PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. La séance est reprise.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette séance de questions d'actualité s'ouvre dans un contexte international extrêmement préoccupant.
Ce matin même, à l'ouverture de la séance, à la suite des interventions du président Claude Estier et de la présidente Nicole Borvo, le Sénat a suspendu ses travaux pour manifester son inquiétude, après que M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, eut annoncé qu'à la demande du Président de la République le Gouvernement se réunirait à douze heures trente, sous l'autorité du Premier ministre. Vous avez pu entendre également l'intervention de M. le Président de la République.
Compte tenu de la gravité de la situation internationale, chacun des groupes politiques du Sénat posera une question sur la situation en Irak.
En accord avec M. Christian Poncelet, président du Sénat, qui se trouve retenu par des obligations impératives, il a été convenu que M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, répondrait globalement à l'ensemble des cinq premières questions consacrées à la situation en Irak.
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette nuit, le Président Bush a décidé l'intervention militaire aux dépens du travail des inspecteurs mandatés par l'ONU pour désarmer l'Irak. Des centaines de milliers d'innocents peuvent en être victimes. C'est un fait d'une immense gravité aux conséquences incalculables.
Une armée de trois cent mille hommes, superéquipée technologiquement, devrait, selon ses experts, détruire le régime et les forces irakiennes, installer un gouverneur américain, remodeler la région en fonction de ses intérêts. C'est l'affirmation d'une volonté de puissance hégémonique. Je ne pense pas que cette attitude soit porteuse d'avenir.
Il est remarquable que les grands pays du continent américain, très liés aux Etats-Unis - le Canada, le Mexique, le Chili, le Brésil - ne soutiennent pas cette décision. Cette attitude est partagée par la Turquie, le Pakistan, la Russie, la Chine, l'Inde et la totalité de l'Afrique, sans oublier les prises de position du Vatican. Quant à la coalition soutenant les Etats-Unis, il n'est pas anodin de constater qu'un tiers de ses membres souhaite l'anonymat.
Chacun comprend qu'au-delà du règlement du problème irakien et de sa dictature c'est le devenir des relations internationales qui est en jeu. Ou nous construirons un monde pluripolaire fondé sur le dialogue, le respect réciproque, les choix de coopération et de développement, ou les rapports entre les pays seront ceux d'une nouvelle vassalité, de domination, de frustration, alimentant - chacun le sait - des formes diverses du terrorisme. La très grande majorité des pays rejette l'unilatéralisme et souhaite le respect du droit international. Quant aux peuples, ils ont démontré partout dans le monde, y compris aux Etats-Unis et dans les pays belligérants, leur massive opposition. Aujourd'hui, ils organisent la riposte, comme à Paris, ce soir, à la Concorde.
Les dirigeants américains veulent imposer leurs choix. La communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent reprendre l'initiative.
Depuis plusieurs mois, l'attitude de la France a été d'une grande lucidité et d'un grand courage (Ah ! sur les travées de l'UMP), saluée par tous les peuples du monde. La France peut-elle se contenter de regretter, ou doit-elle tout faire pour arrêter l'engrenage de la guerre ?
Il lui faut mener cinq actions : premièrement, demander, avec d'autres pays, une réunion urgente des Nations unies pour se désolidariser de cette intervention militaire, la condamner et réaffirmer la légitimité du droit international, qui privilégie un règlement pacifique ; deuxièmement, organiser la protection des populations civiles irakiennes, qui dépendent à 60 % de l'aide alimentaire en eau, nourriture et médicaments ; troisièmement, préparer la levée de l'embargo, qui pénalise les populations les plus fragiles, renforce la dictature de Saddam Hussein et enrichit tous les trafiquants ; quatrièmement, réaffirmer l'intégrité territoriale de l'Irak et la maîtrise de ses ressources pétrolières ; enfin, cinquièmement, prendre une nouvelle initiative pour aboutir à une solution juste et durable au Proche-Orient.
Notre voix est écoutée de par le monde ; elle ne doit pas faiblir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce 20 mars restera pour nous tous un jour très sombre, celui de la guerre, une nouvelle guerre, et je crois que mes collègues du Nord et de l'Est, plus encore que les autres, peut-être, qui ont connu tant de ravages guerriers, sont totalement allergiques au concept de la guerre. J'habite à huit kilomètres du Chemin des Dames et mon village a été rasé à plusieurs reprises au cours du dernier siècle.
L'un de mes illustres prédécesseurs, qui siégeait sur les travées de mon groupe, Clemenceau, disait qu'« il est plus facile de faire la guerre que la paix ». La guerre, nous l'avons, hélas ! mais nous devons préparer la paix.
Tout au long de la crise, la France a fait valoir qu'elle n'était mue ni par l'antiaméricanisme ni par le pacifisme. Si elle s'est opposée, à Washington, au déclenchement de la guerre, c'est pour préserver la légalité internationale, car seul le Conseil de sécurité des Nations unies était habilité à décider d'une guerre.
La France doit persévérer dans cette voie de l'apaisement, de la conciliation et de l'union.
L'obstination des Etats-Unis à faire rendre gorge à un régime exsangue s'est ainsi heurtée à la détermination de la France à empêcher la guerre. L'écho formidable reçu par les partisans de la paix partout dans le monde a été remarquable ces dernières semaines.
Notre objectif - faire pièce à l'unilatéralisme, favoriser l'émergence d'une voix européenne indépendante et restaurer le primat du Conseil de sécurité de l'ONU - est malgré tout atteint : nous vous en savons gré, monsieur le ministre.
Le partenariat bâti après le 11 septembre 2001 est toujours indispensable, comme l'est le lien transatlantique.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, certains ont pu s'égarer récemment, emportés par leurs convictions sur la voie d'inutiles polémiques ; nombreux sont ceux qu'indigne la technique du bouc émissaire appliquée à notre pays, à son président et à ses citoyens.
Après l'échec de la diplomatie, le camp du dialogue et de la tolérance tentera, je le souhaite, de faire taire ces querelles, de reprendre place sur la scène proche-orientale et de réparer les dégâts en Europe.
Monsieur le ministre, une Europe déchirée, un Kurdistan menacé, une probable catastrophe humanitaire, une instance internationale malmenée, nous conduisent à nous imposer plus encore dans le jeu international.
Il est nécessaire que nos alliés américains et britanniques fassent appel aux Nations unies pour gérer l'après-crise et l'après-guerre en Irak. Le président Bush a déclaré son intention d'obtenir, dès que possible, une nouvelle résolution de fond encadrant la sortie de la crise. Cela me semble être un premier signe encourageant.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre des affaires étrangères, comment la France inscrira dans ce cadre précis, celui de la responsabilité collective, son action future dans un esprit d'unité et de respect ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré les efforts importants et le courage du Président de la République, Jacques Chirac, et de son gouvernement en faveur de la paix, le Président des Etats-Unis a décidé, ce matin, de déclencher une guerre dont nous ne pouvons, à cet instant, mesurer toutes les conséquences.
Cette guerre va provoquer, dans les jours à venir, un exode certain de centaines de milliers d'Irakiens, qui vont fuir leur pays pour tenter de trouver refuge dans les pays voisins : l'Iran, la Jordanie et la Syrie.
Devant le renouvellement du drame que nous avons connu lors du précédent conflit, ma question est simple : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour porter secours à ces populations qui vont tenter de survivre en s'installant de façon précaire dans des pays aux capacités d'accueil limitées ?
Le problème des réfugiés n'est pas simplement d'ordre humanitaire. C'est un ensemble de questions qui se posent dans l'immédiat : comment nourrir ces populations ? Comment leur apporter les soins et les médicaments dont elles vont avoir besoin ? Comment seconder les gouvernements des pays de la région ?
A mes yeux, il ne s'agit pas seulement d'assurer une présence humanitaire : il y va de la continuité de l'action de la France dans cette partie du monde, au service de son idéal et de sa vocation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je vous remercie d'être cet après-midi au Sénat, alors qu'hier encore vous rappeliez au Conseil de sécurité l'hostilité de la France à la guerre qui vient d'éclater en Irak. Mais vous comprendrez que les réponses que vous allez faire à nos brèves questions d'actualité et que nous écouterons avec la plus grande attention ne peuvent être, à nos yeux, que le prélude à un vrai débat qui soit à la hauteur des graves circonstances dans lesquelles le monde se trouve aujourd'hui plongé.
Tout au long des dernières semaines, nous avons soutenu la position exprimée par le Président de la République et par vous-même, monsieur le ministre, consistant à refuser la guerre et à poursuivre le désarmement de l'Irak par la voie pacifique, ce que permettaient les progrès enregistrés par les inspecteurs de l'ONU. Mais nous n'en sommes plus là aujourd'hui : la guerre est déclenchée, hors de la légalité internationale et dont M. Bush dit maintenant qu'elle pourrait être « plus longue et plus difficile que certains le prédisent », alors que c'est bien à Washington qu'on avait annoncé une guerre courte.
Nous pouvons nous interroger sur ce que sera l'attitude de la France dans cette nouvelle situation, au-delà des simples regrets exprimés ce matin par le chef de l'Etat.
N'y a-t-il pas, par exemple, contradiction à déclarer cette guerre injustifiée et, en même temps, à autoriser le survol de notre territoire par les avions américains en route vers l'Irak ?
Que signifie précisément la déclaration de notre ambassadeur à Washington selon laquelle la France se rangerait aux côtés des Etats-Unis si Saddam Hussein utilisait des armes chimiques ?
Nous voudrions savoir également quelles initiatives la France entend prendre pour contribuer à ce que l'ONU, aujourd'hui mise à l'écart, puisse retrouver tout son rôle non seulement pour ce qui suivra les opérations en Irak, en particulier sur le plan humanitaire, pour secourir les populations civiles irakiennes en grave danger, mais aussi pour être plus active dans la recherche d'une solution au conflit israélo-palestinien, dont la guerre en Irak ne doit pas nous faire oublier qu'il continue à faire chaque jour de nouvelles victimes.
Autre question préoccupante : comment la France envisage-t-elle de travailler à la réparation de la grave fracture que la crise irakienne a fait apparaître au sein de l'Union européenne ?
Ce sont là quelques-unes des raisons pour lesquelles nous souhaitons - et je fais appel, notamment, à M. le président du Sénat - qu'un vrai débat ait lieu sans délai dans notre assemblée, afin que l'ensemble de la représentation nationale puisse faire connaître son sentiment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les frappes américaines de cette nuit, qui sont la première phase de l'intervention des Etats-Unis en Irak, posent plus de questions qu'elles n'en règlent.
Le sort des populations irakiennes, les incertitudes sur les conséquences de cette intervention sur la situation du Proche-Orient, l'avenir des Nations unies sont autant de questions graves qui se posent aujourd'hui à l'ensemble de la communauté internationale.
Les Européens doivent prendre toute leur part dans l'élaboration et dans la mise en oeuvre des réponses à ces questions. Mais la crise irakienne a démontré l'influence réduite de l'Europe en l'absence d'une réelle politique étrangère commune. L'intervention américaine unilatérale de cette nuit marque, en effet, la mise à l'écart de tous les Européens. Qu'ils aient soutenu ou non la politique américaine, les Européens en sont absents. Les Etats-Unis sont partis seuls, malgré les propositions de ceux qui souhaitaient poursuivre le désarmement de l'Irak par la voie pacifique, et sans associer pleinement leurs alliés européens dans cette première opération militaire.
La réunion, demain, du Conseil européen devrait permettre aux Européens d'afficher la même ambition pour l'Europe que celle qu'a manifestée ce matin le Président de la République : exprimer sa propre vision des problèmes du monde et soutenir cette vision pour une défense commune crédible.
Ces objectifs ne seront atteints que par une approche renouvelée de la définition et de la mise en oeuvre de la politique étrangère commune et un réel engagement vers une défense européenne. Quelles sont, monsieur le ministre, les propositions concrètes que le Gouvernement entend faire à ses partenaires européens ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec beaucoup d'émotion que je prends la parole devant vous, au moment où s'engagent les premières opérations militaires en Irak.
Sans relâche, tout au long des derniers mois, la France a oeuvré avec tous ses partenaires, avec l'immense majorité de la communauté internationale, avec le soutien et l'espoir des peuples du monde, pour que le désarmement pacifique réussisse en Irak, pour que la responsabilité collective guide notre action, pour que le droit l'emporte sur la force.
C'est pourquoi la France, comme l'a dit ce matin le Président de la République, regrette cette action. Nous la regrettons parce qu'elle ne bénéficie pas de l'aval des Nations unies. Nous la regrettons parce qu'une autre voie était possible.
La volonté de la majorité des membres du Conseil de sécurité était de poursuivre les inspections, qui donnaient des résultats. Elle n'a pas été entendue.
La France veut rappeler sa conviction : la guerre n'est pas la solution. Nous savons qu'elle aggravera les difficultés d'une région déjà fragile. Nous craignons qu'elle n'avive le sentiment d'injustice. L'emploi de la force ne saurait être qu'un dernier recours.
Alors, faut-il se résigner ? La France ne peut accepter une quelconque fatalité, la France ne peut se résoudre à la division de la communauté internationale. Face aux menaces du terrorisme, de la prolifération, des crises régionales, l'unité doit constituer notre premier objectif. C'est cette exigence que nous avons défendue hier, à New York, avec nos partenaires russe, allemand, chinois, lors de la réunion ministérielle du Conseil de sécurité. Ensemble, nous avons réaffirmé notre confiance dans les Nations unies : ici comme ailleurs, aujourd'hui comme demain, elles auront un rôle central à jouer.
L'heure est à la responsabilité. La France, par la voix du Président de la République, a proposé une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de sécurité. C'est notre responsabilité collective ; nous devons l'assumer. Faisons face à l'urgence.
Le premier défi à relever - vous l'avez tous dit - est celui de l'humanitaire. Nous appelons chacun à tout mettre en oeuvre pour que les vies humaines soient épargnées. Nous devons prendre en compte les souffrances des populations civiles, de toutes les victimes, personnes réfugiées ou déplacées. Et nous espérons que la guerre sera limitée et brève.
Nous saluons la mobilisation, par le Secrétaire général, des agences humanitaires concernées : Programme alimentaire mondial, Haut Commissariat aux réfugiés, UNICEF, Organisation mondiale de la santé, notamment. Nous souhaitons que le Secrétaire général présente, en outre, des propositions afin que le programme « pétrole contre nourriture », institué par la résolution 986, puisse reprendre au plus vite, avec les ajustements nécessaires, sous l'autorité du Conseil de sécurité.
La France entend prendre toute sa place dans cette action internationale. En liaison avec les pays d'accueil et en coordination avec les agences des Nations unies, en particulier aux frontières de l'Irak, où plusieurs centaines de milliers de réfugiés pourraient se trouver rapidement dans une situation de détresse.
Nous souhaitons aussi que cette mobilisation se fasse en étroite liaison avec l'Union européenne, qui doit participer résolument à la mise en place d'une assistance humanitaire d'urgence. Les chefs d'Etat et de gouvernement auront l'occasion d'examiner cette question dès ce soir, au Conseil européen.
Le deuxième défi est celui de l'avenir politique et économique de l'Irak. Seules les Nations unies ont la légitimité pour mener à bien la reconstruction au nom de la communauté internationale, dans le souci de l'unité, de l'intégrité et de la souveraineté de ce pays. Le destin de l'Irak ne peut appartenir qu'aux Irakiens eux-mêmes.
Le troisième défi est celui de la stabilité de la région. Nous devons éviter que ne se creuse davantage le fossé entre les cultures et entre les sociétés. La force ne saurait être le principal moyen de règlement des crises.
Chacun voit bien qu'au Proche-Orient notre devoir collectif est d'éviter l'engrenage de la haine, de l'intolérance et de la violence. Il est urgent de se mobiliser, dans un esprit de respect et de dialogue. Il est urgent d'ouvrir une nouvelle perspective politique pour répondre à l'attente de sécurité du peuple israélien et aux besoins de justice du peuple palestinien.
A cette condition seulement, nous romprons la spirale du ressentiment et de l'affrontement. Nous voulons rendre publique la feuille de route du Quartet. Plus que jamais la proposition française d'une conférence internationale pour le Proche-Orient est d'actualité.
Parallèlement, les Nations unies doivent reprendre l'initiative sur l'ensemble des autres crises. Il faut faire preuve de lucidité, de détermination, de sang-froid.
S'agissant du terrorisme, nous devons mesurer l'ampleur de la menace, la multiplicité des réseaux, la pluralité des facteurs et des foyers de crise qui le nourrissent. La coordination politique, policière, judiciaire dans le domaine du renseignement est plus que jamais nécessaire.
S'agissant de la prolifération, la Corée du Nord vient chaque jour nous rappeler l'urgence de développer une approche globale. Il convient de mettre au point, ou de renforcer, dans le cadre des Nations unies, les outils indispensables à la lutte contre cette menace. Dans cet esprit, la France a proposé une réunion, au niveau des chefs d'Etat, en marge de la prochaine Assemblée générale. Elle a aussi proposé la création d'un corps international du désarmement pour tirer pleinement profit de l'expérience acquise par les inspecteurs en Irak.
S'agissant du développement et de la solidarité, qui, vous le savez, sont une priorité de la France, à Monterrey comme à Kananaskis et à Johannesburg, le Président de la République n'a cessé de plaider pour que les pays du Nord assument toutes leurs responsabilités vis-à-vis du Sud. Ce sera encore l'enjeu majeur du sommet d'Evian.
Face à cette crise, l'Europe a montré ses divisions, mais elle reste au coeur de notre vision et de notre ambition pour le monde. L'Europe doit se ressaisir, et le Conseil européen qui débute cet après-midi à Bruxelles offre l'occasion de réaffirmer les principes et les valeurs qui nous unissent. Partout l'Europe doit être en mesure d'assumer ses responsabilités, qu'il s'agisse de la politique étrangère et de sécurité commune, qu'il s'agisse de la politique de défense. Tous les membres du Gouvernement sont mobilisés, comme l'a demandé le Premier ministre à Matignon, ce matin.
Alors même que nous abordons la mise en place de l'élargissement, nous devons être en mesure de défendre l'identité européenne.
Soyez assurés que le Gouvernement est pleinement engagé, sous l'autorité du Président de la République, pour assurer la sécurité de nos ressortissants, en France et à l'étranger. Je travaille en étroite concertation avec mes collègues du ministère de la défense et de l'intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie et M. Nicolas Sarkozy.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que le Gouvernement reste à votre écoute, disponible pour vous informer et répondre aux questions de la représentation nationale.
Face à cette épreuve pour la communauté internationale, je veux vous dire la mobilisation de la France, de tous ses responsables. Je veux vous dire aussi ma fierté de la nation rassemblée, fidèle à une vision exigeante du monde, inspirée par les principes qui sont les siens : le respect du droit, la liberté et la justice, le dialogue et la tolérance. Jamais les peuples du monde n'ont aspiré avec tant de force à de tels idéaux. C'est notre vocation de les défendre, c'est notre responsabilité de les mettre en oeuvre. (Applaudissements sur toutes les travées, prolongés sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Ma question s'adresse à M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Monsieur le ministre, notre pays est confronté à une conjoncture économique et sociale difficile. En ce qui concerne l'emploi, en particulier, on ne peut guère espérer une amélioration quelconque à court terme, dans le contexte de tensions internationales que nous vivons et que nous venons d'évoquer à l'instant.
En outre, vous avez reçu un héritage lourd à gérer : complexité accrue de la réglementation, judiciarisation croissante de la vie des entreprises, 35 heures généralisées et imposées, mesures d'aide ciblées essentiellement en faveur de l'emploi public.
Monsieur le ministre, vous avez déjà pris plusieurs initiatives destinées à favoriser l'emploi, comme la création des contrats jeunes en entreprise et l'allégement des charges sociales.
Vous avez réuni, mardi dernier, une conférence nationale pour l'emploi avec l'ensemble des partenaires sociaux, afin de créer les meilleures conditions d'une mobilisation active en faveur de l'emploi. Nous vous félicitons de cette initiative, qui illustre le rôle dynamique que doit jouer un gouvernement pour stimuler l'emploi, qui ne se décrète pas.
M. Didier Boulaud. Ce sont les chevaliers de la table ronde !
M. Jacques Oudin. Vous avez appelé les partenaires sociaux à se mobiliser plus vite dans leur négociation nationale sur la formation, et annoncé un certain nombre de mesures significatives ; je me permets d'en citer quelques-unes. Il s'agit des crédits supplémentaires décidés pour les contrats aidés, comme les contrats emploi-solidarité, les CES, et les emploi consolidés, les CEC ; de la création future des contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, et de la relance des contrats initiative-emploi, les CIE. Il s'agit encore de la mise en oeuvre d'un futur revenu minimal d'activité permettant de favoriser la reprise d'activité et de l'amélioration de l'emploi des salariés de plus de cinquante ans. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, cette conférence vous a-t-elle permis d'avancer dans vos réformes ? Quel sera le calendrier des nouvelles mesures annoncées et quels résultats peut-on en attendre ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, devant l'aggravation de la situation économique internationale due à la sortie de ce que l'on a appelé « la purge des télécommunications » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), devant les perspectives évoquées à l'instant par M. le ministre des affaires étrangères, qui ne favorisent ni les investissements ni la reprise de la croissance mondiale, M. le Premier ministre m'a demandé d'organiser une table ronde avec l'ensemble des partenaires sociaux pour mobiliser toutes les forces vives de la nation autour de la politique de l'emploi.
Cette table ronde s'est réunie dans un climat de gravité, compte tenu de la situation, mais aussi de sérénité, parce que l'ensemble des partenaires sociaux et les services de l'Etat ont affiché leur mobilisation autour des trois grands objectifs.
Il s'agit, d'abord, de demander une politique économique et sociale européenne plus volontariste que celle que nous connaissons aujourd'hui.
La France a pris plusieurs initiatives ces dernières semaines pour obtenir cet effort de la part de l'Union européenne. Elle a souhaité, notamment avec les Allemands et les Britanniques, qu'un groupe de haut niveau soit mis en place rapidement pour faire sans délai des propositions visant à améliorer la situation de l'emploi sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.
En outre, notre pays connaît des blocages structurels qui appellent des réformes également structurelles. Trois de ces réformes vont être engagées.
La première concerne la formation professionnelle. Aujourd'hui, en effet, plus de 100 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites. La question de la formation professionnelle et de la formation continue relève d'abord de la compétence des partenaires sociaux. S'il est naturel de demander des comptes à l'Etat, qui a des responsabilités en la matière, il est tout aussi naturel que l'Etat demande aux partenaires sociaux qui, depuis 2001, ont arrêté la discussion sur ces questions, de hâter désormais le pas.
Nous avons donc demandé aux partenaires sociaux de nous communiquer leurs propositions avant l'automne, pour que le Parlement puisse être saisi alors d'un projet de loi sur le sujet. Cela étant, je m'empresse d'ajouter que, si tel ne devait pas être le cas, nous déposerions de toute manière un projet de loi à l'automne, car nous ne pouvons plus tarder pour mettre en oeuvre ce que nous appelons l'assurance emploi-formation.
Au nombre des réformes structurelles nécessaires figure la question de l'emploi des plus de cinquante ans : la France est le pays d'Europe qui enregistre les plus mauvais résultats dans ce domaine.
Là encore, les partenaires sociaux sont décidés à engager une négociation. Nous sommes prêts à les accompagner en révisant les règles qui régissent l'emploi des plus de cinquante ans. Je pense à la contribution Delalande et aux aides mises en place dans le cadre du CIE.
Il convient de mentionner également la simplification du droit du travail, qui doit faire l'objet de prochaines initiatives. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).
M. Didier Boulaud. Et voilà ! Merci baron !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela nous manquait !
M. François Fillon, ministre. Enfin, je n'aurai garde d'oublier la solidarité envers les plus démunis, avec l'augmentation des crédits affectés aux CES, la mise en place du CIVIS, la création d'un dispositif qui vous sera présenté dans quelques semaines - le revenu minimum d'activité (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) - et l'activation du CIE.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Que c'est embarrassant, le travail ! N'est-ce pas, monsieur le ministre ?
M. François Fillon, ministre. L'obsession du Gouvernement, dans cette période, est de faire preuve de la plus grande solidarité à l'égard des plus démunis, sans hypothéquer les chances de reprise de la croissance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
BAISSE DES CRÉDITS DE LA RECHERCHE
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Ma question s'adresse à Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Dans un communiqué de presse embarrassé, le ministère a démenti la baisse de 30 % des crédits des laboratoires de recherche dont la presse s'était fait l'écho. Ce démenti n'a pas convaincu les chercheurs, qui manifestent aujourd'hui pour protester contre les annulations et les gels de crédits.
De hautes autorités du monde de la recherche ont exprimé leur inquiétude.
Le directeur général de l'INSERM a jugé profondément regrettables les coupes annoncées ; la directrice générale du CNRS a exprimé, avec courage, ses craintes que les mesures budgétaires envisagées ne rendent extrêmement difficile le maintien de la qualité de notre recherche et de sa compétitivité internationale.
Le budget de la recherche et des nouvelles technologies pour 2003, pourtant fort modeste, a besoin d'être défendu. Faudra-t-il mettre sur pied un « comité de soutien à la recherche » pour l'aider à résister à ce qui ne peut en aucun cas s'apparenter à une simple régulation budgétaire ?
Pénaliser la recherche est lourd de conséquences pour l'avenir d'une nation.
Or, aujourd'hui, force est de constater le décalage entre la volonté proclamée par Mme la ministre déléguée et les moyens qui lui sont concédés.
On ne peut affirmer l'objectif de consacrer 3 % du produit intérieur brut à la recherche à l'horizon 2010, souhaiter le développement de projets compétitifs sur le plan international, vouloir stimuler l'attractivité de la recherche pour les jeunes, alors que, dans le même temps, les organismes de recherche sont déstabilisés, les programmes pluriannuels menacés de ralentissement, et que les plus grandes incertitudes pèsent sur le devenir de nombreux projets de recherche et sur le respect par l'Etat de ses engagements au titre des contrats de Plan.
Si nous partageons la volonté que la France ne devienne pas un pays scientifique de deuxième rang, il importe, sans diminuer les exigences d'excellence scientifique, de rassurer la communauté des chercheurs.
Ma question est la suivante : la recherche se définit-elle toujours pour le Gouvernement comme un haut niveau de priorité ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison sur un point précis, mais, si vous me le permettez, pas sur tous. En effet, vendredi dernier, le Premier ministre a signé un décret d'annulation de crédits qui figuraient dans la loi de finances initiale pour 2003. Cette annulation concerne, vous le savez, tous les ministères, à l'exception du ministère de la culture, du ministère de la défense et du ministère de la justice.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est qu'un début !
M. Didier Boulaud. Il y en aura d'autres ! Elles tomberont en juin !
M. Luc Ferry, ministre. Cette annulation participe de l'effort consenti par l'ensemble du Gouvernement pour respecter les engagements financiers pris par la France sur le plan européen.
M. Jacques Mahéas. Le budget n'était donc pas sincère ?
M. Luc Ferry, ministre. Si nous ne les respections pas, nous nous exposerions simplement à nous voir rappeler par d'autres à la vertu budgétaire.
Cela étant dit, sur le plan des principes, vous me permettrez tout de même de vous rappeler la réalité des chiffres. Cette mesure d'annulation concerne très exactement 118 millions d'euros sur un total de 6 130 millions d'euros, c'est-à-dire moins de 2 %. Il est donc totalement erroné de laisser croire aux chercheurs que les laboratoires, en particulier ceux du CNRS, pourraient voir leurs crédits baisser de 30 %. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Vous citez un chiffre qui ne comprend pas les salaires !
M. Jean-François Picheral. Et avec les salaires ?
M. Luc Ferry, ministre. Avec les salaires, cela représente 9,4 %. Vous voyez, je connais les chiffres aussi bien que vous !
M. Patrice Gélard. Voilà !
M. Luc Ferry, ministre. Je voudrais vous rappeler que, dans un contexte budgétaire très difficile, la priorité donnée à la recherche par le Gouvernement est attestée par deux faits importants : d'une part, la décision de reporter en totalité les crédits de fonctionnement et d'investissement non consommés en 2002 dans les organismes ; d'autre part, la création - tout de même ! - de 1 400 emplois scientifiques ou d'encadrement technique en 2003.
Je rappelle également que, pour la recherche universitaire, aucune mesure d'annulation n'a été prononcée.
Nous savons parfaitement l'émotion qu'a suscitée chez les chercheurs ce décret d'annulation. C'est la raison pour laquelle leurs syndicats seront reçus au ministère de la recherche cet après-midi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Didier Boulaud. Encore une table ronde en perspective !
SÉCURITÉ DES PERSONNELS DANS LES PRISONS
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Joël Bourdin. Ma question s'adresse àM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
Vous avez annoncé, monsieur le garde des sceaux, un programme de lutte contre les évasions,...
M. Didier Boulaud. Vive Bédier !
M. Joël Bourdin. ... notamment la constitution de groupes spécialisés aux compétences adaptées à l'intervention en milieu pénitentiaire pour répondre aux nouvelles formes d'évasion de plus en plus spectaculaires.
Nous vous en félicitons dans la mesure où ces dispositions seront de nature à garantir l'exécution des peines et la discipline dans les établissements pénitentiaires.
Pour autant, au-delà de ces moyens nouveaux dont vos prédécesseurs n'avaient pas jugé utile de se doter (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), les faits récents de Borgo et de Fresnes ont également révélé les risques majeurs que prennent les personnels de la fonction publique pénitentiaire, au regard du véritable arsenal que peuvent détenir les évadés et leurs complices.
M. Didier Boulaud. Et les bombinettes en Corse !
M. Joël Bourdin. Ces personnels exercent, dans des conditions difficiles, un métier qui mérite, par ailleurs, plus de considération que peut souvent en témoigner l'opinion publique.
A ce titre, il est tout à fait essentiel que la sécurité de ces personnes, depuis trop longtemps négligée, ainsi que celle des détenus, qui exécutent leur peine avec la volonté de se réinsérer, soient garanties.
Monsieur le garde des sceaux, quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer la sécurité dans les prisons ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, la question de la sécurité de nos établissements pénitentiaires a deux dimensions. Il s'agit, d'une part, d'éviter les évasions et, d'autre part, d'assurer la sécurité des personnels.
S'agissant des évasions, alors que nous enregistrons, en un an, une diminution de moitié de leur nombre, nous constatons actuellement une montée de la violence avec laquelle elles sont organisées, une violence de plus en plus spectaculaire, d'ailleurs. Tel est le phénomène auquel nous sommes confrontés.
Quelles mesures avons-nous d'ores et déjà engagées à cet effet et quelles instructions ai-je données aux directeurs régionaux de l'administration pénitentiaire, que j'ai réunis il y a quelques jours ?
M. Jacques Mahéas. On va bien voir !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. En ce qui concerne les mesures déjà engagées, vous en avez adopté quelques-unes lors de l'examen du projet de loi pour la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
J'avais, en effet, demandé à M. Nicolas Sarkozy d'intégrer dans son texte un certain nombre d'amendements tendant à interdire les parloirs sauvages, à pénaliser l'intrusion dans les établissements et à organiser une protection juridique des personnels pénitentiaires et des familles, qui n'était pas prévue jusqu'alors ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
J'en viens à la protection matérielle des établissements pour éviter les évasions. Nous avons adopté, dans le projet de loi de finances pour 2003, un certain nombre de mesures matérielles : brouillage des téléphones portables, tunnels d'inspection à rayons X, sécurisation des miradors, modernisation des moyens d'alarme.
M. Didier Boulaud. Quand même ! Il fallait y penser dès 1997 !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Pour autant, ma préoccupation première reste, effectivement, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, d'assurer une meilleure sécurité des personnels.
La mesure principale pour cela est l'augmentation du nombre des surveillants.
C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez peut-être remarqué, notamment en regardant la télévision, j'ai engagé un effort exceptionnel, sans aucun précédent, de recrutement afin d'améliorer les conditions de travail et, surtout, d'améliorer la sécurité des surveillants.
En outre, j'ai donné des instructions précises pour que la discipline - et d'abord, bien entendu, celle des détenus - soit de nouveau la règle dans les établissements pénitentiaires. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Cela signifie des fouilles individuelles systématiques, comme des fouilles des grands établissements à des intervalles de temps non prévisibles. Vous avez pu le constater, un certain nombre de fouilles ont déjà été ordonnées par moi-même et réalisées il y a quelques jours. D'autres auront lieu cette semaine et la semaine prochaine de façon à faire disparaître des établissements les outils permettant les évasions.
M. Didier Boulaud. Surveillez les portables !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'ai également décidé de mettre en place des équipes régionales d'intervention et de sécurité spécialement entraînées et armées qui viendront renforcer nos équipes de surveillants.
Enfin, j'ai ouvert une discussion très franche avec les représentants des personnels.
M. Didier Boulaud. Ah ! Une table ronde !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je leur ai indiqué que, dorénavant, la politique pénitentiaire serait différente de celle que nous avons connue pendant vingt ans. Désormais la discipline, celle des détenus et celle du personnel, doit être assurée tout en maintenant le dialogue social. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Boulaud. Qu'ont fait MM. Toubon et Méhaignerie ?
PROJET DE LOI
SUR LES SIMPLIFICATIONS ADMINISTRATIVES
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Président Jacques Chirac déclarait le 8 janvier 2003, lors de ses voeux aux corps constitués : « Aujourd'hui, c'est un fait que nos concitoyens, parce qu'ils attendent beaucoup de l'Etat, vivent de plus en plus mal les archaïsmes, les contraintes, les rigidités et les lenteurs de l'administration. Ce n'est pas toujours juste, compte tenu des efforts d'amélioration qui ont été faits au cours des années. Mais la réalité qui domine dans l'esprit du public est bien celle-là, il faut donc en tirer les conséquences. »
Notre pays souffre, en effet, d'une lourdeur administrative patente, considérée depuis de trop nombreuses années et avec un certain fatalisme comme une caractéristique française.
Les usagers en sont bien sûr les premières victimes, mais également les fonctionnaires, qui doivent assumer la situation et faire face à la complexité du fonctionnement de leur administration.
Les chefs d'entreprise, les artisans et les commerçants, principaux créateurs de richesses et d'emplois, sont également confrontés en France à cette lourdeur de l'administration qui les oblige, dans le cadre de leurs démarches administratives, à multiplier les formalités et à passer par de multiples organismes : l'URSSAF, l'ORGANIC, la CNAM...
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
M. Christian Demuynck. A l'heure de la décentralisation, les élus locaux - et nous le savons bien ici - sont eux aussi confrontés à la rigidité excessive de l'administration. Pour ne citer qu'un seul exemple, la rigidité du nouveau code des marchés publics impose ainsi des délais d'attente parfois supérieurs à cinq ans pour les commandes publiques.
Hier, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez présenté en conseil des ministres un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de codification du droit.
En premier lieu, je souhaiterais que vous nous présentiez, monsieur le secrétaire d'Etat, le détail de ces mesures, qui permettront enfin de simplifier toutes ces procédures administratives beaucoup trop lourdes et complexes.
En second lieu, un deuxième projet de loi d'habilitation étant prévu pour l'automne 2003, pourriez-vous d'ores et déjà nous indiquer, dans les grandes lignes, quelle pourrait en être la teneur ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les attentes des Français en matière de simplification administrative sont immenses et leur scepticisme n'en est pas moins grand.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce qu'ils disent sur les plateaux de télévision !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. En effet, si dans le passé on a beaucoup parlé de simplification, cela fut rarement le cas au guichet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On le sait depuis Courteline !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Président de la République, lors de ses voeux aux corps constitués, nous a invités à agir avec énergie et rapidité.
M. Didier Boulaud. Que ne l'a-t-il fait avant ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de procéder par ordonnances pour simplifier la vie des Français dans toute une série de domaines de la vie économique, sociale, administrative.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y était pas prêt jusqu'alors ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Quant à M. le Premier ministre, il a tenu à présenter lui-même, dans le Val-de-Marne, les principales dispositions de ces ordonnances.
Je ne les énumérerai pas toutes, car nous aurons l'occasion de le faire lors du débat parlementaire.
M. Didier Boulaud. Oh oui ! On a vu avec le 49-3 !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je prendrai deux exemples.
Le premier concerne les relations entre tous les Français et les services publics. Nous allons, chaque fois que cela sera possible, remplacer les demandes de pièces justificatives a priori par une simple déclaration sur l'honneur, de façon à restaurer la confiance et à faire le pari de la responsabilité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Là, vous en faites trop !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il est entendu que ceux qui tricheront et qui manqueront à leur déclaration seront sanctionnés. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah, oui ? En plus ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le second exemple répond directement à une préoccupation que vous avez soulevée concernant les délais en matière de commandes et de marchés publics qui ne cessent malheureusement de s'allonger en raison de la complexité des procédures.
Nous allons, grâce au concours du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, simplifier le code des marchés publics et développer le partenariat entre le public et le privé.
M. Didier Boulaud. Où allez-vous trouver l'argent ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. L'objectif est de faire en sorte qu'il soit possible, de la conception à la maintenance, de passer un seul marché.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On a déjà connu cela ! On parlait des « affaires » !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement souhaitant que ce mouvement soit permanent, le Premier ministre a annoncé hier que, dès le mois d'octobre, serait présenté un deuxième projet de loi d'habilitation, assorti d'un deuxième train d'ordonnances et concernant notamment - je remercie à cette occasion les ministres qui travailleront sur ce texte - la vie des familles, les transports, l'urbanisme, l'écologie durable et sociale.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, l'ambition du Gouvernement est grande, comme sa volonté d'agir vite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le ministre, depuis leur création en 1989, les Instituts universitaires de formation des maîtres, régulièrement critiqués dans leur mode de fonctionnement, ont fait l'objet de plusieurs projets de réforme présentés par certains de vos prédécesseurs.
Or chacun sait que l'enseignement devient un métier de plus en plus difficile à exercer, surtout au niveau de l'enseignement primaire.
Nous sommes en effet arrivés à un stade où l'on exige des enseignants d'être de plus en plus polyvalents, d'être capables tout à la fois de savoir gérer les problèmes de violence, d'enseigner la citoyenneté, de travailler en liaison avec d'autres enseignants, avec des associations ou différents réseaux.
Mme Danièle Pourtaud. C'est normal !
M. Patrice Gélard. Dans le même temps, les vocations sont loin d'être encouragées, ce qui est fort regrettable.
Ainsi, force est de constater que les futurs professeurs reçoivent dans les IUFM une formation qui ne les prépare pas correctement à leurs futures fonctions.
M. Didier Boulaud. Ah ! Ils le reconnaissent !
M. Patrice Gélard. En effet, ces instituts dispensent un enseignement beaucoup trop théorique, qui laisse de côté toute formation pratique,...
M. Jacques Mahéas. Et les stages dans les écoles d'application ?
M. Patrice Gélard. ... pourtant de plus en plus nécessaire, pour permettre aux futurs enseignants d'affronter le travail sur le terrain avec de bonnes bases.
M. Didier Boulaud. Bonne remarque !
M. Patrice Gélard. C'est ainsi que les jeunes professeurs qualifient eux-mêmes les cours des IUFM d'« infantilisants ». Cela est d'autant plus affligeant que beaucoup de jeunes professeurs commencent le plus souvent leur carrière dans des zones difficiles, telles que les zones d'éducation prioritaires, les ZEP, sans y avoir été préparés d'une quelconque manière.
L'inspection générale de l'éducation nationale vient de vous remettre, monsieur le ministre, un rapport qui dénonce toutes les failles du système des IUFM.
Pourriez-vous nous dire quelles sont les principales mesures que vous comptez prendre dans les mois à venir, afin de remédier à cette situation en améliorant la formation des professeurs des écoles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je partage en grande partie, sinon totalement, le diagnostic que vous venez de faire.
Il faut en effet mettre en place une réforme assez vigoureuse des IUFM, donc de la formation des maîtres en commençant par réfléchir sur la question de savoir ce que nous attendons de nos enseignants et sur la formation que l'on doit leur dispenser.
Tout d'abord, j'en attends une meilleure formation disciplinaire, c'est-à-dire une meilleure maîtrise des savoirs ; une meilleure maîtrise des programmes, car on peut être agrégé dans une discipline et ne maîtriser que 20 % du programme du collège. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.).
M. Didier Boulaud. Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage !
M. Luc Ferry, ministre. Ensuite, j'en attends une meilleure maîtrise de ce qu'on appelle dans le jargon la « didactique ». Imaginez que vous deviez parler de la Révolution française, que vous connaissez bien, à des élèves de CM 1 ou de CM 2 de neuf et dix ans. Toute la difficulté est de savoir comment vous allez aborder la question.
Quelle date, quel événement allez-vous retenir ?
M. Jacques Mahéas. Les enseignants connaissent leur travail !
M. Luc Ferry, ministre. Voilà ce qui devrait faire partie au premier chef de la formation dans les IUFM.
Enfin, il faut apprendre à maîtriser les classes. C'est une question de pédagogie. On se plaint beaucoup que les IUFM ne donnent pas à nos jeunes enseignants une idée du public qu'ils vont avoir à former, pour ne pas dire « à affronter »...
M. Didier Boulaud. Ce n'est pourtant pas la guerre !
M. Luc Ferry, ministre. ... en fait de la réalité scolaire à laquelle ils devront faire face.
Nous allons donc avec Xavier Darcos proposer une réforme articulée autour de deux axes.
Tout d'abord, une réforme des concours permettra d'accéder à cette meilleure maîtrise des programmes, car il est important de retenir comme critère des savoirs disciplinaires les programmes qu'on aura à enseigner, notamment à l'école primaire.
Ensuite, nous allons professionnaliser la formation dans les IUFM, avec un accompagnement pendant trois ans dans le métier et en développant beaucoup plus qu'aujourd'hui les stages en alternance dans les établissements.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas nouveau ! Cela fait trente ans que cela existe ! Vous n'arrêtez pas d'inventer ! (Mme Nicole Borvo fait un signe d'approbation.)
M. Luc Ferry, ministre. Enfin, je souhaite que tous les professeurs de l'enseignement général passent au moins quinze jours dans les lycées professionnels, car ils auront à participer à l'orientation des jeunes vers des filières qu'ils ne connaissent pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Lucien Lanier. Très bien ! Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, fallait-il en plus la guerre, alors que les épidémies continuent à décimer les hommes ?
L'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a récemment émis une alerte mondiale concernant une épidémie de pneumonie atypique, estimant qu'elle représentait une menace pour la santé à l'échelle de la planète, après cinq décès et trois cents cas d'infections.
L'OMS a ainsi mis à contribution les plus importants centres de recherche mondiaux pour lever l'énigme posée par cette pneumopathie aiguë venue d'une province de Chine. Celle-ci serait mortelle dans 5 % à 10 % des cas, selon des experts français.
Les pays officiellement touchés par une contamination sont principalement, en Asie, le Vietnam, Singapour, les Philippines, la Thaïlande, l'Indonésie, mais également le Canada, l'Allemagne, la Slovénie, en raison de voyageurs revenant d'Asie.
Le site Internet de conseil aux voyageurs du ministère des affaires étrangères note que, « compte tenu de l'évolution de l'épidémie survenue en Asie et des inconnues qui subsistent, et bien que l'OMS ne préconise pas de restreindre pour le moment les voyages dans les zones concernées, il est prudent, à ce stade, de différer temporairement et dans la mesure du possible les déplacements dans les régions de Hong-Kong et de Hanoi ».
Les nouvelles quotidiennes sur cette épidémie dans les médias inquiètent nos concitoyens : nous voulons leur donner de plus amples informations.
La préfecture de la Sarthe a annoncé hier que deux personnes de retour d'Asie avaient été hospitalisées au Mans, car elles présentaient les symptômes de cette pneumonie atypique. Elles sont maintenues en isolement et reçoivent, ainsi que leur entourage, un traitement curatif en attendant les résultats des analyses confirmant l'origine de leur affection.
Pourriez-vous nous exposer, monsieur le ministre, les dernières mesures d'ores et déjà prises pour prévenir l'arrivée de cette épidémie en France, ainsi qu'une éventuelle contamination des personnels soignants qui, on a pu le constater, ont pour le moment été les principales victimes de cette maladie ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, tout comme vous, le Gouvernement est préoccupé et attentif à cette situation d'épidémie que l'Organisation mondiale de la santé a qualifiée de « menace sanitaire mondiale ».
En effet, au début de cette épidémie, un certain nombre d'éléments étaient particulièrement inquiétants : une augmentation rapide du nombre de cas, une gravité sévère, avec décès dans certains cas, l'absence d'agent causal identifié et, enfin, une dissémination en différents points du globe, en particulier à Francfort récemment.
Le Gouvernement a pris tout de suite un certain nombre de mesures. D'une part, il a envoyé une équipe médicale à l'hôpital français d'Hanoi avec trois anesthésistes, un épidémiologiste, un virologue, deux infirmières, ainsi que du matériel. Cette équipe a été renforcée il y a trois jours par trois médecins supplémentaires.
D'autre part, nous avons mis en alerte sanitaire généralisée les aéroports, les hôpitaux, les SAMU et les services de l'Etat concernés.
Nous avons installé une ligne téléphonique qui a permis de répondre à quelque 9 000 appels.
Nous avons également donné des recommandations aux voyageurs en provenance de ces pays pour les jours à suivre au cas où ils présenteraient certains signes cliniques. Bien que l'OMS n'ait pas pris une décision, nous avons également pris le parti de déconseiller les déplacements dans ces régions.
Quel bilan peut-on dresser de la situation ? Depuis mardi, le nombre de cas semble diminuer. Au plan mondial, on compte 264 cas et neuf décès, dont le décès initial et malheureusement deux décès de personnels soignants, une infirmière et un médecin à l'hôpital français d'Hanoi. Les trois foyers principaux ont été identifiés : Hong-Kong, Hanoi et Singapour.
L'agent causal étant désormais identifié - c'est un paramyxovirus -, nous aurons les moyens d'établir un diagnostic plus précis.
En France, soixante-neuf personnes ont fait l'objet d'investigation. Aucun n'a été aujourd'hui identifié comme tel. Néanmoins, comme le délai d'incubation est de sept jours, nous maintenons l'alerte sanitaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous avons fini les questions d'actualité.
Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.