2. Octobre-décembre : ne pas faire du collectif de fin d'année un exercice purement formel déconnecté de la réalité budgétaire
Le domaine des lois de finances rectificatives
Les lois
de finances rectificatives peuvent être regroupées en cinq
types :
1) Les collectifs portant ratification des décrets d'avances. Lorsque
ces derniers sont gagés, il n'y a pas besoin de déposer un
collectif particulier, il suffit d'attendre le prochain collectif. Il n'en est
pas de même pour les décrets d'avances non gagés.
2) Il existe aussi des lois de finances rectificatives d'un objet
limité qui ne constituent que la traduction financière d'une
réforme proposée par ailleurs au Parlement.
3) Un cas peu différent est celui du collectif ouvrant des
crédits afin de traduire les engagements pris par le gouvernement dans
un secteur particulier.
4) Beaucoup plus importante est la loi de finances rectificative qui
traduit un changement de cap de la politique gouvernementale. En principe, de
telles lois sont présentées lors des changements de gouvernement.
Il arrive aussi que de tels textes soient déposés par le
gouvernement en place afin de marquer un infléchissement sensible de son
action.
5) Enfin, viennent les collectifs de fin d'année qui traduisent
l'incidence de la révision des hypothèses économiques sur
les dotations de l'année en cours et procèdent aux ajustements
traditionnels de fin d'année.
Ces collectifs sont des textes essentiellement techniques qui autorisent en
particulier divers mouvements de crédits ne pouvant être
réalisés par la voie réglementaire.
Par ailleurs, ils réestiment les recettes de l'année en cours
compte tenu des hypothèses économiques révisées
figurant dans le rapport économique et financier déposé
à l'appui du projet de loi de finances de l'année à venir.
Toutefois, les collectifs de fin d'année vont parfois plus loin :
soit ils contiennent des augmentations significatives de certaines dotations
qui n'ont pas eu lieu dans la loi de finances de l'année ou dans celle
de l'année à venir ; soit ils proposent des réformes
importantes, notamment en matière fiscale.
Source : le budget de l'Etat, MEFI 1999
a) Le principe : tenir compte de la réalité de l'exécution
Le
projet de loi de finances rectificative de fin d'année est
préparé au cours du mois d'octobre. Or, en octobre, avec la
troisième note de la direction du budget, le ministre dispose d'une
vision assez précise de l'exécution qui est traduite en principe
dans le collectif budgétaire de fin d'année.
De même, en décembre lors du bouclage de l'exécution, cela
doit normalement permettre de vérifier que le collectif qui est en cours
d'adoption par le Parlement est bien en phase avec l'exécution et de
mettre au point les décisions à prendre en fin d'année.
b) Un exercice souvent formel
Néanmoins, au vu de l'analyse du calendrier en 1999, il apparaît que les hypothèses budgétaires sur lesquelles le collectif repose n'ont qu'un lien ténu avec la réalité de l'exécution budgétaire telle qu'analysée par la direction du budget. L'appréciation du niveau des recettes qui fonde l'équilibre du collectif repose en effet sur l'arbitrage des recettes fiscales opéré en juillet et non sur la prévision la plus récente qui résulte de la note sur l'exécution budgétaire d'octobre de la direction du budget. C'est un tel écart que semblait justifier M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC lors de son audition : " Pourquoi y a-t-il des écarts entre le collectif et la fin de l'année ? Le collectif se prépare en septembre ou octobre et il reste un trimestre. L'échéance fiscale de décembre est très lourde (impôt sur les sociétés, TVA, taxe professionnelle), nous avons énormément de dépenses pour lesquelles nous ne savons pas ce qui va se passer, comme les dépenses militaires ".
Le 25 octobre 1999, le déficit 1999 est fixé dans le collectif à 228,7 milliards de francs et le 26 octobre 1999 il est évalué en exécution à 211,2 milliards de francs
Ainsi en
1999, une note de la direction du budget (bureau 1 A) en date du 25 octobre
1999 transmettait au ministre un projet de collectif qui retenait pour 1999 une
prévision de solde budgétaire s'établissant à 228,7
milliards de francs alors qu'une note du 26 octobre, soit le lendemain, de la
même direction du budget (bureau 1 D) sur l'exécution du budget
faisait état d'un déficit prévisionnel pour l'exercice
1999 de 211,2 milliards de francs. Il y avait donc un écart de 17,5
milliards de francs entre la réalité mesurée par les
services et celle qu'il était proposé d'afficher.
Le contenu même de la note du 25 octobre 1999 témoigne de la
difficulté de gérer et d'assumer une telle
" schizophrénie budgétaire ". Ce projet
présentait pour caractéristique outre une réduction
insuffisante du déficit contrairement aux engagements communautaires de
la France, celle de dégrader paradoxalement le niveau du solde primaire
compte tenu des économies affichées sur la dette. Aussi le
directeur du budget terminait-il sa note
de façon manuscrite
par
"
deux observations
[qui]
me paraissent devoir être
soulignées : la nécessité de réviser à
la hausse les recettes fiscales pour ne pas dégrader le solde primaire
(effet des 10 milliards UNEDIC) et la persistance d'ouvertures qui pose le
problème des conditions de budgétisation initiale
".
Cette absence de lien, en dépit de la concomitance des calendriers,
entre le suivi de l'exécution opéré en octobre par la
direction du budget et la préparation du collectif qui est
réalisée au cours du même mois répondrait à
une tradition ainsi que l'ont affirmé lors de leur audition deux anciens
ministres de l'économie. Ainsi M. Christian SAUTTER indiquait :
"
Le 24 novembre, je présente au conseil des ministres le
collectif c'est-à-dire la loi de finances rectificative pour 1999. Selon
la tradition qui, à ma connaissance n'a pas été
transgressée avant moi, les recettes ne sont corrigées que des
changements de législation
". De même, devant votre
commission, M. Dominique STRAUSS-KAHN a confirmé cette pratique tout en
en reconnaissant les limites, puisqu'il s'est demandé :
"
Faut-il changer la pratique ? Peut-être
".
c) Un collectif sans réel contenu budgétaire ?
Dans la
mesure où, au regard du principe de sincérité
budgétaire, le contenu du collectif serait réduit à sa
plus simple expression, le gouvernement se refusant à prendre en compte
la réalité de l'exécution constatée entre juillet
et octobre, soit pendant près de trois mois, on peut s'interroger sur sa
véritable nature : ne serait-il pas un simple véhicule
législatif destiné à porter les " fonds de tiroir
fiscaux " des services de Bercy ?
A défaut il permettrait de faire valider les mesures de
régulation budgétaire mises en oeuvre par les services, de
ratifier les décrets d'avance, de remédier à certaines
erreurs ou dysfonctionnement législatifs et cela sans égard pour
la sincérité budgétaire. Les collectifs de fin
d'année peuvent également jouer le rôle de variable
d'ajustement de la loi de finances pour l'année suivante. Comme le note
M. François LOGEROT, "
nous savons que les trois quarts des
crédits ouverts en loi de finances rectificatives ne sont pas
utilisés et se trouveront reportés à l'exercice
suivant
". Ces crédits permettant ainsi de compléter les
enveloppes accordées en loi de finances initiale.
M. Christian SAUTTER a reconnu devant votre commission l'intérêt
essentiellement " pratique " de l'utilisation du collectif par les
gouvernements en indiquant que le collectif du printemps 2000 n'aurait pas
dû être élaboré si les recettes de 1999 avaient
été réévaluées en temps utile :
"
ces chiffres n'ont pas changé, vous le savez, entre le mois de
septembre et le 20 décembre quand nous avons corrigé les chiffres
de 1999
. Le gouvernement a alors décidé de faire un collectif
de printemps qui est présenté aujourd'hui au conseil des
ministres par mon successeur
". Ce point a également
été reconnu par M. Dominique STRAUSS-KAHN devant la
commission : "
le collectif que le gouvernement se prépare
à discuter là, aurait peut-être été moins
nécessaire car dans l'appréciation de l'année 2000 on
aurait pu tenir compte du fait que l'année 1999 paraissait finalement en
fin d'année beaucoup plus dynamique qu'on ne le pensait
".
Les deux anciens ministres de l'économie ont donc ainsi reconnu qu'une
meilleure harmonisation entre le collectif de l'année " n " et
le suivi de l'exécution budgétaire est non seulement
nécessaire mais également souhaitable. Cette harmonisation
devrait passer par une prise en compte des prévisions d'exécution
les plus récentes, à savoir celles d'octobre et non se baser
seulement sur les résultats de la réunion d'arbitrage des
recettes fiscales de juillet.