SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Dépôt du rapport d'une commission d'enquête (p. 2).
3. Rémunération au titre du prêt en bibliothèque. - Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 3).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication ; Daniel Eckenspieller, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Yann Gaillard, Denis Badré, Mme Danièle Pourtaud, M. Ivan Renar.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
Article 1er. - Adoption (p. 4)
Article 4 bis (p. 5)
Amendement n° 1 de Mme Danièle Pourtaud. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 5 et 6. - Adoption (p. 6)
Article 7 (p. 7)
Amendements identiques n°s 2 de Mme Danièle Pourtaud et 5 de M. Ivan Renar. - Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre, Denis Badré. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 3 de Mme Danièle Pourtaud. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 6 de M. Ivan Renar et 4 de Mme Danièle Pourtaud. - M. Ivan Renar, Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article 8 (p. 8)
Amendement n° 7 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 9)
MM. Louis Duvernois, Ivan Renar.
Adoption définitive du projet de loi.
M. le ministre.
4. Simplification du droit. - Adoption définitive d'un projet de loi d'habilitation en deuxième lecture (p. 10).
Discussion générale : MM. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat ; Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois ; Hilaire Flandre, Jean-Paul Alduy, Jean-Pierre Sueur, Denis Badré, Mme Nicole Borvo.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.
Article 24. - Adoption (p. 11)
Article 28 (coordination). - Adoption (p. 12)
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 13)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
5. Conférence des présidents (p. 14).
6. Commission mixte paritaire (p. 15).
7. Communication du Gouvernement (p. 16).
8. Chasse. - Discussion d'un projet de loi (p. 17).
Discussion générale : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable ; MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques ; Gérard Le Cam, Michel Doublet, Mme Jacqueline Gourault, MM. Fernand Demilly, Jean-Louis Carrère, Pierre Martin, François Fortassin, Mme Marie-Christine Blandin, M. Xavier Pintat.
9. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 18).
Suspension et reprise de la séance (p. 19)
10. Chasse. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 20).
Discussion générale (suite) : MM. Jean-Paul Alduy, Mme Françoise Henneron, M. Jacques Blanc.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er A. - Adoption (p. 21)
Article 1er B (p. 22)
Amendements n°s 43 et 44 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article 1er C (p. 23)
Amendements identiques n°s 30 de Mme Marie-Christine Blandin, 45 de M. Gérard Le Cam et 59 du Gouvernement ; amendement n° 46 de M. Gérard Le Cam. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Philippe Richert, Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 1er C (p. 24)
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes la ministre, Marie-Christine Blandin, M. Gérard César. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 1er D (réserve) (p. 25)
Demande de réserve de l'article. - Mme la ministre, M. le rapporteur. - La réserve est ordonnée.
Article 1er (p. 26)
Amendement n° 2 de la commission et sous-amendement n° 20 de M. Xavier Pintat. - MM. le rapporteur, Xavier Pintat, Mme la ministre. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement n° 21 de M. Xavier Pintat. - MM. le rapporteur, Xavier Pintat, Mme la ministre, M. Jean-Louis Carrère. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er (p. 27)
Amendement n° 57 rectifié de M. Roland du Luart. - MM. Roland du Luart, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Jean-Louis Carrère, Gérard Le Cam, Philippe Richert, Mme Marie-Christine Blandin, M. le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 1er bis (p. 28)
Amendements n°s 47 de M. Gérard Le Cam et 31 de Mme Marie-Christine Blandin. - M. Gérard Le Cam, Mme Marie-Christine Blandin, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 47 ; rejet de l'amendement n° 31.
Adoption de l'article.
Article 2. - Adoption (p. 29)
Article additionnel après l'article 2 (p. 30)
Amendement n° 4 de la commission et sous-amendement n° 22 de M. Xavier Pintat ; amendement n° 60 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, Xavier Pintat, Mme la ministre, M. Jean-Louis Carrère. - Retrait de l'amendement n° 4, le sous-amendement devenant sans objet ; adoption de l'amendement n° 60 insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Fait personnel (p. 31).
Mme Marie-Christine Blandin, M. le président.
12. Transmission de projets de loi (p. 32).
13. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 33).
14. Dépôt d'un rapport d'information (p. 34).
15. Dépôt d'un avis (p. 35).
16. Ordre du jour (p. 36).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN,
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président. M. le président a reçu de M. Jean-Marc Juilhard un rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux et les moyens de la prévenir, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 12 décembre 2002.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel - édition des lois et décrets du vendredi 6 juin 2003. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité sercret peut être formulée.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 339 et distribué après-demain, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.
RÉMUNÉRATION AU TITRE
DU PRÊT EN BIBLIOTHÈQUE
Adoption définitive d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 240, 2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs. [Rapport n° 337 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je me présente ce matin devant vous pour vous proposer d'adopter définitivement le projet de loi relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs.
Le vote unanime du Sénat, en première lecture, puis celui de l'Assemblée nationale ont confirmé l'adhésion du législateur aux principes qui inspirent et structurent ce projet de loi, et je tiens à vous en remercier.
Le droit d'auteur est comme la clé de voûte de l'édifice de la création. Contrairement à ce que l'on entend parfois, le droit d'auteur ne fait pas obstacle à la diffusion des oeuvres : au contraire, il la nourrit.
C'est dans cet esprit qu'a été bâti le présent texte et c'est également dans cet esprit que le Gouvernement a élaboré le projet de loi de transposition de la directive européenne sur le droit d'auteur dans la société de l'information, qui sera soumis à votre examen dans les prochains mois.
La poursuite du développement des bibliothèques est le deuxième principe sur lequel repose ce texte. Le Gouvernement a, en effet, voulu que l'instauration d'un droit de prêt n'entrave en rien ce développement. Vous le savez, l'essor de la lecture publique a été tout à fait remarquable dans notre pays au cours des dernières décennies, au point de faire des bibliothèques les équipements culturels les plus fréquentés par les Français.
La bibliothèque, lieu de diffusion culturelle par excellence, est également devenue un espace de sociabilité absolument indispensable à l'équilibre de nos villes et de nos territoires.
C'est pourquoi le Gouvernement entend donner une nouvelle impulsion à la politique que mène l'Etat - en partenariat, je le souligne, avec les collectivités locales - en faveur du développement de la lecture publique. C'est dans cette optique que j'ai engagé cette année un programme national de construction de médiathèques de proximité. Cette nouvelle génération d'équipements viendra, dans les zones rurales et dans les quartiers périphériques des villes, combler les lacunes de l'aménagement culturel du territoire.
J'observe que, à peine lancé, ce nouveau programme national a suscité une très large adhésion des collectivités locales, notamment des communes, puisque, à ce jour, ce sont déjà près de soixante-dix projets qui ont été engagés.
L'élargissement de la diffusion du livre repose également sur le développement du réseau des librairies et sur leur capacité à travailler étroitement avec les bibliothèques, en ce qui concerne tant l'acquisition des ouvrages que les actions d'animation. Il s'agit bien là d'un autre des objectifs majeurs de ce projet de loi qui, renforçant l'esprit de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre, placera nos librairies en réelle situation de compétitivité par rapport aux grossistes.
Nous devons soutenir le développement des librairies, car elles sont un rempart contre l'uniformisation de l'offre culturelle. Le métier de libraire est un engagement quotidien en faveur du maintien de la diversité culturelle.
C'est la raison pour laquelle j'ai, dès mon arrivée rue de Valois, souligné ma préoccupation quant à la situation de la librairie et à sa place dans la chaîne de diffusion du livre. Je m'apprête d'ailleurs à mettre en place une médiation permamente de l'économie du livre, qui aura notamment pour tâche de mieux faire connaître la place de la librairie dans les relations commerciales avec ses fournisseurs et dans l'application des règles de droit, qu'il s'agisse de la loi du 10 août 1981 ou du droit de la concurrence et du commerce.
Ces principes se concrétisent dans les dispositions du présent projet de loi, dont je vous rappellerai brièvement l'économie.
En premier lieu, ce texte assure aux auteurs une rémunération et garantit aux bibliothèques leur droit de prêter.
En second lieu, ayant exclu le prêt payant pour l'usager à chaque emprunt, il instaure un système de paiement d'avance, en amont de l'emprunt.
A cette fin, deux sources de financement sont mobilisées.
La première est le budget de l'Etat, qui assumera la moitié du montant total du droit de prêt, à raison du versement d'un forfait d'un euro et demi par inscrit en bibliothèque publique et d'un euro par inscrit dans les bibliothèques de l'enseignement supérieur.
La seconde source consistera en un prélèvement sur le montant des achats des bibliothèques pratiquant le prêt au public : 6 % du prix public des ouvrages seront versés par les fournisseurs des bibliothèques à l'organisme chargé de la gestion collective du droit de prêt. Ce nouveau système serait mis en oeuvre en deux temps en 2003 et en 2004, afin que l'effort des collectivités publiques soit progressif.
En même temps qu'il institue un prélèvement de 6 % sur le prix public des ouvrages, le projet de loi vise à consolider les librairies en élargissant le champ de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre par un plafonnement des rabais à hauteur de 9 % pour les ventes de livres aux bibliothèques. Pendant les douze premiers mois d'application de la loi, un rabais maximal de 12 % sera cependant autorisé.
Enfin, les ressources dégagées - environ 22 millions d'euros - pour une part, seront versées aux ayants droit et, pour l'autre, financeront un régime de retraite complémentaire pour ceux des écrivains et des traducteurs professionnels qui en sont actuellement dépourvus.
Je tiens à saluer le travail remarquable qui a été effectué sur ce projet de loi par le Sénat, grâce à la commission des affaires culturelles et à son rapporteur, M. Eckenspieller. Il en est résulté un texte profondément amélioré. L'Assemblé nationale a elle-même, en pleine cohérence avec le travail accompli par le Sénat, apporté de précieux enrichissements, notamment sur quatre points.
Le premier concerne la façon dont le texte s'appliquera aux marchés publics, la préoccupation étant que la loi ne rende pas caducs, du jour au lendemain, les marchés en cours. Un délai maximal d'un an est institué avant que l'ensemble des marchés des bibliothèques soient mis en conformité avec les nouvelles dispositions.
L'Assemblée nationale a, en outre, retenu la proposition d'élargir aux fournisseurs l'obligation d'adresser à la société ou aux sociétés chargées de percevoir et de répartir les droits les informations nécessaires à la gestion du droit de prêt. Dans les faits, il apparaît en effet que la base de cette information devra être la facture émise par le fournisseur et validée par la bibliothèque.
L'Assemblée nationale a également voulu tenir compte de la vive préoccupation qui s'est exprimée face aux charges administratives qui découleraient de l'exclusion des livres offerts seulement à la consultation de l'assiette servant de base à la rémunération du droit de prêt. En effet, la distinction entre consultation et prêt obligerait les bibliothèques à codifier chaque exemplaire acheté, soit un total d'environ 10 millions de volumes chaque année. De surcroît, dans un très grand nombre de bibliothèques, le même livre peut passer successivement du statut d'ouvrage de consultation au statut d'ouvrage destiné au prêt.
Quoi qu'il en soit, cette charge de travail a semblé aux députés disproportionnée au regard de la faible part que représentent les livres destinés exclusivement à la consultation dans les fonds des bibliothèques : entre 5 % et 10 % de l'ensemble des collections. De ce fait, on distinguera simplement entre les bibliothèques de prêt - et tous les ouvrages qu'elles acquièrent relèveront de ce droit - et les bibliothèques qui ne se livrent pas au prêt, qui en seront entièrement exemptées. Je tiens à souligner qu'elles sont très peu nombreuses dans notre pays.
L'Assemblée nationale s'est enfin montrée tout à fait sensible au souhait du Sénat de réaffirmer la place centrale de l'auteur dans ce dispositif. Le projet de loi affirme donc d'emblée la place centrale de l'auteur, comme cela avait été proposé par M. le rapporteur.
Ce faisant, l'Assemblée nationale propose de reconnaître, s'agissant des modalités de répartition de la rémunération, la place des éditeurs. Ceux-ci permettent en effet la réalisation des livres, leur diffusion et leur disponibilité sur le long terme par l'inscription à leurs catalogues. Ils en assument, enfin, le risque financier.
Le projet de loi actuel vise donc, selon les traditions en vigueur dans la profession, l'accord des parties concernées, conformément à la possibilité qu'offrait le texte adopté par le Sénat, de répartir à parts égales la rémunération du droit de prêt entre les auteurs et les éditeurs.
Par ailleurs, j'ai été très sensible aux préoccupations exprimées par le Parlement quant au renchérissement relatif du coût des ouvrages qu'entraînera le plafonnement des rabais aux collectivités. Je vous rappelle que cette préoccupation a d'emblée été prise en compte, puisqu'il est proposé que la charge supplémentaire du droit de prêt soit prise en charge de façon très substantielle par le budget de l'Etat.
Mais je voudrais aller plus loin encore en accompagnant les collectivités dans leur effort d'augmentation réelle du budget des bibliothèques pour leur permettre de maintenir leur capacité d'acquisition des ouvrages. A cette fin, j'ai demandé au Centre national du livre d'étudier la mise en place d'un nouveau plan d'aide aux bibliothèques. J'ai réservé au Sénat la primeur de cette annonce.
Ce dispositif mettra en oeuvre un principe simple : toute collectivité qui maintiendrait ou accroîtrait la capacité d'acquisition de livres de sa bibliothèque en augmentant son budget se verrait verser par le Centre national du livre un concours identique à celui qu'elle abonderait.
MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, Daniel Eckenspieller, rapporteur, et Ivan Renar. Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Au cours des prochains jours, un groupe de travail sera chargé d'affiner ce mécanisme pour qu'il soit porté à la connaissance des collectivités et des bibliothèques d'ici à la fin de l'été.
Enfin, je soumets à votre vote trois amendements introduits par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Vous avez bien voulu les adopter en commission après l'entretien que j'ai eu avec votre rapporteur, M. Eckenspieller : je tiens à vous en remercier.
Le premier de ces amendements concerne la réforme de la taxe sur le chiffre d'affaires des éditeurs de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public. Le Gouvernement a proposé de faire porter cette taxe sur le prix public des vidéogrammes et non plus sur le chiffre d'affaires des éditeurs, ce qui permettra, sans en changer le taux, d'en accroître le montant et, ainsi, de mieux soutenir l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel ainsi que l'édition en vidéo de films français. Aujourd'hui, quand on considère le catalogue général de DVD disponibles, on constate une forte dépression des titres français : l'offre est en effet essentiellement d'origine étrangère.
Cette taxe sera recouvrée non plus par le Centre national de la cinématographie, le CNC, mais, selon les mêmes modalités que la TVA, par la direction générale des impôts, qui est mieux armée juridiquement et matériellement pour le faire.
Le second amendement vise à donner à l'Ecole nationale de la photographie d'Arles un statut équivalent à celui des autres écoles nationales supérieures d'art, c'est-à-dire celui d'un établissement public administratif. Les personnels actuels de l'école d'Arles pourront conserver, à titre personnel, les dispositions de leurs contrats actuels.
Enfin, le troisième amendement du Gouvernement vise à créer l'établissement public industriel et commercial de la Cité de l'architecture et du patrimoine. Cet établissement sera, vous le savez, constitué par la fusion du Musée des monuments français, du Centre des hautes études de Chaillot et de l'Institut français d'architecture. La Cité de l'architecture et du patrimoine deviendra le lieu fédérateur et moteur de l'action de l'Etat en matière de connaissance, de diffusion et de valorisation de l'architecture et du patrimoine.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments d'appréciation que je souhaitais vous confier en guise de préambule à notre débat. Je compte naturellement sur toute votre diligence et sur votre vigilance pour que nous fassions aujourd'hui aboutir le processus législatif engagé voilà déjà plusieurs mois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a examiné le 2 avril dernier le projet de loi relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs, que le Sénat avait adopté le 8 octobre 2002.
Si seuls trois des six articles que comptait le texte qui lui a été transmis ont été adoptés conformes par l'Assemblé nationale, celle-ci a repris pour l'essentil les modifications que nous avons apportées au projet de loi déposé par le précédent gouvernement.
En approuvant un texte présenté comme un acte de pacification venant clore des débats passionnés, l'Assemblée nationale a apporté des modifications qui témoignent moins de sa volonté de remettre en cause la rédaction du Sénat que de respecter au plus près l'accord intervenu entre les différents acteurs de la chaîne du livre : les auteurs, les éditeurs et les bibliothécaires.
J'évoquerai brièvement l'économie du projet de loi, qui présente le mérite de concilier deux objectifs, également légitimes : l'affirmation de la mission de service public des bibliothèques et le respect des droits des auteurs.
Recourant à la possibilité ouverte par la directive communautaire du 19 novembre 1992, le projet de loi crée un régime de licence légale : l'auteur ne peut s'opposer au prêt de son oeuvre, mais il reçoit en contrepartie une rémunération.
Le souci du Gouvernement de ne pas remettre en cause l'accès du plus grand nombre au livre conduit à faire assumer à l'Etat et aux collectivités territoriales, et non à l'usager, la charge de cette rémunération. A cet égard, je me félicite de l'annonce que vient de faire M. le ministre relative au soutien que l'Etat apportera aux bibliothèques des collectivités territoriales au titre de l'effort supplémentaire que celles-ci consentiront pour les acquisitions.
La rémunération est donc financée par l'Etat, sur la base d'une contribution forfaitaire annuelle versée à raison du nombre d'inscrits dans les bibliothèques accueillant du public pour le prêt, quel que soit leur statut - à l'exception des bibliothèques scolaires -, et par un prélèvement de 6 % à la charge des fournisseurs sur le prix public des livres achetés par ces bibliothèques.
S'inspirant plus des règles en vigueur chez nos voisins européens que de la conception française du droit d'auteur, le projet de loi prévoit que les sommes ainsi collectées sont affectées à la fois au financement d'un régime de retraite complémentaire dont ne bénéficiaient pas jusqu'à présent les auteurs et les traducteurs et, pour au moins la moitié, à la rémunération des auteurs et de leurs éditeurs.
Au-delà de ce dispositif, le projet de loi vise à réformer la loi du 10 août 1981 quant au prix unique du livre afin de plafonner les rabais consentis par le fournisseurs pour les achats réalisés par certaines collectivités.
Il était en effet apparu, au fil des ans, que la libre négociation de ces rabais pénalisait les libraires les plus modestes, ceux qu'il convient précisément d'aider au regard des objectifs de la loi de 1981.
Le Sénat avait approuvé les orientations de ce texte, qui apporte enfin une solution acceptable - à défaut d'être totalement satisfaisante - à une question demeurée en suspens depuis trop longtemps.
Le Sénat, sur proposition de notre commission, avait apporté au projet de loi des améliorations rédactionnelles destinées principalement à en faciliter l'application.
Par ailleurs, considérant que le projet comportait une ambiguïté en reconnaissant à égalité à l'auteur et à l'éditeur un droit à rémunération, le Sénat avait précisé que seul l'auteur détenait un tel droit. La rédaction adoptée, conforme aux principes de la propriété intellectuelle, renvoyait à des conventions le partage de la rémunération entre l'auteur et l'éditeur, partage dont il n'avait pas nié, au demeurant, la légitimité économique.
L'Assemblée nationale n'a modifié qu'à la marge l'équilibre d'un texte dont elle a approuvé les orientations.
Dans un souci de simplification, elle a précisé que le prélèvement de 6 % porterait sur l'ensemble des livres achetés par les bibliothèques pratiquant le prêt et non sur les seuls ouvrages destinés à être prêtés.
Par ailleurs, sur la question du partage de la rémunération perçue au titre du droit de prêt, l'Assemblée nationale est revenue au texte initial du Gouvernement qui prévoyait que le partage s'effectue à parts égales entre l'auteur et l'éditeur.
Si je regrette que l'Assemblée nationale ne nous ait pas suivis sur ce point, je me félicite néanmoins qu'ait été maintenue la disposition qui accorde au seul auteur le droit à rémunération. L'ambiguïté du texte initial, qui mentionnait l'éditeur comme ayant droit de l'auteur, est ainsi levée de manière très claire.
Enfin, en dépit du souhait exprimé par le ministre lors des débats au Sénat que ne soient pas introduits dans le texte des amendements qui éloigneraient celui-ci de sa cohérence et de son objet, il nous faut constater que cette rigueur n'a pas trouvé à s'appliquer à l'occasion de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale.
En effet, sur l'initiative du Gouvernement, ont été introduits trois articles qui méritent incontestablement le qualificatif de « cavaliers ». A la décharge du Gouvernement, j'indique que ces dispositifs permettent de réaliser des réformes légitimes et, pour certaines, attendues depuis longtemps.
A défaut d'approuver la méthode qui a présidé à leur adoption, notre commission n'a pas contesté leur objet.
L'article 6 procède ainsi à la réforme de la taxe sur les vidéogrammes destinée à alimenter le compte de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, réforme qui avait été annoncée dès le mois de janvier dernier et qui devrait permettre de rapporter 20 millions d'euros supplémentaires.
S'inscrivant dans l'effort engagé par le Gouvernement pour relancer l'intérêt des Français pour la création architecturale, l'article 7 confère le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial à la Cité de l'architecture et du patrimoine.
Cette nouvelle institution a vocation à regrouper trois entités aux missions différentes : l'Ecole de Chaillot, le Musée des monuments français et l'Institut français d'architecture.
A cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir des précisions sur les conditions de rénovation et de réouverture au public du Musée des monuments français, dont les collections sont très riches et qui, pour certaines pièces, constituent le dernier souvenir de monuments aujourd'hui disparus.
Quel sera le projet scientifique du musée ? Quels seront les liens entre cette institution muséographique et les autres entités constituant le nouvel établissement public ? Est-il prévu qu'il conserve son appellation ? Autant de questions auxquelles nous aimerions que vous puissiez apporter une réponse, monsieur le ministre.
Enfin, l'article 8, en prévoyant les conditions de mise en place de l'Ecole nationale de la photographie d'Arles sous forme d'établissement public, parachève la réforme du réseau des écoles d'art et du Centre national des arts plastiques, le CNAP.
En conclusion, j'indiquerai que, si sa rédaction comporte encore quelques imperfections, ce projet de loi, attendu depuis longtemps, présente l'avantage de donner une portée concrète à un droit des auteurs, tout en préservant les équilibres de la chaîne du livre.
C'est pourquoi, consciente de la nécessité de ne pas retarder plus longtemps l'adoption de dispositions consensuelles, la commission vous proposera, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi dans le texte de l'Assemblé nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel plaisir, en cette journée de tumulte, d'examiner dans la confidentialité un texte qui se révèle largement consensuel ! (Sourires.)
Avec l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs, nous discutons aujourd'hui d'un dispositif qui ne donne guère matière à de nouveaux développements, le rapporteur, M. Eckenspieller, nous ayant très exactement rendu compte, à la suite de M. le ministre, de ce qui s'était passé entre les deux assemblées. S'y sont ajoutées trois mesures qui, elles non plus, n'appellent pas de grandes modifications ; en tout cas, je ne le souhaite pas.
Je n'évoquerai que l'une d'entre elles, qui, à mon sens, est très importante. Il s'agit de la modification du régime de la taxe sur les vidéogrammes, mesure attendue depuis longtemps, ce qui justifie en quelque sorte notre indulgence pour le caractère cavalier, si je puis dire, de son insertion dans ce projet de loi : on a cherché un véhicule législatif, on en a trouvé un, tant mieux !
Préparant avec notre collègue Paul Loridant, au nom de la commission des finances - vous voyez que le consensus était déjà très grand au sein de la commission ! -, un rapport sur les aides publiques au cinéma, j'avais d'ailleurs pris l'initiative d'évoquer la question lors de l'examen de la loi de finances rectificative à la fin de l'année, et j'avais obtenu une réponse d'attente positive de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget.
Remarquons tout d'abord qu'il est rare qu'un changement de législation fiscale qui doit se traduire par un prélèvement accru fasse l'objet d'une quasi-unanimité au sein des professionnels appelés à la supporter.
Il s'agit en effet de tirer les conséquences dans notre code général des impôts de la croissance explosive du marché du DVD, qui a été de 25 % en valeur en 2001, représentant 825 millions d'euros, et d'augmenter ainsi la contribution de ce secteur à la promotion du cinéma français et, par là même, à la préservation de notre identité culturelle.
Les aides publiques au cinéma français, qu'elles soient automatiques, c'est-à-dire distribuées au prorata des entrées en salle, ou sélectives, c'est-à-dire accordées sur des critères discrétionnaires, sont, comme on le sait, financées par les fonds inscrits sur un compte spécial du Trésor, lui-même alimenté par une taxe spéciale de 11 % sur les billets et par une contribution des diffuseurs audiovisuels sur leur chiffre d'affaires publicitaire, au taux de 5,5 %, ainsi que par une taxe de 2 % sur le chiffre d'affaires des éditeurs de vidéogrammes, de cassettes et de DVD.
Très sagement, le Gouvernement a résisté aux demandes de tous ceux qui voulaient que l'on augmente ce dernier taux pour l'aligner sur celui qui est applicable à la publicité télévisée. Il s'est contenté de maintenir le taux actuel, mais en l'asseyant non plus sur le prix perçu par les éditeurs, mais sur celui que paie le public. Corrélativement, la taxe serait perçue non pas à l'échelon des éditeurs, par le CNC, mais à celui du détail et suivant les mêmes modalités que la taxe sur la valeur ajoutée, moyennant des frais de prélèvement égaux à 2 %.
Le gain attendu est non négligeable, sans toutefois être considérable à l'échelle du compte de soutien. Dans son rapport, M. Jean-Pierre Leclerc estime le supplément de recettes à 6 millions d'euros la première année et à un peu moins de 15 millions d'euros en 2006, étant entendu qu'à cette augmentation viendrait s'ajouter celle qui résulte mécaniquement de la croissance attendue du marché du DVD, qui est de l'ordre de 20 % par an. Nous rejoignons ainsi, en ordre de grandeur, l'évaluation avancée par M. le rapporteur, soit 20 millions d'euros.
Sur le plan technique, je voudrais faire deux observations.
Premièrement, le choix du Gouvernement a le mérite de la simplicité : percevoir la taxe sur le modèle de la TVA et la faire recouvrer par les services fiscaux devrait permettre de mieux appréhender les opérations imposables et d'éviter les déperditions que l'on constatait dans l'ancien système, du fait notamment d'importations plus ou moins bien contrôlées.
En revanche, les formes parallèles de distribution des DVD que constituent notamment les ventes par Internet, voire les distributions à prix bradés dans les stations d'essence ou même la distribution de films dans les circuits de presse - qui, en outre, bénéficie du taux super-réduit de TVA - ne sont pas suffisamment mises à contribution.
Telle est la raison pour laquelle la commission des finances avait un moment envisagé, avant que le ministère des finances ne l'en dissuade pour des raisons pratiques, de proposer une taxe fixe à l'unité, voisine dans son esprit du prélèvement rémunérant la copie privée. Cette taxe aurait présenté l'avantage de peser plus lourdement sur les DVD de films américains, souvent déjà amortis et distribués à des conditions de dumping, puisqu'ils ne coûtent parfois guère plus de 1 euro l'unité !
Deuxièmement, toujours sur le plan technique, je voudrais signaler qu'une application trop brutale du nouveau régime pourrait être préjudiciable aux professionnels ayant des stocks importants. En effet, ceux-ci se verraient doublement taxés puisque le nouveau régime s'appliquerait à eux au 1er juillet prochain alors qu'ils auront déjà supporté la taxe perçue par l'éditeur. L'injustice serait d'autant plus flagrante que la taxe ad valorem pèse déjà naturellement plus lourdement sur les distributeurs spécialisés qui commercialisent les films français, dont les prix sont plus élevés que ceux des produits américains, et qui font en quelque sorte un effort de catalogue. Nous avons reçu à cet égard des correspondances d'un certain nombre de grands distributeurs spécialisés, tels Virgin Megastore ou la FNAC.
Il me semble, dans ces conditions, que le report de quelques semaines de l'entrée en vigueur du nouveau régime serait de nature à limiter cet effet pervers de la réforme, une telle mesure pouvant être prise à l'échelon administratif.
Je voudrais terminer mon propos en signalant - et c'est l'une des conclusions essentielles du rapport que j'ai fait approuver, avec notre collègue Paul Loridant, par la commission des finances - que l'augmentation de la contribution des DVD à la défense du cinéma français était un ajustement nécessaire, mais qu'elle ne sera pas forcément suffisante pour prolonger l'embellie que connaît ce secteur depuis la fin des années quatre-vingt-dix.
Sans doute le système actuel du compte de soutien peut-il continuer à fonctionner, mais ce n'est pas une poignée de millions d'euros supplémentaires qui suffira à lui permettre de faire face aux chocs externes - ils restent possibles, même si le pire n'est pas toujours sûr - que constitueraient la révision à la baisse des obligations de Canal Plus ou la remise en cause du système par les autorités de Bruxelles, à laquelle on peut s'attendre à en juger par le mauvais vouloir des hauts fonctionnaires de la direction de la concurrence. Il est vrai que, probablement, rien ne se passera avant 2005, date de la mise en place de la nouvelle Commission. Cette question mérite toutefois qu'on y réfléchisse sérieusement, et je regrette que certains rapports, notamment celui de mon ami Jean-Pierre Leclerc, n'aient pas suffisamment insisté sur cet aspect.
Cette intervention est aussi pour moi l'occasion de rappeler, sur un plan plus général, que l'on ne peut pas espérer éviter les crises ni dynamiser un secteur par le recours à des prélèvements supplémentaires. Mais, puisque ce point a fait l'objet de votre plan de mesures d'aide au cinéma, nous savons, monsieur le ministre, que telle n'est pas votre orientation !
On ne peut augmenter les prélèvements sans se poser en même temps la question de la dépense : telle est l'attitude que doivent nous dicter aussi bien le respect de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, que la conjoncture bugétaire difficile que nous traversons actuellement.
S'il faut sans doute aménager les modalités du soutien pour mieux aider certains acteurs de la filière cinématographique, notamment les industries techniques, il convient en premier lieu, pour respecter l'esprit de la LOLF, de faire évoluer notre système d'aides afin de le rendre « auditable » en dégageant, comme cela est proposé dans le rapport de la commission des finances, des indicateurs de performance.
Comment ne pas relever le fait que, sur les quelque deux cents films qui sont produits tous les ans, plus de la moitié n'atteignent pas 25 000 entrées, tandis que 60 % d'entre eux ne sont jamais diffusés sur une chaîne en clair ? Même s'il s'agit d'un résultat assez prévisible, s'agissant d'une activité de « recherche et de développement » culturels, on ne peut manquer d'être frappé par cette forme de gaspillage des talents, et il nous faut trouver les moyens de mieux exposer au public tout ce que le génie français est en mesure de créer.
Certes, mes chers collègues, je m'écarte quelque peu de l'objet du projet de loi, mais il s'agit d'une affaire qui mérite toute notre attention, même si, comme aurait dit le grand Rudyard Kipling, « c'est une autre histoire ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est sympathique que le débat portant sur un projet de loi relevant de la commission des affaires culturelles soit ouvert par deux membres de la commission des finances, à savoir M. Gaillard et moi-même. Cela me remémore un propos de Yehudi Menuhin, qui a vécu dans la ville dont je suis le maire, Ville-d'Avray, et qui évoquait très souvent les rapports entre le comptable et le violoniste : une ville qui serait gouvernée par les seuls comptables, disait-il, serait perdue d'avance ; mais une ville que gouverneraient uniquement les violonistes courrait à l'asphyxie et à la mort. Il faut donc des comptables et des violonistes : Yann Gaillard fut le comptable ; j'essaierai d'être le violoniste en rendant hommage au texte, enrichi par la navette, qu'examine aujourd'hui la Haute Assemblée en deuxième lecture.
Je constate avec plaisir - vous y avez insisté, monsieur le ministre, tout comme notre excellent rapporteur - que l'Assemblée nationale a accepté une partie des amendements que nous avions adoptés. Ce texte est donc bien consensuel, cela aussi a été rappelé.
Notre travail, qui me paraît tout à fait satisfaisant, devrait durablement marquer l'action en matière de lecture publique, domaine dont vous avez salué l'essor, monsieur le ministre. Je m'y arrêterai quelques instants.
Un élu local sait ce qu'apportent les bibliothèques dans une ville et il mesure les efforts qu'elles ont consentis pour se moderniser. Elles jouent toujours mieux leur rôle d'accueil du public, notamment, bien souvent, auprès des petits. Je voudrais insister sur ce point, car l'accueil des enfants dès la maternelle, qui peut paraître incongru, leur permet de prendre l'habitude d'aller à la bibliothèque, et, des années plus tard, d'être familiarisés avec la culture, de savoir ce qu'est un livre et de savoir s'en servir ; cela mérite d'être rappelé.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, tend à définir les modalités de la prise en charge de la modernisation des bibliothèques, modernisation grâce à laquelle le ratio est passé en trente ans, si je ne me trompe, d'un prêt de livre pour dix achats à un prêt pour un achat. Comme vous l'avez souligné, une telle évolution pose des problèmes, car des équilibres très divers doivent être préservés.
Le premier équilibre à respecter - il n'a pas encore été réellement abordé - est celui qui doit s'établir entre le lecteur et le contribuable local. Tous les élus sont confrontés à ces questions : l'accès à la bibliothèque doit-il être payant ou non ? S'il est payant, doit-on mettre en place une carte d'abonnement ou un paiement au livre prêté ? Quelles que soient les ressources de la collectivité, la plupart des élus s'accordent à penser que le prêt ne doit pas être complètement gratuit, sans quoi les ouvrages ne sont pas respectés et ne sont plus rendus. Il faut donc concevoir un système qui permette d'intéresser, au sens le plus fort du terme, le lecteur à l'ouvrage prêté.
Le deuxième équilibre qu'il nous faut préserver concerne les relations entre les bibliothèques et les librairies. Vous y avez insisté, monsieur le ministre, et vous avez eu raison : comme les autres commerces de base, les librairies rendent un service au public, et elles doivent se développer, parce que les habitants de la ville n'iront pas chercher ce service ailleurs le jour où la librairie fermera. Une ville dans laquelle une librairie ferme est une ville qui régresse, une ville qui vit des jours bien tristes.
A cet égard, je salue le plafonnement à 9 % du taux des rabais accordés aux bibliothèques par les fournisseurs de livres, rabais qui, ces dernières années, pouvaient atteindre 30 % du prix de vente au public. Grâce à la fixation d'un taux maximal, les libraires cesseront de souffrir de la concurrence des grossistes et pourront rivaliser avec eux sur d'autres critères tels que la qualité du service, la rapidité ou la proximité.
Une librairie, comme une bibliothèque, apporte un supplément de vie dans une ville, et je salue, monsieur le ministre, votre souci d'intégrer cette préoccupation dans le projet de loi.
Enfin, un troisième équilibre doit être respecté, celui qui préserve, d'une part, l'ensemble des acteurs de la chaîne, qui va de l'écrivain au lecteur en passant, le cas échéant, par le traducteur et l'éditeur, et, d'autre part, toutes les structures qui mettent l'ouvrage à la disposition du lecteur - il s'agit essentiellement des bibliothèques. Mettre le prêt payé à la charge de la collectivité en général est un bon système, et vous êtes parvenu à un juste équilibre entre la part relevant de la collectivité locale et celle qui incombe à la collectivité nationale : l'Etat assume seul la part forfaitaire, l'Etat, les collectivités locales ainsi que les établissements d'enseignement et de recherche supportant ensemble le prélèvement de 6 % du prix public de vente effectué sur les achats de livres.
Votre souci de verser des droits d'auteurs également lorsque le livre est prêté et de financer ainsi un régime de retraite complémentaire pour les écrivains et les traducteurs est une bonne chose.
Je m'arrêterai, enfin, sur l'article 7 que les députés ont introduit dans le projet de loi. Il s'agit incontestablement d'un cavalier, mais il était nécessaire, et il a recueilli un avis très favorable de la part de tous ceux qui se préoccupent du devenir des établissements que réunira la future Cité de l'architecture et du patrimoine. Je salue à cette occasion le sens des responsabilités et le souci de l'avenir, indispensables à toute conservation du patrimoine, dont ont fait preuve les responsables du Musée des monuments français. Malgré plusieurs années difficiles, ils ont su garder le cap et conserver à ce musée tout son acquis et tout son rôle.
Demeure une question que M. le rapporteur a soulevée il y a quelques instants : comment dénommer ce musée ? Sa vocation, très précise, consiste à accueillir des visiteurs et à leur faire comprendre ce que la France a apporté au patrimoine, architectural notamment. Le nom proposé dans le projet de loi réunit le patrimoine et l'architecture. Qui dit patrimoine sous-entend que celui-ci doit être vivant, car il nourrit et enracine l'art de l'architecte ; mais l'architecte, à son tour, nourrit et enrichit le patrimoine : l'un et l'autre sont inséparables, et il importe que le nom du musée indique bien au visiteur qu'il s'agit d'abord de lui présenter nos monuments et notre patrimoine bâti.
Cette question du nom est une vraie question. Il faudrait trouver une formulation qui permette à la fois de rendre à la cité sa réalité et son unité et de faire apparaître le rôle du musée en son sein.
J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez répondre aux interrogations de M. le rapporteur, que je reprends à mon compte.
Compte tenu du consensus important qui entoure le projet de loi et des travaux que nous allons poursuivre ce matin, je vous confirme, monsieur le ministre, que le groupe auquel j'appartiens, le groupe de l'Union centriste, votera ce projet de loi tel qu'il sera modifié par la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le violoniste de Denis Badré, permettez-moi de vous proposer cette réflexion d'Albert Camus : « Inutile de me dire que le sable est chaud, je veux que mes pieds nus le sentent. »
Par la force de leur imagination et de leur esprit, les auteurs, les écrivains, les romanciers, les poètes, suscitent le rêve et la réflexion. Les Français aiment lire, ils sont de plus en plus nombreux à se plonger dans les livres, à prendre du recul grâce à l'écrit, dans un monde dominé par l'image et les médias.
En 1970, pour dix livres achetés, un livre était emprunté ; aujourd'hui, à deux achats correspond un prêt. Le nombre de lecteurs, grâce aux bibliothèques, s'est considérablement accru. La proportion d'inscrits dans les bibliothèques municipales a plus que doublé entre 1973 et 1997. En vingt ans, le nombre de bibliothèques a été multiplié par quatre et leurs achats ont plus que doublé entre 1980 et 1998, passant de 3 millions à 8 millions de volumes.
C'est pour la démocratisation de la culture un pas en avant dont nous ne pouvons que nous féliciter. Mais la conséquence de cet engouement est sinon la chute brutale, du moins la stagnation des ventes totales de livres : 321 millions d'ouvrages vendus en 1996, contre 329 millions en 1986.
Il était donc plus qu'urgent de procéder à la transposition en droit interne, très attendue dans le milieu de l'édition, d'une directive européenne qui remonte déjà à dix ans et qui vise à octroyer aux auteurs et à leurs ayants droit une compensation financière au titre du prêt en bibliothèque. Tel est l'objet du présent projet de loi.
Ce texte, dont l'initiative revient à Catherine Tasca, a d'ailleurs été voté à l'unamité en première lecture au Sénat puis à l'Assemblée nationale, après quelques modifications et ajouts sur lesquels je reviendrai tout à l'heure.
C'est dire l'excellent travail de concertation que le précédent gouvernement, dès la remise, en juillet 1998, du rapport Borzeix à Catherine Trautmann, a mené pour appréhender tant la situation sociale des auteurs que l'ensemble des problèmes liés aux circuits d'approvisionnement des bibliothèques.
Dans le cadre de cette deuxième lecture, je m'en tiendrai à l'essentiel.
En faisant supporter, à la différence d'autres Etats européens, la rémunération pour prêt en bibliothèque par l'ensemble des acteurs institutionnels concernés, la France a choisi une voie réaliste. Nous avons échappé au pire pour les usagers et les bibliothèques : le prêt payant, à l'acte !
Issue d'un très large consensus, c'est la solution du prêt payé « forfaitaire » et « à l'achat », retenue par Catherine Tasca, qui prévaut dans ce texte, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Vous le savez, mes chers collègues, le « prêt payé forfaitaire » prend la forme d'un versement par l'Etat d'un forfait annuel de 1,5 euro par inscrit dans les bibliothèques publiques et de 1 euro par étudiant inscrit dans les bibliothèques universitaires.
Le « prêt payé à l'achat » est acquitté par les personnes morales ou organisations visées par la loi du 10 août 1981, dont dépendent les bibliothèques : Etat, collectivités locales, établissements d'enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, syndicats représentatifs, comités d'entreprise et associations. Fixé à 6 % du prix public des ouvrages, ce pourcentage sera reversé par les fournisseurs aux sociétés de gestion collective chargées de percevoir et de répartir le droit de prêt.
J'ajouterai qu'à la demande des conservateurs des bibliothèques l'Assemblée nationale est revenue au texte initial qui traitait globalement les achats des bibliothèques pour le calcul de la rémunération versée par les fournisseurs. Ne comptabiliser que les ouvrages pour le prêt, comme l'avait décidé le Sénat, et décompter ceux qui sont destinés à la « consultation sur place », comme l'avait souhaité la majorité sénatoriale, était source de nombreuses difficultés comptables. C'est donc un point positif.
Une partie des sommes collectées au titre du droit de prêt - évaluées à 22,6 millions d'euros la deuxième année d'application de la réforme - permettra de rémunérer non seulement les auteurs, mais aussi les éditeurs qui, fort de la tradition française, ont souhaité un partage équitable de la rémunération entre eux. Et je me réjouis que mes collègues députés aient réintroduit la répartition « à parts égales » entre les auteurs et les éditeurs, disposition qui avait été supprimée par la majorité sénatoriale.
L'autre partie abondera les fonds d'une caisse de retraite complémentaire pour les auteurs. Cela constitue un progrès social considérable. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, pour bénéficier d'une maigre retraite de 900 euros, un auteur doit avoir cotisé auprès de l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, l'AGESSA, pendant quarante ans, à raison d'une perception d'environ 2 300 euros de droits mensuels,... ce qui, par ailleurs, est impossible de nos jours, puisque la caisse n'existe que depuis une vingtaine d'années !
Dans un contexte où tous les Français craignent de travailler plus pour une retraite diminuée, la création de ce complément de retraite est une excellente initiative et je me réjouis que le Gouvernement l'ait reprise à son compte.
En ce qui concerne l'approvisionnement des bibliothèques, le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité procéder à l'extension du texte emblématique sur le prix unique du livre, présenté par François Mitterrand et Jack Lang. Or, actuellement, les ventes réalisées au profit des bibliothèques échappent au plafond de 5 % de réduction pratiquée par les librairies ou les grossistes.
Cette dérogation fait du tort aux libraires détaillants, exclus du marché des bibliothèques, du fait d'une surenchère des libraires grossistes, qui offrent des rabais pouvant aller de 18 % à 30 %, et même atteindre 40 % à Paris !
Ce projet de loi prévoit donc de plafonner à 9 % la réduction maximale qui pourra être consentie aux bibliothèques pour l'achat de leurs livres. Le marché des bibliothèques devient ainsi accessible à l'ensemble des fournisseurs, en particulier aux petits libraires indépendants, qui animent nos villes et nos quartiers. Là encore, on ne peut que se réjouir de cette démarche.
Je souhaite maintenant vous faire part de quelques réserves sur ce texte, en particulier sur la viabilité économique du système.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des garanties en termes de délais quant à l'engagement effectif de l'Etat à payer sa part forfaitaire ? Nous connaissons actuellement une période de rigueur budgétaire et je doute que le ministère de la culture soit épargné !
Le ministère de l'éducation nationale risque également de voir ses crédits continuer de diminuer. Le problème se posera donc de la même manière pour les bibliothèques universitaires. Il serait politiquement inacceptable que la part de l'Etat incombe aux étudiants via les frais d'inscription.
Par ailleurs, une dernière incertitude financière subsiste : quelles seront les conséquences de cette réforme sur les finances des collectivités locales ou sur les capacités d'achat des bibliothèques municipales ou départementales ? C'est pourquoi, tout en saluant la promesse que vous venez de faire, monsieur le ministre, de garantir, en quelque sorte, le pouvoir d'achat des bibliothèques locales, je continue de penser que nous aurons besoin d'un bilan très précis. A cet égard, je suis particulièrement attachée au dispositif qui a été adopté par le Sénat mais vidé de toute sa substance par l'Assemblée nationale : un rapport de bilan très pointu serait présenté dans deux ans, afin de bien cerner les conséquences financières de ce projet de loi, notamment pour les collectivités territoriales.
Il est regrettable que, dans un souci de simplification, l'Assemblée nationale ait supprimé totalement l'énumération du champ d'investigation de ce rapport. Je crois que nous pouvons aujourd'hui douter de son efficacité. Je vous proposerai donc, mes chers collègues, de rétablir le texte voté en première lecture par le Sénat.
Enfin, comme l'a fait mon collègue Patrick Bloche à l'Assemblée nationale, je tiens à soulever un problème de forme. Ce texte comporte trois cavaliers, ce qui n'est jamais - il faut bien le reconnaître, monsieur le ministre - une bonne bonne manière de légiférer, même si, sur le fond, les mesures proposées étaient nécessaires. Examinons-les rapidement et successivement.
Vous proposez de remplacer la taxe sur le chiffre d'affaires des éditeurs de vidéogrammes par une taxe, qui reste fixée à 2 %, sur les ventes et les locations de vidéogrammes. Si l'industrie cinématographique se félicite de cette mesure qui permettra de dégager 20 millions d'euros supplémentaires, je crains que le produit de cette taxe perçu par la direction générale des impôts et reversé au CNC ne vienne compenser les réductions budgétaires auxquelles votre gouvernement nous a habitués. En tout état de cause, soyez assuré que nous serons très attentifs à ce qu'un tel tour de passe-passe ne se produise pas lors de la prochaine loi de finances.
Le deuxième cavalier donne le statut d'établissement public administratif à l'Ecole nationale supérieure de la photographie.
Le troisième cavalier donne le statut d'établissement public à caractère industriel ou commercial à la Cité de l'architecture et du patrimoine.
Je formulerai plusieurs remarques à cet égard.
Tout d'abord, le choix d'un EPIC ne me semble pas la solution la mieux adaptée à cette structure, dont les ressources commerciales sont faibles. Aucun établissement ayant ce type d'activités et assurant des missions de service public n'a le statut d'EPIC ; j'y reviendrai dans la discussion des articles.
Par ailleurs, il semble indispensable de garantir les droits des salariés de l'association de préfiguration, qui ont bien sûr vocation à intégrer le nouvel établissement public.
Enfin, je défendrai un dernier amendement visant à inscrire clairement dans la loi la mission muséographique de la Cité de l'architecture et du patrimoine. Ce n'est sans doute qu'un oubli, mais il est important que notre assemblée le répare.
Pour conclure, je tiens à saluer cette sorte d'exception que constitue ce texte dans l'ensemble de nos débats. Vous avez su, monsieur le ministre, reconnaître la qualité du travail de votre prédécesseur : c'est tout à votre honneur. De son côté, le Parlement a pleinement rempli son rôle en proposant, jusqu'à présent, des ajustements indispensables.
Le groupe socialiste que je représente votera ce projet de loi avec d'autant plus de plaisir que les réserves que j'ai soulevées pourront être levées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque chaque orateur y va de sa citation, par ces temps d'incertitude ferroviaire et de lutte, je reprendrai une réflexion de Woody Allen : « Je ne sais pas s'il existe un autre monde, mais, pour plus de sûreté, j'emmène un caleçon de rechange. » (Sourires.)
Nous pouvons nous féliciter, pour ce qui concerne la rémunération du prêt en bibliothèque et la protection sociale des auteurs, du terrain d'entente que constitue ce texte. Il a été qualifié de projet d'équilibre assurant la « paix culturelle », pour reprendre l'expression de M. le rapporteur.
On peut néanmoins se poser la question du rattachement de trois articles du rayon « cavalerie et confusion des genres », qui font écran au bon esprit du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. Sans contester la légitimité des mesures proposées, cette « charge de la brigade légère » appelle naturellement la présentation d'amendements. Mais je trouve regrettable de devoir voter des lois qui deviennent, en quelque sorte, des lois à tout faire. L'objet des trois cavaliers - un de plus et c'était l'Apocalypse au Sénat ! (Sourires) - méritait mieux.
Cela étant dit, les auteurs et les éditeurs se sont finalement ralliés au régime de licence légale instituant une rémunération au titre du prêt. Ce dispositif présente l'avantage de renforcer la protection sociale des écrivains et des traducteurs, créant un financement partiel pour un régime de retraite complémentaire.
La création de la caisse de retraite complémentaire pour les écrivains et les traducteurs traduit un véritable progrès social : ceux-ci étaient les seules catégories d'auteurs à en être écartées.
Il faut étudier la question de la situation précaire du plus grand nombre de nos écrivains et de nos divers auteurs, qui ne réussissent pas à vivre de leur plume et qui doivent sacrifier beaucoup d'énergie à une autre fonction rémunératrice. Près de la moitié des deux mille trois cents auteurs recensés et des traducteurs ont un revenu inférieur au SMIC et leur retraite s'élève au maximum à 900 euros par mois.
La portée de ces nouvelles dispositions portant création d'une rémunération aux auteurs et à leurs éditeurs est loin d'être négligeable, mais elle ne résout pas la question du statut de l'écrivain dans notre société.
En étant assuré du reversement direct de sa rémunération, sans compensation de droits, l'auteur est préservé sans que les intérêts de l'éditeur ne soient entamés, puisque la première répartition se fait finalement à parts égales, comme le veut l'usage.
J'ai bien noté que l'application de la loi comportera un volet de décrets devant fixer chaque année les montants de la contribution forfaitaire inscrits en loi de finances aux budgets des ministères de la culture et de l'éducation nationale : ils détermineront la part de cotisation affectée et, surtout, ils désigneront la ou les sociétés qui seront en charge de la gestion de ce droit.
Selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, « une seule société de perception et de répartition, la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit, la SOFIA, correspond, à l'heure actuelle, aux critères d'agrément posés par le projet de loi ».
Paradoxalement, le livre devient un support simple, précieux et démocratique à une époque où se développe la révolution de l'ère informationnelle avec, d'une part, le développement de technologies comme l'informatique, la robotique, les télécommunications numérisées, les biotechnologies et, d'autre part, l'extension de la numérisation avec l'essor prodigieux des « réseaux » de toutes sortes.
Décidément, l'écrit est loin d'être dépassé et sa fonction est irremplaçable pour la conceptualisation de la pensée et sa transmission.
Les professionnels de la bibliothèque sont les guides éclairés de cet univers et le réseau des bibliothèques joue un rôle de conservation et de diffusion de la pensée humaine dans toute sa diversité : l'auteur dont le livre n'est plus édité voit son ouvrage poursuivre sa vie dans ces temples de la lecture.
Dans un souci d'allègement des mécanismes de gestion, l'Assemblée nationale est revenue au texte initial du projet de loi, qui prévoit désormais que le prélèvement de 6 % du prix public s'effectuera sur les livres achetés par les bibliothèques.
Certaines dispositions transitoires ont été adoptées pour mettre en oeuvre progressivement le dispositif dès la première année : il est ainsi prévu de limiter à 3 % au lieu de 6 % la rémunération versée par les libraires sur les livres achetés par les bibliothèques et de plafonner à 12 % au lieu de 9 % les rabais autorisés sur les ventes de livres aux bibliothèques.
Mais une inquiétude subsiste en ce qui concerne les budgets des bibliothèques et leurs capacités d'acquisition : moins d'argent, moins d'achats, donc moins de livres, moins de choix, moins d'animations autour de la lecture et, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, moins de sociabilité.
Une politique de la lecture et de lutte contre l'illettrisme devrait se développer à l'échelle nationale dans une réelle complicité des différents partenaires de la chaîne du livre. Elle ne peut ni reposer ni peser sur les seules collectivités locales et il ne faut pas revenir sur la loi du 10 août 1981 qui, en excluant les collectivités de son champ d'application, a permis de rattraper les retards importants en matière de diffusion du livre et de la lecture.
Les collectivités locales ont rendu possible une implantation riche et diversifiée des réseaux de bibliothèques dans les zones urbaines et rurales, mais elles ne sauraient travailler à cet enjeu national sans l'intervention volontariste de l'Etat.
Je prends acte, pour m'en féliciter, monsieur le ministre, de l'annonce que vous venez de nous faire : le Centre national du livre accompagnera l'effort consenti par les communes pour renforcer les budgets d'acquisition de leurs bibliothèques. Cela étant, mon inquiétude persiste, car le réseau des bibliothèques publiques reste fragile, surtout si l'on y ajoute les bibliothèques scolaires et universitaires.
Par ailleurs, même si le système qui sera mis en place conduira à un rééquilibrage de la chaîne économique du livre, apportant un soutien accru à la librairie face aux grossistes, il ne saurait suffire à enrayer la crise que vit le libraire indépendant aux prises avec la grande distribution et la concentration horizontale et verticale.
Le livre n'est pas assimilable à une simple marchandise : c'est un bien culturel essentiel pour l'accès à la connaissance.
Au passage, et comme je l'avais déjà fait en première lecture, je souhaite vous faire part de ma préoccupation à la suite de la cession de la branche édition du groupe Vivendi Universal : des conséquences économiques, sociales et culturelle ne manqueront pas de résulter de la brutale concentration en France du secteur de l'édition et de celui de la distribution. Le Gouvernement ne peut rester silencieux sur cette question : le pluralisme et la diversité sont en cause.
Allez-vous donner suite, monsieur le ministre, à la proposition formulée dans le rapport Borzeix tendant à créer un fonds spécial destiné à soutenir les secteurs de l'édition en difficulté ?
L'exception culturelle intègre le livre, et c'est tout le sens de la loi de 1981.
La bibliothèque devient une institution qui participe à la diversité culturelle hors du champ concurrentiel qui, lui, ne profite qu'aux éditeurs dominants et aux formatages du marketing ambiant.
Pour paraphraser Victor Hugo, je dirai ceci : ouvrons des bibliothèques, et nous fermerons des ghettos.
Dans les bibliothèques médiévales, l'expression libri communes désignait les fonds de manuscrits qui devaient demeurer en permanence à la disposition de toute la communauté, « les livres communs », et c'est aujourd'hui, dans nos bibliothèques, le statut du livre acquis et conservé sans considération de son destin économique défini par le « marché ».
Je crois profondément que l'accès gratuit au livre dans le cadre du service public de la lecture induit l'acquisition du livre par son lecteur : le livre rencontré en bibliothèque devient un objet intime de dialogue avec le penser d'autrui ; l'auteur, et très souvent le lecteur, a besoin de conserver l'objet-livre pour prolonger ce dialogue.
En outre, il ne faut pas oublier que le marché des bibliothèques représente 10 % du chiffre d'affaires de l'édition. Le prêt et la vente se complètent et on n'améliorera pas la situation de l'un au détriment de l'autre.
La philosophie d'équilibre recherchée dans la loi a su préserver les intérêts des auteurs et de leurs éditeurs, tout en confortant le réseau des libraires indépendants et en préservant les efforts accomplis depuis vingt ans en faveur de la lecture publique et gratuite. Nos concitoyens sont légitimement attachés à cet exemple d'exception culturelle.
La bonne santé de la lecture publique conditionne la bonne santé du livre en général. Plus il y aura de livres lus, plus il y aura de livres vendus.
Pour ce petit murmure culturel dans le vacarme marchand, le groupe communiste républicain et citoyen devrait donc pouvoir voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jacques Valade, président de la commission. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je répondrai brièvement en évoquant les seules questions qui ne rebondiront pas à l'occasion de l'examen des articles.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur, je tiens à vous rassurer, ainsi que votre collègue Denis Badré, sur l'avenir du Musée des monuments français : il conservera son identité. Le modèle auquel nous pouvons faire référence pour l'organisation de la Cité de l'architecture et du patrimoine, c'est le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, composé de départements distincts ayant chacun leur personnalité : le Musée national d'art moderne, la Bibliothèque publique d'information, l'Institut de recherche et de coordination acoustique-musique, l'IRCAM, et, au moment de la constitution du centre, le Centre de création industrielle, devenu maintenant le Département du développement culturel.
C'est de ce modèle-là que nous nous inspirons, de façon à préserver notamment l'identité propre de ce grand musée qu'est le Musée des monuments français.
S'agissant maintenant du traitement matériel de l'aile Paris du palais de Chaillot, je tiens également à vous rassurer : les travaux ont commencé très exactement le 22 février dernier, selon le projet d'aménagement conçu par l'architecte Jean-François Bodin.
Monsieur Gaillard, vous avez raison de souligner le développement considérable du marché du DVD. Devenu aujourd'hui l'un des principaux vecteurs de la consommation domestique de cinéma, le DVD n'est pas étranger à la crise relative que connaissent un certain nombre de chaînes de télévision qui se sont spécialisées dans la diffusion de films. L'extension de l'assiette de la taxe qui s'applique aux vidéogrammes - en l'occurrence, essentiellement aux DVD - est l'une des recommandations de l'excellent rapport de M. Jean-Pierre Leclerc.
Je précise simplement que cette extension d'assiette n'est que l'un des éléments d'un plan plus large de redynamisation du financement du cinéma dans notre pays. Ainsi, j'ai récemment annoncé la mise en place de fonds régionaux de soutien à la production cinématographique qui permettront au Centre national de la cinématographie de concourir, sur la base d'un euro pour deux euros, au dispositif de soutien budgétaire mis en place par les régions. Un certain nombre de régions - l'Ile-de-France, Provence - Alpes - Côte-d'Azur et Rhône-Alpes, notamment - contribuent déjà au développement de la production cinématographique, afin, en particulier, de favoriser la relocalisation des tournages sur le territoire de notre pays. Ce point est essentiel à mes yeux, sachant qu'aujourd'hui l'une des grandes crises qui menacent le cinéma tient, précisément, à l'exode des tournages vers l'étranger.
Je ne reviens pas sur le dispositif d'ensemble, mais je souhaite que le prochain débat budgétaire, à la fin de l'année, donne l'occasion au Sénat de délibérer sur quelques propositions nouvelles.
Monsieur Badré, vous avez raison de faire l'apologie des bibliothèques et des librairies. On a longtemps voulu présenter les intérêts de ces deux espaces de diffusion de la culture comme étant contradictoires, concurrents, antagonistes. Bien au contraire : dans une ville moyenne bien équilibrée, le bonheur culturel des citoyens repose sur l'existence à la fois d'une bonne bibliothèque et d'une bonne librairie. Le Gouvernement a le devoir de prendre soin des librairies !
C'est la raison pour laquelle j'annoncerai très prochainement, avec Renaud Dutreil, un ensemble de mesures visant notamment à la mobilisation du Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, pour permettre la réinstallation ou le rédéploiement de librairies dans des villes moyennes.
Aujourd'hui, les commerces culturels dans leur ensemble sont extrêmement fragilisés, et cette observation qui vaut pour les librairies vaut pour les disquaires - ils ont, hélas ! presque totalement disparu du territoire - ou même pour les diffuseurs de presse ; s'agissant de ces derniers, en effet, on constate qu'en quelques années deux cents ou trois cents kiosques à journaux parisiens ont disparu. Et l'on s'étonnera de l'affaiblissement de la lecture de la presse quotidienne !
Vous avez raison de le souligner, le texte que le Gouvernement a proposé à votre délibération est équilibré en ce qu'il vise à prendre en compte les intérêts de chacune des parties concernées par la chaîne de la lecture en général, et de la lecture publique en particulier.
Madame Pourtaud, je vous rassure : le Gouvernement est responsable et a pris soin de prévoir, dans le budget 2003, au titre IV, de quoi financer la mise en oeuvre de la mesure que je propose. Le Gouvernement ne se laisse donc pas prendre de court et il veillera naturellement à ce que le budget pour 2004 prévoie des dispositions de même nature. Cessez donc d'invoquer les mauvaises perspectives budgétaires, madame la sénatrice, vous finirez par nous porter malheur ! (Sourires.).
Mme Danièle Pourtaud. Je parle d'expérience !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Soyons à la fois vigilants et optimistes, mais, en tout cas, pas pessimistes !
J'ai pris mes responsabilités, j'ai pris mes dispositions et, pas plus en 2003 qu'en 2004, nous ne mettrons les collectivités locales, les bibliothèques, les lecteurs, les auteurs ou les éditeurs dans la difficulté. Le Gouvernement assume ses responsabilités, comme il en a d'ailleurs la réputation. Pour ma part, je le ferai avec conviction et avec vigilance.
Quant aux cavaliers, madame Pourtaud, monsieur Renar, que celui qui n'a jamais péché me jette la première pierre ! (Sourires.)
M. Adrien Gouteyron. Excellente citation !
M. Jacques Valade, président de la commission. Très bien !
M. Ivan Renar. J'en reste muet !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Mais je constate que je ne suis la cible d'aucun projectile, preuve que chacun d'entre vous a dû, un jour ou l'autre, être complice d'une initiative de ce type ! (Nouveaux sourires.)
Les cavaliers en question sont nécessaires, et il ne faut pas non plus - autre référence - être toujours comme Blanche de Castille qui, dit-on, préférait voir son fils mort à ses pieds plutôt que coupable d'un péché mortel. D'ailleurs, ici, il ne s'agit que d'un péché véniel !
Quoi qu'il en soit, madame Pourtaud, vous avez eu raison de rappeler que ce texte s'inscrit dans l'histoire du développement du livre et de la lecture, en particulier de la lecture publique, dans notre pays. Vous avez également eu raison de rappeler à quel point la loi de 1981 dite « loi Lang » a joué un rôle important. Néanmoins, j'observe que cette loi avait la faiblesse de ne pas plafonner les rabais, ce qui a placé les libraires, notamment dans les villes moyennes, dans une situation difficile ou d'impossible concurrence avec les grossistes.
C'est donc une mesure importante que je vous propose aujourd'hui, en l'occurrence l'amélioration de la loi de 1981 sur ce point.
Monsieur Renar, j'ai, comme vous, le souci de faire en sorte que les maillons de la chaîne du livre vivent en pleine harmonie et qu'aucun n'écrase l'autre. C'est la raison pour laquelle j'ai pris soin, dès l'annonce du rachat de VUP, Vivendi Universal Publishing, par Hachette, d'organiser une table ronde de la diversité culturelle dans le domaine de la librairie. J'ai réuni au ministère les représentants des éditeurs, des distributeurs, des libraires, non seulement les grands réseaux comme la FNAC ou Leclerc - ce dernier joue un rôle de plus en plus important dans la distribution du livre - mais également les petits et moyens libraires. C'est à l'issue de ces travaux que j'ai pris l'initiative d'instaurer une instance de médiation permanente.
S'agissant de préserver la capacité de développement de l'édition française, le ministère de la culture est toujours très vigilant. Ainsi, quand, il y a quelques mois, l'ensemble du stock de la maison d'édition Les Belles Lettres a été dévasté par un incendie, le ministère de la culture s'est aussitôt mobilisé. Il a fait appel à toutes ses ressources, à tous ses moyens techniques et budgétaires pour aider Les Belles Lettres à surmonter cette épreuve très difficile qui, de surcroît, représentait un véritable désastre culturel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tous le souci de préserver et de développer la capacité d'acquérir de nos bibliothèques. C'est en effet une chose de consacrer la reconnaisance d'un droit, mais c'est bien autre chose de faire en sorte que la reconnaissance de ce droit n'impose pas à nos bibliothèques une réduction de leur capacité d'acquérir et, de ce fait, une diminution de la qualité du service public. C'est dans cette perspective que je vous annonçais la mise en place d'un programme nouveau du Centre national du livre qui permettra de corriger les effets de la prise en compte du droit des auteurs, et donc de maintenir intacte, voire de développer la capacité d'acquisition de nos bibliothèques.
Encore une fois, il s'agit ici vraiment d'un texte d'équilibre qui constitue l'aboutissement d'un long processus. Pour ma part, je me réjouis d'avoir eu l'honneur de vous présenter cet aboutissement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
M. le président. « Art. 1er. - Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
« 1° Le titre III du livre Ier est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Rémunération au titre du prêt en bibliothèque
« Art. L. 133-1. - Lorsqu'une oeuvre a fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre, l'auteur ne peut s'opposer au prêt d'exemplaires de cette édition par une bibliothèque accueillant du public.
« Ce prêt ouvre droit à rémunération au profit de l'auteur selon les modalités prévues à l'article L. 133-4.
« Art. L. 133-2. - La rémunération prévue par l'article L. 133-1 est perçue par une ou plusieurs des sociétés de perception et de répartition des droits régies par le titre II du livre III et agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture.
« L'agrément prévu au premier alinéa est délivré en considération :
« - de la diversité des associés ;
« - de la qualification professionnelle des dirigeants ;
« - des moyens que la société propose de mettre en oeuvre pour assurer la perception et la répartition de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque ;
« - de la représentation équitable des auteurs et des éditeurs parmi ses associés et au sein de ses organes dirigeants.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de délivrance et de retrait de cet agrément.
« Art. L. 133-3. - La rémunération prévue au second alinéa de l'article L. 133-1 comprend deux parts.
« La première part, à la charge de l'Etat, est assise sur une contribution forfaitaire par usager inscrit dans les bibliothèques accueillant du public pour le prêt, à l'exception des bibliothèques scolaires. Un décret fixe le montant de cette contribution, qui peut être différent pour les bibliothèques des établissements d'enseignement supérieur, ainsi que les modalités de détermination du nombre d'usagers inscrits à prendre en compte pour le calcul de cette part.
« La seconde part est assise sur le prix public de vente hors taxes des livres achetés, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre ; elle est versée par les fournisseurs qui réalisent ces ventes. Le taux de cette rémunération est de 6 % du prix public de vente.
« Art. L. 133-4. - La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes :
« 1° Une première part est répartie à parts égales entre les auteurs et leurs éditeurs à raison du nombre d'exemplaires des livres achetés chaque année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée, déterminé sur la base des informations que ces personnes et leurs fournisseurs communiquent à la ou aux sociétés mentionnées à l'article L. 133-2 ;
« 2° Une seconde part, qui ne peut excéder la moitié du total, est affectée à la prise en charge d'une fraction des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire par les personnes visées au second alinéa de l'article L. 382-12 du code de la sécurité sociale. » ;
« 2° et 3° Non modifiés. »
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. « Art. 4 bis. - Le Gouvernement présentera au Parlement, deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur son application et ses incidences financières. »
L'amendement n° 1, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement dépose conjointement sur le bureau des deux assemblées un rapport sur l'exécution des dispositions de celle-ci qui fait l'objet d'une présentation devant les commissions compétentes.
« Ce rapport dresse, plus particulièrement, un bilan :
« - de la perception effective de la rémunération due au titre du prêt en bibliothèque par les auteurs et les éditeurs ;
« - des fonds perçus au titre de la prise en charge des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des auteurs ;
« - du coût de la réforme pour les personnes morales gérant une bibliothèque accueillant du public et, plus particulièrement, de la modification éventuelle de leur capacité d'achat d'ouvrages de leurs bibliothèques du fait de l'application des dispositions de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée ;
« - de son incidence financière pour les libraires réalisant des ventes conformément à l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée.
« Ce rapport fait l'objet d'un débat en séance publique à l'Assemblée nationale et au Sénat. »
Avant de donner la parole à Mme Danièle Pourtaud pour défendre cet amendement, permettez-moi de rappeler - phrase puisée elle aussi des Evangiles, monsieur le ministre - qu'« une femme vaillante est plus précieuse qu'une perle ». (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, vous allez me faire rougir ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Vous avez la parole pour présenter l'amendement n° 1, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Par cet amendement, nous vous proposons de revenir au texte que le Sénat avait adopté en première lecture, sur l'initiative du groupe socialiste.
L'Assemblée nationale a préféré adopter une formulation beaucoup plus floue, qui n'apporte pas, à nos yeux, les garanties nécessaires d'un bon contrôle des incidences qu'aura le dispositif sur l'ensemble des parties intéressées par ce texte.
Nous déposons donc un amendement identique à celui que, dans sa grande sagesse, la Haute Assemblée avait adopté en première lecture.
Notre texte prévoit qu'un bilan gouvernemental sera présenté au Parlement au bout de deux ans d'application de la loi, document qui devra bien mettre en lumière les incidences financières du projet de loi, pour l'ensemble des acteurs concernés.
Ces acteurs sont nombreux. Ils ont réussi à se mettre d'accord sur les termes de la transposition de la directive, après une longue période de concertation voulue par Catherine Trautmann et Catherine Tasca. On ne peut cependant pas exclure un surcoût de charges pour les collectivités territoriales, principales gestionnaires des bibliothèques publiques de prêt.
Il a déjà souvent été fait état, dans des notes de projection fournies localement par les conservateurs et responsables de bibliothèques, d'un risque de perte, estimée entre 10 % et 15 %, de la capacité d'achat d'ouvrages par ces établissements.
Monsieur le ministre, vous venez de nous annoncer que l'Etat, par le biais du Centre national du livre, aiderait les bibliothèques qui maintiendront leur niveau d'achat. Cette promesse constitue, certes, une avancée, mais elle n'aidera que les bibliothèques qui auront déjà les moyens de maintenir leurs achats. Nous continuons donc à penser que l'évaluation est nécessaire.
Par ailleurs, il serait opportun de savoir si la rémunération des auteurs et des éditeurs et si la retraite complémentaire des auteurs se trouveront substantiellement améliorées grâce à l'application de la loi dont nous débattons aujourd'hui.
Enfin, alors que le circuit des petites librairies avait pu être préservé grâce à la loi Lang, de 1981, il sera éclairant de savoir si la modification de ce même texte, tendant à plafonner les réductions des ouvrages acquis pour être prêtés en bibiothèques, aura permis aux librairies de pénétrer le marché des bibliothèques, puisque c'est l'objectif, contribuant ainsi au maintien de cet indispensable tissu de commerce de proximité.
Nous souhaitons donc que le Sénat et l'Assemblée nationale soient informés des conséquences précises de l'application de cette loi, au moyen de ce bilan soumis à leurs commissions des affaires culturelles.
Je demande donc au Sénat de bien vouloir confirmer le vote qui fut le sien en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. Nous comprenons bien le souci des auteurs de cet amendement, qui tiennent à s'assurer autant que possible de l'exhaustivité du rapport qui sera élaboré par le Gouvernement afin de pouvoir tirer le bilan de l'application de la loi.
Aussi la commission des affaires culturelles puis le Sénat avaient-ils jugé bienvenu l'amendement présenté en première lecture par Mme Pourtaud. On est effectivement en droit de s'interroger sur la mise en oeuvre des mécanismes extrêmement complexes que la loi prévoit.
Toutefois, à trop entrer dans le détail, on risque de perdre de vue l'essentiel, et une énumération précise et exhaustive pourrait, par là même, être limitative.
Il nous a donc semblé plus sage, au bénéfice des engagements que M. le ministre a déjà pris en première lecture et qu'il voudra bien réitérer ici même, je l'espère, de nous en tenir à une formulation plus classique et plus générale.
Enfin, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale présente également l'avantage de ne pas exclure du champ du rapport les éléments nouveaux introduits dans la loi, en particulier la réforme de la taxe sur les vidéogrammes et le devenir de la Cité de l'architecture et du patrimoine.
C'est la raison pour laquelle je suggère aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, faute de quoi la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, rapporteur. C'est désormais clair, le Gouvernement accepte le principe d'un rapport au Parlement. Il estime cependant qu'une formulation plus resserrée est préférable. En effet, l'énumération des points très précis - de nature infralégislative - lui semble disproportionnée.
Par ailleurs, le bilan que le Gouvernement vous présentera ne manquera pas d'aborder tous les sujets que vous avez évoqués.
Plus largement, soyez bien persuadée, madame Pourtaud, que le Gouvernement sera attentif à l'évaluation d'une réforme à laquelle il attache une grande importance et pour laquelle il mobilisera lui-même des moyens importants.
Si l'amendement n° 1 est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.
En outre, madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer sur notre volonté de préserver la capacité d'acquisition des bibliothèques, notamment de celles qui relèvent des petites collectivités. Ce sont en effet celles-là qui, hélas, jusqu'à présent, ne bénéficiaient que des rabais les plus modestes. Les rabais importants étaient surtout accordés aux collectivités disposant d'un grand réseau de bibliothèques, et je pense plus particulièrement à la capitale de notre pays, dont je connais bien la situation. La Ville de Paris exige en effet des grossistes des rabais considérables. Certes, elle se verra privée de ces rabais mais, chacun le sait, son budget est bien plus important que celui des autres municipalités.
M. le président. Madame Pourtaud, maintenez-vous l'amendement n° 1 ?
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, si vous me permettez de continuer le jeu des citations, j'aimerais soumettre celle-ci à la réflexion de M. le rapporteur : « Le diable est dans les détails. » (Sourires.)
Je maintiens l'amendement n° 1.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis.
(L'article 4 bis est adopté.)
M. le président. « Art. 5. - Hormis les articles suivant le présent article, la présente loi entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel.
« Jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le taux de la rémunération prévue au troisième alinéa de l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle est fixé à 3 %. Durant ce délai, le prix effectif de vente mentionné au premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre peut être compris entre 88 % et 100 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur ou l'importateur.
« Les dispositions prévues au troisième alinéa de l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle et aux trois premiers alinéas de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée ne s'appliquent pas aux marchés publics dont l'avis d'appel public à la concurrence a été envoyé à la publication avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
« Les marchés publics en cours d'exécution à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et les marchés publics dont l'avis d'appel public à la concurrence a été envoyé à la publication avant cette même date doivent être résiliés au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la présente loi dès lors qu'ils comportent des dispositions non conformes aux trois premiers alinéas de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe en tant que besoin les conditions d'application de la présente loi. » - (Adopté.)
Article 6
M. le président. « Art. 6. - I. - Après l'article 302 bis KD du code général des impôts, il est inséré un chapitre VII quinquies intitulé "Taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public" et comprenant un article 302 bis KE ainsi rédigé :
« Art. 302 bis KE. - Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur les ventes et locations en France, y compris dans les départements d'outre-mer, de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public.
« Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n'a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes.
« La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre de l'opération visée ci-dessus.
« Le taux est fixé à 2 %.
« La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
« Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
« II. - L'article 1647 du même code est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. - Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat effectue un prélèvement de 2,5 % sur le montant de la taxe mentionnée à l'article 302 bis KE. »
« III. - A compter du 1er juillet 2003, le quatrième alinéa du a du 1° et le deuxième alinéa du a du 2° du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) sont ainsi rédigés :
« - dans des proportions établies chaque année par la loi de finances, le produit des taxes prévues aux articles 302 bis KB et 302 bis KE du code général des impôts ; ».
« IV. - A compter du 1er juillet 2003, l'article 49 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est abrogé. » - (Adopté.)
M. le président. « Art. 7. - La Cité de l'architecture et du patrimoine est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Elle a pour mission de promouvoir la connaissance du patrimoine et de l'architecture, leur histoire et leur insertion dans les territoires, ainsi que la diffusion de la création architecturale tant en France qu'à l'étranger. Elle participe à la valorisation de la recherche et à la formation des agents publics et des professionnels du patrimoine et de l'architecture.
« Elle est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un président nommé par décret. Le conseil d'administration est composé de représentants de l'Etat, de représentants élus du personnel et de personnalités qualifiées désignées par le minitre chargé de la culture.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots : "industriel et commercial" par le mot : "administratif". »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour présenter l'amendement n° 2.
Mme Danièle Pourtaud. La Cité de l'architecture et du patrimoine ouvrira ses portes, en principe, au début de l'année 2005. Elle prendra place dans l'aile Passy du palais de Chaillot, où les travaux d'aménagement ont débuté depuis un an et demi. Seront installés dans cette Cité l'actuel Musée des monuments français, le Centre des hautes études de Chaillot - le CEDHEC - et l'Institut français d'architecture - l'IFA.
Je m'étonne, comme mon ami Patrick Bloche, lors du débat à l'Assemblée nationale, que vous ayez retenu le statut d'EPIC pour la future Cité. En effet, sauf renversement de la charge de la preuve en ce qui concerne cumulativement l'objet du service, son mode de gestion et son mode de financement, tout service public est présumé à caractère administratif.
Les activités assumées par les trois entités précitées relèvent effectivement toutes de missions de service public, et leur mode de financement est public.
Le Musée des monuments français, en tant que musée national, devrait, comme tous les autres musées nationaux, avoir un statut d'établissement public administratif ou de service à compétence nationale. Aucun des trente-trois musées nationaux n'a aujourd'hui le statut d'EPIC, sauf la Cité des sciences et de l'industrie, dont l'activité principale est, il est vrai, la gestion d'une salle de spectacle.
Le nombre de musées nationaux bénéficiant aujourd'hui du statut d'EPA va bientôt doubler, puisque vous avez annoncé, monsieur le ministre, lors du conseil des ministres du 4 juin dernier, qu'Orsay et Guimet allaient rejoindre le Louvre et Versailles dans cette catégorie. L'application du dispositif de l'article 7 va donc constituer une première : un musée national prend le statut d'EPIC. Pourquoi inverser la tendance et faire glisser l'activité muséographique vers le secteur marchand ?
La mission assumée par le CEDHEC a, elle aussi, tout d'une mission de service public : le CEDHEC forme des paysagistes, des architectes et des urbanistes par un enseignement de spécialisation sur le patrimoine architectural, formation sanctionnée par l'obtention d'un diplôme. Je constate là encore qu'aucun autre établissement d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la culture n'a le statut d'EPIC, si ce n'est l'Ecole nationale supérieure de la création industrielle, mais cela est dû à la spécificité de l'enseignement dispensé, qui entraîne la commercialisation des projets des élèves, et aux relations entretenues avec le secteur de l'industrie par cette école. Je m'étonne donc que le CEDHEC puisse être géré sous forme d'EPIC.
J'en viens à la dernière mission, celle qu'assure l'Institut français d'architecture, qui relève tout particulièrement du service public puisque l'Institut a été créé en tant qu'association de préfiguration de la future Cité. Ses archives appartiennent aux Archives nationales. L'Institut assume donc bien une mission de service public.
C'est un comble : le Gouvernement transforme une autre association, à savoir l'Ecole nationale supérieure de la photographie, en EPA à l'article 8 - autre « cavalier » de ce même projet de loi -, mais il refuse cette possibilité à l'IFA alors que ces deux associations assument le même type de missions.
Je crois avoir parfaitement démontré que les trois entités qui composeront la future Cité de l'architecture et du patrimoine devraient chacune individuellement relever du statut d'établissement public administratif.
Le rassemblement en une même structure de ces trois institutions renforce mon sentiment que seul un EPA est à même de les gérer. Les missions culturelles et éducatives de service public s'accommodent mal d'obligations de résultats commerciaux. Le statut d'EPIC représente une menace tant pour l'indépendance intellectuelle de la programmation de l'établissement que pour la sécurité de l'emploi des personnels.
Pour toutes ces raisons, je demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement et de remplacer le statut d'EPIC par le statut d'EPA.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Ivan Renar. Il faut rappeler que les missions comparables à celles de la Cité de l'architecture et du patrimoine assurées au sein du ministère de la culture incombent soit à des EPA, soit à des services du ministère. J'ajoute d'ailleurs que les circulaires d'application relatives aux établissements publics de coopération culturelle, les EPCC, que transmettent actuellement les préfets, prévoient le statut d'EPA pour ce genre d'établissements.
Tout service public est présumé à caractère administratif ; la qualification industrielle et commerciale est incompatible avec la nature des activités qui se rattachent aux prérogatives de puissance publique et à leur mode de financement, qui est exclusivement d'origine budgétaire.
En inscrivant la Cité de l'architecture et du patrimoine dans le cadre industriel et commercial, le Gouvernement met en jeu le principe de la séparation des pouvoirs posé par la loi des 16 et 24 août 1790 et déroge largement à la compétence du juge administratif.
L'histoire de notre législation démontre que l'exception culturelle a une assise profonde. Elle pourrait inspirer l'étranger et notre pays faire des émules en Europe. Au lieu de cela, nous assistons à des dérapages très peu contrôlés dont le présent article est encore un exemple, puisqu'il place les missions de la Cité de l'architecture et du patrimoine dans le secteur marchand, sans que les personnels concernés par cette réforme soient pris en considération.
Tels sont les motifs de cet amendement que je vous demande de voter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. La commission considère que le choix effectué par le Gouvernement concernant le statut de l'établissement public de la Cité de l'architecture et du patrimoine est judicieux, car il offre la souplesse de gestion qui, précisément, manque à d'autres établissements publics nationaux à caractère administratif dans le secteur de la culture.
La diversité des personnels auxquels devra recourir la Cité de l'architecture et du patrimoine ainsi que la possibilité de réaliser des recettes commerciales substantielles militent également en faveur du choix du statut d'EPIC.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je partage tout à fait, cela va de soi, l'analyse de la commission.
Je rappelle que la plus grande partie des personnels qui constitueront le personnel de la future Cité de l'architecture et du patrimoine relèvent aujourd'hui d'une association, et donc du droit privé. Il s'agit en effet des agents de l'Institut français d'architecture.
De plus, nous comptons bien que, à travers tant ses actions de formation que de production d'expositions et d'édition, la Cité de l'architecture et du patrimoine soit en mesure de générer des recettes propres.
Par ailleurs, et de façon plus générale, j'observe qu'il ne faut surtout pas opposer service public et statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. Ce statut est au contraire propice à l'émergence de projets artistiques ou culturels autonomes.
L'Opéra national de Paris est un établissement public à caractère industriel et commercial : il est évident que ce statut n'enlève pas un gramme à la responsabilité de programmation de M. Gall !
La Cité des sciences et de l'industrie est un établissement public à caractère industriel et commercial : les bibliothécaires de la Cité des sciences et de l'industrie ne sont pas privés d'un seul gramme, ni même d'un seul décigramme de leurs responsabilités professionnelles !
Je suis pour ma part tout à fait convaincu que, selon les cas, un projet de service public peut se développer dans le cadre d'un établissement public à caractère industriel et commercial comme dans le cadre d'un établissement public à caractère administratif.
Vous avez d'ailleurs remarqué que nous ne sommes pas dogmatiques puisque, au cours de la même délibération, il vous est proposé, d'un côté, d'ériger, compte tenu de sa situation particulière, la Cité de l'architecture et du patrimoine en établissement public à caractère industriel et commercial et, de l'autre, de faire de l'Ecole nationale supérieure de la photographie un établissement public à caractère administratif pour mettre cet établissement dans une situation conforme à celle des autres établissements de même nature.
Je suis donc défavorable aux amendements identiques présentés par Mme la sénatrice de Paris et par M. le sénateur du Nord.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote sur les amendements n°s 2 et 5.
M. Denis Badré. Je suis opposé aux amendements identiques de Mme Pourtaud et de M. Renar, et j'abonde dans le sens de M. le rapporteur et de M. le ministre.
Je citais en préambule de mon exposé dans la discussion générale la fable du violoniste et du comptable de Yehudi Menuhin. Vous avez raison, pour un violoniste, il est profondément choquant que l'on puisse envisager de faire du commerce avec des pièces de musée. Cependant, mon expérience - puisque dans une vie antérieure j'ai dirigé des établissements publics à caractère administratif et des EPIC - m'autorise à dire que le statut d'EPIC donne beaucoup plus de marges de manoeuvre, marges qui nous sont d'autant plus nécessaires que le monde dans lequel il nous appartient de faire rayonner notre pays et de concurrencer nos partenaires est ouvert. Combien de fois ai-je regretté, lorsque je dirigeais une grande école, d'être à la tête d'un établissement public à caractère administratif et d'être privé des marges de manoeuvre que nous aurait données le statut d'EPIC !
Le pragmatisme doit nous guider dans le choix de la formule la plus opérationnelle pour un établissement de cette nature. Ne nous installons pas dans le passé : préparons l'avenir. C'est ce que permet le statut de l'EPIC.
Sans doute faudra-t-il d'ailleurs un jour appeler autrement les EPIC pour ouvrir ce statut au plus grand nombre d'établissements possible, mais c'est plus une question de sémantique qu'une question de fond.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Je partage la dernière réflexion de notre collègue Denis Badré. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduits à voter la loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle, loi qui aurait dû permettre d'éviter ce vrai-faux débat, ou ce faux-vrai débat, sur la nature profonde de ces établissements.
Il faudra bien un jour reconnaître que les établissements publics de coopération culturelle peuvent être à la fois à caractère administratif, industriel ou commercial, mais sont avant tout des établissements publics à caractère culturel, cette notion correspondant d'ailleurs à celle d'exception culturelle.
C'était le sens du débat qui a conduit à l'adoption, à l'unanimité, de la proposition de loi sur les établissements de coopération culturelle. Et il est vrai que la méfiance disparaîtrait avec un changement de dénomination. En somme, il faudrait plus de souplesse dans les EPA et peut-être plus de rigueur dans les EPIC.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 5.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa de cet article, après les mots : "leur insertion dans les territoires," insérer les mots : "la conservation et la mise en valeur des collections,". »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. La future Cité de l'architecture et du patrimoine englobera notamment l'Institut français d'architecture et le Musée des monuments français, déjà sur le site de Chaillot.
Je rappelle que l'IFA a été créé il y a maintenant plus de dix ans sous forme d'association de préfiguration de la future Cité.
Cet institut a, depuis lors, assumé une mission importante de centre de documentation de l'architecture. Il accueille une bibliothèque et un centre d'archives d'architecture du xxe siècle, qui comprend aujourd'hui plus de 250 fonds appartenant aux archives nationales et traitées à l'IFA.
Les deux institutions qui seront accueillies par la Cité de l'architecture et du patrimoine possèdent donc un important fonds patrimonial. Le nouvel établissement public devra de facto assumer au titre de ses missions la conservation et la valorisation de ces collections.
Le Gouvernement a vraisemblablement omis d'inscrire ces missions dans la loi, qui en énumère pourtant d'autres : connaissance du patrimoine et de l'architecture, histoire et insertion de ces disciplines dans les territoires, diffusion de la création architecturale tant en France qu'à l'étranger, valorisation de la recherche et formation des agents et des professionnels.
Nous vous proposons donc de réparer cet oubli et d'ajouter à cette liste la mission de « conservation et de mise en valeur du patrimoine », qui concernera et le Musée des monuments français et l'IFA.
J'ajoute que cette mission s'inscrit dans le droit-fil de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. Il nous semble que la définition des missions de la Cité de l'architecture et du patrimoine telle qu'énoncée à l'article 7 du projet de loi est suffisamment large pour que l'on puisse considérer qu'y sont incluses les missions de conservation.
Nous partageons la préoccupation des auteurs de l'amendement quant à la conservation et à la mise en valeur des collections, notamment de celles qui relèvent aujourd'hui du Musée des monuments français et de l'Institut français d'architecture, collections dont nous connaissons tous l'intérêt, mais également les conditions de conservation, actuellement très précaires.
Je souhaite par conséquent que M. le ministre nous précise la place exacte qui sera dévolue à cette mission dans le nouvel établissement public.
Si ces explications devaient vous satisfaire, je vous demanderais, madame Pourtaud, de bien vouloir retirer l'amendement n° 3. A défaut, je serais amené à émettre un avis défavorable à son adoption.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il est évident que l'une des missions de la Cité de l'architecture et du patrimoine sera la conservation des collections, c'est-à-dire, d'une part, du patrimoine du Musée des monuments français, d'autre part, du patrimoine constitué par l'Institut français d'architecture sur la mémoire de l'architecture française des xxe et xxie siècle.
L'étendue de cette mission sera précisée dans le décret statutaire qui réglera le fonctionnement et l'organisation de l'institution.
Pour ma part, j'estime que la loi est suffisamment précise : elle n'exclut pas, même si elle ne la mentionne pas expressément, la mission patrimoniale de la Cité de l'architecture et du patrimoine.
La situation du Musée des monuments français appelle en effet notre vigilance. Ce musée a été victime d'une longue négligence, sans même parler des effets de l'incendie qui, dévastant la toiture de l'aile Paris du palais de Chaillot, a également dévasté les collections, ensuite abondamment arrosées par les pompiers.
Ces collections, constituées de moulages des principaux monuments français et d'éléments larges de leur système décoratif ou de leur architecture - des portails, par exemple, comme ceux de la cathédrale de Chartres ou de Vézelay - mais également de reproductions des principaux systèmes de peinture des grands monuments de l'époque romane et de l'époque gothique, sont en cours de dépose et de restauration. Elles seront valorisées dans le Musée des monuments français.
N'oublions pas que ce musée avait été voulu, par Viollet-le-Duc d'abord, par son élève Anatole de Baudot ensuite, comme un musée pédagogique. Son association avec un établissement dont l'activité est centrée sur l'architecture contemporaine et sur la formation des architectes qui se consacreront aux interventions sur les monuments historiques est donc tout à fait judicieuse.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement n° 3.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi pour une durée indéterminée par l'association "Institut français d'architecture" pourront, à titre individuel, à leur demande, bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée, en conservant leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. Ils continueront à recevoir une rémunération nette au moins égale à leur rémunération globale antérieure nette. »
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de la création de l'établissement public dénommé "Cité de l'architecture et du patrimoine", les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi pour une durée indéterminée par l'association "Institut français d'architecture" pourront, à titre individuel, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires inscrits sur le budget de l'établissement, bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée, en conservant leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. Ils continueront à percevoir une rémunération nette au moins égale à leur rémunération globale antérieure nette. »
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Ivan Renar. Cet amendement tend à permettre aux personnels de la Cité de l'architecture et du patrimoine de préserver leurs droits acquis en matière d'emploi, de rémunération et de régime de retraite.
Nous pensons que tous les personnels doivent être intégrés, ce que le budget de l'établissement devrait rendre possible.
Je tiens à dire par ailleurs que nous regrettons qu'aucune concertation n'ait eu lieu à ce sujet avec les représentants du personnel.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour présenter l'amendement n° 4.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement, qui relève du même esprit que celui de nos collègues du groupe CRC, vise à appliquer aux personnels de la future Cité de l'architecture et du patrimoine les dispositions prévues par le précédent « cavalier » pour les personnels de l'IFA.
Certes, l'article 7 du projet de loi donne à la Cité de l'architecture et du patrimoine le statut d'EPIC. Nous souhaitons néanmoins que les futurs personnels se voient garantir des droits qu'ils ont acquis dans l'association de préfiguration. Nous voulons en particulier que des postes budgétaires puissent leur être ouverts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. Le statut d'EPIC de la Cité de l'architecture et du patrimoine ayant été confirmé, ces amendements me semblent sans objet.
En tout état de cause, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je me range à l'avis de M. le rapporteur : ces amendements ne sont en effet pas cohérents avec le rejet par la Haute Assemblée des amendements tendant à donner à la Cité de l'architecture et du patrimoine le statut d'EPA.
Je reviens à ce que disait M. le sénateur des Hauts-de-Seine : il faut donner à nos établissements une gestion dynamique et souple. Ayant présidé un établissement public à caractère administratif, j'ai trop mesuré les inconvénients de la gestion rigide qui découle de ce statut.
Croyez-moi, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, nous offrons une grande chance à la Cité de l'architecture et du patrimoine en lui permettant de bénéficier d'un statut aussi souple. C'est également une chance pour le développement de l'emploi au sein de cette future structure.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
M. le président. « Art. 8. - A compter de la création de l'établissement public à caractère administratif dénommé "Ecole nationale supérieure de la photographie", les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi pour une durée indéterminée par l'association "Ecole nationale de la photographie" pourront, à titre individuel, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires inscrits sur le budget de l'établissement, bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée, en conservant leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. Ils continueront à recevoir une rémunération nette au moins égale à leur rémunération globale antérieure nette. »
L'amendement n° 7, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase de cet article, après les mots : "sur leur demande", supprimer les mots : "et dans la limite des emplois budgétaires inscrits sur le budget de l'établissement". »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Il s'agit ici du Centre national de la photographie d'Arles, établissement que vous connaissez très bien, monsieur le président.
Cet amendement est de même nature que celui que j'ai présenté tout à l'heure. Il vise à confirmer les personnels de l'Ecole nationale supérieure de la photographie dans leurs droits à bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée. En effet, le membre de phrase que je propose de supprimer apparaît restrictif.
Je souhaiterais que M. le ministre réponde à mon interrogation. Cette précision a son importance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. Cet amendement pose un problème de forme et de fond. S'agissant de la forme, il est évident que tout établissement public ne peut embaucher que dans la limite des postes budgétaires ouverts. En ce qui concerne le fond, l'amendement traduit essentiellement la préoccupation des personnels actuels de l'Ecole nationale de la photographie, qui devient Ecole nationale supérieure de la photographie, et qui souhaiteraient sans doute obtenir des apaisements quant à leur intégration dans le nouveau dispositif.
Aussi, nous sommes défavorables à l'amendement. Cependant, nous souhaiterions que M. le ministre veuille bien éventuellement apporter les apaisements que pourraient attendre les personnels concernés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. L'article 8 du présent projet de loi prévoit de donner un statut de droit public aux agents d'une école nationale gérée aujourd'hui sous forme associative. Cet article permet à ces agents de conserver la totalité des dispositions contractuelles dont ils bénéficient actuellement notamment les contrats à durée indéterminée et les régimes de prévoyance et de retraite.
Le changement de statut s'opérera, mais - et c'est une précaution courante que de le mentionner - à moyens constants, notamment en termes d'emplois.
Monsieur le sénateur, je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement, sinon, j'émettrai un avis défavorable, parce que la disposition que vous visez est une restriction de pure forme, tout à fait usuelle.
M. le président. Monsieur Renar, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. Selon moi, il subsiste une contradiction. Toutefois, je prends note de l'engagement deM. Aillagon par rapport aux personnels concernés.
Comme je n'ai aucune raison de mettre en doute la parole de M. le ministre, je retire cet amendement.
M. Jacques Valade, président de la commission. Très bon état d'esprit !
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. LouisDuvernois, pour explication de vote.
M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous que ce texte était attendu depuis très longtemps et que, malgré quelques imperfections, il répond à des revendications justifiées.
Grâce aux dispositions prévues et qui, je n'en doute pas, seront adoptées, nous rattrapons le retard que nous avions par rapport à nos voisins européens.
Notre pays a toujours été le défenseur des droits des créateurs littéraires, musicaux, audiovisuels ou plasticiens, et, aujourd'hui, avec ce texte, nous ne dérogeons pas à cette tradition.
Nous pouvons dire que les mesures prévues constituent une véritable avancée et qu'elles sont essentielles. D'une part, le prêt de l'oeuvre de l'auteur s'effectue contre rémunération, et ce sont l'Etat et les collectivités territoriales qui prennent en charge cette rémunération, et non l'usager. D'autre part, le plafonnement des rabais sur le prix public de vente des livres rétablit un équilibre nécessaire entre les professionnels du livre, car les libraires les plus modestes étaient de plus en plus pénalisés par la libre négociation de ces mêmes rabais.
Enfin, le présent projet de loi réaffirme la mission de service public des bibliothèques. Pour reprendre les termes de notre excellent rapporteur, M. Daniel Eckenspieller, « l'accès au livre constitue un outil essentiel au service de la formation, de la culture, de l'esprit critique, de la citoyenneté ».
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UMP ne peut que soutenir et approuver un tel projet de loi : nous le voterons donc.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Quand on se souvient de la situation d'affrontement qui prévalait voilà quelques années entre libraires, éditeurs et bibliothécaires - nous étions au bord de la Troisième Guerre mondiale ! -, on voit bien qu'il faut donner du temps au temps et négocier longuement dans le respect de l'autre pour faire avancer les choses.
L'esprit de concorde règne s'agissant de ce projet de loi. Aussi, après avoir entendu certains se référer à Blanche de Castille ou aux textes saints, j'en appellerai à saint Bernard : « Ce n'est pas dans la connaissance qu'est le fruit, il est dans l'art de le saisir ». C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen votera ce texte. (Applaudissements.)
M. Jacques Valade, président de la commission Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement, à l'unanimité).
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je tiens à remercier la Haute Assemblée : le 10 juin 2003 restera dans l'histoire de notre pays comme une date marquant la concorde nationale autour d'un grand projet d'utilité publique ! (Sourires et applaudissements.)
SIMPLIFICATION DU DROIT
Adoption définitive d'un projet de loi d'habilitation
en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 325, 2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. [Rapport n° 328, (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis, au nom du Gouvernement, d'observer que l'Assemblée nationale a, en deuxième lecture, voté en termes quasi conformes à la rédaction issue des délibérations du Sénat le projet de loi visant à simplifier la vie des Français. Ce vote témoigne de la qualité des travaux menés par votre assemblée. C'est l'occasion, pour moi, de saluer à nouveau M. le président de la commission des lois, en le remerciant beaucoup de sa coopération active, et M. le rapporteur, que je remercie de son excellent travail.
Je rappelle qu'au total soixante-dix-neuf amendements du Sénat ont été adoptés, ce qui manifeste l'intensité du débat que nous avons eu et l'enrichissement considérable du projet de loi initial.
Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cours du débat, mais je le dis d'emblée : il s'agit d'un texte équilibré, procédant à une approche pragmatique, et non idéologique, de la simplification. La majorité a compris, et je l'en remercie, qu'il s'agissait d'une entreprise de libération des énergies. Libération des énergies des Français, qui, dans leur vie quotidienne, n'en peuvent plus de l'amoncellement de règlements toujours plus opaques qui créent une distance préjudiciable à l'autorité de la loi et à son respect par nos concitoyens. Libération des énergies de tous ceux qui veulent entreprendre, créer de l'emploi, de la richesse et innover, avec un volet conçu spécialement pour les artisans, les petits entrepreneurs et les entreprises. Enfin, et je voudrais insister sur ce point, libération des énergies des fonctionnaires de terrain, qui sont les premiers à souffrir de la complexité des règles qu'ils sont chargés d'appliquer et dont ils sont souvent les otages.
Ce projet est mobilisateur pour les administrations, il responsabilise les gestionnaires des services publics. En ce sens, la réforme de l'Etat fait un pas considérable, et la simplification en est le meilleur levier. Le Gouvernement croit à des services publics modernes, responsables, comptables de leurs délais de réponse, et la simplification est de nature à moderniser en profondeur les relations entre nos concitoyens et les services publics. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est saisi en deuxième lecture du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Ce texte, d'une ampleur sans précédent sous la Ve République, autorise le Gouvernement à prendre des ordonnances, en vertu de la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution, dans de nombreux domaines législatifs. Cela permettra de faciliter les démarches des usagers de l'administration, de rationaliser des procédures administratives, ou encore de permettre un accès des citoyens aux règles de droit en vigueur.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté sans modification quatorze des vingt-neuf articles du projet de loi. Outre des amendements rédactionnels et de précision, l'Assemblée nationale a également introduit de nouvelles dispositions, telles que l'habilitation du Gouvernement à créer par voie d'ordonnance un dispositif simplifié pour les bulletins de paie, ou encore l'habilitation à simplifier les modalités de versement des honoraires de l'activité libérale à l'hôpital des praticiens hospitaliers.
Elle a également enrichi le texte en adoptant cinq articles additionnels ayant respectivement pour objet de créer un conseil d'orientation et de la simplification administrative, d'habiliter le Gouvernement à simplifier les procédures administratives relatives aux travaux d'aménagement de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics, d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure visant à clarifier et à préciser la situation statutaire des délégués du Médiateur, d'habiliter le Gouvernement à prendre des mesures tendant à favoriser l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC, dans le fonctionnement quotidien des collectivités territoriales, instituer l'obligation pour le Gouvernement de soumettre au Parlement, chaque année, un rapport sur les mesures de simplification intervenues au cours de l'année écoulée.
Au Sénat, la commission des lois, saisie au fond, avait délégué certaines parties du texte à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales et à la commission des finances, toutes trois saisies pour avis.
Adopté le 7 mai 2003, le texte a fait l'objet de plusieurs modifications parmi lesquelles : la précision selon laquelle lors de la réduction du nombre de commissions à caractère consultatif, le Gouvernement devra maintenir la consultation d'une commission administrative lorsque l'exercice d'une liberté publique ou le principe de libre administration des collectivités territoriales est en cause, l'ouverture du champ de l'habilitation de l'article 3 à l'allégement des procédures de passation des marchés publics pour les collectivités territoriales, avec le maintien systématique des annonces légales pour la procédure d'appel d'offres ; l'extension de l'habilitation de l'article 12 à l'élargissement du droit à l'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales métropolitaines ; la suppression de l'habilitation du Gouvernement à autoriser par ordonnance la participation des établissements publics de santé au capital des sociétés d'économie mixte locales ; la suppression du 5° de l'article 20 habilitant le Gouvernement à simplifier le mode de calcul de la subvention des activités culturelles et sociales des comités d'entreprise.
En outre, le Sénat a largement amendé l'article 4 du projet de loi habilitant le Gouvernement à modifier le régime de la commande publique et à créer de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public, ayant pour objet la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics ou encore la gestion et le fonctionnement de services, ou une combinaison de ces différentes missions.
Ainsi, le Sénat a tout d'abord adopté un amendement, présenté par MM. Jacques Oudin, Christian Cointat, Jean François-Poncet et Jean-René Lecerf, tendant à remplacer la possibilité d'« aménager le régime juridique des contrats existants » par celle de modifier la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite « loi MOP ».
Ensuite, le Sénat a souhaité garantir une place pour les architectes, et plus généralement pour la maîtrise d'oeuvre, ainsi que pour les petites et moyennes entreprises et les artisans dans ces nouveaux contrats globaux devant être créés par ordonnance. Sur proposition de M. Pierre Jarlier, il a ouvert la possibilité pour plusieurs cocontractants de signer le même contrat global, ce qui permet notamment à la personne publique, ou à la personne privée chargée d'une mission de service public, de contracter non seulement avec l'entreprise réalisant la construction, mais également avec le maître d'oeuvre, concepteur de l'opération. Sur proposition de la commission des lois, le Sénat a également précisé que l'ordonnance devrait prévoir « les conditions d'un accès équitable des architectes, des concepteurs, des petites et moyennes entreprises et des artisans » à ces contrats de partenariat public-privé.
Le Sénat a également introduit trois articles additionnels dans le projet de loi afin d'habiliter le Gouvernement à organiser la gratuité de l'accès des justiciables à la justice administrative, à déroger aux dispositions actuelles relatives aux modalités d'inscription sur les listes électorales pour permettre aux ressortissants des Etats candidats à l'adhésion à l'Union européenne installés en France de s'inscrire sur les listes électorales après le 1er mai 2004 et de participer aux élections européennes du 13 juin 2004 et, enfin, à alléger et à simplifier le régime d'entrée en vigueur, de transmission et de contrôle des actes des autorités des établissements publics locaux d'enseignement.
En deuxième lecture, seuls deux amendements de portée technique, présentés par la commission des lois dans un souci de cohérence législative, ont été adoptés par l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, à l'article 24 relatif à la ratification d'ordonnances relatives à l'adoption des parties législatives de certains codes, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination visant à abroger le 13° bis du III, le III bis et la référence à l'article 59 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.
Ensuite, les députés ont adopté un amendement visant à étendre par coordination le délai d'habilitation fixé à douze mois prévu au 2° de l'article 28 du projet de loi pour les articles 1er à 22 aux articles 22 bis et 22 ter adoptés au cours de la discussion en première lecture, l'un devant l'Assemblée nationale, l'autre devant le Sénat. Il s'agissait ainsi de fixer pour ces deux articles additionnels un délai d'habilitation, faute de quoi l'article 38 précité de la Constitution n'aurait pas été respecté.
Dans la mesure où, d'une part, tout en souscrivant pleinement à cette démarche, les travaux des deux assemblées au cours de la première lecture ont permis d'améliorer et de compléter le texte qui leur était soumis et où, d'autre part, les modifications apportées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture s'avèrent de portée purement technique, la commission des lois vous propose d'adopter sans modification le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. (M. le président de la commission applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Hilaire Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi, qui est aujourd'hui en passe dêtre définitivement adopté, constitue une véritable bouffée d'air frais, tant pour nos administrés, confrontés à la lenteur et à la lourdeur excessives de l'administration, que pour les fonctionnaires de ces administrations, confrontés, quant à eux, à la difficulté d'appliquer des procédures parfois très contraignantes, et pour notre système juridique, qui se voit avantageusement simplifié dans un grand nombre de domaines.
Si le discours stigmatisant la complexité de notre droit et la lourdeur de notre administration est récurrent depuis de nombreuses années, il ne s'était pourtant jamais concrétisé en acte politique.
Aujourd'hui, grâce à ce texte, le Gouvernement se donne enfin les moyens d'y remédier, ce dont, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom du groupe UMP, je tiens à vous féliciter.
Ce projet de loi, annoncé par M. le Premier ministre dès sa déclaration de politique générale, constitue l'un des chantiers prioritaires de la réforme de l'Etat.
Cette volonté de réformer l'Etat est au coeur des préoccupations de M. le Président de la République. Le fait d'y consacrer un secrétariat d'Etat est d'ailleurs la preuve de cette volonté de changement, et je me réjouis qu'un tel vent de réformes souffle aujourd'hui sur notre pays.
Le chantier de la simplification administrative est un chantier urgent, ce qui explique que le Gouvernement ait choisi de procéder par ordonnances pour régler des problèmes particulièrement techniques. Il va ainsi être en mesure d'agir rapidement dans des domaines très divers, comme celui du droit social, de la nationalité, des marchés publics ou encore du vote par procuration.
Selon une procédure des plus efficaces, le Gouvernement pourra nettoyer certaines dispositions inusitées ou obsolètes et redonner du sens ou de la cohérence à d'autres dispositions qui n'en avaient malheureusement plus.
C'est pourquoi le groupe UMP votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à mon tour d'applaudir à la noble ambition consistant à simplifier le droit, comme le feront d'ailleurs tous les maires, confrontés chaque jour à l'expérience désespérante de la complexité paralysante du fatras de réglementations - décrets, arrêtés, circulaires - qui se superposent et s'enchevêtrent.
Mais abattre les branches inutiles, les branches mortes est une chose, porter des coups au tronc qui soutient et structure l'arbre en est une autre.
Or l'article 4, qui a malheureusement été voté conforme et ne fait donc plus l'objet de notre discussion, ouvre la voie à des coups décisifs sur l'ossature de la filière de la construction produisant les bâtiments publics.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens, par cette intervention, à faire état de mon inquiétude au moment où le Gouvernement doit rédiger les ordonnances correspondantes.
En tirant les enseignements des grands ensembles, de la politique des modèles, le législateur, après quelque quinze ans de négociations, a adopté en 1985 la loi MOP, ou loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique, qui a consacré la nécessité d'une maîtrise d'ouvrage publique forte choisissant un maître d'oeuvre, un architecte indépendant et définissant avec lui l'ouvrage dans ses caractéristiques techniques, urbanistiques, esthétiques, économiques et culturelles. C'est ce couple maître d'ouvrage-maître d'oeuvre qui peut engager le débat avec les usagers et aboutir à ce que chaque bâtiment public soit un élément du projet urbain, c'est-à-dire d'un projet de société sur un territoire. De la force de ce couple dépend la qualité du projet et la transparence des procédures de choix du ou des constructeurs.
Or l'article 4 du projet de loi ouvre la voie à la destruction pure et simple de la loi MOP en permettant la généralisation de procédures de choix d'équipes regroupant constructeurs et concepteurs dans « de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public pour la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation, le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions ».
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Paul Alduy. On a beau, quelques lignes plus loin, affirmer, dans le projet de loi, sur une initiative sénatoriale, vouloir définir « les conditions d'un accès équitable des architectes, des concepteurs, des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats », force est de constater - on s'en est rendu compte voilà peu lors d'un colloque de la maîtrise d'oeuvre, au Palais de Chaillot - la réprobation quasi unanime de ces professions. Les PME et les artisans se retrouveront en effet en position d'infériorité lors de consultations mieux adaptées à des entreprises à forte ingénierie ; les architectes, surtout, verront leur relation privilégiée avec le maître d'ouvrage, fondée sur leur indépendance vis-à-vis des constructeurs, brisée : ils se retrouveront, en fait, sous la dépendance économique des grandes entreprises.
On appelle aujourd'hui « partenariat public-privé », ou PPP, ce qui était dénommé hier « marché d'entreprise de travaux publics », ou METP, dont le code des marchés publics lui-même rappelait les inconvénients : endettement indirect de la collectivité locale, coût élevé, opacité dans la répartition des marchés.
Avec de telles procédures, les collectivités locales devront être capables de définir le programme dans ses moindres détails, mais sans projet architectural ! Sinon, l'incertitude se retournera immanquablement contre elles en phase de réalisation. Et que dire des modifications de programmes, même mineures, qui devront se traduire par des avenants négociés en position de faiblesse ?
J'en arrive à ma principale exhortation : l'article 4 n'aurait dû porter que sur les titres Ier et III de la loi MOP, écartant toute modification du titre II, notamment de l'article 7 qui pose le principe de la séparation des missions de conception et de construction.
De même, les ordonnances futures devraient n'autoriser des contrats regroupant conception et construction que lorsque ces derniers comportent une part significative de services de maintenance ou d'exploitation. En effet, si l'entreprise prend le risque de la conception et de la gestion, il est normal qu'elle intervienne dès la conception pour maîtriser ce risque futur. En revanche, si le contrat ne prévoit que la conception et la réalisation sans part significative de maintenance ou de gestion, le risque est grand que, pour des raisons d'économie et de rentabilité, la qualité des travaux sur le chantier soit réduite et, partant, les défauts éventuels ou, en tout cas, un coût de gestion et de maintenance plus lourd soient reportés sur la collectivité locale. Dans ce cas, j'affirme solennellement que, les mêmes causes engendrant les mêmes effets, il nous faudra, dans deux ou trois ans, des lois et des règlements nouveaux pour retrouver la transparence et la fiabilité de procédures grâce auxquelles collectivités locales et architectes définissent ensemble les qualités des bâtiments publics, et font appel à la diversité des constructeurs, petits et grands, pour les bâtis.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la qualité des constructions publiques s'est spectaculairement améliorée depuis quinze ans. Pourquoi remettre en cause l'organisation de la filière maître d'ouvrage - maître d'oeuvre - constructeur qui a permis ces progrès ? Pourquoi ne pas voir que ces derniers sont à mettre à l'actif d'une profession fragile, les architectes, qui, parce qu'ils sont indépendants, assurent une authentique mission de service public : la qualité urbaine des bâtiments publics qui, souvent, sont là pour donner du sens au chaos de nos villes ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, simplifions le droit, mais protégeons l'architecture de nos cités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. J'interviendrai moi aussi sur l'article 4 et dans le même sens que notre collègue Jean-Paul Alduy.
Mes chers collègues, si vous en décidez ainsi, ce projet de loi, et donc son article 4, sera adopté dans quelques minutes. Très sincèrement, ceux qui le voteront prendront une lourde responsabilité ! Je vous demande donc, au nom du groupe socialiste, d'éviter ce qui risque d'être, mais sera sans doute, une très large erreur.
Mes chers collègues, comment ne pas se souvenir du mal qu'un certain nombre de procédures et d'affaires ont fait aux élus et aux responsables des entreprises ? Avez-vous la mémoire si courte ? Voulez-vous tellement que cela recommence ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous nous direz bien évidemment que telle n'est pas votre intention, et je ne vous suspecte pas du contraire. Toutefois, monsieur le rapporteur, le dispositif qui serait mis en oeuvre, si, dans quelques minutes, le Sénat adopte ce texte, est délétère : il supprime de fait la mise en concurrence et favorise donc, par sa nature même, la corruption, le favoritisme, le trafic d'influence, les positions acquises, bref, tout ce qui est malsain s'agissant de travaux publics et des rapports entre les pouvoirs publics et les entreprises.
Je reprendrai succinctement quelques points.
Le premier concerne la confusion entre le secteur public et le secteur privé que les idéologues siégeant à Bercy,...
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. ... sans doute fort inspirés par certains discours de l'ultralibéralisme, professent. S'agissant de la construction de l'ensemble des équipements publics, y compris ce qui relève du pouvoir régalien de l'Etat - ministère de l'intérieur, de la justice, des finances, de l'éducation nationale, bref tous les ministères -, il n'y aura plus de distinction entre le secteur public et le secteur privé, et des contrats passés avec des entreprises privées pourront s'étaler sur de très longues années, si bien que les contribuables paieront pendant très longtemps.
Un ancien ministre des finances se demandait dans un journal du soir paru hier s'il était même sain - je crois, pour ma part, que c'est très malsain - que des élus puissent engager pour vingt ou vingt-cinq ans, par de tels contrats, la mise en oeuvre d'équipements et, par conséquent, leur financement par les contribuables.
C'est, je le répète, tout à fait malsain, ne serait-ce que parce que cela supprime notre conception traditionnelle du maître d'ouvrage. En effet, comme le disait M. Alduy, le maître d'ouvrage public, qu'il s'agisse de l'Etat ou d'une collectivité locale, est une personne morale qui met en oeuvre un projet d'aménagement dans l'espace urbain ou dans l'espace rural. Sa fonction est clairement distincte de la fonction de l'entreprise. Nous n'avons rien contre les entreprises, bien évidemment ! Mais elles obéissent à leur logique, qui n'est pas celle des pouvoirs publics. C'est pourquoi il faut des règles claires et une distinction nette entre les prérogatives des uns et des autres.
J'en viens au deuxième point : la résurgence, sous un autre nom, du fameux METP correspond au retour de la confusion totale. Il m'est arrivé de siéger dans des commissions d'appel d'offres, mais rarement ; en effet, dans les collectivités où j'ai eu quelques responsabilités, j'ai ensuite refusé ce dispositif. Lorsque l'on siège dans une telle commission, on choisit, par le même vote, à la fois le concepteur, l'architecte, le constructeur, celui qui transformera ultérieurement le bâtiment, le financeur, c'est-à-dire la banque, le gestionnaire, c'est-à-dire celui qui assurera l'exploitation, la maintenance et l'entretien ! Cette situation n'a pas de sens !
Le projet de loi prévoit que le groupe, qui peut être un grand groupe, choisit l'architecte. Vous ne saurez donc pas si vous choisissez la meilleure architecture ou l'entreprise qui proposera le meilleur prix pour la construction. Il est impossible de dissocier les deux jugements.
M. Jean-Pierre Schosteck. Mais si !
M. Jean-Pierre Sueur. On ne pourra pas non plus choisir séparément le banquier puisque l'appel d'offres concernera la conception, la réalisation et le financement. (M. Jean-Pierre Schosteck proteste.) Mais, mon cher collègue, je me contente de rappeler les dispositions du projet de loi ! Ce n'est pas moi qui l'ai rédigé !
Entretien, maintenance, exploitation, transformation : autant dire que l'on utilise une procédure indistincte et que l'on ne sait jamais ce que l'on décide et pourquoi on l'a décidé.
Il n'y a plus de procédure d'allotissement, c'est-à-dire que l'on ne peut pas séparer les fonctions ; c'est inscrit dans la loi.
Mes chers collègues, j'aborde le troisième et dernier point de mon intervention : l'avant projet de décret, qui figure toujours parmi les publications du ministère des finances, est absolument scandaleux. A cet égard, je suis étonné qu'aucune autorité gouvernementale n'ait pris quelques distances avec cet avant-projet. Je rappelle que l'intention du Gouvernement, au moment où nous débattons pour la dernière fois de ce texte, est d'augmenter de 80 000 euros à 62 millions d'euros le seuil au-dessus duquel une mise en concurrence est obligatoire.
Si ce projet de loi est adopté, 94 % des marchés publics passés par l'Etat et plus de 98 % des marchés conclus par les collectivités locales ne feront pas l'objet d'une mise en concurrence.
Qui peut affirmer qu'un tel système est sain, moral ? En vérité, mes chers collègues, il est totalement inacceptable.
Selon le journal Les Echos en date du 6 juin, « Bercy » - je ne sais pas qui est « Bercy » - explique que, en dessous de 6,2 millions d'euros, on veillera au respect de la concurrence.
Pour sa part, M. Bernard Saugey a expliqué, dans l'édition d'hier d'un journal du soir,...
M. René Garrec, président de la commission. Un excellent journal, où M. Sueur s'exprime parfois !
M. Bernard Saugey, rapporteur. Un journal de référence !
M. Jean-Pierre Sueur. ... que les règles de mise en concurrence seraient fixées par ordonnance.
Ainsi, on nous dit d'un côté que, en dessous d'un certain seuil, il n'y a pas de mise en concurrence, mais, d'un autre côté, qu'il y aura des règles qui fixeront les conditions de la concurrence : voilà un discours qui ne tient pas debout,...
M. Bernard Saugey, rapporteur. Bien sûr que si !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et chacun ici le comprend, pour peu qu'il veuille bien renoncer à toute hypocrisie !
Malheureusement, c'est la mise à mort de tout l'édifice des marchés publics, tel qu'il existe aujourd'hui dans notre pays.
Et l'on apprend de surcroît, dans les mêmes textes, que les représentants de la DGCCRF, la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, ainsi que les comptables publics ne siégeront plus de droit au sein des commissions d'appel d'offres, mais seulement quand on fera appel à eux. Très franchement, qui peut défendre une telle disposition ?
Les fonctionnaires qui représentent la DGCCRF comme les comptables publics, qui représentent le ministère des finances, sont là pour veiller à la régularité des marchés publics. Pourquoi décider que, demain, ils n'auront plus leur place dans ces commissions ? Tout est fait, on le voit bien, pour qu'il n'y ait plus de concurrence. (M. Jean-Pierre Schosteck proteste.)
Bien sûr, les PME sont inquiètes, mais, par le même quotidien du soir, où s'exprimait le représentant d'un des grands groupes, nous avons appris que ceux-ci l'étaient également, monsieur le rapporteur. En effet, chacun sent bien que la mise à mal des règles de la concurrence n'est pas bonne pour notre République.
M. Gilles de Robien et M. Jean-Jacques Aillagon ont dit aux architectes qu'ils comprenaient leurs préoccupations. Fort bien ! Cependant, si ce texte est voté dans quelques minutes, un grave coup sera porté à la profession d'architecte, à son indépendance, parce que les architectes seront choisis par les grands groupes.
M. Hilaire Flandre. Vous prenez les élus pour des débiles !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est en fait la liberté de création architecturale, essentielle pour l'espace urbain, l'habitat et les nouveaux équipements dans notre pays qui se trouvera mise en cause. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Bref, le droit à la création, qui est fondamental, sera totalement subordonné à un certain nombre d'intérêts. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
En tout cas, l'architecte ne pourra pas être choisi indépendamment du constructeur : c'est écrit noir sur blanc dans le texte que vous semblez persister à vouloir voter, mes chers collègues.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que, en première lecture, vous avez fait voter un amendement permettant de veiller - c'est magnifique : on veille toujours, on n'arrête pas de veiller ! - aux bonnes conditions d'un accès équitable des architectes, des concepteurs, des PME et des artisans aux contrats ici visés. Or, dans le même temps, vous mettez en place un système tel qu'ils sont éliminés au départ ou qu'ils ne sont mis en concurrence que pour la forme. Cette précaution part d'un bon sentiment, mais elle est totalement inutile, car elle se heurte à la dure réalité de la loi que la majorité sénatoriale s'apprête à voter.
Voici ce que, en somme, vous dites à ces architectes, à ces concepteurs, à ces PME : « Le système vous exclut, mais nous veillerons avec soin aux conditions de votre participation. Vous ne pouvez en aucun cas emporter ces marchés, mais nous serons très vigilants quant à votre possibilité de concourir. Vous êtes hors jeu, mais, ne vous inquiétez pas, nous veillerons scrupuleusement à ce que les règles du jeu soient équitables. »
Mes chers collègues, si vous voulez défendre les architectes, les PME, l'équité et la morale publique en matière d'attribution de marchés publics, je vous le demande avec une certaine gravité, au nom du groupe socialiste : votez contre cet article 4 et, donc, contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste est bien évidemment favorable, dans le principe, à toutes les initiatives tendant à simplifier le droit.
Les citoyens demandent une telle simplification et leur requête en ce sens est on ne peut plus légitime. Il faut savoir les écouter et leur répondre.
Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, ce texte est « d'une ampleur sans précédent sous la Ve République ».
Etre ambitieux pour simplifier, c'est bien. Un recours trop large aux ordonnances est toutefois de nature à nous inquiéter. L'ampleur même de votre démarche nous conduit donc à émettre quelques réserves. Il nous semble que certains sujets auraient mérité une procédure parlementaire classique.
Je conserve, pour ma part, un souvenir très précis d'un précédent projet de loi visant à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Il s'agissait, à l'époque, de transcrire des directives communautaires et nous avions eu un débat sur le principe. Il nous était alors apparu que réformer le code de la mutualité ou traiter du financement des autoroutes, sujet qui est de nouveau d'actualité, étaient des questions suffisamment importantes pour mériter un vrai débat parlementaire et que, dès lors, la voie des ordonnances était trop rapide, risquant d'aboutir à des textes qui ne soient pas aussi riches, solides et durables qu'il était souhaitable.
Les interventions des orateurs précédents montrent que, s'agissant du code des marchés publics, nous sommes dans un cas de figure analogue et que, sur des sujets aussi sensibles, aussi lourds de conséquences, un vrai débat au Parlement reste tout à fait justifié, celui que nous avons ajourd'hui étant un peu superficiel, il faut que nous en soyons conscients.
Mme Danièle Pourtaud. Absolument !
M. Denis Badré. Je souhaiterais m'arrêter quelques instants sur l'article 4 du projet de loi, concernant l'élargissement du recours aux contrats globaux.
Le projet du Gouvernement n'est pas neutre et il inquiète le monde des petites entreprises du bâtiment ainsi que les architectes. On me répondra que les amendements qui ont été adoptés en première lecture garantissent la représentation de ces professions pour ce type de contrats, mais je crains que les précisions qui ont été apportées ne relèvent plus de l'effet d'annonce que d'une véritable prise en compte des dangers du recours aux contrats de partenariat public-privé.
C'est pourquoi, en première lecture, nous avions maintenu notre opposition à cet article et c'est pourquoi, aujourd'hui, je formule de nouveau devant notre assemblée, au nom du groupe de l'Union centriste, nos inquiétudes quant à l'avenir de la maîtrise d'oeuvre sur les marchés de travaux publics.
Je tiens maintenant à remercier nos rapporteurs, qui nous ont écoutés sur l'article 19 du projet de loi. Nous avions expliqué pourquoi nous souhaitions que le rapporteur de la commission des affaires sociales retire l'amendement qui supprimait la liberté offerte aux travailleurs non salariés non agricoles de choisir leur guichet unique pour l'ensemble des formalités et des paiements de cotisations et de contributions sociales dont ils sont redevables à titre personnel.
Loin de vouloir faire le jeu de tel ou tel organisme, nous avons défendu une telle position pour souligner l'importance de la négociation sociale dans le domaine agricole, comme en tous domaines. En effet, organiser le fonctionnement du nouveau dispositif nécessite, au préalable, une négociation entre les représentants des travailleurs indépendants, les organismes et le Gouvernement. Il s'agit simplement pour nous de préconiser avec insistance une méthodologie qui soit toujours favorable au dialogue social et aux partenaires sociaux.
Nous ne préconisons pas du tout un système laxiste ; nous cherchons à promouvoir, au contraire, un système qui permette la négociation, qui mette l'accent sur le dialogue social, qui soit ainsi susceptible de déboucher sur une solution simplifiant au maximum les règles de versement des contributions et des cotisations sociales.
Tels sont, brièvement traités, les points que je tenais à aborder au nom de mon groupe, à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi. Nous sommes, je le répète, favorables à la simplification du droit, mais nous considérons que l'article 38 de la Constitution ne devrait être mis en oeuvre que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : les mesures concernées revêtent véritablement un caractère urgent et l'on est sûr de pouvoir raisonnablement se passer d'un vrai débat au Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les 6 et 7 mai dernier, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont clairement exprimé leur désaccord avec ce projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, que nous examinions alors en première lecture.
Notre désaccord portait et continue de porter sur la méthode elle-même. Nous avons toujours critiqué l'article 38 de la Constitution, qui confère ce pouvoir exorbitant au Gouvernement.
Le 6 mai, mes amis Josiane Mathon et Roland Muzeau ont rappelé à quel point le Parlement se trouvait dessaisi de ses prérogatives. Du reste, certaines pratiques actuelles viennent encore aggraver ce dessaisissement, qu'il s'agisse de la conception qui est mise en oeuvre en matière de construction européenne, de la procédure d'urgence, d'un ordre du jour surchargé conduisant à travailler dans la précipitation, de la multiplication des votes conformes : tout cela contribue à transformer peu à peu l'Assemblée nationale et le Sénat en chambres d'enregistrement.
En tout cas, aujourd'hui comme hier, nous refusons le recours aux ordonnances comme mode de gouvernement. Nous nous y opposons tout particulièrement sur ce texte, qui revêt un caractère exceptionnel par le champ qu'il couvre. Cela a été dit, c'est la première fois sous la Ve République qu'une loi d'habilitation couvre un champ aussi vaste.
On continue de prétendre que ce texte répond à une nécessité pour accélérer la simplification administrative.
Tout le monde est évidemment favorable à la simplification de la vie de nos concitoyens. Qui pourrait ne pas la souhaiter ? D'ailleurs, il y a beaucoup à faire en la matière, notamment pour améliorer la lisibilité des lois, règlements, circulaires et procédures.
Mais trêve d'hypocrisie ! Comment ne pas voir, au travers de cet effet d'annonce, la volonté de « dégraisser » les effectifs de la fonction publique ? Cette expression n'est pas la mienne : elle est utilisée par ceux qui considèrent sans doute qu'il y a trop d'enseignants, trop d'agents hospitaliers, de fonctionnaires dans les services d'état civil des mairies ou ailleurs, alors qu'ils sont si utiles dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Alors, que les choses soient dites franchement, sans qu'il soit besoin de se cacher derrière une pseudo-simplification administrative !
En tout état de cause, le fait de simplifier les procédures n'implique en rien que le Gouvernement ait le pouvoir de légiférer à la place du Parlement. Cela n'a rien à voir !
Au demeurant, la simplification administrative ne constitue qu'un des aspects du présent projet de loi. Celui-ci comprend un nombre considérable de dispositions, dont beaucoup mériteraient un débat au Parlement.
La modification du code des marchés publics que vous préconisez, monsieur le secrétaire d'Etat, représente un véritable scandale et ouvre la voie à toutes les dérives, d'autres l'ont dit avant moi. J'ajouterai simplement qu'il s'agit d'un domaine extrêmement sensible, qui requiert la plus grande vigilance. On le sait, le décret que le Gouvernement s'apprête à prendre va en réalité supprimer la concurrence pour plus de 90 % des marchés publics. La presse s'est fait l'écho d'une amnistie larvée à l'égard d'affaires concernant des marchés passés. Vraiment, le Gouvernement choisit bien mal son moment pour faire voter une telle loi d'habilitation !
M. Hilaire Flandre. Cela ne changera rien !
Mme Nicole Borvo. Les questions concernant les marchés publics et le régime des appels d'offre doivent être débattues dans la plus grande transparence au Parlement.
Les PME tout comme les architectes sont inquiets, et ils ont bien raison de l'être ; ils demandent instamment au Gouvernement de surseoir au vote de ce texte, et il serait bien avisé, pour une fois, de les écouter !
D'autres thèmes aussi sensibles que le droit du travail, les licenciements, l'application des seuils d'effectifs, la régionalisation hospitalière sont concernés par ce projet de loi, et nous avons souligné avec force la nécessité d'un débat parlementaire sur tous ces points ; ce qui se passe dans notre pays rend cette nécessité encore plus criante.
Enfin, nous l'avons dit en première lecture, nous regrettons que la majorité sénatoriale ait si rapidement oublié les arguments qu'elle employait hier - sous une autre majorité bien entendu - à l'encontre d'un projet de loi d'habilitation présenté par le gouvernement de l'époque.
M. Jean-Claude Carle. Nous pourrions vous retourner l'argument !
Mme Nicole Borvo. Pour ce qui nous concerne, aujourd'hui, nous sommes absolument, comme nous l'étions hier, opposés aux ordonnances qui nous sont proposées et nous voterons donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord, au nom du Gouvernement, me féliciter que, à 95 %, ce texte visant à simplifier la vie de nos concitoyens recueille une très large adhésion au sein de votre assemblée.
M. Flandre a eu une expression tout à fait heureuse en parlant de « bouffée d'air frais ». Le Gouvernement a en effet, en matière de simplification, un programme très ambitieux, qu'il assume pleinement et qui est probablement sans précédent sous la Ve République puisque pas moins de trente lois et de quinze codes seront concernés.
Selon le Gouvernement, il ne sert pas à grand-chose de modifier à la marge un ou deux textes ici ou là, d'autant que, très souvent, le diable se cache dans les détails : on croit avoir réglé un problème en modifiant une circulaire ou un décret, mais on oublie que les dispositions de tel autre texte annulent la démarche de simplification, quand le résultat n'est pas une plus grande complexité !
Certains orateurs sont revenus sur la méthode. J'ai noté en particulier les réserves de M. Badré et celles de Mme Borvo sur le recours aux ordonnances. S'il en était besoin, l'intensité de nos discussions et le nombre d'amendements modifiant substantiellement le texte qui ont été acceptés par le Gouvernement montreraient qu'un débat sur une loi d'habilitation - même s'il n'en a pas toujours été ainsi dans le passé - permet aux parlementaires d'y apporter de considérables améliorations. Ce sont, en l'occurrence, plus de cent vingt amendements qui ont été votés et qui ont élargi notablement la portée du projet de loi.
Je me réjouis, bien entendu, que la majorité invite le Gouvernement à aller plus loin dans la simplification.
J'ajoute que l'article 38 de la Constitution est très clair : c'est le Parlement qui établit « la feuille de route », et le Gouvernement se doit de la respecter. Croyez bien que nous y veillerons scrupuleusement dans la mise au point des ordonnances. Au demeurant, la rédaction même des termes de la loi d'habilitation est suffisamment précise, me semble-t-il, pour apporter à ce sujet toutes les garanties nécessaires.
Je voudrais également remercier M. Badré d'avoir bien voulu noter que les amendements votés sur l'article 19 relatif au guichet unique aboutissent à une rédaction équilibrée en conciliant, d'une part, l'objet de l'article - la mise en oeuvre de ce guichet unique pour simplifier le recouvrement des cotisations - et, d'autre part, le libre choix des artisans, des commerçants et des indépendants, garant du dialogue social.
En effet, en matière de réforme administrative, le débat ne s'arrête pas au vote d'un texte, si important soit-il. Tout est affaire de mise en oeuvre et il faudra, à partir de ce texte, responsabiliser les administrations sur des objectifs en matière de délai en prenant, bien entendu, le temps nécessaire pour la concertation.
J'en arrive maintenant à l'article 4, qui a finalement occupé l'essentiel de nos débats. Il concerne la réforme de la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique et l'introduction du partenariat public-privé.
Sachez d'abord, monsieur Sueur, qu'au nom du Gouvernement je ne peux pas accepter cette forme de raccourci que vous pratiquez pour accréditer l'idée qu'à travers ce texte le Gouvernement faciliterait la corruption.
Vous avez eu des mots très forts et très polémiques. Pour rassurer ceux d'entre vous qui se préoccupent réellement de la rigueur en matière de marchés publics et du maintien des lois sur la concurrence, qui est évidemment l'objectif premier du Gouvernement, je voudrais donner lecture de la deuxième phrase de l'article 4 de la loi d'habilitation que vous allez voter : « Ces dispositions déterminent les règles de publicité et de mise en concurrence relatives au choix du ou des co-contractants, ainsi que les règles de transparence et de contrôle relatives aux modes de rémunération du ou des co-contractants, à la qualité des prestations et au respect des exigences du service public. »
C'est donc vous, monsieur Sueur, qui, en pratiquant l'amalgame, avez une approche idéologique de ces questions. La simplification ne consiste en rien à faciliter la corruption ! Je dirai même le contraire : plus vous complexifiez les textes, plus vous créez de l'opacité, plus vous facilitez la corruption !
M. Jean-Claude Carle. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Schosteck. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas sûr !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Aucune statistique ne corrobore le fait qu'un texte prémunisse contre la corruption. La seule prévention contre la corruption, c'est le contrôle vigilant des citoyens et la moralité des personnes publiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Cela veut dire que l'on n'a pas besoin de lois !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. La tentation permanente sur les travées de l'opposition de ceux qui arguent de la corruption, c'est de justifier une société du soupçon qui s'accompagne de textes législatifs toujours plus opaques et d'une extension toujours plus grande du champ de la loi et du règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes contre la loi et le règlement !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il existe sur ce point une vraie divergence entre nous !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la loi qui garantit contre la corruption !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Pour nous, c'est au contraire en responsabilisant les personnes publiques et en ayant une approche claire et simple des textes que nous arriverons à endiguer ce mal !
M. Jean-Pierre Sueur. Sans la loi, il n'y aura rien !
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous, vous avez besoin du droit !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. En revanche, j'ai été très sensible au plaidoyer vibrant prononcé par un expert reconnu, M. Alduy, en faveur des architectes.
Le Gouvernement sera attentif à ce que, lors de la rédaction de l'ordonnance, en collaboration avec mes collègues chargés de la culture et de l'urbanisme, soit mis en place un système équilibré permettant aux architectes d'être associés le plus en amont possible.
Mme Danièle Pourtaud. Les architectes ? Toujours les mêmes !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Vous l'avez dit : il est légitime, pour des équipements publics destinés avant tout à ceux qui en seront les principaux utilisateurs - les enseignants et les élèves pour ce qui concerne les écoles, les aides-soignants et les malades pour ce qui concerne les hôpitaux -, d'introduire des critères de maintenance le plus en amont possible. Mais cela, bien entendu, à condition que l'objectif soit la qualité des bâtiments publics. De ce point de vue, le Gouvernement partage votre combat.
Vous avez terminé sur ce cri : « Simplifiez, mais protégez l'architecture de nos cités ! » Je vous réponds que, précisément, nous simplifierons pour protéger l'architecture de nos cités.
Nous venons de connaître la semaine nationale du développement durable. Toutes les associations ont observé qu'à l'heure actuelle les critères d'économie d'énergie et de durabilité des bâtiments sont systématiquement sacrifiés lorsque l'on conçoit des bâtiments publics car les élus locaux, trop souvent, sont soumis à la dictature du moins-disant, c'est-à-dire à la dictature du court terme.
Mme Danièle Pourtaud. C'est faux !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il faut instaurer des paramètres qui permettent la prise en compte du long terme, pour permettre par exemple de choisir les systèmes économisant le mieux l'énergie sur la longue durée ou de minimiser les consommations d'eau.
Nous contribuerons à mener à bien ce combat pour la qualité des bâtiments publics...
Mme Danièle Pourtaud. Mais c'est faux !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... à la condition de prendre en compte les inquiétudes exprimées par les architectes et de faire en sorte qu'ils soient pleinement associés aux décisions.
Mme Danièle Pourtaud. Oh ! Mais quelle mauvaise foi !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. La noblesse du geste architectural est d'ailleurs garantie par la loi de programme du 28 décembre 1967 relative à la restauration des monuments historiques et à la protection des sites, à laquelle il n'est apporté aucune modification.
En ce qui concerne, enfin, le partenariat public-privé, le maître d'ouvrage restera souverain. Il ne s'agit que d'offrir la possibilité à la collectivité publique de passer contrat avec le privé, quand elle l'estime nécessaire, notamment pour des conditions tenant aux délais.
Peut-on se résigner aujourd'hui, en France, au fait qu'il faille souvent attendre près de dix ans pour réaliser une école, un hôpital, une prison ou encore un commissariat, une fois que la décision politique est prise ? Vous avez d'ailleurs déjà voté ces dérogations dans la loi pour la sécurité intérieure, s'agissant des commissariats, ou dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice pour ce qui concerne les tribunaux. Mais cela vaut également pour tout bâtiment public !
Je voudrais insister maintenant sur le maintien du système permettant à une personne publique de passer contact avec une personne privée, y compris avec des paiements différés sur une longue durée. Cela existe déjà dans notre droit, puisque c'est le système traditionnel de la concession de service public, qui fonctionne très bien, car la collectivité publique conserve la maîtrise du cahier des charges et des critères à appliquer. Il s'agit simplement d'étendre ce système, car les architectes, les artisans, les petites entreprises doivent naturellement y être associés.
Je veux par ailleurs remercier le Sénat d'avoir enrichi d'une manière importante le projet de loi, en exigeant notamment que l'ordonnance prévoie les conditions nécessaires pour que les architectes, les concepteurs, les petites et moyennes entreprises et les artisans aient accès d'une manière équitable au contrat.
Je crois que nous sommes parvenus à une rédaction équilibrée, absente de toute idéologie, qui permet de simplifier le service public tout en garantissant son efficacité. C'est là l'exemple même de la démarche que suit le Gouvernement pour réformer l'Etat : partir des préoccupations des fonctionnaires de terrain, des acteurs, des élus locaux, tout en leur faisant confiance et en libérant leurs énergies, pour élaborer un texte, car nous croyons à un service public moderne, capable de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
M. le président. « Article 24. - I et II. - Non modifiés.
« III. - Le code de l'environnement est ainsi modifié :
« 1° à 13°. - Non modifiés.
« 13° bis. - Supprimé.
« 14° à 16° septies. - Non modifiés.
« III bis. - Supprimé.
« IV. - Non modifié.
« V. - L'article 6 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive et la loi n° 2001-153 du 19 février 2001 tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer sont abrogés. »
Je mets aux voix l'article 24.
(L'article 24 est adopté.)
M. le président. « Art. 28. Les ordonnances doivent être prises dans les délais suivants :
« 1° Dans les six mois suivant la publication de la présente loi pour celles qui sont prises en application de l'article 25 ;
« 2° Dans les douze mois suivant la publication de la présente loi pour celles qui sont prises en application des articles 1er à 22 ter et des 1° et 2° de l'article 26 ;
« 3° Dans les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi pour celles qui sont prises en application des 3° et 4° de l'article 26 et de l'article 27.
« Pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication. » - (Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi d'habilitation ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi d'habilitation.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une de la commission et l'autre du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées à l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
163313285143171114 Le Sénat a adopté définitivement.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON,
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 11 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse (n° 300, 2002-2003).
Jeudi 12 juin 2003 :
A 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Conclusions de la commission des lois (n° 333, 2002-2003) sur la proposition de loi organique de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et de plusieurs de leurs collègues portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs, ainsi que de la composition du Sénat (n° 312, 2002-2003) ;
2° Conclusions de la commission des lois (n° 334, 2002-2003) sur la proposition de loi, déposée par MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et de plusieurs de leurs collègues portant réforme de l'élection des sénateurs (n° 313, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a décidé :
- que les conclusions sur ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune ;
- d'attribuer un temps de parole spécifique de dix minutes au représentant de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- de fixer à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
- de fixer au mercredi 11 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 11 juin 2003 ;
A 15 heures et le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures ;
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 16 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et le soir :
Projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 336, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au vendredi 13 juin 2003, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 13 juin 2003.
Mardi 17 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 11 heures :
1° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) (n° 183, 2002-2003) ;
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud (n° 235, 2002-2003) ;
3° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) (n° 184, 2002-2003) ;
4° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) (n° 185, 2002-2003) ;
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève (n° 221, 2002-2003) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe) (n° 246, 2002-2003) ;
7° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (n° 256, 2002-2003) ;
8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (n° 257, 2002-2003) ;
9° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres) (n° 258, 2002-2003) ;
10° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 259, 2002-2003) ;
A 16 heures et le soir :
11° Projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (n° 320, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 juin 2003.
Mercredi 18 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
1° Eventuellement, suite du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive ;
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications, pour l'initiative économique (n° 338, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 17 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 17 juin 2003.
Jeudi 19 juin 2003 :
Ordre du jour réservé
A 9 h 30 :
1° Question orale avec débat n° 18 de M. Jean Bizet à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les organismes génétiquement modifiés ;
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 18 juin 2003 ;
L'ordre du jour des séances du lundi 23 juin au jeudi 26 juin 2003 sera aménagé par la conférence des présidents lors de sa prochaine réunion.
Lundi 30 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant réforme des retraites (urgence déclarée) (A.N., n° 885) ;
Les modalités de discussion de ce texte seront déterminées ultérieurement.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
« Signé : Jean-Pierre Raffarin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat avait saisi, le 23 mai 2003, M. le Premier ministre d'une demande de consultation de l'Assemblée de la Polynésie française, du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, du Conseil général de Mayotte et du Conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon sur la proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat (n° 312, 2002-2003) et sur la proposition de loi portant réforme de l'élection des sénateurs (n° 313, 2002-2003).
M. le président a reçu de M. le Premier ministre, par lettre en date du 10 juin 2003, un avis de consultation de ces assemblées sur ces propositions de loi. Cette communication comprend en outre l'avis du Conseil général de Mayotte sur ces textes.
Acte est donné de cette communication.
Ces documents ont été transmis à la commission compétente.
CHASSE
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 300, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse. [Rapport n° 326 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui a été adopté en conseil des ministres le 26 mars 2003. L'Assemblée nationale l'a examiné en première lecture les 13 et 14 mai. Il traduit les principes qui guident mon action à la tête du ministère de l'écologie et du développement durable : sécurité, transparence et participation.
Appliqués à la gestion de la faune sauvage et à la pratique de la chasse, ces principes se déclinent selon quatre axes : donner à notre action une assise scientifique incontestable ; responsabiliser les acteurs et donner davantage de proximité à nos décisions et à notre action ; clarifier et simplifier la réglementation pour en faciliter la compréhension et rendre plus lisible notre politique ; enfin, restaurer la confiance entre les acteurs, chasseurs et non-chasseurs, et les pouvoirs publics.
Les fondements de cette politique ont été tracés par M. le Président de la République dans le discours sur le développement des territoires qu'il a prononcé à Ussel le 13 avril et par le Premier ministre dans la déclaration de politique générale qu'il a présentée devant vous le 3 juillet dernier. J'ai pu développer ma vision, mon programme et mon calendrier de travail lors du débat organisé le 11 février dernier à l'Assemblée nationale.
La concertation a été élargie et enrichie, ce qui a permis d'avancer dans la voie des réformes annoncées. J'en rappellerai les principales étapes.
L'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats a été installé. Son organisation et sa composition ont été précisées par l'arrêté que j'ai publié le 15 février.
Son conseil scientifique, composé de onze scientifiques reconnus proposés par les principaux partenaires de l'Observatoire que sont les chasseurs et les institutions scientifiques et naturalistes et désignés par moi-même, a commencé son travail.
Un programme a été décidé. Il porte notamment sur la connaissance des populations d'oiseaux migrateurs et de leurs habitats.
J'attends de cet observatoire qu'il me fournisse des données validées, issues des observations de terrain, qui me permettent, dans quelques semaines, de fixer des périodes de chasse scientifiquement fondées et incontestables. (M. Jean-Louis Carrère manifeste son scepticisme.)
Je lui ai demandé en particulier de travailler à une régionalisation des données, compte tenu de la diversité des situations observées sur le terrain. C'est la raison pour laquelle je ne vous propose pas de fixer les dates de chasse dans la loi.
La question a été longuement débattue à l'Assemblée nationale, qui a confirmé cette position : nos lois, comme les directives européennes, doivent établir les fondements et les principes ; mais il ne leur appartient pas de fixer des dates qui répondent davantage aux lois de la nature, aux fluctuations de la météorologie et à la dynamique propre des populations d'oiseaux. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
Il nous faut en outre sortir de la logique exclusive de gestion des populations par les périodes de chasse pour revenir à une véritable logique de gestion intégrée des territoires et des populations. Cela passe par une connaissance des populations au minimum à l'échelle européenne, mais plus judicieusement à l'échelle de ce que les spécialistes appellent la « zone du paléarctique occidental » et qui correspond à l'ensemble de l'aire colonisée par les espèces migratrices concernées.
Par ses travaux, l'Observatoire contribuera à donner à notre action et à nos décisions une assise scientifique incontestable, ce qui est le premier principe de mon action.
S'agissant du deuxième principe - responsabiliser les acteurs et donner davantage de proximité à nos décisions et à notre action -, le projet de loi dont vous avez à débattre contribue pleinement à son application, j'y reviendrai dans quelques instants lors de la présentation du texte lui-même.
Le troisième principe guidant mon action à la tête de ce ministère consiste à simplifier et à clarifier la réglementation. Un groupe de travail réunissant des spécialistes appelés à rédiger ou à appliquer les textes relatifs à la chasse a été constitué. Le Sénat y est associé.
Ce groupe s'est attaché à proposer des simplifications concernant la pratique quotidienne de la chasse. Un premier rapport d'étape vient de m'être remis. Ses propositions seront intégrées au prochain projet de loi sur la ruralité ou, plus directement, traduites en textes réglementaires.
Enfin, il nous fallait restaurer la confiance entre les chasseurs et les pouvoirs publics. Après s'être détournés de leur ministère de tutelle - et on peut les comprendre -, les représentants des chasseurs ont repris leur place parmi les associations et les institutions reçues avenue de Ségur. Les rencontres régulières, les nombreuses réunions de travail nécessaires à l'élaboration de cette loi, témoignent de la normalisation de la situation.
M. Jean-Louis Carrère. Mais rien n'a changé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis d'ailleurs étonnée du fort décalage qui existe entre le discours critique que certains s'emploient à maintenir à l'échelon national et la qualité de l'accueil, la cordialité que je constate lors de mes rencontres avec les chasseurs ou leurs représentants.
MM. Gérard César et M. Michel Doublet. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai déjà dénoncé ceux qui ont intérêt à exacerber les crispations et à attiser les conflits. Il convient, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas entrer dans leur jeu.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Pourtant, vous vous y employez !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. S'agissant du conflit qui a opposé les fédérations et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, un médiateur a été désigné pour régler à l'amiable la situation complexe issue des contentieux croisés concernant les frais de garderie et les excédents de réserves des fédérations.
Au-delà de cette médiation, un travail en profondeur doit être conduit afin de tracer de vraies perspectives pour l'ONCFS et de rétablir la confiance indispensable entre les institutions de la chasse.
Cette chasse vivante et vigoureuse que j'appelle de mes voeux sera d'autant mieux comprise et respectée de l'ensemble de nos compatriotes qu'elle s'ouvrira et s'adaptera. L'avenir de la chasse appartient aux chasseurs, mais il n'appartient pas aux seuls chasseurs. Ces derniers ne doivent pas s'isoler dans leurs propres institutions ; ils doivent au contraire participer au débat concernant les territoires, les habitats et la faune sauvage, et se tourner vers les autres acteurs de l'espace naturel.
Le projet de loi qui vous est proposé aujourd'hui constitue l'une des étapes législatives relatives à la chasse.
La première étape a été franchie avec la loi d'habilitation qui vient d'être définitivement adoptée, dont l'article 9 autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance portant sur la mise en place du guichet unique pour la validation annuelle du permis de chasser.
Cette mesure de simplification administrative pourra être mise en oeuvre dès cette année par les fédérations qui le souhaitent. Elle simplifiera sensiblement les démarches que doivent effectuer les chasseurs. Je constate d'ailleurs que certaines fédérations ont d'ores et déjà mis le dispositif en place, à la très grande satisfaction de leurs adhérents.
La prochaine étape sera la loi sur la ruralité, qui comportera un chapitre sur la chasse et traitera plus particulièrement de la protection des territoires et des habitats, c'est-à-dire les zones humides et les haies ; des plans de gestion cynégétique, notamment des schémas départementaux de gestion cynégétique ; de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, et plus particulièrement du système d'indemnisation des dégâts de grands gibiers aux cultures, auquel nous travaillons en liaison avec les services du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; de la pratique de la chasse, avec notamment les propositions du groupe d'étude que je viens d'évoquer.
Enfin, en 2004 pourront de nouveau figurer dans la loi, grâce à un texte portant sur le patrimoine naturel, des mesures intéressant la pratique de la chasse et la gestion des espèces et de leurs habitats. Je pense notamment à la réflexion que nous avons engagée sur le statut des espèces et à la notion de bête fauve ou de nuisible.
Vous le voyez, si la tâche est ambitieuse, le calendrier législatif nous donne les moyens de l'inscrire dans la durée et nous permet d'aborder les questions relatives à la chasse de façon échelonnée, en traitant les sujets selon les grandes thématiques et au fur et à mesure de l'avancement des travaux et des consultations - car je veux respecter la concertation.
Il suppose, en contrepartie, de ne pas vouloir traiter toutes les questions simultanément.
Le nombre d'amendements déposés lors de l'examen à l'Assemblée nationale témoigne - et, là encore, on peut le comprendre - d'une certaine impatience à voir régler toutes ces questions sans délai.
Les députés, dans leur grande sagesse, ont souhaité que le Gouvernement puisse achever la concertation sur ces questions afin d'être en mesure de présenter de façon globale et cohérente lors de l'examen du projet de loi sur la ruralité.
Votre commission des affaires économiques, sur proposition de son rapporteur, M. Ladislas Poniatowski - je tiens à le remercier tout particulièrement -, a fait preuve de la même modération.
Je peux vous assurer que l'ensemble des thèmes que je viens d'évoquer figure bien dans le projet de texte qui est actuellement soumis aux discussions interministérielles et à la concertation.
Par ailleurs, le travail sur les textes réglementaires se poursuit, tant pour préparer les textes d'application de la loi que nous examinons aujourd'hui - ces textes vous ont été communiqués dans un souci de transparence - que pour adopter d'autres dispositions qui ne relèvent pas du domaine législatif.
J'en viens maintenant au projet de loi lui-même, dont je souhaite tout d'abord vous présenter l'économie générale.
S'il ne comporte qu'une trentaine d'articles, le texte n'en a pas moins nécessité un long travail préparatoire, tant avec les représentants des chasseurs, au premier rang desquels la Fédération nationale des chasseurs, qu'avec les parlementaires, en particulier avec ceux d'entre vous qui, membres du groupe d'étude sur la chasse, ont été très présents lors de sa rédaction.
Je voudrais les en remercier, et tout spécialement Ladislas Poniatowski, président du groupe d'étude sur la chasse et rapporteur du projet de loi. Je souhaite également associer à mes remerciements M. Gérard Larcher, dont chacun apprécie la très grande connaissance du dossier... (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Et de la pratique !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et de la pratique, et qui m'a toujours aidée de ses précieux conseils.
Le projet de loi a également été présenté aux différentes instances de conseil de mon ministère et aux associations de protection de la nature.
Deux thèmes principaux y sont abordés : la pratique de la chasse, avec l'abrogation du mercredi sans chasse, et la réforme des statuts des fédérations des chasseurs.
Je le sais, cette dernière réforme n'est sans doute pas la plus attendue par les chasseurs, car elle ne concerne pas leur pratique quotidienne. C'est pourtant celle par laquelle il m'a semblé judicieux de commencer, parce que les fédérations assument une responsabilité importante et qu'il convient de restaurer la confiance en supprimant un ensemble de dispositions contraignantes, considérées à juste titre comme vexatoires, issues de la loi « chasse » du 26 juillet 2000.
Le statut des fédérations est traité de l'article 1er à l'article 13 du projet de loi. Les mesures proposées rappellent le statut associatif des fédérations, précisent les différentes catégories d'adhérents et adaptent le mode de scrutin. Sans remettre en question la participation de tous les chasseurs adhérents aux fédérations, j'ai souhaité rendre une place aux associations intermédiaires qui organisent la chasse au plus près du terrain et participent à la gestion des territoires.
Par ailleurs, les conditions de représentation sont assouplies, afin de faciliter l'organisation des assemblées générales : les statuts types feront passer de dix à cinquante le nombre de pouvoirs pouvant être confiés à un adhérent.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est plus un homme, une voix !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le projet de loi allège sensiblement les contrôles parfois redondants et rend aux assemblées générales la pleine responsabilité de fixer le niveau des cotisations en fonction des projets et des missions des fédérations.
M. Jean-Louis Carrère. Ça sent la « magouille » !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Un amendement de l'Assemblée nationale est venu modidier le projet du Gouvernement, qui instituait un contrôle a priori limité à deux missions d'intérêt général identifiées - l'indemnisation des dégâts de gibier et la formation à l'examen du permis de chasse - et permettait au préfet d'agir rapidement pour éviter tout risque de blocage de la fédération.
Je ne suis pas certaine que la procédure qui résulte de cet amendement ne mette pas en difficulté certaines fédérations et, par conséquent, les bénéficiaires de ces missions d'intérêt général, les agriculteurs notamment, en raison des délais trop longs de mise en oeuvre d'une ou de deux solutions ; nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Enfin, le projet de loi soumet chaque fédération au contrôle d'un commissaire aux comptes, qu'elle choisit parmi ceux qui sont agréés.
Les réformes que nous vous proposons rétablissent un juste équilibre entre, d'une part, l'indispensable confiance qu'il convient d'accorder à des associations dont les instances délibératives doivent pleinement jouer leur rôle et, d'autre part, les contrôles nécessaires qui permettent à l'Etat de s'assurer que les missions d'intérêt général confiées aux fédérations ont été correctement menées.
L'article 14 du projet de loi concerne le statut des associations communales de chasse agréées, les ACCA. Celles-ci doivent intégrer à leurs statuts des clauses obligatoires prévues par décret en Conseil d'Etat. Or cette disposition réglementaire - il s'agit de l'article R. 222-63 du code rural - n'a pas de fondement légal. Tel est l'objet de cet article.
L'article 15 traite du fichier national des permis de chasser, qui a été créé par la loi du 26 juillet 2000. Ce fichier est géré par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Il sera élargi à la validation du permis de chasser. En effet, cela permettra d'actualiser ce fichier chaque année en fonction des validations annuelles. Cette mesure accompagne la mise en place du guichet unique et permet aux fédérations de s'assurer que le chasseur qui demande la validation de son permis n'est pas frappé d'une mesure de suspension dans un autre département.
Un amendement des députés a prévu la transmission de ce fichier à la Fédération nationale des chasseurs. Je n'y vois aucun inconvénient, mais je consulte la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, pour savoir si les informations contenues dans ce fichier peuvent être intégralement mises à la disposition d'une association.
L'article 16 traite de l'abrogation du mercredi sans chasse. Un observateur extérieur pourrait avoir le sentiment que le débat sur la chasse en France se résume à ce fameux « mercredi ». Cette question est, certes, devenue un symbole, car on n'a pas su, ou pas voulu, la traiter comme elle devait être traitée. Elle est en tout cas emblématique de l'extrême complexité juridique du dossier.
La mesure d'interdiction générale de la chasse le mercredi est issue de la loi du 26 juillet 2000. Elle ne correspond d'ailleurs pas au projet initial débattu au Parlement, qui prévoyait la possibilité d'en fixer le jour sur le plan local au regard des circonstances, à défaut du mercredi.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est exact !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'interdiction du mercredi, vous le savez, repose sur un malentendu : le partage de l'espace comme moyen de régler les questions relatives à la sécurité de la chasse.
Par ailleurs, elle laisse penser que la chasse est une activité dangereuse pour les non-chasseurs, ce qui est très exagéré et particulièrement faux si on la compare à d'autres activités sportives pouvant impliquer des personnes extérieures.
Depuis des décennies, l'amélioration constante de la sécurité des chasseurs, comme de celle des non-chasseurs, tient davantage à l'instauration d'un examen pour le permis de chasser - lequel sera assorti, à partir de cette année, d'une épreuve pratique sur la sécurité -, aux consignes données par les responsables de chasses ou à l'information apportée sur le terrain lors des chasses qu'à une interdiction de la chasse tel ou tel jour de la semaine.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les dispositions de la loi du 26 juillet 2000 n'ont d'ailleurs eu aucun effet sur les statistiques d'accidents de chasse mettant en cause les non-chasseurs.
En revanche, cette mesure rigide s'est traduite par un recul. Avant son adoption, les préfets avaient instauré, dans une majorité de départements, et à la demande de la fédération départementale des chasseurs, un à plusieurs jours sans chasse. Le fait d'imposer le mercredi a incité les fédérations à ne pas demander d'autres jours, si bien que, dans bon nombre de départements, on est passé de deux voire quatre jours sans chasse à la seule journée du mercredi.
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tous voté ainsi !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le porte-parole de l'une des principales fédérations régionales de protection de la nature n'avait-il pas lui-même qualifié cette interdiction du mercredi comme « une petite supercherie, car déjà, dans la plupart des départements existe un jour sans chasse » ?
Rendons à chaque territoire sa vocation première, sans atteinte au droit de propriété, tout en respectant le principe d'ouverture et d'accueil propre à notre pays. Il n'est pas de territoire façonné et entretenu par l'homme qui n'appartienne à quelqu'un. Pour autant, dans le respect de la propriété, des récoltes et des usages locaux, ces territoires sont généralement ouverts à tous. D'ailleurs, dans les forêts publiques ou les territoires à vocation d'accueil du public, l'usage est que l'on ne chasse pas les jours de forte fréquentation. C'est ainsi que l'Etat, dans ses forêts domaniales, fixe non pas les jours sans chasse, mais, au contraire, le ou les jours hebdomadaires de chasse, lesquels font l'objet d'une publicité.
Dans le cahier des clauses générales pour la location de la chasse, l'Office national de forêts précise, dans son article 27, que, dans les forêts domaniales très fréquentées certains jours de la semaine, notamment les samedis, dimanches et jours fériés, la chasse à tir est interdite.
C'est pourquoi, dans le respect du droit de la propriété, je souhaite rendre l'initiative aux acteurs de terrain, afin qu'ils parviennent à des solutions concertées et adaptées aux situations locales, aux vocations des territoires concernés et aux pratiques de nature.
Je vous sais partagés sur ce sujet. Certains d'entre vous souhaitent l'abrogation pure et simple de cette mesure ; d'autres, conscients des difficultés, préconisent un simple aménagement.
Le projet de loi voté en première lecture par les députés a le mérite de la clarté : il abroge, dès cette saison de chasse, l'interdiction nationale du mercredi et rétablit le dispositif antérieur à la loi de 2000 en rendant l'initiative aux fédérations pour proposer aux préfets un ou plusieurs jours sans chasse à tir.
Je ne peux cependant vous cacher les interrogations que cette solution n'a pas manqué de susciter auprès de certains d'entre vous, et même auprès de nombreux présidents de fédérations et de chasseurs.
Le Gouvernement, en effet, préconisait une solution équilibrée entre les souhaits légitimes des chasseurs et une demande sociale croissante. Le choix d'une déconcentration sur le terrain, résultant d'une concertation avec l'ensemble des acteurs locaux, répondait à cet objectif. La loi lui donnait un fondement juridique solide et permettait d'en préciser les conditions, en encadrant les décisions des préfets.
La solution finalement retenue est, je ne vous le cache pas, juridiquement fragile et ne nous met pas à l'abri de contentieux. Elle tend à faire croire que l'on chasse sur le territoire tous les jours, ce qui est faux, vous le savez bien, et correspond à l'image donnée par les chasseurs.
Si le texte voté à l'Assemblée nationale donne satisfaction à court terme, il ne contribue pas à faciliter l'indispensable travail de reconquête de l'opinion par les chasseurs.
Nous aurons l'occasion d'en discuter plus longuement lors de l'examen des articles, mais je n'exclus pas que nous ayons, hélas ! à rouvrir ce dossier d'ici à quelque temps.
L'article 17 concerne le déplacement des hutteaux. Cette mesure de simplification permet de prendre en compte le caractère particulier de ces postes fixes qui ne sont installés que pendant l'action de chasse.
Quelques articles ont été ajoutés en première lecture à l'Assemblée nationale. Je citerai, en particulier, le dépôt par le Gouvernement d'un rapport présentant ses initiatives européennes visant à résorber les difficultés d'application de la trop célèbre directive Oiseaux du 2 avril 1979, ainsi que la ratification de l'accord AEWA - African-Eurasian water bird Agreement - sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie, ou encore la chasse de nuit du gibier d'eau.
En outre, trois amendement ont été acceptés par le Gouvernement, sur lesquels je ne reviendrai pas, si ce n'est pour évoquer la liste de ces départements concernés par la chasse de nuit. Il apparaît, en effet, que l'un des départements, la Vendée, ne pratiquait pas ce mode de chasse traditionnelle et que les chasseurs eux-mêmes, représentés par leur fédération, n'ont pas souhaité cette extension. Nous en avons discuté longuement avec M. le rapporteur. Je vous présenterai donc un amendement à cet égard lors de la discussion des articles.
L'article 18, également ajouté par voie d'amendement, permet le tir de nuit du sanglier dans les trois départements de droit local, d'Alsace et de Moselle. Il correspond à une pratique propre à ces territoires et doit permettre, en complément d'autres mesures de gestion des populations de sangliers, de mieux répondre aux préoccupations du monde agricole face aux dégâts de plus en plus importants que commettent les sangliers sur les cultures.
M. Roland du Luart. Il ne faut pas oublier les renards !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce projet de loi n'a pas la prétention de régler tous les problèmes de la chasse : beaucoup sont d'ordre réglementaire ou relèvent de l'initiative des chasseurs eux-mêmes. Il favorise cette initiative, il est un signe de confiance qui permet aux chasseurs de s'affirmer pleinement comme acteurs de l'espace rural et d'apporter une contribution significative à la connaissance et au maintien de la biodiversité.
C'est ainsi que la chasse et les chasseurs doivent être perçus par la société. C'est en tout cas ainsi que je les perçois.
Ce texte répond à ma double préoccupation de maintenir dans notre pays une chasse vivante, démocratique et durable et d'assurer la préservation et la gestion d'une faune sauvage et des habitats menacés par l'urbanisation, la pollution et certaines pratiques agricoles.
Cette nouvelle vision de la chasse s'appuie sur ce qui fonde l'action de notre gouvernement : responsabilité, décentralisation, développement durable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi relatif à la chasse soumis aujourd'hui à notre examen doit être replacé dans un objectif plus large affiché par le Gouvernement et que nous soutenons très largement, à savoir restaurer un climat de confiance et de concertation avec le monde de la chasse pour conforter et légitimer durablement une chasse démocratique et populaire.
Dès l'installation du nouveau gouvernement, sénateurs et députés, membres des groupes d'étude « chasse » des deux assemblées, nous nous sommes fait l'écho auprès du Premier ministre et de vous-même, madame la ministre, des inquiétudes légitimes des chasseurs, qui restaient profondément marqués par le contexte de suspicion et de défiance résultant du contenu de la loi du 26 juillet 2000 et des conditions dans lesquelles ce texte avait été préparé et adopté.
Sur notre initiative, plusieurs réunions de travail ont été organisées pour jeter les bases d'une véritable politique de la chasse. Et, lors du débat sur la chasse organisé le 11 février dernier à l'Assemblée nationale, les principes de l'action gouvernementale, auxquels j'adhère totalement, ont été clairement énoncés.
Il s'agit, d'abord, de rechercher prioritairement une assise scientifique incontestable, notamment pour les périodes de chasse aux oiseaux migrateurs.
Il s'agit, ensuite, de responsabiliser les acteurs que sont les fédérations départementales de chasseurs et d'agir au plus près du terrain, afin d'encourager une gestion efficace de la chasse.
Il s'agit également de simplifier la réglementation, de façon à faciliter la pratique quotidienne de la chasse.
Il s'agit, enfin, de restaurer la confiance entre les différents acteurs, notamment entre les chasseurs et les pouvoirs publics.
En matière législative, le plan d'action proposé se décline en trois étapes au travers de trois textes.
Dans le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, deux dispositions concernant la chasse étaient très attendues. Le Gouvernement est désormais habilité à prendre des ordonnances, d'une part, pour simplifier les procédures de validation du permis de chasser en instaurant, sur la base du volontariat, le guichet unique dans les fédérations départementales des chasseurs et, d'autre part, pour moderniser la procédure d'adjudication des droits de chasse dans les forêts domaniales.
La deuxième étape s'incarne dans ce projet de loi, sur lequel je reviendrai plus en détail, qui réforme deux mesures très symboliques de la loi du 26 juillet 2000, en replaçant le fonctionnement des fédérations de chasseurs dans le droit commun associatif et en supprimant la disposition emblématique du mercredi, jour de non-chasse.
La troisième étape - que vous avez rappelée longuement, madame la ministre, et je vous en remercie -, est prévue à l'automne, dans le cadre du projet de loi relatif aux affaires rurales en cours de préparation et dans lequel des mesures plus spécifiques concerneront les territoires, l'organisation et la pratique de la chasse, l'indemnisation des dégâts de gibier - j'insiste sur ce point, car certains amendements aborderont ce sujet et Mme la ministre et moi-même appellerons leurs auteurs à attendre l'examen dudit projet de loi - mais aussi la clarification des missions, du fonctionnement et du financement de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Je rappelle également que, sur proposition du Sénat, le Parlement avait voté la suppression du timbre « gibier d'eau » en juillet dernier. Parallèlement, des mesures réglementaires ont d'ores et déjà été prises et d'autres font l'objet d'un examen approfondi.
Je souligne, pour m'en féliciter, la création de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats, par décret du 17 juillet 2002. La mise en place de cet organisme répond au voeu du Premier ministre, rappelé dans sa déclaration de politique générale, qui souhaite « fonder la gestion de la faune sauvage et des espèces sur des données scientifiques établies et partagées ».
On peut, à ce sujet, regretter que l'organisation et la composition de cet observatoire aient pris un peu de temps et que son programme de travail pour 2003 n'ait été réellement arrêté qu'en avril dernier.
Il est impératif que les travaux que l'observatoire va conduire en mobilisant un vaste réseau d'experts nous permettent, notamment, de sortir des contentieux incessants sur les dates de chasse, en mettant à disposition des données scientifiques fiables et reconnues par l'ensemble de la communauté scientifique, sur les plans national et communautaire.
En effet, et au-delà du cadre législatif et réglementaire que je viens d'évoquer, je souhaite insister sur l'importance qu'il y a à engager une négociation européenne permanente, afin d'obtenir une interprétation ou une modulation de la directive Oiseaux du 2 avril 1979, pourquoi pas au travers d'une relecture de la directive Habitat de 1992...
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont les copains de l'UMP !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, c'est une bonne stratégie !
... se traduisant par des résultats tangibles à moyen et long terme pour les chasseurs d'oiseaux migrateurs. Il serait, en effet, malhonnête de laisser croire que des résultats immédiats peuvent être obtenus, notamment pour la période de chasse 2003-2004.
M. Jean-Louis Carrère. Tiens, tiens !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les avancées toutes relatives obtenues par le Gouvernement pour la campagne 2002-2003 le démontrent aisément.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La lecture très restrictive que fait le Conseil d'Etat de la directive Oiseaux dans ses arrêts successifs équivaut à autant de coups de massue sur la tête des chasseurs d'oiseaux migrateurs.
M. Jean-Louis Carrère. Il fallait le lui dire !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un organisme indépendant, monsieur Carrère !
M. Jean Chérioux. Cela les gêne !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un combat long et difficile, d'autant que la Cour de justice des Communautés européennes semble vouloir conforter son interprétation restrictive de la directive Oiseaux. J'en veux pour preuve les conclusions de l'avocat général, rendues le 6 mai dernier, sur le renvoi préjudiciel formé par le Conseil d'Etat à l'occasion d'un recours en annulation contre le décret du 1er août 2000 relatif aux dates de chasse aux oiseaux d'eau et au gibier de passage. L'interprétation qu'il propose des dérogations accordées au titre de l'article 9 est très restrictive.
Mais cela ne doit pas nous dissuader d'agir et il faut que le Gouvernement fasse preuve, à cet égard, d'une volonté politique forte, inscrite dans la durée, pour inverser la tendance et obtenir des résultats significatifs à propos des périodes de chasse. L'Observatoire national de la chasse et de la faune sauvage constitue l'un des outils indispensables pour conduire cette politique.
C'est pourquoi, mes chers collègues, vous ne trouverez ni dans le projet de loi ni dans les amendements déposés par la commission des affaires économiques de propositions de dates de chasse, car cela ne s'inscrirait pas dans cette stratégie à long terme que je défends.
M. Roland Courteau. C'est nouveau !
M. Jean-Louis Carrère. Il en a fallu du temps !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'en viens maintenant au contenu du projet de loi tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale.
Initialement composé de dix-sept articles, ce texte en comporte désormais vingt-huit.
S'agissant du projet de loi lui-même, une première série de dispositions tend à responsabiliser les fédérations des chasseurs gestionnaires de la chasse, en rétablissant notamment un régime simplifié de droit commun associatif en ce qui concerne leur fonctionnement et leur contrôle.
L'article 4, sans remettre en cause le principe démocratique « un chasseur, une voix », restaure l'expression des gestionnaires de territoires de chasse adhérents de la fédération. Il s'agit de reconnaître le rôle irremplaçable du niveau intermédiaire de représentation des chasseurs, notamment celui des associations communales de chasse agréées.
Cet article, complété par les statuts, détermine les règles de procuration, le système proposé étant équilibré : par le jeu des procurations, un adhérent chasseur peut disposer de cinquante voix au maximum et un territoire adhérent de cinquante voix au maximum au titre de la superficie de son territoire.
M. Jean-Louis Carrère. Est-ce qu'on le fera pour les élections sénatoriales ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les articles 5 à 8 allègent notablement les contrôles exercés par le préfet sur le budget de la fédération départementale en les limitant aux dépenses liées à l'indemnisation des dégâts de gibier et à la formation à l'examen du permis de chasser.
A l'inverse, chaque fédération est soumise au contrôle d'un commissaire aux comptes, qu'elle choisit. Si ce dernier constate que la continuité de l'activité de la fédération risque d'être compromise, une procédure propre au droit associatif est mise en oeuvre et le préfet en est tenu informé.
Enfin, et par voie de conséquence, le contrôle économique et financier de l'Etat est supprimé.
L'article 9 soumet les deux fédérations interdépartementales aux mêmes dispositions que les fédérations départementales. Je vous soumettrai cependant un amendement prenant en compte la spécificité de la fédération interdépartementale de Paris.
En ce qui concerne la fédération nationale des chasseurs, l'article 11 précise que son président, comme dans toutes les associations, est élu par son conseil d'administration.
Dans le souci de responsabiliser les fédérations départementales, la fédération ne fixe plus le montant maximum des cotisations dues par les chasseurs aux fédérations et le plafond fixé par décret en Conseil d'Etat est supprimé. Il s'agit de prendre en compte, d'une fédération à l'autre, la très grande variabilité des sommes en jeu, notamment au titre de l'indemnisation des dégâts de gibier.
Enfin, on peut indiquer que les contrôles auxquels est assujettie la fédération nationale sont simplifiés, comme pour les fédérations départementales.
Mes chers collègues, sur ces différents points, l'Assemblée nationale a apporté des précisions utiles qu'il convient globalement de conserver. Elle a néanmoins modifié les règles permettant au préfet pour les fédérations départementales et au ministre chargé de la chasse pour la fédération nationale d'inscrire d'office les dépenses et les recettes liées aux indemnisations des dégâts de gibier et à la formation à l'examen du permis de chasser, en imposant la saisine du tribunal administratif.
Compte tenu des inquiétudes du monde agricole devant l'allongement des délais que cette procédure risque d'entraîner et des difficultés que le juge administratif rencontrera pour apprécier la situation des fédérations, il vous sera proposé d'en revenir au texte du projet de loi.
En revanche, s'agissant des procédures de gestion d'office en cas de manquement grave et persistant, je suis favorable à la disposition introduite par l'Assemblée nationale qui tend à faire intervenir les chambres régionales des comptes ou la Cour des comptes.
Le deuxième volet important de ce projet de loi concerne, à l'article 16, l'abrogation de l'interdiction de la chasse à tir le mercredi sur l'ensemble du territoire national.
Le projet de loi, dans sa rédaction initiale, maintenait le principe d'un jour hebdomadaire sans chasse à tir, mais en déconcentrant la procédure au niveau des préfets, après consultation des fédérations départementales, aux fins de protection du gibier et de conciliation des différents usages de la nature. Le préfet pouvait également, dans le respect de ces mêmes objectifs, fixer des jours différents sur certaines parties du territoire et excepter de l'interdiction la pratique de certains modes de chasse à tir.
Après de très longs débats, l'Assemblée nationale, sur proposition de la commission des affaires économiques, a préféré supprimer le dernier alinéa de l'article L. 424-2 du code de l'environnement afin de revenir à la situation antérieure à la loi du 26 juillet 2000, c'est-à-dire que le préfet peut interdire de chasser un, voire plusieurs jours par semaine, après avis des fédérations départementales des chasseurs, en application de l'article R. 224-7 du code rural.
Je ne ferai ici que rappeler l'opposition du Sénat à l'instauration d'une mesure si hautement controversée.
M. Jean-Louis Carrère. L'opposition de la totalité du Sénat !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est exact !
Nos arguments n'ont pas changé. Ainsi, l'allégation de la sécurité doit être récusée - je vous remercie, madame la ministre, d'avoir défendu cette position -, lorsque l'on sait que, grâce aux initiatives prises par les fédérations départementales, le nombre d'accidents diminue tendanciellement et que l'immense majorité des accidents concerne les chasseurs eux-mêmes.
Certes, je reste, comme beaucoup, convaincu qu'un vrai débat sur la conciliation des différents usages de la nature devra avoir lieu, car l'engouement pour les sports de nature correspond à une demande sociale forte et irréversible qui ne peut être ignorée. Mais la réponse ne se trouve pas au niveau national, en réservant un jour à telle activité et un autre jour à telle autre. La concertation sur un usage partagé ne se décrète pas, elle doit être recherchée au niveau local, en tenant compte des différents types de territoire et en dégageant des consensus.
Mes chers collègues, vous vous en doutez, la solution n'est pas identique selon qu'il s'agit d'un massif forestier périurbain ou de marais situés en milieu rural profond. On oublie trop souvent d'ailleurs ou certains feignent de l'ignorer que, depuis de nombreuses années, il n'y a plus de chasse à tir le week-end dans la plupart des forêts domaniales périurbaines, notamment, monsieur Larcher, en région parisienne.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Depuis vingt ans, et à la demande des chasseurs !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Or ces forêts-là sont les plus fréquentées par les promeneurs.
Je rappelle qu'il y a quinze millions de visiteurs par an en forêt de Fontainebleau.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Et dix millions à Rambouillet ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La prochaine fois, je n'oublierai pas de mentionner les dix millions de promeneurs en forêt de Rambouillet ! (Nouveaux sourires.)
En outre, il faut souligner les effets pervers entraînés par l'instauration du mercredi sans chasse. Alors que, pendant la saison de chasse 1999-2000, un, voire plusieurs jours de non-chasse avaient été institués dans plus de la moitié des départements français, après le vote de la loi du 26 juillet 2000, seuls trois départements de montagne avaient conservé une réglementation ajoutant une journée totale ou partielle de non-chasse au mercredi.
Je considère enfin, comme les députés, que la notion juridique de « conciliation des différents usages de la nature » proposée par le Gouvernement n'était pas assez précise et qu'elle risquait de susciter de multiples recours et contentieux. En outre, il n'est sans doute pas souhaitable, en l'état, qu'elle soit reconnue comme un motif d'intérêt général justifiant une atteinte, même limitée, au droit de propriété en limitant les jours de chasse.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai d'adopter conforme l'article 16 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.
M. Alain Vasselle. Bravo !
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je sais, par ailleurs, que les fédérations départementales ont déjà devancé la mise en place de ce dispositif pour rétablir un ou plusieurs jours de non-chasse dans leurs assemblées départementales qu'elles ont tenues en avril, en mai et en ce début de mois de juin.
M. Roland du Luart. C'était ce qui était fait avant, et c'était très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'Assemblée nationale a enfin adopté un certain nombre d'articles additionnels que j'évoquerai brièvement, mais que je n'entends pas modifier.
Il s'agit notamment de l'instauration de la double tutelle sur l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, et les statuts de la fédération nationale des chasseurs, mesure que nous avions unanimement défendue, ici, au Sénat - mais en vain - lors du vote de la loi du 26 juillet 2000.
MM. Jean-Louis Carrère et Roland Courteau. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit également de la transmission d'une copie des procès-verbaux d'infraction aux présidents des fédérations départementales, mesure que le Sénat avait également défendue en son temps pour que les fédérations soient mieux informées, afin éventuellement de se porter partie civile ou de mener des actions pédagogiques auprès des chasseurs.
Enfin, s'agissant de la législation de la chasse de nuit dans sept départements supplémentaires, il s'agit d'inscrire dans la loi la liste des départements - à l'exception de la Vendée, il est vrai - pour lesquels le décret du 1er août 2000 autorisait la chasse de nuit dans certains cantons.
En tout état de cause, cette modification ne remet pas en cause le principe prévu par l'article L. 424-5 du code de l'environnement selon lequel la chasse de nuit ne peut se pratiquer qu'à partir de postes fixes existants au 1er janvier 2000 dans les départements énumérés.
M. Jean-Louis Carrère. Principe légalisé par l'ancien texte.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Absolument !
En conclusion, les amendements que j'ai proposés et qui ont été adoptés par la commission des affaires économiques ne remettent pas en cause l'architecture du texte adopté par l'Assemblée nationale, hormis les propositions relatives au contrôle de l'exécution des missions de service public par les fédérations départementales des chasseurs et par la fédération nationale.
La commission des affaires économiques a enfin adopté deux articles additionnels qui constituent des avancées confortant une gestion plus décentralisée des espèces de gibier et de leurs habitats.
Votre projet de loi, madame la ministre, était initialement qualifié de « petite loi chasse » en raison de son faible nombre d'articles. A deux ou trois exceptions près, vous avez accepté que l'Assemblée nationale le renforce par des articles additionnels.
Je souhaite, bien sûr, que vous acceptiez les modifications que le Sénat propose à son tour, qu'il s'agisse de celles qui reviennent à votre rédaction initiale - je n'ai pas de crainte à ce sujet -, mais aussi de celles qui le renforcent en précisant l'activité cynégétique de notre pays.
Ce texte, qui constitue votre deuxième étape, devient nettement plus ambitieux, à l'image du contenu du volet « chasse » du projet de loi relatif aux affaires rurales que vous préparez. Mais il ne faut pas oublier la quatrième étape, madame la ministre, je le rappelle d'une manière un peu solennelle ici, celle qui doit se jouer au niveau communautaire s'agissant des dates pour la chasse des oiseaux migrateurs.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Notre objectif, au Sénat, est identique à celui de nos collègues de l'Assemblée nationale et au vôtre : restaurer un climat de confiance et de concertation avec le monde de la chasse pour conforter et légitimer une chasse démocratique et populaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient très justement de le rappeler M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques, ce texte doit être replacé dans une démarche plus large que nous soutenons tous, à savoir le rétablissement d'un climat de confiance et de concertation entre les chasseurs, leurs représentants et les pouvoirs publics, afin de conforter durablement une chasse démocratique, populaire et comprise par la société majoritairement urbaine d'aujourd'hui. C'est aussi l'un des défis qui sont devant nous.
Cet objectif sera atteint si notre démarche se structure autour de quelques principes forts que je souhaite résumer en quatre points.
Tout d'abord, premier principe, les chasseurs doivent s'affirmer et être reconnus comme des acteurs incontournables d'une gestion efficace et raisonnée des espaces naturels pour permettre aux différentes espèces de gibier de vivre dans un milieu équilibré favorisant leur développement, équilibre qu'il faut également trouver avec les activités agricoles, sylvicoles et humaines comme la protection des habitats et le statut des espèces et des milieux. A ce titre, un volet « chasse » s'inscrira tout naturellement dans le futur projet de loi sur les affaires rurales. Il est indispensable qu'une étroite concertation se poursuive sur ces sujets entre le ministère de l'écologie et du développement durable et le ministère de l'agriculture. Cela explique aussi notre soutien à l'instauration de la double tutelle du ministre chargé de la chasse et du ministre de l'agriculture sur l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
J'en viens au deuxième principe. Le mouvement associatif puissant et diversifié qui structure le monde de la chasse doit être reconnu et renforcé, car il participe très largement à l'animation et à la vie économique et sociale de nombre de nos territoires ruraux. A ce titre, les articles du présent projet de loi qui replacent tout simplement les fédérations départementales des chasseurs dans le droit commun du régime associatif ne sont que justice. Ils réaffirment également les missions de service public exercées par les fédérations, au premier rang desquelles se trouvent l'indemnisation des dégâts de grand gibier et l'examen du permis de chasser.
Dans cette logique, il est satisfaisant de constater que les modalités de contrôle desdites fédérations par l'autorité administrative retrouvent le droit commun. En revanche, dans le cadre des missions de service public auxquelles les fédérations participent, il convient de prévoir des règles de contrôle simples et efficaces qui ne risquent pas de susciter des contentieux au sein des acteurs du monde rural. Le rapporteur vous proposera des mesures en ce sens.
J'en viens au troisième principe. Il est indispensable, madame la ministre, que la communication permanente reprise avec la Commission européenne se poursuive sur des bases objectives et reconnues par tous au plan scientifique. D'où l'importance de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats créé en juillet 2002, doté, en avril, de son programme de travail. Il nous permettra prochainement de disposer de données scientifiques reconnues de tous.
J'en arrive au quatrième principe. Je salue, à cette occasion, le travail remarquable de concertation, d'écoute et d'approfondissement du texte qu'a accompli M. le rapporteur sur le partage de la nature, c'est-à-dire l'accès du plus grand nombre aux espaces ouverts, lequel doit se concevoir à la fois dans le respect du droit de propriété et la définition d'un juste équilibre entre les droits et les devoirs de tous les usagers de la nature.
L'ambition est claire : il s'agit de concilier la pratique de la chasse avec son temps et d'admettre, comme le disait notre rapporteur, que la demande sociale en faveur des sports de nature est légitime et doit être prise en compte. Les chasseurs doivent sortir de l'isolement dans lequel certaines personnes n'appartenant pas toujours au monde de la chasse ont parfois voulu les cantonner. Leurs fédérations doivent poursuivre leur ouverture aux autres usagers de la nature et participer au débat sur les territoires et la faune sauvage. C'est possible et cela a d'ailleurs existé pendant près d'une décennie dans la région la plus dense de France.
Au-delà de ce projet de loi, qui comporte des avancées significatives et qui permet, sur le plan psychologique, de « laver » ce qui a été ressenti comme un affront par de nombreux chasseurs lors de l'adoption de la loi du 26 juillet 2000, il me paraît essentiel que la collectivité des chasseurs dans son ensemble se place dans une perspective d'avenir pour inventer la chasse du xxie siècle, comme le propose M. Victor Scherrer dans le rapport qu'il a présenté au Conseil économique et social en décembre dernier. Une chasse passion, une chasse raison, une chasse comprise, voilà, me semble-t-il, les trois défis et les trois valeurs de la chasse d'aujourd'hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 98 minutes ;
Groupe socialiste : 52 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 14 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la chasse qui nous est présenté prétend, une nouvelle fois, tenter de parvenir à une pratique sereine de la chasse, dans un contexte apaisé.
S'il s'agit d'apaiser les relations entre les mouvements politico-cynégétiques comme Chasse, pêche, nature et traditions, le CPNT, et les mouvements anti-chasse comme le ROC, le Rassemblement des opposants à la chasse, je pense être suffisamment objectif pour pouvoir dire que c'est aussi compliqué que le conflit israélo-palestinien. (Mme la ministre s'esclaffe.)
S'il s'agit, en revanche, de rapprocher toutes celles et ceux qui sont plutôt hostiles à la chasse, souvent par intoxication médiatique, ignorance ou sensiblerie, alors, oui, cela relève du domaine du possible, mais ce ne sont pas les mesures contenues dans ce texte qui y contribueront, celles-ci étant orientées vers les chasseurs et le mode de fonctionnement de leurs fédérations.
Le retrait du jour de non-chasse le mercredi est plutôt mal perçu par l'opinion publique. Par ailleurs, la suppression de la notion d'« usage non appropriatif de la nature » ne me semble pas être de bon augure pour apaiser les esprits.
J'y reviendrai point par point et formulerai des propositions concrètes qui, à mon sens, contribueraient à améliorer sensiblement ce texte, à rapprocher le monde de la chasse de celui de la non-chasse, à démocratiser le fonctionnement des fédérations, à promouvoir une chasse accessible pour les plus modestes, autrement dit, une véritable chasse populaire où tous les modes de chasse soient accessibles, quels que soient les choix et les goûts des uns et des autres.
Le fait que le débat sur la chasse soit présenté en pièces détachées est inacceptable et ne contribue pas à la clarté. Ainsi, il n'est pas sûr que le guichet unique du permis de chasser dans les fédérations, mesure inscrite dans le texte intitulé « Simplification et codification du droit », simplifie réellement la vie des chasseurs, qui souvent devront parcourir plus de cent kilomètres pour aller chercher leur permis à la fédération départementale au lieu de se rendre à la perception.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est faux !
M. Gérard Le Cam. Le texte que nous examinons aujourd'hui constitue le deuxième étage de la fusée chasse ; le plat de résistance, réservé pour la fin de l'année dans le cadre de l'examen du projet de loi sur les affaires rurales, traitera, quant à lui, de l'essentiel des finances des fédérations à travers les dégâts de gibier et le devenir de l'ONCFS.
Qu'est-ce qui justifie vraiment ces mesures en trois temps de la part du Gouvernement, mesures qui flattent le monde de la chasse sans résoudre les vrais problèmes ?
S'agit-il de nous refaire le coup de 1998, avec les ultras de CNPT qui, dans 90 % des cas, sont allés soutenir la droite dans les conseils généraux et régionaux et continuent d'activer les tensions pour exister ?
S'agit-il de construire un pôle de radicalité au service de la droite où la ruralité, la chasse, la pêche, pourraient agglomérer tout ce qui ne va pas dans nos campagnes et venir compenser l'affaiblissement du poids électoral des agriculteurs ?
Enfin, s'agit-il de casser tout ce qui a été réalisé par le précédent gouvernement, loi après loi ? La démolition systématique est en cours et cela ira toujours dans le même sens, vers toujours plus de libéralisme, toujours moins de services publics, toujours plus de cadeaux fiscaux aux possédants et toujours plus de taxes aux plus modestes !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est faux !
M. Gérard Le Cam. Venons-en à l'examen du texte qui nous est présenté.
L'article 1er A nouveau est très louable puisqu'il montre l'intention du Gouvernement de prendre des initiatives visant à résorber les difficultés d'application de la directive 79/409/CEE que notre honorable collègue M. Jean François-Poncet avait signée en 1979.
Je ne peux pas vous reprocher de tenter de corriger vos erreurs passées et de rétablir un peu de subsidiarité dans notre pays, cette fameuse notion de subsidiarité qui aurait dû permettre à la France de conserver un certain nombre d'avantages liés à ses traditions, son histoire, ses moeurs. C'est votre conception libérale et maastrichienne, messieurs de la majorité,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et la gauche plurielle !
M. Gérard Le Cam. ... qui a mis à mal la subsidiarité elle-même. Nous n'en serions pas là aujourd'hui si l'Union européenne s'était construite autour de bases plus sociales, plus solidaires. Nous n'en serions pas là, qu'il s'agisse de la chasse, bien sûr, mais surtout de nos services publics, de nos transports, de notre énergie, de notre poste, tous livrés à la concurrence sauvage du libéralisme au nom d'une prétendue lutte contre les monopoles.
Vous avez mis le loup du libéralisme dans la bergerie des subsidiarités ; le résultat est là. Cet article pose clairement le problème de l'inscription ou de la non-inscription des dates d'ouverture et de fermeture dans la loi. La majorité actuelle, après de fortes annonces en direction des chasseurs concernant l'inscription des dates, est bien obligée de battre en retraite au regard de l'interprétation restrictive du Conseil d'Etat à propos de la directive 79/409.
La mise en place de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats devrait mettre un terme aux querelles de scientifiques sur les périodes de migration et de reproduction des migrateurs, à moins que l'Union européenne elle-même et ses experts ne viennent contredire les conclusions de l'Observatoire et anéantir, une fois de plus, toute possibilité de subsidiarité.
A ce sujet, je pense qu'il est urgent d'inscrire des dates limites d'ouverture et de fermeture par espèce au plan national, libre ensuite au ministère, en accord avec le monde de la chasse, de déterminer chaque année des dates à l'intérieur de ce cadre, selon les observations de populations, les critères climatiques et autres.
L'article 1er B supprime la notion même d'usage non appropriatif de la nature dans le code de l'environnement. C'est l'exemple même d'inintelligence qui contribuera à accroître le fossé entre les chasseurs et la société.
Je propose naturellement de rétablir cette notion et de la faire vivre par l'établissement, dans toutes les communes de France, d'un schéma communal des usages non appropriatifs de la nature, SCUNAN annexé au PLU, où figureraient l'ensemble des droits non appropriatifs du territoire - droits d'accès, de stationnement, de collecte, de circulation, contrats avec les domaines privés...
Voilà, mes chers collègues, une mesure qui viserait à clarifier des situations fréquentes d'incompréhension ou de conflits rencontrées notamment dans le monde rural, situations qui exposent tout particulièrement les nouveaux arrivants, les rurbains et les touristes, et figent les oppositions. Cette idée est révolutionnaire, non pas par l'idée qu'elle porte, mais par sa concrétisation dans le droit rural et environnemental. Elle ne porte pas atteinte au droit de propriété, mais elle ouvre des perspectives modernes d'usage de la nature.
L'article 1er C place l'ONCFS sous la double tutelle des ministères de l'environnement et de l'agriculture. Les communistes s'étaient déjà opposés à la double tutelle en 2000. Mes camarades de l'Assemblée nationale ont proposé d'instituer un secrétariat d'Etat à la chasse ; ce n'est pas une mauvaise idée, mais je ne la reprendrai pas, même si elle était susceptible de me permettre un prestigieux développement de carrière politique dans un gouvernement à venir ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Bravo !
M. Gérard Le Cam. Plus sérieusement, cette double tutelle est une véritable défiance à l'égard de l'environnement en général et des ministres successifs qui en ont eu la charge.
Cette mesure de double tutelle est également la préparation à la séparation des missions techniques et des missions de police de l'ONCFS, idée que je ne partage pas, au même titre qu'une très grande majorité des agents de cet office qui craignent à juste titre de disparaître par leur absorption dans la gendarmerie nationale.
M. Philippe François. Ce serait une bonne chose !
M. Gérard Le Cam. Nous proposons donc de conserver l'ONCFS sous la tutelle du ministère en charge de l'écologie et du développement durable et de conforter ainsi les missions environnementales qui contribuent à grandir les objectifs du monde de la chasse.
L'article 1er conforte le caractère associatif des fédérations de chasseurs au détriment de leurs missions de service public. Il anticipe l'article 6 qui affaiblit le contrôle de l'Etat. Rappelons que nos fédérations de chasseurs manipulent beaucoup d'argent. Or, réduire ainsi la transparence des comptes ne contribue pas à améliorer l'image de la chasse, qui, financièrement, pèse lourd dans notre pays.
L'article 1er bis prévoit la transmission des procès-verbaux aux fédérations par les gardes de l'ONCFS. D'après mes informations, cette disposition est illégale. Aussi, nous amenderons cet article afin que le procureur de la République, seul habilité à transmettre, soit sollicité par les fédérations. Soulignons d'ailleurs que cette transmission des procès-verbaux peut porter atteinte à la présomption d'innocence.
L'article 2 relatif aux bénéficiaires de plans de chasse et de plans de gestion n'appelle pas de commentaires de notre part.
L'article 1er D, visant à ratifier l'accord AEWA, African-Eurasian migratory waterbird agreement, ne peut que recueillir notre approbation dans la mesure où il constitue un progrès par rapport à la directive 79/409.
L'article 3 élargit les possibilités d'adhésion aux fédérations, mais réintroduit la notion de territoire, de cotisation territoriale et de droit de vote. Nous amenderons cet article afin d'abroger le droit censitaire des territoires et de rendre leur cotisation proportionnelle à leur surface, voire à leurs plans de chasse.
L'article 4 remet en cause le principe « un chasseur, une voix » et porte atteinte à la démocratie au sein des assemblées générales qui, à l'instar d'autres organismes et associations, deviennent de véritables mascarades de démocratie.
Nous déposerons des amendements afin de revenir à l'esprit de la loi de 2000, de faciliter le vote par correspondance, afin que ne soit donné qu'un seul pouvoir à un autre chasseur et un nombre maximal de dix voix aux élus des associations de chasse.
L'article 5 soumet les fédérations de chasseurs au contrôle d'un commissaire aux comptes, ce qui est déjà très souvent le cas. Signalons que ce commissaire est juge et partie, puisqu'il est rémunéré par les fédérations. Aussi, nous amenderons l'article 5 afin de permettre aux présidents et aux administrateurs de désigner un commissaire aux comptes indépendant et de transmettre son rapport à l'assemblée générale annuelle.
L'article 6 limite le contrôle de l'autorité préfectorale aux dégâts de gibier et à la formation initiale. Il instaure une véritable usine à gaz pour la saisine de la Cour des comptes qui, d'ailleurs, a bien autre chose à faire et ne dispose pas des moyens humains nécessaires. Pour le vivre actuellement dans ma fédération, je peux vous assurer que, même sous le régime de la loi de 2000, obtenir la saisine de la Cour des comptes est un véritable parcours du combattant. Demain, tous les coups seront permis en matière de financements occultes, d'attribution de privilèges exorbitants, de déviation des objectifs associatifs des fédérations. Voilà ce qui nous attend derrière cet article.
En revanche, l'article 6 bis libère les fédérations de l'épée de Damoclès qui pesait sur leurs réserves financières. Dans la mesure où il s'agit de l'argent des chasseurs, il semble normal qu'il soit utilisé, dans le respect des statuts, au service de la chasse. La pression exercée par l'Etat sur ces réserves a d'ailleurs eu l'effet pervers d'accélérer des dépenses d'investissement qui n'étaient pas toujours justifiées.
Nous proposerons également de supprimer l'article 7 afin de rétablir, conformément à la loi de 2000, les possibilités de contrôle de l'Etat, qui ne sont nullement pesantes d'ailleurs quand on n'a rien à se reprocher ou à cacher.
C'est également pourquoi, à l'article 8, par cohérence, nous proposerons de rétablir le contrôle de l'Etat sur les missions associatives des fédérations.
Enfin, les déclinaisons de la loi appliquées aux fédérations régionales et nationales relèvent des mêmes remarques que celles que j'ai précédemment énoncées.
J'en viens à l'article 16, qui tend à supprimer le jour de non-chasse du mercredi. En 2000, nous n'avons pas soutenu la notion de jour de non-chasse du mercredi dans la mesure où celui-ci ne se justifiait pas au titre de la sécurité. Effectivement, il y a beaucoup plus de personnes dans la nature le week-end ou pendant les vacances. De surcroît, cette contrepartie accordée aux environnementalistes et aux anti-chasse n'a satisfait personne.
Le jour de non-hasse est en réalité un faux problème, dans la mesure où, très souvent, plusieurs jours sans chasse existent dans les départements et dans les sociétés de chasse, où l'on ne chasse, pour l'essentiel, qu'un ou deux jours par semaine.
Autre imperfection du jour sans chasse : il ne concerne que la chasse à tir et comporte de nombreuses exceptions, notamment la chasse à courre, à postes fixes, dans les enclos et sous terre, ce qui ne contribue pas à la clarté.
Nous proposerons un amendement visant à protéger la chasse du dimanche, d'abord pour ceux qui, travaillant la semaine, n'ont pas d'autres possibilités. Notre amendement précisera également la teneur des jours sans aucune chasse, démocratiquement décidés par les chasseurs, en accord avec l'autorité préfectorale.
La situation des postes fixes au gibier d'eau et aux colombidés peut néanmoins être étudiée et aménagée.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les principales remarques que m'inspire ce texte de loi.
Vouloir une chasse apaisée suppose, tout d'abord, de lui donner une bonne image grâce à des fédérations démocratiquement gérées et transparentes sur le plan financier, à une volonté réelle de donner un cadre légal aux usages non appropriatifs de la nature, par une réhabilitation médiatique objective, montrant ce que sont réellement les divers modes de chasse et l'important travail de terrain effectué par les chasseurs dans le domaine cynégétique.
Vouloir une chasse apaisée suppose ensuite d'encourager davantage ce travail de terrain, de le valoriser, de mobiliser des moyens publics pour lutter contre la myxomatose et le VHD, la maladie virale hémorragique, qui ont laminé la chasse de base en France en réduisant les populations de garenne comme peau de chagrin.
Ce qui se passe dans nos sociétés communales témoigne de la capacité des chasseurs à rassembler autour d'un banquet, d'une fête champêtre, d'une collecte de déchets dans la nature.
Des intérêts communs existent entre les usagers de la nature. Sachons les valoriser, coopérer sans se compromettre ou capituler : c'est l'avenir même de la chasse qui en dépend.
Telle est, madame la ministre, mes chers collègues, la position équilibrée et cohérente du groupe communiste républicain et citoyen. Elle prolonge l'attitude qui fut la nôtre lors des débats sur la précédente loi relative à la chasse, en favorisant les relations entre la chasse et l'environnement, la transparence financière et le fonctionnement démocratique des fédérations. Il s'agit enfin d'une position équilibrée sur la question épineuse du jour ou des jours sans chasse.
Les attaques contre la chasse frappent d'abord les chasseurs les plus modestes, regroupés au sein des associations communales de chasse agréées, les ACCA. C'est à eux qu'il nous faut penser en premier lieu afin qu'ils puissent se livrer, pour de nombreuses décennies encore, à leur passion favorite. C'est dans cet esprit que nous tentons d'améliorer un texte qui ne répond pas exactement à ce que doit être la chasse dans notre société moderne.
Aussi, en l'état actuel de ce texte, nous ne pourrons pas le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Jean-Louis Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurément ce projet de loi sur la chasse vient à son heure. Il est accueilli avec soulagement par les chasseurs au regard de l'abrogation des mesures les plus vexatoires : le mercredi sans chasse et la multiplication des contrôles injustifiés sur les fédérations départementales.
M. le rapporteur, Ladislas Poniatowski, a très bien analysé ces points et il a déposé quelques amendements bienvenus qui enrichissent ce projet de loi. A l'issue du débat au Sénat, ce qu'il est convenu d'appeler la « petite loi » sera peut-être dénommé ainsi la « moyenne loi » chasse.
A titre personnel, j'aurais aimé compléter davantage ce texte sans attendre la future loi sur les affaires rurales. Mais il n'est pas toujours efficace de « courir deux lièvres à la fois ». (Sourires.) C'est pourquoi je me contenterai, pour le moment, de suggérer quelques pistes de réflexion complémentaires.
Je me réjouis de la double tutelle environnement-chasse instituée sur l'ONCFS. A cet égard, je souhaiterais que les missions des fédérations ne soient pas définies de manière trop stricte et que soit mieux pris en compte l'apport de ces dernières à l'environnement et à l'aménagement rural.
En Charente-Maritime, par exemple, la fédération conduit aussi bien des actions d'éducation à l'environnement que des programmes d'accueil du public dans les réserves de chasse.
Il me semble également opportun de mieux définir les tâches qui incombent à l'Etat et aux fédérations pour ce qui concerne l'organisation du permis de chasser, au regard des difficultés rencontrées en 2002.
D'un côté, l'Etat ne peut dégager que dix inspecteurs chargés de faire passer l'examen à 33 000 candidats et, de l'autre, les fédérations dépensent des sommes considérables pour construire et gérer les installations adéquates.
Je vous demande donc, madame la ministre, s'il ne serait pas envisageable de confier de nouveau aux fédérations, sous le contrôle de l'Etat, la gestion complète du plan de formation et de l'examen des futurs chasseurs.
Le projet de loi sur les affaires rurales devra régler un problème très important, celui du financement de l'Office national de la chasse. Il n'est plus admissible, au regard du nouveau statut des gardes, que des fonctionnaires de l'Etat soient rémunérés à partir du produit des redevances versées par les seuls chasseurs.
Cette situation est politiquement incompréhensible ; elle est même d'ailleurs juridiquement fragile puisque le Conseil constitutionnel a rendu deux décisions rappelant que les fonctionnaires de l'Etat devaient être rémunérés sur les recettes du budget général de la nation.
Par ailleurs, les gardes-chasse devront s'inscrire dans une nouvelle organisation. Le Premier ministre vient de déclarer, au sujet des communautés de brigade de gendarmerie en zone rurale, qu'il fallait y intégrer « de façon coordonnée et dans le respect des prérogatives de chacun des administrations essentielles comme les gardes de l'ONCFS ». Pouvez-vous dès à présent, madame la ministre, nous en dire un peu plus sur l'état d'avancement de ce projet ?
S'agissant de l'article 14 relatif aux associations communales de chasse agréées, les ACCA, certains craignent de voir dériver la liberté associative en statuts types qui ne disent pas leur nom, statuts types rejetés d'ailleurs par l'association des fédérations de chasseurs en ACCA.
Il serait sans doute judicieux de rappeler à cette tribune, madame la ministre - la pédagogie est parfois l'art de la répétition - qu'il ne s'agit que de valider l'actuel article R. 222-63 du code rural en lui donnant une meilleure sécurité juridique. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'excellent rapport de notre collègue Ladislas Poniatowski. Des craintes infondées seraient ainsi certainement apaisées.
Sénateur d'un département où 99 % des communes sont constituées en ACCA, je peux vous assurer qu'il serait bien utile que vous consacriez quelques secondes à apporter cette confirmation qui est attendue.
L'élaboration des orientations régionales de gestion de la faune sauvage et d'amélioration des habitats suscite, quant à elle, un certain nombre d'interrogations et de critiques.
Cette politique ambitieuse semble en effet se complaire dans une déviation technocratique. Je me demande donc s'il ne conviendrait pas, dès à présent, de réfléchir à une simplification de ce dispositif, en envisageant de donner un rôle plus affirmé au département et au schéma départemental de gestion cynégétique.
Une autre solution, évoquée par le Premier ministre, serait de confier l'élaboration de ces orientations aux conseils régionaux. Cela mérite expertise, mais il me semble que la priorité devrait être accordée à la simplification et à la confiance vis-à-vis du terrain.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, un certain nombre de propositions et de points de réflexion s'appliquant au projet de loi relatif aux affaires rurales.
Le texte présenté aujourd'hui à notre examen a été parfaitement analysé par notre rapporteur, et je le voterai, bien entendu, tel qu'il sera enrichi par les amendements de la commission.
C'est, en définitive, un texte attendu et bienvenu. Il ouvre le débat sur la chasse de manière, cette fois-ci, réellement apaisée et constructive. Il ne traite pas - j'en comprends bien les raisons - des problèmes de la chasse au gibier d'eau ni des dates d'ouverture et de fermeture, mais ces problèmes n'en sont pas réglés pour autant.
Vous avez annoncé à l'Assemblée nationale, madame la ministre, que vous alliez vous attacher à une renégociation de la directive de 1979. Par ailleurs, le Premier ministre a décidé d'utiliser les dérogations autorisées par l'article 9 de cette directive, même si les conclusions de l'avocat général de la Cour de Luxembourg ne semblent pas très encourageantes en la matière.
Bien entendu, je vous soutiendrai dans ces deux initiatives intéressantes et je forme des voeux pour que vous ayez de bonnes nouvelles à nous annoncer lors de notre prochain rendez-vous parlementaire, à savoir l'examen du projet de loi relatif aux affaires rurales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté porte sur un sujet depuis de trop nombreuses années polémique et passionnel. Je tenterai donc d'éviter cet écueil, intervenant non pour défendre un camp contre un autre ou pour dresser une partie des Français contre l'autre, mais pour défendre la position mûrement réfléchie d'une élue d'un département rural au patrimoine naturel particulièrement riche et aux paysages d'une grande diversité.
Je remercie d'ailleurs le groupe Chasse du Sénat, que préside notre collègue Ladislas Poniatowski, car il a contribué au mûrissement de cette position.
Il s'agit donc de remédier, par ce texte, aux dysfonctionnements et aux injustices nés de la loi du 26 juillet 2000.
« Ce compromis, nous proposons de le réaliser autour de trois objectifs : créer les conditions d'une coexistence pacifiée entre les chasseurs et les autres usagers des espaces naturels, clarifier et moderniser les missions et le rôle des structures qui organisent le monde de la chasse, moderniser notre droit interne pour mettre fin aux contentieux », déclarait Mme Voynet, le 28 mars 2000, pour justifier certaines dispositions de son texte devant l'Assemblée nationale.
Nous voilà au coeur du débat, car loin de remettre en cause la sincérité des propos de celle qui vous a précédée, madame la ministre, force est de constater que la réalité est bien cruelle et qu'elle justifie les dispositions que vous nous présentez.
Je commencerai par établir un bilan de la loi de juillet 2000.
S'agissant de la création des « conditions d'une coexistence pacifiée », l'instauration du jour de non-chasse a en fait largement contribué au sentiment de mise en accusation des chasseurs et à un repli identitaire bien légitime.
En outre, d'un point de vue pratique, cette disposition n'a pas permis d'améliorer les rapports entre usagers de la nature. Croire que l'usage des espaces naturels peut se répartir dans le cadre d'un agenda hebdomadaire, c'est croire à une utopie. Il y aurait un jour pour les non-chasseurs et le reste de la semaine appartiendrait aux chasseurs, mais c'est chaque jour que les questions d'usage de l'espace se posent, et pas seulement entre chasseurs et non-chasseurs : elles se posent également entre agriculteurs et randonneurs, entre naturalistes et promeneurs du dimanche.
Promener un chien en liberté ou le laisser divaguer en période de reproduction ou de nidification est source de dérangement pour la faune sauvage. D'ailleurs, ce phénomène est souvent dénoncé d'une même voix par les chasseurs et les naturalistes. Doit-on pour autant déterminer par la loi les jours autorisés ou non à ce type d'activité ?
Le second argument en faveur des jours de non-chasse avait trait à la sécurité. Outre le caractère intellectuellement faux de cette argumentation, vous avez rappelé, madame la ministre, que les accidents de chasse concernant des tiers restaient très rares et que de nombreuses autres activités étaient également extrêmement dangereuses.
Peut-être est-ce du fait de mon ancienne profession, mais il me semble qu'il y a aussi là une question d'éducation, notamment des jeunes enfants. Peut-être serait-il souhaitable d'apprendre dès l'enseignement primaire aux enfants à mieux connaître leur espace rural ?
Le deuxième objectif affiché était celui de la clarification et de la modernisation des structures régissant le monde de la chasse.
Je ne crois pas que modernisation rime avec suspicion et contrôles permanents. Vous le savez, notre famille politique est très attachée à la notion de contrat et de responsabilisation des acteurs, et c'est vers ce point que nous devons tendre, y compris pour la chasse.
De même, il me paraît inexact de dire que la loi de juillet 2000 avait clarifié le rôle des structures ; l'exemple de l'ONCFS est à ce titre éclairant, sur le plan tant de ses missions que de sa composition ou de son financement.
Enfin, le troisième objectif était de mettre fin aux contentieux.
M. Jean-Louis Carrère. Je ne suis pas sûr qu'elle y soit parvenue !
Mme Jacqueline Gourault. La loi de 2000 n'a-t-elle pas plutôt conduit à l'exacerbation des rapports entre les acteurs et, parce qu'elle restait approximative sur de nombreux points, n'a-t-elle pas largement contribué à l'expansion des contentieux ?
Madame la ministre, pour toutes ces raisons, le présent texte était très attendu. Cependant, sur la méthode, je veux vous alerter sur les risques d'une segmentation trop accentuée des dispositions qui peuvent concerner la chasse. Sans aller jusqu'à dire que tout est dans tout, je crois en effet que l'activité cynégétique est l'une des composantes de la problématique rurale à laquelle nous avons à faire face actuellement. Ainsi, lorsque nous débattrons de la grande loi sur les affaires rurales dont l'examen est prévu pour l'automne prochain, nous devrons veiller à donner de la chasse une vision globale, cohérente et lisible par l'ensemble de nos concitoyens.
Sans reprendre dans le détail les articles du présent projet de loi, je souhaite dire en quoi ce texte permet de répondre réellement aux attentes du monde de la chasse et relever les points que nous aurons à approfondir dans les mois qui viennent.
S'agissant de la coexistence pacifiée tout d'abord, tout s'était cristallisé autour du jour de non-chasse.
Dans votre texte initial, vous proposiez, madame la ministre, le maintien d'un jour de non-chasse laissé à la libre appréciation des acteurs au niveau local, comme vous l'avez rappelé. Votre objectif était de proposer une mesure équilibrée entre chasseurs et non-chasseurs, et d'éviter que ne naissent de nouvelles polémiques, issues cette fois du rang des écologistes, ou plutôt des structures dites écologistes. Je ne souscrivais pas totalement à cette disposition, mais vous vouliez ainsi faire preuve d'une modération que je tiens à saluer, car elle rompait avec les pratiques antérieures.
Toutefois, nos collègues de l'Assemblée nationale, comme les membres de la commission des affaires économiques du Sénat, ont pensé plus clair de supprimer toute mention au jour de non-chasse. Il ne s'agit pas, je crois, d'une victoire d'un camp contre un autre ; il s'agit plutôt de corriger une injustice et de créer les conditions d'un dialogue sur le partage de l'espace qui devra s'effectuer au plus près du terrain.
J'ajoute que - pour prendre l'exemple de mon département, le Loir-et-Cher - les chasseurs n'ont pas attendu la loi Voynet pour prendre les mesures nécessaires au maintien des espèces : l'instauration de jours de non-chasse et, plus encore, la mise en place de plans de gestion du petit gibier tel que la perdrix sont autant de signes qui démontrent que leur engagement en ce domaine est « naturel »...
Les chasseurs sont par ailleurs conscients de la nécessité d'améliorer leurs rapports avec l'ensemble des utilisateurs de l'espace.
La suppression du jour de non-chasse ne nous exonère donc pas, comme l'a fort bien souligné M. le rapporteur, d'une véritable réflexion sur cette notion de partage de l'espace, mais ce partage doit être revu dans un cadre plus global et avec tous les ruraux. Cette notion ne pouvait être réduite au seul jour de non-chasse et la réussite de ce partage dépend pour une large part des comportements des différents acteurs ; la grande majorité des chasseurs y sont favorables.
Le partage entre usagers de l'espace ne relève pas, à mon sens, du législateur ; il tient aux échanges, aux négociations locales, aux comportements de chacun, et c'est cela que nous devons chaque jour encourager.
S'agissant ensuite de la modernisation des structures, la responsabilisation et la confiance ont prévalu pour l'élaboration des dispositions que vous nous présentez.
Les fédérations se voient déchargées d'une partie importante du contrôle a priori qui faisait d'elles une exception au regard du contrôle des associations. En rétablissant un régime simplifié de droit commun associatif, le texte fait oeuvre de justice.
Les articles ayant trait au fonctionnement démocratique des fédérations des chasseurs tendent à mieux définir les différentes catégories d'adhérents à une fédération et permettent de pallier les effets négatifs de la loi de juillet 2000 en termes de représentation des structures intermédiaires et de représentation des chasseurs.
Cependant, nous aurons à reprendre le débat sur le statut des organismes scientifiques ou techniques ayant trait à la chasse. L'objectif doit être de disposer de données reconnues par les uns et par les autres, mais également d'éviter la confusion entre les représentants des associations de protection de la nature et les scientifiques.
Pour être respectées, les données scientifiques doivent être présentées objectivement. Leur interprétation et les actions à en tirer relèvent toutefois d'un débat entre, d'une part, les associations de protection de l'environnement et, d'autre part, les chasseurs. Ne confondons pas les fonctions et les rôles.
Enfin, en ce qui concerne la mise en conformité de la réglementation nationale, je partage, madame la ministre, votre approche. Certains auraient voulu que nous allions plus vite et plus loin en ce domaine. A mon sens, les démarches engagées auprès de la Commission européenne doivent prévaloir avant toute fixation de dates d'ouverture et de fermeture, notamment pour le gibier d'eau. Nous prendrions le risque sinon de rendre ce texte inopérant.
L'obstacle de Bruxelles ne me paraît d'ailleurs pas insurmontable : la directive Oiseaux aurait dû laisser une large place au débat quant à l'interprétation. Ne cherchons pas systématiquement un bouc émissaire, mais tentons peut-être de préciser nos positions nationales.
Plus globalement, nous devrons veiller, au-delà de ce texte, à sécuriser légalement la pratique de la chasse, car je comprends l'inquiétude de chasseurs qui voient chaque année les dates d'ouverture et de fermeture modifiées ou, dans un autre domaine, les arrêtés de nuisibles cassés par les tribunaux administratifs.
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, ce texte constitue donc une étape importante dans la voie de l'apaisement et nous invite à mieux préparer les dispositifs d'ensemble sur le monde rural.
La chasse est une activité déterminante pour nombre de territoires ruraux. Vous me permettrez d'évoquer son rôle dans la région Centre, pour le maintien d'espaces ouverts et entretenus, par exemple en Brenne ou en Sologne, ou comme source de revenus complémentaires pour de nombreux acteurs ruraux. Elle est, enfin, une activité à forte valeur symbolique pour des territoires ruraux qui se sentent à la fois abandonnés à leur sort et trop encadrés dans ce qui leur reste d'activité.
Je souhaite pour terminer remercier notre rapporteur de la qualité du travail qu'il a accompli sur ce texte. Chacun connaît son engagement au service d'une chasse modernisée et vivante au sein de nos territoires, et je tiens à le saluer.
M. Henri de Raincourt. Il le mérite !
Mme Jacqueline Gourault. Madame la ministre, parce que votre texte est un point de départ très satisfaisant qui permettra à tous les acteurs du monde rural de reprendre le chemin du dialogue, le groupe de l'Union centriste le votera. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après des années marquées par la confusion, l'incompréhension et l'impossibilité de parvenir à la fixation de règles consensuelles, le texte qui nous est proposé devrait permettre aux pratiquants de la chasse de retrouver enfin leur place au coeur d'un monde rural reconnu et respecté.
Le projet de loi comporte une première série de mesures qui visent à adapter les statuts types des fédérations de chasseurs afin de mieux responsabiliser celles-ci. Ainsi, le contrôle a priori des budgets ne porte plus que sur les principales missions d'intérêt général ; le mode de scrutin est modifié afin de prendre en compte l'important tissu associatif - on compte 70 000 associations - qui organise la chasse au plus près du terrain ; le libre choix du montant des cotisations est restitué aux assemblées générales.
Une deuxième série de mesures concerne la pratique de la chasse et tend notamment à déconcentrer le choix des jours de chasse.
L'interdiction de chasser le mercredi sur l'ensemble du territoire national introduite par la loi du 26 juillet 2000 est abrogée. Cette mesure, censée concilier et apaiser les relations entre les chasseurs et les non-chasseurs, n'a pas eu l'effet escompté et s'est traduite par la suppression de jours supplémentaires de non-chasse décidés auparavant dans de nombreux départements.
Enfin, le projet de loi, amendé par l'Assemblée nationale, prévoit la constitution d'un fichier national des permis de chasser auprès de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Ce nouveau projet de loi était absolument nécessaire et impatiemment attendu depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2000, qui, loin d'apaiser les esprits grâce à des normes consensuelles, n'avait en réalité satisfait personne. Le dialogue était devenu impossible entre, d'une part, des chasseurs préoccupés par une diminution sensible de leur liberté et, d'autre part, des associations fondamentalement opposées à toute forme de chasse.
Ainsi, n'a-t-on pas vu tel élu ou tel responsable d'association écologiste pris à partie par des chasseurs excédés d'être désignés comme des ennemis de la nature et, par ailleurs, des responsables de chasse traduits devant les tribunaux ?
Dans un département comme la Somme, les difficultés s'étaient multipliées depuis le vote de la loi de juillet 2000. D'ailleurs, à chaque élection locale, la liste et les candidats Chasse, pêche, nature et traditions ont réalisé des scores impressionnants, ce qui traduit l'impact de la chasse et des chasseurs dans notre milieu rural.
Au-delà des chasseurs eux-mêmes et du poids de nos traditions ancestrales, la chasse a également un impact économique très important. Elle est génératrice d'activités, d'emplois et de revenus. On estime à plus de 350 euros la moyenne des dépenses annuelles d'un chasseur : vêtements de chasse, armurerie, activités touristiques, hôtellerie, restauration, gastronomie...
La chasse attire dans notre département de nombreux adeptes, séduits par la richesse de notre patrimoine cynégétique et les spécificités de notre terroir, notamment en matière de gibier d'eau et d'oiseaux migrateurs, et, dans les budgets communaux, les locations d'étangs et de huttes représentent une part non négligeable.
Mais nous savons dans la Somme que les chasseurs sont aussi des acteurs de choix dans la gestion et la protection de notre environnement. Leur connaissance du terroir et des espèces et le rôle qu'ils jouent dans l'équilibre de la faune en font de véritables partenaires dans les domaines de l'aménagement et de la préservation de nos espaces naturels. On ignore trop que les chasseurs travaillent tout au long de l'année, laissant le fusil au ratelier, pour participer à la sauvegarde du milieu naturel et des espèces, ne s'adonnant finalement à leur passion que quelques jours par an.
Le texte qui nous est présenté va donc indéniablement dans le bon sens. Il repose sur des principes aussi simples qu'efficaces : proximité et responsabilité, confiance et simplification.
Il constitue la première étape d'un ensemble de mesures législatives et réglementaires susceptibles de résoudre les difficultés liées à la chasse. Les deux projets de loi à venir, sur les affaires rurales et sur le patrimoine naturel, nous donneront l'occasion de compléter ces dispositions.
Mais il est, madame la ministre, un second point sur lequel je souhaite insister, car il me laisse perplexe : l'attitude des pouvoirs publics s'agissant de l'application des textes.
Ainsi, certains arrêtés relatifs aux dates d'ouverture et de fermeture de la chasse ont été purement et simplement annulés par le Conseil d'Etat en raison d'une prétendue non-conformité à une directive européenne.
Depuis trop longtemps existe un flou juridique, voire une complète contradiction, entre la directive européenne de 1979 relative à la protection des oiseaux migrateurs et les diverses dispositions législatives chargées de la faire respecter dans notre pays. Quid, d'ailleurs, de la subsidiarité ?
Un rapport parlementaire de notre collègue député Daniel Garrigue ne souligne-t-il pas que les problèmes soulevés par la directive européenne sur les oiseaux sont dus davantage à la sévérité du Conseil d'Etat qu'à Bruxelles ? Ce ne sont pas tant les institutions de Bruxelles, qui ont toujours été mesurées, que les interprétations données par le Conseil d'Etat et les tribunaux administratifs qui sont à l'origine des problèmes d'application de la directive.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, l'a également souligné : « Quant à la directive européenne sur les oiseaux, elle énonce les grands principes, mais il appartient à chaque Etat membre de préciser les moyens et les modalités de sa mise en oeuvre dans le droit interne. »
Il convient, madame la ministre, de renouer un dialogue clair avec la Commission de Bruxelles pour revoir, réadapter et réactualiser des dispositions qui, à défaut d'empêcher la disparition de certaines espèces, tendent néanmoins à limiter abusivement la pratique traditionnelle et ancestrale de la chasse, alors même que la directive permet aux Etats membres de notifier à la Commission des dérogations aux régimes de chasse à la condition de les motiver scientifiquement. La France pourrait donc fournir, grâce à l'Observatoire national de la chasse, de la faune sauvage et de ses habitats, des données scientifiques actualisées. Pourquoi alors ne pas renégocier cette directive, qui fut signée, voilà maintenant vingt-quatre ans, par neuf Etats seulement ?
Une trop grande confusion existe entre les deux sources normatives du droit communautaire et de la loi nationale, et les pouvoirs publics ne parviennent pas toujours à trouver les solutions satisfaisantes. On en arrive alors à une jurisprudence contestable, car incohérente, partiale et passionnée. Finalement, les arrêts pris pour limiter plus encore la chasse ne profitent bien souvent qu'au braconnage.
Madame la ministre, les chasseurs français ne veulent plus subir de traitements discriminatoires de la part du Conseil d'Etat et des tribunaux administratifs au titre d'une directive vieillissante, alors même que leurs homologues belges, anglais, espagnols ou italiens ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
Madame la ministre, je tiens à saluer votre volonté de travailler sur ce sujet avec pragmatisme, « pour rétablir une chasse vivante, démocratique, populaire et durable », selon vos propres termes. J'apprécie le texte qui nous est présenté, qui va redonner espoir à plus de 1 500 000 chasseurs dans notre pays, 1 500 000 chasseurs indissociables du monde rural, auquel le Sénat reste, par essence, intimement lié...
Avec ceux qui ont à coeur l'entretien des réserves naturelles et des zones humides, la régulation des espèces, la restauration des forêts, je voterai ce projet de loi que nous attendions avec impatience, ainsi que les amendements judicieusement étudiés par la commission des affaires économiques. Je tiens, à cet égard, à saluer tout particulièrement l'important travail réalisé par le rapporteur Ladislas Poniatowski. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur et les membres de la commission des affaires économiques pour la qualité du travail effectué, même si, bien qu'habitué aux pratiques politiques, j'ai dû me pincer, tout à l'heure, en écoutant MM. Larcher et Poniatowski ! En effet, je croyais m'entendre intervenir voilà quelques années ! Subitement, ces deux chasseurs, ces deux amis de la chasse faisaient preuve d'un bon sens exceptionnel, que nous essayons nous-mêmes de prôner !
Ce n'est pas, madame la ministre, que j'aie approuvé, en d'autres temps, le projet de loi qui a été voté en seconde lecture à l'Assemblée nationale après échec de la commission mixte paritaire. Non, je n'y étais pas favorable, même si, en tant que chasseur, j'avais apprécié certaines dispositions introduites dans ce texte, par exemple la légalisation de la chasse de nuit. A l'époque, j'avais essayé, avec d'autres membres de mon groupe, en particulier MM. Roland Courteau, Philippe Madrelle et Michel Charasse, de tout faire pour que le Sénat se prononce par un vote unanime, afin d'exercer une forme de pression sur la commission mixte paritaire et l'Assemblée nationale. Or je dois reconnaître objectivement que certains amis de la chasse, avec qui j'ai plaisir à travailler, ont préféré, en la circonstance, la politique politicienne à la défense de l'avenir de la chasse dans notre pays. (M. Jean Chérioux s'exclame.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Je le regrette profondément, et je me devais de faire ce rappel à la tribune, même si je reconnais que de telles tentations se présentent dans tout parcours politique !
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, l'élection présidentielle a eu lieu...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. ... dans les conditions que l'on sait.
M. Chirac a bénéficié de suffrages, dont le mien, qui n'étaient pas positifs. (M. Pierre Martin s'exclame.) Je votais contre quelqu'un, je ne votais pas pour lui.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On vote toujours pour quelqu'un !
M. Jean-Louis Carrère. Il faut d'ailleurs le rappeler sans cesse. Il ne s'agit pas ici de donner des leçons, mais le Gouvernement doit faire attention à ce qu'il fait : le Président de la République n'a pas été élu par 82 % des Françaises et des Français pour qu'il mène une politique de droite rude et rigoureuse.
A cet égard, madame la ministre, si nous discutons aujourd'hui au Sénat d'un sujet très important, un débat d'une tout autre ampleur s'ouvre à l'Assemblée nationale,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certes !
M. Jean-Louis Carrère. ... et j'ai une pensée pour mes collègues députés du groupe socialiste qui vont essayer de se battre pour préserver ce qui, à nos yeux, est l'un des socles de la République : la retraite de celles et de ceux qui n'ont pas d'autre source de revenus lorsqu'ils cessent leur activité professionnelle.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et elle est bien modeste, cette retraite !
M. Jean-Louis Carrère. Mais revenons-en au texte dont nous débattons aujourd'hui.
Il est vrai que le climat était devenu détestable ces dernières années, et que la loi du 26 juillet 2000 n'avait pas contribué à l'améliorer. En outre, certains se sont employés, madame la ministre, à faire en sorte que les choses ne s'arrangent pas ; je pourrais même citer quelques noms, si cela devenait souhaitable. (M. Roland Courteau sourit.)
Dans tous les camps, pour des raisons qui n'échappent à personne, le comportement des uns se nourrissant du comportement des autres, on avait intérêt à surenchérir, dans un contexte d'opposition frontale. Dans le même temps, on a souvent perdu de vue de quelle chasse il s'agissait. Même aujourd'hui dans cette enceinte, hormis M. le rapporteur et, par bribes, quelques orateurs, on oublie trop souvent de préciser que l'on est en train de défendre une chasse démocratique et populaire. C'est d'ailleurs surtout dans le milieu des chasseurs aux gibiers migrateurs que s'expriment les plus forts mécontentements. Là est le problème le plus préoccupant, et c'est pour cette raison qu'il est quelque peu maladroit de désigner des responsables qui ne connaissent pas du tout la chasse aux oiseaux migrateurs. Les gouvernements successifs procèdent parfois à des nominations sans tenir suffisamment compte du sujet à traiter, ce qui est bien dommage.
S'agissant donc de chasse aux oiseaux migrateurs, nous vivons depuis de nombreuses années une folle période en termes de contentieux. Les préfets, les directeurs départementaux de l'agriculture et de la forêt et les différentes structures que vous pouvez interroger vous le confirmeront, madame la ministre. Dans mon département des Landes, j'ai eu ainsi à connaître des contentieux collectifs et individuels.
L'honnêteté me commande de dire que je soutenais, sous la précédente législature, un gouvernement dont certains éléments n'étaient pas très favorables à la chasse.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Louis Carrère. En effet !
A cette époque, il était donc logique que je rencontre des difficultés. Cependant, j'ai réussi à les résoudre - on m'y a aidé -, et ce point est aisément vérifiable. Paradoxalement, madame la ministre, alors que le Gouvernement auquel vous appartenez est beaucoup plus permissif en matière de chasse et que vous vous déclarez une amie des chasseurs, que vous rencontrez souvent - cela est d'ailleurs très bien, je vous engage à continuer dans cette voie -, c'est cette année que les contentieux ont été les plus nombreux !
M. Jean Chérioux. Il va regretter Mme Voynet !
M. Jean-Louis Carrère. Oh non, mais je tiens à rétablir la vérité, mon cher collègue ! Je voudrais vous rappeler, à cet instant, une maxime d'un homme politique qui m'a quelque peu inspiré : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire. »
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Nous pouvons tous faire nôtre cette maxime ! Pour ma part, mon cher collègue, je préfère dire la vérité à Mme la ministre, afin qu'elle ne fasse pas fausse route au moment où elle veut régler les problèmes de la chasse.
Madame la ministre, en ma qualité de sénateur du département des Landes, en Aquitaine, je puis vous dire qu'il faut être très attentif au comportement des hommes et des femmes chargés de la police de la chasse. En effet, on constate quelquefois une anticipation des textes, que Mme Gourault, il me semble, a déjà soulignée. Cela permet à certains de prendre des positions très dérangeantes en matière de chasse.
Je m'explique plus avant, pour mieux me faire comprendre : le débat sur certaines espèces - je veux parler ici du pinson et de l'ortolan - est très complexe. Je sais que vous en avez été informée ; vous savez pour quelles raisons le bruant ortolan a dû être classé comme espèce protégée, et, si vous l'ignoriez, l'actuel maire de Bordeaux pourrait vous en parler savamment, lui qui connaît bien cet oiseau...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Et qui aime le déguster ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. ... et qui avait contribué, lorsqu'il était Premier ministre, à ce que sa chasse puisse se poursuivre. Cependant, c'était reculer pour mieux sauter, faute de régler le problème de la dérogation. Vous savez en effet très bien, madame la ministre, que la directive Oiseaux et son annexe n'autorisaient absolument pas de chasser sans dérogation certaines espèces, dont le bruant ortolan.
Cela étant, quand on observe la population des adeptes des chasses traditionnelles comme je le fais depuis de très nombreuses années, on constate d'abord qu'elle se réduit - « hélas ! », serais-je tenté de dire -, ensuite que bien trop peu de jeunes viennent à ces pratiques - a priori interdites, certes -, enfin que ceux qui continuent à les pratiquer dans l'illégalité vieillissent. Leurs cheveux blanchissent, comme les nôtres, mes chers collègues ! (Sourires.) Mais il y a plus grave encore : on jette l'opprobre sur l'ensemble des hommes et des femmes - très peu nombreuses - qui pratiquent les chasses traditionnelles sans vendre de gibier parce que quelques personnages célèbres souhaitent consommer des oiseaux. Il ne s'agit d'ailleurs pas uniquement de personnalités politiques, mais aussi de figures du « show-biz », dont vous connaissez certainement les noms !
M. Henri de Raincourt. Eh bien non ! J'aimerais les connaître !
M. Jean-Louis Carrère. Pour trouver une solution à cette question de la chasse à l'ortolan, qui est extraordinairement importante dans notre département, je suis allé rencontrer les juristes de la Commission européenne. Je suis d'ailleurs l'un des rares parlementaires français à l'avoir fait et je ne me suis pas heurté à une fin de non-recevoir. Il me semble, madame la ministre, que vous avez pu prendre connaissance du compte rendu de cette rencontre, que j'avais eu la courtoisie de transmettre à l'un de mes collègues de la majorité, pour qu'il en fasse bon usage. Cela dit, les choses tardant quelque peu, je préfère prendre les devants ! (Sourires.)
Il nous avait quand même été clairement annoncé que, sous réserve de négociations entre le Gouvernement français et la Commission européenne, une prolongation de cette pratique, analogue en quelque sorte à celle dont bénéficient les bouilleurs de cru, pourrait être obtenue, ainsi que, peut-être, la mise en oeuvre d'un programme Life, afin de mettre à contribution les agriculteurs et de travailler sur les habitats des espèces. Grâce à une meilleure comptabilisation des couples nidificateurs et à une connaissance plus approfondie des conditions de reproduction, on aurait alors pu envisager d'autoriser de nouveau un prélèvement sur les populations de bruants ortolants et de pinsons.
Parallèlement, certains départements ou régions prennent des initiatives en matière de recherche, qui sont systématiquement mises à mal. Certes, je comprends que certains aient intérêt à ce que l'on interdise ces chasses et que l'on brutalise une catégorie de la population qui compte d'ailleurs de nombreux anciens résistants, mais à quoi cela mène-t-il, sinon à créer un climat détestable ?
M. Jean Chérioux. C'était Mme Voynet !
M. Jean-Louis Carrère. Non, Mme Voynet n'y est pour rien ! C'est une question qui revient de manière récurrente depuis beaucoup trop longtemps, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. Je parle trop fort, excusez-moi !
M. Jean-Louis Carrère. Je vois que vous avez besoin que l'on vous précise les choses et que l'on étoffe votre culture en matière de chasse !
M. Jean Chérioux. J'ai été un chasseur, moi aussi, et j'aime la chasse !
M. Jean-Louis Carrère. Je suis heureux d'avoir l'occasion d'éduquer quelque peu les Parisiens à cet égard,...
M. Jean Chérioux. Je n'en ai pas besoin !
M. Jean-Louis Carrère. ... parce que, très souvent, une formidable distance sépare la ville de la campagne, ce qui est source d'incompréhension.
M. Jean Chérioux. Mais les Parisiens sont aussi des provinciaux !
M. Jean-Louis Carrère. Pour ma part, je m'interdis, je vous l'assure, de jouer de ce clivage. Cependant, il faut avoir conscience que les hommes et les femmes qui ont pour mission de faire vivre et d'entretenir nos territoires, dans des conditions chaque jour plus difficiles, s'imaginent, à tort ou à raison, que les parlementaires, de plus en plus souvent d'origine urbaine, prennent des dispositions qui les pénalisent et qui, en tout état de cause, rendent leur vie de moins en moins agréable.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n'est pas faux !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, pour éviter les écueils, il faut veiller à ce que les populations comprennent bien quelle est la véritable position du Gouvernement auquel vous appartenez. Je ne vous le cache pas : si j'ai cru, encore une fois, que vous vous inscriviez, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, dans une démarche plus souple, visant au rapprochement des points de vue et à l'amélioration du droit de chasse, j'ai été quelque peu « refroidi » par le non-interventionnisme de vos services et par la prolifération des contentieux à laquelle j'ai été confronté sur le terrain. Ainsi, un restaurateur de Magescq, dans les Landes, a été menotté, sa propriété a été encerclée ; un garde champêtre, à Castets, a été arrêté parce qu'il avait placé une vingtaine de matoles : de telles situations ne devraient pas se produire, s'agissant de personnes qui, leur vie durant, ont travaillé et respecté absolument toutes les lois de la République, alors que chacun sait que l'on essaie actuellement de trouver des solutions juridiques acceptables pour permettre les pratiques concernées.
Je tiens également à vous dire, madame la ministre, que mon groupe, au nom duquel je m'exprime ici, se réjouit de la création de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats, même si elle a été marquée, comme le faisait observer M. le rapporteur, par une certaine lenteur. Nous apprécions cette initiative.
M. Jean Chérioux. Ah !
M. Jean-Louis Carrère. En effet, madame la ministre, une source d'incompréhension tient au fait que les seuls experts consultés, que j'ai rencontrés moi-même à plusieurs reprises, étaient...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... orientés !
M. Jean-Louis Carrère. ... peu en phase, c'est le moins que l'on puisse dire, avec les chasseurs. Je trouve donc particulièrement pertinent de consulter aussi des spécialistes acceptés par le monde de la chasse. (Mme la ministre approuve.) Cela me paraît, objectivement, de bonne méthode, et je tenais à vous le dire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Par ailleurs, il faut être encore plus clair avec le monde de la chasse qu'on ne l'a été jusqu'à présent. Il a fallu beaucoup de temps à certains - je pense ici, en particulier, à MM. Poniatowski et Larcher - pour admettre que ce n'était pas le droit national qui fixait les dates de chasse. Ils m'ont même reproché de ne pas avoir voté un texte à cette fin, ce que j'ai d'ailleurs fait par la suite afin que l'on ne puisse pas m'accuser de porter un mauvais coup à la chasse, tout en sachant que les dates retenues seraient immédiatement rejetées par la première juridiction saisie. Et c'est bien ce qui s'est passé !
Par conséquent, il faut bien dire aux chasseurs que la seule façon de régler ce problème, c'est de s'attaquer à la question de la directive 79/409/CEE !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. En ce qui me concerne, je n'aurai pas la légèreté, madame la ministre, de prétendre que la chose est facile et qu'il suffit de l'entreprendre pour réussir. Non, je sais combien la démarche est compliquée. Je sais, de surcroît, quels risques nous pourrions courir en nous engageant dans une procédure de révision de la directive, parce que si nous savons d'où nous partons, nous ne savons pas exactement où nous aboutirons. C'est pourquoi je suis de ceux qui ne souhaitent aborder cette question qu'après une préparation objective et longue, avec toutes celles et tous ceux qui peuvent entrer dans ce processus.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est ce que je fais !
M. Jean-Louis Carrère. Laisser entendre que l'on va apaiser le débat sur la chasse et dire aux chasseurs d'oiseaux que l'on va pouvoir régler leurs problèmes par ce texte, même s'il comprend des éléments de qualité, c'est méconnaître les vraies questions qui sont posées au monde de la chasse.
Pardonnez-moi de vous le dire brutalement : les vraies questions, ce ne sont pas le jour de non-chasse le mercredi ou certaines vexations, même si je les réprouve et si mes amis et moi-même voterons tout à l'heure un certain nombre de dispositions permettant d'y remédier, mais c'est bel et bien mettre un terme à l'évolution incessante de réduction des périodes de chasse, incomprise par les chasseurs de certaines espèces, décidée de manière non démocratique, sous le sceau de Bruxelles ou pour d'autres raisons : les chasseurs ont l'impression que, souvent, ces décisions sont prises pour les brimer. Leur comportement le justifierait-il ? A-t-on essayé de les brimer avant et n'a-t-on pas provoqué les débordements que nous connaissons ?
Pour ma part, je considère qu'un élu digne de ce nom ou un gouvernement dans une République doit avoir pour objectif de rapprocher les hommes et les femmes, d'éviter qu'ils ne s'affrontent et ne se divisent. De ce point de vue, il faut prendre en compte la demande récurrente des chasseurs d'oiseaux, notamment d'espèces migratrices, et trouver, à l'échelon européen, les accomodements qui permettront de régler cette problématique.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. En tout état de cause - et il ne s'agit pas de coopération ni de promesses en l'air, madame la ministre - les membres de mon groupe et moi-même nous ne manquerons pas d'apporter notre aide chaque fois qu'il sera possible d'améliorer la situation s'agissant de la chasse aux oiseaux migrateurs et du problème de la fixation des périodes de chasse.
M. Jean Chérioux. Il est temps !
M. André Vantomme. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur Chérioux, encore une fois, pardonnez-moi de vous le dire, mais avec gentillesse -,...
M. Jean Chérioux. C'est beau, c'est touchant !
M. Jean-Louis Carrère. ... vous perdez d'extraordinaires occasions de vous taire.
M. Jean Chérioux. Absolument pas !
M. Jean-Louis Carrère. J'ai déjà essayé de vous le faire remarquer dernièrement s'agissant des MI-SE, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, lorsque vous interveniez pour défendre M. Ferry.
M. Jean Chérioux. Moi ? Vous vous trompez d'orateur !
M. Jean-Louis Carrère. Je le comprends : vous êtes loyal à l'endroit des ministres.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je reconnais que M. Carrère a toujours tenu le même discours et qu'il n'a jamais changé, qu'il soit ou non dans l'opposition.
M. André Vantomme. Mais cela pourrait changer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Laissez M. Carrère s'exprimer !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Merci, monsieur le président.
Monsieur Chérioux, c'est avec plaisir que je prendrai la peine de vous expliquer un certain nombre de choses. Ainsi, lorsque mon collègue communiste M. Lefebvre, sénateur du Nord, et moi-même avions refusé d'adopter un texte proposé par votre majorité, ce n'était pas par idéologie. Nous opposions à cette proposition un texte différent qui nous permettait déjà, il y a cinq ou six ans, d'aller débattre au niveau européen de la modification de la directive 79/409/CEE. En effet, c'est là que le bât blesse. Je n'ai pas peur de le dire à cette tribune : M. Riboulet, chasseur de Gironde, président d'une association dont je ne partage pas toutes les analyses et qui a connu de nombreux désagréments, a été un précurseur sur ce point. Il a toujours eu raison. A chaque fois, il nous a dit : « Chers amis, vous demandez aux gouvernements qui se succèdent de corriger les errements d'une directive, mais ils ne peuvent pas le faire, même s'ils le souhaitent, parce que le droit européen s'impose au droit national. »
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Vous le savez, mes chers collègues, c'est en résumé ce qui se passe.
Pour le reste, je suis sensible au fait que le projet de loi vise à mettre un terme à certaines mesures vexatoires à l'égard du monde associatif et des fédérations de chasseurs. D'ailleurs, MM. Vantomme, Courteau et moi-même, nous avons décidé de voter certains amendements et certaines dispositions qui vont dans ce sens.
MM. Madrelle et Dussaut m'ont demandé d'en témoigner à cette tribune : nous sommes très favorables aux mesures de simplification que vous avez proposées et dont se sont déjà emparées certaines fédérations. Vouloir compliquer la vie des gens à souhait, ce n'est pas la meilleure méthode pour rapprocher des points de vue si éloignés.
Comme précédemment, je fais observer que la légalisation de la chasse de nuit est une grande victoire. Mme Voynet, qui n'a pas besoin de ma voix pour être défendue - et cela vaut mieux pour elle d'ailleurs -,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. ministre. Et pour vous !
M. Jean-Louis Carrère. ... avait introduit dans son projet de loi une importante avancée : la légalisation de la chasse de nuit, qui, je le rappelle, était auparavant illégale.
Lorsque je vous vois ajouter sept départements supplémentaires, je serais tenté de dire : « pourquoi pas ? ». D'ailleurs je ne vois pas pour quelle raison ni de quel droit je m'y opposerais. Faire de la politique, c'est décider, c'est choisir, mais c'est aussi être capable de dire : voilà les critères, n'allons pas au-delà. Selon moi, en l'occurrence, on assouplit cette légalisation qui avait un sens sur le plan juridique, qui avait du corps. Je ne voudrais cependant pas que cet assouplissement la vide de sa substance ! Néanmoins, si l'on s'en tient à ces sept départements et si certains de leurs cantons pratiquent déjà ce type de chasse, il n'y aura pas de difficulté.
S'agissant du principe « un homme, cinquante pouvoirs », je réponds : non ! Madame la ministre, vous avez devant vous un homme ordinaire, mais qui a beaucoup travaillé au sein du mouvement associatif de la chasse, qui a présidé une association communale de chasse agréée pendant de très nombreuses années et qui a milité dans une fédération de chasseurs. Je ne dirai pas que le mouvement associatif de la chasse est un mouvement dans lequel existent des manoeuvres et des malversations en termes de voix. Pas plus qu'ailleurs ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin. Pas moins qu'ailleurs !
M. Jean-Louis Carrère. Quand je dis « pas plus qu'ailleurs », je n'ai pas la discourtoisie de dire « pas moins » ! Je suis très attaché au principe « un homme, une voix ». Comme vous, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je suis un républicain, je crois à l'honnêteté et à la transparence. Au moment où nous voulons réhabiliter non pas la chasse, mais la pratique de la chasse et certains chasseurs au sein de l'opinion de notre pays, il serait préférable de ne pas revenir sur ce principe, même si, je le reconnais, cela complique les choses. En effet, dans les très grandes fédérations qui comptent de nombreux membres, comme en Gironde, dans les Landes ou dans les Pyrénées-Atlantiques, cela devient un problème.
Mais je vais vous donner un contre-exemple, madame la ministre. J'ai présidé, pendant de très nombreuses années, une ACCA, au sein de laquelle j'ai encore un peu d'influence. Cette association comprend une cinquante de chasseurs, qui s'expriment librement. Mais si je suis porteur, moi et moi seul, de ces cinquante voix, croyez-vous que je vais calculer, comme nos amis du groupe du RDSE, où vont les voix ? (Sourires.) Comment fait-on dans ce cas ? (Exclamations amusées sur les travées du RDSE.) Mais je respecte nos amis du groupe du RDSE, car eux savent le faire ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Vous n'allez tout de même pas leur tirer dessus ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je ne suis pas sûr que ce soit adroit - je lâche le mot - si l'on veut réhabiliter le monde de la chasse. Mais je suis certain que vous et moi partageons la même obsession, qui est d'essayer d'y parvenir.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un vrai problème, dont nous débattrons lors de l'examen de l'article 4 !
M. Jean-Louis Carrère. Si les fédérations estiment que c'est quelque chose d'absolument nécessaire, pourquoi pas ? On verra bien.
S'agissant du mercredi, jour de non-chasse, ayons le courage politique de l'affirmer : il est faux de dire qu'il y avait auparavant des jours de non-chasse. Dans mon département, chers amis, il y avait bien deux jours de non-chasse, mais cela ne concernait que le gibier sédentaire.
Puisque nous sommes la deuxième chambre du Parlement - ce qui est tout de même important -, il convient de dire la vérité : certes, il y avait deux jours de non-chasse pour le gibier sédentaire, mais ce type de gibier est de moins en moins nombreux. D'ailleurs, dans certaines zones en France, on chasse de plus en plus d'oiseaux migrateurs. Il faut savoir ce que l'on veut !
J'ai été très sensible aux arguments de Mme la ministre, qui a bien montré les difficultés auxquelles elle était confrontée s'agissant du mercredi jour de non-chasse. Là encore, nous avons voté contre, à l'unanimité. Donc, moi, je ne me dédirai pas. Je suivrai mes amis de la commission des affaires économiques, car là n'est pas le problème, mais sommes-nous sûrs que c'est rendre service au monde de la chasse ? Et j'espère que personne ne saisira le Conseil constitutionnel ! Aujourd'hui, certains me disent qu'il ne faut pas le saisir pour que nous soyons sûrs qu'il n'intervienne pas. Mais la dernière fois, chers amis de l'UMP, qui l'avait saisi ?...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. André Vantomme. M. Chérioux ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Je ne me croyais pas si important !
M. Jean-Louis Carrère. J'entends un silence assourdissant !
Certes, et chacun l'a bien compris, je ne suis pas venu pour régler des comptes, mais je demande un peu de considération.
Madame la ministre, j'ai été sensible aussi à une question qui m'interpelle et qui a été évoquée par Mme la sénatrice du Loir-et-Cher, je veux parler de la segmentation des textes. Cela peut être une habileté, et cela peut être intéressant ; cela peut aussi être mal compris. Je ne suis pas sûr que le monde de la ruralité, dans lequel on trouve en grande partie le monde de la chasse, soit enclin à des stratégies de cette finesse, non pas parce qu'il serait médiocre ou qu'il n'aurait pas la capacité de compréhension, mais parce qu'il aspire à ce que ces questions soient réglées.
On peut admettre cette segmentation des textes pour des effets à la fois tactiques, juridiques et d'ordonnancement des débats, mais il faut bien l'expliquer, annoncer les dates et dire comment cela va se passer. En un mot, il faut que les chasseurs comprennent.
Permettez-moi de m'expliquer. Le monde de la chasse, vous l'aurez compris, madame la ministre, est moins en ébullition qu'il ne le fut. D'ailleurs, je ne suis pas certain que ceux qui l'avaient mis en ébullition la dernière fois seraient ravis si d'autres le mettaient de nouveau en ébullition en ce moment. Or le monde de la chasse va écouter nos débats et sera attentif au texte qui résultera de nos travaux.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est sûr !
M. Jean-Louis Carrère. C'est évident. Mais, si les chasseurs se contentent de la lecture d'un texte, même si celui-ci est positif, sans avoir de visibilité sur ce qui pourra se passer dans les deux ans à venir, l'incompréhension demeurera. Et les échéances électorales se rapprochent ! Je n'y comprends pas grand-chose, mais je subodore ce qui pourrait se passer...
Il en est de même de votre silence concernant la volonté du Gouvernement d'aller à Bruxelles pour renégocier la directive Oiseaux, si toutefois elle est politiquement renégociable, c'est-à-dire si l'on peut engager ce type de procédure. Pour ma part, je ne suis pas fondamentalement contre cette directive. Elle a apporté un certain nombre d'éléments très positifs. Mais cette directive comporte déjà plus de mille dérogations. Et que dire d'une directive à laquelle on déroge plus de mille fois ?
Le problème, ce n'est pas tant la directive elle même, c'est l'interprétation juridique qui en est faite à l'échelon européen et sur laquelle on ne peut plus revenir, sinon très difficilement.
Il faut parler clairement aux chasseurs et leur dire que l'on a conscience que de cette directive et de son interprétation viennent un certain nombre d'aléas. On va réfléchir et essayer de trouver une solution pour éviter toute interprétation très restrictive. Cela signifie qu'il nous faudra dégager une majorité. Le monde de la chasse sera alors plus enclin à nous comprendre, à admettre cette directive et à nous soutenir que si l'on feint de vouloir régler ses problèmes par des textes législatifs.
Madame la ministre, je n'aurai pas la discourtoisie de vous dire que ce projet de loi était un petit texte qui devient un grand texte. Pour moi, il n'y a ni petit ni grand texte. Comme je l'évoquais en préambule, le débat sur les retraites est, me semble-t-il, un peu plus important sur le plan de la démocratie française et de la République...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certes !
M. Jean-Louis Carrère. ... que le débat qui nous occupe aujourd'hui. Pourtant, ce débat sur la chasse me passionne, me tient à coeur,...
M. Henri de Raincourt. Il faut les deux !
M. Jean-Louis Carrère. ... et je sais qu'il est très important pour l'avenir et la cohésion sociale dans nos zones rurales.
Madame la ministre, le groupe socialiste, vous l'avez compris, ne prendra pas exemple sur les différentes composantes de l'UMP qui avaient joué un peu avec la chasse au préalable. Nous, nous resterons sérieux, et dans la mesure où votre texte pourra être un peu amélioré, nous irons peut-être même jusqu'à le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Philippe François applaudit également)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Merci !
M. Jean Chérioux. C'est bien ! C'est noble ! Bravo !
M. le président. Longue intervention, mais on ne s'est pas ennuyé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Très bonne intervention !
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, malgré le plaisir que j'éprouve à débattre d'un sujet qui me tient à coeur, la chasse, je regrette tout de même de devoir l'aborder à nouveau devant vous aujourd'hui. De toute évidence, nous n'en serions pas là si, en mai et juin 2000, le Gouvernement, à l'Assemblée nationale, s'en était remis à la sagesse du Sénat, dont le rapporteur à l'époque, Mme Heinis, s'était fait le porte-parole.
M. Jean Chérioux et M. Henri de Raincourt. Effectivement !
M. Roland Courteau. Nous vous l'avons expliqué ! Vous n'avez pas écouté !
M. Pierre Martin. J'ai bien écouté !
M. Roland Courteau. Non !
M. Pierre Martin. Certes, ce projet de loi n'aurait pas tout arrangé, mais au moins aurait-il ouvert une porte à la reprise de négociations constructives à l'échelon européen et permis ainsi de régler dans le temps les points sensibles liés à l'interprétation de la directive Oiseaux.
Helas ! le résultat tangible de cette loi imposée, mais sûrement pas apaisée, s'est rapidement fait sentir. Il s'est traduit par une déstabilisation de la politique cynégétique, de ses institutions représentatives, par une opposition accentuée entre urbains ou rurbains et ruraux, mais surtout entre les défenseurs et les pourfendeurs de la chasse, ce qui a engendré une multiplication des contentieux.
C'est à vous qu'il revient aujourd'hui, madame le ministre, de réorganiser la gestion de cette pratique populaire et démocratique, garante de la préservation de la faune et de l'habitat.
Votre souci de renouer les liens entre chasseurs et écologistes, qui sont, finalement, tous deux amoureux de la nature, vous conduit non pas à imposer un vaste projet d'ensemble, mais à travailler par touches successives, à la manière des impressionnistes. (Mme la ministre sourit.)
C'est d'abord le projet de loi autorisant le Gouvernement à simplifier par ordonnance la très prochaine création du guichet unique et l'autorisation pour les fédérations départementales des chasseurs qui le désirent de valider les permis de chasser.
C'est aussi la simplification du régime du droit de chasse en forêt domaniale.
Vient ensuite le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Il marque votre volonté, madame le ministre, de dépolitiser le dossier - la démonstration vient d'en être faite par l'orateur qui m'a précédé -, en élargissant considérablement la responsabilité des intervenants locaux, sans lesquels on ne saurait construire une chasse d'avenir.
C'est ainsi que vous précisez le statut des fédérations, et notamment des fédérations départementales, sur lesquelles il faudra désormais s'appuyer. Fortes de leur proximité, elles sauront, je l'espère et je le crois, non seulement répondre aux attentes des chasseurs, mais aussi rester à l'écoute des autres acteurs de la vie rurale et traduire la diversité et la richesse de nos territoires. Ainsi informées, c'est à elles que doit revenir, après échange avec le terrain, le soin d'organiser le repos du gibier et de fixer les jours avec ou sans chasse, en s'appuyant sur leur connaissance des contraintes biologiques et environnementales et des particularismes locaux. Ce n'est qu'ensuite, et seulement alors, qu'il reviendra au préfet d'appliquer cette mesure. Vous êtes là à l'origine d'un acte fort de décentralisation.
En ce qui concerne la gestion du gibier, je me permets d'évoquer le problème que pose l'absence de cohérence entre les départements à propos des prélèvements maximaux autorisés pour la bécasse. Nous reviendrons sur cette question. Au cours de la discussion, je proposerai qu'il soit procédé à une révision de la chasse accompagnée, ainsi qu'à une adaptation du décret Bouchardeau.
Viendra ensuite la troisième étape de la réforme, comprise dans le futur projet de loi relatif aux affaires rurales.
Je ne saurais achever mon propos sans mettre de nouveau l'accent sur le problème crucial et urgent, en particulier dans la Somme, mon département, de la détermination des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs.
Votre réforme ne pourra aboutir, madame le ministre, si ce problème n'est pas traité rapidement.
En effet, la Cour européenne de justice resserre chaque fois un peu plus l'étau juridique. Le Conseil d'Etat se fait, lui aussi, le gardien jaloux d'une interprétation restrictive de la directive de 1979. Il procède à de nombreuses annulations d'arrêtés ministériels fixant les dates de chasse pour telle espèce, dates qui dérogent, comme le permet la loi du 26 juillet 2000, à la période générale d'ouverture allant du 1er septembre au 31 janvier. « C'est en France que le juge pousse son contrôle le plus loin », déplore le député Daniel Garrigue, qui vient de remettre un rapport comparatif sur ce sujet à l'Assemblée nationale.
Cette querelle, qui dure depuis vingt-quatre ans, tourne à la confusion juridique. Il est grand temps d'y mettre fin. Il est urgent de retenir des dates reconnues par les chasseurs, mais également par l'Observatoire, c'est-à-dire des dates incontestables proposées par les uns et acceptées par les autres.
C'est ce que vous préconisez dans vos interventions. Régulièrement interrogée sur ce sujet, vous ne cessez de rappeler qu'il appartient aux Etats membres de fixer ces dates après avoir fondé leurs décisions sur des données scientifiques validées.
A cette fin, vous avez créé l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats. Je souhaite connaître, madame le ministre, l'état d'avancement de ses travaux. L'évolution du dossier européen, qui doit être traité sans plus attendre, en dépend.
Pour conclure, je rappellerai, madame le ministre, que la chasse est une passion. La démonstration nous en a été faite il y a quelques instants. Pour ma part, mon cher collègue Carrère, je ne parlerai pas de l'ortolan puisque je ne pratique pas assez cette chasse. (Sourires.)
M. Philippe François. C'est pourtant bon l'ortolan ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Martin. Mais si la chasse est une passion, c'est aussi une tradition, c'est-à-dire un lien entre le passé et le présent, une coutume transmise de générations en générations. C'est une richesse de notre pays, de notre ruralité, mais également un sport et un loisir. Loisir doit rimer avec plaisir. Ce n'était plus tout à fait le cas ces temps derniers.
Madame le ministre, conjuguons nos efforts pour que, dans l'intérêt de tous, soient recréées les conditions qui permettront de vivre dans notre pays ces moments de convivialité. Les moments de chasse sont souvent des instants de convivialité qui favorisent la solidarité, fort utile par les temps qui courent. Dans ce projet de loi, j'ai trouvé un certain nombre d'avancées, ce dont je me réjouis. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'UMP le votera.
Enfin, je voudrais remercier mon ami Ladislas Poniatowski pour le travail très positif qu'il a effectué, démontrant la volonté des uns et des autres de trouver une bonne solution pour les chasseurs de France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma part, je voudrais évoquer quelques points particuliers concernant le problème de la chasse.
Tout d'abord, ce débat - il n'est pas terminé, mais il a déjà été long - a montré que, sur un sujet passionnel comme celui-ci, peut s'engager une discussion tout à fait franche, parfaitement modérée, tant sur la forme que sur le fond. Si, à l'échelon national, notre société pouvait adopter la même règle de conduite lorsque sont abordés les problèmes de chasse, nous aurions fait, me semble-t-il, oeuvre utile.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. François Fortassin. Par ailleurs, je tiens à dire que la chasse est avant tout un loisir ; c'est même un élément culturel, patrimonial, certes, de la France rurale essentiellement, mais aussi bien au-delà.
Il y a, bien évidemment, une réglementation en matière de chasse. Elle doit être stricte, mais l'éthique et l'état d'esprit doivent l'emporter, me semble-t-il, sur la réglementation.
En effet, il ne faut pas s'en tenir à la seule réglementation, à son application froide, assortie de sanctions ; la chasse vaut plus que cela. Permettez-moi d'en rappeler quelques idées fortes.
Premièrement, un permis de chasser donne à son détenteur le droit de se promener dans la nature avec un fusil, éventuellement avec un chien, mais il ne lui donne en aucun cas le droit de tirer sur ce qui bouge ni celui d'aller tuer quelques volatiles au plumage multicolore qui ont été élevés dans des conditions si détestables qu'on ne peut même pas les manger ! (Sourires.)
Il faudrait dire aux chasseurs, notamment aux plus jeunes, que la prudence en matière de chasse doit être la même que celle qui s'impose à toute personne ayant une arme entre les mains.
Cette arme ne doit pas être ressentie comme un élément de puissance. S'il est vrai que l'on dénombre peu d'accidents concernant les tiers, ils ne sont pas rares, hélas ! entre pratiquants. Je pense que cela doit être rappelé très fermement.
Il faudrait dire également que le gibier de tir ne devrait être autorisé que dans des espaces clos. En aucun cas d'ailleurs le gibier de tir ne devrait être assimilé à du gibier, car on met en péril les animaux qui ne sont pas tués. Ils subissent un stress tel que, dès la première soirée, ils sont la proie de n'importe quel prédateur. Si on aime la nature, on doit respecter ce gibier.
Il serait peut-être souhaitable d'obliger les sociétés de chasse à prévoir des enclos, de manière que le gibier puisse s'habituer au milieu naturel avant les lâchers.
M. Fernand Demilly. Eh oui !
M. François Fortassin. Personnellement, je préconise vivement un rapprochement - et cela n'est pas impossible - entre les chasseurs et les « environnementalistes ». Car les chasseurs, même s'ils sont parfois décriés par une partie de la société, ont au moins une qualité que l'on ne peut pas leur contester : ils connaissent le milieu naturel.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
M. François Fortassin. Enfin, il serait nécessaire à mon avis de limiter l'usage des armes à longue portée du type des carabines à lunettes. Je ne préconise pas leur interdiction ; je propose simplement que ces armes ne puissent être utilisées par les chasseurs qu'après une période probatoire ; qui pourrait être fixée à cinq, voire à dix ans. Sinon, le gibier n'a plus sa chance.
Prenons un isard, espèce que nous connaissons bien dans les Pyrénées, qui est le cousin du chamois alpin. Si vous utilisez un fusil de type classique, vous aurez peu de chance de l'atteindre, car il ne se laisse pas approcher à moins de cent cinquante mètres. En revanche, avec une carabine à lunettes, s'il est arrêté, vous pourrez le tuer à quatre cents mètres. Dans ces conditions, ce n'est plus de la chasse, c'est de la destruction, car, compte tenu de la distance, l'animal a l'impression d'être protégé. Les jeunes chasseurs ont tendance, par manque d'expérience - on ne peut pas le leur reprocher -, à tirer du gibier qu'ils vont certainement blesser sans tuer.
L'autre problème que je souhaite évoquer est celui des oiseaux migrateurs. Mon ami Jean-Louis Carrère a évoqué les pinsons et les ortolans, qu'il connaît bien. Il aurait pu également parler de la palombe.
La palombe est quelque chose d'extraordinaire, surtout dans notre Sud-Ouest. Ce n'est pas pour rien si l'on parle de « fièvre bleue » ! Or, aujourd'hui, on est en train de mettre à mal cette chasse, qui est pratiquée depuis des générations, et de mettre à mal l'oiseau lui-même, qui, pourtant, est exceptionnel. Il n'a d'ailleurs qu'une lointaine ressemblance avec un pigeon ordinaire.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut le dire à notre collègue Chérioux ! (Sourires.)
M. François Fortassin. La chasse à la palombe et le comportement de ce gibier se sont considérablement modifiés. D'abord, en raison du ramassage mécanique des cultures, ces oiseaux trouvent maintenant beaucoup de nourriture dans les champs. Ensuite, à cause des réserves, qui constituent pour eux des lieux de tranquillité totale, ils émigrent de moins en moins. Auparavant, ils partaient des lieux de nidification au nord de l'Europe et allaient jusqu'au Portugal, au sud de l'Espagne, au Maroc, voire plus loin. Aujourd'hui, au moins une bonne moitié d'entre eux restent dans les réserves de notre Sud-Ouest.
Madame la ministre, je préconise que, pendant la période de chasse, qui dure un mois et demi, on fasse disparaître la notion de réserve. En étant chassés, ces oiseaux franchiront les cols pyrénéens et trouveront naturellement les forêts d'altitude, où ils auront beaucoup plus de tranquillité que dans les zones plates. On évitera ainsi une prolifération. A défaut d'une telle mesure, je prends le pari que, dans dix ans, on devra détruire les palombes, qui constitueront une gêne considérable pour les cultures. Même si elle n'est peut-être pas de nature à prendre un caractère législatif, cette mesure me paraît très importante.
Je dirai au passage qu'il serait nécessaire également de relancer l'activité chasse auprès des jeunes en envisageant une action pédagogique en leur direction.
Enfin, madame la ministre, je tiens à dire - et c'est ici le praticien qui fut jadis légèrement braconnier qui s'exprime (Sourires.) - que le braconnier n'est pas forcément un destructeur de l'espèce, puisqu'il essaie de « garder la souche », comme on dit dans nos pays. Il faut certes lutter contre le braconnage, notamment lorsqu'il revêt un caractère commercial, mais il est parfois sanctionné de manière par trop rigoureuse.
Les délits de chasse doivent être sanctionnés, j'en conviens, mais force est de constater que, dans notre société, mieux vaut commettre bien d'autres délits que de tuer un chevreuil. Or, dans certaines zones, ces animaux prolifèrent de façon considérable.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Personne ne veut les chasser ni les tuer !
M. François Fortassin. Aussi, madame la ministre, il serait bon d'inciter l'administration à faire preuve d'une compréhension plus grande à cet égard.
En effet, la chasse, activité ludique, requiert beaucoup de tolérance. C'est un loisir très populaire et démocratique, qui doit le rester. C'est aussi un moment de convivialité et ce n'est pas le président du Sénat qui me contredira.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Pas du tout !
M. François Fortassin. Je lui lance d'ailleurs une invitation pour venir tuer un cerf dans les Pyrénées. (Sourires et applaudissements.)
M. le président. Merci beaucoup, monsieur Fortassin. M. le président du Sénat sera ravi de cette invitation. (Nouveaux sourires.)
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, le sujet que vous inscrivez à l'ordre du jour d'un Parlement préoccupé de l'actuelle situation sociale et économique ne méritait pas tant de zèle pour démonter, pièce par pièce, les textes de vos prédécesseurs. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Si je dis cela, c'est tout simplement parce que je ne comprends pas que l'on passe quatre heures à débattre de la chasse et seulement deux heures sur le RMI et ses modifications.
M. Gérard César. Cela n'a rien à voir !
M. Philippe François. Ce n'est pas pareil !
Mme Marie-Christine Blandin. Mais, puisque vous avez fait ce choix, j'en profite pour m'exprimer en évitant de tomber dans les caricatures qui ont trop souvent entouré ce débat.
Dans un monde pollué, bruyant, bétonné, qui ne comprendrait l'émoi de celui qui pratique la nature de bon matin, dans la rosée, dans la brume qui se lève et à qui on a fait croire un moment que ces sorties allaient lui être interdites ?
Qui, d'ailleurs, avait intérêt à répandre de telles contre-vérités dans un passé récent ?
M. Hilaire Flandre. Qui a fait croire cela ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je sais comme eux l'odeur de l'humus, le bruit du bois mouillé sur lequel pèse le pied, l'envol soudain des oiseaux au petit matin, le chevreuil qui se découpe dans la lumière d'un chemin.
Là s'arrête ma communauté de pratique, car je photographie et le chasseur tue. Quand je rate mon geste, la photo est floue. Quand le chasseur rate son geste, l'animal est blessé.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pas toujours !
Mme Marie-Christine Blandin. En dehors de toute sensiblerie, je ne comprends pas ce plaisir. Toutefois, parce que je suis démocrate, parce que le parti que je représente construit un projet pour tous, je m'efforce de participer rationnellement à la qualité de la loi.
Les Verts rappellent que la chasse est acceptable aux conditions suivantes : le prélèvement doit être raisonnable et ne pas menacer la survie des espèces chassées ni celles qui vivent dans le même milieu - nous ne pouvons qu'être d'accord -, le comportement des chasseurs doit être respectueux des autres usagers des milieux naturels - qui s'y opposerait ? - et ces activités doivent contribuer à la sauvegarde de la faune, de la flore et des habitats.
Les Verts réaffirment que la réglementation de la chasse doit prendre en compte les intérêts cynégétiques, bien sûr, mais aussi ceux de la conservation de la nature et ceux de l'ensemble des usagers des milieux naturels. A des fins de loisirs dans les milieux naturels, elle doit être le résultat d'un dialogue équilibré entre les différentes parties concernées, notamment entre les chasseurs, les associations de protection de la nature et les usagers économiques.
Pour que la chasse survive, la priorité des priorités doit être la sauvegarde du gibier et de son habitat : sans gibier, il n'y a pas de chasseurs.
Il est donc surprenant que le Gouvernement donne la priorité, au moins chronologique, puisque j'ai entendu l'annonce de futurs textes sur la ruralité, aux structures de la chasse. En fait, ce projet est essentiellement destiné à renforcer le pouvoir des fédérations de chasse, y compris en ce qui concerne les moyens.
Il y a en France une majorité de chasseurs raisonnables qui ne demandent qu'une chose : pratiquer leur loisir en paix. Ils en ont assez d'être l'enjeu des politiques. Ils comprennent parfaitement qu'il faut un minimum de contraintes et de contrôles pour éviter les abus. Ils admettent les restrictions destinées à assurer la survie du gibier. Ils souhaitent entretenir de bonnes relations avec les autres usagers du milieu naturel, que ce soit à des fins économiques ou récréatives.
Mais il y a aussi une minorité d'extrémistes qui veulent chasser le plus possible, être les maîtres du territoire et qui, nostalgiques de la lampe à pétrole, veulent chasser comme au siècle dernier.
Les chasses traditionnelles peuvent certes rappeler un certain art de vivre et exiger un savoir-faire, mais nous sommes au xxie siècle. De nombreux milieux naturels ont été détruits, les autres sont en mauvais état. La destruction des haies, l'assèchement des zones humides, les monocultures se sont développés à un rythme jamais atteint. L'utilisation des pesticides et la pollution n'ont jamais connu un tel développement. Dans ces conditions, la chasse ne peut plus se pratiquer comme il y a cent ans.
La tradition n'est pas un argument de raison. L'excision des fillettes en Afrique est une tradition ! Badigeonner de terre une plaie ouverte fut en France une tradition pendant de nombreux siècles, ou encore saigner les malades, comme nous le conte Molière ! Nous avons heureusement renoncé à de telles pratiques.
Hélas ! madame la ministre, votre projet de loi donne satisfaction à la fraction la plus extrémiste des chasseurs. Pour certains, peu nombreux heureusement, le projet de loi idéal se résume à un seul article : « La chasse est autorisée en tous temps, en tous lieux et par tous les moyens. »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Caricature !
Mme Marie-Christine Blandin. Ce projet de loi comprend de nombreuses mesures destinées à renforcer le pouvoir des fédérations et laisse la place à ces extrémistes : la remise en cause du principe « un homme, une voix » et le rétablissement du suffrage censitaire dans les fédérations de chasseurs, comme en 1942 ; la suppression des contrôles a priori et a posteriori sur les finances ; la suppression du taux maximal de la cotisation des fédérations ; la très large possibilité d'utiliser les réserves ; l'élection du président de la fédération nationale par le conseil d'administration de celle-ci et non plus par l'assemblée générale.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est très bien, tout cela !
Mme Marie-Christine Blandin. L'attribution des voix aux titulaires de droits de chasse, parmi lesquels on compte un grand nombre de présidents de sociétés de chasse, a pour effet de limiter le corps électoral à quelques-uns et interdit ainsi à la majorité des chasseurs de s'exprimer directement. Cette analyse est confortée par les projets de système de procuration que vous nous avez communiqués.
Quand on sait que, de surcroît, la plupart des sociétés locales de chasse ou des ACCA reçoivent des subventions de la fédération, on imagine très bien les tractations auxquelles certains votes donneront lieu !
Les fédérations départementales des chasseurs bénéficient, dans le système associatif français, de deux privilèges exorbitants qui les placent en situation de monopole : l'adhésion obligatoire et l'interdiction du choix de la fédération d'adhésion. Il est donc logique qu'en contrepartie elles soit soumises à un contrôle de l'Etat, particulièrement sur leurs finances.
Le passé, même récent, fournit de nombreux exemples de dérives auxquelles l'existence d'un contrôle a permis de mettre un terme rapidement. Il y a peu, la Cour des comptes a eu l'occasion de dénoncer l'utilisation abusive de l'argent des chasseurs, y compris à des fins électorales.
Selon certains, soumettre les fédérations de chasseurs à un contrôle financier a priori serait faire preuve de suspicion et serait insultant pour elles. Pourtant, tous les directeurs d'administration centrale des ministères sont soumis a priori au contrôleur financier. Madame la ministre, auriez-vous plus confiance dans les fédérations de chasseurs que dans les directeurs de votre administration ?
La cotisation étant obligatoire, il est tout à fait normal qu'un contrôle soit exercé. Si les chasseurs ne veulent pas être soumis à plus de contrôles que les autres associations, nous n'y sommes pas opposés, mais cela implique, comme pour les autres associations, une adhésion facultative et volontaire et au moins la possibilité de choisir sa fédération d'adhésion.
Le pouvoir que vous donnez aujourd'hui aux fédérations départementales et à la fédération nationale est inacceptable.
En comparaison, le sort que vous réservez aux associations de protection de la nature est pitoyable. Pourtant, la plupart d'entre elles, loin d'être opposées à la chasse, contribuent à sa survie en se battant pour la sauvegarde des milieux naturels. Or vous leur reprochez d'engager des contentieux contre vos décisions. Le problème n'est pas qu'elles les engagent ; le problème est qu'elles les gagnent !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pas toujours !
Mme Marie-Christine Blandin. Si les juridictions administratives leur donnent raison, c'est que vous aviez violé la loi ! Ce sont vos textes qui sont contestables, pas les associations.
Chacun sait que la chasse apaisée, que tout le monde ici appelle de ses voeux, passera par le rétablissement du dialogue entre les associations de protection de la nature et les associations cynégétiques. Ces dernières années, le Gouvernement a essayé de tout faire pour le rétablir. Il a échoué en raison du refus des chasseurs. En renforçant aujourd'hui le pouvoir des fédérations de chasseurs, vous diminuez les chances de reprise de ce dialogue.
Vous voulez autoriser la transmission des procès-verbaux des infractions de chasse aux présidents de fédération. Je ne suis pas certaine qu'il soit conforme à la Constitution que des procédures judiciaires puissent être communiqués à des tiers étrangers aux parquets et aux sièges ! Mais, si cela était possible, pourquoi limiter cette communication aux seules fédérations de chasseurs et ne pas l'étendre aux associations de protection de la nature ?
Chasseurs et protecteurs de la nature ont un intérêt commun : la protection des milieux naturels. Ce devrait être d'ailleurs aussi le nôtre, et le vôtre !
Vous avez annoncé que le premier projet de loi sur la chasse porterait uniquement sur les structures. Pourtant, il y a deux entorses majeures : l'augmentation du nombre de départements où la chasse de nuit est autorisée...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non, il n'y a pas d'augmentation !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et la suppression du mercredi sans chasse.
La loi de juillet 2000 avait établi, après une longue enquête, une liste de vingt et un départements où la chasse de nuit était traditionnelle. Vous voulez aujourd'hui en ajouter sept.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais non ! Je ne fais que légaliser !
Mme Marie-Christine Blandin. Vous semblez d'ailleurs vous être vous-même rendu compte de l'activisme des lobbies, qui ont réussi à inscrire la Vendée sur la liste précitée, contrairement à l'avis de la fédération locale !
Une grande majorité des fédérations de chasseurs avait établi un jour, parfois deux, de non-chasse. Personne ne peut contester sérieusement la nécessité de ce jour de pause pour la nature, pour la sécurité.
Madame la ministre, j'ai entendu vos arguments et j'ai pris note de votre comptabilité, mais trente morts par an, c'est quand même trop !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n'est pas le jour de non-chasse qui va permettre de réduire ce nombre ! Les morts sont des chasseurs !
Mme Marie-Christine Blandin. Des divergences existent sur le choix du jour. En 2000, le Parlement avait jugé qu'il était préférable de s'en remettre à la sagesse locale. Mais, après l'intervention de la droite, le Conseil constitutionnel a décidé de limiter ce jour au seul mercredi.
Aujourd'hui, vous voulez retourner à l'ancien système, qui introduisait de grandes disparités.
Pour satisfaire les revendications de ceux qui cherchent à politiser la chasse, vous acceptez que l'Office national de la chasse et de la faune sauvage soit placé sous la double tutelle de votre ministère et de celui de l'agriculture. Quel intérêt représente pour l'Etat cette double tutelle ? Votre gouvernement se fait fort de rationaliser les structures de l'Etat. Croyez-vous que mettre un établissement public de l'Etat sous la tutelle de deux ministères corresponde à cet objectif ?
Je terminerai en évoquant une mesure positive qui a été introduite par les députés, à savoir la ratification de l'accord international sur les oiseaux d'eau. Il y avait urgence. Cela permettra notamment d'accélérer l'utilisation de la grenaille sans plomb, métal dont cette convention interdit l'utilisation à partir de 2000.
Je précise bien que ce n'est pas une mesure anti-chasse. Les consommateurs de gibiers et les personnes qui fréquentent les milieux humides sont les premières victimes de cette prolifération du plomb.
M. Jean-Louis Carrère. D'accord !
Mme Marie-Christine Blandin. Cela étant, madame la ministre, je déplore l'esprit et la lettre de votre projet, notamment en ce qu'il multiplie les entorses aux règles qui gouvernent la chose publique.
J'ajoute enfin que mettre en perspective un quelconque infléchissement de la directive de 1979, ce que font les partisans de ce texte, c'est ancrer dans les esprits une illusion nocive : elle ne fera que différer l'apaisement qui était à portée de main.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la chasse qui vient aujourd'hui en débat dans notre assemblée marque une nouvelle étape législative de ce dossier, devenu symbolique, ô combien ! en raison des incessantes joutes politiques et juridiques auquel il donne lieu.
Et c'est bien là tout le problème. La chasse s'est muée en objet de discorde, d'opposition sur la perception et l'usage de la nature. Elle s'en serait bien passée !
Alors que la chasse fait partie de notre histoire, de nos traditions, et reflète fidélement l'identité culturelle de nos territoires, elle doit aujourd'hui, une fois encore, apporter la preuve de sa légitimité.
En une décennie, ce ne sont pas moins de trois lois qui ont été votées pour adapter la chasse à un environnement juridique de plus en plus complexe. En vain.
La volonté de sortir des contentieux et des blocages divers sont tenus en échec par les contructions jurisprudentielles de la Cour de justice des Communautés européennes, appliquées avec zèle par le Conseil d'Etat plus d'ailleurs que par les juridictions analogues d'autres pays.
Cela va trop loin ! La Commission européenne elle-même s'emploie à élaborer un guide interprétatif pour encadrer l'application de la directive Oiseaux.
Face à ce triste bilan, la loi du 26 juillet 2000 n'aura fait que relancer les antagonismes et enfermer un peu plus la chasse dans une impasse.
Madame la ministre, vous avez compris qu'il était urgent de régler ce dossier et de mettre fin aux années de harcèlement qui ont engendré une défiance légitime du monde de la chasse à l'égard des pouvoirs publics. C'est pourquoi je tiens à saluer votre démarche patiente et courtoise, qui a consisté ces derniers mois à renouer les fils du dialogue avec tous les acteurs de ce dossier.
Le sens de l'écoute dont vous avez fait preuve, les multiples réunions de travail que vous avez organisées et auxquelles vous avez étroitement associé notre groupe d'études sur la chasse nous ont redonné à espérer. Je tiens personnellement à vous en remercier.
En effet, de nouvelles perspectives se dessinent pour la chasse. Notre « feuille de route » est claire et repose enfin sur une stratégie d'ensemble, propre à pacifier durablement la pratique de la chasse.
Madame la ministre, votre décision de créer un Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats constitue à ce titre un progrès indéniable.
La réactualisation de nos connaissances scientifiques est en effet un préalable incontournable pour avancer sur la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, qui est au coeur des difficultés du dossier « chasse ».
Je ne saurais donc trop insister sur la nécessité d'explorer rapidement cette voie, car les prochaines campagnes cynégétiques se rapprochent. Nous venons de connaître les périodes de chasse les plus courtes. Il serait inconcevable que ce fâcheux précédent se répète.
J'en viens au texte du projet de loi lui-même, qui a été largement amendé par nos collègues de l'Assemblée nationale et qui offre de nombreux motifs de satisfaction.
Deux mesures particulièrement fortes, car symboliques, sont à mettre au crédit des travaux menés par l'Assemblée nationale : l'abrogation pure et simple du jour de non-chasse et la double tutelle des ministères chargés de la chasse et de l'agriculture sur l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et sur les statuts de la fédération des chasseurs.
S'agissant du jour de non-chasse, nous sommes nombreux dans cette enceinte a l'avoir vivement combattu. Non seulement nous l'avions jugé parfaitement inutile, car il s'agissait d'une pratique courante dans de nombreux départements, mais, en outre, cette mesure nous apparaissait déjà à l'époque comme totalement contre-productive. Elle n'apportait aucune valeur ajoutée à la gestion raisonnée des espèces et procédait à un partage dogmatique de la nature, ne reposant sur aucun fondement objectif.
M. Gérard César. Très bien !
M. Xavier Pintat. L'abandon de cette mesure s'imposait.
L'instauration de la double tutelle constitue un geste politique fort, attendu de longue date par les chasseurs. En anticipant quelque peu sur le prochain débat relatif aux affaires rurales, cette mesure permet de reconnaître le travail des fédérations pour la préservation des milieux naturels. Le lien entre l'agriculture et la chasse est plus qu'ancestral. Cette réalité implique à l'évidence le renforcement du rôle du ministère de l'agriculture, dont la vocation originelle est bien d'être le ministère de tous les espaces ruraux. Je proposerai d'ailleurs d'inscrire à l'article 1er du présent projet de loi la contribution des fédérations départementales à l'aménagement rural.
Par ailleurs, madame la ministre, votre texte aménage opportunément l'organisation institutionnelle de la chasse en France.
L'existence de ce mouvement associatif puissant, couvrant tout le territoire, est une véritable chance. Aussi, les modifications proposées qui consistent à mieux reconnaître le rôle des fédérations, à revenir au régime de droit commun des associations et à renouer avec une plus grande autonomie de gestion vont toutes dans le bon sens. Elles redonnent l'initiative aux acteurs de terrain, tout en les responsabilisant, ce qu'illustre parfaitement la possibilité reconnue aux présidents des fédérations départementales d'être enfin destinataires des procès-verbaux d'infraction.
Dans le même ordre d'idées, on peut citer la transmission du fichier national des permis à la fédération nationale des chasseurs, la libre utilisation des réserves et la libre détermination du montant des cotisations.
Ces mesures confortent toutes le rôle des fédérations en leur donnant les moyens d'assumer leurs missions.
En revanche, je demeure plus réservé quant aux solutions retenues, sur l'initiative de notre confrère Charles de Courson, s'agissant du contrôle des fédérations. En effet, s'il était nécessaire de revenir sur le contrôle a priori des budgets des fédérations, leur alignement pur et simple sur le contrôle de légalité applicable aux collectivités locales fait peser bien des incertitudes.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Xavier Pintat. Notre excellent rapporteur, Ladislas Poniatowski,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Excellent, en effet !
M. Xavier Pintat. ... l'a parfaitement expliqué. Recourir à la procédure du référé paraît contre-productif au regard des obligations en jeu.
Revenons donc au texte initial, qui encadrait strictement le contrôle du préfet tout en maintenant le recours à la chambre régionale des comptes en cas de manquement grave.
S'agissant des procédures d'élection des instances des fédérations, si l'on peut se réjouir des aménagements apportés au principe « un chasseur, une voix » pour prendre en compte l'importance des territoires de chasse, je crois utile de clarifier le régime électoral des assemblées générales des fédérations. Je défendrai un amendement en ce sens.
Vous me permettrez une petite digression sur l'opportunité de renouveler intégralement en 2004 les conseils d'administration des fédérations de chasseurs. Je reste persuadé qu'un renouvellement par moitié serait plus approprié, et cela pour deux raisons : d'abord, la nécessité de prendre en compte l'expiration normale des mandats en cours ; ensuite, l'opportunité du moment. L'élection va se tenir en pleine campagne des régionales et des européennes. Les tentatives de politisation seront fortes !
M. Jean-Louis Carrère. Pas en Gironde ! (Sourires.)
M. Xavier Pintat. Bien sûr, pas en Gironde ! (Nouveaux sourires.)
Quoi qu'il en soit, cette décision n'est pas de notre ressort.
Madame la ministre, nous sommes conscients que nul ne pouvait attendre du Gouvernement qu'il traite en une année le passif accumulé sur ce dossier.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est bien vrai !
M. Xavier Pintat. Le chemin est encore long, les incertitudes juridiques sont encore trop nombreuses. Mais votre projet de loi présente des avancées indéniables. Il permet au monde de la chasse de retrouver sa place au coeur de la société.
Car, ne l'oublions pas, il s'agit là avant tout d'une question de société. Le problème est de savoir quelle vision nous avons de l'organisation de la majeure partie de notre territoire. Cela touche à l'équilibre du monde rural, à la saine gestion d'un patrimoine dont la protection est devenue incontournable en raison de l'évolution de notre société.
Ce texte nous permet enfin, et ce n'est pas le moindre de ses mérites, de nous mettre en ordre de marche pour une chasse légitimée et gestionnaire.
A ce titre, madame la ministre, pouvez-vous réitérer l'engagement du Gouvernement d'entamer des négociations avec la Commission européenne pour modifier la directive Oiseaux ? Pouvez-vous également nous préciser quand débuteront ces négociations et quels résultats vous en attendez ?
Il est en effet illusoire de croire que l'autorisation, contenue dans ce texte, de ratifier l'accord international sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie, c'est-à-dire l'AEWA ou African-Eurasian migratory waterbird agreement (Très bien ! et sourires sur plusieurs travées)...
M. Roland du Luart. Very good !
M. Xavier Pintat. Isn't it. Thank you ! (Nouveaux sourires.)
... sera considérée comme significative par le juge communautaire et le juge national au point de les conduire à assouplir leur jurisprudence concernant les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse des migrateurs.
La prochaine présidence de l'Italie me semble offrir une réelle « fenêtre de tir » pour revenir, autant que faire se peut, à la lettre de la directive Oiseaux.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, nous sommes à vos côtés pour vous aider dans ce travail de longue haleine.
Puisse donc notre débat apporter aujourd'hui modestement sa pierre à un retour durable de la paix cynégétique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 6 juin 2003, par M. le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi urbanisme et habitat.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
CHASSE
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. A cette heure, madame la ministre, beaucoup a déjà été dit par les orateurs qui m'ont précédé, tout particulièrement par le rapporteur, M. Ladislas Poniatowski. Je serai donc bref.
Tout d'abord, je tiens à dire ma satisfaction de voir que votre action personnelle, conjuguée à celle de la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale, vous a permis de présenter au Sénat un texte qui va dans la bonne voie en donnant deux signaux forts en direction des premiers protecteurs de la faune et de la flore de nos montagnes et de nos vallées. Je veux parler, vous l'avez compris, des chasseurs.
Ces deux signaux sont simples et ils étaient incontournables.
Tout d'abord, le texte instaure la double tutelle des ministres chargés de la chasse et de l'agriculture surl'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, et la Fédération nationale des chasseurs, la FNC. Plus généralement, c'est la liberté d'association et la responsabilité des chasseurs qui est reconnue, notamment grâce à la transmission d'une copie du fichier des permis à la Fédération nationale des chasseurs, à l'amélioration du dispositif relatif aux adhésions aux fédérations départementales des chasseurs, à la liberté donnée aux fédérations pour leurs ressources financières, à la suppression des contrôles a priori de leurs budgets - même si, comme l'orateur précédent l'a souligné, nous devons apporter des précisions sur ce point -, à l'extension de la chasse de nuit au gibier d'eau à sept nouveaux départements, ou encore à la suppression du rapport gouvernemental sur la chasse de nuit prévu par la loi de 2000.
Restent néanmoins des questions importantes qui seront sans doute traitées par la future loi sur les affaires rurales, je veux parler de l'avenir de l'ONCFS ou de l'organisation de la police rurale.
Mais je voudrais surtout, dans cette intervention, féliciter le Gouvernement, plus particulièrement Mme la ministre ainsi que la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale d'avoir supprimé le point central de la loi Voynet qui avait scandalisé et inutilement agressé les chasseurs : l'interdiction de chasser le mercredi.
M. Jean-Louis Carrère. Vous en avez été marri !
M. Jean-Paul Alduy. Cette mesure a été considérée comme vexatoire, attentatoire aux libertés,...
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a rien de pis !
M. Jean-Paul Alduy. ... et d'autant moins justifiée que l'on ne chasse pas tous les jours en France.
M. Jean-Louis Carrère. Surtout vous !
M. Jean-Paul Alduy. Effectivement, on ne chasse pas tous les jours en France, notamment dans mon département.
L'idée des écologistes était la suivante : obtenir, sur un jour symbolique, le mercredi, une rupture entre les générations et un partage de fait du territoire entre chasseurs et non-chasseurs ; interdire toute pratique de la chasse un jour et, à terme, plusieurs jours.
Le projet de loi qui nous est soumis prévoit de supprimer ce jour de non-chasse automatique fixé nationalement en laissant aux préfets le soin de définir ce jour dans chaque département, en concertation avec les fédérations de chasseurs.
M. Jean-Louis Carrère. Elles vous ont dit que c'était dur !
M. Jean-Paul Alduy. J'espère que le sens de la loi ne sera pas dévoyé par une administration dont le jacobinisme viscéral pourrait conduire à fixer d'autorité le même jour sur l'ensemble du territoire national. Il faudra être clair et affirmer fortement, sans doute par circulaire, que les fédérations départementales auront pour mission de proposer aux préfets le ou les jours de non-chasse.
Ainsi, les fédérations de chasseurs seraient rétablies, enfin, dans l'exercice responsable de leur activité. Ainsi, le ou les jours de non-chasse seraient différents suivant les habitudes et les traditions cynégétiques locales.
Imposer le mercredi de façon autoritaire était en fait interdire à la chasse...
M. Jean-Louis Carrère. C'était à cause de votre recours !
M. Jean-Paul Alduy. ... d'apparaître comme une activité populaire rassemblant l'ensemble des passionnés, qu'ils soient retraités ou jeunes scolarisés, qu'ils soient enseignants ou qu'ils relèvent du secteur privé.
M. Jean-Louis Carrère. C'était votre faute, monsieur Alduy !
M. Jean-Paul Alduy. C'était votre erreur !
M. Jean-Louis Carrère. Cela va être la même chose, vous allez voir !
M. Jean-Paul Alduy. Votre erreur - et ce projet de loi, précisément, corrige cette erreur -, c'était de porter atteinte à la transmission, de génération en génération,...
M. Jean-Louis Carrère. Il n'a rien écouté !
M. Jean-Paul Alduy. ... d'une activité qui est bien davantage qu'un loisir, car elle renvoie à la connaissance des territoires, de leurs équilibres, de leur protection, c'était finalement, tout simplement, porter atteinte à l'amour du pays et des traditions qui nous ont été transmises.
Je tiens aussi à rappeler que, dans de nombreux villages des Pyrénées, la chasse est la principale activité, la principale économie, du mois de septembre au mois de février.
Le vrai sujet de cette loi est donc simple. Il s'agit, en premier lieu, de rétablir les fédérations des chasseurs dans leurs responsabilités locales en matière de formation des chasseurs, de popularisation de ce loisir - notamment en s'opposant à la privatisation des domaines de chasse de l'ONF, de gestion des équilibres cynégétiques et, plus généralement, d'organisation d'actions collectives pour la protection et l'aménagement de l'environnement de nos vallées et du haut pays.
Il s'agit, en second lieu, de déconcentrer les décisions pour s'adapter aux traditions locales qui ont fait leurs preuves.
Reste en effet le douloureux problème des dates de chasse. Force est de constater que l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 mai dernier est le plus dur que nous ayons connu depuis longtemps : la saison 2002-2003 sera la plus courte de notre histoire récente en matière de chasse aux oiseaux migrateurs.
La directive n° 79/409, la directive Oiseaux, devra être renégociée et le texte qui nous est présenté fixe l'obligation au Gouvernement de déposer avant le 31 décembre 2003 un rapport présentant les initiatives européennes qui seront prises pour adapter cette directive. Dont acte ! Mais, madame la ministre, il est clair que le monde des chasseurs restera très vigilant sur cette question et que les réponses apportées influeront fortement sur le vote des chasseurs de nos hauts cantons où, je le rappelle, le CNPT a été le premier parti de France pour les communes de moins de mille habitants.
M. Jean-Louis Carrère. Le CNPT ?
M. Jean-Paul Alduy. Je viens de le dire !
M. Gérard Le Cam. Ses résultats seront en chute libre l'année prochaine !
M. le président. Poursuivez, monsieur Alduy, ne vous laissez pas interrompre.
M. Jean-Paul Alduy. J'accepte les interruptions lorsqu'elle sont intelligentes !
M. Jean-Louis Carrère. On fait ce qu'on peut !
M. Jean-Paul Alduy. Pour conclure, je dirai que le toilettage très attendu de la loi Voynet a été réalisé avec le souci d'apaiser la guerre lamentable entre chasseurs et non-chasseurs, entre ruraux et urbains.
Grâce à votre action personnelle, tenace, équilibrée, madame la ministre, aujourd'hui, nous sommes dans la bonne voie, celle des décisions prises au plus près des acteurs, celle de la mise en responsabilité des fédérations départementales des chasseurs. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Le Gouvernement a écouté la voix d'en-bas. Je ne doute pas que la Haute Assemblée se fasse l'écho du terrain, de la France des terroirs, et soutienne un projet de loi qui faisait partie des engagements du Président de la République, et qui était très attendu par les Pyrénées catalanes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après des années de conflits, de radicalisations et d'extrêmes en tout genre, voici enfin venu le temps de l'apaisement sur ce délicat dossier de la chasse.
Fidèle à l'esprit de mai qu'incarne le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, vous avez su, en peu de mois, madame le ministre, sortir ce dossier du bourbier dans lequel vos prédécesseurs ont fini par s'enliser.
A trop tirer sur la corde, il ne faut pas s'étonner qu'à la fin elle casse !
La France rurale, la France des chasseurs, a été meurtrie par les caricatures, les quolibets et le mépris avec lequel les nouveaux convertis au culte de la nature sont venus lui imposer, sans concertation et sans ménagement, leur vision, leurs fantasmes.
Qu'il fut surprenant de voir ceux qui n'avaient que le mot « fraternité » à la bouche tenter de dresser les villes contre les campagnes au prétexte du partage d'une nature prétendument accaparée par une minorité ! Le syndrome de Bambi avait encore frappé ! Les chasseurs étaient devenus des viandards, des obsédés de la gâchette, mettant délibérément la vie des paisibles marcheurs en danger, au premier rang desquels les enfants.
Rien n'était donc plus urgent que d'instaurer un jour de non-chasse pour assurer la sécurité de nos chères têtes blondes. Cette lubie démagogique a vécu ce que vivent les roses. Force est de louer, mes chers collègues, l'initiative parlementaire et l'ouverture d'esprit du Gouvernement qui, combinées, ont permis de retrouver le sens de la mesure.
Le bon sens paysan est une vertu louée à juste titre. Laisser aux fédérations de chasse le soin de s'organiser, ne pas légiférer pour le plaisir de dire que l'on existe, c'est faire preuve de sagesse. Redonner aux chasseurs la maîtrise des jours de chasse, c'est les considérer de nouveau comme des êtres responsables et non comme des incapables majeurs qu'il convient d'encadrer.
Car, soyons sérieux, si l'on veut protéger nos concitoyens, particulièrement nos enfants, il est des mesures plus urgentes que celles-là, à commencer par la lutte contre la violence routière, à laquelle s'est justement attelé, avec succès, le Gouvernement.
Votre texte, madame le ministre, permet également de faire table rase de l'incroyable usine à gaz que la gauche plurielle avait réussi à mettre en place dans l'organisation des fédérations de chasse, et qui ne fut pas pour rien dans la hausse non négligeable des coûts, qui porta préjudice aux chasseurs.
M. Jean-Louis Carrère. Comment ? Répétez !
Mme Françoise Henneron. Mes chers collègues, c'est donc un gouvernement taxé par ses prédécesseurs de ne favoriser que les riches qui va garantir la pérennité d'une chasse populaire et démocratique.
M. Jean-Louis Carrère. Répétez !
Mme Françoise Henneron. Une chasse qui, comme l'ont remarquablement exposé un certain nombre de nos collègues à cette tribune, voit se réunir autour d'une même passion les ouvriers, les paysans, les employés, les cadres et les patrons. N'est-elle pas belle la vie !
M. Jean-Louis Carrère. Non ! Non ! C'est un raisonnement de droite !
Mme Françoise Henneron. Je ne vous ai pas interrompu pendant votre intervention. Laissez-moi parler !
M. Jean-Claude Carle. Continuez !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Ne vous laissez pas faire, madame !
Mme Françoise Henneron. En réalité, nous ne savons que trop bien ce qui trottait dans la tête de Mme Voynet. Pour arriver à faire disparaître la chasse, il fallait en éloigner les moins fortunés de nos compatriotes, revenir à l'Ancien régime où seuls les nantis disposaient du droit de chasse.
Il aurait été tellement plus commode ainsi de dénoncer un privilège de classe que la réalité de la chasse s'évertue à nier tous les jours ! (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
Non ! La chasse n'est pas une activité de riches.
M. Gérard Le Cam. Elle l'est quelquefois !
Mme Françoise Henneron. Elle est un formidable catalyseur d'énergies au service de la nature et du monde rural.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
Mme Françoise Henneron. Si nos campagnes sont belles, s'il fait si bon s'y promener et y vivre - je peux en témoigner - c'est parce que, depuis des décennies, des hommes et des femmes passionnés entretiennent leurs domaines, s'occupent de leurs terres et prennent soin des animaux qui la peuplent.
Où sont-ils les écologistes quand, en plein froid, au coeur de l'hiver, les chasseurs nourrissent le gibier pour éviter qu'il ne meure de faim et de froid ? Où sont-ils ? Ils sont bien confortablement calfeutrés dans leur petite maison, à profiter des joies du confort moderne que seule une énergie à 75 % nucléaire est capable de leur apporter.
Mme Marie-Christine Blandin. Je demande à exercer mon droit de réponse, monsieur le président !
Mme Françoise Henneron. C'est cela aussi le xxie siècle !
Oui, madame le ministre, votre texte reflète le bon sens et le triomphe de la raison sur la démagogie.
M. Jean-Claude Carle. Exactement !
Mme Françoise Henneron. Madame le ministre, comment conclure sans évoquer le dernier domaine qu'il reste encore à dépassionner : celui de la date de l'ouverture de la chasse au gibier d'eau ?
M. Jean-Louis Carrère. Là, vous allez apaiser les débats !
Mme Françoise Henneron. Je connais les contraintes que font peser sur vous l'application et l'interprétation de la directive de 1979.
M. Jean-Louis Carrère. Cela vous rend service !
Mme Françoise Henneron. Mais, comme tout ce qui traite du vivant - cette idée a déjà été bien développée - cette directive a certainement besoin d'être actualisée. En effet, sa mise en oeuvre manque de logique, ce qui la rend difficilement compréhensible pour les chasseurs.
Je ne citerai, à ce titre, qu'un seul exemple. En France, la chasse au canard colvert ouvre le 1er septembre alors qu'en Belgique elle ouvre le 15 août. Les frontières n'ont jamais été un obstacle tangible pour les oiseaux ! Lorsque l'on est chasseur dans le Nord-Pas-de-Calais, on voit mal le bénéfice, en termes de préservation, que cette espèce peut tirer d'une telle incohérence.
Je suis sûre que vous mesurez le désarroi de nos chasseurs. Ils ne sont pas hostiles à la préservation des espèces. Au contraire, ils y ont tout intérêt. Mais l'adhésion à un principe suppose la compréhension des règles et cette dernière ne saurait exister tant que subsisteront de telles incohérences.
L'Europe est un combat quotidien. Je sais que, attachée comme vous l'êtes à l'équilibre et à l'équité, vous saurez trouver le moyen de convaincre nos partenaires qu'il est temps d'évoluer sur ces questions.
Madame le ministre, votre texte est bon.
M. Jean-Louis Carrère. Le vôtre est long !
Mme Françoise Henneron. De surcroît, il est excellement rapporté par notre brillant collègue Ladislas Poniatowski.
M. Bernard Saugey. Très bien !
Mme Françoise Henneron. C'est donc avec enthousiasme que je le voterai, imitée en cela, je n'en doute pas, par nombre de mes collègues de la majorité,...
M. Bernard Saugey. Oui !
Mme Françoise Henneron. ... mais aussi de l'opposition, qui ne seront pas fâchés, j'en suis certaine, d'entendre enfin siffler la fin de la récréation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, je vous demande d'enregistrer ma demande de droit de réponse à Mme Henneron.
M. Jean-Claude Carle. A quel titre ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la convention des affaires économiques et du Plan. Un droit de réponse à quoi ?
M. le président. J'en prends note, bien entendu, mais, conformément au règlement, s'agissant d'un fait personnel, je ne pourrai vous donner la parole qu'à la fin de la séance.
M. Roland du Luart. C'est intéressant !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à apporter ici un témoignage.
Mais d'abord, je veux rendre hommage au travail que le Sénat avait déjà accompli sous l'impulsion de notre ami Ladislas Poniatowski ainsi qu'à celui qu'a réalisé au sein de la commission des affaires économiques son président, M. Larcher.
Le gouvernement précédent a essayé de susciter la rupture entre les chasseurs et les amateurs de la nature tels que les voyait Mme Voynet et de créer une division là où il fallait au contraire rassembler. Le Sénat avait eu la sagesse de tenter de l'éviter.
M. Jean-Louis Carrère. Et voilà ! La caricature est arrivée !
M. Jacques Blanc. Ce n'est pas du tout une caricature ! Demandez à l'ensemble des chasseurs : ils ont été meurtris dans leur amour de la nature.
M. Jean-Louis Carrère. A La Canourgue !
M. Jacques Blanc. Les chasseurs, nous les connaissons !
M. Jean-Louis Carrère. Oui, sans doute !
M. Jacques Blanc. Ce sont des hommes et des femmes,...
M. André Vantomme. C'est sûr ! Ce ne sont pas des lapins ! (Rires.)
M. Jacques Blanc. ... souvent très fortement amoureux de la nature.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont des hommes et des femmes, pas des veaux !
M. le président. Monsieur Carrère, je vous en prie !
M. Jacques Blanc. Je comprends que M. Carrère soit un peu gêné, tant il est vrai que le gouvernement de Lionel Jospin a été une catastrophe dans ce domaine - comme dans d'autres, d'ailleurs.
MM. Jean-Claude Carle et Bernard Saugey. C'est vrai !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes pathétique, monsieur Blanc !
M. Jacques Blanc. Je reviens à mon propos : essayer de créer un fossé entre ceux qui veulent défendre la nature et les chasseurs était une aberration. C'était faire courir un risque important à notre société. Pourtant, on l'a fait.
Aujourd'hui, grâce à la volonté de ce gouvernement, madame le ministre, grâce aussi à la majorité élue à l'Assemblée nationale, qui a tenu ses engagements - et peut-être est-ce cela, le changement dans la vie politique : faire ce que l'on a dit -, nous avons commencé par revenir sur ce qui était une ineptie totale.
Vous m'excuserez de vous le dire, mes chers collègues, mais, à l'époque de Brice Lalonde, jamais on n'aurait eu l'idée d'instituer un jour de non-chasse le mercredi ! C'était là un acte gratuit, stupide et dangereux.
Les mesures que nous avons adoptées, au contraire, permettent aux fédérations de s'organiser. Nous les connaissons, les fédérations ! Dans chacun de nos départements, nous avons des contacts, nous avons des liens avec elles, et nous savons qu'elles rétabliront ce jour de non-chasse comme elles le souhaiteront, pour respecter les équilibres.
La suppression du jour de non-chasse est donc un signe très fort de la part de l'Assemblée nationale, et j'espère bien que le Sénat, avec la sagesse que nous lui connaissons, la suivra.
Je dois le souligner, notre rapporteur est reconnu dans le monde de la chasse.
M. Bernard Saugey. On connaît sa grande compétence !
M. Jacques Blanc. Partout, on sait qu'il s'est battu...
M. Jean-Louis Carrère. Il a dit n'importe quoi !
M. Jacques Blanc. Il n'a pas dit n'importe quoi !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas comme vous, alors !
M. Jacques Blanc. Moi non plus, je ne dis pas n'importe quoi, et vous allez vous en rendre compte.
Le sujet méritait d'être traité,...
M. Jean-Louis Carrère. Oui, surtout par vous !
M. Jacques Blanc. ... et j'exprime mon sentiment.
Une étape a été franchie, et je crois qu'aujourd'hui on ne peut que s'en féliciter.
Un rôle organisateur doit être reconnu aux fédérations départementales non seulement pour ce qui concerne le jour de non-chasse, qu'elles pourront désormais fixer puisqu'il ne figurera plus dans la loi, mais aussi pour ce qui est de la chasse elle-même : il s'agit de leur confier des responsabilités.
Cela a été fait, par exemple, en matière de sécurité, sujet qui me préoccupe beaucoup. On sait que de nombreuses fédérations départementales organisent des stages pour éduquer à la prévention des dangers que, comme toute activité, la chasse comporte.
Nous leur avons donc confié l'organisation des examens du permis de chasse, et ma région, le Languedoc-Roussillon - mon collègue Jean-Paul Alduy s'est beaucoup battu sur ce dossier, et je l'en félicite -, a décidé de les accompagner financièrement afin qu'elles puissent réaliser les équipements nécessaires.
En responsabilisant les fédérations non seulement à l'échelon départemental, mais aussi à l'échelon national, en un mot, en reconnaissant leur rôle, on sort de conflits artificiels.
Restent en suspens un certain nombre de difficultés, tel le problème des dates de la chasse au gibier d'eau. J'étais à l'assemblée générale des fédérations qui s'est tenue à Port-la-Nouvelle. Que leur ai-je-dit ? Qu'on ne pouvait pas faire n'importe quoi ! Et je vous félicite, madame la ministre, d'avoir installé l'Observatoire de la faune sauvage, qui permettra de sortir de ces fausses discussions.
Il y eut le rapport Lefeuvre, dont on connaît la finalité ; il y eut aussi le rapport Ornis, qui était beaucoup plus scientifique. Nous avons maintenant besoin d'une analyse objective et en quelque sorte « régionalisée » des réalités scientifiques concernant les oiseaux migrateurs.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne faut pas que ce soit un coup à « blanc » ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Nous voulons sauver tous les oiseaux migrateurs, mais il nous faut également songer à préserver les équilibres naturels. Ce n'est que sur la base des données scientifiques que l'Observatoire pourra faire reconnaître cette question non seulement à l'échelon national, ce qui est important, mais aussi, je l'espère à l'échelon européen, et que nous pouvons lever l'ambiguïté.
Certes, on ne peut pas faire progresser la question des dates de la chasse aux oiseaux migrateurs aussi vite qu'on le souhaiterait, et il faut oser le dire ! Ainsi, lorsque je présidais le comité des régions d'Europe - j'ai eu l'honneur d'en être le premier président -, j'ai voulu ouvrir un débat pour mettre un terme à certains de ces malentendus. J'ai très rapidement fait marche arrière, car, sous l'influence d'un certain nombre de représentants du Nord, je risquais de le voir aboutir à une position inverse de celle que je souhaitais. Il est vrai que, à l'échelon européen, on est parfois plus volontiers prêt à sauver les cormorans ou les hérons qui viennent manger nos truites que les truites elles-mêmes !
Tout est donc dans l'équilibre,...
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Jacques Blanc. ... et c'est le mérite de ce texte que d'ouvrir la grande voie qui nous permettra de l'atteindre. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
Dans le parc national des Cévennes, qui se trouve partiellement dans mon département, on a si bien interdit la chasse que, les cervidés, aujourd'hui, détruisent la forêt.
M. Roland du Luart. Il faut y introduire des loups !
M. Jacques Blanc. La nature a besoin d'une autorégulation dont les chasseurs sont un élément indispensable. Il nous faut donc pouvoir nous appuyer sur des constatations scientifiques objectives, avoir une approche intelligente de la réalité et trouver le moyen de faire évoluer cette directive européenne, qui nous gêne, certes, mais qui existe.
M. Jean-Louis Carrère. La directive, qui l'a prise ?
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Blanc !
M. Jacques Blanc. Les travaux scientifiques que vous avez suscités, madame la ministre, nous donneront les éléments nécessaires, et je tiens à vous en féliciter.
De plus, bien qu'il ne soit guère confortable pour un ministre d'hériter d'un tel dossier, vous avez su trouver les mots qui correspondaient à la réalité de la chasse sans pour autant attaquer les uns ou les autres.
J'espère que de notre discussion, qui vient après le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, naîtront la volonté et la capacité de travailler ensemble sur les projets de parcs régionaux.
Ainsi, pour le projet de parc régional de Cerdagne-Capcir, dans les Pyrénées-Orientales, et pour celui de la Narbonnaise, dans l'Aude, nous avons obtenu que les représentants des chasseurs et ceux des mouvements écologistes, au lieu de se battre, s'entendent : leur approche de la question nous permet de dégager un certain nombre de choix fondamentaux.
J'espère qu'aujourd'hui le Sénat, grâce à la qualité de son travail, contribuera - j'ai moi-même déposé un amendement en ce sens - à la reconnaissance d'une activité sportive, familiale et traditionnelle...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. La tendelle !
M. Jacques Blanc. ... que l'on appelle la tendelle et qui est une forme de chasse aux grives. On la pratique dans certains départements, dans la Lozère en particulier, mais aussi dans l'Aveyron. Elle ne provoque pas de dégâts et elle est un élément de toute une culture. Faudra-t-il vraiment que l'amendement soit voté ? Certes, je le proposerai, mais qu'au moins, si on ne le vote pas, on respecte ces traditions !
La tradition, dans un pays rural, on y est attaché, et cela compte. Notre pays a besoin de retrouver des valeurs rurales, cet équilibre indispensable qui permet aux hommes, un peu désemparés dans ce siècle sans âme et qui ont perdu leurs repères, de les retrouver grâce à la qualité de la nature, dont les chasseurs ont tant besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous remercier de la tonalité excellente et extrêmement constructive de la discussion générale qui vient d'avoir lieu.
Mes remerciements vont d'abord, bien sûr, à votre rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, que je rejoins tout à fait lorsqu'il souhaite que ce débat aboutisse à une véritable discussion sur la conciliation des usages de la nature. Cette vision est d'ailleurs largement partagée par le président de la commission des affaires économiques, M. Gérard Larcher, et par Jacqueline Gourault, que je remercie de m'avoir apporté le soutien de l'Union centriste.
Cette tonalité constructive s'est fait entendre sur l'ensemble des travées de la Haute Assemblée. Ainsi, je remercie Jean-Louis Carrère, dont j'ai beaucoup apprécié l'intervention pleine de fougue, pleine de chaleur, pleine de couleur.
M. Roland du Luart. C'est l'ortolan qui parlait ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, lorsque l'on est de bonne foi et que l'on connaît bien les sujets, alors, on est capable de surmonter les clivages et de se retrouver autour d'une vision apaisée de la chasse.
Rejoignant M. Demilly, je dirai que, dans ce débat, le maître mot est bien la réconciliation. Oh, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne réconcilierai pas les extrêmes, ceux qui ont fait de la chasse ou de la non-chasse un fonds de boutique politicien ! Cela ne m'est pas possible !
M. Gérard Le Cam. Comment s'appellent-ils ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne réconcilierai pas non plus ceux pour qui la chasse est l'objet de fantasmes. Hélas, c'est vers eux que se tendent les micros !
Enfin, je ne sais pas si vous avez remarqué que lors du débat à l'Assemblée nationale, la suppression du mercredi sans chasse a été votée à une écrasante majorité (M. Jacques Blanc s'exclame.) et que les députés de l'UMP ont été rejoints par les députés socialistes et par les députés communistes.
M. Jean-Louis Carrère. Cela ne m'étonne pas d'eux !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avez-vous vu que mention en ait été faite dans un quelconque journal ? Et je peux vous garantir que vous ne trouverez demain, dans la presse, aucun écho du dialogue apaisé que nous avons eu aujourd'hui pour défendre une chasse démocratique et populaire !
M. Jean-Louis Carrère. Chez moi, si, parce que je m'en suis occupé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne doute pas de vos capacités de communication, monsieur Carrère ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Mais je ne m'en occupe pas chez les autres !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La chasse, ou plutôt les modes de chasse pratiqués dans notre pays par 1 400 000 chasseurs constituent un patrimoine culturel et écologique, un patrimoine démocratique et populaire. Or ils sont gravement menacés par certains déséquilibres qui sont apparus dans la gestion de la faune sauvage et qui sont le fruit non pas du comportement des chasseurs eux-mêmes, mais bien plutôt du changement des modes de vie, de l'urbanisation, du mitage, du « tout-bagnole », de l'émission des gaz à effet de serre. Et quand on voit certains militants anti-chasse venir manifester au volant de somptueux 4 × 4, on reste quelquefois dubitatif !
L'élargissement de la palette de l'offre de loisirs fait aussi peser des menaces sur la chasse, car elle qui, dans le monde rural, était souvent le seul loisir, du moins le seul loisir démocratique, se voit aujourd'hui concurrencée par un certain nombre d'autres activités.
Dans ce domaine, je suis persuadée que la survie de la chasse passe par sa féminisation. Car les femmes s'en sentent aujourd'hui parfois exclues et privilégient d'autres loisirs et d'autres distractions.
M. Jean-Louis Carrère. C'est la faute à Ladislas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien entendu, monsieur Carrère, chaque fois que les femmes sont absentes d'une activité, qu'il s'agisse d'une activité professionnelle, culturelle ou de loisir, sa survie est généralement menacée, et le cas de la chasse en est une nouvelle démonstration.
Et puis, la chasse leur étant étroitement liée, la disparition des activités rurales aggrave encore les menaces. Chacun d'entre nous a pu constater que la démographie des chasseurs est extrêmement inquiétante. Nos pères chassaient ; dans nos générations, on chasse encore ; nos enfants, hélas ! chassent de moins en moins, voire ne chassent plus.
M. Roland du Luart. Cela dépend des familles !
M. Jean-Louis Carrère. Les miens chassent !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Les enfants Larcher aussi !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela dépend, certes, et je ne doute pas que le président Larcher y ait veillé !
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur quelques points, et je souhaiterais leur apporter des éléments de réponse plus complets que ceux qu'ils ont pu trouver dans mon propos liminaire, étant entendu que nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Certains m'ont reproché plus au moins vigoureusement le temps pris par la procédure législative en raison de la méthode retenue. Je rappellerai un certain nombre de réalités.
D'abord, comme le soulignait excellemment Mme Henneron à l'instant, ce dossier est d'une extraordinaire complexité juridique.
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d'accord !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De plus, si M. Jacques Blanc, à l'instant, citait la tendelle en Lozère, on pourrait énumérer bien d'autres chasses traditionnelles : on a tort de parler de « la » chasse, il vaudrait mieux parler « des » chasses.
A la complexité juridique s'ajoute donc une complexité technique et culturelle qui ne permet pas, comme on le fait hélas trop souvent, d'aborder la question de la chasse en se contentant d'en avoir une vision simpliste : il faut prendre en compte toutes ces différences. Et je ne parle pas des ortolans de M. Carrère !
M. Jean-Louis Carrère. La matole !
M. Gérard Larcher, président de la commission. A-t-il décrit comment on les mange ?
M. Jean-Louis Carrère. C'est interdit ! On ne les mange pas !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Il reste le souvenir !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ensuite, la chasse est un sujet très délicat à traiter d'un point de vue politique, nombre d'entre vous l'ont également souligné. Sur un terrain aussi miné, il faut d'abord recréer la confiance ; cela ne peut se faire en un jour.
Enfin, il faut bien le reconnaître, les divisions du monde des chasseurs compliquent encore le débat, car il faut prendre le temps d'écouter les uns et les autres. Je puis vous assurer que, à propos de la suppression du jour de non-chasse, nous avons proposé une solution simple ; nous avions écouté les représentants d'un certain nombre d'associations, et nous sommes repartis avec autant de solutions différentes qu'il y a de régions !
M. Gérard Larcher, président de la commission. C'est cela, la palabre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout cela explique que je me sois refusée à construire une superbe cathédrale législative. Elle serait sans doute restée sous le nom de « loi chasse Bachelot », ce qui aurait été assurément gratifiant pour mon ego, mais elle n'aurait pas été opérationnelle du tout.
Au contraire, j'ai voulu adopter une politique des petits pas, distinguer ce qui relevait du réglementaire de ce qui relevait du législatif ou encore des bonnes pratiques, sur lesquelles M. Fortassin a insisté ; ca,r dans la chasse, l'éthique l'emporte souvent sur la réglementation.
Cette politique des petits pas était destinée à restaurer la confiance et à traiter les problèmes au fur et à mesure que pouvaient se dégager des solutions consensuelles, de façon que, au lieu de faire des grands moulinets, on parvienne à des résultats acceptables, à des résultats qui permettent de « déminer » le dossier. Car la confiance entraîne la confiance, et ce n'est qu'à partir du moment où l'on obtient des résultats que l'on peut avancer sur d'autres sujets.
Regardez l'histoire emblématique du guichet unique ! Je signale d'ailleurs à M. Le Cam qu'il commet une erreur d'interprétation et qu'il affole les populations en disant qu'il leur faudra courir au chef-lieu du département pour effectuer les démarches. Le guichet unique n'est pas l'unique guichet ! Un réseau diversifié de guichets est bien entendu conservé. Les chasseurs qui ont déjà bénéficié du guichet unique le savent bien ! Avec le guichet unique, il n'est plus nécessaire de faire le parcours du combattant pour procéder aux différentes démarches administratives relatives au permis de chasse : vous les réalisez dans un seul lieu. Alors, monsieur Le Cam, je me permets de vous le signaler, vous n'avez pas compris ce qu'est le guichet unique.
On m'interroge sur la nécessité d'avoir attendu pour régler ce problème, alors qu'il me suffisait d'avoir la modestie d'accepter que cette disposition intéressante figure dans le texte portant simplification des démarches administratives. Mais telle a été ma méthodologie : la concertation, la politique des petits pas. C'est une pratique qui demande du temps, mais qui est certainement beaucoup plus efficace.
Le deuxième point technique sur lequel je souhaite revenir un instant concerne le jour de non-chasse.
Sur le fond, on peut attribuer trois finalités au jour de non-chasse : la sécurité des autres utilisateurs de la nature ; le fait de partager cette nature selon ses utilisateurs ; enfin, la gestion de la faune sauvage.
Je réfute complètement les deux premières finalités. La sécurité des autres utilisateurs n'est absolument pas assurée par la suppression d'un jour de chasse. Les accidents concernent, dans leur quasi-totalité, les chasseurs. Depuis la création de ce jour obligatoire de non-chasse, on n'a constaté aucune baisse des accidents liés à la chasse...
M. Jean-Louis Carrère. Ni aucune hausse !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Effectivement !
Ce qui crée la sécurité, c'est le respect des bonnes pratiques de chasse - je l'ai dit dans mon propos liminaire - et l'instauration d'un permis de chasse performant et efficace : il doit non pas être seulement un permis théorique, mais devenir de plus en plus un permis pratique.
S'agissant du partage de la nature entre les chasseurs et les non-chasseurs, il est quotidien depuis, j'allais dire, quasiment des siècles. D'ailleurs, si l'on milite pour le partage de la nature, pourquoi un mercredi sans chasse, alors que c'est sans doute le jour le moins adapté à nos enfants ? Les pères et les mères de famille qui travaillent ne sont absolument pas intéressés par le mercredi sans chasse ! En revanche, d'autres jours sans chasse seraient utiles pour les enseignants qui souhaitent faire partager des activités de nature à leurs élèves.
Le mercredi sans chasse n'a donc aucun intérêt pour le partage de la nature. En revanche, les chasseurs que j'ai interrogés sont demandeurs de cette possibilité de prévoir un ou plusieurs jours sans chasse selon les secteurs, afin d'assurer une gestion affinée et adaptée du patrimoine naturel. C'est sur cet aspect du jour sans chasse que je souhaite appeler votre attention. En effet, cette faculté est assise sur l'article R. 224-7 du code rural et je vous rends attentifs à l'extraordinaire fragilité juridique de cette disposition.
En 2000, le Conseil constitutionnel avait annulé la disposition qui permettait de choisir un jour de non-chasse au motif que, l'interdiction de la chasse étant une atteinte au droit de propriété, cette interdiction ne pouvait relever que d'une mesure générale. Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la proposition que j'ai faite - et qui n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale, je le regrette ! -, je voulais asseoir la sécurité juridique de cette disposition réclamée par les chasseurs.
La chasse, qu'on le regrette ou qu'on s'en réjouisse, est devenue le champ clos des contentieux juridiques.
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je crains, hélas ! que si un jour de non-chasse est décrété dans tel ou tel département, étant donné la fragilité juridique de l'article R. 224-7, une procédure ne fasse écrouler l'édifice que vous tentez de construire.
Certains me disent : cela n'existait pas dans le temps ! Oui, mais, dans le temps, on pouvait gérer ce jour de non-chasse à partir d'un élément aussi fragile que l'article R. 224-7 du code rural. Dans ce dossier, de mauvaises habitudes ont été prises et nous risquons de le payer très cher.
Je demande à celles et ceux qui veulent concilier l'exercice de la chasse avec la liberté et la responsabilité de tenir compte de cet argument. Il s'agit d'un argument non pas théologique, mais pratique.
En ce qui concerne l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, un amendement de l'Assemblée nationale l'a placé sous la double tutelle du ministère de l'écologie et du développement durable et du ministère de l'agriculture.
M. Roland du Luart. C'est une très bonne chose !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur ce sujet, je n'ai pas non plus de position théorique, même si ceux qui pratiquent les tutelles sur les organismes savent qu'une cotutelle ne fonctionne pas. J'en appelle ici aux anciens ministres qui ont eu à gérer ce genre de situations. Le résultat n'a pas été positif.
Cela dit, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage rencontre des problèmes de nature différente : des problèmes financiers,...
M. Roland du Luart. Pourquoi avoir embauché cent trente gardes ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'héritage, monsieur du Luart !
... des problèmes de définition de ses missions et des problèmes juridiques puisqu'un certain nombre de contentieux opposent l'office aux fédérations.
Nous avons engagé une réflexion approfondie sur ces questions récurrentes des missions et des moyens de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Nous avons plaidé, monsieur le rapporteur, en faveur d'un traitement successif des différents sujets. Les missions, les moyens et les responsabilités de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage seront précisés dans le projet de loi relatif aux affaires rurales. Laissons-nous le temps de la réflexion ! Pourquoi décider d'une cotutelle de l'office, alors que cette question mérite, à l'évidence, une vue d'ensemble de la situation ?
Enfin, le dernier point sur lequel vous avez, à juste titre, appelé mon attention et qui ouvre des perspectives sur le travail à venir, au-delà de la loi sur les affaires rurales et de la loi sur le patrimoine naturel, c'est l'Europe.
Je ne partage pas l'avis de ceux qui critiquent la directive de 1979. Cette directive est excellente ! Tout d'abord, elle considère la chasse comme une activité légitime et elle assoit cette légitimité sur des principes tout à fait acceptables. Le débat, ne l'oublions pas, porte non pas sur la conciliation de la chasse avec les autres usages de la nature, comme on voudrait nous le faire croire, mais sur une condamnation éthique de la chasse.
Monsieur Carrère, pourquoi la directive de 1979 n'est-elle pas satisfaisante ? Cela est dû aux analyses jurisprudentielles à la fois de la Cour de justice des Communautés européennes et du Conseil d'Etat. Par exemple, la Cour de justice des Communautés européennes a assis un certain nombre de principes avec une application extensive sur la protection complète, ce qui a modifié, dans un sens défavorable, la lecture de cette directive.
Les jurisprudences du Conseil d'Etat sont de plus en sévères, en particulier la notion de perturbation, qui s'évalue non pas sur les espèces chassables mais sur les espèces chassées, ce qui est absolument extravagant. En outre, le Conseil d'Etat n'a retenu comme outil de validation de ses positions que les travaux les plus défavorables à la chasse. Il s'est donc livré à un tri parfaitement contestable des données disponibles. Je rejoins en cela l'excellente analyse qui figure dans le rapport établi, au nom de la délégation pour l'Union européenne, par le député Daniel Garrigue.
Certains disent qu'il faut remettre en cause la directive de 1979. Outre le fait qu'il s'agit d'une procédure extrêmement longue, étant donné le processus qu'il nous faudra suivre, la remise en cause de cette directive ne permettrait absolument pas de résoudre les problèmes des dates de chasse tels qu'ils se posent hic et nunc.
Par ailleurs, cette procédure n'est pas sans danger. Après le premier arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en 1994, qui asseyait les principes contestables de confusion et de protection complète, nous avons voulu renégocier cette directive. Nous nous sommes tournés vers la Commission et, contrairement à ce que l'on pense, celle-ci nous a écoutés. Le problème, c'est que de telles dispositions doivent être ratifiées devant le Parlement européen, où les lobbies anti-chasse sont extrêmement actifs. Nous nous sommes alors rendu compte que nous allions à la catastrophe. C'est pourquoi, en 1996, nous avons demandé à la Commission de retirer le texte qui avait été présenté devant le Parlement européen.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la procédure de remise en cause d'une directive européenne, outre le fait qu'elle est longue, est extrêmement dangereuse : elle peut avoir des effets dévastateurs sur le monde de la chasse.
J'ai préféré reprendre le sujet d'une autre façon, et d'abord en renouant le dialogue avec la Commission européenne, par l'intermédiaire de M. Georges Dutruc-Rosset. Ce dernier a accompli un excellent travail et je tiens à le remercier de tous les contacts qu'il a établis avec la Commission et des tableaux des dates de chasse qu'il nous a fournis : ils nous ont permis de procéder à une étude comparative fine, notamment sur les dates de chasse de l'année dernière. L'ensemble de ce travail nous sera évidemment très précieux pour les propositions que nous formulerons dans quelques jours, sinon quelques semaines.
La direction de la nature et des paysages, les services et le cabinet de mon ministère ont poursuivi ce contact avec la Commission, afin que soient prises en compte non seulement les données techniques, mais également les relations humaines.
Je souhaite aussi me rendre à Bruxelles par le Thalys dans les premiers jours du mois de juillet prochain, à la tête d'une délégation de parlementaires, députés et sénateurs, afin que nous puissions rencontrer les responsables de la Commission et discuter avec eux de ces problèmes de chasse.
M. Jean-Louis Carrère. Uniquement des membres de l'UMP ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien entendu, la délégation sera « plurielle », monsieur Carrère !
Vendredi prochain, au conseil des ministres de l'environnement de l'Union européenne, je ferai une communication sur les questions récurrentes qui se posent sur les directives Oiseaux et Habitat, car il n'y a pas que dans le monde de la chasse que ces deux directives ont été des nids à contentieux. Non seulement elles ne font pas avancer la protection de la faune et la biodiversité, mais, au contraire, elles ont été à l'origine d'un véritable rejet par les populations de réglementations qui sont apparues absconses et inutilement vexatoires.
Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, effectivement, aujourd'hui - je reprends votre expression, monsieur le rapporteur - nous présentons une « petite loi ». Et je m'en vante ! Elle contient cependant des éléments extrêmement importants sur le statut des fédérations et sur le jour de non-chasse. Elle règle un certain nombre de problèmes pratiques. Et elle a été considérablement enrichie par les travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Nous allons continuer par la voie réglementaire. Nous allons continuer par le texte relatif aux affaires rurales. Nous allons continuer par la loi sur le patrimoine naturel. Nous allons continuer par un effort continu avec les instances européennes. Nous allons aussi continuer par les travaux de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats.
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a dit qu'il souhaitait fonder la chasse sur cette vision partagée de la nature que seules peuvent apporter les données scientifiques, quand elles sont examinées de bonne foi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous reverrons sur la chasse, mais c'est la seule façon de traiter cette question, qui concerne et la démocratie et la culture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. C'est toujours avec plaisir que nous vous reverrons, madame la ministre !
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
M. le président. « Art. 1er A. - Le Gouvernement déposera, avant le 31 décembre 2003, un rapport présentant ses initiatives européennes visant à résorber les difficultés d'application de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages et celles relatives :
« 1° A la fixation, par la loi nationale et selon le principe de subsidiarité, de l'ensemble des règles et obligations qui s'appliquent à l'exercice de la chasse des oiseaux sur le territoire national ;
« 2° A la fixation par le droit communautaire des principes que doit respecter la loi nationale en matière de règles et obligations qui s'appliquent à l'exercice de la chasse aux oiseaux. »
Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
M. le président. « Art. 1er B. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 420-1 du code de l'environnement est supprimée. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Ces amendements sont présentés par M. Le Cam, Mme Beaufils, M. Coquelle, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 43 est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 44 est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Le second alinéa de l'article L. 420-1 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces usages sont établis de manière exhaustive, commune par commune, dans une annexe au plan local d'urbanisation, accessible à tout citoyen qui le demanderait. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet article, qui a été inséré à l'Assemblée nationale par un amendement déposé par M. Stéphane Demilly, supprime l'exigence de compatibilité de l'exercice de la chasse avec les « usages non appropriatifs de la nature ».
Au motif d'être une notion trop floue et source potentielle de contentieux, cette exigence, maintenue par le Gouvernement, a été retirée du code de l'environnement. C'est, à mon avis, une grossière erreur, inintelligente, disais-je lors de mon intervention dans la discussion générale. En effet, les évolutions de la ruralité par sa démographie, ses fréquentations, son agriculture, ses rurbains, traduisent bien les difficultés rencontrées sur le terrain quand il s'agit d'établir un sentier de randonnée, de se promener à VTT, à cheval, en moto, en 4 × 4, de ramasser des champignons ou du bois mort, de stationner momentanément ici ou là...
Le contentieux provient justement du flou qui entoure cette notion d'usage non appropriatif. Aussi, cet amendement donne la possibilité au Gouvernement de s'en sortir par le haut en prévoyant d'établir un schéma communal des usages non appropriatifs de la nature, un SCUNAN.
Ce schéma pourrait établir noir sur blanc les droits et les devoirs de chacun. Y figureraient les contrats d'usage entre la collectivité et la propriété privée, à l'image de ce que nous avions préconisé dans la loi Forêt. Une signalétique adaptée pourrait voir le jour. Ce document, annexé au plan local d'urbanisme, serait disponible dans les mairies.
Madame la ministre, si nous ne le faisons pas aujourd'hui, il faudra le faire demain. Aussi, j'aimerais connaître votre sentiment à propos de cet amendement constructif, moderne et de bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Permettez-moi un bref rappel historique.
Lors de la discussion de ce qui allait devenir la loi de juillet 2000, c'est bien le Sénat, et non l'Assemblée nationale, qui avait supprimé la fameuse petite phrase : « La chasse s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété. »
Monsieur Le Cam, vous souhaitez, vous, rétablir l'obligation de compatibilité entre la pratique de la chasse et les usages non appropriatifs de la nature.
La commission a émis un avis défavorable, estimant que la conciliation ne se décrète pas : elle se discute, elle se négocie. Et je peux vous dire que cela marche, et pas seulement pour la forêt de Rambouillet, que l'on cite toujours en exemple ! (Sourires.) Il est vrai que, pour ce qui concerne la forêt de Rambouillet, il y a eu de bonnes négociations entre les chasseurs et les autres usagers de l'espace géographique, avec un partage intelligent des jours pour les chasseurs et pour les randonneurs, VTTistes et autres.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Ils avaient un excellent président ! (Nouveaux sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais cela ne marche pas que dans les Yvelines et à Rambouillet !
J'ai également, dans mon propre département, une forêt périurbaine : c'est bien là qu'il faut négocier, discuter, rechercher un consensus.
Quand on décrète, cela ne marche pas. Quand on discute, on arrive à trouver des moments et des lieux de partage de l'espace rural. Voilà pourquoi je suis hostile à l'ammendement n° 43.
S'agissant de l'amendement n° 44, j'avoue que je ne le comprends pas très bien. Un PLU a essentiellement pour objet les zones urbanisées ou à urbaniser d'une commune, alors que la chasse se pratique dans des espaces qui, théoriquement, ne sont pas urbanisables.
De surcroît, cette disposition, opposable aux tiers, risquerait de susciter des contentieux. Enfin, dernier inconvénient, elle porterait atteinte au droit de propriété.
Autant de raisons pour la commission d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le premier amendement n'a pas de portée juridique. Je m'en remets donc à la sagesse légendaire du Sénat.
Quant au second, j'y suis absolument défavorable, car il entraînerait un alourdissement des procédures tout à fait étranger à une vision moderne de l'urbanisme, monsieur Le Cam.
M. Gérard César. Ce n'est pas nécessaire, les documents d'urbanisme sont déjà assez compliqués !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er B.
(L'article 1er B est adopté.)
M. le président. « Art. 1er C. - La première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 421-1 du code de l'environnement est complétée par les mots : "placé sous la double tutelle des ministres chargés de la chasse et de l'agriculture". »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par Mme Blandin.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Le Cam, Mme Beaufils, M. Coquelle, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 59 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 46, présenté par M. Le Cam, Mme Beaufils, M. Coquelle, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le mot : "placé", rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour compléter la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 421-1 du code de l'environnement : "sous la tutelle du ministre chargé de l'écologie et du développement durable". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 30.
Mme Marie-Christine Blandin. L'envie des chasseurs pour la tutelle au moins partielle du ministère de l'agriculture sur leur office est directement liée au fait que la chasse est une pratique fort répandue chez les agriculteurs, et que ces derniers entretiennent le sentiment historique d'être compris par leur ministère, qui accède à leurs demandes : en conséquence, leur loisir, la chasse, serait mieux traité par le ministère de l'agriculture que par celui chargé de l'écologie.
Non, on ne peut pas raisonner ainsi : c'est comme si, au motif qu'ils pratiquent le golf ou le tennis, les cadres de petites ou moyennes entreprises demandaient le rattachement du ministère du sport au secrétariat d'Etat chargé du commerce et de l'artisanat ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Madame la ministre, votre ministère à toute capacité d'assurer correctement la tutelle de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Rien ne justifie que cet établissement public soit sous une double tutelle : d'abord, parce que cela entraînerait une complexité accrue ; ensuite, parce que le ministère de l'agriculture n'a pas vocation à gérer la faune sauvage ; enfin, vous nous avez vous-même donné rendez-vous pour un texte à venir qui permettra d'aborder ce problème.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour défendre les amendements n°s 45 et 46.
M. Gérard Le Cam. Dans le cadre de la discussion de la loi relative à la chasse de juillet 2000, nous nous étions déjà opposés à cette volonté de la majorité sénatoriale de placer l'ONCFS sous la double tutelle des ministères de l'environnement et de l'agriculture.
Que la majorité du Sénat n'ait pas eu confiance en Mme Voynet à l'époque pouvait se comprendre.
M. Gérard César. Cela, c'est sûr !
M. Gérard Le Cam. Mais, aujourd'hui, vous devriez avoir confiance dans votre ministre de l'écologie et du développement durable, qui vient de vos rangs, chers collègues !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Vous n'aviez pas trop confiance vous-même en Mme Voynet.
M. Gérard Le Cam. Cette double tutelle traduit, de surcroît, une réelle défiance à l'égard de l'environnement en général et du lien chasse-environnement, défiance particulièrement dommageable pour l'image même de la chasse et pour l'opinion que la société s'en fait.
La double tutelle ne fera que ralentir et compliquer les prises de décision ministérielles, ce qui sera préjudiciable à la chasse. Enfin, elle officialise et anticipe ce qui devrait apparaître en fin d'année dans le troisième volet « chasse » : la séparation des missions techniques et scientifiques, qui resteront à l'ONCFS, des missions de police, qui relèveraient désormais de la gendarmerie.
Les agents de l'ONCFS sont majoritairement opposés à cette séparation des missions, d'une part, et à l'intégration des gardes dans la gendarmerie, d'autre part, ce qui, à coup sûr, manquerait le début de leur disparition progressive.
Voilà pourquoi nous vous proposons, par l'amendement n° 46, de ramener l'ONCFS sous la tutelle du ministère de l'écologie et du développement durable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour défendre l'amendement n° 59.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Blandin, vous venez de plaider contre votre propre camp, car c'est bien leur méfiance récurrente vis-à-vis du ministère de l'environnement qui a amené les chasseurs à demander leur rattachement au ministère de l'agriculture.
M. Gérard César. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je dois dire que l'histoire récente leur donne raison ! Pour autant, monsieur Le Cam, je ne vois pas votre demande de co-tutelle comme l'expression d'une méfiance à mon égard.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien sûr que non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La chasse, à l'évidence, a des incidences tout à fait importantes sur la gestion de la ruralité, de la faune sauvage et du partage des différents usages de la nature.
M. Gérard César. Et du territoire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et de la terre ! L'agriculture est la première activité avec laquelle la chasse doit composer, et inversement. Donc, sur le fond du débat, je n'ai pas d'opposition de principe.
Toutefois, je le dis clairement, la cotutelle est une bien mauvaise manière de s'inscrire dans la simplification de l'Etat en cours et de respecter la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
De plus, l'attribution des responsabilités ministérielles ainsi que la fixation des tutelles sur les établissements publics sont prises par décret, donc par voie réglementaire. Une telle disposition n'a donc pas sa place dans un texte législatif.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, on ne saurait extraire la gestion de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage des innombrables problèmes qui sont posés à l'office et dont j'ai fait une courte énumération à l'instant devant vous.
Donc, pour des raisons tout à la fois pratiques, juridiques et méthodologiques, je ne peux pas être favorable, pour l'instant, à une quelconque cotutelle de l'ONCFS entre mon ministère et le ministère de l'agriculture.
Quant à l'amendement n° 46, c'est le retour au texte initial du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les quatre amendements.
Madame la ministre, pardonnez-moi, mais je reste très fermement sur cette position de maintien du texte adopté par l'Assemblée nationale, et je m'en explique.
Mme Blandin a utilisé le terme de « méfiance », M. Le Cam, celui de « défiance ». Il est vrai que, s'il y a méfiance et défiance à l'égard du ministère chargé de l'écologie, c'est à cause de ce qui s'est passé ces trois ou quatre dernières années, il faut en être très conscient : les chasseurs se sont sentis agressés, attaqués de tous côtés, voire un peu ridiculisés, dans des termes parfois très durs à supporter. En effet, si certains chasseurs peuvent être excessifs, la plupart sont raisonnables.
M. Bernard Saugey. C'est vrai !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le Sénat - je vous le rappelle, mes chers collègues - avait instauré cette double tutelle à une très large majorité,...
M. Roland du Luart. Très large !
M. Gérard César. Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, c'est en 2000 que l'Office national de la chasse est devenu l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Or où se trouve-t-elle, cette faune sauvage ? Sur l'ensemble du territoire, et notamment en zone rurale : c'est l'une des raisons pour lesquelles il était logique, dès lors que cet organisme intervenait sur un territoire relevant de la compétence du ministère de l'agriculture, d'instaurer cette double tutelle.
La seconde raison, nous la connaissons tous : qui est l'interlocuteur, dans chaque département, des fédérations de chasseurs ?
M. Gérard César. La DDA !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La direction départementale de l'agriculture et de la forêt.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non !
M. Gérard Le Cam. Ce n'est pas vrai !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est avec elle qu'il faut discuter des problèmes de chasse. Autrement dit, la tutelle de l'agriculture existe déjà au moins dans les moeurs et dans la réalité quotidienne. Nous n'inventons rien d'extraordinaire !
Enfin, madame la ministre, tout ce qui concerne la chasse est d'ores et déjà traité et par le code de l'environnement et par le code rural. Autrement dit, cette double tutelle existe et va continuer d'exister dans le texte. Je suis d'ailleurs ravi que la prochaine étape - le texte sur les affaires rurales - soit l'occasion d'aborder tout à la fois les problèmes de la ruralité et de l'agriculture et montre bien que le monde rural, le monde agricole, n'ignore pas celui de la chasse, que les deux ne vivent pas isolés, mais en étroite complémentarité.
C'est la raison pour laquelle - en vous priant encore de m'en excuser, madame la ministre - je reste très fermement ancré sur ma position et je souhaite le maintien de cette double tutelle.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je voudrais apporter deux précisions.
D'abord, ce n'est pas parce qu'un certain nombre de dispositions sur la chasse seront prises dans le cadre de la loi relative aux affaires rurales que la question de la chasse passera sous la responsabilité du ministre chargé de l'agriculture, pas plus que le fait d'avoir placé le dossier du guichet unique sous la responsabilité du secrétaire d'Etat à la simplification administrative n'a fait passer le dossier de la chasse sous la responsabilité de M. Plagnol. Bien au contraire, toutes les dispositions dont vous parlez, monsieur le rapporteur, seront entièrement basculées dans le code de l'environnement, afin que les dispositions relatives à la chasse trouvent leur cohérence intégrale à l'intérieur de ce code.
Vous avez évoqué les directions départementales de l'agriculture et de la forêt. Il est vrai que 25 % de leurs personnels travaillent pour le compte du ministère de l'écologie et du développement durable.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Donc, ça marche !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans le cadre de l'application de la LOLF, nous allons bien entendu rapatrier dans les programmes les personnels qui travaillent pour le compte de l'environnement au sein des différentes directions départementales.
Il faut savoir en effet que, dans la nouvelle organisation de l'Etat, s'agissant de l'équipement comme de l'agriculture et de la forêt, nous aurons en quelque sorte une comptabilité analytique des personnels travaillant pour le compte de l'environnement. La création du pôle « environnement », que j'appelle de mes voeux, au sein de la nouvelle organisation de l'Etat va encore accélérer cette évolution.
M. Roland du Luart. Pas de fonctionnaires en plus !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. S'agissant de l'équipement, les discussions avec Gilles de Robien sont pratiquement finalisées. Elles ont été entamées avec Hervé Gaymard, afin que nous trouvions, sur des missions de l'Etat, une cohérence.
La cotutelle que vous proposez va donc absolument à contre sens de la modernisation de l'Etat voulue sur l'ensemble de ces travées, puisqu'il s'agit d'un texte qui a été proposé par l'ancienne majorité et qui a été repris par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 30, 45 et 59.
Mme Marie-Christine Blandin. M. le président de la commission a parlé de « défiance » à l'égard du ministère de l'environnement et Mme la ministre m'a reproché de plaider contre mon propre camp.
Tous deux semblent donc évoquer des incompréhensions, voire des conflits politiques ou politiciens. Pour ma part, je pense que les camps ne définissent pas sur ce terrain.
Il y a, d'une part, le confort d'un ministère de subventions, et, d'autre part, l'inconfort, quelle que soit la couleur politique, d'un ministère chargé de veiller aux écosystèmes.
Il y a, d'une part, un ministère qui s'occupe des actes de production, et, d'autre part, un autre qui s'occupe des règles, des contraintes, des équilibres : bref, un ministère qui alerte sur la biodiversité.
C'est sur ce terrain-là que se trouvent les camps, et non pas sur le terrain politicien.
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.
M. Philippe Richert. Madame la ministre, votre plaidoyer pour la simplification et pour le renforcement du ministère de l'écologie et du développement durable sur les questions, notamment, de la chasse et de la faune sauvage, est tout à fait recevable.
Néanmoins, un dernier argument m'incite à préférer au chemin que vous proposez celui de M. le rapporteur.
Nous sommes en effet nombreux ici, y compris sur les travées de la gauche, à souhaiter que l'agriculture, trop souvent considérée comme purement productiviste, devienne synonyme de gestion de l'espace rural au sens environnemental, pour que l'agriculteur soit ce « jardinier de la nature » que l'on évoque parfois.
Or, aujourd'hui, on voudrait renier cette approche environnementale de l'agriculture sous prétexte que tout ce qui touche à l'environnement et à la nature devait être placé sous la responsabilité exclusive du ministère de l'environnement et du développement durable.
Personnellement, j'avoue que les arguments développés par M. le rapporteur trouvent écho en moi, parce que je crois qu'il est important de confirmer que l'agriculture n'est pas simplement une activité de production économique, mais que c'est aussi, grâce à l'action des agriculteurs, le sens de l'aménagement du territoire, le sens de l'intervention sur le milieu naturel. La complémentarité entre le ministère de l'écologie et du développement durable et le ministère de l'agriculture me paraît riche de ressources nouvelles que nous avons, je crois, à mettre en oeuvre ensemble.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Sur ce sujet, je crois que, au fond, nous ne sommes pas très éloignés du Gouvernement.
Vous dites, madame la ministre, que la cotutelle ne marche pas. Or je peux vous donner l'exemple d'une cotutelle qui est efficace, et depuis longtemps.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ah bon ?
M. Gérard Larcher, président de la commission. Je veux parler d'une institution que je connais bien, celle des courses. (Mme la ministre lève les bras au ciel.) Dans ce cas-là, le cotutelle du ministère de l'agriculture et du ministère chargé du budget permet dans le même temps les efforts génétiques et de production nécessaires et la régulation budgétaires.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avec le ministère du budget, cela se passe toujours bien ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher, président de la commission. Cette cotutelle a donc permis la régulation budgétaire sans avoir empêché les progrès génétiques pendant un certain nombre de décennies.
Par ailleurs, et Philippe Richert l'a magnifiquement exposé, les contrats d'aménagement durable, que vous avez souhaités conjointement pour remplacer les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, démontrent bien que sans réponse agricole et sans participation de l'agriculture à la gestion de la faune sauvage nous n'avancerons pas. Permettez-moi de prendre l'exemple de deux espèces qui suivent l'évolution de l'agriculture.
La disparition, ou la raréfaction, de la bartavelle, la raréfaction de la perdrix grise, liées à la diminution de la surface des espaces emblavés, sont autant d'exemples qui démontrent que le statut des espèces est lié à un certain nombre de milieux dans lesquels il ne suffit pas qu'elles soient protégées, mais où il faut ménager des rythmes et des dispositifs dans lesquels l'agriculture a sa place.
Prenez l'exemple du broyage des jachères, madame la ministre : je souhaite vraiment que l'on maintienne les dispositions antérieures, qui me semblent tout à fait essentielles. Il y a débat, il y a discussion, et la cotutelle est l'occasion de résoudre un certain nombre de difficultés et de conflits d'intérêt.
Voilà pourquoi je pense que l'agriculture et la sylviculture ont leur mot à dire.
Prenons l'exemple des populations de grands tétras. Nous savons que la diminution de cette espèce est liée à la manière dont est gérée la forêt et que les pistes de pénétration, la présence d'un certain nombre d'équipements sont des causes essentielles de la disparition de populations.
C'est pourquoi la cotutelle m'apparaît comme la meilleure réponse au statut des espèces ainsi qu'à la préservation du milieu.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 30, 45 et 59.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er C.
(L'article 1er C est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er C
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa de l'article 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984, le président de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage est maintenu en fonction jusqu'au 30 septembre 2004. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement concerne non pas le statut, mais la personne du président de l'ONCFS.
Madame la ministre, vous avez prolongé le mandat de l'actuel président pour trois ans. Mais ce dernier va être frappé par la limite d'âge en septembre prochain. Je propose, puisque c'est une possibilité que nous offre la loi du 13 septembre 1984, d'utiliser l'article 7 de cette loi pour prolonger d'un an son mandat.
La raison est simple : vous avez été plusieurs à rappeler, mes chers collègues, que la future loi sur les affaires rurales traitera du statut, des missions et du financement de l'ONCFS. Je pense qu'il serait dommage de se priver d'une des personnes qui connaît forcément très bien les problèmes de l'ONCFS, à commencer par ses difficultés financières. De l'avis de tous, pouvoir nous appuyer sur son expérience et sur ses connaissances des problèmes de l'ONCFS aidera le Gouvernement, et probablement le Parlement.
Si nous ne prolongeons pas d'un an le mandat du président de l'ONCFS, un nouveau président sera nommé le 23 ou le 24 septembre prochain. Ce nouveau président, qui connaîtra moins bien les problèmes que l'actuel président, sera d'autre part peut-être gêné pour formuler un certain nombre de propositions et de suggestions dans les auditions, notamment concernant son futur rôle, sa future autorité. Il y aura donc en outre avantage, pour un motif d'indépendance, à prolonger d'un an le mandat de l'actuel président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. L'actuel président de l'ONCFS, dont on n'a cité ni le nom ni la fonction,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s'agit de M. Renaud Denoix de Saint Marc, vice-président du Conseil d'Etat.
Mme Marie-Christine Blandin. ... exerce en effet une fonction susceptible de l'occuper largement au-delà des 35 heures, que beaucoup d'ailleurs contestent sur ces travées,...
MM. Hilaire Flandre et Gérard César. Eh oui !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et si ses talents dans la fonction que vous évoquez sont par vous reconnus, son emploi du temps n'est pas élastique. Les gens talentueux ne manquant pas, je trouve étrange que l'on modifie la loi pour une seule personne.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cela arrive, ce n'est pas la première fois.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. On ne modifie pas la loi, on introduit simplement un amendement aux termes duquel le mandat du président de l'ONCFS est prolongé jusqu'en 2004. Compte tenu des qualités de cette personne - et du fait qu'elle est bordelaise -, je ne peux que soutenir cet amendement. (Rires.)
M. le président. C'est un argument fort !
M. Bernard Saugey. Essentiel !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er C.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je demande la réserve de l'article 1er D jusqu'à la fin du texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Favorable.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La réserve est ordonnée.
M. le président. « Art. 1er. - L'article L. 421-5 du code de l'environnement est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les associations dénommées fédérations départementales des chasseurs participent à la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental, à la protection et à la gestion de la faune sauvage ainsi que de ses habitats. Elles assurent la promotion et la défense de la chasse ainsi que des intérêts de leurs adhérents. » ;
« 1° bis Après le mot : "gestion", la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : "de la faune sauvage ; elles conduisent des actions d'information, d'éducation et d'appui technique à l'intention des gestionnaires de territoires et des chasseurs. Elles coordonnent les actions des associations communales et intercommunales de chasse agréées." » ;
« 2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Elles conduisent des actions de prévention des dégâts de gibier et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Remplacer le quatrième alinéa (1° bis) de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° bis - Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Elles apportent leur concours à la prévention du braconnage. Elles conduisent des actions d'information, d'éducation et d'appui technique à l'intention des gestionnaires des territoires et des chasseurs. Elles coordonnent les actions des associations communales et intercommunales de chasse agréées.»
Le sous-amendement n° 20, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 2 pour le quatrième alinéa (1° bis) de cet article par les mots : "et contribuent à l'aménagement rural". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. La mission de protection et de gestion de la faune sauvage et de ses habitats confiée aux fédérations départementales étant désormais mentionnée au premier alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement, il n'est plus nécessaire de le répéter dans le deuxième alinéa. Voilà pourquoi nous en proposons la suppression.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, pour défendre le sous-amendement n° 20.
M. Xavier Pintat. Ce sous-amendement donne une traduction juridique à l'étroite relation existant entre les fédérations départementales des chasseurs et le milieu rural. Le lien entre l'agriculture et la chasse est plus qu'ancestral. Par conséquent, il me semble souhaitable que les fédérations départementales des chasseurs puissent agir en faveur d'un aménagement de l'espace rural qui se présente désormais sous un jour vital pour l'exercice de la chasse, la gestion de la faune et de ses habitats.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous avons émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Les chasseurs, c'est vrai, contribuent à l'aménagement rural, mais il faut faire attention à ne pas mettre cet aménagement rural à toutes les sauces, si je puis dire. Si l'on commence à l'introduire ici, il va falloir le placer à chaque article.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En outre, monsieur Pintat, ce sous-amendement aurait l'inconvénient, à mes yeux, d'atténuer la mission principale des fédérations départementales des chasseurs.
L'argent des chasseurs doit être utilisé principalement pour financer les actions qui favorisent la pratique cynégétique, laquelle, bien entendu, contribue également à l'aménagement rural. Mais, si l'on place sur le même plan l'aménagement rural et la mise en valeur du patrimoine cynégétique, on risque d'aboutir à des détournements. Qui vous dit que, demain, forts du membre de phrase que vous aurez introduit par ce sous-amendement, certains exploitants, désireux de réaliser des travaux de drainage ou d'assainissement - qui peuvent favoriser la chasse à la perdrix et pour lesquels de moins en moins de financements publics sont prévus -, ne se retourneront pas vers la fédération départementale des chasseurs en lui demandant de se substituer au conseil régional ou au conseil départemental, qui, voilà encore quelques années, subventionnaient ces travaux et ont cessé de le faire ?
La situation que je décris n'est pas caricaturale ! Si l'on insère cette phrase dans le texte de loi, on court un risque réel. Voilà pourquoi je vous demande, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement. Si, sur le fond, vous avez raison - les fédérations de chasseurs contribuent à l'aménagement rural -, il n'est toutefois pas nécessaire de l'inscrire dans le projet de loi.
M. le président. Monsieur Pintat, le sous-amendement n° 20 est-il maintenu ?
M. Xavier Pintat. Je me range bien volontiers à l'avis de la commission et je retire ce sous-amendement, qui m'a néanmoins donné l'occasion d'évoquer ce problème.
M. le président. Le sous-amendement n° 20 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter, in fine, cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Il est inséré, après le quatrième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations de chasse spécialisées sont associées aux travaux des fédérations. »
Le sous-amendement n° 21, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 3 pour compléter cet article par les mots : "conformément aux délibérations de leurs conseils d'administation". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Actuellement, le code de l'environnement prévoit la participation des associations de chasse spécialisée aux travaux des fédérations régionales des chasseurs et de la fédération nationale. En revanche, cette collaboration n'est pas mentionnée au niveau départemental. Or, compte tenu des missions qui sont dévolues aux fédérations départementales des chasseurs en matière de gestion et de protection de la faune sauvage et de ses habitats, notamment pour l'une des missions importantes qui va leur être affectée très rapidement, c'est-à-dire l'élaboration et l'établissement des schémas départementaux cynégétiques, il nous a paru opportun que les associations de chasse spécialisée puissent être associées à ces travaux.
A ce propos, je voudrais attirer votre attention sur le fait que la rédaction proposée reste générale. D'ailleurs, la collaboration des associations de chasse spécialisée aux travaux des fédérations a également un caractère général dans le code actuel de l'environnement, que l'on se situe à l'échelon régional ou à l'échelon national.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, pour présenter le sous-amendement n° 21.
M. Xavier Pintat. Il s'agit encore d'apporter une précision.
S'il apparaît opportun que les associations de chasse spécialisée soient associées aux travaux des fédérations départementales des chasseurs, il me semble important de préciser que cette collaboration est réalisée en considération du contexte local et de leurs besoins respectifs, d'où la mention : « conformément aux délibérations de leurs conseils d'administration ». Cette précision me semble essentielle pour lever toute ambiguïté sur la libre organisation de leurs travaux avec des associations cynégétiques spécialisées et pour éviter que cette collaboration ne leur soit imposée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Il est bien évident que, dans un département de montagne, c'est le conseil d'administration des fédérations départementales qui demandera aux associations de chasse de grand gibier ou de gibier de montagne de participer à leurs travaux. Dans un département côtier, c'est également le conseil d'administration qui demandera aux bécassiers, par exemple, de bien vouloir travailler aux côtés des fédérations départementales.
Mais il y a une ambiguïté dans cette proposition qui me gêne un peu, parce qu'elle traduit une sorte de méfiance à l'égard de certaines catégories de chasseurs. En effet, on veut que les fédérations départementales des chasseurs soient traitées de plus en plus souvent comme des associations régies par la loi de 1901 pour leurs missions classiques. Elaborer un schéma, c'est une mission classique. Les associations relevant de la loi de 1901 ont des règlements internes. Elles ne demandent pas systématiquement au législateur, lorsqu'un petit litige survient, de régler ce qui relève d'un règlement interne. Or, en l'espèce, c'est la même chose, et cette précision est inutile. Il ne faudrait pas instaurer une méfiance entre différentes catégories d'associations ou de chasseurs. Mais, monsieur le sénateur, il est évident, je tiens à vous le dire, que le conseil d'administration de la fédération départementale interviendra nécessairement. Mais il est inutile de demander au législateur de régler des problèmes internes.
M. le président. Monsieur Pintat, le sous-amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Xavier Pintat. Je me rallie à l'avis de la commission, même si les arguments qui ont été exposés par M. le rapporteur ne m'ont pas convaincu.
M. le président. Le sous-amendement n° 21 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Précédemment, j'étais favorable à l'amendement n° 2 de la commission et défavorable au sous-amendement n° 20. Pour ce qui est de l'amendement n° 3 et du sous-amendement n° 21, c'est l'inverse.
En effet, je suis étonné, monsieur le rapporteur, que vous vous enthousiasmiez autant pour les associations de chasse spécifique. Quand une fédération fait bien son travail et touche à tous les domaines, les associations de chasse y trouvent naturellement leur place. En revanche, quand des difficultés surgissent, des oppositions aux fédérations se cristallisent au sein de certaines associations spécifiques. Inscrire dans la loi que les associations de chasse spécialisée sont associées aux travaux des fédérations, c'est faire courir aux fédérations le risque que nous voulons ensemble leur éviter.
Nous voulons rendre un pouvoir important - peut-être certains le trouveront-ils exorbitant - aux fédérations et au système associatif, alors ne leur tendons pas des chausse-trapes ! Je sais bien que votre proposition part d'une bonne intention puisque vous souhaitez que les chasseurs de gibiers d'eau, de bécasses, que tous les chasseurs puissent travailler. Mais les fédérations et les associations ne vivent pas les choses ainsi. Sans pécher par angélisme, je suis favorable à l'idée d'encourager cette collaboration des associations - mais sans l'inscrire dans la loi.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si je comprends bien, monsieur Carrère, vous êtes en fait contre les deux amendements de la commission !
M. Jean-Louis Carrère. Je préfère que votre amendement soit retiré, plutôt que le sous-amendement de M. Xavier Pintat.
M. le président. Ce sous-amendement a été retiré, monsieur Carrère.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous avez raison sur un point, monsieur le sénateur : quand il y a intelligence, bonne entente, tout se passe bien, est vrai dans la majorité des cas. Mais il peut y avoir des problèmes.
L'alinéa que tend à insérer mon amendement est rédigé de façon identique à ceux qui se trouvent dans le code de l'environnement et qui concernent les échelons régional et national. Je tiens, essentiellement pour une raison de principe, à ajouter ces chasses spécialisées à l'échelon départemental, car c'est bien à ce niveau-là que vont être élaborés les schémas départementaux.
J'espère que nous nous sommes bien compris cette fois, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Absolument !
Mais je préférerais, au lieu de « les associations de chasse spécialisées sont associées aux travaux des fédérations », que l'on écrive « ... peuvent être associés aux travaux des fédérations ».
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par M. du Luart et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase de l'article L. 427-7 du code de l'environnement, après les mots : "destruction par des sangliers" sont insérés les mots : "ou dans celles où existent des formes d'élevage professionnel menacées périodiquement de destruction par les renards". »
La parole est à M. Rolant du Luart.
M. Roland du Luart. Je qualifierai cet amendement de « sartho-lando-bressan » ! En effet, M. Vidalies, député des Landes, a soulevé le problème des menaces qui pèsent sur onze millions de poulets et sept millions de canards, mais, dans la Sarthe, les renards se servent en plein jour chez les poulets de Loué de façon outrancière !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est un amendement « poulet de Loué ! »
M. Roland du Luart. Je ne parle pas de ce qui se passe de nuit, mais cette prédation a entraîné un énorme préjudice économique.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Les volailles du Gers !
M. Roland du Luart. Mon département compte 1 200 élevages, qui sont les élevages de volailles en plein air de Loué. Les chiffres qui m'ont été donnés par leur organisation professionnelle, reconnue de tous, démontrent que plus de 100 000 poulets par an sont détruits par les renards. Les fédérations de chasseurs recensent des destructions de l'ordre de 5 000 renards. Ce n'est pas suffisant.
C'est pourquoi je vous propose cet amendement, qui permettrait une meilleure régulation des renards là où leur prolifération menace les élevages de volailles en plein air, en prévoyant d'étendre aux renards une disposition du code de l'environnement appliquée aux sangliers. C'est un souci de normalisation. Mme la ministre a souhaité que cette loi soit simple. Mettons donc sur le même pied la régulation des sangliers et celle des renards !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La question des dégâts provoqués par les renards dans les élevages professionnels de volailles, notamment les élevages de plein air, constitue un vrai sujet, et la commission a donné un avis favorable à cet amendement.
Aujourd'hui, le problème ne se pose pas uniquement pour le poulet de Loué dans votre région, monsieur du Luart. Il s'agit aussi de sauver le canard de Challans, le poulet du Gers, etc.
M. Roland du Luart. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour lutter contre le phénomène que vous décrivez, je suis tout à fait favorable à la mise en oeuvre de l'article L. 427-7 du code de l'environnement. Cet article qui traite du sanglier permet au préfet d'organiser des battues administratives et, pour répondre à ce que je crois être votre demande, monsieur le sénateur, de confier l'organisation de ces battues aux maires des communes qui connaissent ce genre de nuisances.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s'agit d'un vrai problème de gestion agricole, mais les dispositions du code de l'environnement permettent déjà de régler plusieurs des difficultés qui ont été soulevées par M. du Luart, raison pour laquelle je ne suis pas favorable à son amendement.
Ce dernier fait référence à l'article L. 427-7 du code de l'environnement. Je souhaite rappeler que les articles L. 427-4 et L. 427-5 concernent les battues décidées par les maires en substitution des particuliers contre les animaux nuisibles, que l'article L. 427-6 vise les chasses et les battues mises en oeuvre par les préfets et que l'article L. 427-8 institue le droit de destruction par les particuliers.
Cela se traduit sur le plan réglementaire, pour l'essentiel, par les dispositions sur le piégeage et la destruction à tir.
Les dispositions de l'article L. 427-7 permettent de répondre globalement au problème évoqué par M. du Luart. Ils n'y répondent peut-être pas totalement, mais nous allons dans quelques semaines discuter du projet de loi sur les affaires rurales et je suis persuadée que l'amendement de M. du Luart trouvera beaucoup mieux sa place dans ce texte, d'autant que, lorsque l'on défait la pelote, on se rend compte que l'article L. 427-7 a toutes sortes d'imbrications et de ramifications. Or le projet de loi sur les affaires rurales permettra d'aborder de façon beaucoup plus fine les questions relatives à la gestion des grands animaux et aux équilibres agro-sylvo-cynégétiques.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable, non pas sur le fond, mais bien sur la méthode employée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Auparavant, monsieur le président, je voudrais savoir si M. du Luart maintient ou non son amendement.
M. le président. Je suppose que oui, mais, si vous y tenez absolument, je vais consulter M. du Luart.
M. Roland du Luart. Je le maintiens !
M. Jean-Louis Carrère. Dès lors, je tiens à dire que j'ai bien entendu les arguments de Mme la ministre mais que néanmoins je voterai - et je demande à mes collègues de faire de même - cet amendement, soutenu à l'Assemblée nationale par notre collègue Alain Vidalies, monsieur du Luart !
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Je suis d'accord sur le fond avec l'auteur de cet amendement, parce qu'il soulève de façon plus générale la question de la destruction ou, pour être plus juste, de la régulation des nuisibles dans un grand nombre de cas.
Je m'interroge tout de même sur les responsabilités du maire qui réquisitionne dans ce cas de figure. Peu de maires seront enclins à réquisitionner s'ils portent la responsabilité de la battue ! Traditionnellement, c'est le président de la société de chasse qui est le responsable de cette battue.
J'aimerais donc avoir quelques éclaircissements à ce sujet, car je crains qu'aucun maire ne recoure sinon à cette possibilité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'article L. 427-7 prévoit expréssement que le préfet peut - ce n'est pas une obligation - « déléguer ses pouvoirs aux maires des communes intéressées », les battues étant « organisées sous le contrôle et la responsabilité technique des lieutenants de louveterie ».
M. du Luart faisant référence à cet article dans son amendement, cela signifie qu'il entend respecter pour les battues administratives au renard la règle en vigueur pour les battues administratives au sanglier.
Madame la ministre, pendant que je vous écoutais, j'avais sous les yeux les articles L. 427-4, L. 427-5, L. 427-6 et L. 427-7. Or je ne suis pas sûr que les articles L. 427-4 et L. 427-5 répondent à l'intention de l'amendement de M. Luart, raison pour laquelle la référence à l'article L. 427-7 me paraît offrir davantage de sécurité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.
M. Philippe Richert. J'avoue que les arguments de Mme la ministre m'ont convaincu. Nous sommes en train de procéder à l'inventaire de tous les animaux qui peuvent, s'ils prolifèrent, provoquer des dégâts économiques.
Il est évident qu'il y a, parmi ces animaux, le sanglier et, de manière tout aussi patente, le renard, mais les ravages causés par d'autres espèces deviennent aussi catas-trophiques, et je pense, par exemple, aux ravages que font dans les élevages piscicoles le héron et le cormoran.
Aujourd'hui, il nous faut « revisiter » les textes pour faire en sorte que les déséquilibres patents puissent être combattus au travers d'interventions ciblées. Certaines activités économiques, comme l'élevage du poulet, sont victimes de dégâts trop considérables pour laisser faire, les équilibres traditionnels étant rompus du fait de l'intervention d'animaux protégés. Je peux citer l'exemple d'une pisciculture où stationnent en permanence de soixante-dix à quatre-vingts hérons cendrés. Imaginez ce que cela signifie !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Mme la ministre m'a également convaincue : je voterai contre cet amendement.
Je remercie M. Richert d'avoir cité d'autres cas qui « fâchent » - les hérons et les cormorans, dont nous entendons régulièrement parler au bord des piscicultures - alors que l'on avait chargé de tous les péchés l'ours - il n'y en a plus ! -, le loup - il y en a de moins en moins, et ceux qui restent vont passer un mauvais quart d'heure ! - et le renard.
Parmi les fléaux mis en perspective pour justifier la disparition programmée de ce dernier, on peut citer la rage et les menaces de rage. Il serait intéressant de comptabiliser le nombre de morts...
Il y a aussi l'équinococcose, dont tout le monde parle actuellement, mais il apparaît que les campagnols la véhiculent également.
Et je ne citerai pas les canards de M. Vantomme dont les canetons ont été détruits par des renards !
Cela ne me semble pas suffisant pour soutenir cet amendement. Faut-il que la faune soit en grand déséquilibre pour que nous en soyons réduits à énumérer une par une les espèces que nous voulons voir disparaître ?
M. Gérard Le Cam. Non : réguler !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. L'intervention de Mme Blandin m'amène à resituer le renard et le virus rabique dans un contexte scientifique et non pas émotif.
Madame Blandin, avant que nous ayons des modes de vaccination préventive par voie orale du virus rabique chez le renard, la seule technique sanitaire était le vide sanitaire, qui nous a permis de contrôler, notamment grâce à l'intervention des chasseurs et des gardes de l'Office national de la chasse, l'extension de la pandémie rabique.
Si nous n'avons eu aucun cas de mortalité dans ce pays, c'est parce que nous avons suivi cette technique sanitaire, en l'accompagnant d'une politique de prévention fondée sur l'examen systématique de la moelle prélevée dans le cerveau et sur la double visite chez les vétérinaires, parce que la particularité des canidés porteurs du virus rabique est de ne présenter aucun symptôme pendant une période d'au moins deux semaines.
Cette méthode, mise au point depuis Pasteur, mérite d'être rappelée pour que l'on arrête de tomber dans l'émotif quand il s'agit du renard. Les populations vulpines sont d'ailleurs remontées à des niveaux régulables.
Sur ce sujet, il faut cesser de dire n'importe quoi. Aujourd'hui, la régulation du renard - ce qui ne veut pas dire l'extermination du renard,...
M. Roland du Luart. Bien sûr que non !
M. Gérard Larcher, président de la commission. ... lequel joue aussi un rôle dans la nature - est nécessaire, et c'est cette régulation qui est pratiquée.
Madame la ministre, un autre point me préoccupe un peu. Vous dites que nous reviendrons sur ces questions dans le cadre du texte sur les grands animaux. Attention : cela va nous conduire à l'indemnisation des dégâts occasionnés par les renards dans les exploitations !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Alors, je le dis, il n'y aurait plus de plafond...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien sûr !
M. Gérard Larcher, président de la commission. ... et il faudrait augmenter les taxes sur la chasse pour payer les assurances. Ce serait assez effarant !
Il faut donc être prudent, et, pour notre part, nous serons très attentifs.
M. Gérard Braun. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On peut régler la question sans difficulté !
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, pour explication de vote.
M. Roland du Luart. Le débat est extrêmement intéressant, mais vous comprendrez que je maintienne mon amendement, car les propos de Mme la ministre ne m'ont pas convaincu, dans la mesure où, aujourd'hui, un vrai problème doit être résolu, celui des élevages en plein air qui, partout où il y a des animaux de label, sont menacés dans leur équilibre économique par le foisonnement des renards.
Tout à l'heure, Mme Blandin a dit avec son coeur quelque chose de charmant et de très bucolique, mais qui ne tient pas compte de la réalité. Ce que je demande, c'est une régulation. Je ne veux en aucun cas la destruction d'une espèce, car toutes les espèces font partie de la chaîne et sont utiles. Cependant, dans un département comme le mien, il y a aujourd'hui - consultez la fédération ! - plus de renards que de lièvres. Les comptages la nuit font ainsi apparaître quatre à cinq fois plus de renards que de lièvres,...
M. Gérard Braun. Eh oui !
M. Roland du Luart. ... et les dégâts causés par les renards ont de sérieux effets sur le plan économique.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien sûr !
M. Roland du Luart. La faune sauvage aussi en pâtit, car les renards s'attaquent aux chevreuils, aux lièvres, aux lapins, aux perdreaux sauvages, et j'en passe.
Il importe de réguler cette population. Si j'ai proposé cet amendement, c'est justement pour permettre une régulation rapide et efficace, sans pour autant ouvrir la voie à l'indemnisation, car ce serait ouvrir la boîte de Pandore.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
M. le président. « Art. 1er bis. - L'article L. 421-6 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A ces fins, une copie des procès-verbaux et rapports prévus aux articles L. 428-19 et suivants est adressée au président de la fédération départementale ou interdépartementale concernée. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 47, présenté par M. Le Cam, Mme Beaufils, M. Coquelle, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "à ces fins", rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 421-6 du code de l'environnement :
« Les fédérations départementales ou interdépartementales sont habilitées à interroger le procureur de la République afin d'obtenir la transmission des copies de procès-verbaux dressés sur les territoires de leurs adhérents ainsi que les rapports prévus aux articles L. 428-19 et suivants. »
L'amendement n° 31, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 421-6 du code de l'environnement, remplacer les mots : "au président de la fédération départementale ou interdépartementale concernée" par les mots : "aux présidents des associations agréées au niveau départemental pour la protection de la nature conformément à l'article L. 141-1". »
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Gérard Le Cam. La transmission des procès-verbaux aux fédérations départementales de chasseurs et aux fédérations régionales de chasseurs par les personnes les ayant dressés, qu'ils soient agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ou gendarmes, ce qui peut arriver, pose un double problème.
Le premier est un problème de légalité, car, à ma connaissance, seul le procureur de la République est habilité à transmettre ou non les procès-verbaux.
Le second est juridique, cette transmission pouvant porter atteinte à la présomption d'innocence.
Je vous propose donc d'inverser la tendance en demandant aux fédérations de solliciter le procureur de la République : libre à lui, ensuite, de transmettre ou non les procès-verbaux.
Je partage, certes, le souci des fédérations de savoir ce qui se passe sur le terrain, notamment en matière de braconnage, mais il est selon moi préférable d'adopter cet amendement si nous ne voulons pas nous mettre à dos les gardes de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et la justice.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 31.
Mme Marie-Christine Blandin. M. Le Cam met en doute la pertinence de la transmission des procès-verbaux relatifs à des infractions à des organismes privés.
Sous réserve que le cabinet de Mme la ministre nous confirme que cela ne poserait aucun problème - il est presque dommage que nous n'ayons pas l'avis de la commission des lois -, je propose qu'ils soient transmis au président des associations agréées au niveau départemental pour la protection de la nature.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ces deux amendements n'ont rien à voir, puisque l'amendement de notre collègue Gérard Le Cam n'a absolument pas pour objet, lui, de remettre en cause ce qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Il s'agit simplement d'une formulation différente, car M. Le Cam craint que, en l'état, la disposition ne soit illégale. Il en propose donc une autre version.
La commission a cependant émis un avis défavorable. En effet, nos collègues députés se sont contentés de recopier mot à mot, pour les fédérations de chasse, les dispositions applicables aux fédérations de pêche, lesquelles sont en vigueur depuis de nombreuses années. Mais, sur le fond, nous sommes d'accord : il faut garder le principe.
Je tiens à rappeler aux uns et aux autres, notamment à ceux qui suivent de moins près la vie d'une fédération, qu'il est important que les procès-verbaux soient transmis aux fédérations départementales de chasseurs, car cette transmission permet ensuite à ces dernières de se porter partie civile, par exemple en cas d'infraction commise par un braconnier. Il en va de la bonne image des fédérations de chasseurs. Les chasseurs sont aussi contre les « bracos », il faut le savoir !
Un bon chasseur est hostile aux braconniers. Il est donc souhaitable qu'une fédération départementale de chasse puisse se porter partie civile, notamment dans un cas grave. (M. Gérard Le Cam opine.)
Monsieur Le Cam, je vous demande donc de retirer votre amendement, tout en reconnaissant que vous avez eu raison d'attirer notre attention.
En revanche, la commission est hostile à l'amendement n° 31. Autant il est normal de transmettre les procès-verbaux aux fédérations départementales de chasseurs, qui sont investies d'une mission de défense de la chasse et des chasseurs, autant il n'y a aucune raison de les transmettre aux associations de protection de la nature.
La commission a donc émis un avis défavorable, et personnellement, je suis, je le précise, très hostile à cet amendement.
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. J'accepte de le retirer, mais j'aimerais cependant avoir l'avis des juristes.
M. le président. L'amendement n{o 47 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 31 ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne sais pas si je peux être qualifiée de juriste, mais je vais tenter en tout cas de dire le droit, en complétant l'exposé magistral de M. le rapporteur.
Il faut bien comprendre, madame Blandin, que les fédérations départementales de chasseurs sont des organismes de droit privé qui assurent des missions de service public !
Là est le fond du débat. Parmi ces missions de service public figurent la protection et la préservation de la faune, et c'est précisément parce qu'elles assurent ces missions de service public que les fédérations sont destinataires des procès-verbaux et peuvent se constituer parties civiles. Il ne s'agit pas de gentiment les informer ou de faire du papier, mais bien de leur permettre d'exercer leurs missions.
Par ailleurs, je signale que les présidents des fédérations de pêche sont, depuis des décennies, destinataires de procès-verbaux sans que cela ait jamais posé le moindre problème, ce qui aurait certainement été le cas si la sécurité juridique que vous réclamez faisait défaut.
Le système que proposait M. Le Cam dans l'amendement qu'il a très judicieusement retiré aurait en outre conduit les fédérations à interroger au coup par coup les procureurs : imaginez la surcharge administrative qui en aurait résulté !
Madame Blandin, je crains que vous n'ayez pas mesuré la mission de service public confiée aux fédérations de chasse. Les associations de protection de la nature, quelle que soit leur légitimité, ne sont pas, elles, détentrices de missions de service public. Elle n'ont donc pas à être destinataires des procès-verbaux.
Si l'on rendait les associations de protection de la nature destinataires des procès-verbaux, toutes sortes d'organisations seraient alors fondées à demander le même traitement, et, parmi elles, les organisations professionnelles et les syndicats agricoles.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait ! Il n'y aurait plus de limites !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 31.
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai bien entendu la pédagogie magistrale de Mme la ministre, mais prenons l'exemple des DIREN, les directions régionales de l'environnement. Je reconnais que ce ne sont pas des associations de droit privé, mais elles exercent bien des missions de service public et pourraient tout aussi pertinemment être destinataires de procès-verbaux ! (Mme la ministre s'exclame.)
Par ailleurs, les militants de l'association Réserves naturelles de France exercent bien, sur le terrain, des missions de service public, notamment en matière de protection de la faune. Il serait donc tout à fait opportun qu'ils soient informés des actes de braconnage pratiqués sur les territoires dont ils s'occupent.
M. Hilaire Flandre. Ils consulteront la Gazette du palais !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Blandin, la justice étant rendue au nom du peuple français, au nom de l'Etat, nous n'allons pas rendre les services de ce dernier destinataires des procès-verbaux de justice ! Il s'agit par nature d'informations qui sont déjà leurs !
Quant à l'association Réserves naturelles de France, elle n'a pas pour vocation d'assurer la protection de la faune sauvage ; ce rôle est dévolu aux fédérations ! Vous confondez tout !
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
M. le président. « Art. 2. - Au III de l'article L. 421-7 du code de l'environnement, les mots : "demandeurs de plans de chasse et de plans de gestion" sont remplacés par les mots : "bénéficiaires de plans de chasse et de plans de gestion". » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article L. 421-7 du code de l'environnement, les mots : "orientations régionales de gestion de la faune sauvage et d'amélioration de la qualité de ses habitats arrêtées par le préfet de région" sont remplacés par les mots : "orientations régionales de gestion de la faune sauvage et d'amélioration de la qualité de ses habitats arrêtées par le conseil régional".
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 421-13 du code de l'environnement, les mots : "par le préfet de région" sont remplacés par les mots : "par le président du conseil régional". »
Le sous-amendement n° 22, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa (I) de l'amendement n° 4, après les mots : "code de l'environnement, les mots :" , insérer les mots : "Conformément aux".
« II. - Dans le même alinéa, après les mots : "sont remplacés par les mots :", insérer les mots : "Dans le cadre des". »
L'amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article L. 421-7 du code de l'environnement, après les mots : "arrêtées par le préfet de région" sont insérés les mots : "ou, lorsque la région a demandé à exercer cette compétence, par le président du conseil régional".
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 421-13 du code de l'environnement, après les mots : "le préfet de région" sont insérés les mots : "ou, le cas échéant, par le président du conseil régional". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement tend à réaliser un voeu du Premier ministre, s'agissant de la décentralisation de la gestion des espaces naturels, en confiant aux conseils régionaux l'élaboration des orientations régionales de gestion de la faune sauvage.
Cette mesure s'agrègera aux dispositions de la loi relative à la démocratie de proximité visant les réserves naturelles régionales ou encore la coopération des régions en matière d'inventaire régional. Elle préfigure en outre les dispositions que le Gouvernement prendra à l'avenir s'agissant de la décentralisation et de la gestion des espaces naturels.
L'Assemblée nationale aurait pu aborder ce sujet, mais ce n'est que voilà dix jours à peine, entre la lecture du texte à l'Assemblée et notre débat d'aujourd'hui, que le Premier ministre a pris une position très précise sur ce thème.
Voilà pourquoi cet amendement est présenté ce soir.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, pour présenter le sous-amendement n° 22.
M. Xavier Pintat. Ce sous-amendement rédactionnel vise non pas à remettre en cause la volonté de la commission de confier l'élaboration des orientations régionales de gestion de la faune sauvage et d'amélioration de la qualité de ses habitats aux conseils régionaux, mais à préciser que ces orientations régionales ne s'imposeront pas aux schémas départementaux de gestion cynégétique. En effet, il ne doit pas exister de lien de subordination entre ces deux documents.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 60.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme M. le Premier ministre l'a indiqué à l'occasion d'une interview accordée à un média cynégétique, nous envisageons de déconcentrer l'élaboration des orientations régionales de gestion de la faune sauvage et d'amélioration de la qualité de ses habitats, mais nous souhaitons que les régions puissent décider elles-mêmes du moment où elles se saisiront de cette compétence.
M. Jean-Louis Carrère. Vous voulez dire les conseils régionaux ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, bien sûr ! Dans le cadre de la décentralisation, seule une collectivité territoriale peut se voir transférer une compétence.
Je propose donc de procéder progressivement, et de transférer dans un premier temps cette compétence aux seules régions qui en feront la demande. Un élément important de la démarche du Premier ministre tient au fait que le mouvement de décentralisation s'opère sur la base du volontariat, et même de l'expérimentation.
J'étais moi-même très favorable à ce que, dans l'optique de la deuxième phase de la décentralisation, les régions puissent se voir attribuer de nouvelles compétences en matière d'environnement. Or j'ai participé à de nombreuses assises territoriales, telles que celles qui avaient été organisées par MM. Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian, et aucune région n'a demandé de nouvelles compétences dans ce domaine. Cela n'a suscité aucun intérêt de la part des conseils régionaux, monsieur le rapporteur, je suis désolée de devoir vous le dire !
Pour qu'un tel transfert de compétence donne de bons résultats, la collectivité territoriale doit l'avoir souhaité. Par conséquent, n'imposons rien aux régions, mais laissons-les décider.
M. Gérard César. C'est une possibilité qui leur sera offerte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a débattu de ce sujet tout à l'heure, après la suspension de séance, et je suis prêt, madame la ministre, à retirer mon amendement pour me rallier à celui du Gouvernement.
Certains présidents de conseil régional m'ont déjà fait savoir qu'ils souhaitaient un transfert rapide de la compétence visée, même si les travaux sur les orientations régionales sont assez avancés. En revanche, quelques conseils régionaux m'ont indiqué que, pour leur part, ils n'étaient pas demandeurs pour le moment. Par conséquent, madame la ministre, l'amendement que vous avez présenté permet de rentrer en douceur dans le processus de transfert de compétence, et je suis disposé à tenir compte des avis dont on m'a fait part. Je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 22 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, on nous a longuement expliqué que l'on souhaitait l'apaisement, or présenter un amendement visant à transférer un certain nombre de pouvoirs des préfets de région aux présidents de conseil régional juste avant les élections régionales ne va pas précisément, me semble-t-il, dans ce sens !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela n'a rien à voir !
M. Gérard César. Ce n'est pas tout de suite, c'est dans le temps !
M. Jean-Louis Carrère. Je ne vous accuse de rien, madame la ministre, mais je ne comprends pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cela m'étonnerait !
M. Hilaire Flandre. C'est un aveu !
M. Jean-Louis Carrère. Cela étant, je connais très bien les élus régionaux et les responsables cynégétiques de ma région, l'Aquitaine, et je ne suis pas persuadé qu'il faille aller à marche forcée vers le transfert de compétence. Il me semble au contraire que la sagesse veut que nous adoptions la démarche proposée par le Gouvernement, et je vous approuve donc, monsieur le rapporteur, d'avoir retiré votre amendement afin que nous puissions passer par une phase transitoire.
Néanmoins, la méthode décentralisatrice du gouvernement Raffarin m'étonne quelque peu. Ne voyez bien sûr aucune ironie dans mes propos, mes chers collègues ! (Sourires.)
M. Gérard Braun. Bien sûr !
M. Jean-Louis Carrère. Je reconnais qu'il doit être difficile, pour des gens qui s'étaient autrefois opposés avec force à la décentralisation, de devenir tout à coup des décentralisateurs, mais le fait qu'ils aient commencé par proposer de confier aux régions la gestion des personnels TOS - techniciens, ouvriers et de service - de l'éducation nationale et des médecins scolaires avant d'envisager de décentraliser des compétences en matière de chasse amène à s'interroger sur leur conception de la décentralisation !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
FAIT PERSONNEL
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour un fait personnel.
Mme Marie-Christine Blandin. Je me suis sentie visée tout à l'heure par les propos de Mme Henneron selon lesquels les écologistes seraient des gens qui, l'hiver, pendant que le gibier a faim, se réfugieraient dans leur maison bien chaude grâce à l'énergie nucléaire.
Je lui répondrai que les écologistes, dont je suis, ne sont pas équipés de chauffages électriques alimentés par l'énergie nucléaire.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Ils ne se chauffent pas à la bougie, quand même !
Mme Marie-Christine Blandin. Par ailleurs, en hiver, nous sommes sur le terrain, auprès de la faune. Si Mme Henneron ne m'y a pas vue, je ne dis pas que c'est parce qu'elle n'y était pas, mais c'est sans doute parce que le Pas-de-Calais est grand !
Enfin, un ton plus convivial et plus amène permettrait un dialogue entre ceux qui se sentent proches des chasseurs et ceux qui se situent davantage du côté des associations protectrices de la nature. Plusieurs intervenants ont essayé d'adopter un tel ton, mais la transgression violente et brutale de Mme Henneron n'a pas facilité les échanges. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. Je vous donne acte, madame, de votre déclaration.
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 340, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de programme pour l'outre-mer.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 341 , distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget rectificatif n° 4 au budget 2003 - Etat général des recettes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2224 (annexe 4) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement et du Conseil modifiant la directive 2002/96/CE relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2297 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord visant à renouveler l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et l'Ukraine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2298 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut (version codifiée).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2299 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension (version codifiée).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2300 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative au respect des conditions fixées à l'article 3 de la décision n° 3/2002 du Conseil d'association UE-Pologne du 23 octobre 2002 prorogeant la période prévue à l'article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 relatif aux produits CECA de l'accord européen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2301 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive (Euratom) du Conseil définissant les obligations de base et les principes généraux dans le domaine de la sûreté des installations nucléaires. Proposition de directive (Euratom) du Conseil sur la gestion du combustible nucléaire irradié et des déchets radioactifs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2302 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert sur les services d'intérêt général.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2303 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Slovénie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Slovénie.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2304 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services postaux.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2305 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (version codifiée).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2306 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lettonie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Lettonie.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-307 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lituanie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Lituanie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2308 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil portant conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le royaume de Norvège concernant certains produits agricoles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2309 et distribué.
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de MM. Philippe Marini et Joël Bourdin un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et de la délégation du Sénat pour la planification sur les réformes fiscales intervenues dans les pays européens au cours des années 1990.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 343 et distribué.
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président. J'ai reçu de M. Louis de Broissia un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance dans l'économie numérique.
L'avis sera imprimé sous le n° 342 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 11 juin 2003, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 300, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse.
Rapport (n° 326, 2002-2003) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des lois (n° 333, 2002-2003) sur la proposition de loi organique de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et de plusieurs de leurs collègues portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs, ainsi que de la composition du Sénat (n° 312, 2002-2003) et conclusions de la commission des lois (n° 334, 2002-2003) sur la proposition de loi déposée par MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et plusieurs de leurs collègues portant réforme de l'élection des sénateurs (n° 313, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mercredi 11 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes : mercredi 11 juin 2003, à dix-sept heures.
Projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 336, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 13 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 13 juin 2003, à seize heures.
Projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (n° 320, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 juin 2003, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications, pour l'initiative économique (n° 338, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 juin 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 17 juin 2003, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 18) de M. Jean Bizet à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les organismes génétiquement modifiés.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 18 juin 2003, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 11 juin 2003, à zéro heure dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES
du Sénat établi par le Sénat dans sa séance du mardi 10 juin 2003 à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 11 juin 2003
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse (n° 300, 2002-2003).
Jeudi 12 juin 2003
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Conclusions de la commission des lois (n° 333, 2002-2003) sur la proposition de loi organique de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et de plusieurs de leurs collègues portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs, ainsi que de la composition du Sénat (n° 312, 2002-2003).
2° Conclusions de la commission des lois (n° 334, 2002-2003) sur la proposition de loi, déposée par MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et de plusieurs de leurs collègues, portant réforme de l'élection des sénateurs (n° 313, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé :
- que les conclusions sur ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune ;
- d'attribuer un temps de parole spécifique de dix minutes au représentant de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- de fixer à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
- de fixer au mercredi 11 juin 2003, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 11 juin 2003.)
A quinze heures et le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 16 juin 2003
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et le soir :
Projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 336, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au vendredi 13 juin 2003, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 13 juin 2003.)
Mardi 17 juin 2003
Ordre du jour prioritaire
A onze heures :
1° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) (n° 183, 2002-2003) ;
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud (n° 235, 2002-2003) ;
3° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) (n° 184, 2002-2003) ;
4° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) (n° 185, 2002-2003) ;
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève (n° 221, 2002-2003) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, EURATOM du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe) (n° 246, 2002-2003) ;
7° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (n° 256, 2002-2003) ;
8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (n° 257, 2002-2003) ;
9° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres) (n° 258, 2002-2003) ;
10° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 259, 2002-2003).
A seize heures et le soir :
11° Projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (n° 320, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 juin 2003, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 16 juin 2003.)
Mercredi 18 juin 2003
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
1° Eventuellement, suite du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications, pour l'initiative économique (n° 338, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 17 juin 2003, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 17 juin 2003.)
Jeudi 19 juin 2003
Ordre du jour réservé
A neuf heures trente :
1° Question orale avec débat n° 18 de M. Jean Bizet à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les organismes génétiquement modifiés.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 18 juin 2003.)
L'ordre du jour des séances du lundi 23 juin au jeudi 26 juin 2003 sera établi lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents.
Lundi 30 juin 2003
Ordre du jour prioritaire
A seize heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant réforme des retraites (urgence déclarée) (AN, n° 885).
(Les modalités de discussion de ce texte seront déterminées ultérieurement.)
A N N E X E
Question orale avec débat inscrite à l'ordre du jour
de la séance du jeudi 19 juin 2003
N° 18. - M. Jean Bizet demande à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales de lui indiquer quelles sont aujourd'hui les perspectives d'évolution des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans notre pays. S'il est évident que le champ d'application des techniques de génie génétique dépasse largement le seul domaine agricole, avec notamment des applications très importantes dans le domaine médical, l'attention des consommateurs demeure largement concentrée sur la dimension agricole et alimentaire de ce dossier. Dans la mesure où les exigences de mise en place de dispositifs d'étiquetage et de traçabilité à l'origine du moratoire européen de 1999 sont sur le point d'être satisfaites, le maintien de ce moratoire se justifie-t-il plus avant ? Il souhaiterait également connaître la position du Gouvernement quant à la question de la cohabitation des différentes cultures et à la plainte déposée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre l'Union européenne par douze pays. Il lui demande, enfin, d'indiquer à la Haute Assemblée la position du Gouvernement sur les onze propositions de la mission d'information sur les OGM de la commission des affaires économiques.
Communication relative à la consultation
des assemblées d'outre-mer
M. le président du Sénat a reçu, le 10 juin 2003, de M. le Premier ministre un avis de consultation de l'Assemblée de la Polynésie française, du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, du conseil général de Mayotte et du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon sur la proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat (n° 312, 2002-2003) et sur la proposition de loi portant réforme de l'élection des sénateurs (n° 313, 2002-2003), et l'avis du conseil général de Mayotte sur ces textes.
Ces documents ont été transmis à la commission compétente.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Politique de l'eau
287. - 10 juin 2003. - M. Jacques Pelletier, en tant qu'élu d'une circonscription très rurale de l'Aisne, se dit très inquiet et interroge Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la politique de l'eau que souhaite mener le Gouvernement. Le département de l'Aisne a signé en 2001 une convention avec l'Etat portant sur la période 2001-2005 relative aux aides accordées aux communes rurales et à leurs groupements au titre du Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE) en matière d'eau potable et d'assainissement. Or, pour l'année 2003, la dotation définitive du département de l'Aisne a subi une diminution de 62,61 % par rapport à l'année 2002 due à la suppression des recettes du Pari mutuel urbain représentant la moitié de l'enveloppe FNDAE. Cet état de fait est très inquiétant pour ce département rural qui a beaucoup souffert dernièrement de la sécheresse et qui aurait au contraire besoin d'une aide conséquente en matière de politique de l'eau. Il souhaiterait savoir comment elle envisage cette situation et ce qu'elle compte faire pour pouvoir y remédier.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 10 juin 2003
SCRUTIN (n° 163)
sur l'ensemble du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :285Pour : 171Contre : 114Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Abstentions : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 9.
Contre : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Contre : 83.
GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Pour : 162.
Abstention : 1. _ M. Jean-Paul Alduy.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance et M. Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Pierre André
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Gérard Dériot
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
Ont voté contre
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Claude Biwer
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Jean Boyer
Marcel Deneux
Yves Detraigne
Jean-Léonce Dupont
Pierre Fauchon
Françoise Férat
Christian Gaudin
Gisèle Gautier
Jacqueline Gourault
Marcel Henry
Joseph Kergueris
Valérie Létard
Michel Mercier
Louis Moinard
Philippe Nogrix
Anne-Marie Payet
Daniel Soulage
Jean-Marie Vanlerenberghe
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 315Nombre de suffrages exprimés :286Majorité absolue des suffrages exprimés :144Pour :173Contre : 113Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.