VI. UN ÉTRANGE MOUVEMENT DE RECENTRALISATION DES FINANCES LOCALES
Les
relations entre l'Etat et les collectivités locales sont marquées
par une tendance accentuée à la recentralisation des
pouvoirs
254(
*
)
. Les finances
locales n'échappent pas à ce mouvement.
En matière de finances locales, la recentralisation se traduit par un
contrôle accru de l'Etat sur les ressources des collectivités
locales
. Ce contrôle est rendu possible par la transformation
d'impôts locaux en dotations dont l'Etat maîtrise le montant et le
taux d'évolutions.
Le coût pour l'Etat de cette politique de transformation d'impôts
en dotations est très élevé. Entre 1998 et 2000, les
dépenses de l'Etat consacrées au remplacement de ressources
locales par des ressources budgétaires ont augmenté de plus de 30
milliards de francs.
Dès lors, il est nécessaire de se demander pour quelles raisons
l'Etat consacre autant de moyen à réduire l'autonomie
financière des collectivités locales.
A. LA MÉCANIQUE DE LA RECENTRALISATION
Les
finances locales n'ont jamais vraiment été
décentralisées. Certains chantiers n'ont pas été
ouverts. Comme le souligne notre collègue député
Jean-Pierre Balligand, "
les collectivités locales doivent
pouvoir tabler sur des marges de manoeuvre réelles : progrès
de la gestion patrimoniale et consolidation des comptes, politique tarifaire
repensée, liberté d'emprunts, mobilisation de la
trésorerie, possibilité de constituer de réserves, de
disposer du produit de la ristourne des frais de révision des bases de
TP, etc. Il serait temps que l'Etat considère les collectivités
locales comme des partenaires majeurs (et non en condition de
minorité).
"
255(
*
)
Toutefois, les évolutions actuelles marquent un
recul par rapport
à l'équilibre issu des lois de décentralisation
, qui
repose sur le partage du financement local entre des impôt dont les
collectivités votent les taux et des dotations versées par
l'Etat.
1. La transformation d'impôts locaux en dotations budgétaires
La
réduction de la part des impôts dans les recettes totales des
collectivités locales est une tendance ancienne. Le principal concours
de l'Etat aux collectivités locales, la DGF, était, à
l'origine, la
compensation de la suppression d'un impôt local.
Cette tendance avait été mise en sommeil avec l'entrée en
vigueur des lois de décentralisation. A bien des égards, la loi
du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe
locale peut d'ailleurs être considérée comme la
première loi de décentralisation. La loi du 2 mars 1982
prévoit que les nouvelles compétences transférées
devront être financées par des ressources fiscales, les dotations
budgétaires n'intervenant que pour le solde.
La fiscalité
locale est donc un élément constitutif de la
décentralisation à la française
.
Pourtant, depuis la fin des années 80, et depuis 1998 surtout,
le
pouvoir fiscal des collectivités locales s'érode
. Les
départements ne perçoivent plus la taxe foncière sur les
propriétés non bâties et ne votent plus les taux des droits
de mutation à titre onéreux. Les régions ne
perçoivent plus la taxe foncière sur les propriétés
non bâties, la taxe additionnelle aux droits de mutation à titre
onéreux ni, à compter de 2000, la taxe d'habitation. En 2004,
lorsque la part salariale de la taxe professionnelle aura disparu, l'ensemble
des collectivités locales sera privé du tiers du produit de cet
impôt, qui représente environ la moitié de leurs ressources
fiscales.
Pour les régions, catégorie de collectivités la plus
touchée, la part de la fiscalité dans les ressources totales est
passée de 55 % en 1995 à 47 % en 1999 et
s'établira à 40 % après la suppression de la part
régionale de la taxe d'habitation.
La disparition des recettes fiscales fait l'objet de
compensations
versées par l'Etat
. Ces compensations sont organisées selon
des modalités généralement fixées par les lois de
finances. Leur régime peut être
changé à tout
moment
si le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée
nationale, qui a le dernier mot en matière législative, le
souhaitent.
Il n'existe pas de " droit à compensation "
pour les collectivités locales
, comme l'ont montré les
nombreuses modifications qu'ont subi les mécanismes de compensation
existant aujourd'hui, et en particulier la dotation de compensation de la taxe
professionnelle (DCTP), dont le montant diminue d'année en année.
Les évolutions actuelles placent donc les collectivités
locales en situation de dépendance financière par rapport
à l'Etat. Elles maîtrisent de moins en moins l'évolution de
leurs ressources.