COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
FIN DE MISSION D'UN SÉNATEUR
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre lui annonçant la fin, le 12 juillet 2003, de la mission temporaire confiée à M. Alain Gournac, sénateur des Yvelines, auprès de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, dans le cadre des dispositions de l'article LO 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel d'activité pour 2002-2003 de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, établi en application de l'article L. 1323-2 du code de la santé publique.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à revenir - très brièvement, je vous rassure - sur les conditions dans lesquelles s'est déroulé le débat hier. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nelly Olin. Ça recommence ! C'est reparti pour un tour !
Mme Nicole Borvo. Nous avons été surpris par la précipitation de la majorité, qui a recherché des procédures pour différer ou pour abréger le débat sur les propositions alternatives au projet de loi relatif aux retraites, dont nous discutons. Nous avons été d'autant plus surpris que cette attitude est, selon nous, en contradiction avec le souhait du président du Sénat, M. Christian Poncelet, d'ouvrir un réel débat sur les retraites au sein de cet hémicycle.
Certains, dans cette enceinte, sont sans doute pressés de clore la session extraordinaire. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Nous, qui n'avons pas souhaité que le débat soit prolongé en session extraordinaire, mais qui avons demandé qu'il soit reporté à la prochaine session ordinaire, nous n'accepterons pas que la discussion de ce texte à la mi-juillet soit bâclée ! Aussi, monsieur le ministre, nous vous demandons que les procédures d'accélération soient abandonnées.
Il n'y a aucun esprit d'obstruction dans nos rangs. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Non ! Nous avons seulement la volonté de débattre sans précipitation et de prendre le temps nécessaire pour examiner un texte dont vous dites vous-même qu'il est essentiel pour les vingt années à venir, et beaucoup plus si l'on regarde ce qui va se passer pour les salariés d'aujourd'hui.
L'engagement doit être pris, comme a pu le faire M. le président de l'Assemblée nationale en son temps, de respecter le droit d'amendement et, plus généralement, les droits de l'opposition.
Mesdames et messieurs les sénateurs de la majorité, rappelez-vous : votre majorité et la puissance qu'elle vous donne sont mauvaises conseillères, et n'oubliez pas que la majorité des Français n'est pas satisfaite de ce texte !
M. Robert Del Picchia. C'est vous qui le dites !
M. le président. Je vous donne acte, madame Borvo, de votre rappel au règlement.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour un rappel au règlement.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les articles 13 et suivants de notre règlement, relatifs au travail des commissions permanentes de notre Haute Assemblée.
Lors de la séance d'hier matin, monsieur le ministre, en réponse à la question préalable défendue par notre groupe, vous avez procédé de manière intéressante au chiffrage du contre-projet proposé, au fil des amendements, par les membres de notre groupe parlementaire. Vous avez cité un certain nombre de dispositions essentielles défendues dans le cadre de ces amendements, ce qui me conduit à les rappeler ici.
Ainsi, pour porter la critique de ce contre-projet, vous avez pointé, entre autres mesures, notre proposition de revalorisation des retraites, qui coûterait 2 milliards d'euros, l'indexation des pensions sur les salaires et non pas sur les prix, qui coûterait 16 milliards d'euros, la prise en compte des primes dans l'assiette des pensions et retraites, qui ajouterait 5 milliards d'euros à la facture, la revalorisation du minimum contributif, qui aurait comme coût un montant de 2,1 milliards d'euros, ou encore le retour aux 37,5 annuités pour 14 milliards d'euros.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dix !
Mme Michelle Demessine. Vous avez discrètement oublié de noter, monsieur le ministre, que nous proposions quelques mesures, pas vraiment secondaires, de financement par le biais d'une contribution assise sur l'impôt de solidarité sur la fortune et d'une autre contribution sur la base de l'impôt sur les sociétés brut. Ces deux propositions, à elles seules, constituent déjà 9 milliards d'euros de rentrées.
Nous avons aussi proposé un certain nombre d'autres mesures, notamment la cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises qui, elle, dégagerait 23 milliards d'euros ; les effets de la suppression progressive des exonérations de cotisations sociales, qui ramènerait 18 milliards d'euros, ou encore, et surtout, les effets de la modulation des cotisations sociales en fonction de la valeur ajoutée globale, qui rendraient de 15 à 16 milliards d'euros à la protection sociale.
Aussi, devant la controverse, il nous semble évident que nous devons et que nous ne pouvons que réunir au plus tôt la commission des finances de notre Haute Assemblée, afin qu'elle procède à une analyse chiffrée et objective de chacun des projets en jeu.
Enfin, monsieur le ministre, puisque ce sont là vos attributions gouvernementales, n'y a-t-il pas précisément plus social que de se demander s'il ne serait pas temps de passer à autre chose et de procéder enfin à la revalorisation des pensions et retraites, à l'amélioration du pouvoir d'achat de nos neuf millions de retraités et de faire droit aux besoins collectifs avant de préserver coûte que coûte la rentabilité du capital ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte, madame Demessine, de votre rappel au règlement. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai appris ce matin que le ministre de la culture, M. Jean-Jacques Aillagon, avait demandé au ministre des affaires sociales, M. François Fillon, de conduire la procédure d'agrément à l'accord minoritaire du 26 juin relatif au régime du chômage des intermittents du spectacle, modifié par le protocole signé hier une nouvelle fois minoritairement.
Monsieur le ministre des affaires sociales, les intermittents sont soutenus, dans leur refus de cet accord, par quantité d'artistes, d'intellectuels, et la presse s'en fait l'écho. Les sondages indiquent que 70 % de la population éprouve de la sympathie pour leur profession, pour leur travail et leur démarche.
Ces hommes et ces femmes, souvent jeunes, sans qui le spectacle vivant n'existerait pas, sont les « soutiers » du plaisir que les uns et les autres prenons tant au théâtre, qu'aux images, qu'à la danse, quand nous nous rendons dans les lieux où l'on nous présente les créations auxquelles ils ont participé. Sans doute le MEDEF (Exclamations sur les travées de l'UMP),...
M. Guy Fischer. Vous avez entendu la déclaration de Denis Gautier-Sauvagnac ?
M. Jack Ralite. ... avec le mépris de M. Seillière pour les catégories modestes, a-t-il cru que ce mauvais coup passerait comme une lettre à la poste. Or la France festivalière est en émoi.
Monsieur le ministre des affaires sociales, cet accord, même modifié, est irrecevable, parce qu'il casse une profession. Les commentaires de ceux qui sont pour l'ajout d'hier m'évoquent ce que les jeunes filles pensent quand elles rêvent à leur fiancé futur. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Nous sommes à une sorte de carrefour national. Les soutiers de ce festival d'Avignon, que je connais bien et que vous connaissez bien également - nous nous y sommes plusieurs fois croisés, monsieur le ministre, pour le plaisir du théâtre et de la danse, notamment dans la cour d'honneur -, disent « Non ! » à cet accord. Alors ne l'agréez pas !
Pensez au 1 103 cinéastes qui se sont exprimés contre, pensez aux 350 comédiens de renom qui se sont exprimés contre, pensez aux 500 intellectuels de toutes disciplines, directeurs de recherche, professeurs en faculté, qui se sont prononcés contre. Ces derniers remarquent que l'accord constitue une mise en cause de la responsabilité publique en matière d'art et de culture dans notre pays, et ils craignent que le monde artistique ne soit embarqué sur une galère lancée à travers « les eaux glacées du calcul égoïste ». (Rires sur les travées de l'UMP.)
Vous riez, mais rira bien qui rira le dernier !
Ils accusent cet accord de mettre à mal l'intérêt public. C'est ainsi, ajoutent-ils, que « nous entendons leurs mots, leurs cris, leurs silences aussi ». Je parle en connaissance de cause, car j'étais dimanche soir à Hérisson, un village de l'Allier de 700 habitants, où 150 personnes débattaient de cet accord que personne n'a défendu !
M. Jean Chérioux. Faites-leur lire le rapport de la Cour des comptes !
Mme Nicole Borvo. Il y a d'autres rapports bien plus compromettants que cela !
M. Jack Ralite. J'ai eu tout à l'heure un coup de téléphone du théâtre du Radeau au Mans. Tous les deux jours se tient une assemblée avec 300 habitants de cette ville, toujours sur le même sujet.
Je rentre d'Avignon et, hier soir, j'étais au Cinéma des Cinéastes pour un débat sur l'Europe et la culture, et la question des intermittents, qui étaient représentés, a été aussi posée.
M. Henri de Raincourt. Nous étions ici, nous, hier soir !
M. Jack Ralite. Je veux donc dire que nous sommes solidaires et nous demandons que soient respectées, à travers eux, les exigences de l'art et de la culture, c'est-à-dire celles de la véritable liberté, « la liberté d'échapper au pire empire de la nécessité et de créer du sens ».
C'est cette question qui est posée, c'est la question du statut de l'esprit comme du statut du vivant. Ce qui m'inquiète, et ce qui inquiète les intermittents, c'est la tendance à faire disparaître toute considération culturelle, tendance qui semble s'étendre comme une tache d'encre sur le papier buvard.
L'autre jour, j'ai parlé du président de la République, et je l'ai fait avec respect. Je lui ai écrit une lettre, comme je m'y étais engagé devant vous, que je terminais par cette phrase : « La France doit, monsieur le Président, et je vous cite pour conclure, "savoir offrir à nos artistes et à nos créateurs les conditions d'une création vivante et dynamique". »
Je crois, monsieur le ministre des affaires sociales, que vous avez en vous, par votre pratique festivalière et votre goût pour ces questions, la faculté de prendre une décision juste et de dire non au protocole et à la mousse dont on l'a entouré hier, laquelle n'a réussi qu'à rallier ceux qui s'étaient déjà ralliés au protocole. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. M. Ralite a eu raison de rappeler que nous nous sommes rencontrés au festival d'Avignon, où la région des Pays de la Loire avait été l'une des premières à louer un lieu pour le mettre à disposition des troupes de théâtre de la région, afin de les aider à se faire connaître dans le cadre du festival off.
J'ai le plus profond respect pour M. Ralite et pour tous les artistes qui ont manifesté leur soutien aux intermittents du spectacle. Le Gouvernement, en particulier le ministre des affaires sociales, compte tenu des négociations qui ont lieu et de la position qu'a prise le ministre de la culture, doit effectivement étudier les conditions de la validation de cet accord.
Le Gouvernement prendra le temps de mesurer toutes les conséquences de cet accord.
Monsieur Ralite, ne résumons pas l'ensemble des questions relatives au développement de la vie culturelle dans notre pays à la question de l'indemnisation du chômage ! Sur ce sujet, je veux dire combien sont choquants les propos tenus en permanence sur les prétendus syndicats minoritaires, comme si les questions relatives au chômage des artistes devaient être gérées par les seuls artistes, comme si le chômage de telle ou telle catégorie professionnelle devait être géré par les syndicats représentatifs de ladite catégorie.
J'insiste sur ce point : c'est l'ensemble des salariés qui supportent le financement de l'UNEDIC. Il est dans la vocation des partenaires sociaux qui gèrent l'UNEDIC de chercher les moyens de réduire un déficit qui est aujourd'hui très dangereux pour l'institution...
M. Henri de Raincourt. Un déficit abyssal !
M. François Fillon, ministre. ... et qui, je vous le rappelle, est constitué pour un quart par le déficit du régime des intermittents du spectacle, c'est-à-dire qu'aujourd'hui un quart du déficit de l'ensemble de l'UNEDIC est imputable au système des intermittents du spectacle et est d'une certaine manière supporté par les salariés. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et TF1 ?
M. François Fillon, ministre. Il ne faut pas chercher à caricaturer des sujets aussi difficiles, car nous ne pourrons pas en sortir ! Je dis simplement que le problème du spectacle vivant, du soutien à la création culturelle, est un problème réel que nous devons traiter. Mais on ne peut pas demander à l'UNEDIC de le traiter toute seule. Cela voudrait dire que l'on demande aux ouvriers, aux salariés, aux plus modestes, soit de cotiser plus, soit de voir leurs prestations - ce qui s'est déjà passé à plusieurs reprises -...
Mme Nicole Borvo. TF1 emploie des intermittents à la place de salariés : ne dites pas qu'elle n'a pas d'argent !
M. François Fillon, ministre ... réduites en raison des décisions qui ont été prises. Et c'est souvent, pardonnez-moi, votre conception de la solidarité à gauche.
Vous trouvez tout à fait normal que les salariés aient des conditions de retraite plus dures que les fonctionnaires.
M. Jean-Marc Todeschini. C'est n'importe quoi !
M. François Fillon, ministre. Vous trouvez aussi tout à fait normal que les intermittents du spectacle soient financés par les cotisations chômage de tous les Français.
Nous cherchons le moyen d'améliorer cette situation. Une aide spécifique de l'Etat devrait être mise en oeuvre en faveur du spectacle vivant. Mais je crois que ce n'est ni responsable, ni raisonnable, ni juste de revendiquer, simplement, comme vous le faites, l'annulation de cet accord, c'est-à-dire le maintien d'un système qui aboutit à un déficit de 800 millions d'euros, déficit qui a quadruplé en dix ans, qui représente deux fois plus de personnes concernées qu'il y a dix ans et qui est entièrement financé non pas par les entreprises, comme vous le dites, mais pour une très large part par les salariés sur leurs cotisations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. C'est faux !
M. Jack Ralite. Quand il y a eu le trou du Crédit lyonnais, je n'ai pas senti que vous aviez pareille morale !
Mme Nicole Borvo. Ce sont les salariés qui ont payé le trou du Crédit lyonnais !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Il faut supporter les opinions des autres !
M. Jack Ralite. On a supporté le trou du Crédit lyonnais !
M. Henri de Raincourt. C'est la gauche qui l'a créé, ce trou.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Face à cet émoi, je pensais à cette phrase de Saint-Just : « Le calme est le propre de l'innocence. » Par conséquent, gardons notre calme ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Je voudrais juste dire à Mme Borvo, qui nous accusait de manipulations ou de manoeuvres tendant à entraver le débat, que nous n'avons rien entravé du tout ! L'ensemble des amendements prévus sont venus en discussion, conformément à l'article 42 de la Constitution, selon lequel une assemblée saisie d'un texte voté par l'autre assemblée délibère sur le texte qui lui est transmis, et conformément au règlement du Sénat.
Nous irons au bout de la discussion de tous les amendements déposés, même les plus incongrus. Nous reviendrons aussi sur votre façon de saucissonner l'ensemble du texte pour pouvoir déposer autant d'amendements que possible.
M. Claude Estier. Vous ne l'avez jamais fait quand vous étiez dans l'opposition ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Estier, vous êtes bien placé...
M. Claude Estier. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... puisque nous étudierons les amendements que vous avez déposés hier, et qui n'ont pas du tout été retirés de l'ordre du jour.
M. Claude Estier. Vous les avez déplacés après l'article 13 !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, ils sont inscrits après le titre Ier. Par conséquent, si nous ne perdons pas de temps, nous allons peut-être même pouvoir en discuter aujourd'hui.
Ce qui est sûr, c'est que, en sept heures et demie, nous avons examiné hier soixante-quinze articles...
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Soixante-quinze amendements !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pardon, mais c'est un lapsus révélateur.
M. Claude Domeizel. Ce serait extraordinaire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'oubliais que vous avez tenu quatre semaines à l'Assemblée nationale, avec des amendements qui, quelquefois, n'avaient malheureusement pas beaucoup de poids.
Nous avons donc examiné soixante-quinze amendements en sept heures et demie, ce qui est une petite moyenne, mais ce qui démontre le respect que nous portons à ce débat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Ralite.
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 378, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites. [Rapport n° 382 (2002-2003) et avis n° 383 (2002-2003).]
Mes cher collègues, je vous rappelle que le Sénat a décidé, hier, d'examiner par priorité les articles 1er à 13 bis.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er.
Articles additionnels après l'article 1er (priorité)
M. le président. L'amendement n° 1088 rectifié, présenté par MM. Delfau, A. Boyer et Collin, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La nation s'engage à mettre en oeuvre une politique d'immigration tendant à compenser le déséquilibre provoqué par l'augmentation progressive du nombre de retraités par rapport au nombre d'actifs. »
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Il est difficile d'aborder la suite du débat sur les retraites sans évoquer d'un mot ce qui se passe en France aujourd'hui. Une sorte de sinistre culturel est en marche (Protestations sur les travées de l'UMP), créant le désespoir chez un certain nombre de salariés, de petites compagnies, de petites communes, qui voient s'évanouir le travail accompli pendant de nombreuses années.
M. Jean Chérioux. Vous oubliez les autres !
M. Gérard Delfau. Vous savez, monsieur le ministre, que la question n'a pas été traitée au fond par les partenaires sociaux, et je m'étonne que votre Gouvernement ne l'aborde pas avec le courage nécessaire.
Le problème est non celui de l'indemnisation des intermittents par l'assurance chômage, mais bien plutôt celui du détournement de l'assurance chômage non pas par des salariés, mais par un certain nombre d'entreprises (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC) : par une sorte de complaisance coupable et collective, elles mènent ce régime à la ruine.
J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour Jack Ralite (M. Jean Chérioux s'exclame), pour l'action qu'il a menée, et je voudrais dire à nos collègues qui ne reconnaîtraient pas ce qu'a fait cette personnalité qu'ils se trompent d'époque et qu'ils n'ont sans doute pas tout à fait la bonne appréciation de ce que représente la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Mme Nelly Olin s'exclame.)
M. Jean Chérioux. Heureusement que vous êtes là pour le rappeler ! Vous passez votre temps à nous donner des leçons !
M. Gérard Delfau. Il est parfois nécessaire, effectivement, de vous donner une leçon !
Je reviens à ce qui nous occupe principalement.
Hier, nous avons adopté le principe du régime par répartition. Nous l'avons confirmé par le vote de l'article 1er, même si un certain nombre de parlementaires, dont je suis,...
M. Jean Chérioux. Ne l'ont pas voté !
M. Gérard Delfau. ... ont fait valoir une certaine crainte quant à la sincérité de l'engagement du Gouvernement.
Mais cela a été voté, et c'est une bonne chose. Il reste à présent à créer les conditions de la mise en oeuvre de ce principe. Je présenterai donc successivement deux amendements visant à augmenter le nombre des actifs cotisant, ce qui constitue le point fondamental.
Tout d'abord, par l'amendement n° 1088 rectifié, je propose les mesures suivantes : « La nation s'engage à mettre en oeuvre une politique d'immigration tendant à compenser le déséquilibre provoqué par l'augmentation progressive du nombre de retraités par rapport au nombre d'actifs. » En effet, il faut compenser le choc démographique provoqué par un taux de fécondité trop bas, même s'il est plus élevé en France que dans d'autres pays d'Europe.
M. Alain Vasselle. Il faut une meilleure politique familiale pour faire des enfants !
M. Gérard Delfau. Il importe de tenir compte du vieillissement inéluctable de la population. Je suggère donc que nous prenions exemple sur l'Espagne qui, récemment, a légiféré dans un climat de concorde générale pour renforcer le droit d'asile et permettre à quelques dizaines de milliers de sans-papiers de devenir des citoyens à part entière, de sortir de la clandestinité et de pouvoir ainsi cotiser à l'assurance retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous proposez, monsieur Delfau, de résoudre le problème par l'immigration. Mais cela supposerait que cette immigration soit adaptée aux besoins de notre économie ! En outre, vous reportez la difficulté d'une génération sur l'autre. Là encore, vous n'apportez aucune amélioration à notre proposition.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A l'évidence, l'immigration constituera l'un des moyens de fournir à notre pays les ressources humaines dont il aura besoin à l'avenir pour assurer sa croissance.
Vouloir insérer cet article additionnel qui, d'ailleurs, n'a aucun sens juridique à ce niveau du texte, c'est d'abord oublier que nous sommes un pays d'immigration : aujourd'hui, plus de cent mille demandeurs d'asile par an frappent à notre porte. Et, du fait de la législation en vigueur, une très grande majorité d'entre eux se retrouvent, au bout de deux ou trois ans, dans une situation impossible de non-existence juridique.
C'est non par une telle formule que l'on pourra adapter notre politique de l'immigration, mais par les textes qui sont en cours de discussion à l'Assemblée nationale et que vous aurez l'occasion d'examiner dans quelques jours.
Mme Nicole Borvo. Parlons-en !
M. François Fillon, ministre. Dans l'exposé des motifs de votre amendement, monsieur Delfau, vous avez évoqué l'exemple espagnol. Vous me permettrez de vous rappeler qu'à la différence de la France l'Espagne n'est pas une terre d'immigration : c'est un pays où l'immigration est très faible et qui, naturellement, adopte aujourd'hui à cet égard une attitude différente de la nôtre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Notre collègue Gérard Delfau pose à nouveau dans son amendement, à sa façon, la problématique du « choc démographique » et suggère comme solution le recours à l'immigration pour maintenir les équilibres actuels.
Pour ma part, monsieur le ministre, je réfute le scénario de prétendue « catastrophe démographique » que vous ne cessez de marteler aux Français.
Votre discours renvoie à une donnée statistique unique, dramatisée : l'évolution du ratio entre le nombre de personnes en âge d'être actives et le nombre de personnes âgées de plus de soixante ans. Les premières passeraient, de 1995 à 2040, de 31,4 millions à 30,4 millions, les secondes, retraitées potentielles, de 12,1 millions à 22 millions entre ces mêmes dates.
Je considère que ce ratio et ce raisonnement ne sont pas pertinents pour envisager l'avenir des retraites, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, il faut relativiser les évolutions démographiques, et je tiens à souligner la bonne tenue de la natalité dans notre pays par rapport à nos voisins européens. Le taux de fécondité se situe en effet, en moyenne, à 1,85 enfant par femme en âge d'avoir des enfants, et s'y tient depuis plusieurs années. Nous le constatons tous dans nos communes, mes chers collègues, les effectifs des écoles maternelles et primaires recommencent à augmenter. Il manque des places pour scolariser les enfants dès l'âge de deux ans, ce qui traduit aussi, bien sûr, les effets des politiques d'austérité et de gel de crédits budgétaires du Gouvernement.
A ce propos, on peut craindre pour l'avenir que votre politique de remise en cause des services publics et d'extension de la précarité n'influe négativement sur le nombre de naissances dans les prochaines années. Mais, pour l'instant, cette natalité, qui est assez forte, je le répète, par rapport aux autres pays européens, est une donnée à prendre en compte.
Ensuite, le ratio que retient systématiquement le Gouvernement ignore les autres catégories d'inactifs - il n'y a pas que les retraités -, notamment les jeunes et les chômeurs. Or la création de richesses par les actifs ayant un emploi assure non seulement les retraites, mais aussi la formation des jeunes et le coût du chômage.
Il est établi que la proportion de jeunes dans la population tendra à baisser. Quant au nombre de chômeurs, je n'admets pas, comme le faisait le rapport Charpin, que l'on entérine un chômage de masse définitif à 9 %, comme aujourd'hui.
Le ratio réellement pertinent pour évaluer, uniquement du point de vue démographique, l'effort à venir pour les retraites n'est donc pas le ratio actifs par retraités, mais le ratio actifs occupés, cotisants, par inactifs, retraités, plus jeunes, plus chômeurs.
Je vous fais ainsi observer, chers collègues, que si le chômage baissait de 0,2 % par an d'ici à 2040, nous en resterions au même nombre d'actifs occupés par inactif.
C'est donc bien la question de l'emploi, du plein emploi, qui est au centre du financement de notre système de retraite à l'avenir. Il est absurde de demander aux travailleurs âgés de prolonger, s'ils le peuvent, leur carrière au-delà de soixante ans quand il y a 3 millions de chômeurs dans le pays, 5 millions de personnes en sous-activité plus ou moins subie : temps partiel, femmes au foyer...
Enfin, et surtout, votre raisonnement, monsieur le ministre, sur l'évolution démographique ignore délibérément la croissance, l'augmentation de la quantité de richesses produites par actif d'ici à 2020 ou 2040, c'est-à-dire les gains de productivité ; je l'ai dit à plusieurs reprises. C'est logique, puisque vous faites le choix, en bloquant les cotisations, de les attribuer non pas en partie à la protection sociale, mais entièrement aux entreprises.
Il y a une image, reprise parfois, qui me semble bien adaptée pour faire comprendre cette idée. En 1950, 8 millions d'agriculteurs nourrissaient avec peine 40 millions de Français. Aujourd'hui, 500 000 agriculteurs nourrissent sans mal 61 millions de Français...
M. Hilaire Flandre. Ils mangent moins ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... et font de notre pays l'un des principaux exportateurs de denrées agricoles.
Vous, monsieur le ministre, vous nous proposez presque le retour aux tickets de rationnement ! (Protestations et rires sur les travées de l'UMP.)
Permettez-moi de citer des estimations établies en partant, une fois encore, des prévisions modérées du Conseil d'orientation des retraites, le COR, à l'horizon 2040 : avec 1,6 % de croissance moyenne annuelle d'ici à cette date, et un besoin de financement des retraites passant, en proportion avec l'augmentation de la population de plus de 60 ans, de 12 % à 16,5 % du PIB, le PIB passerait de 1 500 milliards à 3 000 milliards d'euros, le financement des retraites de 180 milliards à 500 milliards d'euros, le reste comprenant les salaires des actifs, l'assurance maladie, les investissements et les profits.
Vous le voyez donc, monsieur le ministre, les évolutions démographiques ne sont que l'alibi de votre réforme. La vraie solution au financement de retraites plus nombreuses, c'est une véritable politique de croissance, de plein emploi et de hausse de salaires, c'est la consolidation de la répartition et de ce qui la fait fonctionner : la cotisation sociale.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Je saisis l'occasion offerte par l'examen de cet amendement de M. Delfau pour revenir sur la question essentielle de la pénibilité.
Il s'agit de la prise en compte, dans le présent projet de loi, des facteurs de pénibilité, d'astreinte, ainsi que de l'entrée des jeunes dans la vie active.
Ainsi, les personnes qui remplissent les conditions auront dorénavant le droit de liquider leur retraite à taux plein avant l'âge de soixante ans dès lors qu'elles auront cotisé pendant quarante années.
Nombreux sont les emplois qui, aujourd'hui encore, engendrent des facteurs de pénibilité, d'astreinte, pour les salariés. La liste des différents critères qui peuvent être pris en compte est longue. Il peut s'agir de contraintes posturales - station debout, port de charges lourdes, effort physique important, travail à la chaîne -, de nuisances sonores, d'exposition aux températures ou aux produits toxiques, ou encore d'horaires alternés.
En 1994, l'enquête Sumer classait ainsi par catégorie les types de contraintes professionnelles et les secteurs d'activités économiques concernés par la notion de pénibilité du travail.
Pour n'en citer que quelques-uns - nous aurons l'occasion de revenir sur des cas concrets tout au long de ce débat - les secteurs de l'agriculture, de la construction, de l'hôtellerie-restauration, des services personnels, sont étroitement touchés par les contraintes posturales. Les secteurs des bois et papiers, des produits minéraux, de la métallurgie, subissent les nuisances sonores. Ceux des transports ou encore de la santé sont, pour leur part, astreints aux horaires alternés et décalés.
Il faut noter, à ce titre, que les facteurs de pénibilité et d'astreinte, bien que touchant toutes les couches salariales, concernent au premier rang les ouvriers, dont 80 % sont soumis à trois des critères précédemment énumérés.
La prise en compte des conditions de travail s'avère nécessaire et salutaire pour nombre de personnes qui, tout au long de leur vie d'actifs, ont souffert d'un travail harassant, pénible, astreignant, voire parfois invalidant. Dans de nombreuses branches de l'industrie, la part des salariés qui travaillent a tendance à diminuer à l'approche du seuil de soixante ans. Cette prise en compte s'avère également nécessaire pour tous ceux qui ont intégré très tôt le marché de l'emploi et qui totalisent les annuités requises de cotisation avant même l'âge de soixante ans.
Voilà ce que je souhaitais indiquer au Sénat à cet instant du débat.
M. le président. Il me semble que votre intervention concernait plutôt l'amendement suivant, madame Demessine, mais je vous ai néanmoins laissée poursuivre.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Le choix du Gouvernement de n'envisager la réforme attendue et inévitable de notre système de retraite par répartition qu'au travers des prismes de l'allongement du temps de travail et de l'augmentation des taux de cotisation des salariés illustre le projet global dans lequel s'inscrit la politique du Gouvernement.
Pour vous, monsieur le ministre, il s'agit, depuis les mesures de 1996, de s'inscrire dans le projet de l'Europe libérale qui, dès 1993, jetait les bases de la construction des nouveaux systèmes sociaux.
Le projet de réforme français devrait viser non seulement à réduire les inégalités entre les actifs et les inactifs, voire entre les retraités, mais également à améliorer les conditions de vie des actifs et des inactifs. Nous soutenons donc l'idée qu'il est nécessaire de faire émerger des droits nouveaux, et ce en phase avec l'évolution de notre monde, qui garantissent à tout citoyen et à toute citoyenne une vie sociale pérenne et épanouissante.
M. Hilaire Flandre. Quel que soit leur effort ?
M. Thierry Foucaud. La grande idée du Gouvernement est donc de présenter le problème démographique de notre pays comme une catastrophe : plus de retraités, moins d'actifs, et un faible taux de natalité. Cela vous permet de dire, sans complexe, monsieur le ministre, que le fait de vivre plus longtemps - et c'est un progrès - doit se payer par l'allongement de la durée du temps de travail.
La démographie est un paramètre à prendre en compte, mais elle ne suffit pas à justifier votre projet de régression sociale, puisque le problème concerne le financement des caisses de retraite. Le financement s'appuie, effectivement, sur un plus grand nombre d'actifs, alors que la diminution du chômage et la relance de la consommation des ménages devraient constituer des axes forts. Votre réforme s'applique à faire peser l'effort sur les salariés sans remédier aux inégalités déjà existantes ; je pense notamment aux femmes.
Nous pensons donc que le financement du système de retraite par répartition doit uniquement s'appuyer sur la contribution des actifs. Au reste, monsieur le ministre, ne croyez-vous pas que notre pays aurait avantage à légaliser les sans-papiers plutôt que de se doter de lois qui rendent illégitimes les travailleurs immigrés et participent donc à l'augmentation du trafic de main-d'oeuvre et au marché noir ?
En effet, le nouveau rapport intitulé Migration de remplacement, publié en 2000 par les Nations unies, montre que l'immigration, non seulement dans notre pays, mais aussi en Europe, serait nécessaire pour maintenir le nombre des personnes âgées de quinze à soixante-quatre ans. La France devrait donc passer de 0,1 immigrant par an pour 1 000 habitants à 1,8 immigrant pour remédier à la chute démographique de sa population d'actifs. On se demande pourquoi une politique volontariste d'absorption des actifs étrangers n'est pas à l'ordre du jour en France ! Je ne reviens pas sur les chiffres qu'a cités à l'instant ma collègue Marie-Claude Beaudeau.
Enfin, les lois Sarkozy, celles qui sont déjà mises en oeuvre et celles qui sont en discussion actuellement, ne manqueront pas d'avoir des conséquences sur les droits de l'homme, sur les droits des migrants,...
M. Alain Vasselle. Hors sujet !
M. Thierry Foucaud. ... alors que l'arrivée dans notre pays de ces migrants et leur vie sur notre territoire devraient aboutir à une intégration digne, puisqu'ils participeront, par leur cotisation, au financement des caisses de retraite. Aujourd'hui, malheureusement, vous le savez, ils travaillent sans couverture sociale et sont, très souvent, exploités. C'est pourquoi je voterai l'amendement qui nous a été présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nelly Olin. Voilà une grande nouvelle !
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je sais que j'ai enfreint un tabou - je l'ai fait délibérément - en prononçant les mots « politique d'immigration », c'est-à-dire en soulignant la nécessité d'une action concertée, voulue par la nation, délibérée au Parlement et mise en oeuvre par le Gouvernement dans ce domaine.
M. Hilaire Flandre. C'est la nouvelle appellation de l'esclavage !
M. Gérard Delfau. Je ne la confonds pas avec la politique du « tout répressif » qui semble caractériser les projets de loi que vous nous proposez successivement.
Si mes informations sont exactes, en France, environ 50 000 étrangers voient leur situation régularisée bon an mal an, en fonction, d'ailleurs, de l'ampleur des manifestations de sans-papiers ou de la pression de l'opinion publique.
Vous le savez mieux que moi, dans les années soixante, la France accueillait - mes chers collègues, écoutez bien - de 200 000 à 300 000 étrangers. La marge est considérable ! Qui peut penser que la politique d'accroissement de la main-d'oeuvre par une immigration maîtrisée n'est pas l'un des paramètres de la solution ?
Ce n'est certes pas le seul : j'ai déjà parlé de l'accueil des jeunes enfants, si l'on veut que le taux de fécondité progresse. J'évoquerai tout à l'heure la prise en compte de la pénibilité. Mais cette dimension d'accueil et de régularisation des étrangers en France est aussi nécessaire. Si nous laissons ce sujet hors du champ législatif, la conséquence est prévisible : il sera forcément fait appel à une main-d'oeuvre étrangère quand les entreprises ne trouveront plus suffisamment de salariés. Se développera alors une immigration clandestine, avec tous les risques que cela comporte, et toutes les injustices, aussi.
Je maintiens que le sujet est sérieux et mérite qu'on le traite avec nuance et prudence, ce que je m'efforce de faire : il entre tout à fait dans le débat suscité par ce texte,...
M. Hilaire Flandre. Il y a un minimum d'humanité !
M. Gérard Delfau. ... puisque nous sommes réunis aujourd'hui pour équilibrer le futur régime de retraite et pour parler de la retraite par répartition.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous soutiendrons l'amendement n° 1088 rectifié défendu par notre collègue M. Delfau.
Bien entendu, l'immigration n'est la variable d'ajustement ni du déséquilibre démographique de notre pays, ni de l'économie de notre système de retraite. En effet, par le passé, on fit venir des « bras » sans se préoccuper du fait qu'il s'agissait d'hommes.
Cela étant, la demande ici formulée d'une vraie politique de l'immigration est juste. Cette politique tiendra enfin compte du fait que nous sommes tous sur la même planète, que nous avons tous un destin commun et qu'il est temps d'en finir avec l'exploitation des uns par les autres, du Sud par le Nord...
M. Hilaire Flandre. C'est la même chose !
Mme Marie-Christine Blandin. ... qui s'en sert comme d'une réserve de minerais, de bois, de sols ou de main-d'oeuvre sans protection.
Cette politique tiendra enfin compte de l'absurdité des politiques répressives et du malheur des sans-papiers. Elle mettra enfin en place une société plus juste, car mieux partagée ; elle aboutira à la mort de ce travail au noir dont dépendent nos chantiers et nos ateliers textiles, alors que les employeurs de main-d'oeuvre irrégulière échappent bizarrement bien plus aux arrestations et à la justice que leurs pauvres employés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1088 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1090 rectifié, présenté par MM. Delfau, A. Boyer et Collin, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La nation s'engage à favoriser l'emploi, notamment dans les secteurs d'activité affectés par une pénurie de main-d'oeuvre et dans les métiers où la pénibilité est avérée. »
La parole est M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet amendement constitue l'autre axe de l'argumentation que je développais il y a quelques instants. Je m'intéresse maintenant aux postes de travail, aux secteurs d'activité où, manifestement, pour des raisons tenant non seulement à la pénibilité, mais aussi à la modestie des salaires pratiqués ou, plus généralement, aux conditions de travail, la main-d'oeuvre est insuffisante.
On ne peut pas se contenter de confier la responsabilité de traiter ce dossier aux seuls partenaires sociaux, surtout quand on sait que la restauration, l'hôtellerie ou encore le bâtiment souffrent d'une pénurie de main-d'oeuvre depuis de nombreuses années, phénomène à mettre en rapport avec la fréquence des accidents du travail.
Ce que je demande, c'est qu'il soit inscrit dans la loi sur le régime de retraite par répartition que la nation, donc le Gouvernement qui est en charge de cette responsabilité, entreprenne une politique au cas par cas pour identifier les raisons de cette pénurie, pour trouver les solutions et pour convaincre les partenaires sociaux d'accueillir autrement, et mieux, les salariés qui, n'en doutons pas, voudraient bien occuper les emplois vacants si les conditions propices étaient créées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur Delfau, la rédaction de votre amendement est assez ambiguë. Vous laissez entendre, en effet, que c'est la nation qui devrait s'engager à favoriser l'emploi dans tous ces métiers dont la pénibilité est avérée.
La commission estime que la nation doit plutôt s'attacher à réduire la pénibilité dans les secteurs où elle existe, au moment où elle existe.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1090 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement aurait apprécié que M. Delfau reconnaisse la présence, dans ce texte, d'une innovation : pour la première fois, en effet, un texte de loi global sur les retraites va reconnaître la notion de pénibilité.
Pendant quinze ans au cours des vingt-deux dernières années, vous avez, d'une manière ou d'une autre, exercé des responsabilités, mais jamais la question de la pénibilité ne fut pour vous un critère pertinent en matière d'organisation des retraites. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP de l'Union centriste.)
Le système que nous proposons est, certes, loin d'être parfait et offre encore matière à discussion mais, au moins, reconnaissons que, pour la première fois, la pénibilité fait son entrée dans un texte de loi sur les retraites.
M. Bernard Saugey. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Nous avons choisi de renvoyer cette question aux partenaires sociaux non parce que nous refusons de l'aborder, mais parce que nous estimons qu'ils sont les mieux placés pour la traiter.
D'abord, pas un seul pays européen n'a légiféré sur la notion de pénibilité. Aucun pays ayant engagé une réforme globale de son système de retraite n'a traité la pénibilité par la loi, et ce pour une raison simple : si nous ouvrons maintenant ce débat, ici, au Sénat, et que nous passons en revue l'ensemble des métiers, nous conclurons qu'ils sont tous pénibles, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Yves Coquelle. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. Ensuite, si nous figeons dans la loi la définition de la pénibilité, cela signifie que nous nous interdisons de prendre en compte l'évolution des technologies et des métiers et que nous mettons en place un système incapable de s'adapter en permanence, avec le risque de constater bien vite ce que nous déplorons aujourd'hui, c'est-à-dire que des métiers qui étaient considérés comme pénibles au début du siècle dernier le sont toujours, alors que les conditions ont changé.
Il est une dernière raison à laquelle vous devriez être sensible, monsieur Delfau, c'est que définir la pénibilité dans la loi et faire financer le coût de cette pénibilité par l'ensemble des cotisants aux régimes de retraite, c'est-à-dire par la solidarité nationale, c'est pérenniser la situation des métiers pénibles.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Non !
Mme Odette Terrade. Ce n'est pas cela !
M. François Fillon, ministre. Alors que, dans le régime que nous proposons et qui a, je dois le dire, reçu l'accord de l'ensemble des organisations syndicales, les entreprises qui ont des postes de travail pénibles seraient poussées à réduire la pénibilité de ces postes-là au risque, sinon, d'être, d'une certaine manière, pénalisées.
Une négociation dans la branche où un système de mutualisation du coût de cette pénibilité sera mis en place est, de notre point de vue, le système le plus intelligent, le plus souple, le plus réactif et celui qui permet de peser sur les entreprises pour que, progressivement, elles aient intérêt à réduire le nombre des emplois pénibles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. D'abord, une fois n'est pas coutume, je ne vois pas de contradiction entre la position du Gouvernement et la mienne.
Monsieur le ministre, vous vous félicitez de l'inscription de la pénibilité dans le texte de loi. Pour ma part, je propose que l'article 1er, c'est-à-dire celui qui pose les principes de la loi, mentionne cette orientation, selon une formule que j'ai volontairement choisie très générale, puisque je place cet objectif sous l'autorité de la nation. Au moment où nous sommes, il s'agit non pas de légiférer sur la pénibilité - je suis en deçà de ce que vous proposez -, mais de demander au Gouvernement de prendre acte de la nécessité impérieuse d'ouvrir ce chantier.
Certes, depuis quinze ans, on aurait pu avancer, mais je vous retourne l'argument facilement : pendant tout ce temps, les partenaires sociaux étaient en charge du dossier ! Aujourd'hui, qui nous dit que, sans un petit coup de pouce au travers du texte de loi, ils avanceront à la bonne vitesse ?
Quant aux autres pays européens, ils ont leurs traditions, nous avons les nôtres.
En Espagne, l'ensemble des formations et des syndicats, ou presque, se sont entendus par les accords de Tolède sur l'évolution du régime des retraites. Ce n'est pas le cas en France.
M. Jean Chérioux. C'est dommage !
M. Gérard Delfau. On peut effectivement penser qu'il faudrait aller dans ce sens, mais je ne crois pas que la méthode du Gouvernement nous fasse beaucoup progresser sur cette voie.
Quand je propose que cela soit inscrit dans l'article 1er, j'essaie simplement d'apporter ma modeste pierre à un chantier que vous voulez ouvrir. Pourquoi ne pas le faire tous ensemble ?
M. Alain Vasselle. La méthode Jospin était brillante !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Cette inscription dans l'article 1er n'aurait aucune espèce de valeur juridique, ce serait juste une déclaration de principe, alors que, dans l'article 16, nous ne nous contentons pas d'inciter les partenaires sociaux : une disposition très précise les oblige à engager, sous trois ans, une négociation sur la pénibilité.
Les partenaires sociaux n'ont rien fait depuis quinze ans, dites-vous : sans doute parce que personne ne les a incités à faire quelque chose ! Ce texte les y oblige. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais intervenir pour soutenir cet amendement,...
Mme Nelly Olin. Ce n'est pas un scoop !
M. Jean-Pierre Sueur. ... notamment la formule : « La nation s'engage à favoriser l'emploi » et, à cet égard, revenir, au nom du groupe socialiste, sur la question, tout à fait d'actualité, des intermittents du spectacle. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Vasselle. C'est un rappel au règlement ! C'est hors sujet !
M. Gérard Longuet. Vous êtes les permanents du spectacle !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez répondu de manière dilatoire tant à M. Ralite qu'à M. Delfau. Or nous ne vivons pas, ici, en dehors de la planète, en dehors de la société française. Je lis dans la presse d'aujourd'hui...
M. Jacques Peyrat. Ah, mon Dieu, la presse !
M. Alain Vasselle. C'est un rappel au règlement !
M. Jean-Pierre Sueur. ... que les festivals s'apprêtent à baisser le rideau.
M. Hilaire Flandre. Ce n'est pas un drame !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, on peut considérer, mon cher collègue, que ce n'est pas un drame. Mais, comme l'écrit à juste titre M. Delfau dans son amendement, « La nation s'engage à favoriser l'emploi ». Si les décisions concernant les intermittents du spectacle n'évoluent pas, la situation de l'emploi en pâtira : nous aurons à déplorer de très nombreuses pertes d'emplois dans les domaines de la culture et de la création, à l'échelon tant national que régional ou local.
Par ailleurs, nous savons aujourd'hui que l'un des principaux problèmes du dossier des intermittents du spectacle tient au comportement de certaines entreprises audiovisuelles qui ne respectent pas la loi...
M. Gérard Longuet. Evidemment : les entreprises publiques !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et qui utilisent de manière abusive le statut d'intermittent du spectacle pour éviter d'embaucher sous contrat de droit commun des personnes qui pourraient tout à fait être salariées à ce titre.
M. Alain Vasselle. Hors sujet !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce point est tout à fait dans le sujet ! Je relis l'amendement de M. Delfau : « La nation s'engage à favoriser l'emploi, ... »
Monsieur le ministre, êtes-vous sûr - nous, nous pensons le contraire - que le Gouvernement ne peut rien faire pour dénouer cette crise ? Ce qui a été fait hier a été tardif et contraire aux déclarations précédentes de M. Aillagon. Visiblement, cela n'a absolument pas suffi à régler le problème.
Quand on est dans une situation de crise de cette nature, une crise qui va porter préjudice à de grands festivals, à la culture dans notre pays ainsi qu'au rayonnement culturel de la France, quand la situation est telle que de nombreuses collectivités locales et des secteurs économiques entiers risquent d'en subir les conséquences, peut-on décemment se contenter de répondre comme vous le faites ? C'est aujourd'hui que le problème se pose. Vous savez bien que, demain et après-demain, il sera trop tard. Mais non ! « Désolé, on ne peut rien faire », nous répondez-vous.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, le Gouvernement peut encore refuser de ratifier cet accord dans ces conditions,...
M. Josselin de Rohan. Parlez-nous des retraites !
M. Alain Vasselle. Le sujet du jour, ce sont les retraites !
M. Jean-Pierre Sueur. ... demander aux partenaires sociaux de remettre tout à plat,...
M. Alain Vasselle. Vous êtes hors sujet !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et, au lieu de jouer le pourrissement - ce qui est une erreur profonde -,...
Mme Nelly Olin. Vous n'avez pas de leçons à nous donner !
M. Alain Vasselle. Vous êtes hors du texte !
M. Jean-Pierre Sueur. ... s'employer, même si c'est déjà bien tard, à trouver une solution.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste vous demande ce que vous comptez faire aujourd'hui...
M. Hilaire Flandre. On parle des retraites !
M. Alain Vasselle. Vous avez les questions d'actualité pour cela !
M. Jean-Pierre Sueur. ... pour trouver la voie d'une solution à cette crise pendant qu'il en est encore temps. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Nous sommes en train de débattre de la réforme des retraites.
Plusieurs sénateurs socialistes. Nous le savons !
M. François Fillon, ministre. Je donnerai une dernière précision à M. Sueur, mais je ne reprendrai plus la parole sur ce sujet.
Monsieur Sueur, il est trop facile de tenter de faire croire, comme le font actuellement les opposants à cet accord, d'une part, qu'il ne contient aucune mesure destinée à lutter contre les abus, parce que c'est faux, et, d'autre part, qu'il suffirait de lutter contre les abus pour que la situation soit réglée, parce que c'est faux aussi.
Cet accord comporte des mesures de professionnalisation qui doivent être mises en oeuvre progressivement,...
M. Jean-Marc Todeschini. Ils cassent tout !
M. François Fillon, ministre. ... et qui permettront de contrôler le statut des intermittents du spectacle et de faire le tri entre ceux qui y ont droit et ceux qui l'utilisent de manière abusive, notamment dans certaines des entreprises de production que vous évoquiez tout à l'heure.
Par ailleurs, le ministre du travail vient de donner des instructions extrêmement précises à l'inspection du travail - cela n'avait jamais été fait auparavant, monsieur Sueur - pour qu'elle se rende dans les chaînes de télévision, dans les entreprises de production, et vérifie la réalité des emplois qui sont financés par les intermittents du spectacle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Murat. C'est nouveau, c'est une bonne mesure !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout le monde le savait !
M. François Fillon, ministre. Vous suggérez une solution formidable qui consisterait à refuser d'agréer cet accord. Je vous ai dit tout à l'heure que nous en étudiions toutes les conséquences, que des propositions ont été faites pour en décaler l'application...
M. Guy Fischer. Non ! Il en faut d'autres !
M. François Fillon, ministre. ... et pour laisser le temps de mettre en place une politique de soutien à l'emploi dans le spectacle vivant.
Refuser aux partenaires sociaux la ratification de cet accord - sauf à dire que l'on nationalise l'UNEDIC ! - revient à supprimer toute base commune en la matière et signifie que la menace qui pesait il y a quelques années sur le statut des intermittents du spectacle, à savoir le refus des entreprises, notamment - après tout, cela peut se défendre -, de financer la politique culturelle de notre pays, trouvera un terrain favorable à son développement. C'est donc faire preuve d'une certaine irresponsabilité que de proposer aujourd'hui de balayer d'un revers de la main un accord négocié entre des partenaires sociaux responsables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Sueur, vous avez rattaché votre intervention de manière très artificielle à l'amendement de M. Gérard Delfau. J'indique au Sénat que je ne le permettrai plus : j'ai sous les yeux l'article du règlement qui interdit un tel procédé.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est l'article 93 !
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Plus qu'une explication de vote, monsieur le président, je ferai une proposition.
Il est clair que, dans les industries du bâtiment, de l'hôtellerie ou de la retauration, on observe une pénurie de main-d'oeuvre. Mais qui pourrait en être surpris sur ces travées, alors que l'industrie du bâtiment, par exemple, n'a pas revalorisé ses salaires depuis des décennies et que les conditions de travail y sont les plus pénibles ?
Mme Nelly Olin. Et l'éducation nationale ?
M. Yves Coquelle. Je citerai aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, l'exemple des salariés de Metaleurop, qui, après avoir passé trente années de leur vie à travailler dans des conditions extrêmement difficiles, qui ont notamment été exposés à l'amiante, se voient aujourd'hui contester la possibilité de bénéficier... mais le terme est peut-être excessif ; disons : la possibilité de partir à la retraite avant l'âge légal.
Comment imaginer aujourd'hui que des jeunes puissent aller travailler dans des industries qui les rémunèrent mal et où les conditions de travail sont pénibles ?
J'ai une proposition à faire : révisons la grille des salaires, améliorons les conditions de vie et de travail, et nous ne rencontrerons plus de difficultés pour embaucher les jeunes dans les entreprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean Chérioux. Cela suppose d'avoir des carnets de commandes pleins !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur Chérioux, les carnets de commandes, actuellement, sont pleins dans nombre de grandes industries, et je ne citerai que le bâtiment et les travaux publics !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas vrai !
M. Roland Muzeau. Mais comment les travaux sont-ils réalisés ? Posez-vous un instant la question !
Dans ma ville, qui est située dans les Hauts-de-Seine - ce n'est pas très loin d'ici ! -, des pratiques incroyables ont encore cours : tous les matins, au pied des foyers de travailleurs immigrés,...
M. Jean Chérioux. Ça y est !
M. Roland Muzeau. Absolument, monsieur Chérioux, et je vous y conduirai si vous voulez le vérifier par vous-même ! (M. Jean Chérioux fait un signe de dénégation.)
Tous les matins, des sociétés viennent au pied des foyers recruter des travailleurs immigrés à la journée. On ne sait bien évidemment pas si la feuille de paie est accrochée, et c'est un euphémisme : vous savez que, dans trois cas sur quatre, il n'y a pas de feuille de paie !
Mme Hélène Luc. Dans le Val-de-Marne aussi ! Et même à côté de la Bibliothèque nationale !
M. Roland Muzeau. Tant que ce type de pratiques se perpétuera, des négriers seront à l'oeuvre dans la restauration, dans l'hôtellerie...
Je ne stigmatise pas ces professions, dans lesquelles certains employeurs se comportent remarquablement bien. Mais d'autres se comportent comme des cochons ! Ceux-là font du tort aux jeunes, qui ne veulent plus aller dans les centres de formation d'apprentis, qui ne veulent plus aller dans les lycées professionnels, parce qu'ils savent ce que sont ces métiers : ils en ont peur et ne veulent pas les exercer.
Si nous voulons résoudre le problème de la pénurie de main-d'oeuvre - problème qui a fait l'objet d'un rapport sénatorial -, si nous voulons réduire un tant soit peu les écarts qui existent entre l'offre d'emploi et la façon dont réagissent les demandeurs d'emploi, alors, améliorons les conditions de travail ! Faisons la chasse aux négriers ! Revalorisons les salaires !
Mme Nelly Olin. Rien n'a été fait depuis des années !
M. Roland Muzeau. Je vous garantis que, en assurant une meilleure information sur ces métiers, qui peuvent être extrêmement valorisants, en mettant en place une politique de formation, en dégageant les moyens nécessaires, il est possible de réduire la pénurie de main-d'oeuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° 1090 rectifié de notre collègue Gérard Delfau vise à augmenter le nombre des actifs cotisants dans les secteurs affectés par une pénurie de main-d'oeuvre et dans les métiers où la pénibilité du travail est avérée.
A ce propos, monsieur le ministre, j'ouvre une courte parenthèse pour souligner que le terme de « pénibilité avérée » est pour le moins flou : avérée par qui ? Selon quels critères ? Ce point mérite d'être précisé, et nous aurons l'occasion de le faire lorsque nous examinerons l'article qui traite de ce sujet.
Il se trouve que ces deux éléments, secteur en pénurie de personnel et activité pénible, sont souvent étroitement liés. Je pense par exemple, à l'instar de notre collègue Gérard Delfau, à la restauration, à l'hôtellerie, aux métiers du tourisme, ou encore au bâtiment et travaux publics, tous secteurs où le déficit de main-d'oeuvre est important et où les besoins en personnel concernent tous les postes, de l'électricien à l'ingénieur en passant par le maçon ou le carreleur.
Conditions de travail très pénibles, accidents du travail nombreux, maladies professionnelles récurrentes, vieillissement précoce, délais d'exécution de plus en plus courts, rémunérations insuffisantes, tous les éléments sont réunis pour qu'aujourd'hui la pénurie de main-d'oeuvre s'installe et perdure.
L'exemple de mon département, le Val-d'Oise, illustre ce cas de figure : les établissements d'enseignement professionnel y semblent en nombre suffisant pour assurer la formation aux professions du bâtiment, mais les classes ne sont pas assez remplies, ce secteur manquant d'attractivité pour les jeunes en raison des conditions de travail et du niveau des rémunérations que je viens d'évoquer.
Cette situation, hélas ! se retrouve dans de nombreux départements français.
Partout en France ont récemment débuté des opérations « portes ouvertes » sur les chantiers, organisées par les entreprises et destinées à promouvoir les métiers du bâtiment. Vous avez dû y être invités, mes chers collègues, comme je l'ai moi-même été. Elles montrent à quel point cette branche d'activité - elle n'est pas la seule ! - connaît un besoin urgent et important de personnel.
Ainsi que l'exposait notre collègue Gérard Delfau en présentant son amendement n° 1090 rectifié, il est indéniable que, dans les secteurs qu'il a énumérés, une augmentation du nombre des actifs cotisants est nécessaire pour assurer aux salariés concernés par cette pénibilité la possibilité de partir à la retraite de manière anticipée sans pénalité financière.
Cependant, un autre problème est lié à cette question et n'a pas été évoqué : aussi longtemps que les conditions de travail de ces secteurs ou de ces métiers pénibles n'auront pas nettement évolué dans le sens d'une prévention véritable et efficace des risques professionnels, aussi longtemps que ne seront pas prises des mesures pour accroître la qualification des salariés, pour mieux respecter leur santé et pour revaloriser leur rémunération, alors, la pénurie de main-d'oeuvre subsistera incontestablement et durablement, voire - et la Fédération du bâtiment l'a bien compris - s'aggravera encore jusqu'à empêcher les chantiers de tourner, faute de personnel.
La question du départ à la retraite avant soixante ans pour les salariés ayant effectué des travaux pénibles, contraignants ou postés rejoint directement les problèmes abordés dans cet amendement. En effet, ces salariés, une fois à la retraite, se voient souvent attribuer des pensions particulièrement basses. Comment tolérer que des hommes ou des femmes qui ont effectué des travaux pénibles durant leur parcours professionnel - mon collègue M. Coquelle vient de le rappeler à propos des salariés de Metaleurop - ne disposent pas, au moment de leur retraite, d'un revenu décent pour vivre ?
Au-delà des problèmes soulevés par la Fédération du bâtiment ou par la Fédération des métiers de l'industrie hôtelière, le constat est dressé, les questions sont posées. Encore faut-il que les deux organisations patronales concernées y apportent un début de solution, et je crois qu'elles ont enfin compris qu'il fallait aborder la question des salaires et des conditions de travail.
Puisque, à propos des intermittents du spectacle, vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, le rôle des inspecteurs du travail, j'insisterai sur le fait que ceux-ci sont en nombre très insuffisant. Il faudrait créer des postes.
M. François Fillon, ministre. Non !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si, monsieur le ministre ! Tout le monde le dit, et on a bien été obligé de le reconnaître au moment de l'affaire d'AZF ! Or je n'ai pas constaté qu'en un an ce problème ait pu être réglé.
M. Hilaire Flandre. Il manque surtout des travailleurs !
Mme Marie-Claude Beaudeau. En ce qui concerne le travail pénible, monsieur le ministre, j'ai lu une partie de la déclaration que vous avez faite devant le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, dans laquelle vous avez fixé la feuille de route pour les trois ans à venir. Vous avez notamment évoqué les troubles musculo-squelettiques en remarquant que cela ne pouvait plus durer ainsi, qu'on ne pouvait pas bien vieillir avec les troubles dont souffrent tous ces salariés.
Au-delà du constat, il faut maintenant trouver des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1090 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 2 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 857 rectifié, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La garantie du système de retraite par répartition avec le maintien d'un niveau élevé de montant de pension implique la mise en oeuvre d'une politique de valorisation du travail et d'augmentation des salaires directs, notamment des bas salaires.
« Les dispositions d'allégements des charges sociales prévues par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi sont appliquées en contrepartie du maintien des emplois de l'entreprise et de la création de nouveaux emplois. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Mes chers collègues, nous nous y retrouvons un peu mieux qu'hier, surtout en début de séance, quand les papiers sont encore bien classés. Mais il faut s'attendre à tout, avec vos méthodes ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Je vais donc présenter l'amendement n° 857 rectifié, que nous avons volontairement placé avant l'article 2. Nous aurions pu le faire porter sur l'article 2, mais nous avons tenu à le mettre en exergue parce qu'il est très important. D'ailleurs, nous avons eu raison, car à l'article 2 figure un amendement de Mme Nelly Olin qui peut être redoutable. (Sourires.)
M. Paul Blanc. L'amendement, ou Mme Olin ?
M. Gilbert Chabroux. Les deux !
M. Claude Domeizel. Nous vous avons à l'oeil ! (Nouveaux sourires.)
Notre amendement risquait donc de connaître un mauvais sort.
Je vous en rappelle le passage essentiel :
« La garantie du système de retraite par répartition avec le maintien d'un niveau élevé de montant de pension implique la mise en oeuvre d'une politique de valorisation du travail et d'augmentation des salaires directs, notamment des bas salaires. »
Il contient également une référence à la loi du 17 janvier 2003, désormais connue sous le nom de « loi Fillon », afin qu'elle s'applique également en contrepartie du maintien des emplois dans l'entreprise.
Afin que les salariés bénéficient d'un niveau de pension suffisamment élevé pour qu'ils puissent continuer à vivre dans des conditions matérielles décentes, il est indispensable que les revenus de leur activité soient correctement valorisés. Or, depuis vingt ans, la part salariale dans l'équilibre de la répartition des richesses a perdu 5 points de PIB ! De plus ont émergé des formes d'emploi faiblement rémunérées qui annoncent le développement de catégories de travailleurs pauvres, notre collègue du groupe CRC a mis tout à l'heure l'accent sur cette question.
En outre, la loi Fillon du 17 janvier 2003 a mis en place un nouveau régime d'allégements des charges sociales. Elle abroge ceux qui avaient été instaurés par la loi du 19 janvier 2002 relative à la réduction négociée du temps de travail et supprime toute contrepartie incitative à la réduction du temps de travail, à la création et au maintien de l'emploi, alors que la loi du 19 janvier 2002 en prévoyait.
Ce dispositif porte un coup d'arrêt à la réduction du temps de travail et à tout effort d'embauche. De plus, cette réduction des charges, qui est calculée par référence à la rémunération horaire du salarié, confortera bien évidemment l'utilisation des heures supplémentaires plutôt que le recours à l'embauche.
Visiblement, malgré les nouvelles difficultés du marché du travail et la persistance de la remontée du chômage, l'emploi n'est pas une priorité du Gouvernement, qui a remis en cause un à un les outils de la politique de l'emploi du dernier gouvernement de Lionel Jospin.
M. Hilaire Flandre. On en connaît les ravages !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, si M. Flandre veut intervenir, qu'il le fasse ! J'accepte volontiers qu'il m'interrompe, et je reprendrai la parole après !
M. Hilaire Flandre. Je peux le faire !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Domeizel. Votre temps de parole continue de s'écouler !
M. Claude Domeizel. Ont ainsi été supprimés les emplois jeunes du programme « nouveaux services-nouveaux emplois », les 35 heures, les dispositions de prévention des licenciements économiques de la loi de modernisation sociale. Tout cela a été balayé.
Or la pérennisation des régimes de retraite par répartition accompagnée d'un haut niveau de pension nécessite, c'est évident, la mise en oeuvre d'une politique permettant d'instaurer un niveau d'emploi élevé et de faire reculer le chômage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme notre collègue l'a rappelé à plusieurs reprises, il s'agit d'un thème dont nous avons débattu il y a quelques mois, à l'occasion de la discussion de la loi de janvier 2003.
M. Claude Domeizel. Funeste loi !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur Domeizel, je vous entends regretter la disparition de tout lien entre l'exonération de charges sociales et la création d'emplois. Mais quand a-t-il été supprimé, sinon lorsque la loi Aubry a substitué à l'exonération de charges la réduction du temps de travail ? Vous ne pouvez donc que vous en prendre à vous-même !
La commission émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Plus c'est gros, plus ça passe ! (M. Claude Domeizel s'exclame.)
Ces vingt dernières années, la période durant laquelle les bas salaires ont été le plus « massacrés » est celle qui a connu les 35 heures et l'application de la politique de modération salariale : ce sont les cinq années qui viennent de s'écouler. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Une augmentation du SMIC à compter du 1er juillet 2003 est prévue dans la loi qu'évoquait à l'instant M. Domeizel. Pour 47 % des personnes qui sont au SMIC, c'est la plus forte augmentation depuis vingt ans ; pour 97 % de ces mêmes personnes, c'est la plus forte augmentation depuis cinq ans. Honnêtement, je ne vous trouve pas très bien placé pour déposer un tel amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Effectivement, la relance des salaires peut être un outil fondamental pour garantir notre système de retraite, et nous nous trouvons là au coeur même du débat.
Lors de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable, motion déposée par notre groupe, vous avez fait valoir, monsieur le ministre, qu'il nous fallait savoir si nous étions prêts ou non à consacrer quelques points de PIB supplémentaires au financement de nos régimes de retraite.
Formulons la question autrement ! Puisqu'il faut effectivement augmenter les salaires, ne serait-ce que parce que la progression de la productivité apparente du travail est une réalité, tout comme l'est la non-reconnaissance de cette productivité en termes de rémunération des salariés, eh bien, choisissons de le faire !
Jamais, en effet, la question d'une répartition plus équilibrée de la richesse produite par le travail n'a été posée de manière aussi éclairée par bon nombre de nos concitoyens. Si consacrer 2,5 points de PIB supplémentaires aux retraites revient à soustraire ces 2,5 points aux dividendes et à la spéculation financière dans les opérations de restructuration dévastatrices pour l'emploi, c'est effectivement affaire de choix !
Ainsi que le précisait, par exemple, le rapport annexé au débat d'orientation budgétaire, on peut réformer le système des retraites pour bloquer la progression de la part des retraites dans la richesse nationale. On peut choisir la loi du profit, celle de l'argent, celle de la finance, au lieu d'accorder la priorité à l'emploi, aux salaires, à la formation, ou encore aux retraites et aux garanties sociales et collectives.
Tel n'est pas notre choix, et c'est pourquoi nous voterons avec un grand enthousiasme l'amendement de nos collègues socialistes, sur lequel nous demandons un scrutin public. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Prime de salubrité, prime de rendement, prime d'assiduité, prime d'objectif, prime de production, les vocables que l'on retrouve ici et là, à la lecture des bulletins de salaire, en fonction de l'imagination des employeurs, montrent à quel point les éléments individuels de rémunération peuvent être déterminants dans la fixation de la rémunération globale des salariés. Et nous ne parlons pas encore ici des fruits de l'expansion de l'entreprise, reversés aux salariés sous différentes formes d'intéressement et de participation aux bénéfices qui échappent pour partie à tout prélèvement social et jouent en quelque sorte un rôle de « carotte » pour des salariés par ailleurs assez largement victimes de la modération salariale.
La modération salariale, c'est justement ce qui caractérise le paysage social de notre pays depuis une bonne vingtaine d'années. Les directions des ressources humaines, quand elles existent, ou les services du personnel des entreprises ont multiplié les expérimentations en matière de rémunérations liées aux objectifs de production. Il est vrai que le patronat était à bonne école : l'Etat employeur a été, dans le courant des années quatre-vingt, le premier à pratiquer une politique de gel des salaires par la remise en cause de l'évolution des traitements indiciaires de ses propres agents.
Dans ce contexte, les politiques d'entreprise se sont matérialisées dans le développement des stratégies de rémunération « à la tête du client » de plus en plus spécifiques selon les métiers. Plusieurs grands groupes de l'automobile et de la métallurgie ont ainsi oeuvré dans le sens de la multiplication des primes à la production tandis que l'on développait toute une gamme de primes d'objectif au sein des équipes de technico-commerciaux.
Dans le même temps, on procédait aussi parfois, pour faire bonne mesure, à quelques ajustements des effectifs au travers de plans sociaux ou de plans de restructuration plus ou moins importants, conduisant à réduire toujours plus la part des rémunérations directement soumises aux cotisations sociales conventionnelles.
On notera d'ailleurs que le mouvement d'allégement du coût du travail qui a affecté dans la dernière période les rémunérations les plus faibles n'a pas interrompu le développement des éléments individualisés de rémunération. Bien au contraire et, d'une certaine manière, de façon presque caricaturale, la distribution d'éléments de rémunération comme les stock-options est la matérialisation de stratégies salariales encore plus discriminatoires qu'auparavant. Mais la question des stock-options au regard du financement de la protection sociale et des retraites mériterait d'être traitée spécifiquement, ce que nous ne ferons pas ici.
Oui, la garantie des systèmes de retraite passe aussi par une augmentation des salaires, et c'est pourquoi nous voterons l'amendement n° 857 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 857 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 181
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour | 113 |
Contre | 205 |
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. « Art. 2. - Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. »
Sur l'article, la parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Cet article tend à réaffirmer le caractère contributif des prestations servies par les régimes obligatoires d'assurance vieillesse et le choix d'un système liant retraite et travail.
Les assurés acquittent des cotisations en proportion de leurs revenus d'activité et perçoivent, lors de leur départ, une pension liquidée en référence à ces mêmes revenus.
Cet article a donc pour objet d'engager la collectivité à préserver par priorité les taux de remplacement sur les autres variables permettant d'assurer l'équilibre financier des régimes de retraites.
Pour autant, la réaffirmation du caractère contributif du système d'assurance vieillesse ne remet pas en cause la nécessité d'un certain nombre de mécanismes de solidarité, notamment en faveur de ceux qui ont cotisé sur des bases trop faibles pour leur assurer, du seul fait des règles légales de liquidation, un revenu décent.
Nos systèmes ont donc une nature mixte qui nous paraît équilibrée.
Pour toutes ces raisons, notre groupe approuve l'article 2 et il le votera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Avec l'article 2 du projet de loi, nous sommes déjà en présence d'une disposition venant contrebattre le contenu de la déclaration de principes de l'article 1er.
Que nous dit-on en effet ? Tout simplement que la retraite est un droit accordé à chaque retraité de ce pays, à concurrence des revenus qu'il a tirés de son activité.
M. François Fillon, ministre. Cela s'appelle la répartition !
Mme Marie-France Beaufils. Comment interpréter cela ?
L'article 1er affirmait de manière presque péremptoire la solidarité entre les générations. Et voici que cette solidarité est mise à mal par la prise en compte des inégalités de revenus ayant marqué la vie professionnelle !
M. Hilaire Flandre. La retraite pour tous ceux qui ne travaillent pas !
Mme Marie-France Beaufils. Tout se passe comme si l'on voulait, avec l'article 2, nous faire avaliser ce principe : à salaire de misère, retraite de misère, à salaire ou revenu d'activité plus confortable, retraite en rapport.
M. François Fillon, ministre. Même à l'Assemblée nationale, on n'a jamais entendu ça !
Mme Marie-France Beaufils. Nous ne sommes plus dans le champ de la stricte solidarité : nous entrons de plain-pied dans le domaine de l'individualisation.
A ce stade de la réflexion, nous sommes donc contraints de revenir à quelques-unes des sources mêmes de notre système de retraite par répartition, comme d'ailleurs de l'architecture d'ensemble de notre système de protection sociale, d'autant que nous savons, monsieur le ministre, que vous êtes animé à l'égard de l'assurance maladie de quelques intentions assez proches de celles que nous voyons à l'oeuvre pour les retraites.
Notre système de retraite par répartition n'est pas seulement fondé sur la réalité des revenus des cotisants. Affirmer qu'il l'est, c'est une fois encore admettre dans les faits que le financement de la retraite est une affaire individuelle. Or il s'agit d'un besoin collectif, auquel on apporte une réponse collective.
Ce n'est pas sur les seuls traitements ou salaires que l'on fait peser aujourd'hui le financement de la retraite, c'est au travers d'un prélèvement sur la richesse créée par le travail, et c'est d'ailleurs ce que vous avez vous-même laissé sous-entendre hier, monsieur le ministre, lorsque vous avez estimé que nos propositions alternatives solliciteraient une part trop importante du produit intérieur brut à l'avenir.
Le pacte de solidarité nationale qui découle, depuis l'adoption de la Constitution de 1946, de la mise en oeuvre de notre système de retraite est financé de manière fort simple : c'est à partir du lieu de production des richesses, l'entreprise, que l'on prélève les sommes nécessaires au financement de nos retraites. A l'époque, fut rejetée toute disposition de caractère fiscal tendant à faire porter l'effort de financement sur les revenus, à l'asseoir sur l'impôt. C'était choisir clairement un financement à partir du lieu de création de la richesse nationale.
Toute autre conception, et notamment celle qui est sous-tendue par l'article 2, est génératrice non de solidarité intergénérationnelle, mais d'inégalités entre retraités. Comme si ne suffisaient pas déjà des inégalités comme l'égalité de la durée de vie selon l'activité professionnelle exercée, inégalités sur lesquelles nous reviendrons.
Non, décidément, cet article 2 ne peut être adopté tel qu'il nous est aujourd'hui proposé, et cela resterait vrai, eût-il été quelque peu modifié par l'Assemblée nationale.
Il soulève certes des questions essentielles, mais sur lesquelles nous divergeons nettement avec le Gouvernement, et cette intervention ne fait donc qu'annoncer les divers amendements que nous proposerons à l'adoption du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, en vertu des dispositions de l'article 38, alinéa 2, du règlement du Sénat, je demande la clôture de la discussion sur l'article 2. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Odette Terrade. C'est scandaleux !
Mme Hélène Luc. C'est la première fois que M. de Rohan parle...
M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture de la discussion de l'article 2.
M. Gilbert Chabroux. Cela n'a jamais été appliqué !
M. Guy Fischer. C'est honteux, le débat est garrotté !
M. le président. Je vous rappelle qu'en application de l'alinéa 1 de l'article 38, la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus sur l'ensemble d'un article.
En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas de débat !
Mme Hélène Luc. Monsieur le président...
M. Josselin de Rohan. On se tait !
M. le président. Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée...
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je demande la parole !
M. le président. ... sur la demande de clôture de la discussion sur l'article 2.
La clôture est prononcée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.
M. Claude Domeizel. J'avais dit tout à l'heure à propos de l'article 2 qu'au vu de l'amendement déposé par Mme Olin nous pouvions nous attendre à tout, mais nous ne nous attendions pas à l'application de l'article 38 du règlement !
M. Josselin de Rohan. C'est fait, et vous en verrez d'autres !
M. Claude Domeizel. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, nous demandons une suspension de séance d'une demi-heure...
M. Josselin de Rohan. D'une minute !
M. Guy Fischer. Voilà le vrai visage de la droite !
M. Roland Muzeau. Ils n'ont aucun argument !
M. Claude Domeizel. ... pour décider comment nous nous organiserons dans la suite du débat !
M. Guy Fischer. Il n'y a pas eu deux orateurs d'avis contraire !
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Si !
M. le président. Monsieur Domeizel, je vous donne acte de ce rappel au règlement.
La séance...
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, j'avais demandé la parole !
M. le président. Madame Luc, j'accède à la demande de suspension de M. Domeizel et la séance est donc suspendue ; elle sera reprise dans dix minutes. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo. Nos collègues de la majorité se sont récriés, tout à l'heure, quand j'ai fait observer que, hier, ils ont tenté d'écourter le débat de fond sur le projet de loi portant réforme des retraites.
Je constate qu'il en est de même cet après-midi, puisque la discussion sur l'article 2 a été abrégée. Je ne sais pas quel résultat vous cherchez à obtenir par ce biais, chers collègues : en effet, si vous nous empêchez de parler sur l'article 2, nous nous exprimerons plus longuement sur les amendements. Par cette attitude, vous voulez certes manifester que vous êtes largement majoritaires, mais cela ne répond pas au voeu formé par M. le président Poncelet, qui entendait que le débat sur les retraites se déroule en toute sérénité.
Par conséquent, je demande que M. le président du Sénat réunisse la conférence des présidents, afin que nous puissions discuter de l'organisation de ce débat. (Protestations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Il est très bien organisé, ce débat !
M. le président. Madame Borvo, je vous donne acte de votre rappel au règlement, mais il ne s'agit nullement de mettre fin à la discussion de l'article 2. Tous les amendements seront, bien entendu, examinés normalement.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour un rappel au règlement.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, à l'appel de leurs organisations syndicales, des salariés se dirigent actuellement vers le Sénat pour s'adresser à nous. Ils persistent à réclamer l'ouverture de véritables négociations. Je demande une suspension de séance, pour que nous puissions les recevoir. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Roland Muzeau. Cela paraît naturel !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Demessine.
Je ne vous étonnerai sans doute pas en vous répondant que notre débat doit se poursuivre. Libre à celles et ceux d'entre nous qui le désirent de recevoir des personnes extérieures au Sénat pendant ce temps.
Sur l'article 2, je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 100 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 101 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
L'amendement n° 102 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 859, présenté par MM. Chabroux et Mano, Mmes Campion, Herviaux et Blandin, M. Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Tout retraité a droit à une pension d'un niveau élevé, en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. »
L'amendement n° 858, présenté par MM. Estier et Domeizel, Mmes Printz, Pourtaud et Blandin, MM. Vantomme, Frimat et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Tout retraité a droit à une pension qui garantit son pouvoir d'achat, en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. »
L'amendement n° 1094 rectifié, présenté par Mme Olin, MM. Trucy, Plasait, Murat, Courtois, Hérisson, Nachbar, Cantegrit, Hyest, Braye et Schosteck, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité, améliorée le cas échéant au titre de mécanismes de solidarité. »
Le sous-amendement n° 1107, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 1094 rectifié pour cet article, remplacer les mots : "en rapport avec les" par les mots : "proportionnelle aux". »
Le sous-amendement n° 1110, présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 1094 rectifié, avant les mots : "les revenus", insérer le mot : "tous". »
Le sous-amendement n° 1108, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 1094 rectifié pour cet article, après le mot : "activité", insérer les mots : "professionnelle et de ses périodes de formation initiale ou continue". »
Le sous-amendement n° 1111, présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 1094 rectifié par les mots : "notamment en prenant en compte les inégalités entre les hommes et les femmes sur le plan de l'emploi". »
Le sous-amendement n° 1112, présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 1094 rectifié par les mots : "notamment par la prise en compte de la pénibilité". »
L'amendement n° 860, présenté par M. Domeizel, Mmes Campion, Herviaux et Blandin, MM. Krattinger, Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité.
« Le niveau des pensions doit être garanti par un taux élevé de remplacement par rapport à l'ensemble de la rémunération. »
L'amendement n° 103, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte de cet article, substituer aux mots :
"en rapport" le mot : "proportionnelle". »
L'amendement n° 104 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Compléter in fine cet article par les mots : "professionnelle et de ses périodes de formation initiale ou continue".
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 100.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, je regrette vivement que vous ayez refusé de nous accorder une suspension de séance, car cela nous aurait permis de recevoir les représentants des organisations syndicales. (Mme Nelly Olin s'exclame.)
Cela étant, l'amendement n° 100 vise à supprimer l'article 2 du projet de loi, qui tend à remettre en question le principe de la répartition.
En effet, il est prévu, à cet article, de verser une allocation en rapport avec les revenus tirés de l'activité. Par ce terme d'« allocation », faut-il entendre que la pension de retraite sera un revenu à caractère secondaire ? Le libellé même de l'article 2 indique que les inégalités de ressources constatées dans le monde du travail subsisteront lors du passage à la retraite. Les salariés soumis à des conditions de travail précaires seront les victimes de cette réforme des retraites dont nous débattons. Faut-il accepter le principe selon lequel plus les revenus tirés de l'activité salariée auront été importants, plus le montant garanti de la pension sera élevé ?
Nous proposons, pour notre part, de partir d'un principe plus équitable, selon lequel le montant de la pension sera calculé proportionnellement à la capacité contributive, et ne sera pas simplement « en rapport » avec celle-ci. Cela signifie que les retraites du régime général constitueraient un socle représentatif, en termes de pourcentage, du revenu antérieurement perçu et servant de base à la liquidation de la pension.
Cette pension proportionnelle doit être le fondement d'un régime par répartition permettant à chaque retraité de bénéficier d'un montant de pension au moins identique à ce qui se pratique aujourd'hui.
Cette pension serait le fondement d'un véritable revenu de remplacement, qui pourrait être amélioré par le biais de certaines dispositions en faveur des mères ayant élevé leurs enfants, des étudiants ayant prolongé leurs études ou encore des salariés ayant connu des carrières faiblement rémunératrices. Il ne s'agit là que de quelques exemples de ce qu'il faudrait inscrire à l'article 2.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 du projet de loi n'offre pas les garanties nécessaires aux salariés. En effet, à nos yeux, un régime de retraite par répartition doit permettre aux retraités de participer au développement de la collectivité nationale par leur consommation et leur épargne, c'est-à-dire de participer à la vie sociale dans de bonnes conditions.
Par conséquent, nous demandons la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne voudrais pas faire de peine à Mme Demessine, mais il me semble qu'elle a repris une argumentation du groupe des député-e-s communistes et républicains de l'Assemblée nationale sans s'être aperçue que, après que sept amendements identiques de ce groupe eurent été examinés, le mot « allocation » figurant dans la rédaction initiale de l'article 2 avait été remplacé par le mot « pension ». Le texte qui nous a été transmis en vertu de l'article 42 de la Constitution comporte bien le terme « pension », et il n'est plus question d'allocation.
Je vous prie donc, madame Demessine, de bien vouloir faire le tri parmi les argumentaires que vous ont transmis vos collègues députés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 101.
M. Roland Muzeau. Comme nous l'avons déjà indiqué en prenant la parole sur l'article, le groupe communiste républicain et citoyen considère que celui-ci prend le contre-pied de la logique de répartition. Rappeler de cette manière l'importance du caractère contributif du financement des retraites tend à passer sous silence les inégalités en matière de contribution, nombre de salariés ne disposant pas de ressources suffisantes pour assumer cette dernière.
Ainsi, il est fait peu de cas, à l'article 2, des sans-emploi. Pourtant, l'une des causes principales de la faiblesse du montant des retraites, ainsi d'ailleurs que de leur financement, réside, en France comme en Europe, dans l'insuffisance du taux d'emploi. Il s'élève, dans notre pays, à 63 % ; seuls le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, la Grèce et l'Italie connaissent des taux inférieurs à 50 %.
Une fois encore, le lien apparaît clairement entre réforme des retraites et lutte pour le plein emploi. Comment adopter sans ciller un article tel que l'article 2, qui dispose que « tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité » ? Comment ne pas s'inquiéter du sort réservé aux sans-emploi ?
A cet égard, se pose la question spécifique des femmes privées d'emploi. Seules 56 % de nos concitoyennes exercent une activité professionnelle. Ce phénomène de sous-emploi est général en Europe, même s'il se manifeste à des degrés divers.
L'article 2 ignore de multiples catégories socioprofessionnelles. En outre, sa rédaction paraît étrange, voire approximative.
En effet, que signifie, d'un point de vue juridique, l'expression « une allocation en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité »?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas cela ! Il n'est pas question d'« allocation » !
M. Roland Muzeau. A quel taux ce rapport s'établit-il ? S'agit-il de 100 %, de 80 %, de 10 % ?
Cette rédaction affirme la primauté donnée à l'individualisme, mais elle ne comporte aucun engagement sur le taux selon lequel sera calculé le revenu de remplacement, qui est gravement menacé pour l'avenir.
M. Jean Chérioux. Surtout si l'on vous suit ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est de l'obstruction ! Ce n'est pas possible !
M. Roland Muzeau. Notre proposition de supprimer l'article 2 se fonde donc sur une analyse de fond et sur une analyse de forme.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il fallait présenter cet amendement à l'Assemblée nationale, pas au Sénat !
M. Roland Muzeau. Cet article ne correspond pas du tout à l'évolution du marché de l'emploi. La réduction des inégalités doit constituer l'un des enjeux majeurs de toute réforme. Avec la rédaction actuelle de l'article 2, nous ne nous engageons nullement dans cette voie, bien au contraire.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 102.
M. Guy Fischer. L'article 2 du présent projet de loi, sous des apparences tout à fait séduisantes, constitue en réalité une remise en cause profonde du mode de financement de notre régime général de retraite par répartition.
Lisons-en attentivement chaque mot : « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien, monsieur Fischer ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Ainsi est libellé l'article 2, qui consacre, en réalité, une forme d'individualisation de la répartition.
Jusqu'à plus ample informé, on ne peut en effet que souligner que, quand bien même les salaires constituent aujourd'hui la base de calcul des cotisations retraite, celles-ci ne sont cependant pas autre chose qu'un prélèvement sur la richesse créée, à emploi d'ailleurs immédiat.
Les cotisations aujourd'hui acquittées par les actifs ne sont pas déposées sur une sorte de compte d'épargne pour être utilisées une fois la pension liquidée ; elles constituent le moyen de financement et de paiement des pensions et retraites actuellement versées.
Elles sont la manifestation effective de la solidarité de la nation, de la collectivité, avec ceux qui, en raison de leur âge, ne peuvent plus travailler, et ce conformément à nos principes constitutionnels, que nous avons rappelés lors de la discussion de l'article 1er.
Or, si l'on suit la logique qui imprègne l'article 2 du présent projet de loi, le droit à pension serait strictement lié au montant des cotisations acquittées tout au long de la vie professionnelle, hors toute autre mesure.
Cela reviendrait à transformer les cotisations en points d'épargne accumulés progressivement avant que les inégalités de rémunération existant durant la vie professionnelle ne se traduisent à nouveau en termes de montant des prestations servies. C'est ce que propose M. Madelin !
Le droit à une pension d'un montant suffisant serait donc apparenté à une forme de droit d'entrée dans un club, étroitement dépendant du montant des sommes que chaque assuré aurait consacrées à cela durant sa vie professionnelle.
Dans sa philosophie générale, cet article 2 mine donc, sans en avoir l'air, l'un des fondements mêmes de notre système de retraite par répartition.
Il interpelle en particulier sur le fait qu'aucune mesure ne pourrait venir, sans trace d'activité professionnelle avérée, ouvrir des droits à des catégories de personnes aussi diverses que les étudiants en formation longue, les mères de famille - que deviendrait la majoration pour enfant dans cette acception ? -, ou encore les chômeurs.
Dans son prolongement, l'article 2 consacre donc la philosophie générale de ce projet de loi : un abaissement sans précédent du niveau des garanties collectives dont bénéficient les salariés et les retraités de notre pays, au profit, une fois de plus, de l'amélioration de la rentabilité du capital, qui n'est pas sollicitée l'espace d'un seul instant dans le cadre de ce projet de loi.
Sous le bénéfice de ces observations, nous ne pouvons donc que vous inviter à adopter cet amendement de suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 859.
M. Gilbert Chabroux. Je vais intervenir sur l'article 2 et sur l'amendement n° 859.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cinq minutes !
M. Gilbert Chabroux. L'article 2 met en exergue la notion d'effort contributif des salariés. Cet effort contributif doit reposer essentiellement sur le travail et les cotisations sociales - nous en sommes d'accord -, mais on ne peut exonérer les entreprises de leur part. Or l'effort demandé aujourd'hui en matière de financement des retraites repose presque exclusivement sur les salariés - 91 % de cet effort sont mis à leur charge -, alors que les cotisations des entreprises en matière de retraite sont restées au même taux de 8,2 % depuis vingt-cinq ans.
Par conséquent, nous demandons, d'une part, une répartition plus équitable entre les salariés et les entreprises et, d'autre part, que l'on réfléchisse à des recettes financières complémentaires non contributives, sans pour autant remettre en cause la retraite par répartition qui repose sur les cotisations sociales.
Des recettes non contributives financent déjà partiellement le Fonds de solidarité vieillesse, qui verse le minimum vieillesse, c'est-à-dire la retraite des personnes en situation de précarité. Il serait possible ainsi d'attribuer des bonifications, sous forme de trimestres complémentaires, à celles et à ceux qui effectuent des travaux pénibles, ou encore pour tenir compte de la formation initiale ou continue. Les périodes de formation doivent pouvoir être intégrées comme des éléments à part entière de la vie professionnelle, à moins que l'on ne veuille privilégier l'emploi sous-qualifié et, bien sûr, sous-rémunéré.
L'article 2, dans la rédaction qui nous est présentée, nous conduit par ailleurs à nous interroger sur le sens qu'il faut donner au mot « activité », quand on connaît l'ampleur du chômage et de la précarité : 3 900 000 personnes inscrites à l'ANPE, 1 000 000 de RMIstes et 4 000 000 de salariés précaires. Il faut vraiment mettre en oeuvre une politique volontariste et active pour l'emploi, un pacte national pour l'emploi, nous ne cessons de le répéter, et il faut, j'y reviens, une contribution équitable pour résoudre les problèmes de société auxquels nous sommes confrontés.
Qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie ou du plein emploi, tout le monde doit être mis à contribution. Il faut faire en sorte que les efforts soient équitablement répartis et offrir de réelles contreparties. Cela suppose que de véritables négociations s'engagent, avec l'objectif de rechercher le consensus le plus large possible.
La question qui se pose, mes chers collègues, est de savoir quelle part des richesses produites peut aller aux retraites. Au cours des quarante dernières années, la part des retraites dans le PIB a augmenté de 7 points. L'augmentation a varié, selon les périodes, de 0,5 % à 0,75 % en moyenne par an. Mais, dans le même temps, le PIB a plus que doublé, et il devrait encore doubler au cours des quarante prochaines années. Il faut aussi relever que le travail ne représente plus aujourd'hui que 60 % du PIB, contre 98 % en 1945. En vingt ans, la part des salaires dans la richesse nationale a baissé de 10 points. Cela nous oblige à revoir l'assiette des cotisations.
La base de calcul des cotisations patronales, qui repose actuellement sur les seuls salaires, doit être élargie à l'ensemble des richesses que les salariés ont contribué à créer.
Il faut aller vers plus de transparence dans la solidarité nationale, vers une mise à contribution des entreprises plus favorable à l'emploi et vers une évolution du partage des richesses globalement plus favorable aux revenus du travail.
L'effort financier évalué par le Conseil d'orientation des retraites pour maintenir le système avec le taux de remplacement actuel et les âges actuels de remplacement équivaut à une hausse de 15 points du taux de cotisation retraite en quarante ans. Autrement dit, il correspond à une progression de 0,375 % par an sur la période. Dans un pays riche, cette charge accrue est supportable. C'est une utilisation tout à fait envisageable d'une partie des gains de productivité, évalués à 1,6 % par an, selon l'estimation du Conseil d'orientation des retraites. C'est un choix parfaitement réalisable, à condition de mieux prendre en compte la valeur ajoutée et les profits, qui n'ont cessé d'augmenter.
Contrairement à ce que vous cherchez à faire croire, ce qui met en péril la compétitivité des entreprises, ce n'est pas le coût du travail qui serait trop élevé, c'est bien le coût du capital ! L'un des tours de force les plus surprenants de l'idéologie libérale est d'avoir largement imposé dans la société l'idée que le problème serait le coût du travail, et non celui du capital. Or, dans la plupart des grandes entreprises, la masse salariale ne représente plus que 10 % à 15 % des coûts.
Parallèlement, les actionnaires exigent de plus en plus de dividendes et de rentabilité sur les actions. Ce sont donc les actionnaires, et non les salariés, qui ponctionnent les entreprises, et ce sont les profits qu'il convient de réduire. L'excédent brut d'exploitation des entreprises a augmenté de 14,3 % entre 1992 et 1999, contre 6,7 % pour les salaires.
Aussi, je demande, mes chers collègues, que nous rédigions ainsi l'article 2 : « Tout retraité a droit à une pension d'un niveau élevé, en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. » Il faut mettre à contribution la richesse nationale à due proportion, les entreprises devant s'acquitter de leur part, tout comme les salariés s'acquittent de la leur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. André Rouvière. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour défendre l'amendement n° 858.
M. Claude Domeizel. Cet article rappelle, comme cela a été dit, le principe de contributivité des salariés pour l'obtention d'une « pension » - ce mot a remplacé le mot « allocation » à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, comme l'a précisé M. le président About.
Les cotisations représentent l'essentiel du financement des retraites. Mais allons beaucoup plus loin et nous parlons de ce que l'on appelle habituellement « les charges sociales ». La notion de charges sociales est associée à une idée de lourdeur (Eh oui ! sur certaines travées du groupe CRC) alors qu'elles font partie du salaire. Je m'explique. Il est versé à chaque régime de retraite, sauf à l'Etat, des retenues et des contributions. Les retenues sont prélevées sur le salaire. Les contributions sont acquittées par l'employeur. Mais, qu'il s'agisse des retenues ou des contributions, elles sont toutes deux assises sur le salaire et correspondent bien à celui-ci. Lorsque certaines personnes se plaignent de « crouler » sous le poids des charges salariales, cela signifie, selon moi, qu'elles ne veulent pas augmenter les salaires. En effet, ces charges sont un salaire différé.
Cependant, afin que la répartition soit équitable, il faudrait répartir l'effort honnêtement entre les employeurs et les salariés. Or nous constatons, à la lecture de ce projet de loi, que c'est le salarié qui est presque exclusivement sollicité, puisque l'effort demandé repose à près de 90 % sur lui. Pourtant, depuis vingt-cinq ans, les taux de contribution des entreprises sont pratiquement stabilisés à 8,2 %, ce qui n'est guère acceptable.
Votre projet de loi ne repose donc que sur la contribution du salarié, alors que d'autres recettes financières non contributives auraient pu être envisagées, comme le financement du Fonds de réserve pour les retraites, une taxation sur les revenus non productifs, ou encore des bonifications accordées dans des situations particulières, bref, un éventail plus large de mesures, comme le préconisait le Conseil d'orientation des retraites. Mais, en l'occurrence, vous avez choisi de ne charger que le salarié.
De plus, comme l'article 2 dispose que « tout salarié a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité », on est en droit de se demander, dans le cas où le salarié subira une baisse de 20 % du taux de remplacement - et ce sont les femmes qui sont surtout concernées -, si sa pension, qui représentera 50 % de son salaire, sera en rapport avec les revenus qu'il aura eus pendant sa période d'activité salariée.
Enfin, vous rappelez, monsieur le ministre, le principe de contributivité de la retraite par répartition, tout en introduisant subrepticement une incitation à la capitalisation. (M. le rapporteur s'exclame.) Voilà une contradiction fondamentale !
M. François Marc. C'est vrai !
M. Claude Domeizel. Nous vous demandons avant tout de garantir le pouvoir d'achat des retraités...
M. François Marc. Oui !
M. Claude Domeizel. ... pour éviter de glisser vers la capitalisation.
C'est la raison pour laquelle il nous paraît indispensable que cette notion de pouvoir d'achat soit ajoutée et que l'article 2 soit ainsi rédigé : « Tout retraité a droit à une pension qui garantit son pouvoir d'achat, en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. » J'espère que cet amendement sera adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, pour présenter l'amendement n° 1094 rectifié.
M. Gilbert Chabroux. Attention ! Piège ! (Sourires.)
Mme Nelly Olin. La nature des régimes de retraite par répartition est avant tout contributive, ce que réaffirme avec force le présent article.
Néanmoins, les régimes par répartition conservent un caractère solidaire au bénéfice des travailleurs les plus modestes. Ce caractère est un impératif posé sans ambiguïté par le onzième alinéa du préambule de la Constitution, qui dispose que la nation « garantit (...) aux vieux travailleurs la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».
M. Paul Loridant. Vous avez de bonnes lectures !
Mme Nelly Olin. Le minimum contributif met en oeuvre ce principe, que le présent article ne peut ignorer. En conséquence, nous vous proposons la rédaction suivante : « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité, améliorée le cas échéant au titre de mécanismes de solidarité. »
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter le sous-amendement n° 1107.
Mme Michelle Demessine. Ce sous-amendement vise à changer la terminologie employée par le projet de loi s'agissant du droit à pension : cette pension doit être proportionnelle aux revenus, et non pas « en rapport » avec les revenus.
Selon le Larousse, le rapport est un « lien ou une relation entre deux ou plusieurs personnes ou choses », sans que l'on sache quelle devrait être l'étroitesse du lien.
A propos des retraites - et là, le terme « rapport » est employé à bon escient - dire que le niveau de la pension doit avoir un lien avec les revenus, c'est introduire une notion de subjectivité et un caractère aléatoire qui est tout à fait négatif.
Le droit à pension - car c'est bien un droit - résulte d'un rapport de proportionnalité que l'on peut exprimer de la manière suivante : le fait de travailler pendant un certain nombre d'années à un salaire donné ouvre droit à une pension dont le calcul ne sort pas du chapeau de quelques services obscurs. Telle est la signification du mot « proportionnelle », qui, en soulignant l'idée du rapport de proportion juste entre deux choses, sous-entend un calcul sur des bases connues et stables.
Si ces mots étaient équivalents, il conviendrait de modifier les textes pour prévoir que l'impôt est en rapport avec les revenus, voire - pourquoi pas ? - instituer que les modes de scrutin sont en rapport avec.
Le choix n'est évidemment pas anodin, et n'est d'ailleurs pas de nature à nous surprendre outre mesure. Il illustre bien l'approximation née de l'indexation du niveau des pensions sur les prix et non plus sur les salaires, pour laquelle avait opté le gouvernement Balladur et que nous combattons.
Ce sous-amendement est loin d'être rédactionnel. C'est un sous-amendement de principe, que les sénateurs du groupe CRC vous demandent d'adopter aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre le sous-amendement n° 1110.
M. Roland Muzeau. L'un des débats essentiels quant au devenir de notre régime de retraite par répartition est bien celui de la pénibilité des conditions de travail.
Nous avions, il y a déjà un certain temps, déposé en ce sens une proposition de loi tendant à permettre aux salariés ayant atteint 40 annuités de cotisation avant l'âge légal de départ en retraite de cesser leur activité professionnelle, compte tenu, notamment, des conditions générales de déroulement de celle-ci.
Force est d'ailleurs de constater qu'une bonne partie des salariés concernés - ils sont plus de 800 000 dans notre pays - sont également ceux qui subissent les conditions de travail les plus difficiles.
Il existe en effet, et ce n'est pas surprenant, un lien entre pénibilité du travail, travail relativement sous-qualifié et début précoce de la vie professionnelle, qui, à cet égard, implique que nous soyons aujourd'hui amenés à prendre un certain nombre de mesures et à préconiser, la mise en oeuvre de ce que prévoit ce sous-amendement.
Dans certaines professions, notamment celles qui sont concernées par des régimes spéciaux, la pénibilité est reconnue et validée, permettant notamment d'avancer l'âge de cessation de l'activité professionnelle. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir dans le cadre du débat sur le titre III, relatif à la fonction publique. Mais vous nous permettrez d'y trouver dès maintenant matière à réflexion.
Dans les faits, rien ne nous paraît justifier que des travailleurs postés, des personnes qui travaillent avec des horaires décalés, de nuit ou dans des conditions particulièrement difficiles - chaleur, bruit, froid, exposition spécifique aux risques industriels ou technologiques - ne bénéficient d'aucune compensation au titre de leur droit à la retraite.
Ce sont souvent ces mêmes salariés qui, au nom des mutations technologiques, des reconversions industrielles ou des restructurations, sont victimes de plans sociaux qui se caractérisent notamment par la mise en oeuvre d'un important volet de départs en préretraite. Nous sommes dès lors en présence de salariés qui ne peuvent plus retrouver de travail avant d'avoir atteint l'âge de la liquidation de leur retraite, qui sont dispensés au bout d'un certain temps de pointer aux services de l'allocation de chômage et qui connaissent entre 57 ans et 60 ans un abaissement sensible de leurs ressources conduisant parfois aux limites des minima sociaux.
Tout cela, nous pouvons, nous voulons l'éviter. Trop de salariés qui n'ont pas ménagé leur peine ont subi ces vingt dernières années ce processus de lente mais sûre exclusion de la vie professionnelle. Nous pensons qu'il est plus que temps de faire droit à l'attente de ces salariés.
Prendre en compte la pénibilité du travail, que ce soit sous la forme d'un départ en retraite avant l'âge légal dès lors que les annuités requises sont atteintes ou sous la forme d'une bonification des trimestres accomplis dans des conditions de travail spécifiques et difficiles est donc une mesure de justice sociale, et nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à l'adopter.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter le sous-amendement n° 1108.
M. Guy Fischer. Le présent sous-amendement vise à prendre en compte les périodes de formation dans la validation des périodes équivalant aux durées de cotisation liées à une activité professionnelle.
Pour compenser l'entrée plus tardive dans la vie professionnelle, les années d'études, les temps de formation et d'apprentissage doivent être comptabilisés à partir de l'âge de 16 ans pour le calcul des droits à la retraite.
Il devrait en être de même pour le temps de versement de l'allocation d'autonomie pour les jeunes, dont les parlementaires communistes demandent toujours la création.
Les études et la formation sont non seulement un droit constitutionnel, un droit démocratique, un choix politique, mais aussi une nécessité découlant des évolutions rapides des modes et des outils de travail ainsi que des savoirs qu'ils requièrent.
Les ressources humaines sont à considérer dorénavant depuis les études jusqu'à la retraite - c'est l'enjeu principal de notre société -, et elles exigent que le système social prenne en compte les interruptions de carrière que nécessitent des études, des formations complémentaires, soit initiales soit continues.
Les nouvelles technologies et l'information, la révolution numérique interviennent dans des domaines de plus en plus variés pour l'exercice de métiers considérés comme courants. La nécessité d'un bon niveau d'études et d'une actualisation régulière de sa formation est un paramètre important de la bonne insertion de chaque individu. L'amélioration des savoir-faire est donc plus que jamais d'actualité.
De plus, l'insécurité socio-professionnelle qui accompagne nos trajectoires individuelles et collectives nous oblige à des remises en question brutales de nos connaissances et de nos savoir-faire. Les faillites, les liquidations, les délocalisations, les fusions entraînent le travailleur à une adaptabilité, une polyvalence et une mobilité le plus souvent synonymes de déqualification, flexibilité et instabilité.
Les études et la formation sont devenus les bâtons de pèlerin du travailleur contemporain s'il ne veut pas trébucher sous les coups du chômage, des petits boulots, des CDD et des stages de réinsertion.
Ces aléas de la vie professionnelle s'ajoutent à ceux de la vie, de la santé. Or une société équitable doit protéger au mieux ses citoyens en compensant ces impératifs.
Par ce sous-amendement, nous voulons répondre à l'exigence d'une politique orientée vers la construction d'un nouveau système fondé sur la sécurité de l'emploi et de la formation pour soutenir un nouveau type de croissance, une croissance fondée sur le développement des ressources humaines.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter le sous-amendement n° 1111.
Mme Michelle Demessine. Ce sous-amendement vise à poser le principe de l'égalité de traitement des assurés sociaux devant les retraites compte tenu de la situation spécifique des femmes. Cela se justifie pour deux raisons.
Tout d'abord, à l'heure actuelle, près d'un actif sur deux est une femme, et ce sans compter les nombreuses femmes qui travaillent aux côtés de leur conjoint sans pour autant être considérées comme entrant dans la catégorie des actifs. Demain, à l'horizon 2015, 52 % des retraités seront des femmes.
Ensuite, dans la mesure où le Gouvernement conduit sa réforme au nom de l'équité, il nous a semblé opportun de cibler la situation des femmes face à la retraite, tout le monde s'accordant à dire que les différences entre les hommes et les femmes en matière de droit à la retraite et de montant de pension sont bien réelles et qu'elles sont le reflet des inégalités dans la vie professionnelle et sociale. Or le projet de loi a largement négligé cette question.
En refusant de tenir compte des évolutions du marché du travail, notamment des contraintes familiales pesant principalement sur les femmes, ce que je déplore, le nouveau dispositif ne permettra pas de réduire les inégalités, y compris entre les femmes, entre celles qui se seront arrêtées pour élever leurs enfants et celles qui auront fait le choix de conjuger vie familiale et vie professionnelle.
Plusieurs mesures phares de cette réforme sont même de nature à pénaliser très fortement les femmes.
Il s'agit, tout d'abord, de l'allongement de la durée de cotisation, bien sûr. Si, aujourd'hui, les femmes restent en activité deux ans de plus en moyenne que les hommes, c'est bien parce qu'elles ne totalisent pas la durée d'assurance requise pour liquider leur retraite à taux plein.
Ajoutons à cela les conséquences de la décote qui frappera plus durement les femmes, ces dernières cumulant le désavantage du temps partiel, des carrières interrompues et des bas salaires.
Par ailleurs, dans la mesure où les pensions de retraite des femmes sont déjà parmi les plus faibles et qu'elles représentent la moitié de celles des hommes, la généralisation du mécanisme d'indexation des pensions sur les prix et non sur les salaires concourt également à creuser l'écart.
Concernant les avantages familiaux, là encore, l'examen du texte révélera que le Gouvernement fait le contraire de ce qu'il prétend. Dans le public, par exemple, sous couvert de jurisprudence européenne, au nom de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, les conditions d'accès aux majorations et bonifications pour enfants changent. Elles seront réduites pour les enfants qui naîtront à partir de 2004. Tout est fait pour inciter les femmes à s'arrêter de travailler pour élever leurs enfants alors que, par ailleurs, le Gouvernement cherche à relever le taux d'activité.
Pour éviter que les femmes continuent à payer le prix fort, comme l'a justement titré le journal Le Monde, nous vous proposons qu'il soit tenu compte des inégalités actuelles, qui ne sauraient se lisser seules, et que le Gouvernement s'engage à travailler sur les moyens de reconnaître que la situation des femmes au regard de la retraite est différente et doit faire l'objet à ce titre de mesures tendant à compenser ces écarts de droits.
Tel est le sens de notre sous-amendement, qui vise à proposer que le Gouvernement informe notre assemblée par un rapport sur cette question avant le 31 décembre 2004.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre le sous-amendement n° 1112.
M. Roland Muzeau. La question de la pénibilité du travail est essentielle dans l'analyse de la situation des retraités de ce pays. Elle concerne en effet des milliers de salariés qui ont souffert et souffrent encore de conditions de travail particulièrement pénibles.
De quoi parlons-nous ?
La pénibilité du travail touche notamment l'ensemble des salariés qui travaillent en équipe et selon les différentes formules de travail posté, ceux qui travaillent dans des entreprises où l'on constate des risques industriels particulièrement sérieux allant du maniement de matières dangereuses à des risques de contamination.
Il y a également tous ces salariés contraints de travailler la nuit, ou encore ceux qui exercent leur profession dans des conditions particulièrement difficiles. On peut penser aux salariés du bâtiment et des travaux publics comme aux salariés de la métallurgie - avec mon ami Yves Coquelle nous en avons parlé tout à l'heure - et à ceux de la sidérurgie.
Mais les contraintes sont aussi réelles pour les ouvriers des blanchisseries industrielles, ceux de la boulangerie ou de la restauration, sans oublier les salariés des marchés d'intérêt national, par exemple.
On pourrait multiplier les exemples de toutes ces activités où c'est souvent la santé du salarié qui est en cause puisque celui-ci est exposé au bruit, à l'inspiration de relents de matières dangereuses, à la chaleur ou encore au froid.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Dans certaines professions ou dans certaines entreprises, la pénibilité de l'activité professionnelle est prise en compte. On peut ainsi citer, même s'il s'agit d'entreprises dont les régimes de retraite sont spécifiques, les salariés de la SNCF ou de la RATP qui travaillent de nuit, notamment les personnels roulants et les personnels d'entretien des voies.
Cependant, dans bien des secteurs, rien dans la détermination des conditions de retraite de ces salariés ne peut effectivement compenser la pénibilité de leurs activités professionnelles.
Ce serait faire oeuvre de justice sociale que d'ouvrir un grand chantier de la bonification des périodes d'assurance des salariés ayant exercé ces métiers. C'est donc tout à fait naturellement et sans la moindre hésitation qu'il nous semble utile, au terme de cette explication, de soumettre à l'adoption de notre Haute Assemblée des dispositions tendant à prendre en compte, au-delà de ce qui peut aujourd'hui exister uniquement de manière conventionnelle, la pénibilité du travail pour les salariés ayant cotisé pendant quarante ans avant d'avoir atteint l'âge de départ à la retraite.
Cette mesure socialement indispensable doit entrer dans notre législation, ne serait-ce que pour épargner aux salariés les conséquences éventuelles des plans sociaux qui sont régulièrement mis en oeuvre dans de nombreux secteurs de l'activité industrielle.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 860.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, je vous demande, au nom du groupe socialiste et de son président, une suspension de séance d'une heure.
M. Henri de Raincourt. Vous êtes fatigués ?
M. Gilbert Chabroux. Nous avons tous reçu, mes chers collègues, la même lettre de la part des organisations syndicales CGT, CGT-FO, UNSA, FSU et G-10 Solidaire. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt Pas nous !
M. Gilbert Chabroux. Je vous en informe donc, puisque vous n'êtes peut-être pas au courant !
Ces organisations ont recueilli des centaines de milliers de signatures...
M. Jean Chérioux. Et pourquoi pas des millions ?
M. Gilbert Chabroux. ... de salariés franciliens qui s'opposent à l'actuel projet de loi du Gouvernement, réclament des mesures permettant d'accroître les financements des régimes de retraite, exigent de vraies négociations avec les organisations syndicales et demandent de surseoir au vote du projet de loi.
M. Jean Chérioux. Qu'est-ce que c'est que cette conception de la démocratie ?
M. Gilbert Chabroux. Ces organisations syndicales d'Ile-de-France ont appelé à un rassemblement aujourd'hui, mercredi 9 juillet, à dix-sept heures. Elles ont sollicité une rencontre ce même jour, à dix-sept heures trente, pour exposer leurs appréciations et leurs propositions.
M. Josselin de Rohan. Allez-y ! Allez vous promener !
Mme Nicole Borvo. Comment peut-on être aussi méprisant ?
M. Gilbert Chabroux. Etant donné que les négociations n'ont pas eu lieu, étant donné que nous avons des difficultés à débattre ici,...
M. Hilaire Flandre. Allez rencontrer les travailleurs !
M. Jean Chérioux. On n'est pas en 1793 !
M. Gilbert Chabroux. ... je me permets d'insister et de vous demander de bien vouloir nous accorder une suspension de séance d'une heure. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. On n'est pas à la Convention !
M. Eric Doligé. C'est scandaleux !
M. Gilbert Chabroux. Qu'est-ce qui est scandaleux ?
M. Jean Chérioux. Votre attitude !
M. le président. Mes chers collègues, le débat parlementaire a été engagé. Il s'est déroulé sans interruption à l'Assemblée nationale, il a commencé au Sénat voilà deux jours, et nous ne pouvons pas nous permettre de l'interrompre au gré de sollicitations extérieures.
M. Claude Domeizel. Il s'agit de rencontrer des travailleurs !
M. le président. Le débat doit se poursuivre dans la sérénité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et pas sous la pression !
M. le président. Le débat a eu lieu d'abord dans d'autres enceintes. Il est engagé maintenant devant le Parlement. Cela n'empêche aucun groupe de notre assemblée de rencontrer les délégations qui se présentent, mais cela ne doit en aucun cas interrompre le débat parlementaire,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. le président. ... qui doit rester placé sous le signe de la continuité et de la sérénité.
C'est dans cet esprit que je demande à M. Domeizel de présenter l'amendement n° 860. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Quel sens du dialogue social !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous expliquerai tout à l'heure !
Mme Hélène Luc. Dites-nous !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vais vous expliquer qui ils veulent voir !
Mme Hélène Luc. Ils veulent vous voir !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai accepté de les recevoir, mais c'est vous qu'ils veulent voir ! Sur ce point, il vaudrait mieux que vous vous taisiez !
M. le président. Mes chers collègues, la parole est à M. Claude Domeizel, et à lui seul !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je trouve surprenant, et même désobligeant à l'égard des travailleurs qui viennent nous voir ici, au Sénat, que vous ne suspendiez pas la séance afin que nous puissions les rencontrer. Voilà qui montre bien votre conception de la concertation ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Courteau. Ils ont peur !
M. Jean Chérioux. C'est indécent !
M. Claude Domeizel. Considérez que l'amendement n° 860 est défendu avec ces quelques mots visant à obtenir une suspension de séance.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Alain Vasselle. Nous pouvons enfin continuer à travailler !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 103.
Mme Michelle Demessine. Il est défendu. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je vous redonne la parole, madame, pour défendre l'amendement n° 104 rectifié.
Mme Michelle Demessine. L'amendement n° 104 rectifié pose le principe d'une validation de certaines périodes non travaillées, notamment les périodes de formation, dans le calcul des trimestres requis pour ouvrir droit à pension à taux plein.
Il est contradictoire de vouloir augmenter la durée d'assurance nécessaire, de la faire passer pour tous à quarante ans en 2008, à quanrante et un ans en 2012 et à quarante-deux ans en 2016, sans tenir compte d'une réalité : l'arrivée tardive des jeunes sur le marché du travail.
Monsieur le ministre, dois-je vous rappeler que, selon Eurostat, en 2001, la part des jeunes de 15 à 24 ans en emploi n'était, en France, que de 29,1 %, contre 40,4 % en moyenne au sein de l'Union européenne ? Dois-je vous rappeler également que, dans ces conditions, les chances offertes à ces jeunes d'accomplir une carrière pleine sont d'autant plus limitées que, en toute connaissance de cause, vous ambitionnez pour eux une amputation importante de leurs droits à la retraite ?
Le Gouvernement est conscient du paradoxe qu'il y a à inciter d'abord les jeunes à faire des études longues pour s'assurer une qualification et un avenir professionnels et à les cantonner ensuite dans des dispositifs précaires d'insertion, puis à leur demander enfin de payer la facture !
Pour amortir un peu le choc, le Gouvernement a prévu un dispositif non pas de validation gratuite des années d'études, mais de rachat et à un coût tellement prohibitif que jamais il ne sera effectif.
Pour légitimer votre réforme, vous vous êtes beaucoup appuyé, monsieur le ministre, sur les exemples européens. Il aurait été juste de porter à la connaissance du grand public l'ensemble des atouts ainsi que les particularités de tel ou tel système.
M. François Fillon. ministre. D'accord !
Mme Michelle Demessine. L'Allemagne a effectivement pris la durée de cotisation comme variable d'ajustement. Mais, en contrepartie, elle a notamment prévu que les années d'études au-delà de 17 ans seraient comprises dans le calcul des annuités ouvrant droit à la retraite.
Dans un souci de justice sociale, nous devons tenir compte à la fois des années de formation initiale et des années de formation continue, afin d'éviter de pénaliser doublement les salariés entrés tardivement sur le marché du travail, bien souvent pour des raisons indépendantes de leur volonté, ou ceux qui connaissent des carrières chaotiques.
C'est le sens de l'amendement déposé par le groupe CRC.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il m'est assez difficile de suivre nos collègues de l'opposition tant ils empruntent des détours en présentant leur argumentaires. C'est pourquoi je sais gré à M. Gilbert Chabroux de nous avoir reprécisé, au bout d'un certain temps, que ses propos concernaient bien l'article 2.
Pour ma part, après avoir écouté avec attention les différents orateurs, je ne peux que me référer à l'amendement n° 859 : « tout retraité a droit à une pension d'un niveau élevé, "en rapport" avec les revenus qu'il a tirés de son activité », et à l'amendement n° 103, qui tend à affirmer un principe du système de retraite par répartition : le droit à une pension de retraite « proportionnelle » à ses revenus et non « en rapport » avec les revenus.
Je m'en tiens aux décisions que nous avons prises en commission : avec cet article 2, il s'agit de réaffirmer notre attachement à la répartition telle que nous l'avons décidée hier soir, et dont la contributivité constitue la base.
Cet article réaffirme le lien essentiel qui existe entre la carrière de l'assuré et sa retraite. Nos régimes de retraite sont donc construits dans une logique professionnelle.
Monsieur Muzeau, j'ai relevé une contradiction dans vos propos : nos régimes de retraites ne sont pas entièrement contributifs, puisque les assurés les plus modestes bénéficient de la solidarité nationale. Affirmer le contraire n'est pas possible.
Lors de sa réunion, la commission des affaires sociales a adopté un amendement clair, l'amendement n° 1094 rectifié du groupe UMP, qui rappelle que la retraite est essentiellement de nature contributive et qu'elle porte des valeurs de solidarité essentielles. Je ne vois pas comment on peut tenir d'autres propos !
J'ai entendu dire tout à l'heure que la retraite ne peut être que proportionnelle dans la mesure où elle découle de la solidarité. Mais, mes chers collègues, vous savez très bien que, dans notre régime, des mécanismes de solidarité sont prévus pour les basses pensions et, si votre raisonnement était appliqué à la lettre, ce serait le système du chacun-pour-soi.
Bref, monsieur le président, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 1094 rectifié et un avis défavorable sur l'ensemble des autres amendements et sous-amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement rappelle une fois encore que l'article 2 a fait l'objet d'une rédaction collective en concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux et pas seulement avec ceux qui ont apporté leur soutien à la réforme.
C'est donc avec l'ensemble des partenaires sociaux qu'ont été rédigés, au cours de vingt-deux réunions, l'exposé des motifs, la déclaration de principe et les articles 1er, 2 et 3 du projet de loi.
Cet article 2 résume en réalité la définition de notre système par répartition tel qu'il fonctionne depuis la Libération.
Tout à l'heure, Mme Beaufils s'est offusquée de ce que l'on puisse écrire que notre système de retraite était lié aux revenus perçus pendant la carrière. Mais, madame le sénateur, c'est la définition même du système de retraite tel qu'il fonctionne dans notre pays depuis la Libération ! Il s'agit d'un système contributif. Il est bon qu'il en soit ainsi ; car ce système est beaucoup plus sûr pour les salariés qu'un système de capitalisation ou qu'un système fondé seulement sur la solidarité ou sur un dispositif fiscal soumis aux aléas de la conjoncture. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement se déclare opposé aux amendements de suppression.
Il est également défavorable aux amendements n°s 858 et 859, qui n'apportent rien de plus à la définition proposée.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 1094 rectifié, qui vise à préciser que, dans le cadre de notre système contributif, il existe des mécanismes de solidarité, ce qui est vrai et qui ne figurait pas dans le texte initial.
Quant au sous-amendement n° 1107, qui vise à rendre la retraite proportionnelle aux revenus, il favoriserait, s'il était adopté, les revenus les plus élevés, puisque, dans notre système, les bas salaires donnent droit à une retraite proportionnellement plus élevée que les hauts salaires.
Dans le système que nous proposons, ceux qui ont fait leur carrière au SMIC bénéficieront d'un taux de remplacement de 75 %, alors qu'il n'en sera pas de même pour les salaires élevés. Il en a d'ailleurs toujours été ainsi.
Cela dit, ce n'est pas la première fois que nous notons une certaine contradiction dans les propos de l'opposition...
Le sous-amendement n° 1108 vise à prendre en compte les périodes de formation. Cette solution est effectivement retenue dans certains pays, mais elle heurte notre conception de la retraite par répartition.
En effet, si l'on intégrait gratuitement les années d'études dans la durée de cotisation, cela signifierait, dans un système contributif comme le nôtre, que ceux qui n'ont pas fait d'études paieraient pour ceux qui en auraient suivi.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. Or, même si cela n'est pas toujours le cas, ces derniers perçoivent, à terme, des revenus plus élevés. Une telle mesure serait donc contraire au principe de solidarité.
Mme Demessine s'étant référée à l'exemple allemand, je souhaite que le Sénat soit complètement éclairé sur ce point.
En effet, le système allemand prend bien en compte trois années d'études, mais la durée de cotisation est de quarante-cinq ans.
Ainsi, dans ce système de quarante-cinq annuités, si l'on ôte trois années d'études, on en revient à quarante-deux ans de cotisation, ce qui correspond à ce que nous avons proposé à terme.
J'ajoute que la réforme allemande a induit une très forte baisse du taux de remplacement, qui est au maximum de 64 %, et qu'elle a introduit une dose massive de capitalisation.
Et voilà le modèle que le groupe communiste républicain et citoyen présente au Sénat ! Une telle accumulation de contradictions montre bien le malaise qu'éprouve l'opposition par rapport au dossier des retraites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 100, 101 et 102.
Mme Hélène Luc. Si, comme l'affirment les auteurs du présent projet de loi, il s'agit avec cette réforme d'assurer aux Français une retraite de haut niveau, alors il faut le décliner précisément comme nous le proposons.
Pour expliquer mon vote, je ne peux évidemment que souligner une fois encore que la réalité dans notre pays est celle de pensions et de retraites dont le niveau moyen demeure faible. Cela est vrai notamment pour le régime général - on connaît le nombre de personnes ne touchant que le minimum vieillesse ou le minimum contributif - et plus encore pour le régime agricole, dans lequel les minima de pensions frôlent parfois l'indécence.
Cette situation est connue. La pension moyenne versée aux retraités de notre pays est inférieure à 850 euros, c'est-à-dire moins de 80 % du SMIC brut, et encore ne s'agit-il que d'une moyenne !
Ce sont les femmes qui sont aux premières loges pour subir le feu d'une réforme qui rendra les retraites plus chiches, en préservant d'abord et avant tout la rentabilité du capital.
Nous sommes, pour notre part, clairement favorables à la mise en place de garanties minimales, plancher sous lequel il ne faut pas descendre. Ces garanties, dont nous faisons un objectif impérieux de notre système de retraite par répartition, ne sont que le juste retour aux hommes et femmes de ce pays - surtout aux femmes en l'occurrence - du produit de leur travail.
Nous pensons que les salariés qui ont vécu leur vie professionnelle dans des conditions salariales déplorables doivent obtenir une compensation des sacrifices qu'ils ont subis.
Monsieur le président, je souhaiterais maintenant m'exprimer sur ce qui vient de se passer dans cet hémicycle. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Vous m'avez reprise, monsieur le président About, quand j'ai dit hier que vous vouliez torpiller les débats alors que M. le président du Sénat venait d'insister pour que la discussion ait lieu.
M. Jean Chérioux. Elle a lieu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous nous resservez des amendements de l'Assemblée nationale !
Mme Hélène Luc. Depuis lundi, les sénateurs de l'UMP ne participent pas au débat,...
M. Hilaire Flandre. On vous laisse le soin de le faire !
Mme Hélène Luc. ... affichant ainsi un mépris inqualifiable vis-à-vis des parlementaires, qui travaillent, comme ceux du groupe CRC,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme nous aussi !
Mme Hélène Luc. ... mais aussi vis-à-vis des citoyens. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Vasselle. C'est vous qui le dites !
Mme Hélène Luc. Mes chers collègues, vous avez délégué au ministre le soin de développer vos arguments. Nous, nous argumentons...
M. Jean Chérioux. Vous appelez cela des arguments ?
Mme Hélène Luc. ... mais vous ne nous répondez même pas.
Quand M. de Rohan, président du groupe UMP, qui n'est plus dans l'hémicyle d'ailleurs...
Mme Nelly Olin. Il n'est pas obligé de pointer !
Mme Hélène Luc. Quand M. de Rohan, disais-je, s'est levé tout à l'heure, je me suis dit que la majorité sénatoriale allait enfin participer au débat ! Eh bien, je m'étais trompée ! Il a pris la parole, certes, mais pour demander la clôture de la discussion !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a pas eu de véritable concertation. Cette réforme est contestée par la majorité des Français.
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas parce que vous le dites que c'est vrai !
Mme Hélène Luc. Huit Français sur dix soutiennent le mouvement ; 350 000 pétitions ont été remises aux députés...
M. Eric Doligé. Cela ne fait pas huit Français sur dix !
Mme Hélène Luc. ... et nous allons en recevoir d'autres aujourd'hui.
Réfléchissez donc, mes chers collègues : la légitimité des élus nationaux ne suffit pas pour imposer des choix émanant du seul champ politique.
En tout cas, ce qui se passe actuellement n'est pas de nature à redonner du crédit aux dirigeants politiques.
M. Hilaire Flandre. On ne vous le fait pas dire !
Mme Hélène Luc. Cela pourrait même amplifier la crise que connaît la représentation politique. C'est M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, qui le dit, et il a bien raison !
M. Eric Doligé. Ce n'est pas une référence !
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, je vous informe que je vais quitter l'hémicycle pour recevoir les délégations. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Eric Doligé. Allez-y, bon débarras !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Camarades, en avant !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon. Il faut bien que nous allions accueillir cette délégation puisque la suspension de séance que nous avons demandée n'a pas été accordée !
Mon explication de vote va peut-être éclairer M. le ministre sur notre proposition.
M. Jean Chérioux. Ce serait bien étonnant !
Mme Josiane Mathon. En tout cas, monsieur Chérioux, elle semble plus que nécessaire !
Cet article 2 est pour le moins en décalage avec l'affirmation de principe contenu dans l'article 1er.
Après une déclaration de principe sur la solidarité entre les générations, vient en effet une seconde déclaration de principe qui renvoie en fait chacun à la réalité des revenus qu'il a tirés de son activité professionnelle.
Aujourd'hui, pour une part essentielle, les retraités de ce pays ne disposent pas d'un revenu de remplacement significatif, à tel point que 45 % des retraités, singulièrement les femmes, qui sont les plus nombreuses, ne disposent que du minimum vieillesse.
De fait, lier étroitement le revenu tiré de l'activité et le montant de la pension versée stricto sensu signifie que seront perpétuées les inégalités de revenu qui existent durant la vie professionnelle et qui ne sont pas toujours justifiées.
Limiter le versement d'une pension ou d'une retraite à une application du principe de contributivité venant concurrencer le principe de solidarité affirmé dans l'article 1er a plusieurs implications.
La moindre n'est pas de pénaliser tous ceux et toutes celles qui n'auront pas eu une carrière complète. En effet, cet article 2 vise de manière particulièrement pernicieuse toutes les femmes salariées qui, au gré des aléas de l'existence, ont été dans l'obligation de cesser une activité professionnelle pour pouvoir élever leurs enfants, par exemple.
Il pénalise tous ceux qui ont effectué de longues études, souvent au prix de sacrifices financiers importants.
Il pénalise tous ceux qui, au fil de leur carrière professionnelle, ont dû subir brimades et restrictions diverses à leur propre évolution professionnelle.
Et quelle sera demain la retraite du délégué syndical, dont la promotion est arbitrairement bloquée par décision unilatérale et autoritaire de l'employeur ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Quelle sera demain, selon le principe énoncé à l'article 2, la retraite des délégués du personnel de Michelin ou de Peugeot ; qui ont, pendant parfois plus de vingt ans, subi les effets de l'arbitraire patronal, ce qui les a privés de tout avancement dans l'échelle des qualifications et donc des rémunérations dans leur entreprise ?
Et ce sont pourtant ces réalités-là que, d'une certaine manière, l'article 2, dans son apparente fluidité (Brouhaha continu sur les travées de l'UMP.)...
Si vous pouviez faire un peu de silence, mes chers collègues, je vous en saurais gré, parce qu'il est très désagréable de devoir hurler dans un micro ! Certains d'entre vous se comportent parfois comme des goujats !
Ce sont ces réalités-là, disais-je, que, d'une certaine manière, dans son apparente fluidité et limpidité, l'article 2 tend à nous faire valider.
Nous ne pouvons donc voter un tel article et, pour ces raisons, je ne peux qu'inviter le Sénat à adopter nos amendements de suppression, pour lesquels nous demandons un vote par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Le catastrophisme dont fait preuve le Gouvernement en matière de retraite cache mal son projet de remettre en cause notre système de retraite solidaire.
Ce projet est la pointe la plus avancée de l'offensive libérale qui vise à remettre en cause tout ce qui relève des logiques collectives et solidaires.
Le Gouvernement dit vouloir sauver le système de retraite par répartition. Mais, en fait, il ne fait qu'appliquer les recommandations de la Banque mondiale, qui, en 1994 déjà, appelait à mettre en place un système à trois piliers qui ferait une large place à l'épargne facultative.
On nous répète à longueur de journée qu'un choc démographique va se produire et qu'il se transformera en choc financier pour le système de retraite, mais on tait le fait que les départs à la retraite des prochaines années vont appeler des recrutements massifs, et donc apporter davantage de cotisations.
Le Gouvernement voudrait nous enfermer dans un débat à la fois catastrophique et simpliste, alors que la mutation démographique qui se déroule sous nos yeux aura de multiples effets.
Plusieurs politiques sont possibles : soit la poursuite de la logique libérale, avec le résultat que l'on connaît pour les salariés, soit l'engagement dans une voie progressiste qui, pour contribuer à fortifier le système de retraite solidaire, rendrait possible l'accès à l'emploi tout au long de la vie active en luttant résolument contre le chômage.
Ce choix solidaire est d'autant plus réaliste que les gains de productivité compensent largement le nombre croissant de retraités.
Même Denis Kessler ne disait pas autre chose avant de défendre exclusivement les intérêts du grand patronat. Permettez-moi de citer ce qu'il avait écrit en 1990 dans la revue de l'INSEE : « Dans cette période de 2005 à 2025, il suffirait d'un progrès de productivité de l'ordre de 0,5 % par an pour compenser la diminution relative du nombre d'actifs. »
Dans la même logique, le rapport du Conseil d'analyse économique rappelle que le montant des gains de productivité devrait facilement faire face, voire faire bien plus que compenser les frais de la hausse du ratio de dépendance.
En plus de cette augmentation de la productivité, il est tout à fait possible et souhaitable d'élargir l'assiette des cotisations sociales pour mettre davantage à contribution les revenus financiers des entreprises, des banques, des assurances et des ménages fortunés, ce dont vous vous gardez bien de parler, monsieur le ministre.
Comme mes amis du groupe communiste vous l'ont rappelé, cette mesure rapporterait, en année pleine, 23 milliards d'euros. Cet argent serait plus utile à fortifier notre système de retraite plutôt qu'à alimenter la spéculation des grandes places financières, qui appauvrit l'ensemble des peuples de la planète.
Dans le même esprit, il s'agirait de mettre fin aux différentes exonérations de cotisations patronales pour les grandes entreprises qui ne contribuent en rien au développement de l'emploi. Actuellement, 16,6 milliards d'euros du budget du ministère de l'emploi sont consacrés aux exonérations de charges patronales pour les salaires équivalant à 1,8 fois le SMIC. Or aucune différence n'est faite entre les entreprises qui innovent et qui investissent et les autres. Les grands groupes qui en bénéficient utilisent cet argent non pas pour développer l'emploi, mais pour accroître leurs profits.
Vous l'aurez donc compris, mes chers collègues, nous faisons un autre choix de société. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Nelly Olin. Ça commence à bien faire !
Mme Marie-France Beaufils. Je serai très brève. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Le libellé de l'article 2 - « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité » - ne pouvant obtenir notre adhésion, nous proposons la suppression de cet article.
Considérons le cas d'une femme ayant exercé une partie de sa carrière à temps partiel : elle percevra une retraite en rapport avec ses revenus antérieurs, et donc une pension partielle.
Derrière cet apparent bon sens se cachent des restrictions en matière de politique familiale. Ainsi, demain, cette même femme n'aura droit à la bonification de retraite accordée pour les enfants que si elle a cessé son activité dans le cadre des congés légaux. Si elle continue à travailler, elle n'en bénéficiera plus.
Faut-il donc accroître les inégalités pour faire des économies ?
En ce qui concerne le système du rachat des droits, le Gouvernement propose la possibilité, pour les personnes ayant commencé à travailler tard, de racheter jusqu'à trois années d'études, ces périodes d'études, d'apprentissage ou de recherche infructueuse d'emploi n'étant pas suffisament rémunérées pour entrer dans le calcul des droits. Pour la personne concernée, il en coûtera environ 30 000 euros. Seuls les salariés ayant trouvé un emploi auprès d'un employeur qui leur aura racheté leurs points pourront bénéficier de cette mesure.
Mais qu'en est-il des salariés peu qualifiés qui ne trouveront pas tel employeur et qui n'auront pas suffisamment de ressources pour racheter eux-mêmes leurs points ? Là encore, les inégalités vont se creuser !
Quel pouvoir d'achat restera-t-il à ces retraités qui participent pourtant à l'ensemble de l'activité économique ?
Nous avons, pour notre part, une tout autre conception des retraites.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, nous examinons présentement trois amendements de suppression de l'article 2. Lors de la présentation de ces amendements, leurs auteurs ont démontré qu'ils avaient repris purement et simplement des amendements préparés à l'Assemblée nationale pour s'appliquer au texte initial du Gouvernement et non au projet de loi tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale.
Nous avons eu le souci de faire en sorte que le débat puisse se dérouler, mais nous venons d'entendre la quatième explication de vote sur ces amendements. Vont sans doute venir une cinquième, puis une sixième, puis une septième...
A ce stade, je tiens à confirmer que je suis défavorable à ces amendements parce qu'il n'ont pas de sens dans la mesure où ils s'appliquent à un texte qui n'est pas celui qui nous a été transmis.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, en vertu des premier et deuxième alinéas de l'article 38 du règlement, je demande la clôture de la discussion et je confirme notre opposition à ces trois amendements identiques. Cette demande est tout à fait justifiée après les propos tenus par le président de la commission des affaires sociales.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dites-nous pourquoi vous êtes contre !
M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture de la discussion sur les amendements identiques n°s 100, 101 et 102.
Je vous rappelle qu'en application de l'alinéa 1 de l'article 38 la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsque au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote sur un amendement.
En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée sur cette demande de clôture.
La clôture est prononcée.
Je mets donc aux voix les amendements identiques n°s 100, 101 et 102.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 182
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 233 |
Majorité absolue des suffrages | 117 |
Pour | 29 |
Contre | 204 |
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote sur l'amendement n° 859.
M. Jean Chérioux. Le groupe UMP est opposé à cet amendement qui, à l'évidence, relève d'une manoeuvre dilatoire.
Comme M. le ministre l'a fort bien expliqué tout à l'heure, il va à l'encontre de la notion que nous avons de la retraite par répartition.
On vous l'a dit, il ne peut pas y avoir proportionnalité ! Vous le savez, mais vous essayez de présenter un texte qui ne soit pas tout à fait celui du Gouvernement. En fait, vous êtes gênés parce que le Gouvernement défend la retraite par répartition.
Nous sommes pour le régime par répartition et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre l'amendement n° 859.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. A vrai dire, je suis un peu dépité ! En effet, je n'ai pas encore pris la parole cet après-midi ! J'avais prévu d'expliquer mon vote sur les amendements précédents, je n'ai pas pu le faire et je me sens brimé, privé de parole ! (Sourires.)
Je vais donc essayer de combler ce manque en expliquant mon vote sur l'amendement de M. Chabroux et en donnant mon sentiment sur le sens de l'article 2.
Je vois une contradiction fondamentale entre cet article 2, qui prône apparemment la correspondance entre la contribution du salarié et le niveau de sa retraite ou de sa pension, et l'un des axes de la politique du Gouvernement : celui qui, en parfaite harmonie avec les autorités de Bruxelles, tend à abaisser le taux de remplacement pour participer à l'effort de réduction des dépenses publiques, en vertu du traité de Maastricht et de ses implications sur le plan budgétaire.
Au demeurant, je vous renvoie, chers collègues de la majorité, au sommet de Barcelone, où M. le Président de la République et, il est vrai, le Premier ministre de l'époque...
M. Henri de Raincourt. Comment s'appelait-il ?
M. Paul Loridant. ... avaient bel et bien donné leur accord à un rallongement de la durée de cotisation et donc à une baisse du niveau des pensions.
Je rappelle que, dans les années quatre-vingt, le minimum contributif représentait 95 % du SMIC net. Vous avez « généreusement » concédé, monsieur le ministre, un taux de 85 %.
De toute évidence, ce projet de loi porte un coup sévère au niveau des retraites.
Pourtant, la question du taux de remplacement a été au centre de réformes menées chez nos voisins, en Allemagne, en Italie ou en Espagne. En France, le débat minimise la portée de cette question essentielle du niveau des pensions.
Comment ne pas voir par ailleurs que, si le nombre des trimestres validés au moment de la liquidation est encore de 164, le niveau de pension ne pourra que baisser pour les hommes dans les années à venir ?
De toute manière, il ne sera plus adapté à la carrière de certaines catégories sociales : je pense en particulier aux femmes qui valident des durées de cotisation plus courtes et ont donc, malgré leur intégration plus forte dans le salariat, des droits à pension minorés. J'appelle votre attention sur ce point, monsieur le ministre : il y a peut-être là une atteinte au principe constitutionnel de parité, lequel ne s'applique pas aux seules élections. Je me permets d'y insister car, s'il devait y avoir un recours devant le Conseil constitutionnel, ce moyen pourrait éventuellement être soulevé.
Comment ne pas voir également que de nombreux jeunes diplômés obtiennent aujourd'hui un emploi stable à vingt-quatre ou vingt-cinq ans, ce qui retarde d'autant le début de l'accumulation des droits à la retraite ? A quel âge, vu les conditions prévues par le présent projet de loi, ces jeunes gens pourront-ils partir à la retraite ? Même si leur carrière se déroule sans anicroches, c'est incontestablement vers soixante-cinq, soixante-six ou soixante-sept ans que la retraite ou la pension pourra être complète.
En clair, si ces jeunes gens et ces jeunes femmes ne disposent pas plus tard des moyens pour épargner et pour pouvoir racheter leurs années d'études, ils n'atteindront jamais une retraite à taux plein. Nous nous interrogeons donc sur l'opportunité de cette faculté de rachat des années d'études. Cette disposition est parfaitement contraire au principe constitutionnel d'égalité.
Les retraites et les pensions seront donc, dans l'avenir, beaucoup plus inégalitaires. Comme je le disais hier, nous verrons dans quelques années, comme aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne aujourd'hui, des « petits vieux » faisant des « petits boulots ».
Cet article 2, même amélioré par l'amendement de M. Chabroux, perd, au regard de ces quelques remarques, une grande partie de son sens. C'est bien la solidarité qui doit être réaffirmée avec force et non pas la symétrie entre contributions et pensions, qui relève de l'évidence et masque la réalité des retraites dans notre pays.
Beau et généreux est le principe qui est posé dans cet article. Hélas ! c'est une baisse du niveau des pensions que consacre la suite du texte, à l'opposé de ce qui est affirmé à l'article 2.
C'est pour cette raison que je voterai l'amendement de M. Chabroux, le considérant comme un amendement de repli, et tout en regrettant que nous n'ayons pu mener ce débat avec nos collègues de la majorité. Car vous pourriez tout de même, vous aussi, chers collègues, vous exprimer sur le fond, nous opposer vos arguments et ne pas laisser seul au front le président et le rapporteur de la commission ! Nous aimerions tant vous entendre de temps en temps ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Que pourraient-ils dire ? Ils sont tellement mal à l'aise !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je souhaiterais revenir sur la distorsion considérable que l'on peut observer entre les revenus dans notre pays.
Il a beaucoup été question, ces derniers temps, au Parlement et ailleurs, de la rémunération des patrons de grandes entreprises.
J'ai trouvé assez extraordinaire, à cet égard, la réaction du baron Ernest-Antoine Seillière.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah oui ! Notre ami ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Au moins votre frère de combat !
Il parle d'or, si j'ose dire, sur ces questions d'argent, ce brave homme ! En effet, que dit-il ? Ou plutôt que ne dit-il pas ? Il ne dit pas, par exemple, qu'il a touché 1,37 million d'euros en 2002 comme président de Wendel Investissement. Mais chacun a évidemment en mémoire ce qu'il est advenu d'Air Lib et le rôle du baron Seillière dans cette affaire.
M. Henri de Raincourt. Et celui de M. Gayssot !
M. Roland Muzeau. Vous voyez que vous pouvez parler ! Laissez-moi terminer et, ensuite vous exposerez votre point de vue, mon cher collègue ! Je suis sûr que j'apprendrai encore une fois beaucoup !
En tout cas, le baron Seillière s'en sort bien ! Ses revenus sont assez coquets, mais il a mis 3 000 personnes au chômage et cela ne l'a pas empêché de dormir !
Cette discussion a pu se tenir à l'Assemblée nationale, et ce ne fut pas sur l'initiative des députés communistes, qui ne sont pas assez nombreux pour imposer un débat. Il s'est tenu sur l'initiative d'un de vos amis politiques, M. Pascal Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui a estimé nécessaire de réagir. J'espère que vous serez solidaire de votre collègue, comme je le suis moi-même en cet instant.
M. Clément a en effet expliqué que ces rémunérations étaient scandaleuses, rappelant que la moitié des patrons du CAC 40 avaient vu leurs rémunérations augmenter tandis que leurs entreprises réalisaient des pertes considérables. Et voici ce qu'il a dit au baron Seillière : « Si vous ne voulez pas de législation, il faut mettre de l'ordre. »
Eh bien, je vous appelle, mes chers colègues, à mettre aussi de l'ordre sur ces questions de rémunérations qui entrent dans le calcul des retraites. Vous jouez les grands seigneurs avec 75 % du SMIC, mais, à nos yeux, il n'y a là rien de remarquable.
En regard des quelques chiffres que je viens de citer - et j'aurais pu allonger la liste ! -, la revendication d'une retraite égale à 100 % du SMIC apparaît comme tout à fait légitime.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 859.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Il y a doute ! (Sourires.)
M. le président. De quelque endroit que l'on se trouve dans l'hémicycle, le résultat de ce vote ne paraît pas souffrir le moindre doute ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 858.
M. François Marc. L'article 2 énonce le droit à une pension en rapport avec les revenus que le retraité a tirés de son activité. Notre amendement n° 858 met en avant la nécessité de garantir le pouvoir d'achat.
Le principe de base concernant l'effort contributif de chacun doit effectivement être rappelé. Mais l'application de ce principe doit se faire en termes de flux - les recettes collectées dans l'année sont réparties entre tous les bénéficiaires - et non en termes de stock, car cela conduirait à une forme d'individualisation de la retraite dans la mesure où les cotisations versées tout au long d'une carrière professionnelle tendraient à se transformer en un capital accumulé.
Au surplus, il faut souhaiter que l'effort contributif soit plus équitable et ne soit plus systématiquement demandé aux salariés. Depuis plus de vingt-cinq ans, en effet, le taux de cotisation des entreprises ne dépasse pas 8,2 %. Incontestablement, l'évaluation de l'effort contributif doit mieux prendre en compte toutes les composantes de la valeur ajoutée. L'abondement des recettes annuelles permettrait ainsi de revaloriser le flux de prestations servies annuellement aux petites retraites.
A cet égard, doit-on rappeler les conséquences désastreuses de la réforme Balladur pour les petites retraites ? Doit-on rappeler également que 40 % des retraites liquidées sont au minimum contributif ?
Il est donc primordial, mes chers collègues, de rappeler l'engagement déterminé du Parlement, notamment du Sénat en faveur de l'utilisation immédiate des cotisations acquittées, condition essentielle à la mise en oeuvre d'une véritable solidarité intergénérationnelle.
Il est important de refuser de façon manifeste toute gestion individualisée par les stocks, qui constituerait les prémices de la capitalisation.
Pour que le pouvoir d'achat des retraites soit garanti, comme cela est prévu dans l'amendement n° 858, deux conditions doivent être réunies.
D'une part, il faut recourir à d'autres sources de financement, car, chacun le sait, le déséquilibre dans le plan de financement des retraites pose le problème de la garantie durable du pouvoir d'achat, qui est aujourd'hui la première exigence de tous les retraités.
D'autre part, il faut aussi que le Gouvernement se mette en situation de diminuer le chômage, de créer de l'emploi et de favoriser la croissance. Or, de ce point de vue, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui dans l'expectative. Il y a incontestablement dans ce pays depuis un an une rupture de confiance manifeste.
Alors qu'une croissance de 2,5 % était annoncée, elle sera inférieure à 1 % cette année ; on nous promet des taux de croissance importants à l'avenir : les organismes statistiques nous prédisent des taux bien moindres. Dans ces conditions, on observe que l'épargne s'accroît dans des proportions importantes. La confiance n'est pas au rendez-vous. L'investissement ne repart pas. Or, le chômage ne régressera pas si la confiance n'est pas rétablie.
Il est donc important que le législateur affirme que la garantie du pouvoir d'achat sera recherchée par tous les moyens, car si la politique économique du Gouvernement ne donne pas de meilleurs résultats que ceux qu'elle a donnés depuis un an, on peut être véritablement inquiet sur la préservation du pouvoir d'achat des retraites dans les années à venir.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 858.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1107.
M. Roland Muzeau. Dans certains secteurs d'activité, les bas salaires sont la règle. De fait, c'est plutôt au travers de la rémunération individualisée que les salariés et surtout, bien souvent, les femmes peuvent trouver quelques moyens de dépasser les minima de rémunération imposés par la loi ou par les accords conventionnels de branche.
Nous pourrions citer le cas d'un grand nombre d'entreprises dans lesquelles les rémunérations sont parfois surprenantes, mais force est de constater que, parmi les secteurs où le niveau de rémunération est le plus faible, figurent ceux du textile, de l'habillement et de la grande distribution.
Pour justifier l'appel que je lance aux membres de notre Haute Assemblée de voter cet amendement, je relèverai plusieurs aspects de la réalité : d'une part, la faiblesse des rémunérations de base, souvent d'ailleurs calculées à temps partiel sur la base du salaire minimal de branche ou du salaire minimal interprofessionnel de croissance, comme c'est fréquemment le cas dans le secteur de la grande distribution ; d'autre part, les importantes économies d'échelle, générées, entre autres, par des dispositifs incitatifs d'origine législative, les ristournes dégressives sur les bas salaires, par exemple, qui laissent des marges parfois non négligeables pour gérer soit des politiques d'optimisation financière des disponibilités de l'entreprise, soit des politiques de rémunérations individualisées.
Ainsi, il convient de souligner que la part des salaires dans le chiffre d'affaires de groupes comme Carrefour ou Auchan est aujourd'hui inférieure à 10 %, tandis que les parts de masse salariale des filiales de ces mêmes groupes qui se consacrent au « maxi discount » représentent environ 6 % à 7 % du chiffre d'affaires. Dans ces entreprises, où les bas salaires sont le lot commun de la grande majorité des salariés, les effets des mesures d'allégement de cotisation jouent à plein, dégageant effectivement des marges pour des politiques en partie individualisées.
La même observation vaut d'ailleurs pour un secteur comme le textile-habillement où, dans le cadre de l'externalisation d'un certain nombre d'étapes du circuit de production - pas nécessairement à l'étranger, il convient de le souligner ici -, on lie de plus en plus rémunération accordée et productivité constatée.
Dans tous les cas, l'impact est négatif sur le financement de la protection sociale puisque des sommes plus ou moins importantes échappent à toute espèce de cotisation sociale et, singulièrement, à l'assurance vieillesse.
Notre démarche vise donc à traiter de manière équilibrée l'ensemble des éléments de rémunération, et cela d'autant plus que nous attendons de la négociation conventionnelle qu'elle permette, dans les mois et les années à venir, de requalifier véritablement les minima de rémunération et l'ensemble des échelles de salaires dans les différents secteurs d'activité.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1107.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1110.
Mme Evelyne Didier. Je souhaiterais, s'agissant de ce sous-amendement n° 1110, qui vise à intégrer l'ensemble des éléments de rémunération dans le calcul des cotisations d'assurance vieillesse, revenir sur quelques-unes des caractéristiques de la situation salariale de notre pays.
On sait en effet que, depuis plusieurs dizaines d'années, et singulièrement depuis les années quatre-vingt, les entreprises tendent à pratiquer en matière de salaires des politiques d'invidualisation des rémunérations.
Cette orientation fondamentale, largement répandue, est particulièrement développée dans les secteurs d'activité à bas salaires. Elle s'appuie sur deux orientations principales.
La première, qui consiste à créer les conditions d'une opposition entre les salariés en récompensant les « bons élèves », ceux qui acceptent les contraintes - travail de nuit, le week-end, les jours fériés -, est assez fréquente dans le secteur de la grande distribution.
La seconde vise à contenir les rémunérations servies. Ainsi, on multipliera les contrats à temps partiel rémunérés sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance, pour amener les salariés concernés, qui sont souvent des femmes, à accepter de travailler certains jours réservés, en principe, au repos ou à la vie de famille. Le résultat est connu : contre quelques compensations financières limitées, les salariés permettent une optimisation des capacités de production, dans l'industrie manufacturière, par exemple, ou une plus grande amplitude des horaires d'ouverture des magasins dans le secteur de la distribution.
Evidemment, on pourra nous objecter que la mesure que nous proposons aurait pour conséquence d'entamer le pouvoir d'achat des salaires toutes primes confondues. Mais on ne peut manquer de souligner que, le plus souvent, ce qui est en cause est précisement la qualité même des rémunérations conventionnelles ou d'entreprise, souvent fixées au mépris de la réalité des qualifications acquises.
On notera d'ailleurs que, dans de nombreux secteurs d'activité, l'écart entre les salaires féminins et masculins est tel que l'on peut légitimement s'interroger sur ce qui motive les différences de traitement. D'une certaine manière, notre amendement vise aussi à mettre un terme à ces pratiques discriminatoires, qui ne font pas vraiment honneur à ceux qui les mettent en oeuvre.
J'ajouterai que nous parlons beaucoup de chiffres, mais de manière très vague, et finalement très pudique. Ne serait-il pas utile que M. le ministre nous rappelle certains montants nets mensuels ? En effet, 75 % de pas grand-chose, ça ne donne toujours pas grand-chose. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Richert. C'est toujours mieux que rien !
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Nous déplorons vivement le fait que vous ayez rejeté nos sous-amendements traitant de la pénibilité, de l'astreinte et de l'entrée des jeunes dans la vie active. Sans doute ce sous-amendement vous laissera-t-il une chance de vous rattraper et, enfin, de reconnaître à certains le droit à une dérogation pour leur départ à la retraite.
La prise en compte de la pénibilité dans les régimes de retraite reste actuellement largement insuffisante et trop diversifiée. L'ensemble des dispositifs sectoriels est loin d'appréhender tous les travaux les plus pénibles. Or la corrélation entre l'espérance de vie, les tensions au travail et l'exécution des travaux dangereux doit nous inciter à revaloriser le système pour une plus juste prise en compte des salariés en souffrance dans leur emploi et à prévoir une compensation équitable, notamment grâce au régime des retraites.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vos propos ne concernent pas le sous-amendement n° 1110 !
M. Yves Coquelle. Si, tout à fait !
Une telle mesure repose avant tout sur la notion même de solidarité, de lien entre l'individu et le système collectif. Ainsi, la personne qui a, sa vie durant, respecté toutes les conditions posées par son emploi a droit à une juste compensation et à la solidarité de la collectivité.
Partant de ce postulat, la personne qui a intégré jeune son emploi, celle qui en a subi la pénibilité et celle qui a rempli son contrat, c'est-à-dire qui a cotisé le nombre d'années nécessaires à l'ouverture du droit à la retraite, devraient pouvoir bénéficier de la bienveillance de la collectivité et ne pas subir des durées supplémentaires de travail qui les pénaliseraient encore.
Je partage l'incompréhension de ceux qui sont amenés à devoir attendre la barrière fatidique de soixante ans pour prétendre enfin à un repos bien mérité. Je comprends qu'ils se sentent lésés et soient désabusés par cet état de fait. Je comprends leur souffrance.
C'est pourquoi l'amendement que nous vous présentons tend à réparer cette injustice et à redonner espoir à ceux qui ont tant donné tout au long de leur vie. Le désarroi causé par vos mesures, monsieur le ministre, ne fait qu'amplifier le mal-être que certains éprouvent à l'approche de la tranche d'âge de cinquante-cinq à soixante ans.
Les maux du travail sont des maux de société, et l'on peut y apporter certains remèdes, notamment en adoptant la mesure dérogatoire que nous vous proposons, mais aussi en améliorant les conditions de travail et les politiques d'emploi.
C'est la raison pour laquelle le groupe CRC vous invite à voter ce sous-amendement. L'attente est forte parmi les salariés. La nier serait leur infliger un nouveau désaveu.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1110.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1108.
Mme Josiane Mathon. Ce sous-amendement soulève une des questions essentielles pour l'avenir de notre système de retraites. En effet, les années de formation initiale ou continue ne sont pas systématiquement prises en compte dans le calcul des annuités de cotisation pour la retraite.
Or il est évident que l'un des éléments fondamentaux de l'évolution du monde du travail est l'allongement de la durée de formation initiale des salariés, et ce pour des raisons diverses.
Je citerai quelques exemples : dans le secteur de l'enseignement, autrefois, les élèves des écoles normales d'instituteurs, deux ans après le baccalauréat, étaient en situation d'enseigner ; aujourd'hui, les professeurs des écoles doivent effectuer trois ans d'études après ce même diplôme dans le cadre des instituts universitaires de formation des maîtres.
Nous vivons donc à une époque où la plupart des jeunes atteignent le niveau du baccalauréat et où ceux qui entreprennent un parcours de formation universitaire sont de plus en plus nombreux.
Il est vrai que les entreprises attendent des personnels techniquement plus qualifiés qu'auparavant. L'une des conséquences de cette situation, c'est que de plus en plus de jeunes ne commencent réellement leur carrière professionnelle qu'après l'âge de vingt ou vingt-deux ans.
Il est donc selon nous paradoxal que l'exigence exprimée par les entreprises de pouvoir disposer d'un personnel toujours plus qualifié se traduise par une remise en cause du droit des salariés à la retraite à soixante ans. Car c'est bien de cela qu'il s'agit ! Dès lors que l'on décide d'accroître le nombre des annuités nécessaires pour ouvrir droit à une retraite pleine et entière - d'abord quarante annuités pour tous les salariés, puis quarante-deux -, c'est le droit à la retraite à soixante ans que l'on remet en question.
Il est donc temps de considérer pleinement les périodes de formation comme un élément à part entière de la vie professionnelle, comme une étape dans le processus d'insertion des jeunes dans la vie active et comme un atout pour le développement économique et social de notre pays, à moins, évidemment, que l'une des visées de la réforme ne soit finalement le développement de l'emploi sous-qualifié et sous-rémunéré, que les jeunes salariés de notre pays seraient appelés à goûter dès l'âge de vingt ans.
Notre système de retraite par répartition doit intégrer pleinement la formation initiale et la formation continue dans les modalités de calcul des pensions et des retraites puisqu'elles constituent un des éléments fondamentaux de la croissance, vecteur essentiel de la santé même du système de la retraite.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter ce sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1108.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1111.
Mme Odette Terrade. Ce sous-amendement, qui vise à prendre en compte les inégalités entre les femmes et les hommes sur le plan de l'emploi, est important. Nous pouvons d'ailleurs, sur cette question, regretter que la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes n'ait pu s'accorder sur cette réforme des retraites qui, on l'a vu et on le répète depuis le début, touche particulièrement les femmes.
Nous devons faire le constat que l'égalité entre les femmes et les hommes est loin d'être atteinte. Le principe d'égalité, soit dit en passant, est pourtant inscrit dans le bloc de constitutionnalité, puisque le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme.
Mais ce qui est du domaine de la règle constitutionnelle a souvent, nous le savons bien, des difficultés à passer dans la vie quotidienne. Ainsi, au mépris de ces règles constitutionnelles et de celles qui ont été définies par le code du travail, qui a, de longue date, fait de l'égalité entre les hommes et les femmes l'un des piliers de son économie générale, dans de nombreuses entreprises, l'égalité est foulée aux pieds, ignorée, maltraitée.
A qualification égale, les niveaux de rémunération sont étonnamment différents selon que l'on est un salarié ou une salariée. Que ce soit dans les emplois d'exécution à faible qualification reconnue ou dans les emplois de cadre, les écarts peuvent atteindre 25 % à 30 % en défaveur des femmes.
Dans la perspective de la retraite, force est de constater dès lors que les bases de calcul du salaire de référence servant à la détermination du montant de la pension sont évidemment tronquées, conduisant de fait à une dévaluation sensible du niveau de pension défini pour les retraitées. Dans les années à venir, où le nombre des femmes salariées ayant effectué une carrière complète au titre de la durée d'assurance va s'accroître, nous pourrons donc voir clairement l'effet désastreux des inégalités de traitement.
Les femmes sont touchées au premier chef par la réforme des retraites que l'on nous propose d'avaliser. Nous risquons en effet, si nous n'y prenons garde, de constater que le processus sophistiqué de minoration et de décote, d'allongement de la durée d'assurance ou encore d'indexation des pensions sur les prix devrait conduire à écraser le niveau des pensions servies aux femmes retraitées. La banalisation du financement des pensions de la fonction publique va d'ailleurs singulièrement les frapper puisque, ne l'oublions pas, ce sont aujourd'hui les femmes qui constituent l'essentiel du recrutement de nos grandes administrations.
Disposer d'éléments d'analyse sur l'ensemble des questions posées par le travail féminin et ses implications sur le financement des retraites, promouvoir l'égalité de traitement entre retraités, qu'ils soient hommes ou femmes, implique donc de voter ce sous-amendement. C'est ce que feront les sénateurs et sénatrices du groupe communiste républicain et citoyen, et je vous invite à faire de même, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1111.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1112.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1094 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et les amendements n°s 860, 103 et 104 rectifié n'ont plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 2 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 861 rectifié, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Notre système de retraite est un système solidaire, porteur de cohésion sociale, où chacun cotise, acquiert des droits et où sont prises en compte de façon partagée des situations difficiles.
« Ce principe de solidarité se traduit par des minima de pensions garanties dans les différents régimes, d'une part, et la compensation démographique, d'autre part.
« II. - Dans le paragraphe I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, supprimer : "96". »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement n'a plus d'objet du fait de la rédaction de l'article 2 que nous venons d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 861 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 862, présenté par M. Estier, Mme Blandin, MM. Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mme Campion, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Contribution sur la perception de bons de souscription d'actions (stocks-options) »
« Art. L. 137-11. I. - Il est institué à la charge du salarié ou de l'ancien salarié bénéficiaire et au profit du fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135, une contribution sur la perception de bons de souscription d'actions (stocks-options) perçues sous quelque forme que ce soit, en vertu d'une convention ou accord collectif, du contrat de travail ou d'une décision unilatérale de l'employeur.
« II. - Le taux de cette contribution est égal à la somme des taux des cotisations, à la charge de l'employeur et du salarié, prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 241-3 et du taux de la cotisation, à la charge de l'employeur et du salarié sous le plafond du régime complémentaire conventionnel rendu obligatoire par la loi.
« III. - Les dispositions des articles L. 137-3 et L. 137-4 sont applicables s'agissant de la présente contribution. »
« II. - L'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 11° Le produit de la contribution instituée à l'article L. 137-11. »
« III. - Les dispositions du I sont applicables aux avantages de type stock-options perçus, en vertu soit d'une convention ou accord collectif ou d'un avenant au contrat de travail conclu après le 10 juin 2003, soit d'une décision unilatérale de l'employeur postérieure à cette même date. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise, notamment, à préciser qu'il est institué à la charge du salarié ou de l'ancien salarié bénéficiaire et au profit du Fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135 une contribution sur la perception de bons de souscription d'actions - stock-options - sous quelque forme que ce soit, en vertu d'une convention ou d'un accord collectif du travail ou d'une décision unilatérale de l'employeur.
En effet, primes de licenciement des cadres négociées à l'amiable, primes occasionnelles ou parts de salaire constituent quelques occasions fréquentes d'utilisation des stock-options.
Ces fractions de salaire se négocient et s'attribuent non pas en versement liquide ou bancaire mais en actions de l'entreprise, avec des délais de négociation. Elles échappent aux cotisations de retraite. Alors qu'elles rémunèrent un travail, elles ne participent pas à la solidarité entre générations. Pis, elles alimentent le jeu boursier futur, aux aléas dangereux, dont les effets pervers ne cessent de se faire sentir sur le monde du travail.
C'est pourquoi cet amendement tend à rétablir le devoir de participation équitable de tous à l'effort pour le financement des retraites, en élargissant l'assiette aux revenus de type stock-options.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cette proposition ne répond, en rien, selon nous, à la question du financement des retraites.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 862.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 864, présenté par M. Estier, Mme Blandin, MM. Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mme Campion, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« 1° Il est créé, au chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, une section IV bis "De la contribution sociale sur la valeur ajoutée".
« 2° Un article L. 136-7-2 est ainsi créé dans le code de la sécurité sociale :
« Art. L. 136-7-2. - Il est créé une contribution sociale sur la valeur ajoutée. L'assiette prise en considération est l'excédent brut d'exploitation (dépenses de recherche et développement incluses) avant amortissement des survaleurs. Le taux est modulé en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, de façon à faire davantage contribuer les entreprises dont la part des salaires dans la valeur ajoutée est plus faible que la moyenne de leur branche d'activité. Il est fixé par décret, après consultation obligatoire du conseil d'orientation des retraites.
« La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 205 du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Les ressources des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse) sont abondées par le produit de cette contribution. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Vantomme.
M. André Vantomme. Voici une proposition alternative au projet présenté par le Gouvernement. Elle évite que la réforme des retraites soit financée par le seul allongement de la durée de cotisation.
Du courrier de M. le Premier ministre et des premiers articles du projet de loi, notamment, il ressort que l'un des objectifs de ce projet, est de permettre à tous de bénéficier, demain comme aujourd'hui, d'une retraite garantie et du maintien du niveau de pension. Je m'étonne donc que vous repoussiez tous les amendements qui vont en ce sens.
Je reviens sur le peu de réalisme ou sur l'injustice consciente du choix d'allonger la durée des cotisations. Vous ne pouvez pas ignorer qu'en 2001, pour la première fois depuis six ans, le nombre de travailleurs âgés de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans mis au chômage a été plus élévé que celui des personnes mises en préretraite active.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est vrai !
M. André Vantomme. Aussi cet amendement propose-t-il un autre financement : une contribution sociale sur la valeur ajoutée, sur le modèle de la CSG. Elle serait assise sur les excédents bruts d'exploitation, dont je rappelle qu'ils ont augmenté de 14,3 % entre 1992 et 1999.
Comme nous sommes attentifs à l'emploi, nous vous suggérons que le décret ad hoc puisse moduler les taux en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, pour ne pas pénaliser les petites entreprises et les entreprises qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre, comme dans le secteur du textile.
M. Hilaire Flandre. C'est une nouvelle usine à gaz !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. En un mot, il s'agit d'asseoir la contribution sociale sur la valeur ajoutée.
A cet égard, je dois dire que les rapports de MM. Chadelat et Malinvaud, qui avaient mis en avant cette mauvaise bonne solution, n'avaient pas suscité un grand enthousiasme de la part du Gouvernement et du Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, puisque aucune disposition en ce sens n'a été prise.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis atterré par la pauvreté de l'argumentation de M. le rapporteur ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Roland Courteau. Et du ministre aussi !
Mme Nelly Olin. C'est vraiment désobligeant !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A l'amendement précédent, qui proposait une contribution sur la perception des bons de souscription d'actions, dits stock-options, il a répondu qu'il ne voyait pas le rapport avec le problème des retraites. Il aurait pu continuer à propos de cet amendement n° 864 qui propose, vous le savez, une contribution sociale sur la valeur ajoutée. Il a trouvé autre chose en indiquant que cela avait été proposé, mais que M. Jospin ne l'avait pas accepté.
On ne peut pas à la fois reprocher, à tort, au gouvernement Jospin, comme je l'ai maintes fois entendu, de n'avoir rien fait sur les retraites...
Mme Nelly Olin. C'est pourtant vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et ajouter ensuite que l'on ne retient pas cette idée parce que M. Jospin ne l'a pas retenue !
M. Roland Courteau. Evidemment !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En outre, vous savez très bien que le gouvernement Jospin avait créé un organisme de réflexion sur les retraites, que vous citez extrêmement souvent,...
Mme Nelly Olin. C'est vrai.
M. Jean Chérioux. Vous ne faites rien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et qu'il avait commencé à mettre de l'argent de côté dans le même but. Bref, on ne peut pas prétendre qu'il n'a rien fait. En tout état de cause, vous ne pouvez pas, d'un revers de la main, rejeter les financements que nous vous proposons.
M. Jean Chérioux. Financements bidons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De cette manière, à la vérité, on ne s'en tient pas à la répartition, mais, comme on n'a pas recours non plus à la capitalisation, on fait appel à la solidarité, c'est-à-dire à l'impôt, à des moyens nouveaux pour maintenir les conquêtes sociales que sont l'âge et le taux des retraites. Voilà pourquoi nous vous demandons avec beaucoup d'insistance de réfléchir et d'adopter cet amendement. Il sera toujours temps, dans les discussions futures, de faire des calculs et de mettre les choses au point.
Je le répète, vous ne pouvez pas dire que cet amendement n'a pas de rapport avec le problème des retraites, c'est faux. Vous ne pouvez pas dire non plus que vous le rejetez parce que le gouvernement de M. Jospin ne l'a pas retenu, ce n'est pas un bon argument. Parce que vous n'avez pas d'argument pour ne pas voter cet amendement, nous vous invitons donc à l'adopter !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous nous reprochez de manquer d'arguments alors que j'ai à plusieurs reprises, au cours de ce débat, indiqué que toutes les solutions visant à asseoir le financement des retraites sur des ressources autres que les salaires étaient inadaptées et dangereuses, à terme, pour les salariés.
A cet égard, je voudrais citer un article émanant de trois économistes réputés pour être assez proches de la philosophie que je crois être celle de M. Dreyfus-Schmidt, MM. Elie Cohen, Jean-Paul Fitoussi et Jean Pisani-Ferry.
Si l'on veut asseoir le financement des retraites sur un certain nombre de ressources, notamment du capital, estiment-ils, il faudrait d'abord qu'elles soient en rapport avec les besoins de financement. « En 2002, écrivent-ils, l'impôt sur les sociétés a représenté 37 milliards d'euros. C'est donc un triplement qu'il faudrait envisager pour dégager 75 milliards d'euros supplémentaires. Les entreprises du CAC 40 ont affiché un résultat total négatif. » (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Il s'agit de l'année 2002, mais cela montre bien que nous ne pouvons pas asseoir de manière durable et pérenne le financement des retraites sur de telles ressources.
M. Jean Chérioux. Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les petits ruisseaux font les grandes rivières !
M. François Fillon, ministre. « Et les plus-values virtuelles des stock-options de ces sociétés, ajoutent-ils, s'élèvent à 2,3 milliards d'euros. »
M. Roland Courteau. Et alors ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le répète, les petits ruisseaux font les grandes rivières !
M. François Fillon, ministre. Certes, nous pouvons récupérer la totalité des plus-values pour financer les retraites, mais chacun mesure à quel point cette solution n'est pas réaliste !
« Qu'en serait-il, poursuivent-ils, d'une taxation des entreprises via les cotisations employeur, la valeur ajoutée ou l'impôt sur les sociétés ? La réponse est que la charge de ces prélèvements aurait une bonne chance de retomber sur les salariés. » (Mme Marie-Claude Beaudeau proteste.)
M. François Fillon, ministre. « Le mécanisme est simple dans le cas d'une augmentation des cotisations employeur. Au moment où elle intervient, elle est évidemment à la charge des entreprises. Mais, à l'horizon de cinq ou dix ans, rien n'assure qu'il en soit toujours ainsi. Le salaire direct ou l'emploi peuvent simplement avoir baissé pour compenser l'accroissement du coût du travail. »
MM. Cohen, Fitoussi et Pisani-Ferry concluaient ainsi : « C'est pour cette raison que la proposition de taxer le capital nous semble avoir tous les traits d'une tactique d'évitement. Au lieu d'aider les Français à poser collectivement les termes d'un choix intergénérationnel et à dégager entre eux un compromis préservant les intérêts très légitimes des vieux et des jeunes, elle suggère qu'il suffirait, pour y échapper, d'aller puiser dans un trésor caché. Ce n'est pas rendre service au débat démocratique. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 864.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 865, présenté par M. Estier, Mme Blandin, MM. Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mme Campion, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« 1° Il est créé au chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, une section IV ter « De la contribution sociale sur la valeur du patrimoine .»
« 2° Un article L. 136-7-3 est ainsi créé dans le code de la sécurité sociale :
« Art. L. 136-7-3. _ Il est créé une contribution sociale sur la valeur de la fortune. Les personnes physiques soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune visé à l'article 885 A du code général des impôts doivent honorer annuellement la contribution sociale sur la valeur de la fortune, d'un montant défini par décret.
« La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 885A du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. L'amendement n° 865 vise à créer une contribution sociale sur la valeur du patrimoine, autrement dit à faire contribuer, par le biais d'un prélèvement spécial, les personnes physiques soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune.
Vous avez motivé la réduction de la portée de l'ISF sous prétexte que celui-ci ferait fuir à l'étranger un certain nombre de contribuables. Comment des Français, si attachés à défendre l'intérêt national, peuvent-ils envisager de partir à l'étranger sitôt qu'il s'agit de payer un impôt afin de ne pas participer à la solidarité nationale et à la construction de notre pays ?
M. Roland Courteau. En effet !
M. André Vantomme. Notre proposition n'induirait aucun coût supplémentaire puisqu'elle s'appuie sur un impôt existant. L'économiste Thomas Piketti avait relevé que le nombre de contribuables assujettis à l'ISF avait notablement crû au début des années quatre-vingt-dix. Il avait même remarqué que la progression des capitaux soumis à l'ISF avait été de 50 %, très supérieure à l'inflation, sans pour autant constater d'hémorragie évidente des contribuables assujettis à l'ISF.
M. Piketti avait calculé que, dans les tranches situées entre 1 million et 2 millions d'euros, les valeurs mobilières représentaient déjà 50 % du patrimoine concerné.
M. Hilaire Flandre. Que sont-elles devenues ?
M. André Vantomme. Et, lorsqu'on lui posait la question de savoir si cela risquait d'être anti-économique, il expliquait que non. Il faut revenir au principe de l'ISF, disait-il, il s'agit de lutter contre la concentration des patrimoines et d'inciter les personnes qui disposent d'un patrimoine important et qui se montrent incapables de le faire fructifier à s'en séparer.
Au contraire, l'impôt est léger pour les personnes qui gèrent bien leur capital, l'investissent dans les entreprises nouvelles et en obtiennent un rendement élevé.
M. Roland Courteau. C'est bien dit !
M. Hilaire Flandre. C'est stupide !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Il ne faut pas encourager encore les délocalisations.
Cher collègue Dreyfus-Schmidt, j'ai bien précisé tout à l'heure que les conclusions du rapport commandé par le Premier ministre ne l'avaient pas motivé à agir. Je n'ai pas dit qu'il n'avait rien fait ; cela, je vous le laisse, c'est une telle évidence ! Je suis désolé, en tout cas, d'avoir exacerbé votre susceptibilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Il est tout à fait exact que le gouvernement précédent avait commandé un rapport à M. Chadelat, qui avait envisagé dans ses conclusions un certain nombre de possibilités en matière de taxation supplémentaire de cotisations sociales. Comme ce gouvernement, sans doute, était embarrassé par ce rapport, il en a demandé un autre à M. Malinvaud,...
Mme Nelly Olin. Voilà !
M. François Fillon, ministre. ... qui a conclu qu'il serait très dangereux de mettre en place une cotisation supplémentaire fondée sur la valeur ajoutée. Le gouvernement de M. Jospin, à mon avis à juste titre, n'a donc pas donné suite à cette proposition qui avait été formulée au moment du débat sur le financement des 35 heures.
S'agissant maintenant de l'impôt sur la fortune, il faut savoir de quoi on parle ! Cet amendement ne mentionne pas de taux. Toutefois, à l'Assemblée nationale, le groupe communiste a proposé dans un amendement - il y en a eu plusieurs - une cotisation de 1 % sur l'impôt sur les grandes fortunes, soit une recette qui s'élèverait environ à 22 millions d'euros !
Mme Odette Terrade. Il n'y a pas que cela !
M. François Fillon, ministre. Voilà ce qui nous est proposé pour financer les quelque 100 milliards d'euros du programme de l'opposition ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Tout cela n'a aucun sens et est destiné en réalité à masquer l'absence de propositions sérieuses émanant de l'opposition en matière de retraites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux remercier M. le ministre des affaires sociales d'avoir bien voulu nous répondre d'une manière argumentée, mais je dois dire que sa réponse ne nous convainc nullement.
MM. Jacques Peyrat et Jean Chérioux. Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. D'abord, il nous cite trois économistes qu'il suppose proches de notre philosophie. J'ai le regret de dire que je ne suis pas d'accord avec ce qu'ils ont écrit en conclusion. En revanche, j'ai bien entendu que les auteurs que vous avez cités prétendaient que telle mesure ne rapporterait pas beaucoup, que telle autre pourrait, dans une dizaine d'années, se retourner et ne plus rapporter. Chaque chose en son temps !
S'agissant de l'amendement dont nous discutons, vous venez encore de souligner que la mesure proposée ne rapporterait pas beaucoup. Je n'ai qu'une réponse : les petits ruisseaux font les grandes rivières ! (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Si nous vous proposons de multiples mesures, c'est précisément parce que nous voulons défendre les acquis sociaux et les financer.
Telles sont les raisons pour lesquelles vos arguments n'étaient pas de nature à nous convaincre. C'est pourquoi nous vous demandons, même si vous avez déjà négligé deux sources de revenus supplémentaires en la matière, de voter l'amendement n° 865.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Sur ces problèmes de financement, je voudrais citer d'autres auteurs.
J'ai déjà dit qu'avec un peu plus de temps, et donc en faisant preuve de moins de précipitation, vous auriez pu affiner le problème de financement de la réforme que vous nous proposez. Or elle n'est financée qu'à 40 %, et encore ce financement n'est-il qu'hypothétique, puisqu'il se fonde sur une division par deux du taux de chômage...
M. François Fillon, ministre. Non ! à 100 % avec une baisse du chômage !
M. Gilbert Chabroux. Non !
En outre, vous faites preuve d'un optimisme béat, alors que la situation actuelle est vraiment très difficile, vous le savez bien. Il est vrai que vous pariez plus, sans doute, sur le long terme. Mais personne ne peut faire des prévisions fiables à vingt ans, voire à dix ans ou à cinq ans !
Il faudrait déjà se donner les moyens d'agir sur l'emploi. Or vous avez mis en sommeil tous les leviers qui favorisaient l'emploi, et le nombre des chômeurs s'est accru de 100 000 en un an. Pour la première fois depuis 1993, notre pays détruit plus d'emplois qu'il n'en crée. C'est tout de même inquiétant !
Je répète que les questions d'emploi et de travail devraient s'inviter à un haut niveau dans ce débat sur les retraites et qu'il faudrait regarder de plus près les problèmes de financement.
Ainsi, vous auriez pu étudier la proposition faite par une vingtaine de députés UMP - et, nous dit-on, par quelques sénateurs - de taxer les entreprises pour financer les retraites. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ce n'est pas moi qui l'ai inventé !
Ces parlementaires, réunis au sein du groupe de réflexion « Les démocrates » - je n'invente rien - ont annoncé leur volonté de déposer un amendement portant de 33,5 % à 34,5 % le taux de l'impôt sur les sociétés...
M. Adrien Gouteyron. Vous l'avez déjà dit, monsieur Chabroux ! Nous avons entendu.
M. Hilaire Flandre. Il se répète, il l'a déjà dit hier.
M. Gilbert Chabroux. Eh bien, je le redis ! C'est quand même une hypothèse qu'il ne faut pas exclure !
... pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires d'au moins 3 millions d'euros. « Cela rapporterait plus de 1 milliard d'euros par an et d'ici à 2020 permettrait de verser au Fonds de réserve des retraites environ 20 milliards d'euros. » Ce n'est pas moi qui le dis, c'est notre ancien collègue, désormais député, M. Alain Joyandet. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Nelly Olin. On a déjà entendu !
M. Gilbert Chabroux. Un autre député de la majorité a ajouté : « Ce serait un acte symbolique, cela permettrait de montrer que tout le monde porte l'effort. » Or cet amendement n'est pas venu en discussion au Sénat. Des membres de ce groupe de réflexion auraient pu le reprendre ! Il y a certainement des sénateurs de la majorité qui partagent l'avis de M. Alain Joyandet : « On entend beaucoup la voix des libéraux de notre parti » - l'UMP - « et pas assez celle des modérés. L'UMP ne doit pas être un parti de droite libérale débridée ! »
M. Hilaire Flandre. Etes-vous incapables de penser par vous-mêmes ?
M. Gilbert Chabroux. Beaucoup d'autres propositions auraient pu être discutées, celles que nous faisons aussi, à condition d'ouvrir un débat assez large et de ne pas considérer que votre réforme est la seule possible. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 865.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite intervenir brièvement pour détendre un peu l'atmosphère et répondre à M. Gilbert Chabroux, si fort en citations. Je veux lui rappeler, ainsi qu'à d'autres, une fable bien connue, celle de la poule aux oeufs d'or.
L'avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux, pour le témoigner,
Que celui dont la poule, à ce que dit la fable,
Pondait tous les jours un oeuf d'or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor :
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les oeufs ne lui rapportaient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches !
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus,
Qui du soir au matin sont pauvres devenus,
Pour vouloir trop tôt être riches !
Les groupes communiste et socialiste découvrent sans cesse de nouvelles poules aux oeufs d'or. Les propositions qu'ils formulent, loin de résoudre les problèmes de financement, n'auraient pour seule conséquence que d'appauvrir durablement notre économie. Je pense qu'il faut arrêter ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 866, présenté par M. Estier, Mme Blandin, MM. Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mme Campion, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier_ ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« 1° Il est créé au chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale une section VI quater "De la contribution sociale sur les revenus financiers".
« 2° Un article L. 136-7-4 est ainsi créé dans le code de la sécurité sociale :
« Art. L. 136-7-4. - L'ensemble des revenus financiers provenant des titres émis en France sont assujettis à une contribution sociale dont le taux est défini par décret. Sont exonérés de cette contribution sociale les livrets d'épargne populaire, les livrets A, livrets bleus, livrets et comptes d'épargne logement. Les plans épargne populaire courants, avant promulgation de la présente loi, en sont également exonérés pendant cinq ans. Les revenus des biens immobiliers autres que ceux utilisés pour l'usage personnel du propriétaire et de sa famille directe sont assujettis à la même cotisation que les revenus financiers.
« La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Les ressources des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse) sont abondées par le produit de cette contribution. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Aujourd'hui, seules les personnes physiques sont assujetties à la contribution sociale sur les produits de placement. Il convient de faire contribuer également les entreprises, personnes morales, tout en prévoyant des mesures d'exonérations pour certains types d'épargne populaire. Le taux de 10,35 % correspond au niveau de la contribution des salariés au financement de leur retraite.
Le système de retraite par répartition traduit pleinement les valeurs de solidarité entre les générations et renforce le sentiment de confiance entre les citoyens. Il a fait ses preuves dans l'histoire de notre pays. Il a permis des évolutions démographiques et sociales fort heureuses, une amélioration du niveau de vie dans une période plus longue du fait de l'allongement de l'espérance de vie, qui transforme les modes de vie à long terme dans le sens d'un meilleur bien-être, d'une meilleure justice et d'une meilleure efficience économique.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et s'est déjà expliqué sur ce sujet.
Je voudrais faire remarquer à l'opposition sénatoriale que, dans tous les pays qui ont choisi de financer les retraites par la fiscalité - et il en existe un certain nombre en Europe - la retraite s'est rapidement transformée en un minimum vital pour les retraités. C'est naturellement la capitalisation qui le complète.
Vouloir asseoir le financement des retraites principalement sur autre chose que les salaires, c'est rompre, à terme, avec le système de répartition, c'est soumettre les retraites des Français aux aléas de la conjoncture économique et c'est ouvrir la voie à la capitalisation. Voilà, en réalité, ce que, sans doute sans le vouloir, vous réclamez à cor et à cri !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Mes collègues et moi-même ne pouvons nous laisser aller au fatalisme actuel - fatalisme auquel les propos de M. Fillon, à l'instant même, nous ramènent -, en vertu duquel on sacrifie progressivement l'ensemble de notre système de protection sociale sous couvert d'une reformulation ultralibérale de notre contrat social, d'une refondation sociale puisant ses sources d'inspiration au MEDEF.
Que dit ce dernier ? Rien d'autre : c'est la même chose !
Or qui nierait que, depuis votre arrivée au gouvernement, c'est précisément dans une telle voie de régression sociale que vous nous engagez, en remettant en cause l'ensemble des protections et garanties sociales acquises de longue date ?
L'attaque contre notre système de retraite doit donc être resituée à sa juste place.
M. Hilaire Flandre. Ce n'est pas une attaque, c'est une réforme !
M. Roland Muzeau. Elle ne constitue que l'un des aspects d'une politique plus générale qui n'épargne aucun domaine : l'éducation, la santé, les services publics des transports, de La Poste, de l'énergie, sans oublier la culture et le domaine artistique, sous les feux de l'actualité avec les luttes que mènent aujourd'hui, après celles qui sont engagées par les enseignants et l'ensemble des acteurs et usagers des services publics, les intermittents du spectacle.
Ces mouvements sociaux qui éclatent un peu partout, ici et en Europe, ont en commun de refuser le projet de société qui se profile et que votre gouvernement, appuyé par la Commission européenne et l'OMC, entreprend de mettre en oeuvre.
Renoncer à notre système de retraite par répartition, c'est aussi se condamner à anéantir ce qui fut et qui est encore un facteur puissant d'intégration et de cohésion sociale à travers les mécanismes de solidarité qu'il mobilise : solidarité nationale à travers le phénomène de la redistribution, solidarité entre générations, solidarité entre actifs et inactifs...
La capitalisation est, dans ses fondements mêmes, à l'opposé des formes de solidarité qui servent de ciment pour bâtir une société, qui produisent du lien social. Elle s'inscrit au coeur du processus de rationalisation propre au système capitaliste, qui tend à valoriser et à « naturaliser » l'individualisme au détriment de formes modernes de solidarité, transcendant les intérêts purement individuels.
L'erreur fondamentale est de croire que l'on pourrait sauver, comme il a été dit, notre système de retraite par répartition en le complétant par le système de la capitalisation. C'est au contraire, pour plusieurs raisons, le condamner que de s'engager dans cette voie ! Y mettre le doigt, c'est y passer le corps tout entier.
En premier lieu, votre réforme accusera plus encore le creusement des inégalités en renvoyant à la capacité financière individuelle le soin de mobiliser l'épargne complémentaire suffisante pour assurer ses vieux jours ! Déjà, le loup est dans la bergerie et la retraite par capitalisation est amenée à se développer parce que tout un chacun pressent, face à la faillite du volontarisme politique - et cela n'a rien à voir avec la Corse -, que la société ne lui assurera bientôt plus ce droit ! Votre réforme en est le signal, signal bien compris aussi par les mouvements sociaux !
En second lieu - et c'est aussi à ce niveau que le bât blesse -, on voudrait, à travers la retraite par capitalisation, que la constitution d'une épargne individuelle, valorisée par les entreprises sur les marchés financiers, puisse, en s'agrégeant, devenir une épargne sociale ouvrant des droits pour le futur. Les expériences américaine et britannique ont pourtant montré les dangers d'un tel dispositif et les leurres auxquels on s'exposait en ne tirant pas toutes les leçons de ces exemples étrangers.
La faillite des fonds de pension américains, qui aura privé des milliers de salariés de leurs économies, rend compte de la fragilité même de cette épargne, captée par les marchés financiers et alimentant les spéculations diverses.
Le système britannique de retraite par répartition a été si bien mis à mal que la faiblesse des pensions actuelles contraint les salariés à contracter des plans d'épargne privés par capitalisation.
Enfin, comment ne pas souligner que, sur le plan macroéconomique, cette nouvelle incitation à épargner, y compris auprès des foyers les plus modestes, risque de peser sur la croissance économique en touchant directement la consommation ?
Or nous souffrons aujourd'hui moins d'une insuffisance d'épargne - notre taux intérieur d'épargne atteint des records, vous l'avez d'ailleurs souligné - que de sa mauvaise orientation et, au final, d'un manque d'investissements créateurs de richesses productives, générateurs d'emplois et de revenus propres à relancer la croissance économique.
Votre politique d'exonération de cotisations sociales est en cela tout à fait exemplaire et atteint aujourd'hui toutes ses limites avec un chômage en hausse et une situation proche de la déflation !
Outre le manque d'efficacité économique de la baisse des charges sociales, on doit aussi reconnaître qu'elle conduit à une spirale de baisse des salaires qui ne peut que compromettre, à terme, la croissance. On oublie trop souvent qu'avant d'être un coût le salaire est aussi un débouché, seul capable d'alimenter la dynamique économique.
Ces baisses de charges sociales, qui constituent autant de trappes à bas salaires, ne sont aucunement la garantie d'une employabilité accrue ! Elles tirent vers le bas l'ensemble des coûts salariaux, autrement dit l'ensemble des coûts issus du travail, l'ensemble des coûts rémunérateurs de l'activité salariée. Sur le plan macroéconomique, elles conduisent a contrario à des dynamiques récessives qui nous condamnent à un appauvrissement généralisé sur fond d'accroissement des inégalités sociales, au premier rang desquelles les inégalités de patrimoines et de revenus !
C'est bien une telle politique de déflation salariale qui condamne l'ensemble de notre système de protection sociale, en coupant les ressources financières propres à assurer son financement ! Evidemment, l'erreur fondamentale d'analyse doit être habillée d'un discours fataliste qui voudrait que l'on se résigne à l'appauvrissement de nos nations, à ce que nos enfants et nos petits-enfants ne puissent, comme les générations précédentes, espérer bénéficier d'une progression de leur condition et de leur niveau de vie, et qu'il n'y ait qu'un seul projet : le vôtre.
Avec ceux qui participent aux mouvements sociaux - et ils sont nombreux ! - nous refusons une telle société, qui entrave les projets de vie.
Tel est le sens de nos amendements et du soutien que nous apportons à celui qui est présenté.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 866.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 863, présenté par M. Estier, Mme Blandin, MM. Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mme Campion, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier_ ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 322-4-6 du code du travail, avant les mots : "les employeurs" sont insérés les mots : "dans les entreprises employant au plus cinquante salariés,". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Depuis quelques instants, nous tentons de faire une démonstration, non pas avec l'ambition de vous convaincre mais simplement pour essayer de sortir de la logique d'une réponse unique pour régler un problème qui est complexe et réel - et que personne ne nie, d'ailleurs -, laquelle réponse consiste à peser sur les seuls salariés et à allonger la durée de cotisation.
Je vous ai écouté avec intérêt, monsieur le président de la commission des affaires sociales. C'est en quelque sorte une nouveauté pour moi, qui n'ai pas le plaisir de siéger dans votre commission. Sans doute n'ai-je pas vos connaissances sur les volatiles, ni sur les fables.
M. Jean Chérioux. Quel dommage ! Elles sont pleines de bon sens !
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, si M. Chérioux souhaite m'interrompre, vous savez que c'est très volontiers que je le laisserai parler.
M. le président. Telle n'était certainement pas sa volonté profonde ! (Sourires.)
Poursuivez votre propos, monsieur Frimat.
M. Bernard Frimat. Vous êtes fort aimable, monsieur le président, et vous présidez avec la sagesse que nous vous connaissons.
L'idée de rechercher d'autres sources de financement n'est pas forcément délictueuse. Nous avons le droit de vous poser ce problème intellectuel. Vous êtes constamment animés par une logique qui consiste à penser que l'allégement des charges est la solution idéale permettant de régler l'ensemble des problèmes, notamment ceux de l'emploi. C'est votre choix, ce n'est pas le nôtre.
Nous sommes, nous, plus inquiets face au chômage qui s'accroît, à l'investissement qui se réduit et à la consommation des ménages qui s'effrite, car nous savons que c'est très mauvais pour l'emploi et, par conséquent, pour le financement des retraites. En effet, le travailleur qui se retrouve au chômage ne cotise plus. Cela met effectivement les systèmes de répartition en difficulté.
Monsieur le ministre, dans le cadre des contrats-jeunes, vous avez proposé une exonération des cotisations sociales pour les entreprises de plus de cinquante salariés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Au plus !
M. Bernard Frimat. Si nous pouvons comprendre le caractère incitatif du dispositif lorsqu'il s'agit d'entreprises à faible effectif, il nous semble qu'une modification du premier alinéa de l'article L. 322-4-6 du code du travail - article que je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler - telle que celle que mes collègues et moi-même vous présentons dans cet amendement n° 863 permettrait d'éviter une perte de recettes correspondant à une facilité financière dont les grandes entreprises peuvent se passer. Il nous semble - c'est un élément central de votre politique - que vous cherchez constamment à soustraire certaines entreprises, certains particuliers, à leur devoir de contribution nationale. Ce faisant, loin de stimuler l'économie, vous créez des problèmes de financement de notre système de retraites.
Nous vous proposons donc - c'est une modeste contribution - d'adopter cet amendement afin d'aider notre système à fonctionner un peu mieux.
Je vous remercie de m'avoir écouté dans le calme !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cher collègue, si je vous ai bien compris, cet amendement vise à limiter le dispositif des contrats-jeunes aux entreprises de moins de cinquante salariés. Or, à l'heure actuelle, 85 % de ces fameux contrats-jeunes se trouvent dans ce type d'entreprises.
Par ailleurs, vous nous avez beaucoup parlé d'exonérations de charges. Or, dans le dispositif des contrats-jeunes, il s'agit non pas d'une exonération de charges, mais d'une aide de l'Etat. Nous ne voyons donc pas comment la réduction du champ des entreprises éligibles au dispostif aurait un quelconque effet, en termes de ressources supplémentaires, sur le financement du régime vieillesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Cet amendement illustre une nouvelle fois la qualité des propositions qui nous sont faites.
Voilà un membre du groupe socialiste qui, si j'ai bien compris, nous propose de supprimer des allégements de charges au motif qu'ils représentent des cotisations en moins pour la sécurité sociale, alors que ce même membre du groupe socialiste soutenait, voilà un an, un gouvernement qui avait décidé 16 milliards d'allégements de charges pris sur le budget de la sécurité sociale !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. Or tous les allégements de charges que je vous ai proposés depuis que j'ai la responsabilité du ministère des affaires sociales sont intégralement financés par le budget de l'Etat, et pas un seul euro ne pèse sur le budget de la sécurité sociale ! Je pense que vous en tirerez vous-même les conséquences. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Adrien Gouteyron. Très bien ! Il fallait le rappeler !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, contre l'amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade. La série d'amendements qui vient d'être défendue et que nous venons de repousser...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le présent amendement n'a pas été repoussé !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... illustre, à mon avis, une contradiction essentielle de nos amis qui siègent sur les travées de gauche. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, je comprends parfaitement que, pour des raisons diverses et variées, l'on soit contre l'allongement de la durée de cotisation. Mais il est difficile de se référer sans cesse, dans le même temps, à la solidarité, alors que le maintien du système de la répartition n'est pas assuré. Mais passons sur cette première contradiction.
La deuxième contradiction concerne la critique de fond qui est émise à l'encontre du projet du Gouvernement, à savoir que ce texte suppose, à l'horizon de 2008, une arrivée moindre, sur le marché du travail, d'un certain nombre de jeunes et de femmes et, par conséquent, une diminution automatique du volume du chômage. C'est un phénomène que nous observons non pas au Kamtchatka ou en Patagonie, mais chez nos voisins britanniques où, du fait de la raréfaction de la population active, le taux de chômage est non pas d'environ 9,4 % comme chez nous, mais de 5,2 %. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Oui : il est de 5,2 % en 2003 !
La contradiction que je dénonce est la suivante : comment peut-on à la fois être favorable à une relance de l'emploi et à une redynamisation de notre système économique et proposer, par une série d'amendements, une augmentation des prélèvement fiscaux et sociaux ou une réduction des charges sociales ? D'autant que la France figure parmi les pays européens, notamment chez ceux qui ont adopté la monnaie unique, qui se situent au-delà de la moyenne en matière de prélèvements fiscaux. Il s'agit là d'une contradiction fondamentale !
Après la Suède et le Danemark, qui ne sont pas membres de la zone euro, la France a le taux de prélèvement fiscal et social le plus important. L'idée de sauver le régime de retraite en augmentant les prélèvements sociaux favorise le développement du chômage. Si l'on n'a pas compris cette évidence, que M. Rocard a, lui, parfaitement comprise - je vous renvoie à son article paru dans Le Monde du 20 juin dernier - la discussion devient stérile.
C'est la raison pour laquelle je suis fondamentalement défavorable à cet amendement.
J'ajoute à cela une raison supplémentaire : sur le terrain, nous commençons à trouver des jeunes qui acceptent d'occuper ces emplois qu'a créés M. Fillon voilà quelque temps. Ils sont 80 000 sur le plan national, et ils seront 100 000 environ à l'automne. Dans toutes les communes, nous avons trouvé des entreprises qui proposent des emplois - il s'agit de grandes entreprises - mais encore faut-il que des jeunes acceptent de se lancer dans cette opération.
Non seulement le présent amendement participe d'une philosophie de majoration des prélèvements, mais, de plus, il risque de mettre fin à un développement intéressant pour les jeunes, notamment pour les jeunes sans qualification et d'un niveau inférieur au baccalauréat.
Telles sont les raisons pour lesquelles je m'oppose à cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Tout d'abord, et de façon incidente, que notre éminent collègue M. Fourcade me permette de lui dire que contradiction il y a, et elle est immédiate, entre la projection de baisse du chômage prévue dans ce projet de loi par le Gouvernement et la réalité d'un an de gouvernement en matière d'emploi. La situation est infiniment différente des discours virtuels qui sont tenus. Mais là n'est pas l'essentiel. (Mme Nelly Olin s'exclame.)
Je souhaite revenir sur la déclaration qu'a faite M. le ministre, voilà quelques minutes, à propos d'un précédent amendement. Selon lui, tous les pays qui font reposer principalement sur la fiscalité la retraite par répartition s'engagent, en fait, dans la voie de la capitalisation.
Monsieur le ministre, il ne faut pas caricaturer les positions qui sont défendues sur ces travées ! Nous proposons non pas de fiscaliser la retraite par répartition, loin de là, mais d'élargir l'assiette par une augmentation des cotisations patronales et une taxation légère des bénéfices financiers ou patrimoniaux. Pour ma part, je préférerais une augmentation de la CSG plutôt que toute autre taxation.
C'est tellement logique que vous-même l'avez prévu dans le projet de loi ! En effet, si, en 2008, les prévisions optimistes ne sont pas au rendez-vous, une légère augmentation de la fiscalité interviendra. Par conséquent, nous ne sommes pas dans le champ de l'impossible, de l'hérétique. Le débat est ouvert et chacun fait valoir ses arguments.
Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, nous traitons d'un sujet sur lequel il serait bien de s'entendre, de ne pas schématiser, de ne pas caricaturer : il est trop complexe et trop important pour les Français pour que le débat au Sénat n'ait pas la qualité qu'il mérite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, je demande la clôture de la discussion au titre de l'article 38 du règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est trop tard, la parole m'a été donnée ! Vous demanderez la clôture après !
M. Jean Chérioux. Je la demande quand je veux !
M. le président. Monsieur Chérioux, un représentant du groupe du RDSE a expliqué son vote...
M. Jean Chérioux. Et un de notre groupe !
M. le président. ... ainsi qu'un représentant du groupe socialiste.
M. Jean Chérioux. Cela suffit pour que l'article 38 du règlement soit applicable !
M. le président. Monsieur Chérioux, nous nous acheminons ainsi vers la fin de l'examen de cet amendement.
La parole est donc à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote. (M. Jean Chérioux proteste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne mésestime pas le rôle de notre collègue Jean Chérioux en matière de demande de clôture de la discussion, je sais qu'il est un spécialiste en la matière, mais il doit admettre que la parole m'avait été donnée. (M. Jean Chérioux proteste de nouveau et quitte l'hémicycle.)
Au revoir, monsieur Chérioux !
Un sénateur du groupe CRC. C'est l'heure de la soupe ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite poser une question, en particulier à M. le président de la commission des affaires sociales : qui a tué la poule aux oeufs d'or ? (Rires sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lorsque j'entends M. Fourcade demander que l'on ne supprime pas d'exonérations pour les entreprises, je le comprends : il a déjà donné une fois ! La manière dont il a mis en place la taxe professionnelle (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) a suscité des remous dans l'ensemble du pays, notamment chez les entrepreneurs, et cela lui a servi de leçon. Par conséquent, je ne lui en veux pas. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Cela étant dit, le chômage ne fait qu'augmenter, comme vient de le rappeler notre ami Gérard Delfau. Vous nous donnez l'exemple de la Grande-Bretagne, mais, nous, nous préférons nous référer au niveau du chômage lorsque le gouvernement Jospin a quitté Matignon, dans les conditions que nous savons. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Deux millions d'emplois avaient été créés, le chômage avait baissé d'un million. Or le taux de chômage remonte de façon considérable, tous les jours, dans tous les départements, entraînant tous les plans sociaux que nous connaissons, en particulier dans mon département. (M. Paul Girod s'exclame.) La poule aux oeufs d'or, elle a été tuée par vos soins !
Aujourd'hui, vous nous dites qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses, que M. Lambert s'arrache ses derniers cheveux (Sourires), alors que vous nous faisiez grief d'avoir une cagnotte. Il faut avoir la mémoire courte pour ne pas se souvenir des reproches que vous adressiez au gouvernement Jospin pour avoir mis de l'argent de côté ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) C'était la poule aux oeufs d'or !
Enfin, s'agissant de la sécurité sociale, le gouvernement de Lionel Jospin était parvenu à équilibrer les comptes. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Gilbert Chabroux. Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Qui a tué la poule aux oeufs d'or ? C'est vous qui l'avez tuée ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Et vous continuez ! Vous ne voulez pas comprendre !
M. Hilaire Flandre. Je ne pensais pas qu'un avocat pouvait être d'aussi mauvaise foi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis de très bonne foi !
Vous ne voulez pas comprendre que nos concitoyens ne peuvent pas accepter de telles dispositions, alors qu'ils ont cotisé toute leur vie et qu'ils ont accepté d'être mal payés. Mais au moins savaient-ils qu'ils auraient à tel âge telle retraite ! Aujourd'hui, on leur dit qu'il faut travailler plus longtemps pour percevoir une retraite moindre, alors qu'ils avaient fait des projets.
M. Jean Bizet. Que la gauche a ruinés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne comprenez pas, semble-t-il, à quel point cela est inacceptable, par les uns et par les autres. (M. Claude Domeizel applaudit.)
Nous ne nions pas qu'il y a de plus en plus de personnes âgées et de moins en moins d'actifs pour payer les retraites. Mais, lorsque les femmes vivront jusqu'à quatre-vingt-quinze ans et les hommes jusqu'à quatre-vingt-dix ans - c'est demain ! - continuerez-vous à augmenter les cotisations et à relever l'âge de la retraite ? Sûrement pas ! Il faut trouver d'autres moyens ! Et ces moyens consistent, notamment, à ajouter à la répartition stricto sensu...
M. François Fillon, ministre. Une capitalisation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... des financements faisant appel à la solidarité nationale, de façon que tout le monde fasse un effort. Mais vous n'avez recours qu'à l'effort des salariés ! Vous prétendez améliorer la situation des « petits », des femmes, mais, en définitive, vous l'aggravez, de sorte que les Françaises et les Français qui sont concernés ne peuvent l'accepter.
Voilà pourquoi nous faisons un travail constructif en vous proposant de multiples petits ruisseaux, lesquels font les grandes rivières. (M. Hilaire Flandre s'exclame.) Vous rejetez toutes nos suggestions, vous en tenant à votre logique. Eh bien, réfléchissez, car votre logique n'est pas la bonne !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. M. Delfau nous invitait à l'instant à ne pas caricaturer les positions du groupe socialiste. Sans doute s'adressait-il à M. Chabroux qui, voilà quelques minutes, présentait le projet du Gouvernement comme étant financé à 42 %, et encore, à condition que le chômage diminue de moitié ?
M. Gilbert Chabroux. Eh bien oui !
M. François Fillon, ministre. Or, vous le savez, le plan du Gouvernement est financé à 45 %, et même à 100 % lorsque l'on tient compte de l'augmentation des cotisations vieillesse que nous espérons pouvoir gager sur la baisse du chômage. Voilà donc une vraie caricature. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Gilbert Chabroux. C'est bien hypothétique !
M. François Fillon, ministre. Pour assurer le financement des retraites, monsieur Chabroux, la hausse des cotisations n'est pas hypothétique. Ce qui est hypothétique, c'est la baisse du chômage ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Le procès sur le financement des retraites n'a aucun sens et ne repose sur aucun fondement.
Mais revenons-en aux arguments du groupe socialiste. Les solutions de financement qu'il propose, loin de remettre en cause l'équilibre de notre système, permettraient simplement...
M. Hilaire Flandre. De faire payer les autres !
M. François Fillon, ministre. ... de résorber l'impasse financière dans laquelle nous nous trouvons. Cet argument, dont nous avons tout à l'heure démontré la dangerosité pour les retraites et pour l'économie elle-même, aurait un petit peu plus de poids si, dans le même temps, le groupe socialiste n'avançait pas, comme c'est naturellement son droit, des propositions de dépenses supplémentaires.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, et sans que cela soit contesté par qui que ce soit, j'avais chiffré à 23 milliards d'euros le coût des dépenses supplémentaires proposées par le groupe socialiste ; les communistes avançaient, eux, le chiffre de 50 milliards d'euros.
Comme le groupe socialiste récuse notre système de financement fondé sur l'allongement de la durée de cotisation, il faut donc ajouter les 43 milliards d'euros nécessaires pour équilibrer les régimes à l'horizon 2020 aux 23 milliards d'euros précités, ce qui fait 66 milliards d'euros qu'il faudrait trouver en taxant le capital ! J'ai pourtant fait la démonstration tout à l'heure que l'assiette n'était même pas suffisante pour dégager une telle somme.
M. Claude Estier. C'est de la caricature !
M. François Fillon, ministre. C'est donc bien la preuve qu'il n'y a aucune réalité dans ces propositions de financement.
D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, s'il avait été possible de taxer la valeur ajoutée et le capital des entreprises pour financer les retraites, croyez bien que les socialistes, qui ont occupé le pouvoir, sur les vingt-deux dernières années, pendant quinze ans, auraient eu l'idée de le faire ! S'ils ne l'ont pas fait, c'est parce qu'ils savaient que ce n'était pas possible, que cela n'était pas réaliste, que cela ne permettrait pas à l'économie française de se développer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. Parce que nous nous étions attaqués au chômage, nous !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 863.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 183
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour | 112 |
Contre | 204 |
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
SAISINES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettres en date du 9 juillet 2003, par M. le président du Conseil constitutionnel, que celui-ci a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de deux demandes d'examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante sénateurs et par plus de soixante députés, de la loi portant réforme de l'élection des sénateurs.
Acte est donné de cette communication.
Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3.
M. le président. « Art. 3. - Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. L'article 3 a pour objet d'affirmer le principe d'équité entre les assurés au regard du droit à la retraite.
Aucune différence objective, hormis quelques situations particulières, ne justifie des disparités de traitement entre les différentes catégories de Français. Une certaine harmonisation était donc nécessaire.
Equité entre les régimes par la recherche d'une convergence en partant de la définition d'un socle commun en matière de retraites, équité entre les générations en préservant les grands équilibres dans le partage de la valeur ajoutée entre les cotisants et les retraités, équité entre les Français, notamment les plus modestes et ceux qui, relevant de plusieurs régimes, se trouvent pénalisés du fait des diverses réglementations : ce sont ces principes que vous avez déclinés dans votre projet de loi, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, on constate que des écarts de situation se sont creusés entre les assurés au regard de l'ampleur de l'effort contributif et de la durée de cotisation ainsi que du montant et de la nature des prestations servies.
Partant de ce constat ; et au nom de l'équité affirmée à l'article 3, le projet de loi définit ce que j'appellerai les principes d'une réforme progressive, qui se décline en plusieurs thèmes : retraites des enseignants des établissements privés sous contrat, pénibilité, etc. Nous retrouverons tous ces thèmes au fil de l'examen du projet de loi, mais le fondement sera toujours cet article 3, que les groupes de la majorité, au-delà de l'avis favorable de la commission, voteront bien évidemment au nom des grands principes auxquels les Français sont attachés.
On vient de parler des disparités entre régimes en termes de contributivité ; on aura aussi l'occasion d'évoquer les tensions que créent les compensations entre régimes.
Essentiellement fondés sur des critères démographiques, les transferts financiers entre régimes n'en remettent pas moins en cause le rapport entre cotisations et prestations. Les disparités sont telles aujourd'hui qu'il est indispensable de légiférer pour pérenniser le système de retraite équitable que nous défendons tous.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 3 pose le principe de l'équité de traitement entre retraités quel que soit le régime auprès duquel ils ont pu s'acquitter, durant leur vie professionnelle, de leurs cotisations de retraite.
Cet article soulève donc la question de l'harmonisation des garanties collectives fournies par les régimes de retraite par répartition.
Cette première question est fondamentale.
Le présent projet de loi prévoit, en effet, entre autres dispositions essentielles, que l'effort d'harmonisation sera, dans les faits, partagé entre les affiliés à chacun des régimes existants et entre régimes.
En clair, on nous invite, au-delà d'un principe qui pourrait apparaître comme louable, à valider le recul sur un certain nombre de garanties offertes aujourd'hui par le régime général ou encore par le régime de la fonction publique, car qu'est-ce d'autres qu'un recul que le fait de reculer l'âge de la retraite à taux plein, comme nous y invite l'article 5 ?
Se pose évidemment aussi la question des autres régimes, notamment ceux des professions libérales, des commerçants et artisans, ou encore des agriculteurs.
Nombre des garanties offertes par ces régimes ne sont pas aujourd'hui à la hauteur qui conviendrait, et nous pensons notamment au régime, qui s'est beaucoup amélioré au cours des cinq dernières années mais qui était autrefois proche de l'indignité, des pensions de réversion des veuves d'agriculteurs.
Nous sommes partisans d'un traitement juste de ces situations, qui ne peut ni découler de l'article 3 ni s'appuyer sur les termes de l'article 2.
La diversité des situations que l'on peut rencontrer aujourd'hui impose que les réponses apportées soient clairement fondées sur un prélèvement de caractère universel ne peut provenir que du lieu même de la production de richesses, c'est-à-dire l'entreprise, ce qui revient à dire, en un mot comme en cent, que l'on ne peut se satisfaire de la rédaction actuelle de l'article 3.
Que les choses soient claires : chaque actif dans ce pays, qu'il soit salarié du secteur privé, fonctionnaire, commerçant, artisan, agriculteur ou qu'il exerce une profession libérale, participe à la création des richesses par son travail, par sa créativité, par son implication personnelle. Il n'est pas responsable de la réduction du nombre de personnes exerçant son activité, pas plus que des difficultés croissantes que peut rencontrer pour atteindre l'équilibre financier le régime de retraite auquel il est affilié.
On ne se choque pas aujourd'hui de ce que les salariés, par leurs cotisations ou, dans certains cas, par le biais de l'impôt, contribuent à l'équilibre du régime de retraite agricole, eu égard à l'apport de l'agriculture à la richesse nationale, et à sa part dans l'excédent de notre balance commerciale.
Dans le même ordre d'idées, pour rester dans l'immédiate actualité, on ne peut manquer de souligner qu'il n'y a rien de choquant à financer le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, étant donné l'impact économique de certaines manifestations culturelles dans les villes et régions où elles se déroulent.
Si l'on est attaché à la solidarité, il faut éviter de la mettre en question, comme le fait l'article 3. Ce sont donc là quelques observations liminaires qu'il convenait de produire à l'occasion de la discussion de cet article.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, en application de l'article 38 du réglement, je demande la clôture de la discussion de l'article 3.
M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture de la discussion de l'article 3.
Je vous rappelle qu'en application de l'alinéa 1 de l'article 38 la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus sur l'ensemble d'un article.
En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée.
La clôture est prononcée.
M. Jean-Pierre Sueur. « Clôture », c'est tout un programme !
M. Roland Muzeau. Ils étranglent la démocratie !
M. le président. Je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 105, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 867, présenté par M. Domeizel, Mmes Printz, Pourtaud et Blandin, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de leur retraite tenant compte de la pénibilité des métiers qu'ils ont exercés tout au long de leur carrière professionnelle. »
L'amendement n° 868, présenté par MM. Chabroux et Vantomme, Mmes Herviaux et Blandin, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de la retraite tenant compte des inégalités d'espérance de vie. »
L'amendement n° 869, présenté par MM. Domeizel et Frimat, Mmes Campion, Blandin, San Vicente et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de la retraite tenant compte des périodes d'inactivité et de formation qu'ils ont connues tout au long de leur carrière professionnelle. »
L'amendement n° 870, présenté par MM. Chabroux et Vantomme, Mmes Printz, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Les assurés bénéficient d'une égalité de traitement au regard de la retraite tenant compte des inégalités entre les hommes et les femmes. »
L'amendement n° 873, présenté par MM. Domeizel et Krattinger, Mmes Campion, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'une égalité de traitement quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils dépendent en tenant compte des spécificités des différents régimes. »
L'amendement n° 1095, présenté par Mme Olin, MM. Trucy, Plasait, Murat, Courtois, Hérisson, Nachbar, Cantegrit, Hyest, Braye et Schosteck, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Les assurés bénéficient d'un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils dépendent. Les distinctions entre assurés ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ou sur des différences objectives de situation légalement constatées. »
Le sous-amendement n° 1109, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le mot : "retraite", rédiger ainsi la fin du texte proposé par l'amendement n° 1095 pour cet article : "en tenant compte de la pénibilité de leurs activités professionnelles passées et quelle que soit la spécificité du ou des régimes dont ils relèvent". »
Le sous-amendement n° 1120, présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 1095, après le mot : "retraite", insérer les mots : "en tenant compte des inégalités entre les hommes et les femmes sur le plan de l'emploi". »
Le sous-amendement n° 1121, présenté par MM. Fischer et Muzeau et Mme Demessine, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 1095, après le mot : "retraite", insérer les mots : "en tenant compte des années de formation et d'études". »
L'amendement n° 106, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte de cet article, remplacer les mots : "doivent pouvoir bénéficier", par le mot : "bénéficient". »
L'amendement n° 107, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le mot : "retraite", rédiger ainsi la fin de cet article : "en tenant compte de la pénibilité de leurs activités professionnelles passées et quelle que soit la spécificité du ou des régimes dont ils relèvent". »
L'amendement n° 874, présenté par M. Estier, Mme Blandin, MM. Domeizel et Chabroux, Mme Printz, MM. Krattinger et Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans cet article, après les mots : "activités professionnelles passées", insérer les mots : "leurs périodes d'inactivité contraintes". »
L'amendement n° 871, présenté par MM. Domeizel, Krattinger et Godefroy, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout salarié qui exerce un métier pénible voit cette pénibilité reconnue par une bonification de la durée des années d'assurance.
« La définition des métiers pénibles est renvoyée aux accords de branche pour le régime général et aux négociations syndicales pour chacune des fonctions publiques. »
L'amendement n° 872, présenté par M. Chabroux, Mmes Printz, Blandin, San Vicente, Campion et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les bonifications d'assurances pour les personnes handicapées, exerçant, dans le secteur public, privé ou en libéral, sont définies par la négociation. »
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l'amendement n° 105.
Mme Michelle Demessine. Je suis très surprise : je pensais que M. Gélard voulait intervenir sur l'article, ce qui aurait certainement été plus profitable au débat que ce recours, qui semble devenir automatique, au couperet de l'article 38 du règlement !
Mais j'en viens à l'amendement n° 105.
« Equité : nom féminin, justice naturelle ou morale indépendamment du droit en vigueur. »
« Egalité : nom féminin, rapport entre individus, citoyens égaux en droits et soumis aux mêmes obligations. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Fraternité...
Mme Michelle Demessine. C'est ainsi que le dictionnaire définit ces deux concepts, qui s'opposent dans la rédaction de l'article 3 du présent projet de loi.
En promouvant l'équité dans le traitement du droit à la retraite, on se situe en fait sous l'angle d'une forme de morale sociale qui se rapproche quelque peu de la charité publique.
Ce qui imprègne assez profondément les termes de cet article, c'est encore la conception anglo-saxonne étroite du « welfare state » : la retraite est conçue comme un minimum vital, alors qu'elle doit être considérée non pas par rapport à chaque individu, mais au regard de la collectivité dans son ensemble, celle-ci étant constituée par les salariés en activité et par les salariés ayant achevé leur période d'activité.
L'article 3 nie également la spécificité de certains régimes de retraite, ce qui le disqualifie encore plus en tant que texte porteur d'équité.
A la réflexion, il y a, d'un côté, les sommes collectées à titre de cotisations selon les actuelles modalités de perception - une part importante desdites cotisations étant d'ailleurs acquittées par l'Etat en lieu et place des entreprises - ; de l'autre, il y a les retraités dont certains ont le mauvais goût de vouloir profiter de l'allongement de la durée de vie !
Au fond, vous mettez en regard les cotisants et les retraités dans une perspective purement comptable, en faisant accepter aux premiers une augmentation des prélèvements et aux seconds une réduction du montant des prestations servies. Telle est la conception fondamentale qui sous-tend l'article 3.
Quant au fait que le dispositif s'applique indépendamment du régime dont relèvent les personnes, que l'on me permette de formuler quelques observations.
S'agit-il de traduire une fois encore dans la loi le principe de compensation entre régimes, qui implique, par exemple, que l'équilibre du régime agricole est assuré grâce à de fortes ponctions sur les régimes de fonctionnaires, notamment sur celui des agents de la fonction publique territoriale, et que le régime général permet aux régimes de non-salariés de faire face à la diminution continue du nombre de leurs cotisants ?
Nous estimons, pour notre part, que la spécificité des régimes de retraite doit être maintenue. Elle ne rompt pas, au demeurant, le principe d'égalité entre les retraités, le montant des prestations étant, par nature, fixé en fonction de paramètres tout à fait recevables. Si, dans certains cas, les deniers publics doivent permettre d'assurer la pérennité de certains régimes en difficulté, cela ne doit pas être, comme c'est le cas aujourd'hui, au détriment de la solidarité entre salariés, par des ponctions plus ou moins autoritaires sur les « magots » ou réserves dont disposerait telle ou telle caisse de retraite.
Nous ne sommes donc pas partisans d'une répartition équitable de la misère, principe qui semble avoir guidé la rédaction de l'article 3 et, au-delà, sous-tendre l'ensemble du projet de loi. Nous invitons donc le Sénat à voter notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l'amendement n° 867.
Mme Gisèle Printz. Je voudrais aborder la question des contraintes physiques qui pèsent sur les salariés.
Des conditions de travail difficiles pénalisent non seulement les plus âgés, mais aussi une partie des plus jeunes, tant par la difficulté du travail que par l'usure induite. La mise à l'écart des postes les plus exigeants physiquement peut permettre de tenir compte, pour une part, du déclin des capacités musculaires, de la souplesse articulaire et de l'appareil cardio-respiratoire. L'enquête de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de travail permet de prendre conscience des formes que peut revêtir la pénibilité du travail, qu'il s'agisse de contraintes par exposition à des produits dangereux, par maniement d'outils, par posture ou déplacement, ou encore de contraintes liées au travail posté et aux horaires de nuit.
Encore cette enquête ne prend-elle pas en compte les contraintes liées au stress, à l'intensification du travail et à l'augmentation de la productivité, qui touchent même les travailleurs non exposés physiquement. Or l'on sait que le stress mène à des conduites addictives vis-à-vis de l'alcool et du tabac, voire de certaines drogues illégales.
L'usure au travail reste un phénomène grave. On a beaucoup insisté, et à juste titre, sur la nécessité de permettre aux salariés les plus exposés aux contraintes physiques de partir à la retraite avant l'âge de soixante ans. De toute façon, ces travailleurs sont aussi ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt. Le lien est clairement établi entre inégalités sociales et disparités en matière de longévité.
Cela étant, pour que ces travailleurs puissent partir à la retraite, encore faut-il qu'ils parviennent jusqu'à l'âge de départ. On n'a guère souligné ce point, et c'est dommage. Les travailleurs âgés sont plus exposés que leurs jeunes collègues aux accidents du travail, aux maladies directement professionnelles et à celles qui se déclenchent en raison d'une usure prématurée, même si leur cause professionnelle n'est pas explicitement reconnue.
On observe en outre un renforcement et une diversification des contraintes de temps dans la réalisation du travail. Les normes strictes et les délais brefs, réservés auparavant au travail industriel, s'étendent désormais au secteur tertiaire, aux employés et aux cadres. La dépendance temporelle vis-à-vis de la demande - c'est le client ou le donneur d'ordre qui doit être considéré comme le patron - marque de plus en plus l'univers du travail.
En même temps, les formes traditionnelles de travail à la chaîne se maintiennent dans certains secteurs.
L'accumulation des facteurs de pénibilité, les contraintes, deviennent insupportables pour les travailleurs, d'autant que, parallèlement, la population active vieillit. Les revendications contradictoires du patronat expriment d'ailleurs cette situation paradoxale : exiger des salariés qu'ils cotisent plus longtemps pour acquérir des droits à la retraite, tout en se réservant la possibilité de se débarrasser d'eux quand ils sont moins productifs, usés, voire malades ; c'est toute l'ambiguïté que nous retrouverons à l'article 10 du projet de loi.
Si l'on veut que les salariés dits âgés soient maintenus au travail, encore faut-il que ce travail prenne en compte leurs spécificités. On peut dire que c'est aux deux extrémités de la vie professionnelle qu'il faut se préoccuper de l'insertion des salariés.
A cet égard, je vous avoue notre scepticisme, mes chers collègues, devant l'exonération de la contribution Delalande si un salarié embauché après l'âge de quarante-cinq ans est par la suite licencié. Le fait qu'il soit licencié demeure, pour lui comme pour l'UNEDIC, le fait principal. Qu'entend faire le Gouvernement pour tenir compte des spécificités au travail des salariés de plus de cinquante ou de cinquante-cinq ans ?
Par exemple, avez-vous songé, monsieur le ministre, à consulter les médecins du travail sur ce point ? Ils sont des spécialistes tout indiqués et ils sont qualifiés pour étudier et proposer des solutions.
En outre, dans le cadre des négociations sur la formation professionnelle qui se déroulent actuellement, le Gouvernement a-t-il l'intention de demander aux partenaires sociaux de prévoir des dispositions particulières ? On considère toujours que les salariés âgés doivent faire du tutorat au profit des plus jeunes. Il est vrai qu'ils sont la clé de la transmission des savoirs, mais encore faudrait-il qu'ils ne soient pas systématiquement exclus des sessions de formation professionnelle continue. Sinon, le maintien au travail des seniors ne sera qu'un slogan, et ceux-ci continueront à être licenciés comme auparavant. La réforme se ferait alors à leur détriment.
La question des conditions d'activité, dans les années à venir, des cotisants de plus de cinquante-cinq ans, du maintien et du développement de leurs capacités professionnelles et de la préservation de leur santé est cruciale. Elle conditionne tout allongement de la durée de la vie professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 868.
M. Gilbert Chabroux. Mon intervention portera également sur l'article 3.
L'article 3 pose le principe du traitement équitable des assurés. La droite, pour le justifier, nous explique qu'il marquera la fin des inégalités entre monopensionnés et pluripensionnés.
Le mot « équité » a un sens fort, mais encore faut-il le définir à partir des notions de partage et de solidarité. Pour donner tout son sens au principe d'équité et faire admettre aux salariés les efforts demandés par les pouvoirs publics, il sera nécessaire d'apporter des réponses à un certain nombre de questions. C'est à cette seule condition que les salariés pourront accepter la réforme et que la notion d'équité prendra toute sa portée.
La première de ces questions incontournables est la suivante : quelle politique de l'emploi le Gouvernement compte-t-il mener ? Il est normal que la représentation nationale l'interroge sur ce point, or aucune réponse ne nous a encore été fournie. Pourtant, sans une politique active de l'emploi, il ne sera pas possible de sauver le système de retraite par répartition. Pour l'heure, le Gouvernement se borne à démanteler les outils créés par l'ancienne majorité en vue de promouvoir une politique dynamique de l'emploi. En l'absence d'une telle politique, comment financer la réforme des retraites présentée ?
Je rappelle que le Gouvernement prévoit de financer la mise en oeuvre de sa réforme grâce à une réduction du taux de chômage. Certes, un point de chômage en moins, c'est 4 milliards d'euros en plus pour le financement des retraites, mais on sait quelle est la situation de l'emploi dans notre pays ! On ne peut pas dire que l'avenir soit garanti, que le chômage régressera forcément dans les proportions évoquées par le Gouvernement. Par conséquent, on ne peut pas affirmer que le financement des retraites futures est assuré.
En outre, de nombreux économistes estiment que les mesures prises en faveur de l'emploi s'autofinancent. Il faut donc savoir dépenser de l'argent pour enrichir en emplois le contenu de la croissance, et alors les emplois créés permettent de dégager les ressources nécessaires. Cela ne vaut pas forcément pour la politique des retraites : si les ressources créées servent à mettre en oeuvre la politique de l'emploi, elles ne servent pas au financement des retraites, de sorte que si la baisse du chômage intervient effectivement, l'effort qu'il aura fallu consentir pour l'obtenir absorbera les ressources prétendument affectées aux retraites par le projet de loi.
Deuxième question : quelle sera l'évolution de la durée d'activité, l'âge étant devenu un facteur négatif important ?
Nous avons évoqué à plusieurs reprises le problème des seniors, qui se pose avec acuité dans notre pays : nous sommes situés au vingt-troisième rang des pays de l'OCDE et au dernier rang des pays de l'Union européenne s'agissant du taux d'activité des plus de cinquante-cinq ans.
Troisième question : quelle est l'évolution envisagée pour les retraites complémentaires, dont les montants, on le sait, ne cessent de baisser ?
Quatrième question : comment appréhender la notion de pénibilité dans le travail ?
Par son projet de loi, le Gouvernement a l'ambition de poser l'équité en principe, mais cela exige que la question de la pénibilité des différents métiers soit traitée plus en profondeur. La pénibilité doit être définie à la fois par la loi et par le biais de la négociation. A cet égard, nous sommes bien d'accord sur le fait que la négociation doit jouer un rôle ; la loi est trop uniforme, et il semble curieux que la droite, qui reprochait naguère au gouvernement de Lionel Jospin l'uniformité de la loi sur les 35 heures, s'apprête à présent à commettre la même erreur !
M. Pierre Hérisson. C'était donc une erreur !
M. Jean Bizet. Les 35 heures, c'était une erreur, c'est sûr !
M. Gilbert Chabroux. L'instauration des 35 heures a permis de créer 350 000 emplois, mes chers collègues ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jacques Peyrat. Balivernes !
M. Gilbert Chabroux. En revanche, vous n'en avez pas créé avec les allégements de charges patronales que vous avez décidés ! La comparaison est facile à établir ! L'erreur que vous dénonciez à propos des 35 heures, nous vous la rappelons, pour que vous en teniez compte et que vous ne votiez pas une loi trop uniforme. Le système des retraites doit être adapté à la réalité, aux conditions de travail pénibles des salariés, à l'évolution moins linéaire qu'autrefois des carrières, à l'entrée de plus en plus tardive dans le monde du travail : c'est cela, l'équité !
En particulier, il faut vraiment inscrire la notion de pénibilité dans le dispositif. Beaucoup d'études montrent que l'espérance de vie varie en fonction de la pénibilité du métier exercé. C'est bien d'équité qu'il s'agit ici !
Selon les médecins du travail, trois facteurs de pénibilité menacent la santé et la vie : l'effort physique, un environnement agressif - bruit, chaleur... -, des rythmes désordonnés, le travail de nuit, à la chaîne... La loi doit comporter une définition des types de pénibilité, et laisser à la négociation le soin d'établir les modalités. Nous sommes d'accord sur ce point !
M. Bernard Murat. Tout le monde est d'accord là-dessus !
M. Gilbert Chabroux. La mise en place de grilles de pénibilité par profession permettrait l'instauration d'un système de bonification de points pour les métiers pénibles. Doit-on rappeler que 18,5 % des ouvriers ayant exercé de tels métiers décèdent entre soixante-cinq et soixante-dix ans, contre seulement 8 % des cadres, des techniciens et des employés qualifiés ?
Je voudrais également évoquer les moyens de maîtriser les flux migratoires. C'est là encore une question relative à l'équité. Il ne faudra pas négliger ce débat, et j'insiste, monsieur le ministre, pour que vous répondiez à nos interrogations.
Quoi qu'il en soit, l'uniformité de la loi que vous comptez élaborer sans tenir compte des différences en matière de pénibilité du travail et d'espérance de vie ne permettra pas d'obtenir l'adhésion de la nation. Ce texte est injuste ; il réaffirme de grands principes, mais, dans le détail, il les contredit, dans la mesure où est prévue une baisse des pensions, assortie d'une durée de cotisation plus longue et de l'alignement des retraites par le bas. La mise en application de ces grands principes se réduit d'autant plus à une peau de chagrin que les amendements visant à affirmer davantage la notion d'équité, par le biais par exemple d'une bonification de points pour les métiers pénibles, ont été rejetés à l'Assemblée nationale et le seront sans aucun doute ici aussi !
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 869.
M. Claude Domeizel. Je souhaitais tout à l'heure intervenir sur l'article 3, mais la clôture du débat me contraint à le faire maintenant, avant d'exposer l'amendement n° 869.
Que l'on me permette tout d'abord de rappeler les termes de cet article :
« Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent. »
L'article 3 est d'une importance capitale : le principe d'un traitement équitable de tous les assurés y est posé, et ce fait même amène à aborder la question de la pénibilité physique et psychologique du travail.
Les conditions de travail varient beaucoup d'une catégorie professionnelle à une autre. On pourrait évoquer, à cet instant, les cas des personnels hospitaliers, des travailleurs à la chaîne ou des travailleurs de nuit. A cet égard, une profonde différence sépare, on en conviendra, l'ouvrier de son directeur.
Cette situation induit des inégalités au regard de la retraite. D'autres facteurs interviennent, telles les périodes non travaillées pour cause de chômage ou de formation - j'y reviendrai à propos de l'amendement n° 869 -, les mutations technologiques ou les interruptions de carrière que peuvent connaître les femmes. Tout cela n'a jamais fait l'objet d'aucune négociation !
S'agissant des régimes dont dépendent les assurés, les difficultés résultent de la situation qui prévalait au moment de la création du régime général de la sécurité sociale. Il a été décidé, à cette époque, de maintenir les régimes spéciaux et divers autres régimes. Dès les années soixante est apparue la fragilité du système, d'où la nécessité d'instaurer ce que l'on a appelé la compensation.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple des mineurs. Dans les années cinquante, on comptait, dans cette catégorie socioprofessionnelle, un retraité pour une dizaine d'actifs. Aujourd'hui, le rapport est plus qu'inversé, puisque l'on dénombre un actif pour quelque vingt retraités. On voit donc bien qu'il était nécessaire d'établir un système de compensation. Celui-ci devra d'ailleurs être entièrement revu, et la partie du texte concernant cette question est loin de nous satisfaire, car elle ne fait qu'effleurer le problème.
Je ne parlerai pas de la surcompensation, qui devrait être supprimée bien plus tôt que ne le prévoit le projet de loi. Il importe d'aller très vite sur ce point.
J'en viens maintenant à l'amendement n° 869. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Souhaitez-vous que je poursuive sur la compensation entre les régimes, mes chers collègues ? (Rires sur les mêmes travées.)
Les périodes non travaillées comprennent bien entendu les années de formation, y compris de formation en alternance, d'apprentissage et de reconversion. Ces temps de formation ont une influence sur la retraite, dont il faut tenir compte.
En outre, on observe des périodes de rupture inévitable liées aux mutations technologiques et aux restructurations.
L'inactivité peut enfin être totalement subie en cas de longue maladie, d'invalidité ou d'accident. Les incapacités de travail qui en résultent sont pénalisantes pour les personnes concernées au moment de leur retraite.
Un traitement équitable des assurés au moment de leur départ à la retraite doit donc prendre en compte les périodes d'inactivité ou de formation qu'ils ont connues.
Je voudrais, à cet instant, m'arrêter sur un type particulier de période d'inactivité : celles qui sont liées à l'exercice d'une fonction syndicale. Les intéressés voient parfois leur carrière s'interrompre totalement, ou évoluer beaucoup plus lentement qu'ils auraient pu l'espérer. Il faut prendre ce fait en considération, car il n'est pas sans conséquences au moment de la retraite.
S'agissant des mutations technologiques ...
M. le président. Monsieur Domeizel, veuillez conclure.
M. Claude Domeizel. J'y reviendrai lors de la présentation du prochain amendement, mais je vous demande d'adopter cet amendement n° 869.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais très amicalement dire à M. Domeizel qu'il tombe dans le même travers que le groupe CRC tout à l'heure ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Voyons, mes chers collègues, je ne vous ai pas agressés, je veux simplement signaler une anomalie !
M. Claude Domeizel. Vous n'allez pas nous redire l'histoire de la poule aux oeufs d'or !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout ! Mais, si vous le souhaitez, je peux le faire ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Monsieur Domeizel, vous avez parlé pendant trois minutes du texte qui été soumis à l'Assemblée nationale et non de celui qui a été transmis au Sénat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Désormais, on parle non plus des régimes dont il « dépendent », mais des régimes dont ils « relèvent ». C'est fini la dépendance ! Elevons le débat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer. Nous faisons un travail pédagogique !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 870.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à souligner la nécessité de mettre en oeuvre une politique de lutte contre l'emploi précaire et le temps partiel subi ainsi qu'à favoriser l'égalité professionnelle, afin de tenir compte de la situation difficile des femmes face à la retraite.
Malgré une amélioration de la condition de la femme sur le marché du travail, les chiffres restent accablants. Ils démontrent qu'il reste encore une inégalité flagrante entre les hommes et les femmes : inégalité de rémunération, inégalité dans la sécurité de l'emploi et la qualité des contrats de travail, inégalité des charges familiales et domestiques, inégalité face à la retraite enfin. On le voit, tout s'enchaîne logiquement : écarts salariaux, cassures dans la carrière, niveau de cotisation plus bas, donc niveau de pension également plus bas.
Ainsi, les femmes ont un salaire en moyenne nettement inférieur à celui des hommes : de l'ordre de 24 %. A qualification identique, l'écart reste de 11 %.
Les femmes représentent 85 % des salariés à temps partiel. La différence des niveaux de pension entre hommes et femmes s'en ressent : elle s'élève à 42 % ! Même lorsqu'il s'agit de carrières complètes, l'écart entre les hommes et les femmes pour la pension de droit direct s'élève encore à 33 %.
Enfin, en 1998, on estimait à 760 000 le nombre de personnes bénéficiant du minimum vieillesse parmi lesquelles 70 % étaient des femmes.
Par ailleurs, de nombreuses femmes diffèrent la liquidation de leurs droits jusqu'à soixante-cinq ans, afin d'éviter le système très pénalisant de la décote.
M. Gérard Braun. Cela n'existe pas pour les fonctionnaires.
Mme Gisèle Printz. La liste n'est pas exhaustive.
Les preuves de l'inégalité professionnelle entre les hommes et les femmes auraient dû vous inciter à porter une attention particulière à la situation de ces dernières face à la retraite. En effet, le durcissement des conditions d'accès à une pension à taux plein va les fragiliser encore un peu plus.
Les inégalités dont les femmes sont victimes sur le marché du travail auraient justifié qu'elles reçoivent en échange des garanties en matière d'emploi et, surtout, de parité dans la vie professionnelle. Par ailleurs, ces inégalités expliquent qu'une politique de compensations familiales doit être prioritairement menée en direction des femmes.
Au lieu de cela, rien dans votre projet de loi ne laisse penser que vous ayez la volonté politique de diminuer les inégalités professionnelles qui se répercutent d'abord sur le niveau des pensions des retraites des femmes.
En outre, vous remettez en cause les avantages familiaux des femmes fonctionnaires alors qu'ils sont censés leur permettre d'avoir la durée d'assurance requise pour toucher une pension d'un montant optimal.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 873.
M. Claude Domeizel. Tout à l'heure, j'ai évoqué les nouvelles technologies. Nous connaissons tous des personnes proches de la retraite, âgées de cinquante à cinquante-cinq ans, qui rencontrent des difficultés pour s'adapter aux nouvelles technologies. Il faut en tenir compte pour définir les modalités de départ à la retraite.
S'agissant de l'amendement n° 873, l'objectif d'égalité de traitement et de solidarité entre cotisants et entre régimes doit tenir compte de la spécificité des régimes et de leur histoire.
Je défendrai cet amendement plus longuement tout à l'heure. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, pour présenter l'amendement n° 1095.
M. Bernard Murat. Le présent article pose le principe d'équité - nous en avons beaucoup parlé dans cet hémicycle - entre les assurés, que ceux-ci relèvent de plusieurs régimes ou d'un régime unique, qu'ils relèvent de régimes du secteur privé ou de régimes du secteur public.
Le présent amendement précise la portée de ce principe : aucune différence n'est constitutionnellement justifiable à part deux exceptions.
L'utilité commune est la seule tolérance reconnue par l'article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à l'existence de distinctions sociales ; ainsi certaines des dispositions dérogatoires au bénéfice de certains agents publics - fonction publique militaire, sapeurs-pompiers, agents de la force publique - sont-elles justifiées au nom de l'utilité commune.
Les autres différences de traitement doivent, pour être conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le principe d'égalité, être justifiées par des différences objectives de situations, la pénibilité par exemple. Ces différences doivent être constatées dans des formes légales.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter le sous-amendement n° 1109.
M. Roland Muzeau. La pénibilité du travail est devenue un sujet récurrent ces dernières années ; il fait également l'objet d'études sociologiques poussées, aux échelons national et international.
En particulier, le CREAPT, le centre de recherche et d'études sur l'âge et les populations au travail, s'est particulièrement intéressé à ce sujet, qui est devenu une véritable question de société.
Alors que la condition ouvrière semblait s'être nettement améliorée au cours des cinquante dernières années, laissant loin derrière nous les images d'Emile Zola, on voit refleurir une nouvelle forme de pénibilité du travail.
Serge Volkof, chercheur au CREAPT, fait observer ceci : « On se trompe en imaginant que le travail pénible régresse. Le pourcentage de salariés qui disent devoir tenir une posture pénible au travail est passé de 16 % à 37 % en quinze ans. Effectivement, les contraintes physiques extrêmes, comme le travail dans de grosses chaleurs ou qui implique de porter des charges extrêmement lourdes, sont en baisse. En revanche, les contraintes, "moyennes" à "fortes" s'étendent, conséquence des impératifs de temps. Les charges ne sont pas plus lourdes à porter, mais il faut aller de plus en plus vite. Quand on a moins de temps pour faire le travail, les tâches deviennent vite pénibles... On ne se contente pas de demander aux salariés de travailler vite, on leur demande de travailler dans l'urgence. Les salariés doivent notamment faire face à l'introduction de contraintes "commerciales" dans l'univers industriel. Par exemple, le métier de routier a bénéficié de progrès techniques importants, notamment pour le chargement et le déchargement des camions. Mais grâce au suivi radio des véhicules, les modifications des programmes de livraison sont constantes. On demande aux salariés de prendre des responsabilités, d'assumer des objectifs de plus en plus importants, sans leur donner les marges de manoeuvre nécessaire pour cela. Les contraintes de temps sont serrées, les liens au travail sont distendus, beaucoup de salariés sont débordés et n'osent plus demander de l'aide à des collègues qui le sont aussi. On se débrouille, ce qui rend le travail pénible. Dans des situations de ce type, les salariés ont le sentiment que le travail est mal fait et n'a plus de sens. »
Avec la précarisation du travail, les salariés sont souvent contraints d'accepter les pires conditions de travail, au point que l'on voit ressurgir des formes très pénibles de travail allant même - une proposition de loi avait été adoptée très largement sur ce thème lors de la précédente législature - jusqu'à des situations de véritable esclavage.
Adopter le présent amendement, qui prend en compte, dans un objectif d'équité, la situation des salariés au regard de la pénibilité du travail est ainsi, à nos yeux, à la fois un instrument de justice sociale et une formidable incitation pour les entreprises à prendre conscience de la situation effective de leurs salariés : il faut créer des univers de travail soutenables qui ne donnent pas envie de fuir !
Il est tout à fait important que chacun d'entre nous en soit conscient ; c'est pourquoi j'insiste particulièrement, au nom de mes collègues communistes républicains...
M. Jean Chérioux. ... et citoyens !
M. Roland Muzeau. Vous écoutez, c'est très bien, cher collègue !
M. Gérard Braun. On ne fait que cela !
M. Bernard Murat. Hélas !
M. Roland Muzeau. C'est pourquoi j'insiste sur l'importance que revêt le présent sous-amendement, sur lequel je demande un vote par scrutin public. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour présenter le sous-amendement n° 1120.
Mme Evelyne Didier. Les différents régimes de retraite ont été construits progressivement au cours d'une longue période, mais toujours sur un même modèle, celui de l'homme travaillant à temps complet sans interruption de carrière et jouant un rôle de soutien de famille.
D'ailleurs l'ordonnance de 1945 vise le travailleur et sa famille. L'homme avait des droits propres à la protection sociale ; la femme était cantonnée dans un rôle d'épouse et de mère, bénéficiant de droits dérivés dépendant de ceux de son mari.
Ce système a évolué, mais il reste grandement insuffisant. La retraite est un domaine qui nous concerne tous, mais dans lequel les femmes sont les plus pénalisées. En effet, aujourd'hui, près d'un actif sur deux est une femme, sans compter le cas de celles qui travaillent avec leur conjoint et qui ne sont pas comptabilisées comme actives.
De plus, les mesures qui ont déjà été prises touchent majoritairement les femmes ; et de manière plus grave.
Les mesures prises par le gouvernement Balladur en 1993 étaient profondément injustes, mais celles que le Gouvernement veut imposer aujourd'hui le sont encore plus. L'allongement de la durée des cotisations pour les salariés ainsi que l'indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires moyens se sont traduites par une baisse des pensions. Or, les pensions des femmes sont parmi les plus faibles !
En 2001, les retraités, hommes et femmes confondus, percevaient en moyenne un montant global de pension égal à 1 126 euros par mois. Les femmes ont touché 848 euros mensuels et les hommes 1 461 euros, soit 72 % de plus.
Le passage des 10 aux 25 meilleures années pour le calcul de la pension pénalise beaucoup de salariés, mais, là encore, les femmes sont les plus touchées parce que leurs carrières sont fractionnées, comportent plus d'années incomplètes ou à temps partiel et plus de périodes de chômage.
Lorsque les carrières sont plus courtes, sélectionner un plus grand nombre d'années oblige à prendre davantage dans le lot des années les plus mauvaises. La retraite reflète en les amplifiant les inégalités qui existent dans la vie professionnelle entre les hommes et les femmes. Bien que réussissant mieux, globalement dans leurs études, les femmes ont moins accès que leurs collègues hommes à des postes qualifiés et bien rémunérés.
Les femmes assument l'essentiel des responsabilités en matière d'éducation des enfants et des tâches domestiques. Ces charges pénalisent leur carrière professionnelle, ce qui se concrétise par des salaires inférieurs.
A cela s'ajoute le fait qu'elles interrompent leur activité professionnelle pour élever leurs enfants ou prendre soin d'un parent vieillissant.
Elles ne retrouvent pas facilement un emploi après une cessation d'activité de plusieurs années, notamment lorsqu'elles sont cadres. Toutes ces étapes sanctionnent encore leur carrière et réduisent la durée de cotisation au régime des retraites. Des salaires d'un montant inférieur combinés à des durées de cotisation réduites se traduisent par des pensions beaucoup plus faibles.
En résumé, rares sont les femmes qui, parvenues à l'âge légal de la retraite, bénéficieront de leur pension à taux plein. Le Gouvernement peut bien les inciter à retarder l'âge de leur départ en retraite, elles n'ont pas le choix. Pour vivre dignement leur retraite, la plus grande majorité des femmes devra continuer de travailler bien au-delà de l'âge légal de départ à la retraite pour obtenir un taux de pension plus élevé.
De plus, avec la réforme Balladur et les dispositions prévues par le présent projet de loi, elles seront sanctionnées une seconde fois par des abattements ou des décotes sur le taux de retraite par trimestre manquant.
Tel est le sens de notre amendement, qui vise à supprimer ces dispositions inadmissibles sanctionnant une nouvelle fois les femmes. Nous vous demandons de l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter le sous-amendement n° 1121.
M. Roland Muzeau. La loi Balladur-Veil de 1993 a introduit une rupture de parité entre l'évolution du pouvoir d'achat des actifs et celui des retraités. Sa mise en oeuvre conduit à une sensible diminution du taux de remplacement net moyen. Dans le projet de réforme des retraites qui nous est soumis, il est envisagé de généraliser au secteur public ces mesures en y indexant également les pensions sur les prix et non plus sur les salaires.
Cela s'ajoutait à l'époque à l'existence d'une décote par année manquante qui n'est pas remise en cause dans le présent projet de loi. Certes, la décote sera réduite et passera de 10 % par an à 5 % par an à partir de 2004, mais cela ne compensera que très marginalement les effets combinés des mesures Balladur et des dispositions sont prévues par le présent projet de réforme. De plus, si le texte est adopté en l'état, l'instauration de la décote vaudra pour le secteur public.
On sait que l'âge d'entrée dans la vie active pose un problème, car il a des conséquences directes sur la durée d'acquisition des droits. Ceux qui ont fait de longues études et qui, souvent, ont mis un temps plus ou moins long à trouver un emploi devront, pour pouvoir prétendre à une retraite complète, travailler jusqu'à soixante-cinq ans, voire jusqu'à près de soixante-dix ans. Sinon, ils se verront lourdement pénalisés par l'application de la décote qui diminuera plus que proportionnellement le montant de leur retraite. Car, faute de prise en compte des années de formation et des difficultés d'insertion sur le marché du travail, de nombreux jeunes auront des difficultés à obtenir le droit à la retraite à taux plein.
Et les générations qui sont entrées dans la vie active au moment où le chômage de masse, la précarité, le temps partiel et les petits boulots se développaient verront leurs retraites souffrir - plus que proportionnellement là encore, - de ces mauvaises conditions d'entrée sur le marché du travail.
De plus, nous savons tous que, très généralement, le pourcentage de carrières complètes est loin d'atteindre les 100 %. Parmi l'ensemble des salariés ayant pris leur retraite en 2001, seuls 52 % avaient atteint 40 années de cotisation.
Si l'augmentation des taux d'activité professionnelle des femmes conduit aujourd'hui - et c'est heureux - à un rapprochement des droits personnels à la retraite des hommes et des femmes, les projections démontrent qu'un écart se maintient durablement, en moyenne. C'est ainsi que 84,5 % des hommes à la retraite ont eu une carrière pleine, contre seulement 39,1 % des femmes.
Cet écart est lié aux carrières des femmes qui continuent, comme on l'a dit à maintes reprises, à être plus heurtées, avec des périodes d'interruption et des temps partiel très fréquents ; il est également lié au fait que les femmes continuent à assumer au quotidien l'essentiel des tâches liées à l'éducation des enfants, ce qui a des incidences sur leur vie professionnelle.
Moins reconnues, moins payées à qualifications égales, les femmes subissent en plus de plein fouet la décote appliquée par année manquante. Il est évident que, dans ces conditions, les femmes sont particulièrement pénalisées.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter le sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre les amendements n°s 106 et 107.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement n° 106 porte sur la rédaction de cet article 3 dont nous avons pu souligner les limites, notamment à l'occasion de l'examen de l'amendement de suppression que nous venons de soutenir. Il s'agirait, si l'on en reste à l'écriture de l'article, de faire en sorte que chacun des assurés puisse bénéficier d'un traitement équitable en matière de retraite.
Mais, en y regardant d'un peu plus près, nous pouvons analyser cette déclaration apparemment vertueuse sous un angle qui n'est pas nécessairement favorable aux assurés eux-mêmes.
« Traitement équitable », cela signifie, dans l'esprit des rédacteurs de ce projet de loi, que les dispositions propres à certains régimes et qui tiennent notamment compte de la pénibilité des tâches et des contraintes horaires de la vie professionnelle passée, devraient être révisées à la baisse au motif que ces dispositions seraient inéquitables.
L'équité procéderait, si l'on peut dire, de la baisse des prestations servies à l'ensemble des retraités. En ce sens, cet article 3 se situe clairement dans la ligne de la réforme Balladur de 1993, dont force est de constater qu'elle n'a pas permis d'éviter des difficultés financières majeures aux organismes de retraite. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler au cours du débat.
Toujours est-il que les solutions habituellement utilisées quand notre système de retraite connaît quelques difficultés de financement n'ont pas d'efficacité et que c'est au travers de la croissance et de la création d'emplois que l'on consolide le plus sûrement la situation des retraites comme celle de la protection sociale en général.
Quant au choix des termes que nous remettons en question dans le cadre de cet amendement, revenons-y quelque peu.
Il est normal, pour nous, que les assurés bénéficient de prestations servies au titre de la retraite, et cela n'est donc pas du domaine de l'hypothétique. Employer pour cet article une forme de conditionnalité est pour le moins étonnant.
C'est un devoir de solidarité nationale que de donner à chaque retraité les moyens de subvenir à ses besoins sans qu'il soit contraint de poursuivre une activité professionnelle.
C'est aussi un devoir que de le faire non pas au travers d'une mise en question des droits de chacun, mais par une élévation permanente des garanties offertes, par une mobilisation plus significative de la richesse créée au bénéfice des salaires ou des cotisations sociales, donc du financement des retraites.
Si l'article 3 ne vise qu'à caractériser une retraite minimale équitablement faible, il ne peut évidemment être accepté.
Dans le même temps, il s'agit pour nous d'inscrire clairement que tout doit être mis en oeuvre pour que les droits des salariés à une retraite suffisante pour subvenir à leurs besoins soient effectifs.
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Michelle Demessine. J'en viens à l'amendement n° 107.
L'article 3 du projet de loi, en ce qu'il pose le principe d'équité des travailleurs devant la retraite, devrait absolument intégrer la notion de pénibilité du travail. Lorsque l'on aborde les questions de justice sociale, comment pourrait-on faire l'impasse sur cette question, qui concerne l'une des inégalités les plus criantes de notre société ?
En effet, on ne peut passer sous silence que la situation devant la retraite est loin d'être la même selon que l'on est ouvrier ou cadre supérieur : rappelons-nous que, à soixante-cinq ans, les ouvriers ont une espérance de vie inférieure de six ans et demi à celle des cadres, selon les enquêtes de l'INSEE !
M. Jacques Peyrat. Et les agriculteurs, alors !
Mme Michelle Demessine. Ainsi, pour une durée de cotisation aussi longue, les premiers profitent moins longtemps de leur retraite.
Autre facteur discriminant : une seconde carrière est rarement envisageable pour ceux que le travail aura particulièrement usés.
A l'heure où le Gouvernement souhaite limiter le recours aux préretraites, la question de la pénibilité du travail revêt donc une importance particulièrement décisive, du point de vue tant de la prise en compte de la pénibilité du travail dans le calcul de la durée des cotisations que de la question des départs anticipés, donc de façon beaucoup plus large et globale que ne le faisait le projet de loi initial.
Certes, tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée nationale, le projet de loi prévoit désormais, dans son article 12 bis, la négociation des partenaires sociaux sur cette question dans les trois années à venir ; néanmoins, cette solution est loin d'être satisfaisante, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, je rappelle que le Conseil d'orientation des retraites a préconisé que le législateur prenne ses responsabilités en définissant lui-même les éléments fondamentaux permettant de définir le concept. Il y a donc, en l'espèce, une sorte d'incompétence négative du législateur, qui refuse ainsi de jouer son rôle.
Confier aux seuls partenaires sociaux le soin de régler cette question risque, en outre, d'aboutir à une impasse si l'on veut bien se rappeler la répugnance, pour ne pas dire le refus total, du MEDEF de se saisir de cette question. En effet, malgré l'appel lancé il y a un an par le Président de la République sur la question des coefficients inférieurs au SMIC, le patronat refuse toujours d'ouvrir des négociations sur la question.
Deuxième observation : le concept de la pénibilité au travail joue un rôle de plus en plus important dans la définition du travail et traduit une très nette dégradation des conditions de travail. Aussi convient-il de prendre en compte la pénibilité de l'activité professionnelle passée, et ce quelle que soit la spécificité du ou des régimes dont elle relève. J'insiste particulièrement sur cette question, car l'on sait pertinemment que les régimes spéciaux ne survivront pas à la réforme.
Or il est clair qu'un certain nombre de régimes spéciaux, notamment dans la fonction publique, continuent de connaître des particularités, liées notamment à la pénibilité de la charge, qu'il sera nécessaire de prendre en compte.
Est-il bien raisonnable d'envisager une carrière au-delà de soixante ans pour les enseignants, dont le métier est de plus en plus dur en raison des demandes renforcées qui pèsent sur l'école en termes non seulement de transmission du savoir mais aussi de lieu de socialisation et d'apprentissage de la vie en société ?
Peut-on envisager que les infirmières se voient de la même manière imposer une durée de cotisation qui ne tienne pas compte de la particularité de leur métier ?
Il convient que le projet de loi tienne compte de ces situations.
Enfin, le projet de loi ne peut passer sous silence la question de la pénibilité du travail tout en prévoyant d'en allonger la durée. C'est une question de cohérence élémentaire, car l'activité des seniors requiert, bien évidemment, des aménagements des conditions et du temps de travail. Avec l'âge, le travail devient non seulement physiquement, mais également mentalement plus stressant.
Afin que ces questions soient effectivement prises en compte à l'avenir, il est indispensable qu'elles soient inscrites dans les principes généraux du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 874.
Mme Marie-Christine Blandin. La réforme Balladur a fait passer de dix à vingt-cinq le nombre de meilleures années prises en compte pour le calcul du taux de retraite. Cette réforme a eu un impact particulièrement important pour des professions où l'alternance entre les périodes travaillées et les périodes chômées est la règle ; je pense particulièrement aux intermittents du spectacle. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Eh oui, vous voudriez les oublier, mais ils se rappellent à vous !
M. Jean Chérioux. Il y a longtemps qu'on n'en avait pas entendu parler !
Mme Marie-Christine Blandin. Les artistes, les techniciens du spectacle animent nos villages. Ils éclairent nos esprits. Ils nous donnent à voir et à comprendre le monde. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Or ils sont exploités par l'audiovisuel, à tel point que l'employeur ne paie même plus les récupérations légales mais les fait prendre en charge par l'intermittence.
Pour tout remerciement de ces missions de service public et de leur audace à vivre sans aucune sécurité,...
M. Hilaire Flandre. Et sans travailler !
Mme Marie-Christine Blandin. ... on leur octroie une allocation qui s'élève en moyenne à 750 euros. Pour tout remerciement, vous approuvez la précarisation de leur situation.
Leur mouvement est une lutte, mais c'est aussi un acte désespéré qui les fragilise eux-mêmes en les obligeant à se manifester dans les festivals qui leur tiennent à coeur.(Brouhaha sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Murat. Cela n'a rien à voir avec les retraites !
M. le président. Mes chers collègues, du calme !
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement tente au moins de faire en sorte que leur activité hachée ne se solde pas, en plus, par la misère après soixante ans. Pour ces professions, ne pas considérer les périodes d'inactivité contrainte comme des périodes de cotisation constitue un lourd préjudice.
M. Hilaire Flandre. On peut aussi ne rien faire !
Mme Marie-Christine Blandin. Ces périodes peuvent représenter jusqu'à la moitié du temps travaillé, et cela même en fin de carrière. Dans les cas extrêmes, les vingt-cinq meilleures années peuvent alors correspondre à l'ensemble des années travaillées, regroupant ainsi les périodes de petits contrats et les pis-aller de début de carrière.
Nous proposons donc d'inscrire dans la loi la possibilité de prendre en compte les périodes d'inactivité contrainte des salariés au même titre que les périodes de cotisation, afin de permettre l'amélioration du calcul des pensions pour les professions qui voient fréquemment se succéder les périodes travaillées et les périodes de chômage.
J'ai entendu un collègue dire qu'on peut aussi ne rien faire.
M. Hilaire Flandre. Oui, c'est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. Cela m'oblige à préciser que, si nous avons utilisé le terme « inactivité », c'est pour qu'il soit compréhensible par votre logique. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Mais, entre deux pièces ou deux sonates jouées, entre deux spectacles donnés, les intermittents ne chôment pas ! Ils répètent, ils jouent, ils écrivent, ils composent, ils créent pour vous. (Rires sur les travées de l'UMP.) Cela aussi mérite retraite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour défendre l'amendement n° 871.
M. Claude Domeizel. Cet amendement porte sur la pénibilité des métiers.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a affirmé (Un brouhaha persistant s'installe sur les travées de l'UMP et sur les travées de l'Union centriste.)...
Monsieur le président, pourriez-vous faire en sorte que je puisse poursuivre mon intervention ?
M. le président. Monsieur Domeizel, vous avez la parole. Ne vous laissez jamais détourner de votre propos, ce qui n'est d'ailleurs pas dans votre habitude. (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Je disais donc que M. le ministre de la fonction publique avait affirmé : « A la demande de la CFDT, nous avons pris l'engagement de mettre en place un groupe qui se réunira sous l'autorité de mon directeur de cabinet avant la mi-juillet » - c'est bientôt ! - « pour réfléchir à la notion de pénibilité dans la fonction publique. »
Monsieur le ministre, ce groupe de travail s'est-il réuni ? Si oui, pouvez-vous nous communiquer les résultats de ses réflexions ?
Nous ne le savons que trop bien, ce que vous souhaitez, c'est mettre en place un système qui, par la négociation, permette, le cas échéant, à des salariés ayant effectué des travaux pénibles de bénéficier d'avantages relevant d'une retraite progressive.
Nous avons un regard un peu différent. Il nous paraît nécessaire de permettre à des salariés de bénéficier de bonifications d'un trimestre dans le cadre de leur activité professionnelle.
On pourrait imaginer, à l'instar de ce qui existe, notamment, pour les militaires, qui bénéficient d'une bonification trimestrielle par cinquième, des bonifications d'un trimestre tous les cinq ans pour certaines catégories professionnelles.
On pourrait notamment imaginer que celles et ceux qui enseignent dans les zones rurales difficiles, dans les zones d'éducation prioritaire, puissent bénéficier d'un trimestre complémentaire tous les cinq ans. On pourrait également l'imaginer pour celles et ceux qui travaillent dans les secteurs des transports, de la métallurgie ou de la maçonnerie. Le champ de cette mesure est très large.
Sur ce point, notre vision est très différente de la vôtre, monsieur le ministre. Alors que nous souhaitons des bonifications, vous parlez de préretraites. Selon nous, la notion de pénibilité doit se traduire par des bonifications, ce qui est possible pour certains corps de métiers.
On a parlé des militaires et des policiers qui bénéficient d'une bonification. Ce devrait être également possible dans le secteur de la santé. Vous proposez un dixième pour les infirmières travaillant la nuit. Mais, puisqu'il s'agit d'un article portant sur l'équité, nous demandons que tout le monde soit traité de la même manière. Il ne peut en effet y avoir deux catégories de Français : celles et ceux qui bénéficieraient d'un traitement avantageux et celles et ceux qui n'en bénéficieraient pas !
Par ailleurs, monsieur le président, craignant que les amendements n°s 873 et 874 ne soient déclarés sans objet, je vais tout de suite m'expliquer sur eux. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Le système de retraite français, très divers dans ses structures, assure pourtant de fortes solidarités.
La première de ces solidarités est intergénérationnelle. Par leurs cotisations, les actifs assurent la retraite des anciens.
La seconde est interprofessionnelle. Malgré la diversité des régimes du privé, les systèmes de compensation entre les caisses permettent aux caisses de retraite de secteurs d'activités en déclin d'être rééquilibrées par les caisses des secteurs en expansion ou de ceux dont la démographie est plus favorable. Quant aux pensions du secteur public, c'est la richesse nationale exprimée par le budget qui les cautionne.
La troisième des solidarités lie le secteur public et le secteur privé. L'âge d'entrée dans la vie active, et donc la durée d'acquisition des droits à la retraite, pose déjà problème. Faute de prendre en compte les années de formation et les difficultés d'insertion sur le marché du travail, de nombreux jeunes auront évidemment des difficultés à obtenir une retraite à taux plein. Les générations qui sont entrées dans la vie active au moment où le chômage de masse, la précarité, le temps partiel se développaient verront leur retraite en pâtir.
L'égalité entre les hommes et les femmes est loin d'être acquise. Divers dispositifs ont progressivement permis de compenser, en partie, la différence entre les droits à pension entre les hommes et les femmes, mais la parité reste à faire en termes de retraite. En effet, si l'augmentation des taux d'activité professionnelle des femmes conduit aujourd'hui à un rapprochement des droits personnels à la retraite des hommes et des femmes, les projections montrent, elles, qu'un écart se maintient durablement. Il est dû à ce que les carrières des femmes continuent à être plus heurtées, avec des périodes d'interruption et des temps partiels plus fréquents, mais aussi au fait que les femmes continuent à assumer au quotidien l'essentiel des tâches liées à l'éducation des enfants, ce qui a des incidences sur leur vie professionnelle, sans compter les différences de salaire, de qualification et d'âge.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour présenter l'amendement n° 872.
M. Yves Krattinger. Cet amendement est de la plus grande importance. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Peyrat. Cela change des autres !
M. Yves Krattinger. Comme vous le savez, le Président de la République a décidé de faire de l'insertion des handicapés une priorité nationale. Bien sûr, nous approuvons largement cette orientation. Encore faut-il lui donner un contenu !
Nous savons tous que nombre de travailleurs handicapés connaissent une fatigue physique liée à leur handicap, ce qui ne leur permet pas de travailler jusqu'à l'âge de la retraite. De plus, leur espérance moyenne de vie est plus faible que celles des autres travailleurs.
Il serait donc juste de prévoir des bonifications afin de permettre aux personnes handicapées de partir plus tôt à la retraite.
Nous souhaitons donc qu'il y ait des négociations entre l'Etat, les entreprises et les représentants des syndicats de salariés pour définir le niveau de ces bonifications en fonction à la fois du taux d'invalidité et de la difficulté des travaux confiés.
Monsieur le président, mon intervention ayant été courte, je souhaiterais maintenant solliciter quelques instants l'attention de M. le ministre sur un point sur lequel, lundi, nous avions eu quelque divergence.
Monsieur le ministre, vous m'aviez fait part de vos doutes quant à l'authenticité d'un article que j'avais cité. Je vous avais reconnu une victoire tactique en ce qui concerne la préparation de la réforme des retraites. Aussi, je souhaite, ce soir, vous inviter à lire un article de La Tribune du 17 juin dernier, signé de trois journalistes, Jean-Christophe Chanut, Nicolas Prissette et Stéphanie Tisserond,...
M. Jean Chérioux. Ce sont de grands journalistes financiers bien connus !
M. Yves Krattinger. ... qui, dans un article fort long, très argumenté, nous rappellent l'histoire secrète de la réforme en cours et qui, dans un encart situé au milieu de l'article, tiennent les propos que je vais citer.
Sous le titre « Les inoffensifs et les mortels », cet encart est ainsi rédigé :
« Quant aux régimes spéciaux - SNCF, RATP, etc. - ils sont exclus du dispositif, pour ne pas réveiller le spectre de 1995. Comme le résume un proche du Premier ministre, "Nous avons considéré qu'il y avait les inoffensifs - les salariés du privé -, les venimeux - les fonctionnaires -, et les mortels - les salariés des entreprises publiques soumises à régimes spéciaux de retraite. Nous avons préféré éviter une confrontation avec les mortels. Nous avons donc choisi l'équité à 95 %". »
Je veux bien reconnaître une erreur, monsieur le ministre, à savoir qu'il s'agissait non pas de l'un de vos collaborateurs, mais probablement de M. le Premier ministre...
M. Gilbert Chabroux. Cela change tout !
M. Yves Krattinger. ... et je vous prie pour le moins de reconnaître que j'avais lu l'article en question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Lors de sa réunion, la commission a adopté l'amendement n° 1095 qui a été présenté, au nom du groupe UMP, par M. Murat. Cet amendement précise que les distinctions qui existent entre les assurés au regard de l'assurance vieillesse ne peuvent répondre qu'à deux critères : l'utilité commune ou des différences objectives de situation légalement constatées. L'affirmation de ces dispositions constitutionnelles, qui s'inspirent notamment de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, devrait susciter le vote unanime de notre assemblée.
Toutefois, je souhaiterais que M. Murat accepte de rectifier son amendement pour le mettre en concordance avec la disposition qui a été introduite par l'Assemblée nationale, sur proposition des députés communistes, qui ont demandé que l'expression « dépendent » soit remplacée par « relèvent ».
Mme Hélène Luc. Heureusement que nous sommes là !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est un apport très important auquel nous nous rallions.
M. le président. Monsieur Murat, acceptez-vous la rectification proposée par la commission ?
M. Bernard Murat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° 1095 rectifié, présenté par Mme Olin, MM. Trucy, Plasait, Murat, Courtois, Hérisson, Nachbar, Cantegrit, Hyest, Braye et Schosteck, et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Les assurés bénéficient d'un traitement équitable au regard de la retraite, quelles que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent. Les distinctions entre assurés ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ou sur des différences objectives de situation légalement constatées. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous l'avez compris, puisque la commission accepte cet amendement n° 1095 rectifié, elle ne peut qu'être défavorable à l'ensemble des amendements et sous-amendements qui ont été déposés sur cet article.
Elle est évidemment défavorable à l'amendement n° 105 qui vise à supprimer l'article 3, dont j'ai précédemment exposé tout le bien-fondé, ainsi qu'à tous les amendements qui font référence à la pénibilité, et je renvoie mes collègues aux articles 12 bis et 16 qui traitent de ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comme l'a rappelé M. le rapporteur, l'article 3 a pour objet d'affirmer le principe de l'équité entre les régimes. Il vise notamment à améliorer la situation actuellement très défavorable des personnes qui ont, durant leur carrière, été assujetties à des régimes différents. Il n'y a donc aucune raison d'adopter les amendements de suppression de cet article, qui n'ont pour objet que de donner à ceux qui les défendent la possibilité de s'exprimer sans qu'ils souhaitent, au fond, leur adoption.
Vient ensuite une série d'amendements visant à ajouter une référence à la pénibilité. M'étant longuement expliqué sur ce sujet cet après-midi, je ne reprendrai pas ma démonstration.
J'ajoute que, contrairement à ce qu'a prétendu un des orateurs, qui n'a pas dû lire le rapport du Conseil d'orientation des retraites, celui-ci n'a pas invité le Gouvernement à légiférer sur la question de la pénibilité. Je viens de relire les pages 251, 252 et 253 du rapport du COR. On n'y trouve aucune suggestion de ce type. En revanche, l'embarras et la difficulté que l'on éprouve face au traitement de la pénibilité y sont très bien décrits. On peut en effet y lire que « des améliorations sont souhaitables dans la prise en compte de la pénibilité par les régimes de retraite. Elles pourraient se faire en ne considérant pas seulement le secteur d'activité ou le métier, mais également le poste occupé ».
Imaginez-vous vraiment que le législateur puisse énumérer la liste des postes de travail concernés par la pénibilité ? Il s'agit là, on le voit bien, d'un sujet qui doit être débattu par les partenaires sociaux au sein de chaque branche, comme le suggère d'ailleurs le COR. C'est l'objet de l'article 16 du projet de loi qui, pour la première fois, vise à introduire la notion de pénibilité dans la législation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) J'invite donc le Sénat à rejeter l'amendement n° 867.
M. Chabroux, avec l'amendement n° 868, aborde un sujet que nous n'avons pas encore évoqué. Il nous invite à imaginer un système de durée de cotisation proportionnelle à l'espérance de vie. C'est une idée formidable, d'une générosité exceptionnelle.
M. Hilaire Flandre. Surtout pour les femmes !
M. François Fillon, ministre. Je mets cependant M. Chabroux au défi de me proposer, d'ici à la fin du débat, un système vraiment opérationnel permettant de faire varier la durée de cotisation en fonction de l'espérance de vie des catégories sociales ou professionnelles.
Prenons quelques exemples.
Premier exemple : les femmes ont une durée de vie plus longue que celle des hommes. Faut-il leur imposer une durée de cotisation plus longue ?
Deuxième exemple, auquel seront sensibles beaucoup d'élus ainsi que le ministre de la fonction publique : faut-il établir une différence entre les régions ? Ceux qui vivent dans le nord de la France doivent-ils cotiser plus longtemps que ceux qui vivent dans le sud ?
Troisième exemple : on a beaucoup évoqué la question de la durée de cotisation des enseignants, qui appartiennent à l'une des catégories professionnelles dont l'espérance de vie est la plus longue. Dès lors, doivent-ils cotiser plus longtemps ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Ils exercent un métier très fatigant !
M. François Fillon, ministre. La vérité, c'est que ce système de retraite est inimaginable : au moment où les assurés aborderaient leur métier, il faudrait tabler sur une durée de vie potentielle pour calculer leur durée de cotisation ! C'est une idée d'une générosité formidable, monsieur Chabroux, mais qui n'est absolument pas applicable.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est une idée absurde !
M. François Fillon, ministre. Je demande donc au Sénat de rejeter cet amendement.
Un certain nombre d'amendements évoquent à nouveau la prise en compte des périodes de formation. J'ai déjà dit ce que j'en pensais : à mes yeux, la retraite doit être calculée par rapport aux périodes d'activité. Il existe des systèmes de solidarité pour les périodes d'inactivité forcée, à savoir les périodes de chômage ; il existe des systèmes de rachat des trimestres pour les périodes d'études ; mais il n'y a aucune raison de faire financer les retraites de ceux qui ont suivi de longues études par ceux qui n'ont pas eu la possibilité de le faire.
S'agissant de l'amendement n° 1095 de Mme Olin, qui a été défendu par M. Murat, je doit reconnaître que je suis quelque peu embarrassé. Cet amendement ne modifie pas fondamentalement le texte du Gouvernement, mais semble apporter certaines rigidités qui ne sont pas vraiment conformes à l'esprit des trois premiers articles du projet de loi, qui, je vous le rappelle, ont été rédigés par les partenaires sociaux dans le cadre du groupe confédéral que nous avions mis en place. Je ne suis pas sûr de comprendre parfaitement l'objectif de cet amendement et je m'en remets sur ce point à la sagesse du Sénat.
Le sous-amendement n° 1109 est, lui aussi, relatif à la pénibilité.
Le sous-amendement n° 1120 pose la question de l'inégalité entre les hommes et les femmes. Dans ce domaine, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, deux aspects doivent être distingués.
Le premier est lié à l'inégalité des hommes et des femmes sur le plan professionnel. Cette question ne peut pas être réglée par le biais des retraites ; elle doit l'être dans le cadre d'une réflexion concernant les salaires notamment.
Le second aspect concerne les charges particulières aux femmes, liées notamment à l'éducation des enfants. Ces charges de famille font l'objet d'avantages ou de compensations qui, je vous le rappelle, sont maintenues dans le texte du Gouvernement.
Je suis donc également défavorable au sous-amendement n° 1120, ainsi qu'aux amendements n°s 106, 107, 874, et à l'amendement n° 871 qui concerne de nouveau la pénibilité.
Quant à l'amendement n° 872 qui concerne les handicapés, un certain nombre d'améliorations ont été apportées à l'Assemblée nationale sur la question de la retraite des parents d'enfants gravement handicapés. A cette occasion, j'ai indiqué que le Gouvernement souhaitait aller plus loin, s'agissant de la question des handicapés eux-mêmes. Une grande loi, qui pourra rassembler l'ensemble des mesures destinées à améliorer la situation des handicapés, a été demandée par le Président de la République avant la fin de cette année.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nos collègues de la majorité veulent fermer ce débat (Protestations sur les travées de l'UMP), le clôturer, si vous préférez.
Alors que vous avez bien voulu reconnaître que nous n'avions pas déposé un nombre d'amendements considérable, vous devriez accepter que le débat se déroule : même si vous n'y participez aucunement, il n'en est pas moins intéressant !
Toujours est-il - réponse du berger à la bergère - qu'un certain nombre d'entre nous demandons qu'il soit vérifié, conformément à l'article 51 du règlement du Sénat, si le quorum est atteint.
Je vous fais porter immédiatement, monsieur le président, la liste des trente sénateurs qui ont signé cette demande. (L'orateur fait remettre par un huissier à M. le président la liste des signataires de cette demande.)
M. le président. En application de l'article 51 du règlement, je suis saisi d'une demande écrite présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et vingt-neuf de ses collègues tendant à faire vérifier le quorum par le bureau du Sénat.
Je vous rappelle que, aux termes de l'alinéa 2 bis de l'article 51 du règlement du Sénat, « le bureau ne peut être appelé à faire la constatation du nombre des présents que sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».
Il va donc être procédé à l'appel nominal.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L'appel nominal a lieu.) Ont signé cette demande et répondu à l'appel de leur nom : MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Moreigne, Jean-Pierre Masseret, Yves Krattinger, Jean-Claude Frécon, André Vantomme, Claude Domeizel, Mmes Marie-Christine Blandin, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Bernard Frimat, Roland Courteau, Mme Michèle San Vicente, M. Gilbert Chabroux, Mmes Gisèle Printz, Claire-Lise Campion, M. Robert Bret, Mme Evelyne Didier, MM. Paul Loridant, Thierry Foucaud, Yves Coquelle, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland Muzeau, Guy Fischer, Mmes Josiane Mathon, Odette Terrade, Marie-France Beaufils, Michelle Demessine, Hélène Luc, MM. Daniel Raoul et Jean-Yves Autexier.
M. le président. Mes chers collègues, la présence de trente signataires ayant été constatée, le bureau va se réunir conformément à l'article 51 du règlement.
Je vais suspendre la séance et inviter les membres du bureau à bien vouloir me rejoindre au cabinet de départ.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze est reprise à vingt-trois heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Le bureau du Sénat s'est réuni pour vérifier si les conditions exigées par l'article 51 du règlement étaient réunies.
Il a constaté que les conditions n'étaient pas réunies pour voter.
Je vais donc suspendre la séance jusqu'à zéro heure quinze.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-deux, est reprise à zéro heure quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, en application de l'article 44 du règlement du Sénat, je demande le vote par priorité de l'amendement n° 1095 rectifié de Mme Olin. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Gilbert Chabroux. C'est une manoeuvre !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas possible, monsieur le président ! Ce n'est pas parce qu'on a demandé la vérification du quorum qu'il faut supprimer la discussion !
M. le président. Madame Luc, laissez-moi vous expliquer la situation !
Mme Hélène Luc. Il n'est pas nécessaire d'expliquer : on a compris !
M. Jean Chérioux. Qui est-ce qui préside ?
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. Personne ne sera privé de parole !
Le président de la commission des affaires sociales a demandé le vote par priorité de l'amendement n° 1095 rectifié. Celui-ci est de droit dès lors que le Gouvernement a donné son accord, mais il ne peut intervenir qu'après que le Sénat se sera prononcé sur les trois sous-amendements qui y ont trait.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. le président. Avant de mettre aux voix le sous-amendement n° 1109, je donne donc la parole à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Ce sous-amendement concerne l'un des thèmes récurrents de la discussion sur votre projet de réforme, monsieur le ministre. La place qu'il occupe dans le débat se justifie par son effet direct sur les personnes qui effectuent un travail pénible.
J'ai bien entendu vos arguments, pour rejeter systématiquement nos amendements portant sur cette notion. Mais, pour être très honnête, je m'interroge sur la pertinence de ces arguments.
Vous avez dit que nos amis européens n'avaient pas adopté de mesures spécifiques pour intégrer dans leurs droits nationaux la prise en considération de la pénibilité du travail. Soit, monsieur le ministre ! Mais cela veut-il dire que la France ne peut, seule, prendre des décisions sur une situation douloureuse qui touche des milliers de salariés et qu'elle a besoin de l'aval de ses alliés de l'Union européenne ?
Dois-je vous rappeler qu'il faut un début à tout et qu'il faut bien commencer un jour ? En prenant la responsabilité de légiférer sur une mesure socialement progressiste, la France ferait figure de précurseur et d'exemple.
Un autre de vos arguments pour éluder cette question concerne l'amélioration des conditions de travail. Mais, monsieur le ministre, nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur ce point et nous ne cessons de l'affirmer depuis l'ouverture du débat dans notre Haute Assemblée.
Oui, des salariés sont touchés dans leur chair et dans leur mental par un travail qu'ils subissent plus qu'ils ne le vivent. Oui, des améliorations sont à engager. Nous ne le nions pas ; bien au contraire, nous l'affirmons. Mais cela ne nous empêche pas, contrairement à vous, monsieur le ministre, d'examiner la situation actuelle du monde du travail.
Vous refusez de prendre des dispositions, tout en vous appuyant sur des mesures spéculatives du ressort de l'avenir.
Que vont penser les femmes et les hommes qui, tous les jours, sont concernés par leur emploi ? Sans doute imaginent-ils un futur moins pénible, mais, pour sûr, ils ressentent le présent et vos dires comme un poids de plus à ajouter à leur quotidien.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne veut pas s'inscrire dans cette logique négative pour les salariés. Il votera ce sous-amendement, parce qu'il s'attelle à apporter une réponse tant attendue par plus de huit cent mille personnes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1109.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 184
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Pour | 112 |
Contre | 204 |
La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1120.
M. Yves Coquelle. Ce sous-amendement concerne plus particulièrement la retraite des femmes.
Les femmes seront encore plus pénalisées par le système de décote que ce projet de loi tend à mettre en place. En effet, avec les mesures Balladur de 1993, auxquelles s'ajouteront les dispositions prévues par ce texte...
M. Gérard Braun. Vous l'avez déjà dit, c'est incroyable ! C'est le même texte !
M. Jean Chérioux. C'est la même feuille ! Vraiment intéressant !
M. Adrien Gouteyron. C'est le même texte, en effet !
M. Jacques Peyrat. C'est très nouveau !
M. Jean Chérioux. Beau débat !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Coquelle, je vous prie.
M. Yves Coquelle. Mais enfin, chers collègues, avez-vous oublié de quoi nous discutons ? Il s'agit du travail des femmes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je disais donc...
M. Roland Muzeau. Allez, on recommence !
M. Yves Coquelle. ... qu'avec les mesures Balladur de 1993, auxquelles s'ajouteront les dispositions prévues par ce projet de loi, les femmes, en raison de carrières souvent incomplètes, verront leur pension proportionnellement amputée du temps de cotisation manquant. Elles seront doublement pénalisées par des abattements ou des décotes sur le taux de la retraite par trimestre manquant et se verront infliger une « double peine » sanctionnée par une baisse drastique du montant de leur pension.
Ce texte rend plus difficile pour un très grand nombre d'entre elles la réunion des conditions nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein, tout d'abord, parce que, à la décote appliquée pour chaque trimestre manquant, s'ajoute le fait que le calcul s'effectuerait, pour les fonctionnaires et les salariés du secteur privé, sur 160 trimestres et non sur 150. Or la Cour des comptes, dans son rapport pour 2000, relevait que 25 % des femmes n'avaient pas validé 160 trimestres de cotisation entre soixante et soixante-cinq ans.
Les femmes seront les principales victimes du passage de la proratisation de 150 à 160 trimestres ainsi que de l'allongement de la durée de cotisation. Comment atteindraient-elles quarante-deux annuités, alors que 59 % d'entre elles ont déjà du mal aujourd'hui à totaliser 37,5 ans de cotisation ?
Dans la fonction publique, les inégalités salariales existent. D'abord, parce que la majeure partie des bas et moyens salaires concernent essentiellement les femmes ; celles-ci sont moins disponibles pour la formation professionnelle et moins nombreuses à passer des concours internes. Ensuite, les métiers techniques et financiers de la fonction publique, à fortes primes, sont occupés principalement par des hommes, tandis que les métiers sociaux et éducatifs, avec peu ou pas de primes, le sont par des femmes. C'est pour cela, et parce qu'elles ont des durées incomplètes de cotisation, que les femmes sont les premières touchées par ce projet de loi. Comment ne pas prendre en compte cet état de fait ?
Les mères de famille ne sont pas plus reconnues dans votre projet de loi, monsieur le ministre. Elles sont nombreuses, avec trois enfants, à avoir cessé leur activité professionnelle. Lorsqu'elles souhaitent travailler de nouveau, elles ne trouvent souvent qu'un emploi à temps partiel, quand elles ont la chance d'en trouver un ! La décote par année manquante de cotisation les touchera donc de plein fouet.
Avoir un emploi est le désir de six femmes au foyer sur dix. L'accès à une activité professionnelle reste la condition nécessaire à l'autonomie financière et à l'émancipation des femmes, même si cette activité professionnelle n'est pas, à elle seule, suffisante pour assurer l'égalité entre les femmes et les hommes. Contrairement aux idées reçues, une plus grande activité des femmes est non pas cause de chômage, mais bien créatrice d'activités nouvelles, parce qu'une femme qui travaille a besoin de gardes d'enfants et de services de proximité.
M. Adrien Gouteyron. Il l'a déjà dit !
M. Yves Coquelle. Aujourd'hui, ce sont des milliers de femmes qui travaillent à temps partiel dans les grands magasins, dans la grande distribution, alors même qu'elles souhaiteraient travailler davantage. Et vous proposez à ces femmes, qui ont été payées a minima tout au long de leur vie, et qui n'auront pas pu valider assez d'annuités pour avoir droit à une retraite digne, de continuer à travailler plus longtemps ? C'est l'inverse du progrès social. Voilà pourquoi nous voterons ce sous-amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ont été examinés, sur l'article 3, un certain nombre d'amendements sur lesquels il n'y a eu aucune explication de vote.
Que les choses soient très claires : nous avons tenté d'expliquer que, si la clôture n'était pas demandée systématiquement avant même qu'un orateur de chaque groupe ait pu s'expliquer, nous pourrions changer nous-mêmes notre méthode. A défaut de quoi, il nous est évidemment possible - le règlement le permet - de demander que soit constaté que le quorum n'est pas réuni avant chaque vote. Nous n'en avons pas l'intention, mais nous aimerions être payés de retour et que le débat puisse avoir lieu.
Or pour quelle raison la priorité sur cet amendement a-t-elle été demandée sans même que les autres aient pu être discutés, sans même qu'il y ait eu la moindre explication de vote ? C'est pour faire tomber les autres ! C'est donc une manoeuvre nouvelle qui rallume bien évidemment la guerre dont vous aviez pris l'initiative et dont nous vous avons demandé qu'elle cesse, à défaut de quoi nous sommes, nous aussi, capables de continuer. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si vous voulez : on votera toutes les heures !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour l'instant, nous ne demandons pas la vérification du quorum, mais, je le répète, si cette attitude devait continuer, nous ne manquerions évidemment pas de le faire.
M. Jacques Peyrat. Chantage !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président de la commission, vous aviez évoqué d'autres possibilités, notamment le fait d'invoquer l'article 40 sur certains amendements : c'était de bonne guerre. Mais ce que vous avez fait là, ce n'est pas de bonne guerre.
M. Jean Chérioux. Et vous, ce que vous faites, c'est toujours de bonne guerre ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez évité qu'il puisse y avoir une discussion sur des amendements qui ont bien été exposés mais sur lesquels personne n'a expliqué son vote.
M. Jean Chérioux. Et alors ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi voulez-vous expliquer votre vote sur des amendements qui vont tomber ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au point où nous en sommes, nous ne voyons pas d'objection à voter le sous-amendement n° 1120, ce qui ne nous obligera d'ailleurs nullement à voter l'amendement !
M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais que l'on évite de revenir sur les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à suspendre la séance.
Il n'est nullement dans l'intention...
Mme Hélène Luc. C'est le règlement qui nous donne le droit de le faire ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Madame Luc, si vous le permettez, il n'est pas dans l'intention de la présidence du Sénat, quel que soit celui qui occupe ce fauteuil à un moment ou à un autre, de réduire si peu que ce soit la discussion raisonnable du texte qui nous est soumis.
J'ai compris l'allusion de M. Dreyfus-Schmidt.
M. Jacques Peyrat. L'allusion ? La menace, oui !
M. le président. Mon cher collègue, l'ensemble des amendements déposés sur l'article 3 ont été présentés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Présentés », oui, mais c'est tout !
M. le président. Le règlement permet, et nous sommes en cela tout à fait dans la ligne du règlement, que, sur tel ou tel amendement, la priorité puisse être demandée.
Le fait que trois sous-amendements aient été déposés sur cet amendement autorise un déroulement normal du débat sur ce même amendement sans que quiconque puisse avoir le sentiment d'avoir été privé de la possibilité d'exprimer ses convictions.
C'est dans cet esprit que je donne la parole au président de la commission des affaires sociales puis, pour explication de vote, à M. Jean-Pierre Fourcade.
Mes chers collègues, que la sérénité nous permette d'avancer à un rythme normal jusqu'à ce que je lève la séance !
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la sagesse avec laquelle vous avez ramené ces questions à leur juste mesure fait que je n'ai plus grand-chose à dire à M. Dreyfus-Schmidt.
Cher collègue, je ne vois pas où était le scandale : nous avons permis d'exposer vos amendements. On pourrait douter, il est vrai, que certains souhaitent les soutenir. Mais, comme nous pensons que vous auriez soutenu vos propres amendements, vous n'êtes donc pas frustrés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et nos collègues de droite, ils ont peut-être des explications à verser au débat !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De toute manière, on ne votera pas ces amendements !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1120.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sous-amendement n° 1120 traite d'un vrai problème. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il est clair que, dans tous nos systèmes de retraite, l'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas parfaite, compte tenu des conditions de travail différentes et du lourd héritage en la matière. Je prends à témoin M. le ministre de la fonction publique : c'est un peu mieux dans la fonction publique que dans beaucoup d'entreprises privées,...
Mme Odette Terrade. Même dans la fonction publique !
Mme Nicole Borvo. Oui, c'est vrai même dans la fonction publique !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... mais cette inégalité est un fait.
Ce n'est pas une raison pour voter le sous-amendement n° 1120. Tout d'abord, comme nous l'a expliqué tout à l'heure M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, les quatre premiers articles du texte dont nous discutons - depuis lundi, quinze heures, et nous sommes jeudi matin, zéro heure trente, alors que nous examinons toujours l'article 3, ce qui veut dire que chacun a quand même pu s'exprimer...
M. Jean Chérioux. Ah oui, c'est le moins qu'on puisse dire !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... ces quatre premiers articles, donc, ont fait l'objet d'une longue concertation avec les organisations syndicales. Un certain nombre d'entre elles ont bien voulu cosigner, avec les organisations professionnelles, ces principaux articles.
Je trouve, monsieur le président - c'est la raison pour laquelle je ne voterai aucun de ces trois sous-amendements - que c'est, de notre part, faire injure à la CFDT et à la CGC (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC)...
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... de considérer que ces grandes organisations syndicales n'existent pas. Je voudrais, à cet instant, leur rendre l'hommage qui leur est dû pour avoir su être des syndicats réformistes et non pas des syndicats révolutionnaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Pour les communistes, il n'y a que la CGT !
M. le président. C'est M. Domeizel qui a la parole, et lui seul !
M. Roland Muzeau. Vous êtes syndiqué, monsieur Fourcade ?
M. Gérard Braun. Vous, vous l'êtes certainement !
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. le président. Mes chers collègues, chacun peut s'exprimer quand il le demande. A présent, c'est M. Domeizel qui, seul, s'exprime pour expliquer son vote.
M. Claude Domeizel. J'annonce d'emblée que, pour ma part, je ne voterai pas l'amendement n° 1095 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous en sommes au sous-amendement n° 1120 !
M. Claude Domeizel. Cet amendement est, en effet, manifestement un subterfuge destiné à faire tomber les amendements qui suivent.
J'espère que Mme Olin siégera comme membre de la commission mixte paritaire, qu'elle soutiendra son amendement et ne votera pas le retour au texte adopté à l'Assemblée nationale !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jacques Peyrat. Ils donnent des ordres à tout le monde ! Rien ne les arrête !
M. Jean Chérioux. De toute manière, chacun, ici, a le droit de présenter des amendements ! C'est vraiment un beau débat démocratique !
M. le président. Mon cher collègue, je vous en prie !
M. Jean Chérioux. C'est insupportable, que voulez-vous, monsieur le président !
M. le président. Laissez l'orateur aller jusqu'au terme de son propos !
M. Hilaire Flandre. Il est devenu muet !
M. Jean-Pierre Fourcade. M. Domeizel nous annonce une commission mixte paritaire ? C'est très bien !
M. Claude Domeizel. Bien sûr qu'il y aura une CMP !
Mme Hélène Luc. Ne vous laissez pas intimider !
M. Claude Domeizel. Mais je ne me laisse pas intimider du tout. (Sourires.)
Dans l'hypothèse où cet amendement serait voté, le sous-amendement n° 1120 me paraîtrait indispensable, et je vais vous dire pourquoi.
Si je prends la deuxième phrase de l'amendement, je lis que « Les distinctions entre assurés ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune » - je ne reviens pas sur ce que l'on entend par « l'utilité commune », c'est précisé dans l'objet - « ou sur des différences objectives de situation légalement constatées ». La formule : « sur des différences objectives » se suffit à elle-même, mais, à partir du moment où l'on précise « sur des différences objectives de situation légalement constatées », on doit obligatoirement ajouter « en tenant compte des inégalités entre hommes et femmes sur le plan de l'emploi », parce que cela ne peut rentrer ni dans « l'utilité commune », ni dans « des différences objectives de situation légalement constatées ». On n'a pas besoin de constater les différences qu'il y a entre hommes et les femmes, elles existent à l'évidence.
Autrement dit, si cet amendement doit être voté, il faut obligatoirement adopter ce sous-amendement n° 1120. C'est la raison pour laquelle, fermement décidé à ne pas voter l'amendement n° 1095 rectifié, je voterai le sous-amendement n° 1120... pour le cas où ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Bien évidemment, je ne voterai pas l'amendement de Mme Olin, mais je veux protester sur la manoeuvre qui consiste à appeler, encore une fois, en priorité un amendement dont l'adoption fera tomber tous les nôtres.
Je constate par ailleurs qu'alors qu'aucun son, ou presque, ne nous parvient de la majorité sénatoriale, celle-ci retrouve la voix pour nous expliquer que les syndicats - minoritaires dans le champ syndical - ont voté cet accord.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Des syndicats majoritaires, ça existe ?...
Mme Nicole Borvo. Jamais, monsieur Fourcade, je ne vous avais entendu défendre avec autant de passion un syndicat. Je trouve que vous y allez assez fort...
M. Jacques Peyrat. Cela vous ennuie !
Mme Nicole Borvo. ... et je proteste !
M. Jacques Peyrat. Eh bien, protestez !
Mme Nicole Borvo. Je trouve la ficelle un peu grosse. Nous avons déjà assisté deux fois à ce type de manoeuvre hier, une troisième fois aujourd'hui. Je me demande ce que vous recherchez, mais, en tout cas, cela ne raccourcit pas le débat !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, mais c'est cohérent, et le but n'est pas de raccourcir le débat : on a tout l'été !
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Il y a quelques mois, les deux assemblées se sont réunies en Congrès à Versailles pour inscrire dans la Constitution le principe de la parité, qui, si j'ai bien compris, ne concerne pas les seules élections politiques, mais constitue un principe de portée générale. Je crois d'ailleurs me souvenir que le Conseil constitutionnel a dit que l'on devait tendre vers la parité dans tous les domaines.
Mes chers collègues, je vais me projeter dans l'avenir et envisager le cas où le Conseil constitutionnel serait saisi du présent projet de loi : le Gouvernement et la majorité devraient s'assurer que le texte que l'un propose, et que l'autre se prépare à voter, est bien en conformité avec ce nouveau principe constitutionnel que, collectivement - la majorité en particulier -, nous avons voulu instaurer.
De ce point de vue, le sous-amendement n° 1120 me semble répondre à un souci de cohérence, puisque s'il n'était pas adopté, la rédaction que Mme Olin et ses collègues proposent pour l'article 3 ne serait pas en mesure de garantir l'application du principe de la parité en matière de salaire, d'emploi, de retraite, etc.
Je dis donc très tranquillement à nos collègues de la majorité qu'ils devraient réfléchir, car il est fort vraisemblable qu'il se trouvera soixante députés et soixante sénateurs pour saisir le Conseil constitutionnel.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est probable, en effet...
M. Paul Loridant. Si j'ai pris la parole, c'est donc pour vous dire par anticipation que nous saisirons le Conseil constitutionnel sur ce point, et je vous invite donc, par prudence, à adopter le sous-amendement n° 1020. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1020.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1021.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 1095 rectifié.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement commence par affirmer que « les assurés bénéficient d'un traitement équitable au regard de la retraite ».
Faut-il rappeler que les femmes connaissent, tout au long de leur vie professionnelle, des interruptions de carrière plus fréquemment que les hommes et que ces interruptions ne sont pas choisies ? Déjà, un tiers d'entre elles partent à la retraite à soixante-cinq ans. Une vraie réforme doit donc permettre la prise en compte de cette réalité au moment de la liquidation des droits.
Messieurs, les femmes, dans cet hémicycle, sont encore faibles en nombre mais ô combien audibles en paroles pertinentes ce soir ! Elles se prénomment Michelle, Odette, Marie-Claude, Claire-Lise, Monique ou Gisèle.
La présence d'hommes éclairés à mes côtés - ceux qui ne veulent pas laisser passer l'unique mode de scrutin sénatorial que défend la majorité et qui handicapera la parité - ne m'empêchera pas de m'adresser à vous, messieurs : malgré la clôture, malgré l'examen différé des amendements, malgré les non-réponses, malgré l'amendement instrumentalisé de Mme Olin, malgré les priorités arbitrairement décrétées, je ferai quand même entendre la « galère » des femmes : les carrières hachées, les journées qui débutent par la course au couffin et à la crèche, le casse-tête du choix entre la carrière et les premiers pas du petit dernier, le regard soupçonneux à l'embauche sur le ventre qui s'arrondit (Les sénatrices du groupe socialiste et du groupe CRC applaudissent), le retour du congé de maternité sous le regard gêné des collègues parce que le poste est désormais occupé, le patron du salon de coiffure qui écourte le CDD de celle qui n'a plus l'air d'une minette...
C'est cela la réalité, et votre loi doit la prendre en compte en rendant équitablement aux femmes leurs droits. Nous ne pouvons donc pas voter l'amendement n° 1095 rectifié puisqu'il vise à faire tomber tous les autres amendements de l'opposition qui tendaient précisément à cette fin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Si vous aviez réellement voulu apporter un traitement équitable aux retraités, vous auriez clairement mentionné qu'il s'agissait d'un droit.
Le texte proposé ne représente en aucun cas une garantie. Il maintient une hypothèque sur la concrétisation des principes affichés. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé nos sous-amendements.
Les futurs retraités ne veulent pas savoir s'ils bénéficieront d'une retraite à tel ou tel niveau : ils veulent savoir concrètement ce qu'ils percevront. Il doit s'agir non pas d'un objectif à atteindre, d'une éventualité, d'une mesure sujette à des réserves, mais d'une réalité à venir.
Comment en effet les retraités pourront-ils se projeter dans l'avenir si des incertitudes pèsent sur leur pouvoir d'achat ? Sauf à considérer, bien sûr, que la retraite n'est pas un moment plein de la vie, mais une fin qu'il faut vivre petitement !
La solidarité nationale ne doit pas reposer sur l'hypothétique. C'est un devoir pour la nation que de permettre à chaque retraité de percevoir les moyens de subvenir à ses besoins sans être obligé de poursuivre une activité professionnelle.
Mais il est vrai que, cela aussi, vous voulez le remettre en cause, avec la mise en place totalement intolérable des emplois baptisés « emplois seniors ».
Leur traitement sera-t-il ou devra-t-il être équitable ? On peut se le demander.
On peut d'ailleurs s'interroger sur ce que recouvre cette notion d'équité de plus en plus souvent utilisée au détriment de celle d'égalité. Il semble qu'elle serve de plus en plus souvent à justifier les dérogations sur-mesure qui répondent aux exigences toujours grandissantes du patronat et à légitimer toutes les déréglementations sociales.
La formulation du texte signifierait-elle que les dispositions particulières à certains régimes de retraite, dispositions destinées par exemple à prendre en compte la pénibilité des tâches et les contraintes horaires de la vie professionnelle passée, ne seraient pas équitables ?
De telles incertitudes soulèvent de véritables questions ; nos sous-amendements visaient justement à apporter des précisions pour lever ces incertitudes.
Puisqu'ils n'ont pas été adoptés, nous vous proposons de rejeter l'amendement n° 1095 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1095 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Mme Hélène Luc. Mme Olin n'est pas là !
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 185
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour | 207 |
Contre | 106 |
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les autres amendements n'ont plus d'objet. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et les explications de vote sur l'article 3 ?
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif au divorce.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 389, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'accord entre Europol et la Lituanie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2331 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'acte du Conseil modifiant le règlement d'Europol : Note de Europol au Comité de l'article 36.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2332 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée au Caire, du 29 juin au 3 juillet 2003, par une délégation de la commission.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 387 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean Arthuis un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 388 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 10 juillet 2003, à dix heures, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 378, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Rapport (n° 382, 2002-2003) fait par M. Dominique Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 383, 2002-2003) de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 10 juillet 2003, à zéro heure cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :
M. Jean-René Lecerf a été nommé rapporteur du projet de loi n° 340 (2002-2003) modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, dont la commission des lois est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Financement des dépenses liées à l'exercice des mandats locaux
295. - 9 juillet 2003. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'inquiétude manifestée par de nombreux maires de petites communes à l'égard des difficultés du financement par les budgets communaux des dépenses liées à l'exercice des mandats locaux. En effet, si la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative au cumul des mandats et des fonctions a bien prévu un relèvement différencié suivant les strates de population des indemnités des maires, aucune mesure d'accompagnement financière n'est intervenue depuis lors, de sorte que nombreuses sont les petites communes, au budget plus que limité, qui n'ont pas pu appliquer ces dispositions. L'inquiétude de ces élus grandit à la lecture d'un certain nombre de dispositions de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité sur le principe desquelles ils sont, évidemment, favorables. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ces mesures visant à faciliter l'exercice des mandats locaux risquent de ne pas pouvoir être appliquées dans ces communes, faute de moyens. Seule une participation financière de l'Etat serait en mesure d'apporter une solution satisfaisante à ce problème : celle-ci pourrait se traduire sous la forme d'un abondement de la DGF (dotation globale de fonctionnement) ou d'une augmentation de la dotation « élu local » de manière que les dépenses des petites communes liées à l'exercice des mandats de leurs élus, lorsqu'elles dépassent une partie de leurs recettes de fonctionnement, qui pourrait être fixée à 3 %, soient prises en charge par l'Etat. Il le prie de bien vouloir lui préciser la suite qu'il envisage de réserver à ces préoccupations.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 9 juillet 2003
SCRUTIN (n° 181)
sur l'amendement n° 857 rectifié, présenté M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 2 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (pérennisation des régimes des retraites avec un haut niveau de pensions).
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 318
Pour : 113
Contre : 205
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe communiste républicain et citoyen (23) :
Pour : 23.
Groupe de l'Union centriste (27) :
Contre : 27.
Groupe du rassemblement démocratique et social européen (17) :
Pour : 7. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
Contre : 10.
Groupe socialiste (83) :
Pour : 83.
Groupe de l'Union pour un mouvement populaire (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. - M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Adrien Gouteyron, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Adrien Gouteyron, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 182)
sur les amendements n°s 100, 101 et 102, présentés par Mmes Michelle Demessine, Nicole Borvo, M. Guy Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à supprimer l'article 2 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (système de retraite par répartition).
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 233
Pour : 29
Contre : 204
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe communiste républicain et citoyen (23) :
Pour : 23.
Groupe de l'Union centriste (27) :
Contre : 27.
Groupe du rassemblement démocratique et social européen (17) :
Pour : 6. - MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Contre : 9.
Abstentions : 2. - MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
Groupe socialiste (83) :
Abstention : 83.
Groupe de l'Union pour un mouvement populaire (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. - M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
François Autain
Jean-Yves Autexier
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
André Boyer
Robert Bret
Yvon Collin
Yves Coquelle
Annie David
Gérard Delfau
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Paul Loridant
Hélène Luc
Josiane Mathon
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Marie-Christine Blandin
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Rodolphe Désiré
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 183)
sur l'amendement n° 863, présenté par M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste et apparenté, tendant à insérer un article additionnel après l'article 2 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (limiter les exonérations de cotisations patronales du dispositif contrat-jeunes).
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 316
Pour : 112
Contre : 204
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe communiste républicain et citoyen (23) :
Pour : 23.
Groupe de l'Union centriste (27) :
Contre : 27.
Groupe du rassemblement démocratique et social européen (17) :
Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Contre : 9.
Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
Groupe socialiste (83) :
Pour : 83.
Groupe de l'Union pour un mouvement populaire (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 316
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour :
113
Contre : 203
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 184)
sur le sous-amendement n° 1109 à l'amendement n° 1095, présenté par Mme Michelle Demessine et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, à l'article 3 du projet de loi portant réforme des retraites (prise en compte de la pénibilité du travail).
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 316
Pour : 112
Contre : 204
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe communiste républicain et citoyen (23) :
Pour : 23.
Groupe de l'Union centriste (27) :
Contre : 27.
Groupe du rassemblement démocratique et social européen (17) :
Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Contre : 9.
Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
Groupe socialiste (83) :
Pour : 83.
Groupe de l'Union pour un mouvement populaire (166) :
Contre : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 185)
sur l'amendement n° 1095 rectifié, présenté par Mme Nelly Olin, à l'article 3 du projet de loi portant réforme des retraites (égalité entre les assurés).
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 313
Pour : 207
Contre : 106
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
Groupe communiste républicain et citoyen (23) :
Contre : 23.
Groupe de l'Union centriste (27) :
Pour : 27.
Groupe du rassemblement démocratique et social européen (17) :
Pour : 12.
Abstentions : 5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, François Fortassin et Dominique Larifla.
Groupe socialiste (83) :
Contre : 83.
Groupe de l'Union pour un mouvement populaire (166) :
Pour : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Pour : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, François Fortassin et Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.