M. le président. « Art. 25. - Le premier alinéa de l'article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Un conseil départemental d'insertion, composé notamment de représentants des services de l'Etat, des collectivités territoriales et des organismes concourant à l'insertion sociale et professionnelle, est placé auprès du président du conseil général.
« Le conseil départemental d'insertion émet un avis sur le programme départemental d'insertion. Il est informé de son exécution.
« Le président du conseil général préside le conseil départemental d'insertion et arrête la liste de ses membres. Les membres mentionnés au premier alinéa du présent article sont désignés par les personnes morales qu'ils représentent. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 112, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 14, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots : "et des organismes concourant à l'insertion sociale et professionnelle" par les mots : ", des organismes chargés de l'emploi et de la formation professionnelle et des autres personnes de droit public ou privé, notamment des associations, oeuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion". »
L'amendement n° 74, présenté par M. Chabroux, Mme Blandin, M. Cazeau et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots : "et des organismes coucourant à l'insertion sociale et" par les mots : ", des organismes et des associations concourant à l'insertion sociale et professionnelle et à la formation". »
L'amendement n° 75, présenté par M. Chabroux, Mme Blandin, M. Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 263-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Le conseil départemental d'insertion élabore le programme départemental d'insertion. Il est tenu informé régulièrement de son avancement. Le président du conseil général lui soumet un rapport annuel, y compris financier, au plus tard quinze jours avant l'adoption du programme annuel. Pour le calcul de l'ajustement de son concours financier, l'Etat tient compte des prévisions établies par le programme départemental d'insertion pour l'année suivante. »
La parole est M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 112.
M. Roland Muzeau. Dans la mesure où la composition nouvelle des conseils départementaux d'insertion et la définition de leurs compétences ne sont pas de nature à garantir la bonne marche du dispositif d'insertion, au-delà même de la question que nous avons précédemment traitée, le groupe communiste républicain et citoyen propose de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. Pour améliorer la lisibilité du texte, il paraît nécessaire de désigner de la même manière les organismes qui apportent leur concours au département pour l'insertion des bénéficiaires du RMI mentionnés à l'article L. 263-1 et ceux qui participent au conseil départemental d'insertion prévu à l'article L. 263-2.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre les amendements n°s 74 et 75.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 74 vise également les associations qui concourent à l'insertion sociale et professionnelle et à la formation. Nous proposons de compléter l'énumération des membres du conseil départemental d'insertion sur deux points, en nous rapprochant du texte actuellement en vigueur.
Tout d'abord, il serait bon de rappeler que les associations, au-delà du terme générique d'organismes, y sont représentées en tant que telles. Comme lors de l'examen de l'article précédent, nous rappelons que la volonté d'éliminer les associations du débat serait irréaliste. Nous sommes heureusement revenus quelque peu en arrière. Une conception administrative de l'insertion qui ne s'embarrasse ni de nuances ni de contradicteurs conduirait à des difficultés, voire à des polémiques.
Nous voudrions aussi indiquer que les organismes et les associations concourant à l'insertion et à la formation professionnelle doivent participer aux débats du conseil départemental d'insertion. Il ne s'agit nullement de confondre les compétences et les finances des régions et des départements, mais il ne faudrait pas s'effaroucher à l'avance de voir siéger des organismes et des associations de formation professionnelle au CDI.
La notion fondamentale qui devrait nous guider dans ce débat est l'intérêt des RMIstes et nous voyons mal, de ce point de vue, comment séparer l'insertion de la formation. Encore une fois, nous avons l'impression que certains ont une vision technocratique qui va exactement à l'opposé des besoins et des réalités.
Dans l'amendement n° 75, nous proposons de maintenir les compétences actuelles du conseil départemental d'insertion en matière d'élaboration du plan départemental d'insertion et de suivi.
Comme dans le cas des commissions locales, nous retrouvons, à l'article 25, la volonté de réduire tous les partenaires du conseil général à un rôle consultatif.
Je le répète, il n'y a pas de suspicion à l'égard des conseils généraux. Mais il s'agit de prestations nationales, d'un impératif national de lutte contre les exclusions, et il est normal de s'entourer de certaines garanties.
Le CDI n'est plus autorisé qu'à émettre un avis dont on ignore s'il sera tenu compte et même s'il sera rendu public. Il sera informé de l'exécution du programme départemental d'insertion. Nous ne disposons pas d'autres informations. Selon quelles modalités ? Avec quelle fréquence ? Il n'est surtout pas prévu ici qu'il émette un avis qui pourrait se révéler critique ou même nuancé. Cela nous semble excessif.
A ce point du débat, il apparaît clairement que nous nous dirigeons vers une gestion administrative et comptable des personnes en difficulté. C'est un vrai risque.
Certes, de nombreux conseils généraux, et pas forcément les plus riches d'entre eux, ont su innover et octroyer des moyens humains et financiers à leur politique d'insertion. Sans doute vont-ils continuer, mais la tentation sera réelle de travailler au plus juste pour d'autres et d'utiliser au maximum le RMA pour présenter des statistiques avantageuses.
Nous savons qu'un programme départemental d'insertion peut être rédigé en termes généraux. C'est également un risque pour les présidents de conseils généraux sur lesquels va peser, avec des transferts financiers aléatoires, la charge totale de l'allocation et de l'insertion.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 112 a pour objet de revenir au droit en vigueur. La commission émet donc un avis défavorable.
Je formulerai cependant deux remarques. L'article 25, tel que modifié par la commission des affaires sociales, ne paraît pas offrir des garanties suffisantes en termes de composition des conseils départementaux d'insertion. S'agissant des missions de ces conseils, le transfert du programme départemental d'insertion au conseil général me paraît de nature à favoriser des programmes plus efficaces et mieux financés.
La commission souhaite cependant le retrait de l'amendement n° 74, qui est satisfait par l'amendement n° 14 de la commission précisant la composition du conseil départemental d'insertion.
L'amendement n° 75 vise à rétablir la compétence du conseil départemental d'insertion en ce qui concerne l'élaboration du programme départemental et à préciser les conditions dans lesquelles il est informé de son exécution. Il prévoit également que l'Etat tiendra compte des prévisions établies par le programme départemental d'insertion pour ajuster son concours.
Cet amendement appelle deux remarques. Tout d'abord, s'agissant de l'élaboration du programme départemental d'insertion, il convient de rappeler que le conseil général disposera désormais des prévisions et des propositions élaborées par les commissions locales d'insertion. Son information paraît dès lors tout à fait suffisante. Dans la mesure où le conseil général dispose directement des crédits nécessaires au financement du programme départemental d'insertion, il est permis de croire que son contenu sera plus précis et plus réaliste qu'aujourd'hui.
En ce qui concerne la prise en compte par l'Etat des prévisions établies par le programme départemental, la commission partage le souci des auteurs de l'amendement d'une articulation cohérente avec la politique de l'emploi menée par l'Etat. C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 15 qu'elle proposera par ailleurs prévoit que des conventions entre le département et l'Etat puissent aménager les conditions de sa participation à l'effort en faveur de l'insertion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. S'agissant de l'amendement n° 112, le Gouvernement a le même avis que la commission ; il souhaite le rejet de cet amendement qui contrarie l'objectif même du texte qui consiste à donner au conseil général le complet pilotage du revenu minimum d'insertion.
Pour ce qui est de l'amendement n° 14, le Gouvernement émet le même avis que celui qu'il a donné sur l'amendement n° 13. Il considère que cet amendement n'améliore pas réellement la rédaction de l'article 25, mais il s'en remet à la sagesse du Sénat. Si, comme le Gouvernement le pense, la Haute Assemblée suit la commission et adopte cet amendement, l'amendement n° 74 n'aura plus d'objet.
S'agissant de l'amendement n° 75, le Gouvernement considère que le conseil départemental d'insertion n'a pas à se substituer aux compétences du conseil général qui élabore et adopte désormais le programme départemental d'insertion. Il est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement est adopté.).
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 74 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
M. le président. « Art. 26. - L'article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 263-3. - Le programme départemental d'insertion est adopté chaque année par le conseil général avant le 31 mars. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 113, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 15, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 263-3. - Le programme départemental d'insertion recense les besoins de la population et l'offre locale d'insertion et planifie les actions d'insertion correspondantes.
« Il est adopté chaque année par le conseil général, après avis du conseil départemental d'insertion, avant le 31 mars de l'année en cours.
« Le président du conseil général met en oeuvre le programme départemental d'insertion soit directement soit en passant convention avec les personnes publiques et les organismes mentionnés à l'article L. 263-1. »
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, si vous le permettez, cette défense d'amendement vaudra également pour les amendements n°s 113 et 114.
Cet article, comme le précédent et le suivant, modifie le dispositif départemental d'insertion en tirant toutes les conséquences de la décentralisation de l'insertion au profit du département.
Avec ce texte, non seulement le département focalisera l'ensemble des pouvoirs en matière de planification, mais il organisera également comme il l'entend les instances départementales, qui sont par ailleurs vidées de leurs compétences.
S'agissant en l'espèce du conseil départemental de l'insertion, le code de l'action sociale et des familles détaille actuellement les organismes qui doivent être représentés : les entreprises, les organismes ou associations intervenant dans le domaine économique et social ou en matière de formation professionnelle, membres des CLI. A présent, il est simplement fait référence à « un socle de base » dans lequel les associations et les services de l'emploi ne figurent plus. Comment envisager que ces acteurs indispensables à la bonne marche de l'insertion ne soient pas représentés ?
Par ailleurs, le conseil départemental d'insertion n'aura plus à examiner les programmes d'insertion ni à élaborer le programme départemental d'insertion, programme dont le contenu et le champ d'application ne sont même plus précisés.
A cet égard, la commission des affaires sociales craint que le département, faute de cadrage suffisant dans le programme départemental d'insertion, ne soit plus tenu d'engager des crédits obligatoires d'insertion.
Entièrement libre de piloter l'insertion, le département sera-t-il effectivement plus efficace ?
Il le sera peut-être si l'objectif est d'inciter les allocataires à entrer dans l'emploi, dans des dispositifs précaires répondant aux besoins du tissu économique local, saisonniers par exemple.
Il ne le sera sûrement pas s'il s'agit de définir des actions d'insertion sociale et professionnelle, de sécuriser les trajectoires de resocialisation des personnes les plus fragiles en leur donnant les moyens de réaliser les objectifs de leur contrat d'insertion.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 15 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 113.
M. Bernard Seillier, rapporteur. La rédaction proposée par le projet de loi concernant le programme départemental d'insertion se borne à prévoir les délais dans lesquels celui-ci doit être adopté chaque année par le conseil général. La décentralisation du pilotage de l'insertion a évidemment pour corollaire la liberté d'action du département dans la définition des orientations du programme d'insertion. L'adoption de celui-ci par le conseil général en est la meilleure expression. Il ne s'agit donc pas de revenir sur ce principe.
Il reste que la nature et les modalités de mise en oeuvre du programme ne sont définies nulle part. Sans entraver la liberté d'action du département, la commission vous propose de donner un cadre à ces programmes, en insistant tout d'abord sur la nécessité de recenser non seulement les besoins mais également l'offre d'insertion, en visant ensuite, conformément à l'esprit de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, un public plus large que les seuls bénéficiaires du RMI, en précisant enfin la manière dont les différents acteurs locaux peuvent, à travers des conventions laissées à la libre appréciation du président du conseil général, apporter leur concours à sa mise en oeuvre.
Par l'amendement n° 15, la commission n'entend évidemment pas renforcer les caractéristiques de notre pays, qui a pu être qualifié de « sur-administré et sous-organisé ». Il s'agit de perfectionner notre organisation et non pas la sur-administration.
Pour ce qui est de l'amendement n° 113, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 113.
S'agissant de l'amendement n° 15, le Gouvernement a là encore souhaité, dans le respect de l'esprit de la décentralisation, laisser l'initiative de la définition du programme départemental d'insertion au département. La possibilité pour le département de passer des conventions pour la mise en oeuvre de ce programme est déjà prévue par une autre disposition du texte.
Cela étant, l'amendement de la commission va dans le sens souhaité par le Gouvernement de renforcer la gestion, l'animation et le suivi de proximité de l'insertion du RMI. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié.
(L'article 26 est adopté.)
M. le président. « Art. 27. - I. - Aux articles L. 263-4 et L. 263-14 du code de l'action sociale et des familles, les mots : "conseil départemental d'insertion" ou "conseil départemental" sont remplacés par les mots : "conseil général".
« II. - L'article L. 263-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le département peut déléguer à des communes ou à des établissements publics de coopération intercommunale la mise en oeuvre de tout ou partie du programme local d'insertion. Une convention entre les parties fixe les modalités de cette délégation et du suivi de son exécution. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 263-4 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 263-4. - Le conseil général examine et approuve les programmes locaux d'insertion. Il affecte, le cas échéant, des moyens à leur exécution.
« Le département peut déléguer à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale compétent la mise en oeuvre de tout ou partie d'un programme local d'insertion. Une convention entre les parties fixe les modalités de cette délégation et du suivi de son exécution. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 76 est présenté par M. Chabroux, Mme Blandin, M. Cazeau et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 114 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le I de cet article. »
L'amendement n° 77, présenté par M. Chabroux, Mme Blandin, M. Cazeau et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa du II de cet article :
« Le département peut déléguer à des communes, à des établissements publics de coopération intercommunale ou à des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale la mise en oeuvre de tout ou partie du programme local d'insertion. Une convention entre les parties fixe les modalités de cette délégation, y compris sur le plan financier, et du suivi de son exécution. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 16 rectifié.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Afin d'améliorer la lisibilité du projet de loi, la commission vous propose de limiter le champ de cet article à l'article L. 263-4, les modifications prévues pour l'article L. 263-14 étant renvoyées à un article additionnel après l'article 32.
Cet amendement reprend et précise donc les modifications initialement proposées par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 263-4.
Celui-ci tirait les conséquences du transfert au président du conseil général de l'adoption du programme départemental d'insertion. En effet, dès lors que le programme départemental d'insertion est adopté directement par le conseil général, il lui revient, en toute logique, d'examiner les programmes locaux d'insertion pour en vérifier la cohérence avec les orientations décidées au niveau départemental.
Mais la rédaction proposée par l'article 27 ne tire pas toutes les conséquences de ce transfert. Si le conseil départemental d'insertion ne pouvait que proposer d'affecter des moyens à un programme local d'insertion, tel n'est plus le cas du conseil général, qui dispose directement des financements ; cet amendement précise donc que le conseil général peut affecter directement des financements aux programmes locaux d'insertion.
Dans la mesure où l'article 29 prévoit que la compétence des commissions locales d'insertion se limite désormais, en matière de programme local d'insertion, à un simple pouvoir de proposition, il est nécessaire de prévoir son approbation formelle par le conseil général.
Le deuxième alinéa de cet amendement reprend, avec quelques précisions, les dispositions du paragraphe II de l'article et prévoit la possibilité pour le département de déléguer la mise en oeuvre d'un programme local d'insertion à une commune ou à un groupement de communes compétents en ce domaine.
La rectification, qui résulte d'une opportune suggestion de M. Mercier, tend donc à préciser qu'un établissement public de coopération intercommunale doit avoir au préalable reçu compétence en matière sociale pour obtenir la délégation du département.
La commission souhaite que la rédaction qu'elle propose soit retenue, et elle est donc défavorable aux autres amendements sur l'article 27.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 76.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Roland Muzeau. J'ai déjà eu l'occasion d'exposer les raisons qui motivent cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 77.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement tend à préciser le rôle des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale dans le dispositif. Nous souhaiterions les voir cités après les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, dans le second alinéa du II de l'article 27. Ces centres pourraient en effet être chargés de la mise en oeuvre de tout ou partie du programme local d'insertion.
Par ailleurs, nous souhaitons préciser que la convention entre les parties fixe les modalités de la délégation « y compris sur le plan financier ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Sur l'amendement n° 16 rectifié, qui fait partie de ces amendements dont j'ai déjà dit qu'ils ne visaient pas à véritablement modifier la portée juridique du texte mais plutôt à envoyer des messages, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Sur les amendements identiques n°s 76 et 114, le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
Il est également défavorable à l'amendement n° 77, qui ne change rien : d'une part, le département a évidemment latitude de travailler avec les CCAS ; d'autre part, le fait d'inscrire cette possibilité dans le texte ne le contraint pas à en user.
Je ne vois pas de quoi on parle : ou bien les départements construisent une politique d'insertion avec les acteurs sur le terrain, ce qu'ils font d'ailleurs déjà, ou bien il faut changer de logique et donc sortir de la logique de la décentralisation.
On entre à nouveau là dans le domaine des « signes », signes qui, d'un côté de cet hémicycle, semblent être plutôt des signes de défiance à l'égard de la décentralisation et du conseil général, alors que, de l'autre, ce sont, semble-t-il, des signes positifs destinés à rassurer les uns ou les autres.
En tout état de cause, l'esprit du texte est bien de laisser une grande liberté aux départements pour organiser l'insertion de la manière la plus efficace possible et en fonction des conditions locales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 27 est ainsi rédigé et les amendements n°s 76, 114 et 77 n'ont plus d'objet.
M. le président. « Art. 28. - Les articles L. 263-6 à L. 263-8 du code de l'action sociale et des familles sont abrogés. »
L'amendement n° 55, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Dans cet article, remplacer les références : "L. 263-6 à L. 263-8" par les références : "L. 263-5 à L. 263-9". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Les articles L. 263-5 et L. 263-9 du code de l'action sociale et des familles font obligation aux départements d'inscrire annuellement dans leur budget un crédit au moins égal à 17 % des sommes que l'Etat leur a versées l'année précédente au titre du RMI.
L'article 28 ne prévoit pas l'abrogation de ces dispositions, dont on sait pourtant qu'elles sont inopérantes.
Maintenir ces dispositions me semble en outre le signe d'une forte hésitation à l'égard de la décentralisation : en somme, on ne fait pas confiance aux départements pour conduire les opérations d'insertion et pour assurer la gestion de l'ensemble du système RMI-RMA.
J'insiste pour ma part sur la notion de confiance, d'autant que l'affaire ne sera pas facile à mener.
Il est évident que les départements ont acquis, depuis la mise en place du RMI, une pratique et un savoir-faire.
On parle de la nécessité d'envoyer des signes ou des messages aux uns et aux autres, mais il y a longtemps que les associations, communes, CCAS et conseils généraux travaillent ensemble. Il n'y a pas sur le terrain cette suspicion, cette crainte qui sourd de certains propos depuis hier soir.
Le projet de loi vise en quelque sorte à recentrer le RMI sur son objet : le département se voit confier la charge de gérer l'ensemble du système afin, grâce au RMA - et à l'accompagnement social si souvent nécessaire - d'amener les allocataires du RMI vers un retour à l'emploi dans le système normal. Réussir la réinsertion est le but même du système.
Tout au long du texte, la compétence confiée aux départements a été assez largement encadrée. Je crois que les présidents et élus des conseils généraux acceptent cet encadrement.
Ils acceptent, je l'ai dit hier, que ce soit l'Etat qui fixe le montant de l'allocation et les conditions objectives à remplir pour y avoir droit.
Ils acceptent qu'un référent soit officiellement désigné pour chaque allocataire du RMI et, cet après-midi, nous avons accepté que ce référent ait l'obligation de voir au moins deux fois par an tous les allocataires du RMI qui relèvent de son ressort.
Les élus départementaux acceptent, bien entendu, de ne pas agir seuls et de coopérer, au sein des conseils départementaux d'insertion et des commissions locales d'insertion, avec les communes et les associations. C'est une nécessité dans des départements qui comptent plusieurs dizaines de milliers d'allocataires du RMI.
Les conseils généraux ne vont pas créer des postes de référents : ils vont utiliser le savoir-faire, l'expérience des associations avec lesquelles ils travaillent déjà.
Il n'est donc pas véritablement nécessaire d'aller plus loin dans l'encadrement. Au fond, la suppression des dispositions qu'au nom de la commission des finances je propose au Sénat a pour objet de reconnaître, quand même, la bonne volonté des conseils généraux.
Malgré le caractère aléatoire de l'évolution des recettes transférées pour couvrir les dépenses, les conseils généraux font le pari de la confiance avec l'Etat et le pari de l'efficacité de la coopération avec les associations et les communes ; ils demandent simplement que l'Etat fasse avec eux le pari de la confiance pour réussir.
Adopter cet amendement serait le signe de cette confiance dans les départements, d'autant, je l'ai dit et nous le savons tous, que les dispositions dont je propose la suppression sont assez largement inopérantes.
Le rapport de la Cour des comptes pour l'année 2000 a montré que la reconduction des 17 % de crédits que j'ai évoquée tout à l'heure était tout sauf obligatoire et n'a jamais permis le financement d'un programme départemental d'insertion, même dans les conseils généraux qui y sont le plus favorables.
Le rapport de la Cour des comptes est instructif à cet égard : je ne veux pas vous en infliger la lecture après ces longues heures de débat, mais je le tiens à la disposition de toutes celles et de tous ceux qu'il faudrait convaincre.
Disposition inopérante, disposition aléatoire, disposition qui contient ses propres contradictions : après les signes que nous avons envoyés à nombre d'acteurs de l'insertion, il est temps, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous nous tournions vers les départements, auxquels nous n'en avons envoyé aucun, en supprimant cette disposition.
Nous nous sommes pour l'instant contentés de leur transférer des ressources qui n'évolueront même pas au rythme des dépenses mises à leur charge ! La moindre des choses serait qu'ils se sentent soutenus.
Et le message consiste à leur dire qu'ils ne sont pas obligés de dépenser autant. Ils auront déjà bien assez de dépenses avec tout ce que nous avons prévu au long de ces deux jours de discussion : les conventions, les référents, les actions menées avec les communes, les CCAS, les associations, tout cela sera financé sur les crédits propres des départements !
Je réclame donc un peu de pitié, un peu de considération, un peu de confiance pour les départements : reconnaissez qu'ils sont capables de mener à bien la tâche que vous venez de leur confier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 55 tend à supprimer l'obligation pour les départements de consacrer à l'insertion une somme égale à 17 % des sommes qui leur ont été versées l'année précédente par l'Etat au titre du RMI.
Il s'agit d'une question importante pour la cohérence du dispositif de décentralisation du RMI.
La commission n'a pas souhaité trancher elle-même, estimant que la question devait faire l'objet d'un débat approfondi en séance et, surtout, qu'un avis préalable de la commission des finances saisie pour avis s'imposait compte tenu des problèmes d'ordre financier soulevés par le projet de loi.
J'ai mesuré la crainte exprimée par le monde associatif d'une réduction de l'effort d'insertion et, surtout, d'un creusement des inégalités entre départements. J'observe toutefois qu'aujourd'hui, malgré la règle des 17 %, la réalité de l'effort des départements, en dépenses constatées, est très variable : le taux de consommation des crédits d'insertion varie entre 67 % et 118 %. Encore faut-il corriger cette appréciation par l'effet des reports constatés et accumulés depuis la mise en route du dispositif, reports qui réduisent optiquement l'effort global de certains départements.
Il ne me semble donc pas que la consommation de ces crédits traduise entièrement l'implication des départements dans l'effort d'insertion.
Il reste que, dans la logique de la décentralisation, le maintien de cette obligation peut paraître paradoxal. En effet, dans la mesure où le financement de l'allocation elle-même est porté à la charge des départements, ceux-ci ont tout intérêt à s'investir massivement dans l'effort d'insertion, sauf à courir le risque de voir dériver leurs charges au titre du RMI.
Dès lors, le maintien des 17 % n'a plus grand sens. On maintiendrait optiquement un niveau de dépenses d'insertion qui, compte tenu de l'entière responsabilité du département en la matière, paraît excessivement rigide, voire démobilisateur. Il n'est pas exclu en effet que certains départements ne se sentent plus responsables au-delà de l'obligation légale de la reconduction à hauteur de 17 % des crédits de l'insertion.
Vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis, il est important d'adresser un signe clair aux départements.
A cet égard, la commission des affaires sociales a, dès sa première réunion, proposé des amendements relatifs à l'évaluation annuelle des actions menées par les départements.
C'est un point de passage obligé pour évaluer exactement comment les départements relèvent sur le terrain le défi de l'insertion. L'Etat pourra ainsi conserver son rôle de garant de l'insertion et de la politique nationale de l'emploi.
Il me semble indispensable d'adopter ces amendements qui viendront en discussion à la fin du texte et qui ne peuvent être dissociés du signe que nous souhaitons envoyer aux départements. Il ne s'agit ni d'une tutelle, ni d'un contrôle, mais d'une exigence de transparence à l'égard de la nation s'agissant de la décentralisation des dispositifs d'insertion.
J'ajoute que, en termes de technique budgétaire, un dispositif me paraît devoir être inventé, à l'usage aussi bien de l'Etat que des départements, pour préserver, pour sanctuariser certains crédits, à l'exemple des crédits de la dette publique qui, inscrits en loi de finances initiale, ne peuvent faire l'objet d'aucune régulation budgétaire, aussi bien au niveau central qu'au niveau local.
Mettre à l'abri des fluctuations de crédits les associations serait une oeuvre nationale de salut public, oeuvre qu'aucun gouvernement d'ailleurs n'a pu techniquement accomplir à ce jour. C'est une tâche que je considère comme prioritaire pour l'avenir.
Enfin, et c'est celui qui fut le rapporteur de la loi de juillet 1998 contre l'exclusion qui parle ici, l'article 1er de ladite loi prévoit une mobilisation générale contre l'exclusion : mobilisation de toutes collectivités locales, de toutes les communautés, de toutes les associations.
Relancer la mobilisation est indispensable et même fondamental : il faut redonner un souffle à notre République, ce qui impose que nous nous rassemblions au lieu de chercher à inscrire dans la loi des quotas et des chiffres garde-fous, sorte de ligne Maginot qui nous fera perdre la guerre !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement fait le pari de la confiance, et il le fait massivement en transférant au conseil général la complète responsabilité de la gestion du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité. Je ne crois donc pas que l'on puisse lui faire le procès de ne pas aller jusqu'au bout de la démarche.
Il faut peut-être revenir sur ce qui a justifié la « sanctuarisation » à hauteur de 17 % des crédits de l'insertion. A l'origine, il était prévu que la participation financière des départements ne pourrait être inférieure au montant de la réduction des dépenses d'aide sociale légale résultant de l'institution de l'allocation de revenu minimum. Puis ce mode de calcul a laissé place à une inscription forfaitaire de 20 % des allocations servies l'année précédente. Enfin, après la mise en place de la CMU, le pourcentage obligatoire est passé de 20 % à 17 %.
Comme l'a indiqué à l'instant M. le rapporteur, les conditions d'utilisation de ces crédits sont extrêmement souples, et le projet de loi, tel qu'il est aujourd'hui rédigé, ne modifie pas profondément les choses.
Le Gouvernement souhaitait, pour l'essentiel, transférer le RMI en l'état aux départements sans modifier, on l'a vu au travers d'autres articles, le fonctionnement même du dispositif. C'est dans cet esprit qu'il a maintenu la règle des 17 %.
C'est aussi un signe à l'égard de tous ceux qui, notamment dans les milieux associatifs, sont prompts à s'inquiéter d'une diminution de l'engagement départemental en matière d'insertion.
Cela étant dit, je conçois que l'on estime qu'il y a une certaine contradiction à vouloir faire le pari de la confiance tout en maintenant cette disposition contraignante, mais il y a surtout une certaine contradiction à imaginer que l'on puisse transférer la responsabilité de la dépense, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour l'avenir, aux départements tout en suspectant ceux-ci de ne pas avoir à coeur, ne serait-ce que pour maîtriser la dépense, de conduire une action d'insertion plus efficace que celle qui est conduite aujourd'hui !
J'ajoute enfin que, dans le titre III du projet de loi, il est prévu qu'une instance de suivi, d'évaluation et de contrôle permettra aux services de l'Etat de vérifier chaque année que la mise en oeuvre du revenu minimum d'insertion est conforme aux intentions du législateur.
Dans ces conditions, je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat, tout en insistant, à l'intention des associations et, plus généralement, de tous ceux qui suivent avec attention nos débats, sur le fait que notre objectif est de renforcer l'effort d'insertion.
M. le président La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je suis stupéfait que M. le rapporteur, sous la pression - c'est le mot juste - de M. Mercier et, probablement, de quelques-uns de nos collègues présidents de conseil général, ait donné son approbation à une demande extravagante tendant à supprimer l'une des seules dispositions du texte apportant une garantie - minimale, certes, mais une garantie tout de même - que des crédits affectés à l'insertion de personnes dans la plus grande précarité ne soient pas utilisés à d'autres fins.
Permettez-moi de procéder à un bref rappel historique, mes chers collègues.
L'avant-projet de loi prévoyait l'abrogation du principe de l'inscription obligatoire au budget des départements d'un crédit au moins égal à 17 % des sommes versées par l'Etat, au cours de l'exercice précédent, aux bénéficiaires du RMI vivant sur leur territoire.
In extremis, cette obligation financière imposée aux départements garantissant l'engagement de ces derniers dans les actions d'insertion et une certaine égalité de traitement sur l'ensemble du territoire a été réintroduite dans le texte.
C'est là, pour nous comme pour les associations, un point important, dans la mesure où, quel que soit leur lieu de résidence, les personnes les plus fragiles sont en droit d'attendre des pouvoirs publics la même expression de la solidarité nationale.
Nous nous faisions peu d'illusions sur le devenir de ces crédits obligatoires d'insertion, sachant que les présidents de conseil général que compte le Sénat se mobiliseraient, conformément à la position adoptée par l'ADF, l'Association des départements de France, pour lever « ce mécanisme de garantie qui s'apparente à une simple sous-traitance du dispositif pour le compte de l'Etat », selon les propos de M. Mercier.
En outre, monsieur le ministre, vous venez de confirmer que le Gouvernement avait maintenu cette obligation uniquement afin de donner des gages aux associations, par ailleurs très critiques sur ce texte. Vous avez vous-même considéré, devant la commission des affaires sociales, qu'il convenait, au moins au cours d'une première période, de ne pas prendre le risque de provoquer des diminutions de crédits d'insertion et d'adresser ainsi un message négatif quant à vos priorités en la matière.
Le présent amendement, exposé par M. Mercier au nom de la commission des finances, ne nous surprend pas. Une nouvelle fois, la droite parlementaire et le Gouvernement ont su se répartir savamment les rôles, et ils se moquent des associations.
La logique de la décentralisation et la responsabilité des départements, qui prennent l'allocation à leur charge, sont notamment avancées par les tenants de la disparition de cette obligation.
La situation actuelle est certes imparfaite : tous les crédits d'insertion « fléchés » ne sont pas consommés.
Toutefois, le risque est grand que ce texte, en particulier cette disposition, ne conduise à une aggravation des inégalités qui existent déjà entre les départements et à un affaiblissement de l'effort d'insertion.
Chers collègues, soyez attentifs ! Ayez conscience que, si vous adoptez cet amendement, vous voterez une réduction des crédits d'insertion pour les plus démunis.
M. Gérard Dériot. Mais non ! C'est vraiment n'importe quoi !
M. Roland Muzeau. Nous ne nous faisons aucune illusion à cet égard ! Nous ferons les comptes ! Nous appelons le Sénat à voter résolument contre cet amendement d'abrogation de l'article L. 263-5 du code de l'action sociale et des familles.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. J'ignore si l'ADF a préconisé la suppression de l'obligation, pour les départements, d'inscrire à leur budget une somme correspondant à 17 % du montant des allocations versées l'année précédente sur leur territoire ; je n'ai jamais entendu évoquer cette question en son sein.
Quoi qu'il en soit, nous sommes ici au Sénat, et je voudrais dire à M. Mercier, qui ne manque pourtant pas habituellement de subtilité, qu'il ne me paraît pas habile de demander l'abrogation de la règle des 17 %. En effet, cela revient à accentuer, d'une certaine manière, la suspicion qui semble peser sur les conseils généraux et leurs présidents.
On a pourtant vu que, dans bien des domaines, s'agissant notamment de leurs compétences sociales, les conseils généraux avaient su, la plupart du temps, assurer une bonne gestion, parfois en ménageant davantage les deniers publics que ne le faisait l'Etat auparavant. Les conseils généraux ont donc montré de quoi ils étaient capables, au moins dans le cadre de l'exercice de leur compétence sociale.
D'ailleurs, si les présidents de conseil général sont certes des hommes comme les autres, c'est mal connaître le fonctionnement des conseils généraux que de penser qu'ils ont la latitude de faire tout et n'importe quoi mais c'est une autre histoire...
En tout état de cause, ce que demande aujourd'hui M. Mercier, c'est une fausse liberté. Je trouve cet amendement extrêmement maladroit, et je ne le voterai donc pas.
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, pour explication de vote.
M. Gérard Dériot. Depuis un bon moment, et même depuis hier, on entend en effet exprimer des soupçons vis-à-vis des conseils généraux, comme l'a indiqué M. Cazeau.
Pourtant, lorsqu'il s'est agi d'accentuer la décentralisation, on s'est très vite rendu compte, me semble-t-il, que c'était aux conseils généraux qu'il fallait donner davantage de responsabilités, car ils constituaient l'échelon le plus proche des réalités et, finalement, le plus actif.
Par conséquent, que l'on veuille aujourd'hui laisser les conseils généraux fixer eux-mêmes les montants qui seront alloués à l'insertion ne me paraît absolument pas représenter un quelconque danger, bien au contraire. Je pense qu'ils ont montré, au fil des années - notre collègue Bernard Cazeau le rappelait à l'instant -, qu'ils étaient capables de faire face à toutes les responsabilités qui leur étaient confiées, en allant souvent bien au-delà de ce que faisait l'Etat auparavant.
Je suis d'ailleurs quelque peu surpris d'entendre mes collègues socialistes et communistes exprimer leur méfiance à l'égard des conseils généraux, alors que, voilà deux ans, lors du débat relatif à l'instauration de l'APA, ils n'avaient manifesté aucune inquiétude quant à la gestion de cette allocation par les départements ! Même si des sommes considérables étaient en jeu, tous les conseils généraux ont su assumer le financement de l'APA ! Que je sache, il n'y a pas eu de restrictions dans les attributions, même si l'effort financier exigé était très important.
M. Roland Muzeau. La loi précisait le dispositif ! C'est très différent !
M. Gérard Dériot. A partir du moment où des responsabilités leur sont conférées, les élus locaux, que ce soit à l'échelon de la commune, du département ou de la région, ont à coeur, quelles que soient leurs tendances politiques, de faire face à leurs responsabilités et de répondre à l'attente de leurs concitoyens, qui suivent de près leur action et ne manquent pas de souligner les carences éventuelles.
Il me paraît donc important de voter l'amendement présenté par notre collègue Michel Mercier, parce que cela va tout à fait dans le sens de la décentralisation. Il convient que les conseils généraux soient libres de déterminer eux-mêmes les montants à affecter au titre des compétences qui sont les leurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je profite de cette circonstance pour préciser le sens des amendements que nous avons présentés depuis le début de ce débat.
M. le ministre parlait de défiance vis-à-vis de la décentralisation, et M. Mercier évoquait un esprit que l'on verrait sourdre de partout. Or nous sommes profondément favorables à la décentralisation, même si nous ne lui assignons pas les mêmes objectifs ni les mêmes bornes que le Gouvernement et les élus qui le soutiennent.
La décentralisation ne vaut que si elle s'accompagne de la garantie des droits du citoyen, la décentralisation ne vaut que si les collectivités ne se trouvent pas, demain, dans l'impossibilité d'agir comme elles le souhaiteraient.
A cet égard, la rédaction de l'article 3 était si vague, si « bricolée », que la ressource n'était pas garantie et que ses modes de réévaluation n'étaient pas définis, au point que c'est M. Virapoullé qui a dû attirer l'attention sur le fait que la TIPP était déjà sollicitée dans les DOM. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC.)
Etre décentralisateur, ce n'est pas déléguer par pans les devoirs de l'Etat sans garantir dans chaque texte les transferts de moyens correspondants ; être décentralisateur, ce n'est pas, au simple motif qu'une compétence s'exerce à l'échelon local, renoncer à inscrire dans la loi le détail des règles de la République.
Ainsi, il n'est pas désobligeant pour les conducteurs d'automobiles que des limitations de vitesse soient instaurées ; il n'est pas insultant pour les parents que l'école soit obligatoire ; il n'est pas infâmant pour les départements qu'il soit prévu qu'ils devront consacrer un montant minimal au financement d'actions d'insertion. La démocratie se porte mieux quand les règles l'encadrent.
Enfin, au-delà de notre opposition à cet amendement, je voudrais en déplorer le caractère opaque. C'est bien la première fois qu'un exposé des motifs ne nous est pas fourni et que la rédaction de dispositions de grande portée se résume à un alignement de lettres et de chiffres. Si le rapporteur de la commission des affaires sociales n'avait pas clairement exprimé les enjeux, un manque d'attention aurait pu nous amener à ne pas entrevoir la gravité du sujet. Or c'est le point central du texte au regard des droits du citoyen !
MM. Gilbert Chabroux et Guy Fischer. On avance masqué !
M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud, pour explication de vote.
M. Philippe Arnaud. Les propos que je viens d'entendre m'amènent à réagir.
Comme mon collègue Gérard Dériot, je suis quelque peu choqué que des représentants des collectivités territoriales, des élus des élus, mettent en question, dans cette enceinte, le sens des responsabilités des élus départementaux.
Mme Nicole Borvo. Vous vous méprenez !
M. Philippe Arnaud. Ces propos me semblent extrêmement inquiétants ! N'oublions tout de même pas que nous sommes dans une République régie par un système démocratique qui confère aux élus la responsabilité de remplir les missions qui leur sont confiées par l'Etat. Il revient à chaque collectivité de définir, en fonction de sa situation particulière, les moyens nécessaires au règlement des problèmes, y compris sociaux ou d'insertion.
Nous avons trop souffert, par le passé, de mesures prises par l'Etat imposant des quotas ou des enveloppes prédéfinies. Leur inefficacité a été démontrée. Par conséquent, laissons les élus exercer leurs responsabilités. Bien évidemment, si les résultats ne sont pas satisfaisants, les électeurs sauront rappeler à leurs élus qu'ils ont failli. Nous vivons dans une démocratie !
M. Roland Muzeau. C'est bien plus compliqué que cela !
M. Philippe Arnaud. Pour ce qui me concerne, je ne reconnais pas à des responsables associatifs, fussent-ils des personnes de grande qualité et des partenaires majeurs de l'action sur le terrain, le droit de juger et de sanctionner des élus.
Par voie de conséquence, j'affirme, à la suite de M. Dériot, qu'il est important que cet amendement soit voté. Dans le cas contraire, nous démontrerions que nous n'avons pas confiance dans les élus que nous représentons. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Très mauvaise interprétation !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je crois très profondément que ce qui justifie largement aujourd'hui l'existence du département en tant que collectivité territoriale, c'est le rôle qu'il joue dans le domaine social. Les départements ont montré qu'ils étaient capables de relever de nombreux défis et de faire correctement leur travail dans le secteur social : quelles que soient les conditions dans lesquelles le législateur les a parfois placés, ils ont su faire face.
L'année dernière, les conseils généraux de France ont examiné plus de 800 000 dossiers de demande d'attribution de l'aide personnalisée à l'autonomie. Je ne sais pas si l'on mesure la tâche que représente le traitement d'un tel nombre de dossiers !
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas un problème, monsieur Mercier !
M. Roland Muzeau. On le sait ! C'est nous qui avons voté l'APA !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Oui, vous avez voté l'instauration de l'APA, mais on ne peut pas vous féliciter pour ses modalités d'application ! Je crois, monsieur Muzeau, que vous ne savez pas grand-chose, et qu'un peu d'humilité vous siérait, comme à tout le monde d'ailleurs !
M. Jean Chérioux. Ils sont incapables d'humilité !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Vous êtes un spécialiste en matière d'effets d'optique ! Dire ce qu'il faut faire, c'est une chose ; le faire, c'en est une autre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Les départements ont agi dans le domaine scolaire, avec les collèges, et dans celui de l'action sociale, quelles qu'aient pu être les difficultés. Ils ont fait et feront, en matière d'insertion, ce qu'il est possible de faire. Une responsabilité nouvelle leur sera confiée demain ; cette responsabilité, on ne l'a peut-être pas bien compris, sera pour eux extrêmement contraignante d'un double point de vue.
Première contrainte, la responsabilité de mieux réussir l'insertion pèsera sur eux seuls. On ne peut accepter durablement de dénombrer plus d'un million d'allocataires du RMI dans un département, plus de deux millions de personnes y vivant de cette allocation si l'on compte les ayants droit. Auparavant, la responsabilité était plus diluée ; tel ne sera plus le cas à l'avenir. Les conseils généraux subiront une forte pression.
Mme Nicole Borvo. C'est ça !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Oh, ce n'est plus possible ! Un peu de calme, madame ! Je vous laisserai parler si M. le président souhaite vous donner la parole, mais vous, laissez-moi terminer ! Nous sommes dans un pays civilisé, vociférer ne donne pas davantage de poids aux arguments !
Une responsabilité très lourde pèsera donc sur les conseils généraux, et les associations joueront un double rôle : celui de groupes de pression - c'est normal et nous l'acceptons - et celui d'acteurs voulant tenir toute leur place dans le domaine de l'insertion.
Seconde contrainte, l'Etat, comme l'a très bien dit hier M. le ministre, compensera au jour du transfert de compétence, mais la recette fiscale correspondante - je ne suis pas d'accord avec cette décision, mais c'est ce qui a été voté hier soir - n'évoluera pas comme la dépense. Voilà un second facteur qui forcera les départements à vouloir réussir l'insertion. Cette volonté ne se traduira toutefois pas n'importe comment : on l'a vu tout à l'heure, il ne s'agit pas d'exclure les gens du bénéfice du dispositif, car alors ils relèveront automatiquement de l'aide sociale.
Soumis aux deux contraintes que j'ai évoquées, les départements mobiliseront les moyens humains et financiers nécessaires. Comme je l'ai dit, ils auront besoin du concours de tous les intervenants, qu'il s'agisse des communes, des bureaux d'aide sociale, des collectivités territoriales de toute nature ou des associations, pour réussir l'insertion. Les départements ont montré, dans le passé, qu'ils allaient bien au-delà de leurs obligations dans le domaine de l'action sociale. Ils agiront probablement de la même manière à l'avenir, et il est donc inutile de les contraindre.
A cet égard, je reconnais, monsieur Cazeau, que la suprême habileté eût été de conserver la règle des 17 %. En effet, celle-ci ne signifie rien : elle a été bafouée dans le passé, elle n'est pas opérante, nous le savons bien, mais elle peut faire plaisir... Eh bien, pour ma part, je préfère l'action aux effets d'optique...
M. Bernard Cazeau. Moi aussi !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. ... et je pense qu'il vaut mieux dire aux associations et aux collectivités territoriales que nous sommes prêts à travailler avec elles, plutôt que de nous contenter de maintenir un faux-semblant, une mesure en trompe-l'oeil qui peut sembler satisfaisante mais qui n'a été, dans le passé, d'aucune utilité dans la tâche difficile de réussir l'insertion, et qui ne le sera probablement pas davantage dans l'avenir.
En conclusion, il ne sert à rien d'employer de grands mots. Il est plus utile de favoriser le travail quotidien des élus locaux, et à ce titre l'amendement présenté me semble pragmatique, réaliste et vecteur d'efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Monsieur Muzeau, je n'ai pas cédé à la pression du rapporteur pour avis ! D'ailleurs, si vous me connaissez bien, vous savez que je ne cède à aucune pression. C'est en conscience que je me suis déterminé, après avoir longuement réfléchi, depuis le dépôt du projet de loi, sur le moyen d'être le plus efficace possible dans la lutte contre l'exclusion.
Si nous voulons progresser, il faut que, à travers le dispositif proposé par le Gouvernement, les départements dépensent plus en actions d'insertion afin de pouvoir dépenser moins en allocations. C'est mathématique ! Nous pourrons d'ailleurs le vérifier grâce aux amendements qui prévoient la remontée des informations sur la façon dont les choses se passent.
Ma réflexion s'appuie sur deux éléments.
D'abord, comme notre collègue M. André Lardeux l'a dit en commission, l'inscription obligatoire des crédits d'insertion au budget des départements ne vaut pas obligation de dépenser. A preuve, les reports de crédits qui gonflent la trésorerie des départements.
Ensuite, et cet élément n'a pas été évoqué dans l'hémicycle, l'article L. 263-5 dispose qu'il s'agit de « 17 % des sommes versées, au cours de l'exercice précédent, par l'Etat dans le département au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion ». Laissons cette disposition en l'état : un an après l'entrée en vigueur de la loi, plus un centime ne sera versé par l'Etat au titre de l'allocation ! Les 17 % ne porteront donc plus sur rien. Aussi, cessons ce jeu. Nos débats sont fictifs, regardons la réalité en face.
Tout à l'heure, je me suis peut-être exprimé de manière lyrique. Mais, au vu de la mobilisation de ceux qui agissent pour lutter contre l'exclusion, je considère que les départements doivent se mobiliser à leur tour. Nombre d'entre eux le font déjà. Un certain nombre de présidents de conseil général qui siègent dans cet hémicycle m'ont fait part des actions qu'ils mènent dans leur département. Il convient de mettre en oeuvre un grand mouvement de mobilisation générale.
Je le répète : ce n'est pas avec ce quota que j'aurais pu être convaincu d'agir dans le bon sens. De par sa philosophie même, ce dispositif est vertueux si chacun poursuit son propre intérêt : l'allocataire du RMI en cherchant à retrouver une activité et le département en agissant pour faire reculer l'exclusion. La plupart des départements souhaitent agir ainsi.
Tant sur le plan technique qu'au regard de la philosophie générale du projet de loi, cette suppression s'impose. En tout cas, c'est ma conviction. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
159317317159205112 Je mets aux voix l'article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)