SÉCURITÉ FINANCIÈRE
Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de sécurité financière.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 77.
M. le président. « Art. 77. - L'article L. 225-105 du code de commerce est ainsi modifié :
« I. - Au deuxième alinéa sont insérés, entre les mots : "à l'ordre du jour de l'assemblée" et les mots : "dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat", les mots : "et diffusés aux actionnaires".
« II. - Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'assemblée est appelée à délibérer sur des questions sur lesquelles le comité d'entreprise s'est prononcé en application du troisième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, cet avis lui est communiqué. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 138 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 182 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa, après les mots : "à l'ordre du jour de l'assemblée", sont insérés les mots : "et communiqués aux actionnaires". »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 138.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 182.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Même objet !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 138 et 182.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 322, présenté par M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes documents sont portés à la connaissance du comité d'entreprise. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement porte sur la diffusion de l'information transmise aux actionnaires dans le cadre des assemblées générales ordinaires.
L'importance que peuvent revêtir pour les salariés des entreprises concernées les propositions de résolution justifie à nos yeux que les documents transmis aux actionnaires le soient également au comité d'entreprise.
Vous rétorquerez que, certains salariés ayant aussi la qualité d'actionnaires de l'entreprise où ils travaillent, ils sont par conséquent informés en bonne et due forme des propositions de résolution, mais ouvrir ce droit des plus élémentaires nous semble parfaitement logique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission estime que le droit actuel répond à la préoccupation de Mme Beaudeau, que j'invite donc à retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.
M. le président. Madame Beaudeau, l'amendement n° 322 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je le maintiens, monsieur le président : beaucoup de salariés ont peut-être la qualité d'actionnaires, mais beaucoup d'autres ne l'ont pas, et il est anormal que nous ne leur ouvrions pas ce droit.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 322.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 77, modifié.
(L'article 77 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 77
M. le président. L'amendement n° 219, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 225-20 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne morale ne peut être administrateur d'une société pour laquelle elle effectue des opérations de banque au sens des articles L. 311-1 et L. 311-2 du code monétaire et financier ou à laquelle elle fournit des services d'investissement au sens des articles L. 321-1 à L. 321-3 du même code. Les salariés et les administrateurs de cette personne morale ne peuvent pas non plus en être administrateurs. »
« II. - L'article L. 225-76 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne morale ne peut être administrateur d'une société pour laquelle elle effectue des opérations de banque au sens des articles L. 311-1 et L. 311-2 du code monétaire et financier ou à laquelle elle fournit des services d'investissement au sens des articles L. 321-1 à L. 321-3 du même code. Les salariés et les administrateurs de cette personne morale ne peuvent pas non plus en être administrateurs. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Nous avons évoqué ce matin les assemblées générales et nous avons, à cette occasion, présenté quelques amendements pour améliorer leur fonctionnement.
Nous en venons aux conseils d'administration qui, eux aussi, ont suscité des propositions dans les milieux économiques et financiers pour pallier les insuffisances du présent texte. Nous nous sommes inspirés de ces propositions diverses et variées pour présenter quatre amendements.
Le premier, l'amendement n° 219, qui est très simple, vise à interdire la présence des banques au sein des conseils d'administration des sociétés auxquelles elles fournissent leurs services.
M. le rapporteur général a insisté sur l'importance que la commission des finances du Sénat attachait à la transparence et à la rigueur dans la préparation des décisions des entreprises. Or, la présence d'une banque au conseil d'administration d'une société à laquelle elle vend des services bancaires crée une situation typique de conflit d'intérêts.
La banque tire son revenu des services qu'elle offre et son intérêt est, bien sûr, d'inciter la société à s'endetter, souvent au-delà du raisonnable, la société finissant, dans les cas les plus dramatiques, par passer sous la tutelle de ses créanciers.
Il est faux de penser qu'une banque peut remplir le rôle d'administrateur de manière opérante, étant donné que, en qualité de banque, elle est vendeuse de crédits et, en qualité d'administrateur, acheteuse de crédits.
Je souligne que l'interdiction ne porterait que sur les banques dont la société est cliente.
L'adoption de cet amendement permettrait de mettre fin à des conflits d'intérêts très préjudiciables au sein des conseils d'administration ou de surveillance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne saurait aller aussi loin que les auteurs de l'amendement.
En effet, dans la logique de la proposition qui nous est faite, il faudrait interdire à tous les représentants des fournisseurs significatifs de services de l'entreprise de siéger au conseil d'administration.
Prenons l'exemple d'une entreprise du secteur nucléaire : le représentant de EDF ne pourrait pas siéger dans son conseil d'administration. Empêcher, pour couper tous les liens entre les fournisseurs et les clients, les représentants des fournisseurs - qu'ils fournissent des services bancaires ou n'importe quels autres services - de siéger au conseil d'administration des clients me paraît interférer de manière excessive dans la vie des affaires, et cela rendrait en outre impossible dans bien des cas la composition du conseil d'administration !
Sans surprise, la commission n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La règle selon laquelle les actionnaires désignent qui ils le souhaitent dans les conseils d'administration me paraît devoir être respectée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 220 rectifié, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 225-21 du code de commerce sont supprimés.
« II. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 225-77 du même code sont supprimés.
« III. - Après le premier alinéa de l'article L. 225-21 et le premier alinéa de l'article L. 225-77 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions prévues au premier alinéa du présent article ne sont pas applicables aux mandats en cours à la date du 18 mars 2003. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Une fois de plus, M. le rapporteur général répond en s'appuyant sur des arguments qui ne se rapportent pas à nos propositions. Il évoque en effet les fournisseurs en général alors que l'amendement n° 219 porte uniquement sur la présence des banques et des banquiers dans les conseils d'administration.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Il fait des comparaisons, c'est tout !
M. François Marc. Ses propos savants sur le nucléaire et EDF n'ont d'autre objet que d'éviter de nous répondre !
L'amendement n° 220 rectifié vise à limiter le cumul des mandats au sein des conseils d'administration en revenant sur les dispositions de la loi du 29 octobre 2002 qui ont abrogé pour partie la loi dite NRE du 15 mai 2001 avant même que celle-ci ait pu produire le moindre effet.
La nécessité d'un véritable contrôle des dirigeants par le conseil d'administration, afin de prévenir les fraudes comptables et les décisions aventureuses lourdes de conséquences pour les actionnaires individuels, implique une pleine disponibilité des administrateurs. Dès lors, comme le prévoit cet amendement, nul ne devrait pouvoir cumuler plus de cinq mandats, sans aucune exception.
Or, depuis la révision de la loi NRE, qui a été engagée le 29 octobre 2002, les possibilités de cumul sont illimitées pour les sociétés de groupe. Il en résulte une endogamie et un absentéisme généralisé au sein des conseils d'administration, qui sont davantage des salons où l'on cause et où l'on se congratule...
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'il n'y a personne, on ne peut pas se congratuler !
M. François Marc. ... tout en percevant des jetons de présence très rémunérateurs que des instances de contre-pouvoir face à la direction.
Comment pourrait-il en être autrement, lorsque l'on sait que, en 2001, trente dirigeants d'entreprises cumulaient cent soixante mandats d'administrateur de grandes entreprises du CAC 40 ? Les faillites et quasi-faillites en chaîne survenues en 2002 sont la preuve éclatante d'un dysfonctionnement patent des contrôles internes de l'entreprise. La représentation nationale se doit de tirer les leçons de ces expériences, tragiques pour les actionnaires.
D'ailleurs, plusieurs rapports déjà cités ce matin et réalisés par des membres éminents du patronat français ont souligné qu'un conseil d'administration fort, indépendant et disponible est une condition indispensable de la bonne gouvernance de l'entreprise.
En définitive, une loi qui ne réformerait pas significativement la composition et le fonctionnement des conseils d'administration ne saurait restaurer la confiance des investisseurs, objectif que nous visons tous. En conséquence, il serait plus qu'opportun que cet amendement soit adopté aujourd'hui par le Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission estime que cet amendement est tout à fait inopportun, et ce pour deux raisons.
D'abord, un groupe de sociétés contrôlé par l'une de celles-ci constitue une unité économique, et ce qui se passe à l'intérieur du groupe doit être laissé à l'appréciation des organes dirigeants de ce dernier. Tel est l'esprit de la proposition de loi Houillon.
Ensuite, le Sénat a voté très récemment la disposition que l'amendement tend à supprimer ; nous n'allons donc pas nous déjuger. La loi NRE comportait des dispositifs très difficilement applicables, dans la mesure où ils créaient des entraves presque intolérables pour la vie des entreprises. La proposition de loi Houillon a permis de lever ces obstacles, et il reste d'ailleurs encore des progrès à faire dans ce sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 220 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 225-102 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport prévu au présent article indique les principes et critères retenus pour calculer la rémunération des dirigeants. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement, qui s'inscrit dans la même logique que les précédents, vise à ce que le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale indique les principes et les critères retenus pour calculer la rémunération des dirigeants.
Les salaires annuels perçus par les dirigeants dépassent souvent plusieurs millions d'euros ; s'y ajoutent de très avantageux plans de stock-options. Ainsi, le salaire moyen des dirigeants des entreprises du CAC 40 représente environ 500 fois le montant du SMIC.
De tels niveaux de rémunération sont proprement injustifiables, comme le soulignent de nombreux observateurs, par exemple l'ancien président de la Banque fédérale américaine, Paul Volcker. Selon lui, les performances des chefs d'entreprise ne peuvent être considérées comme le fondement de tels écarts de rémunérations.
En outre, il n'aura échappé à personne que les dirigeants ne sont pas, à la différence des petits actionnaires, soumis au risque. A la lumière des événements de ces derniers mois, nous sommes amenés à constater que leur prétendue responsabilité n'est qu'un mythe : en cas d'incompétence, après avoir nui gravement à la santé de leur entreprise et détruit la capitalisation boursière de celle-ci, ils sont certes « éjectés » de leur poste - on en a vu de nombreux exemples récemment -, mais ils ne partent pas démunis, loin de là ! En effet, ils perçoivent des indemnités de départ colossales : c'est ce que l'on appelle les « parachutes en or ».
Par ailleurs, leurs plans de stock-options les garantissent contre la baisse des cours, à la différence des petits actionnaires, qui sont contraints de la subir. A cet égard, comment ne pas s'indigner de l'émission de nouvelles stock-options encore plus avantageuses que les précédentes, pour neutraliser les conséquences de la mauvaise gestion des dirigeants ?
L'extravagance des rémunérations de certains dirigeants nuit incontestablement à la santé économique des entreprises.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai.
M. François Marc. Elles finissent souvent par peser significativement sur le résultat, et il ne fait aucun doute que les énormes moyens qui sont consacrés à leur paiement pourraient être alloués de façon plus utile.
Cet amendement vise donc à accroître la transparence, afin que les actionnaires puissent éventuellement faire valoir leur désaccord sur la politique de rémunération mise en oeuvre dans l'entreprise. Une fois encore, il s'agit de renforcer les contre-pouvoirs.
Je précise que les dispositions présentées par cet amendement ont fait l'objet d'une réflexion approfondie de la part de responsables d'entreprise sensibles à ces dérives. En effet, notre amendement est le fruit d'un travail mené à partir du récent rapport de l'institut Montaigne sur la gouvernance d'entreprise.
Le groupe socialiste propose donc au Sénat d'adopter cet amendement qui tend à améliorer la régulation de la rémunération des dirigeants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La loi requiert que les rémunérations individuelles des dix dirigeants les mieux rétribués soient rendues publiques. S'agissant des sociétés cotées en bourse, cela nous paraît être une mesure positive, une saine discipline.
Toutefois, il ne semble pas opportun de formuler des propositions démagogiques comme celle que nous venons d'entendre. La commission souhaite évidemment que le Sénat rejette cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. La règle relative à la publication des rémunérations nous paraît tout à fait équitable et satisfaisante. Par conséquent, prévoir un ensemble de critères, dont l'application pourrait d'ailleurs se révéler quelque peu artificielle, nous semble superflu.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 221.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 225-102-1 du code de commerce est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport visé à l'article L. 225-102 rend compte des évolutions des rémunérations des mandataires sociaux en fonction non seulement des performances financières obtenues mais également des résultats en matière d'investissements socialement responsables (ISR).
« Le rapport doit porter à la connaissance de l'assemblée générale des actionnaires la grille des critères pris en compte en matière d'investissements socialement responsables, ainsi que des bonifications de salaires et sanctions appliquées pour tenir compte de cette grille de rémunérations additionnelles.
« La détermination des résultats en matière d'investissements socialement responsables s'appuie sur des critères de création d'emplois, reconversions éventuelles de personnel, refus de travail des enfants chez les sous-traitants, respect des droits de l'homme, progrès dans la protection de l'environnement. »
« II. - Les conditions d'application des dispositions du présent article sont définies par décret. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. C'est là le dernier de nos amendements visant le fonctionnement des conseils d'administration et la rémunération des administrateurs.
Eu égard aux scandales qui sont survenus ces derniers temps à propos des rémunérations des dirigeants d'entreprise et aux interrogations qu'ils ont suscitées, il nous est apparu opportun de tenter de réhabiliter une approche éthique, plus satisfaisante, du gouvernement d'entreprise, en adaptant les rémunérations des dirigeants en fonction non plus seulement des performances financières, comme avec les stock-options, si décriées, mais également d'une approche humaniste globale et socialement responsable.
Il est vrai que, à l'heure actuelle, on attribue aux dirigeants des rémunérations supplémentaires sur le fondement, pour l'essentiel, de performances financières. Tout le monde a pu mesurer les inconvénients de cette politique et ses conséquences : en effet, le souci de dirigeants rémunérés en fonction des performances financières de l'entreprise est bien entendu de voir les actions de celle-ci s'apprécier et un certain nombre d'indicateurs financiers s'améliorer. Tout est bon pour y parvenir ! Bien des fraudes constatées ces derniers temps proviennent de « dérapages » dans la présentation des comptes, tendant à masquer une réalité beaucoup moins avantageuse.
Par conséquent, il est clair que fixer les rémunérations selon la seule performance financière recèle des dangers.
Par ailleurs, on sent poindre dans l'opinion publique des pays occidentaux des revendications relatives aux actions amorales des entreprises, liées à des investissements insuffisamment justifiés, voire à des décisions stratégiques inadmissibles.
Je pense par exemple à ces entreprises qui font travailler des enfants de dix à douze ans, directement ou par le biais de la sous-traitance, à ces investissements qui amènent une dégradation significative de l'environnement ou qui entraînent, de fait, le départ de certaines entreprises de notre territoire national.
De tels actes du conseil d'administration et des responsables de l'entreprise doivent être appréciés au regard de l'éthique. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi le principe de la rémunération des dirigeants en fonction non seulement des performances financières, comme c'est le cas actuellement, mais aussi des résultats en matière d'investissements socialement responsables.
Il s'agit là encore d'une thèse approuvée aujourd'hui par de nombreux responsables économiques et sociaux. La société attend que les entreprises travaillent non seulement en vue de dégager des bénéfices et d'accroître leur valorisation boursière, mais surtout dans l'intérêt général de la population.
Tel est l'esprit qui sous-tend cet amendement, que je propose au Sénat d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La démarche présentée est intéressante et a fait l'objet d'un débat assez long en commission. Nous pensons toutefois qu'il faut encore préciser la notion d'investissement socialement responsable ; nous ne sommes pas encore parvenus à une définition suffisamment stricte pour qu'un tel dispositif puisse être inscrit dans la loi.
M. François Marc. Quand y parviendrons-nous ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lorsque l'évolution des moeurs de la société, des produits financiers, de la géopolitique nous aura apporté les certitudes nécessaires ! (Exclamations amusées.)
Dans cette attente, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. En écoutant M. le rapporteur général, je me suis souvenu d'une devinette africaine.
Quelle est la différence entre un Européen et un Africain ? L'Européen, c'est la montre, l'Africain, c'est le temps. De ce point de vue, monsieur le rapporteur général, vous êtes plutôt un Africain ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. « Art. 78. - Au début du premier alinéa de l'article L. 225-235 du code de commerce sont insérées les dispositions suivantes :
« Les commissaires aux comptes présentent à l'assemblée générale un rapport exposant les observations appelées par les méthodes et procédures de contrôles internes, mentionnées au dernier alinéa des articles L. 225-37 et L. 225-68, quand elles sont mises en oeuvre par la société pour l'élaboration et le traitement de l'information comptable et financière. Donnant toutes les explications utiles à la justification de leurs observations, ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 139 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 183 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 225-235 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commissaires aux comptes présentent, dans un rapport joint au rapport mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100, leurs observations sur les procédures de contrôle interne mentionnées au dernier alinéa des articles L. 225-37 et L. 225-68 quand elles sont mises en oeuvre par la société pour l'élaboration et le traitement de l'information comptable et financière. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 183.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit que le rapport consignant les observations du commissaire aux comptes sur les procédures de contrôle interne mises en oeuvre pour l'élaboration et le traitement de l'information comptable et financière sera joint au rapport du commissaire aux comptes sur la certification des comptes.
Cette disposition est similaire à celle que nous avons adoptée précédemment s'agissant du rapport de gestion à joindre au rapport au conseil d'administration.
Il paraît en outre préférable de la faire figurer à la fin de l'article L. 225-235 du code de commerce, qui définit la mission du commissaire aux comptes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 139.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'apporterai un complément à l'argumentation que vient de développer M. le rapporteur pour avis : nous avons préparé une version rectifiée de ces amendements, afin d'ajouter deux paragraphes visant à une clarification rédactionnelle.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, cette rectification s'applique-t-elle également à votre amendement ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc des amendements identiques n°s 139 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et 183 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article L. 225-235 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commissaires aux comptes présentent, dans un rapport joint au rapport mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100, leurs observations sur les procédures de contrôle interne mentionnées au dernier alinéa des articles L. 225-37 et L. 225-68 quand elles sont mises en oeuvre par la société pour l'élaboration et le traitement de l'information comptable et financière. »
« II. - Au début du premier alinéa du même article, sont insérés les mots : "Donnant toutes les explications utiles à la justification de leurs observations,".
« III. - Au deuxième alinéa du même article, après les mots : "Lorsqu'une société établit des comptes consolidés," sont insérés les mots : "donnant toutes les explications utiles à la justification de leurs observations,". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Compte tenu de la précision apportée par M. le rapporteur général, j'émets un avis favorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 139 rectifié et 183 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 78 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 78
M. le président. L'amendement n° 223, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 78, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les instruments financiers utilisés dans les documents comptables des entreprises font l'objet d'une évaluation à leur juste valeur en application de la directive européenne n° 2001/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement vise la présentation des comptes.
L'objectif est de garantir que le bilan donne une image fidèle de la situation des entreprises dans la durée, afin d'éviter les « opérations-vérité », parfois rendues indispensables par les variations boursières.
Nous souhaitons donc que l'on applique de façon plus systématique les dispositions prévues en matière de provisions et d'amortissements, pour tenir compte, d'une part, de la grande volatilité constatée et pour répondre, d'autre part, aux nombreux problèmes posés par les produits dérivés, qui sont de plus en plus répandus et très dangereux potentiellement.
Nous avions élaboré cet amendement dans une perspective dissuasive. En effet, évaluer les biens à leur juste valeur et non plus selon leur coût historique, comme c'est le cas actuellement en France, peut constituer une forme de dissuasion au regard des dérèglements et des variations très importantes que l'on constate aujourd'hui sur les marchés financiers.
Cela étant, l'amendement peut être interprété de diverses manières, et cet aspect dissuasif n'est pas forcément celui qui ressort au premier abord.
Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 223 est retiré.
Article additionnel avant l'article 79
M. le président. L'amendement n° 323, présenté par M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 79, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6. L'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C est imposé comme l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement tend à revenir sur l'une de nos positions antérieures, concernant la fiscalité des plans d'option d'achat d'actions.
La controverse née en 1993 sur la fiscalité de ce que l'on appelle les stock-options a eu au moins le mérite d'établir aux yeux du grand public une réalité : l'existence de dispositifs de forte incitation économique des cadres dirigeants d'entreprise. Ces dispositifs s'apparentent, pour l'essentiel, à de véritables « niches » fiscales, dont une grande partie des dirigeants d'entreprise ont largement bénéficié.
On peut d'ailleurs s'étonner qu'il ait fallu cette controverse pour qu'un peu plus de transparence soit apportée dans la connaissance de ces éléments accessoires de rémunération qui ont souvent tendance à devenir essentiels. Un rapport avait pourtant été élaboré sur ce sujet par plusieurs sénateurs, dont M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et moi-même.
Je n'hésiterai pas à rappeler quelques cas individuels connus de tous. Comment ne pas évoquer l'ancien P-DG de France Télécom, dont on ne peut pas dire qu'il ait réussi à la tête de son entreprise et qui a néanmoins bénéficié de larges plans d'option d'achat d'actions ?
M. François Marc. Eh oui !
M. Paul Loridant. Comme je viens de le dire, les plans d'option d'achat d'actions sont bel et bien des éléments de rémunération pour les cadres dirigeants, et non pas seulement des instruments d'intéressement.
C'est pourquoi ils devraient désormais être considérés comme des revenus par notre législation fiscale, ainsi que le prévoit notre amendement. Du reste, lorsque l'on distribue chaque année des stock-options, celles-ci deviennent bien, au fil des ans, un complément de rémunération.
C'est donc sous le bénéfice de ces observations et parce qu'une telle mesure serait de nature à améliorer la transparence des comptes et de la situation des entreprises que nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
J'ajoute qu'il faudra adapter la comptabilité des entreprises afin que les stock-options figurent bien, dans les comptes de celles-ci, comme une véritable dette.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Résolument hostile ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
En premier lieu, la commission estime que le régime de ces opérations a déjà été modifié à de nombreuses reprises au cours des dernières années et que cette instabilité et cette complexité nuisent à la bonne compréhension des mécanismes.
En second lieu, la majorité des membres de la commission considère qu'il y a lieu de bien distinguer les rémunérations de l'association au capital, qui est de nature différente et qui implique des prises de risques.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Quels risques M. Bon a-t-il pris ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien cette distinction qui fonde le régime fiscal des levées d'options et des cessions d'actions obtenues en contrepartie de ces levées. C'est également cette distinction qui permet de traiter ces opérations selon la fiscalité des plus-values sur valeurs mobilières et non pas selon celle du revenu global personnel.
Ce sont des notions simples, auxquelles il faut rester fidèle si l'on veut que le droit fiscal conserve un sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'analyse de la commission.
Par ailleurs, il souhaiterait relever une erreur : s'agissant du président-directeur général de France Télécom, je ne pense pas que ce qui a été dit soit exact !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 323.
(L'amendement n'est pas adopté.)