3. Le Premier ministre nécessairement averti de la réalité de la situation budgétaire

a) Une relation permanente entre Bercy et Matignon

Il n'est ainsi probablement pas fortuit que, lors de son audition, M. Christian SAUTTER ait longuement insisté sur ce point. Il a en effet déclaré : " en ce qui concerne les relations entre Bercy et Matignon, je préférerais dire les ministres des finances et le Premier ministre, il y a une relation permanente y compris dans les domaines de la politique économique et budgétaire, entre les cabinets . Le Premier ministre Lionel JOSPIN a institué un rendez-vous hebdomadaire avec les principaux ministres y compris le ministre des finances. Ce rendez-vous hebdomadaire a permis, chaque fois que cela était nécessaire, d'aborder les questions budgétaires. J'étais présent à ces rendez-vous hebdomadaires lorsque Dominique STRAUSS-KAHN était ministre, quand des questions budgétaires étaient abordées ".

Il confirme ainsi par la suite : " Je voudrais insister sur deux points. Premièrement c'est la collaboration très étroite parce que le Premier ministre l'a voulu ainsi, entre l'équipe de Matignon et l'équipe de Bercy . C'est le fait aussi que le gouvernement, de façon collégiale, a eu à se prononcer sur les grands choix budgétaires chaque fois qu'il fallait en faire, aussi bien du côté des dépense que du côté des réformes fiscales ".

Cette situation est également rappelée par M. Denis MORIN dans ses réponses écrites  au questionnaire de votre commission : " s'agissant des aspects essentiels de la politique budgétaire du pays, ils sont arrêtés par le Premier ministre sur proposition du ministre des finances et, depuis deux ans après une discussion collégiale du gouvernement ".

b) Une situation confirmée par les anciens ministres du budget

L'étroitesse des relations existant entre le ministre de l'économie et le Premier ministre avait déjà été soulignée par M. Nicolas SARKOZY lors de son audition devant votre commission : " Ceci prend du temps et n'est pas simple sans compter qu'une partie des informations issues de certaines directions est arrivée directement sur le bureau du directeur-adjoint du cabinet du Premier ministre ou du conseiller économique du Premier ministre... De plus l'Elysée a elle-même ses propres entrées. Le ministre n'est pas le seul destinataire d'un certain nombre de papiers. Ne croyez pas que le ministre arrive quelle que soit sa force politique sur un terrain vierge pour venir informer le Premier ministre de sa science toute nouvelle ".

Le sentiment du ministre actuel de l'économie, ancien ministre du budget et ancien Premier ministre

Lors de son audition par votre commission, M. Laurent Fabius a été interrogé sur le dialogue entre le Premier ministre et le ministre des finances :

" Monsieur Trucy, vous m'interrogez sur le dialogue entre le Premier ministre et le ministre des finances. J'ai cette chance, liée aux hasards de l'histoire, d'avoir été des deux côtés, Premier ministre avec Pierre Bérégovoy pour ministre des finances, et aujourd'hui ministre des finances dans une situation différente. Eh bien, cela dépend des Premiers ministres et des ministres des finances ! Je peux vous dire ce que je faisais quand j'étais à Matignon. Je faisais grande confiance à Pierre Bérégovoy, et il menait son affaire. Je crois qu'il avait Henri Emmanuelli comme ministre délégué ou comme secrétaire d'Etat au budget, qui recevait les ministres. Ils regardaient les choses ensemble. Quand devait être rendu un arbitrage un peu difficile, il venait à la connaissance du ministre de l'économie des finances, et quand l'arbitrage était vraiment compliqué, il était traité ensuite entre le Premier ministre et le ministre des finances.

Le processus que je viens de décrire est particulièrement vrai au moment où se font les arbitrages, c'est-à-dire entre juin et août : mais, en général, le Premier ministre et le ministre des finances se voient toutes les semaines, et les choses se font souvent de façon informelle.

Les pratiques sont sans doute différentes selon les personnalités, mais en général, c'est ainsi que cela se passe
".

Il apparaît en tout état de cause, eu égard au contenu de l'intervention télévisée du Président de la République en date du 14 juillet 1999, que beaucoup d'informations étaient connues non seulement de Matignon mais également de l'Elysée.

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