III. DE NOMBREUSES OPÉRATIONS COMPTABLES ONT AFFECTÉ LES EXERCICES 1998, 1999 ET 2000
M. Denis MORIN a précisé, en réponse au questionnaire adressé par la commission : " Le rythme d'encaissement des recettes peut être ajusté en fonction des tendances de l'exécution budgétaire annuelle ". Telle semble être effectivement la situation, au vu de l'ampleur des opérations comptables et budgétaires en recettes des années 1998 et 1999.
A. LES REPORTS DE RECETTES PURS ET SIMPLES
1. 1997 et 1998 : d'importants reports de recettes fiscales
a) Des reports dus à des perturbations dans les services fiscaux
En 1997, des perturbations ont eu lieu dans les services fiscaux. Les grèves ont conduit au report de 3,7 milliards de francs de recettes fiscales et au ralentissement des remboursements d'impôts pour 3 milliards de francs .
L'impact des grèves des services fiscaux
Dans sa
note sur la prévision de TVA 1998 et 1999 associée aux budgets
économiques d'été 1998 (note du 20 août 1998), la
direction de la prévision évoque de graves perturbations dans
l'encaissement de la TVA, de nature à fausser la compréhension de
l'évolution de cet impôt
:
"
La fin de l'année 1997 et le début de l'année
1998 ont été perturbés par les grèves de la DGI,
des décalages dans les écritures comptables et des
régularisations de tous ordres. Ces perturbations touchent d'un
côté les recettes brutes (ce qui augmente la TVA brute à
hauteur de 18,6 milliards) et de l'autre les remboursements (qui
bénéficient d'un surcroît de 17,5 milliards).
Certaines
perturbations administratives enregistrées fin 1997, début 1998
pourraient affecter indirectement le taux de croissance des recettes 1999
.
La base 98 est en effet sous-estimée du fait notamment d'un
surcroît de remboursements enregistrés en 1998, mais imputables
à l'année 1997
"
.
La direction de la prévision estime que "
compte tenu des
grèves dans les centres informatiques de la DGI, les recettes 1997
reportées à 1998 sont estimées à 3,7 milliards
de francs
. " D'autre part, "
le rythme des remboursements a
considérablement diminué durant les derniers mois de
l'année 1997. On estime que, sans ralentissements administratifs, ils
auraient dû être de 135,5 milliards de francs compte tenu de la
cible arrêtée en août 1997 et des résultats
constatés au 31 octobre 1997 (1 milliard de francs de plus-value). Soit
une différence de 6,177 milliards de francs
".
Lors des budgets économiques d'été 1999 (note du 31
août 1999 sur la TVA en 1999 et 2000), la direction de la
prévision procédera à une réévaluation de
ces reports : "
l'hypothèse retenue cet hiver d'un report
de 6 milliards de francs de remboursements de TVA de 1999 sur 1998 n'a pas
été validée par les faits. Elle a été revue
à la baisse à 3 milliards de francs. Quoiqu'il en soit, ces
reports majorant les recettes de 1999 ont un impact négatif sur la
croissance de la TVA nette en 2000
"
.
Tout en réduisant
son évaluation, la direction de la prévision fait observer
que " l'impact de ce report sur le taux de croissance de la TVA nette
de 1999 est double comme d'ailleurs celui du changement de comptabilisation des
produits pétroliers ".
b) En 1998, les reports de recettes fiscales ont été le fruit d'une volonté délibérée
D'importants reports de recettes de 1998 sur 1999
La note
pour le ministre du directeur de la prévision associée aux
budgets économiques d'hiver 1999 (note du 22 février 1999) fait
clairement référence à d'importants reports de recettes
fin 1998
tout en annonçant par avance l'impossibilité
de poursuivre les reports de 1999 sur 2000
:
"
Le respect du déficit budgétaire affiché pour
1999 pourrait donc nécessiter de mobiliser
les marges de manoeuvre
ménagées par la fin de l'exécution 1998
. Si ce
pronostic se révélait exact, il s'ensuivrait
qu'aucun report
de recettes analogue à celui de décembre dernier ne serait
disponible pour faciliter la poursuite du processus de l'assainissement
budgétaire en 2000.
" Un peu plus loin, la note
envisage le cas où "
l'exécution budgétaire 1999
devrait mobiliser le report de recettes de 1998
".
Une seconde note de la direction de la prévision, en date du 9 mars
1999, concernant les impôts reçus par l'Etat, précise la
nature des reports :
"
Les impôts reçus par l'Etat progresseraient de
4,9 % en 1999 puis de 0,7 % en 2000. Cette poussée de 1999 par
rapport aux prévisions de l'été (2,3 points de plus)
s'explique exclusivement par des reports comptables de recettes de 1998 sur
1999. Il a été conventionnellement retenu que ces reports, qui
concernent les remboursements de TVA, la TIPP et la taxe sur les tabacs
minorent les impôts de 1998, majorent les recettes de 1999
".
Le report de recettes fiscales s'explique par deux motifs : le souci du
gouvernement d'afficher en 1998 une stabilité des
prélèvements obligatoires comme il s'y était engagé
et la volonté de prévoir une " réserve " dans le
cas où l'exécution 1999 se déroulerait difficilement.
La note de la direction de la prévision du 9 mars 1999 explique les
raisons du report : "
Sans ces reports comptables, les recettes
de l'Etat
progresseraient légèrement moins vite que
l'activité en raison du dynamisme des transferts fiscaux vers les
collectivités locales (qui incluent les compensations financières
de la réforme de la taxe professionnelle) et
s'inscriraient, selon
ces prévisions, à un niveau inférieur à celui
présenté dans la loi de finances initiale pour
1999
".
Ainsi, le gouvernement, fin 1998, tirant parti des très bonnes
rentrées fiscales, a-t-il choisi d'en reporter une part significative,
soit 15 milliards de francs environ, sur l'exercice 1999 pour deux raisons
principales : afficher une stabilité des prélèvements
obligatoires en 1998 et dégager une " marge de manoeuvre "
pour l'exercice 1999 pour lequel quelques inquiétudes naissaient.
Toutefois, dès le mois d'août 1999, les abondantes rentrées
fiscales ont remplacé la " marge de manoeuvre " en un
véritable surplus qui s'est révélé
" encombrant ".
Une note sur les prélèvements obligatoires faite à la
même date (note de la direction de la prévision du 9 mars 1999)
est révélatrice.
1) Elle confirme que les prélèvements obligatoires sont sur une
pente ascendante
27(
*
)
:
"
le taux de prélèvements obligatoires progresserait
vivement en 1999
de 46,1 points de PIB à plus de 46,5 points
de PIB en 2000
"
.
2) Surtout, elle note : "
ces variations sont principalement
dues à des reports de recettes de 1998 sur 1999. Sans ces reports (qui
ne concernent que l'Etat et qui permettent d'atteindre le niveau de recettes
fiscales présenté dans la LFI pour 1999)
le taux de PO
passerait de 46,3 points de PIB en 1998 à 46,4 en 1999 et 46,2 en
2000
"
.
En matière de recettes non fiscales, les reports de 1998 sur 1999 ont
été moins significatifs. Ils sont tout de même
évalués par la direction de la prévision (note du 9 mars
1999) à 4,7 milliards de francs, et concernent les dividendes des
entreprises non financières, les intérêts des prêts
du Trésor et les avances à l'aviation civile. Des baisses de
recettes en 1998 ont également eu lieu dont une révision du
reversement de la COFACE de -5,5 milliards de francs et des recettes
diverses de -4,7 milliards de francs (dont de moindres
prélèvements de la Caisse des dépôts et
consignations, du Fonds de soutien des rentes et la non-reconduction de
prélèvements divers), mais sont partiellement compensées
par l'augmentation d'autres recettes (frais d'assiette et de recouvrement,
prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos).