2. Un cadre comptable inapproprié fournissant une information incomplète
L'Etat
,
à la différence d'une
entreprise
privée mais aussi d'une collectivité territoriale,
ne
dispose pas d'une comptabilité qui lui permette de connaître sa
réalité financière de façon précise, ce qui
démontre un certain archaïsme.
La comptabilité de l'Etat, en effet, est une comptabilité de
caisse, qui privilégie le suivi des opérations
budgétaires, c'est-à-dire que seuls sont
appréhendés les décaissements et les encaissements. Ce
cadre comptable permet de connaître avec précision
l'exécution de la dépense au niveau des chapitres
budgétaires, et fournit ainsi une information indispensable au
Parlement. Toutefois, il rend très délicate la description du
patrimoine de l'Etat.
En effet, faute d'une comptabilité en droits constatés,
l'ensemble des opérations du trésor ne figure pas au budget de
l'Etat, qui n'a ni compte de bilan, ni raisonnement en termes d'actif et de
passif.
L'Etat ne dispose ni d'une comptabilité patrimoniale, ni d'une
comptabilité d'engagement, ni d'une comptabilité
analytique : ses prévisions ignorent ainsi, par exemple, les
notions de provision et d'amortissement, ce qui a de graves
conséquences. Lorsque des investissements sont réalisés,
le fonctionnement n'est pas prévu, le renouvellement n'est pas
envisagé et l'amortissement n'est pas pris en compte.
Le chef du service de l'Inspection générale des finances, M.
Thierry BERT, voit dans cette situation la source du
"
caractère impécunieux de l'Etat
", sur
lequel il porte un jugement sévère : "
un certain
nombre de provisions, qui sont des provisions dont l'absence dans un bilan
bancaire entraînerait l'incarcération quasi-immédiate de
l'ensemble des responsables, ne sont jamais passées. L'Etat, dit-on, est
son propre assureur, sa propre garantie, il a l'éternité pour lui
etc. Moyennant quoi, aucun risque n'est pris en compte et aucune provision
n'est jamais passée
".
Ce système reste donc opaque, et ne favorise pas une diffusion
d'informations adaptée à la prise de décisions : la
comptabilité de l'Etat n'est pas encore une comptabilité
" décisionnelle ".
" Un ministère qui prétend donner des leçons au monde entier "
L'opacité du système d'informations est
préjudiciable au sein même des services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie.
Ainsi, M. Thierry Bert a indiqué à votre commission, lors de son
audition : "
nous n'arrivons pas nous-mêmes à
reconstituer le budget des directions, ni les personnels, ni les
rémunérations, ni le budget de fonctionnement, ni la
cohérence des implantations immobilières, ni en gros rien du
tout. Donc, nous sommes extrêmement peu satisfaits, c'est le moins de le
dire, de cette situation un peu surprenante pour un ministère qui
prétend donner des leçons au monde entier
".
Il poursuit : "
pourquoi est-on dans une situation de ce
type ? C'est tout simplement un alluvionnement de petites décisions
apparemment de faible importance, décisions individuelles, refus de
telle ou telle réforme structurelle, ayant créé une
situation qui est maintenant un véritable imbroglio
".
A cet égard, M. Jean-Jacques FRANÇOIS a estimé que
"
la comptabilité est l'une des techniques les plus en retard
concernant l'Etat
", considérant qu'il existait "
des
marges de progression considérables
". Pour autant, la
comptabilité de caisse ne doit pas disparaître : la
comptabilité en droits constatés doit en effet venir la
compléter.