En finir avec le mensonge budgétaire : enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat
LAMBERT (Alain) ; MARINI (Philippe)
RAPPORT D'INFORMATION 485 tome 1 (2000-2001) - COMMISSION DES FINANCES
Rapport au format Acrobat ( 599 Ko )Table des matières
- AVANT-PROPOS
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE PREMIER :
LE SOLDE DU BUDGET, OBJECTIF CENTRAL DE LA LOI DE FINANCES.
REFLET D'UN CHOIX OU RÉSULTAT DE CONTRAINTES ?-
I. LA FIXATION DU NIVEAU DE L'ÉQUILIBRE
BUDGÉTAIRE : UN ACTE POLITIQUE MAJEUR
- A. UNE DONNÉE SOUS CONTRAINTES MULTIPLES
- B. UNE CIBLE DIFFICILE À ATTEINDRE
- C. LES DIFFICULTÉS SE CONCENTRENT EN FIN D'EXERCICE
-
II. LE SUIVI DE L'EXÉCUTION, MONOPOLE DU POUVOIR
EXÉCUTIF
- A. LES INSTRUMENTS DE SUIVI DE L'EXÉCUTION
- B. UNE ADMINISTRATION COMPÉTENTE ET LOYALE, DONT LE MODE DE FONCTIONNEMENT N'EST PAS EXEMPT DE TRAVERS
- C. LE PARLEMENT TENU A L'ÉCART
-
III. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE SOUS FORTES
CONTRAINTES TECHNIQUES
-
A. LES CONTRAINTES INTERNES DE CALENDRIER
-
1. Février-octobre : l'articulation entre la
préparation du budget " n+1 " et l'exécution du budget
" n "
- a) Février : fin de l'exercice interne à la direction du budget des " perspectives budgétaires " et premier regard sur l'exécution en cours
- b) Avril : début des conférences budgétaires et première note de la direction du budget sur l'exécution
- c) Juillet : réunion d'arbitrages, envoi des lettres-plafonds et deuxième note de la direction du budget
- d) Octobre : début de l'examen du projet de loi de finances et troisième note de la direction du budget
- 2. Octobre-décembre : ne pas faire du collectif de fin d'année un exercice purement formel déconnecté de la réalité budgétaire
-
1. Février-octobre : l'articulation entre la
préparation du budget " n+1 " et l'exécution du budget
" n "
- B. LES CONTRAINTES EXTERNES D'HARMONISATION AVEC LES AUTRES INSTRUMENTS DE SUIVI DES FINANCES PUBLIQUES
-
A. LES CONTRAINTES INTERNES DE CALENDRIER
-
IV. UN SUIVI DE L'EXÉCUTION SOUS CONTRÔLE
POLITIQUE : L'EXEMPLE DE 1999
-
A. UNE SITUATION DE BONNE EXÉCUTION
BUDGÉTAIRE ANALYSÉE EN DÉTAIL PAR LA DIRECTION DU BUDGET
DÈS LE 13 JUILLET 1999
- 1. La note du 7 avril 1999 : une exécution globalement en phase avec les prévisions de la loi de finances initiale
- 2. La note du 13 juillet 1999 : une amélioration du déficit budgétaire de 25,9 milliards de francs imputable pour les deux tiers aux plus-values de recettes
- 3. La note du 26 octobre 1999 : une exécution qui se rapproche en 1999 du niveau prévu pour 2000 mais qui ne se retrouve pas dans le projet de collectif budgétaire
- 4. La note du 14 décembre 1999 : comment contenir l'amélioration du solde budgétaire ?
- B. UN PROGRAMME DE FINANCEMENT FACILITÉ DÈS LE 10 JUIN 1999 POUR LA DIRECTION DU TRÉSOR
- C. LES BUDGETS ÉCONOMIQUES DE LA DIRECTION DE LA PRÉVISION : EN FÉVRIER, L'OBJECTIF DE DÉFICIT BUDGÉTAIRE EST JUGÉ ATTEIGNABLE
- D. UNE DISSIMULATION VOLONTAIRE PAR LE GOUVERNEMENT JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE
-
E. LE PARLEMENT, ET NOTAMMENT L'ASSEMBLÉE
NATIONALE, TENU À L'ÉCART DE CES INFORMATIONS
- 1. Le 19 novembre 1999, le ministre de l'économie réfute officiellement le chiffrage de votre commission des finances sur la " cagnotte "
- 2. Un projet de collectif présenté le 24 novembre 1999 au Parlement dont les recettes étaient notoirement sous-évaluées
- 3. Le " coup de théâtre " du 20 décembre 1999 devant le Sénat
-
A. UNE SITUATION DE BONNE EXÉCUTION
BUDGÉTAIRE ANALYSÉE EN DÉTAIL PAR LA DIRECTION DU BUDGET
DÈS LE 13 JUILLET 1999
-
I. LA FIXATION DU NIVEAU DE L'ÉQUILIBRE
BUDGÉTAIRE : UN ACTE POLITIQUE MAJEUR
-
CHAPITRE II :
LES RECETTES : UNE VARIABLE ALÉATOIRE DIFFICILE À PRÉVOIR- I. LA PRÉPARATION DE LA LOI DE FINANCES EN RECETTES : UN EXERCICE DÉLICAT
-
II. LE SUIVI DE L'EXÉCUTION DES RECETTES :
UNE MÉTHODE EFFICACE
- A. UNE MÉTHODE BIEN RODÉE
-
B. UNE MÉTHODE QUI A FAIT SES PREUVES EN
1999 : DES SURPLUS DE RECETTES FISCALES CONNUS DÈS JUILLET
- 1. Un début d'année dominé par l'incertitude
- 2. Des inquiétudes dissipées à partir des résultats du mois d'avril
- 3. Un excédent arbitré à 20 milliards de francs début juillet
- 4. Un excédent volontairement minoré fin août
- 5. Un écart croissant d'octobre à décembre entre les révisions officielles et les prévisions d'exécution
- 6. La " surprise " de fin d'année
- C. LES RECETTES NON FISCALES : UN PILOTAGE À VUE PAR LE POUVOIR POLITIQUE
-
III. DE NOMBREUSES OPÉRATIONS COMPTABLES ONT
AFFECTÉ LES EXERCICES 1998, 1999 ET 2000
- A. LES REPORTS DE RECETTES PURS ET SIMPLES
- B. LES CHANGEMENTS DE MÉTHODES COMPTABLES AUX FINS DE REPORTS
-
CHAPITRE III :
LES DÉPENSES : LA VOLONTÉ DE MAÎTRISE ET LA TENDANCE AU DÉRAPAGE-
I. L'EXÉCUTION DES DÉPENSES : UNE
PRÉSENTATION EN FONCTION DU BESOIN D'EN DÉMONTRER LA
MAÎTRISE
-
A. UN DÉRAPAGE TRADITIONNEL DES
DÉPENSES
- 1. Un mauvais calibrage des crédits inscrits en loi de finances peu favorable à la maîtrise des dépenses
-
2. Les notes d'exécution de la direction du
budget : un dérapage des dépenses récurrent
- a) La première note sur l'exécution du budget 1997 en date du 8 avril 1997
- b) La première note sur l'exécution du budget 1999 en date du 7 avril 1999
- c) La deuxième note sur l'exécution en date du 13 juillet 1999
- d) La troisième note sur l'exécution en date du 26 octobre 1999
- e) La dernière note sur l'exécution en date du 14 décembre 1999
- 3. Un dérapage des dépenses confirmé par la direction de la prévision
- 4. La norme de progression des dépenses fixée a priori n'est respectée qu'au prix d'économies forfaitaires
- B. L'IMPÉRATIF SUR LES DÉPENSES : TOUT FAIRE POUR AFFICHER LE RESPECT DES ENGAGEMENTS PRIS
-
A. UN DÉRAPAGE TRADITIONNEL DES
DÉPENSES
-
II. L'ÉLABORATION DU BUDGET : L'INSUFFISANTE
REMISE EN CAUSE DE L'EXISTANT POUSSE LES DÉPENSES À LA HAUSSE
- A. UNE PROCÉDURE BUDGÉTAIRE DE NATURE PRESQUE EXCLUSIVEMENT ADMINISTRATIVE
- B. DES INFORMATIONS BUDGÉTAIRES ET FINANCIÈRES NOMBREUSES MAIS DE MAUVAISE QUALITÉ
-
I. L'EXÉCUTION DES DÉPENSES : UNE
PRÉSENTATION EN FONCTION DU BESOIN D'EN DÉMONTRER LA
MAÎTRISE
-
CONCLUSION :
LA NÉCESSAIRE MATURATION DU DÉBAT BUDGÉTAIRE EN FRANCE - CONTRIBUTION DE BERNARD ANGELS, SÉNATEUR DU VAL D'OISE ET DE PAUL LORIDANT, SÉNATEUR DE L'ESSONNE, AU RAPPORT DE LA MISSION D'ENQUÊTE CHARGÉE DE RECUEILLIR DES ÉLÉMENTS D'INFORMATION SUR L'ÉLABORATION ET L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCES
- EXAMEN EN COMMISSION
- ANNEXES
-
ANNEXE N° 1 :
PROGRAMME DE TRAVAIL -
ANNEXE N° 2 :
LISTE DES DOCUMENTS DE SERVICE OBTENUS PAR LA COMMISSION -
ANNEXE N° 3 :
DOCUMENTS DE SERVICE REPRODUITS -
ANNEXE N° 4 :
LES GRANDES ÉTAPES DE LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE -
ANNEXE N° 5 :
COMMENT MIEUX CONNAÎTRE LA SITUATION BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE DE L'ÉTAT -
ANNEXE N° 6 :
RÉPONSES DE LA DIRECTION DU BUDGET AU QUESTIONNAIRE " DONNÉES BUDGÉTAIRES SUR DIX ANS DE FINANCES PUBLIQUES (1989-1999) "
N°
485
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 29
juin 2000
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre
2000
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) dotée des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l' élaboration des projets de loi de finances et l' exécution des lois de finances (en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 22 ter du Règlement du Sénat),
TOME
I : RAPPORT
Par MM. Alain LAMBERT et Philippe MARINI,
Sénateurs.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Marcel Charmant, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud,
Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe
Lachenaud, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel
Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra,
Henri Torre, René Trégouët.
Finances publiques. |
" Tous les citoyens ont le droit de constater, par
eux-mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité
de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et
d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la
durée. "
(Article 14 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de
1789).
" La Société a le droit de demander compte à tout
agent public de son administration. "
(Article 15 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de
1789).
AVANT-PROPOS
Dans sa
séance du 29 mars 2000, le Sénat a décidé, à
l'unanimité, de conférer à la commission des finances les
prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, jusqu'au
29 septembre de la même année, en application de l'article 5
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 22
ter
de son règlement.
Votre commission des finances avait elle-même décidé de
faire cette proposition au Sénat au cours de sa réunion du 28
mars, sur proposition de son président M. Alain LAMBERT,
appuyée par son rapporteur général M. Philippe
MARINI. Il s'agit du deuxième emploi de cette procédure
créée par la loi n° 96-517 du 14 juin 1996 tendant
à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à
créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques
publiques. Notre commission des lois, qui avait d'ailleurs été
à l'origine de l'insertion de ce dispositif dans le texte de 1996,
l'avait utilisée d'octobre 1997 à mars 1998, au sujet du
processus européen de coopération policière.
L'objet de la mission proposée au Sénat est de recueillir des
informations sur la façon dont fonctionnent les services de l'Etat, en
particulier ceux du ministère de l'économie et des finances, dans
l'élaboration des projets de loi de finances et dans l'exécution
des lois de finances.
Les motivations de la demande des prérogatives de commission
d'enquête sont de deux natures.
D'une part, sur le fond, les débats budgétaires de la fin de
l'année 1999 se révèlent avoir porté devant le
Parlement sur des données largement faussées. Il convenait
d'élucider les raisons pour lesquelles ces données étaient
inexactes.
D'autre part, et sur la forme, il n'apparaissait pas évident que la
commission puisse recueillir les éléments d'information
souhaitables sans être dotée des prérogatives des
commissions d'enquête au moment du vote du Sénat le 29 mars. Une
interprétation restrictive des textes alors en vigueur laissait en effet
penser que seuls les rapporteurs spéciaux pouvaient exercer un
contrôle sur pièces et sur place, portant sur les seules
dépenses relevant du département ministériel qu'ils ont la
charge de rapporter. Les prérogatives des commissions d'enquête
permettaient de lever toute ambiguïté à cet égard.
Depuis, à l'initiative de l'Assemblée nationale, la
première loi de finances rectificative pour 2000 a doté les
commissions des finances de prérogatives nouvelles
1(
*
)
. Son article 30 prévoit notamment que les
présidents et rapporteurs généraux des commissions des
finances ont un pouvoir général de contrôle des recettes et
dépenses publiques. La mise en oeuvre de ce pouvoir devrait, à
l'avenir, rendre inutile le recours à cette procédure
exceptionnelle, sur ce sujet tout au moins.
Votre commission a souhaité donner un caractère pluraliste et
impartial à ses travaux. Au cours de sa réunion du 5 avril, elle
a désigné six rapporteurs : MM. Alain LAMBERT,
président, Philippe MARINI, rapporteur général, Roland du
LUART, Bernard ANGELS, André VALLET et Paul LORIDANT.
Elle a procédé à 20 auditions, dont 3 publiques et 17
confidentielles. Trois anciens ministres de la précédente
majorité, deux de l'actuelle et le ministre en exercice ont
été auditionnés. Toutes les personnalités
auditionnées ont témoigné sous serment.
Vos rapporteurs ont procédé à 3 contrôles sur
pièces et sur place au ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie. Ces contrôles ont concerné la
direction du budget, la direction générale des impôts, la
direction générale de la comptabilité publique et la
direction du trésor.
Le présent rapport est le produit de ces investigations.
INTRODUCTION
Le 17
novembre dernier, votre commission a rendu public le rapport
déposé en son nom par son rapporteur général le 10
du même mois, présentant les principaux éléments du
projet de loi de finances pour 2000. Votre commission y considérait
notamment que les recettes fiscales pour 1999
2(
*
)
étaient sous-estimées d'une somme comprise entre 20 et 34
milliards de francs.
Dès le 19 novembre, de façon très inhabituelle, le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
répliquait par un rapide communiqué à la presse,
démentant catégoriquement ces affirmations.
L'affaire dite de la " cagnotte fiscale " s'était nouée.
Or votre commission, pour établir son estimation, ne se fondait pas sur
des données d'exécution confidentielles, mais sur les
éléments déjà rendus publics par le gouvernement,
notamment la situation budgétaire mensuelle à fin août.
Tout au long de la discussion budgétaire, puis lors de celle relative au
projet de loi de finances rectificative, le gouvernement a démenti les
affirmations de votre rapporteur général, en lui refusant
obstinément les moyens de les vérifier, en particulier la
situation hebdomadaire budgétaire et financière de l'Etat (S.H),
établie chaque semaine au titre de la semaine précédente,
et réclamée à plusieurs reprises par votre
président.
Finalement, les affirmations de votre commission étaient
avérées le 9 février 2000
3(
*
)
, lors de la présentation par le gouvernement
des résultats définitifs de l'exécution 1999
4(
*
)
.
Le refus du gouvernement de reconnaître l'écart d'exécution
des recettes, comme celui, explicite ou implicite, de communiquer à la
commission des finances les documents permettant de vérifier cet
écart, puis la révélation que les résultats de
l'exécution 1999 avaient été estimés avec justesse
par votre commission, étaient la manifestation de dysfonctionnements
majeurs dans une démocratie moderne.
A cet égard, ce n'est pas l'écart dans l'exécution des
recettes, somme toute minime (inférieur à 2 %) qui
était en cause, mais l'absence de transparence du gouvernement à
ce sujet.
Le premier objectif de votre commission était donc de créer une
relation différente entre le gouvernement et le Parlement, et
au-delà du Parlement, avec le peuple. Nos concitoyens, et leurs
représentants, ont le droit de connaître, aussi vite que cela est
possible, l'état des finances publiques, la situation des
dépenses d'intérêt général ainsi que celles
des recettes qui ne sont autres que les prélèvements
effectués sur eux pour financer ces dépenses. C'est un droit
fondamental des citoyens.
Que le gouvernement conserve l'initiative de ce qu'il convient de faire en
matière de finances publiques est tout aussi normal. Mais ce n'est en
aucun cas brider cette initiative que de connaître, à un instant
donné, la situation des finances publiques.
Pour parvenir à cet objectif, votre commission a souhaité
s'informer sur l'exécution des lois de finances, connaître les
outils dont le gouvernement dispose pour en assurer le suivi, ainsi que les
outils servant aux prévisions d'exécution. L'exercice 1999 a
servi de témoin dans cet exercice, mais votre commission n'a pas
souhaité se focaliser particulièrement sur cette année
là, car il ne s'agit pas de se livrer à un examen partial. Elle
n'a toutefois recueilli que relativement peu d'éléments sur les
exercices précédant 1999.
Votre commission a également souhaité s'informer sur
l'élaboration des projets de loi de finances, tant il est vrai que
l'exécution en cours lie étroitement les prévisions qui
permettent l'élaboration de ces projets de loi.
Elle s'est toutefois refusée à s'immiscer dans la
préparation du projet de loi de finances pour 2001, car ce
n'était pas l'objet de ses investigations. Le suivi de
l'élaboration des projets de loi de finances par les commissions des
finances du Parlement devrait toutefois faire l'objet d'une réflexion
à l'avenir.
Le présent rapport rend compte, concrètement, de la
manière dont le ministère de l'économie, des finances et
de l'industrie, pilote les recettes, les dépenses et l'équilibre
budgétaire, à la fois en vue d'exécuter la loi de finances
de l'année comme d'élaborer celle de l'année suivante. Il
ne contient pas de vision générale ou abstraite du calendrier
budgétaire du gouvernement : les manuels de finances publiques en
rendent compte. Ce calendrier, et ces différentes étapes et
procédures, sont d'ailleurs bien respectées par l'administration.
L'objet de cette enquête est plutôt, à partir de l'exemple
d'exercices réels, de rendre compte du contenu de ces étapes.
CHAPITRE PREMIER :
LE SOLDE DU BUDGET, OBJECTIF CENTRAL DE LA LOI
DE FINANCES.
REFLET D'UN CHOIX OU RÉSULTAT DE
CONTRAINTES ?
Le niveau de l'équilibre budgétaire constitue une donnée essentielle de la loi de finances : acte politique majeur, il fait l'objet à ce titre d'un suivi permettant au pouvoir exécutif d'en connaître avec précision l'évolution.
I. LA FIXATION DU NIVEAU DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE : UN ACTE POLITIQUE MAJEUR
Il s'agit en effet pour le pouvoir exécutif d'arriver à trouver le " bon " niveau d'équilibre budgétaire.
A. UNE DONNÉE SOUS CONTRAINTES MULTIPLES
1. Un élément central auquel les engagements européens confèrent un rôle politique croissant
L'architecture d'un projet de loi de finances relève
d'un
arbitrage, selon les termes de la direction de la prévision, entre
"
dépenses publiques, prélèvements obligatoires et
déficit public
".
In fine
, une fois la loi de
finances exécutée, le déficit constaté
résulte de l'évolution comparée des recettes et des
dépenses, dont l'évolution en cours d'exercice peut, par
ailleurs, avoir été modifiée de manière à
atteindre un objectif de déficit en exécution souhaité par
l'autorité politique.
Au stade de l'élaboration d'un projet de loi de finances, le
déficit est une donnée qui peut influencer les choix fiscaux et
les orientations en matière de progression des dépenses.
Le traité de Maastricht a fait du niveau de déficit un
élément central du suivi des finances publiques. L'article 104 C
retient comme critère de discipline budgétaire, jugé
nécessaire dans la perspective de l'Union économique et
monétaire, le
"
rapport entre le déficit public
prévu ou effectif et le produit intérieur brut
"
inférieur à 3 %.
L'apparition de ce " critère de convergence " a
conféré au niveau du déficit public et donc du solde
budgétaire une plus grande sensibilité politique, les
dérapages étant plus visibles puisque mesurés à
l'aune d'un critère simple : 3 % du produit intérieur
brut. En outre, l'obligation de respecter ce critère s'accompagne de la
mise en place d'un mécanisme de "
surveillance
multilatérale
" en matière de politique
économique et de l'obligation pour les Etats d'arrêter
"
des programmes pluriannuels destinés à assurer la
convergence durable nécessaire à la réalisation de l'Union
économique et monétaire, en particulier en ce qui concerne la
stabilité des prix et la situation saine des finances
publiques
"
5(
*
)
.
Ces engagements européens ont trois types de conséquences sur
les conditions d'élaboration et d'exécution des lois de
finances :
- désormais, les comptes de l'Etat doivent être examinés
parallèlement à ceux des autres administrations publiques, afin
d'avoir une vision consolidée des finances publiques ;
- par ailleurs, le gouvernement agit sous le regard de ses homologues, et doit
" rendre des comptes " ;
- enfin, il devient délicat pour un gouvernement d'afficher ouvertement
un niveau de déficit supérieur à celui de l'année
précédente.
2. Le coeur du projet de loi de finances
a) Au centre de l'élaboration du projet de loi de finances
Le solde
budgétaire figurant dans un projet de loi de finances constitue une
synthèse de l'ensemble des arbitrages qui sont rendus au cours du
processus d'élaboration d'un projet de loi de finances : rythme
d'évolution des dépenses et prévisions de recettes
fiscales, qui découlent elles-mêmes des hypothèses retenues
en matière d'inflation et de croissance du PIB.
"
La préparation d'un budget étant l'acte politique
central d'un gouvernement
", pour reprendre l'expression de M. Denis
MORIN, ancien directeur de cabinet du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, les principales décisions, et notamment la
définition du solde budgétaire, sont prises au plus haut niveau.
Comme l'indique la direction du budget dans ses réponses écrites
au questionnaire de votre commission, "
l'équilibre du projet
de loi de finances
et le
choix des articles législatifs
à caractère fiscal ou budgétaire
sont
arrêtés au cours de l'été par le cabinet du Premier
ministre par lequel transite la saisine du Conseil d'Etat
".
b) Le pivot de la discussion au Parlement
L'article d'équilibre budgétaire constitue la
charnière entre les deux parties d'un projet de loi de finances. La
première partie contient l'ensemble des mesures fiscales
destinées à entrer en vigueur dès la promulgation du texte
finalement adopté par le Parlement, ainsi que l'article
d'équilibre, qui détermine le solde budgétaire. La seconde
partie détaille la ventilation des dépenses entre les
différents départements ministériels, et contient
également les mesures fiscales et budgétaires n'ayant pas
d'impact sur le solde budgétaire de l'année à venir.
Cette procédure d'examen en deux parties, prévue par l'article 40
de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 subordonne donc les votes du
Parlement en matière de dépenses à l'adoption de l'article
d'équilibre. Pour n'avoir pas respecté cette procédure, la
loi de finances pour 1980 a d'ailleurs été déclarée
non conforme à la Constitution.
La pratique des discussions parlementaires montre que l'équilibre
budgétaire est une donnée jugée cruciale par le pouvoir
exécutif : le montant arbitré par le Premier ministre au
cours de l'été ne doit pas être remis en cause au cours de
la discussion au Parlement. M. Denis MORIN confirme ce parti-pris en soulignant
que "
chaque année la discussion ajuste ou déplace 5 ou
6 milliards. La tradition s'est instaurée de considérer que
ces ajustements devaient se faire à solde nul
".
Cet état de fait a conduit le président de votre commission,
Alain LAMBERT, à se demander, après avoir relevé que
le déficit n'avait varié que de 73 millions de francs au cours de
l'ensemble de la discussion du projet de loi de finances pour 2000
6(
*
)
, si "
une forme de fétichisme
amène les cabinets à recommander au ministre d'arriver au terme
de la discussion budgétaire à un déficit budgétaire
identique à quelques francs près à celui annoncé
à la presse en septembre ?
".
"
Est-ce qu'il y a un fétichisme du déficit ? Je ne
sais pas.
", a répondu M. Christian SAUTTER, ancien ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, qui a cependant admis
"
il est vrai que dans le débat budgétaire nous avons une
tendance à ne pas faire varier trop le déficit budgétaire
qui, quoi qu'on dise, reste une variable forte du débat politique.
Lorsque les parlementaires proposent des modifications du côté des
recettes, plus rarement du côté des dépenses - cela peut se
faire avec l'accord du gouvernement - on essaie de faire en sorte que le
déficit annoncé ne soit pas trop corrigé.
".
L'équilibre budgétaire est donc une "
variable forte du
débat politique
" que seul le gouvernement peut choisir de
faire varier.
3. Un élément-clef de l'exécution et de son suivi
a) L'évolution du solde sous étroite surveillance
L'exécution budgétaire est entachée de
nombreux
aléas, tant en recettes qu'en dépenses. En conséquence, la
direction du budget s'attache à mesurer de manière aussi fine que
possible les écarts entre la prévision et l'exécution.
A l'exception du tableau de bord interdirectionnel des recettes fiscales, qui
est un document spécifique au suivi des recettes fiscales, tous les
documents de " reporting " ou de prévision
7(
*
)
transmis au ministre par la direction du budget
commencent par évoquer le solde budgétaire, avant d'en
présenter les composantes en recettes et en dépenses. Les
ministres disposent ainsi d'informations sur le solde de façon
très régulière, soit hebdomadaire, soit mensuelle, soit
trimestrielle.
Lorsque des écarts importants par rapport à l'objectif
recherché sont constatés, ils sont analysés et des mesures
correctrices sont immédiatement proposées au ministre
.
Le
processus d'intégration économique et monétaire a
accentué cette vigilance.
Cela confirme le jugement porté par
M. Jean BASSÈRES,
directeur général de la comptabilité publique, lors de son
audition : "
il est évident que la manière dont nous
avons suivi l'évolution du seuil d'exécution budgétaire
compte tenu des contraintes imposées par le traité de Maastricht
a amené un suivi particulier
".
Le suivi de l'exécution vu par Bercy
" Au total, les moyens pour le Gouvernement de maîtriser l'exécution du budget de l'Etat sont nombreux. Ils nécessitent la mise en oeuvre de procédures plus ou moins lourdes, que ce soit en matière réglementaire ou législative. Il reste que ces outils ne sont que des moyens dont la mise en oeuvre est conditionnée par une capacité d'anticipation qui doit être la plus importante possible. C'est pourquoi, être en mesure à tout instant de fournir au Gouvernement une prévision d'exécution du budget voté constitue, avec la préparation du budget, une des tâches les plus importantes de la direction du budget. Les contraintes économiques, auxquelles s'ajoutent les normes de déficit public et de dette publique instaurées par le traité de Maastricht relatif à l'Union économique et monétaire, imposent en effet aujourd'hui un contrôle de plus en plus strict de l'exécution du budget exécuté : la traduction des objectifs de politique économique se manifeste tout aussi bien dans la façon dont le budget a été exécuté que dans les déclarations auxquelles il a donné lieu lors du débat parlementaire ayant accompagné son adoption ".
Source : Le budget de l'Etat, MEFI, 1999
b) Un suivi des différentes composantes du solde budgétaire
Les
textes européens qui s'appliquent à la France fixent des
objectifs en terme de solde budgétaire : un plancher de 3 % du
PIB en-dessous duquel le niveau du déficit ne doit pas tomber et, depuis
juillet 1997, l'obligation de mener une politique qui tende, à moyen
terme, vers l'équilibre, voire l'excédent budgétaire.
Ainsi dans la prévision d'exécution transmise le 8 avril 1997 au
ministre par le directeur du budget, les mises en garde portaient sur le
respect d'un objectif de solde. Les mesures de redressement qui accompagnaient
la prévision étaient motivées par le fait que "
le
besoin de financement des administrations publiques peut donc être
estimé à 3,7 % pour 1997, soit un écart de 0,7 % du
PIB - correspondant à plus de 55 milliards de francs - par rapport
à l'objectif de 3 %, dont plus de la moitié incombe à
l'Etat
". Il fallait contenir le déficit dans la limite de 3 %
du PIB.
Depuis, les autorités françaises se sont dotées d'une
nouvelle règle : l'objectif de solde doit être atteint en
respectant une norme de progression des dépenses.
Le programme pluriannuel des finances publiques transmis en janvier 2000
à la Commission européenne reprend cette nouvelle règle,
et prévoit que "
la politique des finances publiques
(...)
continuera à dessiner ce qui doit devenir le " triangle
d'or " des finances publiques de la France : progression
maîtrisée des dépenses, réduction
régulière des déficits publics et réduction
marquée de la pression fiscale
(...)
la base du triangle de la
politique des finances publiques est la définition d'un objectif
souhaitable d'évolution de la dépense publique
" .
Désormais, la structure du solde constaté en exécution
n'est plus neutre. Quand bien même il n'aurait pas d'effet sur le solde
puisque les recettes fiscales seraient supérieures aux
prévisions, un dépassement de la norme de progression des
dépenses ne serait plus toléré.
B. UNE CIBLE DIFFICILE À ATTEINDRE
Malgré l'importance accordée par le gouvernement au niveau du solde figurant dans les lois de finances, le suivi de l'exécution budgétaire n'est pas principalement guidé par la volonté de respecter le montant voté par le Parlement mais par la nécessité de terminer l'exécution à un niveau qui, compte tenu de l'évolution de la conjoncture économique, soit compatible avec la stratégie globale du gouvernement en matière de finances publiques et avec les contraintes liées à l'élaboration de la loi de finances pour l'année suivante.
1. Les difficultés tenant à la durée de la préparation budgétaire
L'élaboration des lois de finances commence au tout
début de l'année précédente. Par exemple, le
directeur du budget proposait, dans une note au ministre du 14 janvier 1999, de
prendre une disposition "
utile pour la construction de l'esquisse
2000
". Cette esquisse est progressivement élaborée par
les services, dont le travail est orienté par différentes
décisions politiques qui interviennent au printemps, et notamment
l'envoi par le Premier ministre des lettres de cadrage.
Le début de l'été marque le début de la
véritable phase de décision. La réunion d'arbitrage des
recettes fiscales intervient au mois de juillet, et s'agissant des
dépenses, les décisions définitives se traduisent par
l'envoi aux différents ministres des lettres-plafond, en
général à la fin du mois de juillet. A ce sujet, M. Alain
LAMASSOURE, ancien ministre délégué au budget, a
souligné que "
la principale contrainte vient de la
Constitution, c'est le débat parlementaire. Il existe un compte à
rebours qui permet d'aboutir à ce calendrier et je le trouve, pour ma
part, assez satisfaisant
".
A " l'autre bout de la chaîne ", les comptes sont clos à
la fin du mois de janvier de l'année suivante. Par conséquent, il
s'écoule près de vingt mois entre la date à laquelle les
prévisions sont arrêtées et la fin de l'exécution.
Dans cet intervalle, de nombreux éléments ayant un impact sur le
solde budgétaire peuvent intervenir.
2. Le résultat en exécution de la confrontation permanente entre recettes et dépenses
Au cours
de l'exécution, le ministère de l'économie et des finances
suit de près l'évolution de la confrontation permanente entre les
recettes et les dépenses.
Il n'assiste cependant pas à cette
évolution de manière passive.
S'il ne peut pas agir sur l'évolution des recettes fiscales, soumise
à de nombreux facteurs extérieurs, le ministre de
l'économie et des finances dispose en revanche des moyens de peser sur
l'évolution des dépenses. Comme le relève M. Christian
SAUTTER, "
il est clair que l'Etat maîtrise les dépenses
puisque c'est l'Etat qui dépense
". M. Jean ARTHUIS, ancien
ministre de l'économie et des finances, ne dit pas autre chose :
"
c'est là le pouvoir souverain du ministre des finances qui
donne des instructions à ses contrôleurs pour bloquer ou pour
mettre un peu d'inertie dans l'engagement des dépenses
".
Le point a été confirmé lors de son audition par
M. François LOGEROT, président de la première chambre
de la Cour des comptes, qui a jugé que "
probablement ne faut-il
pas empêcher un gouvernement de piloter un résultat, d'autant plus
que dans le courant de l'exercice budgétaire il y a des
éléments nouveaux
". Il a cependant émis des
réserves sur les modalités actuelles du pilotage en cours
d'exercice et a estimé "
qu'il faudrait s'y prendre
autrement
".
3. Quel rôle pour les stabilisateurs automatiques ?
Lorsque,
dans sa note au ministre du 14 janvier 1999, le directeur du budget insiste sur
la nécessité de se fixer "
plusieurs règles de
comportement qui constituent des messages forts à destination des
observateurs nationaux et internationaux
", il ajoute que "
le
jeu de stabilisateurs économiques et l'intangibilité de la norme
de progression des dépenses publiques en sont les deux
piliers
".
L'intangibilité de la norme de progression des dépenses
publiques est une notion facile à comprendre : l'Etat s'engage
à ne pas dépasser un certain niveau de dépense.
Le jeu des stabilisateurs économiques s'applique aux recettes. Lors de
son audition, M. Denis MORIN a souligné que "
concernant
l'évolution du déficit les ministres ont insisté à
plusieurs reprises sur le fait que le déficit évoluerait
conformément au jeu des stabilisateurs automatiques, c'est-à-dire
en fonction des évolutions effectives de recettes telles qu'elles sont
prévues ou telles qu'elles sont exécutées. Ce fut
d'ailleurs le cas en 1998 et 1999
".
En d'autres termes, pour une norme de progression des dépenses
donnée, le déficit diminue si les recettes sont
supérieures aux prévisions initiales. Si, en revanche, les
recettes sont moins bonnes que prévues, le déficit doit se
dégrader. A moins d'augmenter le taux de certains impôts, il ne
peut d'ailleurs pas en être autrement.
Pour le directeur du budget, les stabilisateurs automatiques ne peuvent jouer
que dans un sens. Lorsque les recettes sont meilleures que prévues,
elles doivent être affectées à la réduction du
déficit. En revanche, lorsqu'elles sont en deçà des
prévisions, les services proposent d'agir sur les dépenses afin
d'éviter que le solde budgétaire ne se dégrade.
Il est à noter que le programme pluriannuel transmis à la
Commission européenne en janvier 2000 va dans le sens indiqué par
le directeur du budget puisqu'il considère que "
la politique
des finances publiques
(...)
continuera à dessiner ce qui doit
devenir le " triangle d'or " des finances publiques de la
France : progression maîtrisée des dépenses,
réduction régulière des déficits publics et
réduction marquée de la pression fiscale
" .
L'objectif de réduction graduelle des déficits publics
paraît en effet peu compatible avec l'éventualité d'une
augmentation du déficit budgétaire.
C. LES DIFFICULTÉS SE CONCENTRENT EN FIN D'EXERCICE
Malgré l'affichage de la règle du libre jeu des stabilisateurs automatiques, les gouvernements ne semblent décidés à accepter que le solde constaté en exécution résulte du libre jeu des recettes, les dépenses étant sous contrôle. Au contraire, le solde définitif fait l'objet d'un pilotage politique.
1. Le pilotage politique de la fin d'exercice est avéré et accepté
a) Un constat général
M.
Jacques BONNET, chargé par le Premier ministre en juin 1997 d'une
mission d'audit des finances publiques, a constaté lors de son audition
que "
même en respectant strictement les règles de la
comptabilité publique,
il est possible de faire varier les soldes
dans des proportions pas tout à fait négligeables
, et
permettant dans les nuances de gris d'avoir celle à la mode lorsque l'on
présente les comptes de l'Etat
". Pour obtenir la nuance
souhaitée, le ministre dispose d'une palette d'instruments, en recettes
comme en dépenses
8(
*
)
. Par exemple, M.
Christophe BLANCHARD-DIGNAC, directeur du budget, a déclaré qu'il
n'avait "
pas le droit de dire qu'aucun budget n'a pu avoir la
tentation de jouer sur l'accélération ou la non
accélération, ou le retardement, d'un certain nombre de
dépenses fiscales de type remboursement
".
De son côté, M. Jean-Claude TRICHET, gouverneur de la Banque de
France, ancien directeur du trésor, a remarqué que "
le
ministre des finances encore aujourd'hui, et sans contrevenir à aucune
espèce de règles, a une certaine latitude qui lui est
laissée par l'état actuel du droit et des procédures pour,
dans un certain nombre de cas, attribuer recettes et dépenses à
l'exercice n ou à l'exercice n+1
".
b) Une pratique indissociable de l'existence de la période complémentaire
"
Pour quelle raison y-a-t-il ces
phénomènes
de pilotage ?
" s'est interrogé M. François
LOGEROT, "
il appartient au Sénat d'en apprécier les
raisons politiques. Les raisons techniques existent. Ce sont
l'imprécision des textes relatifs à la comptabilité de
l'Etat, notamment des règles de rattachement des opérations
pendant la période complémentaire d'un mois qui fait qu'en
quelque sorte on arrête la pendule le 31 décembre à
minuit
".
Les raisons " politiques " sont exprimées dans un rapport
consacré aux conditions d'une éventuelle suppression de la
période complémentaire, daté du 1
er
juin
1999 et rédigé conjointement par la direction du budget et la
direction générale de la comptabilité publique :
"
Par sa durée et son contenu, la période
complémentaire permet d'assurer un pilotage à la marge d'un
objectif d'exécution budgétaire
.
Une fois les recettes
fiscales connues, les opérations réciproques
9(
*
)
, certaines recettes du collectif et l'intervention du
comptable dans le visa des ordonnances peuvent être utilisées pour
approcher un objectif et lisser les résultats budgétaires, comme
le ferait une entreprise via d'autres vecteurs comptables
".
Il ressort des propos de M. François LOGEROT et du rapport
sus-mentionné des services du ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie, que le pilotage de fin d'exercice a pour objet
d'ajuster le résultat d'exécution afin d'approcher l'objectif que
s'est fixé le gouvernement
10(
*
)
et que ce
pilotage est rendu possible par l'existence de la période
complémentaire, qui est, selon le rapport des services de Bercy,
"
la période postérieure à la gestion
(actuellement du 1
er
au 31 janvier) durant laquelle peuvent
être comptabilisées, sous certaines conditions, des
opérations qui sont imputées sur l'exercice budgétaire
précédent
".
Comment fonctionne la période complémentaire ?
Lors de
son audition, M. Jean-Jacques François, trésorier payeur
général, responsable de l'Agence comptable centrale du
trésor, a expliqué que "
cette année, les
comptables normaux arrêtent les opérations le 14 janvier, la
Paierie générale le 28 janvier et l'ACCT le 31 janvier.
Nous appliquons le décret de 1986, modifié en 1996, selon une
mécanique que vous connaissez, pour les recettes jusqu'au 31
décembre, pour les dépenses par ordonnance jusqu'au 10 janvier
et, ensuite, la marge de manoeuvre qui existe, que la Cour souligne depuis une
bonne vingtaine d'années, ce sont les opérations
réciproques.
(...)
Il est vrai que la tradition fait que l'ACCT se mobilise à la fin de
la période complémentaire. Cette période a
été de quinze jours, elle est maintenant d'une journée. Le
31 janvier dernier, un lundi, toutes mes équipes se sont
naturellement mobilisées. A minuit, nous arrêtons la pendule et
toutes les opérations constatées sont comptabilisées,
notamment les opérations de garantie citées par Monsieur le
rapporteur général. Le lendemain les livres sont ouverts à
la Cour des comptes. La tradition veut que le lendemain, à
l'arrivée des membres de la Cour des comptes, tout soit ouvert. Nous
assurons ainsi la traçabilité totale des opérations.
Nous n'émettons pas d'opinion sur les écritures de fin
d'exercice. C'est un point sur lequel nous pourrons peut-être
évoluer
".
Le lien entre la possibilité de piloter le solde et l'existence de la
période complémentaire est confirmé
a contrario
par
le rapport précité, qui relève que "
tous les
scénarios de suppression de la période complémentaire
supposent de renoncer aux souplesses actuelles de pilotage à la marge du
solde d'exécution
". Cette renonciation, si elle devait
intervenir, est qualifiée de "
décision implicite
lourde
".
Dans leur note commentant ce rapport au ministre, datée du 9 juin 1999,
le directeur du budget et le directeur général de la
comptabilité publique indiquent que, dans l'éventualité
d'une suppression de la période complémentaire, "
la
marge de manoeuvre permettant d'infléchir le solde budgétaire
tendanciel, dans le strict respect de la réglementation,
[serait]
fortement amoindrie
" et que
,
"
dès lors, le
" pilotage " à la marge du solde
[serait]
rendu
difficile
".
c) Une souplesse utile ?
Plusieurs personnes auditionnées ont justifié la
pratique du pilotage de fin d'exécution en procédant, comme les
services du ministère des finances dans leur rapport, à une
analogie avec les comportements des entreprises.
Ainsi, M. Jacques BONNET a estimé "
qu'il en va des finances
publiques comme des finances des entreprises. En-dedans d'une certaine limite,
on peut faire du résultat, sinon ce que l'on veut, du moins ce que l'on
souhaite
". M. Jean-Claude TRICHET a jugé qu'il ne lui
paraissait "
pas invraisemblable, puisque c'est le cas dans toutes les
entreprises, que l'on puisse avoir une telle possibilité lorsqu'il
s'agit d'un budget aussi considérable que celui de l'Etat
français, mais encore une fois dans la clarté et la
transparence
".
M. Jean-Jacques FRANÇOIS a déclaré :
"
Les opérations dites réciproques, objets de
débats, sont les opérations existant entre l'Etat et sa
périphérie publique, les organismes en liaison financière
avec l'Etat. Le décret de 1986 a prévu une certaine marge de
manoeuvre, pour deux raisons. La première est que ces opérations
à caractère financier ont une dimension d'opportunité
très importante et la deuxième est qu'il s'agit de la seule marge
de manoeuvre dont disposent les autorités chargées de piloter.
Est-ce choquant ?
".
d) Le pilotage intervient aussi bien en période de bonne conjoncture que de mauvaise conjoncture
Au cours
de son audition, M. François LOGEROT a "
constaté dans
toutes ces années récentes que les gouvernements quels qu'ils
soient ont le souci de piloter le résultat final d'exécution de
la loi de finances dans des proportions importantes
". Ils n'ont
toutefois pas tous agi en fonction des mêmes considérations. Il a
indiqué que "
jusqu'en 1997 à peu près, le
problème était de peser au maximum sur le déficit final,
ce qui a donné lieu à des reports de charge importants.
(...)
Au contraire, depuis les trois dernières années, une
amélioration relative des finances publiques, nous avons assisté
à des reports de recettes sur l'exercice suivant
"
11(
*
)
.
M. Christian SAUTTER a estimé que "
la gestion des fins
d'exercice est plus difficile lorsqu'on a surestimé les recettes
fiscales que lorsqu'on les a sous-estimées. Une surestimation des
recettes fiscales fait courir le risque de voir le déficit
annoncé plus élevé que prévu
".
2. Les conditions de ce pilotage
a) Des critiques nombreuses
La Cour
des comptes formule régulièrement des critiques relatives au
déroulement des opérations de fin de gestion dans le cadre de la
période complémentaire.
Ainsi, au cours de son audition, M. François LOGEROT a
précisé : "
Nous estimons que l'existence de cette
journée complémentaire crée une zone d'incertitude, un
risque d'opacité notamment plus particulièrement à
l'égard du Parlement sur les conditions dans lesquelles se clôt
l'exercice budgétaire
. Pour autant,
probablement ne
faut-il pas empêcher un gouvernement de piloter un résultat,
d'autant plus que dans le courant de l'exercice budgétaire il y a des
éléments nouveaux. Mais nous pensons qu'il faudrait s'y prendre
autrement
".
M. Dominique STRAUSS-KAHN, ancien ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie, a pour sa part estimé qu'il y avait
"
là une réflexion à conduire
" d'autant
plus que lorsqu'il était en fonction la direction du budget et la
direction générale de la comptabilité ont rendu leur
rapport sur l'éventualité d'une suppression de la période
complémentaire le 1
er
juin 1999. Dans ce document, elles
évoquent les raisons pour lesquelles le système actuel pourrait
être amené à évoluer et notamment le fait que
"
la Cour des comptes s'interroge dans ses rapports annuels sur
l'exécution budgétaire sur le bien fondé du rattachement
à tel ou tel exercice des opérations passées durant la
période complémentaire. La période complémentaire
serait, selon cette vision, l'occasion de " piloter " le solde
budgétaire afin de permettre au gouvernement d'atteindre un objectif
fixé à l'avance. Il s'agirait donc d'une question de
sincérité des comptes de l'Etat
"
.
Le rapport
relève en outre que la sincérité des comptes de l'Etat est
un "
sujet qui deviendra de plus en plus sensible aux observateurs
internationaux
".
Pour améliorer la situation actuelle, M. Alain LAMASSOURE a
considéré "
qu'il y aurait matière à
élaborer une sorte de code de bonne conduite de la fin de
gestion
". M. Jean-Jacques FRANÇOIS est allé dans le
même sens : "
Pouvons-nous penser à un code de bonne
conduite ? C'est une voie très prometteuse..... La transparence
devient maintenant une banalité mais pour qu'elle devienne
réellement une banalité, il faut qu'elle soit un sujet de
consensus. Cela suppose que les décideurs, et notamment les hommes
politiques que vous êtes, se mettent d'accord sur les chiffres
pertinents
".
b) Des décisions politiques
M.
Jean-Jacques FRANÇOIS a déclaré que les opérations
de fin de gestion présentaient "
une dimension
d'opportunité très importante
". Cette
opportunité, c'est l'autorité politique qui en juge.
Il ressort des documents recueillis par votre commission que, en fin
d'exercice, le ministre, par l'intermédiaire de son cabinet, fixe des
orientations en matière de pilotage du solde. Ainsi, dans une note
conjointe du 17 décembre 1999 adressée au ministre, les
directeurs du trésor et du budget demandent au ministre d'arbitrer entre
deux options, la seconde ayant pour effet "
de dégrader
l'exécution budgétaire pour 1999
". Le directeur du
trésor préconise la première solution tandis que le
directeur du budget "
se prononce en faveur de la seconde solution
conforme aux orientations évoquées par le cabinet du
ministre
".
L'audition de M. Nicolas SARKOZY, ancien ministre du budget, a permis de
constater que, dans le contexte de la fin d'exercice, l'objectif politique
prime sur les considérations de forme : "
Je dirais
simplement qu'à partir du moment où le Parlement vote et
où le Conseil constitutionnel valide, ce que dit la Cour des comptes
m'intéresse, mais pas davantage. Il s'agit de savoir si nous sommes des
politiques ou pas.
(...)
Lorsqu'on se retrouve à la tête
d'un pays où la récession est de - 1,8 %, où le
nombre de chômeurs augmente de 50.000 tous les mois et où il faut
trouver des solutions, le politique doit les trouver. Elles ne se trouvent pas
dans le manuel de la Cour des comptes , je le regrette, mais si vous voulez me
demander par là s'il y a des malices, alors j'acquiesce.
....
Une fois à l'établi, on essaie de trouver, comme n'importe
quel chef d'entreprise ou comme n'importe quel maire, la bonne solution.
Elle n'est pas toujours conforme à la théorie impeccable, mais
ce n'est pas par volonté de mordre la ligne, c'était parce que
des situations d'urgence parfois s'imposent
".
Le sentiment est conforté par M. Alain LAMASSOURE qui a également
constaté que les pratiques budgétaires de fin de gestion
"
donnent lieu à des décisions qui sont fatalement
forfaitaires pour ne pas dire arbitraires
".
c) Des décisions prises en toute fin d'année selon un formalisme limité
M.
Dominique STRAUSS-KAHN a observé que "
c'est dans les tous
derniers jours que les décisions doivent être prises. Du coup,
soyons clair, elles ne sont pas prises selon un formalisme aussi appuyé
que d'autres décisions, tout simplement parce qu'il faut dans l'urgence
décider d'affectations, notamment de la perception ou non de recettes
non fiscales
".
M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC a confirmé la caractère largement
informel de certaines décisions : "
Y a-t-il une
procédure en ce domaine
[les dépenses fiscales de type
remboursement] ?
A ma connaissance, non. Il peut y avoir des
instructions, mais je n'en suis pas destinataire. Pour les recettes non
fiscales, il y a des décisions des ministres
". Une fois les
décisions prises, il appartient, comme l'a indiqué M. Jean
BASSÈRES, à la direction de la comptabilité publique,
conjointement avec la direction du budget, de "
fixer dans un cadre
réglementaire les dates d'exécution des opérations de fin
de gestion dans le cadre de la période complémentaire
".
Les documents obtenus par votre commission lors de ses contrôles sur place
Vos
rapporteurs ont eu accès à certains des documents par lesquels
les ministres donnent leurs instructions aux services s'agissant des
opérations de fin de gestion. Les documents relatifs à l'exercice
1999 concernent les dotations en capital aux entreprises publiques et les
instructions données au directeur général de la
comptabilité publique.
L'échantillon consulté montre que les services ont reçu
l'ordre d'imputer les recettes sur la gestion 2000, tandis que les
dépenses étaient inscrites sur l'exercice 1999.
Les instructions données dans les cinq derniers jours de la
période complémentaire de 1999 (du 24 au 28 janvier 2000, date
à laquelle la paierie générale a arrêté les
opérations) sont reproduites ci-dessous :
- 24 janvier (note de la secrétaire d'Etat au directeur
général de la comptabilité publique et à l'agent
comptable du trésor) : "
Je vous demande de bien vouloir
faire le nécessaire auprès de vos services pour que les
reversements de fonds n'ayant pas donné lieu à
rétablissements de crédits, et demeurant en solde de gestion 1999
aux comptes concernés, soient imputés en gestion 2000 du budget
général
" ;
- 26 janvier (note des ministres au directeur du trésor et au
directeur du budget) : "
il est décidé de ne pas
procéder au prélèvement de 3 milliards de francs
prévu en loi de finances rectificative 1999
" ;
"
Il sera versé à la COFACE 60 millions de francs (...)
Ce paiement sera imputé sur l'exercice budgétaire
1999
" ; "
Il est décidé de verser à
la COFACE 354 millions de francs
(...)
Ce paiement devra intervenir
avant le 28 janvier 2000 et sera imputé sur l'exercice 1999
";
"
Il est décidé qu'aucun prélèvement sur ce
compte
[compte de gestion de Natexis Banque]
n'interviendra en gestion
1999
" ;
- 27 janvier (note des ministres au directeur du budget et au directeur du
trésor) : "
Vous constituerez une provision
supplémentaire sur le compte de gestion de Natexis Banque.
(...)
Cet abondement sera effectué en gestion 1999
" ;
- 28 janvier (note des ministres au directeur général de la
comptabilité publique, à l'agent comptable du Trésor et au
directeur du trésor) : "
je vous demande de bien vouloir faire
le nécessaire auprès de vos services pour que les montants
suivants
(...)
soient imputés définitivement sur la
gestion 2000
". Il s'agit de remboursements en capital par la Bosnie,
le Pérou, le Brésil, l'Inde, l'Indonésie et les
Philippines ainsi que des versements en intérêt correspondants
pour un total de 987,1 millions de francs ;
- 28 janvier (décision de M. Christian Sautter) : "
Il est
décidé de verser une dotation en capital à Charbonnages de
France
(...)
L'ensemble de l'opération sera comptabilisé
sur la gestion budgétaire 1999 le 28 janvier 2000
" ;
- 28 janvier (note du ministre au directeur général de la
comptabilité publique, à l'agent comptable du trésor et au
contrôleur financier auprès du ministre de la
défense) : "
je vous donne instruction de viser et de
comptabiliser en gestion 1999 du budget général, dans la limite
de 1 milliard de francs, les ordonnances émises ce jour sur le titre V
du budget de la défense et destinées à approvisionner, en
gestion 2000, les comptes de commerce militaires
" ;
- 28 janvier (note des ministre au directeur général de la
comptabilité publique et au directeur du Trésor) :
"
Nous vous demandons de bien vouloir faire le nécessaire
auprès de vos services pour que la recette de 85.033.045,80 francs (...)
correspondant à un dividende de la SEITA, soit définitivement
imputée en gestion 2000
" ;
- 28 janvier (note du ministre au directeur général de la
comptabilité publique, à l'agent comptable du trésor et au
directeur du trésor) : "
je vous demande de bien vouloir
faire le nécessaire auprès de vos services pour que les
remboursements effectués par l'AFD en janvier 2000
(...)
soient
régularisés sur la gestion budgétaire 2000
".
La direction du trésor a également communiqué à
votre commission les décisions ministérielles relatives aux
dotations en capital aux entreprises publiques pour les années 1993
à 1998. Les dates figurant sur les exemplaires consultés montrent
que, pour chacune de ces années, il n'a été
procédé à aucune dotation en capital après le 31
décembre.
d) Les services du ministère soucieux du respect formel des règles juridiques
Les
documents auxquels votre commission d'enquête a eu accès montrent
que, dans la période de fin de gestion, les services alertent les
ministres lorsque certaines des suggestions avancées dans le but
d'atteindre l'objectif de solde s'écartent par trop de l'orthodoxie
budgétaire et comptable.
Les notes reproduites ci-dessous, adressées au ministre à la fin
de l'exercice 1999 soit par le directeur du budget, soit par le directeur du
trésor, concernent des opérations qui n'ont pas forcément
été réalisées. Leur production a pour but de mettre
en évidence le souci constant pour les services des impôts du
respect des règles juridiques et leur sensibilité aux remarques
formulées non seulement par la Cour des comptes, mais aussi par les
commissions des finances des deux Assemblées.
La
prise en compte des remarques de la Cour des comptes
et des commissions des
finances par les services de Bercy
Quelques exemples non exhaustifs attestent de ce souci des services :
- note
du 17 décembre 1999 du directeur du budget et du directeur du
trésor relative à l'affectation au compte d'affectation
spéciale n° 902-24 de l'excédent de trésorerie de la
Société de gestion de garantie et de participations (SGGP) :
"
cette décision devrait mettre un terme aux nombreuses
interrogations et critiques dont la situation actuelle fait l'objet, tant de la
part de la Cour des comptes que des commissions des finances de
l'Assemblée nationale et du Sénat
" ;
- note du directeur du trésor du 7 janvier 2000 : "
je
renouvelle auprès du Ministre mes plus extrêmes réserves
sur l'éventualité d'un non remboursement de l'avance
accordée au FSR dans le seul but de dégrader l'exécution
budgétaire pour 1999
. Une telle décision aurait,
à mes yeux, de très graves inconvénients et risquerait de
remettre en cause l'existence même du fonds de soutien des rentes :
- elle constituerait un détournement de l'autorisation budgétaire
accordée par le Parlement en transformant une opération de
trésorerie (avance du Trésor) en une dépense
budgétaire apparente ;
- elle ne manquerait pas de susciter de vives critiques de la Cour des comptes.
Au surplus, le non-remboursement par le FSR de l'avance du trésor
constituerait également un détournement de procédure
puisque le FSR est un démembrement de l'Etat. Le non-remboursement de
l'avance n'aurait pour seul objet que de dégrader le déficit du
budget de l'Etat et de fausser les comptes de l'Etat ;
- elle n'a aucune justification, et notamment ne pourrait pas être
expliquée par le passage à l'an 2000, celui-ci s'étant
déroulée sans difficulté majeure
" ;
- note du directeur du trésor du 3 décembre 1999 :
"
le report du versement de la CADES sur l'exercice 2000 serait
contraire à l'ordonnance du 24 janvier 1996, qui dispose que
"
la caisse verse chaque année au budget
général de l'Etat, de l'année 1996 à l'année
2008, une somme de 12,5 milliards de francs ". Un tel report ne manquerait
pas de susciter des critiques fortes de la Cour des comptes, qui s'est, par le
passé, particulièrement intéressée au traitement
budgétaire de ce versement
" ;
- note du 7 décembre 1999 du directeur du trésor relative aux
prélèvements sur les fonds d'épargne : "
Le
Ministre m'avait demandé
(...)
de différer le
prélèvement du solde.
Or
, (...)
la
responsabilité du non-prélèvement du solde (...) ne peut
être assumée que par une instruction écrite du
Ministre.
A défaut, les fonctionnaires
" coupables " seraient passibles de la Cour de discipline
budgétaire et financière
. (...)
A défaut
d'instruction écrite du ministre avant cette date, mes services seront
contraints d'émettre le titre de recette complémentaire avant le
31 décembre 1999.
" L'instruction écrite est
finalement venue le 27 décembre 1999.
- note de prévision d'exécution du directeur du budget
datée du 14 décembre 1999 : "
Les mesures de
pilotage conservées par le cabinet permettront vraisemblablement de
respecter la norme de progression des dépenses hors UNEDIC. En cas de
bonne surprise supplémentaire concernant les recettes fiscales, un
retard de versement par la CADES de la dernière échéance
de 5 milliards de francs de l'exercice 1999 permettrait de contenir
l'amélioration du solde budgétaire, mais il ne manquerait pas
d'être sévèrement critiqué par la Cour des comptes,
puis par le Parlement, et risque d'être retraité en droits
constatés par les comptables nationaux
".
3. Les doutes sur l'avenir du pilotage de fin de gestion
Trois
raisons permettent de penser que, à l'avenir, le pilotage de fin
d'exécution pourrait jouer un rôle moins important qu'aujourd'hui
dans la détermination du niveau du solde budgétaire.
En premier lieu, l'opportunité politique de procéder ainsi
pourrait aller décroissant puisque ces pratiques sont désormais
publiques. Relevées depuis longtemps par la Cour des comptes, elles sont
également suivies attentivement par les parlementaires.
En deuxième lieu, comme le souligne le rapport précité sur
les conditions d'une éventuelle suppression de la période
complémentaire, l'Union économique et monétaire implique
une harmonisation des systèmes comptables des différents
Etats-membres. Ainsi le nouveau " SEC 95 " prévoit pour tous
les Etats la référence à un système de
comptabilité en droits constatés. La substitution partielle ou
totale d'une référence à la date du fait
générateur (système des droits constatés) à
la référence actuelle à la date du flux de
trésorerie (système de la comptabilité de caisse)
réduirait la marge de manoeuvre des détenteurs du pouvoir
politique, qui ne pourraient plus choisir sur quel exercice doit s'imputer une
recette ou une dépense.
En troisième lieu, comme l'a souligné M. Jean-Jacques
FRANÇOIS, "
plus le temps passe, plus un solde
d'exécution ne sera compris que dans la durée et tous les
états de travail devenant pluriannuels, la France va y venir, ce qui est
reporté d'une année sur l'autre se retrouve. Le problème
devient différent en regardant l'exécution sur trois
ans.
"
En définitive, ne faut-il pas considérer, avec M. Jean-Jacques
FRANÇOIS, que "
le jour où l'Etat clôturera ses
opérations dans les tous premiers jours de janvier et produira ses
comptes définitifs fin février, il sera vraiment au niveau d'un
Etat moderne
" ?
II. LE SUIVI DE L'EXÉCUTION, MONOPOLE DU POUVOIR EXÉCUTIF
A. LES INSTRUMENTS DE SUIVI DE L'EXÉCUTION
Dans les
réponses écrites au questionnaire de votre commission,
MM. Jacques BONNET et Philippe NASSE, chargés par le Premier
ministre en juin 1997 d'une mission d'audit des finances publiques, ont
considéré que "
l'extrême complexité des
structures administratives et l'archaïsme des méthodes comptables
de l'Etat rendent vaines toute tentative de développer dans le domaine
public une fonction de " reporting " à l'instar de ce que font
les entreprises qui suivent régulièrement l'avancement de leur
budget et anticipent ainsi la formation de leurs résultats
comptables
".
Les imperfections du système comptable n'empêchent cependant pas
les services de réaliser de nombreux documents à destination des
ministres. La direction du budget a indiqué dans ses réponses
écrites au questionnaire de votre commission que l'ensemble des notes
destinées au ministre en matière de " reporting " et de
prévision d'exécution "
constitue une production
volumineuse, dépassant la trentaine de documents par an
". La
direction générale de la comptabilité publique
élabore également des documents de suivi de l'exécution
budgétaire.
1. Les outils de reporting
M. Jean
ARTHUIS a considéré que, s'agissant des outils de
" reporting ", "
situation hebdomadaire et situation
mensuelle sont des éléments appréciables
". M.
Christian SAUTTER a également indiqué dans ses réponses
écrites : "
je recevais les situations mensuelles
budgétaires quelques jours avant leur publication ainsi que les
situations hebdomadaires particulièrement sensibles aux
phénomènes calendaires
".
La direction générale de la comptabilité publique joue un
rôle central dans l'élaboration de ces documents. Comme elle
l'indique dans ses réponses écrites, elle a pour mission la
"
centralisation et valorisation des résultats
budgétaires et comptables
" ; "
pour reconstituer
l'unité de la comptabilité, toutes les opérations
intégrées dans les écritures des TPG sont
centralisées quotidiennement à l'ACCT. Sur cette base, la DGCP
réalise des situations périodiques qui sont produites
hebdomadairement (la SH), mensuellement (situation mensuelle des
dépenses, situation mensuelle des recettes, SROT, situation mensuelle
budgétaire, réalisée avec la direction du
budget)
".
a) La situation hebdomadaire (SH)
La
situation hebdomadaire est réalisée par le bureau 5A de la
direction générale de la comptabilité publique. Elle porte
la mention "
ce document a un caractère confidentiel et ne doit
faire l'objet d'aucune diffusion, directe ou indirecte, par les destinataires
désignés
".
Le ministre est destinataire de la situation hebdomadaire, ainsi que certains
services du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, en particulier le bureau 1D de la direction du budget, responsable
du suivi de l'exécution, la direction de la prévision et à
l'inspection générale des finances. Elle est également
adressée à la Cour des comptes. M. François LOGEROT a en
effet indiqué à votre commission que "
concernant la
situation hebdomadaire et plus généralement les situations
infra-annuelles budgétaires, nous les recevons, d'ailleurs certaines
d'entre elles sont publiées
".
Conformément à l'engagement écrit en date du 11 juillet
2000 pris par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
et la secrétaire d'Etat au budget en réponse à une demande
de votre président M. Alain LAMBERT, les présidents et
rapporteurs généraux des commissions des finances des deux
Assemblées reçoivent désormais une situation
hebdomadaire.
La situation hebdomadaire retrace semaine par semaine l'évolution du
solde, des dépenses et des recettes du budget général, des
opérations des comptes spéciaux du trésor et les
opérations de trésorerie. Elle compare les résultats de la
semaine à ceux de la même semaine l'année ou des deux
années précédentes. Les données ne sont pas
assorties de commentaires.
Evoquant ce document, M. Thierry BERT, chef du service de l'Inspection
générale des finances, a livré le témoignage
suivant : "
Une situation hebdomadaire des recouvrements est
établie et communiquée, je pense, aux diverses institutions de la
République. C'est un document confidentiel et secret, auquel je pense
nous avons tous accès et nous pouvons voir avec une fiabilité
suffisante quels sont les écarts entre les prévisions et les
réalisations, et corriger en hausse ou en baisse les
évaluations
".
b) La situation mensuelle budgétaire
Le
ministre est informé tous les mois de l'évolution du solde
d'exécution par la situation mensuelle budgétaire (SMB),
réalisée conjointement par la direction du budget et la direction
générale de la comptabilité publique.
Dans ses réponses écrites, la direction du budget a
indiqué que "
la SMB est accompagnée
d'éléments d'appréciation de l'exécution mensuelle
en comparaison au même mois de l'année précédente
(11 par an). Ces commentaires sont repris page 4 de la SMB publiée dans
les notes bleues et mentionnées sur le serveur Internet du
Ministère
". Elle est publiée 36 jours après la
fin du mois, soit à " M + 36 " et, selon les informations
obtenues par vos rapporteurs à l'occasion du contrôle sur
pièces et sur place réalisé au ministère des
finances, l'exemplaire transmis au ministre comportait des commentaires
spécifiques.
Cette situation mensuelle est rendue publique depuis 1996, sur une
décision de M. Jean ARTHUIS prise à la fin de l'année
1995. A ce sujet, M. Christian SAUTTER a formulé une remarque
"
en passant
" : "
Avant cette date, tous les
gouvernements antérieurs ne risquaient pas d'avoir des problèmes
de " cagnotte " puisqu'ils ne donnaient aucune information sur
l'exécution budgétaire
". Il a ajouté :
"
j'insiste sur le fait que nous sommes le seul pays à publier
les situations budgétaires mensuelles, aussi bien sur les recettes que
sur les dépenses
".
2. Un outil de prévision : les quatre notes annuelles du directeur du budget
Le ministre reçoit quatre prévisions d'exécution dans l'année, à chacun des temps forts de la préparation du budget : avril, juillet, octobre, décembre. Selon M. Alain LAMASSOURE, ces documents prennent la forme d'un " dossier détaillé d'une trentaine de pages qui ne laisse rien dans l'ombre ".
a) Des notes trimestrielles actualisées chaque mois
Dans ses
réponses écrites, la direction du budget indique que "
le
bureau 1D de la direction du budget réalise tous les trois mois un grand
exercice de prévision d'exécution pour l'année en cours,
prenant la forme d'une note pour le ministre. Ce document retrace et
synthétise les principaux écarts à la loi de finances en
dépenses comme en recettes (4 par an)
".
Elle ajoute que "
un tableau de bord est transmis tous les mois au
ministre d'avril à décembre. Il a pour objet de confronter
l'exécution cumulée à la fin du mois
précédent et la prévision d'exécution la plus
récente, afin de se prononcer qualitativement sur le sens d'une
éventuelle révision de la prévision d'exécution (8
par an)
". Lors de son audition, le directeur du budget a
précisé que ces documents sont "
à destination de
notre ministre
".
b) Un suivi précis et complet
Ces
quatre notes constituent un élément essentiel du suivi de
l'exécution budgétaire. Lors de son audition, M. Christophe
BLANCHARD-DIGNAC a souligné que "
plus on approche de la fin de
l'année, plus on a tendance à voir juste et quand on a
évidemment le résultat on est encore plus sûr des
données
". Il a précisé que
"
étant la première, la prévision d'avril est
entachée de très grandes incertitudes.
....
En juillet, on
commence à avoir des éléments sérieux sur les
recettes, et un semestre sur les dépenses. En octobre, c'est en
accompagnement du projet de collectif, en décembre c'est une fois le
collectif arrêté et déposé
".
M. Jean ARTHUIS a confirmé la précision croissante des notes
trimestrielles : "
au début du mois d'octobre, le directeur
du budget prépare une analyse très fine et très
documentée qui sert d'appui à la préparation du collectif.
C'est à mon avis le document le plus déterminant. Je crois que
l'on a une connaissance assez précise du bouclage de l'exercice
budgétaire
". M. Denis MORIN a indiqué :
"
cela donne l'exacte situation de la consommation, des dépenses
et de l'ensemble des recouvrements fiscaux
" mais que "
les
situations sont très divergentes d'un mois sur l'autre
".
Dans le questionnaire adressé à la direction du budget, votre
commission avait demandé à avoir accès aux principales
notes adressées au ministre et à son cabinet afin de les tenir
informés de la situation du budget de l'Etat et des perspectives
à moyen terme depuis 1990. Elle n'a obtenu que les quatre notes de
prévision concernant l'exercice 1999. M. Jacques BONNET et M.
Philippe NASSE ont remis à la commission d'enquête la note de
prévision d'exécution d'avril 1997.
L'évolution de la présentation des notes de prévision d'exécution budgétaire
Leur
présentation de ces notes semble avoir évolué entre 1997
et 1999. La note du 8 avril 1997 est un document succinct qui
récapitule la prévision de solde, l'évolution des recettes
et les prévisions de dépenses et le besoin de financement de
toutes les administrations publiques. Elle comprend en annexe une
prévision d'exécution détaillée et des tableaux
récapitulant les prévisions de besoin de financement et
d'exécution.
Les notes de 1999 comportent les mêmes annexes mais la
présentation initiale par le directeur du budget est plus
détaillée. Les notes d'avril et juillet comportent une
prévision d'exécution pour le budget de l'Etat, comparent
l'évolution des recettes et des dépenses par rapport à la
loi de finances initiale et, en se référant aux travaux de la
direction de la prévision, établissent une prévision de
solde des administration publiques au sens du traité sur l'Union
européenne.
La note du mois de juillet 1999 prévoyait une prévision de
déficit budgétaire de 210 milliards de francs "
soit
une amélioration de 25,9 milliards de francs par rapport à la loi
de finances initiale
". Cette prévision ne s'écarte du
résultat constaté en exécution au début de
l'année 2000 que de 4 milliards de francs. L'exemple de l'année
1999, année au cours de laquelle la conjoncture a été
pourtant particulièrement fluctuante, tend à montrer que,
dès la mi-année, le ministre dispose d'une prévision
relativement fiable sur la réalité de l'exécution.
Les notes d'octobre et de décembre comparent les prévisions en
matière de solde à la loi de finances initiale mais
également à la maquette du collectif budgétaire qui sera
discuté au Parlement au mois de décembre. Elles comportent
également des prévisions en terme de solde des administrations
publiques.
La note du mois d'octobre présente la particularité d'expliquer
de manière détaillée les différences entre la
prévision de juillet et la nouvelle prévision.
Aucune de ces quatre notes ne mentionne l'évolution des
prévisions de croissance du produit intérieur brut.
c) Un instrument de préparation de la décision politique
Dans toutes notes consultées par vos rapporteurs, le directeur du budget tire les conséquences de la prévision d'exécution qu'il transmet au ministre en formulant des préconisations.
Un exemple, la note du 8 avril 1997
Dans
cette note du 8 avril 1997, le directeur du budget considérait que
"
l'ampleur des écarts d'ores et déjà
prévisibles, aussi bien en termes de déficit budgétaire
qu'en termes de besoin de financement, entre le résultat
prévisionnel d'une part, et les objectifs associés à la
LFI et au plan de convergence d'autre part, indique que les objectifs de LFI
et, par delà, les objectifs européens ne pourront être
approchés qu'au prix d'un effort de redressement qui doit être
engagé dès à présent de manière
décisive
(...)
Sauf à renoncer à atteindre
l'objectif de 3 % du PIB, ou à perdre rapidement toute
crédibilité face aux observateurs internationaux, il est donc
impératif en premier lieu, de prendre des mesures supplémentaires
de redressement budgétaire, à hauteur de 25 à 30 milliards
de francs, afin que l'Etat au moins respecte ses engagements. En second lieu,
il me paraît également indispensable de prévoir rapidement
des mesures permettant le redressement du besoin de financement du reste des
APU, car il n'est guère envisageable que l'Etat puisse compenser
l'intégralité du dérapage prévisible
".
En 1999, l'amélioration de la conjoncture économique conduit le
directeur du budget à s'inquiéter d'abord du respect de la norme
de progression des dépenses. En décembre, le directeur du budget
profite de sa note de prévision pour aborder les modalités du
pilotage de fin d'exercice. Il indique que "
la remontée en
gestion 1999 d'une partie ou de la totalité du produit de privatisation
du GAN actuellement porté par la SGGP ne fait pas partie du
scénario
" de prévision qu'il transmet au ministre. Il
estime que,
"
Si l'opération devait toutefois être
décidée, il conviendrait alors d'absorber
l'intégralité de cette recette par des anticipation de dotations
2000, sauf à envisager une amélioration importante du solde
budgétaire. Une note signée du ministre avant le 31
décembre 1999 et prévoyant l'ensemble de ces opérations
sécuriserait un tel schéma ; elle constituerait aussi un
fait générateur permettant l'imputation 1999
".
Comme le souligne M. Denis MORIN, "
il appartient au ministre de traiter
cette information lorsqu'il en est saisi
". Il est de la
responsabilité de l'autorité politique de tirer les
conséquences des informations qu'elle reçoit de la direction du
budget.
3. Les notes de la direction du trésor sur les prévisions de charge de la dette
a) La charge de la dette dépend du niveau anticipé du déficit (effet volume)
La
direction du trésor a indiqué dans ses réponses
écrites au questionnaire adressé par votre commission ne pas
avoir de rôle spécifique dans l'exécution en
général de la loi de finances, mais étant
"
responsable du financement de l'Etat, elle s'assure sur la base des
informations dont elle dispose que le besoin de financement de l'Etat à
moyen terme et au jour le jour est couvert en permanence et aux meilleures
conditions pour le contribuable
".
A ce titre parallèlement au suivi régulier de la charge de la
dette assurée par la direction du budget et publié dans la SMB,
elle a déclaré dans ses réponses écrites qu'elle
"
informe régulièrement le ministre par note des
prévisions de charge de la dette sur l'exercice, notamment dans le
courant de l'été, dans le cadre de la préparation du
projet de loi de finances ainsi qu'en cours d'exercice, en fonction de
l'évolution des conditions de marché
". Dans ce cadre
"
la direction du Trésor reçoit des instructions du
ministre sur l'ensemble des sujets sur lesquels elle est
compétente
".
Ces prévisions quant au besoin de financement de l'Etat sont bien
évidemment étroitement dépendantes du rythme et du mode
d'exécution des la loi de finances. Elles apportent donc un
éclairage utile sur le rythme et le niveau de réalisation du
solde budgétaire.
b) Des outils précis d'information sur le niveau de l'exécution budgétaire
La
prévision effectuée en juin est à bien des égards
intéressante : elle montre qu'à l'issue du premier semestre
de l'année en cours, cette direction est en mesure eu égard
à l'évolution du déficit budgétaire (effet volume)
mais également à celle du niveau des taux d'intérêt
(effet prix) d'en déduire des prévisions réalistes quant
au niveau des charges de la dette.
Ainsi à la mi-année 1997, la direction du trésor faisait
l'hypothèse d'un niveau de déficit budgétaire
inchangé par rapport à la loi de finances initiale. Le 19 juin
1997, le directeur du trésor, s'agissant des charges de la dette pour
les exercices 1997 et 1998, indiquait en effet que outre les anticipations de
taux, ou les programmes de rachat de titres, les hypothèses
émises reposaient sur un "
déficit budgétaire
inchangé par rapport à la loi de finances initiale
".
De même à la mi-année 1998, la note du 29 juin 1998 sur les
prévisions de charge de la dette se terminait ainsi :
"
J'attire l'attention du ministre sur deux points (...) :
- les volumes d'émission prévus pour 1998 reposent sur une
hypothèse de déficit budgétaire inchangé : si
les gains de recettes fiscales venaient à se confirmer, il conviendrait
d'envisager les conséquences à en tirer sur la réalisation
du programme de financement pour 1998 ;
".
Cette appréciation est également confirmée pour 1999. Lors
de son audition le directeur du trésor a indiqué en effet que
"
la situation que nous présentions en milieu d'année
1999 était que le besoin de financement de l'Etat serait
inférieur, compte tenu des flux constatés
". En effet,
dans sa note au ministre du 10 juin 1999, le directeur du trésor
indiquait que "
si les gains de recettes fiscales venaient à se
confirmer, il conviendrait d'envisager les conséquences à en
tirer sur la réalisation du programme de financement pour
1999
".
4. Le rôle de la direction de la prévision : les budgets économiques d'hiver et d'été
La
direction de la prévision a indiqué dans ses réponses
écrites au questionnaire de votre commission qu'elle
"
n'intervient généralement pas dans la procédure
législative elle-même, ni dans la rédaction des textes (si
on excepte évidemment la réflexion en amont), ni dans le suivi du
projet de loi avant son dépôt au Parlement ou au cours du
débat parlementaire
".
Il n'en reste pas moins que la direction de la prévision joue un
rôle essentiel dans l'élaboration des projets de loi de finances,
en particulier sur leur cadrage macroéconomique.
Elle est également la seule direction à avoir une vision
agrégée des finances publiques et à raisonner en tenant
compte des administrations publiques au sens du traité sur l'Union
européenne, c'est à dire l'Etat, la sécurité
sociale et les hôpitaux, les collectivités locales et les
organismes
divers d'administration centrale
. La direction du budget
s'appuie sur les travaux de la direction de la prévision pour
établir les prévisions de solde des administrations publiques
qu'elle transmet au ministre.
Dans le cadre de la préparation et l'élaboration des projets de
lois de finances, les travaux de la sous-direction " Finances
publiques " font l'objet d'une synthèse globale par le bureau des
projections économiques d'ensemble de la sous-direction des
synthèses macro-économiques et financières.
Ces travaux connaissent deux temps forts dans l'année :
-
les budgets économiques d'été
12(
*
)
sont réalisés entre juillet et
septembre pour la préparation du projet de loi de finances, dont ils
constituent la "
charpente
" pour reprendre le terme d'une
brochure du ministère des finances, et du projet de loi de financement
de la sécurité sociale. Ils permettent "
à une
date qui a été variable selon les années, une
confrontation des prévisions de recettes fiscales pour l'année en
cours et l'année à venir
" et d'affiner le calibrage des
différentes mesures fiscales. En septembre grâce au budget
économique d'été le gouvernement est ainsi en mesure de
mieux apprécier l'évolution du niveau du déficit
budgétaire. M. Denis MORIN a estimé que les budgets
économique d'été constituaient "
le schéma
de référence pour le budget de l'année
suivante
" ;
-
les budgets économiques d'hiver
sont réalisés
entre décembre et mars. Ils servent à "
actualiser les
prévisions sur l'année courante et fournir un cadrage pour
l'année suivante très en amont du projet de loi de
finances
". La direction de la prévision indique que
"
généralement, les résultats
intermédiaires de cet exercice sont transmis, souvent fin janvier,
à certaines autres directions du ministère (Budget, DGCP,
DGI-DLF, Douanes), afin que toutes les directions concernées assoient
leurs prévisions de recettes fiscales - pour les impôts où
elles sont concernées - sur des hypothèses
macro-économiques communes, pour l'année en cours et
l'année à venir
".
Les budgets économiques d'hiver "
permettent également
d'apprécier l'incidence de la conjoncture sur le solde public et
l'impact macro-économique des finances publiques
".
De ce
fait, en mars de chaque année, le gouvernement dispose d'indications sur
l'équilibre budgétaire venant de la direction de la
prévision.
B. UNE ADMINISTRATION COMPÉTENTE ET LOYALE, DONT LE MODE DE FONCTIONNEMENT N'EST PAS EXEMPT DE TRAVERS
1. L'administration au service du politique
a) La qualité et la loyauté des services unanimement saluées
Au
cours des travaux de la commission d'enquête, vos rapporteurs ont
constaté que les personnes auditionnées ont été
unanimes pour saluer la qualité et la loyauté des services du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce sentiment est particulièrement illustré par les propos tenus
devant la commission par M. Nicolas SARKOZY : "
La première
conclusion que j'ai dégagée de ces deux années est la
suivante : la qualité de l'administration des finances est sans
faille. Je dirais même que l'information donnée au ministre sur la
situation financière du pays est fiable, même si elle peut
souffrir d'un excès de prudence. Dès mon arrivée à
Bercy, j'ai pu tester la qualité de cette administration
". Il
a considéré que les fonctionnaires de Bercy étaient
"
compétents, dévoués, honnêtes
".
De la même façon, M. Dominique STRAUSS-KAHN a notamment
déclaré être "
plutôt impressionné par
la qualité des fonctionnaires et la qualité des procédures
qui ont été mises en place sur la gestion de la dette
",
tandis que M. Jean ARTHUIS relevait : "
j'estime les
fonctionnaires avec lesquels j'ai collaboré et j'aime cette
administration
".
De qualité, cette administration est également jugée
loyale, comme en témoigne l'exemple livré par M. Nicolas
SARKOZY : "
Huit jours après mon arrivée à
Bercy, les services m'informaient que le déficit ne se situait pas aux
alentours de 170 milliards, tel que cela avait été voté
dans la loi de finances, mais à 341 milliards
...
j'ai donc
été informé, dans la semaine qui suivait, par des
directeurs que je n'avais pas nommés
".
La note de prévision d'exécution adressée au ministre le
26 octobre 1999 par le directeur du budget illustre la manière dont les
services peuvent apporter des solutions aux problèmes rencontrés
par les ministres. En l'espèce, le cabinet, conscient des
difficultés rencontrées par le respect de la norme de progression
des dépenses en volume, a souhaité trouver des moyens de ne pas
les faire apparaître puisque le directeur du budget indique que,
" à
la demande du cabinet du ministre, un certain nombre
d'ajustements ont été recensés à cet effet. Il
s'agit, pour l'ensemble d'entre eux, de reports vers la gestion 2000 de
dépenses tendantiellement prévues en gestion 1999
". Le
directeur du budget précise que la "
mise en oeuvre
[de ces
reports]
nécessite l'accord express du ministre
".
M. Dominique STRAUSS-KAHN est parvenu à la même
conclusion que M. Nicolas SARKOZY : "
je vous dirais " oui,
le ministre des finances se fait obéir !". Vous allez sans doute
trouver que je suis un grand naïf mais je n'ai pas eu le sentiment,
à aucun moment, non pas que des fonctionnaires ne se trompaient pas -
évidemment ils peuvent se tromper et nous aussi - mais qu'il y avait de
la résistance organisée quelque part.
....
Je n'ai
pas eu de séance d'angoisse sur la façon dont je me faisais
obéir
".
Observateurs extérieurs, MM. Jacques BONNET et Philippe NASSE ont
également confirmé ce constat de qualité et de
loyauté des services : "
Nous n'avons eu l'impression ni de
documents biaisés, ni de documents de mauvaise
qualité
".
b) Le souci constant d'informer le politique et de le faire trancher
M.
François LOGEROT, président de la première chambre de la
Cour des comptes, a déclaré : "
A la connaissance de
la Cour le ministre et son cabinet reçoivent une information
régulière et abondante sur l'exécution des lois de
finances et plus généralement la situation des finances
publiques
". M. Jacques BONNET a précisé :
"
Concernant les recettes nous avons eu l'impression que, d'une part,
la sincérité des états donnés ne faisait pas de
doute et, d'autre part, que le ministre avait la totalité des
renseignements dont l'administration disposait au moment des arbitrages. Il n'y
pas de doute
".
Concernant les recettes non fiscales, M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC a
indiqué que "
la direction du budget informe le ministre en
temps réel de la situation de toutes ces marges de manoeuvre
possibles
". Evoquant le fonctionnement interne du ministère,
M. Pierre GISSEROT, ancien chef du service de l'Inspection
générale des finances, a estimé que "
la
communication avec le ministre n'a je crois jamais posé de
problème
".
Les documents auxquels vos rapporteurs ont eu accès illustrent la
manière dont les services communiquent avec leur ministre. Outre les
nombreux éléments d'information auxquels faisaient allusion
MM. François LOGEROT et Jacques BONNET, les directeurs
d'administration centrale adressent au ministre des notes sur des sujets
ponctuels. Vos rapporteurs en retirent le sentiment que les services ne
" forcent pas la main " des ministres. Lorsque des propositions sont
formulées, il est précisé par exemple que les actions
proposées sont "
conformes à la volonté
exprimée par le cabinet du ministre
" ou ont été
identifiées "
à la demande du cabinet du
ministre
" ou que "
leur mise en oeuvre nécessite
l'accord exprès du ministre
". Lorsque les services n'ont pas
reçu de consigne, ils précisent qu'ils attendront l'arbitrage du
ministre avant d'agir. Un note conjointe de la direction du trésor et de
la direction du budget demande ainsi explicitement au ministre de trancher
entre deux orientations possibles.
Il ressort également de la lecture des différents documents que
la communication entre un ministre et ses directeurs semble obéir
à certains codes. Ainsi, lorsqu'un directeur semble
réservé sur l'opportunité d'une mesure, il
"
attire solennellement l'attention du ministre
" sur ses
inconvénients. De même, certaines notes du directeur du budget
comportent, à la fin du document, des annotations manuscrites rappelant
le caractère fondamental de telle ou telle information.
En sens inverse, les notes sont renvoyées aux services après
avoir été visées par le ministre ou son directeur de
cabinet, qui indiquent de façon manuscrite s'ils souscrivent, ou non,
aux propositions des services.
2. La responsabilité éminente du politique
Lors de son audition, M. Nicolas SARKOZY s'est exprimé sur cette question centrale : " Quelle est la plus-value du politique face à une administration de près de 200.000 agents dont la technicité n'est plus à démontrer, dont la loyauté - c'est mon point de vue - est parfaite et dont la compétence est totale ? A quel niveau doit se situer le politique avec ces 200.000 collaborateurs qui ont naturellement tous une idée précise sur ce qu'il conviendrait de faire ? ".
a) Tenir compte des cultures des différentes directions
MM.
Jacques BONNET et Philippe NASSE ont constaté lors de la
réalisation de leur audit des finances publiques en 1997 que les
priorités des différentes directions n'étaient pas les
mêmes.
Ainsi, "
la direction du budget souhaitait que nous présentions
au gouvernement la situation la plus noire possible, de manière à
dresser un barrage contre les tentations dépensières que la
direction du budget imagine à chaque changement de gouvernement.
Changement de ton complet à la direction du Trésor qui souhaitait
le contraire : elle désirait que nous présentions une
situation aussi proche que possible sinon de l'équilibre, du moins des
critères de convergence de Maastricht, et du besoin de financement des
administrations publiques, parce qu'elle redoutait les conséquences
internationales d'une annonce trop mauvaise de la situation budgétaire
de la France, ses conséquences sur le prix de l'argent et sur le
coût de financement du déficit de l'Etat
".
La spécificité de la direction du budget
Selon M.
Jacques Bonnet, il n'est plus à prouver que "
la direction du
budget pratique plus volontiers l'apocalypse que le vaudeville. Il est clair
que ses notes sont toujours marquées d'un certain
catastrophisme
".
Les ministres auditionnés par votre commission ont porté une
appréciation différente sur cette caractéristique de la
direction du budget. Selon M. Jean Arthuis, "
il est permis de penser
que dans certaines circonstances les services ne disent pas tout. Le budget
considère qu'il est le garant de l'équilibre des finances
publiques. Il a tendance à penser que le politique est naturellement
dépensier et que dans ces conditions il doit protéger le
politique contre ses tentations
". Pour M. Nicolas Sarkozy,
"
ils ont les défauts de leurs qualités. Cette
compétence et cette honnêteté les conduisent à un
excès de scrupule (...) Ceci explique, selon moi, que les services sont
plus enclins à vous alerter des mauvaises nouvelles que des
bonnes
".
Selon M. Dominique Strauss-Kahn, cette situation relèverait presque du
cours normal des choses : "
La direction du budget
" pond " tous les jours des listes d'économies
supplémentaires à faire. Fort heureusement, le ministre ne les
voit pas arriver tous les jours et les filtres successifs lui évitent
qu'elles viennent encombrer son bureau. Mais c'est la fonction de la direction
du budget et c'est même un peu sa constitution. Heureusement
d'ailleurs !
".
b) La nécessité pour le politique de mettre en perspective les informations qu'il reçoit
Il n'en
reste pas moins, selon M. Nicolas SARKOZY, qu'il "
existe un
véritable rapport de force ... pour tout politique qui se trouve
à Bercy. Il est très difficile à mettre en oeuvre, parce
qu'il ne faut pas faire n'importe quoi, bien sûr. Mais, en même
temps, nous ne sommes pas là pour faire une politique économique
voulue par le directeur du budget
".
Le témoignage de M. Dominique STRAUSS-KAHN illustre ce rapport de force
entre le ministre et ses services. Evoquant les arbitrages qu'il devait rendre
en matière de prévision macroéconomique et ses options
contraires aux préconisations des services, il observe que "
la
pression des services était forte ! Je citais le directeur de
l'INSEE tout à l'heure mais c'est vrai aussi pour la direction de la
prévision et pour d'autres encore. Cette pression était telle
qu'au bout d'un moment on finit par se dire que l'on doit quand même
avoir tort à être seul à prétendre des choses de ce
genre
".
Ces deux ministres ont développé devant la commission une
conception assez similaire de l'attitude que doit adopter un ministre face
à ses services. M. Nicolas SARKOZY a indiqué que
" l
'administration, fut-elle de grande qualité, et surtout parce
qu'elle est de grande qualité, doit rester au service d'une politique
pour ne pas dire du politique
". De même M. Dominique
STRAUSS-KAHN a estimé : "
Je ne crois pas que nous
puissions avoir des ministres qui n'aient d'autre fonction que de
répéter en public ce que les services écrivent sur les
papiers
".
M. Alain LAMASSOURE a pour sa part fait état d'une conception plus
restreinte de l'autonomie de jugement des ministres par rapport aux
informations provenant des services. Contrairement à M. Dominique
STRAUSS-KAHN qui a jugé que le ministre devait prendre "
des
risques en donnant sa propre appréciation de ce qu'il croit être
l'évolution de l'économie
", il a indiqué qu'
"
il y a deux sujets sur lesquels je m'interdisais de rendre un
arbitrage de nature politique, c'est d'une part, la prévision
macroéconomique et d'autre part, le montant des recettes fiscales.
Concernant les premières, je ne vois pas pourquoi le ministre aurait
plus d'intuition que d'autres
".
3. Des pratiques administratives qui ne sont pas exemptes de travers
a) Un suivi pas assez fin ?
Faisant
référence à son expérience de 1997, M. Jacques
BONNET a déclaré devant votre commission que, "
en 1997
le fait majeur est que l'Etat ne disposait pas de documents ou de
méthodes permettant avec une grande précision de prévoir
l'exécution du budget dans les six mois suivants
". Il a
précisé par ailleurs que cela ne lui apparaissait pas
"
impossible
" ayant lui-même réalisé
à cette occasion un pareil travail : "
je crois que la
philosophie que M. NASSE et moi-même avons tirée de cette mission
est qu'il n'y avait de mauvaise volonté ni de dissimuler, ni de tromper,
mais des instruments traditionnels très insuffisants, très lents,
pour avoir une vue vraiment satisfaisante de l'évolution des finances
publiques
".
Dans leurs réponses écrites MM. Jacques BONNET et Philippe NASSE
ont confirmé leur jugement sévère en précisant que
"
les nombreuses défaillances de l'information disponible ont
été soulignées par l'audit de 1997. Selon nous ces
défaillances ne résultent pas de l'exercice d'une volonté
délibérée de tenir secrète une information
exhaustive, centralisée mais cachée. Elles ne résultent
pas non plus de l'absence d'effort pour rassembler cette information à
partir de ses éléments existants, face à une
administration réticente à les fournir. Elles résultent de
l'impossibilité de réunir cette information. En effet
l'extrême complexité des structures administratives et
l'archaïsme des méthodes comptables de l'Etat rendent vaines toute
tentative de développer dans le domaine public une fonction de
" reporting " à l'instar de ce que font les entreprises qui
suivent régulièrement l'avancement de leur budget et anticipent
ainsi la formation de leurs résultats comptables
".
M. Jean ARTHUIS, qui lorsqu'il était ministre a le premier
initié les travaux relatifs à la comptabilité
patrimoniale de l'Etat, a déclaré à la commission
d'enquête : "
Ce qui m'a frappé en arrivant à Bercy
et qui a d'une certaine façon conforté les hypothèses que
j'avais formulées lorsque j'étais rapporteur
général du budget au sein de votre commission, c'est que la
sphère publique ne s'est pas donnée des instruments de
visibilité. Il m'est apparu que le système d'information
financière était totalement archaïque et que le mode
d'appréhension des données budgétaires et
financières était fondé sur les encaissements et les
décaissements, que le contrôle s'exerçait a priori et qu'en
aucune façon on ne se préoccupait de mesurer l'efficacité
de la dépense publique
".
b) Les liens entre les membres des cabinets et leur administration d'origine
M.
François LOGEROT a relevé que "
La Cour ne dispose pas
d'indications particulières sur la qualité de l'information du
ministre par son cabinet ou par les directions du ministère. Tout au
plus peut-elle remarquer que, traditionnellement, les questions
intéressant chacune des grandes directions sont spécialement
suivies par des membres du cabinet qui en sont souvent issus. Les cabinets du
ministre et du secrétaire d'Etat au budget comprennent d'ailleurs des
membres communs afin d'assurer la coordination
". M. Jean-Philippe
COTIS, directeur de la prévision, a ainsi admis que les administrations
choisissent elles-mêmes certains de leurs membres qui sont appelés
à exercer leurs talents dans les cabinets : "
nous avons
une discussion sur les hypothèses économiques avec les experts
(notamment le conseiller économique du ministre) qui sont souvent des
personnes issues de la maison que nous avons envoyées là en
raison de leur grande compétence
".
En revanche, M. Nicolas SARKOZY, loin de considérer que des
collaborateurs issus de l'administration pourraient avoir une
indépendance limitée par rapport à leurs anciens (et
futurs) collègues, a insisté sur l'intérêt pour les
hommes politiques de s'entourer de personnes qui connaissent le fonctionnement
interne du ministère. Il a considéré que "
c'est
une erreur de ne pas prendre un directeur de cabinet de la maison
"
car
il connaît
" les chausse-trapes, les habitudes,
les histoires, la façon de traduire cela. Un directeur de cabinet qui
n'en est pas ne le sait pas
".
c) L'insuffisance d'instruments extérieurs d'analyse
Cette
absence d'instruments extérieurs d'analyse concurrents a
été souvent regrettée, notamment lors de la fixation des
principales hypothèses macroéconomiques. Ainsi, M. Denis MORIN a
expliqué à la commission d'enquête que
"
l'essentiel de l'information en ce qui concerne la préparation
et l'exécution des lois de finances provient des services du
ministère. La technicité particulière de ces sujets et
leur forte connotation politique, la préparation d'un budget
étant l'acte politique central d'un gouvernement, rendent peu
exploitables les sources d'information parallèles. C'est surtout en
matière de conjoncture économique que la référence
à des sources d'information externes est la plus
répandue
".
S'agissant de la conjoncture économique, M. Christian SAUTTER a
précisé que "
en ce qui concerne la croissance, je crois
que c'est Dominique Strauss-Kahn qui a pris l'initiative de donner davantage
d'importance à la commission des comptes de la nation, laquelle s'est
réunie elle aussi deux fois par an et permet de réunir les
différents prévisionnistes des instituts publics et
privés. Dans les décisions qui sont prises au mois de juillet, il
y a donc prise en compte du consensus des économistes
privés
". M. Jean-Philippe COTIS a cependant rappelé que
l'échantillon des économistes consultés était de
plus en plus large : "
nous avons élargi le panel aux
économistes, notamment de banques, à la fois banque
françaises et grandes banques internationales comme Goldman Sachs et
Morgan Stanley
".
Au total, M. Dominique STRAUSS-KAHN s'est déclaré globalement
satisfait de la façon dont les prévisions de croissance
étaient réalisées : "
l'outil dont on dispose
n'est pas mal adapté . La direction de la prévision,
l'INSEE, chacun pour ce qui les concerne, font leur travail. Le consensus des
économistes de place - que je réunissais en général
comme mes prédécesseurs et qui comprend des économistes
d'entreprises, l'association des universitaires entre autres - finit par
essayer de faire sortir une sorte de moyenne qui vaut ce qu'elle vaut, comme
toutes les moyennes . On l'appelle " le consensus " alors qu'en
réalité il n'y a pas de consensus puisque chacun est sur des
chiffres un peu différents. C'est plus une moyenne des consensus !
Mais quand même la discussion fait un peu converger les opinions et c'est
sur ce consensus que l'on se base
".
Malgré tout, les personnes auditionnées ont
généralement conclu à la nécessité d'aller
plus loin dans le recours aux avis extérieurs. Ainsi,
M. Jean-Claude TRICHET a considéré que "
dans notre
pays, tout le monde semble considérer qu'il va de soi que l'on ait une
croissance éternelle de 3 % en volume par an. Je n'en suis pas
sûr personnellement, et je crois que cela suppose un grand nombre de
conditions à réunir pour arriver à un tel résultat.
Bref, je crois qu'on peut améliorer les choses en ayant une
procédure plus objective et surtout reposant davantage sur un consensus
d'experts gouvernementaux, parlementaires et indépendants, de
manière à avoir des éléments
incontestables
".
M. Jacques BONNET a insisté sur la nécessité de
"
trouver des matériaux suffisamment indépendants pour
nous permettre de nous faire une opinion qui ne soit pas le strict reflet de
celle des services intéressés
". En écho, le
directeur du budget, M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC, s'est
demandé : "
Comment peut-on améliorer la
situation ? C'est plus par des obligations de moyens que par des
obligations de résultats. Les pays ayant essayé
d'améliorer les choses dans ce domaine ont eu recours à des
comité d'experts indépendants qui se sont prononcés sur
les prévisions économiques et des recettes des gouvernements. Ces
comités d'experts se trompent, comme tous les experts, beaucoup, mais
ils offrent la garantie que si l'on s'est trompé, c'est de bonne
foi
".
Développer la confrontation de l'information
macroéconomique
selon deux anciens ministres de l'économie
M.
Dominique Strauss-Kahn a estimé que l'Union économique et
monétaire conduirait nécessairement à modifier les
conditions dans lesquelles sont réalisées les prévisions
macroéconomiques : "
la voie est certainement ce qui se
passe aujourd'hui au sein du Conseil de l'euro. C'est à dire que nos
économies sont à ce point imbriquées qu'il est tout
à fait inconcevable que la France fasse pour elle-même une
prévision de croissance - 3 % par exemple - et que l'Allemagne ait sa
propre estimation de la croissance française qui influe bien
évidemment sur la sienne, qui ne serait pas de 3 %. On a là des
ajustements considérables. Or la mise en commun de l'information est
encore loin d'être faite parce que chacun a évidemment sa
tradition, ses habitudes, son histoire et garde l'information pour
lui-même
".
M. Christian Sautter a évoqué une perspective différente :
"
vous me permettrez d'insister sur un point. Aux Etat-Unis - je ne
suis pas choqué de les citer - des centaines d'universitaires
travaillent sur les finances publiques. Des universitaires ont des
modèles de calcul des recettes fiscales et ils font des études
sur la fiscalité. Je l'ai dit très brièvement dans mon
exposé introductif, la recherche universitaire porte trop peu sur les
finances publiques
".
d) Un problème de communication interne
M.
François LOGEROT a constaté, s'agissant du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, que "
cette
administration souffre d'un excessif cloisonnement aussi bien au niveau central
qu'au niveau des services extérieurs et tout particulièrement
affectant les directions à réseau c'est-à-dire les grandes
directions : comptabilité publique, impôts et
douanes
".
Les services du ministère semblent en être conscients. Ainsi,
M. Jean-Philippe COTIS a rappelé que : "
le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a pris la
mesure d'un certain nombre de dysfonctionnements qui ont pu nuire à
l'efficacité des travaux au sein des directions dites
d'état-major ".
Il a cependant indiqué que
"
nous essayons de travailler de manière plus collégiale et plus
transversale que ce n'était le cas dans le passé. Du travail est
encore à faire, mais l'effort est bien engagé.
" Ce
cloisonnement est confirmé par M. Pierre GISSEROT qui souligne que :
"
il est certain qu'il y a une culture du secret, et je dirai à
l'intérieur même du ministère. Si j'ai laissé
quelque chose aux finances, ce sera d'avoir facilité la communication
entre directions. C'est déjà un grand
progrès !
".
C. LE PARLEMENT TENU A L'ÉCART
1. Une " culture du secret " à Bercy
a) Une déformation professionnelle
Au terme
de leurs travaux, votre commission ne peut que souscrire aux propos de M.
Pierre GISSEROT : "
je serais malhonnête si je ne disais pas
que, dans la tradition du ministère des finances, il existe une certaine
culture du secret. Nos sujets sont délicats et notre citadelle de Bercy
est un symbole de ce que sont les finances
". Le secret de certains
travaux mérite d'être respecté, notamment au stade de la
préparation des lois de finances. Car, comme le souligne M. Denis MORIN,
"
certains documents internes sont destinés à
l'information du ministre, voire du gouvernement. Ces documents n'ont pas
vocation à être sortis des services ni du cabinet
".
Ainsi, le président Alain LAMBERT, lors de l'audition de M. Laurent
FABIUS, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
rappelait que : "
nous avons une idée, que je crois
partagée, du bon équilibre de nos institutions. Il ne s'agit
d'aucune façon de gêner le gouvernement car ce ne serait pas bon
pour la France.
" Il ajoutait néanmoins : "
Mais il
faut en même temps que les règles de la démocratie les plus
élémentaires ou les plus fondamentales soient
respectées
".
Dès lors, il importe de trouver un équilibre entre
l'indispensable information de la représentation nationale et la
nécessaire confidentialité des travaux préparatoires du
gouvernement. Par exemple, que doit-il en être s'agissant des
prévisions d'exécution dont M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC a
indiqué : "
Les notes d'exécution donnent lieu
à une information du ministre. Le Parlement n'est pas toujours
informé des évolutions
". A ce sujet, on doit relever
que M. Pierre GISSEROT a estimé : "
Il est évident,
à mes yeux, qu'une commission des finances comme la vôtre n'est
pas informée comme elle pourrait souhaiter l'être
".
M. Thierry BERT a également évoqué l'arbitrage entre
confidentialité et transparence : "
la culture du secret
est quelque chose dont mon opinion personnelle et l'analyse qu'on peut avoir de
l'évolution de la société montrent que ce n'est plus
tenable et que c'était souvent indu. Nous avons en permanence le mot
confidentiel sur un certain nombre de choses qui ne le sont pas. S'agissant de
la pratique de diffusion des rapports que j'ai, j'ai clairement dit à
l'ensemble des cabinets qu'un rapport était diffusable dès lors
qu'il ne tombait pas sous le coup des trois interdictions de la loi de 1978 sur
la
communication des documents administratifs, c'est-à-dire le
secret fiscal ou bancaire, le secret industriel et commercial et la
préparation aux décisions gouvernementales.
En revanche, je veux bien admettre qu'une note portée à
l'arbitrage, ou qu'un rapport qui contient des informations nominatives en
grand nombre, ou qu'un rapport de contrôle impliquant des suites
judiciaires, par exemple, doive faire l'objet d'une procédure
secrète
".
La Cour des comptes mieux informée que le Parlement ?
Votre
commission observe que la Cour des comptes dispose de plus d'informations que
les commissions des finances du Parlement. Ainsi, M. François Logerot a
indiqué : "
Lorsqu'on me pose la question de savoir :
" Avez-vous accès aux notes internes des ministères, celles
que les directeurs font pour leur cabinet aux ministres ? ", je dis
oui quand on nous les remet spontanément ou bien quand, en ayant
connaissance, nous les demandons. En effet, à partir du moment où
nous avons connaissance de leur existence et que nous les demandons, on ne peut
pas nous les refuser
"
.
Dans l'état du droit au mois de mars 2000, votre commission des
finances a été dans l'obligation de se constituer en commission
d'enquête afin de pouvoir avoir accès aux mêmes documents
que la Cour des comptes.
b) L'évolution vers plus de transparence
La
décision prise en 1995 par MM. Jean ARTHUIS et Alain LAMASSOURE de
publier à compter de 1996, chaque mois, les situations mensuelles
budgétaires a constitué un progrès dans la voie d'une
meilleure information non seulement du Parlement, mais également du
public. M. Denis MORIN l'atteste en considérant que
"
aujourd'hui nous vivons effectivement sous la contrainte si je puis
dire, c'est sans doute une contrainte positive, de la transparence mensuelle
absolue
". Il a cependant estimé que "
la production de
documents mensuels est évidemment un élément de
transparence mais probablement le document tel qu'il est aujourd'hui
mériterait-il d'être encore clarifié et nourri de plus
d'informations pour que les commentaires faits à partir de ces
informations un peu brutes soient plus pondérés
".
M. Alain LAMASSOURE pour sa part a considéré qu'il fallait aller
plus loin dans la transparence : "
Nous avions
décidé, sur ma proposition, au mois de décembre 1995, que
la situation de trésorerie de l'Etat donnerait lieu à publication
mensuelle, ce qui est fait depuis 1996 et ce qui est déjà un gros
progrès. Je pense que cela ne suffit pas et que rien ne devrait
s'opposer à ce que cette situation soit maintenant publiée toutes
les semaines afin que les commissions des finances, les médias, les
spécialistes de l'opinion puissent connaître l'évolution de
la trésorerie de l'Etat. Cela exige que soient ajoutées certaines
informations complémentaires pour apprendre à lire ce document un
peu particulier. Mais à partir du moment où ces informations
existent, il n'y a pas de raison de ne pas en faire une très grande
diffusion.
".
M. Jean-Jacques FRANÇOIS a inscrit ces évolutions vers plus de
transparence dans une tendance de long terme : "
Il faut
développer le reporting qui est la comptabilité utile et à
la demande. Pour quoi faire ? Pour deux raisons. La première est le
pilotage. Plus le temps passe, plus le pilotage, l'exécution
budgétaire aura d'importance, il faut donc que l'ACCT soit à
même de fournir un reporting de qualité. La seconde est la
communication, encore balbutiante. Actuellement, la communication se fait sur
les projets de loi de finances, tradition franco-française, mais si nous
regardons ce qui s'est passé dans le secteur privé, nous voyons
que la communication se fera également sur la
comptabilité
".
Plus généralement, les progrès de l'information du
Parlement devront résulter d'une modification des rapports entre
celui-ci et l'administration. Ainsi M. Jean ARTHUIS a estimé que
"
nous avons une culture à forger ensemble, Parlement et
administrations, en particulier le ministère des finances
", et
relevé que "
si vous avez l'habitude d'aller dans les services
pour demander des informations, vous allez créer un climat et vous ferez
en sorte que le système d'information soit accessible à tous en
permanence, qu'il soit transparent et vous ferez disparaître ces
suspicions mutuelles. Je ne dis pas que les premières démarches
seront faciles ! Mais je crois que si le Parlement ne se donne pas les
moyens de diligenter des missions d'audit avec détermination, il peut se
rendre complice de certains dysfonctionnements de l'Etat
".
2. Un monologue du gouvernement
Les
progrès de l'information du Parlement en matière
d'évolution des finances publiques n'ont pour l'heure pas
été accompagnés par une revalorisation du rôle du
Parlement dans l'élaboration des textes financiers.
Certes, le rôle limité des Assemblées résulte pour
partie des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique
relative aux lois de finances.
Néanmoins, les textes n'expliquent pas tout. Au cours des travaux de la
commission d'enquête, les commissaires ont à de nombreuses
reprises souligné le contraste entre la longueur de la procédure
d'examen des lois de finances et le caractère limité des
modifications apportées par le Parlement au texte d'origine figurant
dans la loi de finances promulguée comme si la discussion de celle-ci
était en quelque sorte " verrouillée ".
Le souci de protection de l'équilibre des finances publiques ne suffit
pas à expliquer le " verrouillage " et le soin mis par le
ministère des finances pour tenir les parlementaires à
l'écart de l'élaboration des lois de finances.
Ainsi, les documents recueillis par votre commission auprès de la
direction du budget montrent que, dans les documents internes
préparatoires à un projet de loi de finances, les services
répartissent les mesures destinées à figurer dans le texte
définitif entre celles qui seront des articles du projet
déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale et celles
qui seront introduites par voie d'amendement en cours de discussion. Outre
qu'un tel procédé aboutit à soustraire certaines mesures
à l'examen préalable du Conseil d'Etat, il traduit une
volonté du gouvernement de contrôler la discussion parlementaire
jusque dans ses moindres détails en choisissant de réduire
délibérément le délai laissé au Parlement
pour examiner certaines dispositions, pourtant envisagées longtemps
à l'avance par les services.
3. La sincérité budgétaire n'est pas une priorité
Au cours
de son audition, M. Jean-Claude TRICHET a déclaré avoir
"
toujours été frappé par ce procès, qui
repose essentiellement sur le fait que les hypothèses de travail de la
loi de finances ne semblent pas, aux yeux de la représentation
nationale, être le fruit d'un travail sincère, professionnel,
d'une sorte de consensus des experts, le meilleur possible, mais le fruit d'une
manifestation gouvernementale
".
A l'inverse, au cours de leurs travaux, vos rapporteurs ont constaté
que la sincérité des données à partir desquelles
sont élaborés les projets de lois de finances n'apparaît
pas comme l'une des premières préoccupations du ministère
de l'économie, des finances et de l'industrie, que ce soit des services
mais également des ministres.
M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC a d'ailleurs relativisé l'importance de
l'objectif de sincérité budgétaire : "
la
sincérité du projet de loi de finances initiale, qui n'est
d'ailleurs pas un principe de l'ordonnance organique, mais une construction
jurisprudentielle, est une obligation de moyens, mais cela ne peut pas
être une obligation de résultat à ce stade de
l'année. Les comptes sont une obligation de résultats
".
A l'évidence, il n'est pas possible de prévoir en loi de finances
initiale de manière exacte l'évolution des recettes fiscales au
cours de l'exercice à venir. En revanche, le président de votre
commission, M. Alain LAMBERT s'est opportunément demandé si le
Parlement ne serait pas fondé à exiger que les données
à partir desquelles il débat des projets de loi de finances
correspondent à celles que le gouvernement utilise effectivement dans
son suivi de l'exécution budgétaire. En effet, lors de l'audition
de M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC, il relevait que "
les
paramètres économiques et financiers du projet de loi de finances
évoluent et, pendant ce temps, le Parlement examine, discute du budget.
Il n'est pas toujours informé de ces évolutions, et quand je dis
cela c'est par courtoisie, et pourtant il débat du projet de budget.
....
On peut se demander, quand on est au Parlement, si l'exercice auquel on
se livre n'est pas exclusivement formel
".
Un exemple d'insincérité budgétaire ?
Les
documents auxquels votre commission a eu accès confirment ce sentiment.
Par exemple, à l'automne 1999, le directeur du budget a adressé
au ministre deux notes, à un jour d'intervalle :
- la note du 25 octobre 1999 relative au "
projet de collectif
1999
" indique que le projet de loi de finances rectificative qui sera
présenté le 24 novembre en Conseil des ministre pourrait
être élaboré avec un objectif de solde pour 1999
s'élevant à 228,7 milliards de francs, soit 7,8 milliards de
francs d'amélioration par rapport au solde voté en loi de
finances initiale pour 1999. Cette note a été établie par
le bureau 1A de la direction du budget
13(
*
)
;
- la note du 26 octobre 1999 concerne la "
prévision
d'exécution associée à la maquette du projet de collectif
1999
". La prévision de la direction du budget pour l'exercice
1999 s'établit alors à 211,2 milliards de francs, soit 25,3
milliards de francs de moins que la loi de finances initiale. Cette note
explique de manière détaillée les raisons des
écarts constatés en recettes et en dépenses par rapport au
projet de collectif. Cette note a été établie par le
bureau 1D de la direction du budget
14(
*
)
.
L'écart entre le chiffre sur la base duquel le gouvernement a
proposé au Parlement de débattre (- 228,7 milliards de francs) et
le chiffre sur la base duquel le gouvernement a réalisé son suivi
de l'exécution est significatif puisqu'il s'établit à 17,5
milliards de francs. Pourtant, à aucun moment, dans la note du 25
octobre 1999 consacrée au collectif, il n'est évoqué la
possibilité de modifier la maquette du collectif en fonction des
prévisions d'exécution. S'il l'avait voulu, le gouvernement
aurait pourtant disposé d'un mois pour le faire, puisque le projet de
loi de finances rectificative pour 1999 n'a été
présenté en Conseil des ministres que le 24 novembre.
En outre, il est indiqué dans la note du 25 octobre 1999 que
"
s'agissant du solde, un objectif d'amélioration doit
être visé à deux titres : pour maintenir
l'équilibre primaire compte tenu des économies affichées
sur la dette ; pour accélérer la réduction du
déficit budgétaire de l'Etat conformément à ce qui
a été notifié en septembre à la
commission
". L'objectif de sincérité des documents
transmis au Parlement ne semble pas recherché.
Il ressort de ces éléments que l'organisation administrative
même de la direction du budget traduit une certaine conception du
rôle du Parlement. Tandis que le bureau 1D s'occupe de transmettre au
ministre les données relatives à la réalité de
l'exécution, le bureau 1A s'attache à mettre en forme une
réalité budgétaire virtuelle, qui sert de base à la
discussion au Parlement.
Vos rapporteurs considèrent que le choix de ne pas incorporer, lorsque
c'est encore matériellement possible, les prévisions les plus
fiables dans les documents transmis au Parlement est particulièrement
regrettable s'agissant du collectif budgétaire. S'agissant du projet de
loi de finances initiale, plusieurs personnes auditionnées ont mis en
évidence les difficultés qui s'opposeraient à
l'incorporation des prévisions les plus récentes.
En revanche, s'agissant du collectif qui, pour reprendre l'expression de M.
Jean ARTHUIS, se doit d'être le "
document
vérité
", le décalage entre les chiffres retenus
par le gouvernement et les prévisions qui lui sont transmises par les
services fait perdre tout son sens à cet exercice, à propos
duquel M. Christian SAUTTER a souligné que "
nous sommes
parmi les rares pays qui fassions des budgets rectificatifs en cours
d'année
".
III. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE SOUS FORTES CONTRAINTES TECHNIQUES
Le suivi de l'exécution budgétaire, principalement assuré par les quatre notes trimestrielles de la direction du budget, se heurte cependant à deux obstacles : il s'agit d'une part des contraintes propres au calendrier budgétaire et, d'autre part, de l'insuffisante harmonisation desdites prévisions avec les autres instruments permettant d'appréhender l'évolution globale de la situation des finances publiques.
A. LES CONTRAINTES INTERNES DE CALENDRIER
Ces
contraintes sont liées à l'articulation permanente qui existe
entre le suivi de l'exécution du budget en cours et la
préparation du prochain budget ainsi que celle du collectif de fin
d'année.
Ainsi que cela a été relevé à de nombreuses
reprises lors des auditions menées par votre commission, la
prévision d'exécution en date d'avril survient " trop
tôt " dans l'année pour se faire une idée suffisamment
juste de son déroulement, celle de juillet est faite à un moment
où la phase administrative de la préparation du prochain projet
loi de finances est déjà presque achevée tandis que celle
d'octobre n'est pas utilisée pour recadrer le projet de loi de finances
rectificative ou le projet de loi de finances de l'année.
La période de l'été apparaît alors comme un
" trou noir ", soit une période au cours de laquelle les
ajustements qui seraient rendus nécessaires par l'évolution de la
conjoncture ne sont pas effectués. Cet aspect a été
confirmé par M. Denis MORIN lors de son audition quand il évoque
la réunion d'arbitrage des recettes fiscales qui a lieu en
juillet : "
autrement dit, il ne se passe rien en matière
de recalage des recettes entre la mi-juillet et la date de présentation
du collectif budgétaire c'est à dire en général
deuxième quinzaine du mois de novembre
". Il indique en effet
que dans le cas contraire, "
il faudrait parallèlement réviser
les recettes du budget alors en cours de discussion au Parlement et cela
soulèverait une série de difficultés
" et
précise en ce cas, qu'"
il faudrait s'habituer à amender
les documents budgétaires mois après mois, pourquoi pas semaine
après semaine, en fonction des données et de la situation de
trésorerie, ce qui me paraît difficile. Nous faisons un exercice
formel et la révision à laquelle il a été
procédé à l'été 1999 va dans le bon
sens
".
1. Février-octobre : l'articulation entre la préparation du budget " n+1 " et l'exécution du budget " n "
a) Février : fin de l'exercice interne à la direction du budget des " perspectives budgétaires " et premier regard sur l'exécution en cours
En février, parallèlement à la publication des budgets économiques d'hiver et à la première réunion d'arbitrage des recettes fiscales, les services procèdent pour la première fois à une évaluation de l'exécution en cours tout en commençant la préparation du prochain budget. En février se clôt en effet l'exercice interne à la direction du budget des " perspectives budgétaires " qui débute en décembre : il se traduit en mars par une note de programmation stratégique du directeur du budget adressée au ministre.
b) Avril : début des conférences budgétaires et première note de la direction du budget sur l'exécution
Le mois d'avril est marqué par le début des conférences budgétaires et l'envoi des lettres de cadrage du budget " n+1 " qui rappellent les grandes données de l'économie et leur évolution prévisible. C'est à ce moment qu'est rédigée la première note du directeur du budget qui présente l'exécution du budget " n ". Ainsi que l'a rappelé M. Laurent FABIUS lors de son audition, cette note sur l'exécution est faite en liaison avec celle concernant la préparation du prochain budget qui " est consacrée à l'année à venir et aux propositions de dépenses associées au projet de loi de finances en vue de l'engagement des négociations avec les ministères ".
c) Juillet : réunion d'arbitrages, envoi des lettres-plafonds et deuxième note de la direction du budget
Le mois
de juillet est un mois central : le gouvernement a une idée plus
précise de l'exécution du budget en cours grâce à la
note de la direction du budget tandis que le processus administratif de
finalisation du budget " n+1 " marque une étape
significative : outre la fin des conférences budgétaires, et
l'envoi des lettres-plafonds qui détaillent l'enveloppe des moyens
financiers accordés aux ministères, se déroule par
ailleurs la seconde réunion d'arbitrage sur les recettes fiscales qui
sert de socle à la préparation du budget " n+1 ".
La première phase de la préparation du projet de loi de finances
se concrétise par une note faisant le point sur le résultat des
conférences budgétaires et propose au ministre des positions sur
les sujets qui n'ont pas été réglés entre les
services. Une fois les derniers arbitrages rendus, le cas échéant
par le Premier ministre, les mois d'août et septembre rendent alors
possibles les derniers ajustements techniques. Ils permettent notamment de
stabiliser le solde avant que le projet ne soit transmis au Conseil d'Etat puis
présenté et adopté en Conseil des ministres.
d) Octobre : début de l'examen du projet de loi de finances et troisième note de la direction du budget
Présenté en Conseil des ministres à la mi-septembre, l'examen du projet de loi de finances débute généralement à l'Assemblée nationale dans le courant du mois d'octobre, soit pratiquement au moment même où est transmise au ministre la troisième note de la direction du budget sur l'exécution budgétaire de l'année en cours.
2. Octobre-décembre : ne pas faire du collectif de fin d'année un exercice purement formel déconnecté de la réalité budgétaire
Le domaine des lois de finances rectificatives
Les lois
de finances rectificatives peuvent être regroupées en cinq
types :
1) Les collectifs portant ratification des décrets d'avances. Lorsque
ces derniers sont gagés, il n'y a pas besoin de déposer un
collectif particulier, il suffit d'attendre le prochain collectif. Il n'en est
pas de même pour les décrets d'avances non gagés.
2) Il existe aussi des lois de finances rectificatives d'un objet
limité qui ne constituent que la traduction financière d'une
réforme proposée par ailleurs au Parlement.
3) Un cas peu différent est celui du collectif ouvrant des
crédits afin de traduire les engagements pris par le gouvernement dans
un secteur particulier.
4) Beaucoup plus importante est la loi de finances rectificative qui
traduit un changement de cap de la politique gouvernementale. En principe, de
telles lois sont présentées lors des changements de gouvernement.
Il arrive aussi que de tels textes soient déposés par le
gouvernement en place afin de marquer un infléchissement sensible de son
action.
5) Enfin, viennent les collectifs de fin d'année qui traduisent
l'incidence de la révision des hypothèses économiques sur
les dotations de l'année en cours et procèdent aux ajustements
traditionnels de fin d'année.
Ces collectifs sont des textes essentiellement techniques qui autorisent en
particulier divers mouvements de crédits ne pouvant être
réalisés par la voie réglementaire.
Par ailleurs, ils réestiment les recettes de l'année en cours
compte tenu des hypothèses économiques révisées
figurant dans le rapport économique et financier déposé
à l'appui du projet de loi de finances de l'année à venir.
Toutefois, les collectifs de fin d'année vont parfois plus loin :
soit ils contiennent des augmentations significatives de certaines dotations
qui n'ont pas eu lieu dans la loi de finances de l'année ou dans celle
de l'année à venir ; soit ils proposent des réformes
importantes, notamment en matière fiscale.
Source : le budget de l'Etat, MEFI 1999
a) Le principe : tenir compte de la réalité de l'exécution
Le
projet de loi de finances rectificative de fin d'année est
préparé au cours du mois d'octobre. Or, en octobre, avec la
troisième note de la direction du budget, le ministre dispose d'une
vision assez précise de l'exécution qui est traduite en principe
dans le collectif budgétaire de fin d'année.
De même, en décembre lors du bouclage de l'exécution, cela
doit normalement permettre de vérifier que le collectif qui est en cours
d'adoption par le Parlement est bien en phase avec l'exécution et de
mettre au point les décisions à prendre en fin d'année.
b) Un exercice souvent formel
Néanmoins, au vu de l'analyse du calendrier en 1999, il apparaît que les hypothèses budgétaires sur lesquelles le collectif repose n'ont qu'un lien ténu avec la réalité de l'exécution budgétaire telle qu'analysée par la direction du budget. L'appréciation du niveau des recettes qui fonde l'équilibre du collectif repose en effet sur l'arbitrage des recettes fiscales opéré en juillet et non sur la prévision la plus récente qui résulte de la note sur l'exécution budgétaire d'octobre de la direction du budget. C'est un tel écart que semblait justifier M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC lors de son audition : " Pourquoi y a-t-il des écarts entre le collectif et la fin de l'année ? Le collectif se prépare en septembre ou octobre et il reste un trimestre. L'échéance fiscale de décembre est très lourde (impôt sur les sociétés, TVA, taxe professionnelle), nous avons énormément de dépenses pour lesquelles nous ne savons pas ce qui va se passer, comme les dépenses militaires ".
Le 25 octobre 1999, le déficit 1999 est fixé dans le collectif à 228,7 milliards de francs et le 26 octobre 1999 il est évalué en exécution à 211,2 milliards de francs
Ainsi en
1999, une note de la direction du budget (bureau 1 A) en date du 25 octobre
1999 transmettait au ministre un projet de collectif qui retenait pour 1999 une
prévision de solde budgétaire s'établissant à 228,7
milliards de francs alors qu'une note du 26 octobre, soit le lendemain, de la
même direction du budget (bureau 1 D) sur l'exécution du budget
faisait état d'un déficit prévisionnel pour l'exercice
1999 de 211,2 milliards de francs. Il y avait donc un écart de 17,5
milliards de francs entre la réalité mesurée par les
services et celle qu'il était proposé d'afficher.
Le contenu même de la note du 25 octobre 1999 témoigne de la
difficulté de gérer et d'assumer une telle
" schizophrénie budgétaire ". Ce projet
présentait pour caractéristique outre une réduction
insuffisante du déficit contrairement aux engagements communautaires de
la France, celle de dégrader paradoxalement le niveau du solde primaire
compte tenu des économies affichées sur la dette. Aussi le
directeur du budget terminait-il sa note
de façon manuscrite
par
"
deux observations
[qui]
me paraissent devoir être
soulignées : la nécessité de réviser à
la hausse les recettes fiscales pour ne pas dégrader le solde primaire
(effet des 10 milliards UNEDIC) et la persistance d'ouvertures qui pose le
problème des conditions de budgétisation initiale
".
Cette absence de lien, en dépit de la concomitance des calendriers,
entre le suivi de l'exécution opéré en octobre par la
direction du budget et la préparation du collectif qui est
réalisée au cours du même mois répondrait à
une tradition ainsi que l'ont affirmé lors de leur audition deux anciens
ministres de l'économie. Ainsi M. Christian SAUTTER indiquait :
"
Le 24 novembre, je présente au conseil des ministres le
collectif c'est-à-dire la loi de finances rectificative pour 1999. Selon
la tradition qui, à ma connaissance n'a pas été
transgressée avant moi, les recettes ne sont corrigées que des
changements de législation
". De même, devant votre
commission, M. Dominique STRAUSS-KAHN a confirmé cette pratique tout en
en reconnaissant les limites, puisqu'il s'est demandé :
"
Faut-il changer la pratique ? Peut-être
".
c) Un collectif sans réel contenu budgétaire ?
Dans la
mesure où, au regard du principe de sincérité
budgétaire, le contenu du collectif serait réduit à sa
plus simple expression, le gouvernement se refusant à prendre en compte
la réalité de l'exécution constatée entre juillet
et octobre, soit pendant près de trois mois, on peut s'interroger sur sa
véritable nature : ne serait-il pas un simple véhicule
législatif destiné à porter les " fonds de tiroir
fiscaux " des services de Bercy ?
A défaut il permettrait de faire valider les mesures de
régulation budgétaire mises en oeuvre par les services, de
ratifier les décrets d'avance, de remédier à certaines
erreurs ou dysfonctionnement législatifs et cela sans égard pour
la sincérité budgétaire. Les collectifs de fin
d'année peuvent également jouer le rôle de variable
d'ajustement de la loi de finances pour l'année suivante. Comme le note
M. François LOGEROT, "
nous savons que les trois quarts des
crédits ouverts en loi de finances rectificatives ne sont pas
utilisés et se trouveront reportés à l'exercice
suivant
". Ces crédits permettant ainsi de compléter les
enveloppes accordées en loi de finances initiale.
M. Christian SAUTTER a reconnu devant votre commission l'intérêt
essentiellement " pratique " de l'utilisation du collectif par les
gouvernements en indiquant que le collectif du printemps 2000 n'aurait pas
dû être élaboré si les recettes de 1999 avaient
été réévaluées en temps utile :
"
ces chiffres n'ont pas changé, vous le savez, entre le mois de
septembre et le 20 décembre quand nous avons corrigé les chiffres
de 1999
. Le gouvernement a alors décidé de faire un collectif
de printemps qui est présenté aujourd'hui au conseil des
ministres par mon successeur
". Ce point a également
été reconnu par M. Dominique STRAUSS-KAHN devant la
commission : "
le collectif que le gouvernement se prépare
à discuter là, aurait peut-être été moins
nécessaire car dans l'appréciation de l'année 2000 on
aurait pu tenir compte du fait que l'année 1999 paraissait finalement en
fin d'année beaucoup plus dynamique qu'on ne le pensait
".
Les deux anciens ministres de l'économie ont donc ainsi reconnu qu'une
meilleure harmonisation entre le collectif de l'année " n " et
le suivi de l'exécution budgétaire est non seulement
nécessaire mais également souhaitable. Cette harmonisation
devrait passer par une prise en compte des prévisions d'exécution
les plus récentes, à savoir celles d'octobre et non se baser
seulement sur les résultats de la réunion d'arbitrage des
recettes fiscales de juillet.
B. LES CONTRAINTES EXTERNES D'HARMONISATION AVEC LES AUTRES INSTRUMENTS DE SUIVI DES FINANCES PUBLIQUES
La loi de finances ou budget de l'Etat ne peut plus s'appréhender seule. Elle doit désormais prendre en compte tant l'existence d'une loi de financement de la sécurité sociale que les engagements européens de la France.
1. Avec la loi de financement de la Sécurité sociale : quelle vision consolidée des comptes publics ?
La révision constitutionnelle du 22 février 1996 a prévu que désormais, outre les projets de loi de finances, " le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique " 15( * ) . L'objectif du gouvernement était de permettre au Parlement d'intervenir dans les choix fondamentaux relatifs à la Sécurité sociale. Il est donc désormais impossible d'entretenir une vision parcellaire des finances publique et, partant, exclu d'examiner de façon autonome ces deux textes eu égard aux nombreux transferts existant d'un texte à l'autre 16( * ) . Une vision d'ensemble des finances publiques s'impose notamment au travers d'une consolidation desdits comptes.
a) La préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale : deux exercices imperméables
Les
travaux de votre commission et les auditions réalisées à
cette occasion ont mis en évidence l'absence de lien et de coordination
dans la préparation des deux projets de loi : ils semblent
imperméables l'un à l'autre. Ainsi la direction du budget
interrogée sur ses relations avec les autres ministères,
précisait-elle simplement "
d'autres administrations, à
l'extérieur du MEFI, sont des interlocuteurs privilégiés
de la direction du budget. On peut notamment citer à ce titre : la
direction de la sécurité sociale du ministère de l'emploi
et de la solidarité dans le cadre de la préparation du projet de
loi de financement de la Sécurité Sociale et le suivi des comptes
sociaux
". De la même façon, la direction de la
prévision indique que "
des relations existent avec d'autres
ministères pour le suivi des finances publiques, notamment le
ministère des affaires sociales (confrontation de
prévisions)
".
Au vu de ces informations il apparaît qu'aucun mécanisme global de
coordination lors de l'élaboration des deux projets de loi n'a
été mis en place. De même, outre cette phase
préparatoire d'élaboration, les calendriers respectifs de
discussion de ces deux projets devant le Parlement posent des
difficultés de coordination.
b) Un suivi consolidé des budgets sociaux et de celui de l'Etat à développer
Il
apparaît nécessaire de prévoir une présentation
commune des deux projets de loi, mais également des comptes des
administrations publiques. Sur ce dernier point, votre commission a fait part
lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2000
17(
*
)
de ses préconisations. Eu égard aux
difficultés méthodologiques présidant à
l'établissement de tels comptes, elle s'est interrogée sur les
possibles améliorations de la procédure d'examen de ces textes et
de leur nomenclature.
Dans le cadre du système actuel d'information, il convient de relever
que seule la direction de la prévision au travers de ses budgets
économiques semble disposer d'une vision globale des finances publiques.
Ainsi comme elle le rappelait dans ses réponses au questionnaire de
votre commission, "
les budgets économiques d'hiver permettent
d'éclairer les termes de l'arbitrage entre dépenses publiques,
prélèvements obligatoires et déficit public, en amont de
la préparation de la loi de finances et de la loi de financement de la
sécurité sociale
". Au vu des informations recueilles
par votre commission un tel instrument qui permet d'avoir une vision globale
des finances publiques semble isolé.
2. Avec les exercices de programmation pluriannuelle des finances publiques
Lors de
son audition par votre commission M. Laurent FABIUS a relevé
l'intérêt de ces exercices qui permettent
"
d'éclairer la réflexion du gouvernement sur l'effort
envisageable pour atteindre les objectifs fixés
". Il
poursuivait en soulignant "
l'aspect absolument décisif de
la situation européenne et de nos engagements européens.
Désormais nous travaillons en liaison avec nos collègues. La
relation n'est pas seulement théorique
.
Cet
élément qui n'existait pas il y a 15 ans ou même 10 ans est
déterminant. C'est une donnée quand on réfléchit
aux marges de manoeuvre, c'est-à-dire à ce que l'on peut ou non
modifier
".
Cette réflexion repose principalement sur l'élaboration des
programmes de stabilité qui visent à présenter devant les
instances européennes une vision d'ensemble de la situation des finances
publiques ne se réduisant pas au seul budget de l'Etat mais
intégrant les régimes sociaux, les collectivités locales
et les organismes divers d'administration centrale (ODAC). Elle est
complétée par un exercice plus ponctuel de programmation portant
sur l'évolution des seules dépenses de l'Etat.
Récemment mise en oeuvre, une telle réflexion doit être
affinée et précisée afin de rendre plus
opérationnelle l'articulation entre la procédure
budgétaire de " droit commun " et la programmation
européenne.
a) Le programme de stabilité
La
direction du budget et la direction de la prévision jouent un rôle
de maître d'oeuvre dans l'élaboration du programme pluriannuel des
finances publiques déposé chaque année auprès des
institutions européennes.
Ainsi la première programmation pluriannuelle des finances publiques a
été déposée par la France en décembre 1998
et portait sur les années 2000-2002, la seconde déposée en
janvier 2000 auprès de la Commission européenne constitue son
actualisation en glissement sur les années 2001-2003.
L'exercice de programmation des finances publiques pour les années
(n+2 ; n+4) débute au mois de septembre (n) et s'achève en
principe fin décembre (n). Les travaux partent de projections
macro-économiques à moyen terme réalisées par la
direction de la prévision et concernent les comptes de l'ensemble des
administrations publiques dont elles apprécient par ailleurs la
sensibilité aux principales hypothèses macro-économiques
ou macro-budgétaires.
Plusieurs itérations ont lieu avec le conseil de politique
monétaire présidé par les ministres de l'économie
et des finances et la secrétaire d'Etat au budget, auquel participent
les directeurs du budget, de la prévision, du trésor et de
l'INSEE. La synthèse en est effectuée par la direction du budget
et la direction de la prévision qui transmettent le projet de document
pour arbitrage au ministre de l'économie et des finances et au
secrétaire d'Etat au budget.
b) Les instruments internes de programmation pluriannuelle des dépenses de l'Etat
Parallèlement à ce programme la direction du budget a mis en place depuis 1998, un exercice interne de programmation à moyen terme des dépenses de l'Etat qui a pour vocation de détailler la partie du programme de stabilité relative au seul Etat et d'éclairer le gouvernement pour le cadrage de l'année suivante. Pour les années 2001-2003 cet exercice a débuté en octobre 1999 et s'est achevé par la remise en février 2000 d'un document de synthèse aux ministres.
c) Les difficultés d'articulation des exercices de programmation avec la loi de finances
Comme l'a souligné M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC lors de son audition : " L'articulation avec le programme de stabilité connaît un problème de date, celui-ci ne correspond pas au calendrier parlementaire ". Ce décalage par rapport aux calendriers internes de préparation et de suivi des budgets a eu pour effet de faire que, en 1999 et en 2000 les chiffres figurant dans ce programme ont du être corrigés quelques semaines après leur transmission : le poids de la dette publique dans le PIB a été minoré et celui des prélèvements obligatoires majoré en raison des résultats définitifs de l'exécution 1999 que le gouvernement n'a reconnu que tardivement.
Des chiffres présentés dans le programme de stabilité de janvier 2000 à la réalité de l'exécution en mars 2000.
Lors de
son audition, M. Jean-Philippe Cotis déclarait ainsi
" le
calendrier du programme de stabilité dont il est inévitable qu'il
se passe à l'automne, rend la situation extrêmement
compliquée, car il faut remettre en théorie le programme de
stabilité avant la fin du mois de décembre alors même que
nous n'avons pas encore l'exécution, ce qui peut donner lieu à de
vraies difficultés. Nous en avons eu l'illustration cette année.
C'est une procédure récente. Elle est très importante pour
les pays membres mais, conjointement, elle court le risque d'être assise
sur une année initiale éventuellement un peu
périmée. C'est complexe.
Si chacun attend de voir clair, nous remettrons ces programmes avec deux mois
de retard ; il est alors trop tard pour la Commission qui doit examiner
ces programmes et en tirer les conclusions au titre de ses grandes orientations
de politique économique qui ont lieu au printemps. Nous avons ce timing
qui s'impose à nous, qui a sa justifications bruxelloise, mais qui nous
met dans une situation éventuellement spectaculairement en
porte-à-faux, ce qui était le cas cette année ".
Ainsi, le mercredi 26 janvier 2000, votre commission procédait à
l'audition du ministre de l'économie et de la secrétaire d'Etat
au budget sur le programme pluri-annuel 2001-2003 tel qu'il avait
été transmis. A cette occasion, le gouvernement indiquait
notamment que le niveau des prélèvements obligatoires
augmenterait de 0,4 point en 1999 par rapport à 1998 pour
s'établir à 45,3 points de PIB. De même, il envisageait en
1999 la stabilisation du poids de la dette dans le PIB au niveau de 1998 (60,3
points) et sa décrue pour 2000 (- 0,9 point soit 59,4 % du PIB).
Le mercredi 15 mars 2000, votre commission entendait à nouveau les deux
ministres sur l'exécution budgétaire de 1999 et les perspectives
pour 2000.
En moins de six semaines, deux éléments avaient changé par
rapport au programme pluriannuel transmis aux autorités
européennes : le niveau des prélèvements obligatoires
était à nouveau réévalué : le
gouvernement le chiffrait à 45,6 points de PIB, il fut effectivement de
45,7. A contrario, eu égard à la réduction plus forte que
prévu du déficit public, et à une gestion active de la
dette publique, son poids dans le PIB diminuait dès 1999 et non à
partir de 2000.
1998 1999 2000
Chiffres donnés dans le programme de stabilité de 44,9 45,3
44,8
janvier 2000
Taux de prélèvements obligatoires effectivement
réalisé 44,9 45,7 ?
Aussi, lors de son audition, M. Laurent FABIUS a-t-il rappelé que
"
nous avons des dates - habituellement c'est au mois de
décembre que nous transmettons les documents concernés - mais ce
ne sont pas exactement les mêmes que celles de notre exercice interne, si
bien que c'est trop tôt pour les uns, trop tard pour les autres. Il faut
donc que nous réfléchissions à la façon dont nous
pourrions harmoniser les exercices
.
Je vous propose d'y
réfléchir et de faire des suggestions. Actuellement, j'en suis
d'accord, ce n'est pas très satisfaisant
".
De même, s'agissant de l'exercice propre à la direction du budget
de programmation des dépenses de l'Etat, celle-ci, dans ses
réponses écrites au questionnaire adressé par votre
commission, en a souligné le caractère récent et à
ce titre, certainement perfectible : "
Cette
procédure, en certains points expérimentale, n'en est donc
qu'à sa deuxième année d'exercice "
.
M. Denis MORIN, évoquant cette divergence qui ne serait pas propre
à la France a proposé une solution : "
Ce
problème pourrait être réglé en faisant une
transmission un peu plus précoce, dans le courant du mois de
décembre, d'un document provisoire qui pourrait ensuite, au début
du mois de février, être réajusté pour tenir compte
des données d'exécution budgétaire de la dernière
année. Je crois que c'est ainsi que les Allemands entendent
procéder à partir de l'année prochaine et c'est la
suggestion que nous pourrions retenir pour la France
également
". Interrogé sur cette même question de
l'articulation entre le programme de stabilité et le calendrier interne,
M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC faisait référence à la
situation de nos partenaires : "
Comment font certains
pays ? Deux programmes : un temporaire et un définitif
.
Le calendrier européen veut que l'on dépose les programmes
pluriannuels avant le 1
er
mars, et qu'on notifie
ensuite au
1
er
avril et au 1
er
septembre la situation
prévisionnelle de l'année en cours
".
IV. UN SUIVI DE L'EXÉCUTION SOUS CONTRÔLE POLITIQUE : L'EXEMPLE DE 1999
L'analyse des documents obtenus par votre commission à
l'issue de ses contrôles sur place et sur pièces et le contenu des
auditions réalisées sous serment montrent qu'il existe un
décalage entre la réalité de l'évolution de la
situation budgétaire telle qu'analysée par les services et
transmise par ces derniers aux responsables politiques et l'utilisation qui en
a été faite par ces derniers, que ce soit pour la révision
de l'exécution de l'année en cours ou la préparation du
budget 2000.
En 1999, le gouvernement a attendu plusieurs mois avant de prendre en compte
les indications fournies par ses services. Il s'est efforcé d'en limiter
ou d'en différer volontairement la parution, notamment vis-à-vis
du Parlement.
A. UNE SITUATION DE BONNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE ANALYSÉE EN DÉTAIL PAR LA DIRECTION DU BUDGET DÈS LE 13 JUILLET 1999
M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC lors de son audition par votre commission déclarait ainsi que : " En début d'année 1999, les meilleurs experts économiques prévoyaient une situation assez maussade . Ce n'est qu'à la sortie du premier semestre que nous avons commencé à y voir clair. La prévision d'exécution d'avril est marquée par ces éléments ". Cette situation est confirmée par l'analyse des quatre notes rédigées au cours de l'année 1999 par la direction du budget et portant sur l'exécution budgétaire.
Evaluation du déficit
budgétaire
Chronologie de
l'exécution budgétaire 1999
Dates |
Chiffrages de la direction du budget (en milliards de francs) |
Evaluation communiquée par les ministres au Parlement (en milliards de francs) |
Décembre 1998 : Vote de la loi de finances pour 1999 |
|
- 236,5 |
7 avril 1999 |
- 235,1 |
|
13 juillet 1999 |
- 210,7 |
|
26 octobre 1999 |
- 211,2 |
|
24 novembre 1999 (dépôt du collectif pour 1999) |
|
- 234,1 |
14 décembre 1999 |
- 200,8 |
|
20 décembre 1999 (discussion du collectif par le Sénat) |
|
- 225,9 |
9 février 2000 (audition des ministres par la commission sur l'exécution budgétaire) |
|
- 206 |
1. La note du 7 avril 1999 : une exécution globalement en phase avec les prévisions de la loi de finances initiale
Cette première note sur l'exécution budgétaire est traditionnellement comme tient à le rappeler le directeur du budget " entachée d'aléas importants " et, à ce titre, souvent pessimiste quant à la capacité à atteindre le résultat fixé en loi de finances initiale. En l'espèce, la note du 7 avril 1999 semble se démarquer de ce constat récurrent et laisse entrevoir une exécution budgétaire sans difficulté majeure : " le déficit budgétaire prévisionnel qui en ressort est de 235,1 milliards de francs (+/- 15 milliards de francs) soit une amélioration de 1,5 milliard de francs par rapport à la loi de finances initiale ". A cette prévision est associé un besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques de 215 milliards de francs soit 2,5 % du PIB (SEC 79).
2. La note du 13 juillet 1999 : une amélioration du déficit budgétaire de 25,9 milliards de francs imputable pour les deux tiers aux plus-values de recettes
Cette
note fait ressortir, dès le tout début du second semestre 1999
une amélioration très significative de la prévision du
déficit budgétaire :
il est de 210,7 milliards de
francs soit une diminution de 25,9 milliards de francs par rapport
à la loi de finances initiale.
Celle-ci résulte pour un tiers
(8,2 milliards de francs) de la baisse du niveau des dépenses et
pour les deux tiers soit, "
17,7 milliards de francs, de plus-values
de recettes
(dont 20,2 milliards de francs au titre des
recettes fiscales nettes)
". A cette estimation est associé
un besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques de
2,2 % de PIB (SEC 79), soit une amélioration de 0,1 point par
rapport à celui qui avait été notifié à la
Commission européenne.
Il est particulièrement significatif que cette note se termine sur la
conclusion suivante qui apparaît dépourvue d'ambiguïté
quant à la nature, l'ampleur et la permanence de ce
phénomène : "
Cette prévision
d'exécution, qui fait apparaître une forte amélioration du
déficit prévu,
bénéficie avant tout de la bonne
tenue des recettes fiscales, dont les premiers signes ont été
constatés au premier trimestre 1999
". A nouveau,
cette note s'inquiète cependant du dérapage des dépenses
par rapport aux engagements pris en loi de finances initiale.
Dés la fin du premier semestre 1999, le ministre a donc
été informé de façon non ambiguë par la
direction du budget de l'existence et de l'ampleur des suppléments de
recettes fiscales, ainsi que de l'amélioration très sensible du
solde budgétaire qui en résulterait.
3. La note du 26 octobre 1999 : une exécution qui se rapproche en 1999 du niveau prévu pour 2000 mais qui ne se retrouve pas dans le projet de collectif budgétaire
Cette
note est associée à la maquette du projet de collectif pour
1999 : elle confirme l'amélioration très significative du
niveau de déficit enregistré dès juillet et
s'inquiète, dès lors, du hiatus existant entre la
réalité mesurée par la direction du budget et sa
transcription " politique " au sein du projet de collectif qui a
été transmis au ministre.
La prévision de déficit s'établit sensiblement au
même niveau que celle de juillet : 211,2 milliards de francs, soit
une "
légère dégradation de 0,5 milliard de
francs
"
18(
*
)
mais "
par
rapport à la loi de finances 1999 (déficit de 236,6 milliards de
francs) le solde d'exécution serait en amélioration de
25,4 milliards de francs, soit 17,5 milliards de francs par rapport
à la maquette du PLFR pour 1999
". Le besoin de financement des
administrations publiques est alors estimé à 1,9 % du PIB en
base SEC 95 soit "
une nette amélioration par rapport à
la notification de 2,2 % à la Commission européenne en
septembre dernier ....Un résultat de 1,9 point de PIB en 1999 se
situerait, s'il est confirmé, à 0,3 point de mieux que la
notification du 1
er
septembre et à seulement 0,1 point
en deçà de l'objectif du PLF 2000 (1,8 point de PIB). Ces
estimations comportent toutefois encore un fort élément
d'aléa et restent soumises aux retraitements des comptables nationaux,
ainsi qu'à l'intervention éventuelle d'opérations non
budgétaires ayant une incidence sur le besoin de financement
".
Cette note de la direction du budget du mois d'octobre 1999 confirme
l'amélioration de l'exécution pour 1999 par rapport à la
prévision initiale, ce qui a pour effet de la rapprocher de l'objectif
fixé pour 2000. La note se conclut ainsi : "
La mise en
oeuvre des ajustements de fin de gestion expertisés à la demande
du cabinet du ministre permettrait le respect de l'objectif de maîtrise
des dépenses hors versement à l'UNEDIC.
J'attire toutefois
l'attention du ministre sur le fait que ces opérations auraient pour
conséquence mécanique d'améliorer à due concurrence
le solde d'exécution de l'Etat, déjà très en
deçà du niveau prévu en PLFR, et d'handicaper
l'exécution du budget 2000, fondé sur la stabilité en
volume des dépenses
".
4. La note du 14 décembre 1999 : comment contenir l'amélioration du solde budgétaire ?
Dernière note rédigée sur l'exercice
1999, la
note du 14 décembre 1999 établit le niveau du déficit
budgétaire "
autour de 200,8 milliards de francs soit 33,4
milliards de francs en deçà du collectif (solde du PLFR :
- 234 ,2 milliards de francs)
". Par rapport à la
prévision d'exécution du 26 octobre (- 211,2 milliards de
francs), la réduction du déficit prévisionnel s'explique
principalement par la révision en baisse des dépenses du budget
général ( -3,4 milliards de francs) et la révision en
hausse des recettes fiscales (+ 6,4 milliards de francs).
Eu égard au niveau atteint par le déficit budgétaire une
des préoccupations que traduit cette note est celle de limiter la baisse
du déficit budgétaire :
"
Les mesures de
pilotage conservées par le cabinet permettront vraisemblablement de
respecter la norme de progression des dépenses hors
UNEDIC. En
cas de bonne surprise supplémentaire concernant les recettes fiscales,
un retard de versement par la CADES de la dernière
échéance de 5 milliards de francs de l'exercice 1999
permettrait de contenir l'amélioration du solde budgétaire, mais
il ne manquerait pas d'être sévèrement critiqué par
la Cour des comptes, puis par le Parlement, et risque d'être
retraité en droits constatés par les comptables
nationaux
". Le besoin de financement associé de l'ensemble des
administrations publiques est estimé à 1,8 % de PIB (bases SEC 79
et SEC 95) contre un objectif notifié de 2,2 %.
Chronologie de l'exécution de 1999
B. UN PROGRAMME DE FINANCEMENT FACILITÉ DÈS LE 10 JUIN 1999 POUR LA DIRECTION DU TRÉSOR
Entendu
par votre commission, M. Jean LEMIERRE, directeur du trésor, a
également confirmé cette situation de bonne exécution
budgétaire
: "
de ce point de vue l'année 1999 est
caractérisée dès le milieu de l'année, à peu
près au mois d'août, par le sentiment que les flux de
trésorerie dont l'Etat a bénéficié étaient
tels que nos indications de besoins de financement seraient probablement
réduites
. Cette appréciation s'est faite à
partir des flux de trésorerie constatés dans les écritures
de l'Etat, et pas, à ce moment là, à partir d'un solde
budgétaire que nous n'établissons pas. Cela nous a conduits
à proposer et à gérer deux décisions : la
réduction du programme d'émission des BTF :
il y avait
davantage d'argent en trésorerie, nous avons réduit nos
émissions puisque nous n'en avions pas besoin
. La deuxième
action entreprise conformément aux décisions du Ministre est de
proposer l'exécution d'opérations de rachat de la dette pour
réduire l'encours
".
Il indiquait par la suite "
la situation que nous pressentions en
milieu d'année 1999 était que le besoin de financement de l'Etat
serait probablement inférieur, compte tenu des flux
constatés
.
Nous avons proposé, sur décision du
ministre, de mener deux actions : réduire ce que nous
.
avions envisagé de faire au titre des BTF .... Encore
une fois, sur une double considération : la première, les
flux de trésorerie, la deuxième, l'accord du
ministre
"
.
Ces déclarations devant votre commission confirment les indications
contenues dans les notes qu'il a adressées au ministre sur les
prévisions de charge de la dette.
1. La note du 10 juin 1999 : " si les gains de recettes fiscales venaient à se confirmer... "
Dans une
note pour le ministre en date du 10 juin 1999 portant sur la prévision
de charge de la dette pour 1999 et 2000, le directeur du trésor
attirait,
in fine
, son attention sur le fait que : "
les
volumes d'émission prévus pour 1999 reposent sur une
hypothèse de déficit budgétaire inchangé : si
les gains de recettes fiscales venaient à se confirmer il conviendrait
d'envisager les conséquences à en tirer sur la réalisation
des programmes de financement pour 1999
". Une note pour le ministre
en date du 6 août 1999 de la direction du trésor a
actualisé cette précédente note : elle n'a pas
modifié l'analyse faite quant au rythme d'encaissement des recettes
fiscales mais seulement mentionné les conséquences de
"
la volatilité actuelle des taux longs
".
L'analyse faite dès le 10 juin 1999 par la direction du trésor
était confirmée par une note du 20 août 1999
portant sur la politique de rachat de dette. Le directeur du trésor,
évoquant le programme du gouvernement fédéral
américain de rachat de dette analysait "
les enseignements qui
pourraient être tirés par la France de cette initiative, notamment
dans le contexte d'une réduction plus rapide que prévue du
déficit budgétaire
".
Il indiquait en effet :
"
La confirmation d'une réduction plus forte que prévue
du déficit budgétaire en France permettrait d'augmenter le volume
de rachat de titres d'Etat
....
Si les prévisions actuelles
se confirmaient et que le déficit budgétaire en exécution
s'avérait moins élevé que celui prévu en loi de
finances initiale, il serait possible d'augmenter les rachats de dette sans
modifier les montants adjugés jusqu'à la fin de l'année,
mais, si l'ampleur de l'opération le justifie, en révisant en
conséquence le programme de financement
".
Aussi le ministre était-il interrogé au sein de la même
note sur les suites qu'il entendait donner : "
Un programme de
financement révisé devrait toutefois être publié si
le montant des rachats était très important. Cette communication
sur une réduction plus rapide que prévue du déficit
budgétaire pourrait, et en conséquence la révision du
programme de financement, devrait intervenir au plus tard courant octobre.
Je serais reconnaissant au ministre de me faire connaître ses
instructions sur le principe d'une telle opération et le cas
échéant sur son ampleur possible compte tenu des informations
disponibles sur l'exécution budgétaire 1999
".
Le ministre a donc été informé au cours de
l'été 1999 de façon non équivoque par la direction
du trésor de la situation de bonne exécution budgétaire
dans laquelle se trouvait le budget de l'Etat. Cette dernière lui a en
conséquence expressément demandé des instructions en ce
domaine.
2. La note du 7 octobre 1999 : l'hypothèse d'un déficit en gestion moins élevé que celui prévu en loi de finances initiale
Le 7
octobre 1999, le directeur du trésor rédigeait une note qui
commençait ainsi : "
Suite à la demande de son
cabinet, le ministre trouvera ci-dessous des éléments sur l'effet
sur le ratio dette sur PIB et sur les dépenses budgétaires d'une
politique de rachat de dette plus active
". Il était
également précisé que : "
La politique de
rachat proposée au ministre dans ma note citée en
référence
[celle précitée du 20 août
1999]
s'inscrit dans l'hypothèse d'un déficit en gestion moins
élevé que celui prévu en loi de finances initiale ".
A ce titre, il chiffrait le coût en trésorerie de ces rachats
à environ 300 millions de francs (rachat de coupons courus) pour une
économie de charge d'intérêt sur 2000 évaluée
à 650 millions de francs.
Cette note rédigée quelques jours avant la troisième note
de la direction du budget portant sur l'exécution budgétaire
(celle du 26 octobre 1999) confirmait donc bien les informations contenues dans
ses deux notes précédentes.
Elle se terminait également, comme celle du 20 août 1999, par une
demande de consignes claires : "
Dans ces conditions, je souhaite
attirer l'attention du ministre à nouveau sur deux points
d'importance : ... si une modification du programme de financement
était envisagée, dans les conditions envisagées dans ma
note 1727CD du 20 août 1999 jointe, pour tenir compte d'une
réduction du déficit budgétaire en exécution,
celle-ci devrait être annoncée au plus tard courant octobre pour
informer le marché et
justifier par avance l'ampleur du programme
de rachats et des dernières adjudications de
l'année
".
C. LES BUDGETS ÉCONOMIQUES DE LA DIRECTION DE LA PRÉVISION : EN FÉVRIER, L'OBJECTIF DE DÉFICIT BUDGÉTAIRE EST JUGÉ ATTEIGNABLE
1. Les budgets économiques d'hiver (février 1999) : un objectif de déficit budgétaire " atteignable "
Dans la présentation des résultats des budgets économiques d'hiver, le directeur de la prévision estime, dès le 22 février 1999, nonobstant le ralentissement conjoncturel observé pendant l'hiver, que " la révision à la baisse de la croissance et de l'inflation n'aurait qu'un impact assez limité sur les conditions d'exécution de la loi de finances initiale pour 1999 (...). L'un dans l'autre, l'objectif du solde budgétaire de la loi de finances initiale n'est pas rendu plus difficile à atteindre par l'évolution des données macro-économiques ". En l'espèce il estime que ladite évolution des données macro-économiques ne devrait modifier que marginalement les prévisions de recettes de fiscalité directe et que la baisse de l'inflation aura des effets positifs sur l'évolution des taux d'intérêt et, partant, sur celle de la charge de la dette.
2. Les budgets économiques d'été (août-septembre 1999) : un objectif de réduction du déficit public qui sera " aisément atteint "
Dans une
note en date du 18 août 1999 présentant les principaux
résultats des budgets économiques d'été, la
direction de la prévision commentant les besoins de financement des
administrations publiques, relevait que "
la réduction du
déficit proviendrait donc des bonnes rentrées fiscales dues
principalement à la très forte progression des impôts
directs associée au dynamisme des revenus et des bénéfices
de 1998
". Par ailleurs une note du directeur de la prévision
adressée au ministre en date du 25 août 1999 tirait les principaux
enseignements des budgets économiques d'été et notamment
que "
les économies de la zone euro sont désormais
sorties de la période de turbulences
". Aussi il estimait que
"
l'objectif de baisse du déficit public à 2,3 points de
PIB devrait être atteint aisément en 1999. En l'absence
d'inflexion des dépenses publiques qui sont restées stables en
part de PIB, c'est le dynamisme des impôts et des cotisations sociales
qui expliquerait ce bon résultat
".
Ce point était confirmé deux semaines après : en
introduction à sa note de présentation du 7 septembre 1999 sur
l'évolution des finances publiques en 1999 et 2000 dans les budgets
économiques d'été, le directeur de la prévision
indique que "
l'exercice des budgets économiques
d'été qui s'achève montre que l'objectif de
réduction de déficit public devrait être aisément
atteint en 1999
". Il précise par ailleurs que celle-ci
s'explique par la hausse des recettes des administrations publiques et
relève, s'agissant du besoin de financement de l'Etat, qu'il passerait
de 3,0 à 2,7 points de PIB. Dans la note jointe détaillant les
prévisions de déficit public il est fait état d'une
amélioration du solde budgétaire de 25 milliards de francs par
rapport au solde d'exécution 1998 : le chiffre prévu pour
1999 étant de 222,3 milliards de francs contre 236,6 milliards de
francs inscrits en loi de finances initiale.
D. UNE DISSIMULATION VOLONTAIRE PAR LE GOUVERNEMENT JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE
1. La non-divulgation de ces informations résulte d'une décision politique
Il
ressort des éléments rappelés ci-dessus que le ministre et
son cabinet ont été, à compter de la mi-année 1999,
informés à plusieurs reprises et par des canaux différents
de l'amélioration très significative du déficit
budgétaire, cette dernière résultant de l'importance des
rentrées fiscales.
Il n'y a donc pas eu de défaillance, à quelque niveau que ce
soit, du système administratif d'information mais bien une
volonté délibérée du pouvoir politique de ne pas
faire état, ni de transmettre à la représentation
nationale des informations pourtant en sa possession
. Ce sentiment semble
partagé par un ancien responsable gouvernemental : ainsi
M. Nicolas SARKOZY, au vu de son expérience ministérielle,
déclarait lors de son audition : "
Il ne m'appartient pas
de porter un jugement politique sur la non-divulgation de cette information (la
cagnotte),
mais je peux conclure de mes deux années
d'expérience, c'est que cette non divulgation de cette information n'a
pu être que le résultat d'une décision
politique
".
2. Les deux derniers ministres de l'économie et leurs cabinets mal informés ?
M.
Dominique STRAUSS-KAHN en réponse à une question posée
lors de son audition par votre commission sur ce qui s'était produit
dans le système décisionnel entre juillet et novembre 1999, date
de présentation du collectif indiquait
: "
Il ne s'est
rien produit entre juillet et novembre
.
Dans l'intervalle, il est
vrai que les situations mensuelles tombent régulièrement et
d'ailleurs elles sont formidablement proches et similaires d'allure pendant
l'année ".
Il poursuit ainsi : "
il est vrai que
la période de juillet à novembre ne donne pas lieu à une
excitation intellectuelle particulière mais ce n'est que vers fin
octobre, novembre et décembre que l'on s'aperçoit avec les
statistiques qui tombent que la fin de l'année est si
brillante
".
Une telle affirmation, qui méconnaît la qualité et la
pertinence des informations portées à la connaissance du ministre
par ses propres services pendant la période juillet-novembre
1999
19(
*
)
, ne semble pas conforme à la
réalité.
Lors de son audition, M. Christian SAUTTER déclarait,
interrogé sur le niveau de la croissance et son effet sur les recettes
de l'année, que :
"
cela veut dire que au mois de
juillet, les meilleurs spécialistes, en tous cas les bons
spécialistes du ministère n'avaient pas prévu la forte
accélération de la conjoncture durant le deuxième
semestre
"
. Or, celle-ci a eu pour conséquence
l'accroissement du montant des recettes fiscales nettes et, partant, la
réduction du montant du déficit budgétaire. Il confirmait
par ailleurs : "
au deuxième semestre 1999, la croissance
était avec une pente de 4 % et cela n'a pas été
anticipé par les spécialistes de Bercy au mois de juillet, je
vous l'ai dit
".
Il convient de rappeler qu'à cette date, soit en juillet 1999, la
direction du budget et la direction du trésor avaient déjà
fait état de l'amélioration très significative de niveau
de l'exécution budgétaire résultant de la sortie du
" trou d'air ". De même, la direction de la prévision
avait elle estimé dès l'été que "
les
économies de la zone euro sont désormais sorties de la
période des turbulences
"
20(
*
)
.
Evoquant la fixation du niveau des recettes fiscales résultant de son
arbitrage, il reconnaissait que "
ces chiffres n'ont pas changé,
vous le savez, entre le mois de septembre et le 20 décembre quand nous
avons corrigé les chiffres de 1999.
Le gouvernement a alors
décidé de faire un collectif de printemps qui est
présenté aujourd'hui au conseil des ministres par mon
successeur
".
M. Denis MORIN, commentant le contenu des notes de la direction du budget, a
indiqué à votre commission que : "
En début
d'année 1999, les prévisions étaient plutôt, pour
l'ensemble du ministère des finances, pessimistes. Il n'était pas
évident que l'exécution puisse être correctement tenue.
Les choses se sont inversées par la suite, notamment à
l'extrême fin de l'année, en particulier lorsqu'il est apparu
à tous ceux qui sont chargés de faire des prévisions
économiques
que la réalisation serait très
supérieure à 2 %, qu'elle serait de 2,7 % chiffre
conforme à la loi de finances initiale
".
Une telle affirmation est en contradiction avec la réalité de la
situation telle qu'analysée en détail par les services de
Bercy : l'amélioration très substantielle du solde
budgétaire résultant de la sortie du " trou d'air " a
été enregistrée par ces derniers, et notamment la
direction de la prévision, dès le début du second semestre
et non à la fin de celui-ci.
3. Le Premier ministre nécessairement averti de la réalité de la situation budgétaire
a) Une relation permanente entre Bercy et Matignon
Il
n'est ainsi probablement pas fortuit que, lors de son audition,
M. Christian SAUTTER ait longuement insisté sur ce point.
Il a
en effet déclaré :
"
en ce qui concerne les
relations entre Bercy et Matignon, je préférerais dire les
ministres des finances et le Premier ministre, il y a une relation permanente y
compris dans les domaines de la politique économique et
budgétaire, entre les cabinets
. Le Premier ministre Lionel
JOSPIN a institué un rendez-vous hebdomadaire avec les principaux
ministres y compris le ministre des finances. Ce rendez-vous hebdomadaire a
permis, chaque fois que cela était nécessaire, d'aborder les
questions budgétaires. J'étais présent à ces
rendez-vous hebdomadaires lorsque Dominique STRAUSS-KAHN était ministre,
quand des questions budgétaires étaient
abordées
".
Il confirme ainsi par la suite : "
Je voudrais insister sur deux
points.
Premièrement c'est la collaboration très
étroite parce que le Premier ministre l'a voulu ainsi, entre
l'équipe de Matignon et l'équipe de Bercy
. C'est le fait
aussi que le gouvernement, de façon collégiale, a eu à se
prononcer sur les grands choix budgétaires chaque fois qu'il fallait en
faire, aussi bien du côté des dépense que du
côté des réformes fiscales
".
Cette situation est également rappelée par M. Denis MORIN dans
ses réponses écrites au questionnaire de votre
commission : "
s'agissant des aspects essentiels de la
politique budgétaire du pays, ils sont arrêtés par le
Premier ministre sur proposition du ministre des finances et, depuis deux ans
après une discussion collégiale du gouvernement
".
b) Une situation confirmée par les anciens ministres du budget
L'étroitesse des relations existant entre le ministre de l'économie et le Premier ministre avait déjà été soulignée par M. Nicolas SARKOZY lors de son audition devant votre commission : " Ceci prend du temps et n'est pas simple sans compter qu'une partie des informations issues de certaines directions est arrivée directement sur le bureau du directeur-adjoint du cabinet du Premier ministre ou du conseiller économique du Premier ministre... De plus l'Elysée a elle-même ses propres entrées. Le ministre n'est pas le seul destinataire d'un certain nombre de papiers. Ne croyez pas que le ministre arrive quelle que soit sa force politique sur un terrain vierge pour venir informer le Premier ministre de sa science toute nouvelle ".
Le sentiment du ministre actuel de l'économie, ancien ministre du budget et ancien Premier ministre
Lors de
son audition par votre commission, M. Laurent Fabius a été
interrogé sur le dialogue entre le Premier ministre et le ministre des
finances :
"
Monsieur Trucy, vous m'interrogez sur le dialogue entre le Premier
ministre et le ministre des finances. J'ai cette chance, liée aux
hasards de l'histoire, d'avoir été des deux côtés,
Premier ministre avec Pierre Bérégovoy pour ministre des
finances, et aujourd'hui ministre des finances dans une situation
différente. Eh bien, cela dépend des Premiers ministres et des
ministres des finances ! Je peux vous dire ce que je faisais quand
j'étais à Matignon. Je faisais grande confiance à Pierre
Bérégovoy, et il menait son affaire. Je crois qu'il avait Henri
Emmanuelli comme ministre délégué ou comme
secrétaire d'Etat au budget, qui recevait les ministres. Ils regardaient
les choses ensemble.
Quand devait être rendu un arbitrage un peu
difficile, il venait à la connaissance du ministre de l'économie
des finances, et quand l'arbitrage était vraiment compliqué, il
était traité ensuite entre le Premier ministre et le ministre des
finances.
Le processus que je viens de décrire est particulièrement vrai au
moment où se font les arbitrages, c'est-à-dire entre juin et
août : mais, en général, le Premier ministre et le
ministre des finances se voient toutes les semaines, et les choses se font
souvent de façon informelle.
Les pratiques sont sans doute différentes selon les
personnalités, mais en général, c'est ainsi que cela se
passe
".
Il apparaît en tout état de cause, eu égard au contenu de
l'intervention télévisée du Président de la
République en date du 14 juillet 1999, que beaucoup d'informations
étaient connues non seulement de Matignon mais également de
l'Elysée.
E. LE PARLEMENT, ET NOTAMMENT L'ASSEMBLÉE NATIONALE, TENU À L'ÉCART DE CES INFORMATIONS
Pendant
près de six mois le gouvernement a non seulement nié l'ampleur de
l'amélioration de la situation budgétaire mais également
son principe même, au mépris de la nécessaire et
légitime information de la représentation nationale.
Dans ce contexte, il est particulièrement savoureux de relever que le
gouvernement a été contraint de reconnaître une telle
dissimulation, tant dans son principe que dans son ampleur, devant le
Sénat et non devant l'Assemblée nationale, nonobstant le
rôle politique ou les prérogatives constitutionnelles et
organiques de cette dernière en matière d'examen des projets de
lois de finances.
A l'évidence un tel choix a bien été contraint par la
nécessité, imposée au gouvernement par l'ampleur des
surplus de recettes fiscales enregistrées dès juillet 1999 et non
dicté par la raison ou le respect des prérogatives
constitutionnelles et budgétaires de la représentation
nationale.
1. Le 19 novembre 1999, le ministre de l'économie réfute officiellement le chiffrage de votre commission des finances sur la " cagnotte "
Dans un
communiqué en date du 19 novembre 1999
21(
*
)
, le ministre de l'économie déclarait
ainsi "
Le rapport du Sénat sur le PLF 2000 se livre à un
exercice de simulation sur les recettes fiscales 1999.
Le gouvernement a indiqué, à l'occasion de la présentation
du projet de loi de finances pour 2000, que les surplus de recettes fiscales
pour 1999 étaient évalués à 11,2 milliards de
francs, dont la moitié serait rendue aux Français sous forme de
baisses d'impôts dès le 15 septembre 1999 (mise en oeuvre du taux
de TVA réduit à 5,5 % sur les travaux dans les logements,
diminution des "frais de notaire"). Le reste sera utilisé en collectif,
présenté le 24 novembre prochain, pour faire face à des
dépenses supplémentaires comme l'UNEDIC.
Christian SAUTTER, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, confirme les prévisions présentées en
septembre. Les chiffres du
rapport du Sénat ne sont pas
fondés puisqu'ils ignorent en particulier les phénomènes
calendaires ayant affecté les recouvrements d'impôt sur le revenu
et d'impôt sur les sociétés
"
.
2. Un projet de collectif présenté le 24 novembre 1999 au Parlement dont les recettes étaient notoirement sous-évaluées
Cette sous-évaluation fut amplement dénoncée par votre commission. Reprenant l'analyse qu'il avait déjà développée lors du débat d'orientation budgétaire en juin 1999 et de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 votre rapporteur général avait consacré de longs développements dans son rapport sur ledit collectif 22( * ) à " la sous-estimation des recettes par le collectif budgétaire pour 1999 ". Il avait en effet relevé la sous-estimation des recettes totales du budget de l'Etat, contesté les timides révisions faites par le gouvernement tout en trouvant peu convaincantes ses explications et conclut que : " au delà des justifications techniques, les rendez-vous politiques relatifs à la distribution des excédents fiscaux sont déjà annoncés ".
3. Le " coup de théâtre " du 20 décembre 1999 devant le Sénat
Lors de
la discussion le 20 décembre 1999 de l'article d'équilibre du
projet de loi de finances rectificative pour 1999, votre rapporteur
général M. Philippe MARINI avait, au nom de votre
commission, défendu un amendement tendant à majorer les recettes
fiscales de 20 milliards de francs.
A cette occasion le gouvernement a déposé en séance un
amendement qui selon les termes mêmes du ministre "
tend à
corriger l'équilibre de ce collectif budgétaire à trois
titres. Premièrement, et c'est l'essentiel, il a pour objet de relever
le niveau des recettes de 11,3 milliards de francs, soit 0,7 % des recettes
fiscales nettes, ce afin de tenir compte des informations les plus
récentes
".
Il s'agissait donc concrètement pour le
gouvernement de reconnaître l'existence du surplus de recettes
fiscales.
Ainsi que le déclarait votre rapporteur
général : "
La commission ne peut que se
réjouir de voir M. le ministre entamer sur ce sujet, j'allais dire son
chemin de Damas (M. le ministre sourit) et constater l'évidence : la
réévaluation du chiffre des recettes budgétairement prises
en compte
.
Je ne voudrais pas profiter de la situation pour ironiser,
monsieur le ministre
".
Lors du même débat, votre président M. Alain LAMBERT avait
alors déclaré : "
Ce matin, j'ai en effet
regretté le déficit démocratique dont souffraient,
à mon avis, les relations entre le gouvernement et le Parlement, plus
particulièrement entre le gouvernement et le Sénat.
Je me
réjouis donc qu'un dialogue démocratique " de bonne facture ",
pour reprendre votre expression, se renoue enfin sur une question aussi
capitale
. Je ne sais si vous êtes du côté de la prudence
et si M. le rapporteur général est, lui, du côté de
la patience, mais je sais que, au point où nous en sommes, nous devons
être ensemble du côté de la sincérité des
comptes
".
Votre commission ne peut que regretter qu'un tel débat
démocratique " de bonne facture ", le seul compatible avec le
nécessaire respect de la dignité du Parlement ait
été si difficile à obtenir, et trop longtemps
refusé par le gouvernement.
CHAPITRE II :
LES RECETTES : UNE
VARIABLE ALÉATOIRE DIFFICILE À PRÉVOIR
Les
recettes du budget général de l'Etat varient en fonction de la
conjoncture économique. Ainsi, selon le cas, le gouvernement disposera
de " marges de manoeuvre " pour la réduction du
déficit, la baisse des impôts ou l'accroissement des
dépenses, ou au contraire, sera contraint à faire des choix
d'amputation de la dépense ou d'augmentation des
prélèvements, afin de ne pas laisser se dégrader le solde
budgétaire.
Si le gouvernement dispose de moyens pour prévoir les rentrées de
recettes fiscales, qui constituent l'essentiel des recettes de l'Etat, il sait
que toutes les prédictions sont soumises à des aléas.
Souhaitant garder la maîtrise de l'évolution des finances
publiques, il agit donc sur les données qui sont à sa
disposition : il " pilote " à vue les recettes non
fiscales et joue sur les imputations comptables d'un exercice sur l'autre, sans
en informer le Parlement.
Ce jeu est particulièrement dangereux lorsqu'il est mal
maîtrisé et accentue les évolutions naturelles à la
hausse ou à la baisse des recettes.
I. LA PRÉPARATION DE LA LOI DE FINANCES EN RECETTES : UN EXERCICE DÉLICAT
Les
recettes du projet de loi de finances sont évaluées en fonction
de la croissance (évolution spontanée des recettes) et des
mesures fiscales nouvelles présentées par le gouvernement. Les
principaux avantages fiscaux, dénommés " dépenses
fiscales ", sont retracés dans le tome II du fascicule " Voies
et moyens " annexé au projet de loi de finances.
Il apparaît que le chiffrage des dépenses fiscales présente
quelques difficultés, alors que l'exercice d'évaluation des
mesures nouvelles est soumis à de fortes considérations
d'opportunité politique.
A. L'ÉVALUATION DE LA HAUSSE SPONTANÉE DES RECETTES
1. Un exercice fondé sur les prévisions de croissance...
Les prévisions de recettes se fondent avant tout sur des prévisions macro-économiques élaborées par la direction de la prévision.
Le rôle de la direction de la prévision
En
réponse au questionnaire qui lui a été adressé,
celle-ci a précisé son rôle dans l'élaboration de la
loi de finances : "
Le premier rôle de la direction de la
prévision consiste à prévoir, par la procédure
bisannuelle des budgets économiques, les principaux agrégats
macro-économiques
. La direction travaille dans le cadre de la
comptabilité nationale et sa prévision comporte à la fois
les différents agrégats macro-économiques relatifs
à l'équilibre des biens et services (croissance du PIB et de ses
différentes composantes, en volume et en valeur) et les comptes des
différents agents au sens de la comptabilité nationale :
ménages, entreprises, administrations publiques (...).
Les budgets économiques d'hiver, dont les travaux techniques
débutent en décembre et dont les résultats finaux sont
transmis au cabinet au mois de mars, traitent de l'année qui vient de
s'écouler, de l'année en cours et de l'année à
venir. Ils visent notamment à arrêter les hypothèses
macro-économiques utilisées pour préparer le projet de loi
de finances ....
Les budgets économiques d'été ont lieu de juillet à
septembre. Ils permettent également, à une date qui a
été variable selon les années, une confrontation des
prévisions de recettes fiscales pour l'année en cours et
l'année à venir, et un arbitrage similaire par le cabinet. Cet
exercice permet d'affiner la préparation du projet de loi de finances et
notamment du calibrage des différentes mesures fiscales
".
La direction de la prévision transmet "
souvent fin
janvier
" les résultats intermédiaires concernant ses
hypothèses macro-économiques aux directions du ministère
de l'économie, des finances et de l'industrie (direction du budget,
direction générale de la comptabilité publique, direction
générale des impôts, direction de la législation
fiscale, direction générale des douanes) pour qu'elles assoient
leurs prévisions de recettes fiscales sur des hypothèses
macro-économiques communes.
Les hypothèses de construction de la loi de finances, précisées par le directeur de la prévision lors de son audition
"
Nous avons une procédure séquentielle.
Pour
prendre l'exemple du projet de loi de finances, nous faisons une
première prévision
, à la fois macro-économique
et sur les finances publiques, en général à partir de la
fin juin et jusqu'à la mi-août.
Ensuite, ces comptes qui constituent une première étape, sont
présentés au cabinet du ministre, plus exactement au conseiller
économique et aux conseillers chargés de la fiscalité et
des finances publiques. A partir de là, nous avons des itérations
qui concernent souvent la prise en compte de nouvelles mesures de politique
économique, à savoir qu'il est possible de modifier le cadrage
sur la dépense ou, souvent, d'incorporer des mesures nouvelles en
recettes. Parfois, ce que nous disons à partir de ce premier jet modifie
le réglage de politiques fiscales ou budgétaires et nous avons
une discussion sur les hypothèses économiques avec les experts
(...)
Nous refaisons ensuite un deuxième tour qui incorpore les
modifications de variables exogènes que le cabinet a pu nous communiquer
dans la dimension de la politique budgétaire et fiscale et qui prend
en compte éventuellement le résultat de débats sur nos
hypothèses macro-économiques.
Cet exercice qui, d'après moi, est intéressant nous concernant,
se conduit dans le cas des hypothèses macro-économiques dans un
cadre malgré tout assez restreint.
L'ampleur des modifications que
l'on peut apporter à l'issue d'une discussion aux prévisions
macro-économiques est en général très
limité
, car nous savons qu'en tout état de cause nous avons
beaucoup d'interlocuteurs à qui nous présenterons ces
prévisions, tels que le groupe technique de la commission des comptes
qui se réunit en général au début du mois d'octobre
et dans lequel nous comparons nos prévisions avec celles des principaux
instituts de conjoncture
".
2. ...et des informations non partagées sur les recettes
Informée du cadrage macro-économique, chaque direction du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie établit ses propres prévisions de recettes.
a) Une complémentarité souhaitable
Lors de
son audition, M. Jean BASSERES a insisté sur la
complémentarité des approches entre les directions :
" (
concernant) l'impôt sur le revenu, la direction de la
prévision fait des prévisions essentiellement fondées sur
des hypothèses macro-économiques : évolution des
salaires et du PIB. Elles sont prises en compte par la DGI qui travaille en
termes d'émission et, à partir de là, nous calculons les
taux de recouvrement. Ce sont des exercices successifs et nous n'avons pas de
divergences d'appréciation puisque nous n'appliquons pas des
méthodes qui s'appliquent aux mêmes données. En
matière d'impôt sur les sociétés, avec la direction
de la prévision, nous tâtonnons ensemble. C'est un impôt
extrêmement difficile à prévoir et nous tentons de nous
rapprocher les uns des autres en fonction de leurs hypothèses macro et
des nôtres, liées à l'expérience du terrain, pour
confronter nos éléments.
Il ne s'agit pas de méthodes
scientifiques et les approches sont différentes, car elles se placent
pour eux de manière macro-économique et pour nous-mêmes, du
point de vue micro-économique
".
Le directeur général des impôts, M. François
VILLEROY DE GALHAU, a également mis en avant cette
nécessité de la complémentarité : l'ensemble
des directions travaillent deux fois par an à partir des mêmes
hypothèses économiques, largement issues des travaux de la
direction de la prévision ; s'agissant de l'impôt sur le
revenu, la DGI établit une prévision sur les émissions de
rôles à laquelle la DGCP applique un taux de conversion. Le
directeur général des impôt admet que "
pour le
reste, il y a largement concurrence
" avant d'indiquer que cette
concurrence lui paraît souhaitable pour diversifier le spectre des
hypothèses économiques.
Enfin, lors de son audition, M. Jean-Philippe COTIS a fait état de
collaborations avec les autres directions : "
nous nous appuyons
largement sur la direction du budget qui nous fournit les dépenses de
l'Etat, les prévisions de comptes spéciaux du trésor et
les recettes non fiscales et, dans tous ces travaux, nous nous appuyons sur nos
collègues de l'INSEE dont le diagnostic conjoncturel constitue un
" input " très important du cadrage
économique
".
Seule la direction du trésor "
n'a aucune responsabilité
et ne participe pas aux réunions de recettes
" selon les termes
de M. Jean LEMIERRE. La direction du trésor participe toutefois à
des réunions avec la direction du budget "
en ce qui concerne
quelques prélèvements non fiscaux (la Caisse des
dépôts, la COFACE, la CADES), en particulier toute une
série d'opérations financières avec des pays
étrangers ou des organisations financières
internationales
".
Malgré les collaborations entre les directions du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, certains aléas de
prévisions existent, qui sont apparus essentiellement sur l'impôt
sur les sociétés.
La difficulté de la prévision fiscale : l'exemple de l'impôt sur les sociétés
Lors de
son audition, le directeur de la prévision a indiqué :
"
Nous avons commis des erreurs de prévision significatives
en matière de recettes fiscales, notamment pour l'année 1999, ce
qui reflète dans une très large mesure la difficulté et la
complexité de la prévision fiscale qui est plus difficile que la
prévision macro-économique
".
Selon lui, la prévision de l'impôt sur les sociétés
serait "
le cauchemar des prévisionnistes de très longue
date
". La difficulté serait de passer d'un indicateur
macro-économique (l'excédent brut d'exploitation) à un
indicateur pertinent fiscalement, qui suppose de prévoir quels seront
les reports de déficit et les stratégies de versement des
entreprises.
Le 16 août 1999, dans le cadre de ses budgets économiques
d'été, le bureau des études fiscales de la direction de la
prévision a rédigé une note sur la prévision
d'impôt sur les sociétés, note accompagnée de quatre
fiches.
Elle rappelle que la prévision d'impôt sur les
sociétés a été revue à la hausse de
30 milliards de francs entre les budgets économiques d'hiver
(février) et ceux d'été (août). "
Cette
révision s'appuie sur les plus-values constatées depuis le
début de l'année sur cet impôt
". L'écart
de prévision tient essentiellement à une évolution
spontanée du bénéfice fiscal des entreprises en 1998 (+
12 %) pour une prévision de + 5 % dans les budgets d'hiver et
à une progression " très vive " des plus-values nettes
à long terme (cessions de titres de participation).
La direction de la prévision indique que "
aucune explication
macro-économique de ces résultats ne s'impose
clairement
".
Elle admet même que les données de la
comptabilité nationale peuvent être inexactes
:
"
il n'est pas exclu que la croissance de l'excédent brut
d'exploitation ait été plus forte que ne le suggèrent les
chiffres actuels de la comptabilité nationale
". La direction
de la prévision relève également les insuffisances des
moyens de prévisions. "
Ce constat met en lumière les
limites des outils de prévision d'IS actuellement
disponibles
".
Trois voies d'amélioration sont envisagées :
1. Une meilleure prise en compte des déficits reportables ;
2. Une meilleure prise en compte du résultat financier par l'utilisation
du revenu d'entreprise comme indicateur macro-économique ;
3. Evaluer ce qu'a représenté, dans le passé,
l'aléa que constitue le résultat exceptionnel, à
défaut d'avoir les moyens de le réduire.
b) Une insuffisante mise en commun de l'information
Si la
complémentarité est source d'enrichissement, le fait de ne pas
partager l'information relève plutôt de la défense des
positions acquises.
C'est ce qu'a sous-entendu le directeur de la
prévision lors de son audition en parlant de dysfonctionnements :
"
Le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie a pris la mesure d'un certain nombre de dysfonctionnements qui ont
pu nuire à l'efficacité des travaux au sein des directions dites
d'état-major, et nous essayons de travailler de manière plus
collégiale et plus transversale que ce n'était le cas dans le
passé. Du travail est encore à faire, mais l'effort est bien
engagé
".
Les arbitrages en recettes sur la base des propositions des différentes
directions du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie interviennent deux fois par an et ne donnent pas lieu à un
compte rendu officiel : il s'agit des réunions d'arbitrage de
février et de juillet.
Cependant la réunion d'arbitrage du 6 juillet 1999 a fait l'objet d'une
fiche d'information interne de la direction générale des
impôts (fiche du 12 juillet 1999).
On observe que les sources d'informations sont diverses selon les directions et
ne sont pas mises en commun. Ainsi, s'agissant de l'impôt sur les
sociétés, la direction générale des impôts
appuie son analyse sur l'impact des mesures nouvelles telles qu'elles sont
évaluées par la direction de la législation
fiscale
23(
*
)
. La direction de la
prévision "
tient compte d'un agrégat qu'elle
détient sur les revenus des entreprises
" et la direction
générale de la comptabilité publique fait des propositions
"
à partir de fichiers de recouvrements en matière
d'impôt sur les sociétés dont elle est la seule à
disposer
".
L'information semble " jalousement " gardée par chaque
direction et la fiche de la DGI note ainsi : "
il est
rappelé que le bureau CS4 ne peut pas prévoir rigoureusement cet
impôt (l'impôt sur les sociétés) en raison du
défaut d'information concernant le détail des paiement d'IS
(notamment répartition solde/acompte) détenus uniquement par la
direction de la comptabilité publique. Une demande visant à
obtenir le fichier des recouvrements d'IS avait été
formulée en 1996 mais celle-ci est demeurée
sans
suite
". Les difficultés semblent particulièrement
aiguës en matière d'impôt sur les sociétés.
Les défaillances de l'information fiscale sur l'impôt sur les sociétés
Parmi
les quatre fiches associées à la note de la direction de la
prévision concernant l'impôt sur les sociétés (note
précitée du 16 août 1999), la fiche n°3 fait
état de difficultés dans la prévision d'impôt sur
les sociétés que le directeur de la prévision n'a pas
mentionnées.
Il s'agit des défaillances de l'information
fournie par la direction générale de la comptabilité
publique.
La fiche indique que la direction générale de la
comptabilité publique n'indique pas le partage des recettes entre les
montants des soldes et les montants des acomptes, ni les montants
d'impôts sur les plus-values nettes à long terme versés
avec les soldes, ni les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt
imputés sur les mêmes soldes. La fiche déplore
également que les remboursements d'excédents de versements ne
soient pas ventilés entre l'impôt sur les sociétés
proprement dit, les contributions complémentaires, les remboursements de
" carry-back " et les transferts d'impôt sur les
sociétés.
En matière de TVA, une même méthode est utilisée par
les trois directions concernées (il s'agit d'appliquer le taux de
croissance des emplois taxables à une base 1998 corrigée de
certains éléments exceptionnels pour obtenir une cible
intermédiaire. La prévision pour 1999 résulte ensuite de
l'intégration de nouveaux facteurs correctifs).
D'une manière générale, il apparaît que chaque
direction conserve une primauté sur certaines prévisions. En
réponse au questionnaire qui lui a été adressé, la
direction de la prévision explique une forme de répartition des
rôles : "
les recettes fiscales dépendent aussi de
l'évaluation du coût des mesures nouvelles dont le chiffrage est
généralement fait par la DLF mais peut parfois faire l'objet
d'une expertise propre à la direction de la prévision. Les
prévisions concernant les recettes non fiscales reprennent
généralement une information transmise par la direction du
budget. Enfin, les prévisions relatives aux fonds de concours, faute
d'expertise avérée, correspondent généralement
à la reprise d'évolutions tendancielles
".
B. L'ÉVALUATION DES MESURES FISCALES : UN EXERCICE DÉLICAT BROUILLÉ PAR DES CONSIDÉRATIONS POLITIQUES
1. La difficulté technique d'évaluer le coût des dépenses fiscales
La
direction de la législation fiscale établit un tableau des
dépenses fiscales sensibles : chaque dépense fiscale est
chiffrée avec des observations permettant d'expliquer les modifications.
Les dépenses fiscales font l'objet d'une réunion
d'arbitrage annuelle, au mois de juillet, permettant, pour certaines
mesures, de confronter les estimations de la direction générale
des impôts, de la direction de la prévision et de la direction de
la législation fiscale. Aucune direction ne fournit une estimation de
toutes les mesures.
On notera que l'estimation " haute " est la plus largement retenue
pour figurer dans le tome II du fascicule " Voies et moyens "
annexé au projet de loi de finances. Par exemple, sur 53 mesures faisant
l'objet de plusieurs propositions en 1998, 33 mesures ont été
arbitrées selon la valeur haute, 20 selon la valeur basse.
Mais l'un des enseignements des tableaux d'arbitrage est l'importance de
l'écart entre les évaluations des différents services pour
une même mesure fiscale, particulièrement pour les mesures
relatives à l'épargne, mais pas uniquement.
Des écarts importants dans l'évaluation de certaines mesures fiscales
Les
écarts d'évaluation des mesures fiscales entre les
différentes directions sont parfois considérables, de un à
cinq.
Les arbitrages du PLF 1999
Lors de l'arbitrage pour le PLF 1999, le coût de l'exonération des
produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation est
évalué à 23,9 milliards de francs par le SLF et
31,8 milliards de francs pour la direction de la prévision.
L'exonération de la TVA des cantines d'entreprises ou d'administrations
est évaluée à 3,2 milliards de francs par la DGI et
5,98 milliards de francs par la direction de la prévision.
L'application de taux spéciaux de TVA aux départements
d'outre-mer est évaluée par la DGI dans une fourchette de 2,9
à 7,6 milliards de francs. Le régime des amortissements
dégressifs est évalué à 1,4 milliard de francs par
le SLF mais à 5,2 milliards de francs par la direction de la
prévision. La taxation réduite des plus-values à long
terme provenant de cessions de titres de participation est
évaluée à 1 milliard de francs par la direction de la
prévision et 5,3 milliards de francs par la direction
générale des impôts. Enfin, l'avoir fiscal est
évalué entre 4,2 milliards de francs et 7,8 milliards de francs
par la direction de la prévision.
Lors de l'arbitrage pour le PLF 2000, les mêmes écarts
d'évaluation persistent
Ainsi, le coût en impôt sur les sociétés de l'avoir
fiscal attaché aux dividendes de sociétés
françaises est évalué à 2 milliards de francs par
la direction de la prévision, à 5,7 milliards de francs par la
direction générale des impôts et 6 milliards de francs par
la direction de la législation fiscale. De même, le coût de
la taxation réduite de certaines plus-values à long terme est
évalué entre 3,5 et 13,9 milliards de francs. Le coût de
l'application des taux particuliers de TVA dans les DOM évalué
pourtant par la seule DGI oscille désormais entre 3 et 8 milliards de
francs, de même que pour l'application du taux réduit de TVA pour
la fourniture de logements dans les hôtels, estimée entre 7,6 et
11,6 milliards de francs.
L'évaluation retenue pour les dépenses fiscales s'explique
parfois par la nature de la mesure : ainsi, l'exclusion sous certaines
conditions des bases d'imposition à la TVA des " pourboires "
et " majorations pour service " fait l'objet selon la fiche "
d'une
évaluation mesurée
" car la dépense n'est pas conforme
à la sixième directive européenne.
Des débats significatifs ont lieu sur les méthodes
d'évaluation
Ainsi, concernant les dépenses fiscales relatives à
l'épargne, une fiche technique du service de la législation
fiscale indique que, lors de l'élaboration du PLF 97, il a
été décidé de retenir, sur proposition de la
direction de la prévision, un taux d'imposition sur les produits de
l'épargne défiscalisée nettement supérieur au taux
moyen d'imposition des contribuables. Puis la direction de la prévision
a proposé d'utiliser la ventilation par décile de revenu global
issue de l'enquête sur le " budget des familles " 1995 de
l'INSEE, estimant que cette méthode était plus pertinente que
l'utilisation de taux marginaux moyens. Cette proposition est rejetée au
nom de la permanence des méthodes, avec une critique très vive
("
l'importance des mesures prises ces dernières années
prive, me semble-t-il, le cabinet d'adopter une nouvelle méthode
empirique et contradictoire pour la détermination des dépenses
fiscales de l'épargne. A défaut, il est à craindre que les
parlementaires utiliseraient ce manque de cohérence pour fustiger les
réformes envisagées ces deux dernières années sur
la fiscalité de l'épargne
").
Ces débats ne peuvent être tranchés faute de
validation des évaluations
Dans une fiche concernant les prévisions d'impôt sur les
sociétés, la direction de la prévision déplore que
s'agissant notamment des mesures nouvelles ayant une incidence sur le
bénéfice fiscal, aucune validation des simulations
effectuées par la direction de la prévision ou la direction de la
législation fiscale ne puisse être effectuée, même
sur les recettes des exercices passés. Elle prend l'exemple de la
majoration d'un point de l'amortissement dégressif pour les biens acquis
ou créés entre le 1er février 1996 et le 31 janvier 1997.
Le bureau des études fiscales de la direction de la prévision
note par ailleurs "
une mauvaise évaluation de l'impact des
mesures nouvelles ayant une influence sur le résultat fiscal
",
"
à titre d'exemple, on peut citer la modification intervenue
dans le régime mère-fille dont le gain budgétaire a
été estimé par des simulations sur la centrale de bilans
de la direction de la prévision à 2,19 milliards de francs, sans
qu'il soit possible à l'heure actuelle de valider cette
évaluation
".
La manière dont peuvent être évalués les
allégements d'impôts constitue donc une difficulté
très importante. Par définition, l'impôt qui n'est pas
perçu est invisible et la perte fiscale peut seulement être
supposée. Plus on avance dans le temps, plus l'évaluation est
hasardeuse, et les dépenses fiscales correspondant à des mesures
prises les années antérieures n'échappent pas à
cette règle.
Compte tenu des défaillances du système d'évaluation, la
tentation est grande de retenir les évaluations les plus en
conformité avec les besoins de la démonstration. Mais si des
considérations politiques peuvent intervenir pour le chiffrage de toutes
les dépenses fiscales, elles sont bien plus présentes pour
l'évaluation des mesures nouvelles.
2. Un chiffrage des mesures nouvelles guidé par des considérations politiques au mépris de l'information du Parlement
Le
chiffrage des mesures nouvelles est assuré par la direction de la
législation fiscale mais aussi par le bureau des études fiscales
de la direction de la prévision ainsi que par la direction
générale des impôts.
Malgré cette conjonction de compétences, il arrive que le
chiffrage de certaines mesures soit volontairement faussé.
L'impôt de solidarité sur la fortune : un exemple de chiffrage à " géométrie variable "
Dans une
note du 20 août 1998 sur les impôts directs, associée aux
budgets économiques d'été, la direction de la
prévision fait mention, s'agissant de l'impôt de solidarité
sur la fortune, des mesures nouvelles annoncées un mois plus tôt,
le 22 juillet 1998, à savoir la création d'une tranche marginale
d'imposition fixée à 1,8 % et des mesures contre
l'évasion fiscale.
Elle indique que le chiffrage annoncé de ces mesures est
volontairement erroné
: "
le montant des mesures
annoncées contre l'évasion fiscale est évalué de
façon prudente à 500 millions de francs (contre 1,8 milliard
annoncés)
". Cette remarque est faite avant même la
présentation du projet de loi de finances, au cours de laquelle le
gouvernement maintiendra bien évidemment ses évaluations. Lors de
la séance publique au Sénat du 19 novembre 1998, le
secrétaire d'Etat au budget confirmera ces chiffres en déclarant
que "
l'impôt de solidarité sur la fortune devrait voir
son rendement accru de 30 %. C'est-à-dire qu'il passerait de
11 milliards de francs en 1998 à 14,5 milliards de francs en
1999
".
L'exécution budgétaire montrera que ces
chiffres étaient très surévalués.
Dans une note du 9 mars 1999 sur les impôts directs associée aux
budgets économiques d'hiver,
la direction de la prévision ira
même jusqu'à ne plus prendre en compte aucun gain fiscal pour ces
mesures de lutte contre l'évasion fiscale
: "
il n'a
pas été tenu compte en revanche des mesures concernant le
contrôle fiscal (soit 1,8 milliard de francs en moins par rapport
à la LFI 1999)
".
Une note du 9 mars 1999 sur les droits d'enregistrement, de timbre et de bourse
précise par ailleurs que la prévision pour 1999
"
intègre la mesure de relèvement de 1 % à
4,8 % de la taxe sur les cessions de droits sociaux pour les
sociétés à prépondérance immobilière
qui devrait rapporter 2 milliards de francs (contre 4,9 milliards de
francs évaluée en LFI 99)
". La fiche de la DGI sur la
réunion du 6 juillet 1999 confirme que
"aucune des directions n'a
retenu en juillet le gain du relèvement de 1 % à 4,8 %
de la taxation des cessions de locaux professionnels opérés par
les sociétés à prépondérance
immobilière, chiffré à 4,9 milliards de francs par la
direction de la législation fiscale
".
Lors de son audition, M. François Villeroy de Galhau a indiqué
que les principales erreurs en matière d'évaluation des recettes
avaient été faites sur les impôts directs, notamment
l'impôt sur les sociétés (33 milliards de francs entre
la prévision de la loi de finances et l'exécution) et
l'impôt sur le revenu (12 milliards de francs d'écart). Il a
ajouté que l'impôt de solidarité sur la fortune avait fait
l'objet d'une erreur en sens inverse puisque la prévision de la loi de
finances initiale était de 14,8 milliards de francs et
l'exécution de 12,7 milliards de francs, "
erreur qui s'explique
largement, avec une autre catégorie de raisons ou de difficultés
que nous rencontrons, par une surestimation de l'effet des mesures
législatives figurant dans le PLF 1999
".
Cependant, il omet
de dire que, dès le mois d'août 1998, la direction de la
prévision faisait valoir l'écart entre le rendement réel
de ces mesures législatives et le rendement affiché.
Il apparaît donc que certaines mesures fiscales peuvent être
délibérément chiffrées de manière
erronée dans un seul but " d'affichage " en direction du
Parlement. L'exemple des dispositions relatives à l'impôt de
solidarité sur la fortune est significatif à cet égard.
II. LE SUIVI DE L'EXÉCUTION DES RECETTES : UNE MÉTHODE EFFICACE
Soumis aux aléas de la conjoncture, les encaissements de recettes font l'objet d'un suivi attentif et constant, qui conduit le gouvernement, en cas d'écarts avec les prévisions de la loi de finances initiale, à procéder à des ajustements sans en informer le Parlement.
A. UNE MÉTHODE BIEN RODÉE
Il faut bien distinguer deux aspects dans le suivi des recettes : l'information régulière du ministre d'une part, et les révisions bisannuelles de recettes d'autre part.
1. Une information régulière du ministre
a) Une information abondante
En réponse au questionnaire qui lui a été adressé, M. François LOGEROT a résumé l'impression dominante, sur l'importance de l'information communiquée au ministre : " A la connaissance de la Cour, le ministre et son cabinet reçoivent une information régulière et abondante sur l'exécution des lois de finances et plus généralement la situation des finances publiques. Quotidiennement, ils sont informés de la situation du compte courant du trésor à la Banque de France. Une situation hebdomadaire de l'exécution budgétaire, comprenant notamment un développement des recettes, leur est transmise. Chaque mois, une situation mensuelle des opérations du trésor et une situation mensuelle de l'exécution du budget sont établies ".
b) Un suivi bien assuré
Des
réunions de suivi des encaissements sont organisées mensuellement
par la direction du budget avec la direction générale des
impôts, la direction générale de la comptabilité
publique, la direction générale des douanes et la direction de la
prévision.
Le suivi des recettes fiscales et non fiscales fait donc l'objet d'une
procédure très formalisée, qui donne lieu à une
somme de documents écrits
.
Lors de son audition, le directeur du budget a précisé la nature
de ces documents : "
dans le suivi de l'exécution
budgétaire, nous émettons deux types de documents : ceux de
reporting dans lesquels nous nous contentons, a posteriori, de commenter ce qui
s'est passé.
Nous avons un reporting mensuel en termes de recettes
élaboré avec les directions compétentes de Bercy,
appelé tableau interdirectionnel des recettes fiscales
. Nous avons
un reporting de la situation mensuelle budgétaire, publié 36
jours après son intervention, à la clôture du
mois
". Par ailleurs, des prévisions trimestrielles sont
communiquées au ministre sous forme de notes par le directeur du
budget : "
Nous avons fait quatre prévisions
d'exécution à un rythme trimestriel : en avril, en juillet,
en octobre et en décembre
".
Sur la base de ces nombreuses informations hebdomadaires, mensuelles et
trimestrielles, le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, parfaitement informé, est amené à faire des
arbitrages.
2. Des arbitrages ponctuels de recettes
a) Les deux réunions d'arbitrage : février et juillet
Deux
réunions d'arbitrage ont lieu chaque année aux mois de
février et juillet. En réponse au questionnaire qui lui avait
été adressé, M. Christian SAUTTER a donné des
précisions sur les deux réunions d'arbitrage annuelles qui
conduisent à des révisions de recettes : "
Les
recettes de l'Etat font l'objet, deux fois par an, d'une prévision
détaillée, impôt par impôt, associant l'ensemble des
services concernés. L'exercice porte à la fois sur les recettes
de l'année en cours et sur celles de l'année suivante, celles-ci
dépendent en effet de l'appréciation des recouvrements de
celles-là au titre de " l'effet de base ".
Le premier exercice annuel est traditionnellement conduit en
février
: il permet d'évaluer, compte tenu des
recouvrements effectifs de l'année n-1 et de l'évolution de la
conjoncture, les recettes attendues pour l'année n et d'identifier les
écarts éventuels avec les évaluations contenues en LFI. Il
permet également de tracer les contours des premières
évaluations pour l'année n+1, au moment où la direction du
budget entame la préparation de l'esquisse budgétaire à
partir de laquelle le gouvernement élaborera le cadrage
budgétaire et, in fine, le projet de loi de finances n+1.
Le second exercice annuel est conduit en juillet
. Il permet une nouvelle
et ultime révision des recettes de l'année courante et fixe les
recettes tendancielles de l'année suivante, telles qu'elles seront
arrêtées dans le PLF (" voies et moyens ").
"
La direction du budget a également rappelé cette
procédure en réponse au questionnaire de votre commission :
"
l'évolution des recettes fiscales tendancielles donne lieu
à une procédure formalisée réunissant, sous
l'autorité du cabinet du ministre, l'ensemble des directions
concernées : DGI-DLF, DGCP, DGDDI, Prévision et
Budget
. Une réunion d'arbitrage est organisée, en
premier lieu sur les prévisions d'émissions de rôles puis,
quelques jours plus tard, une autre sur les recouvrements. A cette occasion,
par impôt, chaque direction fait valoir ses hypothèses de calcul
et le résultat de sa projection. Les hypothèses
économiques sous-jacentes sont celles des budgets économiques
d'hiver et d'été de la direction de la prévision. Ces
prévisions portent sur les recettes de l'année en cours et de
l'année suivante. Ces réunions se tiennent en principe deux fois
par an : début février, à l'appui des travaux de
perspectives pour l'année suivante et début juillet pour
l'élaboration du projet de loi de finances. Le cabinet du ministre fait
connaître par la suite l'arbitrage
".
b) Aucune révision après juillet ?
Ainsi,
les deux temps forts pour les révisions de recettes s'interrompent en
juillet. C'est ce que M. Christian SAUTTER fait valoir en parlant
"
d'ultime
" révision de recettes ou encore M.
Dominique STRAUSS-KAHN lorsque, au cours de son audition, il a
déclaré s'agissant des recettes qu'il ne se passait rien entre
juillet et novembre.
Or, si la révision officielle n'intervient que deux fois dans
l'année, le ministre est destinataire, chaque semaine, chaque mois et
chaque trimestre, des notes et analyses de la direction du budget qui lui
permettent, presque en temps réel, de connaître la situation
d'exécution du budget. De surcroît, l'analyse de l'année
1999 montre que, dès les arbitrages de juillet, le gouvernement avait
connaissance des très bonnes rentrées fiscales, mais qu'il a
choisi, fin août, de ne pas les révéler.
B. UNE MÉTHODE QUI A FAIT SES PREUVES EN 1999 : DES SURPLUS DE RECETTES FISCALES CONNUS DÈS JUILLET
Le suivi des recettes fiscales s'est déroulé conformément à la procédure habituelle pendant toute l'année 1999, hormis que l'arbitrage gouvernemental n'a eu lieu que début septembre. Les ministres ont été régulièrement tenus au courant de l'évolution de la situation budgétaire, plus précisément de son amélioration.
1. Un début d'année dominé par l'incertitude
En
début d'année, les services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie font l'hypothèse d'une
très légère moins-value des recettes fiscales, de 4
milliards de francs, essentiellement due à un chiffrage de mesures
fiscales supposé surévalué.
Dans sa note pour le ministre du 22 février 1999, ayant pour objet
l'évolution des finances publiques de 1998 à 2000, le directeur
de la prévision indique que "
la révision à la
baisse de la croissance et de l'inflation n'aurait qu'un impact assez
limité sur les conditions d'exécution de la loi de finances
initiale pour 1999
". Il émet cependant des doutes en
recettes : "
il reste que le niveau des recettes fiscales inscrit
dans la loi de finances nous paraissait optimiste dès l'automne dernier,
même au regard des évolutions macro-économiques alors
prévues dans le rapport économique, social et
financier
".
Une note de la même direction de la prévision du 15 mars 1999
ayant pour objet les finances publiques dans les budgets économiques
d'hiver confirme les craintes quant à la réalisation en
recettes : "
le niveau de recettes fiscales inscrit dans la LFI
paraît toutefois supérieur aux prévisions associées
aux budgets économiques
".
L'arbitrage du 11 février 1999 est toutefois relativement proche des
propositions de la direction du budget
c'est-à-dire sans
excès de pessimisme
: les recettes fiscales nettes sont
arbitrées à 1.533,8 milliards de francs, contre une proposition
de 1.529 milliards de francs pour la direction du budget et de 1.518,6
milliards de francs pour la direction de la prévision.
A ce stade de l'année, le gouvernement ne prévoit pas que la
révision de la croissance économique ait un impact significatif
sur le niveau des recettes fiscales. Il faut dire que le gouvernement s'est
" réservé ", fin 1998, une " marge de
manoeuvre " d'une quinzaine de milliards de francs de nature à
dissiper toutes les inquiétudes
24(
*
)
.
Les prévisions de recettes fiscales en début d'année 1999
Les
écarts d'appréciation les plus significatifs entre les deux
directions ayant produit une évaluation d'ensemble des recettes en
début d'année, à savoir la direction de la
prévision et la direction du budget, portent sur l'impôt sur les
sociétés brut (la direction de la prévision l'estime
à 230 milliards de francs, contre 236 milliards de francs pour
la direction du budget) et la taxe sur la valeur ajoutée brute
(821 milliards de francs pour la direction de la prévision,
824 milliards de francs pour la direction du budget). La direction
générale des impôts fournit les prévisions les plus
optimistes, soit 240 milliards de francs pour l'impôt sur les
sociétés et 827 milliards de francs pour la TVA.
La note pour le ministre du directeur du budget du 7 avril 1999
fait
encore état de 4 milliards de francs de moins-values en fin
d'année
, résultant de la TVA (- 4 milliards de
francs), de l'impôt de solidarité sur la fortune
(- 0,9 milliard de francs) et des droits d'enregistrement (-1,2
milliard de francs).
Mais les moins-values sont presque compensées
par les plus-values au titre de l'impôt sur le revenu
(+ 4,1 milliards de francs)
et de l'impôt sur les
sociétés
(+ 1,7 milliard de francs).
Enfin, doutant de la réalité des montants arbitrés de deux
mesures de redressement de la loi de finances initiale pour 1999 (fort
accroissement du produit de l'ISF, relèvement à 4,8 % de la
taxe de cession de parts de sociétés à
prépondérance immobilière) la direction du budget prend en
compte "
un risque supplémentaire d'environ 3 milliards de
francs
".
2. Des inquiétudes dissipées à partir des résultats du mois d'avril
Malgré les quelques incertitudes exprimées en
début d'année, les réalisations du premier semestre ne
traduisent pas de moins-values. Le tableau de bord interdirectionnel
publié mensuellement confirme l'analyse de la direction du budget d'une
exécution "
globalement en phase avec la
prévision
" jusqu'aux résultats d'avril 1999. Le tableau
de bord interdirectionnel indique alors que "
les recettes fiscales
nettes recouvrées en avril sont globalement en nette progression par
rapport à la prévision mensuelle
".
L'impôt sur les sociétés est le principal responsable,
et
il est déjà acquis que des plus-values interviendront
dans les mois suivants
("
une bonne partie des bons
résultats devraient également se traduire par des versements plus
importants au titre des prochains acomptes
").
3. Un excédent arbitré à 20 milliards de francs début juillet
Dès le 6 juillet 1999, lors de la réunion
d'arbitrage des recettes fiscales, le surplus de recettes fiscales nettes en
fin d'année est chiffré à 20,2 milliards de francs.
La note du directeur du budget au ministre, en date du 13 juillet 1999, indique
que
"
le montant retenu pour les recettes fiscales nettes
correspond à l'hypothèse d'arbitrage examinée par le
cabinet du ministre à la suite de la réunion du 6 juillet.
Les recettes fiscales nettes des remboursements et dégrèvements
ressortent en plus-value de 20,2 milliards de francs
par rapport au
niveau de la LFI, soit 31,2 milliards de francs de plus-values sur les
recettes brutes et 11 milliards de francs de remboursements et
dégrèvements supplémentaires
".
Par rapport à l'arbitrage de février, les modifications retenues
lors de la réunion d'arbitrage tiennent essentiellement à
l'impôt sur les sociétés (en plus-value de
23,7 milliards de francs) et à l'impôt sur le revenu (en
plus-value de 7,35 milliards de francs). Les moins-values concernent
l'impôt de solidarité sur la fortune (-2,6 milliards de
francs), la TVA nette (-2,4 milliards de francs) et les droits
d'enregistrement (-4,25 milliards de francs).
Mi-juillet, le ministre a donc été informé par ses
services des plus-values substantielles portant sur l'impôt sur les
sociétés, comme sur l'impôt sur le revenu.
4. Un excédent volontairement minoré fin août
Alors
que la révision de 20 milliards de francs est faite dès le
début juillet, et que la note du directeur du budget fait état de
montants " arbitrés ", notamment pour l'impôt sur le
revenu,
la décision gouvernementale n'intervient que fin
août-début septembre, c'est-à-dire deux mois après
la réunion dite d'arbitrage.
La note conjointe du directeur du budget et du directeur de la prévision
du 2 septembre 1999, présentant les recouvrements de recettes fiscales
nettes en juillet 1999 (tableau de bord interdirectionnel), indique que le
ministre n'a toujours pas procédé aux révisions de
recettes
: "
les encaissements sont comparés aux
profils mensuels établis sur la base des arbitrages de recettes fiscales
rendus en février dernier dans le cadre du dossier des
"
Perspectives 2000
".
Les dernières
réunions de prévision de recettes ont eu lieu les 5 et 6 juillet
1999. Dès que les arbitrages correspondants seront rendus de nouveaux
profils pourront être établis et serviront de comparaison pour les
analyses des prochains mois
".
Le tableau de bord interdirectionnel du 1
er
octobre 1999
continue, "
à la demande du cabinet du ministre
",
à faire référence à l'arbitrage de
février.
Ce n'est que dans la note du 3 novembre 1999, ayant pour
objet les recouvrements de recettes fiscales nettes en septembre 1999, qu'il
est fait référence "
aux nouveaux profils
élaborés sur la base des arbitrages rendus fin août dans le
cadre de la préparation du PLF 2000
".
L'arbitrage du 2 septembre 1999
La
direction du budget a communiqué à votre commission le tableau de
" l'arbitrage du 2 septembre 1999 ". On peut s'étonner de
constater que ce tableau ne correspond pas aux conclusions de la réunion
d'arbitrage telles qu'elles figurent dans la note au ministre du directeur du
budget du 13 juillet 1999.
En effet, alors que le 13 juillet était mentionnée une
révision à la hausse des recettes fiscales nettes de
20,2 milliards de francs, le 2 septembre, le tableau de propositions des
différentes directions fait ressortir une réévaluation
comprise entre 12,7 milliards de francs (direction du budget) et
14,7 milliards de francs (direction de la prévision). Il pourrait
s'agir d'une prise en compte des mesures du PLF 2000 qui n'avait pu intervenir
en juillet, mais la note du directeur du budget en date du 26 octobre 1999
rappellera l'évaluation de 20,2 milliards de francs pour la
réviser à la hausse de 3,3 milliards de francs...
Quoiqu'il en soit de ces contradictions, l'arbitrage gouvernemental du
2 septembre 1999 témoigne d'une prudence excessive
, puisque les
recettes fiscales nettes sont arbitrées à 1.546 milliards de
francs, soit moins que la prévision de la direction du budget
(1.547,6 milliards de francs) et surtout de la direction de la
prévision (1.549,6 milliards de francs).
Les prévisions les plus basses sont retenues pour l'impôt sur le
revenu et les droits d'enregistrement, et
l'arbitrage en matière
d'impôt sur les sociétés brut est encore plus bas que
l'ensemble des propositions des différentes directions
(253,9 milliards de francs, alors que la fourchette allait de
256,2 milliards de francs pour la direction générale des
impôts à 262,5 milliards de francs pour la direction de la
prévision, ces deux directions s'étant
" échangé les rôles " s'agissant des
prévisions les plus optimistes ou pessimistes par rapport au mois de
février).
Il faut remarquer que l'évaluation retenue le 2 septembre, soit
1.546 milliards de francs (+ 11 milliards de francs par rapport à
la loi de finances initiale), est encore revue à la baisse dans la
révision associée au projet de loi de finances pour 2000. La
réévaluation est réduite de 11 milliards à
6 milliards de francs, en raison de l'incidence, dès 1999, de deux
mesures fiscales, la réduction du taux de TVA pour les travaux
réalisés dans les logements d'habitation et la baisse des droits
de mutation, pour un total supposé de 5 milliards de francs.
Ainsi, on est passé d'une révision
" arbitrée " par les services de la direction du budget
à 20,2 milliards de francs au début juillet, à une
révision limitée à 6 milliards de francs par le
gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2000.
Cette diminution est d'autant plus surprenante que, parallèlement, les
tableaux de bord interdirectionnels mensuels comme les notes de la direction du
budget montrent, au cours du dernier trimestre 1999, que les plus-values de
recettes s'amplifient.
5. Un écart croissant d'octobre à décembre entre les révisions officielles et les prévisions d'exécution
Dans la
note du directeur du budget pour le ministre en date du 26 octobre 1999
(prévisions d'exécution associée à la maquette du
projet de collectif 1999), le surplus de recettes fiscales nettes est une
nouvelle fois revu à la hausse pour s'établir à 23,5
milliards de francs
25(
*
)
.
De
surcroît, le directeur du budget note que "
cette estimation est
entachée d'un aléa à la hausse de plusieurs milliards de
francs
".
Le directeur du budget souligne bien l'écart entre ces prévisions
et les prévisions officielles : il précise que la plus-value
de recettes fiscales s'établirait à "
17,5 milliards de
francs par rapport à l'estimation affichée dans les " voies
et moyens " du PLF 2000
".
Pourtant, le 19 novembre, alors même que le directeur du budget vient de
souligner l'écart de 17,5 milliards de francs entre les
prévisions officielles et ses propres estimations, le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie publie un communiqué
pour démentir les affirmations du Sénat quant à la
réalité des plus-values fiscales.
La dernière note trimestrielle de la direction du budget, en date du
14 décembre 1999, indique que les recettes améliorent
l'exécution de 15,1 milliards de francs par rapport au projet de
loi de finances rectificative dont 23,9 milliards de francs au titre des
seules recettes fiscales nettes. Le surplus total est donc estimé
à 29,9 milliards de francs par rapport à la LFI 1999, mais
"
un aléa à la hausse (...) affecte cette
prévision
".
Au total, l'écart aura été constant entre les informations
détenues par le ministre et ses déclarations officielles, comme
le montre le tableau ci-après.
Le
surplus de recettes fiscales nettes à fin 1999, par rapport à la
loi de finances initiale
|
||||
Date |
Document |
Prévisions d'exécution confidentielles |
Prévisions d'exécution officielles |
Texte |
5 février 1999 |
(arbitrage gouvernemental) |
- 1 |
0 |
LFI 99 |
7 avril 1999 |
note direction budget |
- 4 |
0 |
LFI 99 |
13 juillet 1999 |
note direction budget |
+ 20,2 |
0 |
LFI 99 |
2 septembre-1999 |
(arbitrage gouvernemental) |
(+ 11,2) |
+ 6 * |
PLF 2000 |
26 octobre 1999 |
note direction budget |
+ 25,4 |
+ 6 |
PLFR 99 |
14 décembre 1999 |
note direction budget |
+ 29,9 |
+ 17 ** |
PLFR 99 |
* L'écart entre l'arbitrage du 2 septembre 1999 et la prévision associée au PLF 2000 tient à l'évaluation des mesures fiscales du PLF 2000. ** Après amendement de revalorisation des recettes présenté par le gouvernement devant le Sénat |
.
6. La " surprise " de fin d'année
a) Une accélération tardive de la conjoncture ?
Comme
l'a indiqué le directeur du budget lors de son audition, "
en
début d'année 1999, les meilleurs experts économiques
prévoyaient une situation assez maussade. Ce n'est qu'à partir du
premier semestre que nous avons commencé à y voir clair
".
Contrairement à ce qu'ont indiqué les ministres et certains de
leurs conseillers, ce n'est pas au second semestre, voire à la toute fin
du mois de décembre, que les services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie se sont aperçus de
l'embellie budgétaire.
Lors de son audition, M. Christian SAUTTER a indiqué que "
au
mois de juillet 1999, les meilleurs spécialistes, en tous cas les bons
spécialistes du ministère, n'avaient pas prévu la
très forte accélération de la conjoncture durant le
deuxième semestre
". Il ne s'agissait pas de prévoir une
accélération, mais simplement de prendre acte des très
bonnes rentrées fiscales de la mi-année. Ce que les services du
ministère ont fait dès le mois de juillet, mais ce que le
gouvernement a refusé obstinément de faire jusqu'à la fin
de l'année malgré les informations dont il disposait.
M. Denis MORIN a également insisté sur le profil
" heurté " de l'année 1999
: "
nous
observons depuis 1994/1995, une succession de phases
d'accélération et de décélération. Depuis
1997, une accélération forte qui n'avait pas forcément
été bien anticipée et une
décélération au deuxième semestre 1998, qui fut
d'abord forte, vous vous rappelez les crises asiatique et russe. Forte reprise
du deuxième semestre 1999 dont l'ampleur et la vigueur n'avaient pas non
plus été vraiment anticipées, au point qu'en 1999, d'une
croissance moyenne au cours du premier semestre de 2 %, nous sommes
passés à une croissance moyenne, au second semestre, de 4 %.
Durant aucune autre année les écarts dans le rythme de croissance
n'ont été aussi importants
".
Il ajoute :
"
En début d'année 1999, les
prévisions étaient plutôt, pour l'ensemble du
ministère des finances, pessimistes. Il n'était pas
évident que l'exécution pourrait être correctement tenue.
Les choses sont inversées par la suite
, notamment à
l'extrême fin de l'année
, en particulier lorsqu'il est apparu
à tous ceux qui sont chargés de faire des révisions
économiques que la réalisation serait très
supérieure à 2 %
".
b) Des réévaluations de recettes régulières
Mais
tout ceci ne se reflète pas dans les notes communiquées par les
services au ministre et à son cabinet. Plusieurs personnes
auditionnées ont parlé du " profil heurté " voir
" chahuté " de l'année 1999 pour sous-entendre
qu'aucune prévision n'était possible. Or, l'année 1999 n'a
en rien été heurtée : la croissance a
été soutenue tout au long de l'année, avec une
montée en charge progressive.
Comme cela vient d'être montré, les quelques inquiétudes
du début d'année ont été entièrement
dissipées dès les résultats du premier semestre connus. Il
n'est donc pas exact d'affirmer que le second semestre aurait permis
" d'inverser " les mauvais résultats du premier semestre.
Quant à l'argument de la modestie des sommes en jeu, par rapport
à l'ensemble du budget de l'Etat - M. Denis MORIN a ainsi indiqué
"
pour autant que ces aléas restent dans les limites
raisonnables, 1 à 2 % ne me paraît pas déraisonnable,
mais c'est une appréciation subjective, il n'y a pas matière
à s'inquiéter outre mesure.
" - on peut rappeler que
M. Dominique STRAUSS-KAHN qualifiait de "
plus forte baisse
d'impôt depuis dix ans
" un plan de réduction de
40 milliards de francs, soit un peu moins que les plus-values fiscales et
non fiscales de 1999. On peut ainsi mesurer le changement de discours sur ce
qui peut être considéré comme important ou non.
c) La " surprise " de Renault
Ultime argument des ministres et de leurs collaborateurs, un seul versement aurait, en quelque sorte, " fait basculer " l'année 1999 : le versement de 6 milliards de francs au titre de l'impôt sur les sociétés par l'entreprise Renault en fin d'année.
Le versement " surprise " de l'impôt sur les sociétés par Renault en 1999
M.
Christian Sautter a, le premier, fait état devant votre commission d'une
information de dernière minute. Selon lui, l'incertitude sur les
rentrées fiscales se serait prolongée jusqu'au tout dernier
moment : "
Le 17 décembre (...), le directeur de la
comptabilité publique m'a téléphoné, me disant que
Renault vient de payer 6 milliards de francs d'impôts sur le
bénéfice des sociétés, alors que Renault n'avait
rien payé l'année antérieure. L'échéance
était donc le 15 ! Je me suis dit que cette information confirmait
que les rentrées d'impôt sur le bénéfice des
sociétés vont être fortes et j'ai proposé en
amendement en première lecture du collectif devant le Sénat un
amendement de hausse de 11 milliards de francs des recettes fiscales nettes,
amendement qui a été voté à
l'unanimité
".
Lors de son audition, M. Denis Morin a indiqué : "
Le 17
décembre 1999, nous avons appris, du comptable local à Boulogne,
qu'une grande entreprise publique paierait pour la première fois
l'impôt sur les sociétés pour un montant
considérable, 6 milliards de francs, alors que l'année
précédente le montant de l'imposition en question avait
été de zéro
"
.
Lors de son audition, M. François Villeroy de Galhau a fait
également état de ce versement : "
facteur individuel
tout à fait important : le fait qu'une grande entreprise, Renault,
au 15 décembre, ait décidé de verser près de 6
milliards de francs d'impôt sur les sociétés au titre du
bénéfice mondial. C'est une décision individuelle que rien
ne laissait prévoir et d'une très grande importance
macro-économique
"
.
L'idée qu'une grande entreprise, publique de surcroît, comme
Renault verse à l'Etat une somme de six milliards de francs en fin
d'année au titre de son impôt sur les sociétés sans
que les services du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie aient pu l'anticiper laisse pour le moins incrédule.
D'autant qu'au début du mois de septembre 1999, les entreprises du
secteur automobile avaient annoncé de très bons résultats
semestriels. Parmi elles, Renault avait annoncé un
bénéfice en hausse de 6,3 % à 720 millions
d'euros, soit 4,7 milliards de francs. Un grand quotidien
économique titrait le 3 septembre : "
Renault enregistre
des résultats semestriels en forte hausse
".
D'une manière générale, contrairement à ce qu'ont
laissé entendre certains conseillers des ministres, la bonne
santé de l'ensemble des entreprises françaises ne faisait aucun
doute à l'issue du premier semestre.
Lors de son audition, M. Denis MORIN a expliqué : "
Nous
essayons de comprendre ce qui s'est passé en 1999 pour l'impôt sur
les sociétés. Il s'est passé un phénomène
sur lequel nous avons été alertés tardivement dans
l'année, car il n'est pas possible de l'anticiper, l'apurement des
reports déficitaires générés par les très
mauvais exercices des entreprises en 1992 et 1993
". Or, un grand
quotidien économique parlait le 9 septembre 1999 de
"
l'été indien des entreprises
françaises
", puis le 18 octobre titrait "
les
analystes ont encore révisé en hausse leurs estimations de
bénéfice pour 2000
".
Tous les indicateurs d'une bonne santé des entreprises françaises
étaient donc visibles et il est difficile de croire que le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie soit
resté aveugle à ces signes. De surcroît, le chef du service
des participations de la direction du Trésor est membre du conseil
d'administration de Renault. Il a assisté aux huit réunions qui
se sont tenues en 1999. Il est également membre du comité des
comptes et de l'audit qui s'est réuni deux fois en 1999.
Sauf à considérer que la participation de la direction du
trésor aux conseils d'administration des grandes entreprises publiques
manque de pertinence, il est difficile de croire que le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie était dans l'ignorance
de la situation financière de Renault et de ses perspectives
d'imposition.
Enfin, il existe peu de grandes entreprises comme Renault qui soient
assujetties au régime du bénéfice mondial et celui-ci fait
l'objet d'un suivi individualisé par les services fiscaux
compétents. Rien n'empêche ces derniers de s'informer
auprès de leurs correspondants des versements à venir et du
rythme d'apurement des exercices passés. Enfin, des contrôles sont
en principe systématiquement réalisés.
C. LES RECETTES NON FISCALES : UN PILOTAGE À VUE PAR LE POUVOIR POLITIQUE
1. Des règles de perceptions " fantaisistes "
Autant le suivi des recettes fiscales est bien défini, autant le suivi des recettes non fiscales semble un exercice imposé tant cette catégorie de recettes est soumise aux aléas politiques.
Un pilotage politique du niveau des recettes non fiscales
Les
règles de perception des recettes non fiscales sont pour le moins
" fantaisistes ", comme en témoigne une réponse de la
direction du budget au questionnaire qui lui a été adressé
et qui relève des "
spécificités fortes
"
en ce domaine :
"
Les recettes non fiscales revêtent des
spécificités fortes puisqu'une partie d'entre elles ont par
nature un caractère exceptionnel ou volatil. Tel est le cas des
prélèvements opérés sur la trésorerie
d'entités agissant pour le compte de l'Etat (compte Etat à la
Coface, fonds d'épargne gérés par la Caisse des
dépôts et consignations, par exemple).
L'opportunité
d'opérer ces prélèvements doit être
appréciée en fonction de l'évolution en cours
d'année de la situation financière de ces organismes, de leurs
règles de provisionnement, de leurs perspectives à moyen terme et
de l'évolution de l'ensemble des recettes de l'Etat
. La direction du
budget examine donc, en cours d'année, la faisabilité ainsi
que
les avantages et inconvénients de ces
prélèvements
. Elle soumet son analyse au ministre qui prend
les décisions. Les décisions du ministre sont, autant que
possible, et en fonction des contraintes de calendriers, retracées dans
le PLFR de fin d'année
"
.
Qualifier les prélèvements sur les fonds d'épargne
gérés par la Caisse des dépôts et consignations
d'exceptionnels ou volatils est pour le moins travestir la
réalité, alors que ces prélèvements sont annuels
sous la simple condition du respect d'une règle de
sécurité garantissant la liquidité des fonds.
Dans sa réponse, la direction du budget reconnaît le
caractère de pure opportunité de la perception des recettes non
fiscales.
Le caractère " volatil " des recettes non fiscales n'est dû
qu'à la volonté politique d'en faire une variable d'ajustement du
budget de l'Etat.
C'est ce qu'a confirmé explicitement le directeur
du budget en déclarant, à propos des recettes non fiscales :
"
en fonction de la situation budgétaire, jouons nous sur cette
marge de manoeuvre ? Bien sûr, je le reconnais bien volontiers. La
direction du budget informe le ministre en temps réel de la situation de
toutes ces marges de manoeuvre possibles. Nous avons des objectifs de finances
publiques à tenir, et quand nous avons eu des périodes
difficiles, nous avons dû prélever dans ces marges de manoeuvre,
et nous avons été bien contents de les avoir identifiées,
et qu'elles aient pu être constituées
précédemment.
(...)
Les années où l'on
connaît une situation heureuse en matière de recettes fiscales, on
ne va pas prélever jusqu'au dernier franc les sommes en question
".
2. Des hypothèses constamment revues
Conséquence de règles de perceptions à
géométrie variable, les prévisions de recettes non
fiscales n'ont cessé de fluctuer au cours de l'année 1999.
La note de la direction du budget du 7 avril 1999 prévoit une
exécution en phase avec les prévisions
malgré une
"
plus-value implicite
" de 3,5 milliards de francs
correspondant à des opérations non réalisées en fin
de gestion 1998 et encaissées en 1999. Par ailleurs, dès le mois
d'avril, il est acquis que les prélèvements sur la COFACE ne
seront pas de 7 milliards de francs, comme inscrits en loi de finances
initiale, mais de 3 milliards de francs. Au-delà de ces quelques
indications, les observations sur les recettes non fiscales traduisent
l'empirisme avec lequel elles sont traitées, essentiellement du fait des
contingences politiques
.
Par exemple, s'agissant des dividendes d'EDF et
GDF, et du remboursement des avances aéronautiques, la direction du
budget "
suppose qu'un régime permanent est désormais
instauré et que l'année 1999 ne verra pas l'imputation d'une
double année de recettes
".
La note au ministre du directeur du budget du 13 juillet 1999 fait, pour la
première fois, état d'une moins-value en recettes non fiscales.
Cette moins-value résulte des prélèvements sur les fonds
d'épargne : la variation correspond à l'impact de la
recapitalisation du Crédit foncier de France avec l'hypothèse
d'un prélèvement moindre en fin d'année "
si un
provisionnement devait être envisagé pour faire face aux charges
futures des fonds d'épargne
".
La note au ministre du directeur du budget du 26 octobre 1999 révise
une nouvelle fois à la baisse les recettes non fiscales. D'ores et
déjà, la décision est prise d'interrompre certains
versements (les prélèvements sur les fonds d'épargne) et
d'en différer d'autres (les versements de la Française des
jeux).
La note du 14 décembre 1999 accentue les révisions à la
baisse. Elle confirme l'interruption des prélèvements sur les
fonds d'épargne à 10 milliards de francs au lieu de
17 milliards de francs prévus dans le projet de loi de finances
rectificative et suppose, contrairement à la précédente
note, qu'aucun prélèvement ne sera réalisé sur la
COFACE.
En définitive, l'exécution 1999 en recettes non fiscales sera
marquée par la décision de reporter un grand nombre de recettes
sur l'exercice 2000 à des fins de lissage budgétaire
26(
*
)
.
3. Une information volontairement faussée
L'écart entre le discours tenu devant le Parlement et la
réalité de l'information détenue par les ministres ne
concerne pas seulement les recettes fiscales. Une tradition d'opacité
couvre aussi l'ensemble des autres lignes budgétaires, dont les recettes
non fiscales.
Toutefois, contrairement aux prévisions en matière de recettes
fiscales, les prévisions en matière de recettes non fiscales ont
cherché à cacher des moins-values volontaires.
Dès le mois d'avril
,
il est acquis que les
prélèvements sur la COFACE ne seront pas de 7 milliards de
francs, comme inscrits en loi de finances initiale, mais de 3 milliards de
francs. Au mois d'août 1999, le cabinet du ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie a déjà décidé de ne
pas encaisser l'ensemble du prélèvement sur les fonds
d'épargne.
Pourtant, dans les évaluations attachées au projet de loi de
finances pour 2000, les décisions déjà prises ne sont pas
mentionnées.
La note de la direction du budget du 26 octobre 1999 révise une nouvelle
fois à la baisse les recettes non fiscales. La décision
d'interrompre certains versements (les prélèvements sur fonds
d'épargne) et d'en différer d'autres (les contributions de la
Française des jeux) est confirmée. Mais tout ceci n'est pas
traduit dans les textes officiels. Alors que des décisions
ministérielles sont prises en fin d'année pour reporter plus de
15 milliards de francs de recettes non fiscales, le Parlement adopte fin
décembre un collectif budgétaire avec un niveau de recettes non
fiscales très proche des estimations de la loi de finances initiale.
Les prévisions officieuses et officielles de recettes non fiscales
Recettes non fiscales |
Document |
Prévisions d'exécution confidentielles |
Prévisions d'exécution officielles |
Texte |
7 avril 1999 |
Note direction budget |
0,1 |
0 |
|
13 juillet 1999 |
Note direction budget |
-3,2 |
0 |
|
26 octobre 1999 |
Note direction budget |
-6,3 |
-3 |
(PLF 2000) |
14 décembre 1999 |
Note direction budget |
-9,4 |
-1 |
(PLFR 99) |
réalisation |
- |
- |
-15,5 |
(LR 99) |
(Ecart par rapport à la LFI, en milliards de francs) |
Au-delà de l'écart entre le discours officiel des ministres et la réalité des informations qui leur étaient communiquées, l'absence de transparence s'explique par l'importance des opérations comptables et budgétaires qui ont conduit à fausser la perception des exercices 1998, 1999 et bientôt 2000.
III. DE NOMBREUSES OPÉRATIONS COMPTABLES ONT AFFECTÉ LES EXERCICES 1998, 1999 ET 2000
M. Denis MORIN a précisé, en réponse au questionnaire adressé par la commission : " Le rythme d'encaissement des recettes peut être ajusté en fonction des tendances de l'exécution budgétaire annuelle ". Telle semble être effectivement la situation, au vu de l'ampleur des opérations comptables et budgétaires en recettes des années 1998 et 1999.
A. LES REPORTS DE RECETTES PURS ET SIMPLES
1. 1997 et 1998 : d'importants reports de recettes fiscales
a) Des reports dus à des perturbations dans les services fiscaux
En 1997, des perturbations ont eu lieu dans les services fiscaux. Les grèves ont conduit au report de 3,7 milliards de francs de recettes fiscales et au ralentissement des remboursements d'impôts pour 3 milliards de francs .
L'impact des grèves des services fiscaux
Dans sa
note sur la prévision de TVA 1998 et 1999 associée aux budgets
économiques d'été 1998 (note du 20 août 1998), la
direction de la prévision évoque de graves perturbations dans
l'encaissement de la TVA, de nature à fausser la compréhension de
l'évolution de cet impôt
:
"
La fin de l'année 1997 et le début de l'année
1998 ont été perturbés par les grèves de la DGI,
des décalages dans les écritures comptables et des
régularisations de tous ordres. Ces perturbations touchent d'un
côté les recettes brutes (ce qui augmente la TVA brute à
hauteur de 18,6 milliards) et de l'autre les remboursements (qui
bénéficient d'un surcroît de 17,5 milliards).
Certaines
perturbations administratives enregistrées fin 1997, début 1998
pourraient affecter indirectement le taux de croissance des recettes 1999
.
La base 98 est en effet sous-estimée du fait notamment d'un
surcroît de remboursements enregistrés en 1998, mais imputables
à l'année 1997
"
.
La direction de la prévision estime que "
compte tenu des
grèves dans les centres informatiques de la DGI, les recettes 1997
reportées à 1998 sont estimées à 3,7 milliards
de francs
. " D'autre part, "
le rythme des remboursements a
considérablement diminué durant les derniers mois de
l'année 1997. On estime que, sans ralentissements administratifs, ils
auraient dû être de 135,5 milliards de francs compte tenu de la
cible arrêtée en août 1997 et des résultats
constatés au 31 octobre 1997 (1 milliard de francs de plus-value). Soit
une différence de 6,177 milliards de francs
".
Lors des budgets économiques d'été 1999 (note du 31
août 1999 sur la TVA en 1999 et 2000), la direction de la
prévision procédera à une réévaluation de
ces reports : "
l'hypothèse retenue cet hiver d'un report
de 6 milliards de francs de remboursements de TVA de 1999 sur 1998 n'a pas
été validée par les faits. Elle a été revue
à la baisse à 3 milliards de francs. Quoiqu'il en soit, ces
reports majorant les recettes de 1999 ont un impact négatif sur la
croissance de la TVA nette en 2000
"
.
Tout en réduisant
son évaluation, la direction de la prévision fait observer
que " l'impact de ce report sur le taux de croissance de la TVA nette
de 1999 est double comme d'ailleurs celui du changement de comptabilisation des
produits pétroliers ".
b) En 1998, les reports de recettes fiscales ont été le fruit d'une volonté délibérée
D'importants reports de recettes de 1998 sur 1999
La note
pour le ministre du directeur de la prévision associée aux
budgets économiques d'hiver 1999 (note du 22 février 1999) fait
clairement référence à d'importants reports de recettes
fin 1998
tout en annonçant par avance l'impossibilité
de poursuivre les reports de 1999 sur 2000
:
"
Le respect du déficit budgétaire affiché pour
1999 pourrait donc nécessiter de mobiliser
les marges de manoeuvre
ménagées par la fin de l'exécution 1998
. Si ce
pronostic se révélait exact, il s'ensuivrait
qu'aucun report
de recettes analogue à celui de décembre dernier ne serait
disponible pour faciliter la poursuite du processus de l'assainissement
budgétaire en 2000.
" Un peu plus loin, la note
envisage le cas où "
l'exécution budgétaire 1999
devrait mobiliser le report de recettes de 1998
".
Une seconde note de la direction de la prévision, en date du 9 mars
1999, concernant les impôts reçus par l'Etat, précise la
nature des reports :
"
Les impôts reçus par l'Etat progresseraient de
4,9 % en 1999 puis de 0,7 % en 2000. Cette poussée de 1999 par
rapport aux prévisions de l'été (2,3 points de plus)
s'explique exclusivement par des reports comptables de recettes de 1998 sur
1999. Il a été conventionnellement retenu que ces reports, qui
concernent les remboursements de TVA, la TIPP et la taxe sur les tabacs
minorent les impôts de 1998, majorent les recettes de 1999
".
Le report de recettes fiscales s'explique par deux motifs : le souci du
gouvernement d'afficher en 1998 une stabilité des
prélèvements obligatoires comme il s'y était engagé
et la volonté de prévoir une " réserve " dans le
cas où l'exécution 1999 se déroulerait difficilement.
La note de la direction de la prévision du 9 mars 1999 explique les
raisons du report : "
Sans ces reports comptables, les recettes
de l'Etat
progresseraient légèrement moins vite que
l'activité en raison du dynamisme des transferts fiscaux vers les
collectivités locales (qui incluent les compensations financières
de la réforme de la taxe professionnelle) et
s'inscriraient, selon
ces prévisions, à un niveau inférieur à celui
présenté dans la loi de finances initiale pour
1999
".
Ainsi, le gouvernement, fin 1998, tirant parti des très bonnes
rentrées fiscales, a-t-il choisi d'en reporter une part significative,
soit 15 milliards de francs environ, sur l'exercice 1999 pour deux raisons
principales : afficher une stabilité des prélèvements
obligatoires en 1998 et dégager une " marge de manoeuvre "
pour l'exercice 1999 pour lequel quelques inquiétudes naissaient.
Toutefois, dès le mois d'août 1999, les abondantes rentrées
fiscales ont remplacé la " marge de manoeuvre " en un
véritable surplus qui s'est révélé
" encombrant ".
Une note sur les prélèvements obligatoires faite à la
même date (note de la direction de la prévision du 9 mars 1999)
est révélatrice.
1) Elle confirme que les prélèvements obligatoires sont sur une
pente ascendante
27(
*
)
: "
le
taux de prélèvements obligatoires progresserait vivement en 1999
de 46,1 points de PIB à plus de 46,5 points de PIB en
2000
"
.
2) Surtout, elle note : "
ces variations sont principalement
dues à des reports de recettes de 1998 sur 1999. Sans ces reports (qui
ne concernent que l'Etat et qui permettent d'atteindre le niveau de recettes
fiscales présenté dans la LFI pour 1999)
le taux de PO
passerait de 46,3 points de PIB en 1998 à 46,4 en 1999 et 46,2 en
2000
"
.
En matière de recettes non fiscales, les reports de 1998 sur 1999 ont
été moins significatifs. Ils sont tout de même
évalués par la direction de la prévision (note du 9 mars
1999) à 4,7 milliards de francs, et concernent les dividendes des
entreprises non financières, les intérêts des prêts
du Trésor et les avances à l'aviation civile. Des baisses de
recettes en 1998 ont également eu lieu dont une révision du
reversement de la COFACE de -5,5 milliards de francs et des recettes
diverses de -4,7 milliards de francs (dont de moindres
prélèvements de la Caisse des dépôts et
consignations, du Fonds de soutien des rentes et la non-reconduction de
prélèvements divers), mais sont partiellement compensées
par l'augmentation d'autres recettes (frais d'assiette et de recouvrement,
prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos).
2. 1999 : d'importants reports de recettes non fiscales
Compte tenu des bons résultats en matière de recettes fiscales, le gouvernement fait le choix explicite de reporter d'importantes recettes non fiscales dès la mi-année 1999. Ce mouvement s'amplifiera en fin de gestion, contre l'avis des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
a) Les prélèvements sur les fonds d'épargne
(1) Le choix politique de limiter les versements dès la mi-année
La loi
de finances initiale pour 1999 avait prévu un prélèvement
sur les fonds d'épargne de 17 milliards de francs. Un décret du 3
mai 1999 a fixé à 12,5 milliards de francs le
prélèvement sur le fonds de réserve et de garantie des
caisses d'épargne (FRGCE) au titre de l'année 1999. Une
première tranche de 10 milliards de francs a été
prélevée le 5 mai.
Une note du directeur du trésor au ministre, le 30 août 1999, a
déjà pour objet le "
report de 1999 sur 2000 des
prélèvements sur la Caisse des dépôts et
consignations
".
Cette note indique qu'un arbitrage a
déjà été rendu : "
le cabinet du
secrétariat d'Etat au budget souhaite ne pas opérer les
prélèvements non effectués à ce jour sur la Caisse
des dépôts au titre de l'année 1999
"
.
Le report est envisagé non seulement pour les
prélèvements sur fonds d'épargne mais encore pour la
contribution représentative de l'impôt sur les
sociétés (CRIS).
Le report d'une partie de la CRIS est
toutefois déconseillé par le directeur du trésor pour deux
raisons essentiellement : la réduction des derniers acomptes serait
inférieure à 50 millions de francs et la Cour des comptes
risquerait de s'en émouvoir. Toutefois, le report du
prélèvement sur les fonds d'épargne pose
"
d'importantes difficultés d'affichage, notamment
vis-à-vis de la commission de surveillance de la CDC
". Il est
donc recommandé de laisser la commission de surveillance valider le
prélèvement 2000 de 16,1 milliards de francs, sans
évoquer l'hypothèse d'un report de 7 milliards de francs. Il
serait ensuite possible de ramener le prélèvement 1999 de 17
à 10 milliards de francs en prenant un décret annulant le
décret pris le 3 mai 1999, et qui prévoyait un premier
prélèvement de 12,5 milliards de francs.
Par contre, le directeur du trésor indique clairement, dans sa note,
qu'il sera difficile de prélever en 2000 le montant non
prélevé en 1999 : "
la mise en oeuvre d'un tel
schéma serait particulièrement délicate au plan juridique
et susciterait très certainement de violentes critiques de la part de la
Cour des comptes
".
(2) L'inquiétude de la direction du trésor quant à une possible mise en cause devant la cour de discipline budgétaire et financière
Dans sa
note au ministre du 7 décembre 1999, le directeur du trésor
rappelle la décision de ne pas effectuer la totalité du
prélèvement sur les fonds d'épargne : "
le
ministre m'avait demandé, par retour de la note citée en
référence, de différer le prélèvement du
solde
".
Le directeur du trésor s'inquiète de la
méthode utilisée, et refuse de répondre à la
demande du ministre sans modification du décret du 3 mai 1999 ou,
à défaut, un ordre écrit
: "
la
responsabilité du non prélèvement du solde du
décret susvisé ne peut être assumée que par une
instruction écrite du ministre.
A défaut, les
fonctionnaires " coupables " seraient passibles de la Cour de
discipline budgétaire et financière (CDBF)
".
Cette observation du directeur du trésor se fonde sur la note qu'il a
reçue du directeur des affaires juridiques, M. André-Laurent
MICHELSON, note datée du 30 novembre 1999.
Cette note est pour le moins explicite : les fonctionnaires qui ne
procéderaient pas au prélèvement prévu par
décret seraient passibles de la Cour de discipline budgétaire et
financière.
Prenant appui sur les conclusions de sa direction des affaires juridiques, le
directeur du trésor propose dans sa note du 7 décembre 1999, deux
solutions :
• une modification du décret du 3 mai 1999 afin de limiter
à 10 milliards de francs les prélèvements sur fonds
d'épargne (solution déjà proposée dans sa note du
30 août). Cette procédure nécessite de recueillir de
nouveau l'avis de la commission de surveillance de la Caisse des
dépôts et consignations ;
• une instruction écrite du ministre.
Le ministre ne signe pas le décret que la direction du trésor a
préparé et choisit la seconde solution :
par une note
confidentielle à l'attention du directeur du trésor en date du
27 décembre 1999, le ministre "
demande de limiter le
recouvrement des rémunérations prévues à l'article
1
er
du décret n° 99-336 du 3 mai 1999 à la somme
de 10 milliards de francs
".
Note du directeur des affaires juridiques sur les conséquences du non-prélèvement de la totalité des prélèvements sur fonds d'épargne
L'objet
de la note, en date du 30 novembre 1999, est d'estimer les conséquences
du non-prélèvement de la totalité de la somme fixée
par le décret n° 99-336 du 3 mai 1999, soit 12,5 milliards de
francs. Il s'agit notamment, à la demande du directeur du trésor,
d'évaluer les risques de mise en cause, devant la Cour de discipline
budgétaire et financière (CDBF), de la responsabilité des
fonctionnaires de la direction du trésor.
Le directeur des affaires juridiques fait les observations suivantes :
1 - Les fonctionnaires du trésor sont, comme tous les fonctionnaires,
justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en
application de l'article L. 312-1 du code des juridictions
financières ;
2 - L'article 82 du décret n° 62-1587 du 29 décembre
1962 autorise les ordonnateurs à ne pas émettre des ordres de
recettes correspondant aux créances dont le montant initial en principal
est inférieur à un minimum fixé par décret, soit,
au terme du décret n° 97-775 du 31 juillet 1997, 200
francs. Ainsi, selon le directeur des affaires juridiques, "
aucune
disposition n'autorise un ordonnateur à ne pas procéder à
l'émission d'un titre de recette correspondant à une
créance de l'Etat dont le montant serait supérieur à
celui, très faible, qui résulte du décret de
1997
".
Il rappelle les termes de l'instruction codificatrice n° 98-134-A7 du
16 novembre 1998 de la direction générale de la
comptabilité publique qui énonce que "
s'abstenir de
constater et de liquider tout ou partie d'une créance de l'Etat
constitue un acte de disposition de deniers publics qui excède les
pouvoirs de tout ordonnateur
".
3 - La direction des affaires juridiques rappelle ensuite plusieurs
arrêts de la CDBF sanctionnant la méconnaissance des règles
relatives à l'exécution des recettes de l'Etat sur le fondement
de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières.
4 - La note rapporte ensuite la difficulté de procéder à
un véritable " report " des sommes non prélevées
en 1999. "
Une telle manière de procéder apparaît
contraire tant aux termes du décret du 3 mai 1999 qu'à ceux de
l'article 67 du code des caisses d'épargne et pourrait constituer une
infraction aux règles d'exécution des recettes de l'Etat au sens
de l'article L.313-4 du code des juridictions financières
".
5 - La note conclut que la solution la plus adaptée consisterait
à modifier le décret du 3 mai 1999, "
dans le cas
contraire, l'ensemble des fonctionnaires concernés pourraient voir leur
responsabilité mise en jeu devant la CDBF
".
Toutefois, la note précise que "
la responsabilité des
fonctionnaires serait écartée dans l'hypothèse où
ils pourraient exciper d'un ordre écrit
. En effet, l'article
L. 313-9 du code des juridictions financières dispose que :
" les personnes visées à l'article L. 312-1 ne sont
passibles d'aucune sanction si elles peuvent exciper d'un ordre écrit de
leur supérieur hiérarchique ou de la personne légalement
habilitée à donner un tel ordre, dont la responsabilité se
substituera dans ce cas à la leur, ou donné personnellement par
le ministre compétent, dès lors que ces autorités ont
été dûment informées sur l'affaire
".
b) Les versements de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)
Tout comme les prélèvements sur fonds d'épargne, les versements de la CADES sont différés à l'année 2000 contre l'avis de la direction du trésor.
Le report du versement de la CADES sur 2000 contraire à l'ordonnance du 24 janvier 1996 selon la direction du trésor
Une note
d'arbitrage pour le ministre en date du 3 décembre 1999,
émanant du bureau A1 de la direction du Trésor (financement de
l'Etat et affaires monétaires)
propose un report du versement de la
CADES à l'Etat au début de l'année 2000
, en raison des
difficultés soulevées par un emprunt de la CADES en fin
d'année : "
La CADES m'a demandé si ce dernier
paiement pouvait être décalé sur le début du mois de
janvier 2000. En effet, la CADES ne disposant pas de cette somme, elle devra
l'emprunter à court terme sur les marchés, à des taux qui
seront vraisemblablement très élevés à cause du
passage à l'an 2000
".
La note précise ensuite tous les avantages d'un paiement en
période complémentaire
: "
S'agissant d'une
opération réciproque, en vertu du décret
n° 86-451 du 14 mars 1986, elle serait imputée sur
l'exécution 1999 si elle est versée avant le 28 janvier
1999. Cette analyse est confirmée par la direction du budget et la
direction générale de la comptabilité publique. En outre,
un versement en janvier permettrait de dégonfler le solde du compte du
trésor traditionnellement élevé en fin d'année.
Enfin, ce décalage se traduirait par une réduction du ratio dette
sur PIB calculé au 31 décembre de l'année, qui est
notifié à la commission dans le cadre de la procédure des
déficits publics excessifs
".
A contrario, elle met solennellement en garde le ministre contre un paiement
au-delà de la période complémentaire :
"
En revanche, le report de ce versement de la CADES sur l'exercice
2000 serait contraire à l'ordonnance du 24 janvier 1996, qui dispose que
la caisse verse chaque année au budget général de l'Etat,
de l'année 1996 à l'année 2008, une somme de 12,5
milliards de francs
".
Un projet de décision autorisant la CADES à verser le solde de la
somme qu'elle doit à l'Etat pour 1999, soit 5 milliards de francs, le 17
janvier 2000, est joint à la note.
Malgré les mises en garde de la direction du trésor, la date
du 17 janvier 2000 ne sera pas retenue et le versement de la CADES sera
reporté sur la gestion 2000.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, la Cour
des comptes cite les arguments du ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie : "
s'agissant du versement du solde,
les tensions de fin d'année sur les marchés monétaires,
liées à la crainte du bogue de l'an 2000, ont conduit à
accorder le report en 2000 de ce versement
".
Contrairement à ce que le ministère a indiqué à
la Cour des comptes, la note de la direction du trésor montre que la
CADES souhaitait un report au début du mois de janvier, soit pendant la
période complémentaire rattachée à l'exercice 1999
et non un report sur l'exercice 2000, comme le ministre l'a
décidé, en contradiction avec les termes de l'ordonnance du 24
janvier 1996.
c) Les prélèvements sur la COFACE
Par une
note du 26 janvier 2000 à l'attention du directeur du budget et du
directeur du trésor, le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie et la secrétaire d'Etat au budget
décident de
ne pas procéder au prélèvement sur la COFACE de 3
milliards de francs prévu en loi de finances rectificative 1999.
Relevons que, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour
1999, la Cour des comptes note que la somme a été
délibérément laissée en réserve
auprès de la COFACE.
B. LES CHANGEMENTS DE MÉTHODES COMPTABLES AUX FINS DE REPORTS
1. D'importantes modifications comptables fin 1998
a) Les modifications comptables ont touché de nombreux impôts
Comme cela a été vu, d'importants reports de recettes fiscales ont eu lieu en 1998. Ces reports ont été rendus possibles par d'importantes modifications comptables qui ont gravement altéré la signification des résultats en recettes fiscales de l'année 1998, mais aussi des années ultérieures.
Les principales modifications comptables en 1998
(1)
Concernant la TVA
, le 9 mars 1999, la direction de la prévision
réévalue à la hausse sa progression, simplement pour tenir
compte de l'impact sur la TVA des modifications comptables effectuées
fin 1998. La direction de la prévision cite deux facteurs
d'évolution contraires : "
d'une part, une révision
à la baisse de la croissance des emplois taxables en 1999 d'un point en
valeur et, d'autre part une minoration de la TVA nette 1998 de près de 8
milliards de francs (engendrée par des reports de recettes de 1997
à 1998, une accélération du rythme des remboursements fin
1998, une modification exceptionnelle des règles comptables sur les
produits pétroliers 1998) autorisant une majoration de près de 7
milliards de francs de la TVA en 1999
".
Plus loin, la note confirme les modifications comptables : "
aux
différentes perturbations constatées fin 1997 et début
1998 viennent s'ajouter, d'une part, les effets du changement de
comptabilisation sur les produits pétroliers (0,8 milliard de francs),
d'autre part, une accélération exceptionnelle en décembre
du rythme des remboursements
".
Des mesures qualifiées d'exceptionnelles (modification des
règles comptables sur les produits pétroliers,
accélération des remboursements) ont donc été
prises par le gouvernement.
Ainsi, la même note indique en annexe que "
concernant les
produits pétroliers, au titre du mois de décembre, il n'a pas
été tenu compte de la dernière décade
intégrée exceptionnellement au résultat de l'année
suivante. La TVA afférente n'ayant pas été
collectée, le manque à gagner est estimé à 750
millions de francs sur l'année 1998
". S'agissant des
remboursements, les " autres facteurs " sont estimés à
13,5 milliards de francs dont 11,3 milliards de francs pour les
"
phénomènes administratifs
" et pour 2,25
milliards de francs d'un surcroît de remboursement en 1998 lié
à la TVA versée par Réseau ferré de France (RFF)
à la Société nationale des chemins de fers français
(SNCF) en 1997.
(2) Concernant la TIPP
, la note de la direction de la prévision
du 9 mars 1999 note : "
la moins-value dégagée sur
décembre 1998 (-3,2 milliards de francs) par rapport à
l'arbitrage de juillet, provient d'une modification de la comptabilisation de
la TIPP. Ainsi, pour 1998, la dernière décade de décembre
est comptabilisée sur janvier de l'année suivante
".
(3) S'agissant des droits d'enregistrement, de timbre et de bourse
, la
note de la direction de la prévision du 20 août 1998
associée aux budgets économiques d'été 1998
mentionne également des irrégularités comptables.
"
L'essentiel de la révision 1998 tient à la correction
de la base des droits de succession 1997 (-2,6 milliards de francs) qui
était artificiellement gonflée par des régularisations de
recettes non imputées
". Ces recettes sont des recettes
d'acomptes sur des successions en cours de liquidation imputées dans des
comptes d'attente.
(4) Concernant les autres impôts indirects
, la note de la
direction de la prévision du 9 mars 1999 indique que la baisse des
droits sur les tabacs (-4,2 milliards de francs) "
est imputable
à un nouveau mode de comptabilisation des droits qui se traduit par un
report de recettes de 1998 sur 1999 à hauteur de 4,5 milliards de
francs
".
Pour la TIPP comme pour les droits sur les tabacs, la direction de la
prévision "
fait l'hypothèse d'une nouvelle modification
en fin d'année du mode de comptabilisation des droits "
engendrant une augmentation des recettes de 3,1 milliards de francs environ
pour la TIPP et 4,5 milliards de francs pour les droits sur les tabacs.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour
des comptes mentionnait des changements de méthode comptable :
"
Pour des raisons tenant aux délais de liquidation et de
paiement, sont rattachés à un mois donné les recettes des
dix derniers jours du mois précédent et des 20 premiers du mois
en cours sauf, depuis 1994, en janvier et en décembre où
étaient imputés respectivement les 20 premiers jours de
janvier et la totalité du mois de décembre. Ces changements
avaient sans doute amélioré le résultat d'exercice de
1994. En 1998, on est revenu à l'orthodoxie comptable, ce qui a pour
effet de diminuer les recettes
".
Cependant, toutes les remarques de la direction de la prévision, et
notamment l'hypothèse selon laquelle les modes de comptabilisation des
droits seraient modifiés deux années de suite en sens inverse,
confirment l'utilisation des règles comptables à des fins de pure
opportunité politique, et non pour des raisons d'orthodoxie
budgétaire.
b) Des modifications non mentionnées par la DGCP
Avant
même de prendre connaissance des notes de la direction de la
prévision, votre commission avait interrogé la direction
générale de la comptabilité publique (DGCP) sur
d'éventuelles modifications de méthodes comptables
.
Dans le questionnaire qu'elle lui avait adressé, elle avait posé
les questions suivantes : "
la comptabilisation des recettes et
dépenses de l'Etat a-t-elle été affectée par des
changements ces dernières années ? Lesquels ? Quelles
ont été les conséquences de ces
changements ?
" et, "
la DGCP a-t-elle compétence
pour proposer des modifications d'enregistrement comptable en recettes en cours
d'année
".
Concernant la première question, la DGCP a fait état d'une
accélération des centralisations et d'une amélioration des
délais de reddition des comptes de l'Etat, témoignages de
réformes destinées seulement à
"
accélérer et enrichir l'information
comptable
". Au titre de l'année 1998, elle a seulement fait
mention d'une réforme de la comptabilisation des impôts directs
avec un double objectif : accélérer l'imputation
budgétaire des recouvrements et ventiler les recouvrements en six
catégories d'impôts.
La DGCP n'a pas fait allusion, en réponse au questionnaire de la
commission, aux importantes modifications comptables de la fin de l'exercice
1998, alors que celles-ci ont eu un impact significatif sur le résultat
fiscal de 1998.
Par ailleurs, la DGCP a indiqué, en réponse à la seconde
question de la commission, "
qu'elle ne propose pas de
modification des méthodes d'enregistrement comptable en cours
d'année, conformément au principe de permanence des
méthodes. De telles modifications seraient d'ailleurs très
lourdes à gérer techniquement
". Elle a fait seulement
état, en recettes, de "
modifications intervenues pour un
exercice complet
" citant, au titre de 1998, l'impôt sur les
sociétés sur rôles.
Le principe de permanence des méthodes énoncé par la
direction générale de la comptabilité publique ne se
retrouve pas dans les notes de la direction de la prévision qui fait,
à deux reprises, l'hypothèse de modifications comptables
d'opportunité.
2. Des reports comptables démentis en séance publique
Dans son
rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998 publié
en décembre 1998 puis dans ses rapports sur le débat
d'orientation budgétaire en juin 1999 et sur le projet de loi de
finances pour 2000, en novembre 1999,
le rapporteur général de
la commission des finances s'était interrogé sur les chiffres
délivrés par le gouvernement en matière de recettes
fiscales pour l'année 1998.
Sous le titre "
une évolution des recettes fiscales
inexplicable
?
", il avait, en juin 1999, fait part de ses
interrogations sur l'évolution des recettes fiscales en fin
d'année 1998. Dans son rapport sur le projet de loi de finances 2000, il
avait titré, au sujet de l'année 1998 "
Les effets de
reports de recettes fiscales d'une année sur l'autre ou "l'art" de la
gestion budgétaire
".
Ce qui n'était à l'époque que des présomptions
est désormais confirmé par les faits tels qu'ils sont
rapportés par les notes de la direction de la prévision.
Dès la discussion générale du collectif budgétaire pour 1998, le 14 décembre 1998, M. Philippe Marini indiquait :
"
L'examen des recettes suscite quelques
interrogations. En effet, la dynamique des recettes est une bonne mesure de la
conjoncture économique. Les recettes fiscales attendues pour 1998
représentent 42,5 milliards de francs de plus que
l'exécution de 1997 si l'on raisonne en chiffres bruts. Mais
peut-être convient-il de se demander ce qu'auraient dû être
les recettes de l'Etat pour l'exercice en fonction des données dont nous
disposions au 30 septembre dernier !
Nous avons fait cet exercice dans le rapport écrit et nous nous sommes,
à ce sujet, posé quelques questions. Analysant l'augmentation des
recettes constatée par l'administration des finances fin septembre 1998
par rapport à fin septembre 1997, on constate une croissance de
3,9 % ; or, selon les données incluses dans le collectif
budgétaire, qui mesurent ce que devrait être le volume des
recettes fin décembre 1998 par rapport à fin décembre
1997, la croissance n'est plus que de 3 %, soit une différence de
près de 1 % entre les deux estimations.
Différentes analyses de cette situation sont, bien entendu, possibles,
mais nous pouvons nous demander si deux phénomènes ne se
combinent pas : d'un côté, l'effet d'une baisse de la
conjoncture et, de l'autre, des estimations peut-être prudentes de la
part du Gouvernement.
Les recettes fiscales nettes nous semblent progresser
moins qu'il aurait été logique à en croire les
déclarations que nous avons entendues sur la conjoncture ainsi que les
indications recueillies en cours d'année et dont nous ne voyons pas
vraiment la traduction intégrale sur l'ensemble de
l'exercice
".
M. Christian Sautter, alors secrétaire d'Etat au budget, avait
répondu "
j'ajoute, sans trop y insister,
une volonté
de transparence
puisque ce collectif budgétaire prouve a
posteriori que les dépenses et les recettes avaient été
calculées le mieux possible
lorsque la représentation
nationale les avait adoptées il y a un an
".
Alors que l'argument de la transparence était avancé, des
"
marges de manoeuvre
" étaient bel et bien
constituées pour l'exercice 1999, minorant de fait les
réalisations de 1998.
3. Des modifications comptables plus restreintes en 1999
Dans sa
note au ministre du 13 juillet 1999, le directeur du budget évoque
" la réforme du calendrier des versements de la Française
des jeux qui permet de décaler environ 900 millions de francs sur la
gestion 2000
"
.
Il faut relever que la modification du
calendrier des versements de la Française des jeux s'est traduite
concrètement par l'abandon à compter de la mi-novembre 1999, des
versements hebdomadaires au profit d'un rythme mensuel prenant effet à
la mi-décembre.
Ainsi, si les modifications comptables sont encore utilisées en pure
opportunité en 1999, la réforme " permet " de
décaler des recettes, l'ampleur de ces modifications ne semble pas avoir
atteint ce qu'elle a été fin 1998, peut-être faute de
nouvelles mesures à mettre en oeuvre.
Au total, des reports très importants auront brouillé la
lisibilité des exercices 1998, 1999 et 2000.
A la fin 1998, le gouvernement a choisi de reporter sur 1999 d'importantes
recettes fiscales et non fiscales pour un total de 22 milliards de
francs
. Les reports ont principalement porté sur les remboursements
de TVA et des modifications comptables ont permis de faire disparaître
9 milliards de francs.
A la fin 1999, le choix a été fait de reporter massivement des
recettes non fiscales, pour un total de 15 milliards de francs.
Il a
été jugé préférable de ne pas recourir une
seconde fois aux artifices comptables.
Ainsi, d'une certaine manière, le gouvernement se retrouve " pris
à son propre piège " : à force de " piloter
à vue " le niveau des recettes et de l'ajuster en toute
circonstance, quelle que soit la réalité de la situation, pour
qu'il corresponde aux chiffres annoncés dans la loi de finances
initiale, il en est arrivé à éprouver les limites de
l'exercice.
4. L'utilisation des opérations de trésorerie à des fins de lissage budgétaire : les imputations provisoires
Dans une
note du 5 janvier 2000, le directeur du trésor soumet au ministre un
projet de décision relatif au versement à la France de la prime
de garantie correspondant à son soutien bilatéral au
Brésil. La France a obtenu des versements en juin, octobre et
décembre 1999 sur le compte du trésor à la Banque de
France pour un montant total de 173 millions de francs. La note indique
que le ministre a exprimé dès le 24 août 1999 sa
préférence pour que le versement du montant total au budget
général n'ait lieu qu'à l'extinction de la ligne, soit
à la date prévisionnelle du dernier remboursement par le
Brésil,
a priori
en avril 2000.
Suite à cette note,
une décision écrite du ministre
confirme que la prime de garantie versée à la France par la
Banque centrale du Brésil fera l'objet d'une recette au budget
général à l'extinction de la ligne, soit
prévisionnellement en avril 2000, y compris pour le montant perçu
en 1999.
D'une manière générale, les remboursements de prêts
aux Etats étrangers servent de variable d'ajustement pour le budget de
l'Etat
.
Par une note du 28 janvier 2000, à l'attention du directeur
général de la comptabilité publique, de l'agent comptable
central du trésor et du directeur du trésor, le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie et la secrétaire
d'Etat au budget demandent aux services "
de faire le nécessaire
pour que les montants suivants portés au crédit des comptes
d'imputation provisoire 475-188 (intérêts) et 475-223 (capital)
soient imputés définitivement sur la gestion 2000
". Il
s'agit des remboursements en capital et du versement en intérêts
correspondants de la Bosnie, du Pérou, du Brésil, de l'Inde, de
l'Indonésie et des Philippines. Le total s'élève à
727,3 millions de francs en capital et 541,8 millions de francs en
intérêts.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, la Cour
des comptes confirme ces reports : "
lors de l'examen des
pièces relatives au compte n° 903-17 (prêts du
Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation des
dettes envers la France), la Cour a constaté que des remboursements
perçus en 1999 et début 2000 n'ont pas été
enregistrés sur l'exercice 1999 ; il s'agit de neuf
opérations, pour un montant total de 728,4 millions de francs
reportés en 2000
".
D'autres décisions signées du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie et de la secrétaire d'Etat au budget,
dénommées " régularisations comptables " ont
été prises très tardivement, le 24 ou le 28 janvier
2000. Ainsi la décision prise le 24 janvier 2000 d'imputer sur la
gestion 2000 du budget général les reversements de fonds n'ayant
pas donné lieu à rétablissements de crédits et
demeurant en solde en gestion 1999. De même, les décisions prises
le 28 janvier 2000, date ultime de la période complémentaire,
d'imputer en gestion 2000 le dividende exceptionnel de la SEITA porté au
crédit du compte d'imputation provisoire 475-188 pour 85 millions
de francs et les remboursements effectués par l'AFD portés en
compte d'imputation provisoire (475188 et 475222) en janvier 2000 pour un total
de 192,2 millions de francs.
Les explications de la direction générale des impôts
La
direction générale des impôts indique, dans une note du 27
juin 2000, que l'augmentation des imputations provisoires s'explique par la
progression des paiements par virement résultant de l'abaissement du
seuil, "
avec pour conséquence en fin d'année un effet
accru de report d'un exercice budgétaire sur le suivant
".
L'abaissement en 1999 de 100 à 10 millions de francs du seuil de chiffre
d'affaires au delà duquel les redevables de la TVA sont astreints au
paiement par virement aurait eu un double effet :
- un effet masse, avec un doublement du nombre de paiements à
traiter ;
- un effet ponctuel portant sur quelques virements de très gros montants
"
que l'encombrement accru à la fin 1999 des postes comptables
concernés n'a pas permis d'apurer avant la clôture de
l'échéance de décembre
".
Des chiffres résultant de l'enquête effectuée auprès
des services, il ressort que, du 31 décembre 1998 au 31
décembre 1999, le montant des imputations en instance d'affectation est
passé de 2.706 millions de francs à 5.236 millions de
francs, cette évolution tenant pour l'essentiel aux paiements par
virement.
CHAPITRE III :
LES DÉPENSES : LA VOLONTÉ DE
MAÎTRISE ET LA TENDANCE AU DÉRAPAGE
Au cours
de ses investigations, qu'il s'agisse des auditions auxquelles elle a
procédé, ou des notes internes à l'administration du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie qu'elle
s'est procurées, votre commission a pu constater combien le pouvoir
exécutif éprouvait de très grandes difficultés
à maîtriser ses dépenses.
Alors que, en cours d'exécution, les services du ministère, la
direction du budget en particulier, attirent régulièrement
l'attention du ministre et de son cabinet sur le non-respect des objectifs en
matière de progression des dépenses, le gouvernement
n'hésite pas, à l'image de ce qui a été fait en
1999, afin de dissimuler cette progression des dépenses, à
recourir à des modifications de présentation comptable.
De surcroît, outre des raisons de fond tenant à l'absence de
réformes structurelles, votre commission a pu constater combien le
processus d'élaboration du projet de loi de finances lui-même,
obéissant du reste essentiellement aux dispositions de l'ordonnance
organique de 1959 relative aux lois de finances, ne permet pas de
dégager de réelles économies, non seulement parce qu'il
repose sur un processus très formalisé de nature essentiellement
administrative, mais également parce qu'il est fondé sur un
système d'informations budgétaires et financières de
qualité médiocre.
Il privilégie ainsi une logique de reconduction de l'existant au
travers de la procédure des services votés, qui ne permet que des
modifications à la marge et n'encourage pas à s'interroger sur
l'efficacité ou l'utilité de la dépense publique. Est
ainsi favorisée, structurellement, une approche quantitative et non
qualitative de la dépense publique.
I. L'EXÉCUTION DES DÉPENSES : UNE PRÉSENTATION EN FONCTION DU BESOIN D'EN DÉMONTRER LA MAÎTRISE
Les
services du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, la direction du budget en premier lieu, éprouvent de
grandes difficultés à maîtriser l'évolution des
dépenses, susceptibles d'un dérapage pouvant intervenir à
tout moment. L'exemple de l'exécution du budget 1999
révèle cette extrême difficulté, en dépit
d'une bonne tenue de l'économie.
Dès lors, l'administration de Bercy se voit contrainte de recourir
à des procédés de caractère technique
destinés à dissimuler le plus possible le dérapage des
dépenses, les engagements portant sur ces dernières ne pouvant
généralement être tenus qu'en affichage.
Au fond, la " maîtrise des dépenses " reste toujours
un objectif ; elle n'est jamais un résultat.
A. UN DÉRAPAGE TRADITIONNEL DES DÉPENSES
1. Un mauvais calibrage des crédits inscrits en loi de finances peu favorable à la maîtrise des dépenses
Votre commission a eu communication de la note du directeur du budget du 8 avril 1997, adressée au ministre, ainsi que d'une note de la même direction du 1 er juillet 1997, intitulée " Bilan des facteurs de dérapage affectant la prévision d'exécution du budget de 1997 (hors opérations en capital) ".
Illustration du mauvais calibrage initial des crédits : deux documents d'avril et juillet 1997
Les deux
documents susmentionnés sont particulièrement intéressants
et mettent en relief la
mauvaise qualité, apparemment
intrinsèque à l'élaboration du projet de loi de finances,
de l'estimation du montant des dotations budgétaires.
•
La note du 8 avril 1997 insiste sur la sous-dotation manifeste de
certains dispositifs, et ce, dès l'élaboration du projet de loi
de finances, qui constitue une source de dérapage des dépenses
:
"
le total des menaces pesant sur les dépenses est
estimé à plus de 35 milliards de francs, dont plus du tiers
provient des choix effectués lors du bouclage de la LFI 1997
".
Le financement en 1997 des dispositifs concernés
" reposait
alors notamment sur des hypothèses de consommation de crédits
reportés de la gestion précédente ou d'ouverture de
crédits reportées en décrets d'avance ou LFR ".
Il s'agissait notamment :
- de dispositifs de la politique de l'emploi, pour 3 milliards de francs, dont
2 milliards de francs résultant d'
" abattements successifs
opérés sur la dotation au profit de la ristourne
dégressive lors du bouclage du PLF "
;
- de la recherche duale, pour 2 milliards de francs ;
- de la prime qualité automobile pour 1,8 milliard de francs
étant précisé qu'
" aucun crédit n'avait
été ouvert en LFI afin de financer la fin du
dispositif "
;
- de l'aide publique au développement, pour 3 milliards de francs ;
- des aides au logement, soit 2 milliards de francs.
•
En revanche, la note du 1
er
juillet 1997 expose les
raisons pour lesquelles il existe des sources d'économies
récurrentes, parfaitement identifiées par la direction du
budget.
Ce document souligne ainsi "
l'ampleur des économies
constatées en cours d'exécution, non mentionnées ni
prévues dans les dossiers des perspectives, et
généralement concentrées sur quelques secteurs
budgétaires (aide publique au développement, commerce
extérieur, prélèvements européens,
rémunérations...)
".
La suite est plus éclairante encore : "
on peut
légitimement considérer que la notion de crédit limitatif
engendre une asymétrie dans l'erreur de prévision des
responsables budgétaires : une surestimation des dépenses
effectives se traduira par la simple constatation d'une
sous-exécution ; à l'inverse, une sous-estimation du besoin
effectif de crédits pourrait se traduire, en raison du caractère
limitatif de la majorité des chapitres budgétaires, par la
nécessité d'ouvrir des crédits par voie de décrets
d'avances ou dans un collectif budgétaire.
Pour se couvrir face
à un risque de dépassement de crédits, même minime,
il est probable que les prévisions fournies par les bureaux sectoriels
au moment des perspectives intègrent une légère
provision
"
.
Dans ces conditions - sous-dotation initiale délibérée
de certains chapitres budgétaires, surestimation des crédits
d'autres chapitres -, la maîtrise de la dépense paraît
extrêmement délicate.
Il faut sans doute voir dans cette " navigation à vue ", l'une
des raisons du dérapage récurrent des dépenses.
2. Les notes d'exécution de la direction du budget : un dérapage des dépenses récurrent
Au cours
de son audition devant votre commission, M. Alain LAMASSOURE a rappelé
la réalité de l'évolution spontanée, presque
" naturelle ", des dépenses de l'Etat :
"
à l'époque
[1996]
, nous avions, au sein du
budget de l'Etat, certaines dépenses non maîtrisées qui
s'accroissaient année après année. L'endettement, les
charges financières, les dépenses du secteur public, les
dépenses de sécurité sociale, les aides à l'emploi,
les aides au logement représentent quelques-unes d'entre
elles
".
S'il a également considéré que "
maîtriser
les dépenses, c'est possible même lorsque la conjoncture
économique est décevante
", il a toutefois
indiqué que cette maîtrise n'allait pas de soi et qu'elle
nécessitait de recourir au gel des crédits : "
nous
avons pu tenir le déficit, parce que nous avons tenu la dépense
grâce au gel des crédits en début d'année
".
En fait, la maîtrise des dépenses n'est assurée, si elle
l'est, qu'" aux forceps ". Le budget 1999 en constitue une bonne
illustration, au vu des documents communiqués à votre commission
par la direction du budget et qui couvrent principalement l'année
1999
28(
*
)
.
Des contradictions entre les ministres des finances de même sensibilité politique
Il
semble que deux anciens ministres de l'économie, des finances et de
l'industrie successifs, ayant appartenu à un gouvernement soutenu par la
même " majorité plurielle ", portent une
appréciation différente sur la capacité des services du
ministère à maîtriser les dépenses de l'Etat.
Ainsi M. Dominique Strauss-Kahn a-t-il affirmé devant votre commission,
lors de son audition, que, "
de toute façon,
[en
matière de dépenses]
la tendance est toujours plutôt
à déraper. Il y a toujours en dépenses des imprévus
qui n'ont pas été budgétés, vous le savez
parfaitement
".
Pour son ancien secrétaire d'Etat au budget et successeur,
M. Christian Sautter, cette assertion n'a pas cette force de
l'évidence, puisqu'il a, quant à lui, déclaré
devant votre commission : "
il est clair que l'Etat maîtrise
les dépenses car c'est l'Etat qui dépense !
".
Il convient de rappeler que le gouvernement avait affiché une
progression des dépenses de l'Etat de 1 % en volume pour 1999. Or, les
quatre notes que le directeur du budget adresse traditionnellement chaque
année au ministre sur la prévision d'exécution indiquent
toutes que cet objectif de progression des dépenses risquait de ne pas
être respecté.
a) La première note sur l'exécution du budget 1997 en date du 8 avril 1997
Le
dérapage des dépenses, d'un montant net de 30 milliards de francs
à cette date, a été rappelé plus haut.
Il contribue à expliquer "
l'ampleur des écarts d'ores et
déjà prévisibles, aussi bien en termes de déficit
budgétaire qu'en termes de besoin de financement, entre le
résultat prévisionnel d'une part, et les objectifs
associés à la LFI et au plan de convergence d'autre
part
". Il convient en effet de rappeler que cette époque
était cruciale pour la qualification de la France à la monnaie
unique européenne. Or, l'attention du ministre de l'époque avait
été attirée sur le fait que "
les objectifs de LFI
et, par-delà, les objectifs européens, ne pourront être
approchés qu'au prix d'un effort de redressement qui doit être
engagé dès à présent de manière
décisive
".
Le dérapage des dépenses faisait ainsi planer une menace
certaine sur la perpective de la France de participer à
l'euro
: "
sauf à renoncer à atteindre
l'objectif de 3 %
[de déficit public]
, ou à perdre
rapidement toute crédibilité face aux observateurs
internationaux, il est donc impératif en premier lieu, de prendre des
mesures supplémentaires de redressement budgétaire, à
hauteur de 25 à 30 milliards de francs, afin que l'Etat au moins
respecte ses engagements
"
.
b) La première note sur l'exécution du budget 1999 en date du 7 avril 1999
La note
du 7 avril 1999 est la première prévision d'exécution de
l'année que le directeur du budget adresse au ministre. Elle est
associée à l'esquisse du budget 2000.
Le directeur du budget note en introduction que "
la progression des
dépenses sous-jacente à cette prévision est de 2,4 % en
valeur
[...]
. Compte tenu des hypothèses de prix propres aux
derniers budgets économiques d'hiver (soit 0,5 % en moyenne), les
dépenses évolueraient donc de 1,9 % en volume
".
Toutefois, cette note se veut relativement prudente : elle indique que
"
comme à l'accoutumée, la prévision
d'exécution de début d'année est entachée
d'aléas importants
"
29(
*
)
.
Surtout, la lecture de cette note montre que l'objectif de progression des
dépenses n'a pas été pris en compte dans
l'élaboration de la loi de finances pour 1999, ou alors très
imparfaitement. En effet, le directeur du budget note que "
s'ajoutant
aux aléas de prévision et aux risques non pris en compte à
ce stade, la progression spontanée des dépenses justifie la mise
en place de dispositifs de maîtrise accrue de la
dépense
". Il existe donc des risques de dérapage des
dépenses qui ont été délibérément
ignorés au moment de l'élaboration de la loi de finances. Il est
dès lors nécessairement difficile de maîtriser les
dépenses.
Au total, la note au ministre évalue à 28,9 milliards de francs
le montant des principaux surcoûts et consommations de reports.
Le détail des principaux surcoûts et consommations de reports
Il
convient notamment de mentionner un dérapage de 4 milliards de
francs sur le budget de la santé et de la solidarité, dont
3,3 milliards de francs résultant d'une insuffisance sur le revenu
minimum d'insertion (RMI). En outre, est retenue l'hypothèse d'une
majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui entraînerait
un dérapage supplémentaire de 7 milliards de francs.
Certes, il existe des facteurs de réduction de la dépense, qui
s'élèvent à 19,2 milliards de francs, mais il
convient de les relativiser :
- l'essentiel des économies résulte de la bonne tenue de la
conjoncture et constitue donc des économies de constatation : c'est
le cas de la charge nette de la dette du fait de la baisse des taux
d'intérêt, pour un montant de 8,7 milliards de francs ;
c'est le cas également du budget de l'emploi ;
- certaines des sources d'économies sont identifiées depuis
longtemps, en particulier par votre commission, telles que les aides au
logement : la sous-exécution de 1,4 milliard de francs sur le
chapitre 44-91 du budget des charges communes n'est donc guère
surprenante ;
- le gouvernement réalise traditionnellement des économies sur
les dépenses militaires ; de ce point de vue, la note est
particulièrement claire : "
le dérapage traditionnel
des dépenses militaires ordinaires dû aux OPEX
30(
*
)
est supposé financé en exécution
par redéploiements au sein du titre III et par un futur décret
d'avances, gagé par une annulation sur les dépenses en
capital
".
Le directeur du budget souligne que "
l'écart à
résorber pour respecter l'objectif du gouvernement serait donc de 16
milliards de francs
".
c) La deuxième note sur l'exécution en date du 13 juillet 1999
La note
du directeur du budget au ministre, en date du 13 juillet 1999 est
associée aux premières phases 2000. Elle actualise la note du 7
avril 1999.
Elle précise les principaux dérapages de dépenses
identifiés, d'un montant total de 30,7 milliards de francs par rapport
à la loi de finances initiale :
- la majoration annoncée en fin d'année de l'allocation de
rentrée scolaire est la cause du principal dérapage, soit 7
milliards de francs ;
- le budget de la santé et de la solidarité est en
dérapage de 5,1 milliards de francs, dont 4 milliards de francs
correspondent au financement du RMI ;
- le budget de l'intérieur présente une dépense
supplémentaire globale de 3,5 milliards de francs ;
- les dépenses militaires ordinaires sont à l'origine d'un
dérapage de 2,9 milliards de francs, en raison essentiellement d'une
insuffisance de crédits de rémunération au titre des OPEX,
pour un montant de 2,5 milliards de francs.
En sens opposé, la réduction des dépenses par rapport
à la loi de finances initiale s'établit à 24,9 milliards
de francs, essentiellement sur les mêmes postes, ce qui traduit la bonne
tenue de la conjoncture, mais aussi la récurrence de certaines sources
d'économies : charge nette de la dette pour 9,3 milliards de
francs, dépenses de fonction publique pour 4 milliards de francs, budget
du logement pour 2,2 milliards de francs, ou encore le budget de l'emploi pour
300 millions de francs.
Un cas intéressant : le budget de l'emploi
La note
du directeur du budget indique que "
cette estimation n'intègre
pas de charge au titre du remboursement de la dette de l'UNEDIC ; si cette
dépense devait intervenir en 1999, le montant des dépenses du
budget général serait majoré de l'ordre de 10 milliards de
francs
".
Ainsi, la mise en jeu de la garantie de l'Etat au profit de la dette de
l'UNEDIC était envisagée, mais pas encore décidée,
au mois de juillet 1999, soit bien avant la date que le gouvernement, lors de
l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1999, avait
sous-entendue, c'est-à-dire entre la fin du mois de septembre et le
début du mois d'octobre 1999.
Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale
portant sur ledit projet de loi comporte un encadré relatant des
informations provenant de Bercy
31(
*
)
relatives
à l'appel de la garantie de l'Etat au profit de l'UNEDIC.
Deux dates sont retenues :
- le 14 octobre, le président de l'UNEDIC a adressé une lettre
à la banque Paribas, en charge du service financier de l'emprunt
contracté en 1993, précisant que l'UNEDIC ne procéderait
pas au versement et que la banque Paribas devait s'adresser aux services
compétents de l'Etat ;
- le 22 octobre, la banque Paribas, constatant le défaut de l'UNEDIC, a
demandé à l'Etat de bien vouloir verser les fonds correspondant
au remboursement de l'emprunt obligataire de l'assurance-chômage ;
- le même jour, le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie et le secrétaire d'Etat au Budget ont décidé
de verser la somme de 10 milliards de francs à la banque Paribas au
titre du remboursement de l'emprunt de l'UNEDIC.
Si la décision formelle n'a été prise qu'en octobre,
elle était envisagée dès avant le 13 juillet. En fait, la
direction du budget avait adressé une note au ministre sur la prise en
charge par l'Etat de cette dette dès le 27 avril 1999, ce qui
tempère le caractère " exceptionnel " de cette charge
prévue, en fait, depuis de longs mois.
Or, il convient de rappeler que cette affaire avait été
relativement médiatisée par le gouvernement : le contexte
était en effet marqué par des relations particulièrement
tendues entre le gouvernement et l'UNEDIC, en raison de sa volonté du
premier de " ponctionner " les fonds de l'assurance-chômage
pour financer les 35 heures.
d) La troisième note sur l'exécution en date du 26 octobre 1999
La note du directeur du budget du 26 octobre 1999 s'inscrit dans le cadre de la préparation du projet de collectif budgétaire pour 1999, et modifie celle du 13 juillet.
La note du 25 octobre 1999
La note
du 26 octobre 1999 ne peut être lue de façon pertinente
qu'après avoir pris connaissance d'une autre note du directeur du
budget, destinée au ministre, et datée de la veille, soit le 25
octobre 1999, relative au projet de collectif 1999.
Cette note indique que la réalisation de l'objectif gouvernemental
d'une hausse des dépenses de l'Etat limitée à 1 % en
volume doit être reportée
: "
s'agissant des
dépenses, la réduction de 13 milliards de francs des
crédits que supposerait le respect de la norme de construction du PLF
1999 (1 % en volume par rapport au PLF 1998) n'est pas à notre
portée dans le cadre du collectif. Cet objectif doit désormais
être poursuivi en exécution
".
Il semble donc que le gouvernement, en dépit d'une conjoncture
favorable, ne puisse envisager le respect de ses engagements qu'
in
extremis
.
La note du 26 octobre indique que,
"
à
périmètre constant, les dépenses du budget
général (nettes des recettes d'ordre) augmenteraient de
1,9 % en volume par rapport à 1998, soit 14 milliards de
francs au-delà de la norme de progression de 1 %
".
Elle souligne donc bien un dérapage des dépenses de l'Etat.
Mais la mise en jeu de la garantie de l'Etat au profit de l'UNEDIC est
immédiatement exclue du calcul de la norme de progression des
dépenses, ce qui a évidemment pour conséquence de minorer
ladite progression : "
Hors opération exceptionnelle de
prise en charge de la dette de l'UNEDIC, les dépenses du budget
général (nettes des recettes d'ordre) progresseraient en volume
de 1,3 %
".
La prise en charge de la dette de l'UNEDIC devient donc une
" dépense exceptionnelle " parce que la traiter comme telle
permet d'afficher un respect de la norme de progression des
dépenses.
La démonstration devient imparable !
Il n'en reste pas moins que l'objectif affiché par le gouvernement n'est
toujours pas respecté : "
le surcroît de
dépenses par rapport à la cible de croissance des dépenses
de 1 % en volume serait ainsi ramené à 4 milliards de francs
lorsque l'on déduit la dépense exceptionnelle au titre de
l'UNEDIC
". Si la situation semble s'améliorer, les conditions
du respect de l'engagement gouvernemental restent extrêmement
précaires à tel point que le directeur du budget attire
l'attention du ministre : cet écart à l'objectif
"
pourrait être aggravé si les arbitrages rendus sur la
maquette du collectif budgétaire devaient conduire, soit à des
dépenses nouvelles dont les gages ne seraient que des annulations
traduisant des économies de constatation, soit à l'abandon de
certaines des annulations proposées (budget de l'emploi en particulier)
"
.
D'une manière générale, "
le
dérapage des dépenses du budget général et du solde
des comptes spéciaux du trésor est revu en hausse de
1,9 milliard de francs
".
e) La dernière note sur l'exécution en date du 14 décembre 1999
Cette
note est la dernière prévision d'exécution de l'exercice.
Elle modifie celle du 26 octobre, intégrant notamment les arbitrages
survenus sur le projet de collectif. Elle constituera le point de
référence jusqu'à la clôture de l'exercice, le 28
janvier 2000.
Le directeur du budget insiste sur le fait que "
l'écart
à l'objectif d'évolution des dépenses de l'Etat de 1 % en
volume serait en partie résorbé (taux de progression en volume
estimé à 1,16 %)
[...]
. Le surcroît de
dépenses par rapport à l'objectif passerait ainsi, hors reprise
de la dette UNEDIC, de près de 4 milliards de francs dans la
prévision du 26 octobre dernier à environ 2,5 milliards de
francs
".
Au moins deux éléments viennent nuancer l'apparent respect de
l'engagement du gouvernement relatif à la progression des
dépenses :
- la reprise de la dette de l'UNEDIC, considérée comme
dépense exceptionnelle, n'est pas intégrée dans le
calcul : le dérapage ne serait plus de 2,5 milliards de francs,
mais de 12,5 milliards de francs ;
- et, surtout, les économies dont se prévaut le gouvernement ne
résultent en rien de la conduite de réformes structurelles, mais,
soit de la bonne tenue de la conjoncture comme les économies
réalisées sur la charge de la dette ou sur les dispositifs de la
politique de l'emploi, soit du non-respect d'engagements antérieurs tels
que la loi de programmation militaire, soit encore de décisions
techniques comme l'économie engendrée sur les dépenses de
fonction publique par le décalage vers l'année 2000 du solde des
primes de rendement des agents territoriaux de la direction
générale des impôts.
3. Un dérapage des dépenses confirmé par la direction de la prévision
Votre
commission a obtenu communication de plusieurs notes de la direction de la
prévision, rédigées à l'occasion de
l'élaboration des budgets économiques d'hiver et
d'été. Parmi ces notes, figure une analyse de l'exécution
du budget de l'Etat, et notamment de l'évolution des dépenses.
Les notes transmises à votre commission par la direction de la
prévision mettent toutes en avant, à des degrés variables,
la dérive des dépenses de l'Etat.
a) Les budgets économiques d'été 1998 (août 1998)
La note
que la direction de la prévision a consacrée, dans le cadre des
budgets économiques d'été, à l'analyse de
l'évolution des dépenses souligne que l'amélioration de
5,5 milliards de francs du solde budgétaire de l'Etat résulte
d'une augmentation de près de 20 milliards de francs de recettes du
budget général et d'une dérive de dépenses non
gagées du budget général de 14,5 milliards de francs.
Cette note insiste sur l'aggravation du dérapage des dépenses par
rapport à la situation prévalant lors de l'élaboration des
budgets économiques d'hiver : "
les budgets
économiques d'hiver constataient une dégradation du solde de 10
milliards essentiellement liée à une dérive des
dépenses non gagée de 10 milliards par rapport à la LFI.
Ainsi, par rapport aux budgets d'hiver, les budgets économiques
d'été font état d'une amélioration de
16 milliards du solde budgétaire implicite aux comptes, due
à une amélioration des ressources de 21 milliards de francs, et
à une dérive supplémentaire des dépenses non
gagées de 5 milliards de francs environ
".
b) Les budgets économiques d'hiver 1999 (février 1999)
A
l'occasion de la publication des budgets économiques d'hiver 1999, le
directeur de la prévision a adressé, le 22 février 1999,
une note au ministre relative à l'évolution des finances
publiques de 1998 à 2000, qui
insiste sur les efforts à
entreprendre dès cette époque pour tenir les engagements
gouvernementaux en matière de progression des dépenses en
2000.
Le directeur de la prévision indique en effet que "
le respect
des objectifs du programme de stabilité pour 2000 nécessite une
stricte maîtrise des dépenses de l'Etat et de l'assurance maladie
[...]
". Il estime également que "
le respect
des engagements du programme de stabilité pour 2000 paraît
à ce stade très exigeant
", ajoutant, s'agissant des
dépenses : "
même après prise en compte des
transferts implicites à l'exécution du programme de
stabilité (répartition du financement de la RTT entre Etat et
régimes sociaux, prise en charge par l'UNEDIC de certaines
dépenses aujourd'hui supportées par l'Etat comme l'AFR, prise en
charge par la CNAF de la totalité du financement de l'ARS), il sera
très difficile de maintenir en 2000 les dépenses de l'Etat
stables en francs constants
32(
*
)
. La cause en
est, outre la montée en puissance des emplois jeunes, la grande
rigidité
nominale induite par l'accord salarial dans la fonction
publique qui prévoit une dernière augmentation en décembre
1999
".
c) Les budgets économiques d'été 1999 (août 1999)
La
note de la direction de la prévision relative à
l'évolution des finances publiques en 1999 et 2000 met l'accent sur
l'augmentation sensible des dépenses en 1999 et sur l'importance des
efforts à entreprendre en vue du budget 2000.
Elle indique ainsi que
"
l'exercice des budgets
économiques d'été, qui s'achève, montre que
l'objectif de réduction de déficit public devrait être
atteint aisément en 1999, malgré une progression assez rapide des
dépenses publiques. En 2000, la poursuite du rééquilibrage
des finances publiques devra en revanche passer par un net
infléchissement de la dépense publique
". La direction
de la prévision se montre extrêmement prudente sur le respect par
le gouvernement des engagements qu'il a pris sur la progression des
dépenses.
Pour 2000, "
la progression des dépenses de l'Etat en volume
serait très modeste (0,7 % en volume pour le budget
général à périmètre constant)
".
Soit un niveau tout de même nettement supérieur à celui
affiché dans la loi de finances initiale de l'année !
D'ailleurs, "
l'objectif d'une stabilité en volume n'a pas
été retenu, ce qui peut apparaître là encore un peu
pessimiste mais se justifie par le fait que la remontée des taux
d'intérêt ne devrait pas ménager de bonnes surprises sur la
charge de la dette, contrairement aux deux années
précédentes
".
d) Le compte provisoire 1999
La note
du 4 avril 2000 relative à la version provisoire du compte de l'Etat en
1999 indique que "
les dépenses de l'Etat en 1999 sont en
augmentation de 3,5 % en volume (4 % en valeur
33(
*
)
)
". Hors transferts, ces dépenses
sont en hausse de 2,4 % en volume (2,9 % en valeur).
Une note ultérieure, en date du 2 mai 2000, relative à
l'exécution du budget de l'Etat en 1999, indique que "
les
dépenses de l'Etat en 1999 augmentent fortement (+ 3,5 % en volume
après + 0,2 % en 1998)
".
4. La norme de progression des dépenses fixée a priori n'est respectée qu'au prix d'économies forfaitaires
Votre commission rappelle que l'objectif du gouvernement pour la loi de finances de 1999 consistait à afficher une progression des dépenses de 1 point en volume.
a) Un affichage politique non respecté : la fixation d'un objectif de progression des dépenses
Cet engagement n'a pas été tenu, la Cour des comptes, dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1999, ayant précisé que " les dépenses de l'Etat ont progressé sensiblement en 1999 ", les charges nettes du budget général augmentant de 3,3 % en valeur et de 2,8 % en volume. Elle conclut à ce titre que : " c'est beaucoup plus que ce qui était prévu (+ 1 % en volume) " .
b) Un procédé dissimulé et nié : la réalisation d'économies forfaitaires
Le gouvernement dément procéder à des économies forfaitaires
La
secrétaire d'Etat au budget, Mme Florence Parly, lors de l'examen du
projet de loi de finances rectificative pour 2000, a commenté ainsi la
position de votre commission consistant à refuser une augmentation de
dépenses de 10 milliards de francs et à lui
préférer un redéploiement de crédits
:
"
je m'interroge simplement sur la réalité des
économies et des redéploiements que vous proposez. Ces
économies me semblent à la fois forfaitaires et aveugles et, par
conséquent, quelque peu artificielles
".
Elle appuyait également son analyse des amendements
présentés par votre commission par des doutes sur la
façon dont ils étaient libellés, estimant que "
la
condition minimale pour qu'un amendement soit considéré comme une
réduction réelle est qu'il comporte explicitement, dans son
exposé des motifs, les mentions indispensables à une telle
imputation. Il devra donc préciser à quel chapitre il s'applique,
et s'il concerne plusieurs chapitres, préciser la ventilation
chiffrée de la réduction entre les chapitres en cause
".
En dépit des affirmations du gouvernement, l'ensemble des notes que
le directeur du budget adresse au ministre dans le cadre de la prévision
d'exécution mentionne l'existence d'un abattement statistique
traditionnel comme moyen de réaliser des économies.
•
La note du 1
er
juillet 1997 précitée,
dressant le bilan des facteurs de dérapage affectant la prévision
d'exécution du budget de 1997, indique ainsi que le "
montant
spontané des dérives doit faire l'objet d'un abattement
forfaitaire
"
.
Elle comporte également un
développement fort intéressant relatif à la manière
de réaliser, en pratique, un tel abattement : "
si l'on
considère pouvoir prévoir la dépense de chaque chapitre
budgétaire avec une marge d'incertitude de x % à la hausse comme
à la baisse, la prévision individuelle fournie pour chaque
chapitre budgétaire se trouve plutôt vers le haut de la
fourchette, alors
que la dépense finale est statistiquement
exécutée pour son niveau moyen. L'agrégation brute des
prévisions au niveau le plus fin conduirait donc à une
surestimation de la masse globale des charges budgétaires de x %. Ainsi,
compte tenu du volume des dépenses du budget général, une
erreur systématique de 1 % par chapitre, entraîne une
surestimation de ces charges de plus de 15 milliards de francs
34(
*
)
".
•
La note du 7 avril 1999 est également
particulièrement instructive. Elle indique quant à elle :
"
les moindres dépenses identifiées se montent à
19,2 milliards de francs, auxquels 15 milliards de francs
d'abattement statistique doivent être ajoutés
".
Cette note comporte une annexe spécifiquement destinée à
expliciter le principe et le mécanisme de l'abattement statistique.
Votre commission souhaite reproduire l'intégralité de cette
annexe particulièrement éclairante.
L'abattement statistique selon la direction du budget
La
prévision d'exécution consiste à anticiper, au niveau de
chaque chapitre, ce que sera la dépense comptablement imputée en
fin d'exercice. Pour cela, plusieurs catégories d'information sont
exploitées : l'évolution des crédits disponibles
(sans toutefois y corréler systématiquement la prévision
de dépense), les exécutions des années antérieures
(tenant compte de l'évolution de la nomenclature) et l'exécution
mensuelle en cours.
Cette méthodologie s'applique analytiquement à environ
600 lignes de dépenses. Elle permet de prévoir finement les
conditions d'exécution du budget de l'Etat, mais a pour défaut de
surestimer légèrement le montant du déficit
car
celui-ci est influencé par plusieurs phénomènes :
- les gestionnaires et les prévisionnistes ont, malgré eux, une
tendance naturelle à corréler leur prévision (ou les
révisions de leur prévision) au montant ou aux variations des
crédits disponibles, reports compris. Cet aspect comportemental induit
nécessairement une surestimation de la dépense, car les
crédits n'en constituent qu'une borne supérieure ;
- la dispersion de la nomenclature budgétaire et le poids croissant de
la dépense déconcentrée ne permettent pas de
développer une approche analytique sur l'ensemble des
dépenses ;
- la masse totale du budget sur laquelle porte le risque d'exécution est
supérieure aux seules dépenses du budget
général : recettes et dépenses des comptes
spéciaux, recouvrements de fonds de concours, recettes fiscales et non
fiscales. Certaines de ces recettes sont, en outre, plus difficiles à
maîtriser que les dépenses : ainsi, la
" plus-value " inattendue est souvent plus probable que la
dépense inattendue.
Ce biais est avant tout empirique et ne peut, de par sa nature même,
être ventilé au chapitre. Un abattement forfaitaire est donc
introduit dans la prévision, pour tenir compte de ce biais global, qui
s'applique à la fois aux dépenses, aux recettes et à la
charge nette des comptes spéciaux. La pratique récente est de
choisir, lors de la première prévision d'exécution, un
niveau de 15 milliards de francs. Cet ordre de grandeur est validé
par les études rétrospectives qui ont pu être
menées ; il décroît au fil des prévisions, au
fur et à mesure que sont intégrées des informations
nouvelles et que les conditions objectives d'exécution sont mieux
connues.
B. L'IMPÉRATIF SUR LES DÉPENSES : TOUT FAIRE POUR AFFICHER LE RESPECT DES ENGAGEMENTS PRIS
1. Les contraintes communautaires
Le Traité de Maastricht impose aux Etats-membres de l'Union européenne le respect de plusieurs critères de convergence bien connus afin de participer à l'Union économique et monétaire, et notamment de bénéficier de la monnaie unique européenne.
Retour sur 1997
Il
était impératif, compte tenu des dispositions du traité de
Maastricht, que la France, dont la situation de ses finances publiques
était surveillée de près par la Commission
européenne mais également par ses partenaires européens,
présente des comptes respectant les critères de convergence de
Maastricht.
Il convient à cet égard de rappeler que le dérapage des
dépenses de l'Etat a bien failli remettre en cause la participation de
la France à l'euro au 1
er
janvier 1999, comme l'indiquait le
directeur du budget au ministre dans sa note du 8 avril 1997 relative à
la prévision d'exécution du budget 1997 associée aux
perpectives pour 1998 : "
sauf à renoncer à
atteindre l'objectif de 3 % du PIB, ou à perdre rapidement toute
crédibilité face aux observateurs internationaux, il est donc
impératif en premier lieu, de prendre des mesures supplémentaires
de redressement budgétaire, à hauteur de 25 à
30 milliards de francs, afin que l'Etat au moins respecte ses
engagements
".
M. Jean Arthuis a d'ailleurs rappelé devant votre commission que
"
les marchés spéculaient sur l'incapacité de
la France à entrer dans le processus de Maastricht. Nous étions
dans une surveillance étroite et toute faute d'information pouvait avoir
des conséquences extrêmement graves
".
La crédibilité de la politique macroéconomique
était ainsi la base de la participation de notre pays à l'Union
économique et monétaire, en raison notamment du jugement que les
institutions communautaires pouvaient porter sur ladite politique.
Elle n'en reste pas moins déterminante aujourd'hui, en raison des
contraintes posées par le Pacte de stabilité et de croissance. Ce
dernier, en effet, soumet les Etats-membres de l'Union économique et
monétaire à une surveillance budgétaire
multilatérale, et leur impose le respect de l'objectif à moyen
terme d'une situation budgétaire
"
proche de
l'équilibre ou excédentaire
", afin de permettre aux
Etats-membres "
de faire face aux fluctuations cycliques normales de
l'activité tout en maintenant le déficit public dans les limites
de la valeur de référence de 3 % du PIB
".
Les finances françaises, comme celles des autres Etats-membres,
continuent donc d'être " surveillées " de près,
d'autant plus que les gouvernements nationaux soumettent à la Commission
européenne, chaque année depuis 1998, un programme pluriannuel de
finances publiques qui concrétise leurs engagements sur une
période de trois ans, afin de parvenir aux objectifs fixés par
les traités.
La direction du budget a d'ailleurs précisé à votre
commission que "
le respect de cet objectif
[de progression des
dépenses]
est étroitement observé par la Commission
européenne, par les autres Etats-membres de l'Union européenne
et, de manière générale, par les analystes
économiques
"
.
Toutefois, M. Jean-Claude TRICHET, lors
de son audition devant votre commission, a estimé qu'
"
il y avait, avant la qualification de l'euro, un formidable et
ardent sentiment qu'il fallait se comporter du mieux possible sur le plan des
finances publiques, et qu'il y a maintenant un certain
relâchement "
, ajoutant que "
ce relâchement
s'observe dans tous les pays
".
Des contraintes institutionnelles imposent donc au gouvernement français
de présenter des comptes publics conformes aux dispositions des
traités communautaires, et de respecter les engagements qu'ils ont
affichés dans le programme pluriannuel de finances publiques transmis
à Bruxelles.
Toutefois, lorsque ces engagements s'avèrent extrêmement
difficiles à respecter, le gouvernement n'hésite pas à
s'affranchir des règles du droit budgétaire afin de
présenter une situation satisfaisante pour lui.
2. Des modifications de présentation préjudiciables à la sincérité du budget de l'Etat
Le
gouvernement a procédé, en 1999, à plusieurs modifications
dans la présentation des comptes publics afin de respecter son objectif
d'une progression des dépenses limitée à 1 % en volume.
Ces modifications, évidemment préjudiciables à la
sincérité du budget de l'Etat, ont été mises en
exergue par la Cour des comptes dans son rapport relatif à
l'exécution des lois de finances pour 1999, estimant que les
dépenses avaient progressé en réalité de 2,8 % en
volume.
Par ailleurs, M. François LOGEROT a rappelé devant votre
commission que la Cour des comptes avait appliqué au résultat de
1999 les mêmes normes que le ministère des finances voulait lui
voir appliquer en 1998. En appliquant exactement les conventions que le
ministère des finances avait appliquées l'année
précédente, le taux de progression des dépenses de l'Etat
en 1999 s'établit à 4,6 % ! Tel est en effet le chiffre
auquel aurait abouti la Cour des comptes si elle acceptait de changer de
méthode d'appréciation suivant les exercices.
Comment respecter la norme de progression des dépenses ?
Pour
afficher une progression des dépenses de 1 %, le gouvernement a
opéré plusieurs déductions, d'un montant total de 49,4
milliards de francs :
- 17 milliards de francs, au titre des opérations d'ordre relatives aux
charges de la dette ;
- 19,4 milliards de francs, au titre de divers retraitements
budgétaires : 8,6 milliards de francs pour la compensation
accordée aux collectivités territoriales pour la réduction
des droits de mutation à titre onéreux ; 4,23 milliards
de francs représentant la prise en charge de l'allocation parents
isolés (API), auparavant versée par la Caisse nationale
d'allocations familiales ; 1,94 milliard de francs, soit la subvention
versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie (ADEME) en contrepartie du produit de la taxe
générale sur les activités polluantes ; 4,5 milliards
de francs au titre de la budgétisation des dépenses de
rémunérations accessoires de la direction générale
des impôts au titre de l'article 5 de la loi de finances pour 1948 ;
- 13 milliards de francs de " dépenses exceptionnelles " qui
ont été " sorties " du périmètre des
dépenses.
3. La régulation de la dépense
Faute de
réformes structurelles à même de faire reculer le poids des
dépenses publiques dans notre pays, le gouvernement se voit contraint de
procéder à une régulation des dépenses en cours
d'exécution, afin de limiter au maximum leur progression.
Il s'agit, selon le gouvernement, non plus de réaliser des gels de
crédits, comme par le passé, mais de constituer des
réserves de crédits, appelées contrats de gestion, qui
feraient l'objet d'une négociation avec les ministères
" dépensiers ". Par ailleurs, il apparaît que les
contrôleurs financiers, à défaut de recevoir des
instructions explicites, soient invités à réguler le
rythme des dépenses.
a) Les contrats de gestion, version " politiquement correcte " du gel de crédits
La
direction du budget a indiqué à votre commission que "
le
choix des moyens
[pour maîtriser les dépenses en cours
d'année]
relève de l'autorité politique. Par le
passé, étaient mis en oeuvre des dispositifs de
"
régulation
"
des crédits : gels
forfaitaires d'une fraction des crédits, suivis en cours d'année
d'annulations. Depuis 1999, le gouvernement a mis en oeuvre un nouveau
dispositif de suivi des dépenses dans un cadre concerté avec les
ministères qui aboutit à la conclusion de contrats de
gestion
".
Les contrats de gestion constitueraient donc un procédé
nouveau de maîtrise de la dépense en cours d'exécution. Il
convient toutefois de nuancer très sérieusement cette
affirmation.
En effet, à une question écrite de votre commission relative aux
contrats de gestion, la direction du budget a répondu que "
les
contrats de gestion ont été mis en place en 1999 afin d'assurer
le respect de l'engagement de loi de finances initiale relatif à la
progression en volume et à structure constante des dépenses. Le
quantum de crédits mis en réserve dans le cadre de ces contrats
de gestion a fait l'objet de négociations avec les gestionnaires dans le
cadre de la procédure budgétaire. A la demande du
secrétaire d'Etat au budget, la direction du budget a
procédé à la notification aux contrôleurs financiers
du contenu des contrats de gestion afin de suivre les engagements pris par les
ministères lors des négociations
".
Il apparaît que la notion de contrats de gestion ne s'éloigne
guère, en réalité, des procédés
antérieurs de régulation des dépenses, à la
différence toutefois qu'ils interviennent dans un contexte de
conjoncture économique favorable, propice à la réalisation
d'économies de constatation.
Il serait pour le moins erroné de considérer, comme le laisse
pourtant penser leur intitulé, que les contrats de gestion sont des
instruments conventionnels permettant à Bercy, en coopération
étroite avec les ministères " dépensiers ", de
dégager des économies au terme d'un examen approfondi de
l'efficience des dépenses et de la pertinence de la budgétisation
initiale.
Ce n'est pas, en effet, dans cet esprit que les contrats de gestion ont
été conçus.
En fait, le ministère des finances pilote seul cet exercice dont les
conditions sont fixées dès le début de l'année,
soit bien avant que ne soient dégagés des enseignements qui
pourraient être pris en compte par les contrats de gestion, comme le
confirme une note du 14 janvier 1999, adressée par le directeur du
budget au ministre, dont l'objet porte sur les premiers éléments
de réflexion sur l'adaptation de la loi de finances initiale 1999
à l'évolution du contexte économique et budgétaire,
et qui constitue l'acte de naissance des contrats de gestion.
Constatant, dès le début du mois de janvier, soit quelques jours
après sa promulgation, que "
l'environnement économique
différera de celui qui était affiché lors du bouclage de
la loi de finances
", le directeur du budget proposait au ministre de
revoir les conditions de l'exécution du budget de 1999.
Il écrivait notamment : "
compte tenu de la révision
probable de l'hypothèse d'inflation (0,5 % contre 1,3 % prévu en
LFI), la progression des dépenses en termes réels de la LFI 1999
par rapport à la LFI 1998 atteindrait 1,8 point pour un objectif de 1
point
". Le directeur du budget poursuivait : "
l'effort
à réaliser pour nous conformer strictement à l'objectif de
1 % en volume conduit à prévoir une mise en réserve de 13
milliards de francs des crédits de la LFI
". Enfin, plus loin,
il notait : "
au total, le respect du cadrage du PLF supposerait
d'afficher rapidement une réserve de crédits, sans
intégrer dans cette réserve les économies de constatation
sur la dette. Les besoins propres à l'exécution supposeraient
également de prévoir des crédits à annuler en vue
des prochains décrets d'avances ou d'un collectif. Compte tenu des
incertitudes liées, à cette date, à la gestion 1999, un
objectif de 15 milliards de francs de crédits réservés me
semble donc justifié sur le plan budgétaire
".
Les contrats de gestion ont donc bien été conçus comme
un moyen de réguler les dépenses de l'Etat, afin d'être en
mesure d'afficher un respect des engagements pris, ceux-ci ayant
été proclamés avant même que n'aient
été envisagés les moyens d'y souscrire.
C'est sans doute M. Dominique STRAUSS-KAHN qui a le mieux laissé
entendre ce qu'il fallait penser des contrats de gestion : "
dans
certains gouvernements, on a mis en place des gels ou on a essayé de
mettre en place
un système un peu plus sophistiqué que le
gel
avec les contrats de gestion
".
b) Le contrôle financier : régularité ou régulation de la dépense ?
Les
contrôleurs financiers sont des fonctionnaires du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie placés auprès
de chacun des départements ministériels, et chargés de
veiller à la bonne utilisation par ces derniers des dotations
budgétaires qui leur sont allouées.
Un décret du 16 juillet 1996 a procédé, dans le cadre de
la réforme de l'Etat, à une réforme du contrôle
financier, dans la mesure où il pose le principe de son application
à tous les actes de nature à engager financièrement l'Etat
au niveau déconcentré, quel que soit leur cadre budgétaire
et comptable ou leur nature.
Le contrôle financier, qu'il soit exercé au niveau central ou au
niveau déconcentré, prend essentiellement la forme d'une
procédure de
visa préalable
, qui suppose une
capacité de blocage de la part du contrôleur financier.
La présentation du contrôle financier par le ministère de l'économie
A une
question de votre commission portant sur les relations entre la direction du
budget et les contrôleurs financiers centraux, la première a
présenté le rôle des seconds de façon relativement
formelle, précisant que les contrôleurs financiers centraux sont
amenés à donner leur avis financier sur un dispositif en projet,
assistent aux conférences budgétaires ainsi qu'aux
différentes réunions techniques de préparation du projet
de loi de finances. Ils reçoivent également copie de l'ensemble
des circulaires de préparation des projets de loi de finances et des
différents courriers adressés par la direction du budget au
ministère près lequel ils sont affectés.
Le contrôle financier, central comme déconcentré, doit
consister exclusivement en un contrôle de régularité de la
dépense
, dans toutes ses composantes - imputation budgétaire,
disponibilité des crédits, exactitude de l'évaluation,
comme l'a d'ailleurs rappelé devant votre commission le directeur
général de la comptabilité publique : "
les
contrôles que nous effectuons dans le cadre de la dépense sont
encadrés par le décret de 1962 et exclusivement guidés par
des soucis de régularité et non pas de régulation
budgétaire ou financière
".
Toutefois, votre commission s'est interrogée sur le fait de savoir
si, au-delà des dispositions législatives ou
réglementaires formelles, le contrôle financier n'allait pas plus
loin qu'un simple contrôle de régularité, intervenant
également sur le rythme de paiement des dépenses de
manière à influer sur leur progression globale.
Or, votre commission l'ayant interrogé sur d'éventuelles
instructions dont les contrôleurs financiers seraient destinataires, n'a
pas reçu de réponse claire de la direction du budget. Cette
dernière lui a toutefois indiqué que "
lorsque des
dispositifs de régulation de la dépense budgétaire ont
été décidés par le gouvernement, ils ont toujours
reçu copie des différents courriers adressés aux ministres
et ont été systématiquement associés à leur
mise en place
".
Le directeur général de la comptabilité publique a
estimé, quant à lui, que "
cette tâche
[la
régulation des engagements des ordonnateurs]
, si elle
existe,
incombe aux contrôleurs financiers centraux placés auprès
des ministres
". Cette direction, interrogée sur le même
sujet s'agissant des contrôleurs financiers déconcentrés, a
toutefois apporté une réponse relativement nuancée :
"
il n'en reste pas moins que le contrôle peut également
porter sur les conséquences que les mesures proposées peuvent
entraîner pour le budget de l'Etat, et que certaines modalités de
contrôle, notamment celles relatives au budget de fonctionnement courant,
qui peuvent être adossées à des outils de contrôle de
gestion des ordonnateurs, doivent permettre de faire du contrôle
financier un levier de modernisation et d'amélioration de la gestion des
services
".
Les contrôleurs financiers centraux sont associés à la mise
en place des dispositifs de régulation de la dépense, tandis que
leurs collègues en région peuvent apprécier les
conséquences d'une mesure sur le budget de l'Etat : il est donc
fort probable que, à défaut d'affirmations explicites en ce sens,
le contrôle financier ait également pour fonction de
réguler le rythme d'exécution des dépenses de l'Etat.
4. Les opérations de fin de gestion
a) Les " avantages de la période complémentaire "
La
période complémentaire est la période postérieure
à la gestion durant laquelle peuvent être comptabilisées,
sous certaines conditions, des opérations qui sont imputées sur
l'exercice budgétaire précédent.
La période complémentaire s'étend actuellement du
1
er
au 31 janvier
35(
*
)
, date
à laquelle est connu, sous forme provisoire, le résultat
budgétaire, le résultat définitif étant
publié en avril, au terme de la passation de l'ensemble des
écritures comptables
36(
*
)
. L'existence
d'une telle période complémentaire constitue une
dérogation au système dit de la comptabilité de caisse,
prévu par l'article 16 de l'ordonnance organique de 1959, qui
prévoit le rattachement des dépenses à l'année
civile du visa par le comptable, et le rattachement des recettes à
l'année civile de leur encaissement. Sa principale justification
réside en ce qu'elle permet de favoriser la concordance entre
l'autorisation parlementaire, donnée d'abord en engagements, et le suivi
comptable, réalisé en paiements.
Or, le principe même de la période complémentaire est
contestable.
Il convient, en premier lieu, de rappeler que l'entrée dans la phase 3
de l'Union économique et monétaire implique une harmonisation de
la présentation en comptabilité nationale des comptes publics des
Etats membres. Le nouveau système comptable européen, dit SEC 95,
prévoit pour tous les Etats-membres la référence, dans les
comptes nationaux, à un système de comptabilité en droits
constatés - référence à la date du fait
générateur - plutôt qu'à une comptabilité de
caisse - référence à la date du flux de trésorerie.
Surtout, la période complémentaire pose le problème de la
sincérité des comptes de l'Etat, comme le relève
régulièrement, pour le déplorer, la Cour des comptes. Elle
constitue un moyen de piloter le solde budgétaire afin de permettre au
gouvernement d'atteindre un objectif fixé à l'avance.
L'avenir de la période complémentaire est donc en jeu, du fait de
la nécessité de prendre en considération
l'hypothèse d'une transition du budget de l'Etat vers un système
en droits constatés. La direction du budget et la direction
générale de la comptabilité publique ont constitué
un groupe de travail sur les conditions d'une suppression éventuelle de
la période complémentaire, qui a rendu un rapport daté du
1
er
juin 1999, dont votre commission a obtenu une copie. Ce rapport
analyse les modalités possibles d'une telle suppression.
Les dépenses au cours de la période complémentaire
Les
opérations réalisées au cours de la période
complémentaire - dites opérations de fin de gestion - peuvent
être regroupées, s'agissant des dépenses, en quatre
catégories :
- le paiement, ou le rejet, d'ordonnances transmises au visa du comptable au
31 décembre de l'année n ;
- la réalisation d'opérations dites
" réciproques " entre l'Etat, les comptes spéciaux du
trésor, les établissements publics, les entreprises publiques, la
sécurité sociale... : opérations se rapportant
à des dettes et à des créances nées au plus tard le
31 décembre de l'année mais qui peuvent être
engagées comptablement et ordonnancées jusqu'à la fin de
la période complémentaire ;
- l'engagement, l'ordonnancement et le paiement de crédits ouverts en
collectif de fin d'année ;
- des opérations de régularisation : correction d'erreurs,
imputation définitive de recettes et dépenses.
Comme le souligne la note que le directeur du budget et le directeur
général de la comptabilité publique ont adressée au
ministre, le 9 juin 1999, en guise de commentaire du rapport
précité, l'intérêt de la période
complémentaire réside dans la marge de manoeuvre qu'elle accorde
au gouvernement : "
la marge de manoeuvre permettant
d'infléchir le solde budgétaire tendanciel, dans le strict
respect de la réglementation, va être fortement amoindrie par la
disparition de la possibilité d'ordonnancer des opérations ou
d'émettre des titres de perception après la connaissance du
niveau final des recettes fiscales, voire de la totalité des recettes.
Dès lors, le pilotage à la marge du solde va être rendu
difficile
".
b) Le nécessaire contrôle des opérations de fin de gestion
Les
dates d'exécution des opérations de fin de gestion sont
fixées par les directions du budget et de la comptabilité
publique. M. Alain LAMASSOURE a considéré, devant votre
commission, que les pratiques budgétaires de fin de gestion
"
donnent lieu à des décisions qui sont fatalement
forfaitaires, pour ne pas dire arbitraires
". Il a donc appelé
de ses voeux un encadrement de ces pratiques, passant, par exemple, par
l'élaboration d'un code de bonne conduite applicable aux
opérations de fin de gestion.
En effet, M. François LOGEROT a indiqué, au cours de son audition
devant votre commission, que la Cour des comptes avait
"
constaté depuis toutes ces années récentes que
les gouvernements quels qu'ils soient ont le souci de piloter le
résultat final d'exécution de la loi de finances dans des
proportions importantes. Evidemment, ce souci a coïncidé avec la
question de la qualification de la France pour l'accès à la
monnaie unique et a coïncidé aussi avec une situation difficile
[...]
des finances publiques en général dans la période
1993-97
".
La situation est en réalité très contrastée selon
les années. Jusqu'en 1997, il s'agissait de peser au maximum sur le
déficit final en procédant à des reports de charges
importants. C'est ainsi qu'en 1995, la Cour des comptes a estimé que ces
reports de charges ont représenté environ 28 milliards de francs,
prenant essentiellement la forme d'une régulation budgétaire de
grande ampleur. A l'inverse, depuis 1997, l'amélioration relative des
finances publiques s'est traduite par des reports de recettes sur l'exercice
suivant.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, la Cour
des comptes note que le niveau des dépenses enregistrées en
période complémentaire au titre du budget général
est passé de 46,27 milliards de francs en 1998 à 50,99 milliards
de francs en 1999, soit une progression de 10,2 % d'un exercice sur l'autre.
Elle précise que "
l'Agence comptable centrale du trésor
a payé plus de 13 milliards de francs de dépenses sur le budget
général dans les trois derniers jours de la période
complémentaire de l'exercice 1999, dont 10,2 milliards de francs
pour la seule journée du 28 janvier 2000
". La Cour estime que
ces charges, qui ont fait l'objet d' "
arbitrages opérés
en toute fin de gestion, auraient pu être rattachées à
l'exercice suivant
".
II. L'ÉLABORATION DU BUDGET : L'INSUFFISANTE REMISE EN CAUSE DE L'EXISTANT POUSSE LES DÉPENSES À LA HAUSSE
L'élaboration du volet dépenses des projets de
loi de
finances revêt
a priori
un caractère politique très
affirmé puisque les crédits supplémentaires
accordés à tel ou tel département ministériel
déterminent les priorités d'un gouvernement. L'envoi aux
ministres de la lettre de cadrage du Premier ministre constitue ainsi une
étape essentielle d'un processus budgétaire long puisqu'il couvre
la quasi-totalité de l'année, mais n'occasionnant guère de
surprises, puisqu'il présente un caractère essentiellement
administratif.
Pourtant, et en dépit du nombre important d'informations transmises par
les services au ministre ou à son cabinet sur l'analyse de
l'évolution des dépenses, il convient de relever la
médiocrité de ces informations liée, non à la
qualité des services, mais à l'inadéquation du
système d'informations budgétaires et financières
lui-même.
Dès lors, l'élaboration du projet de loi de finances ne peut
susciter qu'une certaine
routine, caractérisée, s'agissant
des dépenses, par la reconduction, d'une année sur l'autre, des
services votés.
La maîtrise des dépenses de l'Etat
ne peut ainsi que pâtir d'une logique qui privilégie la
reconduction des services votés à l'appréciation
qualitative de la dépense et cela en raison d'un système
d'informations archaïque.
A. UNE PROCÉDURE BUDGÉTAIRE DE NATURE PRESQUE EXCLUSIVEMENT ADMINISTRATIVE
La
procédure budgétaire
37(
*
)
obéit, pour l'essentiel, aux règles posées par
l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux
lois de finances
38(
*
)
.
Il convient toutefois de noter que ce processus, une fois
arrêtées les décisions du Premier ministre, accorde une
place prépondérante aux services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie : son caractère
administratif étant accentué par le rôle finalement
marginal qu'y tient le Parlement.
1. Le rôle éminent de la direction du budget dans l'élaboration du volet dépenses du projet de loi de finances
La
quasi-totalité des directions du ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie participe à l'élaboration du
projet de loi de finances en ce qui concerne les dépenses de l'Etat.
Toutefois, elles interviennent de façon très inégale, et
à des moments différents.
C'est la direction du budget qui est le maître d'oeuvre du volet
dépenses des projets de loi de finances, les autres directions lui
fournissant la " matière première " ou sous-traitant
certaines opérations pour son compte.
Au cours de son audition devant votre commission, M. Christophe
BLANCHARD-DIGNAC, a parfaitement résumé les missions de sa
direction : la préparation de la loi de finances "
nous
occupe tout au long de l'année, dès le début de
l'année avec la phase des perspectives, quand nous proposons aux
ministres les orientations pour l'année suivante, dans les phases de
confrontation avec les ministères, les conférences
budgétaires, l'arbitrage et la confection matérielle des
documents
".
La première sous-direction de la direction du budget, qui en compte au
total sept, assure la coordination de la préparation des lois de
finances.
Son bureau 1A, en particulier, joue un rôle essentiel dans la mise en
oeuvre de la procédure budgétaire, qu'il s'agisse de sa
composante annuelle - le projet de loi de finances -, ou pluriannuelle - le
programme pluriannuel de finances publiques.
• Il rédige les notes de synthèse qui ponctuent chaque
étape du processus d'élaboration du projet de loi de finances, et
met au point celui-ci, qui est ensuite transmis au Conseil d'Etat avant son
adoption en Conseil des ministres. Il suit enfin l'ensemble du processus
parlementaire d'adoption du projet de budget, ainsi que le contentieux
constitutionnel en matière budgétaire.
• Il joue également un rôle essentiel, conjointement avec
la direction de la prévision, dans l'élaboration du programme
pluriannuel de finances publiques que la France, en application du Pacte de
stabilité et de croissance, est tenue de déposer chaque
année auprès des institutions communautaires.
L'intervention décisive du Premier ministre
dans l'élaboration du volet dépenses du projet de loi de
finances
Le
rôle de Matignon est déterminant, puisque c'est le chef du
gouvernement qui, sur la base de l'esquisse budgétaire, adresse aux
ministres les lettres de cadrage et les lettres-plafonds qui déterminent
le niveau des dépenses du projet de loi de finances.
En premier lieu, le Premier ministre arrête la stratégie
macro-budgétaire, en deux temps :
1. fin décembre, le programme pluriannuel de finances publiques est
formalisé avant d'être transmis aux institutions
communautaires ;
2. en avril-mai, généralement après un séminaire
gouvernemental, le Premier ministre arrête ses orientations pour la
préparation du projet de loi de finances à travers les lettres de
cadrage, qui fixent notamment le pourcentage de progression des dépenses
de l'Etat et identifient les priorités gouvernementales ; elles
donnent également une date-limite pour la remise des propositions des
ministères à la direction du budget, souvent dans le courant du
mois de mai.
Ensuite, le montant des enveloppes ministérielles est
déterminé à l'issue des conférences
budgétaires et des réunions d'arbitrage, d'abord au niveau des
cabinets puis à celui des ministres. Ces enveloppes, après
l'arbitrage ultime du Premier ministre, sont notifiées aux membres du
gouvernement par les lettres-plafonds, envoyées désormais au
début du mois de juillet, au lieu de fin juillet ou même du
début août.
L'équilibre du projet de loi de finances et le choix des articles
législatifs à caractère budgétaire sont, enfin,
arrêtés au cours de l'été par le cabinet du Premier
ministre.
2. La place résiduelle laissée au Parlement
M. Jean
ARTHUIS a estimé, lors de son audition devant votre commission, que la
discussion du projet de budget au Parlement était "
un exercice
extrêmement confortable pour le gouvernement : c'est du pilotage
automatique
".
Pourtant, entre la présentation du projet de loi de finances, à
la mi-septembre, et son adoption définitive, à la fin
décembre, se passent plus de trois mois au cours desquels la situation
des finances publiques peut évoluer de façon importante.
a) L'arbitrage sur les dépenses : une prérogative exclusive du gouvernement
Le
rôle du Parlement dans l'élaboration du volet dépenses des
projets de loi de finances est confronté à un paradoxe
fort : la représentation nationale est historiquement et
constitutionnellement amenée à autoriser le plafond des
dépenses de l'Etat, mais ne joue aucun rôle dans la
détermination de ces plafonds. Son vote revêt un caractère
purement formel alors qu'il est le fondement de la démocratie. Au
demeurant, la Constitution de 1958 a limité le pouvoir budgétaire
des Assemblées, son article 40 notamment leur interdisant d'introduire
une disposition, non seulement qui réduirait les ressources de l'Etat ou
créerait ou aggraverait ses charges, mais encore qui proposerait une
nouvelle répartition de crédits entre les différents
chapitres budgétaires.
En outre, les procédures de régulation budgétaire -gel et
annulation de crédits-, qui interviennent parfois quelques jours
après la promulgation de la loi de finances, comme ce fut le cas en
1998, démontrent les limites de l'exercice que constitue le débat
budgétaire au Parlement.
b) Le Parlement trop rarement écouté
Il
convient de déplorer que le gouvernement ne tire quasiment jamais profit
des travaux et analyses budgétaires du Parlement pour modifier son
projet, comme si les finances publiques étaient trop importantes pour
être traitées par les élus du peuple.
Ainsi le gouvernement n'a-t-il tiré aucune conclusion, sur le plan
budgétaire, de la commission d'enquête du Sénat sur la
gestion des personnels du ministère de l'éducation nationale. Il
a au contraire décidé d'accroître ses moyens en
crédits et en effectifs, alors que le nombre des élèves
diminue de façon durable, et que la gestion des personnels de ce
département ministériel fait apparaître de nombreux
dysfonctionnements, à commencer par l'impossibilité de
connaître avec précision le nombre de ses fonctionnaires.
L'examen des projets de loi de finances consiste donc essentiellement pour le
Parlement à approuver les services votés, qui représentent
environ 92 % des dépenses inscrites au budget de l'Etat. Sa marge
de manoeuvre porte donc sur les mesures nouvelles, soit environ 8 % des
crédits. Par ailleurs, le gouvernement n'accepte qu'avec parcimonie les
dispositifs fiscaux proposés par les Assemblées.
c) Un débat d'orientation budgétaire encore largement formel et partiel
Ce n'est
que depuis 1996 qu'un débat d'orientation budgétaire est
organisé chaque année au Parlement. Cet exercice est certes
intéressant, notamment parce qu'il oblige le gouvernement à
déposer un rapport sur l'évolution des finances publiques en
France et dans l'Union européenne, dont le contenu est, du reste,
régulièrement enrichi. Mais il n'en reste pas moins lui aussi
très formel, puisque le gouvernement fait une déclaration qui ne
présente pas de caractère contraignant en matière de
politique budgétaire.
Or, ce débat intervient au mois de juin, soit à une
période où ni les principaux arbitrages budgétaires, ni
les grandes décisions fiscales ne sont encore arrêtés. De
plus, contrairement au souhait du Sénat, il n'implique pas les
responsables des finances sociales alors qu'un débat consolidé
sur l'évolution globale des finances publiques apparaît
aujourd'hui indispensable.
B. DES INFORMATIONS BUDGÉTAIRES ET FINANCIÈRES NOMBREUSES MAIS DE MAUVAISE QUALITÉ
Les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie adressent chaque année plusieurs centaines de notes au ministre et à son cabinet. Les autorités politiques reçoivent donc des informations budgétaires et financières régulières et abondantes concernant la situation du budget de l'Etat au risque même d'être " submergées " par des informations parfois peu utilisables.
Le
jugement sévère des auteurs du rapport d'audit de 1997
sur le
système d'information
MM.
Jacques Bonnet et Philippe Nasse, magistrats à la Cour des comptes, et
auteurs d'un rapport sur la situation budgétaire de la France à
l'été 1997, ont porté un jugement sévère sur
la qualité des informations transmises au ministre par ses
services : "
l'administration met à la disposition du
ministre ce qu'elle a, et c'était d'une qualité tout de
même assez médiocre pour 1997
".
M. Philippe Nasse a du reste fait part à votre commission de
ses interro-gations empreintes d'un certain fatalisme: "
le
gouvernement est-il correctement informé ? A l'évidence, je
dois répondre non car l'information de base est mauvaise. Est-il
informé de façon non sincère ? Les personnes
chargées de l'informer font-elles au mieux ou pas avec cette information
de mauvaise qualité ? Je crois qu'il faut reconnaître que
l'information est de mauvaise qualité
[...]
, mais que les
services essaient de faire au mieux avec
".
En revanche, les informations relatives à l'exécution
budgétaire tardent à être délivrées à
la représentation nationale, ou bien alors ne le sont que de
façon réticente. Sans doute faut-il y voir la culture du secret
qui, selon M. Pierre GISSEROT, constitue "
la tradition du
ministère des finances "
, déplorant à ce titre
qu'
" une commission des finances comme la vôtre n'est pas
informée comme elle pourrait souhaiter l'être
".
Toujours est-il qu'il convient de ne pas mésestimer le rôle des
autorités politiques : le ministre et son cabinet ont pour
tâche de traduire les informations reçues des services au contenu
le plus souvent très technique en arbitrages politiques. Dès
lors, la non-divulgation de certaines informations ne résulte pas d'une
volonté délibérée des services de cacher ces
informations, elle est une décision éminemment politique.
Toutefois, il est apparu à votre commission que l'essentiel de ces
informations en matière de dépenses étaient souvent de
qualité médiocre, et essentiellement quantitative, revêtant
un caractère soit extrêmement formel, soit incomplet, en raison du
recours à un cadre comptable largement obsolète et à une
absence d'évaluation très dommageable.
1. Des informations - trop ? - nombreuses et pas toujours pertinentes
a) Des informations régulières sur l'évolution des dépenses du budget
Ces
informations proviennent de différentes sources.
•
La direction de la prévision
, s'agissant du
contexte macro-économique, fournit habituellement deux séries de
notes au ministre dans le cadre des budgets économiques d'hiver et
d'été. D'une manière générale, elle
élabore différents
scenarii
budgétaires, afin de
prendre en considération les conséquences possibles de
l'introduction de mesures nouvelles.
•
La direction du budget
adresse trois notes au ministre dans
l'année, dans le cadre de la préparation du projet de loi de
finances.
M. Laurent FABIUS a lui-même, au cours de son audition devant votre
commission, présenté ces trois notes : "
au mois de
février, une note synthétise les travaux de la direction du
budget sur une projection pluriannuelle - trois ans - des dépenses
publiques en grands postes de dépenses. Il s'agit non pas d'une
projection tendancielle des dépenses, mais d'une série de
propositions qui visent à nourrir la réflexion du gouvernement
sur les réformes à envisager afin de faciliter le respect des
objectifs de dépenses fixés. Au mois d'avril, une note est
consacrée à l'année à venir et aux propositions de
dépenses associées au projet de loi de finances en vue de
l'engagement des négociations avec les ministères. En juin, une
troisième note fait le point sur le résultat des
conférences budgétaires et propose au ministre des positions sur
les sujets qui n'ont pas été réglés entre les
services
".
S'agissant de l'exécution, la direction du budget adresse quatre fois
par an
39(
*
)
au ministre une note relative
à la prévision d'exécution du budget de l'année en
cours, qui retrace et synthétise les principaux écarts à
la loi de finances en dépenses comme en recettes.
•
La direction du trésor
adresse au ministre des
notes sur tous les sujets qui portent sur les chapitres ou crédits
qu'elle gère.
Surtout, elle informe régulièrement le ministre des
prévisions de charges de la dette sur l'exercice, notamment dans le
courant de l'été, dans le cadre de la préparation du
projet de finances, ainsi qu'en cours d'exercice, en fonction de
l'évolution des conditions de marché.
•
La direction générale de la comptabilité
publique
, en liaison avec la direction du budget, confectionne les
documents relatifs à la situation financière et comptable de
l'Etat, à un rythme hebdomadaire, mensuel, trimestriel, ou annuel.
Elle produit également des informations relatives aux conditions
d'exécution de la dépense publique, telles que les délais
de paiement publics, le recensement des aides économiques des
collectivités locales, ou la gestion des fonds européens.
b) Des informations pas toujours pertinentes
Si les
informations transmises au ministre et à son cabinet sont
extrêmement nombreuses, elles manquent parfois de pertinence.
•
Ces informations, en premier lieu, souffrent d'insuffisances
importantes en matière d'analyse économique, l'économie
réelle évoluant plus rapidement que la science
économique.
Ainsi, la plupart des théories économiques continuent de reposer
sur les modèles d'une économie fermée, alors que
l'économie française est totalement ouverte au niveau
européen et qu'elle l'est très largement au niveau international,
comme l'a fait remarquer M. Alain LAMASSOURE.
•
Ces informations sont également souvent contradictoires, les
services n'étant pas toujours d'accord entre eux.
M. Nicolas SARKOZY a souligné ce point lors de son audition devant votre
commission : "
Il y a tellement de débats... Le premier
s'instaure entre les directions. Pas une n'est d'accord avec l'autre, c'est une
tradition... Chacun est persuadé d'avoir la vérité, chacun
ayant une légitimité à l'avoir, chacun ayant un angle de
vision propre, car la comptabilité publique n'a pas la même vision
que la DLF et, naturellement, la direction du budget considère comme
illégitimes les prévisions optimistes des autres
".
L'existence d'informations contradictoires n'en rend que plus indispensable le
rôle d'un cabinet fort et efficace placé auprès du ministre.
•
La crédibilité de certaines informations varie en
fonction de la façon dont elles sont présentées.
C'est le cas lorsque le périmètre du budget de l'Etat change
régulièrement, appréhendant des catégories de
dépenses différentes selon les années. Lors de son
audition devant votre commission, M. Denis MORIN, a indiqué sur ce
point : "
pendant de longues années, il y a eu des
écarts de périmètre substantiels entre les dépenses
budgétaires, au sens de ce que nous appelons la comptabilité
budgétaire, présentées en loi de finances initiale, les
dépenses telles qu'elles sont retracées en exécution et
les dépenses appréciées par les comptables nationaux. Il y
a là trois éléments dont le recoupement n'est pas toujours
d'une extrême simplicité
".
Ainsi, par exemple, le gouvernement présente les dépenses de la
loi de finances initiale en additionnant les dépenses du budget
général, à l'exclusion des remboursements et
dégrèvements d'impôts, et en ajoutant le solde des comptes
spéciaux du trésor. Les commissions des finances des
assemblées parlementaires, quant à elles, présentent
l'article d'équilibre d'une façon différente. M. Denis
MORIN a ainsi relevé : "
ce qui est fâcheux pour la
qualité de la présentation du budget est qu'il n'y ait pas de
présentation normalisée
", ajoutant : "
je
dois reconnaître que la diversité des concepts et des modes de
présentation des dépenses de l'Etat nuit un peu à la
lisibilité de ces différents exercices
".
Quant à M. Jacques BONNET, il a fait part à votre commission de
son jugement sur les modifications de présentation du budget :
"
même en respectant les règles de la comptabilité
publique, il est possible de faire varier les soldes dans des proportions pas
tout à fait négligeables, et permettant dans les nuances de gris
d'avoir celle à la mode lorsque l'on présente les comptes de
l'Etat
".
•
Certaines informations macro-économiques deviennent
obsolètes.
Le 21 janvier 1999, soit trois semaines après l'entrée en vigueur
de la loi de finances de l'année, la direction de la prévision a
ainsi adressé au ministre une note relative à l'impact sur les
finances publiques d'une révision de l'inflation à la baisse de
0,8 point, l'hypothèse de hausse des prix retenue dans le budget
étant de 1,3 %. Or, comme l'indique cette note, la révision de
l'inflation "
conduit à une dégradation spontanée
du solde des administrations publiques
". De surcroît,
"
le coût approximatif pour 1999 d'une surestimation de
l'inflation de 0,8 point en 1999 s'établirait à environ
4 milliards de francs
".
Votre commission s'interroge, par ailleurs, sur le fait que le gouvernement
n'ait pas envisagé cette révision du taux d'inflation au cours
des débats parlementaires, alors qu'elle était pressentie, comme
le prouve la note de la direction de la prévision. Il a toutefois
procédé à cette révision à l'occasion du
projet de collectif pour 1999.
•
Il arrive que des prévisions fluctuent de manière
importante dans le temps.
C'est le cas, par exemple, des prévisions relatives aux charges de la
dette, telles qu'elles apparaissent dans plusieurs notes successives de la
direction du trésor, comme le montre le tableau ci-après :
Prévisions de la charge de la dette pour 1999 et 2000
(en milliards de francs)
|
Note du
|
Note du
|
Note
du
|
Note du
|
||||
|
Dette brute |
Dette nette |
Dette brute |
Dette nette |
Dette brute |
Dette nette |
Dette brute |
Dette nette |
1999 |
253,8 |
237,8 |
- |
233,8 |
243,3 |
229,3 |
243,5 |
229,5 |
2000 |
- |
- |
- |
- |
247,5 |
232,1 |
251,5 |
234,7 |
Source : direction du trésor
Ainsi, les prévisions de charges de la dette nette pour 1999 ont
évolué, entre la note du 29 juin 1998 et celle du 10 août
1999, de 237,8 milliards de francs à 229,5 milliards, en
raison de la baisse des taux d'intérêt. Un mouvement inverse
semble se dessiner pour 2000, les prévisions de charges de la dette
nette s'étant accrues de 2,6 milliards en deux mois, passant de 232,1
milliards de francs à 234,7 milliards de francs.
2. Un cadre comptable inapproprié fournissant une information incomplète
L'Etat
,
à la différence d'une
entreprise
privée mais aussi d'une collectivité territoriale,
ne
dispose pas d'une comptabilité qui lui permette de connaître sa
réalité financière de façon précise, ce qui
démontre un certain archaïsme.
La comptabilité de l'Etat, en effet, est une comptabilité de
caisse, qui privilégie le suivi des opérations
budgétaires, c'est-à-dire que seuls sont
appréhendés les décaissements et les encaissements. Ce
cadre comptable permet de connaître avec précision
l'exécution de la dépense au niveau des chapitres
budgétaires, et fournit ainsi une information indispensable au
Parlement. Toutefois, il rend très délicate la description du
patrimoine de l'Etat.
En effet, faute d'une comptabilité en droits constatés,
l'ensemble des opérations du trésor ne figure pas au budget de
l'Etat, qui n'a ni compte de bilan, ni raisonnement en termes d'actif et de
passif.
L'Etat ne dispose ni d'une comptabilité patrimoniale, ni d'une
comptabilité d'engagement, ni d'une comptabilité
analytique : ses prévisions ignorent ainsi, par exemple, les
notions de provision et d'amortissement, ce qui a de graves
conséquences. Lorsque des investissements sont réalisés,
le fonctionnement n'est pas prévu, le renouvellement n'est pas
envisagé et l'amortissement n'est pas pris en compte.
Le chef du service de l'Inspection générale des finances, M.
Thierry BERT, voit dans cette situation la source du
"
caractère impécunieux de l'Etat
", sur
lequel il porte un jugement sévère : "
un certain
nombre de provisions, qui sont des provisions dont l'absence dans un bilan
bancaire entraînerait l'incarcération quasi-immédiate de
l'ensemble des responsables, ne sont jamais passées. L'Etat, dit-on, est
son propre assureur, sa propre garantie, il a l'éternité pour lui
etc. Moyennant quoi, aucun risque n'est pris en compte et aucune provision
n'est jamais passée
".
Ce système reste donc opaque, et ne favorise pas une diffusion
d'informations adaptée à la prise de décisions : la
comptabilité de l'Etat n'est pas encore une comptabilité
" décisionnelle ".
" Un ministère qui prétend donner des leçons au monde entier "
L'opacité du système d'informations est
préjudiciable au sein même des services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie.
Ainsi, M. Thierry Bert a indiqué à votre commission, lors de son
audition : "
nous n'arrivons pas nous-mêmes à
reconstituer le budget des directions, ni les personnels, ni les
rémunérations, ni le budget de fonctionnement, ni la
cohérence des implantations immobilières, ni en gros rien du
tout. Donc, nous sommes extrêmement peu satisfaits, c'est le moins de le
dire, de cette situation un peu surprenante pour un ministère qui
prétend donner des leçons au monde entier
".
Il poursuit : "
pourquoi est-on dans une situation de ce
type ? C'est tout simplement un alluvionnement de petites décisions
apparemment de faible importance, décisions individuelles, refus de
telle ou telle réforme structurelle, ayant créé une
situation qui est maintenant un véritable imbroglio
".
A cet égard, M. Jean-Jacques FRANÇOIS a estimé que
"
la comptabilité est l'une des techniques les plus en retard
concernant l'Etat
", considérant qu'il existait "
des
marges de progression considérables
". Pour autant, la
comptabilité de caisse ne doit pas disparaître : la
comptabilité en droits constatés doit en effet venir la
compléter.
3. Une évaluation de la dépense quasi-inexistante
Les
documents
dont votre commission a eu communication
ne comportent
que des informations de nature budgétaire ou comptable, mais
ne
portent jamais sur le rapport qualité/prix de la gestion publique.
La dépense publique, en France, ne fait pratiquement jamais l'objet
d'une analyse en termes de coût/efficacité : l'étude
de l'efficience des dépenses est trop souvent négligée, si
bien qu'il est extrêmement difficile de vérifier
a posteriori
si les résultats attendus d'un dispositif sont effectivement
atteints. Aucune conséquence n'en est alors tirée sur le niveau
des crédits inscrits au bénéfice dudit dispositif.
Un constat très sévère dressé lors des auditions
Si M.
Dominique Strauss-Kahn a indiqué que "
la direction du budget
"
pond
"
tous les jours des listes d'économies
supplémentaires à faire "
, ajoutant que
" c'est
la fonction de la direction du budget et c'est même un peu aussi sa
constitution
", il s'avère que ces propositions visent surtout
à éviter la surenchère de propositions de dépenses.
Du reste, comme l'a souligné l'ancien ministre, "
fort
heureusement, le ministre ne les voit pas arriver tous les jours et les filtres
successifs lui évitent qu'elles viennent encombrer son bureau
".
D'autres services de Bercy, pourtant, travaillent sur l'efficience des
politiques publiques. C'est notamment le cas de l'Inspection
générale des finances, dont le chef de service, M. Thierry Bert,
a indiqué à votre commission : "
nous ne participons
pas formellement à l'élaboration de la loi de finances, nous
participons globalement à tout ce qui est recherche d'économies,
recherche d'efficacité, amélioration générale de la
gestion
". Lors de son audition, M. Pierre Gisserot, ancien chef
du service de l'Inspection générale des finances, a
précisé qu'il avait fait procéder, en 1996 et 1997,
à une synthèse des économies budgétaires
résultant des études et propositions des rapports récents
de l'Inspection. En 1996, les 19 fiches d'économies
rédigées représentaient un montant total
d'économies de 47 milliards de francs. Ce montant s'établissait
à 28 milliards de francs pour 1997.
Ces économies sont évidemment indicatives, mais M. Thierry Bert a
tenu à exprimer un certain fatalisme eu égard aux suites
données à ces travaux : "
encore faut-il que les
propositions soient bonnes, et, si elles le sont, faut-il encore qu'elles
soient acceptées
".
Parmi les différentes études conduites par l'Inspection
générale des finances, il convient de citer l'analyse comparative
des administrations fiscales, les propositions de réorganisation du
système informatique, l'analyse comparative des systèmes de
contrôle de la dépense publique, ou encore une série de
travaux sur l'élaboration d'indicateurs de gestion.
En fait, le système français repose sur le contrôle de
la régularité juridique de l'engagement de la dépense, et
non sur son efficacité. Il a été conçu comme
pouvant donner lieu à un contrôle
a priori
et non
a
posteriori
.
Votre commission estime qu'il y a là matière à un grand
chantier pour la réforme de l'Etat
40(
*
)
.
CONCLUSION :
LA NÉCESSAIRE MATURATION DU DÉBAT
BUDGÉTAIRE EN FRANCE
L'enquête que votre commission des finances a
menée au
long des six derniers mois a d'ores et déjà contribué
à faire mûrir le débat sur les finances publiques dans
notre pays. La presse s'intéresse à l'évolution de la
situation mensuelle budgétaire. Le gouvernement n'hésite plus
à revoir régulièrement ses prévisions et à
tenir informée la représentation nationale sur l'exécution
budgétaire. Les commissions des finances des deux assemblées sont
maintenant destinataires chaque semaine des situations hebdomadaires
financières et budgétaires de l'Etat, leur permettant de suivre
de très près la situation des recettes et des
dépenses. Depuis la première loi de finances rectificative
pour 2000, à l'initiative de l'Assemblée nationale, les
commissions des finances, leurs présidents, rapporteurs
généraux et rapporteurs spéciaux sont dotés de
pouvoirs de contrôle plus étendus.
Depuis 1996, année des débuts de la publication de la situation
mensuelle, à aujourd'hui, le Parlement est passé d'un état
de quasi-ignorance sur les finances publiques à une information qui
commence à être consistante.
C'est une exigence démocratique. La France est la seule grande
démocratie industrialisée où le gouvernement
considère que le peuple et ses représentants sont indignes de
débattre sérieusement des finances publiques, et où il
leur sert, chaque année, quelle que soit sa couleur politique, une vaste
opération médiatique, dont on peut débattre 90 jours et
90 nuits, mais qu'on ne peut surtout pas toucher, et qui disparaît
ensuite à la vue, lorsque les choses sérieuses, c'est à
dire l'encaissement effectif des recettes, le décaissement réel
des dépenses, commencent.
Votre commission souhaite à cet égard faire entendre deux
messages, et contribuer à ouvrir une perspective.
Le premier message est le suivant : les gouvernements doivent cesser de
croire que la culture du secret, l'exclusivité de leur savoir sur la
situation des finances publiques du pays sont un élément
constitutif de leur pouvoir d'initiative et de gestion. Votre commission ne
conteste pas au gouvernement l'initiative des lois de finances et son
rôle dans leur exécution. Elle exige simplement, au nom du peuple
français, qui en a le droit, qui s'est doté en 1789 d'une
Assemblée nationale à cette fin, que le gouvernement rende
compte, fidèlement et rapidement de la gestion des finances des
français et de ce qu'il compte en faire. Le consentement à
l'impôt doit être éclairé. Cet éclairage ne
peut provenir que d'une information fiable sur son niveau et sur son
utilisation. Le fait que le Parlement soit bien informé, bien
éclairé, n'empêchera jamais le gouvernement de faire ses
propositions et de bien gérer.
Le second message est le suivant : contrairement à la situation qui
prévalait peut-être en 1958, on ne peut plus dire aujourd'hui que
l'éloignement du Parlement du pouvoir budgétaire est une garantie
de bonne gestion. Parmi les grands pays industriels, en particulier l'Union
européenne, la France est l'un de ceux dont les pouvoirs financiers du
Parlement sont les plus faibles. La France est aussi l'un de ceux dont les
déficits publics sont les plus importants, l'un des seuls qui n'ait pris
aucune mesure structurelle d'équilibrage à long terme de ses
budgets publics (fonction publique, retraites, assurance-maladie), bref, l'un
des plus mal gérés.
Nos partenaires qui ont mené des politiques vigoureuses de redressement
de leurs finances n'ont pu le faire que par une implication forte de leur
Parlement. Le pays dont le Parlement a les plus grands pouvoirs
budgétaires, les Etats-Unis, est en excédent depuis plusieurs
années et résorbe rapidement sa dette publique.
La perspective est celle qui a été ouverte à
l'Assemblée nationale : la réforme de l'ordonnance de 1959
portant loi organique relative aux lois de finances.
Votre commission entend prochainement contribuer à ce débat. Il
est nécessaire aujourd'hui de moderniser la gestion publique, et de
rééquilibrer les prérogatives respectives du Parlement et
du gouvernement.
Ces deux objectifs sont indissociables. C'est une grande ambition. Elle est
nécessaire pour une démocratie adulte.
CONTRIBUTION DE BERNARD ANGELS, SÉNATEUR DU VAL D'OISE ET DE PAUL LORIDANT, SÉNATEUR DE L'ESSONNE, AU RAPPORT DE LA MISSION D'ENQUÊTE CHARGÉE DE RECUEILLIR DES ÉLÉMENTS D'INFORMATION SUR L'ÉLABORATION ET L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCES
Le souci
de recueillir des éléments d'information sur l'élaboration
et l'exécution des lois de finances est une initiative,
intéressante, qui ne peut qu'améliorer les rapports entre
l'exécutif et le législatif, et ainsi offrir à nos
concitoyens plus de transparence sur l'ensemble des mécanismes de la
gestion publique.
En particulier, cette commission d'enquête nous a permis de mieux
comprendre les nombreux rouages de l'administration du Ministère des
Finances, lors de nos visites sur place. Ce travail a ainsi
complété les investigations que nous menons traditionnellement
par ailleurs, en tant que rapporteurs spéciaux, sur les fascicules
budgétaires qui nous sont dévolus.
Malheureusement, nous constatons, au nom de nos groupes respectifs, que les
travaux diligentés par la commission des finances du Sénat n'ont
pas été menés, avec toute l'objectivité
nécessaire. La lecture du rapport indique qu'une orientation
polémique a même été choisie, puisque son contenu se
focalise essentiellement et sans raison, sur l'année 1999.
Un examen plus sérieux aurait permis de voir que depuis toujours,
devrait-on dire, en tout cas, depuis plus de dix ans d'après nos propres
recherches, des écarts substantiels s'opèrent entre les lois de
finances initiales et l'exécution des recettes fiscales nettes, sous les
gouvernement de droite comme sous les gouvernements de gauche.
Cette constatation est courante, comme le montrent les chiffres de 1987, 1988,
1989, sur des périodes également de forte croissance, où
l'on a enregistré des écarts impressionnants entre les recettes
prévisionnelles et les recettes exécutées : 32 MMF,
41 MMF, 25 MMF. Ces écarts jouent à la hausse en période
de croissance, mais aussi à la baisse en période de
récession, comme ce fut le cas en 1996 où un écart de - 41
MMF avait été enregistré.
Pourquoi parler de phénomène de " dissimulation
volontaire " pour un phénomène somme toute habituel et
dépendant de la conjoncture ?
Si l'on veut revenir à l'année 1999, rappelons-nous que celle-ci
a été une année particulière sur le plan
économique : les crises asiatique et russe ont créé,
au début de l'année, le fameux " trou d'air ", qui a
fait réviser à la baisse nos hypothèses de croissance. Il
a fallu un certain temps, ensuite, pour constater l'existence d'un
renouvellement de la croissance.
L'exercice consistant à calibrer au plus juste les prévisions de
recettes fiscales est ardu pour le ministre qui doit souvent, et cela a
été le cas en 1999, arbitrer entre des hypothèses
différentes de ses services selon un poids moyen.
Par ailleurs, en 1999, un certain nombre de réformes fiscales ont
renforcé les effets calendaires sur l'impôt sur les
sociétés, l'IRPP et la TVA, ce qui a renforcé les
écarts entre les prévisions et les exécutions de recettes.
Il ne sert à rien de chercher des arguments politiques là
où il n'y en a pas et où seuls des phénomènes
techniques expliquent les fluctuations constatées.
La plupart des pays voisins ont connu d'ailleurs une situation identique et ont
eux aussi enregistré d'importantes plus values fiscales (entre 1.5 et
4%), contre 2% pour notre pays, sans qu'il leur soit reproché de
quelconques dissimulations !
Ces écarts, qui existent depuis toujours, sont régularisés
en loi de règlement : il n'y a donc aucun dysfonctionnement en
matière budgétaire.
Il est regrettable qu'une telle orientation politicienne ait été
donnée à ce rapport, alors que quasiment dans le même
temps, une réforme de l'ordonnance organique de 1959 sur les lois de
finances va venir en discussion dans les jours qui viennent. Si l'on souhaite
rehausser le rôle du parlement vis à vis de l'exécutif,
c'est bien plutôt dans cette direction de réforme qu'il faut
s'orienter et non dans des démarches aussi suspicieuses
qu'improductives.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 28 septembre 2000 sous la
présidence
de M. Alain Lambert, président, la commission a tout d'abord
procédé à l'examen des conclusions des rapporteurs de la
mission chargée de recueillir des éléments d'information
sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des
projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances.
Le président Alain Lambert a tout d'abord rappelé que les
prérogatives des commissions d'enquête accordées par le
Sénat à la commission des finances prendraient fin le 29
septembre, et qu'il convenait donc d'examiner les conclusions de
l'enquête.
Le président a ensuite passé la parole à M. Philippe
Marini, rapporteur général, pour l'exposé des principales
orientations du rapport. Les autres rapporteurs, MM. Bernard Angels, Roland du
Luart, André Vallet, Paul Loridant et le président Alain Lambert
en tant que rapporteur de la mission, sont ensuite intervenus.
Un débat s'est alors engagé auquel ont participé M.
René Ballayer, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Maurice Blin et Philippe
Adnot.
A l'issue de ce débat, et après réponse du rapporteur
général et du président, la commission a
décidé d'approuver le rapport et d'en rendre publiques les
conclusions.
ANNEXES
ANNEXE N° 1 :
PROGRAMME DE TRAVAIL
DATES |
Personnalité auditionnée |
Mardi 25 avril |
15
heures : M. Nicolas SARKOZY, ancien ministre du budget
|
Mercredi 26 avril |
10
heures : M. Christian SAUTTER, ancien ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie
|
Mardi 2 mai |
16
heures : M. Jean BASSERES, directeur général de la
comptabilité publique
|
Mercredi 3 mai |
10
heures : M. Denis MORIN, ancien directeur de cabinet du ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie
|
|
16 heures 30: M. Laurent FABIUS, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie |
Mardi 9 mai |
16
heures : M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC, directeur du budget
|
Mercredi 10 mai |
10
heures : M. François LOGEROT, président de la
première chambre de la Cour des comptes
|
Mardi 16 mai |
16
heures : M. Jean-Claude TRICHET, gouverneur de la Banque de France, ancien
directeur du trésor
|
Mercredi 24 mai |
Matin : Contrôle sur place des rapporteurs |
Mercredi 21 juin |
Matin : Contrôle sur place des rapporteurs |
Mardi 27 juin |
Après-midi : Contrôle sur place des rapporteurs |
Toutes les personnalités auditionnées ont été préalablement destinataires d'un questionnaire (voir modèles ci-joints). A l'exception de MM. Dominique STRAUSS-KAHN et Laurent FABIUS, elles y ont apporté des réponses écrites.
COMMISSION DES FINANCES
Questionnaire type - direction d'administration centrale
1 - Quel
est le rôle de votre direction dans l'élaboration et
l'exécution des lois de finances ? Quelles sont les missions
particulières de chaque sous-direction ? Quels sont les bureaux les
plus impliqués dans l'élaboration et le suivi de
l'exécution de la loi de finances ? Préciser leurs missions
spécifiques.
2 - De quelle manière votre direction intervient-elle dans
l'élaboration du programme pluriannuel de finances publiques ?
3 - De quelle manière et sous quelle forme le ministre
procède-t-il à ses arbitrages en matière budgétaire
et fiscale ?
4 - Comment votre direction évalue-t-elle les recettes fiscales et non
fiscales ?
5 - Quelles sont les principales notes que votre direction adresse au ministre
et à son cabinet afin de les tenir informés de la situation du
budget de l'Etat et des perspectives à moyen terme ? Selon quelle
périodicité sont-elles rédigées ?
6 - Comment les conférences budgétaires avec les
ministères " dépensiers " se
déroulent-elles ?
7 - Selon quelles modalités les contrats de gestion sont-ils
élaborés ? Quel est le montant, total et par
ministère, des économies qu'ils permettent de
réaliser ?
8 - Votre direction est-elle amenée, en cours d'exécution,
à constituer des " réserves " de crédits, en
fonction de l'évolution de la situation du budget de l'Etat ?
9 - Quelles sont les relations entre votre direction et les contrôleurs
financiers ? Ceux-ci lui adressent-ils des notes ? Quelles
instructions reçoivent-ils ?
10 - Lors de l'élaboration et l'exécution de la loi de finances,
les dépenses correspondant à des engagements pluriannuels de
l'Etat, notamment les contrats de plan, bénéficient-elles d'une
" sanctuarisation " particulière ?
11 - Comment votre direction du budget suit-elle les comptes spéciaux du
trésor ? Les fonds de concours ?
12 - Comment votre direction suit-elle l'évolution des recettes fiscales
et non fiscales ? Fait-elle des recommandations pour
accélérer ou décélérer la perception des
recettes ?
13 - Quelles sont les relations de votre direction avec les autres directions
du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et les
autres ministères dans le cadre de sa participation au travail de suivi
des finances publiques ?
14 - Où en est l'état de la réflexion de votre direction
sur les améliorations à apporter à la présentation
des lois de finances et aux documents budgétaires destinés
à l'information du Parlement ?
COMMISSION DES FINANCES
Questionnaire type - ministre
Elaboration de la loi de finances
1 - Comment les principaux indicateurs macroéconomiques présidant
à la préparation du projet de loi de finances sont-ils
élaborés puis arbitrés ?
2 - A quelle date les prévisions de recettes du budget
général de l'Etat sont-elles arrêtées ? Sur quels
éléments ?
3 - Quels sont les services qui établissent les prévisions pour
les recettes fiscales, les recettes non fiscales, les
prélèvements sur recettes, les fonds de concours, les comptes
spéciaux du trésor ? Quand et comment s'opère la
centralisation de ces données ? Quel est le rôle de la
réunion d'arbitrage des recettes fiscales évoquée dans le
rapport Bonnet-Nasse ?
4 - Comment sont évaluées les nouvelles mesures fiscales ?
5 - Indiquer à quelle période de l'année et selon quelles
modalités le ministre est destinataire des instructions du Premier
ministre relatives au volet dépenses du projet de loi de finances.
6 - Indiquer la façon dont les décisions ministérielles
sont arbitrées en ce qui concerne : le programme pluriannuel de finances
publiques, les départements ministériels prioritaires,
l'évolution des effectifs de la fonction publique, le montant des
économies à réaliser et les modalités retenues pour
y procéder.
7 - Quelle est la marge de manoeuvre des ministres
" dépensiers " dans la détermination des
enveloppes ?
8 - Quelle est la fréquence des réunions du ministre avec les
directeurs de l'administration centrale, d'une part, et avec les membres de son
cabinet d'autre part ?
Exécution de la loi de finances
9 - En dehors des situations mensuelles du budget de l'Etat, le ministre
reçoit-il des notes régulières sur l'exécution, en
recettes, de la loi de finances ? Par qui ? à quel
rythme ? Quels en sont les destinataires ?
10 - Existe-t-il des instructions pour accélérer ou
décélérer les rentrées de recettes fiscales ou non
fiscales ou des directives écrites ou orales ayant un impact sur les
recettes du budget de l'Etat ?
11 - Quand est-il décidé de procéder aux révisions
de recettes ?
12 - Comment le ministre est-il informé, et avec quelle
régularité, de l'exécution de la loi de finances en
matière de dépenses et d'évolution de la dette publique ?
13 - Quel type d'instructions le ministre est-il amené à donner
pour modifier le rythme d'exécution des dépenses (gels,
annulations, accélération, reports...) ?
14 - Comment est élaborée par la direction du budget la " liste
des dépenses et économies supplémentaires "
évoquée par le rapport Bonnet-Nasse ? Quel est le contenu et le
rôle joué dans ce domaine par les contrats de gestion ?
ANNEXE N° 2 :
LISTE DES DOCUMENTS DE SERVICE OBTENUS PAR LA
COMMISSION
DIRECTION DU TRÉSOR |
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Situations mensuelles de l'encours de la dette en 1999 et en 2000 |
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Echéancier trimestriel des obligations assimilables du Trésor (OAT) et des bons du Trésor à taux fixes et à intérêts annuels (BTAN) en 1999 et 2000 |
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Notes adressées au ministre au cours de l'année concernant les prévisions de la charge de la dette |
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- note n° 1303 CD-19 juin 1997 - Charges de la dette pour les exercices 1997 et 1998 |
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- note n° 1499 CD-29 juin 1998 - Charges de la dette pour les exercices 1998 et 1999 |
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|
- note n° 2160 CD-2 octobre 1998 - Impact de la baisse des taux à long terme sur les charges de la dette pour les exercices 1998 et 1999 |
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|
- note n° 2887 CD-29 décembre 1998 - Programme d'emprunt pour l'année 1999 |
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|
- note n° 1268 CD-10 juin 1999 - Prévision de charge de la dette pour 1999 et 2000 |
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|
- note n° 1686 CD-6 août 1999 - Actualisation des prévisions de charge de la dette pour 1999 et 2000 |
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- note n° 1727 CD-20 août 1999 - Politique de rachat de dette : enseignements pour la France de l'initiative du Trésor américain |
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|
- note n° 2034 CD-7 octobre 1999 - Politique de rachat de dette : effet sur le ratio dette/PIB et les dépenses budgétaires |
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- note n° 2435 CD-3 décembre 1999 - Versement de la CADES à l'Etat |
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- note n° 0031 CD-7 janvier 2000 - Remboursement de l'avance accordée au Fonds de Soutien des Rentes |
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Décisions ministérielles relatives aux versements de dotation en capital aux entreprises publiques pour les années 1993 - 1999 |
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Notes sur la mise en oeuvre des décisions ministérielles en 1999 |
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- note n° 543 CD-11 mars 1999 - Fonds Public pour le Capital-Risque : versement d'une tranche de 150 MF à la Caisse des Dépôts et Consignations |
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|
- note n° 1248 CD-8 juin 1999 - Présentation du Compte d'affectation spéciale 902-24 dans le cadre du PLF 2000 |
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- note n° 1730 CD - 30 août 1999 - Report de 1999 sur 2000 des prélèvements sur la Caisse des dépôts et consignations |
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- note n° 1774 CD-31 août 1999 - Versement d'une dotation en capital de 7,5 milliards de francs au profit de Réseau Ferré de France (RFF) |
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|
- note n° 1775 CD-1 er septembre 1999 - Versement d'une dotation en capital à la CGMF |
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|||||
|
- note n° 2309 CD-19 novembre 1999 - Perspectives du compte d'affectation spéciale des produits de cession de titres n° 902-24 en fin de gestion 1999 ; Instruction du ministre du 28 octobre 1999 |
|
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|
- note n° 2346 CD-24 novembre 1999 - Recapitalisation de la Caisse de Développement de la Corse (CADEC) |
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|
- note n° 06519 du 30 novembre 1999 du directeur des affaires juridiques - Non prélèvement de la totalité de la somme fixée par le décret n° 99-336 du 3 mai 1999 |
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|||||
|
- note n° 2466 CD-7 décembre 1999 - Prélèvements 1999 et 2000 sur les fonds d'épargne |
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|||||
|
- note n° 2485 CD-9 décembre 1999 - Versement de dotations en capital pour EMC-CDF |
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|
- note n° 2541 CD-17 décembre 1999 - Compte d'affectation spéciale n° 902-24. Fin de gestion 1999 |
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|
- note n° 0016 CD-5 janvier 2000 - Soutien bilatéral au Brésil. Versement à la France de la prime de garantie |
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|
- note n° 105 CD-18 janvier 2000 - Versement de dotations en capital à l'Etablissement public de financement et de réalisation (EPFR), la Compagnie générale maritime et financière (CGMF), Charbonnages de France (CDF) et au Réseau Ferré de France (RFF) |
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DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE |
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- Note n° CD 0574 du 12 février 1999 - Résultats du recouvrement de l'impôt par le réseau du Trésor public au cours de l'année 1998 |
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- Note n° CD 3040 du 12 août 1999 - Suivi des délais de paiement des trésoreries générales - document de synthèse -1998 |
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- Note n° CD 3485 du 6 octobre 1999 - Communiqué de presse. Mesure exceptionnelle de solidarité |
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|
- Note n° CD 3598 du 18 octobre 1999 - Effacement des dettes fiscales des chômeurs surendettés |
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|
- Note n° CD 88 du 11 janvier 2000 - Intempéries du 25 au 29 décembre 1999 |
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- Note n° CD 222 du 28 janvier 2000 - Effacement des dettes fiscales et de redevance audiovisuelle pour les chômeurs surendettés - Allégement des dettes fiscales et de redevance audiovisuelle pour les personnes en situation de grande difficulté sociale |
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|
- Note n° CAB:OG N14 du 4 mars 1999 - Résultats du recouvrement de l'impôt par le réseau du Trésor public en 1998 |
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- Note de la secrétaire d'Etat du 24 janvier 2000 - Apurement des reversements de fonds n'ayant pu donner lieu à rétablissement de crédits |
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- Note du ministre du 28 janvier 2000 - Comptabilisation d'une opération au profit de comptes de commerce militaire |
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|
- Note du ministre du 28 janvier 2000 - Régularisations d'imputations provisoires |
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- Note du ministre et de la secrétaire d'Etat du 28 janvier 2000 - Régularisations comptable |
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- Note du ministre et de la secrétaire d'Etat du 28 janvier 2000 - Prêts aux Etats étrangers |
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|
- Brochure : les flux financiers franco-européens en 1999 |
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- Document daté du 26 juin 2000 - Les délais de paiement publics - Approches statistiques de la DCGP |
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|
- Note relative au contrôle financier déconcentré |
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- Lettre mensuelle sur le recouvrement de l'impôt - décembre 1999 |
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- Note non numérotée, non datée (Bureau 4A) - Campagne 1999 d'adhésion à la mensualisation et au prélèvement à la date limite de paiement |
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- Instruction codificatrice n° 95-027-A1 du 1 er mars 1999 - Recouvrement de l'impôt par voie de rôle |
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DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS |
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- Fiche n° 1040LK7 du 30 juin 1997 - PLF 1998. Emissions de rôles et de recettes budgétaires : actualisation des prévisions pour 1997 et pour 1998. |
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|
- Document interne non daté, non numéroté - Dépenses fiscales PLF 1999. Réunion d'arbitrage du 9 juillet 1998 |
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|
- Bordereau d'envoi n° AD5/98008844 du 11 juin 1999 sans document joint - Actualisation de la liste des dépenses fiscales du Tome II des Voies et Moyens annexé au PLF 1999 |
|
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|
- Fiche d'information n° 897/MB/99 du 12 juillet 1999 - Perspectives des recettes budgétaires. Actualisation des évaluations de la loi de finances initiale 1999 et prévisions pour 2000 |
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- Notes mensuelles (année 1999) - TVA - Recouvrements perçus par la DGI |
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- Notes rapides sur l'évolution des recouvrements et émissions de rôles (année 1999) |
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|
- Instruction 5P-1-99 n° 17 du 28 janvier 1999 - Emissions des rôles |
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- Bordereau d'envoi n° AD5/98021730 du 30 juillet 1998 avec document joint - PLF 1999. Edition du fascicule des dépenses fiscales |
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- Document non numéroté, non daté - Tableau des dépenses fiscales sensibles. PLF 1999 |
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- Bordereau d'envoi n° MTB/EB n° 46212000 du 9 juin 2000 avec document joint - Bilan du plan d'action national et tripartite de lutte contre l'économie souterraine |
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- Note du 19 juin 2000 - La DGI et la lutte contre la fraude à la TVA |
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- Instruction 12C-18-99 n° 225 du 8 décembre 1999 - Traitement des créances complexes |
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- Fiche technique sur les dépenses fiscales relatives à l'épargne et pièces jointes - Note n° DZ-98-197 de la direction de la prévision du 16 juillet 1998 - Méthodologie de chiffrage des dépenses fiscales relatives aux revenus de l'épargne retenue par le direction de la prévision |
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- Fiche du 27 juillet 1998 de calcul des dépenses correspondant au dispositif PERISSOL, à l'amortissement dégressif et à la redevance pour droit d'usage des récepteurs de télévision |
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- Bordereau d'envoi n° D0/2000013474 du 16 mai 2000 et document joint - Frais de gestion de la fiscalité directe locale |
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- Note n° 770/GG/00 non datée - Rythme des émissions d'impôt sur le revenu au cours des années 1997, 1998 et 1999 |
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- Note n° DM 02571 1999 du 16 juin 1999 - Emission des avis d'impôt sur les revenus de 1998 |
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- Note non numérotée, non datée - Contribution représentative du droit de bail |
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- Dépenses fiscales PLF 2000 - Eléments d'information relatifs à l'exercice 1999 : modification des évaluations ; tableau d'arbitrage |
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- Note non numérotée du 27 juin 2000 - Procédure d'imputation provisoire et les anomalies éventuelles liées à l'imputation des paiements par virement |
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DIRECTION DE LA PRÉVISION |
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- Budgets économiques d'été - Août 1998 |
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- Budgets économiques d'hiver - Février 1999 |
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- Budgets économiques d'été - Août 1999 |
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- Administrations publiques - Compte provisoire 1999 |
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- Note n° D1-99-013 du 21 janvier 1999 - Impact sur les finances publiques d'une révision de l'inflation de 0,8 point |
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- Note n° A1-99-028 du 23 février 1999 - Prévisions macroéconomiques 1999-2000, principaux résultats des budgets économiques d'hiver |
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- Note n° D2-99-221 du 16 août 1999 - La prévision d'impôt sur les sociétés aux budgets économiques - Fiches techniques jointes |
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- Note n° A1-99-093 du 18 août 1999 - Prévisions macroéconomiques 1999-2000, principaux résultats des budgets économiques d'été |
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- Note n° A1-99-100 du 25 août 1999 - Principaux enseignements des budgets économiques d'été |
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- Notes n° D2-99-234 et D2-99-209 du 26 août 1999 - Les prélèvements obligatoires dans les budgets économiques d'été |
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DIRECTION DU BUDGET |
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- Note n° 1A-99-013 du 14 janvier 1999 - Premiers éléments de réflexion sur l'adaptation de la LFI 1999 à l'évolution du contexte économique et budgétaire |
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- Note n° 1D-99-141 du 7 avril 1999 - Prévision d'exécution 1999 associée à l'esquisse 2000 |
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- Note n° 1D-99-205 du 9 juin 1999 - Conditions d'une suppression éventuelle de la période complémentaire |
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- Note n° 1D-99-374 du 13 juillet 1999 - Prévision d'exécution 1999 du budget de l'Etat associée aux premières phases 2000 |
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- Note n° 1A-99-558 du 25 octobre 1999 - Projet de collectif 1999 |
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- Note n° 1D-99-563 du 26 octobre 1999 - Prévision d'exécution associée à la maquette du projet de collectif 1999 |
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- Note n° 1A-99-631 du 24 novembre 1999 - Arrêté d'annulation associé au projet de loi de finances rectificative pour 1999 |
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- Note n° 1D-99-667 du 14 décembre 1999 - Prévision d'exécution associée aux arbitrages du collectif (décembre 1999) |
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- Tableau de bord interdirectionnel des recettes fiscales (année 1999) |
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- Tableau de bord budgétaire (année 1999) |
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- Note n° 1A-99-465 du 1 er septembre 1999 - Décret d'avances |
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- Situation hebdomadaire, budgétaire et financière de l'Etat (SH) du 4 février 1999 |
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- Lettres du ministre et du secrétaire d'Etat du 23 mars 1999 - Contrats de gestion 1999 |
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- Tableau chiffré - Prévisions de recettes : arbitrages des 6 février 1998, 7 juillet 1998, 11 février 1999, 2 septembre 1999 |
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- Note n° 1A-99-671 du 8 décembre 1999 - Financement des décisions en faveur des bénéficiaires de minima sociaux |
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- Note n° 1A-99-691 du 8 janvier 2000 - Projet de rapport sur le hors-bilan de l'Etat |
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- Notes d'information : situation du budget de l'Etat au 28 février 1999, 31 mars 1999, 30 avril 1999, 31 mai 1999, 30 juin 1999, 31 juillet 1999, 31 août 1999, 30 septembre 1999, 31 octobre 1999, 30 novembre 1999 |
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- Liste des notes de la 1 ère sous-direction en 1999 |
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- Réponse aux demandes de la Commission des finances sur 10 années de finances publiques |
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ANNEXE N° 3 :
DOCUMENTS DE SERVICE
REPRODUITS
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Pages |
- Note du 8 avril 1997 du directeur du budget : prévision d'exécution du budget 1997 associée aux perspectives pour 1998 |
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- Note du 10 juin 1999 du directeur du trésor : prévision de charge de la dette pour 1999 et 2000 |
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- Note du 13 juillet 1999 du directeur du budget : prévision d'exécution 1999 du budget de l'Etat associée aux premières phases 2000 |
|
- Note du 25 août 1999 du directeur de la prévision : principaux enseignements des budgets économiques d'été |
|
- Note du 7 octobre 1999 du directeur du trésor : politique de rachat de dette : effet sur le ratio dette / PIB et les dépenses budgétaires |
|
- Note du 25 octobre 1999 du directeur du budget : projet de collectif 1999 |
213 |
- Note du 26 octobre 1999 du directeur du budget : prévision d'exécution associée à la maquette du projet de collectif 1999 |
|
- Note du 7 décembre 1999 du directeur du trésor : prélèvements 1999 et 2000 sur les fonds d'épargne |
|
- Note du 7 janvier 2000 du directeur du trésor : remboursement de l'avance accordée au Fonds de soutien des rentes |
|
- Situation hebdomadaire, budgétaire et financière de l'Etat (S.H.) : situation au 4 février 1999 |
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ANNEXE N° 4 :
LES GRANDES ÉTAPES DE LA
PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
A.
LE RÔLE DE LA DIRECTION DU BUDGET
Le déroulement du processus administratif d'élaboration du projet
de loi de finances couvre une période de plus de dix mois,
constituée de plusieurs étapes, chacune d'entre elles donnant
lieu à des arbitrages ministériels et interministériels.
La procédure budgétaire comporte deux moments importants :
la définition de la stratégie budgétaire d'une part, et la
préparation du budget proprement-dite d'autre part.
• La définition de la stratégie budgétaire
Au cours de cette période, qui va du mois de décembre n-2 au mois
de mars n-1, l'information du ministre repose fondamentalement sur les
directions du budget et de la prévision. Il s'agit de disposer d'un
éclairage sur la situation économique probable à horizon
de quatre ans mais aussi sur les besoins des administrations et les souhaits
des ministres pour que le ministre des finances puisse proposer au Premier
ministre les grands choix, en matière de dépenses.
La direction du budget procède, entre les mois de décembre et
février, à un exercice interne de perspectives
budgétaires, qui se déroule en deux étapes :
- Première étape : la programmation pluriannuelle
stratégique
Les travaux de projection conduits par les différents bureaux et
synthétisés par le bureau 1A conduisent à retenir un
sentier d'évolution des finances publiques à horizon n+3.
Ce travail donne lieu à la rédaction d'un document
dénommé " programmation " qui comporte, outre une note
de synthèse sur la problématique définie par chaque bureau
sectoriel de la direction du budget, une description de la dépense.
Toutefois, les dossiers de programmation ne décrivent pas la
dépense au niveau des chapitres budgétaires, mais selon une
présentation simplifiée en postes fonctionnels. Il s'agit en
effet, pour la direction du budget, et alors que la loi de finances initiale de
l'année n-1 vient juste d'être adoptée, de mener un
exercice prospectif poursuivant un double objectif : s'assurer des
conditions d'application du programme pluriannuel de finances publiques, et
fournir une première esquisse macro-budgétaire du projet de loi
de finances de l'année n.
Cette première étape de la programmation donne lieu à la
rédaction de deux séries de documents :
• le programme pluriannuel de finances publiques, établi
conjointement avec la direction de la prévision, qui est notifié
aux institutions communautaires ;
• la note de programmation stratégique du directeur du budget,
accompagnée des dossiers thématiques et des documents horizontaux
qui la détaillent.
- Deuxième étape : l'analyse de la reconduction, qui
aboutit à la préparation de l'esquisse du projet de loi de
finances de l'année n.
Les résultats des travaux de programmation sont affinés à
partir de l'analyse de l'exécution du dernier exercice connu, celui de
l'année n-2, clos deux mois plus tôt. Les réunions de
reconduction avec les ministères, qui se tiennent en février,
permettent d'évaluer de manière contradictoire le niveau des
services votés et de préciser les mesures nouvelles et les
éventuelles économies.
L'esquisse macro-budgétaire du dossier de programmation est alors
affinée. Les dépenses de chaque secteur sont décrites au
niveau des chapitres budgétaires, et chacune des positions
proposées est justifiée de façon argumentée.
A la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril, le directeur du
budget expose alors au ministre du budget le contenu de son esquisse
, en
particulier le rythme de progression des dépenses, une sélection
des priorités budgétaires, des propositions d'économies.
Cette esquisse est accompagnée d'une analyse de l'évolution des
comptes des autres administrations publiques - administrations de
sécurité sociale, organismes divers d'administration centrale,
administrations publiques locales - afin d'évaluer l'évolution du
besoin de financement et de la dette dans le cadre du périmètre
fixé par le traité de Maastricht. L'ensemble de ces documents
permettent au ministre du budget de valider ou d'amender l'esquisse
budgétaire, qui est ensuite présentée au Premier ministre.
• La préparation du budget
La préparation du budget proprement-dite comprend deux phases
principales :
- de mai à juillet : la phase de négociation et
d'arbitrage
Cette première phase donne lieu aux discussions entre la direction du
budget et les ministères, chacun d'entre eux préparant ses
propositions qui comprennent la reconduction des moyens indispensables au
maintien des services publics, des mesures nouvelles que le ministre souhaite
mettre en place et pour lesquelles des moyens financiers supplémentaires
sont nécessaires et, comme l'indique la direction du budget
elle-même, "
parfois, des propositions
d'économies
".
Comme on le voit, ces discussions sont essentiellement axées sur la
reconduction des services votés et sur la négociation de
crédits supplémentaires.
La direction du budget a toutefois
indiqué à votre commission que "
dans l'optique de la
réforme de la procédure budgétaire,
[...]
les
conférences budgétaires sont consacrées à l'examen
des économies et des mesures nouvelles prioritaires
", les
sujets techniques ayant été traités à l'occasion
des réunions de février.
C'est en effet au cours du mois de mai qu'ont lieu les conférences
budgétaires.
Les conférences budgétaires
Les
conférences budgétaires s'organisent en trois temps.
Une première réunion dite de " reconduction " marque le
point de départ des discussions interministérielles.
Les conférences budgétaires dites " de première
phase " devant se concentrer sur la recherche d'économies et de
marges de redéploiement au profit des priorités du gouvernement,
il est apparu nécessaire, en 1996, de rationaliser la procédure
de préparation du projet de loi de finances et d'examiner plus tôt
dans l'année les sujets d'ordre technique.
La direction du budget et les services de chacun des ministères se
rencontrent donc dès le mois de février afin de :
- dresser un bilan des conditions d'utilisation des dotations
budgétaires de l'année précédente de manière
à aboutir à une analyse critique de l'exécution de la
dépense publique ;
- confronter leur estimation du budget de reconduction, ou budget
préparatoire, qui constitue le socle des dépenses incompressibles
à politique publique inchangée, à partir duquel pourront
débuter les discussions sur les économies et les mesures
nouvelles au cours des conférences budgétaires.
Dans un second temps, débutent les conférences budgétaires
proprement-dites, " de première phase " puis " de seconde
phase ".
Le ministre est tenu informé des points de désaccord qui
nécessitent le cas échéant un arbitrage des cabinets, des
ministres eux-mêmes ou du Premier ministre. Des dossiers d'arbitrage
sectoriel sont ainsi constitués au mois de juin pour chaque budget.
Selon les informations communiquées à votre commission, il
n'existe pas de comptes-rendus des réunions d'arbitrage que sont les
conférences budgétaires. La direction du budget lui a en effet
indiqué que "
ces conférences budgétaires sont
organisées de manière très souple et ne sont soumises
à aucun formalisme particulier
", ajoutant que "
les
accords passés avec les ministères techniques sont le plus
souvent tacites. Il faut souligner qu'aucune procédure spécifique
n'a été formalisée en matière de compte-rendu de
ces conférences, bien que certaines tentatives en ce sens aient pu
être expérimentées dans le passé
".
Au cours des conférences budgétaires, la direction du budget
remplit une mission fondamentale : celle de " gardien du
temple " budgétaire.
En effet, elle doit alors faire respecter le cadre macro-budgétaire
défini en amont par le gouvernement, veiller à la
réalisation d'économies mais aussi au financement de ses
priorités, et respecter les limites des crédits. C'est sans doute
à cette occasion que la direction du budget a acquis sa
réputation de " dire toujours non ".
- en août et septembre : la phase de mise au point
définitive du projet de loi de finances
A ce stade, l'essentiel du volet dépenses est déterminé.
Il subsiste certains ajustements techniques à réaliser. Il faut
également préciser les mesures nouvelles accordées et
examiner les éventuels redéploiements de crédits
proposés par les ministères, dans le respect des plafonds
fixés. La direction du budget et les services de différents
ministères se rencontrent alors de nouveau :
ce sont les
conférences budgétaires de deuxième phase.
Elles
donnent également lieu à des arbitrages, mais qui sont beaucoup
moins nombreux qu'en première phase. Les " bleus "
budgétaires sont alors élaborés.
Une fois déterminé le solde budgétaire, le projet de loi
de finances est soumis au Conseil d'Etat, qui se prononce sur la
légalité des articles proposés et sur leur
rédaction. Puis il est présenté et adopté en
Conseil des ministres à la mi-septembre.
Débute alors la phase parlementaire d'examen du projet de loi de
finances.
B. LE RÔLE DES AUTRES DIRECTIONS DU MINISTÈRE
1. La direction de la prévision
Les missions de la direction de la prévision sont de trois ordres.
• Son premier rôle consiste à prévoir, par la
procédure bi-annuelle des budgets économiques, les principaux
agrégats macroéconomiques, élaborés dans le cadre
de la comptabilité nationale.
Les budgets économiques d'hiver
, dont les travaux techniques
débutent en décembre et dont les résultats finaux sont
transmis au cabinet du ministre au mois de mars, traitent de l'année qui
vient de s'écouler, de l'année en cours et de l'année
à venir. Pour cette dernière, ils visent notamment à
arrêter les hypothèses macroéconomiques utilisées
pour préparer le projet de loi de finances.
En matière de finances publiques, les budgets économiques d'hiver
permettent d'éclairer les termes de l'arbitrage entre dépenses
publiques, prélèvements obligatoires et déficit public, en
amont de la préparation du projet de loi de finances. Ils permettent
également d'apprécier l'incidence de la conjoncture sur le solde
public et l'impact macroéconomique des finances publics.
Les budgets économiques d'été
sont
élaborés entre les mois de juillet et septembre. Cet exercice
permet d'affiner la préparation du projet de loi de finances.
• Le deuxième rôle de la direction de la prévision
consiste à participer aux travaux du conseil de politique
économique qui concernent occasionnellement les questions
budgétaires.
Comme cela a déjà été indiqué, la direction
de la prévision participe à l'élaboration du programme
pluriannuel de finances publiques, régulièrement à l'ordre
du jour du conseil de politique économique.
• Enfin, la direction de la prévision réalise certains
documents publics tels que le rapport économique, social et financier
(RESF) annexé au projet de loi de finances. Elle élabore
également, conjointement à la direction du budget, le rapport
déposé par le gouvernement dans le cadre du débat
d'orientation budgétaire.
2. La direction du trésor
La direction du trésor intervient à plusieurs titres dans
l'élaboration du projet de loi de finances.
Elle participe, en liaison avec la direction du budget et la direction de la
prévision, à l'élaboration de la stratégie à
moyen terme d'évolution des finances publiques françaises dans le
cadre du programme pluriannuel de finances publiques transmis aux institutions
communautaires. Ledit programme est présenté devant le
comité économique et financier européen avant la
discussion par le conseil Ecofin, le représentant français au
comité étant issu de la direction du trésor.
La direction du trésor gère également plusieurs chapitres
budgétaires et, à ce titre, contribuent en liaison avec la
direction du budget, à l'élaboration de la loi de finances.
Les principaux chapitres sont les suivants :
- la charge de la dette négociable ;
- les dispositifs de financement du logement ;
- l'aide publique au développement, les dotations internationales, les
prêts du trésor, le commerce extérieur ;
- le compte d'affectation spéciale des produits de cession de titres du
secteur public ;
- les prêts du Fonds de développement économique et social
(FDES).
La prévision de la charge de la dette
La
prévision de la charge de la dette qui figure dans le projet de loi de
finances repose sur deux éléments :
- des hypothèses conventionnelles de financement de l'Etat pour
l'année n+1, élaborées en n à partir du
déficit budgétaire du projet de loi de finances et des
amortissements de l'année à venir : ces hypothèses
peuvent différer du programme de financement indicatif publié par
le ministre en début d'année n+1 pour tenir compte du
déficit budgétaire effectivement voté par le Parlement et
des éventuels rachats de dette effectués en fin d'année n
sur des titres de maturité n+1 ;
- des hypothèses de taux d'intérêt tirées de la
revue
Consensus forecast
: pour la France, cette revue reprend les
prévisions de dix-neuf banques, instituts de conjoncture et
entreprises ; la moyenne de ces prévisions permet de dégager
un
consensus de marché
sur les taux d'intérêt
à 3 mois et à 10 ans, dans trois mois et dans un an.
Le calendrier de prévision de la charge de la dette est le suivant :
- une première estimation de la charge de la dette est
réalisée en avril de l'année n dans la perspective de la
conférence budgétaire budget/trésor qui a lieu
traditionnellement au début du mois de mai ; les hypothèses
de taux d'intérêt sont celles du consensus de marché
publié à la fin du mois d'avril ;
- une deuxième prévision est effectuée à la fin du
mois de juin, avant la transmission des lettres-plafonds applicables, au budget
des charges communes ; les hypothèses de taux
d'intérêt utilisées sont celles du consensus de
marché du mois de juin ;
- enfin, de nouvelles prévisions sont réalisées lors de
l'élaboration des lois de finances rectificatives ou lorsque des
évolutions de marché le rendent nécessaire.
3. La direction générale de la comptabilité publique
Le rôle de la direction générale de la comptabilité
publique dans l'élaboration du volet dépenses du projet de loi de
finances est limité, puisqu'elle intervient essentiellement en
matière de prévision des recettes.
Il est plus important en revanche s'agissant du projet de loi de
règlement, puisque, outre le projet de loi lui-même, cette
direction générale élabore le compte général
de l'administration des finances, qui retrace les résultats annuels,
à la fois sous une optique budgétaire et patrimoniale.
Le document ci-après récapitule les grandes étapes de
l'élaboration du projet de loi de finances, tant du côté
des services de Bercy que de celui du Parlement :
GOUVERNEMENT |
PARLEMENT |
Au
cours du
premier trimestre
le ministère du budget
procède à une
PHASE INTERNE d'élaboration des
perspectives budgétaires
qui aboutissent à un
" cadrage ".
|
|
Au mois d'avril le premier ministre envoie à chaque ministre des " lettres de cadrage " qui définissent pour chaque département ministériel l'évolution de ses crédits au sein du budget de l'Etat. |
De janvier à septembre : PHASE DE CONTRÔLE. Le Parlement, à travers ses différentes commissions et notamment sa commission des finances procède à des contrôles de l'exécution du budget voté. |
Avril-mai
: une PHASE CONTRADICTOIRE
commence
entre le ministère du budget et les autres ministères (dits
" dépensiers ").
|
|
Juin
: PHASE D'ARBITRAGE.
Les dossiers de
désaccord sont soumis à l'arbitrage au niveau des ministres
" dépensiers " et du ministre du budget.
|
Mai-Juin
: débat d'orientation
budgétaire
à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Ce débat est préparé à partir d'un document
déposé par le gouvernement et par les rapports des commissions
des finances. Il intervient avant l'envoi des " lettres-plafonds ".
|
GOUVERNEMENT |
PARLEMENT |
Juillet-août
sont consacrés aux
" conférences de deuxième phase "
qui
réunissent les bureaux compétents du ministère du budget
et leurs équivalents de chaque ministère. Elles
définissent précisément les dotations budgétaires
par ligne de crédits (chapitres subdivisés en articles) à
l'intérieur du plafond arrêté.
|
Juillet-août : publication du rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances de l'année N-2. Elle permet un questionnement complémentaire des rapporteurs spéciaux aux ministères. |
Août : PHASE D'ELABORATION : les documents budgétaires législatifs (" bleus ") sont établis par chaque ministère et avalisés par la direction du budget. |
|
Septembre :
la commission des comptes
économiques de la nation
est réunie.
|
Septembre-octobre : travaux des commissions parlementaires, auditions et rédaction des rapports de la commission des finances (sur les recettes, les dépenses et l'équilibre) et des avis des autres commissions (sur les dépenses). |
|
2 octobre : ouverture de la session unique du Parlement. |
|
Discussion en première lecture à l'Assemblée nationale qui dispose de 40 jours pour discuter le budget. |
|
Discussion en premier lecture au Sénat qui dispose de 20 jours pour l'examen de la loi de finances. |
|
Navettes et commission mixte paritaire (environ 8 jours). |
|
Adoption définitive. |
|
Éventuelle saisine du Conseil constitutionnel. |
|
Promulgation le 31 décembre. |
ANNEXE N° 5 :
COMMENT MIEUX CONNAÎTRE LA SITUATION
BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE DE L'ÉTAT
Au cours
de son audition devant votre commission, le directeur général de
la comptabilité publique a indiqué que "
nous envisageons
de moderniser la comptabilité de l'Etat
".
Cette réforme poursuit
quatre objectifs :
- essayer de doter l'Etat d'un système comptable plus proche du droit
commun ;
- intégrer dans les comptes une information enrichie sous l'angle
économique ;
- soutenir une démarche de performance dans la gestion des services
publics ;
- assurer un meilleur suivi et une plus grande lisibilité des
engagements de l'Etat à moyen et long terme.
Le compte général de l'administration des finances pour
1999
, annexé au projet de loi de règlement de ladite
année, comporte des premiers éléments répondant
à ces objectifs :
il
continue de reposer sur une
comptabilité de caisse, mais l'enrichit d'éléments
patrimoniaux grâce à l'introduction d'éléments
exprimés en termes de bilans et de comptes de résultat
.
Il s'agit notamment de :
- la meilleure valorisation des immobilisations non financières et
l'introduction, pour la première fois concernant les matériels et
les équipements, de dotations aux amortissements : par exemple, les
avancées réalisées en 1999 ont permis de valoriser de 500
milliards de francs les immeubles détenus par l'Etat, et recensés
au Tableau général permanent des propriétés de
l'Etat (TGPE) ;
- l'amélioration de la lisibilité du compte qui retrace les
dotations et participations de l'Etat, les comptes consolidés et pas
seulement les comptes sociaux des principales entreprises publiques
étant prises en considération ;
- la comptabilisation de la dette en droits constatés en non plus en
encaissements/décaissements ; ainsi, la totalité des charges
de la dette inscrites au budget de l'Etat est retraitée en droits
constatés, en vertu du règlement communautaire relatif à
la comptabilité européenne - le SEC 95 -, les
intérêts courus non échus étant pris en
compte ;
- la création d'une provision pour dépréciation des
créances fiscales ;
- la présentation, pour la première fois, dans une annexe
relative au hors-bilan, d'engagements à moyen et long terme de l'Etat.
Une première prise en compte du hors-bilan
Le compte général de l'administration des finances pour 1999
comporte, pour la première fois, une annexe qui tente de préciser
les engagements à moyen et long terme de l'Etat.
Trois secteurs d'intervention ont été retenus :
- les retraites des fonctionnaires de l'Etat des régimes
spéciaux : toutefois, aucune indication chiffrée ne figurera
dans l'annexe, seule une méthodologie étant
précisée. Il convient cependant de rappeler que l'article 117 de
la loi de finances pour 1999 adopté à l'initiative de votre
commission dispose que "
Le gouvernement dépose tous les
deux ans en annexe au projet de loi de finances de l'année
un rapport
sur les rémunérations et les pensions de retraite
versées au cours des deux années précédentes,
à quelque titre que ce soit, à l'ensemble des fonctionnaires
soumis aux dispositions du présent titre
[...]
S'agissant des
retraites, il comporte des éléments de comparaison avec le
régime général et les régimes
spéciaux
". Ce rapport ainsi complété devrait
être déposé pour la première fois en annexe au
projet de loi de finances pour 2001 ;
- les engagements de l'Etat en matière d'épargne-logement :
l'engagement potentiel maximal a été estimé à 50
milliards de francs ;
- les garanties accordées par l'Etat aux entreprises, ainsi que les
garanties à l'exportation passant par l'intermédiaire de la
COFACE : ces engagements représentent 247 milliards de francs
pour les premières et 534 milliards de francs pour les secondes.
Soit un total, hors pensions publiques, de 831 milliards de francs.
Il convient toutefois de préciser que le ministère de
l'économie et des finances n'en est qu'à l'étape de la
connaissance des engagements et pas de leur mode de comptabilisation.
ANNEXE N° 6 :
RÉPONSES DE LA DIRECTION DU BUDGET AU
QUESTIONNAIRE " DONNÉES BUDGÉTAIRES SUR DIX ANS DE FINANCES
PUBLIQUES (1989-1999) "
En
finir avec le mensonge budgétaire
Enquête sur la transparence
très relative des comptes de l'Etat
Le
Parlement, et par conséquent le peuple français dont il est la
représentation, est trop souvent " laissé pour compte "
dans les débats budgétaires : ni consulté par le
gouvernement lors de la préparation du budget, ni écouté
lors de la discussion de la loi de finances, il rencontre même de grandes
difficultés pour contrôler l'exécution du budget qu'il a
lui-même adopté !
Confrontée à cette question essentielle pour le bon
fonctionnement de notre démocratie, la Commission des finances du
Sénat a, pour la première fois depuis 1958, enquêté
pendant six mois sur cette matière technique en plongeant au coeur du
fonctionnement de Bercy.
Etudiant les conditions concrètes de préparation de la loi de
finances et les moyens du suivi budgétaire à la disposition du
gouvernement, elle a souhaité en présenter les mécanismes
de façon pédagogique et claire. A ce titre elle a notamment
examiné l'année 1999, dernier exercice budgétaire complet,
et reconstruit la chronologie de " l'affaire de la cagnotte ".
A l'évidence, nos textes et nos pratiques doivent rapidement
évoluer, si l'on veut répondre aux exigences croissantes de
transparence qui caractérisent l'évolution de notre
société. Les " politiques " y retrouveront,
auprès de l'opinion, le crédit dont ils ont besoin pour
revivifier la démocratie.
1
Loi n° 2000-656 du 13 juillet
2000 de
finances rectificative pour 2000 (articles 28 à 31).
2
Rapport général n° 89 (1999-2000) tome I,
pages 91 à 96.
3
Le 9 février 2000, le gouvernement a présenté
devant votre commission les résultats de l'exécution
budgétaire 1999. Le 15 mars 2000, il a détaillé
ces résultats et tracé les perspectives pour 2000.
4
Le surplus des recettes fiscales s'est finalement
élevé à 30,7 milliards de francs.
5
Un pas supplémentaire a été franchi avec
l'adoption de la résolution du Conseil européen relative au pacte
de stabilité et de croissance prise à Amsterdam le 17 juin 1997.
Elle prévoit notamment que " les Etats-membres s'engagent à
respecter l'objectif à moyen terme d'une position proche de
l'équilibre ou excédentaire ".
6
Présenté à 215,400 milliards de francs dans
le projet de loi de finance le 15 septembre, le déficit s'est
établi à 215,327 milliards de francs dans le texte
définitif, trois mois et demi plus tard.
7
Pour une présentation détaillée de ces
documents, se reporter au II de ce chapitre.
8
Se reporter aux chapitres concernant ces deux
éléments.
9
Opérations dites " réciproques " entre
l'Etat, les comptes spéciaux du trésor, les établissements
publics, les entreprises publiques, la Sécurité sociale,
etc. : opérations se rapportant à des dettes et à des
créances nées
au plus tard le 31 décembre de
l'année mais qui peuvent être engagées comptablement et
ordonnancées jusqu'à la fin de la période
complémentaire.
10
Il s'agit " d'ajuster le solde d'exécution
budgétaire au niveau jugé souhaitable " pour reprendre les
termes de la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois
de finances pour 1999.
11
S'agissant de l'exécution des lois de finances pour 1999,
la Cour des comptes indique dans son rapport que la volonté du
gouvernement d' " ajuster le solde d'exécution
budgétaire au niveau jugé souhaitable " a pris la forme
" de reports, sur l'exercice 2000, de recettes se rapportant à
l'exercice 1999 et, en sens inverse, de prise en compte anticipée sur
l'exercice 1999 de dépenses afférentes à l'exercice
2000 ".
12
Les budgets économiques d'hiver et d'été
remis à votre commission portent la mention " confidentiel ".
13
Ce bureau est principalement chargé de la politique
budgétaire et de l'élaboration des lois de finances.
14
Ce bureau est chargé notamment du suivi des recettes et de
l'exécution budgétaire.
15
Article 47-1, premier alinéa de la Constitution.
16
Ainsi par exemple en 2000, les régimes sociaux devraient
recevoir 378,3 milliards de francs d'impôts et taxes affectés
à la Sécurité Sociale, et la loi de finances pour 2000 a
prévu d'affecter 39,5 milliards de francs de droits sur les tabacs au
financement des " 35 heures ".
17
Rapport n° 89 (1999-2000), tome I.
18
Cette prévision intègre en effet 10 milliards de
dépenses supplémentaires au profit de l'UNEDIC qui ne figuraient
pas dans la note du 13 juillet 1999.
19
Pendant cette période, le ministre a au moins reçu
deux notes détaillées de la direction du budget sur
l'exécution budgétaire, trois notes de la direction du
trésor relatives au programme de financement ainsi que les budgets
économiques d'été.
20
Note au ministre du 25 août 1999 sur les principaux
enseignements des budgets économiques d'été.
21
Ce communiqué peut être consulté sur le
site Internet du ministère :
www.finances.gouv.fr/presse/communiqués.
22
Rapport n°144 (1999-2000), pages 25 à 32.
23
Anciennement service de la législation fiscale (SLF).
24
Se reporter au III de ce chapitre.
25
25,4 milliards de francs en tenant compte de la baisse du
prélèvement au profit de l'Union européenne.
26
Se reporter au III de ce chapitre.
27
Alors que jusqu'à la fin de l'année, le
gouvernement maintiendra la fiction d'une stabilité des
prélèvements obligatoires.
28
La note du 8 avril 1997 a été communiquée
à votre commission, non par le ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie, mais par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse.
29
Elle rappelle en effet qu'il existe des marges d'incertitude
importantes, certaines dépenses, à ce stade de
l'exécution, étant encore mal appréhendées, telles
que les rémunérations de la fonction publique ou encore les
dépenses militaires en capital, tandis que d'autres pourraient conduire
à s'écarter du scénario de prévision actuel, comme
les aides à la personne.
30
Opérations extérieures.
31
Rapport n° 1992, Assemblée nationale, XIème
législature, page 30.
32
Il convient de rappeler que le gouvernement a affiché un
objectif de stabilisation des dépenses en volume en 2000.
33
Compte tenu d'un taux d'inflation de 0,5 % en 1999.
34
1 % par chapitre, soit exactement le taux retenu par le
Sénat lorsqu'il avait proposé, pour les projets de loi de
finances pour 1998 et 1999 ainsi que pour le projet de loi de finances
rectificative pour 2000, la réalisation d'économies forfaitaires,
étant toutefois précisé que votre commission n'a jamais
proposé, en ce qui la concerne, la réduction des crédits
des titres V et VI, qui concernent les dépenses d'investissement public.
35
La fin de la période complémentaire a
été ramenée, par étapes, du 8 mars au 31 janvier,
entre 1995 et 1998.
36
L'ensemble des comptables arrêtent les opérations le
14 janvier, la Paierie générale le 28 janvier et l'Agence
comptable centrale du trésor le 31 janvier.
37
Les grands étapes de la procédure budgétaire
sont présentées en annexe au présent rapport.
38
La nécessaire réforme de l'ordonnance organique de
1959 fait l'objet de la part de votre commission des finances d'une
réflexion approfondie menée par son président
M. Alain Lambert.
39
Au mois d'avril, en liaison avec la note relative à la
préparation du budget de l'année suivante ; au mois de
juillet, après l'achèvement de la première phase de la
préparation du projet de loi de finances de l'année
suivante ; au mois d'octobre, en liaison avec la préparation du
projet de collectif budgétaire de fin d'année ; et au mois
de décembre, en relation avec le vote du collectif et le
" bouclage " de la fin de l'exercice budgétaire.
40
La présentation des réformes entreprises afin de
mieux connaître la situation budgétaire et financière de
l'Etat figure en annexe au présent rapport.