour les collectivités locales, s'impose de la même manière pour l'Etat. A quoi servirait-il de donner de nouveaux pouvoirs aux collectivités locales sans avoir le courage de réformer dans le même temps l'Etat et son organisation ?

Première ligne de conduite, l'Etat doit être plus efficace, et les procédures seront donc simplifiées.

D'abord, le contrôle de légalité doit être modernisé. Moins d'actes seront transmis, mais ils seront mieux contrôlés, car, à force de tout vouloir contrôler, on ne contrôle plus rien !

Ensuite, les structures seront clarifiées.

Le préfet de région se verra reconnu un pouvoir de coordination et d'animation de l'action des préfets de département. Il n'y a aucune raison pour que les élus régionaux n'aient pas un interlocuteur unique pour discuter.

L'évaluation doit également s'appliquer avec plus de réalité sur le plan tant local que national.

La deuxième ligne de conduite du Gouvernement est la loyauté, et le corollaire de la loyauté, c'est la transparence. Plus qu'un principe, c'est une exigence. Combien de fois ai-je entendu dire que le Gouvernement se débarrassait à bon compte de ses charges et de ses responsabilités sur les collectivités locales ? Je dois bien l'avouer, il m'est arrivé de le dire moi-même (Sourires), avant d'être au Gouvernement naturellement...

M. Guy Fischer. On l'avait compris !

M. Charles Gautier. C'est un aveu !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne nous voilons pas la face : sous tous les gouvernements, quelle qu'ait été leur tendance politique, beaucoup de péchés ont été commis, et la tentation fut permanente.

Je pourrais citer nombre d'exemples de réglementations nouvelles qui ont imposé des charges supplémentaires, de transferts de compétences...

M. Louis de Broissia. Cela prendrait des heures !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... dont le coût a largement été sous-estimé, de transferts de responsabilités lorsque le Gouvernement ne parvenait pas à régler un problème.

M. Louis de Broissia. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Sur ce constat nous pouvons tous être d'accord. M. Devedjian et moi-même n'entendons pas polémiquer, mais nous tiendrons compte de cet héritage historique. Nous arrivons non pas sur un terrain neutre, mais sur un terrain où les crédits de confiance ont été largement engagés... et entamés.

Nous avons voulu marquer une rupture franche avec ces pratiques. Désormais, les règles sont claires. Elles sont posées par l'article 72-2 de la Constitution : transfert de compétences, création de compétences, extension de compétences égalent compensation.

Ni ce gouvernement ni les suivants ne pourront revenir sur ce principe : tout texte qui ne prévoira pas un transfert loyal et intégralement compensé sera censuré par le Conseil constitutionnel. Cette garantie est un acquis sur lequel personne ne reviendra et aucun gouvernement ne l'avait accordée aux collectivités locales avant celui de Jean-Pierre Raffarin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

C'est un point qui ne peut souffrir aucune discussion : il n'est pas de garantie plus solennelle et plus solide qu'une garantie constitutionnelle.

Malgré cette garantie, un certain nombre d'élus continuent à jeter un regard inquiet,...

Mme Nicole Borvo. On les comprend !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et c'est un réflexe bien compréhensible, non que l'action de ce gouvernement ne le justifie, mais j'ai bien le sentiment que nous somme jugés à l'aune de ce qu'ont fait nos prédécesseurs !

M. Gérard Collomb. Il n'y a qu'à prendre l'exemple des transports en commun !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La règle de la continuité républicaine veut cependant que, même si nos prédécesseurs ont gravement échoué ou lourdement fauté, nous assumions l'héritage.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'avez pas cinquante prédécesseurs, mais seulement quatre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. L'Etat ne doit pas reprendre d'une main ce qu'il a promis de l'autre. Vous avez besoin de preuves de confiance. Nous sommes prêts à aller beaucoup plus loin et à vous donner les preuves que vous attendez parce que, nous, nous avons besoin de votre confiance.

L'enjeu est considérable : 130 000 agents concernés, 11,5 milliards d'euros transférés si l'on exclut la mesure spécifique concernant le handicap.

Il est, vous le savez, très difficile de donner des chiffres définitifs, mais je veux autant que possible préciser les termes du débat financier pour que se dessine l'architecture de la construction que nous allons bâtir.

Tout d'abord, pour les régions, l'enjeu est de l'ordre de 2,5 milliards d'euros en 2003 : 1,1 millard d'euros pour le développement économique, 1,1 milliard d'euros pour l'éducation, 300 millions d'euros pour le service public de la santé.

Nous proposons que les nouvelles compétences soient intégralement financées par le transfert d'une ressource fiscale dynamique, c'est-à-dire d'une ressource dont l'évolution sera liée non pas seulement à son actualisation, mais aussi à la croissance : il s'agit d'une partie de la TIPP. Les régions pourront par ailleurs moduler le taux de la taxe.

Sur toutes les travées, vous avez dit « assez de dotations », parce que l'actualisation ne tient pas compte de la croissance et que vous savez trop bien ce qu'il advient des dotations au-delà de la première année. Le Gouvernement vous propose donc une recette fiscale dynamique : la TIPP.

Les compétences transférées aux départements représentaient en 2003 une charge d'environ 7,75 milliards d'euros : 5 milliards d'euros pour le RMI, 1,3 milliard d'euros pour la voirie, 1,15 milliard d'euros pour l'éducation, la culture et les sports, et 300 millions d'euros pour les autres transferts sociaux.

Certains éléments des nouvelles charges ne sont pas entièrement chiffrables aujourd'hui. Nous ne savons pas, par exemple, quel sera l'effet de la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, sur le coût du RMI, puisque les estimations des uns et des autres varient de presque rien à environ 400 millions d'euros !

La seule chose qui soit incontestable, et c'est le Gouvernement qui vous le dit, c'est qu'il y aura un effet, et que celui-ci devra être compensé. Est-ce clair ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

MM. Philippe Richert et Philippe Adnot. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Oui, mais comment ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le fait que certains chiffrages restent imparfaits ne doit pas nous empêcher de commencer la réforme, et c'est pourquoi le Gouvernement veut vous donner toutes les garanties que les charges décentralisées seront strictement couvertes par des ressources nouvelles.

M. Jean-Pierre Sueur. Lesquelles ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La première garantie, j'en ai déjà parlé, c'est la Constitution.

Ensuite, Patrick Devedjian et moi-même voulons vous proposer une clause de rendez-vous pour 2004 afin d'ajuster, région par région, département par département, s'il le faut, groupement de communes par groupement de communes, les ressources transférées en fonction de la réalité des charges.

C'est une nouvelle preuve de la loyauté du Gouvernement : une garantie constitutionnelle d'abord, une clause de rendez-vous ensuite, bref une garantie en amont, une garantie en aval. « Quand je m'ausculte, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure. » En termes de comparaison, nous ne craignons personne,...

M. Philippe Richert. Ça change !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... mais nous allons plus loin : le Gouvernement donne une preuve supplémentaire de sa bonne volonté en proposant de transférer aux départements une partie de la taxe sur les conventions d'assurance.

Nous sommes prêts à discuter du périmètre précis de la ressource transférée, mais, même si le périmètre ne devait couvrir que les deux principaux risques en matière d'assurance, à savoir l'habitation et l'automobile, ce transfert représenterait une ressource supplémentaire de près de 4 milliards d'euros.

J'ajoute que les départements disposeront de la liberté de voter les taux dans une certaine fourchette établie autour d'un taux moyen.

Cette ressource supplémentaire permettra de couvrir non seulement une partie des charges transférées, mais aussi le coût des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, soit 1,3 milliard d'euros. Cela prouve, si besoin en est, à quel point le Gouvernement s'engage. Les SDIS ne sont pas une charge nouvelle, et nous aurions pu, comme nos prédécesseurs, continuer à fermer les yeux !

M. Eric Doligé. Non, pas ça !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Au contraire, nous vous proposons le transfert d'une ressource dynamique pour financer les SDIS. Vous le demandiez depuis des années, et cela vous avait toujours été refusé.

Que l'on ne dise pas que la taxe intérieure sur les produits pétroliers et la taxe sur les conventions d'assurance sont « vendues » deux fois, car le montant des deux taxes est largement supérieur au montant maximum des charges transférées.

L'ensemble des coûts pour tout financer, y compris le RMI, les SDIS ou les effets induits par la réforme de l'allocation spécifique de solidarité, en se fondant sur l'estimation maximale réalisée par les élus eux-mêmes, atteint le montant total de 13,5 milliards d'euros. Or, le montant de la TIPP est de 26 milliards d'euros, celui de la taxe sur les conventions d'assurance de 5 milliards d'euros, dont environ 4 milliards d'euros sur des bases aisément localisables. Ces 31 milliards d'euros représentent plus que deux fois le montant total maximum des charges transférées.

Voilà la base de discussion. Personne ne peut mettre en doute la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il manque l'argent !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les régions, comme les départements, disposeront donc demain, grâce au transfert de ces deux ressources fiscales, de ressources dynamiques, évolutives et, surtout, modulables.

Permettez-moi d'ajouter que le projet de loi précise expressément que les transferts de compétences entreront en vigueur à la condition que les financements soientprévus.

C'est la raison pour laquelle a été retenue la date du 1er janvier 2005.

J'en viens aux évaluations.

Mme Nicole Borvo. Ha ! Ha !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'espère que vous chanterez aussi bien après ma proposition ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) C'est peut-être une preuve de confiance, un tel cri du coeur !

La question de confiance se pose dès l'évaluation des charges. Sur ce point, que les choses soient claires : il n'y aura pas de dissension, car vos suggestions quant à la méthode d'évaluation seront les nôtres.

Je vous propose simplement d'inverser la charge de la preuve : puisqu'en matière d'évaluation toutes ses propositions seront suspectes, le Gouvernement a décidé de prendre les vôtres.

Nous vous proposerons donc soit d'élargir les missions de la commission consultative, soit de renforcer le rôle du comité des finances locales.

Dans le même esprit, le Gouvernement ne discutera pas de la date de référence pour l'évaluation des charges : votre proposition sera celle du Gouvernement.

La loyauté doit-elle être davantage démontrée ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Guy Fischer. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. S'agissant, mesdames, messieurs les sénateurs, du dernier principe, celui de l'ouverture, je n'y insisterai pas : M. le Premier ministre en a déjà parlé. M. Devedjian et moi-même sommes décidés à accepter tous les amendements, qu'ils émanent de la majorité ou de l'opposition, dès lors qu'ils seront marqués par un souci de clarification, de loyauté et d'efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Vous le voyez : c'est à un grand débat que le Gouvernement vous appelle ; il ne doute pas que la Haute Assemblée saura être au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 24 mars 1968, à Lyon, le général de Gaulle s'exprimait de façon prémonitoire en ces termes :

« L'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain. »

Faisant écho à ces propos, le projet de loi relatif aux responsabilités locales, déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat, en application du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution, tend à opérer une profonde redistribution des pouvoirs au sein de nos institutions.

Il prévoit de confier aux collectivités territoriales des compétences étendues dans les domaines du développement économique, de la formation professionnelle, du tourisme, des infrastructures, de l'environnement, de l'action sociale, de la santé, de l'éducation et de la culture.

Le montant des compensations financières, estimé à au moins 11 milliards d'euros, et l'importance des transferts de personnels, qui devraient concerner 130 000 agents de l'Etat, témoignent de l'ampleur de la réforme.

En complément de l'approfondissement de la décentralisation, le projet de loi prévoit une restructuration des services déconcentrés de l'Etat, à travers l'affirmation du rôle du préfet de région et la rénovation des conditions d'exercice du contrôle de légalité.

Enfin, il comporte de nombreuses dispositions destinées à conforter l'essor de la coopération intercommunale, qui, ajoutées à plusieurs mesures concernant directement les communes, répondent largement aux préoccupations exprimées, ici ou là, quant au rôle de ces dernières.

Les réformes proposées sont le fruit d'une longue concertation avec les élus locaux et les représentants de la société civile, engagée dès le mois d'octobre 2002 dans le cadre d'assises des libertés locales organisées dans toute la France.

Elles s'inscrivent dans une démarche cohérente et ambitieuse, qui a permis d'offrir des garanties constitutionnelles aux collectivités territoriales avant de leur confier de nouvelles responsabilités.

Elles s'inspirent, enfin, dans la méthode comme dans le contenu, des initiatives prises par le Sénat au cours des dernières années avec l'organisation d'états généraux des élus locaux et la mise en place d'une mission commune d'information sur la décentralisation, présidée par notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye. Le rapporteur en était notre collègue Michel Mercier, dont plusieurs propositions sont reprises dans le texte qui nous est soumis.

Je ne reviendrai pas sur les quelque 126 articles que compte ce projet de loi, puisqu'ils ont été excellemment présentés par le Gouvernement. J'insisterai davantage sur les trois orientations retenues par la commission des lois à l'occasion de l'examen de ce texte : apaiser les craintes que l'annonce de l'acte II de la décentralisation a suscitées ; clarifier, quand il en était besoin, les responsabilités de chaque niveau de collectivités territoriales ; donner à celles-ci les moyens de les assumer.

Qu'il me soit permis, auparavant, de remercier nos collègues Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour leur compétence, leur capacité d'écoute et la qualité de l'important travail effectué en commun.

Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j'ai bien entendu procédé à de nombreuses auditions et participé à plusieurs réunions de concertation, notamment avec les différentes associations d'élus, afin de prendre en compte les attentes et les inquiétudes de chacun.

J'ai ainsi pu prendre la mesure de l'inanité des discours appelant à simplifier radicalement notre organisation territoriale et à trancher le noeud gordien de l'enchevêtrement des compétences. Chaque échelon de collectivités territoriales joue un rôle essentiel auprès de nos concitoyens et, au titre de la compétence générale, aucun d'entre eux ne peut se désintéresser de leurs préoccupations. Dès lors, toutefois, chacun se sent fondé à exercer telle ou telle responsabilité, ce qui ne contribue pas toujours à la lisibilité des politiques publiques.

J'ai également pu constater, avec satisfaction, que la décentralisation recevait désormais l'entier soutien des membres du corps préfectoral, à la différence de ce qui s'était passé en 1982. Ces derniers ont compris que, déchargés des tâches d'administration les plus lourdes, les services déconcentrés de l'Etat pourraient mieux exercer les missions régaliennes et de solidarité qui leur reviennent en propre.

Enfin, j'ai évidemment pris note des inquiétudes que suscite encore la décentralisation : celles de nos concitoyens, qui éprouvent parfois le sentiment qu'il s'agit d'une réforme faite par les élus à leur seul profit, alors qu'ils peuvent chaque jour en apprécier les bienfaits dans leur vie quotidienne ; celles des personnels de l'Etat, qu'effraie naturellement la perspective du changement ; celles enfin des élus locaux, qui redoutent de ne pas disposer des moyens nécessaires pour répondre aux besoins de la population.

Ces craintes portent principalement sur l'aggravation des inégalités, l'augmentation de la fiscalité locale ou encore la dégradation de la situation des personnels transférés. Le bilan des vingt dernières années montre pourtant qu'elles sont largement infondées.

A ceux qui craignent une aggravation des inégalités, je répondrai, en droit, que le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi et le principe d'égalité des usagers devant le service public s'imposent aussi bien à l'Etat et aux collectivités territoriales qu'aux personnes privées chargées d'un service public. Il appartiendra à la loi, le cas échéant, de fixer des règles minimales prévalant sur l'ensemble du territoire, en matière de revenu minimum d'insertion, de bourses étudiantes, de prime d'apprentissage... Encore faut-il rappeler que l'égalité ne signifie pas l'uniformité.

Quant aux faits, ils attestent que, loin d'aggraver les inégalités, la décentralisation a permis de les réduire. Il suffit à cet égard de citer les exemples des collèges et des lycées, de l'action sociale ou encore de la régionalisation ferroviaire. A l'inverse, la centralisation ne constitue pas la meilleure garantie de l'égalité. Le plus court chemin pour se rendre à Marseille depuis Bordeaux n'est-il pas encore de passer par Paris ?

A ceux qui craignent une augmentation des impôts, je répondrai que la décentralisation n'a pas entraîné d'alourdissement des prélèvements obligatoires, alors que les services rendus à la population se sont nettement améliorés depuis qu'ils ont été confiés aux collectivités territoriales.

M. Paul Blanc. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Les hausses récentes de la fiscalité locale sont davantage liées à des transferts de charges mal compensés par l'Etat.

En effet, faute d'un transfert de ressources suffisant, les départements ont été contraints d'augmenter les impôts locaux, à hauteur de 3,4 % en 2002 et de 3,7 % en 2003, pour financer l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, mise en place à partir du 1er janvier 2002. Leurs dépenses d'aide sociale ont, de ce fait, augmenté de 10 % en 2002 et de 14 % en 2003. A cela s'est ajouté le coût croissant des services d'incendie et de secours, également supporté par les départements.

Par ailleurs, toutes les collectivités locales ont eu à faire face aux conséquences financières de la réduction du temps de travail, qui a conduit à embaucher davantage de personnel pour rendre le même service. De même, elles ont dû engager des dépenses pour assurer la sortie du dispositif des emplois-jeunes, qui, elle non plus, n'avait pas été prévue. L'augmentation des dépenses de personnel a été de 5,9 % en 2002. On comprend dès lors qu'une inquiétude se manifeste. Chat échaudé craint l'eau froide !

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Toutefois - j'insiste sur ce point, car c'est une grande innovation -, l'article 72-2 de la Constitution interdit désormais de transférer aux collectivités locales des dépenses nouvelles sans les assortir des financements correspondants.

Cet article dispose que les transferts de charges seront compensés par l'attribution de ressources équivalentes à celles que l'Etat consacrait à l'exercice desdites responsabilités, ce qui signifie qu'ils devraient être neutres pour les contribuables.

Chacun sait cependant que les compétences transférées aux collectivités étaient mal exercées par l'Etat. En conséquence, pour assurer un meilleur service à la population, celles-ci devront réaliser des gains de productivité, ce qui ne semble pas hors de leur portée, et auront besoin de ressources fiscales. A la différence des dotations, ces dernières présentent le double avantage de permettre aux élus locaux d'effectuer de véritables choix de gestion et de renforcer leur responsabilité vis-à-vis de leurs électeurs, qui sont également contribuables.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Sénat avait tant plaidé en faveur de l'insertion dans la Constitution d'une disposition garantissant l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

Désormais, les transferts de charges entre l'Etat et les collectivités territoriales seront réalisés sous le contrôle du Conseil constitutionnel, qui vérifiera que le montant de ces transferts correspond à l'intégralité des moyens mis en oeuvre par l'Etat, d'une part, et que leurs modalités n'aboutissent pas à dégrader le taux d'autonomie fiscale des collectivités, d'autre part.

Faut-il rappeler, mes chers collègues, que, sous la précédente législature, les recettes fiscales des collectivités territoriales ont été amputées de près de 15 milliards d'euros, en raison de la suppression de la part salaires des bases de la taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe d'habitation,...

M. Louis de Broissia. Eh oui !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur pour les particuliers,...

M. Louis de Broissia. Eh oui !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... de la taxe régionale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux, ainsi qu'en raison de l'abaissement, puis du plafonnement, du tarif du droit de mutation à titre onéreux ?

Par ailleurs, la part de la péréquation dans les concours de l'Etat devra être augmentée, afin de permettre aux collectivités territoriales les plus pauvres de faire face à leurs charges. A cet égard, le commission des lois se félicite des avancées présentées dans le projet de loi de finances pour 2004.

La décentralisation ne devrait donc pas entraîner automatiquement une augmentation des impôts locaux. En revanche, elle permettra d'améliorer la qualité du service public, en le rendant plus proche des citoyens et mieux adapté à leurs attentes.

Enfin, les craintes éprouvées par les personnels de l'Etat à la perspective d'être placés sous l'autorité des maires et des présidents de conseil général ou de conseil régional semblent excessives.

En effet, la fonction publique territoriale, dont le statut est aussi protecteur que celui de la fonction publique d'Etat, a fait la preuve de son attrait depuis 1983.

En outre, un certain nombre de garanties sont reconnues dans le projet de loi aux agents des services transférés.

En premier lieu, ils pourront, s'ils le souhaitent, conserver un lien statutaire avec leur administration d'origine, en étant placés en position de détachement sans limitation de durée.

En deuxième lieu, l'appartenance à la « communauté éducative » des personnels de l'éducation nationale sera affirmée solennellement, et leurs missions seront maintenues dans les établissements.

En troisième lieu, les agents des services transférés auront droit au maintien du service actif après leur intégration dans la fonction publique territoriale, notamment dans les directions départementales de l'équipement.

Enfin, il est précisé que l'Etat continuera à se porter garant du régime de retraite de la RATP après le transfert à la région de la responsabilité du syndicat des transports en Ile-de-France.

Pour que les craintes se dissipent, il convient de donner aux collectivités territoriales les moyens d'assumer leurs responsabilités.

Pour y parvenir, la commission des lois s'est attachée, tout d'abord, à clarifier les compétences de chaque niveau de collectivités.

Ainsi, en matière d'interventions économiques, elle propose au Sénat de confirmer le rôle de chef de file des régions s'agissant des principales aides aux entreprises et de permettre aux départements et aux communes de continuer à accorder, seuls ou conjointement, dans le respect, bien sûr, du droit communautaire de la concurrence et en tenant compte du schéma régional de développement économique, des aides essentiellement destinées aux petites entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Dans le domaine du tourisme, la commission des lois préconise, d'une part, de confier à la région, plutôt qu'au département, le classement des équipements et organismes de tourisme, les agents de l'Etat affectés à ces tâches étant mis à sa disposition, et, d'autre part, d'opérer, par la loi et non par ordonnance, la réforme du régime des offices de tourisme. Il s'agit de donner à l'ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale la faculté de créer ces organismes sous la forme d'établissements publics industriels et commerciaux ou sous toute autre forme juridique de leur choix. La commission des affaires économiques, sous l'impulsion de notre collègue Georges Gruillot, a beaucoup travaillé sur cette réforme. Elle saura bien mieux que moi vous la présenter, mes chers collègues.

Dans le domaine de la formation professionnelle, la commission des lois propose notamment de transférer aux régions la responsabilité des stages d'accès à l'emploi, les SAE, et des stages individuels et collectifs d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE. Ce transfert ne figure pas dans le projet de loi, au motif que ces stages relèveraient non pas de la formation professionnelle, confiée aux régions, mais de la politique de l'emploi, qui incombe à l'Etat. La question mérite débat.

Dans le domaine des infrastructures, la commission des lois propose, d'une part, de prévoir le maintien des financements affectés aux contrats de plan, et, d'autre part, d'imposer au préfet de communiquer aux collectivités et aux groupements de collectivités territoriales sollicitant le transfert des aérodromes, des ports et des biens concédés aux sociétés d'aménagement régional toutes les informations permettant ce transfert en parfaite connaissance de cause.

Dans le domaine de l'action sociale, la commission des lois prévoit de permettre aux départements d'être associés par les régions, dans l'optique de l'élaboration du schéma prévisionnel des formations, au recensement des besoins en formation des travailleurs sociaux, dans la mesure où ils constituent les premiers employeurs de ces derniers. Je sais que la commission des affaires sociales, plus particulièrement notre collègue Annick Bocandé, s'est attachée à conforter le rôle de chef de file du département dans ce domaine.

Dans le domaine du logement, la commission des lois préconise d'abord de transférer au maire ou, par délégation du maire, au président d'un établissement public de coopération intercommunale le contingent préfectoral de réservation de logements au profit des personnes prioriaires, notamment les personnes mal logées ou défavorisées.

Elle préconise ensuite de supprimer les conditions de seuil démographique imposées aux communautés de communes pour pouvoir solliciter une délégation de compétences en matière d'attribution d'aides à la pierre.

Elle préconise enfin de prévoir la signature de conventions entre, d'une part, les établissements publics de coopération intercommunale et les départements bénéficiant d'une délégation de compétences en matière d'attribution d'aides à la pierre, et, d'autre part, l'Agence nationale de rénovation urbaine, pour l'affectation des crédits de cet établissement. Il s'agit en fait de mettre en cohérence les dispositions du présent projet de loi et celles de la loi dite « Borloo », adoptée au mois de juillet dernier. Notre collègue Georges Gruillot vous l'expliquera bien mieux que moi, puisque la commission des affaires économiques avait été saisie au fond de ce dernier texte.

TITRE Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Article 1er A

Avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :

« Art. préliminaire. - Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration.

« Ce rapport indique et commente :

« - le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;

« - le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;

« - le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;

« - le nombre d'attestations d'accueil présentées pour validation et le nombre d'attestations d'accueil validées ;

« - le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;

« - les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en oeuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers ;

« - les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d'oeuvre étrangère ;

« - les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ;

« - les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière.

« Ce rapport propose également des indicateurs permettant d'estimer le nombre d'étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.

« L'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le Haut Conseil à l'intégration, l'Office des migrations internationales et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente joignent leurs observations au rapport. »

Pour clore le chapitre du logement, je vous indique, mes chers collègues, que la commission des lois propose de subordonner le transfert de la responsabilité en matière de logement étudiant à une demande des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, compte tenu des charges considérables susceptibles d'être induites par ce transfert. Je n'ignore pas que l'adoption de cette proposition aurait pour conséquence d'introduire des transferts « à la carte » peu satisfaisants au regard de la cohérence générale du dispositif. La navette permettra d'améliorer une rédaction qui, en l'état, nous a paru perfectible.

Dans le domaine de la santé, la commission des lois préconise, d'une part, de prévoir une évaluation de l'expérimentation permettant aux régions de participer au financement d'équipements sanitaires et de siéger avec voix délibérative au sein des commissions exécutives des agences régionales de l'hospitalisation, et, d'autre part, de prévoir le transfert intégral à l'Etat, sans possibilité de cofinancement des collectivités territoriales, de la responsabilité de la politique de lutte contre les grandes maladies.

Dans le domaine de l'éducation, elle propose : de supprimer la prise en charge par les départements et les régions des rémunérations des assistants d'éducation employés dans les collèges et les lycées, de renforcer les liens entre les chefs d'établissement et les présidents de conseil général ou régional, en indiquant que les premiers devront rendre compte aux seconds de l'exécution des objectifs qui leur sont assignés et des moyens qui leur sont alloués, et enfin de confier au département la responsabilité de la médecine scolaire.

Notre collègue Philippe Richert sera bien plus éloquent que moi sur ces questions, qui ont fait l'objet d'un examen approfondi par la commission des affaires culturelles.

Dans le domaine de la culture, enfin, la commission des lois propose de confier l'inventaire général du patrimoine culturel au département plutôt qu'à la région, et de permettre aux départements de gérer, à titre expérimental, les crédits affectés à la restauration des immeubles ou des biens mobiliers inscrits ou classés.

Par ailleurs, la commission des lois s'est attachée à améliorer les conditions d'exercice des compétences transférées, en supprimant les contraintes qui lui semblaient excessives, en réformant par la loi, et non par ordonnance, le contrôle de légalité, en préservant les intérêts des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale, enfin en donnant des moyens supplémentaires aux collectivités territoriales.

Dans l'exercice de leurs responsabilités, les élus locaux sont soumis à de multiples contrôles, administratifs et financiers. En outre, tous les six ans, ils se présentent à un autre contrôle, celui du suffrage universel direct !

M. Paul Blanc. Eh oui !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Alors que le projet de loi tend à leur transférer de nouvelles responsabilités, il importe d'éviter de compliquer leur tâche par des contraintes excessives. (M. Paul Blanc approuve.)

La commission des lois propose en conséquence de supprimer divers comités et commissions, sources de pertes de temps et de dépenses inutiles (Applaudissements sur les travées de l'UMP), qu'il s'agisse des commissions locales d'amélioration de l'habitat, du conseil scientifique régional de l'inventaire du patrimoine culturel, ou encore du Conseil national d'évaluation des politiques locales. Nous pensons que nous pourrions faire l'économie de ces organismes, dont nous préconisons donc la suppression. Je rappelle d'ailleurs que le président du Sénat a proposé de confier la mission d'évaluation des politiques locales au Sénat.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Christian Poncelet, président du Sénat. Bonne citation ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il serait dommage de priver d'objet cette proposition qui, à l'évidence, mérite d'être étudiée avec attention.

Dans le même objectif d'allégement des contraintes excessives pesant sur les collectivités territoriales, la commission des lois préconise en outre : de maintenir telle quelle l'obligation faite aux collectivités territoriales de poursuivre l'établissement des statistiques liées à l'exercice des compétences transférées par l'Etat et, en conséquence, de supprimer les dispositions qui conduisent à leur imposer des charges nouvelles en la matière ; de rendre facultative la création des centres d'action sociale, à la condition que les commmunes et les établissements publics de coopération intercommunale exercent directement les attributions dévolues à ces établissements publics administratifs ; enfin, d'accélérer la procédure d'appréhension des biens vacants par les communes, en prévoyant qu'un immeuble est présumé sans maître et peut être appréhendé lorsqu'il n'a pas de propriétaire connu et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de trois années, contre cinq actuellement.

Considérant que le Parlement ne saurait se dessaisir d'une question aussi importante que la réforme du contrôle de légalité, la commission vous suggère de supprimer le renvoi à une ordonnance. En conséquence, elle propose, d'abord, de permettre la transmission par voie électronique au représentant de l'Etat des actes des communes, départements, régions et de leurs groupements. Elle propose, ensuite, de réduire les catégories d'actes devant être obligatoirement transmis au préfet, en excluant de cette obligation les décisions relatives à la police de la circulation et au stationnement, les décisions d'avancement de grade ou d'échelon ainsi que de sanctions prises à l'encontre des fonctionnaires territoriaux, les certificats d'urbanisme, les certificats de conformité et même les demandes de permis de construire. Elle propose, enfin, d'instituer un délai bref de transmission - quinze jours - pour les actes individuels afin de faciliter l'exercice d'un recours gracieux par le préfet.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Le développement de la coopération intercommunale ne doit pas se faire au détriment des communes, qui constituent lacellule de base de la démocratie. Leur imposer trop de contraintes reviendrait à rompre le climat de confiance qui doit présider au fonctionnement des structures intercommunales et, en définitive, à compromettre leur développement.

« Otez la force et l'indépendance de la commune, vous n'y trouverez jamais que des administrés et point de citoyens », écrivait Alexis de Tocqueville.

M. Louis de Broissia. Très bien !

M. Jean-François Le Grand. Président du conseil général de la Manche !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Afin de préserver ce climat de confiance, la commission des lois vous propose : de prévoir que la transformation d'un syndicat de communes en une communauté de communes ou une communauté d'agglomération entraîne non seulement une nouvelle élection des délégués des communes mais également une nouvelle répartition des sièges au sein de l'instance délibérante ; de prévoir un exercice conjoint par le maire et le président de l'établissement public de coopération intercommunale des pouvoirs de police spéciale transférés à ce dernier et de poser le principe de la réversibilité de ce tranfert, à tout moment, selon les règles prévues pour sa mise en place.

M. Daniel Hoeffel. Très bien !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission propose également : de doubler les délais imposés aux établissements publics de coopération intercommunale et à leurs communes membres pour définir l'intérêt communautaire qui s'attache à l'exercice des compétences transférées, en le portant à deux ans pour les nouveaux établissements et à un an pour les établissements existants ; de préciser que l'obligation faite à un établissement public de coopération intercommunale ou à l'une de ses communes membres de financer majoritairement un équipement afin de pouvoir bénéficier d'un fonds de concours sera appréciée déduction faite des subventions reçues par le bénéficiaire ; de prévoir l'application à compter de la publication de la loi, et non du 1er janvier 2005, des dispositions relatives aux communes et à l'intercommunalité dès lors qu'elle n'entraîne pas la nécessité de calculer le montant des transferts.

Enfin, la commission des lois juge nécessaire de donner des moyens supplémentaires aux collectivités territoriales.

S'agissant des moyens humains, elle vous propose, d'abord, de préciser que le calcul des effectifs des personnels transférés serait réalisé en fonction des emplois pourvus au 31 décembre 2002, dans la mesure où les élus locaux ont exprimé la crainte que les réorganisations des services de l'Etat intervenues entre l'annonce de l'acte II de la décentralisation et la date d'entrée en vigueur des transferts de compétences ne conduisent à une diminution - disons-le publiquement - des agents transférés. On prendrait donc une date neutre. La commission propose, ensuite, de prévoir qu'en cas de désaccord entre le préfet et une collectivité territoriale la liste des services ou parties de services mis à disposition de cette dernière soit établie par un arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre intéressé, après avis motivé d'une commission nationale de concertation, sur le modèle de celle qui avait été mise en place pour le transfert des directions départementales de l'équipement en 1992. Elle propose, enfin, de simplifier la procédure de renouvellement des contrats passés par les collectivités territoriales pour recruter des agents non titulaires.

S'agissant de la compensation financière des transferts de compétences, elle vous propose de prévoir que le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi sera égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences, et non, comme le veut la règle habituelle, aux dépenses de l'Etat constatées l'année qui précède le transfert.

Il s'agit ainsi d'obtenir une compensation plus loyale des transferts de compétences, dans la mesure où elle sera moins tributaire des réorganisations de services effectuées depuis l'annonce de la nouvelle étape de la décentralisation.

Je sais que notre collègue M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission de finances, a veillé avec attention à ce que les extensions de compétences des collectivités territoriales soient également compensées, comme l'exige désormais la Constitution.

Enfin, la commission des lois vous propose de tirer la conséquence de l'adoption de la loi organique du 1er août 2003 relative au référendum local, en permettant aux collectivités territoriales d'organiser des référendums décisionnels, qui deviendront consultatifs en cas de participation électorale inférieure à la moitié des électeurs inscrits, et aux établissements publics de coopération intercommunale de continuer à organiser des consultations locales sur les seules opérations d'aménagement, mais d'en rester à ce cadre.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi relatif aux responsabilités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis constitue la traduction dans les faits de l'organisation décentralisée de la République, principe auquel la loi du 28 mars 2003 a conféré valeur constitutionnelle.

Ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives à l'éducation et à la culture, dont il revenait à la commission des affaires culturelles de se saisir. Ces dispositions ont donc été analysées, commentées et amendées.

Mais, avant d'en venir à cette analyse, permettez-moi, mes chers collègues, de saluer la détermination du Gouvernement à faire aboutir ce vaste chantier de la décentralisation.

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. En effet, il ne faudrait pas que les critiques émises ici ou là...

M. Gérard Longuet. Il y en a peu !

M. Louis de Broissia. Très peu !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. ... fassent oublier l'essentiel,...

M. Louis de Broissia. Effectivement !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. ... à savoir le fait que les collectivités ont été sévèrement malmenées ces dernières années...

M. Louis de Broissia. Eh oui !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. ... en raison de nombreuses décisions gouvernementales qui ont gravement entamé leur autonomie fiscale et leur capacité d'agir.

M. Gérard Longuet. C'est exact !

M. Louis de Broissia. Tout à fait ! Très bon début !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. La réforme engagée à travers la révision de la Constitution puis les lois de transfert des compétences organise enfin le cadre général pour répondre à ce défi essentiel : moderniser l'Etat et instaurer un nouveau partage des responsabilités entre l'échelon national et les collectivités territoriales.

Les dispositions relevant de la commission des affaires culturelles, quelque peu disparates il faut l'avouer - et ce sont les seules que je commenterai -, doivent être analysées au regard des objectifs qui justifient, pour le Gouvernement, le transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales.

Ces objectifs, que vous avez rappelés, monsieur le ministre, répondent à la volonté de rendre plus efficace l'action publique et de permettre aux citoyens de mieux identifier les responsables publics.

Pour y parvenir, il est proposé de confier les compétences à l'échelon territorial le plus à même de les exercer, et ce conformément au principe, lui aussi constitutionnel, de subsidiarité.

Ce principe, que nul ne peut contester au regard du bilan très positif des premières lois de décentralisation, doit être mis en oeuvre conformément à trois exigences : d'abord, la cohérence, afin d'éviter un émiettement des compétences ; ensuite, la proximité, afin de rapprocher la décision publique des territoires ; enfin - et ce n'est pas complètement neutre pour un certain nombre de dossiers que nous allons examiner - l'antériorité de l'engagement des différentes collectivités territoriales dans les domaines faisant l'objet de transferts de compétences. De telles exigences répondent non seulement aux attentes des collectivités territoriales, mais également aux attentes de nos concitoyens.

Les propositions que la commission des affaires culturelles vous présentera sont inspirées par le seul souci de faire coïncider au mieux les dispositions du texte et ces attentes.

J'évoquerai successivement les dispositions relatives à l'éducation, puis celles qui ont trait à la culture, en insistant sur la dizaine de modifications principales que la commission vous propose.

Le premier volet dont la commission des affaires culturelles a été saisie pour avis concerne donc l'éducation. S'y ajoute, en outre, l'article 51, relatif au logement des étudiants. Le projet de loi prévoit de le confier aux communes ou à leurs groupements, en cohérence avec leur compétence générale en matière de logement social, consolidée dans le présent projet de loi.

Je rappelle que les conclusions du rapport d'information de la commission des affaires culturelles sur le patrimoine immobilier universitaire proposaient déjà de confier, dans ce domaine, un rôle de chef de file aux agglomérations. Néanmoins, ce même rapport soulignait l'état souvent préoccupant du parc immobilier étudiant ainsi que la pénurie de l'offre d'hébergement, autant de facteurs révélant l'ampleur des besoins à satisfaire.

C'est pourquoi, en raison des situations disparates constatées ainsi que des velléités diverses affichées par les agglomérations, il semble préférable de réserver le transfert de cette charge aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, qui en feraient la demande. Il serait également nécessaire de préciser qu'un diagnostic de l'état des logements et qu'un programme des travaux à venir seront établis au moment du transfert de propriété du patrimoine concerné, afin de garantir une visibilité à court et à moyen terme.

J'en viens au volet relatif aux enseignements, au chapitre Ier du titre IV. Il vise à prolonger la première étape de la décentralisation engagée avec succès au début des années quatre-vingt.

Les efforts sans précédent déployés par les collectivités sont salués unanimement pour leur efficacité.

Le rapport de la commission Mauroy, en 2000, soulignait que les collectivités territoriales « avaient su agir avec célérité et efficience là où l'Etat avait tardé ». Je reprends vos propos, monsieur le Premier ministre.

M. Pierre Mauroy. On me reprend trop, cher ami ! (Sourires.)

M. Gérard Collomb. Qui trop embrasse mal étreint ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. C'est un plaisir de vous rappeler vos propos.

En outre, contrairement au mauvais procès qui lui est parfois intenté, l'expérience de vingt ans de décentralisation n'a pas contribué à accroître les disparités territoriales, bien au contraire, et j'y reviendrai.

De surcroît, le présent projet de loi comporte un certain nombre de dispositions de nature à consolider l'équilibre délicat sur lequel est institué le partage des compétences entre l'Etat, garant du service public de l'éducation nationale, et les collectivités territoriales, étroitement associées à son développement. En parallèle, les collectivités territoriales se voient attribuer de nouvelles compétences.

La sectorisation des écoles revient aux communes. A ce titre, les sénateurs prendront l'initiative d'adapter ces dispositions aux situations des communes ayant transféré leurs compétences en matière scolaire à l'établissement public de coopération intercommunale, en complément des dispositions que je vous proposerai au sujet de la répartition des dépenses de fonctionnement des écoles, sujet important en matière financière.

Par ailleurs, les écoles de la marine marchande sont transférées aux régions.

Les autres dispositions du projet de loi, qu'il s'agisse du transfert de la propriété des bâtiments scolaires ou de la transformation en EPLE, établissements publics locaux d'enseignement, d'établissements relevant de statuts dérogatoires, s'inscrivent en continuité et en cohérence avec la première étape de la décentralisation.

Une logique identique justifie le transfert aux départements et aux régions du recrutement et de la gestion des personnels TOS, qui exercent leurs missions dans les établissements du second degré. Dans le même temps, les missions confiées aux collectivités sont étendues au service de restauration et d'hébergement, à l'entretien et à l'accueil, terme qui sera précisé, pour éviter toute équivoque au sujet des assistants d'éducation, lesquels ne sont, bien entendu, en rien concernés par le transfert.

La situation actuelle est en effet incohérente et contribue à diluer les responsabilités. Alors que les départements et les régions assurent depuis le 1er janvier 1986 la construction, la reconstruction, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des collèges et des lycées, les personnels chargés de la maintenance et de l'entretien de ces bâtiments sont restés à la charge et sous l'autorité de l'Etat.

Un rapide examen fait apparaître que les moyens alloués par l'Etat n'ont pas suivi l'effort des collectivités.

Les effectifs des TOS sont ainsi passés de 93 813 en 1986 à 96 282 en 2003, soit une hausse de 2,5 %, alors que les efforts des collectivités territoriales ont été tels que, en vingt ans, la surface cadastrale des établissements scolaires a augmenté de près de 20 %. Nous voyons bien qu'il y a là une rupture entre les efforts des collectivités et l'effort de l'Etat.

Par ailleurs, les collectivités territoriales doivent être assurées qu'elles auront une réelle maîtrise de ces nouvelles compétences et qu'elles seront à l'abri d'éventuelles pressions. La répartition des personnels selon les académies traduit en effet actuellement de fortes disparités. Quand on parle d'égalité entre les départements ou entre les régions, mes chers collègues, il faut regarder les chiffres !

M. Jean-Jacques Hyest. En effet !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Le nombre de personnels TOS pour 1 000 élèves varie en effet de 15,6 dans l'académie de Nice à près de 32 dans l'académie de Limoges, la moyenne nationale s'établissant à 20.

M. Jean-Jacques Hyest. Et l'académie de Créteil ?

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Comment parler d'égalité entre les territoires ?

Cela doit passer par une forme d'autorité directe à l'égard du chef d'établissement, chargé de mettre en oeuvre les objectifs définis par la collectivité de rattachement, dans la limite des moyens, notamment en personnels, que celle-ci alloue à l'établissement. Je vous proposerai un amendement visant à expliciter ce lien entre l'exécutif départemental ou régional et le chef d'établissement.

M. Jean-François Le Grand. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Sous réserve de cette garantie, la nouvelle étape proposée avec le transfert du personnel TOS parachève de façon bienvenue le premier acte de la décentralisation dans le sens des objectifs qui nous servent de leitmotiv.

Personne parmi nous ne peut raisonnablement prétendre qu'il existe un risque réel pour ces personnels. Le transfert de la tutelle de l'Etat au conseil général ou au conseil régional aboutira au pire au statu quo, mais, dans la plupart des cas, constituera une amélioration pour les élèves, pour le service rendu et sans doute, demain, pour le personnel lui-même, même si cela lui a souvent été caché !

C'est en vertu de ces mêmes objectifs que je vous proposerai un amendement visant à confier aux départements la charge de la médecine scolaire. La proximité et la disponibilité sont les clés d'une action de qualité en matière de protection de la santé des jeunes.

Dans ce domaine, la décentralisation apporterait une réponse au besoin de continuité et de coordination avec les services départementaux d'action sanitaire, à savoir les centres de protection maternelle et infantile, PMI, mais aussi les services de l'aide sociale à l'enfance pour le domaine de la maltraitance ou la prévention des conduites à risque. Le rapport de la commission Mauroy suggérait déjà ce transfert, dans une démarche de cohérence.

L'an dernier, le rapport de la commission d'enquête du Sénat relative à la délinquance des mineurs, présidée par M. Schosteck, soulignait le rôle clé du département et des PMI, à ce titre.

Je tiens à le préciser, les seuls personnels visés par le transfert de service seront donc les actuels médecins de l'éducation nationale, c'est-à-dire environ 2 000 personnes, dont plus d'un tiers sont des vacataires. On soulignera que ceux-ci ne sont pas placés, à la différence des infirmiers ou des assistants sociaux scolaires, sous l'autorité du chef d'établissement, mais exercent les missions qui leur sont confiées dans l'indépendance que leur confère leur discipline.

Enfin, j'appellerai votre attention sur les effets induits par le développement des regroupements ou réseaux d'écoles. Ces formes de mutualisation des moyens, salutaires pour la survie des écoles en milieu rural, notamment, peuvent néanmoins entraîner des charges supplémentaires pour les départements, au titre de leur compétence générale en matière de transports scolaires, et les présidents de collectivité le savent bien.

C'est pourquoi il semble légitime et nécessaire de prévoir que les conseils généraux seront préalablement consultés avant toute décision susceptible d'impliquer des besoins nouveaux de transport des élèves. Je vous proposerai un amendement en ce sens.

M. Jean-François Le Grand Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Le deuxième volet dont la commission des affaires culturelles a été saisie pour avis concerne la culture.

Si les lois de 1982-1983 n'ont opéré que des transferts modestes en ce domaine à leur profit, les collectivités territoriales ont néanmoins, au cours des vingt-cinq dernières années, largement investi le champ culturel.

Rappelons qu'aujourd'hui l'effort financier des collectivités territoriales équivaut à celui de l'Etat, tous ministères confondus. Cet engagement des collectivités territoriales s'est développé pour l'essentiel à partir de financements croisés, qui ont contribué de manière déterminante à relayer l'action de l'Etat sur l'ensemble du territoire.

Face à ce bilan très positif, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que le projet de loi n'ait pas oublié la culture.

Les mesures proposées concernent deux domaines de la politique culturelle : le patrimoine et les enseignements artistiques.

J'évoquerai d'abord les mesures de transferts de compétences et de crédits prévus aux articles 72 et 74 et qui se rapportent à la politique du patrimoine.

Si je me félicite qu'après tant de rapports et d'atermoiements l'on passe enfin à l'acte en confiant des compétences patrimoniales aux collectivités, je regrette que l'Etat ait appliqué un schéma trop inspiré de son propre modèle, induisant de fait de nombreuses complications.

Les rédacteurs du projet de loi, prenant acte de la part très importante prise au cours des dernières années par les collectivités territoriales dans sa réalisation, leur transfèrent, par l'article 72, l'inventaire général du patrimoine. Nous ne pourrons que soutenir cette mesure dans son principe. Cependant, les modalités retenues pour l'exercice de cette compétence ont suscité ma perplexité.

Que prévoit le texte ? Les régions sont compétentes mais confient aux collectivités territoriales - principalement les départements, le cas échéant les villes - qui en font la demande les opérations d'inventaire. Ce partage, dont nous ne nous sommes pas encore expliqué la logique, repose sur un pouvoir de délégation de la région qui n'est conforme ni à la volonté de proximité, ni à l'exigence de la cohérence, ni à l'engagement actuel des différents niveaux de collectivités dans la réalisation de l'inventaire.

Rappelons qu'aujourd'hui l'inventaire est essentiellement réalisé dans le cadre cantonal et que, après l'Etat, ce sont les départements qui sont les principaux financeurs de cette opération.

L'article 74, quant à lui, vise à proposer une expérimentation de gestion décentralisée des crédits consacrés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat.

Ce dispositif suscite également des interrogations concernant ses modalités. Le projet de loi prévoit que les régions peuvent se porter candidates pour gérer les crédits d'entretien et de restauration des monuments et objets protégés n'appartenant pas à l'Etat. Dans ce cadre, elles peuvent déléguer aux départements les crédits d'entretien des monuments et les crédits concernant les objets. Par ailleurs, lorsque la région ne s'est pas portée candidate, les départements peuvent demander à gérer ces enveloppes.

Il convient de se demander dans quelle mesure l'expérimentation, qui réalise un partage peu opérant entre la région et le département en fonction de la nature des crédits - entretien ou restauration -, permettra à son terme d'identifier le niveau territorial le mieux à même de gérer ces crédits. De surcroît, les conditions de la participation du département à l'expérimentation sont laissées à la discrétion de la région, ce qui ne me semble guère satisfaisant.

Qu'il s'agisse de l'inventaire ou de la gestion des crédits, il est, je crois, nécessaire de renforcer la cohérence des transferts dans le double intérêt du patrimoine et des finances publiques. Plutôt que de mettre en place des mécanismes de délégation, il est préférable de constituer des pôles de compétences. Les amendements que je proposerai s'inscrivent dans cette perspective.

La volonté de refonder la politique du patrimoine grâce à un nouveau partage des responsabilités inspire également la rédaction de l'article 73, qui tend à ouvrir aux collectivités territoriales la possibilité de bénéficier de transferts de propriété de monuments historiques aujourd'hui affectés au ministère de la culture.

Le succès de ce dispositif dépendra de l'intérêt des collectivités pour la valorisation de leur identité culturelle. Les critères retenus pour identifier les monuments transférables, qui résulteront des travaux de la commission présidée par le professeur René Rémond, devraient garantir que cette mesure ne reste pas lettre morte. En tout cas, nous serons très attentifs à ce dispositif qui, je crois, nous donnera satisfaction.

J'en viens aux articles 75 et 76 relatifs aux enseignements artistiques.

Le souci de clarifier les compétences respectives des différents niveaux de collectivités territoriales dans un domaine où les financements croisés sont la règle correspond à la légitime préoccupation du Gouvernement et des collectivités d'assurer une plus grande lisibilité des formations et une meilleure couverture du territoire. Cependant, le texte comporte des maladresses, qui s'expliquent essentiellement par la difficulté que l'on a aujourd'hui à identifier les différents niveaux de formation. La commission des affaires culturelles proposera, sur ce point, un amendement susceptible de lever les ambiguïtés du projet de loi.

Bien sûr, mes chers collègues, les plus audacieux parmi nous regretteront que le texte ne soit pas plus ambitieux en matière de transfert dans les domaines de la culture et de l'éducation. Reconnaissons cependant ensemble l'avancée décisive qui nous est proposée.

C'est pourquoi, sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption du projet de loi relatif aux responsabilités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis.

M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nombre de sujets abordés dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales relèvent directement du champ de compétence de la commission des affaires économiques, qui a souhaité se saisir de 35 des 126 articles du texte, soit un peu plus du quart.

Elle a donc examiné le chapitre Ier du titre Ier, consacré au développement économique et au tourisme, le titre II, qui contient les dispositions relatives à la voirie, aux infrastructures, au syndicat des transports d'Ile-de-France, aux fonds structurels et à la protection de l'environnement, enfin, le chapitre III du titre III, qui traite du logement social et de la construction.

La commission des affaires économiques a approuvé la philosophie et les grandes lignes d'une réforme qui lui sont apparues comme inaugurant harmonieusement cet acte II de la décentralisation, dont le Gouvernement a souligné, à juste titre, qu'il devrait être « l'aiguillon de la nécessaire modernisation de notre pays et de l'évolution de ses structures administratives ».

Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre rénové issu de la réforme constitutionnelle du 17 mars 2003 et qui se décline en plusieurs principes : l'organisation décentralisée de la République ; le principe de l'expérimentation ; l'objectif constitutionnel de subsidiarité ; le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales ; l'absence de tutelle d'une collectivité sur l'autre se combinant avec la notion de chef de file ; l'objectif d'égalité des ressources et des charges entre collectivités territoriales par la péréquation.

Quels sont les grands objectifs de ce projet de loi ?

Pour nous, il s'agit tout d'abord de clarifier les champs de compétence des différents niveaux de collectivités territoriales, puis de répondre aux exigences de la démocratie de proximité, de mettre ensuite en place des transferts de compétences souples et adaptés aux réalités locales et, enfin, de participer à l'indispensable réforme de l'Etat.

Dans son contenu, le projet de loi nous est apparu comme raisonnable et mesuré. Il ne nous propose pas une décentralisation totale comme celle qui peut exister chez certains de nos voisins européens. Il se limite à approfondir les premières mesures de décentralisation introduites par les lois de 1982 et 1983.

Nous restons, dans une large mesure, dans l'expérimentation.

Nous pouvons désormais dresser le bilan des effets heureux et moins heureux de l'acte I de la décentralisation. Un consensus existe, me semble-t-il : les collectivités territoriales ont démontré leur capacité à bien gérer les finances publiques et même à le faire mieux que l'Etat en raison de leur proximité avec les citoyens.

Forts de cette expérience, il s'agit maintenant pour nous de renforcer l'organisation décentralisée de notre République tout en restant attentifs aux effets pervers possibles.

D'où l'intérêt des clauses de « revoyure », qui permettront aux collectivités de dresser périodiquement le bilan des nouveaux transferts de compétences.

D'où l'importance d'une parfaite transparence quant à l'état du patrimoine et la situation des personnels dont la gestion aura été transférée. L'absence ou l'insuffisance des mesures financières compensatrices pourra désormais être sanctionnée par le Conseil constitutionnel. C'est une innovation majeure. Je tenais à la souligner pour m'en féliciter.

Dans le domaine du développement économique, la commission des affaires économiques a voulu rappeler le rôle des départements et des communes, sans remettre en cause les responsabilités de chef de file exercées par la région.

En matière de tourisme, elle a proposé de confier le classement des équipements et organismes de tourisme aux régions plutôt qu'aux départements, qui ne souhaitent pas ce transfert. En outre, elle a préféré étendre directement à toutes les communes la faculté de constituer un office de tourisme sous forme d'EPIC, plutôt que d'en passer par une ordonnance.

S'agissant du transfert aux départements de quelque 20 000 kilomètres de voies nationales, la commission des affaires économiques a voulu que les collectivités puissent collaborer aux actes de recherche dans le domaine des règles de l'art et participer à la définition des normes et des dispositions techniques de ces recherches. Elle a aussi souhaité améliorer l'éligibilité au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée des fonds de concours versés à l'Etat par les collectivités pour des opérations d'aménagement du domaine public routier.

En matière d'environnement, elle a souhaité mieux associer les collectivités locales ou leurs groupements effectivement compétents en matière d'élimination et de traitement des déchets à l'élaboration des plans d'élimination ainsi que les associations de consommateurs, qui feront désormais partie de la commission consultative.

Dans le domaine du logement social enfin, elle a voulu, notamment, que tous les établissements publics de coopération intercommunale, sans condition de seuil démographique, soient en mesure de conclure une convention de délégation pour la gestion des aides à la pierre. Elle a souhaité, par ailleurs, mieux articuler le dispositif de délégation avec la création, toute récente, de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

En conclusion, je résumerai la position de la commission des affaires économiques en deux mots : confiance et vigilance. Cette dernière se traduira notamment par un certain nombre d'amendements relatifs à la nécessaire communication aux collectivités territoriales de toutes les informations disponibles sur l'état du patrimoine transféré. Ces amendements vous seront également proposés, je crois, par la commission des lois, dans une version quasi identique.

Enfin, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption du présent projet de loi, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle proposera à vos suffrages. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui organise, à travers les 126 articles qui le composent, le plus vaste transfert de compétences aux collectivités locales jamais mis en oeuvre depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983.

Inévitablement, ces transferts concernent largement les politiques sociales, sans pour autant, d'ailleurs, épuiser la matière. Je mentionnerai notamment le projet de loi portant décentralisation du RMI, le revenu minimum d'insertion, et création du RMA, le revenu minimum d'activité, actuellement en cours d'examen, ou bien encore le futur projet de loi relatif à l'égalité des chances pour les personnes handicapées, qui devrait inclure d'importantes dispositions sur la décentralisation de la politique du handicap.

Cette place éminente réservée aux politiques sociales n'est d'ailleurs pas étonnante, eu égard à la démarche très pragmatique entreprise : ce texte vise à assurer la prise de décision publique au niveau le plus proche des attentes du citoyen, afin de la rendre plus transparente et mieux adaptée.

C'est sans doute en matière de politiques sociales que la nécessité d'une adaptation aux réalités locales est le plus sensible. En effet, si, depuis les premières lois de décentralisation, l'Etat a cherché à mieux adapter ses politiques aux territoires, cette évolution marque aujourd'hui ses limites : l'enchevêtrement des compétences est devenu tel qu'il conduit désormais à de réelles difficultés de coordination et engendre de nouveaux cloisonnements, qui nuisent à l'efficacité et à la lisibilité de l'action publique.

Nous savons que ce projet de loi a pu susciter, ici ou là, des craintes, qui prennent une acuité particulière dans le domaine social dans la mesure où les politiques sociales visent, pour l'essentiel, à assurer la mise en oeuvre de droits fondamentaux et à garantir la cohésion sociale.

Ces interrogations sont de deux ordres. La décentralisation ne sera-t-elle pas source de nouvelles inégalités ? Les collectivités locales bénéficieront-elles de moyens suffisants et adaptés pour exercer efficacement leurs nouvelles compétences ?

Sur le premier point, je me bornerai à observer que la centralisation n'a pas empêché - loin s'en faut - les inégalités et les disparités territoriales et que l'Etat continuera de jouer son rôle pour garantir la solidarité nationale, dans le respect des libertés locales.

Sur le second point, il convient effectivement de veiller à ce que les transferts de compétences soient assortis des compensations financières adaptées ; nous reviendrons sur ce point tout au long de l'examen des articles.

Pour tous ces motifs, la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis des articles entrant plus particulièrement dans son domaine de compétences et qui se rattachent à quatre domaines différents.

Le premier volet concerne la formation professionnelle.

Depuis 1983, l'histoire de notre système de formation professionnelle est celle de sa décentralisation, de l'Etat vers les régions, sans pour autant qu'il y gagne en clarté : la région, qui avait vocation à en être le pilote de droit commun, doit composer avec la multiplicité des intervenants, les financements croisés et la confusion des compétences.

Les six articles du volet relatif à la formation professionnelle ont précisément pour objet de compléter, de simplifier et de clarifier ce dispositif.

Tout d'abord, ils confirment le rôle moteur de la région en étendant notamment ses compétences au domaine de la formation des demandeurs d'emploi.

La région disposera désormais d'un instrument rénové de programmation : le plan régional de développement des formations professionnelles, qui permettra la mise en cohérence des actions menées, à l'échelon régional, par l'ensemble des intervenants. Dans cette perspective, d'ici au 31 décembre 2008, les régions, en lieu et place de l'Etat, deviendront les donneurs d'ordre exclusifs de l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Les régions se voient également reconnaître une fonction d'assistance des candidats à la validation des acquis de l'expérience et un rôle de coordonnateur des actions en faveur de l'accueil, de l'information et de l'orientation des jeunes comme des adultes, en vue de leur insertion professionnelle et sociale.

Ce nouveau mouvement de décentralisation s'accompagne alors logiquement d'un souci d'adaptation et de simplification des dispositifs existants de formation professionnelle. Deux mesures en témoignent : la réforme du régime de la prime d'apprentissage, par la fusion de l'aide à l'embauche et de l'indemnité de formation, et l'aménagement du régime public de rémunération des stagiaires.

La commission a approuvé ce schéma, mais elle a estimé qu'il restait encore des points à éclaircir.

Elle vous proposera de donner une base légale à la compétence résiduelle qui doit rester à l'Etat, au nom de la solidarité nationale, et qui concerne les actions en faveur des publics dits « spécifiques ».

En outre, des ambiguïtés subsistent en ce qui concerne le contenu concret des programmes transférés. La logique d'un transfert par bloc de compétences n'est en effet pas sans soulever des difficultés pratiques, dans ce domaine aux frontières perméables, entre politique de formation professionnelle et politique de l'emploi. Je souhaiterais donc obtenir des précisions, monsieur le ministre, sur les programmes qui seront effectivement transférés aux régions.

Le deuxième volet concerne l'action sociale

Le chapitre relatif à l'action sociale et médico-sociale complète et conforte le rôle éminent du département en lui confiant la mission générale de la définir et de la mettre en oeuvre. Il prolonge ainsi la compétence de droit commun, qui a été confiée au département dès 1983, en matière d'aide sociale légale, en s'appuyant sur le principe de la liberté d'organisation contractuelle pour assurer la concertation avec les acteurs intervenant dans le domaine de la lutte contre les exclusions.

Le département se voit également confier deux outils jusqu'alors cogérés : d'une part, les fonds d'aide aux jeunes, d'autre part, les schémas départementaux de l'organisation sociale et médico-sociale.

Un rôle de chef de file lui est enfin plus spécifiquement reconnu dans le domaine de la politique en faveur des personnes âgées. A ce titre, il devient responsable de la coordination gérontologique dans son ressort territorial, et les comités départementaux des retraités et des personnes âgées, désormais placés sous l'autorité du président du conseil général, reçoivent une base légale.

Ces nouvelles missions confiées aux départements appellent quatre remarques de ma part.

D'abord, il paraît nécessaire d'élargir le rôle de coordination du département au-delà du seul domaine de la lutte contre les exclusions, pour lui donner une compétence de coordination sur l'ensemble des domaines couverts par l'action sociale.

Ensuite, la commission des affaires sociales approuve le transfert de compétence en matière d'élaboration du schéma départemental de l'organisation sociale et médico-sociale, qui aura pour grand avantage de déboucher sur un document unique de programmation. Pour renforcer la simplification proposée, elle souhaite aussi alléger sa procédure d'élaboration en supprimant des consultations inutiles.

De plus, concernant les fonds d'aide aux jeunes en difficulté, si la commission des affaires sociales soutient la responsabilité nouvelle du département, par ailleurs cohérente avec la décentralisation du RMI, elle sera vigilante, au cours des débats budgétaires, sur l'évaluation des transferts de charges liés à l'exercice de cette compétence.

Enfin, dans le domaine de la coordination gérontologique, il nous a semblé que les compétences départementales méritaient d'être précisées pour permettre une liberté d'organisation entre les acteurs de terrain, pour mieux définir les compétences que les départements auront à exercer et pour veiller à la bonne articulation des interventions des trois grands partenaires de l'action de la gérontologie : l'Etat, la sécurité sociale et le département.

Le deuxième aspect du chapitre consacré à l'action sociale et médico-sociale concerne le transfert aux régions de la responsabilité de la formation des travailleurs sociaux.

Le texte propose, très justement, une « logique de blocs » : le rôle de l'Etat sera recentré sur les aspects de certification et de contrôle de la qualité des enseignements, et la région se chargera de la planification et de l'organisation de l'offre de formation.

Il nous a toutefois semblé que le dispositif proposé pourrait être amélioré sur trois points.

D'abord, la spécificité des formations sociales pourrait être mieux affirmée. Le minimum que l'Etat puisse exiger, en termes de qualité des formations dispensées, est que les établissements de formation en travail social soient soumis aux obligations de droit commun des organismes de formation professionnelle.

Cependant, s'agissant de métiers touchant à des publics fragiles et compte tenu de la misson de cohésion sociale de ces professionnels, nous avons considéré qu'il était légitime d'imposer des exigences supplémentaires de qualification des formateurs ou de contenu pédagogique des formations.

De la même manière, nous ne souhaitons pas que les formations sociales soient intégrées dans un schéma prévisionnel des formations qui, pour l'essentiel, regroupe des dispositions générales relatives aux collèges et aux lycées. Actuellement, ces formations figurent dans le schéma régional des formations sociales, qui fonctionne dans des conditions satisfaisantes, et nous considérons que cette formule prend mieux en compte la spécificité du travail social. En revanche, il nous semble utile d'intégrer ce schéma spécifique dans le plan régional de développement des formations professionnelles, qui constitue l'outil principal de planification de l'offre de formation au niveau régional.

Ensuite, le rôle des départements pourrait être précisé. Ces derniers emploient directement près de 60 000 des travailleurs sociaux et financent une grande partie des établissements qui emploient les autres. Ils doivent donc être les interlocuteurs naturels des régions pour déterminer les besoins de formation en travail social.

En revanche, il nous a semblé inadapté de prévoirl'intervention des départements en matière d'agrément des établissements de formation : cette possibilité reviendrait en effet à leur permettre de créer des dépenses supplémentaires pour la région.

La commission des affaires sociales estime qu'accepter une telle délégation pose également une question de principe. Certes, la possibilité de déléguer une compétence doit être ouverte chaque fois que l'échelon inférieur paraît en mesure de mieux l'exercer. Mais, s'agissant des formations en travail social, la commission considère que ce principe doit souffrir une exception, car il ne s'agit pas ici de déléguer une simple compétence de mise en oeuvre : placer l'agrément des établissements sous la responsabilité des principaux employeurs de travailleurs sociaux entretiendrait une confusion sur la mission d'intérêt général de ces formations, confusion qui nuirait à l'esprit même du travail social.

Enfin, un transfert aux régions dans de bonnes conditions devrait être garanti.

Il convient de bien identifier les charges actuelles de l'Etat et celles qui seront transférées à la région. La question se pose notamment en matière d'investissement, car la région sera tenue de financer l'intégralité des dépenses d'investissement des établissements là où l'Etat n'intervenait qu'au cas par cas, sur des actions jugées prioritaires dans les contrats de plan.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales vous proposera de corriger le périmètre des dépenses couvertes par la subvention régionale, afin de le faire coïncider avec les dépenses qu'assume actuellement l'Etat.

La suppression, proposée dans le projet de loi, du droit pour les établissements de percevoir des ressources complémentaires, notamment des frais de scolarité, entraînerait également une création de charges importante pour les régions. Dans la mesure où la région se voit par ailleurs confier la gestion d'un système de bourses en travail social, la commission des affaires sociales estime que le rétablissement des frais de scolarité ne serait pas inéquitable.

Le troisième volet de mon intervention concerne le logement, qui reste une compétence traditionnelle de l'Etat à laquelle le présent projet de loi apporte toutefois des modifications substantielles.

L'Etat pourra désormais déléguer ses compétences en matière d'aides à la pierre par voie de convention avec les grands établissements publics de coopération intercommunale. Hors du territoire des EPCI qui le demanderont, le département pourra aussi solliciter une telle délégation par voie de convention.

Même s'il ne s'agit pas d'une véritable décentralisation, la simplification de l'aide directe des collectivités et de leurs EPCI en faveur des aides à la pierre nous a paru constituer une avancée constructive.

Le choix du niveau intercommunal pour la politique du logement nous a par ailleurs semblé pertinent, dès lors que la conclusion d'une convention de délégation avec l'Etat est réservée aux groupements de communes les plus importants, pour lesquels la notion de « bassin d'habitat » a un sens. A l'inverse, hors de ces zones, dans les territoires plus ruraux, nous avons considéré que le département devrait conserver un rôle moteur, notamment pour corriger des écarts trop importants entre les communes.

En outre, le projet de loi met en oeuvre un véritable dispositif de décentralisation en transférant aux seuls départements les ressources du fonds de solidarité pour le logement, le FSL, aujourd'hui cogérées avec l'Etat.

Le transfert du FSL est cohérent avec les nouvelles responsabilités assumées par les départements en matière d'action sociale. Il paraît cependant logique, dans ce cas, que le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, financé par le FSL, relève aussi exclusivement du département pour son élaboration et sa mise en oeuvre. C'est ce que nous vous proposerons.

Le quatrième volet de mon analyse concerne la santé. Ce chapitre aborde à la fois les politiques sanitaires, l'offre de soins, la formation des professions paramédicales et la lutte contre l'insalubrité, actions pour lesquelles il propose des dispositifs contrastés : certains décentralisent des compétences de l'Etat vers les collectivités locales ; d'autres recentralisent des compétences sanitaires ; d'autres encore mettent en oeuvre le droit à l'expérimentation reconnu aux collectivités locales par l'article 72 de la Constitution.

Le transfert de compétences s'organise au profit des régions afin de permettre leur association à la détermination de l'offre de soins et des politiques sanitaires.

Le texte propose ainsi leur participation aux travaux des agences régionales d'hospitalisation, soit avec voix consultative, soit, pour les conseils régionaux qui le souhaiteront, avec voix délibérative. Il leur suffira, sous forme expérimentale dans un premier temps, de contribuer au financement de ces agences et aux investissements hospitaliers qu'elles gèrent, dans des conditions qui restent encore à préciser.

Par ailleurs, le texte prévoit d'accorder aux régions une compétence complémentaire en matière sanitaire. Sans nier le bien-fondé de cette disposition, la commission des affaires sociales a estimé qu'elle devait plutôt être examinée dans le cadre du projet de loi relatif à la politique de santé publique, que l'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture et dont le Sénat devrait être prochainement saisi. Aussi, je vous proposerai de supprimer cet article.

Le texte organise également le transfert de l'Etat vers les régions de la formation des auxiliaires médicaux, notamment des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, diététiciens, soit au total de quinze professions, auxquelles s'ajoutent les sages-femmes et les préparateurs en pharmacie.

La répartition des compétences serait la suivante : l'Etat fixe les conditions d'accès aux formations, détermine les programmes et délivre les diplômes ; les régions attribuent des aides aux élèves, prennent en charge le fonctionnement et l'équipement des écoles et instituts lorsqu'ils sont publics et peuvent participer au financement des établissements privés.

Je reste toutefois dubitative sur les conditions dans lesquelles ce transfert sera réalisé, notamment au regard du calcul de la compensation budgétaire qui l'accompagnera. En effet, aujourd'hui, les informations relatives au coût des établissements publics sont parcellaires et la situation des étudiants au regard des frais d'inscription est hétérogène : le travail de la commission consultative chargée d'évaluer le montant de la compensation sera donc complexe, tout comme les modalités de transfert entre l'assurance maladie, l'Etat et les régions. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations supplémentaires sur ce point ?

Enfin, le texte prévoit de regrouper au niveau du département le dispositif de lutte contre les « insectes vectoriels », c'est-à-dire essentiellement les moustiques porteurs de maladies infectieuses comme le paludisme, sachant que le département gère déjà la lutte contre les « insectes piqueurs ».

Le mouvement de recentralisation que je mentionnais précédemment concerne les compétences sanitaires des départements dans le domaine de la politique vaccinale, du dépistage du cancer et de la lutte contre les maladies contagieuses et la tuberculose.

Cette proposition, qui figurait dans les conclusions du rapport présenté par notre collègue Michel Mercier au nom de la mission d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation, répond à un souci de simplification et de clarification. Là encore, nous aurions pu penser qu'elle aurait mieux trouvé sa place dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Mais le Gouvernement a choisi de l'insérer dans le présent texte, en l'assortissant d'un dispositif prévoyant que les compétences retirées aux départements pourront néanmoins être exercées par les collectivités locales sur une base conventionnelle.

Cette disposition nous a semblé paradoxale : recentraliser les compétences sanitaires détenues par les départements peut en effet permettre de clarifier la situation, mais confier par convention aux collectivités locales l'exécution des mesures arrêtées par l'Etat brouille ce message initial.

Par ailleurs, nous avons trouvé imprécise la rédaction de cet article s'agissant des conditions dans lesquelles seront traités les personnels aujourd'hui employés à ces tâches par les départements. De plus, aucune indication sur une éventuelle recentralisation des lignes budgétaires consacrées à cette action par les départements n'est apportée par le texte. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éléments complémentaires sur ces deux points ?

Tel est, mes chers collègues, l'état du dossier qui nous est soumis.

Je crois pouvoir dire que le souci d'adaptation et de simplification des procédures, même s'il n'apparaît pas flagrant à sa seule lecture, a présidé à la rédaction de ce texte. C'est pourquoi, sous réserve des amendements qu'elle vous proposera, la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de son adoption. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le sentiment des Français à l'égard de la décentralisation est, nous le savons tous, mitigé : si le maire occupe la première place dans le coeur de nos concitoyens, si ces derniers sont plutôt satisfaits de la façon dont les départements et les régions se sont acquittés de leurs tâches, notamment pour ce qui concerne les collèges et les lycées, dans le même temps, trop souvent, depuis quelques années, la décentralisation est pour eux synonyme d'impôts locaux qui augmentent.

Or, si les impôts locaux augmentent, c'est parce que de nouvelles compétences ont été mises à la charge des collectivités locales sans que les ressources correspondantes aient été transférées. Il en est ainsi des traitements, des salaires, du régime des fonctionnaires. De la sorte, pendant plusieurs années, les impôts traditionnels - mais aussi les impôts transférés au moment de l'acte I de la décentralisation - ont été petit à petit diminués, « rabotés », voire supprimés.

Chacun se souvient, par exemple, de la réforme de la taxe professionnelle : c'était sûrement une bonne idée, si ce n'est que rien ne l'a remplacée, hormis une dotation de l'Etat. Quant aux droits de mutation, ils ont été enserrés dans un cadre extrêmement restreint. C'était aussi sûrement une bonne idée, mais rien ne les a remplacés, hormis une dotation de l'Etat. Et, si la vignette a été supprimée, c'était sûrement une bonne idée, mais rien ne l'a remplacée.

Il ne reste donc plus aujourd'hui aux maires et aux présidents de région ou de département que la possibilité d'augmenter la taxe d'habitation. En effet, si l'on voulait augmenter la taxe professionnelle, par exemple, il faudrait multiplier par trois son taux pour obtenir le même produit qu'avant la réforme. Dans ces conditions, la taxe d'habitation touchant directement la population, les Français se rendent compte qu'à chaque compétence nouvelle transférée, chaque année, les impôts locaux augmentent, alors que dans le même temps les impôts d'Etat baissent. Cela crée un vrai hiatus et nos concitoyens se demandent alors si la décentralisation est ou non une bonne idée.

Le projet de loi dont nous allons débattre au cours de ces prochaines semaines doit donc d'abord avoir pour objet de réaffirmer très clairement le bien-fondé de la décentralisation. En effet, il faut faire en sorte que chaque décision soit prise au niveau adéquat, faire en sorte que tout ce qui peut être décidé au niveau de la commune, du département ou de la région le soit : n'est-ce pas là un moyen moderne pour diriger un Etat ?

Cela suppose que soit rétablie la confiance, d'une part entre les Français et l'ensemble des collectivités locales - pas tant avec les élus qu'avec les collectivités locales, d'ailleurs - et d'autre part entre les élus locaux et l'Etat.

Nous vous avons écoutés, messieurs les ministres : vous avez fait dans ce domaine beaucoup d'efforts, c'est vrai, et je veux pour ma part rendre hommage à votre sens du dialogue. Certes, nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous nous parlons, et c'est déjà un premier pas. Je ne peux à cet égard souhaiter qu'une chose, c'est que votre sens du dialogue et votre disponibilité soient imités par beaucoup de vos collègues du Gouvernement.

M. Guy Fischer. Des noms ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Monsieur Fischer, si, en général, vous comprenez ce que je dis, c'est bien parce que je dialogue avec vous sans problème, même si nous ne sommes pas toujours d'accord !

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. Roland Muzeau. Mais nous ne sommes pas au gouvernement !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il ne manquerait plus que cela ! (Rires.)

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Mais j'en reviens au projet de loi qui nous est soumis, dont le maître mot paraît être en effet la confiance, une confiance qui doit être retrouvée, notamment en matière financière.

Nous savons - mais cela ne dépend pas de vous ! - que la loi dont nous allons débattre ne comporte pas de dispositions financières précises. Comment fixer, par exemple, le montant de la compensation du transfert de telle compétence aux communes, aux départements ou aux régions ? La loi organique que nous avons votée l'an dernier, en effet, prévoit de façon très claire que l'affectation totale ou partielle à une personne morale autre que l'Etat d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de la loi de finances.

Il reviendra donc à la loi de finances pour 2005 de préciser très clairement comment les transferts que nous allons voter seront financés.

C'est là un vrai problème et, pour pouvoir en débattre, nous devons, au-delà des dispositions de la loi organique, être assurés que la loyauté sera de règle et qu'elle présidera au financement des transferts opérés par la loi.

Cela étant, le Sénat a voté, en première lecture, le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité. Certes, ce texte n'a pas encore été examiné par l'Assemblée nationale, et les probabilités sont fortes - ce qui pose un petit problème - que l'on vote le transfert financier avant d'avoir adopté le projet de loi de décentralisation du RMI. Cette loi est donc, en quelque sorte, un cas d'espèce, un exemple, et nous souhaitons très vivement que les dispositions de l'article 40 de la loi de finances pour 2004 prévoient le financement du transfert RMI-RMA, et ce - pour reprendre votre expression, monsieur le ministre - de la façon la plus loyale qui soit. (M. le ministre opine.)

M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Nous sommes d'ailleurs condamnés à la réussite car, si cela ne fonctionne pas, nous aurons des difficultés ensuite. Le transfert RMI-RMA doit donc s'opérer dans la clarté et la loyauté afin que la confiance retrouvée entre les élus locaux et l'Etat nous permette de débattre, tout au long de l'année 2004, du montant des transferts financiers qui seront nécessaires.

Si, dans quelques jours, l'article 40 de la loi de finances n'est pas modifié pour prendre en compte les conséquences de la réforme de l'UNEDIC et de l'allocation de solidarité spécifique, il y aura un déséquilibre grave. Il me paraît donc nécessaire de fixer une clause de rendez-vous à la fin de l'année pour procéder au chiffrage de la mesure.

Il est vrai que nous avons entendu, monsieur le ministre, des estimations sur le coût des transferts de compétences. S'il est extrêmement difficile de le chiffrer aujourd'hui, nous disposons toutefois de toute une année pour le faire, et cette année ne sera probablement pas superflue...

Si, comme vous avez su le faire ces dernières semaines, vous mettez en place une méthode fondée sur le dialogue entre les grandes associations d'élus et les rapporteurs du texte dont nous débattons, nous parviendrons ensemble à chiffrer d'une façon contradictoire le coût des compétences transférées, et la réforme pourra aboutir dans de bonnes conditions.

Le débat qui s'ouvrira, lors de l'examen des amendements, sur l'instance chargée de contrôler l'évolution des charges sera intéressant. Ce contrôle pourrait en effet être confié à la commission d'évaluation des charges ou à une formation adaptée du comité des finances locales ; en tout cas, cette instance doit être présidée par un élu local.

Je crois que l'on ne peut plus, aujourd'hui, confier à un magistrat, fût-il de la Cour des comptes, le soin d'exercer ce contrôle. En effet, il arrive fréquemment que la commission ne se réunisse pas, sinon pour constater que tout se passe bien en matière de compétences transférées, alors que les élus ressentent le contraire. En effet, si la commission est compétente en matière de transferts de compétences au sens strict du terme, elle ne l'est pas s'agissant des extensions, des adaptations et des modifications de ces compétences.

Nous nous trouvons dans une situation juridique nouvelle : l'inscription dans la Constitution de garanties financières pour les collectivités territoriales, garanties qui vaudront règle suprême dans ce domaine, est importante. Il faut insister sur ce point. C'est en effet la première fois que nous inscrivons dans la Constitution, texte normatif le plus important de notre pays, des garanties financières pour les collectivités territoriales. Il reste à savoir, naturellement, quelle sera la portée de cette protection constitutionnelle. Elle n'est probablement pas absolue.

Pour en revenir au RMI et au RMA, il est vrai qu'il peut nous être objecté que la réforme de l'UNEDIC et celle de l'ASS n'ont pas pour objet de modifier les modalités d'accès au RMI et que cette question ne relève donc pas de la protection de la Constitution que j'évoquais à l'instant.

M. Gérard Delfau. Bien sûr !

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est discutable, et une autre réponse est possible.

Les décisions prises par les partenaires sociaux l'ont été au cours de l'exercice 2003. Les décisions du Gouvernement visant à modifier le régime de l'ASS ont été prises lors de ce même exercice. Elles entraînent des transferts de charges, et les conséquences de ces deux réformes en termes de financement pour les collectivités locales doivent donc être prises en compte.

La commission des finances a tiré de cet exemple quelques règles et quelques principes pour le futur. Elle ne s'est toutefois saisie matériellement que de certains articles.

Les amendements qu'elle présentera auront simplement pour objet d'apporter des précisions, de fixer un cadre clair permettant à l'Etat de dire quels impôts il entend transférer aux collectivités locales et à chacun - Etat, collectivités locales - de s'y reconnaître.

Monsieur le ministre, nous cherchons tout à fait à atteindre l'objectif que vous avez évoqué dans votre intervention liminaire. Vous avez annoncé que le produit de deux catégories d'impôts serait transféré, celui de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et celui de la taxe sur les conventions d'assurances, le total de ces deux produits étant supérieur au coût des compétences transférées. C'est une bonne nouvelle, mais nous souhaiterions que, au cours des débats, vous précisiez exactement quelle part sera transférée aux collectivités locales, celles-ci s'interrogeant, vous le savez, sur le caractère modulable de la part des impôts transférés.

J'insisterai sur un autre point, qui me paraît tout aussi important. Les régions recevront une part modulable du produit de la TIPP, alors que les départements percevront une part non modulable du produit de la TIPP et le produit de la taxe sur les conventions d'assurance. J'ai très longtemps milité, avec nombre de mes collègues, pour que le taux de TIPP transférée aux départements puisse être modulé ; mais, finalement, pour des raisons de clarté, il ne me semble pas plus mal que les départements ne puissent pas augmenter la TIPP dès lors que l'Etat pourra continuer à augmenter la part qui sera la sienne. En effet, on ne saurait jamais, en cas d'augmentation de la TIPP, si cette dernière est due à l'Etat ou aux régions !

Au moins deux collectivités seront donc protégées : les communes, qui ne recevront pas de produit de la TIPP, et les départements, qui en recevront une part non modulable. Pour le reste, il faudra définir qui fait quoi. C'est une question de clarté.

Je suis véritablement satisfait, monsieur le ministre, que vous ayez obtenu de vos collègues de Bercy qu'une part très importante de la taxe sur les conventions d'assurance puisse être transférée aux départements. Le transfert du produit de ces deux impôts - la TIPP et la taxe sur les conventions d'assurance - permettra de financer non pas la totalité des coûts des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours - vous ne l'avez jamais dit et il ne faut pas le laisser croire -, mais au moins l'évolution de ces coûts. C'est une bonne nouvelle.

Au nom de la commission des finances, je ne peux que prendre acte des annonces extrêmement intéressantes que nous a faites M. le ministre de l'intérieur dans son intervention liminaire et vous inviter, mes chers collègues, à adopter les amendements de précision et de cadrage que la commission des finances vous propose. Nous disposerons alors d'un bon texte qui permettra de rétablir la confiance entre les élus locaux et l'Etat et, ce qui est plus important, entre les Français et leurs collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean François-Poncet.

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque l'Etat jacobin détenait l'essentiel des pouvoirs et des ressources, c'est lui qui veillait à ce que les écarts de richesse entre collectivités territoriales ne menacent pas la cohésion de la communauté nationale.

La décentralisation - à la fois celle de 1982-1983 et celle que le Gouvernement nous propose aujoud'hui - renverse la donne. C'est aux collectivités et non à l'Etat qu'incombe désormais la responsabilité première du développement territorial. Ce sont elles qui, dès aujourd'hui, réalisent la plus grande partie des investissements civils du secteur public.

Or les collectivités territoriales, attributaires des compétences transférées, sont très loin de disposer de moyens équivalents.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». D'où le risque que la décentralisation n'accroisse les inégalités de développement entre collectivités, l'argent des collectivités riches permettant à celles-ci de faire pleinement usage de leurs nouveaux pouvoirs, cependant que les collectivités pauvres peineraient à les assumer.

Autant dire que le projet de loi relatif aux responsabilités locales que vous nous soumettez aggravera de façon inquiétante les fractures qui, dès à présent, menacent le territoire s'il ne s'accompagnait pas d'une péréquation réelle des ressources entre territoires.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Le gouvernement d'Edouard Balladur l'avait compris et la loi Pasqua de 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire avait créé un ambitieux - peut-être trop ambitieux - mécanisme de péréquation, mis au point, je le rappelle, par le Sénat sur le modèle du système qui fonde le fédéralisme allemand. Le gouvernement de Lionel Jospin avait intégralement repris ce dispositif, alors que la plupart des autres dispositifs de la loi Pasqua avaient été modifiées.

Près d'une décennie s'est écoulée depuis 1995. Trois gouvernements se sont succédé. Mais rien, absolument rien, n'a été fait pour que la loi soit appliquée. Le texte de 1995 sur la péréquation est une relique poussiéreuse et oubliée.

M. Gérard Delfau. Hélas !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». D'où vient cette paralysie ? Deux raisons, me semble-t-il, l'expliquent : tout d'abord, et cela tombe sous le sens, le fait que la péréquation mette en cause des droits acquis, lesquels, comme chacun sait, sont en France sacro-saints et, ensuite, le défaut de propositions claires et chiffrées. De ce fait, la péréquation suscite des craintes qui, pourtant, ne résistent pas à l'analyse.

En effet, il ne s'agit nullement de réaliser une égalité complète, qui n'est ni atteignable, ni souhaitable,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, si !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». ... ni même prescrite par le nouvel article 72-2 de la Constitution, selon lequel la loi favorise l'égalité entre collectivités territoriales. Favoriser, à ma connaissance, signifie « aller vers », « se rapprocher de », et non pas « aligner » ou « niveler ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est déjà ça !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Il s'agit de garantir à toutes les collectivités un niveau de ressources leur permettant de couvrir leurs charges obligatoires dans les mêmes conditions de service rendu et de prélèvement fiscal. Tel doit être l'objectif de la péréquation.

C'est dans cet esprit que le Sénat s'est une nouvelle fois penché sur le problème. Un groupe de travail a été créé par la commission des finances et par la commission des affaires économiques, dont M. Claude Belot est le rapporteur. Le rapport de ce groupe de travail a été approuvé par les deux commissions. Il vous sera remis demain matin au plus tard, messieurs les ministres, accompagné d'une lettre signée du président du Sénat. Je vous en recommande évidemment la lecture.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Une lecture attentive !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». Les propositions du groupe de travail peuvent se résumer en quatre points.

Tout d'abord, le groupe de travail ne s'est concentré, à ce stade, que sur la situation des départements...

M. Gérard Delfau. Hélas !

M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement du territoire et président du groupe de travail sur la « péréquation ». ... parce que c'est à eux que la décentralisation transfère les charges financièrement les plus lourdes et créatrices des écarts les plus importants entre les départements.

Ensuite, le groupe de travail a procédé en deux étapes.

Dans un premier temps, il a élaboré un indice synthétique permettant de mesurer les inégalités de ressources, mais aussi de charges obligatoires entre les départements. Il s'est appuyé, pour évaluer les charges et les ressources, sur des critères objectifs, qui neutralisent l'impact des politiques pratiquées. Nous ferions en effet fausse route en matière de péréquation si celle-ci conduisait à récompenser les gestions laxistes de certaines collectivités ou les gestions anormalement rigoureuses d'autres. L'indice synthétique combine inégalités de ressources et inégalités de charges dans un tableau unique dans lequel les départements sont classés par ordre croissant en termes d'aisance financière.

Dans un second temps, le groupe de travail a évalué les dotations financières qu'il faudrait réunir pour subvenir aux besoins en termes de péréquation, lesquels seront fonction du seuil d'égalisation entre les départements que le Parlement fixera. A cet égard, le groupe de travail s'est contenté d'envisager plusieurs hypothèses, entre lesquelles il a estimé qu'il ne lui appartenait pas de choisir, non parce qu'il n'a pas de préférences, mais parce qu'il lui a semblé qu'il s'agissait là avant tout d'un choix politique.

Par ailleurs, il a volontairement inscrit ces hypothèses dans la nouvelle architecture de la dotation globale de fonctionnement proposée par le projet de loi de finances pour 2004, une architecture dont je voudrais dire à mes collègues qu'il nous a semblé qu'elle pouvait utilement servir de base à la péréquation.

Les propositions du groupe de travail s'inscrivent également dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, en vertu duquel l'enveloppe globale de la DGF évolue annuellement en fonction d'un indice égal à la somme du taux de l'inflation et de la moitié du taux de croissance du produit intérieur brut.

Enfin, le groupe de travail propose que la péréquation soit réalisée par étapes, sur la durée, et qu'elle soit financée par prélèvement sur la croissance annuelle de la DGF. Cela permettrait de garantir à tous les départements leur niveau de dotation actuelle, en euros constants, tout en améliorant progressivement et très significativement la situation des départements les moins favorisés.

Il apparaît, à la lumière de ces propositions, que la péréquation en faveur des départements les plus pauvres est possible, sur une période qui pourrait être, par exemple, de cinq ans, sans mettre en difficulté, et donc en émoi, les départements les mieux lotis.

Messieurs les ministres, il est urgent d'agir. D'une part, nombre de départements, dont le potentiel fiscal est particulièrement faible et la population particulièrement âgée, ne parviennent plus, dès aujourd'hui, à faire face aux charges qui leur sont transférées sans être obligés d'accroître leur fiscalité dans des proportions qui deviennent insupportables, situation que la nouvelle étape de la décentralisation va très probablement aggraver.

Il convient, d'autre part, de prendre en compte les dynamiques économiques qui façonnent notre époque et qui, toutes, qu'il s'agisse de la mondialisation, des nouvelles technologies ou de la mobilité des capitaux et des savoir-faire, poussent à la concentration de l'activité et de la richesse dans les grandes agglomérations.

Voilà pourquoi, messieurs les ministres, toute nouvelle avancée en matière de décentralisation, sans péréquation concomitante, non seulement contreviendrait à la Constitution, mais aggraverait dangereusement les inégalités qui, dès à présent, fracturent le territoire.

Le Sénat sait que le Gouvernement partage cette conviction. Il lui fait confiance, par conséquent, pour proposer au Parlement, dès le début de l'année 2004, les mesures qui, sans brider le dynamisme des collectivités les mieux pourvues, préserveront les chances des collectivités les moins favorisées et garantiront ainsi la cohésion de la communauté nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux responsabilités locales.

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 167 minutes ;

Groupe socialiste, 89 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 36 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 32 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 26 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 10 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fernand Demilly.

M. Fernand Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français l'attendaient, les élus la réclamaient, le Premier ministre et son gouvernement la mettent en oeuvre depuis plusieurs mois, et « la relance de la décentralisation » est enfin une réalité constitutionnelle et législative. Elle sera bientôt une réalité de tous les jours sur le terrain, dans nos territoires. Car après la révision de la Constitution adoptée par le Congrès en début d'année et les deux lois organiques votées cet été par le Parlement, nous entrons véritablement dans le vif du sujet avec ce projet de loi relatif aux responsabilités locales et traitant, pour l'essentiel, des nouveaux transferts de compétences. La relance de la décentralisation prend forme.

Voilà déjà plusieurs années que cette relance de la décentralisation, celle-là même qui est figée, ou presque, dans sa forme depuis les lois de 1982, apparaît comme un impératif. Ici, on dénonce la bureaucratie et les montagnes de formulaires ; là, la fiscalité inadaptée, la péréquation insuffisante ; ailleurs, les plurifinancements et les circuits compliqués avant que les subventions européennes ou autres ne parviennent dans les cantons, après un passage éventuel par Bercy...

Depuis des années, les élus réclament donc une clarification des compétences. D'ailleurs, pourquoi, après 1982, s'être arrêté en si bon chemin, alors même que, dans de nombreux domaines, la décentralisation fut un succès et prouva son efficacité ? Je pense évidemment aux lycées, aux collèges, aux contrats de plan, à la montée en puissance des villes, en matière d'urbanisme notamment. Aujourd'hui, il apparaît évident que certains domaines doivent être clairement du ressort des collectivités territoriales et non pas de celui de l'Etat.

Et chacun s'accorde également à reconnaître que l'archaïsme de la fiscalité provoque plus de querelles que de rapprochements, plus de complications que d'efficacité, et, assurément, conduit à des ressources insuffisantes par rapport aux charges transférées de l'Etat vers les collectivités : ce fut le cas pour le revenu minimum d'insertion, pour l'allocation personnalisée d'autonomie, pour la vignette et pour tant d'autres.

Avant même de connaître l'issue des grands rendez-vous électoraux de l'année dernière, le groupe du RDSE, auquel j'appartiens, fort de sa pluralité, avait formulé une série de propositions cohérentes en matière de décentralisation pour prolonger la logique engagée en 1982 et parvenir à l'équilibre entre l'exigence d'efficacité, d'une part, le besoin de proximité démocratique, d'autre part.

Conscients que le gouvernement issu des élections de 2002 ne pourrait faire l'économie d'une grande réforme, nous avions proposé les transferts de compétences vers les collectivités territoriales en leur assurant une réelle autonomie financière, donc de réelles marges de manoeuvre. La région devenait la collectivité chef de file en matière économique, et le département, renforcé dans son rôle de proximité, voyait ses compétences redéfinies autour du domaine de l'action sociale.

Nous proposions, notamment, de transférer aux régions une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et d'affecter aux départements une part de la contribution sociale généralisée, la CSG.

Enfin, sur l'initiative de mon collège Gérard Delfau, nous avons fait émerger plus récemment un réel système de péréquation qui, pour les élus locaux, serait efficace, juste et équitable.

Je constate aujourd'hui que notre projet n'est pas très éloigné de celui que nous nous apprêtons à examiner, tout spécialement en matière de transfert et de clarification des compétences de chaque échelon. Cela n'est pas surprenant, puisque, dans les deux cas, c'est le sens pratique et l'expérience du terrain qui ont prévalu, et non pas certains dogmatismes idéologiques.

La philosophie du projet de loi que vous nous proposez s'articule autour de la double exigence de cohérence et de proximité. Les couples département-région et commune-intercommunalité, un temps évoqué pour conjurer les concurrences stériles, sont remplacés par le couple Etat-région, auquel revient la garantie de la cohérence d'aménagement du territoire national, par le trio de la proximité, commune-intercommunalité-département, institutions effectivement de proximité et du quotidien.

Le fait régional propre va pouvoir s'épanouir davantage et ne sera plus ni une annexe de la décentralisation de proximité ni le réceptacle des missions que l'Etat n'a plus le souhait ou les moyens d'exercer. Ces régions, depuis peu reconnues constitutionnellement, seront, plus encore que pour le passé, des acteurs majeurs des politiques publiques dans le cadre d'un Etat qui va pouvoir se recentrer sur l'essentiel, tandis que les départements assureront la cohérence de l'action sociale et de la solidarité.

Avec ce projet de loi, et après la loi organique relative au référendum local, la décentralisation s'assimilera davantage à la démocratie locale puisque le chapitre Ier du titre VII étend la participation des électeurs aux décision locales avec l'extension à l'ensemble des collectivités territoriales et l'extension du champ des consultations demandées par les électeurs eux-mêmes.

Mais ce qui constitue l'aspect le plus fondamental de ce projet de loi, ce sont bien les nouveaux transferts de compétences proposés, parce que les compétences des collectivités territoriales sont la substance même de l'action politique, en dehors de quoi les liberté locales ne seraient qu'un semblant de décentralisation.

C'est bien là que se joue l'acte II de la décentralisation, et c'est en cela que ce texte constitue à la fois une réelle relance de la décentralisation et une avancée pour notre pays.

Nous avons encore parfois plusieurs niveaux d'administration qui se juxtaposent dans la conduite d'une même politique. Qui fait quoi ? Qui est responsable ? Qui finance ? Comment finance-t-il ? Le citoyen s'y retrouve difficilement ou ne s'y retrouve pas du tout !

En outre, les compétences non clairement identifiées provoquent des délais, des difficultés de financement, voire, dans certains cas, une irresponsabilité généralisée.

Avec le texte que vous nous proposez, les missions seront clairement identifiées et, de facto, l'Etat central pourra se concentrer sur ses fonctions régaliennes : il n'en sortira, lui aussi, que plus performant.

Bien entendu, certaines fonctions collectives fondamentales telles que l'éducation, la santé et la sécurité publique devront rester partagées, mais à condition d'identifier clairement les reponsabilités de chacun.

Je formulerai un regret à ce propos, monsieur le ministre : les collectivités auraient souhaité que l'Etat prenne en charge les services d'incendie et de secours qui, avec la police et la gendarmerie, assurent la sécurité publique,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Une paille ! (Sourires.)

M. Fernand Demilly. ... d'autant que les récents incendies dans le midi de la France ont montré la nécessité d'une organisation et d'une responsabilité nationales pour coordonner l'action et assurer l'efficacité des interventions.

La réflexion sur ce sujet ne devrait-elle pas se poursuivre ?

Ce regret excepté, on voit bien qu'une aussi large et profonde remise en cause de notre fonctionnement institutionnel et des missions de chaque échelon doit s'accompagner d'une réorganisation des services de l'Etat et de transferts de moyens. Une telle décentralisation n'aura de sens que si l'Etat change également. C'est évident !

C'est pourtant ce qui a manqué en grande partie dans la décentralisation « version 1982 ». Vous n'êtes pas sans savoir que les collectivités redoutent fortement les coûts cachés de la décentralisation : « chat échaudé craint l'eau froide », dit le proverbe.

Le pari de l'acte II de la décentralisation est que l'Etat assumera financièrement ses responsabilités dans le cadre d'une évaluation rigoureuse de chaque transfert...

M. Jean-Pierre Sueur. Le pari de Pascal ! (Sourires.)

M. Fernand Demilly. ... et que, par ailleurs, la confrontation des élus locaux avec les citoyens-usagers-contribuables parviendra à créer un mouvement puissant de régulation de l'action publique.

En effet, en fin de compte, c'est bien la mise en pratique et l'appropriation par tous, élus et citoyens, qui permettront de dire, dans un avenir relativement proche, si l'objectif a été atteint.

Pour ma part, je suis convaincu que nous sommes sur la bonne voie et que nous gagnerons ce pari, à condition que l'on s'en donne les moyens, autrement dit à condition que les textes votés par le Parlement dotent les collectivités des moyens nécessaires.

Si, depuis sa révision et l'adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, la Constitution nous donne une partie des moyens indispensables à cette réussite, avec la reconnaissance du principe de « l'organisation décentralisée de la République », il faudra aussi, monsieur le ministre, que les mécanismes de solidarité financière, dont l'Etat doit demeurer le garant, donnent leur chance à tous les territoires.

Le projet de loi organique relatif aux questions financières des collectivités devrait nous être transmis assez rapidement. Souhaitons qu'il prenne en compte tous les éléments des transferts. Je vous suggère en outre, monsieur le ministre, d'assurer la réactualisation annuelle de ces transferts de ressources financières vers les collectivités territoriales, condition sine qua non pour que le fonctionnement de nos institutions locales demeure en phase avec l'évolution de la société et des réalités locales.

La relance de la décentralisation est donc, avec ce projet de loi, une grande réforme indispensable et urgente. Elle ne doit être ni un simple ajustement technique de notre échafaudage institutionnel ni le démembrement de l'unité nationale auquel certains voudraient nous faire croire.

A ces conditions, elle sera assurément un moyen très efficace pour rénover l'action publique et, par là même, pour réconcilier durablement les citoyens avec leurs élus, avec leurs gouvernants et avec la République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai d'abord brièvement les conditions dans lesquelles se déroule ce débat.

Il est étonnant que la discussion d'un texte emblématique de la gestion du Gouvernement commence à dix-huit heures,...

M. Louis de Broissia. C'est une bonne heure !

M. Jean-Claude Peyronnet. ... que le Premier ministre intervienne presque en catimini et soit - et je crois que c'est un avis assez général - relativement peu convaincant. Ce texte emblématique préparé de longue date, aurait mérité mieux qu'un examen en fin d'après-midi, à un moment où, finalement, l'attention est peu importante. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Je souhaite formuler une seconde remarque. Je suis le dixième intervenant dans la discussion de ce projet de loi et le premier de l'opposition qui fera peut-être entendre une petite musique un peu différente, encore que j'ai senti, dans les interventions de certains des rapporteurs, quelques réserves, certes contenues.

Nous avons là l'illustration de pratiques étonnantes et peu démocratiques au sein de cette assemblée, puisque, sur les cinq rapporteurs, aucun n'appartient à l'opposition.

J'en viens au projet de loi proprement dit.

Parce que nous avons mis en place, malgré vous et vos amis, la décentralisation, à laquelle vous vous êtes ralliés très vite, parce que, ainsi, notre volonté et notre conviction ne peuvent être mises en question par les esprits de bonne foi, nous n'avons pas besoin de répéter sans arrêt : « Nous sommes décentralisateurs ! Nous sommes décentralisateurs ! » Mais, pour nous, ce n'est pas la solution, et surtout pas la seule, à tous les problèmes.

Il s'agit d'abord et simplement de rendre l'administration plus efficace et plus lisible, car plus proche des usagers. Mais, en aucun cas, il ne s'agit de dédouaner l'Etat de ses devoirs envers les citoyens et envers les territoires, devoirs qui sont inscrits comme un idéal intangible dans la Constitution et, notamment, dans ses deux premiers articles « pollués », précisément, par cette proclamation triviale d'une République décentralisée. Et pourtant, que représente ce système d'organisation administrative à côté des concepts d'égalité, de laïcité ou d'indivisibilité ?

Si le Premier ministre a, avec obstination, obtenu l'inscription de cette idée à cet endroit-là, c'est, je le crois, par conviction, je lui en fais crédit. Mais je lui reproche justement cette foi aveugle, quelque peu extrême : cette espèce d'intégrisme décentralisateur qui, comme tout intégrisme, est excessif et finalement empêche de penser sainement. Qui peut croire, en effet, comme le Premier ministre l'a affirmé, que la décentralisation nous fera gagner tous les ans un point de croissance ? Et, plus encore, qui peut croire, comme il l'a également affirmé à plusieurs reprises, qu'elle fera baisser les impôts ? Sans doute, à ce que l'on entrevoit, cela sera-t-il vrai pour les impôts nationaux, mais, pour les impôts locaux, sûrement pas !

Le Premier ministre a fait de la décentralisation la grande affaire de son action gouvernementale. Il a érigé cette réforme administrative souhaitable en levier infaillible pour résoudre tous les maux de la société française. A chaque dysfonctionnement, il prévoit d'appliquer la potion magique décentralisatrice comme un doux remède qui remettra tout en ordre. C'est, pour lui, une sorte de deus ex machina érigé en dogme.

L'ambition est donc grande, ou plutôt était grande. Chemin faisant, il s'est produit une perte en ligne : plus rien, ou presque, sur l'environnement ; plus rien surl'insertion, ni sur la sécurité civile, ni sur le développement rural ; plus rien non plus, ou peu de chose, sur la santé et rien sur le handicap, comme si, balloté par les événements - je pense à la canicule comme aux divergences entre les associations impliquées dans le handicap -, le Gouvernement avait choisi, par des lois spécifiques, soit d'anticiper, soit de différer. Mais, dès lors, que devient la cohérence ?

Finalement, ce texte manque d'une vraie ligne directrice, d'un souffle ; il est confus et produira des effets peu lisibles. Il est surtout gravement imprécis sur des sujets majeurs comme la fiscalité, ce qui le rend, malgré sa médiocrité, potentiellement dangereux.

Les objectifs assignés par le Premier ministre étaient clairs et louables : simplification, modernisation, honnêteté des transferts financiers. Aucun de ces objectifs n'est atteint.

La simplification ? Comment peut-on la proclamer lorsque plus de quarante conventions sont prévues qui interdiront finalement de savoir, pour parler simplement, qui fait quoi ? J'y reviendrai.

La modernisation ? Comment en parler alors que les groupements de communes sont quasiment absents - comme les communes, d'ailleurs -, alors que toute la France s'est, en cinq ans, couverte de structures intercommunales ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est faux !

M. Jean-Claude Peyronnet. Les finances ? Comment avez-vous pu traiter des transferts de compétences avant de traiter des grands principes de la compensation - sans même évoquer la réforme fiscale, qui aurait pu être un préalable -, sans que l'on sache sur quelles bases sera assise cette compensation ? Je reviendrai également sur ce point.

En bref, nous retrouvons dans ce texte toutes les tares de la révision constitutionnelle de mars dernier. Nos inquiétudes d'alors sont confirmées par votre copied'aujourd'hui, monsieur le ministre.

Sur tous les points que je viens d'évoquer, vous êtes dans le flou. Vous apportez des solutions confuses ou, plus grave, vous vous défaussez de vos responsabilités d'Etat et du financement associé sur les collectivités locales. Ce n'est plus une décentralisation, c'est un délestage, pour reprendre le mot du président du Sénat. Je dirai moi-même qu'il s'agit presque d'un dégazage, qui produit des nappes funestes, mais aussi, et pendant des années, des boulettes que l'on n'avait pas repérées au départ ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Masseret. Très bien !

M. Jean-Claude Peyronnet. Je gage que les collectivités territoriales n'ont pas fini de mesurer, année après année, l'ampleur des conséquences fâcheuses de cette réforme que vous réussissez à déconsidérer.

Populaire il y a à peine un an, cette grande idée de la décentralisation est vécue désormais comme néfaste par manque de concertation ou de simple explication. Des citoyens défilent contre elle et les élus municipaux, en particulier, sont très inquiets. Ils ont raison de l'être, car vous avez oublié, quel que soit le discours d'habillage, les grands principes sur lesquels toute vraie décentralisation devrait s'appuyer.

Voilà pourquoi nous déposerons de nombreux amendements argumentés sur les quelques idées fondatrices auxquelles nous croyons. Je citerai, en particulier, une importante série d'amendements avant l'article 1er, formant un nouveau titre dont le libellé résume à lui seul les grands principes que nous souhaitons réhabiliter : « Dispositions tendant à assurer la transparence, le suivi, l'équité des transferts de compétence, à veiller à leur neutralité financière et à orienter leur compensation financière vers une plus grande égalité entre les territoires ». Nous associerons ce titre à la création d'un observatoire permanent de la décentralisation allant dans le même sens, mais beaucoup plus loin, malgré tout, que ce qu'a annoncé tout à l'heure M. Sarkozy.

C'est le plan financier qui préoccupe le plus les élus, et pas seulement les élus régionaux et départementaux, mais aussi les élus municipaux, qui savent bien que, si les finances des départements ou des régions sont exsangues, ils seront touchés par ricochet : leur inquiétude est légitime.

De ce point de vue, le transfert précipité du RMI-RMA est un cas d'école. Vous me direz que tel n'est pas le sujet. Oh que si ! Plus que les décisions des hommes, ce sont leurs oeuvres qui comptent et, de ce point de vue, que d'improvisation - ce qui est véniel -, mais aussi que d'arrière-pensées et quelle volonté de se débarrasser d'une charge pesante ! Il convient donc de décortiquer ce processus de décentralisation du RMI-RMA pour le comprendre et éviter, si possible, qu'il ne se généralise.

En apparence, le transfert est clair : l'Etat donne aux départements les sommes qu'il consacrait aux allocations de RMI en 2003. M. le ministre des affaires sociales m'a fait remarquer qu'on se situerait cette année à un niveau élevé, ce qui est vrai.

Certes, mais il y a des imprécisions : comment prend-on en compte les surcoûts de gestion ? Les caisses d'allocations familiales, qui, jusque-là, instruisaient gratuitement l'allocation d'Etat, feront-elles financer par les conseils généraux la gestion de l'allocation départementale ? Tout cela n'est que détail et peut s'arranger si l'on en prend le temps. Mais comment prend-on en charge l'évolution ?

M. Gérard Delfau. Eh oui !

M. Jean-Claude Peyronnet. Si le cas du RMI-RMA est tellement exemplaire, c'est qu'il est grossier. Vous avez modifié les règles concernant l'indemnisation du chômage - pour le PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, il y a un an, pour l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, il y a quelques semaines -, avant même que le transfert ne soit effectif et sans annoncer la moindre prise en compte du surcoût qui résultera d'un glissement de l'Etat aux départements, selon le principe des vases communicants.

M. Sarkozy a déclaré, pour la première fois, tout à l'heure, que ce surcoût serait pris en compte, mais on ne sait pas comment et, surtout, sur quelle durée. En fait, il est notoire que les passages de l'ASS au RMI, comme les sorties du PARE, commenceront dès le mois de janvier 2004, mais s'étaleront sur trois années au moins, alors qu'au mieux vous ne prendrez en compte - je le crains - que les modifications décelables dans les premiers mois. M. le ministre de l'intérieur a beau nous donner toutes assurances pour 2003, et je le crois volontiers, je serais étonné que l'on prenne en compte les évolutions jusqu'en 2006.

Il est absolument vital pour les collectivités territoriales, concernant tous les transferts, que vous trouviez le moyen de mettre en place une compensation pérenne qui prenne en compte l'évolution, prévisible ou non, et, dans ce cas-là, il faut le faire constater par un organisme indépendant.

Cette évolution peut résulter du mouvement naturel des choses, mais elle peut résulter aussi des conséquences de décisions de l'Etat français ou de l'Europe concernant les normes. Qui nous dit que, dans trois ou dans cinq ans, il ne faudra pas revêtir nos routes nationales d'un enduit antiglisse ou antigel ou antidérapant ou anti-je-ne-sais quoi et qu'il ne faudra pas installer des rails de sécurité sur toutes les courbes d'un certain degré ? S'il est légitime, et même très souhaitable, que l'Etat conserve ce pouvoir réglementaire, il est aussi indispensable que, sur la durée, il participe à l'effort financier qu'il impose aux autres.

Il faut vraiment nous éclairer sur ce point. Disant cela, d'ailleurs, je suis sûr d'être au diapason de la majorité du Sénat. N'est-ce pas la commission des lois, reprenant une proposition de loi déposée par notre président et d'autres personnalités éminentes de la majorité de notre assemblée, dont le Premier ministre, qui proposait d'inclure, à l'article 6 du projet de révision constitutionnelle, l'alinéa suivant, qui est très intéressant et que nous aurions pu reprendre sous forme d'amendement : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales et toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions de l'Etat sont accompagnés du transfert concomittant de ressources garantissant la compensation intégrale et permanente de ces charges » ? On ne peut mieux dire : « toute charge imposée », « compensation intégrale et permanente » !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Chiche !

M. Jean-Claude Peyronnet. Au fond, je n'ai fait que gloser ! Pour le reste, mes collègues socialistes reviendront sur tout ce qui peut apparaître comme attentatoire au juste maintien des droits des collectivités ou à la simple justice.

Comment accepter que les calculs de compensation s'effectuent sur les trois derniers exercices avant transfert, c'est-à-dire 2002, 2003, 2004, années de gel, puis de suppression massive des crédits d'Etat ? Est-il concevable - n'est-ce pas un déni ? - d'imaginer que puissent être pris en compte, dans les transferts de personnels, les postes pourvus et non pas les postes existants, alors que jamais les choses ne se sont faites ainsi ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais si !

M. Jean-Claude Peyronnet. Vous le voyez, sur le plan financier, rien n'est assuré, tout est imprécision et improvisation, et je laisse mes camarades socialistes aborder la question de savoir quelle sera la fiscalité transférée et comment vous vous sortirez du piège de la « part déterminante » que vous vous êtes tendu tout seuls. A cet égard, toutes les explications sur l'Europe et la TIPP qui nous ont été fournies me laissent sceptique.

Tout cela est fort regrettable, car, s'il faut aller plus loin dans la décentralisation, on aurait pu le faire en s'appuyant effectivement, et non pas seulement en paroles, sur les pistes et les sages conclusions consensuelles du rapport Mauroy.

Cela suppose que l'idée de décentralisation ne soit pas une mode à suivre pour paraître moderne et réformateur et qu'elle respecte des principes dont certains - clarté, lisibilité, efficacité - sont de simple bon sens et de bonne gestion, et dont d'autres sont de grands principes républicains intangibles, comme ceux que j'ai cités.

Non, la décentralisation ne doit pas être un dogme, et le jeu n'est pas : « moins décentralisateur que moi, tu meurs ». On est conduit à décentraliser lorsqu'il semble ou qu'il est assuré que telle action, telle gestion, telle politique atteindra mieux ses buts si elle est mise en oeuvre au niveau local plutôt qu'au niveau national. Cette démarche exclut la précipitation et devrait signifier étude d'impact au cas par cas, estimation de la faisabilité technique et financière en amont et évaluation des résultats en aval.

Vous voulez confier les routes nationales aux départements ? Pourquoi pas, si les conditions financières sont honnêtes ! Vous voulez confier l'ensemble de la formation professionnelle aux régions ? D'accord ! Mais, je vous en supplie, n'allez pas penser que tout est transférable. Or votre dogme vous incite à transférer tout ce qu'il est possible de transférer et, ensuite, à mesurer en creux les compétences résiduelles de l'Etat qui seront alors seulement définies comme régaliennes. Telle n'est pas notre conception, et nous l'avons dit au cours des débats précédents.

Mais le dogme s'exerce aussi à travers le régionalisme outrancier du Premier ministre.

Je crois à l'avenir des régions et il est bon qu'elles aient été reconnues par la Constitution. Pour autant, faut-il les glisser partout, les plaquer partout, au risque de tomber sous le coup de l'accusation d'établir la tutelle d'une collectivité sur une autre ? Certes, je ne me risquerai pas à ce jeu stérile qui consiste à déterminer quelle est la collectivité gagnante de la décentralisation. Pourtant, les journalistes, et un grand quotidien du matin encore aujourd'hui, s'en délectent et leurs idées reçues montrent qu'ils n'ont pas bien lu les textes.

Ce dont je suis sûr, c'est que la presse n'a pas mesuré le dogmatisme régionaliste qui anime le Premier ministre. Celui-ci est allé prendre une leçon de fédéralisme en Allemagne, il y a quelques mois. Il recevait aujourd'hui les représentants des Länder allemands pour établir « une coopération décentralisée réservée ». Derrière ce vocable, je ne peux m'empêcher de voir le rêve du Premier ministre d'une Europe fédérée en régions et non pas en nations.

En attendant, on fait ce qu'on peut et, subrepticement, on multiplie dans ce texte les plans et schémas qui le complexifient et susciteront le conflit. Pourquoi diable faut-il que les investissements départementaux sur les routes nationales transférées s'inscrivent forcément dans un schéma régional qui décide des investissements même lorsque la région ne participe pas au financement ? Si cela n'est pas une tutelle, cela y ressemble fortement ! Et à quoi cela peut-il bien servir ? A assurer la cohérence des itinéraires ? Faut-il rappeler que les routes ne s'arrêtent pas aux limites régionales et que, au demeurant, dans les années soixante-dix, les conseils généraux ont déjà accepté de prendre en charge des routes nationales ? Je précise que ce sont toutes les routes numérotées en 900 ou en 600. Et, que je sache, il n'y a pas de discontinuité profonde dans leur traitement selon les départements.

De la même façon, quels seront le sens, la portée et la valeur contraignante d'un schéma régional du tourisme tel qu'il est prévu au titre Ier ? Croyez-vous vraiment indispensable de faire entrer à toute force l'arrière-pays niçois et la Camargue dans le même schéma ?

Et je passe sur le renforcement des préfets de région, qui vont bénéficier d'une tutelle effective sur les préfets de département. Je ne critique pas forcément, je constate.

Bref, dans ce domaine comme dans d'autres, le dogmatisme est mauvais conseiller et le seul principe d'administration qui peut guider dans les choix d'une collectivité plutôt que d'une autre doit être la lisibilité et l'efficacité par le rapprochement des centres de décision du citoyen, ce qui signifie une meilleure évaluation des besoins et une réponse plus rapide aux besoins identifiés.

Et c'est précisément au nom de cette efficacité, mais sans dogmatisme, en ce qui nous concerne, que nous devons sereinement évaluer le résultat de certaines politiques publiques, sans nous interdire de revenir sur des conceptions décentralisées qui s'avéreraient inefficaces. Vous le faites pour la politique de prévention, et vous avez raison, dans le projet de loi sur la santé publique. Je vous proposerai de le faire dans deux autres domaines majeurs : il s'agit de la protection civile, dont il faut faire un grand service national, car le copilotage entre le préfet et les élus devient insupportable sur le plan financier, sur le plan de l'efficacité aussi, voire sur celui de la sécurité juridique des élus ; et je vous proposerai la même démarche pour la partie « hébergement » de l'aide aux personnes âgées dépendantes.

Dans ce dernier domaine, les conseils généraux n'ont que faire d'être des organismes payeurs exerçant la tutelle sur les établissements, et ils le font bien, d'ailleurs. Ce qui est intéressant, c'est d'organiser l'action de terrain et, en l'occurrence, la coordination gérontologique. Il faut donc qu'ils gardent cette action de proximité et de maintien à domicile, et que l'ensemble des questions de tutelle et de financement des établissements soit confié à la sécurité sociale. C'est d'autant plus justifié que les établissements en question sont de plus en plus sanitaires.

Pas de dogme, donc, mais le respect de principes. Je vais aller très vite, parce que mes amis socialistes y reviendront largement, définissant ainsi les grandes lignes d'une décentralisation véritablement républicaine et démocratique.

Certains de ces principes sont, je le répète, de simple bonne gestion. Il en est ainsi de la lisibilité et de la simplification. Avez-vous réussi dans ce domaine ? Non ! Si vous persistez dans cet échafaudage, on verra encore moins qui fait quoi ; on saura encore moins qui paie quoi.

Les conventionnements en cascade obscurcissent la lisibilité de l'ensemble. L'article 101 est, de ce point de vue, typique. Il apparaît ainsi en fin de texte, comme si, tout à coup, vous vous étiez souvenu que l'intercommunalité existe. Et, dès lors, vous donnez la possibilité aux groupements de recevoir mission de faire « pour le compte » d'une autre collectivité. Est-ce une délégation ? Dans l'affirmative, pourquoi ne pas le dire ? Vous donnez cette possibilité à tous les groupements, ce qui, si cela se réalisait, pourrait conduire à un émiettement total de tous les schémas régionaux ou départementaux. Il aurait mieux valu limiter cette possibilité aux seules communautés d'agglomération et aux communautés urbaines, en les légitimant à agir pour le compte d'assemblées élues elles-mêmes au suffrage universel.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! C'est excellent !

M. Jean-Claude Peyronnet. Mais cela, vous ne l'avez pas voulu. On le sait depuis un an et, de ce fait, votre texte prend un terrible coup de vieux, car il passe à côté de la grande réforme du xxe siècle en la matière qui produira tous ses effets dans les décennies prochaines de notre xxie siècle.

Le grand principe constitutionnel d'égalité est bafoué à chaque ligne. L'expérimentation qui vous est chère est inégalitaire dans son principe même : elle a pour vocation d'établir la compétition entre les territoires. Pour le reste, rien ne nous indique ce que vous allez faire en termes de péréquation, laquelle reste une intention inscrite dans la constitution, certes, mais, pour l'instant, non opératoire. A quel niveau s'effectuera-t-elle, et qui l'assurera ? On n'en sait rien.

Et ce respect du principe d'égalité, qui pourrait l'assurer, sinon l'Etat ? Et comment pourrait-on le mettre en oeuvre si vous laissez les territoires agir en compétition après démantèlement des politiques nationales ?

Autres questions : y aura-t-il, après le transfert du logement social, une politique nationale du logement ? Y aura-t-il, après le transfert de la formation professionnelle, une politique nationale de la formation professionnelle...

M. Jean-Pierre Godefroy. Non !

M. Jean-Claude Peyronnet. ... ou une simple juxtaposition de politiques régionales, sans liens entre elles et en compétition ? Ce sont là des questions majeures posées dès la révision constitutionnelle et auxquelles nous n'avons pas plus de réponse aujourd'hui qu'hier.

Sur ce texte tant attendu, y compris par nous qui, après les lois Defferre et les quatre grandes lois du gouvernement Jospin, pensons qu'on peut faire plus et mieux encore, sur ce texte donc, les critiques, hélas ! sont vives. Elles viennent de tous bords, et les couloirs bruissent de chuchotements de révolte. J'espère qu'ils se traduiront en amendements, tout en sachant très bien que la galerie des bustes est longue à traverser et qu'il existe ainsi, entre la salle des conférences et la salle des séances, une distance beaucoup plus grande que la géographie des lieux ne le laisserait croire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après le début des discussions ayant conduit à l'adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, loi qui a introduit dans la Constitution le principe de l'organisation décentralisée de la République, nous abordons aujourd'hui les aspects pratiques de sa mise en oeuvre avec le projet de loi consacré aux transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales.

Très enraciné dans le monde des collectivités locales et partisan de longue date d'une France décentralisée, le groupe de l'Union centriste se réjouit que l'on aborde la « phase concrète de la réforme de la décentralisation », pour reprendre l'expression que vous avez vous-même utilisée, monsieur le ministre, en présentant le texte en conseil des ministres, le 1er octobre dernier.

Pour l'essentiel de ses dispositions, ce projet de loi tient compte des réalités auxquelles les élus locaux sont confrontés quotidiennement dans l'exercice de leurs fonctions. Nous approuvons donc la plupart des mesures qu'il contient. C'est d'ailleurs dans le même esprit de pragmatisme que celui ayant présidé à son élaboration que le groupe de l'Union centriste a examiné le projet de loi et déposé un certain nombre d'amendements.

Je sais que ce projet de loi a fait l'objet de plusieurs mois de concertation avec les associations représentatives des élus locaux - ce n'est pas le président de l'Association des maires de France qui me contredira -, mais vous me permettrez de dire, monsieur le ministre, que certaines préoccupations des élus de base n'ont peut-être pas toujours été suffisamment prises en compte dans le texte qui nous est soumis. (C'est vrai ! sur les travées du groupe socialiste.)

Sans revenir sur les grandes lignes du projet de loi que d'autres intervenants aborderont, je voudrais centrer mon propos sur trois points. Le premier concerne la déconcentration des services de l'Etat, le deuxième porte sur l'intercommunalité et le troisième aborde quelques interrogations relatives notamment aux finances des collectivités locales.

A l'occasion du débat sur le projet de loi constitutionnelle, il y a un an, je me réjouissais à cette tribune que soit inscrit dans la Constitution le principe selon lequel l'organisation de notre République est décentralisée. Je regrettais cependant qu'il n'y soit pas ajouté qu'elle est aussi déconcentrée. Force est de constater que le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui ne comble pas cette lacune. Or, si les élus locaux demandent plus de liberté et de compétences dans certains domaines - c'est la décentralisation -, ils souhaitent parallèlement avoir, au niveau territorial, des interlocuteurs représentant l'Etat qui, eux aussi, disposent des moyens et de la marge d'appréciation et de jugement nécessaires pour être de véritables partenaires et non de simples contrôleurs ou porte-voix de l'administration centrale. Ça, c'est la déconcentration !

Monsieur le ministre, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat lui-même, votre collègue Henri Plagnol, déclarait, il y a quelques semaines, à Metz : « Il y a mille directives ministérielles par an, heureusement que les préfets ne les lisent pas. » Si, en effet, ils les lisaient, on pourrait craindre que les élus territoriaux ne se heurtent à des blocages continuels, tant l'idée d'indiquer depuis Paris aux préfets, dans leur région ou leur département, la manière dont ils doivent apprécier sur le terrain les actes des collectivités est antinomique avec l'idée même de décentralisation et de droit à l'initiative qu'elle sous-tend. Il faut que cesse cette vieille habitude, jamais remise en cause depuis vingt ans, il faut bien le dire, selon laquelle l'administration centrale se permet trop souvent de dicter leur conduite aux préfets et aux chefs des services extérieurs de l'Etat. Savez-vous, monsieur le ministre, que, pour l'organisation des assises des libertés locales, vos services sont allés jusqu'à imposer à certains préfets le nom du traiteur à réserver pour le buffet ?... Cela paraît incroyable, mais c'est vrai ! Je crois qu'il est temps d'abandonner cette suspicion et de faire confiance à l'échelon local.

Pendant que les bureaux des administrations centrales produisent des circulaires au kilomètre, les services extérieurs de l'Etat, sur le terrain, manquent cruellement de moyens et certains projets des collectivités locales tardent, pour cette raison, à aboutir. Est-il normal, par exemple, que, faute d'avoir les moyens d'instruire un dossier d'installation d'entreprise classée dans les délais fixés par la loi, certaines directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement en soient réduites à demander au pétitionnaire, quelques jours avant la fin du délai d'instruction, la production d'une pièce manquante, uniquement pour faire courir de nouveau ce délai ? Ne serait-il pas plus judicieux de transférer, dans les régions et les départements, une partie des moyens pléthoriques de certaines administrations centrales ?

M. Gérard Delfau. Bonne question !

M. Yves Détraigne. En rappelant ces vérités d'évidence, l'élu local que je suis, mais aussi sans doute, le haut fonctionnaire que j'ai été, rejoint totalement le président de l'association du corps préfectoral qui, il y a deux semaines dans la Gazette des communes - de nombreux sénateurs doivent la lire dans leur mairie -, indiquait que l'acte II de la décentralisation doit être « synonyme d'une réforme de l'Etat qui se traduira par un transfert accru des pouvoirs de l'administration centrale vers l'administration territoriale déconcentrée ». Il continuait en indiquant que « les élus revendiquent au niveau territorial un Etat fort et structuré, un interlocuteur à même de leur apporter des conseils, de l'aide et de s'engager sur des projets ». L'élu que je suis n'a rien à ajouter, si ce n'est qu'il n'a pas le sentiment que cette préoccupation ait été suffisamment prise en compte dans le projet qui nous est soumis !

M. Patrick Devedjian, ministré délégué. Ce n'est pas sa place !

M. Yves Détraigne. Venons-en maintenant au volet du projet de loi consacré à l'intercommunalité. En comblant certaines insuffisances de la loi Chevènement, en laissant plus de marges de manoeuvre pour conclure, par exemple, des conventions de prestation de services ou autoriser les fonds de concours entre intercommunalités et communes membres, ce volet du projet de loi va indéniablement dans le bon sens et contribue au développement des groupements de communes à fiscalité propre. Le débat que nous aurons sur ce volet du projet de loi devra nous permettre de le compléter pour tirer toutes les conséquences des transferts de compétences des communes aux intercommunalités et réduire les incohérences auxquelles nous nous heurtons encore, parfois, dans la réalité.

C'est dans cet esprit que je vous proposerai, avec le groupe de l'Union centriste, un certain nombre d'amendements dont l'un vise, par exemple, à transférer du maire au président du groupement de communes la responsabilité d'inscrire les enfants à l'école, lorsque la compétence scolaire relève du groupement et non plus de la commune. De même, je défendrai un amendement tendant à permettre l'harmonisation des bases de fiscalité locale entre l'ensemble des communes membres d'un même groupement, afin d'éviter que les décisions d'ordre fiscal prises par les intercommunalités ne pèsent différemment sur les contribuables selon leur commune de résidence. Je vous proposerai aussi de régler le problème auquel sont confrontés les établissements publics de coopération intercommunale dans la gestion de leurs personnels lorsque certains de leurs agents bénéficient du treizième mois parce qu'ils sont issus de communes l'ayant instauré avant 1984 et que d'autres ne le perçoivent pas, bien qu'effectuant exactement le même travail.

Monsieur le ministre, comme le Premier ministre l'a rappelé cet après-midi, vous vous êtes déclaré ouvert aux amendements sur ce texte et je ne doute donc pas que ces propositions de bon sens seront entendues...

Je souhaiterais maintenant dire quelques mots sur la consultation d'initiative locale prévue dans le projet de loi et sur les moyens financiers des collectivités territoriales, à propos desquels ce texte nous laisse encore sur notre faim. Il est vrai qu'un projet de loi organique viendra bientôt en discussion.

Au moment du débat sur la loi du 1er août 2003 relative au référendum local, la Haute Assemblée a eu l'occasion de faire part de ses réticences quant aux risques de voir la démocratie participative prendre le pas sur la démocratie représentative, qui est la seule à détenir la légitimité issue du suffrage universel.

Je crains, pour ma part, qu'avec le référendum consultatif d'initiative locale - appelons-le ainsi - qui est prévu à l'article 90 du projet de loi, on n'ouvre la porte à une remise en cause du suffrage universel. En effet, quand on songe que plus de 50 % des communes de notre pays ont moins de cinq cents habitants, on mesure vite avec quelle facilité le moindre individu qui aura un compte à régler avec son maire pourra réunir les signatures nécessaires à l'organisation d'un référendum destiné à contrarier l'action de la municipalité et à entretenir la polémique. Souvenez-vous des exemples de détournement de procédures que j'avais dénoncés à cette tribune, le 4 juin dernier, à propos des consultations sur les affaires communales instaurées par la loi du 6 février 1992 ! Veut-on vraiment que cela s'amplifie ? Si tel n'est pas le cas, la sagesse me paraît être tout simplement de supprimer cette disposition, que je n'ai d'ailleurs jamais entendu réclamer par qui que ce soit de représentatif. Mais peut-être n'ai-je pas les oreilles assez ouvertes !

Un dernier mot, enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour évoquer les ressources financières qui seront attribuées aux collectivités territoriales afin qu'elles soient en mesure de faire face aux compétences qui leur seront transférées, ressources sur lesquelles le projet de loi dit peu de chose aujourd'hui. Tout le monde exprime le voeu que les collectivités bénéficient de ressources dont les bases soient évolutives et sur lesquelles elles aient une certaine autonomie de décision. On parle d'ailleurs à ce sujet de transférer aux régions et aux départements une part de la TIPP. Au risque de passer pour un ancien combattant, malgré son âge, l'ancien président de la commission des finances du conseil général de la Marne que je suis ne peut s'empêcher de dire publiquement que la suppression, en 1998, de la vignette automobile a été une erreur.

MM. Claude Domeizel et Jean-Claude Peyronnet. Pour la Marne !

M. Yves Détraigne. Non seulement la suppression de cet impôt local, qui pouvait être adapté si nécessaire, allait à l'encontre de l'idée même de décentralisation et d'autonomie fiscale des collectivités territoriales,...

MM. Gérard Longuet et Josselin de Rohan. Très bien !

M. Yves Détraigne. ... mais la vignette automobile était le type même de l'impôt évolutif et localisable que l'on recherche actuellement.

M. Gérard Longuet. Et équitable !

M. Josselin de Rohan. Eh oui !

M. Louis de Broissia. Un impôt social !

M. Yves Détraigne. Qui plus est, avec la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, cet impôt aurait enfin pu être utilisé majoritairement au profit des personnes âgées à qui il était initialement destiné. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Josselin de Rohan. Il a raison !

M. Yves Détraigne. En disant cela, je ne me livre pas à un combat d'arrière-garde ; le combat est terminé, je le sais bien.

Mme Nicole Borvo. Ah !

M. Yves Détraigne. Je veux simplement inviter le Gouvernement et notre assemblée à se méfier des « fausses bonnes idées » auxquelles on adhère parfois un peu vite et à faire preuve, dans ce domaine, de beaucoup de pragmatisme...

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste soutient ce projet de loi, qui va dans le sens d'une clarification de la répartition des compétences entre l'Etat et les différentes collectivités territoriales. En complément de l'excellent travail réalisé par MM. les rapporteurs, et notamment par notre collègue M. Jean-Pierre Schosteck, il proposera un certain nombre d'amendements. Nous espérons que ces derniers seront examinés sans a priori sur toutes les travées, car ils sont empreints de réalisme et de pragmatisme, à l'image de ce qu'attendent de nous les élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Le projet de loi dont nous débattons constitue un prolongement de la décentralisation engagée par les lois Defferre de 1982 et 1983. C'est pourquoi on peut à bon droit le qualifier de « deuxième acte ». Il consacre une évolution, mais n'opère pas une révolution. Ceux qui attendaient un bouleversement ou une refonte totale de notre administration territoriale seront déçus : la région, le département, l'intercommunalité sont désormais profondément ancrés dans notre paysage institutionnel. Aucun de ces niveaux administratifs n'est supprimé ; ils sont tous, au contraire, confortés par une clarification ou un renforcement de leurs compétences.

A l'opposé, ceux qui redoutaient une dérive vers le fédéralisme ou un affaiblissement de l'Etat, prélude à une rupture de l'unité nationale, n'ont guère lieu d'être inquiets. Non seulement les prérogatives régaliennes de l'Etat demeurent intactes, mais ce dernier conserve la maîtrise totale ou quasi totale de la politique de l'emploi, de l'éducation, de la santé, du sport ou du logement.

La décentralisation à la française est encore très éloignée des autonomies espagnoles ou italiennes et de la dévolution de type écossais ; elle n'en représente pas moins une avancée certaine dans un pays profondément marqué, depuis des siècles, par une volonté centralisatrice affirmée par tous les régimes.

Sans la décision majeure du gouvernement de Pierre Mauroy d'imposer une réforme fondamentale de l'administration de nos territoires, la loi que nous discutons aujourd'hui n'aurait pu voir le jour. Reconnaissons aux auteurs de cette réforme le mérite de l'avoir conçue et fait appliquer en dépit des réticences, des pesanteurs ou des résistances.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un peu tard !

M. Claude Domeizel. Vous étiez contre !

M. Josselin de Rohan. Il n'est jamais trop tard pour bien faire ! (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.)

A l'usage, on a pu observer que les compétences dévolues à chacune des collectivités nécessitaient d'être mieux définies pour éviter des conflits ou d'inutiles doubles emplois. Il était, à la longue, devenu difficile de savoir qui faisait quoi, chaque collectivité ayant à coeur d'intervenir dans de nombreux domaines sans toujours s'interroger sur la pertinence de cette intervention, son coût ou son efficacité.

Une certaine recentralisation s'est manifestée par le biais de la perte d'autonomie fiscale des régions et des départements, ou l'imposition de politiques nationales dont les collectivités lcoales devaient supporter le coût. Mais régions, départements et communes ont démontré qu'ils avaient su gérer avec efficacité, capacité et sagesse les domaines de compétence qui leur avaient été attribués par la loi. Ils étaient mûrs pour assumer de nouvelles tâches et désireux de les mener à bien.

En posant en principe que la République consacre une gestion décentralisée, reconnaît le droit à l'expérimentation, garantit l'autonomie fiscale des collectivités et compense les transferts de charges, la Constitution apporte des protections et des garanties solides à l'évolution à laquelle nous assistons.

Pourtant, les institutions ne valent que par la manière dont elles sont vécues et les lois les plus éminentes que par la façon dont elles sont appliquées.

Pour que la décentralisation réussisse, elle doit remplir quatre conditions : les compétences transférées par l'Etat doivent l'être sans restriction ni retour, la loi doit éviter les conflits d'attribution, les collectivités locales doivent disposer des moyens en personnels et des ressources financières pour faire face à leurs obligations nouvelles, l'Etat décentralisé doit s'accompagner d'un Etat déconcentré.

Donner et retenir ne vaut. Nous devons nous prévaloir contre la tentation, pour l'Etat, de maintenir, dans les départements ou les régions auxquels ont été transférées des compétences particulières, une administration ou des agences qui exerceraient une activité parallèle ou identique à celle des administrations locales.

De la même façon, les administrations mises à disposition d'une collectivité pour exercer les attributions qui lui sont conférées par la loi doivent relever de cette collectivité et d'elle seule. L'agrément et le classement par les régions des équipements et organismes de tourisme qui font appel à au moins trois services de l'Etat en sont une bonne illustration.

L'expérimentation par les collectivités d'une compétence nouvelle sera un test de la bonne volonté de l'Etat : sous réserve que la collectivité expérimentatrice respecte scrupuleusement les lois et règlements qui régissent la compétence expérimentée, les administrations de l'Etat devront s'employer à permettre l'expérience et non à la freiner. L'enjeu n'est pas un conflit de pouvoir ; il est de vérifier que, dans un secteur donné, la subsidiarité apporte un progrès et un gage d'administration efficace.

Enfin, par l'usage de son pouvoir prescriptif et normatif, l'Etat doit collaborer avec les communes, les départements et les régions pour leur permettre d'assurer leurs nouvelles responsabilités en tenant compte de leurs ressources financières.

Associer les régions aux financements d'équipements sanitaires sans qu'elles puissent se prononcer sur l'opportunité, la localisation et les modalités de réalisation de ces équipements serait difficilement acceptable. Leur confier la responsabilité de financer les formations sociales et paramédicales ou l'aide à la formation sanitaire et sociale des étudiants sans qu'elles puissent se prononcer sur les effectifs des personnes en formation, l'implantation des établissements ou leur mode de fonctionnement risquerait, à terme, de conduire à des malentendus ou à des conflits. Imposer aux propriétaires d'aérodrome - toutes les collectivités peuvent le devenir - de lourds investissements de sécurité sans possibilité de répercuter le coût sur l'usager relève de la même problématique.

Transférer des compétences n'est pas seulement transférer des dépenses, c'est aussi partager le droit à la décision.

L'un des mérites, et non des moindres, du projet de loi est la volonté d'opérer une clarification des compétences des divers niveaux d'administration territoriale, en recherchant une certaine spécialisation et en s'efforçant d'éviter les conflits d'attribution.

L'affirmation de la vocation économique des régions et de leur rôle fédérateur dans ce domaine, la responsabilité qui leur est conférée dans celui de la formation, la répartition opérée pour les infrastructures et les transports entre régions, départements et communes conduiront à plus de clarté et d'efficacité dans la gestion.

Dans certains cas, la frontière entre les attributions respectives des uns et des autres ne semble pas toujours évidente. La répartition entre les compétences du département et des communes ou de leurs groupements dans le domaine du logement mérite d'être explicitée.

Le rôle de chef de file de la région en matière d'action économique reposera autant sur le consensus que sur les textes : la coopération harmonieuse et les conventions entre tous les acteurs sont une condition essentielle du développement économique des régions. Les régimes d'aides doivent être complémentaires et non antagonistes, lisibles et cohérents avec une volonté partagée. Les entreprises et les territoires seraient les premières victimes d'une confusion ou d'une mésentente qui pénaliserait, pour les uns, leur créativité et leur expansion et, pour les autres, leur attractivité. Tant le législateur que les pouvoirs publics doivent veiller à ce que, dès la mise en place du dispositif, aucun dérapage ne survienne et que les éventuels différends fassent l'objet d'arbitrages clairs et fermes de la part de l'Etat.

Des synergies doivent être recherchées et favorisées dans la gestion des infrastructures, en particulier portuaires. Pour les ports ayant des activités complexes relevant de trois catégories de collectivités différentes, des syndicats mixtes de gestion seront indispensables pour éviter que l'éclatement des responsabilités ne nuise à leur image et à la qualité de leur gestion.

L'une des craintes majeures soulevées par les lois de décentralisation tient à l'incapacité des collectivités locales d'assumer de nouvelles charges sans ressources financières nouvelles ou sans nouveaux moyens en personnels.

Ces craintes n'étaient nullement infondées à la lumière des expériences récentes : les régions, pour ne parler que d'elles, ont vu leur taux d'autonomie fiscale passer de 60 % en 1998 à 35,5 % en 2002, du fait de la suppression de la taxe additionnelle aux droits de mutation, de la part patronale de la taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe d'habitation. Les compensations accordées par l'Etat n'ont guère été équitables et, dans le domaine du transport ferroviaire, elles sont très loin de permettre le financement des nouvelles charges.

Pour cette raison, nous ne pouvons que nous réjouir des garanties que nous apporte la Constitution, grâce aux dispositions de son article 72-2. Comme l'a souligné M. le rapporteur Jean-Pierre Schosteck, le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel de l'adéquation des ressources aux charges transférées sera une garantie majeure.

L'affectation du produit d'un impôt dynamique et modulable, assis sur une base économique fiable, répond à une demande très ancienne des collectivités locales.

Enfin, la synchronisation entre le transfert effectif des compétences et l'affectation des moyens dégagés par la loi de finances pour permettre aux départements et aux régions de faire face à leurs obligations nouvelles est une innovation heureuse, qu'il convient de saluer.

Dans son excellent rapport, notre collègue Jean-Pierre Schosteck relève que, bien souvent, les compétences transférées étaient exercées par l'Etat de manière insuffisante et que, pour assurer un meilleur service à la population, les collectivités locales devront réaliser des gains de productivité. Il faudra faire de nécessité vertu. L'un des avantages de la réforme, pour les administrés, devrait être de rendre plus responsables et meilleurs ménagers des deniers publics des élus qu'une gestion imprudente exposera d'autant plus facilement à la censure qu'ils seront contrôlés de plus près. Il sera sans doute moins facile d'imputer à l'Etat une hausse de la fiscalité ou des emprunts, dans la mesure où s'accroît le domaine sur lequel on a prise.

Il est enfin un point sur lequel l'honnêteté de l'Etat ne doit pas être mise en doute, à savoir les conditions dans lesquelles s'opéreront les transferts de personnels : 130 000 agents vont changer d'affectation ; il importe de veiller à ce que les services dévolus aux collectivités locales ne soient pas dépouillés de leurs personnels avant leur transfert. La référence à l'année 2002 pour la prise en compte des effectifs nous paraît constituer une assurance sérieuse en matière de rigueur. Nous vous savons gré, monsieur le ministre, de votre action pour que nous puissions l'obtenir.

De la même manière, il faut se féliciter de ce que la compensation des charges de fonctionnement transférées par la loi soit égale à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur la période de trois ans précédant le transfert de compétences, et non plus au montant des dépenses de l'Etat constatées l'année précédant ce transfert, ce qui était la règle autrefois. C'est là encore une innovation dont il faut se réjouir.

La déconcentration nous apparaît, enfin, comme le corollaire de la décentralisation. Le rôle de coordination du préfet de région a été utilement rappelé et mis en valeur par la loi. Ce haut fonctionnaire doit être, beaucoup plus qu'un primus inter pares, un véritable chef de file mettant en oeuvre dans la région les politiques de l'Etat et veillant à la cohésion entre ces politiques et celles des collectivités décentralisées.

On a déploré, à juste titre, dans un domaine aussi essentiel que celui de la politique de l'eau, la dispersion des responsabilités, dans un même bassin versant, entre plusieurs préfets exerçant une tutelle plus ou moins étroite sur quatre administrations censées s'occuper de la même activité. Pour toute action publique s'étendant à plusieurs départements, l'interlocuteur doit être le préfet de région.

De la même façon, préfets de région, préfets de département et recteurs doivent disposer de délégations suffisamment importantes pour être à même de répondre aux attentes des administrés dans les départements et les régions. A cet égard, il est difficilement compréhensible qu'un agent comptable, pour être muté dans un lycée distant de quarante kilomètres de celui où il exerce, doive obtenir l'aval d'un bureau parisien, sans parler de la bénédiction syndicale qui doit être accordée à cet échelon ! (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

C'est la vérité, mes chers collègues ! Vous pouvez le vérifier !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Evidemment que c'est vrai !

M. Josselin de Rohan. Faut-il, en matière d'environnement, qu'une circulaire ministérielle ou des arrêtés interministériels non seulement établissent des objectifs très précis et contraignants d'élimination des pollutions d'origine animale dans les zones en situation d'excédent structurel - ce qui se conçoit -, mais encore déterminent dans les moindres détails les modalités d'exécution, sans laisser aux agents locaux de l'Etat de marges d'interprétation et d'action ?

L'un des principaux reproches faits à la décentralisation telle qu'on nous la propose est qu'elle accentuera les inégalités.

Force est de constater que si la centralisation a le plus souvent favorisé l'uniformité, elle a peu favorisé l'égalité ! Malgré d'incontestables succès, la politique d'aménagement du territoire menée depuis près de quarante ans n'a pu réduire de manière significative les écarts existant entre les régions ou les départements les plus riches et les collectivités les plus pauvres.

La péréquation, telle qu'elle est définie à l'article 72-2 de la Constitution, doit favoriser l'égalité entre les collectivités locales. Comme le note très justement le rapporteur du groupe de travail sur la péréquation, notrecollègue Claude Belot, « la correction des inégalités doit tendre à ce que les citoyens soient égaux devant les charges publiques, le même niveau de service devant être assuré sur l'ensemble du territoire national avec un niveau de pression fiscale identique », et, parce que les collectivités locales doivent être libres de mener les politiques de leur choix, « la recherche de l'égalité ne signifie pas que les départements - on pourrait aussi dire les régions - doivent engager la même politique ni fixer le même niveau global d'impôts, mais ces différences doivent rester discrétionnaires, être laissées au choix des conseils généraux ou de leurs électeurs ».

Il faut laisser la place à l'initiative, à la création et au dynamisme des collectivités locales. Les régions à potentiel fiscal faible ont consacré, dans le domaine de la formation, plus de dépenses par élève que bien des régions à fort potentiel fiscal.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui !

M. Josselin de Rohan. A ressources égales, certains se montreront toujours plus ingénieux et imaginatifs que d'autres. « La variété, disait Benjamin Constant, c'est de l'organisation ; l'uniformité, c'est du mécanisme. La variété, c'est la vie. L'uniformité, c'est la mort. »

La décentralisation est une construction continue ; le présent projet de loi ne vise pas à en faire un monument achevé. La loi sur la santé publique, la loi sur l'eau ouvriront aux collectivités d'autres perspectives d'action et les feront accéder à de nouvelles responsabilités. La décentralisation se construira au quotidien. Elle réussira si les citoyens se sentent proches des collectivités décentralisées, s'ils perçoivent que leurs problèmes et leurs attentes sont mieux pris en compte que par le passé et s'ils trouvent sur place une solution plus rapide. Ils doivent avoir le sentiment qu'ils peuvent mieux orienter le cours des affaires, avoir plus de part dans la décision et mieux faire entendre leur voix.

La démonstration la plus évidente des vertus de la décentralisation et, en définitive, de sa réussite, tiendra, à l'avenir, au fait que les élections régionales ou cantonales se joueront sur des critères locaux et non plus nationaux. Il s'agira non pas de sanctionner le Gouvernement en place à l'occasion d'une consultation à l'échelle nationale (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), mais de se prononcer sur le bilan de mandature de l'exécutif régional ou départemental.

C'est en rapprochant toujours davantage le pouvoir du citoyen que l'on évitera que les Français ne se désintéressent de la vie publique et que l'on pourra peut-être développer une vertu comme le civisme, pour l'instant assez peu ancrée dans nos moeurs.

Parce qu'il a la conviction que le projet de loi dont nous débattons est juste, équilibré à plus d'un égard, audacieux mais en aucun cas aventureux, le groupe de l'UMP le votera, avec le souci constant d'assurer le succès du dispositif présenté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Très beaudiscours !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, voilà tout juste un an, lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, nous disions que, avec ce texte, nous allions non pas vers une décentralisation moderne et rénovée, mais vers une forme concurrentielle de multifédéralisme. Le Gouvernement n'a pourtant eu de cesse de faire voter son projet de loi dans la précipitation, refusant d'organiser le référendum promis par le Président Chirac.

Le texte dont nous entamons aujourd'hui la discussion confirme, hélas ! combien nous avions raison. Ce n'est pas une décentralisation que vous nous proposez, monsieur le ministre délégué, c'est un éclatement des services publics, une remise en cause de l'égalité des citoyens et des solidarités. Je relève d'ailleurs avec intérêt que la dénomination du projet de loi a évolué et fait référence non plus à la « décentralisation », mais aux « responsabilités locales ».

Toutefois, l'exercice de ces « responsabilités locales » fait naître des craintes parmi les élus locaux de toutes sensibilités : ils redoutent, fort légitimement, de ne pouvoir faire face aux transferts de compétences, d'autant qu'aucune réforme de la fiscalité n'est seulement envisagée. Vous ne les rassurez pas, monsieur le ministre délégué, lorsque, répondant à un journaliste du quotidien Le Parisien qui vous demande ce qui se passera si Bruxelles refuse le transfert d'une part du produit de la TIPP, vous lancez : « Alors on verra ! »

Quant aux salariés, aux citoyens, ils furent extrêmement nombreux à exprimer leur désaccord avec votre projet, en manifestant, en faisant grève ou en apportant leur soutien à ces actions.

Ils ont raison, les enseignants, l'ensemble des membres de la communauté éducative, de refuser le transfert des 90 000 TOS, première phase du démantèlement de l'éducation nationale, de redouter une mise en concurrence des collèges et des lycées, d'autant que la réforme de l'université et les menaces de suppression à terme de l'école maternelle vont dans le même sens : tout l'édifice subira le séisme, mais d'une vraie réforme de l'école, il n'en est point question !

Ils ont raison, les personnels de l'équipement, d'avoir de nouveau manifesté dans l'unité, le 9 octobre dernier, leur opposition à tout transfert de compétences et de personnels dans leurs secteurs d'activité. Ce faisant, ils défendent un statut déjà mis à mal par les diminutions successives du nombre des postes ; ils défendent l'unité du service public, sa cohérence, sa gratuité ; ils agissent contre l'abandon ou la privatisation de l'exercice de leurs missions.

On peut par exemple s'attendre, dans les départements qui ne pourront pas financer l'exploitation, l'entretien et la rénovation du réseau national, soit à un ralentissement de la réalisation des programmes routiers, soit à la multiplication des péages, autorisée par le projet de loi. Cette conception de l'utilisateur-payeur marque un choix de société qui n'est pas le nôtre.

Ils ont eu raison, les électeurs corses qui ont dit « non » à l'occasion du référendum organisé cet été. En choisissant la démocratie dans le cadre d'une République moderne, en refusant un modèle fondé sur le libéralisme et le séparatisme, ils ont infligé un échec cinglant au Gouvernement.

Ces inquiétudes et ces oppositions ont conduit le Gouvernement à quelques reculs et à un peu moins de précipitation dans la mise en oeuvre de ses projets. Il n'en reste pas moins qu'il persiste à appliquer des dispositions dont les conséquences sont difficiles à mesurer mais qui seront, à n'en pas douter, désastreuses pour nos concitoyens et pour le développement de notre pays.

Ce que contient ce texte, c'est un ensemble de dispositions qui visent à structurer une société marchande entièrement guidée par les principes ultralibéraux chers au MEDEF, une société où la santé, l'éducation, la culture - autant de marchés potentiels extrêmement « juteux » - sont des produits que l'on vend et que l'on achète, conformément aux directives de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services, dont, je le rappelle, les règles s'imposent à tous les échelons de la société, et donc aux collectivités territoriales.

C'est d'ailleurs cette même orientation qui prévaut dans le projet de constitution européenne : n'y est-il pas fait mention, dès l'article 3, d'« un marché unique où la concurrence est libre et non faussée » ? Mais notre rôle à nous-mêmes, les politiques, ne serait-il pas de fausser les règles du jeu de la finance ?

Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de répondre aux normes du pacte de stabilité, en diminuant de manière drastique les dépenses publiques, l'Etat se défaussant sur les collectivités locales. La hausse moyenne des impôts départementaux, qui est de 4 % cette année, témoigne pourtant des risques d'une telle politique.

Conformément aux injonctions libérales européennes, ce texte vise à organiser un paysage institutionnel favorisant la région, tandis que les départements ne résisteront pas à la montée des charges auxquelles ils devront faire face et sur lesquelles ils ne pourront guère peser. Il en sera ainsi pour le transfert du RMI, sans doute effectif dès le 1er janvier prochain, et ce dans une totale impréparation, source de contradictions et de blocages, alors que les nouvelles dispositions relatives à l'ASS vont encore accentuer l'exclusion des demandeurs d'emploi et, à terme, leur rejet vers les dispositifs décentralisés. Ce sont les départements dont les populations sont les plus en difficulté qui devront supporter le coût le plus élevé, un coût qui sera d'autant plus lourd pour les familles que les collectivités se verront privées de toute marge de manoeuvre et de tout moyen de développement.

Quant aux communes, elles sont pratiquement ignorées par le texte, au profit de leurs regroupements. Les possibilités de fusion d'EPCI, jointes à de nouveaux transferts de compétences en faveur de ces derniers, vont faire naître des ensembles d'une taille et d'une puissance telles que c'est l'existence même des communes qui est menacée. Pourtant, nos concitoyennes et nos concitoyens sont extrêmement attachés à l'échelon local, celui qu'ils connaissent le mieux, celui de la plus petite des entités territoriales, à savoir la commune.

A nos yeux, il ne peut y avoir de décentralisation qui ne soit porteuse de nouveaux droits pour les collectivités et les habitants, qui ne soit porteuse de nouvelles ambitions pour le service public, qui ne soit réellement démocratique, assortie de moyens financiers à la hauteur des besoins des populations.

Ce texte, au contraire, tend à remettre en question des missions essentielles de l'Etat qui concernent l'égal accès des citoyens aux droits les plus fondamentaux ; son application va faire éclater, comme je le disais, toutes les solidarités qui fondent notre société. Le service public est présenté comme archaïque et, avec la notion nouvelle de service universel, appellation d'ailleurs trompeuse, le projet de loi vise à la mise en place sournoise d'une sorte de service public minimal.

Il y a sur ce point une grande cohérence entre ce projet de loi et toutes les dispositions que le Gouvernement met en oeuvre, avec l'appui de la majorité parlementaire. C'est une politique de plus en plus libérale, de plus en plus inhumaine - mais l'humain compte-t-il quand il est question de profits ? - qu'il développe ainsi : multiplication des licenciements et des plans de restructuration dans le public et dans le privé, privatisations, comme celle de France Télécom, décidée ici même la semaine dernière, régression sociale, s'agissant par exemple des retraites, de la protection sociale, de la santé, de la culture - je pense, à cet instant, aux intermittents du spectacle...

Le Gouvernement amoindrit l'offre de services publics en réduisant de moitié le nombre des succursales de la Banque de France, en supprimant 11 000 bureaux de poste sur 17 000 et en les remplaçant par des « points de contact », en partie à la charge des collectivités territoriales. A cela continuent de s'ajouter les fermetures de classes et d'hôpitaux, la restructuration des trésoreries, etc.

Ce sont des pans entiers du service public et de la responsabilité publique qui sont menacés de disparition par le projet de loi relatif aux responsabilités locales. J'ai évoqué l'éducation et les routes nationales, mais je pourrais aussi parler du logement. Alors que notre pays vit l'une des crises les plus graves qu'il ait connues en la matière, les aides de l'Etat sont en diminution constante, et cela va s'accentuer : pour un département comme le Val-de-Marne, le coût supplémentaire lié aux aides à la pierre résultant de l'application du projet de loi sera de 30 à 35 millions d'euros par an. Comment, dans ces conditions, assurer l'exercice de ce qui est, comme viennent de le rappeler vingt-sept associations réunies dans une plate-forme commune, un droit fondamental ?

Pourtant, les conséquences dramatiques de la canicule ont montré quelles étaient les limites à ne pas franchir dans le désengagement de l'Etat, dans l'affaiblissement de ses missions. De même, les terres incendiées de l'été ont mis en évidence la nécessité, pour notre pays, de disposer d'une capacité d'intervention que seul l'Etat peut mettre en place. Et personne n'a oublié la tempête de 1999...

C'est cette capacité d'intervention de l'Etat qui pourrait garantir que ne s'accroîtront pas encore davantage les inégalités entre les territoires et que l'on n'ira pas vers une régionalisation libérale. C'est pourquoi la logique du texte et des financements ne feront qu'accentuer les déséquilibres, et le remède ne peut consister en une simple solidarité entre les régions dites « riches » et celles dites « pauvres ».

En effet, si l'Ile-de-France, pour ne prendre que cet exemple, crée près d'un tiers de la richesse produite en France, il y subsiste des pôles de très grande pauvreté, avec des besoins énormes sur le plan social, en matière d'équipements et de développement des services publics, auxquels il faudra bien continuer de répondre.

Il est urgent de débattre de la question des moyens financiers et, parallèlement, de la réforme de la fiscalité ; il est urgent de rechercher de nouvelles pistes de financement, liées par exemple aux revenus financiers des entreprises.

Parce que rien de tel n'est prévu, ce texte favorisera la concurrence entre les territoires, entre les collectivités locales, alors que c'est de coopération qu'il devrait s'agir - coopérations intercommunales, interdépartementales, interrégionales -, avec, en toile de fond, deux préoccupations : la réponse aux besoins des habitants et la démocratie.

La démocratie, précisément, est tout à fait absente du texte et a été ignorée au cours de son élaboration, alors qu'il nous est pourtant répété sans cesse qu'il s'agit de rapprocher la décision des citoyens. Ce projet de loi a été rédigé sans qu'il y ait eu de véritable négociation avec les organisations syndicales, que ce soit sur le contenu des compétences transférées ou sur les missions et les statuts des personnels. Ces derniers n'ont aucune garantie que soit maintenue leur mission, susceptible de disparaître avec le service lui-même, avec sa privatisation. De plus, les salariés et leurs représentants sont particulièrement absents de ce projet de loi. Aucun pouvoir nouveau d'intervention ne leur est donné.

Quant aux élus des collectivités territoriales, c'est bien souvent par la presse qu'ils ont été informés des intentions du Gouvernement. Ils n'ont été ni écoutés ni entendus sur les effets concrets des choix contenus dans ce texte pour les habitants. Aujourd'hui, des élus départementaux vous demandent le report de la décentralisation du RMI : allez-vous les entendre, monsieur le ministre ?

Rien non plus dans le contenu du texte ne permet d'envisager une quelconque avancée de la démocratie participative, qu'il est pourtant urgent de développer. Vous continuez à rejeter une part importante des habitants, parce que ce sont des sujets non communautaires, et donc des non-électeurs. Pourtant, ces étrangers, qui vivent souvent depuis longtemps dans nos communes, contribuent à la vie économique, sociale et citoyenne.

La réalité, c'est que, en vous appuyant sur cette légitime aspiration des citoyens à participer aux décisions, sur la nécessité objective de démocratisation des institutions, vous imposez un projet fallacieux, qui a comme sens de remodeler toute la société pour satisfaire à des objectifs ultralibéraux.

En affaiblissant l'Etat dans ses fonctions de solidarité, de régulation et de services aux populations, en remettant en question les cadres collectifs, ce texte marque la volonté du Gouvernement de se débarrasser des acquis de la Libération, afin d'imposer l'individualisme et la concurrence pour le seul profit du capital. (M. le ministre s'entretient avec M. le rapporteur.) Me permettez-vous de continuer, monsieur le ministre ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous en prie. Il y a longtemps que l'on n'avait pas entendu de tels propos ! C'est tellement rare !

Mme Josiane Mathon. Alors, profitez-en, ne papotez pas avec votre voisin ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Claude Domeizel. Très bien !

Mme Josiane Mathon. L'opportunité de nouveaux transferts, monsieur le ministre, doit s'apprécier à l'aune du progrès qu'ils apportent aux citoyens, dans le respect de l'égalité, de la cohésion nationale et dans le cadre d'une politique solidaire.

En l'occurrence, il n'en est rien. Ce texte va aggraver considérablement la vie de nos concitoyens, par le démembrement des services publics, par un affaiblissement du politique, qui abdique face aux marchés financiers.

Parce qu'ils ont une tout autre vision de ce qu'est une décentralisation, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC s'opposeront résolument à ce projet de loi et démontreront, au cours du débat, que ce texte ne comporte pas l'once d'une décentralisation, contrairement à ce qui est affirmé depuis un an comme une évidence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le 28 mars dernier, nous avons débattu ici, en priorité au Sénat, d'un projet de loi constitutionnelle et de deux projets de loi organique, le troisième, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, étant à venir.

A ma grande satisfaction, monsieur le ministre, la grande réforme lancée par le Gouvernement pour décentraliser un peu plus, sinon mieux, notre pays est en marche, et elle avance à un rythme soutenu et très attendu.

Par cette nouvelle grande loi, nous franchissons une nouvelle étape, l'acte II de la décentralisation, celle de l'émergence d'une « République des proximités », pour reprendre les propos de M. le Premier ministre.

Pendant des décennies, la centralisation a accentué les inégalités et les disparités territoriales. Aujourd'hui, la décentralisation se doit de rééquilibrer ce qui a été défait, sinon mal fait, pour réformer l'Etat qui nous gouverne et pour donner les compétences attendues par les collectivités territoriales dans la confiance et le respect mutuel.

Nous avons souhaité, dans cette enceinte, que la commune reste le premier maillon de notre démocratie, en nous opposant avec fermeté aux volontés exprimées ici ou là de diminuer de manière draconienne leur nombre.

Notre responsabilité aujourd'hui, dans cette nouvelle étape de décentralisation, est de veiller à ce que les communes perçoivent de quoi faire vivre et faire aboutir leurs projets de développement et d'animations, de quoi offrir à leurs habitants les moyens de vivre heureux.

Mes chers collègues, tout doit partir de la base, tout doit se faire dans la proximité, car les élus locaux, et particulièrement les maires, sont en première ligne pour corriger les inégalités des chances et pour favoriser le développement de nos territoires. Les élus locaux attendent beaucoup de ce texte car c'est vers eux que nos concitoyens se tournent souvent et auprès d'eux que le lien de proximité et de solidarité se concrétise le mieux.

Enfin, les communes constituent le premier - et indispensable - niveau d'administration publique et le premier échelon de proximité.

N'est-ce pas ce que, voilà près de 170 ans, Alexis de Tocqueville voulait dire lorsqu'il écrivait ceci : « Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n'a pas l'esprit de la liberté. C'est dans la commune que réside la force des peuples libres » ? Je dis oui à cette volonté réelle de proximité pour tous.

Comme je l'ai dit lors de chacune de mes interventions, je souscris parfaitement à la démarche et aux objectifs de ce nouveau texte, qui sont notamment de transposer les nouveaux principes inscrits dans notre loi fondamentale, à savoir l'organisation décentralisée de la République, le droit à l'expérimentation, l'objectif constitutionnel de subsidiarité, le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales et l'absence de tutelle d'une collectivité sur l'autre qui devra se combiner avec la notion de collectivité chef de file.

Monsieur le ministre, pour ce qui concerne les interventions économiques, notre assemblée propose de confirmer le rôle de chef de file des régions pour les principales aides aux entreprises, qui revêtent la forme de subventions, de bonifications d'intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations. J'y souscris pleinement.

Améliorer les conditions d'exercice des compétences transférées, c'est donner de la hauteur et de la cohérence en matière de responsabilité locale, quels que soient le degré de concertation et le niveau de prise de décision. Mais ce transfert de moyens passe par la transparence...

Les propos que M. le ministre de l'intérieur a tenus tout à l'heure sur la transparence et la loyauté m'ont complètement rassuré. Cependant, je me permettrai d'évoquer quelques craintes bien naturelles, qui devront être dissipées au cours du débat.

Tout d'abord, concernant les communes, le transfert prévu par le projet de loi reste relativement faible. Je souhaite que soit tranchée efficacement la problématique des logements sociaux. Qui, mieux qu'un maire ou un président d'EPCI, au contact de ses concitoyens, peut évaluer les besoins et l'urgence des situations ?

S'agissant de l'intercommunalité, la place de la commune et le rôle du maire doivent être clairement réaffirmés. Cela va d'ailleurs de pair avec la nécessité de rappeler ici que l'intercommunalité est plus que jamais le prolongement naturel de la commune, dans le profond respect de son identité.

Ainsi, pour mettre fin aux contraintes excessives qui pèsent sur les collectivités territoriales, des propositions concrètes doivent être faites dans les domaines vitaux que sont, aux yeux de nos concitoyens, la santé, l'éducation ou le libre accès à la culture.

Enfin, et très concrètement, quelques questions techniques peuvent être posées pour mettre en évidence certaines insuffisances du texte proposé, qui appellent des éclaircissements.

Quel élu départemental peut ne pas s'inquiéter de savoir si les moyens liés à la compétence nouvellement acquise seront intégralement transférés ? Si l'Etat garde les routes nationales en bon état pour lui seul, il redonne souvent au département celles qui se trouvent en moins bon état, j'ai pu le constater dans mon département. Qu'en sera-t-il des crédits destinés à leur entretien ? Qu'en sera-t-il des crédits de contrat de plan ? Vont-ils purement et simplement passer par pertes et profits ?

Par ailleurs, comment le transfert financier du RMI se fera-t-il - je ne suis pas seul à m'en inquiéter - compte tenu de la modification de l'allocation spécifique de solidarité ?

Enfin, qu'en sera-t-il du transfert des personnels TOS, sachant que les besoins dans les établissements scolaires sont aujourd'hui insuffisamment couverts, et que les départements devront, dans l'avenir, prendre en charge les demandes qui seront exprimées pour développer ces personnels ?

Mes chers collègues, voilà quelques jours, a eu lieu au Sénat un colloque extrêmement instructif sur le thème de la « coopération décentralisée ». L'idée m'est donc venue de rappeler aujourd'hui une phrase prononcée par le président Vaclav Havel, que nous avions reçu dans cet hémicycle et qui nous avait adressé une grande leçon de responsabilité politique en affirmant : « La démocratie, c'est une invitation à la responsabilité. »

C'est pourquoi, qu'il s'agisse de faciliter l'exercice des responsabilités locales, de clarifier les compétences des collectivités territoriales ou de simplifier les règles régissant leur mise en oeuvre pour 2005, nous devons rester vigilants tant en matière budgétaire qu'en matière administrative.

En effet, le voeu le plus cher que je souhaite exprimer en concluant mon intervention est que maires, conseillers généraux et régionaux ou représentants d'EPCI, nous gardions le droit à l'initiative et que le poids de la tutelle de l'Etat ne vienne pas amoindrir ce que vous avez souhaité instaurer, monsieur le ministre, à savoir une meilleure approche de proximité pour vos concitoyens.

Mais, confiant dans votre volonté de réussir cet acte II de la décentralisation, je voterai ce texte et soutiendrai les amendements de nos commissions, ainsi que ceux de mes collègues qui, comme moi, souhaitent rééquilibrer notre territoire en n'oubliant personne, et surtout pas les petites communes rurales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux responsabilités locales est présenté dans son exposé des motifs comme « l'acte II de la décentralisation », par référence aux lois fondatrices Mauroy-Defferre, adoptées en 1982-1983, pendant le premier septennat de François Mitterrand. Noble ambition, qui s'appuie sur l'ampleur de la diversité des transferts de compétences envisagés et sur la modification de la Constitution, approuvée par le Parlement réuni en Congrès le 17 mars 2003.

Mais des ambitions proclamées à la réalité du texte de loi, il y a un fossé, que le débat au Parlement ne pourra sans doute pas combler. D'ailleurs, contestable en soi est la formulation « acte II de la décentralisation ». S'il est salutaire que vous reconnaissiez - enfin ! - que votre famille politique s'est lourdement trompée en s'opposant, à cette époque, aux propositions du gouvernement de gauche,...

Plusieurs sénateurs socialistes. Eh oui !

M. Gérard Delfau. ... cela ne vous autorise pas à passer sous silence les très nombreux textes qui, en vingt ans, ont complété le dispositif initial. Ce fut, d'ailleurs, à chaque fois, sur l'initiative de la gauche, à une exception près : la loi quinquennale de 1993.

Si je rappelle ces évidences, c'est non pas pour défendre un patrimoine - encore que... - mais pour signaler l'immodestie de votre position et, surtout, pour indiquer que, après tant de travaux parlementaires et d'expériences sur le terrain, le moment d'un bilan, d'une évaluation était venu, avant toute reprise du chantier.

En préalable, nous aurions voulu une évaluation sincère des disparités de richesses entre territoires et du creusement des inégalités entre citoyens, que la décentralisation a, par sa nature même, aggravées.

MM. Bernard Frimat et Michel Dreyfus-Schmidt. Effectivement !

M. Gérard Delfau. Nous étions en droit d'attendre un bilan honnête des timides - trop timides - efforts de péréquation de ressources mis en place par la gauche en 1992-1993 et une proposition ambitieuse pour corriger la dérive qui ajoute une fracture territoriale à la fracture sociale entre individus.

Et je parle d'expérience ! Je vis en Languedoc-Roussillon, permettez-moi de le rappeler, la région la plus pauvre de l'Hexagone, la plus durement touchée par le chômage depuis vingt ans, celle qui connaît le plus fort taux de RMIstes et qui est, évidemment, en tête pour le niveau de fiscalité locale. Moins de ressources, plus d'impôts, telle est la loi du genre !

Comment faire autrement, quand la population, toujours plus nombreuse, réclame naturellement l'accès aux services de base ? Je constate, en tant que maire, qu'une ségrégation par niveau de revenu s'accélère entre l'agglomération montpelliéraine voisine qui chasse de son aire géographique les citoyens vivant d'allocations ou d'indemnités, voire du SMIC, et la grande couronne où se situe ma commune.

M. Gérard Longuet. C'est la politique de Frêche !

M. Gérard Delfau. Il s'agit d'une évolution similaire à celle qu'ont connue Paris et sa banlieue dans les années 1950-1960.

La décentralisation, en l'absence de mécanismes correcteurs, concourt, à mon avis, au vote massif en faveur de l'extrême droite qui s'est manifesté chez nous le 21 avril 2002,...

M. Gérard Longuet. N'importe quoi !

M. Gérard Delfau. ... alors que, pourtant, n'existent pas, pour l'instant, les ingrédients classiques que sont l'immigration et les cités ghettoïsées.

« L'acte II de la décentralisation » aurait consisté à dresser cet état des lieux, non pas pour renoncer à une nouvelle étape - j'étais décentralisateur quand vos amis ne l'étaient pas ! ...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En 1969 ?

M. Gérard Delfau. ... mais pour reprendre le chantier sur des bases assainies, dans une perspective républicaine, pour accroître la cohésion sociale au lieu d'exacerber les inégalités.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Gérard Delfau. Vous avez fait, au contraire, le choix d'accentuer cette dérive : j'en veux pour preuve - un exemple parmi d'autres - le transfert du RMI-RMA aux départements. A supposer que la compensation financière de l'Etat soit intégrale au moment où la mesure s'appliquera - cela reste à démontrer -, le mécanisme d'emballement démographique que connaissent le Gard, l'Hérault et les Pyrénées-Orientales, sur fond de chômage, va engendrer une croissance continue du nombre de bénéficiaires, à la charge du contribuable local. Ajoutons votre projet de modification de l'allocation spécifique de solidarité, qui transférera un certain nombre de chômeurs en fin de droits dans la catégorie du RMI, et voilà que se met en place, sous couvert de décentralisation, un nouveau facteur de paupérisation de ma région. Comment voulez-vous que je soutienne votre projet de loi et, surtout, que j'adhère au catalogue des bonnes intentions de son exposé des motifs ?

S'il m'arrive d'approuver la politique étrangère de la France, je déplore qu'en politique intérieure vous ayez choisi de nous conduire vers le modèle de société américaine, fondé sur l'individualisme et les inégalités.

Si la péréquation était un préalable, connaître les modalités précises du financement des transferts de compétence était la condition minimale qu'il fallait aussi respecter. Or vous nous demandez de tirer une traite sur l'avenir budgétaire de nos collectivités territoriales sans connaître la somme inscrite par Bercy comme compensation.

Le procédé est cavalier à l'égard du Parlement ; il est surtout lourd de menaces pour les élus locaux, dont nous sommes, ici, les représentants.

Comment se fera l'évaluation des charges transférées et quelles garanties aurons-nous ? Quels impôts, taxes ou prélèvements nationaux iront aux budgets des collectivités pour neutraliser le coût financier de ces nouvelles compétences ? Aucun élément précis n'est fourni. Seul est évoqué de façon récurrente le versement de la TIPP, formule dont le président de notre commission des finances a montré la complexité et le caractère aléatoire, compte tenu des règles de l'Union européenne.

Qu'auriez-vous dit, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, si un gouvernement de gauche en avait usé ainsi avec la représentation nationale ? Vous auriez lancé une campagne de protestation auprès des 36 000 communes, auprès des intercommunalités, des départements et des régions.

Un sénateur socialiste. Effectivement !

M. Gérard Delfau. Et vous auriez eu raison. Nous ne l'avons pas encore fait ; mais, n'en doutez pas, et d'ailleurs vous le savez, la mauvaise nouvelle se propage très vite au sein des collectivités : chaque élu sait que la fiscalité locale a connu un bond spectaculaire de 4 % en 2002, et il appréhende la mise en place des prochains budgets (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP). Mais vous le savez ! Chaque maire, dans vos départements, vous fait part de son appréhension, quelle que soit son appartenance politique, s'il en a une. Chaque élu, disais-je, appréhende la mise en place des prochains budgets si ce nouveau train de compétences se traduit par un important transfert de charges.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ils savent pourquoi !

M. Gérard Delfau. Oui, ils sauront bientôt pourquoi, et à leur détriment !

D'ores et déjà, comme ils l'ont dit à cette tribune, les présidents de conseil régional ou de conseil général envisagent comme conséquence une baisse importante des investissements en matière de développement économique et d'infrastructures, ce qui aura pour effet de nourrir la récession et d'aggraver le chômage. Les maires redoutent, eux, que ces transferts non compensés ne se traduisent rapidement par une diminution draconienne des subventions concernant leurs chantiers.

Monsieur le ministre, dans les territoires riches et peu imposés, là où il y a de la marge, les effets budgétaires de la loi de décentralisation seront absorbés sans trop de difficultés. Ailleurs, dans les collectivités pauvres et déjà lourdement fiscalisées, le pire est à redouter. J'espère que vous en avez conscience.

Les clignotants sont d'ailleurs un peu partout au rouge pour les élus locaux : ils constatent une nouvelle et brutale vague de suppression de services publics de proximité, notamment des bureaux de poste, des perceptions, des établissements de santé. Ils s'inquiètent d'un projet de loi de finances pour 2004, dans lequel l'agriculture, mais aussi la recherche, l'aménagement du territoire sont sacrifiés ; ils viennent de constater que le contrat de plan de La Poste qu'a arbitré le Gouvernement ne donne pas à l'entreprise publique les moyens de financer le surcoût du service public alors que la concurrence fait rage. Ce ne sont que quelques exemples.

J'ajouterai que, dans l'article 30 du projet de loi de finances, vous proposez une répartition à l'identique, sans aucun effet péréquateur, de l'ancienne part salariale de la taxe professionnelle désormais intégrée à la dotation globale de fonctionnement. C'est un signe qui ne trompe pas !

Conforter les territoires aisés et favoriser les citoyens riches, telle est bien votre philosophie, à l'opposé de ce qu'attend la majorité de nos concitoyens.

Voilà le jugement que je porte sur votre méthode. Dès lors, mon appréciation sur ce catalogue hétéroclite de transferts de compétences ne peut être positive et, si je devais résumer mon sentiment, je dirais que ce texte de loi se caractérise par une tendance lourde à l'affaiblissement constant de l'Etat.

Aller vers un Etat resserré sur des missions essentielles - les missions régaliennes, certes, mais aussi la santé et l'éducation - pourrait être un objectif commun. Telle n'est pas votre orientation, puisque c'est un Etat minimum que vous recherchez.

Les transferts annoncés sont considérables tant en nombre qu'en signification : je pense aux 20 000 kilomètres de routes nationales confiés aux départements ou à la formation des personnels de santé qui est placée sous la responsabilité des régions, en plus de la totalité de la formation professionnelle, et ce sans mécanismes de régulation de la part de l'Etat. Ce n'est pas rien !

Significative, enfin, est la généralisation annoncée des péages routiers chaque fois qu'une collectivité en éprouvera le besoin. Cela a même un petit parfum de Moyen Age : à quand le retour de l'octroi à l'entrée des villes ? Si l'on y ajoute le droit à l'expérimentation inscrit dans la Constitution, sur votre initiative, l'on perçoit mieux où vous voulez aller : au fond, vous tenez marché ouvert des attributs et compétences de l'Etat, sauf peut-être la défense nationale, prêts à vendre au plus offrant ! L'Etat minimum est bien votre horizon, même si vous avez l'habileté de ne pas l'avouer.

Je conclurai mon propos en disant que vous engagez la France sur une pente dangereuse, sans l'avoir équipée des mécanismes de stabilisation nécessaires par gros temps. Considérons l'exemple de l'Allemagne fédérale et de l'Espagne régionalisée, ces deux pays qui se sont dotés de fonds de péréquation des richesses et qui, l'un comme l'autre, cherchent de nouveau à retrouver une politique nationale sur certains thèmes centraux tels que l'éducation.

Quant à nos concitoyens, dans ce bouleversement, ils persisteront, comme ils l'ont fait jusqu'à présent, en cas de difficulté, à se tourner vers le seul élu qu'ils connaissent, leur maire. Malheureusement, la commune est le grand perdant de cette redistribution des pouvoirs, c'est même là sans doute la marque distinctive de ceprojet de loi.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !

M. Gérard Delfau. Je résume : moins d'argent et plus de charges pour les collectivités, des décisions plus lointaines pour l'habitant, l'Etat affaibli, c'est ainsi que l'on gâche une belle idée : la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a plus de vingt ans, après un débat parlementaire pour le moins vigoureux, notamment dans cette Haute Assemblée, la première loi de décentralisation était adoptée.

Contestée par certains dans son principe même, la décentralisation est aujourd'hui, à quelques exceptions près, célébrée. Ce sujet pourrait donc nous réunir, puisque vingt ans de pratique ont permis à la droite d'évoluer...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas votre cas !

M. Bernard Frimat. ... et d'opposer les actuels propos de décentralisation de l'UMP aux anciens accents jacobins du RPR.

M. Josselin de Rohan. Avez-vous entendu parler du général de Gaulle, monsieur Frimat ?

M. Bernard Frimat. Monsieur de Rohan, vous avez déjà eu la parole pendant un quart d'heure !

M. Josselin de Rohan. Si vous nous attaquez, vous allez nous trouver ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Gautier. A quatre pas d'ici, je te le fais savoir... (Sourires.)

M. le président. Monsieur de Rohan, laissez M. Frimat poursuivre son propos !

M. Josselin de Rohan. Je vous préviens : vous commencez très bien...

M. Bernard Frimat. Monsieur de Rohan, la parole est libre dans cette assemblée !

M. Josselin de Rohan. La réponse aussi !

M. Bernard Frimat. Je sais bien que vous n'avez pas l'habitude de l'accepter, mais j'ai la parole et je continuerai à m'exprimer. Si vous voulez des incidents de séance, il y en aura ! Jusqu'à maintenant, ce débat a été loyal et clair. Je suis le deuxième orateur du groupe socialiste. J'ai le sentiment que les orateurs de votre famille politique se sont exprimés en plus grand nombre. En conséquence, vous pouvez peut-être me laisser parler à cete heure.

M. Claude Domeizel. Très bien !

M. Josselin de Rohan. Si vous attaquez, nous répondrons !

M. Bernard Frimat. Non, monsieur de Rohan, nous ne dialoguerons pas. J'ai la parole, je la garde !

Jean-Claude Peyronnet a eu déjà l'occasion de vous l'expliquer, le groupe socialiste du Sénat, parce qu'il croit à la décentralisation, ne se reconnaît pas dans votre démarche, même s'il peut marquer son accord avec tel ou tel point particulier.

Les premières lois de décentralisation ont libéré les collectivités territoriales de la tutelle administrative et financière de l'Etat. Elles leur ont permis de s'administrer librement et leur ont transféré des compétences qu'elles ont exercées avec efficacité. Mais il faut faire lucidement le constat que les moyens transférés par l'Etat n'ont pas suffi pour répondre aux besoins réels des citoyens.

En conséquence, les collectivités territoriales ont dû s'endetter et augmenter des impôts locaux dont le caractère injuste et archaïque n'est pas démenti. Les collectivités les moins riches, qui souvent cumulent besoins sociaux élevés et faible potentiel fiscal, ont payé le prix le plus fort.

Pour de nombreuses collectivités, les marges de manoeuvre n'existent plus. En vingt ans de décentralisation, le pouvoir d'Etat a connu six alternances. La responsabilité du désengagement de l'Etat et des transferts de charge est donc inévitablement partagée.

Laissons de côté les procès rétrospectifs et attachons-nous au débat présent.

Un fait est aujourd'hui patent. La décentralisation, hier porteuse de libertés nouvelles et d'une amélioration du service public local, suscite aujourd'hui la méfiance des citoyens,...

M. Louis de Broissia. Eh oui !

M. Bernard Frimat. ... qui redoutent, à juste titre nous semble-t-il, dans un contexte d'aggravation des déficits de l'Etat, une flambée des impôts locaux.

Nous souhaitons une décentralisation républicaine, efficace, lisible et juste, où l'Etat s'affirme comme le garant de la cohésion sociale. Nous ne retrouvons pas ces caractéristiques dans votre projet de loi, monsieur le ministre.

Votre projet de loi aggrave ou, au mieux, accepte les inégalités.

Il est vain de nier les inégalités territoriales comme les inégalités sociales. Doit-on pour autant les considérer comme irréversibles et définitives ?

La devise de la République, son essence même, affirme le principe constitutionnel d'égalité. Un citoyen a-t-il le droit de disposer d'un service public local de qualité quel que soit l'endroit du territoire où il réside ? La décentralisation peut y contribuer, mais encore faut-il pour cela que l'Etat, au moment où il envisage de décentraliser une compétence, ait une autre ambition que celle de se contenter d'enregistrer pour solde de tout compte les inégalités existantes.

Prenons l'exemple des personnels techniciens ouvriers et de service, puisque c'est sur eux que doit porter la modification la plus importante proposée pour les personnels de l'Etat. Vous projetez de transférer aux régions et aux départements 90 000 TOS. Quand les régions ont été créées, qui aurait pu imaginer que la mission de « garant de la cohérence et du développement des territoires » que vous leur reconnaissez, se traduirait par l'existence d'un personnel dont 80 % consacrerait son énergie à entretenir les lycées ?

Vous effectuez ce transfert contre l'avis des personnels et contre celui de la majorité des collectivités territoriales, qui ne les réclament pas. Quel exemple de concertation !

Dans ma région, les autorités académiques admettent qu'il manque dans les lycées et collèges 700 postes de TOS par rapport à la moyenne nationale. Si l'on tient compte des nombreux contrats emploi-solidarité et contrats emplois consolidés qui existent de manière continue, la carence en personnel est de l'ordre de 2 000.

Cette inégalité, que rien ne justifie, vous allez lui accorder une reconnaissance définitive. Votre vision de la République et de la décentralisation est, pour nous, claire : les collectivités qui ont une situation favorable la conserveront et celles qui sont dans la difficulté y demeureront. Pourtant, rien ne vous empêche, en prévoyant les mesures transitoires adéquates, de transférer les TOS en respectant l'égalité.

Pourquoi ne vous donnez-vous pas comme ambition une harmonisation par département et région, en fonction de critères objectifs ?

Vous préférez, sans doute par confort politique, geler les inégalités territoriales actuelles. C'est la méthode que vous privilégiez pour effectuer tous les transferts. Nous aurons de nombreuses occasions de revenir sur ce point au cours du débat.

Une fois la compétence transférée, il ne restera plus qu'une issue pour résorber l'inégalité : recourir à l'augmentation d'impôts ou à l'emprunt. Vous aurez ainsi transféré l'impopularité de la pression fiscale et vous pourrez continuer à baisser les impôts d'Etat pour les plus riches. Sans doute est-ce là votre conception de la réduction de la fracture sociale !

Les impôts locaux, injustes comme nous le savons, augmenteront d'autant plus que rien dans votre texte ne garantit à ce jour que les bases de référence du transfert seront équitables et représentatives de la contribution réelle que l'Etat consacrait à ses compétences.

L'article 72-2 de la Constitution, qui définit ce que l'on peut appeler le principe de neutralité en cas de transfert, ne nous offre sur ce point précis aucune garantie. Les estimations globales des transferts que vous avezfournies en commission le 14 octobre sont différentes.M. Sarkozy les évalue à 11 milliards d'euros, et M. Devedjian à 13 milliards d'euros. Nous ignorons les bases sur lesquelles elles ont été établies, puisque aucune étude d'impact financier établie sur des critères objectifs ne nous a été fournie pour que nous puissions appréhender sérieusement cet aspect du projet de loi.

Tout en respectant le principe de neutralité que je viens d'évoquer, vous pouvez, à votre guise, faire varier le niveau des personnels et des crédits transférés. Dans les régions et départements, depuis que la perspective de décentraliser les TOS a été évoquée, nous assistons à un renforcement des services des rectorats par prélèvement sur les postes, pourtant insuffisants, affectés aux lycées et aux collèges.

Au moment où le Gouvernement choisit de diminuer le nombre de fonctionnaires, quelle garantie avons-nous que cette diminution, que nous contestons au demeurant, ne s'appliquera pas de manière privilégiée au personnel transféré, notamment à celui qui est chargé de mettre en oeuvre les crédits d'Etat relatifs aux aides économiques ou à la formation professionnelle.

Il n'est pas besoin de longues études statistiques pour comprendre que, si les années de référence de l'effort passé de l'Etat sont les trois années qui précèdent la date du transfert, c'est-à-dire le 1er janvier 2005, les collectivités territoriales n'y trouveront pas leur compte et subiront de plein fouet le caractère calamiteux de vos budgets et les conséquences des annulations de crédits ciblées avec une très grande précision par Bercy. De manière générale d'ailleurs, quand Bercy devient l'artisan et le premier supporter de la décentralisation, toutes les raisons de s'inquiéter sont réunies.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas le cas !

M. Bernard Frimat. Tout peut laisser craindre, monsieur le ministre, un transfert au rabais en dépit des garanties constitutionnelles que vous brandissez en permanence comme un remède universel à toutes les difficultés financières que vous allez créer.

Réussir la décentralisation exige que les mécanismes financiers des transferts soient sincères et équitables, et donc qu'ils fassent l'objet d'une expertise contradictoire indiscutable. C'est d'autant plus important que, même en ce cas, les crédits et les personnels transférés seront insuffisants par rapport aux besoins. Là encore, l'article 72-2 de la Constitution n'offre qu'une garantie formelle. Relisons le paragraphe en cause : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ».

Ce n'est pas une garantie. La vraie garantie financière, c'est la volonté politique de donner aux collectivités territoriales les moyens correspondants aux charges transférées.

Prenons quelques exemples de fausse garantie.

Dans un rapport au titre très célinien, Voyage au bout... de l'immobilier universitaire, notre collègue M. Dupont écrivait : « Selon l'avis sévère de l'ancien directeur du CNOUS, le tiers des cités universitaires peuvent être considérées comme des "taudis dangereux" et mal entretenus,...

M. Josselin de Rohan. La faute à Lang !

M. Bernard Frimat ... du fait notamment de l'insuffisance des crédits de gros entretien.

« Les principaux problèmes de sécurité résultent du "bricolage" des circuits électriques, de l'absence d'issues de secours et de portes coupe-feu, de l'insuffisance des équipements sanitaires et d'une isolation défectueuse des locaux ;...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. M. Jospin n'avait donc rien fait !

M. Louis de Broissia. Bravo le gouvernement Jospin !

M. Josselin de Rohan. Qui a été au pouvoir pendant vingt ans ?

M. Bernard Frimat. ... au total, une résidence universitaire sur trois devrait être fermée pour des raisons de sécurité [...]. »

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais que faisait donc M. Lang ?

M. Bernard Frimat. Si l'on transfère ce que l'Etat a consacré depuis des années à cette compétence, vous imaginez l'enthousiasme des communes et des établissements intercommunaux pour le recevoir ! Quelle garantie leur donne l'article 72-2 ?

Autre exemple de fausse garantie : qui peut affirmer que les crédits consacrés aux ports et aux routes, dont le transfert est proposé, étaient dimensionnés pour permettre un développement dynamique, voire parfois le simple entretien ?

M. Charles Gautier. Catastrophe !

M. Josselin de Rohan. Qu'ont-ils fait pendant vingt ans ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Jospin n'a rien fait !

M. Bernard Frimat. Les contrats de plan - il en a été signé sous tous les gouvernements - sont là pour témoigner de ces insuffisances puisque l'Etat, incapable de faire face seul à ses obligations, sollicitait déjà, sur ses propres compétences, le concours des collectivités territoriales.

M. Josselin de Rohan. Jospin !

M. Bernard Frimat. Jospin, Juppé, on peut faire la liste !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Jospin a sévi plus longtemps !

M. Bernard Frimat. De plus, si des crédits d'Etat figurant au contrat de plan sont transférés, tout laisse à craindre que les retards d'exécution ne seront jamais rattrapés, et ce au moment bien connu de la disparition du budget de l'Etat de la ligne budgétaire concernée. Ainsi, les engagements de l'Etat non honorés à la date du transfert seront définitivement passés par pertes pour les collectivités territoriales et profits pour les finances de l'Etat.

L'aggravation des inégalités territoriales et l'augmentation des impôts locaux sont inscrites en creux dans votre projet de loi. Votre volonté décentralisatrice se caractérisera de facto par la décentralisation des déficits.

Facteur d'inégalités, votre projet de loi, loin de simplifier et de clarifier, ajoute la complexité à la complexité. Vous pouvez parfois donner l'impression de reprendre la théorie des blocs de compétences identifiables ; en réalité vous créez la confusion. Pensez-vous vraiment, qu'une fois votre texte adopté le citoyen s'y retrouvera et pourra déterminer quelle collectivité est responsable d'une compétence précise ? Je crois, en revanche, que votre décentralisation à géométrie variable rendra pour le citoyen, le territoire illisible.

Pour nous, la décentralisation doit être mise en oeuvre avec comme perspective essentielle une démocratie territoriale plus juste, où le développement et la qualité des services publics renforcent l'harmonie des territoires dans le respect des principes de solidarité et d'égalité. C'est notre conception de la décentralisation républicaine.

Décentraliser, ce n'est pas, pour nous, privilégier telle ou telle catégorie de collectivités en fonction de sa puissance de lobbying parlementaire...

M. Josselin de Rohan. Des noms !

M. Eric Doligé. On veut des preuves !

M. Bernard Frimat. ... ou permettre aux collectivités les plus riches d'étendre avec avidité leurs compétences alors que celles qui sont confrontées aux difficultés les plus grandes seraient réduites à la portion congrue. Nous rejetons cette conception « libre service » de la décentralisation selon laquelle les inégalités de richesse l'emportent sur toute considération d'intérêt général.

Votre projet favorise une décentralisation de la concurrence et de la confusion, où toute compétence devient délégable à la collectivité qui, en ayant les moyens, en fera la demande.

Comment expliquerez-vous aux citoyens ces différences de traitement, ces discriminations selon qu'ils habiteront un territoire riche ou pauvre ?

Nous aurons, monsieur le ministre, le temps d'en débattre au fond et, je l'espère, loyalement. Nous nous efforcerons, par le dépôt d'un certain nombre d'amendements, de recrédibiliser l'idée de décentralisation et de retrouver les principes fondateurs des lois Mauroy-Defferre.

Vous proclamez, au début de l'exposé des motifs du projet de loi, l'ambition de faire émerger ce que vous appelez une République des proximités. Cette affirmation n'est, à nos yeux, qu'une posture. Votre projet de loi, fidèle, je vous en donne acte, à votre philosophie politique, est avant tout dogmatique. Il s'inscrit dans une logique du chacun pour soi. Il tourne le dos à la solidarité. Il construit une République des inégalités et ne peut donc recueillir, dans sa forme actuelle, notre accord. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'évoquer ce projet de loi relatif aux responsabilités locales, je souhaiterais revenir quelques instants sur les réflexions que m'inspirent certains propos tenus sur cette nouvelle étape de la décentralisation.

Les sentiments suscités par ce texte ressemblent à s'y méprendre à ceux qui ont déjà prévalu, voilà plus de vingt ans, lors de l'examen du projet de décentralisation Mauroy-Defferre.

Une différence, et non des moindres, doit toutefois être soulignée. Les décentralisateurs d'hier sont devenus, par esprit conservateur, les centralisateurs d'aujourd'hui, les freins au développement de nos territoires et à l'accroissement de la responsabilité des élus locaux. A contrario, nous ne pouvons que nous féliciter de l'évolution idéologique des femmes et des hommes qui composent notre majorité de gouvernement. Ils ont, en quelques décennies, épousé les convictions décentralisatrices du mouvement démocrate chrétien.

Cette parenthèse close, il nous revient donc aujourd'hui la difficile, mais ô combien passionnante tâche de raviver la dynamique décentralisatrice de 1982-1983. Car, aujourd'hui, notre pays étouffe. Il a donc naturellement besoin de l'air de nos territoires pour trouver un second souffle.

Ce second souffle ne constitue nullement un renoncement à nos principes constitutionnels, celui, en particulier, d'une République une et indivisible. Il s'agit plutôt d'une adaptation des structures administratives aux évolutions sociétales.

Ce second souffle ne représente pas non plus un recul de l'Etat providence. Il lui permettra, au contraire, d'assumer au mieux ses prérogatives régaliennes et de répondre aux exigences des Français, qui aspirent à plus de sécurité, à plus de justice sociale, à plus de solidarité intergénérationnelle.

Enfin, ce second souffle n'est pas ce cadeau présenté par certains comme totalement empoisonné. S'il est indéniable que les collectivités locales seront confrontées à des demandes sans cesse croissantes, il n'en demeure pas moins qu'elles devront procéder, comme elles l'ont toujours fait, à des arbitrages budgétaires. Mais n'est-ce pas dans cette phase décisionnelle que réside l'un des intérêts d'assumer un mandat local ?

Pour autant, et j'y reviendrai ultérieurement, je comprends que ce texte puisse susciter des interrogations, notamment sur la méthode qui sera retenue pour assurer les transferts de moyens financiers.

Cependant, il me semble essentiel que nous ne nous départissions pas de la finalité de ce projet de loi : « faire émerger une République des proximités ».

Toutefois, cette nouvelle conception ne sera efficace que si les collectivités locales bénéficient d'un cadre financier leur assurant des rentrées fiscales dynamiques. En effet, comment imaginer leur confier de nouvelles missions sans même leur laisser la faculté d'assumer leurs choix fiscaux ?

Si cette conception de recettes dynamiques ne devait pas être retenue, nous pourrions rapidement passer du second souffle au souffle coupé. De récents exemples, comme la suppression de la vignette automobile ou le recours à des exonérations fiscales couvertes par des dotations étatiques, nous démontrent la perversité de telles décisions.

Dans une telle hypothèse, c'est non seulement le développement de nos territoires qui serait en danger, mais bien la volonté réformatrice exprimée par les Français lors du second tour de l'élection présidentielle.

Pour éviter de tels écueils, il nous faut donc tirer les enseignements législatifs des garanties financières apportées par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. La libre disposition des ressources, la faculté d'autoriser les collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux des impôts qu'elles reçoivent, la garantie de la part des recettes fiscales dans l'ensemble des ressources, la compensation des transferts de compétences, l'obligation pour la loi de déterminer des produits en cas de création ou d'extension des compétences territoriales et la péréquation sont autant de principes que nous devrons mettre concrètement en oeuvre.

Ainsi, pour le transfert des routes nationales, il conviendrait de laisser aux conseils généraux le soin de fixer le taux de la quote-part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers qui leur est dévolue. L'Etat pourrait, dans cette perspective, prévoir un encadrement de l'évolution de ce taux départemental.

Sans cette liberté, les assemblées départementales seront inévitablement confrontées à des difficultés financières comparables à celles qui ont été soulevées par la création de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Sans cette liberté, cette application concrète du principe de subsidiarité reviendrait à transférer les problèmes à l'échelon local, sans lui apporter les moyens de trouver de solution pertinente.

Les collectivités locales et leurs groupements ont largement dépassé l'âge de la majorité, il serait de bon ton de les considérer enfin comme adultes et, de ce fait, responsables ! Et, en adultes responsables, elles devront évoluer dans ce nouveau paysage administratif.

A ce titre, je souhaiterais que le Gouvernement accepte toute suggestion parlementaire visant à clarifier l'exercice des compétences actuellement partagées entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale. Ainsi, sur l'initiative de mon collègue Yves Détraigne, le groupe de l'Union centriste vous proposera de modifier l'article L. 2122-27 du code général des collectivités territoriales, en attribuant à l'exécutif d'un EPCI tous les pouvoirs découlant d'un transfert de compétences.

Cette volonté de constituer de véritables blocs trouve d'ailleurs une illustration concrète dans le domaine de l'éducation. Ainsi ai-je récemment été le témoin d'une situation tendue entre un président d'EPCI assumant les charges liées au fonctionnement des écoles et un maire encore investi du pouvoir d'inscrire les enfants. Soucieuse de mettre un terme définitif à cet imbroglio, je défendrai donc un amendement visant à clarifier l'exercice de la compétence « éducation ».

Comme vous pouvez le constater, loin de céder à une critique stérile de ce projet de loi, il m'a semblé plus utile de souligner, par ces propositions, le rôle essentiel que doit jouer la Haute Assemblée dans l'amélioration substantielle de certaines de ses dispositions.

La refonte des régimes de retraite ayant amorcé une dynamique réformatrice, continuons ensemble sur cette voie et ayons le courage de faire de cette nouvelle étape de la décentralisation une véritable réforme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, qui comporte 126 articles et sur lequel ont été déposés plus de 1200 amendements, va nous retenir de longues journées, et sans doute de nombreuses soirées. Aussi, en cet instant, je n'entrerai pas dans le détail d'un texte que nos commissions ont examiné avec beaucoup d'attention et de soin et je m'en tiendrai à une réflexion plus générale sur la volonté du Gouvernement, qui entend réformer nos institutions en faisant en sorte que la République soit un projet collectif.

La République n'est pas l'addition d'un certain nombre de territoires régionaux, départementaux ou communaux, elle est d'une tout autre nature. C'est un projet qui repose sur des valeurs partagées, auxquelles le Gouvernement entend associer, au quotidien, le plus grand nombre de Français.

Pour mener à bien ce projet, dont la réforme constitutionnelle a fixé les bases, il utilise trois niveaux de territoires qui vont se partager des responsabilités dans une logique extraordinairement dynamique.

Le présent projet de loi n'est d'ailleurs lui-même qu'une étape, puisque nous attendons, les uns et les autres, les dispositions financières qui suivront nécessairement. Les territoires ne concourent-ils pas à la richesse de la République ?

Au demeurant, ces territoires ne sont pas immuables, ils évoluent avec un dynamisme que l'observateur extérieur méconnaît souvent mais dont vous avez, monsieur le ministre, tiré les conséquences. Ainsi, prenons l'exemple des communes, qui correspondent, dois-je le rappeler, aux vieilles paroisses : leur nombre, vu de l'extérieur, peut paraître trop élevé, puisque l'on en dénombre 36 000. De plus, la réalité quotidienne d'aujourd'hui veut que l'on habite dans une commune, que l'on travaille généralement dans une autre, que l'on dépense dans une troisième et que l'on s'informe, que l'on s'instruit ou que l'on se distrait dans une quatrième. Cela suppose donc que les uns payent pour les autres et que les autres payent pour les uns. Dans ces conditions, l'éclatement communal aurait été une absurdité car si, depuis près de vingt ans et d'une façon croissante, les élus communaux n'avaient pas anticipé la nécessité de se restructurer par eux-mêmes, dans une démarche de liberté et de libre initiative, nous ne connaîtrions pas aujourd'hui les 3 000 intercommunalités rurales, les 150 communautés d'agglomération et les 13 communautés urbaines qui ont restructuré le pays.

En apparence, monsieur le ministre, vous leur donnez satisfaction : ainsi, en matière de logement, les EPCI d'une certaine taille - de nombreux amendements porteront sur le seuil, et nous entrerons dans le détail en les examinant -, les intercommunalités dynamiques et offensives seront en mesure, aux termes mêmes de votre texte, monsieur le ministre, de jouer un rôle d'administration de proximité, si elles en ont la volonté et si elles s'en donnent les moyens.

Quant au département, l'« enfant chéri de la République jacobine » depuis la fête de la Fédération du 14 juillet 1790 - c'est en effet à la fête de la Fédération, et non à la prise de la Bastille, que l'on doit le 14-Juillet -, il répondait alors à l'idée un peu syncrétique d'associer à la fois le Roi, l'Eglise et la République, grâce au suffrage universel, dans des assemblées élues. Mais, très rapidement, les Jacobins ont coupé les Girondins en morceaux. Notre collègue Michel Mercier ne me démentira pas : il se souvient certainement des massacres jacobins à Lyon, de sinistre mémoire.

Cela étant, peut-on dire que la gauche est nécessairement jacobine ? Non, naturellement ! Peut-on dire que la droite est nécessairement autoritaire ? Napoléon était-il de droite ? Personne ne le sait ! Ce qui est certain, en tout cas, c'est que le département, en 1982, a saisi l'opportunité que lui offraient Pierre Mauroy et Gaston Defferre. Reconnaissons ainsi honnêtement que, après vingt-trois ans d'opposition, l'excellent ministre de l'intérieur de l'époque, Gaston Defferre, avait peut-être des raisons personnelles de penser que, après tout, laisser un peu de pouvoir aux collectivités locales lui éviterait de retrouver cette présence omnipotente de l'Etat dans les territoires.

Le pouvoir départemental a donc changé de nature et l'enfant chéri de la République jacobine est devenu un contre-pouvoir, aux mains de l'opposition d'une façon constante depuis 1983, et aujourd'hui aux mains de la majorité... Mais ce n'est pas là l'objet de mon propos, et je me contenterai de rappeler que le conseil général s'est émancipé du pouvoir préfectoral, qu'il a conquis une légitimité fondée sur trois types de fonctions que l'on attend d'une collectivité locale.

La première fonction, certainement la plus importante, est la proximité. En effet, si la commune est naturellement proche, le département a su lui aussi rester proche de nos concitoyens par la nature même du mode d'élection de ses élus. Les cantons sont de taille inégale, certes, mais ils ont l'immense avantage d'établir cette proximité.

La volonté du Gouvernement, à travers ce projet de loi, est de confier aux départements une responsabilité de chef de file dans l'action sociale en s'appuyant sur cette logique de proximité, même si cela peut parfois faire sourire ceux qui, regardant la vie locale de l'extérieur, méconnaissent la force que constituent, dans l'action sociale, ces liens très étroits entre l'élu et les associations qui l'entourent.

La deuxième fonction que l'on attend d'une collectivité locale est la péréquation, objet de bien des discussions. En effet, la taxe professionnelle n'est plus ce qu'elle était et le gouvernement de M. Jospin a progressivement réduit l'autonomie financière des collectivités locales. Au sein du département, la ville, plus riche, a donc aidé les terrritoires les plus pauvres. Mais on voit bien aujourd'hui les limites de cette péréquation : si elle fonctionne dans les grands départements, ce n'est pas le cas dans les deux tiers des départements moyens, et, a fortiori, dans les départements ruraux, où la pauvreté vole au secours de la pauvreté, ce qui n'est évidemment pas une forme de péréquation particulièrement satisfaisante.

Enfin, et c'est leur troisième fonction, les départements ont assurément une légitimité en matière d'aménagement.

Là encore, si le cadre départemental bénéficie de la proximité, s'il permet une première péréquation, il souffre de ce que les locomotives du développement que sont aujourd'hui les métropoles sont inégalement réparties sur le territoire. Par conséquent, en termes d'aménagement, les départements doivent être le partenaire des collectivités locales communales, y compris dans cet aménagement particulier que sont les transports routiers.

Il est cependant une limite à cet exercice : si certains départements comprennent toute la gamme des différents territoires - une grande métropole de dimension européenne, des villes moyennes, des territoires ruraux - beaucoup d'entre eux, ne bénéficiant pas de ces points d'appui et de développement, se tournent vers l'extérieur pour l'enseignement supérieur, pour les fonctions de services, notamment hospitaliers. Comment concevoir, en effet, une politique d'aménagement du territoire qui se limiterait au seul cadre du département ? L'interdépartementalité, la région apparaissent donc avec une évidence forte.

Vous avez donné, monsieur le ministre, des responsabilités aux départements. Elles correspondent à vingt années d'expérience au cours desquelles le département s'est émancipé du préfet dans une logique de proximité, de péréquation, d'aménagement du territoire. Vous en tirez aujourd'hui les conséquences en termes de politique d'environnement, de politique de proximité, de politique sociale.

Quant à la région, c'est une création plus récente et parfois artificielle.

Et elle apparaît tout d'abord, depuis une vingtaine d'années, comme un lieu de rencontre pertinent entre ce qui vient d'en haut et ce qui vient d'en bas, si vous me permettez cette simplification.

Ce qui vient d'en haut, c'est l'Etat, un Etat qui, pour être très franc, avait besoin d'un partenaire qui paie ce qu'il n'était plus en mesure de payer lui-même. Ainsi, s'agissant des infrastructures routières, à travers la politique des contrats de plan Etat-région, toutes les routes nationales ont été cofinancées par l'Etat, par la région, par les départements et par les agglomérations. L'Etat a ainsi cherché tout naturellement dans la région le partenaire dont il avait besoin pour suppléer ses propres défaillances financières, l'investissement ne cessant de décroître de façon constante depuis vingt ans au sein du budget de la nation.

Les régions ont joué le jeu, parce qu'en contrepartie elles pouvaient participer à la décision, ce qui n'était pas possible auparavant. Et, si l'administration des Ponts et Chaussées a évolué depuis Louis XV, jusqu'à une période récente, alors qu'elle n'avait pas besoin de l'argent des collectivités locales, elle s'est souciée comme d'une guigne de nos préoccupations. Au demeurant, même quand elle a obtenu l'argent des collectivités locales, elle ne s'en est guère soucié non plus, mais c'est une autre histoire.

L'Europe a joué elle aussi un rôle important pour la promotion des régions, mais le modèle européen est à dominante fédérale et, si des entités qui ressemblent aux régions françaises y jouent leur rôle, il n'est pas tout à fait comparable. Il est cependant évident que l'Europe a trouvé un partenaire dans les régions.

Les départements, les agglomérations, les « pays » se sont retournés vers les régions lorsque le département n'était pas d'une taille suffisante - les très grands départements, nous le savons, sont une minorité - pour régler les questions qui sont quotidiennement au coeur de la vie de nos compatriotes. Prenons l'exemple de la formation professionnelle : toutes les formations requièrent un établissement d'enseignement supérieur ; or il n'en existe pas dans tous les départements. C'est donc très naturellement que les élus locaux se sont tournés vers les régions dans les domaines de la formation, de la recherche ou des transferts de technologies, domaines qui commandent l'action économique.

La région est donc le lieu où se rencontrent les demandes du terrain et les besoins de partenariat exprimés par l'administration centrale et, accessoirement, par l'administration européenne.

La deuxième force de la région tient à la péréquation. J'évoquais il y a quelques instants la péréquation dans le cadre du département. Force est de reconnaître que la grande taille de la région favorise une péréquation un peu plus forte, qui, si elle n'est pas parfaite, permet notamment de partager le produit de la taxe professionnelle. Ainsi - c'est un exemple concret -, lorsqu'une région est équipée d'une centrale nucléaire, le conseil régional est le seul à redistribuer sur l'ensemble du territoire régional le produit de la taxe professionnelle. Il joue donc un rôle reconnu en matière de péréquation.

Enfin, la région joue un rôle un peu plus subtil, qu'il est parfois difficile d'accepter : elle a une fonction d'expertise. Au niveau régional, on traite tous les jours, par exemple, des dossiers économiques, ce qui n'est pas le cas dans toutes les communes et dans tous les départements. De la même façon qu'un chirurgien qui opère quotidiennement est normalement plus habile et plus expert que celui qui n'a que rarement l'occasion de pratiquer certains types d'opérations, la région a une certaine expertise économique, non parce qu'elle est géniale, mais parce qu'elle a plus souvent l'occasion d'intervenir dans ce domaine.

Monsieur le ministre, votre projet de loi reconnaît les dynamiques de ces trois niveaux de territoires en organisant entre eux des relations pacifiées et en proposant en effet aux uns et aux autres de coopérer, coopération qui est d'ailleurs effective sur le terrain depuis ces vingt dernières années de décentralisation.

Cette coopération - et telle est sans doute la principale valeur ajoutée de votre texte, monsieur le ministre - passe par une clarification et par la désignation de chefs de file, notion que nous ne devrons pas perdre de vue tout au long de nos débats.

Ma conclusion rejoindra celle de l'immense majorité de mes collègues qui se sont exprimés à cette tribune : vous avez fait le choix de la liberté pour le partage des responsabilités sans traiter des questions d'intendance, et vous avez eu raison, monsieur le ministre, car, si le préalable financier avait été posé, nous n'aurions sans doute jamais été saisis de ce texte.

Toutefois, force est de reconnaître, monsieur le ministre, que vous risquez de ne pas être au chômage l'année prochaine, car nous aurons à construire ensemble une dynamique financière permettant aux collectivités d'assumer les responsabilités que vous leur confiez et qu'il ne faudrait pas leur reprendre en leur imposant un corset trop serré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Paul Vergès.

M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si cette nouvelle phase de la décentralisation vise à adapter l'organisation territoriale aux exigences de l'époque actuelle, dans l'ensemble de l'outre-mer, elle n'a de sens que si elle constitue un levier pour l'égalité et pour le développement. Or le risque est grand que ce projet de loi ne conduise, outre-mer, à un divorce entre décentralisation et développement, divorce au regard de la loi du 19 mars 1946 qui, en permettant l'accès des « vieilles colonies » au statut de département, posa le principe fondamental d'égalité des territoires et des citoyens au sein de la République. Cette loi s'est traduite par une augmentation régulière des transferts publics au cours des décennies qui l'ont suivie et a marqué l'ouverture du processus de rattrapage en matière d'équipements publics.

Le risque est grand d'un divorce aussi au regard des lois de décentralisation de 1982 et de 1983, qui ont correspondu outre-mer à une nouvelle étape en termes de développement.

Nous craignons en effet que le désengagement programmé de l'Etat, inscrit tant dans le présent projet de loi que dans la politique générale du Gouvernement, n'ouvre une période inédite au cours de laquelle seraient mis en cause à la fois les acquis sociaux et les efforts déployés en faveur du développement de nos territoires.

Soyons clairs : au-delà des avancées formelles inscrites dans cette réforme en matière d'augmentation des responsabilités locales, le coeur de la problématique réside dans la question des moyens financiers et humains dévolus aux collectivités d'outre-mer pour faire face aux nouvelles compétences transférées.

Comment ignorer, dans l'appréciation de cette réforme, les nombreuses mesures intervenues dans la période récente qui témoignent toutes des velléités du Gouvernement de faire participer l'outre-mer à la politique de réduction des dépenses publiques ? Or toutes les mesures prises en métropole connaissent chez nous un développement infiniment plus grand.

Comment ne pas voir dans ce projet de loi le début de la fin d'une politique de rattrapage pourtant indispensable au développement de nos territoires ? Comment ne pas s'inquiéter de la conjonction entre cette nouvelle orientation de la politique nationale à l'égard de l'outre-mer et la réévaluation des politiques européennes à l'égard des régions ultrapériphériques, qui risque de se traduire pour l'outre-mer par une diminution du volume des fonds structurels ?

Dans ce contexte d'incertitudes, le présent projet de loi accroît l'inquiétude, surtout ses dispositions qui prévoient que la compensation des transferts de compétences se fera sur la base des dépenses antérieurement consacrées par l'Etat.

Un tel principe est inopérant à la Réunion. Il ne prend en compte ni les retards structurels ni surtout la dynamique démographique. Je crois exprimer l'opinion de l'ensemble des élus de la Réunion en alertant le Gouvernement et la représentation nationale sur ce point crucial : une approche dynamique de la compensation des transferts est d'une importance capitale pour l'outre-mer.

A défaut de mécanismes de rattrapage ou de réelle péréquation financière, cette réforme risque de se traduire pour l'outre-mer par une aggravation de ses retards structurels. De ce fait, les transferts de responsabilités se traduiront inéluctablement par des transferts de charges non compensés.

Il en sera ainsi de la réforme relative à la gestion du RMI. Dans une île où 67 000 foyers, soit près du cinquième de la population, sont tributaires de cette allocation et où le nombre de bénéficiaires augmente chaque année dans des proportions importantes, on imagine aisément les difficultés auxquelles sera confronté le conseil général.

M. Gérard Delfau. Eh oui !

M. Paul Vergès. Le décalage entre les moyens financiers transférés et les charges réelles risque de s'accroître et de mettre en péril, faute d'une réévaluation régulière, le droit même au RMI.

Il en sera ainsi également du transfert à la région de compétences en matière de routes nationales. La question des conditions de ce transfert en termes de ressources pose problème. Comment la région pourra-t-elle financièrement assumer ce transfert, alors que la simple mise aux normes de certains ouvrages à la Réunion exige plusieurs milliards de francs ?

En tout état de cause, en ce domaine, le transfert de compétences ne doit souffrir aucune ambiguïté et doit s'inscrire dans le prolongement du dispositif existant.

Il en sera également ainsi dans le domaine des transports collectifs, où le désengagement annoncé de l'Etat dans un secteur pourtant stratégique pour le développement durable intervient tandis que la Réunion étudie un important dispositif de transports collectifs.

La question du transfert de personnels de l'Etat vers les collectivités soulève également de multiples interrogations et de vives inquiétudes dans son application concrète outre-mer.

A la Réunion, le débat s'est focalisé sur le transfert imposé des TOS. Ce transfert de personnels de l'Etat vers les collectivités intervient chez nous dans des conditions tout à fait atypiques, du fait des disparités existant entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale. Dès lors, les craintes exprimées par les personnels concernés sont tout à fait compréhensibles et légitimes.

De ce fait, c'est bien la question du principe de l'unité du service public de l'éducation nationale qui est posée. Comment les collectivités réunionnaises pourront-elles supporter le poids des créations de postes engendrées par la dynamique démographique, alors qu'elles doivent dans le même temps maintenir un rythme d'investissements élevé ? A la Réunion, en moyenne, le département fait construire chaque année deux collèges tandis que la région livre trois lycées tous les deux ans et que le schéma des services collectifs annonce pour notre université, qui compte actuellement 11 000 étudiants, 35 000 étudiants en 2020.

Ces conditions plaident en faveur, pour le département et la région de la Réunion, d'une exonération de l'application des dispositions organisant le transfert des TOS.

En définitive, monsieur le ministre, si la situation particulière de l'outre-mer n'est pas prise en compte, notamment du point de vue démographique, si une politique volontaire de l'Etat en faveur du rattrapage des retards accumulés par nos régions n'est pas mise en oeuvre, le risque est grand que cette réforme, combinée aux autres mesures du Gouvernement, ne renforce l'inquiétude, ne fragilise encore plus la confiance nécessaire au développement et qu'elle ne soit, en fin de compte, interprétée comme un recul de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ernest Cartigny.

M. Ernest Cartigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Alexis de Tocqueville, l'un des précurseurs de l'idée de décentralisation, nous a enseigné ceci : « Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que, parmi eux, l'art de s'associer se développe et se perfectionne ».

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales que nous examinons aujourd'hui vise, justement, à perfectionner notre système de décentralisation en donnant enfin aux acteurs locaux les outils et les moyens nécessaires à leurs missions.

Il est temps de rendre lisibles les actions et responsables ceux qui les entreprennent. Le centralisme est aujourd'hui vécu, à juste titre, comme un carcan qui étouffe les initiatives et entrave l'efficacité de l'action publique. L'examen de ce texte est une nouvelle étape dans la modernisation de l'Etat, réforme officialisée depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a inscrit le principe d'une République décentralisée dans notre Constitution.

Je me réjouis particulièrement que la région devienne une collectivité de plein exercice en matière de développement économique. A l'heure où l'économie française souffre d'un ralentissement inquiétant, dans une conjoncture internationale il est vrai depuis longtemps morose, il appartient aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre les conditions favorables à l'initiative des agents économiques.

Dans cette perspective, le choix du cadre régional est approprié : cette collectivité est en effet la mieux placée pour optimiser les politiques territoriales d'aménagement, de développement économique et de formation.

A cet égard, avec l'instauration du schéma régional de développement économique, le projet de loi tend à mettre en place un outil de prévision afin de mieux coordonner l'intervention des différents acteurs du développement local.

Outre les collectivités, il est donc important d'y associer les entreprises et leurs représentants, les chambres consulaires.

La clarification des compétences entre collectivités est une autre avancée majeure. A chaque échelon institutionnel, elle doit permettre à chaque collectivité locale de se recentrer sur sa vocation principale. Qu'il s'agisse de nos concitoyens ou des agents économiques, la compréhension de la répartition des compétences relève de la gageure pour quiconque n'est pas un spécialiste du droit quelque peu obscur des collectivités locales. Pourtant, l'application réelle de la subsidiarité est également une avancée majeure attendue par nos concitoyens. La collectivité la plus experte agira au niveau le plus adéquat ; la pertinence des processus de prise de décision s'en trouvera améliorée. Pour résumer, l'action publique sera rationalisée.

Economiquement, cette clarification va dans le sens d'une simplification des dispositifs administratifs et réglementaires. Le transfert de l'Etat aux régions des outils d'intervention financière, prévu à l'article 2 du projet de loi, rapproche le bailleur de fonds des personnes ou groupements qui y prétendent. Or les régions bénéficient d'une connaissance plus approfondie et plus précise que quiconque des besoins économiques des entreprises installées dans leur ressort. Il s'agit donc d'un réel progrès que je tiens à souligner.

Par ailleurs, l'émergence d'une Europe des régions et la compétition entre ces dernières constituent aujourd'hui un défi à côté duquel nos collectivités ne doivent pas passer. Il nous appartient donc de mettre en place les conditions favorables pour que nos collectivités, au premier rang desquelles les régions, sauvegardent et surtout développent leur compétitivité économique.

Notre pays souffre de déséquilibres régionaux inacceptables aujourd'hui. Derrière cinq ou six régions phares, de trop nombreuses régions apparaissent désarmées face à l'émergence de cette Europe des régions. Que pèsent le Limousin ou l'Auvergne face à la Bavière ou à la Catalogne, qui jouissent quant à elles d'une autonomie juridique et financière suffisantes pour peser en Europe ? Nous devons donc agir dès aujourd'hui dans cet hémicycle pour que toutes les collectivités françaises trouvent leur place dans la compétition économique européenne et y participent à armes égales.

Mais rassurons les intégristes du centralisme jacobin. La nouvelle phase de décentralisation entamée depuis le mois de mars dernier ne privera pas l'Etat de ses prérogatives. L'une d'elles, la mise en place par le projet de loi de finances pour 2004 d'un fonds de solidarité économique, apportera une garantie non négligable en la matière, et le principe de péréquation, que celle-ci soit verticale ou horizontale, doit demeurer un axe essentiel de cette décentralisation.

Les carences éventuelles de certaines régions en matière d'aides ou d'interventions aboutiraient à une rupture d'égalité qui n'est pas acceptable. L'Etat demeure le garant ultime de l'égalité entre les territoires et, plus globalement, entre tous nos concitoyens.

Parallèlement, la décentralisation allège les charges financières de l'Etat. Le financement des nouvelles compétences, qui sera arrêté par le projet de loi de finances pour 2004, permettra de rationaliser la dépense publique. Nous le savons tous, la maîtrise des dépenses publiques est un impératif, voire une priorité en termes de gestion de l'Etat. Le transfert à l'échelon local des financements corrélatifs aux compétences transférées laisse entrevoir une gestion des interventions en meilleure adéquation avec les besoins réels des acteurs locaux. Laissons agir les collectivités avec leurs interlocuteurs directs, ce que l'Etat ne sait faire que trop partiellement. Encore une fois, le projet de loi semble équilibré en ce qu'il ne prévoit l'intervention de l'Etat qu'en cas de carence des collectivités.

Le texte que nous allons examiner procède à des avancées significatives, que l'on n'a que trop tardé à mettre en oeuvre. Au temps où Tocqueville réfléchissait sur les institutions, les corps intermédiaires apparaissaient comme des contrepoids significatifs à la toute puissance de l'Etat. L'époque actuelle a donc rendu caduc ce débat. Mais à l'heure de l'Europe et de la citoyenneté de proximité, les collectivités territoriales sont certainement les acteurs de premier plan les mieux à même d'oeuvrer à la satisfaction de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'approfondissement de la décentralisation de notre pays devait être la grande réforme annoncée par le Premier ministre. J'attendais cet acte II de la décentralisation avec la bienveillance et la sympathie de mes convictions. Hélas ! monsieur le ministre, votre projet de loi nous déçoit, comme il déçoit une partie de vos propres amis et, plus largement, nos concitoyens !

Pour réussir, une réforme doit être en phase avec les aspirations profondes des Français. Quand j'ai impulsé, avec Gaston Defferre, les lois de décentralisation de 1982 et de 1983, la France était, certes, un grand pays européen, qui tirait en partie sa puissance de celle de son Etat. Pour autant, la société française étouffait sous un centralisme excessif qui empêchait toute initiative locale. C'est sans doute ce carcan administratif centralisé, conjugué au poids de la ruralité et à l'émiettement excessif des communes, que les autres pays européens avaient déjà réussi à maîtriser, qui lui aura fait prendre avec retard les grands tournants industriels et urbains.

La réforme que nous avons engagée a libéré les énergies en rendant une part du pouvoir de l'Etat aux citoyens par l'intermédiaire des collectivités territoriales. Elle a fait souffler un vent de liberté et développé la démocratie participative, en permettant aux citoyens de prendre part aux décisions qui les concernent au plus près.

Elle a aussi enrichi notre organisation territoriale de l'apport d'une collectivité porteuse de dynamisme - je veux parler de la région - que les lois de 1982 ont créée et dont avaient su se doter avant nous les autres pays européens. Certes, les régions françaises ne sont ni les Länder allemands ni les régions italiennes ou espagnoles. Elles ne relèvent pas d'une démarche fédérale : elles s'inscrivent - et nous nous en félicitons - dans les valeurs de notre République. Mais elles ont su donner un souffle nouveau à l'organisation générale de la France. Aujourd'hui, bien qu'étant les plus jeunes des collectivités territoriales, elles apparaissent comme les plus dynamiques en raison non seulement de leurs compétences, mais aussi des potentialités non encore exploitées qu'elles détiennent pour l'avenir.

Les Français se sont emparés de ce mouvement décentralisateur et en particulier de la région, dont ils ne souhaitent pas pour l'instant que l'on redéfinisse le périmètre. Ils ont en effet eu le sentiment que les lois de 1982 et 1983 avaient été élaborées pour améliorer la qualité de leur vie quotidienne, notamment au niveau des services publics, tout en respectant les valeurs fondamentales de la République : son unité, d'abord, le principe d'égalité des citoyens devant la loi, ensuite. Cela explique, me semble-t-il, le succès de l'acte I de la décentralisation et la nécessité, vingt ans après, d'amplifier le mouvement.

Malheureusement je ne pense pas, monsieur le ministre, que le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui connaisse cette même adhésion. Je crains fort que ce qui aurait pu être une belle réussite ne soit en réalité un grand échec. En effet, à mes yeux, votre texte achoppe sur cinq points essentiels qui ne me permettent pas de l'approuver.

Premièrement, nous avons un doute terrible, et pas seulement au sein de la gauche : ce doute s'étend bien au-delà. En cette période d'aggravation des déficits de l'Etat, la plus grande incertitude pèse sur le financement des importants transferts de compétences qu'opère votre projet de loi. Je rejoins là l'éclatante démonstration qui a été faite par Bernard Frimat. En effet, renvoyer aux lois de finances annuelles leur financement, alors que le bouclage du budget de la nation se révèle chaque année plus difficile, ne peut que susciter l'inquiétude des élus, toutes tendances politiques confondues, à commencer par vos amis du Sénat, qui ont manifesté avec force auprès de vous leur souhait de transferts clairs.

Et ce d'autant que vous ne prévoyez aucune réforme réelle des finances locales. L'annonce d'un prochain texte sur l'autonomie financière des collectivités territoriales ne suffit pas. Je vous concède que, jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a réussi à engager une réforme en profondeur de la fiscalité locale. Mais, quand on annonce des transferts aussi massifs, n'est-ce pas précisément l'occasion de la faire ? En tout cas, des dispositions financières devaient être prises avant d'organiser ces transferts. Vous avez d'ailleurs commencé par annoncer ces transferts, au point que vous avez donné l'impression que la décentralisation était surtout une façon pour l'Etat de se désengager.

Cette situation a conduit les sénateurs socialistes à demander au Premier ministre et au président du Sénat de surseoir à l'examen de ce projet de loi tant que des assurances sérieuses ne seraient pas données sur son financement, sur les impôts locaux, sur les dotations de l'Etat et sur la péréquation. Le Premier ministre n'a pas vraiment répondu à cette demande. En revanche, le président du Sénat - je tiens à le souligner - a reconnu, dans la réponse qu'il nous a adressée, que nous évoquions « un problème réel », qui se posera dans les prochaines semaines, les prochains mois, voire les prochaines années.

L'inquiétude demeure donc chez les élus et dans la population - elle est dans tous les journaux, elle s'étale partout ! ...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Eh bien ! alors, si c'est dans le journal !

M. Pierre Mauroy. ... qui redoutent une augmentation massive des impôts locaux.

Je vous pose donc cette question, monsieur le ministre, en espérant obtenir une réponse : comment débattre de transferts d'une telle ampleur sans savoir précisément comment ils seront financés dans une période qui s'annonce particulièrement difficile pour les finances de l'Etat et où, finalement, l'Etat ne remplit pas toutes ses obligations ? Je ne veux pas en dire davantage, mais c'est un fait.

M. Gérard Delfau. Tout à fait !

M. Pierre Mauroy. Deuxièmement, vous ne simplifiez pas une organisation déjà complexe. Je l'ai dit, je demeure un partisan convaincu de la démarche décentralisatrice. Encore faut-il qu'elle réponde à des principes clairs.

Je ne m'appesantirai pas sur le détail des transferts de compétences que vous opérez en faveur des départements et des régions, Jean-Claude Peyronnet et Bernard Frimat ont très bien évoqué cette question. Je noterai simplement au passage que le département bénéficie plus de ces transferts que l'intercommunalité. C'est une étonnante et divine nouvelle, alors que certains, dont je ne partageais pas le point de vue, annonçaient déjà la fin du département : on espérait un rééquilibrage un peu général. Eh bien ! non, finalement, le département bénéficie, me semble-t-il, d'une cote tout à fait particulière : manifestement, c'est lui qui sort vainqueur de cette phase de la décentralisation. En tout cas, je le répète, il bénéficie plus de ces transferts que l'intercommunalité.

Nous souhaitions, vous le savez, une décentralisation s'appuyant sur les trois piliers que sont la région, la collectivité la plus moderne, le département, la collectivité la plus traditionnelle, jacobine a-t-on dit - nous pourrions en discuter, mais ce n'est plus tout à fait le moment -, et l'ensemble, j'y insiste, communes et intercommunalité, en pleine expansion non pas depuis vingt ans, mais depuis les lois Chevènement et celles du gouvernement Jospin. J'ai parcouru la France pendant vingt ans pour convaincre les maires d'adhérer à l'intercommunalité. Mais tous souhaitaient s'en tenir à leur territoire. Et puis, un miracle, ou presque, s'est produit. Vous le savez bien, d'ailleurs ! Je ne m'étendrai pas sur ce point, c'est ainsi ! De plus, nous aurions voulu en adapter les modes de scrutin. Je ne m'étendrai pas non plus à cet égard : cela nous paraissait nécessaire.

Par ailleurs, loin de rendre plus visible une organisation administrative qui s'est opacifiée au cours des années, vous avez fait le choix de la rendre plus complexe encore. Je me demande vraiment comment nos concitoyens vont s'y retrouver dans cet enchevêtrement de transferts, dont certains sont soumis à l'expérimentation, les autres à une convention, les derniers aux collectivités qui voudront bien les exercer.

Ce non-respect de fait des principes de répartition par blocs de compétences constitue une source de confusion énorme, qui ne peut que nuire à l'idée même de décentralisation dans l'esprit des Français.

MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-Claude Peyronnet. Absolument !

M. Pierre Mauroy. Cette confusion, nous en reparlerons pendant longtemps et même, j'imagine, dans cette assemblée. Il y a de l'embrouille dans tout cela ! Personne n'a pu lire votre texte en ayant une idée claire de ce fameux acte II de la décentralisation.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Si !

M. Pierre Mauroy. Eh bien ! je vous en félicite ! Mais attendez que soient intervenues la deuxième, voire la troisième lecture : nous verrons le résultat !

Troisièmement, vous ne donnez pas toutes ses chances à la région. Certes, vous vous inscrivez dans la logique régionale qui est celle des lois de 1982-1983, en dotant la région de compétences nouvelles et de pouvoirs renforcés qui, pour l'essentiel, vont dans le bon sens. Mais vous n'allez pas jusqu'au bout de cette logique ! Nous-mêmes, au départ, je le reconnais, n'avions pas permis à cette nouvelle institution pleine de promesses de prendre son envol en raison d'un mode de scrutin inadapté. Je l'ai longtemps regretté et j'ai immédiatement oeuvré pour qu'il en soit autrement. Le gouvernement de Lionel Jospin avait corrigé cette erreur. Vous la rééditez en départementalisant à nouveau son mode d'élection. Vous bridez ainsi l'émergence d'une nouvelle génération de responsables politiques, soucieux de développer des régions puissantes, capables de mettre en oeuvre la péréquation en leur sein, comme de rivaliser avec les grandes régions européennes.

Quatrièmement, vous ne procédez à aucune réforme de l'Etat. (M. le ministre délégué s'étonne.) Vous en parlez, mais on ne la voit pas ! C'est une autre absence regrettable de votre projet de loi. Or cette réforme de l'Etat est le corollaire indispensable de la démarche décentralisatrice. On pouvait procéder à l'acte I de la décentralisation sans véritablement approfondir la réforme de l'Etat que l'on nous avait annoncée. Mais là où vous en êtes et là où vous voulez aller, cette réforme est essentielle.

La décentralisation doit s'accompagner d'une déconcentration des services de l'Etat au niveau local ; je ne vois rien sur cette question dans votre texte, si ce n'est l'évocation du rôle du préfet de région. Or il est clair que l'Etat doit établir un schéma d'organisation de ses services en fonction des compétences exercées par les collectivités locales. Cette réforme de l'Etat est certainement aussi importante que la décentralisation elle-même : nous l'attendons !

Enfin, cinquièmement, vous persistez à méconnaître l'intercommunalité. Il s'agit de la raison principale de mon opposition à votre texte : c'est sa plus grave faiblesse. M'auriez-vous donné satisfaction sur tous les autres points que je viens d'évoquer, monsieur le ministre, que je ne pourrais pas voter un texte qui méconnaît totalement la « petite révolution » qu'a constituée, au cours de ces trois dernières années, à partir de la loi Chevènement et des décisions du gouvernement Jospin, cette formidable montée en puissance de l'intercommunalité. S'il y a eu un mouvement populaire au cours de ces trois dernières années, c'est bien celui-là ! C'est celui-là qu'il fallait « enfourcher », c'est avec lui qu'il fallait avancer. Or vous le méconnaissez superbement !

En effet, cette démarche neuve qui, pour les raisons que je vous ai indiquées, n'avait pas été possible dans les années quatre-vingt contribue aujourd'hui à donner une vigueur nouvelle à l'organisation territoriale de notre pays. Elle lui offre une chance exceptionnelle de se moderniser en renforçant ses pôles urbains, porteurs de projets viables et générateurs de progrès économique et social.

En refusant de vous adapter aux réalités de la France d'aujourd'hui, c'est une réforme pour une « petite France » que vous proposez. Vous parlez souvent de la France « d'en haut », de la France « d'en bas », mais vous oubliez le mouvement populaire, pouvoir réel qui vient des maires, dont vous dites vous-même que ce sont ceux qui sont les plus considérés dans la République ; c'était vrai hier et c'est encore vrai aujourd'hui. Vous faites, je le répète, une réforme pour une « petite France », bien loin de ce que vivent les Français et du dynamisme démocratique nouveau qu'ils attendent d'un nouveau processus de décentralisation.

En effet, en vingt ans, la géographie humaine de notre pays s'est profondément transformée. Désormais, 80 % des Français vivent dans des aires urbaines au sein desquelles les communes proches font preuve d'un grand dynamisme. Certes, votre projet de loi contient un certain nombre de dispositions destinées à améliorer la cohérence de la carte intercommunale en simplifiant les procédures de fusion des EPCI et en permettant la transformation des syndicats intercommunaux en communautés de communes. Elle sont bienvenues dans leur ensemble, mais elles n'apportent pas au phénomène en cours les réponses que l'on était en droit d'attendre.

Les chiffres sont impressionnants. Vous les connaissez bien d'ailleurs, monsieur le ministre, puisqu'ils proviennent de vos services. La France compte désormais 14 communautés urbaines, 143 communautés d'agglomération - dont 19 en Ile-de-France, où l'application de la loi s'était révélée plus complexe - et 2 360 groupements de communes à fiscalité propre, constitués de 29 740 communes qui rassemblent 48 814 256 habitants. Ces précisions émanent de vos services.

Je vous livre le commentaire qu'en fait le ministère de l'intérieur : « Les EPCI ont su faire la démonstration de leur capacité à faire face aux enjeux locaux, comme en témoigne la progression continue de la carte intercommunale. Leur légitimité est reconnue par tous, ils constituent un acteur à part entière du grand mouvement de décentralisation que le Gouvernement veut promouvoir ».

Un tel succès en un laps de temps si court aurait dû vous conduire à vous interroger, vous amener à formuler des propositions. Mais vous avez préféré ne pas en tenir compte lors de la révision constitutionnelle, en refusant aux EPCI la qualité de collectivités territoriales à part entière, au moins pour les communautés urbaines et les communautés d'agglomération.

Vous réitérez votre erreur aujourd'hui en leur refusant à nouveau toute nouvelle avancée significative, au grand dam notamment des communautés urbaines qui, au cours de leurs journées qui se sont tenues à Cherbourg les 23 et 24 octobre dernier, - c'est tout récent, et l'assistance était nombreuse - ont rappelé avec force leur volonté d'être reconnues comme un acteur essentiel du développement économique local, aux côtés de l'Etat et des régions, pour assurer un aménagement équilibré du territoire.

La région doit avoir la responsabilité d'un schéma régional sur le plan économique, c'est l'évidence. Je le vois dans ma commune, dans l'intercommunalité. Oui, tous reconnaissent la part que nous apportons à l'essor économique ; la méconnaître, c'est méconnaître complètement la réalité de la participation des communes, la réalité de la participation des intercommunalités.

J'aurai d'ailleurs l'occasion de défendre, dans la discussion des articles, un certain nombre d'amendements dans ce sens.

Vous étiez à Cherbourg, monsieur le ministre, et vous avez pu observer que nous tous, représentant les grandes métropoles de France, nous étions unanimes, y compris vos propres amis.

M. Claude Domeizel. Même Gaudin !

M. Pierre Mauroy. Ce que je dis à cette tribune, ils auraient pu tout aussi bien le dire, et certains l'ont fait. Certes, l'atmosphère était cordiale, mais vous étiez bien seul. (M. le ministre fait un signe dubitatif.) J'espère que vous avez retenu au moins ce qui vous a été dit, même si vous n'en tenez pas compte. Et vous savez comment la presse local a réagi !

Je plaide sur ce point parce que cela me paraît important et que vous devriez revoir vos positions.

On parle des innovateurs d'hier qui seraient devenus les conservateurs d'aujourd'hui...Je vois, moi, que les conservateurs d'hier restent conservateurs sur bien des points, et ce projet de loi de décentralisation le montre assez.

En tous les cas, sur ce point, la désapprobation était générale.

J'imagine qu'il en va des communautés de communes comme des communautés d'agglomération, même si le problème des communautés de communes, beaucoup plus complexe, exigera sans doute plus de temps pour que les grandes orientations et les grandes directives apparaissent clairement.

Personnellement, j'avais cru que le dialogue qui s'était instauré l'an dernier lors des journées des communautés urbaines, à Marseille, aurait nourri la réflexion du Premier ministre et vous aurait permis de renforcer la légitimité démocratique des structures intercommunales, appelées à exercer des responsabilités importantes, en proposant leur élection au suffrage universel. C'est ce qu'attendent les Français, au moins pour les communautés urbaines et pour les communautés d'agglomération. Il n'en est rien et je le regrette beaucoup. Vous venez de laisser passer une occasion rare d'approfondir la démocratie dans notre pays. Je doute que les Français approuvent cette tiédeur démocratique !

L'essor de la France ne pourra se faire sans que le ressort citoyen joue à plein, là où notre pays puise son dynamisme, c'est-à-dire, entre autres, au niveau des grandes agglomérations structurées au sein de leur région. Vous avez compris que mon intervention portait surtout sur cette part de la décentralisation.

Mois après mois sont publiés les tableaux d'attractivité des grandes métropoles européennes. Mais regardez-les ! Inutile de lancer des « cocoricos » pour les nôtres : quelques-unes seulement s'accrochent en haut du classement. Mais, pour qu'un jour la France puisse s'imposer dans une Europe de plus en plus urbanisée, il faut en avoir l'ambition et lui donner les moyens de bâtir de grandes métropoles ! Vous en aviez l'occasion, vous n'en avez pas saisi la chance.

Permettez-moi un dernier mot. Vous connaissez mon intérêt pour la coopération transfrontalière : rien n'est encore prévu dans votre projet de loi à ce sujet. Je présenterai, avec le groupe socialiste, un amendement tendant à permettre aux collectivités territoriales françaises et à leurs groupements ainsi qu'aux collectivités des Etats limitrophes d'organiser, par l'intermédiaire de syndicats mixtes, ou d'autres structures, des services publics d'intérêt commun pour mieux répondre aux besoins des habitants qui vivent de part et d'autre de la frontière. M. le ministre de l'intérieur a l'intention, paraît-il, de faire des propositions dans ce sens,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est vrai !

M. Pierre Mauroy. ... s'inspirant d'ailleurs de l'accord de Karlsruhe. L'occasion sera belle, dans quelques heures, à Lille, en présence du Roi des Belges, de confirmer finalement ces intentions. Nous verrons !

Monsieur le ministre, votre projet de loi manque d'ambition. Il n'est pas suffisamment tourné vers l'avenir. C'est une pâle copie de l'acte I de la décentralisation. Vous n'avez pas saisi toute la promesse qui devait être la vôtre. Il y avait un ajout formidable à apporter à cette décentralisation. Manifestement, vous ne le faites pas.

Ce qui devait être l'acte II de la décentralisation restera dans l'histoire comme celui des occasions manquées, alors que notre pays bouge, et vite. Vous avez d'ailleurs bien senti que vous passiez à côté de ce formidable mouvement historique puisque, subrepticement, vous avez changé l'intitulé de votre projet de loi.

On a parlé de l'acte II de la décentralisation. On a même travaillé sur un texte relatif à la décentralisation. Vous avez changé et le titre et le sujet. Il s'agit non plus d'un projet de loi relatif à la décentralisation, mais d'un projet relatif aux responsabilités locales. Vous avez finalement préféré faire une loi qui tient plus de l'organisation administrative que de l'acte II de la décentralisation. Car vous introduisez une distance, voire une incompréhension entre les citoyens et l'idée de la décentralisation.

S'il en était autrement, vous entendriez la rumeur venant du pays, et de nos collectivités, venant de nos concitoyennes et de nos concitoyens. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Mais si ! Or vous n'entendez pas grand-chose ! Ce que nous entendons, en revanche, c'est l'éloquence du Premier ministre, et la vôtre, aussi, et celle de bien d'autres encore, mais sans plus.

Décentraliser n'est pas, comme vous semblez le croire et comme vous le faites, transférer des compétences aux collectivités territoriales pour décharger l'Etat de ce qu'il ne veut et ne peut plus faire : cela a pour nom « démantèlement de l'Etat », « accroissement des inégalités », « confusion des responsabilités ».

Décentraliser, monsieur le ministre, c'est approfondir la démocratie en rapprochant le pouvoir des citoyens ; c'est moderniser le pays en développant ses atouts les plus prometteurs.

Vous vous êtes arrêté en chemin. La décentralisation vous a essoufflé ! C'est pourquoi ni moi ni mon groupe ne voterons votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Discussion générale (suite)

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COMMUNICATION RELATIVE À DES TEXTES

SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION

DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 28 octobre 2003, l'informant de l'adoption définitive ou de la caducité de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :

N° E 1396. - Proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial.

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [1999] 638 final).

N° E 1699. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la formation des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs modifiant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil ainsi que la directive 91/439/CEE du Conseil et abrogeant la directive 76/914/CEE du Conseil.

Adoptée le 15 juillet 2003 (COM [2001] 56 final).

N° E 1763. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 77/799/CEE du Conseil concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs et indirects.

Adoptée le 7 octobre 2003 (COM [2001] 294 final).

N° E 1816. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la production et au développement de statistiques communautaires de la science et de la technologie.

Adoptée le 22 juillet 2003 (COM [2001] 490 final).

N° E 1831. - Initiative du Royaume de Belgique, du Royaume de l'Espagne et de la République française visant à l'adoption par le Conseil de la décision modifiant l'article 40, paragraphes 1 et 7, de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.

Adoptée le 2 octobre 2003 (11896/01 ENFOPOL 94 COPEN 47 COMIX 632).

N° E 1835. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés.

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2001] 425 final).

N° E 1876. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil.

Adoptée le 13 octobre 2003 (COM [2001] 581 final).

N° E 1957. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'octroi d'un concours financier communautaire visant à améliorer les performances environnementales du système de transport de marchandises (Marco Polo).

Adoptée le 22 juillet 2003 (COM [2002] 54 final).

N° E 2049. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 68/151/CEE du Conseil, en ce qui concerne les obligations de publicité de certaines formes de sociétés.

Adoptée le 15 juillet 2003 (COM [2002] 279 final).

N° E 2096. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE, EURATOM) n° 354/83 concernant l'ouverture au public des archives historiques de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2002] 462 final).

N° E 2154. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques.

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2002] 643 final).

N° E 2163. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2037/2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, en ce qui concerne les utilisations critiques et les exportations de halons, les exportations de produits et d'équipements contenant des chlorofluorocarbures et la réglementation du bromochlorométhane.

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2002] 642 final).

N° E 2165. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les règles relatives au lieu de livraison du gaz et de l'électricité.

Adoptée le 7 octobre 2003 (COM [2002] 688 final).

N° E 2186. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement CE n° 417/2002 du Parlement européen et du Conseil du 18 février 2002 relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque, et abrogeant le règlement (CE) n° 2978/94.

Adoptée le 22 juillet 2003 (COM [2002] 780 final).

N° E 2206. - Proposition de directive du Conseil établissant des mesures communautaires de lutte contre la fièvre aphteuse et modifiant la directive 92/46/CEE.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2002] 736 final).

N° E 2211. - Lettre de la Commission européenne du 4 février 2003 relative à une demande de dérogation fiscale présentée par l'Allemagne conformément à l'article 30 de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière de TVA (JOCE n° L 145 du 13 juin 1977, p. 1).

Adoptée le 15 juillet 2003 (D/228382).

N° E 2212. - Proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant des régimes de soutien aux producteurs de certaines cultures.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2003] 23-1 final).

N° E 2213. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et abrogeant le règlement (CE) n° 2826/2000.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2003] 23-2 final).

N° E 2214. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché des céréales.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2003] 23-3 final).

N° E 2215. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché du riz.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2003] 23-4 final).

N° E 2216. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché des fourrages séchés pour les campagnes de commercialisation de 2004/05 à 2007/08.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2003] 23-5 final).

N° E 2217. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2003] 23-6 final).

N° E 2238. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole 2000-2001 fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord conclu entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République populaire révolutionnaire de Guinée, concernant la pêche au large de la côte guinéenne, pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003.

Adoptée le 29 septembre 2003 (COM [2003] 107 final).

N° E 2248. - Proposition de décision du Conseil approuvant la conclusion, par la Commission, d'un accord de coopération dans le domaine des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire entre la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) et la République d'Ouzbékistan.

Adoptée le 22 septembre 2003 (SEC [2002] 496 final).

N° E 2280. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA).

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2003] 194 final).

N° E 2281. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Commuanutés européennes et leurs Etats membres, d'autre part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'autre part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA).

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2003] 196 final).

N° E 2285. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de Maurice concernant la pêche dans les eaux mauriciennes, pour la période allant du 3 décembre 2002 au 2 décembre 2003.

Adoptée le 20 octobre 2003 (COM [2003] 202 final).

N° E 2298. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord visant à renouveler l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et l'Ukraine.

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2003] 231 final).

N° E 2325. - Projet d'accord entre EUROPOL et la Lettonie.

Adopté le 2 octobre 2003 (10038/03 EUROPOL 36).

N° E 2329. - Proposition de décision du Conseil relatif à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et le Canada relatif au commerce des vins et boissons spiritueuses.

Adoptée le 30 juillet 2003 (COM [2003] 377 final).

N° E 2331. - Projet d'accord de coopération entre la République de Lituanie et EUROPOL (Office européen de police).

Adopté le 2 octobre 2003 (10039/03 EUROPOL 37).

N° E 2354. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne, en application du point 3 de l'accord interinstitutionnel du 7 novembre 2002 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur le financement du Fonds de solidarité de l'Union européenne, complétant l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.

Adoptée le 7 octobre 2003 (COM [2003] 431 final).

N° E 2356. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2803/2000 en ce qui concerne l'ouverture et l'augmentation de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche.

Adoptée le 7 octobre 2003 (COM [2003] 474 final).

N° E 2374. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne, en application du point 3 de l'accord interinstitutionnel du 7 novembre 2002 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur le financement du Fonds de solidarité de l'Union européenne complétant l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.

Adoptée le 7 octobre 2003 (COM [2003] 529 final).

N° E 2375. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1030/2003 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia.

Adoptée le 22 septembre 2003 (COM [2003] 535 final).

N° E 2388. - Projet de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1210/2003 du Conseil du 7 juillet 2003 concernant certaines restrictions spécifiques applicables aux relations économiques et financières avec l'Iraq.

Adopté le 13 octobre 2003 (SN 2983/03).

Je vous informe également de la caducité du projet d'acte de l'Union européenne suivant :

N° E 2334. - Projet de décision du Conseil visant à l'adoption, dans les Etats membres, de l'interdiction d'accès aux enceintes dans lesquelles se déroulent des matches de football revêtant une dimension internationale (caduque le 24 septembre 2003 (10966/03 ENFOPOL 64).

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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION

DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole modifiant le quatrième protocole fixant les conditions de pêche prévues dans l'accord en matière de pêche entre la Communauté économique européenne, d'une part, et le Gouvernement du Danemark et le Gouvernement local du Groenland, d'autre part, pour ce qui est des dispositions sur la pêche expérimentale.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2407 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2408 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole modifiant le quatrième protocole fixant les conditions de pêche prévues dans l'accord en matière de pêche entre la Communauté économique européenne, d'une part, et le Gouvernement du Danemark et le Gouvernement local du Groenland, d'autre part.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2409 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3069/95 établissant un programme pilote d'observation de la Communauté européenne applicable aux navires de pêche de la Communauté qui opèrent dans la zone de réglementation de l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2410 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1453/2001 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère et abrogeant le règlement (CEE) n° 1600/92 (POSEIMA) en ce qui concerne l'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers dans les Açores.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2411 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil créant un mécanisme pour le financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense - ATHENA - PESC - Programme ATHENA.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2412 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 29 octobre 2003, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi (n° 4, 2003-2004) relatif aux responsabilités locales.

Rapport (n° 31, 2003-2004) de M. Jean-Pierre Schosteck, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Rapport pour avis (n° 32, 2003-2004) de M. Philippe Richert, fait au nom de la commission des affaires culturelles.

Rapport pour avis (n° 34, 2003-2004) de M. Georges Gruillot, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

Rapport pour avis (n° 33, 2003-2004) de Mme Annick Bocandé, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Rapport pour avis (n° 41, 2003-2004) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, en application de l'article 72-4 de la Constitution.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 5 novembre 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 29 octobre 2003, à une heure cinq.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Aides fiscales aux éleveurs victimes de la sécheresse

326. - 8 octobre 2003. - M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur l'inquiétude des éleveurs de Charente-Maritime concernant les mesures d'accompagnement mises en place pour les éleveurs, suite aux exceptionnelles conditions météorologiques du printemps et de l'été 2003. La persistance de la sécheresse, accompagnée de températures exceptionnelles, ont rapidement rendu inexploitables les prairies grillées par la carence hydrique. Les éleveurs puisent donc d'ores et déjà dans leurs stocks d'aliments qui laissent présager des achats d'aliments pour couvrir la période hivernale. Aussi, il lui demande s'il ne serait pas envisageable de faire bénéficier les éleveurs d'une exonération de la taxe foncière sur le non-bâti dans les zones fourragères et quelles seraient les mesures de compensation financière pour les communes.

TVA applicable aux établissements constitués en SARL

accueillant des personnes handicapées

327. - 9 octobre 2003. - M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur le taux de TVA actuellement applicable aux établissements constitués en SARL accueillant des personnes handicapées. Ces établissements sont assujettis à un taux de TVA de 19,6 % alors même que les maisons de retraite constituées elles aussi en SARL sont soumises à un taux de 5,5 %. Ce taux de TVA à 19,6 % pénalise lourdement les quelques six établissements de ce type situés sur le territoire français, dont deux dans le Gers. Dans le cadre de l'Année européenne pour les personnes handicapées, il lui demande de bien vouloir accepter cette baisse de TVA. Soucieux de l'équilibre des finances publiques, il sait que cette proposition est soutenable étant donné le nombre très réduit d'établissements concernés. Il espère vivement que cette décision pourra être annoncée lors de la manifestation de clôture de l'AEPH qui se tiendra à l'UNESCO le 15 décembre 2003.

Sous-administration du département du Nord

348. - 27 octobre 2003. - Mme Valérie Létard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'état de sous-administration chronique dont pâtit le sud du département du Nord. La zone du Hainaut-Cambrésis représente à elle seule une population d'environ 760 000 habitants, soit l'équivalent de la taille d'un département tel que l'Hérault ou la Loire, départements qui figurent parmi les 25 départements les plus peuplés de France. Un effort a été fait, par certaines administrations déconcentrées telles que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ou la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour prendre en compte le poids démographique de cette entité et l'ampleur des besoins rencontrés ; le Hainaut français a en effet été classé en objectif 1 pour le retard de son développement économique et, malgré des efforts considérables, son taux de chômage reste encore voisin de 15 %. Toutefois, on constate que l'administration d'Etat manque encore, dans certains domaines, d'effectifs suffisants. Cela est particulièrement sensible en ce qui concerne l'aménagement du territoire et l'équipement, où la nécessité d'ingénierie demeure très forte. Le déficit actuel freine la mise en oeuvre des projets et des infrastructures qui doivent impérativement être menés à bien rapidement si ce territoire veut tirer tout le bénéfice de la période de « phasing out » de l'objectif 1, qui s'achève en 2006. Il semblerait cohérent que les services qui n'ont pas encore fait l'objet d'une déconcentration puissent aussi bénéficier de ce soutien. C'est pourquoi, sachant que l'inspection générale de l'administration s'est penchée sur ce grave problème, elle lui demande quelles propositions il entend faire pour aboutir à un renforcement des services déconcentrés de l'Etat dans le sud du département du Nord.

Développement des moyens de lutte contre les incendies

de forêts dans le sud de la France

349. - 27 octobre 2003. - M. Jacques Peyrat souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le lourd bilan des incendies de forêt qui ont touché tout particulièrement le sud de la France et la Corse durant l'été 2003. Au-delà de la catastrophe écologique, mais également économique que représentent ces événements dramatiques, c'est aussi une tragédie humaine avec la disparition d'innocents et des sapeurs-pompiers, victimes de leur dévouement et de leur devoir. Si les conditions climatiques exceptionnelles ont été l'une des causes déterminantes dans cette période intensive des feux de forêt, il apparaît néanmoins nécessaire de revoir la politique de prévention et les moyens de lutte de la sécurité civile. En effet, des mesures doivent être tout d'abord prises en matière d'information et de prévention afin de sensibiliser les citoyens aux comportements qu'ils doivent adopter et aux règles qu'ils doivent respecter notamment en matière de débroussaillement. Concernant l'obligation de débroussaillement qui est imposée par le code forestier, on constate qu'elle est très peu respectée, car elle est mal comprise ou mal connue, et que les sanctions ne sont pas adaptées et peu appliquées. Pourtant, le respect de cette mesure revêt une importance capitale puisqu'elle permet de limiter le risque de propagation des feux et facilite le travail des sapeurs-pompiers. Une réforme des dispositions réglementant cette obligation apparaît dès lors nécessaire. Par ailleurs, certaines dispositions, comme le fait pour tout propriétaire de maison de disposer d'un kit motopompe portable ou le fait d'inciter les particuliers lors de la construction de leur piscine à la rendre accessible aux services d'incendies, pourraient être envisagées. En outre, les incendies de cet été ont généré l'intervention de moyens humains et matériels particulièrement importants en intensité et en durée. Or la réussite dans la lutte contre un incendie dépend fortement de la rapidité de l'intervention et des moyens mis à disposition. Le feu qui a touché la commune de Cagnes-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes a bénéficié du seul appui des hélicoptères bombardiers d'eau dans la phase initiale de la lutte, les moyens nationaux n'ayant pu pour de raisons techniques et opérationnelles, opérer qu'en fin de journée. Or, des hélicoptères lourds auraient pu stopper le feu dans sa phase initiale. Du 1er janvier 2003 au 5 octobre 2003, le département des Alpes-Maritimes a compté 361 départs de feu, le département des Bouches-du-Rhône, 294, et celui du Var, 354. Aussi, alors que le Gouvernement souhaite moderniser la sécurité civile, il apparaît opportun de faire un état de moyens matériels dans ces départements qui apparaissent les plus fragiles, et de réfléchir à l'achat de deux hélicoptères PUMA gros porteur d'eau. En conséquence, il souhaiterait connaître sa position sur ces propositions et les mesures qu'il envisage de prendre pour lutter plus efficacement contre les incendies de forêt.

Manque de structures d'accueil

pour les personnes handicapées en Languedoc-Roussillon

350. - 28 octobre 2003. - M. Simon Sutour attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le retard du département du Gard, et au-delà de la région Languedoc-Roussillon, en matière de structures pour enfants inadaptés et adultes handicapés. Les représentants de la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) ainsi que différents témoignages de parents l'amènent à l'alerter sur cette situation ; car, en effet, les taux d'équipements gardois démontrent un retard vis-à-vis des situations régionales et nationales. Ainsi, le taux d'équipement pour les enfants est de 8,27 pour 1 000 habitants de moins de vingt ans dans le Gard : il est de 8,90 au niveau régional et de 8,44 au niveau national. Le retard gardois se retrouve au niveau des structures pour adultes : le ratio gardois est de 0,48 place pour 1 000 habitants entre 20 et 60 ans, il est de 1,24 au niveau régional et de 0,70 au niveau national. Ces chiffres bruts, s'ils démontrent le retard objectif du Gard concernant l'accueil des handicapés, masquent une réalité plus lourde : celle du désarroi et des difficultés de centaines de parents gardois. Car, au handicap, vient s'ajouter l'éloignement lorsque les familles trouvent des structures dans d'autres départements, ou simplement, et c'est souvent le cas, l'attente d'une structure d'accueil. La solitude face à la gestion quotidienne du handicap dans des domiciles inadaptés et la nécessité pour l'un des parents d'abandonner son activité professionnelle viennent un peu plus alourdir les conséquences du handicap. Ce déficit en matière de structures d'accueil impose une réponse budgétaire ambitieuse afin de financer les lits et places autorisés les années précédentes, mais non financés, et prendre en compte les taux de suroccupation des établissements. L'Union européenne a consacré en 2003 grande cause européenne la situation des handicapés ; il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quelles sont les mesures budgétaires envisagées pour qu'en 2004, les handicapés gardois et leurs familles aient le sentiment qu'au-delà des mots et des slogans, cette cause n'est pas qu'européenne, mais qu'elle peut être aussi française et gardoise !

Réglementation de l'archéologie préventive

351. - 28 octobre 2003. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la situation juridique de l'archéologie préventive. En effet, si la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 est venue corriger la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 en supprimant le monopole de l'Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP), permettant ainsi le retour d'autres acteurs, notamment les collectivités locales, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas touché aux conditions des prescriptions scientifiques des services régionaux d'archéologie (SRA), de telle sorte que le niveau de prescription ainsi que le coût de leur mise en oeuvre restant très élevés, les dossiers de construction et d'aménagement sont toujours aussi entravés. C'est pourquoi, il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir s'il entend prendre des mesures telles que l'allégement de la nomenclature, l'obligation pour les SRA de motiver et de négocier avec les aménageurs les fouilles qu'ils prescrivent, la création effective d'un instrument objectif et prévisionnel, afin d'alléger ces contraintes.