Au 1° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 150 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 253 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 150.
M. Louis Mermaz. Aujourd'hui, le conjoint d'un ressortissant français peut se voir délivrer une carte de résident lorsqu'il est marié depuis au moins un an à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil.
Il nous est proposé de porter cette durée de un an à deux ans. Cela s'inscrit dans votre logique de précarisation. D'ailleurs, je ne vois pas du tout en quoi le fait d'allonger d'un an la durée du mariage dissuaderait les fraudeurs qui, heureusement, ne sont guère nombreux. En fait, votre démarche relève toujours de la même obsession. Pourquoi ne pas placer, à chaque poste frontière, un panneau portant l'avertissement : « Défense d'entrer, chien méchant » ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 253.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, cet article s'intègre bien dans la logique d'affichage idéologique de votre projet de loi.
L'allongement de la durée nécessaire à l'obtention d'une carte de résident est destiné à lutter contre le mariage frauduleux. D'abord, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la corrélation implicite entre mariage mixte et mariage suspect doit vraiment être combattue. Tous les mariages mixtes ne sont pas frauduleux, il faut le rappeler, ne serait-ce que par égard pour les couples mixtes qui vivent sur notre territoire et qui y fondent une famille.
Il y a 40 000 mariages mixtes par an ; que je sache, il n'y a pas 40 000 mariages frauduleux ! D'autant que, si l'on estime qu'il y a fraude dès lors que le mariage a été contracté pour d'autres buts que ceux qui sont liés aux obligations du mariage, alors de nombreux mariages entre Français peuvent être qualifiés de frauduleux.
Pour ma part, je ne trouve pas plus choquante la situation d'un couple mixte amoureux qui se marie pour faciliter l'accès au séjour de l'un d'entre eux que celle d'un couple français qui passe devant le maire pour des raisons fiscales.
Pour tous ces « vrais couples », comme vous tentez de les appeler, la durée étendue à deux ans fait peser sur l'union une suspicion néfaste à la construction du couple, aggravée, on le sait, par les dispositions que la commission des lois nous proposera quant à la naturalisation. A ce titre, elles ne sont pas de nature à encourager leur intégration dans la vie de la cité.
Quant à l'efficacité de ces dispositions pour lutter contre les mariages frauduleux, nous sommes également sceptiques, comme le disait M. Mermaz. Tout d'abord, la durée d'un an de mariage et de vie commune pour l'obtention de la carte de résident n'a pas été choisie par hasard. Elle correspond ni plus ni moins au délai dans lequel peut être invoquée la nullité du mariage telle qu'elle est prévue par les articles 183 et 190-1 du code civil.
Par ailleurs, il n'est pas certain que de telles dispositions soient de nature à enrayer de quelque façon que ce soit les filières exitantes, même s'il s'agit souvent moins de mafia que de pressions familiales ou communautaires. Je doute en effet, monsieur le ministre, que l'allongement de la durée de mariage décourage l'utilisation frauduleuse de l'institution matrimoniale.
Si vous lisez les récits rapportés par les associations qui se préoccupent du sort des femmes victimes de mariages forcés - car, hélas ! cela existe, dans un but frauduleux ou non -, vous constaterez au contraire que l'allongement de la durée du mariage ne peut avoir que des conséquences dramatiques pour les femmes qui subissent ces mariages forcés. Il ne faut pas exclure qu'il aboutisse en réalité à une séquestration et à un calvaire plus long.
Certes, monsieur le rapporteur, vous avez prévu des dispositions aux articles 7 et 28 tendant à protéger ces femmes victimes de violence en cas de rupture de la vie commune, mais cela ne sera qu'un faible rempart dans les situations de domination dans lesquelles elles se trouvent : un gain maigre pour des conséquences néfastes dans la plupart des cas.
Vous comprendrez dès lors que nous soyons totalement opposés à l'article 11 du projet de loi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces deux amendements remettraient en cause une disposition allongeant de un à deux ans la durée de mariage nécessaire à un ressortissant étranger conjoint de Français pour obtenir une carte de résident. L'allongement de cette durée de mariage reprend pourtant les propositions du rapport Weil qui avait inspiré la version initiale du projet de loi RESEDA en 1998.
M. Jacques Mahéas. Nous avions obtenu un an !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il permettrait de renforcer la lutte contre les mariages de complaisance dans le respect de la liberté matrimoniale et est justifié par l'importance de la carte de résident dans le parcours d'intégration des étrangers.
Ces amendements identiques s'opposent donc à une mesure qui est nécessaire. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce que vient de dire M. le rapporteur est très important. Je n'ai pas inventé cette idée, je l'ai trouvée dans le rapport Weil, qui avait été commandé par Lionel Jospin. Ce dernier a couvert d'éloges à de nombreuses reprises et à juste titre M. Weil, qui est l'un des grands spécialistes de la question. Je rappelle même les termes du rapport Weil : « Soumettre l'accès aux avantages durables attachés au mariage au maintien de la communauté de vie pendant deux ans. ». A l'époque, M. Chevènement avait également retenu dans son projet une durée de deux ans.
M. Jacques Mahéas. L'Assemblée nationale avait voté contre !
M. Louis Mermaz. A une époque où l'Assemblée nationale avait plus de libertés qu'aujourd'hui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne protestez pas immédiatement quand ça vous fait mal : cela en devient pathétique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
On peut être contre ces deux ans, monsieur Mahéas. Mais dire qu'il s'agit d'une mesure inhumaine alors que j'ai pris cette idée dans un rapport commandé par M. Jospin...
M. Louis Mermaz. Il n'y a pas d'infaillibilité !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... qui, en d'autres temps, était votre guide et votre référence, voilà qui est drôle, si ce n'était sinistre pour vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas une réponse, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est vrai que même MM. Pasqua et Debré n'avaient pas trouvé cette idée. Vous faites l'éloge de M. Weil, qui, à vos yeux, est une merveille...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La rime est riche ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous faites presque l'éloge de M. Chevènement, ce qui n'est pas toujours le cas.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que le groupe socialiste du Sénat avait combattu la loi Chevènement sur de nombreux points, en particulier sur la double peine. Il est vrai qu'une majorité résiste beaucoup plus difficilement à la pression à l'Assemblée nationale. Or le groupe socialiste de l'Assemblée nationale n'avait pas accepté cette disposition. Aujourd'hui, vous venez nous dire que vous l'avez trouvée dans le rapport Weil : c'est trop facile ! Quand vous nous critiquez, nous sommes les derniers des derniers mais, quand cela vous arrange, vous donnez en exemple le gouvernement Jospin !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela vous gêne, apparemment.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne nous gêne pas du tout, mais nous sommes obligés de corriger ce qui nous paraît inexact ou présenté de manière tendancieuse dans vos propos.
De quoi s'agit-il en l'occurrence, puisque c'est le fond qui compte ? Vous prônez dans votre projet de loi de très nombreuses dispositions pour empêcher les mariages frauduleux. Vous en faites des mariages blancs, délit sévèrement puni par la loi pénale lorsqu'il n'y a pas d'autre intention que de détourner la loi.
Vous décidez que le maire peut s'y opposer, avoir un entretien particulier avec les intéressés, alerter le procureur de la République, etc. Une fois que tous ces obstacles auront été franchis, que le mariage aura été prononcé, une période d'un an est tout de même suffisante. Tout le monde a toujours considéré que c'était suffisant pour obtenir une carte de séjour temporaire.
De surcroît, vous donnez au conjoint une arme extraordinaire : « à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé. » Le conjoint peut exercer un chantage extraordinaire en menaçant de demander le divorce, de rompre la communauté de vie et, ce faisant, de faire renvoyer l'autre dans son pays.
En l'état actuel de la législation, c'est déjà le risque pour quelqu'un qui, par définition, s'est installé, a trouvé un travail. Or, vous durcissez des conditions qui sont déjà extrêmement dures. Une fois de plus, vous précarisez davantage celui qui est entré régulièrement en France.
Nous n'aurons de cesse de vous le répéter, comme M. Courtois nous a répété ce que vous aviez dit, à savoir qu'il s'agit de lutter contre l'immigration irrégulière, de manière à conforter ceux qui sont régulièrement installés. Mais ce n'est pas vrai, vous faites le contraire, vous précarisez la situation de ceux qui sont entrés régulièrement sur notre territoire, qu'il s'agisse de l'article 11 ou de bien d'autres articles. A chaque fois, nous vous mettrons en face de vos contradictions.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 150 et 253.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Le 3° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet article est de la même veine que les précédents. Là encore, à toutes les lois sur l'immigration avait survécu la disposition de l'ordonnance de 1945 selon laquelle une carte de résident était délivrée - auparavant pour cinq ans, maintenant pour trois ans - « à l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France ».
Vous êtes pour le regroupement familial dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons, mais vous en acceptez tout de même le principe. De la même façon, vous admettez qu'un enfant français ait le droit d'avoir en France son père et sa mère. Or un étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France se voyait délivrer une carte de résident « à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ».
Vous avez corrigé l'ordonnance de la manière suivante : la carte de résident a été refusée ou retirée à un père qui, en instance de divorce, détenait l'autorité parentale mais ne l'exerçait pas parce que la mère ne voulait pas lui confier l'enfant ; il ne subvenait pas à ses besoins pour la bonne et simple raison qu'il n'avait pas le droit de travailler. Mais c'était un bon père qui ne demandait qu'à travailler pour subvenir aux besoins de son fils et pour le voir. C'est tellement vrai que, dans le cas que je vous expose, il a été finalement admis qu'il puisse travailler et, ce faisant, il a pu verser une pension alimentaire à la mère.
Et vous prétendez modifier cette disposition, qui constituait pourtant un minimum. Désormais, l'étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France devrait exercer même partiellement l'autorité à l'égard de cet enfant et avoir subvenu effectivement à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la demande du titre. C'est incroyable !
Le texte en vigueur était largement suffisant. Aujourd'hui, vous exigez les deux conditions : qu'il exerce l'autorité parentale et qu'il ait effectivement subvenu depuis la naissance aux besoins de son enfant. S'il ne l'a pas fait les premiers temps parce qu'il ne pouvait travailler, ou s'il n'a subvenu aux besoins de son enfant de huit mois qu'à partir du deuxième mois, c'est terminé ! A la date de la demande du titre, il faut qu'il subvienne aux besoins de son enfant depuis au moins deux ans.
Ne croyez-vous pas que vous précarisez encore une fois l'étranger entré en France régulièrement et, qui plus est, le père d'un enfant français ? Vous allez obliger le père ou la mère d'un enfant français à retourner dans son pays. C'est l'enfant français que vous privez ainsi de son père ou de sa mère !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le temps de parole de cinq minutes est écoulé, monsieur le président !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est totalement inadmissible, c'est pourquoi nous vous demandons instamment la suppression de l'article 12.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 151 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 256 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement n° 151.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, à ce stade de la discussion, il semble qu'il y ait de votre part un blocage total. Vous voulez maîtriser l'immigration. Nous n'avons pas été, sur ce projet de loi, des opposants systématiques.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ça...
M. Jacques Mahéas. Vous avez vous-même négocié avec votre majorité afin qu'elle revienne à des positions plus réalistes concernant les visas. Sur ce point, nous sommes parvenus à un accord. Nous vous avons ainsi donné l'outil vous permettant de vérifier l'entrée sur notre sol de travailleurs migrants ou le regroupement familial de migrants.
Vous nous avez dit que vous souhaitiez, à partir de là, mieux intégrer les étrangers. Il est vrai que, sur la double peine, vous avez fait un pas, même si, à l'Assemblée nationale, vous avez rejeté la proposition des socialistes.
Mais, par cet article, franchement, vous désintégrez les étrangers ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Les précariser de cette façon, c'est méconnaître l'expérience du terrain. Je suis maire d'une commune du département de Seine-Saint-Denis, département touché par l'immigration ; mais combien de réussites d'étrangers, parfois dans des travaux simples que les Français ne veulent pas faire, y sont dénombrées ! Ces réussites d'intégration font progresser et feront progresser notre pays.
Or, le texte qui nous est soumis comporte toute une série de dispositions qui précarisent les étrangers en matière de conditions d'octroi de la carte de résident, de résidence, d'activité professionnelle, de mariage, et désormais en matière d'autorité parentale !
S'agissant de l'autorité parentale, nous vous invitons à supprimer l'article 12 du projet de loi pour revenir au droit positif de l'article 15-3° de l'ordonnance.
Une fois de plus, en supprimant le cas du père étranger ou de la mère étrangère d'un enfant résidant en France, vous réduisez les cas qui ouvent droit à la délivrance de plein droit d'une carte de résident. Vous justifiez cette disposition par le fait qu'une nouvelle catégorie de fraudeurs, « les pères complaisants, » auraient détourné la loi : rien que cela ! L'expérience que j'ai dans ma commune est différente. Pourtant, la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a donné une définition stricte de l'autorité parentale qui suffit à lutter contre ces paternités dites « de complaisance ».
Franchement, monsieur le ministre, avez-vous vraiment pris la peine de lire la définition retenue par la loi du 4 mars 2002 ? Je me permets de vous donner lecture du nouvel article 372 du code civil :
« Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale.
« Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant.
« L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales. »
M. le président. Monsieur Mahéas...
M. Jacques Mahéas. Franchement, ne pensez-vous pas que c'est suffisant ? Que voulez-vous faire de plus ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les cinq minutes de temps de parole ne sont-elles pas écoulées, monsieur le président ?
M. Jacques Mahéas. Voulez-vous que cette intégration ne se fasse pas ? Vous avez vous-même - j'ose l'espérer - rencontré des étrangers lors de vos permanences. Mais peut-être qu'à Neuilly-sur-Seine ce ne sont pas les mêmes qu'à Neuilly-sur-Marne ! Cela étant, vous connaissez les difficultés auxquelles ils se heurtent pour obtenir un logement...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas. ...même dans des sociétés d'HLM qui ont des logements très sociaux. Compte tenu des exigences de ressources et du fait que, pendant deux ans, ils ne pourront pas travailler, comment voulez-vous, dans de telles conditions, qu'ils puissent élever leurs enfants d'une façon normale ? Très franchement, cette future loi est dure...
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Mahéas.
M. Nicolas Sarkozy, ministre.
Là, les cinq minutes sont dépassées !
M. Jacques Mahéas. ... extrêmement dure pour des personnes qui, souvent, sont en grande difficulté.
M. le président. Monsieur le ministre, j'ai l'habitude de présider et de faire respecter le règlement. Chaque orateur a droit à cinq minutes. Je vous demande donc de cesser vos pressions.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, j'espère que vous n'avez pas connu de pression plus sévère que celle que je viens d'exercer à l'instant !
M. le président. Cela fait trois fois que vous me reprenez !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'espère que cela ne vous choque pas que le rapporteur et moi-même devisions sur la pertinence de l'intervention de M. Mahéas, qui était d'ailleurs fort intéressante, et sur la durée de celle-ci, qui faisait suite à celle, fort intéressante également, de M. Dreyfus-Schmidt. Je pense que, d'ailleurs, n'ont fait de pressions ni le Gouvernement, ni le rapporteur, ni qui que ce soit. En tout cas, monsieur le président, elles étaient tellement légères qu'elles ont dû être précédées par vous-même de trois rappels à l'ordre à l'orateur, au demeurant fort bienvenus, courtois, c'est vrai, peut-être amicaux. Il n'y avait donc pas vraiment de pression, monsieur le président.
Par ailleurs, nous savons que vous êtes un excellent président. C'est l'occasion pour le Gouvernement de le souligner une nouvelle fois ! (Sourires.)
M. le président. Voilà ! Restons-en là !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bien sûr, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 256.
M. Robert Bret. Il y a certainement des minutes qui sont plus ou moins longues selon l'orateur et le sujet ! (Nouveaux sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est une pression !
M. Robert Bret. Rassurez-vous, je ne vais pas utiliser mes cinq minutes de temps de parole !
Cet article 12, dont le rapporteur de la commission des lois nous propose l'adoption sans modification, supprime l'obtention de plein droit de la carte de résident pour les parents d'enfants français.
En l'état actuel de l'ordonnance de 1945, l'étranger père ou mère d'un enfant français - à condition qu'il ait une présence régulière en France, qu'il ne présente pas de menace pour l'ordre public et qu'il ne vive pas en état de polygamie - obtient de plein droit la carte de résident dès lors qu'il subvient aux besoins de l'enfant ou qu'il exerce à son égard, même partiellement, l'autorité parentale.
Au nom de la lutte contre l'augmentation des « paternités de complaisance », il avait été choisi dans le projet de loi initial de rendre les conditions d'exercice de l'autorité parentale et de prise en charge effective cumulatives et non plus alternatives.
En outre, lorsque la reconnaissance de l'enfant avait eu lieu après sa naissance, une durée de deux ans était exigée.
Les députés ont choisi une solution plus simple et beaucoup plus radicale. Rapprochée des dispositions que vous venez d'adopter à l'article 10, elle impose dorénavant au parent d'enfant français d'apporter la preuve d'une résidence ininterrompue et du bénéfice de la carte de séjour temporaire pendant deux ans pour bénéficier du titre de résident.
Cette modification, nous la regrettons dans la mesure où elle n'incite pas à la stabilisation des familles au vu de la précarité qui s'attache à la carte de séjour temporaire.
Dans la plupart des cas, ce sera le père qui sera pénalisé. Les nouvelles procédures applicables paraissent aller à l'encontre de l'institution de la coparentalité et du renforcement du rôle des pères, préoccupation qui avait pourtant semblé être partagée sur l'ensemble des bancs du Parlement à l'heure où, on le sait, dans près d'un tiers des séparations, l'enfant n'a plus aucun lien avec son père à l'issue d'une année.
Cette disposition fragilisera un peu plus les enfants des couples mixtes, enfants pour qui il n'est déjà pas évident de se construire. C'est pourquoi nous sommes défavorables au présent article 12, dont nous demandons la suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est défavorable aux deux amendements identiques de suppression, qui tendent à s'opposer à la réforme de la délivrance de la carte de résident par le projet de loi qui prévoit, à l'article 10, l'obtention d'une carte de résident par les parents d'enfants français résidant en France depuis au moins deux ans et titulaires, depuis également deux ans, d'une carte de séjour temporaire, en répondant encore aux conditions prévues pour son obtention, sous réserve d'une absence de polygamie.
Or le système retenu préserve l'équilibre du dispositif initial sans remettre en cause la loi du 4 mars 2002 et tend à empêcher l'accession d'un étranger au statut de résident du seul fait de la reconnaissance d'un enfant dont il ne s'occupe pas, protégeant l'intérêt de ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même avis. Notez, monsieur le président, que je respecte mon temps de parole ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 151 et 256.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M.
le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10
:
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour | 114 |
Contre | 199 |
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
I. - Le 5° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est abrogé.
II. - Dans l'avant-dernier alinéa du même article, la référence : « 5° , » est supprimée.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 152 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 257 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 25, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer le II de cet article. »
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement n° 152.
M. Jacques Mahéas. Par cet amendement, nous vous invitons à supprimer l'article 13 du projet de loi.
En fait, il s'agit d'un amendement de coordination qu'il conviendrait de réserver jusqu'à l'article 28, si c'était possible...
Nous sommes favorables à la suppression de l'article 13, qui, par l'abrogation du 5° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remet en cause le regroupement familial en cohérence avec l'article 7 du projet.
Désormais, un étranger qui arrive en France au titre d'un regroupement familial ne bénéficiera plus du même titre de séjour que la personne qu'il est venu rejoindre. Ainsi, les membres bénéficiaires du regroupement n'auront désormais qu'une carte de séjour temporaire. Vous ne cessez, monsieur le ministre, de parler d'intégration, mais comment comptez-vous gérer le fait que, dans une même famille, certains auront une carte de résident, alors que d'autres auront un titre de séjour temporaire ?
Cette mesure va engendrer plus de précarité et d'insécurité sociale, et la situation est sans espoir dans la mesure où les conditions d'obtention de la carte de résident sont désormais plus strictes, notamment avec l'obligation de résidence non interrompue depuis cinq ans.
De plus, je pense très sincèrement que votre projet va créer des situations contraires à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, que je relisais tout à l'heure et qui est relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 257.
Mme Nicole Borvo. Je regrette qu'il n'y ait pas de débat sur les amendements que nous déposons puisque M. le rapporteur se borne à indiquer qu'ils sont contraires à l'esprit du projet de loi. C'est certain, mais nous aimerions aller plus avant dans les arguments, et savoir pourquoi les articles, qui sont censés répondre à un objectif, n'y répondent en réalité pas, et ne sont simplement qu'un affichage de restriction des droits des personnes.
S'agissant de l'article 13, je dirai la même chose que M. Mahéas : il faut bien avoir conscience que cette modification est lourde de sens pour les familles, puisque, au sein d'un même foyer, coexisteront désormais différents statuts qui ne donnent pas accès aux mêmes droits. De plus, la situation durera au moins deux ans, puisque telle est la durée qui a été adoptée à l'article 7 pour l'accès à la carte de résident des membres de la famille.
J'avoue ne pas comprendre le sens de cette restriction, qui vise - il faut le rappeler - la famille d'étrangers installés régulièrement sur le territoire, y compris ceux qui ont une résidence durable via l'obtention que vous avez rendue plus difficile d'une carte de résident.
Vous multipliez les obstacles à une bonne intégration des immigrés en France, que vous appelez pourtant, dans vos discours, de vos voeux. L'accueil devrait conduire, au contraire, à privilégier l'installation stable des familles.
En revanche, une telle disposition n'aura aucun effet sur la lutte contre l'immigration clandestine. C'est pourquoi nous sommes tout à fait opposés au présent article. Peut-être va-t-on cette fois nous expliquer en quoi nous avons tort !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vais le faire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 25 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n° 152 et 257.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 25 est un amendement de coordination. Le II du texte issu de l'Assemblée nationale a été déplacé dans un article additionnel après l'article 14 du projet de loi.
La commission des lois est défavorable aux amendements identiques de suppression n°s 152 et 257 qui ont pour objet de supprimer l'article 13 du projet de loi tendant à prévoir la suppression de la délivrance de plein droit d'une carte de résident pour les enfants et le conjoint d'un étranger titulaire d'une carte de résident qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial.
Ces amendements sont donc contraires à la position générale de la commission des lois. Celle-ci est favorable à l'article 13, qui constitue une conséquence de la règle posée au III de l'article 29 de l'ordonnance, tel que modifié par l'article 28 du projet de loi, selon lequel les membres de la famille entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial recevraient désormais de plein droit une carte de séjour temporaire, quelle que soit la nature du titre de séjour détenu par l'étranger qu'ils viennent rejoindre.
La commission est favorable à l'évolution en ce sens du droit au regroupement familial.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Borvo, c'est pourtant simple ! Cette mesure est directement inspirée de la demande d'un certain nombre d'associations d'étrangers, émanant notamment de la communauté turque.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous ne remettons pas du tout en cause le principe du regroupement familial. Ce serait absurde ! Le regroupement familial est un droit, et nous le réaffirmons. Mais nous ne voulons plus que, sur le territoire de la République française, des épouses soient tenues prisonnières, enfermées dans l'appartement familial durant des années, sans que personne ne se préoccupe de leur intégration. Madame Borvo, ce n'est pas vous qui pouvez vous satisfaire d'une telle situation !
A partir du moment où le titre de séjour de l'épouse amenée volontairement sur le territoire national dépend uniquement de son mari, pourquoi voulez-vous que celui-ci se donne la peine de la faire bénéficier de mesures d'intégration, telles que l'apprentissage du français, par exemple ? Voilà comment des femmes restent cloîtrées, esclaves au sein de leur famille !
Bien sûr, nous sommes favorables au regroupement familial, car il est normal pour un étranger résidant en France de faire venir son épouse. Avec une telle mesure, nous prévenons ces maris qu'ils seront désormais obligés, à partir du moment où ils feront venir leurs épouses sur le territoire français et s'ils veulent que celles-ci bénéficient d'un titre de séjour de longue durée, de les sortir des appartements où elles sont cloîtrées et de leur donner la chance de s'intégrer, en les inscrivant, par exemple, à des cours d'alphabétisation - cela peut être nécessaire - ou à des cours de français, tout simplement.
M. Jacques Mahéas. Mais que deviendra l'épouse en cas d'échec ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les débats que nous avons eus ont montré que vous n'aviez pas la même vision que nous des conditions d'intégration. Pourquoi pas ? Mais à partir du moment où une personne désire s'installer pendant dix ans sur notre territoire, il est tout de même normal qu'elle prouve sa volonté.
Je ne prétends pas que la proposition du Gouvernement est parfaite, mais elle sera en tout cas fort utile pour les femmes. Si elle est adoptée, ce sont quelques 400 000 personnes d'origine turque qui seront obligées de proposer à leurs épouses des cours de français pour faciliter l'intégration de ces dernières.
Je suis tout à fait prêt à chercher des solutions en cas d'échec,...
M. Jacques Mahéas. Voilà !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ...mais à condition que vous reconnaissiez que la mesure proposée est une mesure de sauvegarde pour des femmes aujourd'hui esclaves dans leur propre famille.
Vous pouvez proposer des solutions, monsieur Mahéas ! Comprenez bien que je ne remets pas en cause le regroupement familial. Je ne veux plus de femmes, d'un certain âge et de certaines communautés, cloîtrées dans leur appartement. (M. Jean-Jacques Hyest approuve.) Notre proposition permettra de débloquer la situation.
D'ici à la fin du débat, nous pourrons peut-être trouver une solution pour les personnes qui n'auront pas donné de gages suffisants. Auront-elles une seconde chance ?
Madame Borvo, la bonne foi du Gouvernement sur cet article est totale. La preuve : il nous a été soufflé par des associations de femmes étrangères en France qui ne supportent plus d'être prisonnières au sein de leur cellule familiale.
MM. Jean-Jacques Hyest et Gérard Cornu. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 25.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 152 et 257.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Personne n'a semblé entendre tout à l'heure notre collègue Jacques Mahéas demander la réserve de l'article 13 qui est, en fait, un petit bout de l'article 28. Le projet de loi est vraiment curieusement conçu !
J'insiste donc, car c'est effectivement à l'article 28 que nous aborderons le problème du regroupement familial. En tout état de cause, celui-ci sera rendu beaucoup plus difficile si le texte proposé par le Gouvernement et par la commission des lois est adopté. Quand nous en serons parvenus à l'article 28, nous aurons certainement un large débat sur le regroupement familial pour savoir quelles doivent être les ressources, comment doivent être vérifiées les conditions de logement et quelle carte doit être délivrée.
Je demande donc, monsieur le président, la réserve de l'article 13. Si elle n'est pas accordée, je reprendrai mon explication de vote, mais j'espère qu'elle le sera. Nous n'allons tout de même pas hacher les débats en petits morceaux !
Mme Nicole Borvo. Nous formulons la même demande, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par le groupe socialiste et par le groupe CRC.
La réserve n'est pas ordonnée.
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a en France 60 000 personnes incarcérées, et dans des conditions inhumaines. Mais voilà que l'on apprend qu'il y a pire : 400 000 femmes turques seraient enfermées...
M. Gérard Braun. Non, il y a 400 000 Turcs en France !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et il n'y a pas que des femmes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Combien y a-t-il de Turques sur notre territoire ?
M. Paul Girod. La moitié du total !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ignore le chiffre exact !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On parle beaucoup du voile islamique en ce moment. Je ne connais pas la position du Gouvernement, ni celle de M. Sarkozy sur ce point. Je ne sais pas s'ils sont pour ou contre l'interdiction du port du voile. En tout cas, j'apprends que M. le ministre de l'intérieur est contre le fait que les femmes soient cloîtrées. Moi aussi ! Nous sommes donc d'accord : il faut interdire les cloîtres ! (Rires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je n'ai jamais rien dit de tel !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne voulez pas qu'il y ait des femmes cloîtrées, n'est-ce pas ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, en effet !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En général, c'est dans un cloître que l'on est cloîtré, excusez-moi de vous le dire ! (Nouveaux rires.)
Plus sérieusement, monsieur le ministre, s'il peut y avoir un ou deux cas de femmes enfermées par leur mari chez elles, c'est scandaleux et il faut évidemment intervenir, mais il n'est pas sérieux de légiférer pour un cas ou deux, d'autant que vous luttez déjà contre de tels comportements.
La France a toujours accueilli sur son sol des migrants de toutes les nationalités. Jusqu'à présent, on se limitait à considérer que « les membres de la famille entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit un titre de séjour de même nature que celui détenu par la personne qu'ils sont venus rejoindre dès qu'ils sont astreints à la détention d'un tel titre ». Telle est la loi depuis 1945 jusqu'à aujourd'hui, en passant par les lois Pasqua, Debré et Chevènement.
Aujourd'hui, les émigrés turcs nous obligeraient à revoir notre position. Des Turcs, il y a longtemps que nous en comptons en France.
Je connais une femme qui ne parle pas le français, et qui est en France depuis très longtemps. Elle a eu cinq enfants, ils ont réussi formidablement ; l'un est ingénieur, l'autre médecin, un troisième notaire : c'est elle qui les a élevés. C'est vrai, elle ne parle pas le français, il n'y a rien à faire, elle n'y arrive pas ! Elle est néanmoins la mère de ses enfants : on ne va pas, un jour, la reconduire au motif qu'elle ne parle pas le français ! Vous allez peut-être le décider, vous, monsieur le ministre de l'intérieur, mais c'est une mère qui vit avec ses enfants chez nous, au titre d'un regroupement familial.
Alors, je vous en prie, que l'on ne caricature pas en prenant prétexte de quelques cas qui peuvent être tout à fait isolés. De tels faits méritent, certes, que les assistantes sociales, les travailleurs sociaux, les associations interviennent pour favoriser, autant que possible, l'intégration de tous, mais il n'y a pas de raison de s'appuyer sur deux, trois, ou je ne sais combien d'exceptions - de toute manière, elles sont peu nombreuses pour bouleverser les principes...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quelle méconnaissance de la réalité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et, encore une fois, précariser une partie de la cellule familiale.
Vous maintenez le regroupement familial, mais vous ajoutez une menace au dispositif : ce n'est pas bien. Une fois de plus, vous précarisez ceux qui entrent régulièrement en France. Nous insistons sur ce point : il aurait été beaucoup plus sérieux d'accepter de réserver l'article 13 pour que nous débattions de l'ensemble du regroupement familial.
Pour l'heure, et puisque vous avez refusé la réserve, nous confirmons notre volonté de supprimer l'article 13 et, en tant que de besoin, nous demandons au Sénat de se prononcer par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Chacun ici fait part de son expérience. J'ai constaté, pour ma part, que, dans certaines communautés, les travailleurs venaient d'abord seuls et faisaient ensuite venir leur femme auprès d'eux. Or je vous assure que certaines femmes sont littéralement enfermées à la maison et n'ont aucun droit. Ce n'est ni un mythe ni un cas exceptionnel !
L'article 13 ne vise pas du tout à rendre plus difficile le regroupement familial ; il s'inspire de situations comme celle-là, auxquelles il faudrait également ajouter les mariages forcés. D'ailleurs, dans certaines communautés, l'isolement des femmes et les mariages forcés ne constituent pas des cas exceptionnels et participent de la culture : on se marie au pays ; l'homme revient en France et fait venir son épouse au titre du regroupement familial.
Nous devons incontestablement lutter contre de telles pratiques. D'ailleurs, si certains pays veulent entrer dans l'Europe, il leur faudra changer complètement de méthodes pour ce qui est de la vie familiale.
En cas d'échec - il faut tout prévoir - vous proposez une solution d'ouverture, monsieur le ministre. Aussi est-il raisonnable de voter cet article, qui correspond à une réalité que nous connaissons.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Et pensez à ces jeunes filles qui, pour avoir refusé d'épouser quelqu'un du pays, sont assassinées par leur père ou par leur frère ! J'en ai connu trois cas rien que dans mon ancienne circonscription.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas du tout le sujet !
M. Jean-Jacques Hyest. Je pense que vous avez tort de vous opposer à cet article. Il faut raison garder !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La séquestration, c'est un délit !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. J'apprécie, évidemment, que la préoccupation qui sous-tend ces articles soit la protection de la femme immigrée, ce qui n'était pas évident, à première lecture... Si c'est bien le cas, autant écrire dans le corps de la loi que tels et tels articles visent à protéger la femme immigrée de la séquestration, du mariage forcé, de la violence conjugale : ce serait beaucoup plus explicite.
Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas déposé un amendement pour expliciter le but de ces articles ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le compte rendu des débats permet de le savoir !
Mme Nicole Borvo. En vérité, il s'agit d'un article général traitant du regroupement familial.
Cela étant, je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, ce ne sont pas des cas exceptionnels, mais bien des dizaines et des dizaines d'exemples. Mais écraser une mouche avec un marteau-piqueur n'est pas une bonne méthode : en général, cela ne marche pas !
Oui, essayons de raison garder et ne prenons pas des mesures générales, ici s'agissant directement du regroupement familial, pour restreindre en vérité l'immigration régulière et les droits des étrangers vivant régulièrement dans notre pays, et pas du tout l'immigration clandestine.
Surtout, n'allez pas dire que vous voulez protéger la femme immigrée, s'il vous plaît !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je renonce à convaincre M. Dreyfus-Schmidt : de toute manière, il ne veut pas être convaincu.
Je me tourne donc vers M. Mahéas : la séquestration est un délit, naturellement, mais le fait de refuser de faire apprendre le français à sa femme que l'on a fait venir du pays et que l'on laisse dans l'appartement toute la journée, cela n'est pas pénal, et c'est justement ce que nous visons ici.
Par ailleurs, madame Borvo, le compte rendu de nos débats est justement fait pour éclairer le pourquoi de l'article, parce que le comment est explicitement prévu dans le corps même du texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, naturellement, le vote est libre. Je ne peux pas dire mieux que ma bonne foi ou celle du Gouvernement. Mais vous ne perdrez pas votre âme, madame Borvo, en votant un article. Vous m'avez dit que vous aimeriez comprendre. Le Gouvernement a essayé d'expliquer le pourquoi. Si ses arguments ne vous satisfont pas, c'est tout à fait votre droit. J'ai noté votre honnêteté quand vous avez repris l'orateur du groupe socialiste pour dire qu'il s'agissait non pas de deux ou trois cas isolés, mais de cas beaucoup plus nombreux.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quant à moi, je ne caricature pas les positions des uns et des autres ici, alors, ne caricaturez pas notre volonté. Je vous ai dit ce que nous avons voulu faire. Maintenant, que chacun prenne ses responsabilités : si vous voulez aider les femmes immigrées, vous votez ; si vous considérez que ce n'est pas nécessaire, vous ne votez pas. Tout est clair maintenant !
M. Jacques Mahéas. Vous ne les aidez pas, vous les pénalisez !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 152 et 257.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 11
:
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour | 114 |
Contre | 200 |
Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)