D. UNE DISSIMULATION VOLONTAIRE PAR LE GOUVERNEMENT JUSQU'À LA FIN DE L'ANNÉE
1. La non-divulgation de ces informations résulte d'une décision politique
Il
ressort des éléments rappelés ci-dessus que le ministre et
son cabinet ont été, à compter de la mi-année 1999,
informés à plusieurs reprises et par des canaux différents
de l'amélioration très significative du déficit
budgétaire, cette dernière résultant de l'importance des
rentrées fiscales.
Il n'y a donc pas eu de défaillance, à quelque niveau que ce
soit, du système administratif d'information mais bien une
volonté délibérée du pouvoir politique de ne pas
faire état, ni de transmettre à la représentation
nationale des informations pourtant en sa possession
. Ce sentiment semble
partagé par un ancien responsable gouvernemental : ainsi
M. Nicolas SARKOZY, au vu de son expérience ministérielle,
déclarait lors de son audition : "
Il ne m'appartient pas
de porter un jugement politique sur la non-divulgation de cette information (la
cagnotte),
mais je peux conclure de mes deux années
d'expérience, c'est que cette non divulgation de cette information n'a
pu être que le résultat d'une décision
politique
".
2. Les deux derniers ministres de l'économie et leurs cabinets mal informés ?
M.
Dominique STRAUSS-KAHN en réponse à une question posée
lors de son audition par votre commission sur ce qui s'était produit
dans le système décisionnel entre juillet et novembre 1999, date
de présentation du collectif indiquait
: "
Il ne s'est
rien produit entre juillet et novembre
.
Dans l'intervalle, il est
vrai que les situations mensuelles tombent régulièrement et
d'ailleurs elles sont formidablement proches et similaires d'allure pendant
l'année ".
Il poursuit ainsi : "
il est vrai que
la période de juillet à novembre ne donne pas lieu à une
excitation intellectuelle particulière mais ce n'est que vers fin
octobre, novembre et décembre que l'on s'aperçoit avec les
statistiques qui tombent que la fin de l'année est si
brillante
".
Une telle affirmation, qui méconnaît la qualité et la
pertinence des informations portées à la connaissance du ministre
par ses propres services pendant la période juillet-novembre
1999
19(
*
)
, ne semble pas
conforme à la réalité.
Lors de son audition, M. Christian SAUTTER déclarait,
interrogé sur le niveau de la croissance et son effet sur les recettes
de l'année, que :
"
cela veut dire que au mois de
juillet, les meilleurs spécialistes, en tous cas les bons
spécialistes du ministère n'avaient pas prévu la forte
accélération de la conjoncture durant le deuxième
semestre
"
. Or, celle-ci a eu pour conséquence
l'accroissement du montant des recettes fiscales nettes et, partant, la
réduction du montant du déficit budgétaire. Il confirmait
par ailleurs : "
au deuxième semestre 1999, la croissance
était avec une pente de 4 % et cela n'a pas été
anticipé par les spécialistes de Bercy au mois de juillet, je
vous l'ai dit
".
Il convient de rappeler qu'à cette date, soit en juillet 1999, la
direction du budget et la direction du trésor avaient déjà
fait état de l'amélioration très significative de niveau
de l'exécution budgétaire résultant de la sortie du
" trou d'air ". De même, la direction de la prévision
avait elle estimé dès l'été que "
les
économies de la zone euro sont désormais sorties de la
période des turbulences
"
20(
*
)
.
Evoquant la fixation du niveau des recettes fiscales résultant de son
arbitrage, il reconnaissait que "
ces chiffres n'ont pas changé,
vous le savez, entre le mois de septembre et le 20 décembre quand nous
avons corrigé les chiffres de 1999.
Le gouvernement a alors
décidé de faire un collectif de printemps qui est
présenté aujourd'hui au conseil des ministres par mon
successeur
".
M. Denis MORIN, commentant le contenu des notes de la direction du budget, a
indiqué à votre commission que : "
En début
d'année 1999, les prévisions étaient plutôt, pour
l'ensemble du ministère des finances, pessimistes. Il n'était pas
évident que l'exécution puisse être correctement tenue.
Les choses se sont inversées par la suite, notamment à
l'extrême fin de l'année, en particulier lorsqu'il est apparu
à tous ceux qui sont chargés de faire des prévisions
économiques
que la réalisation serait très
supérieure à 2 %, qu'elle serait de 2,7 % chiffre
conforme à la loi de finances initiale
".
Une telle affirmation est en contradiction avec la réalité de la
situation telle qu'analysée en détail par les services de
Bercy : l'amélioration très substantielle du solde
budgétaire résultant de la sortie du " trou d'air " a
été enregistrée par ces derniers, et notamment la
direction de la prévision, dès le début du second semestre
et non à la fin de celui-ci.