Après l'article 25 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 25 bis ainsi rédigé :
« Art. 25 bis. - L'expulsion peut être prononcée :
« 1° En cas d'urgence absolue, par dérogation à l'article 24 ;
« 2° Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 ;
« 3° En cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation aux articles 24 et 25. »
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 23 est bien curieux. En effet, il insère, après l'article 25 de l'ordonnance, un article 25 bis qui reprend presque intégralement le texte de l'ancien article 26 de l'ordonnance.
Ainsi, dans le texte proposé, l'expulsion peut être prononcée, premièrement, en cas d'urgence absolue, par dérogation à l'article 24 de l'ordonnance ; deuxièmement, lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 de l'ordonnance, et, troisièmement, en cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation aux articles 24 et 25 de l'ordonnance.
Nous étions prêts à supprimer les articles 24 et 25 de l'ordonnance et à faire de cet article-ci la seule possibilité, au demeurant, très large, d'expulsion administrative, en supprimant totalement l'interdiction judiciaire du territoire.
Si on compare à ce « nouvel » article 25 bis l'ancien article 26, on voit que ce dernier prévoyait, de même, que l'expulsion pouvait être prononcée, premièrement, en cas d'urgence absolue, par dérogation à l'article 24 de l'ordonnance - le texte est identique - ; deuxièmement, lorsqu'elle constituait une « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 de l'ordonnance » - exactement comme dans l'article prétendument créé en cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constituait « une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique » - exactement le texte de l'article prétendument nouveau - l'expulsion pouvait être prononcée par dérogation aux articles 24 et 25.
Enfin, monsieur le ministre - je m'adresse souvent à vous parce que vous, au moins, vous nous écoutez, à défaut de nous entendre toujours - il était ajouté que les procédures prévues ne pouvaient être appliquées à l'étranger mineur de dix-huit ans. Cette mention figurait dans l'ancien article 26, mais n'est plus dans le nouvel article 25 bis inséré par l'article 23.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Parce que c'est dans l'article 24 !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, mais l'article 24, ce n'est pas tout à fait la même chose. Mais enfin...
M. le président. Je mets aux voix l'article 23.
(L'article 23 est adopté.)
L'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 26. - I. - Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 :
« 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;
« 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
« 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1° , à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;
« 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, et ce depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure à la naissance de l'enfant.
« Sauf en cas d'urgence absolue, les dispositions de l'article 24 sont applicables aux étrangers expulsés sur le fondement du présent I.
« Les étrangers relevant du 1° ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière prise en application de l'article 22.
« II. - L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet ni d'un arrêté d'expulsion, ni d'une mesure de reconduite à la frontière prise en application de l'article 22. »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.
Mme Nicole Borvo. Je profiterai de cette prise de parole pour défendre en même temps l'amendement n° 265.
Monsieur le ministre, la protection que le présent article vise à instaurer est un point positif dans un texte qui reste très négatif. Il faut juste prendre cette avancée pour ce qu'elle est, ni plus ni moins. Elle n'est pas une révolution puisqu'elle ne remet pas en cause le principe de la « double peine ».
En tout état de cause, il existe une grande incompréhension sur le fait qu'on supprime l'interdiction du territoire français comme « double peine » mais qu'on maintient la possibilité de reconduite à la frontière en cas d'infraction à la législation sur le séjour des étrangers.
La réforme de la « double peine » ne constitue donc pas un bouleversement. On le sait, de nombreuses situations subsisteront dans lesquelles des individus seront privés de leur seul pays d'attache, la France. Bien que ces individus aient déjà payé leur dette à la société, ils seront reconduits à la frontière, au seul motif d'une nationalité « de papier », car il est bien convenu que leur pays d'attache est la France.
Néanmoins, c'est une avancée face à la logique « guillotine » en vigueur à l'heure actuelle, logique que les associations dénoncent depuis de nombreuses années.
Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à ces associations pour le combat acharné qu'elles ont mené. Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué comment votre position avait évolué. Or vous n'êtes pas un citoyen lambda, et il faut bien dire que l'ensemble de la population, y compris de nombreux politiques, ignorait totalement ce qu'était la « double peine ».
Si le problème a commencé à être compris, c'est bien grâce aux associations qui, depuis des années - bien avant que le Gouvernement ne s'en préoccupe - se sont intéressées à la question.
Il convient aussi de remercier Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Thorn pour les films formidables qu'ils ont réalisés au sujet de tranches de vies brisées. Ils ont ainsi sensibilisé l'opinion publique - peut-être encore faiblement - et une partie de la classe politique. Pour avoir participé à plusieurs débats autour de ces films, j'ai constaté qu'ils contribuaient à lever de nombreuses incompréhensions et à permettre une meilleure perception de ces questions.
Monsieur le ministre, nous vous rendons grâce d'avoir engagé cette réforme qu'avec d'autres, et ils n'étaient pas si nombreux, les parlementaires communistes réclamaient depuis de nombreuses années. Vous avez d'ailleurs pu constater que, depuis quelque temps, nous nous sommes efforcés d'accélérer le mouvement en déposant, chaque fois que cela était possible, des amendements sur différents textes. Evidemment, dans la mesure où ces amendements n'émanaient pas du Gouvernement, ils ont été rejetés.
Cela dit, nous n'allons pas maintenant bouder notre plaisir de voir cette question enfin sortie de l'ombre. Comme l'a souligné Robert Bret, nous sommes favorables à toute avancée, même partielle. Nous n'avons aucun a priori idéologique et nous vous suivrons donc sur ce point, même si nous ne sommes pas entièrement satisfaits, loin s'en faut. Cette position ne change en rien l'appréciation très critique que nous portons sur l'ensemble de votre texte.
L'article 24 du projet de loi définit les catégories de personnes bénéficiant d'une protection absolue contre l'expulsion. Il présente des avancées par rapport au droit actuel, mais elles sont très limitées et risquent d'être sujettes à des interprétations différentes pouvant aboutir à des décisions arbitraires. Tel est le cas de la notion de « comportements de nature à porter atteinte ». Cette expression extrêmement floue risque, une fois l'élan de générosité retombé, de réduire à une peau de chagrin cette amélioration de notre droit. C'est pourquoi, à cette expression vague et subjective, nous vous proposons de substituer la notion juridique d'« indices graves et concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre des actes », notion bien connue en droit pénal.
A l'Assemblée nationale, où le présent amendement a déjà été discuté, le rapporteur a affirmé que l'on se trouvait dans le domaine non pas judiciaire mais administratif. Cette position me semble surréaliste. Ce n'est pas parce que l'on est dans le domaine administratif qu'une notion n'a pas à être juridiquement définie. Je ne comprends pas quel est le problème. Un juge contrôle la légalité des actes de l'administration sur le fondement de la loi et des principes généraux du droit. Rien ne s'oppose, par conséquent, à l'adoption de cette disposition.
M. le président. Je suis saisi de dix-huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 165, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Nous défendrons cet amendement n° 165 avec le même état d'esprit.
L'article 24 définit cinq catégories d'étrangers presque totalement protégés contre cette mesure administrative d'éloignement du territoire.
Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, même s'il a été condamné définitivement à une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement : l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant et qu'il subvienne effectivement à ses besoins.
Le texte précise que l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.
Il précise également que l'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet ni d'un arrêté d'expulsion ni d'une mesure de reconduite à la frontière.
Certes, ce dispositif constitue une avancée substantielle par rapport au droit en vigueur. Mais puisque l'on décide d'aborder ce sujet, qui était tabou jusqu'à présent, allons au bout de la réflexion en supprimant purement et simplement interdiction du territoire. En tout état de cause, cette suppression ne laisserait pas les autorités démunies puisque l'article 23 du projet de loi leur permet de prononcer une expulsion.
Cette mesure est immédiatement exécutoire lorsque la présence d'un étranger sur le territoire national constitue une grave menace pour l'ordre public. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'un étranger expulsé ne peut en aucun cas revenir en France tant qu'il n'a pas obtenu l'abrogation de son arrêté d'expulsion.
M. le président. L'amendement n° 265, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Au début du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, remplacer les mots : "Sauf en cas de comportement" par les mots : "Sauf en cas d'indices graves et concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre des actes". »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. L'amendement n° 166, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "en cas de comportements" par les mots : "s'il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre des actes". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tous nos amendements sont homothétiques de ceux que nous avions déposés sur l'article 22. Nous ne les retirons pas, mais nous ne nous faisons aucune illusion sur leur sort.
Monsieur le ministre, vous savez que de nombreuses personnes qui ne devraient pas être interdites du territoire français risqueront de l'être judiciairement.
Dans ce cas, la solution s'impose : il faut demander la grâce présidentielle. J'ai d'ailleurs connu un président de la République qui, dans des cas similaires, a largement fait usage de son droit de grâce. Ceux qui en ont bénéficié lui en sont reconnaissants ; ils ont amplement mérité la confiance qui leur a été faite.
Monsieur le ministre, nous nous permettrons, les uns et les autres, de vous signaler des cas qui ne sont pas prévus par la loi, telle que vous êtes en train de la faire voter. Nous vous demanderons d'intervenir auprès de la présidence de la République pour appuyer des demandes de grâce. Au moins cette démarche permettra-t-elle de répondre au souci qui est le nôtre, mais qui est également celui de M. Pinte puisqu'il a déposé des amendements identiques à ceux que nous soumettons aujourd'hui à votre examen.
M. le président. L'amendement n° 167, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet amendement est homothétique.
M. le président. L'amendement n° 168, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer le mot : "vingt" par le mot : "quinze". »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Amendement homothétique.
M. le président. L'amendement n° 170, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa (3°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Amendement homothétique.
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par M. Béteille et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, après les mots : "depuis plus de dix ans et qui" insérer les mots : ", ne vivant pas en état de polygamie,". »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à lutter contre la polygamie. Il se justifie par son texte même.
M. le président. L'amendement n° 169, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du quatrième alinéa (3°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Amendement homothétique !
M. le président. L'amendement n° 266 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le cinquième alinéa (4°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« 4° L'étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il contribue effectivement à l'entretien ou à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. L'article 24 du projet de loi fixe des conditions extrêmement rigoureuses pour bénéficier d'une protection absolue contre des mesures d'expulsion.
En effet, il est prévu que le parent d'un enfant français vive régulièrement sur le territoire français depuis dix ans pour prétendre à cette protection, étant entendu qu'il doit contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance, ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure à la naissance.
On sait que la réforme de la « double peine » a un double objet : d'une part, prendre en considération la situation de la personne qui est devenue française de fait, par les liens qu'elle a créés avec la France ; d'autre part, ne pas faire payer de façon démesurée la famille par ricochet - c'est vous-même, monsieur le ministre, qui l'avez souligné -, particulièrement les enfants en les privant de père ou de mère.
Imposer une condition de durée aussi longue empêche d'atteindre ce but. C'est pourquoi nous vous proposons de la supprimer et de prévoir une protection pour tout parent d'enfant français dès lors qu'il assume son rôle de parent.
M. le président. L'amendement n° 172, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans l'antépénultième alinéa (4°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Homothétique !
M. le président. L'amendement n° 171, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après les mots : "d'un enfant français mineur", supprimer la fin de l'antépénultième alinéa (4°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Homothétique !
M. le président. L'amendement n° 173, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans l'antépénultième alinéa (4°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, après les mots : "contribuer effectivement à l'entretien" remplacer le mot : "et" par le mot : "ou". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Homothétique !
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans l'antépénultième alinéa (4°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, après les mots : "prévues par l'article 371-2 du code civil", insérer les mots : "sauf dans le cas où il est dans l'impossibilité de travailler". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Homothétique !
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par MM. Béteille, Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Après les mots : "code civil", rédiger comme suit la fin du cinquième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :
« Lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à sa naissance, la condition de contribution à son entretien et à son éducation doit être satisfaite depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. L'article 24 du projet de loi vise à instaurer et à définir les catégories d'étrangers qui bénéficieront d'une protection absolue contre des mesures d'expulsion et, pour certains, contre des mesures de reconduite à la frontière.
De la même manière qu'y procède l'amendement précédent, il s'agit de préciser que la condition de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, et ce depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an, n'est requise que lorsque l'enfant a été reconnu postérieurement à sa naissance. Lorsque l'enfant a été reconnu dès sa naissance, il ne sera pas nécessaire d'établir la contribution à son entretien et à son éducation depuis son enfance ou depuis un an.
Cet amendement vise donc à une simplification.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par MM. Gélard, Béteille et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Après le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions prévues aux 3° et 4° ne sont toutefois pas applicables lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. L'article 24 du projet de loi prévoit certaines exceptions à la protection absolue dont bénéficieront plusieurs catégories d'étrangers contre des mesures d'expulsion. Ces exceptions sont justifiées par la nature même de certains comportements des étrangers particulièrement graves au regard de la sûreté de l'Etat et du respect de l'ordre public, comportements remettant également en cause la sincérité de leur attachement à la France et aux valeurs essentielles de la République.
Ainsi la protection absolue dont bénéficient certains étrangers peut-elle être écartée lorsque leurs comportements sont de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, sont liés à des activités à caractère terroriste ou constituent des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes.
Pour autant, il convient d'apporter une exception supplémentaire à cette protection. Si celle-ci demeure, au regard de la hiérarchie des peines, une infraction moins grave que les précédentes, elle trouve ici sa place en raison de sa nature même. En effet, lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger, il convient de permettre cette expulsion dans le but de protéger les victimes elles-mêmes ; seule l'interdiction du territoire français, permettrait alors de garantir leur protection.
Il s'agit donc de protéger le conjoint et les enfants de l'étranger quand ils sont victimes des agissements de celui-ci.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très juste ! Heureusement qu'il y a des juristes.
M. le président. L'amendement n° 267, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après le cinquième alinéa (4°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° _ L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je tiens à présenter cet amendement qui a déjà fait l'objet d'une discussion en commission, à l'issue de laquelle nous avions accepté de remplacer l'expression « pays dont il est originaire » par celle de « pays de renvoi ». Je souhaite tout de même expliquer pour quelles raisons nous avions envisagé cette rédaction.
Par cet amendement, nous vous proposons de protéger contre une mesure d'expulsion une personne en raison de son état de santé. Je sais, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que je ne suis pas la seule à avoir le souci d'éviter des situations inhumaines, telles que le renvoi de personnes gravement malades au péril de leur vie. On peut s'accorder sur cette disposition.
La rédaction peut effectivement poser problème, mais dans la mesure où nous avons voulu, dans le présent amendement et dans celui protégeant ces personnes contre une interdiction du territoire français, viser non pas le pays de renvoi, mais le pays d'origine, j'aimerais expliquer les raisons pour lesquelles nous avions retenu cette rédaction.
La gestion de l'immigration se fait, comme on le sait, par le biais d'accords de réadmission. Or cette pratique n'est pas sans poser problème dans la mesure où, comme je l'ai dit à maintes reprises, elle aboutit à faire peser sur d'autres pays la gestion d'un phénomène que la France, et a fortiori les pays tiers, comme le Sénégal et le Maroc, ne sont pas toujours capables de régler.
Par ailleurs, il serait indispensable de s'assurer des conditions dans lesquelles les personnes peuvent être prises en charge dans le pays de renvoi, sur le plan aussi bien médical que financier. J'aimerais connaître le sentiment du Gouvernement sur ce sujet. En tout état de cause, il est possible de revoir la rédaction de l'amendement...
M. le président. L'amendement n° 318, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, après la référence : "1°" insérer la référence "et du 5°". »
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cet amendement de coordination, conformément à l'engagement que j'ai pris devant M. Bret et à ce que j'ai indiqué à MM. Dreyfus-Schmidt et Mahéas lors de l'examen de l'article 22, vise à faire bénéficier les étrangers les plus malades d'une protection absolue contre les mesures de reconduite à la frontière.
M. le président. L'amendement n° 305, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas au département de la Guyane. »
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Compte tenu de ce qui a été précisé lors de l'examen de l'article 22, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 305 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 165 vise à supprimer l'article 24 du projet de loi, qui crée, à l'article 26 de l'ordonnance, des protections absolues contre les mesures d'expulsion de certaines catégories d'étrangers. Il est contraire à la position de la commission des lois. Celle-ci est en effet favorable à la création de ces protections absolues, car elles constituent un élément essentiel de la réforme de la « double peine ».
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 165.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 265.
Elle l'est aussi, pour les mêmes raisons, à l'amendement n° 166 : il ne lui semble pas utile de modifier les termes prévus par le projet de loi, lesquels laissent une certaine marge d'appréciation à l'administration.
De même, la commission est défavorable aux amendements n°s 167, 168 et 170.
En revanche, par coordination avec la position exprimée sur l'amendement n° 220, il convient d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 221, qui apporte une précision utile.
L'amendement n° 169 a pour objet de supprimer la condition imposant que la communauté de vie n'ait pas cessé pour qu'un étranger marié à un ressortissant français puisse bénéficier de la protection absolue contre un arrêté d'expulsion. Il n'est pas souhaitable d'effectuer une telle modification, le dispositif prévu étant cohérent.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 266 rectifié prévoit une nouvelle rédaction pour le 4° de l'article 26 de l'ordonnance telle que modifiée par l'article 24 du projet de loi. Il s'agit ainsi de prévoir que les étrangers parents d'enfants français n'auront pas à justifier d'une résidence régulière de dix ans et que les conditions d'entretien et d'éducation de l'enfant seront alternatives.
Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui est favorable au dispositif cohérent et équilibré mis en place dans le projet de loi.
De plus, l'amendement n° 266 rectifié s'appuie sur les conditions d'entretien et d'éducation prévues par l'article 371-2 du code civil.
En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 172 vise à remplacer l'exigence de résidence régulière par l'exigence de résidence habituelle pour l'étranger, parent d'un enfant français mineur et souhaitant bénéficier de la protection absolue contre la mesure d'expulsion.
La position de la commission sur cet amendement est identique à celle qu'elle a exprimée sur l'amendement n° 167 présenté par les mêmes auteurs : défavorable.
L'amendement n° 171, pour les mêmes raisons, est contraire à la position de la commission, qui est favorable au dispositif cohérent et équilibré proposé en matière de réforme de la « double peine », et qui a donc exprimé un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 173, la commission a émis le même avis défavorable que sur l'amendement n° 160.
S'agissant de l'amendement n° 174, par coordination avec la position exprimée sur l'amendement n° 142, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
L'amendement n° 115 ayant un objet identique à l'amendement n° 114, la commission a donc exprimé un avis favorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand un amendement durcit le texte, vous êtes d'accord !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Eh oui !
L'amendement n° 116 a pour objet de prévoir, comme pour la peine d'interdiction du territoire français à l'article 38 du projet de loi, que l'étranger ne pourra bénéficier d'une protection absolue contre un arrêté d'expulsion si les faits à l'origine de cette mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de cet étranger, c'est-à-dire à l'encontre de ceux-là mêmes qui lui permettent de ne pas être expulsés.
La commission a, évidemment, émis un avis favorable sur cet amendement n° 116.
Elle est également favorable aux amendements n°s 267 et 318 puisqu'il s'agit d'empêcher l'expulsion des étrangers malades résidant habituellement en France lorsqu'ils ne peuvent pas être soignés dans leur pays d'origine.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 165 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 265.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 221.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Daniel Hoeffel au fauteuil de la présidence.)