PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, bon nombre de nos collègues l'ont déjà rappelé, le débat sur les infrastructures qui nous occupe aujourd'hui est un débat de fond qui concerne les choix de développement pour notre future société.

Monsieur le ministre, votre décision devra répondre aux questions que nous nous posons tous : quel type de développement et d'aménagement du territoire voulons-nous pour demain ? L'investissement collectif sera-t-il encore considéré comme un pilier de la solidarité nationale ?

Je peux vous confirmer, comme d'autres collègues l'ont fait à l'Assemblée nationale et ici même, que l'Ouest, plus particulièrement la Bretagne, attend vos réponses et vos décisions avec une grande inquiétude.

Tous ceux qui, comme nous, se sont battus depuis près de dix ans pour rapprocher notre région de Paris et mettre enfin un jour Brest et Quimper à trois heures seulement des grandes interconnexions ferroviaires européennes, avaient déjà très mal vécu le retard imposé au projet de TGV Bretagne-Pays de la Loire par les dix-huit mois de l'audit.

Que dire, alors, de notre sentiment à la lecture du rapport de cet audit, qui renvoie la première partie de cette réalisation au-delà de 2017 ? Autant dire aux calendes grecques ! (Sourires.)

Loin de moi l'idée de mettre en cause les autres dossiers. Je crois en effet qu'une véritable politique des transports doit tenir compte des effets de réseaux, envisager une stratégie intermodale et, surtout, ne pas oublier l'aménagement de tout le territoire, tant à l'échelon national qu'à l'échelon de l'Europe.

C'est donc en vertu de ces principes que je souhaite défendre le projet de train à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire, indissociable de la réalisation de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Pour ce faire, permettez-moi de relever un certain nombre d'erreurs contenues dans le rapport d'audit, à la lecture duquel je remarque toutefois, avec plaisir, que l'indice de rentabilité socio-économique de notre projet était bon, puisque, avec 10,7 %, les auteurs le qualifient d'assez élevé.

Première erreur, donc, l'audit met en doute l'impact sur le trafic, Rennes étant « déjà bien desservie ». Mais la Bretagne est une presqu'île, monsieur le ministre, vous le savez, et Rennes n'en est que la porte. Brest est encore à 245 kilomètres, Quimper à 207 kilomètres. Une fois arrivé à Rennes, vous êtes encore à deux heures ou deux heures et demie de bout de cette presqu'île.

De plus, le chantier de l'amélioration des voies intérieures de la Bretagne a été largement engagé dans le dernier contrat de plan, et les deux dossiers sont totalement indissociables et doivent être ouverts en concomitance.

La deuxième erreur, à mon avis, fondamentale, concerne le TGV Ouest qui aurait : « une dimension européenne peu développée ». Monsieur le ministre, toute région qui n'est pas au coeur de l'Europe serait-elle donc condamnée ? Toute région périphérique serait-elle donc irrémédiablement rejetée dans son « Finis-terre » ?

Telle n'est pas notre conception ni de l'aménagement du territoire ni d'une Europe équilibrée. Au contraire, plus l'Europe va s'élargir à l'Est, plus les régions extrêmes doivent être le mieux possible reliées au coeur de cette Europe.

La troisième erreur porte sur la question du fret ferroviaire, dont il a beaucoup été question ce soir, et qui « ne serait pas significative ». Or, au contraire, il s'agit là d'un élément central du dossier TGV Bretagne-Pays de la Loire. Il faut libérer la voie actuelle pour le fret, car celui-ci ne peut évidemment pas se développer dans l'état actuel des choses.

D'ailleurs, vos collègues Mmes Bachelot-Narquin et Fontaine en ont fait récemment les frais lors de leur déplacement à Rennes. Du fait d'un incident survenu la nuit avec le fret, un détournement a été décidé entre Le Mans et Rennes en passant par Nantes, ce qui a provoqué un retard de près de deux heures trente!

En outre, monsieur le ministre, nous revendiquons, et nous espérons bien revendiquer de plus en plus, notre « maritimité » : la Bretagne doit être considérée comme une ouverture sur l'Europe. Nous savons bien que le développement économique de notre région dépendra aussi, à l'avenir, de l'intermodalité et de l'articulation des ports de Nantes, de Saint-Nazaire, de Lorient, de Brest et de Saint-Malo. Une infrastructure ferroviaire spécifique réservée au fret est d'autant plus indispensable pour faire de la pointe de la Bretagne un territorie avancé, une porte sur l'Europe, et non pas une région reléguée à l'extrême Ouest.

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, notre inquiétude. Cependant, vous avez affirmé que cet audit constituait seulement une aide à la décision, laquelle relevait des élus et du Gouvernement. Pouvons-nous encore y croire ?

Le rapport de la DATAR, que beaucoup de mes collègues ont, à juste titre, trouvé intéressant, aurait pu accorder enfin à notre dossier un meilleur traitement au nom de cette politique d'aménagement du territoire. Hélas ! Là aussi, amère désillusion, le TGV Bretagne-Pays de la Loire ne figure même plus dans la liste des lignes à grande vitesse à privilégier. Je suis d'autant plus encline à insister sur les erreurs et les approximations de ce rapport qu'il a été loué sur d'autres points.

Cela en dit long sur la qualité de l'attention qui a été portée à notre dossier et, par là même, à notre région, malgré notre volonté et nos efforts, qui ne sont pas sans rappeler ceux que nous avions témoignés, voilà presque quarante ans, pour sortir la Bretagne de son quasi-sous-développement et mettre en place le plan routier breton.

Erreur sur le nom, le TGV Bretagne-Pays de la Loire devient la ligne à grande vitesse Pays de la Loire. La Bretagne aurait-elle disparu ? Erreur sur les distances, Rennes ne serait plus qu'à 60 kilomètres de Notre-Dame-des-Landes, ce qui est déjà considéré comme un handicap, alors que la distance réelle est de 90 kilomètres. Erreur, enfin, sur les temps, le gain pour Rennes ne serait plus que de vingt minutes et non de trente-sept, comme indiqué dans les études préliminaires de mars 2000.

Alors, oui, monsieur le ministre, les Bretons sont inquiets. Ils ont le sentiment que les jeux sont faits et ils craignent que, dans ce domaine comme dans un certain nombre d'autres, notre gouvernement ne les laisse de côté.

Lors du débat organisé à partir d'une question orale dans cette même assemblée, j'avais déjà eu l'occasion de vous dire que les élus bretons étaient unanimes à défendre leur projet initial, c'est-à-dire mettre Brest et Quimper à trois heures de Paris en 2010, et que la force de notre région était de parler d'une même voix lorsque son avenir était en jeu. Je le confirme aujourd'hui.

J'ajoute que, grâce au consensus entre les élus et grâce à leur détermination, grâce aux forces socio-économiques et grâce à toute la population, les Bretons n'accepteront pas d'être de plus en plus éloignés de cette Europe qu'ils ont largement contribué à créer. Ils ne comprendraient pas plus que votre gouvernement, par ses choix, ne favorise leur exclusion d'un développement économique moderne en les reléguant dans une périphérie dont le seul atout survivant ne serait plus que le tourisme, à condition, bien entendu, que d'autres Erika ou Prestige ne viennent compromettre aussi ce développement-là. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien au-delà d'un clientélisme régional ou départemental, c'est dans un esprit d'harmonie et de complémentarité avec mes collègues du groupe CRC que j'entends développer brièvement la question des infrastrucures de l'ouest de la France dont je suis le seul élu communiste au sein de cette assemblée.

Première région agricole, première région maritime française, première région pour les résultats au baccalauréat, que manquera-t-il bientôt à la Bretagne, sous l'effet de la politique gouvernementale, de la PAC, des crises agricoles, de la politique commune de la pêche, pour être la première pour les bas salaires, le chômage, les disparitions d'exploitations agricoles et d'entreprises des petits pêcheurs, la première pour les fermetures des bureaux de poste, d'écoles, de maternités et d'hôpitaux de proximité ?

Terre de courage, terre de contraste, la Bretagne voit s'éloigner d'elle le centre de gravité de l'Europe et s'affaiblir ses capacités d'échange.

Au regard de ce qui se passe dans le secteur de la volaille du fait des délocalisations et des importations abusives, la Bretagne craint le pire pour d'autres productions phares, ce qui la conduirait à une situation de région sinistrée.

Les infrastructures, au même titre qu'une réelle politique d'aménagement équilibré du territoire et de péréquation nationale, doivent contribuer à éviter le pire.

Dans le domaine du fer, l'engagement de Jean-Claude Gayssot d'amener le TGV à Rennes et de mettre Brest à trois heures de Paris, doit être tenu dans les délais prévus.

L'Etat doit également respecter ses engagements et sa participation financière à la modernisation des lignes Rennes-Brest et Rennes-Quimper, en prolongement de la ligne à grande vitesse. Les petites lignes doivent être modernisées afin de développer le fret et de rapprocher les populations des grands réseaux ; c'est le cas, par exemple, de la ligne Dol-Dinan-Lamballe.

En centre-Bretagne, là où le réseau ferré n'ira pas, il convient d'en finir dans les meilleurs délais avec la mise à 2 × 2 voies de la RN 164, en cours depuis plus de trente ans ! Son financement à mi-parcours du contrat de plan n'atteint que 35 % de l'objectif fixé.

Il est plus qu'urgent, monsieur le ministre, que ces travaux soient achevés, et ce n'est pas au département des Côtes-d'Armor d'assumer, dans le cadre de la décentralisation, ces travaux sur 108 kilomètres et encore moins d'être contraint d'instaurer un droit de péage pour financer les voies nationales.

Concernant le transport aérien, maintenant, le projet d'implantation d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, doit constituer une chance supplémentaire pour l'Ouest et les pays de la Loire dans le cadre d'une complémentarité avec les autres aéroports et avec le développement du pôle Nantes-Saint-Nazaire, tout particulièrement de ses activités portuaires et de construction navale.

Dotée de plus de 2 370 kilomètres de côtes et forte d'un savoir-faire maritime, la Bretagne peut devenir rapidement une région pilote dans le domaine du cabotage. Encore faut-il en avoir la volonté politique.

Ces quelques exemples traduisent notre souci d'accrocher la Bretagne à la France et à l'Europe, sans qu'elle soit en quelque sorte « à la remorque », mais pour qu'elle soit pleinement partie prenante.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de douter de la volonté gouvernementale d'y parvenir et de ne pas être d'accord avec les moyens préconisés : ce sont les plus modestes de ce pays qui seront lourdement frappés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Gruillot.

M. Georges Gruillot. Monsieur le ministre, merci de nous offrir l'occasion de ce grand débat sur les transports que nous appelions de nos voeux depuis si longtemps. « Il est important », je reprends vos paroles, « il l'est pour notre pays, pour son rayonnement et sa capacité à garder un rôle moteur en Europe. »

Je crois que c'est particulièrement vrai en matière de transport de fret, domaine dans lequel nous n'avons pas eu de véritable politique, sinon celle de laisser faire les choses, ce qui s'est traduit par la multiplication des camions sur les routes, avec le cortège de nuisances que chacun de nous connaît.

C'est bien, en période de développement économique ralenti, de se souvenir que les facilités de transport de marchandises induisent la croissance.

C'est singulièrement vrai pour la France, qui joue son intégration harmonieuse dans l'Europe. Nous avons la chance, de par notre situation géographique, d'être un lieu de passage obligé entre l'Europe du Sud et l'Europe germanique. Faisons-en un paramètre de développement au lieu de subir passivement.

Profitons également de nos façades maritimes, atlantique et méditerranéenne, les meilleures d'Europe, pour devenir une véritable porte de l'Europe. C'est particulièrement pertinent pour notre ouverture sur la méditerranée. Chacun sait que les échanges vont s'y multiplier au cours du prochain demi-siècle, conséquence de la démographie galopante du Maghreb, futur gros consommateur de produits manufacturés européens.

Notre situation géographique en Europe est une chance, si nous savons la saisir. A l'inverse, si nous n'y prenions pas garde et si nous ne nous y préparions pas, elle deviendrait pénalisante avec l'ouverture prochaine à l'Est.

Les Suisses, eux, ne s'y sont pas trompés, en rêvant de canaliser de grands trafics nord-sud par leur territoire et en décidant d'investir en conséquence. En général, les Suisses n'investissent pas pour rien !

L'heure des grands choix est venue pour la France. Si elle veut tenir son rang, faisons-les, non pour quinze ou vingt ans, comme nous y invitent les rapports préparatoires, mais pour au moins une cinquantaine d'années. Et faisons-les, ces choix, avec une vision moderne des choses.

Chacun s'accorde à reconnaître qu'il faut limiter le plus possible la multiplication des camions sur les routes, enjeu difficile, mais seule voie possible, si nous voulons respecter les accords de Kyoto. A court terme, néanmoins, des réalisations autoroutières s'imposent encore pour adapter notre réseau.

Logiquement, le transport de fret sur le fer devrait se développer. Le réseau ferré existant est déjà très dense et la création de grands axes dédiés au fret vont dans ce sens. On peut rêver ! M. Gayssot, votre précédesseur, monsieur le ministre, l'avait fait et pris des paris. Le comportement de l'entreprise a fait, malheureusement, jusqu'ici que le rêve n'est pas devenu réalité !

La vraie modernité, en matière de transport de marchandises, serait cependant de décider une grande politique du transport fluvial.

La France a la chance d'avoir de vastes régions « mouillées » sur son territoire. Equipons-les aux gabarits européens, et maillons-les avec les réseaux de nos voisins Belges, Néerlandais, Luxembourgeois et Allemands. Ne nous laissons pas isoler par l'Europe du transport fluvial.

Napoléon Ier disait : « Ce ne sont point de palais ni de bâtiments dont l'Empire a besoin, mais bien de canaux et de rivières navigables ».

Aujourd'hui encore, cette parole impériale vieille de deux siècles est d'avant-garde.

Les avantages du transport fluvial sont nombreux, et il est bon de les rappeler brièvement.

Ce mode de transport, respectueux de l'environnement, est le plus silencieux et de très loin le moins consommateur d'énergie, il est donc moins responsable que d'autres de rejets de gaz à effet de serre.

Les risques d'accidents et, surtout, d'accidents graves sont extrêmement limités. Ce mode de transport a l'avantage de pouvoir fonctionner sept jours sur sept, de nuit comme de jour. Le Rhin, à cet égard, en est un brillant exemple. La lenteur que lui attribuent certains, mal informés, est donc largement compensée.

Sa mise en oeuvre par des artisans bateliers est, de plus, une garantie de sérieux et de ponctualité dans les livraisons, condition de plus en plus exigée par les utilisateurs.

Pour certains types de transport, transports dangereux, transports de très gros volumes ou poids, transports de granulats, transports de déchets et bien d'autres, le transport fluvial rendra de très grands services.

La France a besoin d'interconnecter ses bassins fluviaux, celui de la Seine aux réseaux du Nord « c'est Seine-Nord », celui de la Seine à celui de la Moselle « c'est Seine-Est », celui du Rhône à celui de la Moselle, par la Saône, et à celui du Rhin par la vallée du Doubs.

M. Jean-Louis Carrère. C'est fini ?

M. Georges Gruillot. La liaison Seine-Nord semble une impérieuse nécessité et pourrait se réaliser rapidement, comme, d'ailleurs l'aménagement fluvial du port du Havre. Tout le monde en est d'accord.

Quant à la liaison Rhin-Rhône par la vallée du Doubs, décidée pratiquement avec l'accord de tous, c'était une décision de bon sens : désenclavant vers le nord et l'est du bassin Rhône-Saône et sa sortie naturelle, le port de Marseille, mariant la France aux réseaux européens et nous donnant accès au bassin danubien. Eh bien, elle a été balayée d'un revers de main par Mme Voynet pour des motifs apparemment uniquement électoraux.

M. Jean-Louis Carrère. Cela a-t-il marché ?

M. Georges Gruillot. Pourtant, cette liaison permettrait à l'Alsace, au Bade-Wurtemberg et à la région de Bâle une ouveture sur la Méditerranée. Elle serait aussi une solution intelligente de contournement de l'arc alpin.

Des experts pensent d'ailleurs que cette liaison pourrait être reprise rapidement avec des normes techniques différentes de celle de l'ancien projet conçu dans les années soixante, plus respectueuses de l'environnement et correspondant mieux au trafic envisageable.

Il s'agit d'écluses plus courtes permettant la circulation des bateaux de type grand Rhénan de 110 à 115 mètres de long, gabarit qui correspond d'ailleurs à celui des « fluviomaritimes » dont on est en droit d'attendre beaucoup dans un avenir proche, le même bateau, sans transbordement pour le cabotage maritime et la pénétration en profondeur dans les terres. Ce n'est pas une vue de l'esprit, c'est déjà la réalité de ce début de xxie siècle.

Monsieur le ministre, définissons un grand schéma d'aménagment de toutes ces voies dont la France a besoin pour sa bonne intégration dans l'Europe et son rayonnement, quelles soient fluviales, ferrées ou routières, mais définissons en visant loin. En effet, quinze ans ou vingt ans, dans ce domaine, c'est beaucoup trop court.

Etablissons des priorités. Essayons d'accélérer les procédures, trop complexes et trop lentes aujourd'hui.

Quant aux problèmes de financement, il me semble que les grandes liaisons devraient, dans l'avenir, bénéficier de concours importants de l'Europe. De même, les fiscalités devraient être en partie remplacées par des redevances d'utilisation dont le recouvrement sera facilité par les progrès technologiques. Enfin, l'accès à des prêts peu coûteux de longue durée pourrait permettre l'accélération des réalisations.

Mais une politique décidée dans cet esprit, pour être crédible et durable, devrait être gérée hors budget par un établissement public créé à cet effet. Tout cela est possible, si nous en avons le courage politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, il est une heure du matin, il reste trente-huit orateurs inscrits, et la réponse des ministres, ce qui représente quatre à cinq heures de débats. Aussi, je me permets de vous inviter à un maximum de concision, tout en faisant remarquer que la plupart des interventions dépassent le temps initialement indiqué !

La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, j'abrégerai donc mon intervention. Beaucoup de choses ont été dites excellemment et, pour ma part, je voudrais simplement aborder trois points.

En premier lieu, à ce stade de la discussion, trois priorités ont été relevées : premièrement, la nécessité d'infrastructures de dimension européenne dès lors qu'elles contribuent à renforcer l'attractivité de notre pays ; deuxièmement, le choix d'infrastructures permettant de traiter des axes régulièrement saturés ; troisièmement, la réalisation d'infrastructures d'aménagement du territoire afin que, dans la logique de la loi de 1995, aucune partie du pays ne puisse être éloignée à la fois d'un aéroport, d'une gare de TGV et d'un échangeur routier.

En deuxième lieu, j'aborderai la question du rôle de l'Etat. Il est évident que celui-ci a changé : autrefois acteur essentiel dans l'aménagement du territoire, en particulier dans les transports, il est davantage devenu un partenaire, un garant. En effet, l'Etat est souvent le partenaire des collectivités locales dans la définition des schémas régionaux de transports, mais aussi le partenaire des autres Etats européens dans la mise en oeuvre des réseaux de transport trans-européens.

Sur le plan national, il doit rester le garant de l'équité territoriale pour l'accès aux transports et porter une attention toute particulière aux régions enclavées. Naturellement, la décentralisation devra donner aux régions, aux départements, un rôle plus important dans l'évaluation des besoins, la hiérarchisation et la réalisation des projets, mais en conservant toujours, c'est en tout cas ma vision, un Etat garant.

M. Serge Franchis. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault. En troisième et dernier lieu, en tant qu'élue de la région Centre, je tiens à évoquer deux projets dont j'entends beaucoup parler, de façon positive ou interrogative : il s'agit de l'autoroute A 110 Ablis-Tours et de la ligne POLT, entre Paris, Orléans, Limoges et Toulouse.

M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. Je rappelle que le Gouvernement a inclus dans l'audit l'étude de l'A 110, qui avait été retirée du schéma de service par Mme Voynet.

La mission conjointe de l'inspection générale des finances et du conseil général des ponts et chaussées a estimé que l'absence de difficultés majeures à l'heure actuelle sur l'A 10 justifiait de ne pas accélérer le calendrier d'études permettant l'éventuelle réalisation avant 2020. Or il est actuellement indispensable d'engager rapidement sur la route nationale 10, entre Chartres, Vendôme et Tours, d'importants travaux de capacité et de sécurité. Certains avancent que la mise à 2 × 2 voies coûterait plus cher que la construction de l'A 110. Je pose la question ; je n'ai pas forcément la réponse, mais nous sommes là pour cela et, tout à l'heure, nous avons dit qu'il fallait faire des choix.

En ce qui concerne le projet de liaison pendulaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse - POLT -, le rapport d'audit du conseil général des ponts et chaussées recommande d'en « reconsidérer l'utilité dans son ensemble et, dans le cas où il serait néanmoins retenu, d'examiner des alternatives moins coûteuses pour le matériel roulant ». La mission a également souligné la nécessité d'une prise de position rapide sur ce dossier, la SNCF étant tenue par le protocole d'accord signé le 21 février 2001 à commander dès 2003 les premières rames pendulaires prévues pour la réalisation du projet.

Une telle infrastructure permettrait de maintenir un mode de transport ferroviaire alternatif au TGV qui desservirait plusieurs régions, dont la région Centre, et de raccorder celles-ci à Roissy et, au-delà, au réseau TGV européen.

M. Michel Moreigne. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. Toutefois - et je répète tout haut ce que j'entends dire tout bas -, nombreux sont ceux qui voudraient connaître les résultats de l'expérience italienne il pendolino pour savoir si elle est concluante.

Par ailleurs, j'entends dire aussi que le gain de temps, sur cette fameuse ligne POLT, serait finalement d'un quart d'heure entre Paris et Toulouse. Toulouse est tout de même la quatrième ville de France.

M. Jean-Pierre Plancade. Toulouse a besoin d'un TGV !

Mme Jacqueline Gourault. Oui, justement ! Je ne connais pas la solution, mais je pose le problème. Ensuite, si les choix du Gouvernement ne se portaient pas sur le POLT à cause des conclusions qui pourraient être tirées, je crois en tout cas pouvoir affirmer qu'il y a une urgence absolue à réaliser des travaux sur la ligne actuelle Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, en particulier la sécurisation des passages à niveau.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir organisé ce débat. J'aurais pu aborder bien d'autres sujets, mais les aspects financiers ont été traités par mon collègue Jacques Oudin, et j'ai voulu être brève. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nos collègues défendent tous avec talent et conviction les dossiers d'infrastructure de leur région. Pourtant, je continue à penser que si l'on réduisait le débat sur les grandes infrastructures aux simples enjeux hexagonaux, on se tromperait d'espace et d'époque.

Car si les enjeux locaux ou régionaux sont importants, le problème essentiel des quinze, vingt prochaines années est celui de la place que tiendra la France au sein de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui, mais plus encore telle qu'elle sera demain.

Quelle est la réalité de l'Europe ? Nous connaissons tous la carte de l'Europe démographique, de l'Europe économique. En regardant les cartes européennes, on est impressionné par ce que les géographes appellent la « banane bleue », cet arc de puissance qui va du sud-est de l'Angleterre à l'Italie du nord, en traversant l'Allemagne. Les récents rapports européens, notamment celui de la DATAR, nous expliquent que, demain, avec l'adhésion des pays de l'Europe centrale et orientale, cet axe va encore se déplacer de l'ouest de l'Allemagne vers sa partie centrale et orientale.

Le problème crucial pour notre pays est donc de savoir si, demain, nous demeurerons liés à cet axe de prospérité ou si la France, si la péninsule Ibérique, d'ailleurs, décrocheront de cette Europe de la prospérité économique et de l'emploi.

Or, aujourd'hui, comme vous le savez, monsieur le ministre, de grands projets sont en cours de réalisation reliant l'Europe du nord à l'Europe du sud, hors du territoire français. En matière de ferroutage, on l'a dit, la Suisse a pris une longueur d'avance sur nous. Aujourd'hui, c'est le Saint-Gothard qui est en cours de construction, l'un des plus grands chantiers de l'Europe ; demain, ce sera le Löchtsberg et, plus à l'est, le Brenner en Autriche.

Si la France ne réagit pas et privilégie une conception franco-française de ses infrastructures plutôt que les projets de dimension européenne, alors, demain, l'Europe du développement économique passera loin de nos frontières. Et il ne nous servira à rien d'avoir développé les infrastructures hexagonales puisque celles-ci seront déconnectées de l'Europe en mouvement.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement puisse tenir le calendrier qui a été fixé dans les accords internationaux entre la France et l'Italie pour la réalisation de la liaison transalpine Lyon-Turin.

Je dis « Lyon-Turin » mais vous avez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il ne s'agit pas de Lyon, qu'il ne s'agit pas de Turin, quelle que soit l'importance de ces villes, qu'il ne s'agit même pas de la région Rhône-Alpes, même si celle-ci pèse le même poids économique que le Danemark, qu'il ne s'agit même pas du Piémont-Lombardie, même si cette région est la deuxième région économique de l'Europe. Non, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit de savoir si, en réalisant le chaînon manquant entre Lyon et Turin, nous créerons le corridor n° 5 inscrit sur la liste des quatorze projets de transports européens prioritaires adoptés par les chefs d'Etat à Essen et qui permettront de relier la France et la péninsule Ibérique à l'Europe centrale et orientale, avec demain des branches qui se dirigeront vers les pays Baltes d'une part et vers les Balkans de l'autre.

Ce sont les grands enjeux d'infrastructure européens de demain. Si nous passons à côté de ces enjeux, c'est l'ensemble de notre pays, l'ensemble de nos régions qui se trouveront en dehors de l'Europe de la croissance.

Economiquement décisive, la réalisation d'une liaison transalpine est écologiquement indispensable. Il y va de la préservation du massif alpin et de ses vallées, de la prise en compte des risques si tragiquement illustrés par la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc.

Monsieur le ministre, vous le savez, il est bien d'autres projets d'infrastructure qui concernent la région Rhône-Alpes. Volontairement, je n'ai évoqué que le Lyon-Turin pour souligner que ce projet est d'une autre nature, décisif non pas pour une région mais pour notre pays.

Alors, il est vrai que les problèmes de financement sont importants. Ils passent évidemment par un engagement fort de l'Union européenne à ce projet, de l'ordre de 20 %. Une ingénierie de montage associant le secteur parapublic français au secteur privé italien - Caisse des dépôts et consignations et grands groupes bancaires italiens - pourrait sans doute, par péage, financer vingt autres pour cent. On a évoqué, dans le débat de ce soir, la possibilité d'une taxe européenne additionnelle sur les carburants pour les poids lourds ou un surpéage pour le franchissement du massif alpin. Elle pourrait encore rapporter 20 %. Il resterait donc deux milliards et demi d'euros que les Etats français et italien devraient pouvoir financer pour réaliser le tunnel de base. Le financement de la partie française peut donner lieu à un montage de même nature avec, et nous prenons nos responsabilités, la participation acquise des collectivités territoriales. Est-ce hors de notre portée ?

Vous savez, monsieur le ministre, que le gouvernement italien veut mener à bien ce projet par crainte lui aussi de se trouver marginalisé dans l'Europe de demain. Silvio Berlusconi l'a encore confirmé au Président de la République, Jacques Chirac, lors du sommet d'Evian.

C'est à vous de dire aujourd'hui si la France entend respecter les accords internationaux signés par notre pays.

C'est à vous de dire si le Gouvernement veut vraiment de ce projet. Car, comme le disait M. Raymond Barre, avec le sens de la litote qu'on lui connaît : « Repousser le projet au-delà de 2015 serait dangereux. » Traduisons, pour que l'on comprenne bien : repousser ce projet après 2015 serait purement et simplement l'annuler. Je crois, monsieur le ministre, que ce serait une erreur profonde pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui est d'une importance primordiale pour la France, comme l'a fort bien démontré mon amie Marie-France Beaufils.

Aujourd'hui plus que jamais, le principe d'une politique d'anticipation pour créer les infrastrucures dont nous avons tant besoin sur la période 2003 à 2020 est indispensable. Dans le même temps, il faut éviter la congestion de nos réseaux de transport qui, à terme, pourait être contreproductive pour l'économie de notre pays et la vie de nos concitoyens.

Chacun de nous a conscience que cette situation peut se dégrader dans les prochaines années, compte tenu des perspectives de croissance naturelle de la demande et de notre insuffisante capacité à y faire face aujourd'hui.

Les infrastructures de notre pays sont les fondations du développement de notre société, de ses individus et de son économie. A cet égard, elles requièrent des mesures d'exception. En ce domaine, la politique nationale doit donc à la fois prendre la hauteur de vue nécessaire pour anticiper les évolutions à venir, s'inscrire dans la durée, en dehors de toute logique de rentabilité financière, pour infléchir le cours des événements conjoncturels et avoir le souci de la proximité et de la concertation, afin de ne pas se couper des enjeux propres à chaque territoire.

Ces principes prévalent donc sur tout raisonnement comptable puisque le fond de notre discussion, outre l'aspect international, c'est-à-dire le rayonnement et la capacité de notre pays à conserver un rôle moteur en Europe, concerne les attentes et les exigences de nos concitoyens, acteurs économiques ou simples particuliers, en matière d'infrastructures de transport.

Quels transports voulons-nous pour l'Europe ? Pour quels développements et au service de qui ? C'est sur ce point, bien sûr, monsieur le ministre, que nos appréciations et nos orientations divergent.

M. Gayssot, dont je veux saluer au passage le travail très important qu'il a effectué dans ce ministère,...

M. Eric Doligé. Triste passage ! C'était une catastrophe !

Mme Hélène Luc. ... s'était fixé l'objectif de doubler en 2010 et de tripler en 2020 le fret ferroviaire.

M. Gérard Longuet. Sans moyens financiers !

Mme Hélène Luc. Quant à vous, monsieur le ministre, vous préconisez d'amoindrir cet effort et de filialiser ce secteur, c'est-à-dire de le privatiser.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cela n'a rien à voir.

Mme Hélène Luc. La région d'Ile-de-France est évidemment pleinement concernée par ce grand débat sur les infrastructures 2003-2020, et elle l'est d'abord de par sa position sur le plan économique. Créant 29 % de la richesse produite en France, elle est notre première région industrielle et concentre 40 % de la recherche nationale. Elle compte aussi dix-sept universités, de nombreuses infrastructures, des services publics urbains originaux, un riche patrimoine culturel. Dotée d'une capacité de création et d'innovation considérable, elle est riche aussi des traditions d'accueil et de démocratie forgées au fil de notre histoire et liées au dynamisme des collectivités, villes, départements, régions qui la composent et aux capacités de mobilisation rapide de ses habitants.

Mais c'est aussi une région difficile, marquée par de fortes inégalités sociales et territoriales, et où la précarité augmente fortement.

Le développement non maîtrisé de l'urbanisation et l'absence de gestion des ressources naturelles sont à l'origine de nombreuses pollutions de l'air, de l'eau et des sols, en même temps que d'un encombrement des centres urbains qui renforce les difficultés sociales, provoque du stress et des violences multiples.

Je veux rappeler ici que la situation actuelle découle d'une politique d'aménagement marquée par une inégalité de traitement flagrante des départements au sein même de la région d'Ile-de-France, inégalité que les transferts de charges sur les collectivités territoriales que vous voulez opérer aggraveront encore.

Le rapport d'audit souligne que le financement des projets d'infrastructures retenus par la mission se heurte à une impasse financière de 11 milliards à 15 milliards d'euros par rapport aux ressources dont dispose l'Etat, tandis que l'effort de contribution des collectivités locales est évalué à 11 millards d'euros pour les vingt prochaines années.

Vous avez affirmé, monsieur le ministre, la nécessité de poursuivre et même d'intensifier l'effort d'équipement de notre pays. D'accord ! Mais le groupe communiste républicain et citoyen déplore que la réflexion globale sur les infrastructures de transport en France soit conduite à travers le prisme d'une vision purement comptable.

Vous avez parlé du tarissement des sources traditionnelles de financement alors même que des solutions de financement existent. Voilà bien la grande question : le financement. En la matière, monsieur le ministre, il est bien évident que nous n'avons pas les mêmes orientations.

Pour prendre l'exemple concret d'un territoire que je connais bien, le retard d'investissement de l'Etat dans le Val-de-Marne vaut, entre autres conséquences, à ce département un bouchon qui passe pour le plus gros de France et un des pires en Europe, celui de l'A 4 à l'A 86.

Un exemple criant de saturation des voiries départementales nous est fourni par la RD 38 à Choisy-le-Roi, voie conçue à l'origine pour relier deux communes et qui sert maintenant de déviation à la RN 6, alors que nous ne sommes même pas sûrs - mais peut-être me direz-vous le contraire, monsieur le ministre - d'obtenir les financements nécessaires à l'aménagement de celle-ci.

M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !

Mme Hélène Luc. L'Etat et le conseil général d'alors, s'ils ont fait preuve de beaucoup de prévoyance pour aménager à coups de milliards prélevés sur l'argent public le site privé d'Eurodisney, n'ont pas été assez cohérents pour assumer le bouclage de l'A 4 et de l'A 86, et donc pour faire face aux conséquences du développement logistique du Val-de-Marne sur le Port autonome de Paris, sur Orly, sur le marché d'intérêt national de Rungis, sur la SOGARIS et sur bien d'autres sites encore.

Les élus de ce département, dont je me fais l'écho, sont donc fondés à exhorter le Gouvernement à faire en sorte que l'Etat recouvre toute sa capacité et sa compétence, respecte ses obligations d'aménagement du territoire national et tienne la parole donnée dans le cadre des contrats de plan Etat-Région, à la réalisation desquels le conseil général du Val-de-Marne est prêt à travailler en partenariat avec les communes, comme il a travaillé avec les entreprises et la région.

Il est donc déterminant que l'Etat engage dès à présent le doublement de l'A 4 à Joinville-le-Pont en passage sous fluvial conformément à la déclaration d'utilité publique de 1998.

Pour l'aéroport d'Orly, il faut absolument que la ligne 7 soit prolongée.

Monsieur le ministre, les Parisiens et les habitants de l'Ile-de-France qui ont voulu aller sur les Champs-Elysées dimanche dernier pour voir à la fois les anciennes locomotives et le nouveau train Corail sont attachés à la SNCF et à ses employés, les cheminots.

M. Jacques Blanc. Et à ses grèves !

Mme Hélène Luc. Ils sont fiers de ses performances, de ses trains à l'heure et de plus en plus confortables. On a vu en 1995 de quel soutien bénéficiaient les cheminots.

A l'intention de M. Larcher, je tiens d'ailleurs à dire que, quelque soit le Gouvernement que la France élit, la SNCF joue toujours, avec l'ensemble de ses salariés et de ses cadres, son rôle de service public.

Ce qui change, c'est l'orientation de l'actuel gouvernement. Vous savez bien, monsieur le ministre,...

M. le président. Madame Luc, je vous prie de conclure !

Mme Hélène Luc. ... que le service public est au coeur des luttes que les enseignants mais aussi d'autres fonctionnaires mènent actuellement, pour le conserver et pour l'améliorer.

M. le président. Madame Luc, c'est terminé !

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, j'observe que vous n'avez coupé la parole à aucun autre orateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du débat du 20 mai dernier à l'Assemblée nationale sur le thème des infractructures à l'horizon 2020, la politique portuaire de la France a été abordée, mais il me paraît indispensable de compléter la réflexion.

En tant que rapporteur pour avis des crédits des ports et de la marine marchande pour la commission des affaires économiques, il me semble essentiel d'évoquer les ports dans la réflexion collective sur l'avenir de nos infrastructures.

Trois raisons, qui sont liées, justifient cette nécessité.

La première, c'est l'importance du transport maritime : s'il représente 28 % des échanges intracommunautaires en volume et 22 % en valeur, la part de ce moyen de transport ne concerne que 8 % de notre activité sur le plan national alors que notre pays dispose de l'une des plus importantes façades maritimes du continent. Nous sommes donc très largement en deçà de notre potentiel.

L'amélioration des conditions d'accueil des opérateurs tant maritimes que terrestres dans les enceintes portuaires conditionne pourtant tout un ensemble d'activités économiques indispensables au développement des régions exclues de la « banane bleue ».

La deuxième raison, c'est précisément le rôle déterminant des ports pour la compétitivité et l'attractivité du site « France » en Europe. Un certain nombre de flux de frets sont totalement contraints par la nature même du commerce, et par la géographie tant de la production que de la consommation. Le fret maritime, au contraire, est bien davantage conditionné par des réalités économiques de marché : les marchandises débarquent ou embarquent là où les infrastructures existent, là où les capacités ont été modernisées et mises à niveau, là enfin où les coûts sont les plus faibles.

Force est de constater que nos performances sont médiocres. J'ai eu l'occasion, dans mon avis budgétaire de l'an dernier, de souligner qu'en 2001 l'activité de nos ports autonomes maritimes avait été très largement inférieure à celle de leurs principaux concurrents européens, tant sur la façade Manche-Mer du Nord qu'en Méditerranée, en particulier dans les transports conteneurisés. Or, ce trafic est essentiel pour le développement de l'activité des places portuaires, dans la mesure où le passage à un niveau critique permet d'offrir aux armements des conditions tarifaires comparables à celles des ports concurrents, en particulier pour les plus grands navires. Il faut donc améliorer la situation pour que les opérateurs préfèrent à nouveau les ports français aux autres.

La troisième et dernière raison, c'est le caractère structurant d'une répartition harmonieuse d'infrastructures portuaires modernisées pour l'aménagement du territoire et le développement équilibré et durable.

Cette problématique s'inscrit exactement dans la réflexion menée par la Commission européenne en matière de réseaux transeuropéens de transport, au sein du groupe animé par M. Karel Van Miert. Si le réseau de nos six ports autonomes doit être abordé dans une logique de compétition internationale, celui de nos ports d'intérêt national représente, du point de vue du développement territorial, une importance capitale, qui mérite ainsi une attention particulière.

Dans ce contexte, je suis conduit à formuler trois observations.

Première observation : si les réseaux de transport ne sont rien sans départ ni arrivée, l'inverse est également vrai ! Un port ne sert guère s'il n'est pas correctement connecté à des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de longue distance permettant d'acheminer les marchandises.

Plusieurs de mes collègues ont, ou vont, rappeler l'évidence et souligner les manques en la matière. Je n'y insisterai donc pas. Qu'il soit simplement permis à cet instant au président du conseil général de la Seine-Maritime d'exprimer toute l'inquiétude que lui cause la situation du port du Havre, qui a été évoquée à plusieurs reprises.

Voilà une opération « Port 2000 » qui est en cours d'achèvement, qui a mobilisé des moyens publics colossaux, provenant soit de l'Etat, soit des collectivités locales, et dont les résultats pratiques risquent d'être très largement bridés par les retards pris dans la desserte de l'Hinterland. Comment va-t-on faire pour gérer 3 millions de conteneurs, au lieu des 1,2 million actuellement ?

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut combler ces retards, de même qu'il est absolument essentiel que le projet d'écluse fluviale soit rapidement engagé et financé : le potentiel que représente le transport fluvial ne doit pas continuer à être ignoré comme il l'a été depuis de trop longues années.

Plusieurs de mes collègues ont évoqué la liaison Seine-Nord : j'y ajoute Seine-Est. Les responsables portuaires du Havre et tous les élus de Normandie vous diront en effet que c'est Seine-Est qui apportera véritablement un « plus » au port du Havre.

La complémentarité des moyens de transport route-fer-fluvial est une nécessité, et il est urgent de traiter au fond ce dossier.

Deuxième observation : les investissements en matière d'infrastructures portuaires sont largement financés par l'Etat dont la participation représente 60 % ou 80 % dans les ports autonomes, et environ un tiers dans les ports d'intérêt national.

Il ne faudrait pas que le mouvement de décentralisation, engagé par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et qui pourrait s'approfondir demain avec les futures lois de décentralisation, aboutisse à faire supporter aux seules collectivités territoriales le poids de l'entretien et du développement des infrastructures portuaires.

Monsieur le ministre, vous savez à cet égard que la Seine-Maritime, qui possède plusieurs ports départementaux, est demandeuse : elle souhaiterait pouvoir gérer le port de Dieppe, qui est partenaire du port de Newhaven.

Il conviendrait que l'Etat s'engage à continuer à assumer sa part ou qu'il garantisse que le transfert de compétences sera accompagné des moyens financiers adéquats.

J'en viens à ma dernière observation. L'Union européenne travaille sur un projet d'« autoroutes de la mer » que la DATAR a présenté dans son récent rapport. L'objectif de ce dispositif est d'absorber une partie substantielle de l'augmentation prévisible des trafics intra-européens. Il faut naturellement que notre pays se prépare à cette perspective.

Cela me semble nécessiter de donner suite, à titre complémentaire, aux propositions de notre collègue Henri de Richemont en matière de cabotage maritime, à savoir la création de deux lignes, l'une en Atlantique, l'autre en Méditerranée - pourquoi pas une troisième en Manche ? - et ainsi rattraper le retard que nous avons pris face à nos concurrents.

Je sais que le tout récent comité interministériel de la mer, qui s'est tenu à la fin du mois d'avril, a décidé de mettre ces lignes à l'étude. Toutefois, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il a été dit, ici ou là, que les études des experts et des techniciens manquaient parfois de sens politique et de vision. Aussi, je vous invite à vous assurer que cette étude ne souffrira pas du même travers !

De même, je vous incite à faire financer ces projets par l'Union européenne, en obtenant qu'il figurent dans les propositions que devra prochainement remettre M. Van Miert.

Telles sont les réflexions que je souhaitais apporter dans ce débat sur les infrastructures à l'horizon de 2020. La France a été une grande puissance maritime. Elle peut et elle doit le redevenir en mettant en place des outils qui permettent au pavillon national de retrouver sa vraie place, en donnant à nos ports les moyens de mieux fonctionner et, grâce aux investissements réalisés, d'être plus compétitifs.

A nous de nous donner les moyens de relever ces défis !

Monsieur le ministre, monsieur le sécrétaire d'Etat, nous sommes à vos côtés pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, nous le savons tous, des liaisons rapides interrégionales ou internationales sont devenues indispensables. Elles font partie intégrante d'une impérative nécessité, permettant l'expression du développement local grâce à nos entreprises, et cela dans un contexte économique concurrentiel où les délais de livraison constituent un enjeu essentiel.

Récemment, nous avons eu connaissance d'audits, d'études prospectives, de rapports. Nous avons eu connaissance d'un état des lieux certes nécessaire, mais peu utile si l'on n'essaie pas d'aller plus loin !

Il importe également de savoir en tirer des enseignements qui doivent déboucher sur la réalisation ou l'aménagement de projets qui s'imposent à nous, élus locaux.

La route est aujourd'hui l'infrastructure qui est de très loin la plus utilisée par les Français. Elle le restera même dans l'objectif 2020, particulièrement en ce qui concerne le transport des voyageurs. Un transfert partiel doit s'effectuer particulièrement sur le trafic ferroviaire en faveur des marchandises. Les routes, qui assurent aujourd'hui 80 % du trafic voyageur, en assureraient 15 % de moins à l'avenir, au profit notamment des liaisons ferroviaires.

Le problème du transport, c'est aussi un état d'esprit. Il faut une évolution de nos mentalités, mais celle-ci n'est-elle pas liée à une volonté nationale qui devrait, par incitation, alléger la densité du transport routier en transférant une partie de celui-ci sur le ferroviaire ? En effet, comme vous le savez, il n'est pas normal que des wagons sur des longues distances circulent à moitié vides ou, si vous le voulez, à moitié pleins, alors que les frais généraux sont les mêmes.

Notre société, aujourd'hui comme dans un passé récent, ne prend en compte que la rapidité, la destination directe de livraison. Retient-elle suffisamment la sécurité par rapport au volume transporté ? Intègre-t-elle correctement l'environnement et, donc, le volet pollution ?

Il est urgent de se décider à trouver des financements complétementaires, et je veux aussi parler de crédits européens. Il devient essentiel de favoriser les initiatives privées afin de faire avancer et de concrétiser nos projets. Une route ne se construit pas en quelques mois, ni en quelques années. D'ores et déjà, il faut décider des principes, rechercher des financements et avoir parfois le courage de l'intérêt collectif.

Etant l'élu d'un département situé au coeur du Massif central, vous comprendrez que j'évoque la nécessité, je dirais l'urgence de réaliser le tronçon d'un axe vital reliant Lyon, cette grande capitale économique en termes de services, à Toulouse, autre capitale européenne. Ce prolongement vers l'Europe du Sud s'impose, car l'Espagne et le Portugal sont en pleine mutation économique. Nos amis européens deviennent des partenaires de nos entreprises et les relations entre les hommes sont indispensables.

Le Massif central n'est-il pas un peu oublié ? Regardez, sans aucun esprit polémique, la carte des grands réseaux nationaux routiers ou ferroviaires, et jugez par vous-mêmes ! Mes propos cernent de près la réalité...

Si je prends pour référence l'axe Lyon - Toulouse, que je viens de citer, je constate que, pour le tronçon reliant Lyon à Saint-Etienne, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la circulation y est de 60 000 à 70 000 véhicules par jour ; autour de la couronne stéphanoise, elle dépasse 80 000 véhicules par jour ! Il n'est plus possible de circuler dans des conditions normales de sécurité sur cette route que l'on appelle l'A 47, reliant le chef-lieu de la Loire à celui du Rhône. Il ne faut pas attendre que survienne une catastrophe pour agir.

Oui, il est nécessaire d'envisager la réalisation le plus rapidement possible d'une nouvelle voie, l'A 45. Depuis des années, on en reste au stade de la réflexion. Des efforts considérables ont été faits à partir de Saint-Etienne en direction de Toulouse, et ce dans des conditions très difficiles, aussi bien sur le plan technique que sur le plan financier. M. le directeur de la DATAR connaît bien ce sujet...

Je voudrais évoquer la topographie très particulière de ce secteur, où la création de plusieurs viaducs a été nécessaire pour traverser la Haute-Loire, la Lozère ou l'Aveyron. Par exemple, le viaduc de Pont-de-Lignon, qui compte seulement deux voies, a coûté 11 millions d'euros.

M. Gérard Longuet. On n'a rien sans rien !

M. Jean Boyer. Oui, ce tronçon a été considérablement amélioré, y compris grâce à la participation des collectivités départementales. Il n'est pas acceptable de demeurer dans une telle situation, qui ne peut que s'aggraver.

Si l'on veut que le centre de la France ne meure pas totalement, il faut le désenclaver aussi par ce grand axe Lyon-Toulouse, par cette route nationale 88 à partir de laquelle les départements réaliseront des jonctions permettant l'« irrigation » indispensable à ce territoire de montagne qu'est le Massif central.

Je ne voudrais pas que mon message soit une déclaration de circonstance, de principe. Je voudrais, monsieur le ministre, qu'il vous convainque. Je sais que je ne suis pas le seul à vous en faire part, et j'ose espérer que ce message collectif sera suivi d'effets. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapport de la DATAR intitulé : La France en Europe : quelle ambition pour une politique des transports ? préconise l'abandon de la technologie pendulaire pour la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, le POLT, au prétexte d'une faible rentabilité économique.

Qu'il me soit permis de dire ici que cette analyse a été conduite avec une certaine mauvaise foi. En particulier, le terme « projet » est employé à propos de l'amélioration du POLT, qui fait pourtant bien l'objet, depuis le 13 novembre 2001, d'un engagement ferme pour un montant de 243 millions d'euros de la part des six partenaires concernés : l'Etat, la SNCF, RFF et les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées. Cette convention est adossée au contrats de plan. Un préfet coordonnateur, le préfet de la région Limousin, a été désigné.

La technologie pendulaire paraît être la seule compatible avec l'utilisation optimale de l'infrastructure ferroviaire classique entre Paris et Toulouse via Limoges et avec le raccordement au réseau à grande vitesse et à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Il s'agit donc non d'un projet, mais d'une opération dont l'achèvement est bien prévu pour 2006. Renoncer à la réalisation du POLT reviendrait, pour les partenaires, au premier rang desquels l'Etat, à renier leur signature. Un rapport ne peut, à nos yeux, remettre en cause un contrat.

S'agissant maintenant de la liaison ferroviaire Bordeaux-Lyon par Montluçon, Guéret et Limoges, des études menées depuis déjà une dizaine d'années et associant les régions Aquitaine, Limousin, Auvergne et Rhône-Alpes n'ont pas été suivies d'effets, malgré le partenariat entre la SNCF, puis RFF, et les régions.

Cheminots et usagers de cet axe s'inquiètent vivement des menaces qui pèsent sur son maintien. En effet, les vieilles rames « turbotrains » qui circulent depuis près de trente ans entre Bordeaux et Lyon devraient être prochainement retirées du service.

A ce jour, très peu d'investissements d'infrastructures sont prévus, notamment sur les 270 kilomètres de voie unique et les « rebroussements ». Les manoeuvres en gares de Périgueux, de Saint-Sulpice-Laurière et de Gannat allongent considérablement la durée du trajet et sont quasiment rédhibitoires pour le fret de transit.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, apaiser les inquiétudes concernant la liaison ferroviaire nationale Bordeaux-Lyon via Limoges et Guéret et sa possible rétrogradation en segmentations à vocation purement régionale ? En outre, pouvez-vous faire le point sur le renouvellement des rames « turbotrains » qui assurent cette desserte transversale, desserte dont l'amélioration pour le trafic de voyageurs et l'aménagement pour le transport du fret devraient constituer une priorité en matière de cohésion et de développement du territoire, tant national qu'européen, de l'arc atlantique vers l'Europe continentale et l'Italie du Nord ?

Par ailleurs, la route Centre-Europe-Atlantique est une grande liaison d'aménagement du territoire. Cette liaison à 2 × 2 voies est inachevée. Les crédits prévus au titre du XIIe Plan, soit 55 millions d'euros, seront prochainement entièrement consommés et 20 millions d'euros provenant du FEDER sont attendus par la région Limousin pour terminer le tronc commun de la route Centre-Europe-Atlantique entre le lieu-dit Parsac et Montluçon, l'essentiel de l'itinéraire se trouvant en Creuse.

Monsieur le ministre, les crédits attendus du FEDER sont-ils réellement obtenus et viendront-ils bien abonder les investissements réalisés sur la portion limousine, notamment creusoise, de la route Centre-Europe-Atlantique ? Enfin, conformément à la clause de revoyure, les crédits de l'Etat inscrits au contrat de plan Etat-région Limousin seront-ils abondés ?

Telles sont les quelques questions succinctes que je me permets de vous poser, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat. J'attends avec intérêt vos réponses. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je résumerai mon intervention à l'évocation de quelques thèmes, me réservant de les développer en une autre occasion.

Je formulerai trois observations préalables.

Premièrement, depuis les débuts de l'humanité, un pays n'est grand et économiquement puissant que s'il met en place une vraie et bonne politique des transports. Cela a été dit excellemment tout à l'heure par le président Poncelet et par M. Gérard Larcher. Je n'y reviendrai donc pas, mais j'ajouterai que si des transports performants n'induisent pas automatiquement un dynamisme économique, en revanche leur absence condamne toujours à terme le territoire concerné.

Deuxièmement, la multimodalité est une ardente nécessité, ne serait-ce qu'en termes d'optimisation des moyens mis en oeuvre et de chacun de segments des transports concernés. Cependant, la multimodalité ne fonctionne bien que s'il y a cohérence et complémentarité, ce qui signifie qu'il faut casser les cloisons hermétiques isolant les différents segments : c'est la condition sine qua non de la réussite de la multimodalité.

Troisièmement, l'optimisation des moyens doit être évaluée en termes de développement durable selon trois critères : développement économique, attractivité du territoire aux différentes échelles et prise en compte des enjeux environnementaux, que cette dernière soit globale ou locale. Je partage l'opinion des nombreux intervenants qui se sont déjà exprimés sur ce point.

Par voie de conséquence, ces trois observations préalables montrent bien qu'une politique des transports français cohérente et forte est partie intégrante de tout choix de société. Ce choix dépend totalement de la volonté politique. Or, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, le temps du politique est venu : nous vous accompagnerons sur cette voie. Je vous remercie d'avoir affiché aussi clairement votre volonté politique et d'avoir eu le courage de dresser un constat aussi objectif de notre situation.

Cela étant, notre situation au sein de l'Europe des Quinze est affligeante, et elle sera pire encore demain dans l'Europe des Vingt-Cinq, dont le centre de gravité économique se situera plus à l'Est. La France se trouvera reléguée aux marges et notre réflexion doit impérativement être bâtie à l'aune de l'Europe et du monde, et non pas seulement celle des besoins microterritoriaux.

Par ailleurs, bon nombre de mes collègues s'étant déjà exprimés sur différents modes de transports, je n'en évoquerai pour ma part que deux : le transport maritime et le transport aérien.

Charles Revet vient de parler avec compétence du transport maritime,...

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

M. Jean-François Le Grand. ... mais je voudrais redire que la solution maritime est extrêmement crédible pour le fret, le transport de marchandises.

Les dispositions prévues par les lois de décentralisation concernant les ports, conjuguées aux conclusions du rapport de notre collègue Henri de Richemont, ouvrent des perspectives très intéressantes. Je n'en dirai pas plus ce soir sur ce sujet, puisque nous aurons d'autres occasions de l'aborder, notamment lors de l'examen des lois de décentralisation, mais je soulignerai que notre façade maritime peut redevenir un enjeu et un atout de tout premier ordre. Ce sera à coup sûr un élément du rééquilibrage géo-économique de la France au sein de l'Europe, et les départements et les régions constitutives de l'arc atlantique pourront, par ce biais, retrouver un peu d'oxygène ! Il ne faudra pas manquer ce rendez-vous de la décentralisation : des moyens devront être donnés aux collectivités territoriales pour redynamiser l'activité des ports.

En ce qui concerne le transport aérien, je me bornerai ce soir à formuler cinq brèves observations, ayant souvent l'occasion de traiter ce sujet lors des discussions budgétaires.

En premier lieu, Orly et Roissy sont un atout majeur pour la compétitivité de la France : les plates-formes aéroportuaires parisiennes sont, en Europe de l'Ouest, les seules à disposer encore de capacités de développement.

M. Gérard Larcher. Exact !

M. Jean-François Le Grand. Paris est et doit devenir plus encore, à l'avenir, la tête de pont en Europe du transport aérien intercontinental.

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jean-François Le Grand. En deuxième lieu, les performances des aéroports parisiens doivent donc être améliorées. La mise en place de CDG express ou de tout autre système comparable est une nécessité. Nous sommes les seuls à ne pas disposer d'accès rapide desservant les plates-formes aéroportuaires.

L'intermodalité air-rail doit rendre plus efficace l'accès ferroviaire aux aéroports : la jonction est-ouest entre les lignes TGV au sud de Paris permettra de fiabiliser les circulations interrégionales TGV et de rapprocher de Roissy tout l'ouest de la France. Cette intermodalité devra s'accompagner des services intégrés nécessaires : enregistrement, traitement des bagages, coordination des horaires, billetterie, etc. Bref, c'est tout un ensemble qui doit être revu si l'on veut véritablement atteindre l'efficacité qui est celle d'autres plates-formes aéroportuaires.

Il est absolument urgent d'étudier et d'expérimenter l'utilisation des lignes à grande vitesse actuelles pour les transports de fret express aériens. Ce nouveau service de fret ferroviaire rapide pourrait s'inspirer de l'organisation en hub des opérateurs de fret express et permettrait peut-être de reporter sur le train le fret transporté par certains vols de nuit. Une telle solution n'est pas la panacée, mais réduire quelque peu le nombre des vols de nuit serait déjà un résultat tout à fait intéressant.

M. Gilles de Robien, ministre. Il a raison !

M. Jean-François Le Grand. Cette liste d'orientations en matière d'amélioration des performances des aéroports parisiens est loin d'être exhaustive, mais nous pourrons y revenir à l'occasion de débats spécifiques ou lors des discussions budgétaires.

La redéfinition de la vocation d'Orly dans le système aéroportuaire parisien mérite, quant à elle, une attention toute particulière. Une mission parlementaire sur ce sujet a été diligentée à l'Assemblée nationale. Nous attendons qu'elle remette ses conclusions. Ce point est très important pour l'évolution du trafic aérien.

En troisième lieu, quid des aéroports régionaux les plus importants ? D'autres que celui de Lyon peuvent devenir de véritables plates-formes de niveau européen. Si cette orientation devait être retenue au nombre des actions prioritaires de l'Etat, il conviendrait d'agir sur trois plans : il serait d'abord nécessaire de négocier des accords bilatéraux régissant les liaisons aériennes avec les pays tiers, donc d'engager de véritables négociations à l'échelon des plates-formes régionales ; il conviendrait ensuite de définir un régime de concessions en adéquation avec la réalité industrielle des territoires concernés ; il faudrait enfin dégager une meilleure rentabilité pour les vols au départ et à destination de ces plates-formes, notamment par l'extension de leurs zones de chalandise grâce à des dessertes terrestres multimodales plus performantes et mieux ciblées. C'est un ensemble cohérent qu'il faut mettre en place autour des plates-formes. Agir autrement serait parfaitement inutile, sauf à vouloir imiter certains contre-exemples, canadiens ou autres.

En quatrième lieu, la nécessité d'aménager le territoire interdit de laisser de côté des départements ou des parties de région. Je vous ai proposé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire évoluer le FIATA : s'il faut conserver au FIATA le rôle en matière d'aménagement du territoire qui est aujourd'hui le sien, avec les lignes « obligation de service public », OSP, et les financements correspondants, ce qui ne posait pas de problème quand une taxe permettait d'alimenter le FIATA, je suggère de créer, parallèlement, un second niveau de FIATA, à vocation économique, permettant de subventionner les territoires qui répondraient à des critères d'enclavement économique, et non plus d'éloignement d'une plate-forme aéroportuaire.

En cinquième lieu, lorque l'on évoque les nuisances aéroportuaires, il faut les considérer dans leur ensemble, y compris celles qui sont liées à la « vie terrestre » de l'aéroport. Vous m'avez confié une mission sur ce sujet, monsieur le ministre. J'aurai grand plaisir à l'accomplir, mais, par-delà les systèmes de péréquation fiscale ou d'indemnisation des victimes des nuisances, qu'il me soit permis de redire ici que la meilleure manière de protéger une population du bruit, c'est de ne pas l'y exposer !

M. Bruno Sido. Bravo !

M. Jean-François Le Grand. A l'origine, lorsque l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a été construit, les zones environnantes étaient inconstructibles. Année après année, elles ont été rognées et l'on voit maintenant des gens présenter des réclamations ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, depuis Ugarit et Byblos, près de huit mille ans avant Jésus Christ, l'évolution des transports a consisté à réduire l'espace-temps. C'est une constante historique. Je vous remercie d'avoir pris l'initiative de ce débat et d'avoir rendu au Parlement son rôle, qui est de faire des propositions, d'orienter et de contrôler la politique du Gouvernement. J'espère que vous prendrez en compte l'ensemble de nos propositions ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en ma qualité d'élue de la Loire-Atlantique, je souhaite évoquer, à l'occasion de ce débat, la situation du Grand Ouest. Cet ensemble, regroupant la Bretagne et les Pays de la Loire, constitue l'extrémité ouest de l'Europe, dont le centre de gravité se déplace de plus en plus vers l'Est, comme plusieurs orateurs l'ont souligné. Ces régions, essentiellement agricoles et industrielles, doivent pouvoir échanger facilement, tant avec leurs clients traditionnels qu'avec les dix nouveaux pays membres de l'Union européenne. Pour cela, elles ont besoin d'infrastructures modernes, qui les relient aisément, sinon directement, à l'ensemble des pays européens.

Je n'évoquerai ici que trois dossiers, non par souci de concision, mais parce qu'ils sont les plus importants en vue d'une bonne desserte du Grand Ouest.

S'agissant tout d'abord de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes,...

M. Jean-Louis Carrère. Encore !

Mme Gisèle Gautier. ... le nouveau site, plus proche de la Bretagne que l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique, permettra d'en faire un véritable outil pour le développement du Grand Ouest. Le débat démocratique vient de s'achever, et il revient maintenant au Gouvernement de prendre une décision, dans des délais que j'espère brefs, monsieur le ministre, sachant que des centaines d'hectares sont « gelés » depuis une trentaine d'années.

L'enjeu est d'importance pour nos deux régions : un aéroport plus vaste et mieux adapté aux futurs besoins des trafics permettrait notamment la mise en place de lignes régulières vers les grandes métropoles européennes, ce qui nous manque cruellement, et surtout d'identifier le Grand Ouest comme une région accessible, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Un projet de cette importance nécessite que, très en amont, l'on se penche sur les voies de desserte express pour atteindre dans un délai minimum les villes de Rennes et d'Angers, qui sont toutes proches. Il paraît également indispensable de prévoir une structure de transports rapides, de préférence ferroviaire, en direction et au départ de Nantes.

Le deuxième projet que je souhaite évoquer concerne la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de Loire. Il vise à ajouter 200 kilomètres de lignes à grande vitesse au réseau déjà existant, ce qui permettra de raccorder ces deux régions au réseau TGV qui se développe en France et en Europe.

L'enjeu principal, à savoir la réduction, à terme, des temps de parcours Paris-Brest et Paris-Quimper aux alentours de trois heures, est un enjeu d'aménagement du territoire.

La réalisation de ce tronçon me paraît possible à l'horizon 2007. Je n'ignore pas qu'il s'agit là d'un investissement extrêmement coûteux, mais ce chantier me semble tout à fait prioritaire. Il était « sur les rails » et, malheureusement, il n'a pas beaucoup avancé pour les raisons que vous connaissez. Je souhaiterais, en tous cas, que l'échéance que vous avez indiquée soit au moins respectée.

Troisième dossier, ô combien important, mais dont on ne parle pas assez : le port de Nantes - Saint-Nazaire.

Premier port français sur l'Atlantique, il a la capacité de développer son trafic, ce qui permettrait par là-même de diminuer le transport routier. Je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur une proposition de M. de Richemont, dont je salue l'excellent travail, visant à instaurer une liaison de service public de cabotage par la façade maritime. La gestion pourrait en être assurée de façon mixte, à titre privé et à titre public.

Le port de Saint-Nazaire serait le mieux placé pour la façade Atlantique : des lignes Nantes-Espagne, en complément de la ligne Nantes-Bilbao actuellement en exploitation, et Nantes-Irlande-Royaume-Uni sont déjà à l'étude.

Le développement du cabotage permettrait de réduire d'autant l'engorgement de nos réseaux routiers. Nous avons là un atout non négligeable qu'il nous faut savoir exploiter avec intelligence et qui, à mon avis, a été jusqu'à présent trop ignoré.

Au-delà des enjeux purement régionaux, ce débat est également l'occasion d'aborder des thématiques plus générales, notamment le développement du réseau d'infrastructures, dans une perspective européenne et l'aménagement durable du territoire.

Ce disant, je pense au double rendez-vous qui attend la France : celui du respect des engagements de Kyoto et celui de la nouvelle Europe élargie, dont il faut éviter le basculement à l'est ; nous devons constituer des infrastructures qui feront contrepoids et qui permettront à l'Europe latine et à l'Europe de l'est de bien participer à la grande Europe.

La politique des transports déterminera si la France de demain a vocation à devenir un carrefour européen, « véritable plate-forme logistique structurée par ses ports et un système intermodal discriminant », et non « un simple pays de transit, avec des retombées économiques limitées et des nuisances croissantes » ; j'ai repris les termes exacts d'une étude de la DATAR.

Il est donc nécessaire de conserver des objectifs ambitieux en matière d'équipement ; mais il est aussi nécessaire de prendre en compte de nouvelles données dans l'élaboration de la politique des transports ; je pense tout d'abord au respect de l'environnement.

Les perspectives d'évolution des différents types de trafic sont lourdes de conséquences. On le sait, le secteur des transports est à l'origine du quart des émanations de CO2 dont 84 % sont imputables au transport routier. Nous sommes également confrontés aux réactions de rejet de riverains qui réclament la limitations des trafics et l'éloignement des réseaux.

La question qui est posée est donc de savoir comment inscrire la croissance des transports dans une logique de développement durable : pour avoir des « transports durables », il faut agir à la fois sur la technologie, afin de limiter les nuisances à la source, sur la gestion des réseaux, afin d'orienter la demande sur des horaires et des itinéraires adaptés, et sur l'intermodalité, afin de reporter les trafics sur les modes les moins générateurs de nuisances, partout où des services compétitifs peuvent être développés.

Il me reste donc à vous remercier, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir organisé ce débat, que je qualifierai de majeur, car il permettra de déterminer les futures orientations de notre politique des transports.

Contrairement à notre collègue M. Percheron, je me réjouis que vous ayez accepté de rester avec nous jusqu'à cette heure tardive, monsieur le ministre : votre présence témoigne de l'importance et de l'intérêt que vous accordez à ces dossiers. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat sur les infrastructures de transport me paraît, permettez-moi de vous le dire, comme un rattrapage du Gouvernement pour gommer les effets déplorables d'un audit technocratique (Protestations sur les travées de l'UMP.) dont la seule approche repose sur la rentabilité interne des projets examinés.

Il n'est pas pensable que des tergiversations puissent être encore imaginées pour retarder la mise à niveau de nos infrastructures de transport, qui, chacun le sait, sont la charpente de notre organisation territoriale.

Il convient de s'accorder tout d'abord sur les priorités. A cet égard, le développement de l'intermodalité pour le transport des personnes, mais surtout pour celui du fret doit venir en tête de nos préoccupations. Cela permettrait de développer en urgence des transports alternatifs à la route, au premier rang desquels le cabotage maritime : les infrastructures existent et la construction de bateaux est possible en deux ou trois ans.

Il faut parallèlement développer le transport de fret sur les voies ferrées existantes. Les mêmes moyens modernes devraient permettre d'allonger les convois sans consommer de sillon supplémentaire et surtout de réduire les transits à vide : actuellement, plus d'un wagon sur trois circule à vide faute d'une gestion rationnelle.

Le renouvellement du matériel roulant devenu obsolète permettrait aussi d'augmenter sensiblement les charges embarquées en réduisant, en outre, les nuisances sonores excessives des convois actuels. Mais il nous incombe également de structurer notre territoire pour offrir à nos enfants toutes les chances d'un développement durable.

Monsieur le ministre, des générations entières ont appris la géographie sur des cartes de France verticale. Or les échanges européens ont vite fait comprendre aux Aquitains que, en réalité, le Portugal et les neuf dixièmes de l'Espagne sont situés à l'ouest de Bordeaux. Les échanges entre la péninsule Ibérique et le nord de l'Europe étouffent littéralement la Gironde et l'augmentation annuelle à deux chiffres, soit un doublement tous les six ou sept ans, des passages de poids lourds à la frontière franco-espagnole ouest nous fait craindre le pire.

Or la route restera encore longtemps pour nos concitoyens l'outil quotidien indispensable. L'agglomération bordelaise est asphyxiée par les camions étrangers, ce qu'accentuera, demain, l'essor du Maghreb. Il faut de toute urgence construire un grand détournement à l'ouest de l'agglomération bordelaise et faire cesser les atermoiements de l'administration qui nous ont déjà coûté des années de retard.

Ce projet, que le conseil général de la Gironde porte seule depuis la fin des années quatre-vingt, n'est ni un caprice ni une vue de l'esprit. Dès le départ, il a été imaginé sur la base d'hypothèses, qui, hélas ! se sont vérifiées et le rendent désormais impérieux.

Nous souhaitons un contournement à l'ouest de Bordeaux pour éloigner de l'agglomération le trafic de poids lourds entre la péninsule Ibérique et l'Europe du Nord. Ces développements, comme ces perspectives condamnent Bordeaux à demeurer l'un des grands bouchons français, si des décisions reponsables et rapides ne sont pas prises en faveur de cette infrastructure. De capitale du vin, Bordeaux deviendrait capitale du bouchon. (Sourires.)

Nous souhaitons un contournement ouest de Bordeaux pour améliorer les accès entre la plate-forme aéroportuaire de Bordeaux-Mérignac, actuellement asphyxiée par des accès routiers saturés, à son Hinterland sud-aquitain et sud-charentais.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, un contournement ouest de Bordeaux pour désenclaver le Médoc et pour irriguer le formidable potentiel touristique de la côte Atlantique, mais aussi bien sûr pour assurer la desserte de la presqu'île d'Ambès, site portuaire de première importance économique et qui constitue le seul lien possible pour l'émergence d'une véritable plate-forme d'échange intermodal de fret en ayant à l'esprit qu'un bateau, c'est six cents camions et un train trente camions.

Il a fallu plus de dix ans pour que le contexte de la circulation automobile de l'agglomération bordelaise se révèle terriblement critique, dix ans pour que les faits finissent par convaincre l'Etat et la communauté urbaine de Bordeaux de la nécessité de cette infrastructure. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de prendre les décisions qui s'imposent.

Permettez-moi cependant de regretter la diversion que nous proposent vos services en ouvrant, dix ans après, un grand débat sur une autre hypothèse de contournement à l'est de l'agglomération. Cette façon de rouvrir un autre front par un projet alternatif ne peut que susciter des polémiques, encourager et organiser des blocages et, au total, nous faire perdre un temps supplémentaire.

Au lieu de nouveaux palabres sur une variante qui contredit le diagnostic de vos propres services concernant le trafic France-Espagne et l'enclavement de l'aéroport, nous serions en droit d'attendre de l'Etat une procédure accélérée marquant sa ferme volonté d'aboutir dans des délais plus acceptables. Mais, en Aquitaine, on a appris que le groupe Airbus suscitait plus l'attention gouvernementale que les girondins !

Si cette infrastructure est devenue une évidence non seulement pour les girondins mais plus encore pour les résidents de Poitou-Charentes ou du nord de la France, il ne faut pas sortir d'une politique plus structurante de promotion du fret ferroviaire entre la France et l'Espagne.

A cet égard, la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique est paradoxalement la solution. Non seulement les Aquitains, les Girondins et, je l'espère, les Espagnols sont en droit de souhaiter un TGV pour le trafic passager entre le sud-ouest Atlantique et l'Europe du Nord, mais cette ligne ferait d'une pierre deux coups en libérant la voie classique actuelle pour la création d'un des grands corridors européens de fret ferroviaire.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de prendre tout spécialement en considération cette dimension fret de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique dans l'appréciation de son intérêt économique et sociale.

Je conclus, monsieur le ministre : l'audit sur les grands projets d'infrastructures de transports réalisé par l'inspection des finances et par le Conseil général des ponts et chaussées semble avoir été lancé avec comme objectif délibéré de permettre à l'Etat de faire des économies budgétaires en toute connaissance de cause. D'ailleurs, les auteurs ne s'en cachent pas et ils fournissent même les chiffres d'économies potentielles. Cela est très dangereux pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Pépin.

M. Jean Pépin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis que nous avons renoncé à l'idée du canal Rhin-Rhône, nous prenons du retard, et nous en avions déjà beaucoup précédemment !

M. Georges Gruillot. Très bien !

M. Jean Pépin. Il s'agit là d'une erreur imputable aux cinq dernières années et que nous aurions intérêt à corriger. En effet, en raison du déplacement du centre de gravité de l'Europe vers l'est, avec l'arrivée de huit nouveaux pays situés à l'est - laissons Chypre et Malte de côté - nous reculons : puisque l'Europe avance vers l'est, nous qui sommes à l'ouest reculons, et il n'est pas possible de continuer ainsi.

Corollaire indispensable : il est nécessaire d'avancer plus vite que nous n'aurions dû le faire normalement.

Je vais donc évoquer deux dossiers qui sont centrés sur la région Rhône-Alpes, mais qui, en fait, revêtent une ampleur européenne.

Premier dossier : le canal Rhin-Rhône.

Si nous parvenons à le réaliser, ce canal sera le concurrent de la liaison mer du Nord-Rhin-Danube, Asie Mineure, et, au-delà Asie, tout à fait à l'est. Nous aurons une liaison mer du Nord-Méditerranée qui engendrera une forte activité. Celle-ci constituerait un contrepoids considérable, d'autant que la coordination avec le Bassin parisien, la Moselle, l'Escaut, le Nord, notamment, serait également envisageable. Cet investissement aurait donc une grande portée sur un long terme.

Pourquoi un tel investissement se justifie-t-il plus aujourd'hui que naguère ?

Comme le signale le rapport, sur les cinq dernières années, le fret fluvial a enregistré une croissance de 22 %.

J'ai visité récemment le port de Mâcon, située dans un département voisin de mon département, l'Ain. En cinq ans, le fret fluvial y a doublé, c'est considérable.

Il s'agit là d'un renversement de tendance dû à la trop grande abondance des pondéreux sur les routes et à l'évolution toute récente des conteneurs. Les barges peuvent en effet en charger 2 500. Je ne connais pas l'équivalent en tonne, mais cela correspond à plus de cent camions. Lorsque ces barges peuvent être couplées en train de deux et poussées sur les fleuves, le doublement du fret s'opère avec une dépense d'énergie pratiquement constante.

En terme de prix de revient, le coût du transport fluvial est quatre fois moins élevé que celui de la route.

Le premier dossier que je veux défendre est donc celui du canal Rhin-Rhône, mais, au-delà, il s'agit de la liaison mer du Nord-Méditerranée, un axe essentiel à un moment où l'Espagne est le pays d'Europe qui se développe le plus rapidement, fait économique non négligeable.

L'économie de l'Espagne laissera-t-elle nécessairement s'échapper par les voies maritimes une partie de son fret ? Ne pourrons-nous pas le capter par une liaison fluvio-maritime qui, en empruntant le canal Rhin-Rhône, animerait au passage des pôles comme Marseille, Lyon, Mâcon, Chalon-sur-Saône et d'autres.

Le second dossier que je veux défendre concerne la liaison ferroviaire transalpine couramment appelée « Lyon-Turin », terme trop réducteur qui laisse entendre qu'il s'agit seulement de relier ces deux villes. C'est une erreur d'appellation que nous tendons à réparer en parlant de liaison ferroviaire transalpine.

A l'origine, le sujet principal était le transport de voyageurs. Mais, comme il ne suffit pas pour rentabiliser un tunnel de ce coût, l'important est maintenant le fret.

Bien sûr, il serait possible d'avoir un trafic considérable puisque, selon les chiffres que nous communiquent RFF et la SNCF, vers 2010, 600 convois de voyageurs passeraient par exemple par Bourg-en-Bresse, commune qu'il faudrait évidemment contourner pour lui épargner des nuisances sonores insupportables. C'est là une activité qui ne peut que se développer.

Or la SNCF vient de connaître un échec puisque, malgré l'ambition de votre prédécesseur, M. Gayssot, qui était de le doubler à l'horizon 2010, le fret ferroviaire a reculé.

Nous ne pouvons accepter que cette situation perdure, et nous espérons que la SNCF va réagir.

Il était également question d'un triplement du fret d'ici à 2020. Bien sûr, il faut souhaiter parvenir à ce résultat. Toutes les études montrent en effet qu'il y aura une progression du fret ferroviaire, même si le fret routier augmente aussi.

Une multiplication par huit du transport fluvial semble également possible. Celui-ci devrait jouer un rôle de régulation et d'accélération de l'activité économique sur tout un axe très important de la France. Si nous y renonçons, le développement sera intégralement poussé vers l'Est, qui a beaucoup anticipé sur ses besoins en équipements par rapport à nous.

Puisque nous n'avons pas su anticiper, puisque nous avons même pris du retard, il convient de le combler et de rattraper le temps perdu.

L'ambition est au rendez-vous, monsieur le ministre, mais je sais qu'elle a un coût élevé. Je m'associe à mes collègues qui ont proposé diverses formules de financement. J'ajouterai simplement qu'en matière d'aménagement du territoire il ne nous est pas possible de raisonner sur quinze ans ou vingt ans. Il s'agit d'équipements qui ne peuvent s'amortir qu'à très long terme : sur trente ans, voire sur cinquante ans, des durées qui n'ont en tout cas rien à voir avec celles auxquelles on est habitué dans les entreprises industrielles.

Des formules sont donc à inventer, probablement en collaboration avec des banquiers. La Caisse des dépôts et consignations pourrait également apporter une utile contribution en accordant des taux préférentiels, comme elle le fait en matière de logement.

L'aménagement du territoire n'étant pas à rentabilité courte, mais à rentabilité démultipliée sur une longue période, c'est ainsi que pourront être financés les équipements.

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.

M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la DATAR le concède aujourd'hui : cinquante ans de politique d'aménagement du territoire ont oublié une douzaine de départements.

En introduction de ce débat, monsieur le ministre, vous avez évoqué « ces régions trop tenues à l'écart, ces situations incompatibles avec notre idéal européen ».

En l'occurrence, j'aurais préféré vous entendre parler d'« idéal républicain » puisque ces chantiers relèvent encore du niveau national.

M. Gilles de Robien, ministre. J'ai dit « républicain » !

M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, la Haute-Saône est précisément un département « tenu à l'écart », et je vous adresse le cri de désespoir de notre population.

Depuis trois décennies, nous attendons notre désenclavement, nous attendons la connexion de notre territoire aux grandes liaisons d'aménagement qui nous contournent, nous attendons un accès rapide, par la route et par le fer, aux espaces qui nous entourent.

J'évoquerai devant vous successivement quatre préoccupations d'aménagement : deux concernent la route, deux le fer.

Le barreau routier Langres-Vesoul-Delle est le maillon manquant d'un grand itinéraire entre l'Atlantique et le centre de l'Europe, considéré par la DATAR comme faisant partie des priorités nationales dans le cadre d'une transversale Est-Ouest. Avait été promise autrefois une inscription au schéma directeur autoroutier ; celui-ci n'a jamais été révisé. Cette inscription a été remplacée par un projet d'aménagement à 2 × 2 voies dans le cadre d'un contrat particulier, avec des financements de l'Etat à hauteur de 75 % du coût des travaux.

Monsieur le ministre, nous vous demandons prioritairement la poursuite de la mise à 2 × 2 voies de la partie Vesoul-Delle, qui doit absolument être terminée avant la fin de la décennie, et le respect des engagements financiers actés dans le contrat particulier.

Cela dit, les actuels gels de crédits augurent un avenir sombre et, en tout cas, obscurcissent quelque peu vos intentions.

M. Jean-Louis Carrère. Très bien !

M. Yves Krattinger. L'aménagement du territoire suppose aussi des décisions urgentes pour assurer la continuité de cet axe à partir de Vesoul en direction de Langres. Les milieux économiques et les élus unanimes réclament avec force un engagement précis sur le tronçon d'itinéraire, selon le scénario d'aménagement qui permettra une réalisation accélérée, sans exclure une solution de financement mixte privé-public.

Ma seconde préoccupation concerne l'aménagement de la RN 57. De Besançon à la limite des Vosges, elle traverse entièrement notre département. Elle s'inscrit dans un axe qui va de Luxembourg à Lausanne en passant par Metz, Nancy, Vesoul, Besançon. La mise à 2 × 2 voies s'achève dans la partie lorraine ; elle s'arrête aux portes de la Haute-Saône, sur le côté vosgien, cher au président de cette assemblée.

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

M. Yves Krattinger. La Haute-Saône et toute la Franche-Comté attendent aussi des engagements précis de l'Etat pour cet axe essentiel en termes d'aménagement du territoire. Il s'agit de relier deux capitales, celle de la Lorraine et celle de la Franche-Comté, mais aussi de constituer un couloir alternatif aux couloirs situés à l'est et à l'ouest, qui sont en voie de saturation.

Si le rapport de la DATAR est extrêmement encourageant en ce qui concerne la RN 19, il ne mentionne pas du tout la RN 57, qui est pourtant vitale pour nous.

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce dossier ?

Je dois souligner que, sur ces deux axes, le trafic de poids lourds est considérable et qu'y passent de très nombreux convois exceptionnels ; d'où une très forte accidentologie dans notre département : la huitième de France pour les routes nationales.

Je tiens également à attirer votre attention sur l'existence, au centre du département, à Vesoul, à la croisée de ces deux axes, du centre logistique mondial des pièces détachées Peugeot-Citroën, qui emploie 4 000 salariés. Sa survie en ce lieu implique une amélioration des liaisons routières et ferroviaires.

J'évoquerai à présent le domaine ferroviaire.

L'avenir de la ligne n° 4 Paris - Bâle est aujourd'hui menacé.

Nous devons avoir pour objectif essentiel de réduire de façon significative le temps de trajet entre Vesoul et Paris. Cette modernisation suppose, d'une part, un engagement précis pour l'électrification de la ligne et, d'autre part, des travaux importants en vue de la mise au gabarit fret du réseau.

La portion haut-saônoise de cette ligne s'inscrit dans la plupart des scénarios de développement du fret ferroviaire. Il s'agit, en effet, d'un axe aternatif qui permettrait de délester des axes ferroviaires très saturés.

Quel avenir, monsieur le ministre, réservez-vous à la ligne n° 4 ?

Enfin, s'agissant du TGV Rhin-Rhône, la Haute-Saône affiche sa solidarité avec les autres départements de Franche-Comté et les régions voisines, tout particulièrement avec les élus belfortains préocuppés, par les déstructurations d'Alsthom.

Le TGV Rhin-Rhône est le projet de liaison à grande vitesse le plus avancé et certainement le plus rentable. Sans vouloir l'opposer à d'autres projets, j'affirme que le programme, prêt sur le plan technique, peut être engagé dès à présent pour la branche est, de Mulhouse à Dijon Genlis, et se poursuivre par la branche sud et la branche ouest. Il s'inscrit dans les grands corridors de déplacement européens évoqués par d'autres orateurs.

Quelle sera, monsieur le ministre, votre décision pour le TGV Rhin-Rhône ?

Je conclurai mon propos en insistant encore une fois sur l'urgence du désenclavement des territoires comme le nôtre, tenu à l'écart des aménagements depuis des décennies. Il vous appartient, monsieur le ministre, de répondre à une question lancinante pour nous : quelle place nous réservez-vous dans l'Europe qui se construit ?

Nous aspirons à être reliés à l'espace européen, nous aspirons à l'ouverture, au développement. Nous y accéderons dans le cadre d'une république solidaire, qui cessera de nous oublier.

Vous devez, monsieur le ministre, comme vous l'a suggéré tout à l'heure le président François-Poncet, redoubler d'attention pour les territoires oubliés.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Krattinger.

M. Yves Krattinger. Tout à l'heure a été évoqué le canal Rhin-Rhône, cher au président Gruillot. Je sais que, en Franche-Comté, la voie est difficile. Si vous ne trouvez pas la route par le Doubs, vous pouvez peut-être la trouver vers la Moselle, en passant par la Haute-Saône.

M. Gérard Longuet. Exact ! Très bien !

M. Yves Krattinger. Vous contribuerez ainsi à combler notre rêve multimodal d'un territoire tourné vers ceux qui l'entourent. C'est cette Haute-Saône multimodale que nous affichons dans notre propre schéma de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La paroles est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais d'abord remercier mes collègues qui sont intervenus précédemment. Ils me permettront d'être extrêmement bref dans la mesure où je fais miennes la plupart de leurs observations.

Je veux, bien entendu, également remercier le Gouvernement d'avoir organisé ce débat, mais surtout d'avoir marqué une rupture avec la politique précédente, en particulier sur deux points.

En premier lieu, monsieur le ministre, vous considérez les investissements d'infrastructures non pas comme un mal nécessaire mais bien comme une opportunité de développement économique, tant il est vrai que le développement, c'est l'échange et que l'échange dépend des infrastructures et des services.

En second lieu, vous introduisez une notion de calendrier et vous ouvrez des pistes de financement.

Mon intervention se bornera à un point, essentiel à mes yeux. Elle est nourrie de l'expérience de la négociation de deux contrats de plan Etat-région. Il s'agit du problème de la cohérence territoriale des actions d'infrastructures dès lors qu'elles sont conduites par des maîtres d'ouvrage de nature différentes - l'Etat, les collectivités locales, les partenaires privés - , qu'il s'agisse du routier ou du ferroviaire.

D'expérience, nous savons que les contrats de plan Etat-région ont un mérite, celui d'avoir permis des financements mixtes, sans lesquels les réalisations n'auraient pas été possibles. Ils n'en ont pas moins deux inconvénients.

D'une part, l'Etat, en général, ne respecte pas sa parole.

M. Jacques Blanc. Hélas !

M. Gérard Longuet. D'autre part, du fait que les négociations se sont déroulées entre l'Etat et chacune des régions, certains projets interrégionaux n'ont pas été pris en considération par l'Etat, ce qui a pu entraîner des contradictions.

Demain, monsieur le ministre, la négociation des contrats de plan Etat-région ne permettra plus, j'en suis profondément convaincu, de parvenir à la cohérence territoriale des actions d'infrastructures. Or tel est bien l'objectif.

En effet, le rapport de force entre les différents propriétaires d'infrastructures va d'abord considérablement changer, parce l'Etat - et cela se comprend - a la volonté de transmettre, dans le cadre de la décentralisation, des milliers de kilomètres - sans doute 20 000 - aux départements, qui deviendront les grands propriétaires.

Ensuite, ce rapport de force sera modifié avec l'émergence de propriétaires privés : nous avons déjà évoqué la privatisation d'autoroutes. Pour le ferroviaire, le comportement de RFF sera marqué par ses préoccupations d'entreprise cherchant à équilibrer son endettement et ses péages.

S'agissant des modes de financement, vous avez ouvert des pistes qui sont passionnantes, mais qui peuvent aboutir à un très grand désordre si le souci de cohérence territoriale n'est pas reconstruit, en tout cas pris en compte dans un partenariat loyal entre l'Etat et les territoires.

Ainsi, le partenariat public-privé peut être un facteur de dispersion des initiatives et d'incohérence. Prenons l'exemple des péages, offerts aux collectivités locales maîtres d'ouvrage de travaux qui pourront aussi concerner des itinéraires. Il y a, là encore, un facteur d'éclatement de la décision.

S'agissant de l'abandon de l'adossement, qui était sans doute une erreur dans la conception qui a été retenue par le gouvernement précédent, il est clair que les règles européennes nous y contraignent, mais nous devons réfléchir à ce que doit être un appel d'offres pour, là encore, donner de la cohérence au financement d'un équipement ponctuel, qui suppose le plus souvent, pour être opérationnel, les financements adossés d'autres collectivités. Je citerai l'exemple de l'échangeur autoroutier et de l'accès à cet échangeur autoroutier, qui ne relève pas du financement privé.

Nous sommes donc confrontés à une logique de dispersion d'acteurs qui sont toujours plus nombreux ; d'où un besoin de cohérence territoriale.

Monsieur le ministre, je vous invite à réfléchir à la piste ouverte par l'application de la loi. La LOTI avait en effet prévu la mise en place de schémas régionaux des services de transport collectifs. Je souhaite que ces schémas puissent, au-delà de la simple organisation des services, traiter des infrastructures routières et ferroviaires qui relèvent des collectivités depuis le vote de la loi portant décentralisation des transports express régionaux.

Dans ces conditions, nous pouvons organiser un partenariat loyal entre l'Etat et la région, qui a une vocation de fédération, d'harmonisation et parfois d'arbitrage entre les territoires des départements et les groupements de collectivités locales, les grandes agglomérations en particulier. C'est la première étape : une négociation loyale avec l'Etat, au nom des territoires portés par la région, dont la vocation fédératrice serait ainsi consolidée en élargissant le rôle des schémas régionaux des services de transport collectifs.

Voilà une proposition extrêmement concrète.

En conclusion, j'évoquerai deux projets qui concernent la région Lorraine : l'un est achevé, le financement du TGV Est ; l'autre est la future réalisation d'un doublement de l'axe européen Nord-Sud qui relie le Luxembourg à la Bourgogne.

Nous avons là l'exemple même du partenariat. Vous aurez, monsieur le ministre, à prendre la décision d'un appel d'offres en concession. Vous la prendrez sur la base d'un tracé, et je n'imagine pas qu'il ne puisse pas d'abord faire l'objet d'un arbitrage par l'instance compétente, à savoir le conseil régional, à charge pour lui de susciter l'adhésion des collectivités locales concernées. Pourquoi ? Parce que cet équipement dont vous déciderez, je l'espère, la création et sur lequel nous ferons des propositions n'a de sens que s'il est compatible avec les projets des grandes agglomérations et avec la volonté des départements en matière d'aménagement du territoire.

Ce partenariat volontaire et équilibré, qui a fonctionné dans le cadre des contrats de plan Etat-région par l'obligation d'une participation financière, pourrait être prolongé par la mise en place de schémas régionaux qui, sans être prescriptifs, seraient au moins normatifs.

Tel est, à cet instant, monsieur le ministre, le voeu d'un président de région. Je crois exprimer là le point de vue d'autres élus régionaux de ce pays, qui souhaitent associer les territoires à la réalisation de votre grande volonté de réussite d'infrastructures pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral.

M. Jean-François Picheral. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est dans le cadre de notre débat sur les infrastructures, en tant qu'élu de Provence, et comme l'un des représentants de ce nouvel « arc méditerranéen », que je tenais à prendre la parole, en vue de lancer ce soir avec vous à Paris une réflexion qui, depuis longtemps, occupe les esprits des habitants, des acteurs économiques et de l'ensemble de la classe politique de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

A ce titre, je tiens à souligner l'unanimité qui se dessine tant sur le projet de percement du tunnel ferroviaire du Montgenèvre que sur celui de l'implantation d'une ligne à grande vitesse sur la façade méditerranéenne.

A l'heure du bilan partiel de l'exécution du contrat de plan Etat-région pour 2000-2006, je souhaiterais donc, monsieur le ministre, appeler une nouvelle fois votre attention sur l'importance du percement du tunnel ferroviaire sous le Montgenèvre.

Je ne reprendrai certes pas les nombreux arguments que je vous avais soumis lors de la dernière séance de questions orales, je me contenterai de dire qu'il ne s'agit pas ici d'opposer ce projet à celui de la traversée alpine Lyon-Turin, mais au contraire d'en conforter la cohérence, en permettant non seulement le désenclavement du Briançonnais par le nord, mais aussi d'alléger le noeud ferroviaire lyonnais d'une partie des flux de simple transit.

Votre ministère avait, à plusieurs reprises, confirmé l'importance d'une telle entreprise : importance technique, tout d'abord, en vue de résorber les goulets d'étranglement, notamment à la frontière franco-italienne de Vintimille ou dans le couloir rhodanien déjà fortement saturé ; importance économique, également, en vue d'améliorer la desserte ferroviaire des ports du littoral provençal et de l'Italie du Nord ; importance environnementale, enfin, en présentant une alternative par le ferroutage du trafic poids lourds.

Voilà donc trois éléments essentiels des orientations prioritaires de la politique européenne des transports. Il semble, comme vous me l'avez dit mardi dernier, que ce dossier ait avancé. Je ne peux que m'en réjouir, et je vous en félicite.

En revanche, je n'ai pu que m'étonner, pour la déplorer, de l'absence dans le rapport d'audit que vous aviez commandé au conseil général des ponts et chaussées et à l'inspection générale des finances de ce qui constitue l'autre grand défi de notre région : l'implantation d'une ligne à grande vitesse, ou LGV, sur la façade méditerranéenne.

M. Jacques Peyrat. C'est vrai !

M. Jean-François Picheral. Cet oubli est d'autant plus étonnant que les futures sections de prolongement de la LGV vers Toulon et la Côte d'Azur s'inscrivent elles aussi fort pertinemment dans les orientations prioritaires tant nationales qu'européennes de l'aménagement du territoire.

M. Jacques Peyrat. Absolument !

M. Jean-François Picheral. L'implantation d'une ligne à grande vitesse Var-Côte d'Azur structurera en effet utilement l'arc latin, dont l'aboutissement ultime sera la liaison à grande vitesse de Gênes à Barcelone, sachant que les travaux du côté génois sont largement avancés. Certes, il s'agit d'un objectif à long terme, mais il rejoint la stratégie européenne de la France, qui vise à favoriser le développement de « petites Europes ». La chambre de commerce et d'industrie, de nombreux élus marseillais et moi-même - et des Niçois en parleront tout à l'heure (M. Jacques Peyrat sourit.) - sommes extrêmement favorables à ce projet de LGV Côte d'Azur, et la DATAR précise d'ailleurs qu'un tel projet « ne sera réellement structurant que dans une logique méditerranéenne ».

Je tiens aussi à rappeler, monsieur le ministre, certaines de vos déclarations qui marquent votre attachement à ce projet, que vous avez qualifié de « très séduisant », « des plus intéressants », et « plus facile à financer que d'autres ».

De nombreuses études de faisabilité pour la desserte du Var et de la Côte d'Azur, en continuité avec les TGV Méditerranée, ont été effectuées et soulignent la rentabilité importante de cette ligne dès son installation.

De même, le rapport que le comité stratégique de la DATAR a remis le 29 janvier dernier souligne qu'il s'agit, pour la SNCF, de l'un des plus intéressants projets de TGV compte tenu de la clientèle attendue, qui sera touristique, retraitée ou une clientèle d'hommes d'affaires.

Partant de la gare existante de l'Arbois, qui recevait à ses débuts dix-sept TGV par jour et qui en reçoit aujourd'hui quarante-trois - quel succès ! - ce train, qui relie Aubagne à Toulon via Cuers en empruntant le tracé « Ferrier » bien connu depuis dix ans, présente à ce titre de nombreux atouts : économiques, tout d'abord puisque, long de quarante kilomètres - le train les parcourt en huit minutes à 300 kilomètres heure - ce tronçon fera ainsi gagner à lui seul une heure à la desserte de la Côte d'Azur, pour un coût d'environ 1,5 milliard d'euros... seulement, aurais-je envie de dire, si on le compare aux coûts envisagés pour les autres tracés ; atouts pratiques, ensuite, avec les interconnexions ; atout environnementaux, enfin, puisqu'il permettra assurément d'éviter des nuisances pour la population du nord du pays d'Aix et des environs de la montagne Sainte-Victoire, qui va probablement être classée.

Ces arguments sont autant d'éléments essentiels sur des points auxquels les autres scénarios envisagés ne peuvent pour l'heure pleinement répondre.

En tout état de cause, tous les éléments que je viens de rappeler brièvement plaideront utilement pour la mise en oeuvre rapide et efficace de ces deux projets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.

M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on a pu, au cours des années 2000-2001, penser qu'avec les contrats de plan et les grands projets d'infrastructures par lesquels on nous a tant alléchés enfin la France et ses territoires allaient connaître une sorte de « printemps des infrastructures ».

Une fois passés les premiers réflexes pavloviens qui nous ont fait tant saliver, il nous a fallu déchanter. Et c'est tout naturellement que nous vivons, dans le plus pur style de la comédie balzacienne, un chapitre des Illusions perdues.

Avec l'audit du conseil général des ponts et chaussées et l'étude de la DATAR, vous nous ramenez les pieds sur terre, monsieur le ministre. En cela, je veux vous féliciter de votre courage, car il est plus méritant de revenir au principe de réalité, comme vous le faites, que d'agiter, comme on l'a trop vu faire jusqu'en juin 2002, le miroir aux alouettes.

M. Jean-Louis Carrère. Oh ! la chasse aux alouettes n'était pas souvent ouverte !

M. Jean-Claude Etienne. Mais, il ne faudrait pas non plus, sous couvert de réalisme, tomber dans une politique trop restrictive. Heureusement, les légitimes ambitions qui vous animent sont à la hauteur de l'enjeu du transport intermodal dans nos sociétés modernes.

Vous savez mieux que quiconque combien on a besoin dans ce domaine d'une politique offensive, réaliste et innovante, et qu'il n'est pas possible de se dérober, surtout dans le contexte économique que nous vivons face aux besoins de plus en plus importants du transport, notamment à l'occasion de l'ouverture européenne sur l'est de notre continent.

Après le patchwork un peu facile - mais qui ne résout rien - de vos prédécesseurs, il nous faut assurer la cohérence non seulement à l'échelon départemental et régional mais plus volontiers encore à l'échelon interrégional et européen de projets qui soient tous nourris d'intermodalité.

Aujourd'hui, on sait grâce à vous que nous avons besoin de rigueur dans la démarche : d'abord, pour arrêter la programmation et le choix des projets, ensuite parce que la compilation n'est pas synonyme de réalisation des projets. Nous avons besoin d'innover en matière d'ingénierie financière !

Une nouvelle méthode est nécessaire pour choisir les projets. Le rapport de la DATAR, explicite sur les méthodes d'évaluation et situant bien les taux d'actualisation, recoupe certains éléments techniques de l'audit du conseil général des ponts et chaussées et invite à phaser dans le temps le lancement des projets en commençant par les plus rentables. A priori, cela relève du bon sens.

En accordant une valeur élevée au coefficient temps, les projets lourds qui, par nature, s'amortissent sur le long terme, tels les TGV ou les grandes infrastructures fluviales, sont pénalisés. Leur programmation ne peut s'entendre qu'en synergie avec celle d'autres, forcément intermodales, de rentabilité plus rapide et d'implication budgétaire moins importante.

Trois exemples - vous ne serez pas étonné que je les prenne en Champagne-Ardenne - sont de nature à illustrer ce propos. Même s'ils sont pris dans ma région, vous pourrez mesurer qu'ils ne sont pas pour autant l'expression de l'habituel égotisme régional et qu'ils sont transposables dans bon nombre de territoires de notre Hexagone.

Le premier exemple concerne l'achèvement de l'axe A 34, c'est-à-dire Rotterdam-Marseille ou Rotterdam-Barcelone. Je rappellerai simplement que, sur ce point, les deux rapports sont convergents. Tous deux concluent, en effet, à la nécessité de construire rapidement les quelque trente-cinq kilomètres qui séparent Charleville-Mézières de la frontière belge. Il y en a pour moins de 200 millions d'euros ; la belle affaire !

Les raisons de l'inscription au schéma des services collectifs avaient été définies à l'été 2001. Parfaitement recevables, elles avaient été perçues comme un projet économique permettant à court terme, dans la mesure où il serait réalisé assez vite, de désengorger, à l'ouest et à l'est, l'A 31 et l'A 1, notamment, et ainsi de permettre certaines économies rapides laissant envisager des déviations nouvelles au niveau de Metz et de Nancy, par exemple.

Le deuxième exemple porte sur le domaine ferroviaire, notamment sur le fret. Les noeuds ferrés de Lille ou Metz commencent à saturer, alimentés qu'ils sont par de puissants axes européens : Dunkerque-Allemagne et Luxembourg-Dijon. Vous connaissez bien, monsieur le ministre, l'axe Amiens-Tergnier-Reims-Chaumont, soit vers Dijon, soit vers la Suisse par le Paris-Bâle, qui est en déshérence.

Après la route et le rail, mon troisième exemple concerne le transport aérien.

On a entretenu une curieuse et inutile agitation autour du thème du troisième aéroport, qui est un peu comme le furet du bois joli. Et, après expertise, il n'est point besoin, me semble-t-il, d'être grand clerc pour imaginer qu'à défaut d'avions c'est le troisième aéroport qui se sera envolé. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

D'ailleurs, c'est bien normal ! Pourquoi faire un troisième aéroport dans le bassin parisien quand il y en a déjà un qui existe mais qui sert si peu : je veux parler de Vatry ?

Là, nul besoin d'investissements pharaoniques puisque l'opération a été entièrement financée, monsieur le ministre, sur la base de coûts parfaitement raisonnés et maîtrisés par les collectivités locales.

A ne pas s'en servir, cela serait un véritable gâchis - ce qui n'est pas votre genre (Sourires sur les travées de l'UMP) - quand on sait qu'on pourrait y amener le trafic de fret qui soulagerait d'autant Roissy, et notamment cette part de trafic qui ne peut atterrir aujourd'hui à Roissy que de nuit, compte tenu de la surcharge des vols.

Voilà trois exemples qui nourrissent un véritable projet intermodal pour une région, la Champagne-Ardenne, si longtemps coincée aux confins du Bassin parisien et de l'Hexagone et qui, brutalement, parce que se lève le souffle européen, se retrouve avec la Wallonie sur un nouvel axe stratégique d'échanges entre l'Europe du nord et la Méditerranée, derrière les arrières-ports parmi les plus grands au monde de Rotterdam et d'Anvers.

C'est l'axe des fameuses foires de Champagne, qui avaient nourri la prospérité en son temps de toute l'Europe occidentale.

Si l'observation se veut un peu plus large encore, je n'aurai garde d'oublier qu'il me faut moi aussi dire qu'il est impensable d'arrêter la ligne à grande vitesse 100 kilomètres avant Strasbourg, mais l'heure s'avance. Je ne chercherai pas à vous convaincre, car vous êtes déjà convaincu.

Quant au TGV Rhin-Rhône, il faut quand même que j'en parle, car Jean-Pierre Soisson et Adrien Zeller y tiennent beaucoup.

Pour toutes ces réalisations, il faut de l'argent, bien évidemment, il faut innover, inventer. Les pistes ne manquent pas et je sais combien, de ce point de vue, vous avez le souci de détecter les formules sans péages, mais où l'on peut quand même trouver quelques subsides.

Les idées qu'Adrien Zeller a évoquées ne sont pas non plus à mettre de côté. Mais je sais que vous avez déjà porté à ce sujet des appréciations - toujours flatteuses, d'ailleurs -, lors d'un récent débat à l'Assemblée nationale. Je me permets donc de ne pas y revenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de façon générale, la Basse-Normandie est tournée vers la région parisienne, qui est pour elle le principal pôle extérieur hexagonal d'attraction économique et administratif ; les relations entre Paris et la Normandie sont très fortes, notamment les flux touristiques qui font de la Normandie l'une des destinations privilégiées des habitants de la région capitale. De même, l'Ile-de-France est le point de passage quasi obligé, à l'heure actuelle, pour la plupart des liaisons longues par fer, route et avion pour les Normands.

Le centralisme passé a induit une organisation des modes de transports en étoile autour de Paris. Aujourd'hui, les liaisons transversales sont favorisées pour opérer un rééquilibrage de l'aménagement du territoire. En Basse-Normandie, ce rééquilibrage tend à s'opérer avec l'autoroute des estuaires ou la ligne ferroviaire Caen-Rennes, qu'il faut rénover.

S'il faut continuer à développer les liaisons directes entre la Normandie et le reste de la France, il me semble finalement que l'avenir de la Basse-Normandie passe par un lien étroit et facilité avec Paris, qui est pour nous la porte vers l'Europe élargie.

Aujourd'hui, deux nécessités se font jour : ouvrir la Basse-Normandie vers l'Europe et développer des modes de transports alternatifs. J'éviterai, faute de temps, de parler des routes, bien que le réseau routier reste à conforter.

De manière générale, et en Basse-Normandie en particulier, c'est le ferroviaire qui présente le potentiel le plus intéressant tant du point de vue du transport de voyageurs que du point de vue du fret.

Aussi, la liaison ferroviaire rapide Normandie-vallée de Seine-Roissy TGV constitue aujourd'hui pour notre région, après une expérimentation malheureuse et l'abandon en 1995 d'un TGV Normandie, le projet prioritaire en matière de développement ferroviaire.

Ce projet vise à réaliser une liaison directe avec le réseau TGV Europe via la gare Eole Magenta - et, à terme, nous l'espérons, la gare Roissy TGV -, à réduire les temps de parcours avec la possibilité de relier Caen à Paris en une heure trente et Cherbourg à Paris en deux heures trente - à cet égard, malgré l'électrification, la modernisation de la ligne, la modification de la vitesse sur les rails et la suppression des passages à niveau, il faut toujours trois heures pour aller de Cherbourg à Paris, comme au bon vieux temps des diesels en 1960, du fait de l'entrée difficile en Ile-de-France -, mais aussi à améliorer la qualité du service offert entre la Basse-Normandie et Paris et à offrir une réalisation phasable sur les douzième et treizième plans nationaux.

Ce projet se décline en trois volets très simples : l'amélioration de la ligne Paris-Mantes, qui devrait être achevée, nous l'espérons, en 2006 ; la connexion des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre au réseau TGV par un tunnel empruntant le système RER Eole, dit projet « ELEONOR » - Est Liaison Express Ouest Normandie Roissy - dont le coût est estimé à 350 millions d'euros ; enfin, des aménagements de capacité entre Mantes-la-Jolie et Paris, notamment sur le tronçon Achères-Epone-Mantes.

Le caractère interrégional de ce projet est déterminant. Dans le dernier contrat de plan, l'Etat et les trois régions ont retenu le principe de réaliser, dans le cadre d'une convention interrégionale, pendant la période 2000-2006, les études de faisabilité de cette liaison ainsi qu'une première phase de travaux sur l'axe Paris-Mantes.

Comme le reconnaît le rapport d'audit des ponts et chaussées, ce projet « présente un potentiel important » et « bénéficie d'un fort soutien des deux régions normandes et de la région d'Ile-de-France, qui se sont engagées sur une partie du financement par un protocole du 18 janvier 2001 », mais il ne « prend tout son intérêt pour la collectivité nationale qu'avec la réalisation du projet CDG express » que ni l'audit des ponts et chaussées ni l'étude de la DATAR n'ont examiné.

La liaison Normandie - vallée de Seine - Roissy TGV est indispensable au développement de la Basse-Normandie.

J'ai parlé de l'effort de notre région pour l'électrification de la ligne Paris-Cherbourg, mais ce projet mérite véritablement aussi tout le soutien de l'Etat, parce qu'il est efficace et peu coûteux, puisque nous ne revendiquons aucun TGV. Il est également écologiquement très acceptable et économiquement performant, parce qu'il assure la connexion des villes et ports du Havre, de Rouen, de Caen, de Cherbourg au réseau TGV européen. Dans le cadre du cabotage maritime, qu'il faut développer, ce n'est pas négligeable.

Il est aussi multistructurant pour trois régions : la Basse-Normandie, la Haute-Normandie - en attendant leur réunification - et l'Ile-de-France. Aussi, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, si ce projet Normandie - vallée de Seine - Roissy TGV retient votre attention et si le CDG express est une priorité pour vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, il est trois heures du matin et nous devons encore écouter vingt orateurs.

Le groupe socialiste dispose de quatorze minutes pour cinq orateurs, soit trois minutes par orateur.

M. Jean-Louis Carrère. Nous allons nous expliquer sur ce point !

M. le président. Le groupe UMP dispose de quatre-vingt-deux minutes pour quinze orateur, soit cinq minutes trente par orateur.

M. Jean-Louis Carrère. Avec dix intervention au début pour la seule UMP, nous n'allons pas nous laisser faire ! Il va falloir physiquement nous enlever le micro !

M. Eric Doligé. On va le faire ! On ne va pas se gêner !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.

M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne ferai pas preuve d'une grande originalité en disant que, fidèle à son attitude réaliste et lucide, le Gouvernement a souhaité engager devant le Parlement un débat, un vrai débat sur les infrastructures.

Il faut s'en féliciter, car c'était indispensable, tant il apparaît aujourd'hui évident que les projets sont nombreux et pour la quasi-totalité nécessaires, qu'il s'agisse des lignes à grande vitesse ou des infrastructures routières ou fluviales.

Mais cette « opération vérité » fait surtout apparaître une situation qu'il faut regarder en face : les très nombreux projets annoncés par le Gouvernement précédent souffrent de financements incertains - c'est une litote - et leurs calendriers de mise en oeuvre sont généralement peu réalistes. Permettez au président du conseil régional de Franche-Comté, qui est fortement engagé avec ses collègues d'Alsace et de Bourgogne dans le projet de ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, d'en faire l'amer constat.

Cette situation, nous refusons, avec le Gouvernement, d'en prendre simplement acte. Elle doit, au contraire, nous inviter à une indispensable réflexion sur de nouvelles modalités de financement de nos grandes infrastructures.

Par quelle fatalité, en effet, la France serait-elle incapable, à la différence de ses voisins européens, notamment du Sud, de financer plus d'un TGV et de mettre en chantier plus d'une ou deux autoroutes ?

La sécurité routière, le développement économique, bien sûr, l'environnement, tout milite pour que l'effort national en matière d'infrastructures soit non seulement poursuivi, mais amplifié. C'est bien l'intention du Gouvernement, il faut le souligner et s'en réjouir.

Cela dit, je souhaite revenir sur deux enjeux - parmi d'autres - de ce débat : l'aménagement du territoire et les modalités de financement de ces infrastructures.

Sur le premier point, regardons simplement la carte de France des grandes infrastructures routières, ferroviaires, voire fluviales : les blancs succèdent aux pointillés, les projets non financés à l'absence de projets.

Paris demeure le centre de la toile et on mesure le chemin qui reste à parcourir pour désenclaver la plupart de nos régions et assurer leurs relations avec les grandes métropoles européennes.

L'Europe, justement, s'ouvre à l'Est : le récent rapport de la DATAR soulignait à cet égard que la réalisation d'infrastructures de transport doit désormais s'inscrire dans une perspective européenne dont le centre de gravité se déplace précisément vers l'Est.

Il est donc indispensable de redessiner le réseau des infrastructures majeures de l'espace européen. Pour autant, il ne s'agit évidemment pas de sacrifier l'aménagement de l'axe Nord-Sud européen. C'est même un enjeu essentiel pour une région comme la Franche-Comté qui se trouve située sur un couloir Nord-Sud unissant l'espace rhénan et le nord des Alpes à l'Europe du sud.

Et c'est à la réunion de ces grands espaces européens que contribuera demain le TGV Rhin-Rhône, qui est, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, monsieur le secrétaire d'Etat, peu coûteux - 490 millions d'euros pour la première phase de la branche est rentable - le taux de rentabilité économique de l'ordre de 11,3 % est exceptionnel -, girondin - il ne vise pas, lui, uniquement Paris - et éminemment européen - on pourra, lorsqu'il sera réalisé, aller du nord de l'Allemagne au sud de l'Espagne.

Tant du point de vue de ces procédures - phase APD - que des financements attendus des collectivités territoriales, et mon collègue Souvet s'il était encore parmi nous ce soir pourrait le confirmer, ce projet est largement engagé et mobilise, de surcroît, la confédération helvétique.

Mais si l'axe Nord-Sud reste un facteur de cohésion européenne, notre pays doit désormais réorienter ses liaisons vers l'Est.

Et permettez, là encore, à la Franche-Comté, d'apporter à ce débat, sa contribution. Elle dispose en effet d'un axe potentiel non exploité reliant le Bassin parisien au nord de l'arc alpin. Il est matérialisé par la voie ferrée Paris-Bâle, la fameuse ligne 4, et la RN 19 reliant Langres à la Suisse et, ce faisant, à l'Allemagne du Sud.

Le constat est donc posé, mes chers collègues. Une nouvelle approche géostratégique, appuyée par des projets, tout aussi légitimes que nombreux, est nécessaire.

De quels financements disposons-nous et quels seront nos partenaires ?

Il faut l'admettre, nous sommes arrivés au bout d'une certaine logique, celle qui consiste, notamment au travers des contrats de plan Etat-région, à taxer rituellement les collectivités territoriales.

Dans un rapport remarqué, notre excellent collègue M. Pierre André dénonçait, voila deux ans, les limites de nos contrats de plan Etat-région. Autant la démarche contractuelle est saine dans son principe, autant l'exercice artificiel a vécu puisqu'il consiste, tous les cinq, six ou sept ans, à amasser une multitude de projets disparates dont les financements, alors même qu'ils figurent dans le contrat en question, ne sont pas garantis.

C'est précisément sur les infrastructures routières que la démarche démontre le mieux ses limites : pas une région où la plupart des grandes infrastructures, de dérapages physiques en nouvelles estimations financières, ne soient revues à la hausse, reportées, voire oubliées, suscitant ainsi l'incompréhension légitime de nos concitoyens.

Et même lorsque l'Etat, ce qui est exceptionnel, accepte une clé de répartition financière qui en fait, et de loin, le premier financeur, les délais ne sont pas raisonnables. Pour la RN 19, au rythme de la mise en place des financements et des procédures, il faudra entre vingt-cinq et trente ans, soit entre quatre et six contrats de plan, pour assurer une mise à 2 × 2 voies de cet axe qui relie Langres à la Suisse.

Le constat est donc clair : il faut une autre approche du financement de nos grandes infrastructures de transport, et je sais, s'agissant de la RN 19, que vous réfléchissez avec intérêt, monsieur le secrétaire d'état, à une formule de concession qui permette, sans remettre en cause la fin de l'adossement, une mise à 2 × 2 voies entre Langres et Vesoul.

La Franche-Comté attend avec intérêt votre décision, qui peut apporter des éléments de réponse certes perfectibles, mais réels, à la question du financement qui nous préoccupe.

Les grands équipements de transport se caractérisent sur le plan financier par de faibles flux financiers directs en retour, par des coûts de réalisations élevés et par une durée de vie importante.

Dans ces conditions, nul ne s'étonnera que le financement des investissements ne puisse être qu'aléatoire s'il est organisé en regard de la règle de l'annualité budgétaire qui s'impose dans les dépenses courantes de fonctionnement.

C'est pourquoi il faudrait, pour le financement de l'investissement, sortir de cette règle en imposant la contrainte d'un financement sur longue période, engageant les ressources publiques à long terme.

C'est à ce prix que l'engagement de l'épargne disponible, en particulier, pourraît être réalisé, comme le suggère mon collègue le président du conseil régional d'Alsace, Adrien Zeller.

Les nouveaux modes de financement des infrastructures devraient pouvoir s'appuyer sur un dispositif garantissant à long terme l'effort d'investissement public, exprimé par exemple en pourcentage du PIB.

Dans ces conditions, la garantie apportée par les pouvoirs publics permettrait de mobiliser à long terme les formes d'épargne disponibles issues de l'épargne de précaution, qui est très importante dans notre pays.

Si ce dispositif semble complexe à mettre en oeuvre au niveau de l'Etat, il pourrait l'être beaucoup plus facilement au niveau des collectivités territoriales à l'occasion d'une étape nouvelle de la décentralisation.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous pouvez faire confiance aux collectivités territoriales pour faire preuve d'une réelle inventivité en matière d'ingénierie financière. Les exemples sont fréquents de montages où l'emprunt émis au bénéfice du financement d'infrastructures a été largement sur-souscrit en une matinée. C'est peut-être la meilleure façon de concilier, pour nos concitoyens, la certitude d'une épargne utilement mobilisée et correctement rémunérée.

Telle était la modeste contribution que je souhaitais apporter à ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Blanc. Quelle intervention de qualité !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.

M. Jean-Pierre Demerliat. Comme mon excellent collègue Michel Moreigne, je souhaite vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la réhabilitation de la liaison ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse.

Cette liaison, depuis le temps du Capitole, qui fut, à son époque, le train le plus moderne et le plus rapide de France, s'est considérablement dégradée dans tous les domaines : la durée du trajet a augmenté d'un bon quart d'heure ; le confort s'est détérioré ; quant à la qualité des services aux passagers, il vaut mieux ne pas en parler et la sécurité n'a pas progressé !

Il était donc indispensable et urgent de prévoir une amélioration de cette liaison, ce qui fut fait, dès 1991, avec son inscription au schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse.

Des études furent entreprises et menées à leur terme.

La décision de réaliser les travaux fut confirmée lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9 juillet 2001, à Limoges.

Le 13 novembre 2001 fut signée une convention-cadre financière entre les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, l'Etat, Réseau ferré de France et la SNCF.

Le 14 mai 2003, les présidents de ces trois régions indiquent qu'ils sont prêts à prendre en charge le surcoût financier lié à la pendularisation des rames. La SNCF et Réseau ferré de France annoncent la possibilité de commander le matériel et de commencer les travaux si l'Etat ne s'y oppose pas.

Or, en août 2002, le nouveau gouvernement issu de la nouvelle majorité a demandé un audit sur les grands projets d'infrastrutures au Conseil général des ponts et chaussées et à l'inspection générale des finances.

L'audit est remis le 4 mars 2003. Il préconise de repousser à échéance de vingt ans, c'est-à-dire aux calendes grecques, la réalisation de la pendularisation de la liaison POLT.

Le 24 avril 2003, la DATAR, dans un rapport d'étude prospective, met en doute la nécessité d'utiliser la technique pendulaire.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les faits que je viens d'énoncer appellent plusieurs interrogations.

Tout d'abord, qu'en est-il de la continuité de l'Etat, des engagements de l'Etat, de la parole de l'Etat ?

Le gouvernement Jospin avait formellement décidé la construction du TGV pendulaire POLT. (M. Eric Doligé s'exclame.)

La SNCF et Réseau ferré de France étaient prêts à en effectuer la mise en oeuvre. (M. Eric Doligé s'exclame de nouveau.)

Mon cher collègue, si vous m'interrompez, vous allez encore réduire le temps de parole du groupe socialiste !

M. Eric Doligé. M. Jospin n'a pas respecté sa parole !

M. Jean-Pierre Demerliat. Il a respecté sa parole plus que d'autres, et je vous souhaite de pouvoir présenter, dans quelque temps, un bilan aussi bon que le sien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Le financement de ce projet était trouvé, en particulier grâce aux efforts des régions concernées.

Aujourd'hui, le gouvernement auquel vous appartenez remet en cause cette réalisation, au prétexte, d'une part, que la DATAR aurait émis des doutes sur la pertinence technique du projet. Depuis quand la DATAR est-elle plus compétente en la matière que la SNCF elle-même et que Réseau ferré de France ?

D'autre part, le projet serait trop onéreux. Or il était ficelé financièrement !

A ce stade, on doit se poser des questions.

Premièrement, qui prend les décisions dans ce pays ? Sont-ce les technocrates, fussent-ils aussi compétents que les responsables de la DATAR, ou bien est-ce le pouvoir politique, dont c'est la mission ?

Deuxièmement, comment se fait-il qu'un projet, bouclé financièrement il y a un an, ne le soit plus aujourd'hui ?

La ligne POLT paie-t-elle les baisses d'impôts consenties aux plus riches de vos électeurs, monsieur le secrétaire d'Etat ?

M. Eric Doligé. C'est ridicule !

M. Jean-Pierre Demerliat. Je ne suis pas un grand spécialiste des finances publiques...

M. Eric Doligé. Cela se voit !

M. Jean-Pierre Demerliat. ... mais je comprends aussi bien que tout un chacun qu'en se privant des ressources nécessaires on s'interdit les dépenses indispensables.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'aménagement du territoire, cela ne consiste pas à faire beaucoup pour les régions riches et peuplées et pas grand-chose pour les régions pauvres et à la population clairsemée.

Un véritable aménagement du territoire consiste à assurer à chacune et à chacun un traitement égal et juste quel que soit son lieu de résidence. La solidarité nationale doit donc, par le biais d'une juste péréquation, assurer à chacune et à chacun un égal accès aux services publics.

Mais on peut se demander si, aujourd'hui, dans ce pays, l'aménagement du territoire est encore une priorité.

N'oublions pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'une nation qui néglige ses infrastructures avance inexorablement vers son déclin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir procédé à un audit. Il faut en discuter certes. Mais il permet malheureusement de constater que nous avons perdu de nombreuses années, le gouvernement précédent ayant annoncé beaucoup de projets, alors qu'il n'y avait pas d'argent.

Ensuite, dans son rapport la DATAR a rappelé qu'il était nécessaire de penser l'ensemble des infrastructures en positionnant la France au coeur de l'Europe.

Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, et M. le ministre Gilles de Robien l'a rappelé également, qu'il fallait s'interroger sur les moyens de faire face à l'augmentation de la demande sans augmenter les infrastructures. N'y a-t-il pas de rapport entre les infrastructures, le développement économique et l'emploi ?

Enfin, vous nous avez dit très justement qu'il fallait développer les infrastructures, non pas n'importe comment, mais en intégrant les exigences du développement durable.

Je voudrais donc dire, en tant que président de la région Languedoc-Roussillon, que nous pouvons mettre en oeuvre l'ensemble de votre politique. Je tiens d'ailleurs à remercier M. le ministre de nous avoir confirmé tout à l'heure que l'instruction du dossier du contournement ferroviaire par ligne à grande vitesse de Montpellier-Nîmes était terminée.

Je rappelle que ce projet avait été lancé par le gouvernement Balladur. La SNCF avait été autorisée à lancer des emprunts et l'on a perdu cinq ans ! Rien n'a été fait en Languedoc-Roussillon alors que le ministre de l'époque était de la région !

M. Jean-Louis Carrère. C'est la faute de Juppé !

M. Jacques Blanc. Non ! c'est la faute de Jospin et de Gayssot !

Mais peut-être n'avait-on pas beaucoup accéléré la procédure !

M. Jean-Louis Carrère. Ah bon !

M. Jacques Blanc. Merci, monsieur le ministre, pour ce coup de pouce. Mais il faudra aller un peu plus loin, en reprenant immédiatement les études de l'avant-projet sommaire qui avait été adopté lors d'un comité interministériel par le Gouvernement Balladur.

Sur l'ensemble du tracé du TGV allant de Montpellier jusqu'à Perpignan, il y aura très vite un blocage, car il y a déjà une saturation des sillons.

Tout le monde reconnaît qu'il faut réunir l'Europe. La liaison Bordeaux-Toulouse-Narbonne étant au coeur du dispositif européen,...

MM. Jean-Louis Carrère et Jean-Pierre Plancade. Très bien !

M. Jacques Blanc. ... nous souhaitons disposer d'une liaison rapide.

Nous allons vers Marseille et l'Italie. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) Il faut aller à Barcelone. Il faut faire sauter ces bouchons, pour ne pas rester dans une impasse. Monsieur le ministre, je vous demande d'agir vite.

Vous avez été confronté à une situation dont vous n'aviez pas la responsabilité. En effet, un seul groupe avait soumissionné à l'appel d'offres qui avait été lancé pour la liaison Perpignan-Figueras. Et quand on ne discute qu'avec un groupe, à un moment donné, cela explose.

Vous nous avez dit, et j'espérais que vous le confirmeriez, vouloir accélérer ce projet. Mais je puis vous dire que, dès 1987, avec le président Jordi Pujol, avec l'ensemble de nos collègues du Sud, quelle que soit leur couleur politique, nous avons toujours mobilisé nos énergies pour débloquer la situation.

J'ai eu la fierté, lors du sommet européen de Corfou, d'avoir fait inscrire, dans la nuit, le projet Montpellier-Perpignan-Barcelone au titre des grands projets européens.

Je présidais alors le comité des régions d'Europe. Il n'était prévu que d'inscrire Perpignan. J'ai fait ajouter Montpellier-Perpignan.

Cette inscription dans le cadre des grands projets européens a été confirmée lors du Conseil européen d'Essen. Il faut désormais accélérer les processus sous peine d'asphyxie.

A partir de là, monsieur le secrétaire d'Etat, on pourra bien entendu raccorder la ligne Béziers-Neussargues. Le maire de Montpellier dit que c'est le train des arriérés, mais nous estimons que ce train est destiné à compléter les grands axes. Une convention a été signée dans le cadre du contrat de plan Etat-région, nous souhaitons qu'elle soit respectée.

Nous avions également fait inscrire dans le contrat de plan Etat-région, le contournement de Nîmes et de Montpellier, pour dix milliards de francs. Mais, si vous lancez d'emblée le projet Montpellier-Perpignan, le conseil régional notamment apportera sa contribution parce qu'il faut accélérer la réalisation.

J'en viens au réseau routier.

Il y a, bien sûr, le prolongement du projet que le président Giscard d'Estaing et Jacques Chirac, alors Premier ministre, ont lancé, l'autoroute A 75, c'est-à-dire le développement d'un axe autoroutier sur le Massif central. Remercions-les !

On a pris trop de retard ensuite.

M. Jean-Louis Carrère. C'est la faute de Juppé !

M. Jacques Blanc. La RN 88 va permettre de délester la vallée du Rhône.

Qu'on ne nous raconte pas que l'on pourra ajouter une autoroute dans la vallée du Rhône. Sortons de la vallée du Rhône pour passer vers Alès, par exemple. Mais de Lyon à Toulouse, donc de la Suisse à l'Espagne, il y a un axe est-ouest, celui de la RN 88.

Respectons les engagements pris lors du comité interministériel de 1993, à Mende, au cours duquel le gouvernement de M. Balladur avait engagé la RN 88, à caractéristiques autoroutières sur son ensemble.

Il importe effectivement de respecter le développement durable, mais il ne faut pas procéder par petits morceaux.

Enfin, monsieur le ministre, vous défendez le multimodal. Nous pouvons le faire en Languedoc-Roussillon. Nous sommes les seuls à avoir une plate-forme multimodale à Saint-Charles. Nous voulons, avec le port de Sète, Port-la-Nouvelle, avec le rail, avec les canaux notamment le canal du Rhône à Sète - il faut faire sauter la digue à Beaucaire - remonter jusqu'à Lyon avec une liaison aérienne.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre souhait de proposer, dans le projet de loi, de classer Montpellier en catégorie nationale, mais à ambition internationale. J'espère que vous nous permettrez d'établir des liaisons de gestion avec les autres aéroports, pour que l'on puisse conduire une politique globale avec les aéroports, les ports, les canaux, la route et le chemin de fer.

Monsieur le ministre, je vous propose un exemple d'action autour du chemin de fer à grande vitesse, mais avec une vision multimodale, pour promouvoir un vrai développement durable au coeur de l'Europe, pour que le Nord, le Sud et l'arc méditerranéen rééquilibrent l'évolution d'une Europe, qui, sinon, risque d'aller un peu trop vers le Nord et vers l'Est. Il y a donc un enjeu politique majeur pour que vive l'Europe à laquelle nous croyons. Bravo et merci, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, et si l'on parlait un peu de la région Aquitaine ! Il s'agit d'un territoire de transit situé entre la péninsule Ibérique et le nord de l'Europe. Il est doté d'infrastructures de transport intéressantes, mais insuffisantes, et il se trouve à l'écart de ce que tout le monde appelle les grands courants d'échanges, la « banane bleue », si chère aux économistes.

Les responsables de la DATAR, comme en témoigne leur rapport - je le dis avec le sourire - semblent mal connaître les Pyrénées, parce que ce n'est pas là qu'ils vont skier. Les Pyrénées, c'est une chaîne de montagnes qui sépare la France et l'Espagne. Souvenez-vous qu'elle existe et qu'il n'y a pas que les Alpes ! Et pourtant nous sommes d'accord avec les trois priorités qui sont fixées dans le rapport de la DATAR, priorités que celle-ci défend inlassablement depuis cinq ans : il faut améliorer l'accessibilité des territoires, se placer dans une perspective trans-européenne et développer le report modal.

Si l'effort n'est pas poursuivi en Aquitaine, cette région risque de rester un territoire en voie de marginalisation dans une France qui deviendra à l'évidence, vous l'aurez entendu ce soir, à deux vitesses : la France de l'Est, suréquipée et la France de l'Ouest, que vous appelez « zone de déprise économique ». L'une est surdotée en matière d'équipements, l'autre négligée. Certes, il y fait bon vivre, on y a d'extraordinaires traditions, et je n'évoque pas l'ortolan ou autre passe-temps. On vient nous y regarder un peu comme des Indiens.

A Liposthey, avant-hier, on a ramassé, hélas ! des Marocains, qui, après plusieurs tonneaux, ont perdu la vie sur cet axe si dangereux.

Tout à l'heure, j'entendais des orateurs - et je les crois volontiers - parler de l'autoroute « de la mort ». En tant qu'élu d'un département comme les Landes, je peux vous dire que l'on est quasi quotidiennement, en été, confronté à cette dangerosité. Et l'on n'a pas de mots assez durs, alors, pour quereller ceux qui considèrent que l'aménagement de l'A 63 ou de la liaison Bordeaux-Pau peut attendre. Il n'est pas possible de laisser cette situation perdurer !

Néanmoins, je voudrais ici être clair et précis pour qu'il n'y ait pas de problème à l'égard du Gouvernement, qui fait des choses justes - pas toutes, je dirai lesquelles - et qui a le mérite de poser un certain nombre de problèmes. Je souhaite rappeler, au nom de l'exécutif du conseil régional d'Aquitaine - et, bien au-delà, de l'ensemble du conseil régional, sans doute -, les grandes priorités.

La première, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous la connaissez, c'est le TGV Sud-Europe-Atlantique. Je serai bref sur ce point ; je ne vous rappellerai pas les chiffres. Vous savez tous que le Premier ministre s'est engagé à inscrire le tronçon Tours-Dax-Vitoria comme prioritaire dans la révision des réseaux transeuropéens de transports, les RTET, le 3 mars dernier.

Mais j'attire votre attention sur un fait que vous connaissez : les Espagnols vont encore plus vite que nous pour des raisons que nous n'ignorons pas : ils sont éligibles à des financements européens auxquels nous n'avons pas accès et cela leur permet - tant mieux pour eux ! - d'aller très vite. Ils sont en train de réaliser les travaux de Madrid-Valladollid, avec le double tunnel sous la sierra de Guadarrama.

Quant au « Y basque », je rencontre après-demain, au conseil régional, M. Alvaro Aman, qui est le ministre-conseiller des transports du gouvernement d'Euskadi. Le « Y basque » sera réalisé sous dix ans. Je ne suis pas le porte-parole du gouvernement d'Euskadi, ni du gouvernement espagnol, d'ailleurs - vous avez avec eux des contacts beaucoup plus suivis - et il est quelquefois nécessaire de vérifier les dates qui nous sont données aux uns et aux autres. Néanmoins, il n'y aurait rien de plus fâcheux que de voir nos amis espagnols réaliser une ligne à grande vitesse, même si elle n'est pas à grande vitesse sur la totalité - le tronçon de Vitoria à la frontière risque de ne pas l'être -, et nous attendre à la frontière, alors que nous avions plutôt une grande avance. Tel est donc le premier projet prioritaire pour l'Aquitaine.

La deuxième priorité, c'est la liaison rapide et sûre entre Langon et Pau. C'est la cohésion même de l'Aquitaine qui est en jeu. Il n'y a pas de désaccord entre nous.

M. Jacques Valade. Il y en a eu !

M. Jean-Louis Carrère. Qu'il s'agisse de la présidence de Jacques Valade ou de celle d'Alain Rousset, dans toutes les motions, prises à l'unanimité, on souhaitait que cette liaison soit réalisée. (M. Jacques Valade s'exclame.)

Monsieur Valade, nous n'allons pas refaire les débats du conseil régional ici ! Je ne vais pas leur raconter que vous aviez « piqué » l'argent de la déviation d'Aire-sur-l'Adour contre ma volonté pour aménager Bordeaux et le bassin d'Arcachon ! (Rires.)

M. Jacques Valade. Non, ne le racontez pas !

M. Jean-Louis Carrère. Ni que nous l'avons réinscrit au contrat de plan et que nous avons refait les études. Vous le savez très bien, c'est l'une des divergences qui existent entre nous !

M. Jacques Valade. Eh oui !

M. Jean-Louis Carrère. Néanmoins, ce que j'observe, c'est qu'il faut que vous nous aidiez à réaliser cette liaison. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir enfin lancé, récemment, l'appel à candidatures de concessionnaires, que nous attendions depuis quelque temps. C'est en bonne voie et nous sommes satisfaits. Nous y tenons beaucoup.

M. Jacques Valade Eh oui !

M Jean-Louis Carrère. La troisième priorité, c'est le corridor Nord-Sud-Atlantique. Je ne vous parlerai pas de traversée centrale des Pyrénées. Je pense qu'il faut un grand corridor de fret et que celui-ci doit être positionné sur la zone optimale. Laquelle est-ce ? S'agit-il de Pampelune ou d'une autre zone ? Il est prématuré de répondre à cette question ! Ce qui est sûr, c'est qu'en optimisant l'existant, on peut faire passer du fret sur la voie actuellement existante. En améliorant la plate-forme Hendaye-Irun, Hourcade et la plate-forme de Mouguerre, on peut opérer du report moral, mais on a absolument besoin qu'une telle décision soit prise rapidement, portée par le gouvernement français. Vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, elle l'est par le gouvernement espagnol, et je crois savoir que le président Aznar presse le gouvernement français d'aller dans ce sens.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Je conclus, monsieur le président !

Il me reste encore quelques priorités à mentionner. L'une de ces priorités concerne la RN 21 ; M. Jean-François-Poncet en a parlé tout à l'heure, tout comme M. Aymeri de Montesquiou, sénateur du Gers. Nous partageons leurs propos pour tout ce qui concerne la partie aquitaine, c'est-à-dire la traversée du Périgord et du Lot-et-Garonne.

Une autre priorité a trait aux Pyrénées-Atlantiques. Vous y avez effectué quelques déplacements ces jours-ci et les annonces qui sont faites nous inquiètent. Mais, pour la liaison Pau-Oloron, nous vous suivons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat ; cela nous intéresse beaucoup.

Pour ce qui est de la Transnavarraise, nous sommes un peu plus dubitatifs, même si nous sommes favorables à l'amélioration de ce qui existe.

En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons qu'être d'accord sur un certain nombre de vos projets et qu'être très favorables à de nouveaux financements innovants.

Mais ces montages ne résolvent pas tout. Les dossiers doivent présenter un minimum de rentabilité financière. C'est cette rentabilité financière démontrée qui suscite l'opportunité.

Il faut être prudent sur l'augmentation des péages des TER : cela peut permettre à RFF de bénéficier de nouvelles rentrées financières, mais cela peut aussi provoquer, de la part des régions, un désengagement qui porterait un coup à la SNCF, au report modal et à l'aménagement du territoire, alors que, vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les régions sont pleinement impliquées dans ces projets.

En conclusion, je voudrais exprimer une crainte. Je ne voudrais pas que le Gouvernement, tel un excellent illusionniste, nous fasse débattre, pendant qu'il gèle une grande partie des crédits des contrats de plan, c'est-à-dire que nous soyons comme le brave teaureau dans l'arène, que vous soyez les matadors, et que nous foncions sur un leurre, alors que vos intentions seraient totalement différentes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Gilles de Robien, ministre. Vous aurez la queue et les deux oreilles !

M. Jean-Louis Carrère. Je souhaite que tel ne soit pas le cas, car, à ce moment-là, l'opinion publique risquerait de se retourner contre vous. Il est des sorties difficiles pour les matadors. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Valade.

M. Jacques Valade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis très honoré de prendre la parole après mon collègue Jean-Louis Carrère. Je souhaite m'exprimer non seulement en mon nom personnel, mais également au nom de mes collègues et amis Gérard César et Xavier Pintat. Nous avons souhaité, en effet, n'intervenir qu'une fois et d'une seule voix, exprimant ainsi la position des sénateurs de la Gironde, qui font partie, monsieur Carrère, de la majorité présidentielle, nationale et sénatoriale.

De ce fait, je vais parler en qualité de Girondin, mais aussi en tant qu'Aquitain ayant assumé la responsabilité de la région Aquitaine de 1992 à 1998.

Nous apprécions, monsieur le ministre, l'occasion que vous nous donnez d'exprimer nos ambitions pour notre pays et nos régions, mais également nos regrets et, éventuellement, nos amertumes.

Mais je voudrais, à l'image d'autres intervenants, vous dire combien certains avis de techniciens ou le contenu de documents de prospective paraissent totalement coupés de la réalité spatiale et quotidienne de nos régions et de nos départements. Au moment où la régionalisation permet aux acteurs locaux d'assumer de plus en plus de responsabilités, nous souhaitons que les demandes des élus locaux soient prises en considération, surtout lorsqu'elles s'expriment d'une voie unanime.

Je rejoins en cela Jean-Louis Carrère, mais je vous rassure, monsieur le ministre, cela ne va pas durer. En effet, je trouve paradoxal qu'après avoir pris en main les affaires notamment en matière d'infrastructures, à partir de 1998, une politique ait été élaborée et qu'actuellement, à la tribune du Sénat, on entende pratiquement le contraire de ce qui avait été formulé en 1998.

Tout d'abord, je veux confirmer une évidence géographique : l'Aquitaine, longtemps considérée comme excentrée par rapport aux zones riches du sillon Rhin-Rhône, est devenue le point de passage obligé entre l'Europe du Nord et la péninsule Ibérique ; entre Paris et Madrid, la liaison la plus directe passe par Bordeaux et l'Aquitaine.

Par ailleurs, la façade atlantique maritime constitue, par le cabotage, une alternative à la circulation terrestre, à condition d'en assurer la sécurité, afin d'éviter les sinistres successifs que nous avons connus et d'améliorer la compétitivité de nos ports de Bordeaux et de Bayonne.

Cette situation privilégiée n'a pas été prise suffisamment en considération dans le passé et le retard - notre retard aquitain - s'est accumulé.

Le TGV Sud-Europe-Atlantique, Paris-Bordeaux-Madrid, est une absolue nécessité tant pour le transport des passagers que pour la mise à la disposition du fret des sillons ferroviaires ainsi dégagés. On mesure les bienfaits de tels équipements dans la vallée du Rhône : nous ne pouvons plus attendre.

L'Aquitaine a l'espace d'accueil, la qualité des hommes et des paysages ; elle doit être désenclavée et participer, de ce fait, au rétablissement de l'équilibre souhaitable entre la région parisienne et le reste de la France, entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud.

L'Aquitaine est la porte véritable de l'Espagne et du Portugal, voire du Maroc, mais encore faut-il organiser son désenclavement avec efficacité et rigueur. Or, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nos collègues espagnols comprennent mal notre inertie dans ce domaine.

Pour ce qui concerne la route, la liaison vers l'Est par l'A 89 est en bonne voie, mais il faut confirmer sans cesse notre volonté et la traduire sur le terrain.

L'augmentation du trafic routier transpyrénéen suit une courbe quasi exponentielle.

Nous avions élaboré, pour les liaisons vers le Sud, un plan, présenté dès 1994, confirmé en 1995, aux gouvernements de MM. Balladur et Juppé. Nous avions obtenu l'accord de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, pour la concession de l'A 64 Bordeaux-Bayonne pour une liaison autoroutière, ainsi que de la section Langon-Pau, également en structure autoroutière.

Le gouvernement de M. Jospin, sous l'impulsion de M. Gayssot, a remplacé ces dispositions par la prise en charge par le contribuable français et aquitain d'une transformation en voie rapide, sans péage.

Depuis 1997, nous sommes donc dans la situation paradoxale de faire payer aux contribuables français et aquitains la mise en place de cette infrastructure routière, dont l'utilisation est majoritairement le fait des routiers étrangers. Ainsi, un poids lourd non immatriculé en France peut traverser notre région sans acquitter une quelconque taxe, un quelconque péage, « consommant » de la sorte notre réseau routier sans contribuer ni à l'investissement initial ni à son entretien.

Il faut se ressaissir, reprendre le projet initial - j'ai entendu tout à l'heure que l'exécutif actuel du conseil régional semblait aller dans cette direction -, à savoir la réalisation, dans les délais les plus rapides, de la liaison entre Bordeaux et Bayonne et de la section Langon-Pau, pour ainsi rattraper le retard dû à la gestion erratique de ce dossier sur le plan national.

Mais il ne faut pas en rester là : la mise à 2 × 2 voies ne suffit plus : si l'on veut maîtriser le transport du fret, il y a obligation de passer à deux fois 3 voies, même en faisant tous les efforts nécessaires pour limiter le fret routier.

Enfin, puisque je viens d'évoquer la saturation des voies routières ou autoroutières, je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention - ce n'est pas la première fois - sur l'extrême engorgement de l'agglomération bordelaise.

Un effort considérable est actuellement consacré pour améliorer la circulation, les transports en sites propres - le tramway - et le stationnement en sites urbains à Bordeaux. Le grand contournement de Bordeaux ou, plus exactement, le contournement du grand Bordeaux est à mettre à l'étude et, ensuite, en chantier.

Depuis 1980, comme le rappelait le président du conseil général de la Gironde cet après-midi, le dossier est prêt, mais je ne peux qu'exprimer le regret qu'entre 1997 et 2002 ce dossier n'ait pas bénéficié du soutien du gouvernement de l'époque qui, me semble-t-il, était constitué des amis de M. Madrelle...

M. Jean-Louis Carrère. Et deux ans avant, qui était Premier ministre ?

M. Jacques Valade. Je le rejoins en affirmant que seule l'option de l'ouest, pour le grand contournement, est satisfaisante. Elle fait, d'ailleurs, l'unanimité, comme M. Madrelle l'a indiqué cet après-midi. Je vous demande par conséquent, après qu'Alain Juppé en a fait de même à l'Assemblée nationale, de réduire à cet égard les délais et les démarches administratives inutiles.

Pour conclure ce panorama global, je me dois d'évoquer deux dossiers auxquels nous tenons : la voie transversale Limoges-Périgueux-Bergerac-Agen-Pau-Tarbes, c'est-à-dire la RN 21, et le franchissement des Pyrénées à moyen terme.

M. Carrère a, tout à l'heure, eu des propos relativement apaisants mais, en 1998, il développait une tout autre argumentation.

M. Jean-Louis Carrère. Qui ?

M. Jacques Valade. Un nommé Carrère. (Rires.)

Monsieur le ministre, je n'évoquerai pas le problème de financement de ces infrastructures, non par négligence ou légèreté, mais parce que ce dossier a été parfaitement traité par nos collègues, en particulier par M. Jacques Oudin.

Si le destin de la France, donc de l'Europe, passe par son réseau de communications de toute nature, il passe aussi par la cohérence et la solidarité interrégionales.

Un élément fondamental de cette cohésion est constitué par un réseau de communications dont les entreprises ont un besoin toujours plus important. Un réseau de liaisons informatiques à haut débit doit être une préoccupation permanente. Certes, il ne dépend pas seulement de votre responsabilité, mais nous devons l'avoir sans cesse à l'esprit.

M. Jean-Louis Carrère. Et c'est parti !

M. Jacques Valade. Monsieur le ministre, votre tâche est immense. Les revendications sont sans doute déraisonnables par rapport aux moyens dont vous disposez, mais vous pouvez compter sur notre vigilant soutien et sur notre entière confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Gilles de Robien, ministre. Merci, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.

M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les collaborations interrégionales méditerranéennes ont progressé au cours des dernières années, contribuant à construire l'arc méditerranéen plus par la volonté des acteurs de la société civile que par celle des politiques. Cette dynamique doit être poursuivie, renforcée sur le plan institutionnel et largement encouragée par l'Etat.

Le débat sur les infrastructures qui nous réunit aujourd'hui consiste finalement à définir les nouvelles orientations de la politique d'aménagement du territoire dont la France veut se doter. Or la politique d'aménagement du territoire ne peut plus s'inscrire dans le seul contexte français, ni dans la traditionnelle opposition Paris-province. L'élargissement de l'Europe à dix nouveaux membres, l'internationalisation de l'économie, l'évolution des modes de vie, ne représentent pas seulement des défis pour les territoires français, mais constituent aussi autant d'opportunités, à condition que la France sache les saisir et se donne les moyens de ses ambitions.

C'est dans cet esprit que je plaiderai aujourd'hui en faveur du développement de l'arc latin, pour que la France contribue avec efficacité à l'ouverture internationale et européenne, notamment dans cette région du sud de l'Europe.

« L'entretien des infrastructures existantes nécessite un plus grand effort de la nation ; une meilleure gestion permettrait, par ailleurs, d'en tirer un meilleur profit », estime la DATAR, dans son récent rapport. Cette remarque me semble pertinente concernant les nécessaires travaux d'amélioration de la RN 204 et du tunnel de Tende, reliant l'autoroute Nice-Gênes vers le Piémont.

Elle est non pas concurrente, mais complémentaire du projet incontournable du TGV Lyon-Turin. Elle permettrait le désengorgement des Alpes du Sud et une ouverture à la perspective d'une liaison, qui désenclaverait la région PACA et faciliterait ainsi les échanges avec l'Italie.

Dans la même logique, il est impératif d'accélérer le traitement de deux grands dossiers structurants dans les projets prioritaires retenus par le Gouvernement : la ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan et la ligne nouvelle Côte d'Azur en direction de Nice, qui permettront la réalisation future de l'axe Barcelone-Gênes.

Les engagements pris pour ces deux dossiers doivent être respectés. Le débat public doit être lancé pour le TGV Côte d'Azur et un calendrier précis doit être rapidement défini pour le TGV Montpellier-Perpignan.

De même, le contournement de Nîmes Montpellier par la ligne à grande vitesse, mis à l'étude en 1989, est une infrastructure indispensable au développement des échanges de voyageurs, et surtout de fret, avec l'Espagne. Elle est primordiale pour la réalisation de l'arc ferroviaire méditerranéen à grande vitesse Barcelone-Gênes.

Je me félicite que l'audit réalisé conjointement par l'inspection générale des finances et le Conseil général des ponts et chaussées ait déclaré cette réalisation prioritaire.

A l'ouest de l'arc méditerranéen, plusieurs des projets prioritaires de la Commission européenne concernent la péninsule Ibérique et intéressent directement la France ; c'est le cas du projet Perpignan-Figueras.

Le retour de l'Espagne dans l'ensemble européen a entièrement modifié les perspectives du Sud-Ouest français. Hier « cul-de-sac », cet ensemble de régions a désormais un potentiel de développement considérable.

La réalisation de la ligne nouvelle Perpignan-Figueras - fret et voyageurs -, prévue par le traité de Madrid en 1995, permettra de relier Montpellier à Barcelone en deux heures quinze minutes, et Marseille à Barcelone en trois heures quarante-cinq minutes. Ce temps est particulièrement intéressant pour la capitale régionale du Languedoc-Roussillon, qui ne dispose d'aucune liaison aérienne vers Barcelone.

Une politique volontariste des transports en faveur de l'arc sud méditerranéen constituerait une alternative à l'axe rhénan. Elle éviterait le risque d'une « continentalisation » du développement économique de l'Europe. Elle serait, pour la France, une chance d'accroître ses échanges avec les pays du bassin méditerranéen, à condition que l'Etat respecte ses engagements internationaux et ne gèle pas, dans le contexte politique actuel, les crédits inscrits dans les contrats de plan Etat-région.

Une telle politique serait également une chance pour l'Europe. C'est la raison pour laquelle il est regrettable que, en matière d'infrastructures, là où par lesquelles la contribution communautaire s'inscrit dans le cadre du budget consacré aux réseaux trans-européens, la participation financière de l'Union européenne soit actuellement plafonnée à 10 % du coût total des investissements, « ce qui ne lui permet pas de générer un véritable effet de levier » selon le rapport du Conseil général des ponts et chaussées.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, agissons de telle sorte que la mobilisation des financements européens soit améliorée et concentrée en particulier sur d'importants projets d'envergure internationale. Un grand emprunt européen aurait une portée d'intérêt général. Les enjeux sont de taille, les moyens d'y parvenir doivent en être dignes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le plus souvent, la circulation routière s'affranchit des décisions politiques en matière d'infrastructures lorsque celles-ci ignorent la réalité des flux naturels.

Ainsi, la circulation est faible sur l'autoroute A 4, car les poids lourds continuent à utiliser la RN 4, ligne droite et naturelle entre Paris et Strasbourg.

Ainsi, la circulation est faible sur l'autoroute A 26, hormis les migrations estivales, entre Châlons-en-Champagne et Chaumont, car les véhicules prennent la ligne droite entre ces deux villes, passant par Saint-Dizier et empruntant la vallée de la Marne, axe de circulation naturel majeur.

Ainsi, la circulation entre Paris et Belfort ne sera vraiment fluide que lorsque l'autoroute A 5 sera prolongée par une voie de qualité à l'est de Langres : la RN 19. D'ores et déjà, cette nationale est très chargée alors que, pour l'instant, la circulation est très faible entre Paris et Troyes sur l'A 5.

Le nord de la Haute-Marne, carrefour naturel, connaît donc une circulation très dense, alors même que la RN 67 n'est pas à 2 × 2 voies - malgré les promesses faites voici plus de trente ans, et réitérées maintes fois - pour compenser le détournement de l'A 26 à l'ouest pour des motifs considérés par beaucoup comme obscurs, et malgré les multiples contrats de plan Etat-région, toujous inachevés et reportés à des jours meilleures, faute de moyens.

La décentralisation engendrera probablement la dévolution de cette RN 67 au département de la Haute-Marne. Il sera, bien entendu, très difficile pour cette collectivité de réaliser demain cette mise à 2 × 2 voies, puisque l'Etat lui-même n'y est pas parvenu, malgré l'aide apportée par les collectivités locales. Et pourtant, cet aménagement est indispensable et urgent, eu égard à la circulation internationale que cette route supporte.

Enfin, au sud du département, la RN 19, à l'est de Langres, attend depuis des lustres sa modernisation jusqu'à Delle. La solution autoroutière concédée fut retenue ; quelques années plus tard, il a été envisagé une 2 × 2 voies ; on revient aujourd'hui à la première solution.

Je ne prétends pas connaître la bonne solution technique ou financière, ni celle qui nous permettra de voir se réaliser rapidement cette modernisation indispensable. Mais, pendant ce temps, la circulation ne cesse de progresser, pénalisant les industriels et, plus généralement, les usagers de cet important axe de transport de marchandises en flux tendu à caractère international.

Permettez-moi d'aborder très rapidement la question ferroviaire. Là encore, la Haute-Marne est un carrefour naturel qui voit se croiser la ligne n° 4 et la ligne n° 10, deux lignes qu'ont évoquées mon collègue président du conseil général de la Haute-Saône et mon collègue président du conseil régional de Champagne-Ardenne.

Ces deux lignes ne sont électrifiées ni l'une ni l'autre.

A l'époque où toutes les autorités reconnaissent qu'il faut préserver l'environnement et créer les conditions d'un développement durable, l'électrification de ces lignes est nécessaire pour leur pérennisation à terme. Dans la perspective de rapprocher nos ports de la Manche de l'Europe centrale et orientale, et compte tenu du fait que la région parisienne est particulièrement engorgée, le fret provenant desdits ports, contournant l'agglomération parisienne, empruntera la ligne n° 10 Châlons-Culmont-Chalendrey. Cela ne pourra se réaliser que par la mise aux normes internationales de cette ligne.

De même, la liaison Paris-Bâle, électrifiée dans un avenir prévisible, à moyen terme jusqu'à Troyes, grâce au contrat de plan actuel et, surtout, grâce au suivant, ne trouvera sa véritable plénitude que lorsque le « chaînon manquant » Troyes-Chaumont sera lui-même électrifié.

Sans ces investissements, qui auraient dû être réalisés depuis longtemps, Troyes deviendra un cul-de-sac, le reste de la ligne n° 4, un désert parcouru, au mieux, par des tortillards poussifs, désertés par les usagers.

La desserte de l'Est de la France ne peut se résumer à la desserte par TGV de Strasbourg, par le nord, et de Mulhouse, par le sud. L'aménagement du territoire impose que l'on étudie ces deux lignes d'intérêt national, qu'il convient de moderniser et d'électrifier.

La Haute-Marne, terre d'accueil et passage obligé, tant sur l'axe nord-sud que sur l'axe est-ouest, attend les solutions et les investissements nécessaires à son désenclavement et à son développement durable.

Puisse ce débat nous apporter les éclaircissements nécessaires et nous confirmer la ferme volonté du Gouvernement de remédier à ces situations pénalisantes, non seulement pour l'expansion économique et sociale de notre département, mais aussi pour les usagers de ces axes de grand transit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu de l'heure et du nombre d'orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, je serai bref.

Finalement, après avoir écouté, depuis plus de dix heures, toutes les interventions, avec la même patience que vous, monsieur le ministre, je me dis qu'il n'y a pas tellement de désaccord sur la démarche, sur le fond. Nous nous accordons sur la multimodalité et sur la nécessité de faciliter les déplacements au moyen de transports écologiques, propres, multimodaux. D'ailleurs, avec tous les arcs qui ont été cités aujourd'hui, j'espère que le carquois est large, épais et profond. (Sourires.)

Monsieur le ministre, même si les rapports sont nécessaires, même si, à un moment donné, il faut faire le point de la situation - cela, je ne le critique pas, c'est tout à fait normal -, je pense qu'on ne peut pas se contenter d'une lecture seulement comptable de l'évolution d'un pays, notamment en matière d'infrastructures routières. Mais ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, car vous êtes un spécialiste du transport. Nous vous avons entendu à plusieurs reprises, et je comprends que votre tâche est parfois difficile. (Sourires.) Cela étant, nous ne pouvons pas accepter que des régions soient favorisées par rapport à d'autres, même si toutes ont besoin de se développer.

S'agissant du TGV, il ne serait pas acceptable aujourd'hui que Toulouse ne soit pas à moins de trois heures de la capitale. Bien sûr, il faut un TGV qui relie Paris à Bordeaux, mais il ne faut pas repousser pour autant à vingt ans la réalisation de la ligne TGV reliant Toulouse à Bordeaux. Il y a là un effort important à faire.

Le deuxième projet important pour la région Midi-Pyrénées concerne la traversée centrale des Pyrénées : 17 000 véhicules par jour, soit un véhicule toutes les cinq secondes, soit deux fois plus que pour la traversée des Alpes, et 30 000 véhicules par jour annoncés à l'horizon 2020 !

Ce projet avait été retenu en 2001 et validé par le Parlement européen, puis, en juin 2002 - je ne sais pas pourquoi -, le Conseil des ministres européens des transports a rejeté ce projet.

Aujourd'hui, l'Espagne est d'accord ; M. Aznar a demandé la réinscription du projet. Je crois qu'il est intervenu auprès du Président de la République française en ce sens. Je souhaiterais aussi que la France débloque ce dossier de la traversée centrale des Pyrénées. Enfin, plusieurs moyens de financement ont été évoqués qui pourraient satisfaire à la fois l'Etat, les collectivités et les usagers. Les collectivités sont prêtes.

Rien ne serait pire que de s'en tenir au seul chiffrage des coûts, car l'audit évalue les coûts de l'action de la collectivité publique, mais jamais le coût de son inaction, qui finit par se payer, tôt ou tard, et toujours au prix le plus fort ! Ces évaluations-là ne sont pas faites.

Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, n'oubliez pas la région Midi-Pyrénées et ce TGV cher à notre coeur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Philippe Richert applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gérard.

M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat sur les infrastructures de transport qui s'engage aujourd'hui est essentiel pour l'avenir de notre pays, puisqu'il s'agit pour le Gouvernement d'élaborer la politique d'infrastructures de la France pour les vingt prochaines années.

Le rapport que vient de remettre la DATAR était donc très attendu. Il vient compléter l'audit sur les infrastructures, ainsi que le rapport sur le fret ferroviaire de nos collègues François Gerbaud et Hubert Haenel, et celui sur le cabotage maritime de notre autre collègue Henri de Richemont.

Toutes ces études convergent vers un même objectif : donner à la France une politique d'infrastructures dynamique, dans la perspective d'une ouverture internationale de la France. C'est une initiative responsable du Gouvernement que je tenais à saluer ici aujourd'hui.

Cette responsabilité se traduit par une hiérarchisation des projets assortie d'une programmation.

Des choix devront être opérés. Si le bon fonctionnement du réseau routier est impérieux, et peut encore être amélioré, le ferroviaire a un réel potentiel de développement.

En termes d'aménagement du territoire, si nous ne voulons pas qu'une partie de l'hexagone soit progressivement isolée du coeur économique européen, il est impératif de concevoir une politique des transports sur le long terme. C'est dans ce cadre que se pose la question du désenclavement de la Bretagne et de toute la façade atlantique.

L'audit sur les projets de grandes infrastructures de transport a classé le projet de ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire parmi les cinq projets prioritaires. Il est réaffirmé que le TGV Bretagne-Pays de la Loire est un enjeu national d'aménagement du territoire, dont l'objectif est de placer Quimper et Brest à trois heures de Paris. Avec un niveau de rentabilité socio-économique de 10,7, le projet a été qualifié d'« assez élevé », niveau à rapprocher du niveau 8 reconnu comme celui du seuil de l'utilité publique.

Le fuseau actuel est définitif et justifié parce qu'il a été entériné par une décision ministérielle, au terme d'études approfondies menées par les services du ministère de l'équipement et des transports, et après une large concertation au niveau local.

Le caractère européen d'un tel équipement doit être réaffirmé avec force puisqu'il participera au désenclavement du grand Ouest en rapprochant notre département des centres de décision européens. Il permettra ainsi de réaffirmer le caractère vital pour le développement économique de l'Ouest en raccourcissant les distances, en rendant plus accessibles nos territoires. L'Ouest ne pourra conserver ses entreprises et ses emplois qu'à ce prix. Il ne pourra développer ses secteurs économiques que si son raccordement aux espaces européens les plus dynamiques est assuré.

La réalisation de ce projet permettra de plus la libération de la ligne classique pour le fret, enjeu majeur pour l'industrie alimentaire et du frais de l'Ouest. Vous savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il pèse aujourd'hui une menace d'asphyxie sur le trafic fret, phénomène que l'accélération des cadences à grande vitesse viendra aggraver.

Le gain de temps ainsi obtenu profitera à l'ensemble des villes de l'Ouest. Au total, la ligne à grande vitesse rapprochera notamment Brest et Quimper de près de 40 minutes de Paris. C'est vital pour la Bretagne tout entière, et plus encore pour sa pointe occidentale.

De manière complémentaire, sur la partie Rennes, Brest et Quimper, je veux redire ici mon attachement à la technologie pendulaire, dont l'intérêt a été confirmé par l'étude de la DATAR.

Enfin, ce projet est à rapprocher de celui de l'aéroport international de Notre-Dame-des-Landes. L'étude prospective de la DATAR a également souligné la pertinence de cet ensemble cohérent qui raccorde l'ouest de la France aux grandes capitales européennes.

Sur ces projets de grandes infrastructures, la Bretagne et les Pays de la Loire parlent d'une seule voix. Cette solidarité renforcée entre les deux régions est un atout dans la compétition des projets.

La réalisation d'un barreau sud qui permettra le contournement ferroviaire rapide de Paris devra compléter cet ensemble cohérent.

Votre prédécesseur avait jugé souhaitable la réalisation d'un tel projet à l'horizon 2010. Le rapport d'audit envisage sa réalisation au mieux en 2017. Pourtant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez que notre dossier est prêt, qu'il peut désormais avancer plus vite que d'autres, et qu'il est porté par une forte mobilisation des acteurs politiques, économiques et sociaux.

La question centrale reste celle du financement. Dans un contexte économique et budgétaire tendu, il faudra faire preuve d'imagination, et les Bretons ont des idées. Mais l'Etat devra faire face à ses obligations de financement de la LGV et mener parallèlement une démarche déterminée auprès de la Commission européenne pour solliciter ses concours.

Il est impératif de ce point de vue que, comme le TGV Aquitaine est en passe de l'être, le TGV Bretagne-Pays de la Loire soit inscrit au réseau transeuropéen de transport en cours de réexamen par le groupe Van Miert.

Des solutions innovantes de financement sollicitant le secteur privé sont également à explorer. Enfin, les collectivités locales sont prêtes à prendre leur part dans cet effort. Elles n'ont cessé de le répéter depuis 1996.

Nous savons que des choix s'imposent, car, contrairement à ce qu'ont laissé croire nos prédécesseurs, il n'est pas possible de tout financer tout de suite.

Les Bretons, réunis derrière l'action fédératrice du président de la région, notre collègue Josselin de Rohan, parlent d'une même voix, au-delà des clivages politiques.

Une résolution a été adoptée à l'unanimité par le conseil régional de Bretagne et le conseil économique et social régional. Cette résolution est d'ores et déjà soumise aux collectivités locales et aux organismes représentant les forces vives régionales en vue d'une adoption la plus large possible.

Vous le voyez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les Bretons sont déterminés à relever le défi. Ils attendent maintenant un signe fort du Gouvernement, c'est pourquoi je vous demande de leur confirmer le caractère prioritaire du projet de TGV Bretagne-Pays de la Loire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à cette heure tardive, ou plutôt matinale, j'interviendrai brièvement au sujet de la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT, qui a déjà été évoquée à plusieurs reprises.

Dans le rapport d'audit du mois de mars, on lit en effet que ce projet présente « un niveau de rentabilité socio-économique qui ne permet pas [...] d'en recommander la réalisation avant 2020 », ce qui a été perçu par beaucoup d'habitants de nos régions et de nos départements comme une provocation.

La deuxième provocation fut le rapport de la DATAR, qui a repris, noir sur blanc, les mêmes déclarations, en considérant que le POLT n'était rentable ni sur le plan social - qu'est-ce que la rentabilité sociale ? - ni sur le plan économique - qu'est-ce que la rentabilité économique ?

Au vu de ces prises de positions, on peut se demander à quoi sert la DATAR, à quoi sert la politique d'aménagement du territoire. L'aménagement du territoire consiste précisément à conjurer ce qui semble aller de soi, et qui en fait ne va pas de soi, par rapport aux critères habituellement dominants en vertu desquels certaines choses sont rentables alors que d'autres ne le sont pas.

Si l'on adopte ce point de vue, deux TGV sont rentables, l'un va de Paris à Marseille en passant par Lyon, et l'autre va de Paris à Toulouse en passant par Bordeaux. D'ailleurs, un certain nombre de départements et de territoires ne sont pas rentables et n'auraient donc pas vocation à être desservis par une infrastructure moderne.

Nous espérons vivement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez rompre avec cette conception défaitiste qui est contraire à la notion même d'aménagement du territoire.

Très concrètement, il est évident qu'il est nécessaire de desservir ces régions. La région Centre, le Loiret, le Cher, l'Indre, le Limousin et la région Midi-Pyrénées gagneront à cette réalisation.

Si le projet POLT était abandonné, Orléans et son agglomération perdraient une part significative de leur rôle en tant que noeud ferroviaire, et donc de leur attractivité.

En outre, le rattachement à Roissy, qui est absolument nécessaire pour le développement économique de nos régions, de même que la liaison avec l'ensemble des liens ferroviaires rapides, suppose la réalisation du POLT. Certes, on peut nous dire qu'on améliorera les lignes, qu'on ira facilement, par exemple, d'Orléans à Roissy, mais nous savons bien que ce sont des voeux pieux si l'on abandonne la perspective du POLT.

Je conclus en vous rappelant simplement à mon tour, monsieur le ministre, qu'un protocole d'accord a été signé le 21 février 2001 entre l'Etat, les trois régions concernées, la SNCF et RFF au sujet du POLT.

Le plan de financement est de 241 millions d'euros, ce qui représente finalement une somme assez raisonnable par rapport à d'autres infrastructures. La question est évidemment difficile, monsieur le ministre, mais il existe un accord. L'Etat s'est engagé à hauteur de 96 millions d'euros, RFF pour un montant de 22 millions d'euros, la SNCF pour 42 millions d'euros, les trois régions avec 80 millions d'euros - soit 35 millions d'euros pour la région Limousin, 29 millions d'euros pour la région Centre, 15 millions d'euros pour la région Midi-Pyrénées. Chacun s'est engagé sur un projet précis en 2001, avec une échéance de réalisation pour 2006.

Nous vous demandons tout simplement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le respect de cet engagement de l'Etat. Nous comptons sur vous pour nous répondre précisément sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu de l'heure et des observations qui ont déjà été formulées, je me contenterai de quelques remarques.

Je tiens moi aussi à féliciter le Gouvernement de la démarche entreprise, qui nous permet aujourd'hui de débattre sur la base de trois documents : le rapport de l'audit, la « photographie », avez-vous dit, monsieur le ministre ; le rapport de la DATAR, qui indique les orientations prospectives ; enfin, le rapport de nos collègues Haenel et Gerbaud, qui donne une vision plus politique.

Sans vouloir prolonger le débat, je reviendrai sur un constat, celui de la réussite en matière autoroutière de ces trente dernières années. On parle beaucoup d'avenir et il est intéressant de constater que, si nous avons pu relever ce défi, c'est parce que le choix du mode de la concession a été fait voilà trente ans. Telle est peut-être l'idée qu'il nous faut aujourd'hui transposer au défi du fret. L'autre enjeu, c'est celui du TGV, une autre formidable réussite qui repose sur trois grands principes : une technologie, des réseaux affectés et un service qui se veut de qualité. Ce constat doit être pour nous un élément de réflexion.

Je me contenterai, monsieur le ministre, d'insister sur un point qui a déjà été évoqué, celui de la suppression de l'adossement. Je fais partie de ceux qui considèrent que la position du Conseil d'Etat et de l'Europe, derrière laquelle on se retranche si souvent, traduit bien plus le zèle ou la frilosité de notre administration qu'une véritable impossibilité juridique : dans bien des cas, l'adossement aurait été tout à fait possible. En tout cas, quand on interroge les instances européennes, on en retire le sentiment que la position française est par trop restrictive.

J'en viens, en ma qualité d'élu savoyard et rhônalpin, au point essentiel. Le Lyon-Turin n'est-il pas l'enjeu du fret ferroviaire, pour ne pas dire du fret français ? Je ne reviendrai pas sur la position européenne que les uns et les autres ont évoquée. Vous avez souligné sa situation géostratégique lors de la présentation du rapport d'audit, monsieur le ministre, en précisant que l'enjeu européen devrait faire l'objet d'une considération forte, en invoquant la nécessité d'anticiper.

Je mentionnerai malgré tout un chiffre qui illustre la problématique de la France par rapport aux pays voisins. Entre 1984 et 2001, le trafic entre la France et l'Italie est passé de 21 millions de tonnes à 34 millions de tonnes, soit une progression de 52 % ; au même moment, le trafic nord-sud à travers la Suisse et l'Autriche en direction de l'Italie a progressé de près de 100 %, soit le doublement de l'activité de ce dernier par rapport à l'axe France-Italie.

Mais le chiffre le plus inquiétant, ou le plus caractéristique peut-être, même si le transit routier a été sensiblement égal, bien que légèrement supérieur sur l'axe nord-sud, concerne le fret ferroviaire, qui a progressé sur cet axe de 52 % alors qu'il n'augmentait en France pendant la même période que de 0,5 %. Cela signifie bien que, lorsqu'il y a un service, une technologie et une volonté, le défi du fret ferroviaire est relevé.

Je voudrais formuler ici deux observations. La première concerne le projet de l'autoroute ferroviaire. Face à la situation bloquée du transport ferroviaire de la SNCF qui n'a cessé de stagner ou de régresser, vous allez, monsieur le ministre, à la fin de ce mois, inaugurer la plate-forme Modalhor-Aiton, à Bourgneuf plus précisément. Un vrai défi est lancé puisqu'il s'agit de créer une autoroute ferroviaire à grand gabarit à travers les Alpes.

Or le rapport de l'audit du projet Modalhor que vous avez commandé, monsieur le secrétaire d'Etat, pose les vrais enjeux. S'il présente cette technologie comme prometteuse, il précise également que ce n'est qu'à la condition de l'inclure dans un environnement opérationnel. Cela revient à affirmer la nécessité de créer une plate-forme logistique à l'est de Lyon, et d'offrir une infrastructure de qualité, autrement dit la réalisation du tunnel de base Lyon-Turin.

La Suisse et l'Autriche, qui disposent d'infrastructures historiques beaucoup moins pénalisantes que les nôtres, se sont rapidement et délibérément engagées dans la création de nouvelles infrastructures adaptées, les tunnels du Lotschberg et du Gothard, pour créer un vrai service de qualité.

Si nous nous contentons de faire du ferroutage sur Aiton-Orbassano, c'est comme si nous réalisions un TGV sur 20 kilomètres d'une ligne historique. L'enjeu du ferroviaire nécessite d'aller au bout du raisonnement. Le fait de soutenir la saturation des lignes existantes est au mieux une erreur d'analyse, au pire un leurre. Tous les experts reconnaissent que la ligne historique ne pourra répondre aux trois usages : passagers, marchandises, ferroutage.

Faut-il rappeler que la ligne historique de Modane date du royaume Sarde, avant le rattachement de la Savoie à la France ?

M. Jacques Peyrat. Eh oui !

M. Jean-Pierre Vial. Les experts reconnaissent que les travaux entrepris ne changeront pas de façon suffisante les caractéristiques pénalisantes en matière de déclivité et de sécurité. Face à cet enjeu technologique figure évidemment l'enjeu financier. Hier, la concession a permis à la France de rattraper son retard en matière d'autoroute. Aujourd'hui, un financement associant un partenariat privé et public doit être abordé avec la même détermination. Le Président de la République lui-même, lors de l'accord franco-italien de janvier 2001, s'était exprimé très clairement sur la nécessité de mettre en place un financement original. Les réflexions et les travaux engagés par Raymond Barre avec la Transalpine, par LTF et la CIG, montrent que le problème relève plus d'une résistance culturelle française que d'une véritable difficulté technique.

Le fait d'amortir de tels investissements sur des périodes de quarante à cinquante ans a été évoqué. L'Europe, quant à elle, a retenu, dès le sommet d'Essen, le Lyon-Turin au titre des grandes infrastructures européennes prioritaires. Je suis sensible, monsieur le ministre, à votre engagement de confirmer la volonté française auprès du groupe Van Miert afin que ce projet puisse bénéficier des financements européens les plus élevés, à savoir 20 %.

La participation du transport routier à travers une taxe de franchissement des Alpes semble aujourd'hui non seulement communément admise, mais nécessaire pour répondre - selon l'expression des experts - à une situation d'équilibre concurrentiel de l'arc européen et éviter les effets induits d'une situation fiscale déséquilibrée entre la Suisse, l'Autriche et la France, ce que les Suisses appellent le contre-détournement.

En conclusion, monsieur le ministre, avec une participation des fonds européens à hauteur de 20 % et un possible engagement de fonds privés, également pour un taux de 20 %, il faut impérativement sortir du blocage culturel qui existe concernant le partenariat public-privé. Pour ce faire, il convient de mettre en place un groupe de travail pour que l'ensemble des acteurs soit associé à l'élaboration de cet instrument de financement, qui reste la seule possibilité de réaliser un grand équipement comme le Lyon-Turin.

C'est donc en faveur de la mise en oeuvre de cet ingénierie, monsieur le ministre, que j'insiste auprès de vous, au nom des élus de la région Rhône-Alpes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.

M. Jacques Peyrat. Si je réitére les remerciements déjà formulés depuis hier après-midi à votre endroit pour avoir organisé ce débat et voulu écouter la représentation nationale avant de définir les grandes orientations de votre politique de transports, je vous épargnerai en revanche, monsieur le ministre, les redites sur l'inéluctable croissance des trafics pendant les vingt ou trente prochaines années, avec une nette prédominance du mode routier.

Mais, ces mots « flash » à peine prononcés, surgissent deux problématiques selon le rapport d'audit - que j'ai pour ma part trouvé excellent - de l'inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées concernant le réseau routier, à savoir la saturation croissante des grands axes, dont les accès à la Côte d'Azur par l'autoroute A 8, et l'impossibilité avec les infrastructures actuelles d'assurer la continuité autoroutière au droit des grandes agglomérations.

A cet égard, l'audit estime que six des onze projets de contournement retenus devraient être prioritairement menés à terme, dont le contournement routier de Nice, qualifié de « véritable point dur du réseau autoroutier français ». En sera-t-il ainsi, monsieur le ministre ?

Comme la seule autoroute existante, l'aéroport Nice-Côte d'Azur - que la DATAR, dont le rapport que j'ai trouvé excellent aussi, estime vital pour l'économie de la Côte d'Azur et de la région - est également menacé de saturation : 10 millions de passagers à ce jour, 12 millions dans deux ans, 15 millions ou 16 millions - c'est son maximum - en 2009, c'est-à-dire demain.

L'aéroport de Nice-Côte d'Azur ne peut plus à lui seul répondre à la forte demande des usagers, notamment sur la ligne Paris-Nice, qui était la première ligne nationale en 2002.

Il est donc impératif d'envisager d'autres modes de transport que le tout routier et le tout aérien, et je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes persuadé : vous l'avez dit hier.

Ainsi, la liaison à grande vitesse prend toute sa mesure.

Les LGV, selon le rapport d'audit que je rappelais, « s'inscrivent dans une logique de développement d'une offre nouvelle, destinée à offrir une alternative aux transports routiers et surtout aériens ».

Il serait dès lors particulièrement regrettable que certaines régions, aujourd'hui à fort potentiel économique et culturel, compte tenu du dynamisme qu'elles impulsent par le tourisme ou par les échanges économiques et sociaux, se trouvent lésées du fait d'infrastructures de transport insuffisantes.

Je ne peux donc ici aller plus loin sans m'arrêter sur notre façade méditerranéenne qui présente inéluctablement des enjeux capitaux pour asseoir la position de la France au sein de l'Europe et qu'il faut, je pense, privilégier afin d'amplifier son potentiel.

Tout le monde s'accorde sur le fait que l'arc méditerranéen doit bénéficier d'une accessibilité maximale.

Les infrastructures de transport sont donc un enjeu majeur dans une région qui souffre depuis longtemps d'un terrible handicap, son enclavement, que les six années que nous venons de vivre n'ont pas réussi à corriger, malgré le fait que cette région figure parmi les premières destinations touristiques du monde, malgré le fait qu'elle bénéficie du tissu économique et social que lui donnent la technopole de Sofia-Antipolis et l'implantation de sociétés de haute technologie, en liaison d'ailleurs avec l'Etat souverain de la Principauté de Monaco.

Ainsi les deux projets LGV et aéroport Nice-Côte d'Azur apparaissent, comme le relève l'étude de la DATAR, « devoir être intimement liés », ce qui amène à conclure à l'intérêt stratégique - le mot n'est pas de moi - de la liaison à grande vitesse Côte d'Azur.

C'est pourquoi un fort consensus - vous l'avez remarqué, monsieur le ministre - s'est dégagé, comme vient de le rappeler notre collègue Jean-François Picheral. Je suis l'un des rares élus des Bouches-du-Rhône, du Var ou des Alpes-Maritimes à s'exprimer ici et je puis confirmer que tout le monde est d'accord chez nous pour aller dans ce sens.

L'audit de l'inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées indique très clairement que le projet de prolongement de la LGV vers Toulon et Nice - cela devrait vous intéresser, monsieur le ministre - vise à positionner le rail sur le plus gros marché aérien domestique actuel.

L'évaluation que vous aviez donnée ici même le 24 octobre 2002 était une préfiguration des chiffres avancés aujourd'hui : 40 % des 20 millions de voyageurs attendus seraient détournés de l'aérien au bénéfice de la LGV.

La rentabilité de cette ligne est donc assurée, comme l'ont remarqué les présidents de la SNCF et de Réseau ferré de France. Je ne doute pas que le Gouvernement, à la recherche de nouvelles sources de financement, soit sensible à l'intérêt de cette ligne nouvelle du fait que sa rentabilité favorise très fortement un partenariat entre le public et le privé.

Je suggérerai, à cet égard, monsieur le ministre, une négociation constructive avec les organismes qui apportent des capitaux privés, amenant, par exemple, à une convention de partage des bénéfices, fût-ce une imputation du péage entre l'exploitant et les bailleurs de crédit.

Ainsi cette ligne à grande vitesse amènera la Côte d'Azur à quatre heures trente de la mer du Nord, à trois heures trente de Paris, à trois heures de Barcelone et à une heure trente de l'Italie du Nord, répondant ainsi à l'enjeu européen que favorisent les liaisons transfrontalières.

L'époque du Gênes-Barcelone en seize heures est révolue. Il faut faire preuve d'imagination et se tourner résolument vers un Madrid-Barcelone-Marseille-Nice-Gênes ou, comme le disait M. Laffitte, Turin pour une ouverture sur l'économie manufacturière des plaines de la Lombardie et du Piémont.

Le Sud-Est azuréen doit ainsi pouvoir s'inscrire dans le maillage européen des lignes à grande vitesse qui est en train de se créer.

Par cette nouvelle LGV, qui permettra d'aller à l'ouest à Barcelone, à l'est vers l'Italie, nous réussirons à créer un véritable arc latin et à développer une zone méditerranéenne à l'échelle de l'Europe. Cette ligne enrichira ainsi le complexe euro-Méditerranéenne, qui est un des atouts majeurs de notre pays dans la construction de l'Union européenne, ouverte ainsi sur cette mare nostrum baignant dix-sept Etats souverains, de culture et de civilisation diverses, berceau des trois religions du Livre, et profondément liée à l'histoire de notre monde.

Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous ne serez pas insensible à cet exaltant dessein. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la voie d'eau française est déconnectée du réseau européen sauf peut-être en Alsace où le grand canal reste, malgré tout, dans l'impasse.

C'est dommage, car les bassins du Rhône et de la Seine pourraient se développer beaucoup plus rapidement, tout en confortant leurs points d'entrée en Méditerranée et sur la façade atlantique.

Dans un contexte de mondialisation où le fret maritime progresse, où les ports se développent, où l'arrière-pays desservi par voie d'eau est stratégique et où notre marché en développement devient la grande Europe de l'Est, je n'imagine pas, monsieur le ministre, que notre gouvernement abandonne l'alternative fluviale pour le transport des marchandises.

Dans un contexte de développement durable où l'on transporte avec la même quantité de fuel une tonne sur 500 kilomètres par voie d'eau, une tonne sur 330 kilomètres par voie ferrée et une tonne sur 100 kilomètres seulement par la route, je n'imagine pas, non plus, l'abandon de l'alternative fluviale !

Dans un contexte national où les autoroutes se saturent et où la voie ferrée privilégie le transport des voyageurs, comment pourrions-nous imaginer de nous passer du fluvial ?

Dans un contexte, enfin, d'efficacité - ce point est central - je ne vois pas les opérateurs en logistique transborder les matières premières ou les conteneurs d'une péniche sur un train ou sur des camions, puis faire l'opération inverse deux à trois cents kilomètres plus loin, par absence d'interconnexions fluviales.

Fort de ces observations, monsieur le ministre, à quand le maillage fluvial pour notre pays ?

Il n'y a pas d'argent pour le fluvial dans le budget actuel de l'Etat, nous le savons.

J'attire quand même votre attention sur les travaux que la mission d'information présidée par notre collègue Francis Grignon a conduit sur ces thèmes : le rapport a conclu à la nécessité de construire des infrastructures fluviales plus raisonnables que celles qui avaient été imaginées en période de vaches grasses ! (Sourires.)

Après avoir constaté que 95 % des péniches ont une longueur de 110 mètres sur le Rhin, il n'est plus nécessaire aujourd'hui de prévoir des infrastructures pour des convois poussés de 190 mètres. Ici, le mieux devient l'ennemi du bien.

Il n'y a pas d'argent pour les infrastructures fluviales, nous le savons. Cessons donc d'externaliser la plupart des dépenses d'infrastructures routières en France et en Europe !

La personne qui exige en 24 heures « chrono » sa commande passée par téléphone doit savoir que cela a un coût, voire un surcoût.

Avec des solutions techniques plus raisonnables que par le passé, avec une participation dans tous les pays d'Europe de la route au fluvial, avec une participation de l'Union européenne, de la France et des régions traversées, le tout dans le cadre d'un fond spécialisé, il est possible de programmer les maillons manquants du fluvial sur notre territoire.

Le projet Saône-Rhin était abouti, avec des promesses de vente ou d'acquisition pour 90 % des terrains. Nombre de ces opérations sont figées aujourd'hui. A quand, monsieur le ministre, une nouvelle étude et une nouvelle déclaration d'utilité publique sur ce maillon manquant du réseau européen ? Cela permettrait aux communes riveraines de savoir à quoi s'en tenir et au projet d'être relancé sur de nouvelles bases acceptables par tous.

Il n'est pas question pour moi, à travers ces propositions, de remplacer le TGV Rhin-Rhône par le canal, mais plutôt, monsieur le ministre, de connaître votre vision à terme du développement du transport fluvial de marchandises pour notre pays, avec un impératif : prendre rapidement en compte le Saône-Rhin, ne serait-ce qu'au niveau des études, puis de la déclaration d'utilité publique, car, vous l'aurez compris, on ne peut pas laisser les choses en l'état. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais, après tant d'autres et avec tant d'autres, insister sur la nécessité pour notre pays de continuer à investir et même à amplifier ses efforts en matière d'infrastructures de transport et de communication.

Nous savons bien que cette nécessité n'a pas toujours été reconnue comme telle : je me souviens qu'il y a deux à trois ans, le délégué général à l'aménagement du territoire disait qu'en matière routière nous avions atteint le niveau d'équipement adapté à notre pays.

En réalité, cela fait des décennies que les investissements stagnent, voire régressent. C'est ainsi que les moyens consacrés par l'Etat au réseau routier ont encore chuté de 22 % entre 1996 et 2000. Nous savons aussi que, rapportés au PIB, les investissements que la France consacre à la route représentent environ la moitié de ceux des autres pays européens, ce qui handicape gravement notre pays dans la compétition internationale.

C'est pourquoi l'audit sur les transports publics et le rapport de la DATAR ont déclenché de très vives réactions en Alsace.

Les conclusions de ces rapports, qui portent à la fois sur la seconde phase du TGV Est européen et le TGV Rhin, ont une fois de plus suscité espoir et inquiétude.

En effet, comment imaginer que ces deux projets puissent ne pas être retenus comme prioritaires par le Gouvernement ? Alors que celui-ci affiche son soutien sans faille à Strasbourg, la vocation européenne de celle-ci est régulièrement menacée par les pro-bruxellois, qui citent régulièrement l'accessibilité de Bruxelles comme la cause principale de leur choix.

Le TGV Est européen n'est ni seulement ni d'abord un dossier local ou un dossier du grand Est : c'est un dossier national et européen.

Alors que l'épicentre de l'Europe se déplace vers l'Europe centrale et orientale, faut-il rappeler que le TGV Est européen s'intègre à la Magistrale européenne à grande vitesse qui reliera, à terme, Paris, Strasbourg, Munich, Vienne et Budapest, et que 34 millions d'Européens, soit 10 % de la population européenne, seront alors desservis ?

Strasbourg ne peut pas être considéré comme un cul-de-sac ou le terminus d'une liaison dont l'horizon se limiterait à relier Paris et Strasbourg !

La construction des TGV permet d'abord de répondre à la demande croissante de déplacements de nos concitoyens et de nos entreprises.

Que ce soit pour des raisons environnementales - je rappelle que nous sommes dans la semaine du développement durable - ou de sécurité routière, un rééquilibrage volontariste s'impose en faveur du ferroviaire tant pour les transports de passagers que pour le fret.

La construction d'une ligne à grande vitesse est aussi un formidable outil au service de la croissance et de l'économie. Les simulations économiques réalisées dans le cadre de la Magistrale ferroviaire européenne à grande vitesse montrent que la construction de cette ligne apporterait un supplément de croissance et donc de richesse de 1,2 % chaque année.

Les enjeux économiques du TGV Est européen et du TGV Rhin-Rhône sont tels que je n'hésite pas à les qualifier de vitaux pour notre pays comme pour l'Alsace, qui, depuis deux ans, occupe la place peu enviable de la région française où le chômage a le plus augmenté, avec une hausse entre 15 % et 20 % chaque année.

Bien sûr se pose la question des ressources nouvelles pour financer un programme national d'investissement de cette ampleur.

Concernant le TGV Est européen, je rappelle que les collectivités locales ont fortement contribué à son financement.

Quant à la rentabilité de ce projet, chacun sait que les hypothèses retenues constituent une approche trop pessimiste et que le seuil de rentabilité mérite d'être abaissé.

Aujourd'hui, de nouvelles pistes de financement sont avancées. L'Union européenne envisageait, dès 2001, dans son livre blanc, de relever sa participation financière à 20 %. Cette intention a été confirmée depuis : le TGV Est européen est particulièrement concerné par cette perspective.

Je citerai aussi les trois « P », les partenariats entre public et privé, la TIPP du gazole réajustée, l'instauration d'une taxe sur les poids lourds, le rendement des péages autoroutiers après 2020, ou encore les péages RFF.

Mais l'Europe, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne doit pas nous faire oublier la vision de l'aménagement du territoire que nous devons défendre pour notre pays. Peut-on réellement continuer à faire croire que les « bords » de notre France n'en sont que les marges et qu'ils ne doivent pas bénéficier du même traitement que l'Ile-de-France ou le Sud ?

Les régions autrefois frontalières constituent aujourd'hui des traits d'union, des voies ouvertes vers nos voisins. Le sommet européen d'Essen en 1994, puis le sommet franco-allemand de La Rochelle, ont consacré cette vision européenne de la liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg. Les chefs d'Etat français et allemand ont solennellement rappelé leur attachement à cette liaison aussi stratégique que symbolique.

Il serait inconcevable que l'on remette aujourd'hui en cause les accords internationaux passés. Les Alsaciens, comme nos voisins Allemands, ne le comprendraient pas.

Dans le prolongement du TGV Est européen, c'est aussi le doublement du pont ferroviaire sur le Rhin et la liaison Kehl-Appenweyer permettant de relier à grande vitesse nos deux pays qu'il faut réaliser.

Nos amis Allemands, monsieur le ministre, arguent des frilosités françaises pour justifier leur propre attentisme. Il serait important que le prochain sommet franco-allemand, qui aura lieu dans quelques jours, adopte des conclusions concrètes et précises sur cette connexion entre la France et l'Allemagne.

Il est en outre important de permettre à nos amis Allemands d'envisager l'utilisation de cette liaison franco-allemande dans l'autre sens, celui de l'Allemagne vers la France, avec l'ICE, le TGV allemand. Cela contribuerait, je crois, à les rassurer et à emporter la décision sur cette interconnexion à hauteur de Strasbourg et de Kehl, puisqu'en Allemagne non plus le débat n'est pas tranché.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous connaissez les arguments qui plaident en faveur de la réalisation du TGV Est européen et du TGV Rhin-Rhône. Ils feront de l'Alsace une porte ouverte sur l'Europe élargie, ils contribueront à cette croissance économique dont notre pays a besoin et renforceront la place de la France en Europe.

Nous comptons sur vous et nous savons que nous pouvons vous faire confiance pour que leur réalisation ne soit pas repoussée. Trop d'enjeux sont en cause ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.

M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu de l'heure, je me contenterai de formuler une remarque et d'évoquer quatre dossiers.

La remarque d'abord : mes collègues bas-rhinois ont chacun à leur tour abordé des aspects de la politique des transports dans notre département, puis dant l'est de la France, et enfin les enjeux internationaux en général.

Je suis bien entendu totalement solidaire des remarques et propositions qu'ils ont formulées, notamment en ce qui concerne le TGV Est européen et le Grand Canal, car ces équipements constituent l'épine dorsale de Strasbourg l'Européenne.

Tous les arguments en présence étant maintenant connus, il convient, au moment du choix, de ne pas se tromper. Une erreur d'appréciation susciterait en effet chez tous les Alsaciens une immense déception.

Je souhaite, pour ma part, focaliser mon intervention sur quelques aménagements et investissements indispensables sur le réseau routier bas-rhinois. A cette heure, l'analyse ne sera pas affinée...

Le transfert souhaitable, nécessaire, voire indispensable, du fret vers le réseau ferré et la voie d'eau, évoqué tout au long de ce débat, ne se fera pas du jour au lendemain, compte tenu des très lourds investissements à engager. Par conséquent, c'est la route qui demeurera, pour quelque temps encore, l'infrastructure essentielle de l'activité économique de notre pays.

Le premier dossier que je souhaitais ouvrir a trait au transfert aux départements de la gestion des routes nationales.

Dans ce domaine comme dans bien d'autres, l'échelon local paraît le mieux à même de gérer efficacement les infrastructures. Il conviendrait toutefois, monsieur le ministre, de veiller à ne pas procéder comme pour la décentralisation des collèges, qui a conduit les départements à assumer la charge de locaux vétustes sans réelle compensation financière.

Sur les quatre cents kilomètres de routes nationales du Bas-Rhin, deux cent cinquante seraient susceptibles d'être transférés au département. L'incidence financière de cette mesure dépendra, bien entendu, de la nature exacte du réseau transféré, ainsi que des modalités de poursuite des cofinancements dans le cadre des contrats de plan.

Vous avez, monsieur le ministre, évoqué certaines pistes, en vue de dégager des sources de financement supplémentaires. Pourriez-vous nous fournir des informations plus précises quant aux montants en jeu et aux ressources nouvelles qu'il est envisagé de mobiliser ? Les élus locaux que nous sommes doivent pouvoir évaluer la situation en connaissance de cause.

Le deuxième dossier sur lequel je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, concerne le grand contournement ouest de Strasbourg. L'A 4 et l'A 35 constituent à la fois des autoroutes de desserte de Strasbourg et un axe sud-ouest, avec un maillage vers le nord du département. Avec une circulation de près de 100 000 véhicules par jour, cet axe ne peut plus remplir sa fonction. Aussi la mise en place du grand contournement ouest revêt-elle une importance capitale. Elle permettra à Strasbourg de continuer à jouer son rôle de métropole. Je tiens d'ailleurs, à cet instant, à saluer le dynamisme de M. le préfet, ainsi que celui de M. le directeur régional de l'équipement, qui ont permis de bien faire avancer ce dossier.

Il reste à résoudre la question du financement. Bien que la solution du péage représente une porte de sortie, il convient à mon sens de privilégier d'autres sources de financement plus valorisantes pour Strasbourg. Le coût prévisionnel de l'opération est évalué à 290 millions d'euros, ce qui ne me paraît pas constituer une difficulté insurmontable.

Le troisième dossier important pour le département du Bas-Rhin est celui de la RN 4. Cette dernière a le statut de route départementale quasiment de Phalsbourg jusqu'au Rhin. Traversant de nombreux villages et petites villes, elle nécessite une attention toute particulière. En outre, puisqu'elle ne fait pas partie des « magistrales », son transfert doit être accompagné de moyens importants.

Enfin, je ne peux terminer mon intervention sans aborder le dossier des transports collectifs. Le département du Bas-Rhin mène, dans ce domaine, une politique très active. Saluons ainsi l'inscription du tram-train Strasbourg-piémont des Vosges au contrat de plan, ainsi que la mise à l'étude par le conseil général d'un projet de transport routier guidé et cadencé sur la RN 4. Là encore, un soutien de l'Etat s'avère indispensable. Ce n'est qu'à ce prix que la RN 4 pourra devenir une véritable route nationale, susceptible de délester du trafic léger les axes trop encombrés de ce secteur.

Tels sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques dossiers, choisis parmi de nombreux autres, que je souhaitais évoquer à l'heure d'un débat important, pour lequel nous vous remercions.

J'indiquerai, en guise de conclusion, que, dans le domaine routier comme ailleurs, le transfert de moyens financiers constituera l'une des données essentielles d'une bonne et saine décentralisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé d'engager un grand débat sur les infrastructures de transport de notre pays. Je me réjouis de cette initiative, un tel débat étant nécessaire à l'élaboration d'une politique d'équipements et de transports durable et équilibrée.

La France a en effet besoin de nouvelles infrastructures, afin de garantir un aménagement du territoire harmonieux et de permettre ainsi le développement des territoires les plus enclavés. L'Etat doit veiller à l'entretien et au développement d'un réseau structurant cohérent, qui permette de faire profiter chacun de nos départements de la dynamique d'une Europe élargie.

Dans les quatre minutes qui me sont imparties, je consacrerai l'essentiel de mon propos à la route Centre-Europe-Atlantique. Son aménagement est attendu depuis plus de trente ans par nos concitoyens, et je regrette qu'il ne figure pas au nombre des priorités retenues par le Gouvernement.

La RCEA constitue une liaison entre l'autoroute A 6, à l'est, avec les deux points d'entrée que sont Mâcon et Chalon-sur-Saône, et l'autoroute A 10, à l'ouest. Cet axe transversal représente quelque 600 kilomètres de routes et d'autoroutes, et constitue le premier réseau français permettant de relier l'Atlantique à l'est de la France et à l'Europe centrale via la Suisse, l'Allemagne et l'Italie.

L'association « Route Centre-Europe-Atlantique », créée en 1967 sur l'initiative de plusieurs parlementaires, a, depuis plus de trente-cinq ans, la volonté de promouvoir un aménagement concerté du territoire national, dans la perspective plus vaste d'un schéma directeur routier européen.

Des études ont été engagées dans les années soixante-dix, sur l'intérêt d'une mise à 2 × 2 voies de la totalité de l'itinéraire, dans le cadre tant des schémas directeurs routiers nationaux de mars 1988, puis d'avril 1992, que des schémas de services collectifs de transport approuvés par décret du 18 avril 2002. Ces schémas ont confirmé la RCEA en tant que « grande liaison interrégionale d'aménagement du territoire à 2 × 2 voies reliant la façade atlantique à la Saône, la Suisse et l'Italie ».

Les travaux ont été engagés dans les années quatre-vingt-dix et se poursuivent au rythme des dispositions budgétaires. Ainsi, en supposant que les engagements pris au titre du xiie Plan auront été respectés en totalité à la fin de l'année 2006, moins de la moitié de la RCEA sera à 2 × 2 voies à cette date.

On s'était fixé pour objectif, voilà plusieurs dizaines d'années, d'achever les travaux en 2010 : cela est révélateur du retard pris dans ce chantier. Notre inquiétude est donc grande aujourd'hui, compte tenu des retards accumulés au fil des plans. Or ces travaux sont essentiels pour assurer un juste aménagement du territoire et permettre une bonne gestion des flux économiques et touristiques entre l'est et l'ouest de notre pays.

La sécurité routière de nos concitoyens constitue également une priorité pour les parlementaires que nous sommes. Je sais d'ailleurs que ce dossier est aussi une priorité pour le Gouvernement. En effet, la circulation moyenne pondérée sur la RCEA dépasse actuellement 12 000 véhicules par jour, dont 3 200 poids lourds.

J'ajouterai que la RCEA a bien une vocation affirmée pour le transport de marchandises, d'autant que le réseau ferré transversal est, en France, quasiment inexistant. Selon les chiffres publiés par la direction départementale de l'équipement de Saône-et-Loire, la circulation est saturée à partir de 8 500 véhicules par jour.

De surcroît, le taux d'accroissement de la circulation sur cet axe est près de deux fois supérieur à celui qui est constaté sur l'ensemble du réseau routier national. Ce trafic qui s'intensifie sur un réseau encore majoritairement à deux voies entraîne des conséquences lourdes en termes de nombre et de gravité des accidents.

Le taux d'accidents pour 100 millions de véhicules par kilomètre est très proche de la moyenne des routes nationales, atteignant 14,2 sur les sections à 2 × 2 voies de la RCEA. Ce taux tombe à 5,1 sur les sections à 2 × 2 voies, chiffre proche de celui qui est relevé sur les autoroutes. Le passage à 2 × 2 voies permettrait donc de réduire de 64 % le nombre des accidents sur la RCEA.

En ce qui concerne la gravité des accidents, la situation sur les sections à deux voies de la RCEA est véritablement dramatique, avec un indice de gravité - nombre de tués pour cent accidents corporels - de 21,6, alors que cet indice est de 11,2 pour les routes nationales françaises, de 9,4 pour les sections à 2 × 2 voies de la RCEA et seulement de 7,7 pour les autoroutes de notre pays. Là encore, le passage à 2 × 2 voies permettrait de réduire de 56 % le nombre de tués sur cet axe. Ces chiffres sont éloquents et ne peuvent que nous interpeller fortement.

Par ailleurs, à la demande de mes collègues Henri de Raincourt et Serge Franchis, je voudrais signaler à votre attention, monsieur le ministre, l'intérêt que revêt, pour le nord de la Bourgogne, la réalisation de l'autoroute reliant Troyes à Auxerre et à Bourges, avec un barreau entre Clamecy et Avallon. Elle permettrait d'assurer le délestage de la vallée rhodanienne en établissant une véritable liaison transversale européenne entre le Nord, le Nord-Est, le centre et le Sud et de boucler ainsi la grande ceinture du bassin parisien.

Par conséquent, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous serais extrêmement reconnaissant de bien vouloir nous indiquer quelles mesures vous entendez prendre pour poursuivre l'inscription dans les schémas de préparation des tronçons de la RCEA et accélérer les travaux réalisés sur de nombreuses sections. Nos concitoyens qui vivent dans les dix départements concernés par ce grand chantier, l'ensemble des acteurs économiques de notre pays et nos voisins européens ne pourront patienter encore cinquante ans.

Seule une volonté politique forte et ambitieuse permettra la prise en compte de l'ensemble de ces travaux d'infrastructures, vitaux pour nombre de nos villes situées au centre de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.

M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après les annonces et les promesses de vos prédécesseurs, qui n'étaient pas toujours accompagnées des financements nécessaires, il était indispensable de reprendre en main notre politique des transports, de procéder avec méthode et d'afficher clairement des objectifs.

Deux étapes préparatoires ont précédé les arbitrages et la prise de décision.

En effet, les investissements en infrastructures, parce qu'ils sont élevés et engagent le long terme, doivent être évalués le plus précisément possible, hiérarchisés et programmés.

Pour le département de Saône-et-Loire et pour toute la Bourgogne, dans le cadre d'une approche globale et européenne, je souhaiterais rappeler ce matin l'importance de deux infrastructures : la liaison Saône-Rhin et l'aéroport Saint-Exupéry à Lyon.

Si nous voulons l'intermodalité, le rééquilibrage par rapport à la route, le développement durable, nous devons rattraper le retard que nous avons pris en matière de transport fluvial, s'agissant en particulier de la liaison Saône-Rhin et de sa mise au gabarit européen.

Une telle liaison permettrait, en effet, de relier la Méditerranée au nord et à l'est de l'Europe. Elle est d'une complète actualité, au moment où nos amis Allemands ont réalisé la liaison Rhin-Main-Danube, où s'opère l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est et où l'axe routier rhodanien est saturé. De plus, elle offrirait tous les avantages du transport fluvial, qui est plus économique, plus respectueux de l'environnement et plus sûr. Sa réalisation doit donc être aujourd'hui clairement envisagée.

Par ailleurs, pour le sud de la région Bourgogne, l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry est de première importance, car il se situe à mi-parcours entre Paris et Marseille. Il est complémentaire du TGV et doit être pris en compte à l'échelon européen. C'est pourquoi je ne puis que manifester mon étonnement que cet aéroport n'ait pas été retenu pour accueillir un hub international.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, en conclusion, de plaider une dernière fois en faveur d'une politique des transports volontaire, ambitieuse, européenne et intermodale,...

MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Louis Carrère. Très bien !

M. Jean-Paul Emorine. ... seule en mesure de satisfaire les besoins de nos concitoyens et de renforcer la politique d'aménagement du territoire, à laquelle nous sommes tous très attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tout a probablement déjà été dit ; pourtant, je vais essayer d'apporter ma pierre à ce débat.

Je précise d'emblée que j'approuve la volonté décentralisatrice du Gouvernement, qui n'est pas neutre pour l'avenir des infrastructures. Je me félicite des perspectives ouvertes en matière de développement de ces dernières ; monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne reculez surtout pas !

Je rappellerai à certains d'entre nous que vous êtes en fonction depuis moins d'un an,...

M. Jean-Louis Carrère. Non ! Depuis plus d'un an !

M. Eric Doligé. ... et que déjà les problèmes sont bien posés.

M. Jean-Pierre Plancade. Ils sont nombreux !

M. Eric Doligé. Comme cela a été indiqué, notre situation, malheureusement, est très inquiétante, et ce uniquement parce que l'Etat n'a pas joué son rôle. Il s'est rendu coupable d'inaction, ainsi que le montrent études, audits et rapports. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, le temps du politique est enfin venu : c'est la grande et bonne nouvelle de ce soir. J'allais dire qu'elle me suffit presque !

Monsieur le ministre, il faut changer les comportements de l'Etat et commencer par faire confiance au terrain. Le terrain, ce sont les élus locaux, qui ont été totalement ignorés et qui, pourtant, ont des solutions à proposer.

M. Jean-Louis Carrère. Pourquoi faire de la provocation ?

M. Eric Doligé. Beaucoup vous ont été présentées ce soir et toutes sont réfléchies et équilibrées. Merci de nous avoir écoutés avec beaucoup d'attention.

Triste bilan que celui que l'on peut dresser aujourd'hui : cinq années capitales entièrement perdues ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Louis Carrère. Ça y est ! Ça recommence !

M. Daniel Reiner. Allons !

M. Jean-Louis Carrère. Il n'a rien compris !

M. Eric Doligé. Ecoutez, j'ai supporté pendant cinq ans, dans mon département, votre politique...

M. Jean-Louis Carrère. Et ce n'est pas fini !

M. Eric Doligé. ... d'inaction scandaleuse ! Alors permettez-moi de m'exprimer. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je me demande si, durant cette période, une seule personne du boulevard Saint-Germain s'est réellement souciée des dix morts annuelles sur le tronçon de cent kilomètres de la route nationale 60 reliant Montargis à Orléans.

Mme Hélène Luc. Cela fait plus de trois minutes, monsieur le président !

M. Eric Doligé. Je me demande si, durant cette période, une seule personne du boulevard Saint-Germain s'est souciée des drames qu'ont vécus certaines communes ou certains particuliers dont les terrains et propriétés ont été « gelés ».

Pour nous, élus locaux, les accidents sont des drames ; pour les services centralisés, ce sont des statistiques. Les élus locaux ne sont pas uniquement en fonction pour gérer l'insensibilité centralisés ; triste réalité que celle des élus totalement ignorés des ministres précédents et de leurs cabinets ! Notre collègue Philippe Leroy a clairement démontré l'efficacité des collectivités territoriales, à laquelle on a pourtant préféré, dans un passé récent, l'inertie de la république parisienne. Un mois après qu'il eut été nommé, mes chers collègues, M. de Robien avait reçu tous les parlementaires de notre département sans exception. En revanche, au cours des cinq années précédentes, l'ensemble de ces parlementaires, de droite ou de gauche, avaient demandé sans succès des rendez-vous à son prédécesseur et au Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Voilà vingt ans déjà, à l'unanimité, les élus, de l'est de la France à l'Atlantique, décidaient de promouvoir la réalisation du barreau autoroutier reliant Courtenay à Orléans, c'est-à-dire l'A 6 à l'A 10. Imaginez notre joie et notre reconnaissance lorsque, en 1996, M. Bernard Pons a donné son feu vert à la construction de l'autoroute A 19 ! Mais, à partir de 1997, à la suite du changement de gouvernement, nous allions assister à une guerre de tranchée de cinq années entre M. Gayssot et Mme Voynet. Tout fut remis en cause : les nouveaux drames routiers qui survenaient n'étaient pas un souci...

Ce débat est l'expression d'un changement profond. En un temps record pour un gouvernement, vous avez relancé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la réalisation de l'A 19. Cependant, il y a un « mais ».

Je ressens en effet quelques profondes insatisfactions. On sait que les collectivités se sont vu demander d'apporter 25 % du financement. En schématisant : « je paye, les autres encaissent ». Certes l'Etat investit également à hauteur de 25 %, mais il touchera les dividendes, et s'il décidait de privatiser - ce que je ne souhaite pas -, il récupérerait notre mise ! Ce point reste donc à étudier.

M. Jean-Pierre Plancade. Surveillez le ministre de très près !

M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, je vous demande de nous permettre, à nous qui payons, d'être des partenaires actifs et reconnus. Je vous réclame un retour sur investissement !

Par ailleurs, je vous remercie d'avoir désigné un ingénieur général comme interlocuteur du chef de file que je suis. C'est là un progrès, mais seulement en apparence. Entre lui et nous, en effet, il y a le DDE, le DRE, le préfet, voire le secrétaire général, et je ne sais qui d'autre encore ! Chassez les « filtres », ils reviennent au galop ! (Sourires.)

Je voudrais pourtant rappeler que l'on risque de nous demander d'investir à hauteur de quelque 150 millions d'euros. Par conséquent, je demande à avoir une prise directe sur ce dossier dans la même mesure. Il n'est pas possible de traiter ainsi un actionnaire probablement majoritaire ! Je souhaite être rapidement associé au dispositif, sachant que le temps court. Des solutions existent, mais nous devons être considérés autrement que comme de simples payeurs : nous voulons être des partenaires. Comme l'a dit M. Gérard Longuet, il existe d'autres solutions que celles qui avaient été retenues par M. Gayssot lors de l'abandon de l'adossement.

M. Jean-Louis Carrère. C'est une obsession !

M. Eric Doligé. Etes-vous prêt à rompre avec les habitudes et à envisager de vraies solutions ? Pourquoi ne pas accepter que nous puissions être concédants ?

Pour conclure, je me dois d'évoquer la liaison POLT. Bien sûr, nous défendons tous ce dossier, mais je rappelle, comme l'a fait tout à l'heure M. le ministre, que le Gouvernement n'a pris aucune décision, et que par conséquent ceux qui protestent contre un abandon ne savent pas lire, ni analyser les rapports.

Monsieur le ministre, le rôle d'un ministre n'est plus de « jouer la montre », comme ce fut le cas au cours des années passées ; le rôle des politiques n'est pas de faire échouer les dossiers, mais d'aboutir à des décisions positives : nous sommes là pour vous y aider. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait ce soir. Voulant faire oublier cinq années dramatiquement passives, l'opposition vous a sommé d'agir ; la majorité, quant à elle, vous a assuré de son soutien pour enfin donner des moyens à notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Henri Revol.

M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les mathématiciens disent que le hasard n'a pas de mémoire. Je n'en suis pas sûr. En effet, le sort m'a désigné ce soir comme le soixantième et dernier orateur. Or, soixante, c'est deux fois trente,...

M. Gilles de Robien, ministre. Oui ! Bravo ! (Sourires.)

M. Henri Revol. ... et je veux parler rapidement ici d'un projet d'infrastructure, certes local, évoqué seulement dans le tableau de synthèse des opérations routières non concédées en milieu urbain de l'audit du Conseil général des ponts et chaussées, qui ose prévoir la programmation d'un unique tronçon pour l'horizon 2020 : au mieux, c'est donc admettre une possible réalisation complète vers 2030, c'est-à-dire soixante ans après le démarrage des études. Nous y sommes : soixante, c'est-à-dire deux fois trente, mon rang d'intervention ce soir ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Plancade. Et Gayssot n'y est pour rien !

M. Henri Revol. Monsieur le ministre, à partir de cet exemple, qui est celui du contournement nord de Dijon, à propos duquel je me bats, en ma qualité de conseiller général du canton sur lequel il déroule tout son tracé, depuis 1970, je m'interroge sur le sérieux du rapport qui vous a été remis. J'ose espérer que l'analyse des grands projets présentés dans ce document, à partir duquel doivent être dégagées des priorités, ne repose pas sur une même ignorance de l'état du dossier, de son historique, des attentes des populations, du développement d'une métropole régionale, de l'urgence qu'il y a à engager les travaux alors que l'Etat a financé et réalisé voilà plus de vingt ans les deux ouvrages d'extrémité, dont le fonctionnement, en l'absence de la liaison intermédiaire, est désastreux, nuisible à l'écoulement du trafic et à la sécurité de la circulation pour des dizaines de milliers d'usagers qui, quotidiennement, subissent l'insupportable gêne des bouchons.

A plusieurs reprises, j'ai dénoncé le traitement de ce dossier, que je qualifie de scandale d'Etat tant les deniers ont été dilapidés, gaspillés en études, contre-études, enquêtes, réétudes, réenquêtes, pour finalement aboutir en 2003 au même tracé que celui qui avait été étudié en 1970, à quelques mètres près, mais avec un coût passant de 15 millions d'euros à 150 millions d'euros !

Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir diligenter une enquête sur l'historique de ce projet, de même que j'en souhaite un examen par la Cour des comptes.

Bien entendu, je demande la réalisation totale de cet ouvrage à l'horizon 2010 et non pas 2020 ; c'est le souhait unanime de tous les élus de la Côte-d'Or.

Permettez-moi, dans un autre domaine, d'évoquer très rapidement deux autres projets d'intérêt national.

Il s'agit d'abord du TGV Rhin-Rhône. Monsieur le ministre, chacun défend son projet, c'est légitime !

Je ne dirai qu'une chose : le projet du premier tronçon Mulhouse-Dijon est prêt ; les collectivités territoriales sont unanimes pour le soutenir, elles apporteront leur concours financier. Les entreprises de travaux public, en grande difficulté actuellement, sont l'arme au pied. Il faut donc engager au plus vite les travaux de cette liaison.

Le second projet est la liaison fluviale Rhin-Rhône, déjà défendu par nos éminents collègues que je ne cite pas car ils ont été très nombreux.

L'intérêt de la continuité des liaisons fluviales n'est plus à démontrer. Dans cette optique, il est urgent - personne ne peut le nier - de remettre sur le métier l'étude du maillon manquant entre le projet de liaison Est-Ouest, Le Havre-Paris-Nancy-Coblence, dont on a évoqué tout à l'heure les possibilités, et la liaison Sud existante, Marseille-Lyon et Pagny en Côte-d'Or. Rhin-Rhône, mes chers collègues, c'est aussi un axe majeur pour le développement durable de notre pays.

Merci, monsieur le ministre, de ce débat au cours duquel vous n'avez jamais relâché votre attention. J'ai confiance en votre capacité de discernement et je ne doute pas que vous proposerez, en liaison avec nos collectivités, les bonnes décisions pour un développement durable et équilibré de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-Pierre Plancade. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre, ainsi que Dominique Bussereau, de façon extrêmement brève à chacun des orateurs, qu'ils soient encore présents - et je n'ai qu'à m'en féliciter - ou qu'ils aient été obligés de partir ; je sais que chacun a de lourdes tâches à accomplir.

M. Laffitte a beaucoup insisté sur les flux est-ouest le long de l'arc méditerranéen et sur la nécessité d'améliorer les infrastructures et d'en construire de nouvelles.

J'ai eu l'occasion de réunir de nombreux élus de sa région. J'ai constaté un consensus et la mobilisation de tous autour du projet de ligne à grande vitesse vers Nice. J'ai d'ailleurs saisi le préfet pour mettre en place un comité de pilotage. Cela constitue un pas de plus vers la construction de l'arc méditerranéen.

A M. Teston, je dirai que la problématique des transports dans la vallée du Rhône et l'arc languedocien est particulièrement complexe. Elle aura suscité probablement le débat le plus long, le plus large jamais réalisé. M. Teston doit comprendre que ce débat mérite un niveau de préparation suffisant. L'objectif reste de l'organiser en 2004. Nous nous préparons à cette fin.

A M. Mercier, je veux dire combien sa vision était cohérente. Il m'a convaincu et beaucoup intéressé.

J'ai noté son souci d'assurer le financement des projets en mobilisant toute la panoplie des ressources envisageables.

Sur la liaison Saint-Etienne - Lyon, le Gouvernement a réaffirmé, lors du dernier CIADT, la nécessité de développer de nouvelles capacités compte tenu de sa congestion.

Il y a le projet de l'A 45. A cet égard, le préfet mènera la concertation dans le courant du mois. La question qui sera soulevée portera sur la juste comparaison entre l'A 45 et les aménagements de l'A 47, comme M. Mercier le suggère.

M. Courteau a insisté sur la forte croissance des trafics avec l'Espagne et sur l'importance de constituer un arc ferroviaire jusqu'en Espagne.

La section internationale Perpignan-Figueras et les contournements de Nîmes et de Montpellier sont à la fois les maillons critiques et les projets les plus avancés. Comme l'a déjà indiqué Dominique Bussereau, ces contournements viennent de franchir une nouvelles étape, d'ailleurs avec l'IMEC.

M. Oudin a dit énormément de choses intéressantes. Je veux d'abord le féliciter de sa contribution. Elle est vraiment le fruit d'un travail considérable, qu'il a mené à la fois dans le rapport qu'il a présenté à la commission des finances il y a une dizaine de jours et dans celui de l'association TDIE - transport, développement, intermodalité, environnement -, qu'il copréside.

Il souhaite des comptes clairs et exhaustifs. Qu'il le sache, mes services travaillent activement sur l'établissement de nouveaux comptes de transport. Nous serons prêts pour les présenter en septembre, comme il le souhaite.

Sur la loi de programmation, son idée est intéressante, s'agissant notamment de l'aspect de schéma de planification.

Je souscris aussi entièrement à son idée d'un fonds de péréquation, qui a été largement soulevée durant ce débat : créer un établissement public, c'est sans doute le meilleur moyen pour assurer la pérennité et la traçabilité des ressources vers les équipements de transport que nous souhaitons.

Enfin, je tiens à le remercier de son soutien précieux, ainsi que de celui du groupe UMP, au nom duquel il s'est exprimé.

J'ai beaucoup apprécié l'intervention de M. Percheron, avec qui j'ai de nombreux points d'accord.

J'ai entendu son plaidoyer en faveur d'un grand projet européen durable, utile à nos ports de Seine-Nord. Je suis de son avis : ce projet mérite d'être réalisé.

S'agissant du troisième aéroport, j'ai en effet dit « non » à la méthode. Je suis heureux qu'une mission parlementaire se soit emparée de ce sujet pour le replacer dans une stratégie globale. Nous allons, bien entendu, par respect envers l'Assemblée nationale, attendre les conclusions de son rapport.

M. Leroy a évoqué le TGV Est, qui est effectivement un projet européen. J'ai veillé à ce que le groupe animé par M. Van Miert le prenne en compte dans son ensemble, jusqu'à Strasbourg et au-delà. Il est aujourd'hui inscrit comme une composante d'un axe qui doit se prolonger au-delà de Munich.

M. Collomb a raison : la France ne doit pas se laisser marginaliser ; elle doit demeurer, bien sûr, dans cette sphère de croissance de l'Europe à vingt-cinq.

Qu'il ne s'inquiète pas trop : nous n'avons aucune intention de manquer de vision ou d'ignorer les enjeux européens globaux.

S'agissant de la liaison Lyon-Turin, faut-il redire que la France respectera ses engagements internationaux ? C'est le financement complexe de cette opération qui va déterminer le calendrier. Soyez persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, que nos partenaires italiens le savent aussi ; ces réalités s'imposent à eux comme à nous.

Monsieur Revet, je dois vous remercier d'avoir introduit les ports dans ce débat. Nos trente ports sont une chance pour la France. Le lien post-Hinterland est au coeur de nos préoccupations. Les élus des zones portuaires seront, bien sûr, associés à la relance du lien rail-port.

Je suis d'accord, bien sûr, pour que la Normandie mène sa propre expérimentation de cabotage. Il n'est pas dans nos intentions de limiter les lignes dédiées à deux itinéraires.

Monsieur Krattinger, vous vous êtes exprimé sur la Haute-Saône. La politique d'équipement que nous souhaitons mettre en oeuvre ne cherche nullement à laisser à l'écart certains territoires, bien au contraire. Afin de répondre à l'objectif de solidarité nationale, nous devons en effet assurer une desserte équilibrée de notre pays. En ce sens, le désenclavement de la Haute-Saône ne peut être oublié. Nous devons poursuivre l'aménagement des axes à la fois en est-ouest par la RN 19, Langres-Vesoul-Delle, et en nord-sud par la RN 57. Vous comprenez combien le débat revêt d'importance pour mobiliser les ressources nécessaires à la réalisation de ces travaux.

M. Picheral a déploré l'absence dans le rapport de l'audit de la ligne à grande vitesse Nice - Côte d'Azur.

Je rappelle que, lorsque l'audit a été engagé, aucune étude n'était disponible sur ce sujet. C'est probablement la raison pour laquelle il n'en a pas été fait mention.

Depuis, j'ai réuni les élus de la région, n'est-ce pas monsieur le maire de Nice ? (M. Jacques Peyrat acquiesce.)

J'ai constaté leur mobilisation et le consensus qui se dégage sur le projet. J'ai demandé au préfet de constituer un comité de pilotage pour qu'il avance et que soit déterminé, également dans le plus grand consensus, je l'espère, le tracé de la ligne.

Ce sera peut-être un peu plus difficile, mais la volonté de voir cette ligne construite est telle que l'entente devrait se faire malgré tout.

M. Godefroy a très justement rappelé le phasage du projet de liaison rapide Normandie-Vallée de Seine, la LRNVS. Ce projet prend tout son sens avec son prolongement par CDG express. La LRNVS s'inscrit donc dans la politique de desserte rapide des métropoles régionales que je défends avec mon collègue Dominique Bussereau. Le projet CDG express est à la fois intermodal, financièrement intéressant et indispensable à Roissy. M. Godefroy soutient donc des projets qui ont de très bons atouts.

Monsieur Demerliat, le Gouvernement n'a pas condamné le projet POLT. Il faut améliorer la desserte des villes concernées, mais nous devons aussi traiter avec les collectivités du problème très lourd des importants surcoûts sur le matériel roulant. En outre, il faut régler le déficit de fonctionnement que connaît cette ligne. Ne nous cachons pas derrière les problèmes ! Il vaut mieux affronter clairement les réalités, en toute transparence.

Monsieur Vial, en ce qui concerne la fin de l'adossement, je ne peux que souscrire à votre réflexion.

Sur la ligne Lyon-Turin, l'Etat, je le répète, respectera l'accord international, et nous avons veillé à ce que ce projet fasse bien partie des priorités européennes définies par le groupe Van Miert.

Monsieur Carrère, sur Bordeaux-Pau, l'appel d'offres est lancé, nous ouvrirons les plis le 18 juin pour les candidatures. J'ai noté votre soutien sur le projet Pau-Oléron.

Monsieur Valade, s'agissant de l'axe Bordeaux-Pau, je vous fais la même réponse qu'à M. Carrère.

Quant à l'A 63, il faut procéder à un élargissement de cette autoroute, dont la mise aux normes a été entreprise par mon prédécesseur. Pour cet élargissement, nous retenons l'option de la concession. Il reste à définir le niveau de péage à prélever. A cet égard, j'attends un avis du Conseil d'Etat sur la tarification des seuls poids lourds qui doit me parvenir prochainement.

M. Jean-Louis Carrère. Très bien !

M. Gilles de Robien, ministre. En ce qui concerne la RN 21, nous avons relancé l'étude de l'itinéraire.

Monsieur Sido, nous devons poursuivre l'amélioration de la RN 67 pour faciliter les relations entre Saint-Dizier et Chaumont.

Sur Paris-Bâle, nous devons à la fois étudier tous les moyens d'améliorer les temps de parcours à court terme et pérenniser cette ligne qui aura toujours un rôle important à jouer en matière de fret.

S'agissant de la ligne à grande vitesse Bretagne, vous vous êtes inquiétée, madame Herviaux, de l'avenir du projet Bretagne - Pays de Loire. M. Gérard nous a également fait part de sa mobilisation sur ce projet. Sa réalisation permettra de relier la Bretagne au reste de l'Europe avec le complément de l'interconnexion au sud de Paris.

Il me semble que ce projet s'inscrit naturellement dans une politique de transport tournée vers l'Europe. Au demeurant, soyons réalistes : l'essentiel des études restent à faire aujourd'hui, elles doivent être menées à un rythme soutenu. Viendront ensuite les travaux. Ces deux étapes, qui sont incontournables, vont prendre du temps ; ce n'est pas la peine de raconter des histoires et de faire de fausses promesses.

Monsieur Grignon, sur le transport fluvial, vos propositions sont toujours très intéressantes et mesurées ; je les apprécie beaucoup. Nous devons les étudier.

D'ores et déjà, nous devons améliorer l'entretien du réseau navigable parce qu'il est en mauvais état, relancer l'investissement pour l'interconnecter sur le reste de l'Europe, toujours dans cette logique européenne à long terme. Dans cette optique, nous venons de nommer un haut fonctionnaire comme observateur au sein de la Commission du Danube.

Monsieur Ostermann, sur le grand contournement de Strasbourg, les études progressent activement. Une consultation locale doit s'engager de mi-juin à mi-juillet 2003, pour définir la bande de trois cents mètres de passage du tracé de l'autoroute.

Sur le transfert des routes nationales, vous connaissez notre objectif : confier aux départements la gestion et l'exploitation de routes nationales d'intérêt local, avec le transfert des ressources correspondantes, bien évidemment.

M. Courtois a évoqué largement la route Centre Europe Atlantique, dont la mise à 2 × 2 voies reste évidemment toujours d'actualité. Nous devons atteindre cet objectif surtout pour des questions de sécurité, le trafic y étant énorme, comme je l'ai vérifié.

Pour y parvenir, des moyens financiers très importants restent, encore aujourd'hui, à mobiliser. C'est là tout le sens de notre débat.

M. Doligé a abordé des points importants, notamment la nécessité de faire confiance aux élus. Mais il a aussi parlé du passé et de l'A 19.

Le dossier de cette dernière a en effet été relancé. L'appel d'offres est lancé, l'ouverture des plis est prévue pour la mi-juin. Bien évidemment, monsieur le sénateur, vous serez associé à chaque étape de la procédure de mise en concession.

Je vais maintenant laisser à Dominique Bussereau le soin de répondre aux autres intervenants.

Auparavant, je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai le sentiment d'avoir participé avec vous à un débat que je qualifierai d'historique. Ce type de discussion ayant lieu une fois tous les dix ans, quinze ans ou vingt ans, cet adjectif ne me semble pas excessif.

Vous souhaitez avoir des transports performants, des transports financés dans la durée, des transports qui gardent à la France sa place au sein de l'Europe et qui, en même temps, soient facteurs d'aménagement du territoire.

Tout cela me semble à la fois raisonnable et ambitieux. Le temps de la politique est venu. Dominique Bussereau et moi vous demandons tout simplement d'être jugés sur nos actes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

520M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. En complément des réponses de M. de Robien, je dirai à Mme Terrade, qui a évoqué les projets Seine Nord et Port 2000, la liaison Rhin-Rhône et le cabotage maritime, que, contrairement à ce qu'elle pense, nous sommes animés d'une véritable volonté politique : dans le domaine maritime, par exemple, le comité interministériel de la mer, que le précédent gouvernement n'avait pas convoqué depuis plusieurs années, s'est réuni et a pris des décisions très positives. Nous aurons l'occasion de les évoquer à nouveau devant le Sénat.

M. Badré a évoqué le financement européen des réseaux transeuropéens, en particulier la liaison Lyon-Turin et l'axe du Brenner.

Sur Lyon-Turin, Gilles de Robien a déjà fourni les indications nécessaires.

Mme David a évoqué les problèmes de l'A 51, sur lesquels il n'y a pas eu de décision. Gilles de Robien ira sur place le 26 juin et réunira les élus concernés. En tout cas, le dossier avance convenablement.

M. Biwer a évoqué nombre de sujets, en particulier la réutilisation de la RN 18 plutôt que la création ex nihilo d'une nouvelle autoroute. Cette idée sera étudiée par Gilles de Robien et les services de l'équipement.

Mme Beaudeau a évoqué un grand nombre de points. Elle nous a fait part de sa vision de l'intermodalité air-rail pour la desserte de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle.

Son plaidoyer pour le troisième aéroport ne correspond pas aux positions qu'a adoptées le Gouvernement, mais c'est un débat qui peut être poursuivi. Sur tous les points concernant le troisième aéroport, il faut attendre les résultats de la mission parlementaire de l'Assemblée nationale, qui seront remis fin juin. Le Gouvernement les étudiera et naturellement en discutera avec le Parlement.

M. Vanlerenberghe a évoqué les problèmes de financement des infrastructures. Nous avons retenu son jugement sur la bonne utilisation des ouvrages existants. Il est vrai que, dans certains cas, un réseau qui est remis en forme, même s'il a vieilli, peut éviter le recours à de nouvelles infrastructures. Je crois que ses propositions seront retenues.

M. Le Cam a évoqué ce qu'il considère comme une absence de volonté gouvernementale de désenclaver la Bretagne. Il est vrai qu'en la matière M. Gayssot avait fait un certain nombre de promesses que nous devons maintenant honorer et pour lesquelles il nous faut trouver des financements. C'est le cas pour Notre-Dame-des-Landes, pour le TGV vers la Bretagne, qui a été évoqué également par d'autres sénateurs, pour le cabotage. Dans tous ces domaines, nous avons l'intention d'avancer.

M. Gruillot, qui connaît remarquablement les problèmes fluviaux, a évoqué le canal Rhin-Rhône, sur lequel Gilles de Robien a déjà répondu. L'ancien dossier Rhin-Rhône, qui était assez pharaonique, a été abandonné par le précédent gouvernement. On peut le regretter, mais c'est un fait. Néanmoins, il est envisageable d'étudier un ouvrage moins pharaonique, permettant l'utilisation des infrastructures existantes avec les bateaux rhénans de 110 mètres. Les propositions qui émanent du Sénat à cet égard sont tout à fait intéressantes, et le Gouvernement les examinera avec une attention toute particulière.

Mme Gourault a évoqué la saturation de l'autoroute A10 dans la région Centre, le projet d'A 110 et un certain nombre de contournements routiers, dont Gilles de Robien et moi-même avons bien pris note.

Sur le projet POLT, que d'autres orateurs - notamment Eric Doligé - ont également abordé, j'ajoute à ce qu'a dit Gilles de Robien qu'il ne faut pas faire de procès d'intention.

D'abord, les conclusions du rapport de la DATAR et de l'audit n'étaient pas aussi horribles que certains l'ont laissé entendre.

Ensuite, lors de la précédente législature, le PREDIT, le programme de recherche et de développement pour l'innovation et la technologie dans les transports terrestres, que je présidais, avait travaillé, à la demande de la SNCF, sur l'idée consistant à faire penduler une rame de type Paris-Lyon, c'est-à-dire une rame PSE. Or la SNCF s'est rendu compte, à la suite des essais effectués en particulier vers Limoges, qu'il fallait, pour que cela fonctionne, faire penduler des rames atlantiques, qui sont plus puissantes et qui sont susceptibles de gravir les rampes du Massif central. Mais faire penduler une rame atlantique, cela coûte deux fois plus cher !

Nous nous retrouvons donc avec un projet dont le coût en matériel est doublé ; d'où les problèmes de financement que Gilles de Robien a évoqués. Mais je crois que ces problèmes peuvent être réglés. En tout cas, ils le seront avec beaucoup de bonne foi par le Gouvernement.

Madame Luc, je vous dirai, sans entrer dans une polémique, que l'objectif de M. Gayssot de doubler le fret ferroviaire était certes louable, mais que nous avons bien été obligés de constater, malheureusement, pendant les deux dernières années de l'exercice de ses fonctions ministérielles, une baisse du trafic. C'est pourquoi, plutôt que d'afficher des objectifs que nous ne pourrions pas atteindre, nous préférons donner à la SNCF des objectifs plus réalistes, car il ne sert à rien de faire rêver les gens sur des objectifs que, économiquement, on ne peut tenir.

M. Jean Boyer a évoqué un certain nombre de problèmes routiers, en particulier la RN 88 et l'A 45, sur lesquels nous lui répondrons directement ; Gilles de Robien a d'ailleurs également apporté une réponse sur ce point à M. Mercier.

M. Moreigne a évoqué le projet POLT, sur lequel je ne reviens pas. Il a aussi abordé une question plus délicate : la ligne Bordeaux-Lyon. C'est un vrai problème parce que, sur cette ligne, circulent de vieux matériels, des anciennes rames turbo qui étaient utilisées en Normandie et qui sont à bout de souffle. C'est une ligne sur laquelle la SNCF perd beaucoup d'argent. Parlons clair : elle aurait envie de redonner cette ligne aux régions, mais cela deviendrait une ligne interrégionale plutôt qu'une ligne nationale d'aménagement du territoire. Dans la concertation avec les régions et avec la SNCF, nous allons définir ensemble des solutions de remplacement parce qu'il y a un réel problème de rentabilité de cette liaison Bordeaux-Lyon, qui n'est pas pratique, du fait de nombreux rebroussements.

M. Jean-Louis Carrère. Serons-nous associés ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Bien sûr, les élus seront associés à cette démarche, monsieur le sénateur. Cela va de soi !

Mme Gautier a évoqué Notre-Dame-des-Landes, le TGV Bretagne, le cabotage maritime. Ce sont des sujets qui sont au coeur des préoccupations du Gouvernement.

M. Jean-François Legrand, président - je dirais presque à vie ! (Sourires) - du Conseil supérieur de l'aviation marchande, où son talent et sa grande connaissance des dossiers sont si utiles, a évoqué des points qui correspondent à nos préoccupations : le fret ferroviaire express, qui peut être une alternative au trafic nocturne à Roissy, avec l'utilisation de Vatry et de Châteauroux, ce qui ne peut que réjouir notre ami M. Gerbaud.

S'agissant de l'évolution du FIATA, on voit bien qu'il y a beaucoup de demandes et qu'il n'y a plus assez de crédits. La réflexion que M. Le Grand a engagée sur le FIATA est donc tout à fait intéressante.

Le projet CDG express, qui a été également évoqué par d'autres orateurs, nous intéresse, comme il intéresse la région d'Ile-de-France, la ville de Paris, la RATP, la SNCF, Aéroports de Paris, Air France. C'est donc un projet que nous devons faire avancer, tout en améliorant - je le dis à l'intention des élus de la région parisienne - la ligne B, parce qu'on ne peut pas à la fois faire CDG express et maintenir la ligne B dans un état qui ne serait pas convenable. Il nous faut donc essayer de progresser sur les deux dossiers.

M. Le Grand a, en outre, évoqué les nuisances sonores. C'est un problème auquel Gilles de Robien s'est particulièrement attaché avec les mesures prises l'année dernière, le 28 juillet.

M. Pépin a évoqué le fluvial, l'axe mer du Nord-Méditerranée, le Lyon-Turin. Nous partageons sa vigilance sur le glissement vers l'est du centre de gravité de l'Europe. C'est en effet un des points qui justifient le Lyon-Turin, afin d'éviter que la France ne soit plus un axe de transit. Certes, il n'y a pas que des avantages à être un axe de transit, mais cela permet au moins d'assurer la logistique, ce qui n'est pas inintéressant pour notre pays.

M. Madrelle, ainsi que beaucoup d'autres orateurs de sa région, a évoqué les problèmes de l'Aquitaine et de l'agglomération bordelaise.

Sur le contournement de Bordeaux, Gilles de Robien a saisi la Commission nationale du débat public. Un consensus se dessine plutôt sur le contournement ouest, qui dessert également l'aéroport de Mérignac, de préférence au contournement est.

Quant à la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, elle avance bien. Nous avons progressé sur les études d'APS pour la deuxième partie, entre Tours et Angoulême, complémentaire de la partie Angoulême-Bordeaux, qui était déjà lancée.

Gérard Longuet a évoqué en particulier les questions de cohérence territoriale des infrastructures et a lancé l'idée d'un schéma régional de transports collectifs, idée que l'on peut relier à celle de loi de programmation, qu'a développée M. Oudin.

Faut-il une loi de programmation ? Faut-il un CIADT ? Cela peut se discuter. Mais l'idée de schémas régionaux de transports collectifs me paraît mériter que nous continuions à y travailler, en particulier, monsieur Larcher, avec la commission des affaires économiques du Sénat.

M. Etienne, président de la région Champagne-Ardenne, a développé une vision très lotharingienne de sa région. Rien n'y manquait : la route, les débouchés portuaires, le rail, l'air. Nous avons apprécié la qualité de ses propositions et, naturellement, nous en ferons le meilleur usage.

M. Jean-François Humbert a évoqué, lui aussi avec beaucoup de talent, l'ensemble des projets de sa région de Franche-Comté. La RN 19 entre Vesoul et la Suisse fait l'objet d'études bien avancées. La concession est-elle, monsieur le sénateur, la formule la meilleure pour financer Langres-Vesoul ? C'est un point sur lequel Gilles de Robien n'a pas encore tranché, mais qui est à l'étude.

Quant au TGV Rhin-Rhône, il fait évidemment partie des projets qui retiennent l'attention du Gouvernement. On voit bien que c'est un axe intéressant. Comme vous l'avez rappelé, il est européen, il ne passe pas par Paris et il concerne nos voisins suisses. Il est dédié au fret et non pas seulement au TGV.

Bien entendu, il ne faudra pas oublier la modernisation de la ligne 4, c'est-à-dire de la ligne classique Paris-Mulhouse, même si Mulhouse, à terme, sera desservie par le TGV Rhin-Rhône, via Dijon.

M. Jacques Blanc a évoqué, avec beaucoup de vivacité et de talent, les projets qui le concernent : le contournement de Nîmes et de Montpellier et l'axe Perpignan-Figueras. Nous respectons les délais : avant le mois de juin, nous aurons relancé des opérations et nous ne prendrons que six mois de retard après l'incident qui est survenu dans le déroulement de la procédure administrative.

J'ai aussi pris bonne note des propositions de M. Blanc sur le cabotage maritime.

M. Plancade a tenu des propos très réalistes, et je l'en remercie. Nous sommes, en effet, très sensibles, monsieur Plancade, aux liaisons avec l'Espagne, pays avec lequel le trafic se développe de façon extraordinaire. Cela nous place dans l'obligation d'engager une réflexion avec nos homologues espagnols : où passera la nouvelle traversée ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, mais il y aura un passage à travers les Pyrénées, c'est-à-dire en plus de ceux de Perpignan et d'Hendaye. Cet axe sera certainement dédié au fret ferroviaire. En tout cas, c'est un sujet très important vu l'essor économique que connaît la péninsule Ibérique.

Vous avez également évoqué le TGV Toulouse-Bordeaux. Pour le Gouvernement, la desserte de Toulouse doit se faire par Bordeaux. Le projet POLT intéresse plutôt le Limousin et Cahors, mais au-delà, il n'a pas de pertinence pour desservir Toulouse.

Il y a deux destinations importantes au départ de Bordeaux : Toulouse et l'Espagne. Il faudra un arbitrage ou une avancée conjointe des deux projets. Cela dépendra des moyens de financement que le Gouvernement décidera, à l'issue de ce débat, de proposer au Parlement pour l'ensemble de ces infrastructures. Nous espérons, bien sûr, que cette proposition donnera lieu à un très large consensus dans les deux assemblées, ne serait-ce que pour s'assurer que ces mesures auront une vocation universelle et durable, à la différence de certains fonds que Gilles de Robien évoquait au début de son propos.

M. Vidal a cité de nombreux projets intéressant la région PACA, qui recueillent toute notre attention.

M. Jean-Pierre Sueur a évoqué le projet POLT ; j'en ai parlé à l'instant.

M. Jacques Peyrat, maire de Nice, s'est exprimé de manière très forte sur la saturation de l'aéroport de Nice-Côte-d'Azur et sur son souhait de voir se réaliser une desserte TGV, qui serait une des plus rentables de notre pays. Il faut avancer à la fois sur le dossier de la ligne à grande vitesse vers Nice, penser au développement du hub de l'aéroport de Nice. C'est un dossier très légitime.

Je sais, monsieur Peyrat, que vous êtes également intéressé par les problèmes maritimes. Fos-Savone n'est pas la seule ligne maritime possible, et le port de Nice peut jouer un rôle important. Il faut aménager l'ensemble de la desserte maritime de Nice.

Enfin, le ministère de l'équipement prépare la saisine de la Commission nationale du débat public, d'ici à la fin de l'année, sur le projet de contournement autoroutier de Nice, comme vous le souhaitez.

M. Jacques Peyrat. Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est au côté de Philippe Richert pour faire en sorte que Strasbourg joue pleinement son rôle européen.

Le sommet franco-allemand du 10 juin, qui se tiendra à Berlin, permettra d'évoquer l'interconnexion du TGV Est avec le réseau allemand. C'est l'intérêt de Strasbourg, car, si l'interconnexion est réalisée, l'aéroport de Francfort offrira à Strasbourg une excellente desserte aérienne, ce qui, avec son propre aéroport et celui de Mulhouse, confortera cette ville dans son rôle de capitale européenne.

M. Emorine a évoqué beaucoup de dossiers concernant son département et sa région. Il a notamment parlé de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, qui intéresse le sud de la Bourgogne et la région Rhône-Alpes. Nous sommes à peu près sûrs que, dans le cadre du rapport parlementaire que vos collègues députés remettront à la fin du mois, l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry apparaîtra comme l'une des grandes possibilités de développement aéronautique en France. Naturellement, nous ne pouvons pas en avoir pour l'instant la certitude, mais nous percerons bien toute l'importance de « Saint-Ex » avec la liaison venant de Lyon que réalise le président Mercier, avec la gare TGV.

Enfin, au soixantième orateur, qui ne fut pas le moindre, M. Revol, je dirai que nous prenons l'engagement de reprendre le dossier de la ligne intercommunale nord-ouest de Dijon, la LINO, comme il le souhaite. Pour ce qui est du projet Rhin-Rhône, il est clair que ce que nous en pensons va dans le sens des préoccupations de M. Revol.

Mme Hélène Luc. Et sur l'aéroport d'Orly ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Madame Luc, nous avons un vrai souci avec cet aéroport, qui est actuellement sous-utilisé : les 250 000 mouvements que lui avait assignés Bernard Bosson, sous le gouvernement d'Edoudar Balladur, ne sont pas atteints. La sous-utilisation touche en particulier, à certaines heures, l'aérogare d'Orly Sud.

Dans le cadre des nouveaux créneaux qui ont été accordés par le COR après la fin des activités d'Air Lib, nous étudions les moyens qui permettraient de conforter Orly - dans le respect du « couvre-feu », bien sûr - en assurant le plus possible de mouvements, de manière qu'Orly soit un véritable complément de Roissy et n'apparaisse pas comme une plate-forme en perte de vitesse, ce qui serait dommage pour votre département du Val-de-Marne.

Mme Hélène Luc. Il doit y avoir une table ronde !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Mais nous l'organiserons, madame !

M. Gilles de Robien et moi-même tenons, monsieur le président, à vous remercier infiniment de votre courtoisie et de votre longue patience. Nos remerciements vont également à l'ensemble des commissions, ainsi qu'à la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, qui ont travaillé à la préparation de ce débat, à tous les sénateurs, dont le courage et le sens républicain ont été assez vigoureux pour qu'ils y assistent jusqu'au bout.

Je veux également rendre hommage à l'audit dont il a tant été question et qui, s'il a été critiqué, a eu le mérite d'ouvrir le débat : en démocratie, l'important c'est le débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes très sensibles aux remerciements que vous venez de formuler. A notre tour, nous voulons vous remercier de votre présence, de votre patience également, ainsi que l'ensemble de vos collaborateurs.

Nous nous sommes inquiétés un moment du dépassement du temps de parole. Toutefois, sur l'ensemble du débat, il ne fut que de 12,8 %, ce qui est relativement raisonnable.

Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 323 et distribuée et, par ailleurs, mise en ligne sur le site Internet du Sénat.