Pour une République territoriale : l'unité dans la diversité

MERCIER (Michel)

RAPPORT D'INFORMATION 447 tome 1 (1999-2000) - MISSION COMMUNE D'INFORMATION

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Table des matières




N° 447

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 juin 2000

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission commune d'information (1) chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales,

Tome I

Par M. Michel MERCIER,

Sénateur.

(1) Cette mission est composée de : MM. Jean-Paul Delevoye, président ; Jacques Bellanger, Joël Bourdin, Paul Girod, vice-présidents ; Robert Bret, Louis de Broissia, Jean-François Picheral, Lylian Payet, secrétaires ; Michel Mercier, rapporteur ; Claude Domeizel, Patrice Gélard, Hubert Haenel, Claude Haut, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Jean-François Humbert, Philippe Marini, Gérard Miquel, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Jacques Oudin, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Raincourt, Philippe Richert, Bernard Seillier, Guy Vissac.


Collectivités locales.

 

SOMMAIRE

Pages

MOTION ADOPTÉE PAR LA MISSION D'INFORMATION 17

INTRODUCTION 27

PREMIÈRE PARTIE - LA DÉCENTRALISATION ET L'EFFICACITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE 34

CHAPITRE PREMIER LE CONTEXTE : UNE RÉFORME EFFICACE ET ADAPTÉE AUX NOUVEAUX DÉFIS SOCIAUX 36

I. LA DÉCENTRALISATION : UNE REDISTRIBUTION DES POUVOIRS AU SERVICE DE L'EFFICACITE DE L'ACTION PUBLIQUE 36

A. L'EMERGENCE DIFFICILE DE L'IDEE DE DECENTRALISATION 36

1. Un long cheminement 36

a) Une histoire " cahotique " 36

b) Une double dépossession 38

2. Une affirmation progressive 40

a) Un réel mouvement de décentralisation 40

b) Une étape importante : le projet de loi relatif au développement des responsabilités locales 41

B. LES PRINCIPAUX OBJECTIFS DE LA DÉCENTRALISATION 42

1. Une nouvelle distribution des pouvoirs dans un Etat unitaire 42

a) Une nouvelle distribution des pouvoirs 42

b) Le maintien des principes de l'Etat unitaire 44

2. La recherche d'une meilleure efficacité de l'action publique 45

a) Un Etat recentré sur ses compétences essentielles 45

b) Une organisation administrative rationalisée 47

3. Une démocratie de proximité 47

a) Un processus de décision proche des citoyens 47

b) Une capacité d'adaptation et d'innovation 48

II. L'AFFIRMATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES COMME DES ACTEURS ÉCONOMIQUES DE PREMIER PLAN 49

A. LA PLACE DES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ÉCONOMIE NATIONALE 49

1. Une place significative 50

2. Un facteur de croissance pour l'économie nationale 51

B. L'EFFICACITÉ DE LA GESTION DECENTRALISÉE 53

1. L'assainissement financier 53

2. La sagesse fiscale 58

3. Un excédent budgétaire 62

C. LE DÉVELOPPEMENT DU CONTRÔLE FINANCIER 63

III. DE NOUVEAUX DÉFIS POUR L'ACTION PUBLIQUE 64

A. DE PROFONDES MUTATIONS DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE 64

1. L'évolution démographique 64

a) Le vieillissement de la population française 64

b) Des contrastes territoriaux marqués en matière démographique 67

2. La mondialisation de l'économie française 70

3. Le risque de fracture civique et sociale 71

a) Les incivilités et la fracture sociale 71

b) La fracture civique 72

c) Les risques d'inégalités que peuvent engendrer les nouvelles technologies de la communication 74

B. UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE DE L'ACTION PUBLIQUE 74

1. La nécessité croissante d'une gestion de proximité 74

a) Une cohésion sociale renforcée 74

b) Les nouvelles attentes de la population 76

2. L'insertion des territoires dans l'ensemble européen 79

a) L'exigence d'une structuration efficace des territoires 79

b) La place croissante des politiques communautaires 80

C. LE DÉVELOPPEMENT DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE 81

1. Le rapprochement franco-allemand d'après guerre 81

2. L'affermissement des instruments juridiques et financiers 82

3. Une coopération active dans toutes les zones frontalières françaises et européennes 83

CHAPITRE II LA COMPLEXITÉ DU PAYSAGE INSTITUTIONNEL DE LA DÉCENTRALISATION 86

I. L'ÉTAT : UN ACTEUR ESSENTIEL QUI N'A PAS ENCORE INTÉGRÉ LA LOGIQUE DE LA DÉCENTRALISATION 86

A. LE RÔLE AMBIGU DE L'ÉTAT : CONTRÔLEUR ET ACTEUR DE LA VIE LOCALE 86

1. l'État, contrôleur de la vie locale 86

a) Les principes : la substitution du contrôle a posteriori à la tutelle 87

b) Les insuffisances du contrôle de légalité 87

c) Les ambiguïtés du contrôle de légalité 90

d) L'inadaptation des contrôles financiers 92

2. l'État, acteur de la vie locale 96

B. UN ÉTAT QUI N'A PAS ADAPTÉ SON ORGANISATION À LA DÉCENTRALISATION 98

1. Le bilan mitigé des partages de services 99

a) Les principes retenus par les lois de décentralisation 99

b) Une mise en oeuvre complexe 101

c)  Le partage non réalisé : des services en parallèle sinon en " doublon " 105

2. La déconcentration et la restructuration des administrations territoriales de l'état sont toujours en chantier 106

a) Les enjeux de la déconcentration 107

b) Un objectif sans cesse réaffirmé 107

c) Une mise en oeuvre laborieuse 110

d) L'insuffisante restructuration des services territoriaux de l'État 114

e) Un pis-aller : la coordination sans réorganisation des services 115

II. UNE ORGANISATION TERRITORIALE EN DEVENIR 117

A. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES : L'ABSENCE D'UN MODÈLE UNIQUE 117

1. Décentralisation et évolution du modèle fédéral 117

2. Décentralisation et mutation de l'État unitaire 119

3. Régionalisation et décentralisation 121

4. La " dévolution " au Royaume-Uni 122

5. L'Espagne : l'État des autonomies 124

6. L'Italie : en route pour une autonomie toujours plus grande des régions 124

7. La permanence du modèle allemand 125

B. UNE NOUVELLE DONNE POUR L'ORGANISATION TERRITORIALE : LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'INTERCOMMUNALITÉ DE PROJET 127

1. Une préoccupation ancienne 127

a) Un remède à l'émiettement communal 127

b) Les principales étapes : une " stratification " des structures 128

c) Les lignes directrices d'une réforme de l'intercommunalité : le rôle actif du Sénat 130

2. Une relance récente : la loi du 12 juillet 1999 132

a) Les principaux objectifs 132

b) Un premier bilan encourageant 136

C. DES FACTEURS DE COMPLEXITE POUR L'ORGANISATION TERRITORIALE 138

1. Les ambiguïtés de la politique des pays 139

a) La loi d'orientation du 4 février 1995 : le pays espace de projet 139

b) La loi du 25 juin 1999 : une procédure plus complexe 140

2. La prolifération des " zonages " 141

a) Le zonage : un outil complexe mais pourtant utile 141

b) Une simplification toujours attendue 145

3. Les mécanismes complexes des interventions communautaires 150

a) Un poids significatif dans la vie locale 150

b) Une mise en oeuvre complexe 151

D. LES SPÉCIFICITÉS DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER 156

CHAPITRE III LE CADRE DE L'EXERCICE DES COMPÉTENCES LOCALES : DES BLOCS DE COMPÉTENCES À LA COGESTION 160

I. UNE LOGIQUE INITIALE DÉVOYÉE 161

A. LA LOGIQUE INITIALE 161

1. Une nouvelle conception du rôle de l'Etat dans un cadre défini par la loi 161

a) Une nouvelle conception du rôle de l'Etat 161

b) Un cadre fixé par la loi 165

2. Des transferts de blocs de compétences en fonction des vocations dominantes de chaque niveau de collectivité locale 167

a) L'identification des vocations dominantes des différents niveaux 167

b) La détermination de blocs de compétences 169

B. UNE LOGIQUE DÉVOYÉE 170

1. De la confusion... 170

a) La multiplication des formules de cogestion 170

b) Un cadre contraignant pour les collectivités locales 178

2. ... A la recentralisation des compétences 179

a) Des dispositifs coercitifs 179

b) Une présomption inacceptable : l'incapacité des collectivités locales à appliquer la loi 184

II. UNE LOGIQUE CONTRACTUELLE INÉGALITAIRE 186

A. L'IMPORTANCE CROISSANTE DES TECHNIQUES CONTRACTUELLES 188

1. Les contrats de plan Etat-régions : une enveloppe financière considérable en partie seulement prise en charge par l'Etat 188

a) La contractualisation décentralisée, héritière de " l'ardente obligation " nationale 188

b) Des financements croissants, répartis entre plusieurs partenaires 189

2. Les contrats de ville ou la tentative de rationalisation d'une politique foisonnante 192

a) Une prolifération à laquelle la contractualisation n'a pas totalement mis fin 192

b) Une politique partagée 195

3. Les contrats locaux de sécurité : un outil perfectible 197

a) Une procédure qui couvre une part croissante du territoire 197

b) Une méthodologie perfectible 199

4. Les autres contrats : quelle cohérence globale et quelle place pour les collectivités territoriales ? 201

B. LA RUPTURE DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES CONTRACTANTS 202

1. Le contrat, vecteur de l'intervention de l'Etat 202

a) La méthode, ou le déséquilibre dans la négociation du contrat 202

b) Les matières contractuelles, ou le déséquilibre dans le contenu du contrat 204

2. L'absence de sanction du non respect par l'Etat de ses engagements 206

a) Une exécution défaillante des engagements financiers 206

b) Une relation contractuelle dépourvue de force contraignante ? 210

CHAPITRE IV FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE : L'ETAT ÉLABORE DES RÈGLES INADAPTÉES DONT IL NE SUPPORTE PAS LES CONSÉQUENCES 213

I. UNE CONSTRUCTION STATUTAIRE LABORIEUSE QUI N'A PAS SUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE LES BESOINS SPÉCIFIQUES DES COLLECTIVITÉS LOCALES 214

A. LES PRINCIPES POSÉS EN 1984 : UNITÉ, PARITÉ... SPÉCIFICITÉ 214

1. L'unité de la fonction publique territoriale 214

2. La parité entre les fonctions publiques 215

3. La spécificité de la fonction publique territoriale 216

B. LA DIFFICILE MISE EN PLACE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE 216

II. DES DISPOSITIONS STATUTAIRES ET RÉGLEMENTAIRES INADAPTÉES ET RIGIDES 217

A. DES PROCÉDURES TRÈS LOURDES 218

1. Le recrutement et le système du concours 219

2. La formation 220

3. Le déroulement de carrière et la mobilité 220

4. Les incidents de carrière 222

B. DES INSTITUTIONS QUI ONT MONTRÉ LEURS LIMITES 223

1. Le CNFPT 223

2. Les centres de gestion 223

3. La CNRACL : une situation financière inquiétante 224

C. LES RÉMUNÉRATIONS SONT CONTRAINTES AU NOM DU PRINCIPE DE PARITÉ 225

D. LE RECRUTEMENT DE CONTRACTUELS EST FORTEMENT ENCADRÉ 226

E. L'INADÉQUATION DES STATUTS PARTICULIERS AUX NOUVEAUX BESOINS DES COLLECTIVITÉS LOCALES 228

F. LE CAS PARTICULIER DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER. 228

1. La surrémunération est un frein à l'embauche 228

2. Les indemnités d'éloignement 229

3. L'emploi de non-titulaires 229

III. LES INCERTITUDES QUANT AU VOLUME DE L'EMPLOI PUBLIC TERRITORIAL 230

A. L'EXTENSION DE LA NOTION D'AGENT PUBLIC CRÉE DES CHARGES POUR LES COLLECTIVITÉS EMPLOYEURS 230

1. La réduction de la possibilité pour les collectivités de recruter sur des contrats de droit privé 230

2. Une rigidité accrue de la gestion des personnels 231

B. LE RENOUVELLEMENT DES EFFECTIFS 232

CHAPITRE V UN SYSTÈME DE FINANCEMENT QUI NE GARANTIT PAS L'AUTONOMIE LOCALE 234

I. LA NOUVELLE DONNE DE LA DÉCENTRALISATION 235

A. L'HÉRITAGE DU " PLAN DE DÉVELOPPEMENT DES RESPONSABILITÉS LOCALES " 235

B. UN RENFORCEMENT DE L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS 237

II. LA COMPENSATION FINANCIÈRE DES TRANSFERTS DE CHARGES : THÉORIE ET PRATIQUE 238

A. LES PRINCIPES DE LA COMPENSATION 239

1. Une compensation intégrale à la date du transfert 239

2. Une compensation constituée au moins pour moitié par des ressources fiscales 240

B. LES AMBIGUÏTÉS D'UN SYSTÈME COMPLIQUÉ 241

1. Le mode de calcul des compensations ne permet pas une compensation intégrale 241

a) Le calcul des compensations repose sur la distinction entre l'évolution théorique et l'évolution réelle des ressources et charges transférées 241

b) Cette distinction n'a pas permis une compensation intégrale des charges transférées 243

2. La remise en cause du principe du financement par la fiscalité 246

3. Le régime de compensation est-il respectueux de la libre administration des collectivités locales ? 249

C. L'ALOURDISSEMENT DES CHARGES NON COMPENSÉES : UN RISQUE POUR LES BUDGETS LOCAUX 251

1. Les transferts de charges ne concernent pas seulement les domaines mentionnés par les lois de décentralisation 251

2. Un décalage entre les procédures et les enjeux financiers 255

III. LE DÉMANTÈLEMENT DE LA FISCALITÉ LOCALE 257

A. UNE FISCALITÉ LOCALE DE PLUS EN PLUS " VIRTUELLE " 257

1. Une marge de manoeuvre fiscale de plus en plus réduite 257

a) La marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales ... 257

b) ... se réduit peu à peu 259

2. L'évolution des taux et des bases détermine de moins en moins l'évolution du produit 260

3. Peut-on encore parler d'impôts directs locaux ? 261

B. LE COÛT DE LA NON RÉFORME 263

1. Des inégalités qui se perpétuent et amènent l'Etat à supprimer tout ou partie des impôts directs locaux 263

a) Les inégalités " inévitables " 263

b) Les inégalités injustifiables 264

c) La stratégie des gouvernements successifs : payer plutôt que réformer 267

2. Une charge croissante pour le budget de l'Etat 268

3. Un manque à gagner pour les collectivités locales 271

a) Les modes d'indexation entraînent des manques à gagner 272

b) Les mécanismes d'érosion du montant des compensations 273

c) Les conséquences sur la taxe foncière et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères 276

IV. LES COLLECTIVITÉS LOCALES, VARIABLE D'AJUSTEMENT DU BUDGET DE L'ETAT 277

A. L'ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES CONCOURS DE L'ÉTAT 277

1. Les concours de l'Etat : un ensemble hétérogène 277

a) Les dégrèvements 278

b) Les compensations 278

c) Les dotations de l'Etat 279

2. La réduction de la part des dotations dans l'effort total de l'Etat 285

B. L'ENVELOPPE NORMÉE : UN " RENDEZ-VOUS MANQUÉ " 286

1. Concilier maîtrise des dépenses publiques et stabilité des concours aux collectivités locales : une bonne idée ... 287

a) Maîtriser les dépenses publiques 287

b) Améliorer la prévisibilité de l'évolution des budgets locaux 288

2. ... qui a été détournée de son objet initial .... 289

3. ... et qui n'a pas modifié la nature des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales 291

V. LA PÉRÉQUATION EN PANNE 292

A. LE CONTRASTE ENTRE LES BESOINS ET LES CREDITS 292

1. Les difficultés de mesurer les écarts de richesse 292

2. Un faible volume de crédits 297

3. La péréquation : du " saupoudrage " ? 298

B. LA FAIBLESSE DES INSTRUMENTS EXISTANTS 299

1. La DGF des communes est peu péréquatrice 299

a) Les modalités de répartition de la DGF des communes et des structures intercommunales 299

b) Les crédits consacrés à la péréquation ne parviennent pas à " décoller " 302

c) L'origine du blocage 305

2. Les fonds nationaux de péréquation 307

a) Des fonds à l'objet de moins en moins défini 307

b) La péréquation finance la péréquation 309

c) Une situation paradoxale 309

3. La péréquation des réductions de crédits 311

a) La réforme de la DGE 311

b) La modulation des baisses de DCTP 313

c) Les compensations d'exonérations fiscales sont-elles péréquatrices ? 314

C. LES NOUVELLES FORMES DE PÉRÉQUATION 316

1. La péréquation volontaire des ressources fiscales : la taxe professionnelle unique 316

2. La péréquation forcée des ressources fiscales 317

3. Les contrats de plan sont-ils péréquateurs ? 319

VI. UN ÉTRANGE MOUVEMENT DE RECENTRALISATION DES FINANCES LOCALES 321

A. LA MÉCANIQUE DE LA RECENTRALISATION 321

1. La transformation d'impôts locaux en dotations budgétaires 322

2. Les concours de l'Etat aux collectivités locales sur la sellette 323

B. POURQUOI L'ÉTAT RECENTRALISE-T-IL ? 324

1. Améliorer la justice fiscale ? 324

2. Renforcer la péréquation ? 327

3. Maîtriser la dépense publique ? 328

CHAPITRE VI UN BILAN SECTORIEL 330

I. L'AIDE SOCIALE 330

A. L'ALTÉRATION PROGRESSIVE DU PRINCIPE DES " BLOCS DE COMPÉTENCE " 331

1. La volonté originelle de clarification 331

a) Un principe simple 331

b) L'émiettement structurel du secteur social 333

c) La définition centralisée de l'aide sociale légale 334

d) Une compétence résiduelle de l'Etat aux contours flous 336

2. Des difficultés de mise en oeuvre des compétences partagées 338

a) La prise en charge des personnes handicapées 338

b) La prise en charge des parents isolés en difficulté 341

c) La judiciarisation de l'aide sociale à l'enfance 342

d) Des COTOREP insuffisamment attentives aux préoccupations des départements 345

3. De nouvelles formes de " partenariat imposé " 346

a) Le revenu minimum d'insertion (RMI) 347

b) Le logement pour les plus démunis 348

c) Les fonds d'aide aux jeunes (FAJ) 350

4. L'Etat conserve une emprise forte sur des facteurs essentiels d'évolution de la dépense départementale d'aide sociale 350

a) Le département ne contrôle pas l'évolution des rémunérations des personnels sociaux et médico-sociaux 351

b) Le poids des normes 358

B. LA DÉCENTRALISATION A PERMIS UNE AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE DANS LE DOMAINE SOCIAL 359

1. L'amélioration des performances en matière sociale 359

a) Une dépense maîtrisée dans un contexte difficile 359

b) La décentralisation n'est pas un facteur d'aggravation des inégalités de l'offre sociale 362

c) Les départements ont su développer leurs services sociaux 367

2. Les défis à relever 369

a) Des besoins élevés en matière de renforcement de la cohésion sociale et de prévention pour la jeunesse 370

b) La question lourde de la dépendance 371

II. LA FORMATION PROFESSIONNELLE 376

A. UN TRANSFERT CLAIR EN APPARENCE 376

1. Les choix de 1983 376

2. L'apprentissage 377

3. La formation professionnelle continue 378

4. La formation professionnelle des jeunes 379

B. UN ETAT OMNIPRÉSENT DANS LE DOMAINE DE LA FORMATION 381

1. L'Etat conserve en droit et en fait une compétence considérable 382

2. L'Etat a étendu son rôle d'impulsion en sollicitant des financements croisés 384

3. La région occupe encore une place restreinte dans le système de financement de la formation professionnelle 385

III. LA SÉCURITÉ 386

A. UNE COMPÉTENCE LARGEMENT PARTAGÉE 386

1. Un pouvoir étendu du maire en matière de police 386

a) L'objet de la police municipale 386

b) Les limites du pouvoir de police du maire 387

2. L'affirmation du rôle des polices municipales 389

a) L'émergence des polices municipales 389

b) Le nouveau cadre juridique issu de la loi du 15 avril 1999 390

B. LES LIMITES ACTUELLES DE LA POLITIQUE DE PROXIMITE 395

1. Des mesures marquées par de nombreuses incertitudes 396

a) Les contrats locaux de sécurité 396

b) Les emplois de proximité 397

c) Les difficultés rencontrées dans le redéploiement des personnels vers les zones sensibles 399

2. Un fort sentiment d'insécurité 400

a) Une croissance globale des infractions 400

b) Une aggravation de l'insécurité quotidienne 401

IV. L'ÉDUCATION 402

A. LE PARTAGE DES COMPÉTENCES 403

1. L'organisation institutionnelle 404

a) Le champ d'application des transferts de compétences 404

b) Les nouvelles règles de planification et de programmation des équipements scolaires 404

c) Le régime des établissements publics locaux d'enseignement 405

d) Les prérogatives conservées par l'Etat 406

2. L'organisation financière 407

a) Un financement partagé 407

b) Des mécanismes spécifiques de compensation. 407

c) Financements conjoints entre collectivités de niveaux différents. 408

3. La prise en charge par les collectivites de leurs nouvelles competences. 408

a) Transferts et mises à disposition de personnels. 408

b) L'organisation des services locaux 413

B. UN BILAN SATISFAISANT MALGRÉ DES INSUFFISANCES 413

1. Les insuffisances de la programmation 413

2. Des financements multiples 414

a) Les contributions des communes 414

b) Les concours de l'Etat 414

3. Le remarquable effort des collectivités locales 415

C. LA QUESTION DES TRANSPORTS SCOLAIRES 416

D. LA PARTICIPATION DES RÉGIONS AU FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 418

V. LA CULTURE 419

A. L'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES A PRIS SON ESSOR AVANT LA DÉCENTRALISATION 419

B. LES PRINCIPES RETENUS PAR LES LOIS DE DÉCENTRALISATION 421

1. La confirmation des compétences exercées par les collectivités territoriales dans le domaine culturel 421

2. Des compétences partagées 423

a) Les enseignements culturels 423

b) Les bibliothèques 423

c) Les archives 424

d) Les autres compétences 424

3. Des compétences encadrées 425

4. L'évolution depuis 1983 425

a) Une lente mise en oeuvre des lois de décentralisation 425

b) L'évolution législative 426

5. Les cas particuliers des départements d'outre-mer, puis de la Corse 427

C. LES FAITS  : DYNAMISME ET EFFICACITE DE L'ACTION CULTURELLE DES COLLECTIVITES LOCALES, RETICENCE DE L'ETAT 427

1. Un dynamisme local avéré 427

a) La prise de conscience de l'importance du développement culturel local 427

b) La mobilisation de moyens importants 428

c) Des politiques innovantes, adaptées aux besoins locaux 430

2. L'emprise de l'Etat 430

a) L'instrumentalisation des financements croisés 430

b) Les obstacles à la déconcentration 431

VI. LE SPORT 432

A. AVANT LA DÉCENTRALISATION : DÉJÀ UN TERRAIN DE CHOIX POUR L'INITIATIVE LOCALE 432

1. Développement des équipements 432

2. Création des services municipaux des sports 433

3. Les départements 433

B. LES LOIS DE DÉCENTRALISATION ET LA LOI " SPORT " : LES SILENCES DU LÉGISLATEUR SUR LES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES 434

1. Le sport : un domaine oublié par les lois de décentralisation 434

2. La loi sport du 16 juillet 1984 434

3. Les modifications successives de la loi " sport " 435

C. UN DYNAMISME QUI CONFIRME LA PRÉPONDERANCE DES COMMUNES 436

1. Un effort financier considérable 436

2. L'action relative aux équipements et installations sportives 438

a) Action en matière de sécurité 438

b) Les installations sportives 438

3. Un soutien indispensable au mouvement sportif 439

4. Des initiatives pour les nouvelles pratiques sportives 440

D. DES DYSFONCTIONNEMENTS QUI HANDICAPENT LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LE DOMAINE DU SPORT 440

1. La multiplicité des services extérieurs compétents 441

2. Normes et responsabilité 441

a) Les normes techniques 442

b) Les règles applicables aux personnels sportifs 442

VII. LES INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES DES COLLECTIVITÉS LOCALES 443

A. LA SITUATION ANTÉRIEURE À 1982 : UN CADRE JURISPRUDENTIEL RESTRICTIF 443

B. LES LOIS DE DÉCENTRALISATION : PRINCIPES ET LIMITES 444

C. LE DISPOSITIF RÉSULTANT DE LA NOUVELLE LÉGISLATION 446

1. L'action en faveur du développement économique 446

a) Les aides directes au développement économique 447

b) Les aides indirectes 448

2. La protection des intérêts économiques et sociaux de la population 449

a) Les aides aux entreprises en difficulté 450

b) Le maintien des services nécessaires à la population 451

c) Les subventions des communes aux entreprises exploitant un cinéma 451

D. LE BILAN QUANTITATIF ET QUALITATIF 452

1. Le développement constant des aides aux entreprises 452

a) Il n'est pas aisé de mesurer l'importance des aides accordées. 453

b) La multiplication des initiatives, parfois au-delà du cadre légal 455

2. Les interventions économiques des collectivités territoriale sont-elles efficaces ? 456

E. UN CADRE JURIDIQUE EN DÉCALAGE AVEC LA RÉALITÉ 459

1. Les manquements aux règles 459

2. Les difficultés d'interprétation et de contrôle 460

a) Les incertitudes du cadre juridique résultent tout d'abord du droit communautaire 460

b) La réglementation nationale est également génératrice de difficultés 463

DEUXIÈME PARTIE - LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION : POUR UNE RÉPUBLIQUE TERRITORIALE 466

CHAPITRE I UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE PLUS EFFICACE 468

I.  POUR UN ÉTAT TERRITORIAL ADAPTÉ À LA DÉCENTRALISATION 468

A. UN ÉTAT RECENTRÉ SUR SES COMPÉTENCES ESSENTIELLES 468

a) L'État n'a pas le monopole de l'intérêt général 468

b) L'État doit se désengager des fonctions de gestion 469

B. RÉNOVER LA FONCTION DE CONTRÔLE 470

1. L'État doit veiller à la qualité du contrôle de légalité 470

a) Sanctionner les défaillances manifestes du contrôle de légalité 470

b) Renforcer la qualité juridique du contrôle 472

2. La fonction de conseil doit être développée 473

a) Les attentes des élus sont fortes 473

b) Renforcer les capacités d'expertise interne 473

3. Les contrôles financiers 468

C. CHANGER L'ORGANISATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT 469

1. Parfaire les partages de services 469

2. Alléger l'organisation territoriale de l'État 470

D. UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA DÉCONCENTRATION 471

1. Dénoncer les ambiguïtés de la déconcentration 471

a)  L'inertie des administrations centrales 471

b) Quels liens entre décentralisation et déconcentration ? 472

2. Redéfinir les rôles respectifs des administrations centrales et des services déconcentrés 474

3. Promouvoir une véritable " interministérialité de terrain " 474

4. Renforcer le rôle du préfet comme interlocuteur des collectivités locales 476

II. ACCOMPAGNER LES MUTATIONS DE L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE LOCALE 477

A. POURSUIVRE LE RENFORCEMENT DE L'INTERCOMMUNALITE SANS REMETTRE EN CAUSE L'IDENTITE COMMUNALE 477

1. La commune, cellule de base de la démocratie locale 477

a) Une perception claire par les élus locaux du rôle de l'intercommunalité 477

b) Une réaffirmation nécessaire de la place des communes 478

2. Un mouvement de rationalisation de l'intercommunalité qui doit être approfondi 479

a) Des progrès incontestables 479

b) Des améliorations souhaitables 480

3. Vers une élection directe des délégués intercommunaux ? 483

a) Une question importante pour la démocratie locale... 483

b) ...Dont tous les effets doivent être mesurés 484

B. PROMOUVOIR UNE DOUBLE EXIGENCE D'EFFICACITÉ ET DE SIMPLIFICATION 485

1. L'exigence d'efficacité 486

a) Une identification claire des missions respectives des différents niveaux 486

b) Encourager les formules de coopération interdépartementale et interrégionale 490

c) Vers un droit à l'expérimentation institutionnelle ? 491

2. L'exigence de simplification 491

a) Le pays doit rester un espace de projet 491

b) Pour une harmonisation des zonages et une simplification des procédures qui leur sont attachées 492

C. RENFORCER LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE 493

1. Les principaux freins au développement de la coopération décentralisée 493

2. Promouvoir une politique globale et intégrée dans les objectifs de l'aménagement du territoire national 494

CHAPITRE II  DES COMPÉTENCES CLARIFIÉES ET RENFORCÉES 497

I. UN PRÉALABLE : UNE AMÉLIORATION DU CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER D'EXERCICE DES COMPÉTENCES 498

A. DES PRINCIPES MIEUX AFFIRMÉS POUR L'EXERCICE DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES 498

1. Une compensation intégrale et évolutive des charges transférées 498

2. Une réelle liberté d'organisation dans la mise en oeuvre des compétences transférées 501

a) Retrouver l'esprit de la décentralisation 501

b) Quelles voies juridiques pour mieux garantir le respect des compétences locales ? 502

3. Un droit à l'expérimentation sur la base du volontariat 503

B. DE NOUVELLES RÈGLES DU JEU POUR L'EXERCICE EN PARTENARIAT DE COMPÉTENCES PARTAGÉES 507

1. Entre l'Etat et les collectivités locales : un partenariat rééquilibré 507

a) Pour un Etat " contractuel " 507

b) Une nouvelle règle du jeu pour les relations contractuelles entre l'Etat et les collectivités locales 507

2. Entre collectivités locales : la promotion de la collectivité chef de file 509

C. DES MOYENS INSTITUTIONNELS RENFORCÉS 512

1. La recherche de formules adaptées pour surmonter les rigidités du cadre institutionnel 513

2. Le rôle de la gestion déléguée 515

3. Les sociétés d'économie mixte 516

II. UNE RÉPARTITION PLUS RATIONNELLE DES COMPÉTENCES AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE 519

A. L'ÉDUCATION : TRANSFÉRER LA RESPONSABILITÉ DES BÂTIMENTS UNIVERSITAIRES AUX RÉGIONS 520

B. LA FORMATION PROFESSIONNELLE : RENFORCER LA COMPÉTENCE DES RÉGIONS 523

C. L'ÉQUIPEMENT : CONFIER AU DÉPARTEMENT L'ENTRETIEN DES ROUTES NATIONALES 524

D. L'ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE : DÉMÊLER L'ÉCHEVEAU DES COMPÉTENCES PARTAGÉES ENTRE L'ETAT ET LE DÉPARTEMENT 526

1. Clarifier la répartition des compétences 526

2. Revenir à l'esprit des " blocs de compétence " pour gérer les nouveaux domaines de l'action sociale 527

E. LA CULTURE : MIEUX ORDONNER UN PAYSAGE CONFUS 528

F. LA SÉCURITÉ : OUVRIR DROIT À L'EXPÉRIMENTATION POUR PLACER UNE POLICE TERRITORIALE DE PROXIMITÉ SOUS L'AUTORITÉ DES MAIRES 530

1. Une exigence : relever le défi de la délinquance de proximité 530

2. Mieux associer les élus locaux aux politiques de sécurité 531

G. LES SERVICES DÉPARTEMENTAUX D'INCENDIE ET DE SECOURS : RENFORCER LE RÔLE DU DÉPARTEMENT 532

1. Le bilan de la départementalisation 532

2. Le financement très contesté des SDIS 534

3. Pour un renforcement du rôle du département 534

H. LES INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES DES COLLECTIVITÉS LOCALES : ADAPTER LE DROIT AUX RÉALITÉS LOCALES 535

CHAPITRE III POUR UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE 541

I. RELEVER LE DÉFI DES 35 HEURES 541

A. DE TROP NOMBREUSES INCERTITUDES 541

1. L'absence de norme 541

2. Le constat établi par le " rapport Roché " 542

B. UNE MÉTHODE CONTESTABLE 543

1. La méthode réglementaire a été retenue après l'échec d'un accord-cadre 543

2. Une disposition nationale est-elle nécessaire ? 545

II. ASSOUPLIR LES CONTRAINTES STATUTAIRES ET AFFIRMER LA SPÉCIFICITÉ DES COLLECTIVITÉS LOCALES 546

A. RESPECTER LA LIBERTÉ DE RECRUTEMENT ET DE GESTION DES EMPLOYEURS LOCAUX 547

1. Professionnaliser les concours 547

2. Respecter la liberté contractuelle et la liberté de gestion 548

B. AFFIRMER LE POUVOIR DE DÉCISION DES COLLECTIVITÉS LOCALES : POUR UN PRINCIPE DE PARITÉ QUI NE SOIT PAS À SENS UNIQUE 549

C. LA FORMATION ET LA MOBILITÉ : POUR UNE FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE PLUS ATTRACTIVE 549

1. Une formation initiale rénovée 549

2. Une obligation de fidélité ? 550

3. La mobilité et le déroulement de carrière : récompenser le mérite et les compétences 550

D. LE PRINCIPE D'ADAPTATION ET L'ANTICIPATION DES BESOINS DES COLLECTIVITÉS LOCALES : L'EXEMPLE DE L'INTERCOMMUNALITÉ 551

CHAPITRE IV UN SYSTÈME DE FINANCEMENT LOCAL RENOVÉ 555

I. LA FISCALITE LOCALE, CONDITION NÉCESSAIRE DE LA LIBRE ADMINISTRATION 555

A. LA LIBRE ADMINISTRATION NE SE RESUME PAS A LA LIBERTÉ DE DÉPENSER 556

1. Un modèle possible 556

2. Une solution inadaptée au contexte français 557

B. UN ATOUT À PRÉSERVER 558

1. Un impératif démocratique 559

2. Une nécessité économique 560

3. Une exigence constitutionnelle 562

C. POUR DES IMPÔTS LOCAUX ADAPTÉS ET GARANTIS CONSTITUTIONNELLEMENT 564

1. Vers une réforme de la Constitution ? 564

2. Des impôts locaux adaptés 565

II. UNE PÉRÉQUATION RENFORCÉE 573

A. LA PÉRÉQUATION EST-ELLE COMPATIBLE AVEC LA DECENTRALISATION ? 573

1. Les termes du débat 573

2. La péréquation est le corollaire de la décentralisation 573

B. AMÉLIORER LE CARACTÈRE PÉRÉQUATEUR DE LA DGF 574

1. Modifier l'ordre de répartition des composantes de la DGF ? 574

2. Dissocier la dotation d'intercommunalité de la DGF des communes ? 575

3. Lier l'évolution de la dotation forfaitaire à celle de la dotation d'intercommunalité ? 576

C. RATIONALISER LES DISPOSITIFS ACTUELS 577

1. Simplifier les dispositifs actuels ? 577

2. Mieux cibler les dispositifs actuels ? 578

3. Renforcer les moyens des dispositifs actuels ? 579

III. UNE NOUVELLE DONNE POUR LES CONCOURS DE L'ÉTAT 581

A. FIXER DES RÈGLES DU JEU CLAIRES 582

1. Instaurer un véritable rendez-vous triennal 582

2. Associer les collectivités locales aux décisions qui ont des conséquences sur leurs budgets 583

B. REVOIR LE MODE D'INDEXATION DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT 585

1. Associer les collectivités locales à la croissance 585

a) Quelle progression pour l'enveloppe normée ? 585

b) Quelle progression pour les dotations de fonctionnement et d'équipement ? 586

2. Le cas particulier de l'indexation des compensations d'exonérations fiscales 588

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION 591

OBSERVATIONS DU GROUPE SOCIALISTE SUR LES PROPOSITIONS FIGURANT DANS LA MOTION ADOPTÉE PAR LA MISSION D'INFORMATION SUR LA DÉCENTRALISATION 597

ANNEXES 601

ANNEXE 1 RAPPEL DES PROPOSITIONS DU RAPPORT D'ÉTAPE DE LA MISSION D'INFORMATION 603

ANNEXE 2 LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES 611

MOTION ADOPTÉE
PAR LA MISSION D'INFORMATION

La mission d'information, commune à cinq commissions permanentes du Sénat, a été chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales.

La mission a tout d'abord centré ses réflexions et ses propositions sur deux sujets de préoccupation prioritaires pour les élus locaux, qu'elle a traités dans un rapport d'étape publié en janvier 2000 : la mission a plaidé pour que la sécurité de l'environnement juridique des collectivités locales soit renforcée, et pour que le statut de l'élu soit rénové.

*
* *

Parvenue au terme de ses travaux qui ont duré dix-huit mois, la mission présente un bilan de la décentralisation établi sous l'angle de l'efficacité de l'action publique, qu'elle a décidé de privilégier.

1. La mission considère que la décentralisation est plus que jamais d'actualité pour relever les défis auxquels l'action publique est confrontée.

•  Conçue et mise en oeuvre, voilà près de vingt ans, dans un contexte d'épuisement du modèle jacobin, la décentralisation a redistribué les pouvoirs, les compétences et les moyens au profit des collectivités territoriales, dont la région alors érigée en collectivité de plein exercice. La réforme avait pour principal objectif de rechercher une meilleure efficacité de l'action publique en rapprochant la décision du citoyen. La décentralisation a atteint ses buts. Les collectivités locales se sont pleinement investies dans les compétences qui leur ont été dévolues, plus rapidement, plus efficacement et à moindre coût que l'Etat n'aurait pu le faire. Libérées, les initiatives locales se sont développées dans tous les domaines ouverts à la démocratie de proximité. La gestion décentralisée a fait la preuve de sa vitalité.

•  Les collectivités locales se sont affirmées comme des acteurs économiques de premier plan. Elles occupent une place significative dans l'économie nationale et leurs investissements, qui représentent plus des deux-tiers de l'investissement public, constituent un facteur de croissance avéré. L'assainissement financier et la sagesse fiscale caractérisent l'efficacité de la gestion décentralisée. L'excédent budgétaire des collectivités locales a permis à la France de se conformer aux critères de Maastricht.

•  La démocratie locale reste primordiale pour faire face aux nouveaux défis qui résultent des grandes tendances de l'évolution démographique, économique et sociale. Le vieillissement inéluctable de la population -à l'exception notable de l'outre-mer-, la mondialisation, le risque d'une fracture civique, sociale, territoriale, creusent les inégalités et créent de nouveaux besoins qui appellent des solutions diversifiées. L'action publique doit s'adapter pour renforcer la gestion de proximité, préserver la cohésion sociale menacée et répondre aux nouvelles attentes des citoyens. Il faut aussi mieux insérer les territoires dans l'ensemble européen.

2. La mission constate la complexité du paysage institutionnel local, en particulier parce que l'Etat n'a pas encore tiré toutes les conséquences de la décentralisation. L'organisation administrative locale est cependant en pleine évolution sous l'effet de la réforme de l'intercommunalité.

•  Le rôle de l'Etat, à la fois contrôleur et acteur de la vie locale, reste ambigu. Il n'a pas encore adapté son organisation à la décentralisation. La déconcentration est toujours en chantier et les élus se plaignent légitimement de ne pas avoir affaire à un interlocuteur unique.

•  La remise en ordre de l'intercommunalité a lancé un mouvement de mise en commun des compétences de nature à remédier aux inconvénients de la dispersion communale. Sa montée en puissance favorisera l'émergence de territoires de projet et modifiera les relations entre les différents niveaux de collectivité, sans que l'on puisse encore apprécier l'ampleur de ces évolutions à venir.

3. La mission constate que la logique initiale de la décentralisation, fondée sur une répartition des compétences par blocs, a été perdue de vue. A la clarification des compétences s'est substituée une autre logique, celle de la cogestion, avec pour conséquence la multiplication des partenariats sous toutes les formes possibles... voire " impossibles ".

•  Cette logique de cogestion aboutit à un dévoiement des principes de la décentralisation lorsqu'elle se traduit par la participation croissante des collectivités locales au financement des compétences de l'Etat, ou par une tendance accentuée à la recentralisation des pouvoirs dont on trouve des exemples manifestes dans plusieurs textes de loi récents tels que la loi " exclusions " et le projet de loi " solidarité et renouvellement urbains ".

•  Contractualisation et décentralisation apparaissent complémentaires dans leur principe, mais parfois antagonistes dans leur mise en oeuvre. Le contrat est un outil indispensable pour mettre en commun des moyens destinés à financer -et parfois gérer- des compétences partagées ou transversales. Le foisonnement de la contractualisation présente toutefois le risque de contribuer à la confusion des responsabilités et au manque de lisibilité de l'action publique. En outre, le contrat doit reposer sur l'équilibre et la durée. Or, la logique contractuelle est trop souvent inégalitaire et dénuée de force contraignante pour l'Etat, qui ne tient pas ses engagements.

4. La mission s'inquiète de l'inadéquation des moyens à la disposition des collectivités locales.

•  S'agissant des moyens en personnel , le cadre juridique de la fonction publique territoriale est encore inadapté aux besoins des collectivités locales .

La compétence, le dévouement et l'efficacité des fonctionnaires territoriaux doivent être soulignés et ne sont nullement en cause. Cependant, les procédures de recrutement et de formation sont trop lourdes. Les statuts particuliers n'offrent pas aux collectivités les qualifications nouvelles qui leur seraient nécessaires. Les quotas et les seuils entravent le déroulement des carrières. Le bon équilibre n'a pas encore été trouvé entre le besoin de souplesse des collectivités employeurs et les rigidités inhérentes au statut protecteur des fonctionnaires. Les conséquences de la réduction du temps de travail sont encore très incertaines. Le financement des retraites n'est pas assuré, la situation de la CNRACL demeurant préoccupante.

•  S'agissant des finances locales , le bilan de la mission met en évidence une tendance à la remise en cause des marges d'autonomie financière et fiscale ouvertes aux collectivités locales par la décentralisation .

Les principales caractéristiques de l'évolution du système de financement local -outre son extrême complexité- peuvent être ainsi résumées :

a) La compensation par l'Etat des charges inhérentes aux transferts de compétences n'a plus qu'une importance relative alors que les collectivités locales subissent par ailleurs des charges sur lesquelles elles n'ont aucune prise et qui ne sont nullement compensées. De surcroît, à l'inverse du principe de compensation, l'Etat incite les collectivités locales à financer des dépenses qui relèvent de ses propres compétences.

b) Les ressources des collectivités locales dépendent de plus en plus de l'Etat, pourvoyeur de dotations budgétaires dont il détermine l'évolution, mais aussi premier contribuable local.

c) La part de la fiscalité locale dans les ressources des collectivités se réduit au fil des réformes, motivées tantôt par la sauvegarde de l'emploi, tantôt par un souci de justice sociale, mais également conformes à la volonté de l'Etat de mieux maîtriser toutes les composantes des finances publiques. Quelles que soient les justifications avancées, ces réformes mettent dangereusement en cause la libre administration des collectivités locales.

d) Les concours de l'Etat aux collectivités locales constituent des ressources dont la régularité n'est pas véritablement garantie et dont l'évolution ne tient assez compte ni de leurs charges réelles ni de la croissance.

e) Les mécanismes de la péréquation financière, destinée à corriger les inégalités de richesse, se caractérisent par une opacité qui empêche d'en mesurer les effets.

*
* *

Ce bilan souligne à la fois l'efficacité des collectivités territoriales et les menaces qui planent sur la décentralisation :

•  Forcé de s'adapter aux réalités de la mondialisation dans un cadre européen plus contraignant, l'Etat est tenté de faire des collectivités locales les instruments de ses politiques. Il cède trop souvent à la tentation récurrente de la recentralisation.

•  Dans un environnement institutionnel complexe, la confusion des responsabilités constitue un terrain propice au foisonnement des initiatives, tout en présentant le risque de contribuer au découragement des élus et de rendre l'action publique peu lisible pour les citoyens.

•  Malgré les performances de leur gestion financière, les collectivités locales sont à la merci d'un retournement de conjoncture. Leurs marges de manoeuvre se resserrent sous l'effet conjoint de l'alourdissement des charges dont elles n'ont pas la maîtrise, de la moindre progression de leurs ressources et des atteintes à leur pouvoir fiscal. Cette évolution met en péril leur capacité à répondre aux besoins nouveaux.

•  L'épuisement des mécanismes de la dotation globale de fonctionnement, la mise en cause de la fiscalité locale et le développement des formules contractuelles dans un cadre à la fois imprécis et déséquilibré témoignent d'un essoufflement de la décentralisation, préjudiciable à l'efficacité de l'action publique et à l'approfondissement de la démocratie de proximité.

*
* *

Pour la mission d'information, retrouver l'esprit de la décentralisation est un impératif . Il s'agit de mieux associer les citoyens pour affronter ensemble les nouveaux défis sociaux et de construire, avec l'Etat et non contre l'Etat, une République territoriale rénovée .

C'est pourquoi la mission s'est prononcée en faveur d'une relance vigoureuse et concertée de la décentralisation , qui passe par :

la définition d'un nouveau contrat de confiance avec l'Etat, dans le cadre d'une organisation institutionnelle plus efficace ;

•  une clarification des compétences, dans le sens d'une décentralisation renforcée ;


des moyens humains mieux adaptés et des marges de manoeuvre financière préservées, le principe de libre administration des collectivités locales étant mieux garanti.

1. Considérant qu'un changement d'attitude de l'Etat à l'égard des collectivités locales est une condition primordiale pour l'approfondissement de la décentralisation, la mission préconise :


de recentrer l'Etat sur ses missions essentielles

Il appartient avant tout à l'Etat de fixer des règles, d'en assurer le respect, de garantir les grands équilibres économiques et financiers, ainsi que la solidarité nationale, mais sans perdre de vue qu'à la recherche de l'équité, prendre en compte la diversité reste un impératif.

de rénover les fonctions de contrôle

Pour plus d'efficacité, le contrôle de légalité devrait être à la fois plus sûr et plus adapté à la réalité locale. L'exercice efficace du contrôle financier suppose de créer les conditions d'un vrai dialogue entre les chambres régionales des comptes et les collectivités locales, dans le cadre de procédures adaptées.

de mieux associer les collectivités locales aux décisions qui les concernent , en particulier lorsque ces décisions ont une incidence sur leurs charges ou leurs ressources.

Tel est le cas des négociations salariales dans la fonction publique, de l'élaboration de normes nouvelles -à Paris ou à Bruxelles- ou encore de la gestion des fonds structurels européens.

de promouvoir une nouvelle approche de la déconcentration

La déconcentration renforce la décentralisation lorsqu'elle permet aux élus d'avoir en face d'eux des interlocuteurs compétents et responsables, capables d'engager l'Etat tout entier. Les élus locaux souhaitent un interlocuteur unique, qui ne peut être que le préfet, coordonnateur de l' " interministérialité ". Pour répondre à cette attente, il importe de renforcer l'autorité du préfet sur les services déconcentrés, inscrite de longue date dans les textes mais pas toujours dans les faits, et de renforcer également les moyens des préfectures en personnel de qualité.

La déconcentration a en revanche des effets pervers lorsqu'elle aboutit à la multiplication des services territoriaux, même pour les ministères les plus modestes. Il n'est pas nécessaire que chaque administration centrale dispose d'un service déconcentré à la fois au niveau régional et départemental.

Mieux vaudrait, pour éviter la multiplication des structures et les doubles emplois, préjudiciables à l'efficacité de l'action publique, engager une nouvelle réflexion sur le partage des tâches avec les collectivités locales.

La décentralisation prendrait alors le relais d'une déconcentration des pouvoirs trop souvent inopérante sous son aspect " vertical ", du centre à la périphérie des administrations de l'Etat.

La gestion des personnels constituant un obstacle -et non des moindres- aux évolutions structurelles des administrations, la vague de départs en retraite à échéance prévisible offre à l'Etat comme aux collectivités territoriales une occasion à ne pas manquer pour se concerter afin de rationaliser les tâches respectives et les effectifs de leurs services.

2. Considérant que chaque niveau de collectivité a sa légitimité, ancrée dans l'histoire administrative et les réalités de chaque territoire, et convaincue que la réforme de l'intercommunalité constitue un puissant facteur d'évolution de l'organisation institutionnelle locale, la mission préconise :

de renforcer l'intercommunalité de projet, sur la base du volontariat, tout en préservant l'identité de la commune , cellule de base de la démocratie locale, même si devait être instaurée le moment venu l'élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux.

de favoriser les coopérations interdépartementales et interrégionales.

de renforcer la coopération décentralisée.

La mission souhaite également une harmonisation des zonages et une simplification des procédures qui y sont associées. Elle considère que le pays doit demeurer un espace de projet et n'a pas vocation à devenir un nouvel échelon territorial.

Enfin, elle s'est interrogée sur la reconnaissance d'un droit à l'expérimentation institutionnelle , par une démarche volontaire, dans un cadre juridique précis de nature à garantir le caractère unitaire et indivisible de la République.

3. Considérant que l'enchevêtrement des compétences est un facteur de confusion des responsabilités et nuit à la lisibilité de l'action publique,

considérant que la clarification est un objectif incontesté qui doit être poursuivi, entre deux logiques opposées, celle des blocs de compétences, qui a montré ses limites, et celle du " tout contrat ", séduisante mais génératrice d'incertitude
,

la mission préconise :

de rationaliser dans la mesure du possible la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, conformément à la vocation principale des différents niveaux de collectivité et en tenant compte des évolutions observées.

Toute nouvelle décentralisation de compétence devrait être subordonnée à trois conditions :

- une compensation juste et évolutive des charges transférées ;

- une liberté réelle d'organisation ;

- l'expérimentation sur la base du volontariat, qui garantit l'adhésion et préserve l'avenir.

de clarifier les règles du jeu pour l'exercice en partenariat des compétences partagées

Pour les compétences partagées avec l'Etat, la mission appelle de ses voeux le rééquilibrage d'un partenariat trop inégal. Elle souhaite que le non-respect de ses engagements par l'Etat fasse l'objet de sanctions financières.

Pour les compétences partagées entre collectivités locales, la mission préconise de promouvoir en droit et en fait la collectivité chef de file, tant pour la mise en oeuvre et le suivi de contrats d'objectifs cofinancés que pour le pilotage des champs de l'action publique dans lesquels plusieurs collectivités interviennent chacune à leur niveau.

Pour clarifier les responsabilités dans le sens d'une décentralisation renforcée, la mission suggère notamment :

- de transférer les constructions universitaires à la région ;

- de confier à chaque collectivité la gestion des personnels administratifs des établissements d'enseignement qui entrent dans son domaine de compétences ;

- de confier aux régions la totalité de la responsabilité de la formation professionnelle ;

- de transférer la construction et l'entretien des routes nationales aux départements, l'Etat gardant les autoroutes ;

- de transférer à l'Etat les actions départementales de prévention sanitaire ;

- de répartir les actions en faveur des handicapés par fonctions et non par établissements : l'hébergement au département, le travail à l'Etat, les soins à l'assurance maladie ;

- d'engager une réflexion pour mettre fin à la cogestion du RMI par l'Etat et le département, en favorisant une plus grande décentralisation ;

- de reconnaître explicitement aux collectivités locales, et en particulier aux communes, la responsabilité des établissements d'enseignement artistique, qu'elles assument déjà, en associant à cette compétence un financement approprié ;

- d'associer les collectivités locales à l'inventaire, l'Etat conservant la responsabilité de la conservation du patrimoine ;

- d'ouvrir droit à l'expérimentation pour placer une police territoriale de proximité sous l'autorité des maires ;

- de confier aux départements l'organisation des services d'incendie et de secours.

4. Considérant la nécessité de mieux adapter le statut des fonctionnaires territoriaux, en conciliant les spécificités des collectivités employeurs et l'intérêt des agents, la mission préconise en particulier :

- d'alléger les modalités de recrutement par concours, notamment en reconnaissant l'équivalence des diplômes et en organisant des concours sur titres pour les filières techniques, sociales et culturelles ; de favoriser la promotion interne, sanction d'une compétence et validation des acquis professionnels ;

- de créer de nouveaux cadres d'emplois pour répondre aux besoins en personnels qualifiés, tels que juristes et " nouveaux métiers " ;

- de préserver la voie du recrutement contractuel, indispensable élément de souplesse ;

- de poursuivre l'adaptation des quotas d'avancement et des seuils démographiques ;

- de favoriser la mobilité des agents, au sein de la fonction publique territoriale et en direction de la fonction publique de l'Etat ;

- de mutualiser la formation initiale des administrateurs territoriaux et de chercher comment éviter que la charge des formations complémentaires pèse exclusivement sur la collectivité " premier employeur ".

5. Considérant que la rénovation du système de financement local est une impérieuse nécessité et doit faire l'objet d'une réforme cohérente tendant à garantir aux collectivités locales des marges de manoeuvre suffisantes, dans le respect du principe de libre administration, la mission recommande en particulier :

- de préserver, dans les ressources des collectivités, une part prépondérante de recettes fiscales dont elles puissent adapter l'évolution à leurs besoins ;

- de moderniser l'assiette de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle ;

- d' étudier comment certains impôts existants pourraient être remplacés soit par de nouveaux impôts, soit par la possibilité pour les collectivités de voter des taux ou des centimes additionnels aux impôts d'Etat, soit par le transfert de certains impôts d'Etat ;

- de clarifier les règles du jeu présidant à la détermination du montant et de l'évolution des concours financiers de l'Etat, afin de mieux prendre en compte les charges subies par les collectivités locales et de mieux les associer à la croissance ;

- de renforcer la dimension péréquatrice de la répartition des dotations de l'Etat, plutôt que de multiplier les mécanismes de péréquation directe entre collectivités.

Enfin, le principe constitutionnel de libre administration serait renforcé en inscrivant dans la Constitution la garantie de l'autonomie fiscale des collectivités locales et les principes financiers de la décentralisation, comme le propose le Président du Sénat, M. Christian Poncelet.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La décentralisation a contribué à dessiner le nouveau visage d'une France plus ouverte, plus moderne, mieux adaptée à l'évolution d'un contexte économique et social en pleine mutation, mieux préparée à s'insérer dans une Union européenne en devenir.

Lorsque le processus de décentralisation est lancé, voilà bientôt vingt ans, le paysage est encore celui d'un Etat fortement centralisé , marqué par une culture égalitaire, doté d'une administration organisée pour faire face aux nécessités de la reconstruction de l'après guerre, caractérisé par une large extension du secteur public dans une économie nationale planifiée.

Cependant, les trente glorieuses sont passées. La crise du pétrole a ébranlé la certitude d'un progrès économique indéfini, et l'ouverture des frontières a remis en question la maîtrise par l'Etat de l'économie nationale. Des politiques contractuelles plus affirmées ont vu le jour. L'efficacité de l'Etat jacobin s'est érodée . Libérer l'initiative, rapprocher la décision du citoyen paraissent alors des objectifs indispensables au renouveau de l'action publique.

Après les mesures de déconcentration prises dans ces années soixante au profit des préfets, suivies par la création des établissements publics régionaux, le rapport " Vivre ensemble ", résultat des travaux de la commission Guichard, a ouvert la voie vers une nouvelle répartition des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales, lieux de décision privilégiés pour la mise en oeuvre d'une démocratie de proximité renforcée. Le dogme de l'égalité, souvent plus abstraite que réelle, cède le pas devant la reconnaissance de la capacité des collectivités à mieux faire face que l'Etat central à la diversité des situations . La décentralisation est en marche.

L'aboutissement de la réforme, réalisée par le gouvernement de Pierre Mauroy, est le fruit d'une longue gestation à laquelle le Sénat a pris une part active, en votant en 1980 un projet de loi relatif au développement des responsabilités locales présenté par notre collègue Christian Bonnet. Ce texte, aussi complet qu'ambitieux, ne sera pas examiné par l'Assemblée nationale. Le socle financier de la décentralisation est cependant en place avant l'alternance de 1981 : les départements et les communes ont obtenu le droit de voter le taux de leurs impôts et la dotation globale de fonctionnement a été créée.

Gaston Deferre, qui succède à Christian Bonnet au ministère de l'Intérieur, est partisan d'une méthode progressive. Dès 1982, une première loi fixe le cadre juridique de la décentralisation. A la hardiesse des nouveaux principes -suppression de la tutelle a priori et transfert des exécutifs aux présidents d'assemblée- s'ajoute l'érection de la région en collectivité de plein exercice. La réforme s'inscrit dans un cadre constitutionnel et dans un cadre territorial inchangé. Les nouvelles régions prendront la place des établissements publics régionaux existants.

C'est seulement une fois tracé ce cadre juridique que viendront les premières lois organisant les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales. Un édifice législatif considérable, complété par d'abondants textes réglementaires, sera patiemment construit -il faudra dix ans pour attendre un statut de l'élu- et constamment remanié, les gouvernements successifs balançant entre la volonté de parachever le processus de décentralisation et la tentation récurrente d'une recentralisation rampante.

Qu'en est-il aujourd'hui ? L'action de l'" Etat décentralisé " s'inscrit dans un contexte politique, économique et social qui a profondément évolué depuis vingt ans. La mondialisation de l'économie s'est affirmée. L'intégration européenne s'est renforcée, infléchissant la législation nationale, créant des normes nouvelles. La France s'est engagée résolument dans l'Union monétaire.

Avant de faire place à la croissance, stimulée par les nouvelles technologies, la crise économique a creusé les inégalités, au détriment des territoires et des individus les plus fragiles, menaçant la cohésion sociale. Les mentalités ont évolué vers plus d'individualisme. La confiance dans la politique s'est affaiblie au même rythme que la puissance tutélaire des Etats. La médiatisation exige une plus grande transparence de l'action publique.

Partout dans le monde montent en puissance les pouvoirs locaux, expression de solidarités territoriales plus affirmées et remparts contre la mondialisation, reconnus pour leur capacité d'initiative et d'adaptation aux besoins exprimés par les citoyens.

La France ne saurait échapper à ce mouvement, même si elle se distingue par sa forte tradition unitaire. L'Etat veille aux grands équilibres économiques et financiers, et son rôle de garant de la solidarité nationale n'est pas contesté. Mais il doit composer avec les forces économiques et, pris en étau entre l'intégration européenne et la décentralisation, résiste à l'érosion de ses pouvoirs et de ses finances.

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Le Sénat, conformément à sa vocation constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales de la République, a considéré que le moment était venu de faire le point sur ce qu'est devenue la décentralisation, au travers de ces bouleversements qui ont sensiblement modifié les moyens d'action de l'Etat et l'environnement des collectivités locales.

Il a décidé, fin 1998, de mettre en place une mission d'information, commune à cinq commissions permanentes -Lois, Finances, Affaires culturelles, Affaires économiques et Affaires sociales- afin de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales.

Cette initiative trouve son origine dans la volonté de M. Christian Poncelet qui, dès son élection à la Présidence du Sénat, a souhaité affirmer le rôle de " veilleur " de la décentralisation de la Haute Assemblée, et s'est lui-même engagé dans une large opération de consultation sur le terrain, en organisant des Etats généraux des élus locaux dans les régions.

Dans le Vaucluse, en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Normandie, en Aquitaine, enfin en Auvergne, les Etats généraux ont permis d'engager un dialogue fécond avec les élus locaux, les parlementaires et les représentants de l'Etat, sur des thèmes aussi divers que la sécurité juridique, l'autonomie financière des collectivités locales, l'avenir de l'intercommunalité, les politiques de sécurité publique, l'aménagement du territoire et la réforme de l'Etat. Les résultats de cette consultation ont contribué très utilement aux réflexions de la mission d'information.

Depuis que la mission a engagé ses travaux, voilà dix-huit mois, plusieurs réformes législatives concernant le paysage institutionnel local et les relations entre l'Etat et les collectivités locales ont donné lieu à des débats parlementaires animés et controversés : sur l'intercommunalité, sur les finances locales, sur les polices municipales, sur l'aménagement du territoire, sur la solidarité et le renouvellement urbains, sur l'adaptation des départements d'outre-mer, pour ne citer que les réformes les plus importantes.

La mission d'information a bien entendu suivi avec la plus grande attention les débats législatifs, qui ont alimenté ses réflexions.

De son côté, la mission d'information, qui a tenu 39 réunions pour une durée totale de 72 heures, a procédé à 75 auditions -ministres, associations d'élus, personnalités qualifiées- dont on trouvera le compte rendu résumé dans le tome II du présent rapport.

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Face à l'ampleur de la tâche dont elle a été investie, la mission d'information a tout d'abord centré ses réflexions et ses conclusions sur deux sujets de préoccupation prioritaires pour les élus locaux. Elle a publié en janvier 2000 un rapport d'étape dans lequel elle a plaidé pour que la sécurité de l'environnement juridique des collectivités locales soit renforcée et pour que le statut de l'élu soit rénové 1( * ) .

Elle ne peut que se féliciter de la traduction de ses conclusions dans des textes législatifs. Il en est ainsi de la proposition de loi de notre collègue Pierre Fauchon sur les délits non intentionnels, définitivement adoptée par le Parlement. Celle de nos collègues Jacques Oudin et Jean-Paul Amoudry sur les chambres régionales des comptes, toujours en instance, résulte des réflexions qu'ils ont conduites dans le cadre d'un groupe de travail 2( * ) , commun aux commissions des Lois et des Finances, et auxquelles la mission s'est pleinement associée.

Pour dresser un bilan de la décentralisation et en tirer les conséquences pour l'avenir, objet de ce rapport final, la mission a choisi de privilégier une approche aussi concrète que possible : celle de l'efficacité de l'action publique.

C'est à travers ce prisme que la mission s'est efforcée d'apprécier dans quelle mesure les principes de la décentralisation ont été mis en oeuvre et plus ou moins infléchis, et quelles seraient les mesures à prendre pour faciliter l'exercice des compétences locales.

Cette optique de la performance de l'action publique a conduit la mission à s'engager dans un bilan sectoriel de la décentralisation. Dans l'impossibilité de couvrir tout le champ de l'action publique, la mission a focalisé ses analyses sur quelques domaines : l'aide sociale, compétence de droit commun du département ; la formation professionnelle, secteur déjà largement investi par la région ; l'éducation, qui a fait l'objet des transferts de compétences les plus visibles en matière de construction et d'entretien des bâtiments scolaires ; les politiques de sécurité, compétence de l'Etat pourtant largement partagée ; la culture, peu concernée par les lois de décentralisation, et le sport, qu'elles ont oublié, domaines dans lesquels l'initiative des collectivités locales s'est néanmoins largement déployée ; enfin, les interventions économiques des collectivités locales, où le droit est manifestement en décalage avec les faits.

L'impression générale qui s'est dégagée des consultations auxquelles la mission a procédé est celle de la performance incontestable des collectivités locales . Cette appréciation positive s'accompagne du sentiment diffus, largement partagé, d'une complexité ambiante , certes inévitable, certes favorable au foisonnement des initiatives, mais éprouvante pour les élus locaux les moins bien secondés -ceux des petites communes-, préjudiciable à la lisibilité de l'action publique pour le citoyen et, finalement, à son efficacité.

Cette complexité est d'abord celle du paysage institutionnel , en particulier parce que l'Etat n'a pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation, ni dans son organisation, ni dans ses modes de gestion. Elle résulte ensuite de la confusion des responsabilités , conséquence de la logique de cogestion qui s'est substituée à la logique initiale de la répartition des compétences par blocs, et s'est traduite par une multiplication des partenariats. La complexité caractérise aussi le système de financement local , qui a fait l'objet d'aménagements multiples au fil des lois de finances successives et dont seuls les spécialistes avertis sont en mesure de démêler l'écheveau. Plus généralement, la complexité du droit contribue au climat d'insécurité juridique, déjà mis en évidence par la mission dans son rapport d'étape.

Convaincue que la décentralisation est plus que jamais d'actualité pour relever les défis auxquels l'action publique est confrontée , la mission d'information s'est inquiétée d'une tendance récente au retour de l'Etat " tutélaire ", confirmée à travers plusieurs réformes législatives, qui traduit une défiance persistante à l'égard des collectivités locales. La " recentralisation " de leurs ressources financières met en cause leur pouvoir fiscal, élément substantiel du principe constitutionnel de leur libre administration.

L'Etat est ainsi tenté de faire des collectivités territoriales, par la loi ou par le contrat, les instruments de ses politiques , s'éloignant des principes de la décentralisation ou les tournant à son avantage.

La mission s'est également préoccupée des moyens en personnels et des marges de manoeuvres financières nécessaires aux collectivités locales pour faire face aux besoins des citoyens. Les performances de leur gestion et l'embellie économique récente ne doivent pas cacher la fragilité d'une situation financière aujourd'hui saine mais qui reste à la merci d'un retournement de conjoncture.

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Ces constats ont conduit la mission d'information à préconiser une vigoureuse relance de la décentralisation qui passe par la définition d'un nouveau contrat de confiance avec l'Etat , une nouvelle approche de la déconcentration, une clarification des responsabilités, la rénovation du système de financement local, afin de construire, avec l'Etat et non contre l'Etat, une véritable République territoriale . Car la décentralisation n'est rien d'autre qu'une réforme de l'Etat, qu'il faut mener à son terme.

La République territoriale que votre mission appelle de ses voeux ne remet pas en cause le cadre unitaire de l'Etat, qui distingue la France des Etats fédéraux, ni le principe d'indivisibilité de la République. Il s'agit de promouvoir une conception de la République qui favorise la territorialisation de l'action publique et qui reconnaisse dans les collectivités locales des partenaires responsables pour contribuer à faire prévaloir l'intérêt général dans la diversité.

Après l'étape qui a permis de passer d'un Etat jacobin à un Etat décentralisé, doit émerger un Etat partenarial dans le cadre d'une République territoriale , fondée sur le triptyque " liberté d'initiative, diversité, responsabilité " des collectivités territoriales.

La proposition dont le Président Poncelet a pris l'initiative, pour inscrire dans la Constitution la garantie de l'autonomie fiscale des collectivités locales et les principes financiers de la décentralisation, afin de conforter le principe constitutionnel de libre administration, répond pleinement à cet objectif.

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L'ensemble des réflexions de la mission d'information s'inscrit dans le droit fil des travaux précédemment conduits par le Sénat autour du thème de la décentralisation, qui ont à maintes reprises trouvé des traductions législatives. Trois missions d'information communes à plusieurs commissions ont été créées en 1983, 1984 et 1990 3( * ) afin d'apprécier la mise en oeuvre et les effets de la réforme. Après la mission d'information sur l'espace rural, a été constituée une mission sur l'aménagement du territoire dont les travaux ont largement alimenté la réflexion préliminaire à la loi d'orientation de 1995 4( * ) . Les commissions des lois et des finances ont mis en place, en leur sein ou conjointement, des groupes de travail qui se sont penchés sur la responsabilité pénale des élus locaux (1995) 5( * ) , sur la décentralisation (1996) 6( * ) et sur les chambres régionales des comptes (1998) 7( * ) .

La mission a fait oeuvre aussi complète que possible dans le temps qui lui a été imparti pour atteindre les objectifs qui lui avaient été fixés. Ses travaux ne sont cependant qu'une nouvelle étape dans l'accomplissement par le Sénat de sa mission de " veilleur " de la décentralisation . La vigilance de la Haute Assemblée devra rester constante pour que les analyses contenues dans le présent rapport et les orientations retenues par la mission d'information soient suivies d'effet.

D'autres instances se sont également saisies, plus récemment, de ce thème de la décentralisation. Le Conseil économique et social vient ainsi d'adopter un avis sur la décentralisation et le citoyen 8( * ) .

Preuve supplémentaire de l'actualité du sujet, le Premier ministre a jugé nécessaire de mettre en place en novembre 1999, près d'un an après le début des travaux de votre mission d'information, une commission sur l'avenir de la décentralisation, dont il a confié la présidence à notre collègue Pierre Mauroy.

Votre mission d'information forme le voeu que toutes ces réflexions contribuent à donner sa pleine portée à la réforme ambitieuse que constitue la décentralisation, indispensable à l'efficacité de l'action publique et à l'affirmation d'une démocratie proche du citoyen.

PREMIÈRE PARTIE




LA DÉCENTRALISATION ET L'EFFICACITÉ

DE L'ACTION PUBLIQUE

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PREMIÈRE PARTIE

LA DÉCENTRALISATION ET L'EFFICACITÉ
DE L'ACTION PUBLIQUE

Au travers des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé la mission d'information a cherché à mesurer quelle était la contribution de la décentralisation à l'efficacité de l'action publique.

C'est pourquoi, il lui a tout d'abord paru nécessaire de rappeler le contexte dans lequel cette grande réforme avait été conçue et mise en oeuvre ainsi que les différents défis qu'elle devra affronter dans les années à venir.

Opérant une redistribution des pouvoirs dans le cadre de l'Etat unitaire et favorisant l'émergence d'une démocratie de proximité , la décentralisation a également eu pour objet de rechercher une meilleure efficacité de l'action publique. En utilisant pleinement les nouvelles compétences qui leur ont été reconnues, les collectivités locales se sont affirmées comme des acteurs économiques de premier plan . Elles ont apporté des réponses adaptées à différentes questions de sociétés qui devraient avoir une place cruciale dans les prochaines années.

Pourtant l'évaluation à laquelle la mission d'information a ensuite procédé souligne que plusieurs facteurs sont susceptibles de mettre en cause la contribution de la décentralisation à une meilleure efficacité de l'action publique.

Les travaux de la mission d'information ont mis en évidence la complexité du paysage institutionnel de la décentralisation, complexité à laquelle contribue fortement l'absence d'adaptation de l'Etat à la " nouvelle donne " issue des lois de 1982-1983. Ils ont également fait ressortir le passage d'une logique de blocs de compétences à une cogestion généralisée et le plus souvent inégalitaire dans les relations entre l'Etat et les collectivités locales.

Ce dévoiement de l'esprit initial de la réforme est aggravé par l'inadéquation croissante des moyens mis à la disposition des collectivités locales. Les rigidités excessives du statut de la fonction publique territoriale ne permettent pas de prendre en compte les spécificités et les besoins des collectivités locales. Quant au système de financement , les évolutions récentes, contredisant les principes initiaux, remettent en cause l'autonomie locale et constituent des entraves au développement des initiatives.

CHAPITRE PREMIER

LE CONTEXTE : UNE RÉFORME EFFICACE ET ADAPTÉE
AUX NOUVEAUX DÉFIS SOCIAUX

Cherchant à rompre avec une tradition pluriséculaire, la décentralisation a opéré une nouvelle distribution des pouvoirs dont il était attendu une plus grande efficacité de l'action publique (I).

Dans ce nouveau cadre, les collectivités locales se sont affirmées comme des acteurs économiques de premier plan (II).

L'action publique devra dans les prochaines années affronter de nouveaux défis qu'elle ne pourra relever qu'en faisant toute sa place à une gestion de proximité (III).

I. LA DÉCENTRALISATION : UNE REDISTRIBUTION DES POUVOIRS AU SERVICE DE L'EFFICACITE DE L'ACTION PUBLIQUE

A. L'EMERGENCE DIFFICILE DE L'IDEE DE DECENTRALISATION

1. Un long cheminement

a) Une histoire " cahotique "

Les travaux préparatoires de la loi du 2 mars 1982 ont bien mis en évidence que, tout en étant au coeur du débat politique , l'idée de décentralisation a rencontré au cours de notre histoire institutionnelle de nombreux obstacles.

Comme le soulignait Charles Eisenmann il n'y a de véritable décentralisation " que si et dans la mesure où les autorités locales reçoivent le pouvoir de poser des règles ou des normes d'espèce avec la liberté que leur laisse la législation sans être soumises à aucune volonté d'une autorité administrative d'Etat ", si ce n'est en matière de contrôle de la légalité car " la primauté ou simplement le caractère obligatoire de la loi pour l'autorité administrative ne constitue en aucune façon une subordination quelconque de l'autorité administrative locale à l'administration de l'Etat ; elle ne la fait nullement dépendre de celle-ci ; les interventions de légalité et les pouvoirs correspondants de l'administration d'Etat ne restreignent point le degré de décentralisation... puisqu'ils en font simplement respecter la mesure " 9( * ) .

Mais, en 1976, le rapport " Vivre ensemble ", établi par Olivier Guichard, pouvait constater que le caractère national , accusant le centralisme déjà avancé de nos institutions, avait freiné le développement des responsabilités locales.

Le même rapport décrivait trois facteurs qui ont joué dans le sens de la centralisation :

- le goût du recours hiérarchique qui pousse à en appeler toujours à une autorité supérieure ;

- le goût de l'égalité , qui se traduit par un glissement insensible de l'égalité vers l'égalitarisme et l'uniformité ;

- le goût de la sécurité , qui conduit à faire appel à l'Etat jugé mieux placé que quiconque pour assurer cette sécurité.

Les politiques de décentralisation ont eu, en effet, bien du mal à s'imposer. Aux premières années de la Révolution qui ont paru privilégier une certaine volonté décentralisatrice ont succédé le centralisme jacobin de la Convention puis, après l'intermède du Directoire, la centralisation napoléonienne .

La Monarchie de Juillet instaura à nouveau par la loi du 21 mars 1831 pour les communes et par la loi du 22 juin 1833 pour les départements, l'élection des conseillers municipaux et des conseillers généraux, supprimée sous le Consulat. La loi du 18 juillet 1837 reconnut par ailleurs la personnalité civile de la commune tandis que la loi du 10 mai 1838 opéra implicitement la même reconnaissance au profit des départements. Ces deux textes augmentèrent également les compétences des conseils municipaux et des conseils généraux.

Cette évolution fut mise en cause par le second Empire qui a l'inverse augmenta encore les pouvoirs de l'Etat même si sur son déclin il dut prendre en compte les aspirations à plus de liberté locale en reconnaissant aux conseils généraux et aux conseils municipaux de véritables pouvoirs de décision (lois du 10 juillet 1866 et du 24 juillet 1867).

Les débuts de la IIIè République furent marqués par des réformes majeures dont certains effets se font encore sentir. Les lois du 10 août 1871 et du 5 avril 1884 dotèrent respectivement le département et la commune d'institutions qui ne furent guère modifiées avant la réforme de 1982.

La loi du 10 août 1871 a prévu que le conseil général serait désigné sur la base d'un conseiller général par canton, élu pour six ans, le conseil général étant renouvelé par moitié tous les trois ans. Le conseil général pouvait prendre des décisions sans approbation préalable du préfet mais ne disposait pas d'un pouvoir de décision sur l'ensemble des affaires départementales. Il pouvait seulement émettre des voeux sur toutes les questions économiques et d'administration générale. En outre, le représentant de l'Etat restait l'organe exécutif du conseil général, compétent pour instruire les affaires et exécuter les décisions.

La loi municipale du 5 avril 1884 a affirmé le principe de l'élection de tous les maires par les conseils municipaux et consacré une véritable clause générale de compétences au profit du conseil municipal qui règle désormais " par ses délibérations les affaires de la commune ".

Si l'on met à part l'acte du 16 novembre 1940 qui instaura la nomination des conseils municipaux dans les communes de plus de 2 000 habitants et l'acte du 12 octobre 1940 qui suspendit les conseils généraux, cet équilibre, pour l'essentiel, prévaudra jusqu'aux lois de décentralisation.

Après le rétablissement, à la Libération, du système antérieur, la Constitution du 27 octobre 1946 consacra plusieurs articles aux libertés locales qui affirmèrent notamment le principe de la libre administration des collectivités locales dans le cadre de la loi nationale. L'article 89 de la Constitution ouvrit la voie à de nouvelles réformes. Néanmoins le projet de loi présenté en 1947 qui prévoyait de transférer les attributions du préfet a un élu ne put aboutir.

Le titre XII de la Constitution du 4 octobre 1958 , entièrement consacré aux collectivités territoriales, réaffirme le principe de libre administration des collectivités locales par des conseils élus.

b) Une double dépossession

Au cours de cette histoire institutionnelle " cahotique ", les collectivités locales ont dû lutter contre un double phénomène de dépossession , décrit par notre ancien collègue Michel Giraud dans le rapport qu'il établit au nom de votre commission des Lois sur le projet de loi dont fut issue la loi du 2 mars 1982.

En premier lieu, un phénomène de dépossession légale résulta de l'adoption de diverses lois qui, n'ayant pas les collectivités locales pour objet principal, eurent néanmoins un effet sur la répartition des compétences existantes. La plupart du temps, ces modifications aboutirent à un transfert de compétences des collectivités décentralisées vers l'Etat. On aboutit de cette façon à une " nationalisation " d'activités considérées jusque là comme locales. Cette dépossession répondait au double objectif de restreindre la liberté d'action des collectivités locales et d'uniformiser les modalités de gestion. Elle s'exerça dans de nombreux domaines : budget communal et départemental, gestion du personnel, coopération, marchés locaux, ordre public, enseignement, action sanitaire et sociale, urbanisme.

A cette dépossession légale s'ajouta une dépossession administrative . Les administrations de l'Etat prirent, en effet, l'habitude d'intervenir sous la forme de règlements qui, sans dessaisir, au moins en théorie, les autorités locales, ont contribué à limiter leurs pouvoirs de manière significative. Cette dépossession administrative s'est manifestée sous diverses formes : subventions, classification des investissements, concours des services techniques, règlements-type et normes techniques, classement qui permet à l'Etat d'imposer ses normes aux collectivités locales, cartes et schémas (carte scolaire, carte hospitalière, carte routière).

Le rapport " Vivre ensemble " pouvait ainsi faire en ces termes, en 1976, le constat d'un " Etat gonflé " :

" La situation d'aujourd'hui, c'est d'abord un Etat qui a absorbé en lui presque toute la substance administrative. Au regard des responsabilités locales, elle est évidemment malsaine. Mais elle l'est aussi si l'on a le souci de la dignité de l'Etat ou de l'efficacité administrative .

" L'Etat en effet s'est englué dans le quotidien . Il est de plus en plus appelé à entrer dans la gestion quotidienne des français : éducation, habitat, santé, etc. Par lui-même ou par personne interposée, il gère telle prime ou indemnité, dispense tel avantage. Il sécrète à cette fin une réglementation détaillée et pointilliste, à laquelle les fonctionnaires s'accrochent ensuite avec passion.

" Ainsi pris, l'Etat n'a souvent ni le temps ni le recul suffisant pour jouer le jeu que la collectivité attend de lui : surveiller les grands équilibres, poser les règles de la vie en société, en contrôler le respect. En revanche, il s'est substitué au rôle normal des collectivités locales.
"

Ce rapide aperçu historique est riche d'enseignements au regard de la situation actuelle dont votre mission d'information a été chargée de faire le bilan. Il met, en effet, en évidence, d'une part, la tentation permanente de l'Etat de reprendre de manière expresse ou insidieuse les compétences reconnues aux collectivités locales, d'autre part, les conséquences très négatives de cette propension de l'Etat sur l'efficacité de l'action publique.

2. Une affirmation progressive

a) Un réel mouvement de décentralisation

Pour autant, à la veille des lois de décentralisation, une série de dispositions adoptées depuis 1958 avaient donné une plus grande liberté aux collectivités locales et parallèlement accru la déconcentration de l'organisation de l'Etat.

Le mouvement de décentralisation a d'abord concerné l'allègement des tutelles.

La loi n° 70-1297 du 31 décembre 1970 a ainsi supprimé l'approbation préalable du budget des communes et réduit de manière très significative le nombre des délibérations des conseils municipaux soumises à cette approbation.

La loi du 5 juillet 1972 a par ailleurs créé la région qu'elle a érigée en établissement public à vocation spécialisée. La région fut la principale bénéficiaire de l'effort de déconcentration engagée en particulier à compter de 1964, année de publication du décret organisant la coordination des services de l'Etat dans le département suivant des règles renforçant l'autorité des préfets. La région a également bénéficié de la déconcentration des crédits d'investissement public décidée par le décret n° 70-1049 du 13 novembre 1970 qui classait ces investissements en quatre catégories I, II, III et IV, les conseils régionaux pouvant émettre un avis sur la répartition des crédits de la catégorie II.

En 1975, une volonté de procéder à une réforme globale s'est affirmée. Elle a été formalisée dans un plan de développement des responsabilités des collectivités locales, lequel s'est traduit par l'adoption de deux textes législatifs importants : la loi du 3 janvier 1979 instituant une dotation globale de fonctionnement et la loi du 10 janvier 1980 aménageant la fiscalité directe locale.

En matière fiscale et financière , la loi du 10 janvier 1980 a permis aux conseils municipaux et aux conseils généraux de voter directement les taux alors que jusque là ils ne pouvaient se prononcer que sur des produits. La loi du 3 janvier 1979 a par ailleurs institué la dotation globale de fonctionnement qu'elle a indexée sur la taxe à la valeur ajoutée. Le système de globalisation a été étendu aux dotations d'investissement à travers le fonds de compensation de la taxe à la valeur ajoutée destiné à compenser la taxe à la valeur ajoutée payée par les collectivités locales sur leurs investissements. La même globalisation a été prévue en matière de prêt sous la forme notamment d'un prêt d'équipement courant.

b) Une étape importante : le projet de loi relatif au développement des responsabilités locales

En adoptant en première lecture, le 22 avril 1980, après quinze mois de travaux, le projet de loi relatif au développement des responsabilités locales, présenté au nom du Gouvernement par notre collègue Christian Bonnet, alors ministre de l'intérieur, le Sénat a assumé pleinement son rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales.

Ce projet de loi a marqué une étape importante dans le processus de décentralisation. Texte complet, il a accru les libertés locales, prévu de nouveaux moyens pour l'exercice de ces libertés et déterminé un partage des compétences entre l'Etat, la commune et le département.

Supprimant les principales entraves aux libertés locales, le projet de loi reconnaissait une liberté juridique aux collectivités locales en précisant que les décisions des autorités locales prenaient un caractère exécutoire dès leur affichage. Le dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture était maintenu mais uniquement pour permettre au préfet d'exercer son contrôle de légalité par la voie du pouvoir d'annulation qui était préservé, à l'exclusion de tout contrôle d'opportunité. Le nombre de cas où l'approbation de l'autorité de tutelle était exigée pour les délibérations des conseils municipaux était réduit à trois : emprunts et garanties d'emprunt au-delà de certains seuils d'endettement, traitement et indemnités des personnels, interventions dans le domaine économique et social.

Parallèlement le projet de loi allégeait la tutelle financière et prévoyait la fin de la tutelle technique , un processus d'allègement des normes devant être engagé ainsi que leur codification dans un code des prescriptions techniques soumis au Parlement et qui serait seul opposable aux collectivités locales.

Afin de faciliter l'exercice de ces libertés nouvelles, le projet de loi prévoyait des dispositions relatives aux mandats locaux qui tendaient notamment à accorder un temps suffisant aux salariés du secteur privé pour exercer leur mandat. Il cherchait également à améliorer le statut du personnel communal, en renforçant leur qualification, en rapprochant leur statut de celui des fonctionnaires de l'Etat et en affirmant le rôle des élus notamment en matière de nomination.

Le titre II du projet de loi comprenait un ensemble de dispositions relatives à la clarification des compétences. Parmi les compétences transférées à l'Etat figuraient la justice et la police. Les compétences étaient partagées selon le principe des blocs de compétences. Tel était en particulier le cas pour l'action sociale et l'éducation. Ainsi, dans ce dernier domaine, le département se voyait confier les transports scolaires et les collèges. L'Etat ne conservait que les lycées et les universités. Il prenait en charge l'indemnité de logement des instituteurs. Des compensations financières aux transferts de charges étaient prévues.

Malheureusement, cette importante réforme n'a pu aboutir avant les échéances électorales de 1981.

Mais, au total, les lois de décentralisation de 1982-1983 sont venues parachever un mouvement déjà largement amorcé au cours des années précédentes, notamment grâce à l'impulsion du Sénat.

Ce constat met en évidence qu'en dépit des nombreux obstacles qui se sont dressés devant elle au cours de notre histoire institutionnelle, la décentralisation s'est néanmoins imposée comme une nécessité. Permettant une distribution des pouvoirs plus conforme aux exigences démocratiques , elle constitue également une forme de mise en oeuvre de l'action publique qui en assure l'efficacité. Cette double caractéristique est au coeur de la réforme opérée en 1982.

B. LES PRINCIPAUX OBJECTIFS DE LA DÉCENTRALISATION

1. Une nouvelle distribution des pouvoirs dans un Etat unitaire

a) Une nouvelle distribution des pouvoirs

Une réflexion sur la décentralisation est indissociable d'une réflexion sur l'organisation des pouvoirs. Rompant avec le modèle de l'Etat centralisé, la décentralisation implique, en effet, une nouvelle distribution des pouvoirs.

Le modèle de l'Etat centralisé qui s'est longtemps imposé dans notre pays repose d'abord sur l'idée selon laquelle l'Etat est seul à même de définir l'intérêt général et d' arbitrer entre celui-ci et les intérêts particuliers. L'Etat se voit reconnaître un rôle exclusif pour structurer et coordonner les activités de la société. De cette conception du rôle de l'Etat, découle le pouvoir de contrôle a priori qu'il doit exercer sur toute initiative afin d'assurer la conformité des initiatives à l'intérêt général et leur uniformité sur l'ensemble du territoire. En découlent également le pouvoir d'arbitrage qui lui est octroyé afin de veiller à l'égalité entre les citoyens, ainsi que le pouvoir d'expertise qu'exerce territorialement l'administration de l'Etat.

La décentralisation, au contraire, doit permettre aux collectivités locales de disposer d'une certaine liberté de décision pour définir les normes de leurs actions et les modalités de leurs interventions. Elle traduit donc un nouvel équilibre dans la répartition des pouvoirs.

Cette nouvelle conception des rapports entre l'Etat et les collectivités locales a été remarquablement exprimée par la Général de Gaulle dans un discours célèbre (Lyon, le 24 mars 1968) : " L'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de la puissance économique de demain. "

La loi du 2 mars 1982 exprime la nouvelle donne que la décentralisation introduit dans l'organisation des pouvoirs, en tout premier lieu en transférant le pouvoir exécutif du préfet aux présidents des conseils général et régional, la région étant érigée en collectivité locale de plein exercice. Faisant référence à l'article 72 de la Constitution, son article premier dispose que " les communes, les départements et les régions s'administrent librement par des conseils élus ". Le même article jette les bases de cette nouvelle organisation en prévoyant que " des lois détermineront la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, ainsi que la répartition des ressources publiques résultant de nouvelles règles de la fiscalité locale et de transfert de crédits de l'Etat aux collectivités locales, l'organisation des régions, les garanties statutaires accordées aux personnels des collectivités locales, le mode d'élection et le statut des élus, ainsi que les modalités de la coopération entre communes, départements et régions, et le développement de la participation des citoyens à la vie locale. "

La loi du 2 mars 1982 traduit ainsi la définition de la décentralisation que le Premier ministre, notre collègue Pierre Mauroy, donnait devant l'Assemblée nationale 10( * ) :

" Une France responsable, c'est aussi un pays qui doit désormais enraciner l'unité de la République dans la diversité et la responsabilité de ses collectivités locales. Il s'agit donc de faire disparaître l'image d'une France centralisée à l'extrême, enfermée dans la rigidité de ses textes, de ses règlements et de ses circulaires. "

Plusieurs conséquences résultent de cette nouvelle répartition des responsabilités. D'abord, les collectivités locales ne doivent pas se trouver dans une situation de dépendance à l'égard des administrations de l'Etat, étant précisé que la liberté qui leur est reconnue, en raison du caractère indivisible de la République, concerne l' administration et non la législation. En outre, dès lors qu'elle reconnaît une certaine autonomie de décision aux collectivités locales, la décentralisation doit nécessairement se traduire par une acceptation de la diversité des situations locales. Enfin, elle induit un nouveau mode de définition de l'intérêt général, lequel n'est plus du ressort exclusif de l'Etat mais au contraire peut, dans certains domaines, être défini et porté par les acteurs décentralisés.

Telle qu'elle a été conçue par la loi du 2 mars 1982, la décentralisation a aussi un effet sur le type de relations qui se développent entre les collectivités elles-mêmes. Elle exclut, en effet, toute hiérarchisation entre collectivités.

b) Le maintien des principes de l'Etat unitaire

Tout en confiant de nouvelles responsabilités aux collectivités locales, la décentralisation n'a pas remis en cause les principes de l'Etat unitaire.

D'abord, elle ne reconnaît aux collectivités locales qu'une compétence d'attribution . Les lois de 1983 sur les compétences ont eu pour objet de retirer à l'Etat certaines compétences pour les confier aux collectivités qui paraissaient les mieux à même de les exercer. Mais elles n'ont pas procédé à une refonte globale de la répartition des compétences. En particulier, elles n'ont pas appliqué dans toute sa portée le principe de subsidiarité, caractéristique des Etats fédéraux, qui veut que ne soient confiées au niveau central que les seules questions qui ne peuvent être traitées de manière satisfaisante au niveau local.

Ensuite et surtout, là où dans un Etat fédéral les conflits sur la répartition des compétences sont réglés par une cour suprême, l'article 72 de la Constitution confie au délégué du Gouvernement dans les départements et territoires " la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ".

Comme on le sait, le Conseil constitutionnel a veillé au respect des prérogatives de l'Etat en considérant que " si la loi peut fixer les conditions de la libre administration des collectivités territoriales, c'est sous la réserve qu'elle respecte les prérogatives de l'Etat (...) ; que ces prérogatives ne peuvent être ni restreintes ni privées d'effets, même temporairement ; que l'intervention du législateur est donc subordonnée à la condition que le contrôle administratif prévu par l'article 72 (alinéa 3) permette d'assurer le respect des lois et, plus généralement, la sauvegarde des intérêts nationaux auxquels, de surcroît, se rattache l'application des engagements internationaux contractés à cette fin " (décision n° 82-137 DC du 25 février 1982).

Plus généralement, le juge constitutionnel balance dans l'interprétation du principe de libre administration entre la liberté et la contrainte.

Ainsi les conseils élus des collectivités territoriales doivent être " dotés d'attributions effectives " (décision n° 85-196 DC du 8 août 1985) ; la loi ne doit pas imposer aux collectivités locales des contraintes excessives (décisions n° 83-168 DC du 20 janvier 1984 ; n° 98-407 DC du 14 janvier 1999) ; de même si le législateur a le pouvoir " de déterminer les limites à l'intérieur desquelles une collectivité territoriale peut être habilitée à fixer elle-même le taux d'une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses, les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver la libre administration " (décisions n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 ; n° 98-405 DC du 29 décembre 1998).

Pour autant le principe de libre administration n'interdit pas, selon le juge constitutionnel, d'imposer des contraintes aux collectivités locales, contraintes qui peuvent s'avérer très lourdes et de nature à réduire singulièrement leur liberté de décision. Ainsi, les collectivités locales peuvent se voir contraintes par la loi d'agir en partenariat avec l'Etat comme dans le cas du revenu minimum d'insertion ou encore se voir imposer des dépenses obligatoires, par exemple pour le financement du logement social, à condition qu'elles aient un objet et une portée précis, qu'elles ne soient pas contraires aux compétences propres des collectivités locales et qu'elles ne heurtent pas à la libre administration juridique et financière de celles-ci (décision n° 90-274 du 29 mai 1990).

2. La recherche d'une meilleure efficacité de l'action publique

a) Un Etat recentré sur ses compétences essentielles

Opérant une nouvelle distribution des pouvoirs, la décentralisation cherche également à promouvoir une nouvelle conception de l'action publique qui doit en renforcer l'efficacité.

En transférant de l'Etat aux collectivités locales un certain nombre de compétences, elle cherche à définir le niveau d'administration qui pourra exercer ces compétences de la manière la plus efficace.

Cet objectif se traduit dans la méthode adoptée pour opérer les transferts de compétences. Ces transferts sont, en effet, définis en fonction de la vocation principale de chaque niveau de collectivité. Il s'agit donc bien de rechercher pour chaque groupe de compétences, quelle est la collectivité qui, compte tenu notamment de sa dimension géographique, de son expérience dans le domaine considéré et de ses moyens matériels et humains, sera la mieux placée pour en exercer la responsabilité.

En outre, dès lors qu'une collectivité a vocation à assumer une compétence donnée, le principe retenu est de lui confier l'ensemble des attributions relatives à cette compétence.

En fixant le principe que les transferts de compétences doivent être accompagnés des transferts des ressources correspondantes , les lois de décentralisation expriment l'idée selon laquelle les nouvelles règles relatives aux compétences ne doivent pas avoir d'incidences sur les finances publiques . En conséquence, l'Etat ne doit pas saisir cette occasion pour opérer des transferts de charges , obligeant les collectivités locales à augmenter le niveau des prélèvements obligatoires pour pourvoir assumer ces charges non ou insuffisamment compensées.

Cette efficacité dans la prise en charge des compétences doit produire ses effets dans les missions assumées par l'Etat.

Celui-ci, déchargé d'un certain nombre de tâches gérées plus efficacement par les collectivités locales, doit, en effet, pouvoir se consacrer à ses missions fondamentales . Il reste, en particulier, responsable des tâches de souveraineté : affaires étrangères, défense, justice, sécurité. Les lois de décentralisation renforcent son rôle dans ces deux derniers domaines.

L'Etat demeure, en outre, en charge de la définition et de la mise en oeuvre de la politique, économique et sociale de la nation. Il dispose seul du pouvoir de réglementation générale.

Cherchant à assurer la pertinence de l'action publique, c'est à dire l'adéquation entre les formes de l'action administrative et la nature des problèmes posés, la décentralisation peut ainsi permettre de promouvoir la bonne " gouvernance " , notion qui, selon la définition donnée devant votre mission d'information par M. Pierre Calame, président de la Fondation Charles Léopold Meyer, permet de couvrir à la fois l'organisation des pouvoirs publics et les rapports entre ces derniers et l'administration, ainsi que la société civile.

b) Une organisation administrative rationalisée

Cette bonne " gouvernance " doit également s'exprimer dans la nouvelle organisation administrative qui résulte des transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités locales.

Ces transferts doivent, en effet, se traduire par la mise à disposition des collectivités locales des moyens nécessaires à leur exercice. En conséquence, les services ou parties de services de l'Etat qui exercent exclusivement des compétences désormais confiées à une collectivité locale doivent être transférés à cette dernière. Les autres services sont mis à disposition des collectivités.

En outre, les transferts de compétences doivent en principe avoir des conséquences sur l'organisation des administrations de l'Etat qui continuent à relever de ce dernier.

Il est, en effet, généralement admis qu'il n'y a pas de bonne décentralisation sans une déconcentration parallèle de l'organisation des services de l'Etat. Les élus locaux, dotés de nouvelles compétences par les lois de décentralisation, doivent pouvoir s'adresser au niveau local à un représentant de l'Etat ayant des attributions effectives lui permettant d'engager l'Etat sans en référer systématiquement à l'échelon central.

Parce qu'elle est destinée à assurer une plus grande efficacité de l'action publique, la décentralisation doit donc également permettre de renforcer l'organisation des administrations de l'Etat qui, plus déconcentrées , doivent être mieux à même de s'adapter à la diversité et aux évolutions des situations locales.

3. Une démocratie de proximité

a) Un processus de décision proche des citoyens

Enfin, la décentralisation a favorisé l'émergence d'une véritable démocratie de proximité, en rapprochant le processus de décision des citoyens.

Elle rompt ainsi avec un mouvement pluriséculaire qui avait construit pour l'essentiel la démocratie et la citoyenneté autour de l'Etat.

Devant votre mission d'information, M. Pierre Calame, président de la Fondation Charles-Léopold Meyer a fait valoir qu'en France l'idée était profondément enracinée que l'Etat était du côté de la raison, tandis que la société civile était soumise aux émotions : le regard des pouvoirs publics sur les administrés est donc teinté de paternalisme, l'Etat mettant en avant sa légitimité, soit à travers la défense de l'intérêt général, soit au nom d'impératifs de rationalité technique.

Par le nouveau processus de décision qu'elle met en place, la décentralisation crée un cadre nouveau qui substitue une démocratie de citoyens à une société d'administrés.

Les 36 000 communes de France - trop souvent présentées comme un handicap - constituent de précieux foyers de démocratie locale. Elles contribuent à maintenir des repères de proximité particulièrement nécessaires dans un monde de plus en plus ouvert sur l'extérieur. Dès lors que leur existence se conjugue avec une intercommunalité indispensable à la rationalisation des compétences, elles peuvent donc constituer un véritable atout.

Les 500 000 élus locaux jouent un rôle indispensable dans la gestion des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens. Ils assument ainsi une véritable mission de médiateurs sociaux. En témoignent les nombreuses initiatives des maires pour répondre aux déchirures du tissu social sous l'effet de la situation économique ainsi que l'adaptation permanente des conseils généraux à la diversité des besoins en matière d'action sociale.

b) Une capacité d'adaptation et d'innovation

Cette démocratie de proximité permet également de libérer les initiatives et ainsi de mieux adapter le tissu local aux nouveaux défis qu'il doit affronter.

En consacrant son 82 è congrès, qui marquait le passage à l'an 2000, au thème " Le maire et l'innovation ", l'Association des Maires de France a mis en évidence l'implication très forte des élus locaux dans une démarche qui, considérée comme indispensable dans la vie des entreprises, s'impose aux collectivités territoriales comme un moyen de sortir des sentiers battus et d'inventer des réponses à des situations nouvelles.

Cette capacité d'adaptation des collectivités locales à une réalité mouvante peut également être observée dans le domaine des nouvelles technologies de l'information.

Dans le souci de rationaliser la gestion locale mais aussi dans une perspective d'aménagement du territoire et de développement économique, certaines d'entre elles ont notamment développé leurs propres infrastructures de télécommunications . Ces infrastructures doivent notamment leur permettre de mettre des services de télécommunications - souvent à hauts débits, c'est à dire offrant plus de possibilités que le réseau téléphonique traditionnel - à la disposition des services municipaux, voire d'opérateurs de télécommunications offrant à leur tour des services aux entreprises et aux citoyens.

Votre mission d'information a déjà eu l'occasion de regretter que l'Assemblée nationale ayant refusé de suivre le Sénat, lors de l'examen de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, les incertitudes juridiques concernant ces initiatives particulièrement utiles n'aient pas été levées en dépit de l'insertion d'un nouvel article L. 1511-6 dans le code général des collectivités territoriales qui a tenté de fixer le droit en la matière 11( * ) .

Plus généralement, comme l'avait souligné la mission sénatoriale d'information sur l'entrée dans la société de l'information, les collectivités locales sont entrées dans un " deuxième âge " de l'informatique, grâce d'importants efforts d'équipements. Ayant atteint un niveau d'équipements satisfaisant en " informatique de production ", elles sont entrées dans l'" informatique communicante ", sous l'effet notamment des développements liés à Internet 12( * ) .

En outre, le câble constituant un vecteur privilégié d'accès au réseau mondial, les collectivités locales, dont certaines se sont impliquées directement dans le développement des réseaux câblés, peuvent jouer un rôle majeur dans la concrétisation de la société de l'information.

II. L'AFFIRMATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES COMME DES ACTEURS ÉCONOMIQUES DE PREMIER PLAN

A. LA PLACE DES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ÉCONOMIE NATIONALE

Les tentatives de mise en évidence de la place des collectivités locales dans l'économie nationale se heurtent à des difficultés d'ordre statistique 13( * ) . Ces difficultés tiennent tout d'abord au fait que les recensements statistiques, et notamment la comptabilité nationale, ne distinguent pas toujours les collectivités locales proprement dites de l'ensemble des administrations publiques locales (APUL). Par ailleurs, si les statistiques du ministère de l'intérieur et de la direction de la comptabilité publique isolent les collectivités locales au sens strict, leur mode de comptabilisation résulte de la synthèse des comptes et non de leur consolidation, ce qui ne permet pas d'éliminer les doubles comptes (par exemple les flux entre collectivités).

En outre, la catégorie des APUL retenue par la comptabilité nationale n'appréhende pas l'ensemble du secteur public local. Sont ainsi tenus à l'écart les hôpitaux publics ou privés assurant une mission de service public, les sociétés HLM, certaines associations et, surtout, les sociétés d'économie mixte (SEM) ainsi que les entreprises privées ayant reçu délégation de service public.

Malgré ces difficultés, il est possible de dégager des tendances.

1. Une place significative

La contribution du secteur public local à l'économie nationale est généralement mise en évidence par le volume des recettes et des dépenses des administrations publiques locales (APUL) dans le produit intérieur brut (PIB).

Les administrations publiques locales (APUL) et le PIB

(en  % du PIB)

 

1970

SEC 79

1975

SEC 79

1982

SEC 79

1987

SEC 79

1992

SEC 79

1992

SEC 95

1995

SEC 95

1998

SEC 95

1. DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES (APU)

43,7

49,2

56,9

56,3

54

52,9

55,2

54,2

Dépenses de l'Etat

21,7

22,1

24,5

23,8

-

23,7

24,1

23,7

Dépenses des APUL

6,9

8,1

9

9,5

10

9,8

10

9,8

2 . RECETTES DES APU

44,6

46,8

54,4

55

54,8

48,8

49,7

51,5

Recettes de l'Etat, dont :

22,7

20,3

22,6

21,6

-

20,4

19,9

20,6

Recettes fiscales de l'Etat

18,5

16,3

18,1

17,3

-

16,7

16,5

16,9

Recettes des APUL, dont :

6

7,2

8,2

9,4

-

9,3

9,8

10,2

Recettes fiscales perçues au profit des APUL *

3,4

4,1

4,8

5,9

6,3

5

5,5

5,8

* La comptabilité nationale regroupe sous cet intitulé le produit de la fiscalité locale et les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités locales.

Données chiffrées : Rapport économique, social et financier (PLF 2000), rapport sur les comptes de la Nation de l'année 1993 (PLF 95).

Le tableau ci-dessus permet de mettre en évidence deux phénomènes :

- l'augmentation de la part des administrations publiques locales dans le produit intérieur brut au cours des trente dernières années . Cette part a augmenté fortement entre 1970 et le milieu des années 80, puis s'est plus ou moins stabilisée s'agissant des dépenses, tandis que l'augmentation de la part des recettes locales dans le PIB se poursuit à un rythme ralenti .

- un rééquilibrage en cours entre la part relative de l'Etat dans le PIB et celle des administrations publiques locales . Là encore, on constate un fort rattrapage entre 1970 et le milieu des années 70, puis une certaine stabilisation à partir du milieu des années 80. Ainsi, la part des dépenses de l'Etat dans le PIB était 3,1 fois supérieure à celle des APUL en 1970, 2,5 fois supérieure en 1987 et 2,4 fois supérieure en 1998. Pour les recettes, la part de l'Etat dans le PIB était 3,7 fois supérieure en 1970, 2,2 fois supérieure en 1987 et 2 fois supérieure en 1998.

Dans les deux cas, on constate une coïncidence entre la mise en oeuvre des transferts de compétences prévus par les lois de décentralisation et la stabilisation des parts de l'Etat et des collectivités locales dans le produit intérieur brut.

2. Un facteur de croissance pour l'économie nationale

La structure des dépenses des administrations publiques locales est très différente de celle de l'Etat. Elle se caractérise notamment par une place plus importante accordée à l'investissement ou, pour employer la terminologie de la comptabilité nationale, à la formation brute de capital fixe (FBCF).

Ainsi, en 1998, alors que la part des dépenses de l'Etat dans le PIB était 2,4 fois supérieure à celle des APUL, la FBCF de ces dernières représentait 2 % du produit intérieur brut alors que celle de l'Etat s'établissait à 0,5 %, soit un rapport de 1 à 4 en faveur du secteur local. En 1985, la part dans le PIB de la FBCF des administrations publiques locales était 5,5 fois supérieure à celle de la FBCF de l'Etat.

Depuis le début des années 90, environ les deux tiers de l'investissement public sont réalisés par les administrations publiques locales. En 1997, les dépenses d'investissement représentaient 34,5 % des dépenses totales des collectivités locales (communes, départements, régions) tandis que les dépenses en capital correspondaient à 10,6 % des dépenses inscrites au budget général de l'Etat.

La formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques

(en millions de francs)



Données chiffrées : rapport sur les comptes de la Nation de l'année 1998.

L'impact des variations de l'investissement local sur le produit intérieur brut, donc sur l'évolution de la richesse nationale, a été analysé par Jacques Méraud dans une étude portant sur l'évolution des comptes des administrations publiques locales entre 1959 et 1994 et dont la conclusion est la suivante : " Dans le cas des administrations locales, ce sont les variations de l'investissement qui influent le plus sur la croissance nationale, et cela dans un sens positif : " plus l'investissement public local augmente, plus le PIB est stimulé ". On observe un effet stimulant analogue de l'investissement des administrations locales sur la productivité et l'emploi du secteur privé. Il y a là une manifestation significative de ce qu'on appelle la croissance endogène. ".

Ce résultat est d'autant plus significatif qu'il est constaté sur l'ensemble de la période étudiée alors que les autres corrélations mises en évidence par M. Méraud (" moins le PIB progresse, plus les frais financiers augmentent " et " plus le PIB progresse, plus les transferts sociaux s'accroissent ") tendent à s'affaiblir après 1980. Par ailleurs, aucune corrélation entre l'évolution du PIB et celle de l'investissement de l'Etat n'a été mise en évidence.

B. L'EFFICACITÉ DE LA GESTION DECENTRALISÉE

1. L'assainissement financier

La situation financière des collectivités locales 14( * ) n'est pas uniforme. De fortes disparités sont constatées au sein de chaque catégorie de collectivités, entre les différentes strates de population et même au sein de chaque strate. Par conséquent, de même que les excès constatés ça et là dans les années 80 n'ont jamais été représentatifs de la situation financière des collectivités locales, il convient en préambule de rappeler que le redressement spectaculaire constaté depuis le milieu des années 90 ne concerne malheureusement pas tous les exécutifs locaux.

Malgré cette réserve, il est aujourd'hui avéré que, dix-huit ans après les lois de décentralisation, les gestionnaires locaux, élus et fonctionnaires territoriaux, ont acquis une expertise en matière financière qui produit des résultats auxquels l'Etat serait bien en peine d'aboutir.

Cette expertise se manifeste par le caractère de plus en plus sophistiqué de la gestion financière des collectivités, notamment en matière de gestion de trésorerie. A ce sujet, il est frappant de constater que la revendication de la possibilité pour les collectivités d'émettre des billets de trésorerie à court terme rencontre un écho grandissant. Dans le même ordre d'idée, on constate que les collectivités hésitent de moins en moins à affronter l'épreuve de la notation par des agences telles que Moody's ou Standard and Poor's, étape obligatoire pour les collectivités qui veulent pouvoir accéder aux financements obligataires et aux marchés financiers.

Mais avant tout, l'expertise des collectivités locales se manifeste par leurs performances en matière budgétaire. Les collectivités ont mené depuis le milieu des années 90 une véritable stratégie d'assainissement financier, orientée autour de deux axes :

la maîtrise des dépenses de fonctionnement

Les dépenses totales des collectivités locales ont progressé beaucoup moins vite entre 1993 et 1999 (+ 20,5 %) qu'au cours de la période 1988-1993 (+ 34,8 %) 15( * ) . Cette réduction est due en partie à la forte diminution des dépenses d'investissement, mais également à une modération des dépenses de fonctionnement (+ 23,2 % contre + 36,9 %).

Evolution des dépenses des collectivités locales

(en %)

 

1993/1988

1999/1993

1. Dépenses totales

+ 34,8

+ 20,5

2. Dépenses de fonctionnement

+ 36,9

+ 23,2

Intérêts

+ 34,4

- 31,3

Dépenses de fonctionnement hors intérêt, dont :

+ 37,1

+ 29,5

Frais de personnel

+ 37,8

+ 34,3

Transferts

+ 31,9

+ 32,2

Autres (dont achats de biens et services)

+ 41

+ 22,6

3. Dépenses d'investissement, dont :

+ 31,6

+ 16,1

Remboursement de dette

+ 24,8

+ 81,7

Equipement brut

+ 23,7

+ 5,9

Données chiffrées : Guide statistique de la fiscalité locale 1999, DGCL. Les données relatives aux exercices 1998 et 1999 sont des estimations.

Le ralentissement de la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités locales coïncide avec l'amélioration du contexte macroéconomique et la baisse des taux d'intérêt, qui ont permis de réduire spectaculairement les frais financiers des collectivités locales . Ainsi, alors que les intérêts de la dette avaient augmentés de 34 % entre 1988 et 1993, ils ont enregistré une diminution de 31 % entre 1993 et 1999.

L'évolution de la conjoncture économique ne suffit cependant pas à expliquer le ralentissement de l'évolution des dépenses de fonctionnement, ni même la baisse de la charge d'intérêt. A ce sujet, il convient de souligner que les collectivités locales ont su s'adapter au mieux au retournement de conjoncture en pratiquant une politique de gestion active de leur dette . Anticipant le mouvement durable de baisse des taux, " l'ensemble des collectivités locales s'est alors engagé, avec les grands établissements prêteurs, dans un processus de renégociation de dette, afin de bénéficier, même au prix de pénalités, de la baisse générale des taux d'intérêt. " 16( * ) La réduction des charges d'intérêt aurait donc vraisemblablement été d'une ampleur moindre si les collectivités étaient restées passives.

Les autres dépenses de fonctionnement n'ont pas enregistré de baisse depuis le milieu des années 90. Néanmoins, leur rythme de progression a ralenti ( + 29,5 % au cours de la période 1993-1999 contre 37,1 % entre 1988 et 1993), à tel point que l'épargne de gestion des collectivités locales (la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement) augmente à un rythme très élevé depuis 1996 (12 % en 1996, 9,6 % en 1997, 8,3 % en 1998).

L'évolution de la structure des dépenses de fonctionnement montre que les collectivités auraient pu aller plus loin dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement si elles avaient été entièrement maîtresses de l'évolution de leurs dépenses. Le rythme de progression des dépenses que l'on peut qualifier de " contraintes ", les frais de personnel et les transferts (qui regroupent les transferts sociaux, mais également les contingents d'aide sociale ou d'incendie et de secours ou encore les versements à des structures intercommunales), ne s'est significativement pas ralenti entre 1993 et 1999. En revanche, les autres dépenses de fonctionnement, et notamment les achats de biens et services, ont évolué entre 1993 et 1999 près de deux fois moins vite qu'au cours de la période précédente (+ 22,6 % contre + 41 %).

Il semble donc que les collectivités locales aient compensé l'augmentation mécanique de certaines de leurs dépenses de fonctionnement par des économies sur les autres postes de dépense, notamment l'équipement des services. Cette tendance est accentuée depuis les accords salariaux de 1998, qui entraînent à la fois une augmentation en volume des dépenses de personnel et un accroissement de la part de ces dépenses dans les dépenses de fonctionnement. Il y a donc éviction de certaines dépenses par les dépenses de personnel.

Données chiffrées : Les collectivités locales en chiffres, DGCL, 1999. Les données relatives aux années 1998 et 1999 proviennent des budgets primitifs.

S'agissant des dépenses de personnel, leur forte progression ne s'explique pas par l'évolution des effectifs mais par l'évolution des rémunérations des agents, qui est déterminée par l'Etat et s'impose aux collectivités locales. Malgré l'absence de chiffrage précis en ce domaine, le Crédit local de France a indiqué à la mission qu'il estimait que les recrutements expliquaient environ un cinquième de l'augmentation des dépenses de personnel, les quatre autres cinquièmes étant attribués à l'évolution des rémunérations.

En tout état de cause, votre rapporteur constate que les frais de personnel représentaient 22 % des dépenses inscrites dans les budgets primitifs des collectivités locales pour 1999, mais 40 % des crédits du budget général de l'Etat en 1999.

Le désendettement au détriment des dépenses d'investissement

Les dépenses d'investissement ont augmenté deux fois moins vite entre 1993 et 1999 (+ 16 %) qu'au cours de la période 1988-1993 (+ 31,6%). Elles ont même enregistré une diminution de 6 % en 1995. Les dépenses d'équipement brut, c'est-à-dire les dépenses d'investissement hors remboursement de la dette, ont pour leur part diminué en 1994, 1995 et 1996. Elles n'ont retrouvé leur niveau de 1993, soit plus de 140 millions de francs, qu'en 1999.

Données chiffrées : Les collectivités locales en chiffres, DGCL, 1999. Les données relatives aux années 1998 et 1999 proviennent des budgets primitifs

La réduction de l'effort d'équipement des collectivités locales à partir de 1994 a partiellement été compensée par le développement des investissements des structures intercommunales. Toutefois, il apparaît nettement que, à une époque où la conjoncture économique était particulièrement détériorée, donc peu propice à l'investissement, les collectivités locales ont fait le choix de suspendre leur effort et de se consacrer à l'assainissement de leur situation financière .

Le graphique ci-dessous confirme cette impression. A partir de 1991, la part de l'équipement brut dans les dépenses d'investissement des collectivités locales diminue, au profit des remboursements de dette.

Données chiffrées : Les collectivités locales en chiffres 1999, DGCL. Les données relatives aux exercices 1998 et 1999 proviennent des budgets primitifs.

L'accélération des remboursements de dette a porté ses fruits et, depuis 1997, les remboursements sont supérieurs aux emprunts nouveaux. La dette des collectivités locales est ainsi passée de 556 milliards de francs en 1997 à 549 milliards de francs en 1998. Les estimations pour 1999 prévoyaient une poursuite du désendettement en 1999, à 539 milliards de francs.

La dette de l'ensemble des administrations publiques locales (APUL) s'est, quant à elle, stabilisée dès 1996, pour s'établir à 827 milliards de francs. En points de PIB, la dette des APUL diminue depuis 1995, contrairement à la dette de l'Etat.

La dette des administrations publiques en points de PIB

(en % du PIB)

 

1995

1996

1997

1998

Administrations publiques

55,6

57,9

60

60,3

Etat

40,7

42,9

44,6

46,4

Organismes divers d'administration centrale

2,8

4,2

4,5

4,3

Administrations publiques locales

9,5

9,3

8,9

8,6

Organismes de sécurité sociale

2,8

1,5

2

1

Source : Projet de loi de finances pour 2000, rapport économique, social et financier.

Au total, force est de constater que, malgré quelques exemples médiatisés de " faillites " de collectivités locales, le processus de décentralisation n'a pas conduit à un " surdendettement " des collectivités locales, au contraire. Le rapport sur les comptes de la nation de l'année 1998, annexé au projet de loi de finances pour 2000, indique en effet que, " entre 1980 et 1998, l'Etat a contribué pour plus de 80 % à la progression du ratio d'endettement public en termes de points de PIB ". Il constate en revanche que " les administrations locales gardent un endettement relativement stable en part de PIB, ce qui réduit leur poids dans l'endettement public de 26 % à 12 % ".

Part relative des différents sous-secteurs dans l'endettement des administrations publiques

(en  %)

 

1980

1998

Etat

59,3

73,9

Collectivités locales

26

12,1

Administrations de sécurité sociale et organismes divers d'administration centrale

14,7

14

Administrations publiques

100

100

Source : Projet de loi de finances pour 2000, rapport sur les comptes de la Nation de l'année 1998

La légère reprise de l'investissement local enregistrée depuis 1997 dans les communes et les départements ne devrait pas remettre en cause le processus de désendettement des collectivités locales. En effet, l'épargne de gestion dégagée par les collectivités locales atteint des niveaux tels qu'une grande partie des nouveaux investissements sont autofinancés.

2. La sagesse fiscale

La place croissante du secteur public local dans l'économie nationale s'est accompagnée par un développement du financement de ses dépenses par la fiscalité :

- en 1970, le montant des dépenses des APUL était 2 fois supérieur au montant de la fiscalité perçue à leur profit. Ce rapport s'établissait à 1,8 en 1982. Il était de 1,6 en 1998 ;

- entre 1988 et 1998, le montant total des recettes des collectivités locales a progressé de 56 % alors que celui des recettes fiscales a augmenté de 83 %.

Le poids croissant de la fiscalité

La comptabilité nationale retrace le poids des prélèvements obligatoires perçus au profit des administrations publiques locales en points de PIB. Le taux de prélèvements obligatoires des APUL s'élevait à 3,4 % en 1970, 4,8 % en 1982 et 5,8 % en 1998.

La part dans le PIB de la fiscalité locale en 1998 était 1,7 fois supérieure à celle de 1970. La part dans le PIB des prélèvements obligatoires perçus par la sécurité sociale en 1998 n'est que 1,5 fois supérieure à celle de 1970. Quand à l'Etat, la part de ses prélèvements obligatoires dans le PIB en 1998 est inférieure à celle de 1970.

Part des prélèvements obligatoires (PO) perçus au profit de l'Etat, des APUL et des organismes de sécurité sociale dans les PO de l'ensemble des administrations publiques

(en %)

 

1970

1982

1992

1998

Etat

52,4

42,2

39,1

38,3

APUL

9,6

11,2

11,7

12,9

Sécurité sociale

37,3

44,3

45,9

45,8

Données chiffrées : Projet de loi de finances pour 2000, rapport économique, social et financier.

S'agissant des collectivités locales proprement dites (communes, départements, régions), la part des recettes fiscales dans leur budget s'accroît de manière continue entre 1988 et 1998 :

Part des recettes fiscales dans les recettes des collectivités locales

(en milliards de francs)

 

1988

1998

Recettes totales

500,2

782,4

Recettes fiscales

226,6

415

Part des recettes fiscales dans les recettes totales

45,3 %

53 %

Données chiffrées : Les collectivités locales en chiffres 1999, DGCL. Les données de 1998 ne sont que des premières estimations tirées des budgets primitifs

Une augmentation qui s'explique par la nécessité de financer les compétences locales

L'augmentation du poids de la fiscalité locale et de la part de la fiscalité dans les ressources locales s'explique en partie par le fait que l'Etat a transféré certains impôts aux collectivités locales afin de leur permettre de financer les compétences que leur ont conféré les lois de décentralisation. Le produit de cette fiscalité dite " transférée " s'élevait à 47,3 milliards de francs en 1998, soit 11 % des recettes fiscales des collectivités locales (communes, départements, régions).

Mais surtout, l'augmentation du poids de la fiscalité locale s'explique par le fait que l'évolution des dotations de l'Etat ne permet pas aux collectivités locales de faire face au coût de leurs compétences, obligatoires ou transférées par les lois de décentralisation.

En admettant, à la lumière des éléments évoqués plus haut et notamment des efforts des collectivités locales pour maîtriser l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement, que l'augmentation du montant des dépenses des collectivités ne résulte pas d'un laxisme budgétaire mais de la nécessité d'assumer convenablement des compétences de plus en plus coûteuses, on constate que l'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales (+ 47 milliards de francs, soit + 37 %, entre 1988 et 1988) ne suit pas l'évolution des dépenses des collectivités locales (+ 275 milliards de francs, soit + 54 %, sur la même période).

La fiscalité a donc été utilisée pour résorber partiellement cet écart, sachant que les collectivités (contrairement à l'Etat 17( * ) ) ne peuvent pas financer par l'emprunt leurs dépenses de fonctionnement. Ainsi les recettes fiscales ont augmenté de 188 milliards de francs (+ 83 %) entre 1988 et 1998.

Evolution du mode de financement des compétences locales entre dotations et fiscalité

(en milliards de francs)

 

1988

1998

Evol. en volume

Evol. en %

Dépenses

500,4

781,4

+ 275

+ 54

Recettes, dont :

500,2

782,4

+ 282,2

+ 56

Recettes fiscales

226,6

415

+ 188,4

+ 83

Dotations

127,7

174,7

+ 47

+ 37

Autres recettes

145,9

192,7

46,8

+ 32

Données chiffrées : Les collectivités locales en chiffres 1999, DGCL. Les données de 1998 sont des estimations.

La volonté d'alléger la pression fiscale

Les recettes fiscales des collectivités locales se partagent entre le produit d'impôts indirects (droits de mutation, vignette, taxe sur l'électricité, taxe sur les cartes grises, etc.) et d'impôts directs, les " quatre vieilles " (ou encore " quatre taxes ") auxquelles s'ajoutent la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et le versement transport. En 1998, les " quatre taxes " représentaient près des trois quarts des recettes fiscales perçues par les collectivités locales et les structures intercommunales à fiscalité propre (322 milliards de francs pour un total de 437 milliards).

Depuis 1996, les collectivités locales ont entamé un mouvement de ralentissement de l'évolution des taux des impôts directs locaux. Alors que les taux avaient augmenté de 3,5 % entre 1995 et 1996, leur progression a été ramenée à 0,9 % en 1997, 0,6 % en 1998 et 0,5 % en 1999. Le mouvement concerne l'ensemble des taxes. Ainsi, l'augmentation des taux de taxe d'habitation est passée de 4,2 % en 1996 à 0,4 % en 1999 tandis que celle des taux de taxe professionnelle est passée de 3,3 % en 1996 à 0,5 % en 1999.

Le ralentissement de la progression des impôts locaux témoigne d'une véritable volonté d'alléger la pression sur les contribuables locaux, et s'accompagne d'un mouvement de ralentissement de l'évolution des produits votés . Pour les quatre taxes, l'augmentation du produit voté est passée de 4,6 % en 1996 à 0,6 % en 1999.

Par ailleurs, il convient de signaler que, contrairement aux idées reçues, le développement de l'intercommunalité, n'a pas, au niveau national, entraîné d'augmentation de la pression fiscale locale. On constate en effet que l'augmentation de la part des impôts perçus par les structures intercommunales à fiscalité propre s'est accompagnée d'une réduction de la part du produit des quatre taxes bénéficiant aux communes . La part des communes et de leurs groupements dans les impôts directs locaux a même légèrement diminué entre 1988 et 1998. On a donc assisté à une substitution des groupements aux communes, sans effet sur le contribuable local 18( * ) .

Répartition du produit de la fiscalité directe locale (hors compensations) entre ses différents bénéficiaires

(en %)

 

1988

1998

Etat

6,5

7,0

Taxes annexes

8,1

8,0

Régions et TSE

4,3

6,7

Départements

23,8

23,3

Communes et EPCI , dont :

Communes

EPCI

57,8

53,0

4,3

54,9

46,9

8,0

Total

100,0

100,0

Source : Annuaire statistique de la direction générale des impôts, 1998.

S'agissant de l'ensemble des administrations publiques locales, le rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 1999 indique que la part dans le PIB des prélèvements obligatoires des APUL a enregistré une baisse en 1999, pour s'établir à 5,5 points de PIB, après trois années de stabilisation à 5,7 % . Les prélèvements obligatoires perçus par l'Etat ont connu une augmentation en 1999, pour s'établir à 17,8% du PIB, contre 17,2 % en 1998.

3. Un excédent budgétaire

Les bonnes performances des collectivités locales (maîtrise des dépenses de fonctionnement, désendettement), réalisées dans un contexte de fort accroissement des charges, ont été " récompensées " en 1996 par l'apparition d'une capacité de financement des administrations publiques locales.

Cet excédent budgétaire, sans lequel la France n'aurait pas satisfait aux critères de convergence requis par le Traité de Maastricht pour participer à la monnaie unique , s'est confirmé malgré le redémarrage de l'investissement local à partir de 1997.

En 1999, le rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 1999 relève que l'excédent des collectivités locales a enregistré une augmentation en volume, pour s'établir à 34,6 milliards de francs contre 27,2 milliards en 1998.

Au cours de son audition par la mission le 8 mars 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a considéré que les collectivités locales constituaient un exemple pour l'Etat qui, pour sa part, " en est encore à réduire le déficit ".

Capacité ou besoin de financement des administrations publiques

(en milliards de francs et en % du PIB)

 

1995

1996

1997

1998

Etat

- 328,3

- 4,1

- 296

- 3,7

- 287,4

- 3,5

- 259,2

- 3

Organismes divers d'administration centrale

- 40,5

- 0,5

+ 2

+ 0

+ 58,3

+ 0,7

+ 8,7

+ 0,1

Administrations publiques locales

- 13,8

- 0,2

+ 4,8

+ 0,1

+ 22,7

+ 0,3

+ 28

+ 0,3

Administrations de sécurité sociale

- 52,4

- 0,7

- 40,7

- 0,5

- 40,6

- 0,5

- 9,7

- 0,1

Total administrations publiques (SEC 95)

- 434,9

- 5,5

- 330,1

- 4,2

- 247,1

-3

- 232,2

- 2,7

Source : Les finances des collectivités locales en 1999, Observatoire des finances locales, 1999. Rapport économique et financier (PLF 2000).

C. LE DÉVELOPPEMENT DU CONTRÔLE FINANCIER

Les lois de décentralisation ont étendu le champ des compétences locales en transférant aux collectivités certaines compétences antérieurement exercées par l'Etat, mais elles ont également supprimé la tutelle de l'Etat sur les actes des collectivités territoriales, et notamment la tutelle financière.

Le contrôle financier des collectivités locales a du s'adapter à cette nouvelle donne de façon à respecter l'approfondissement des libertés locales ans pour autant perdre de son efficacité. Il comporte désormais deux volets :

- un contrôle de légalité exercé par le préfet en application de l'article 72 de la Constitution qui prévoit que " dans les départements et les territoires, le délégué du gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ". La suppression de la tutelle a considérablement affaibli la portée de ce contrôle, qui doit désormais n'être considéré que comme un filtre, le véritable contrôle étant exercé a posteriori par les juridictions financières ;

- un contrôle par une nouvelle catégorie de juridictions créées par la loi du 2 mars 1982, les chambres régionales des comptes. Leurs missions sont triples : le jugement des comptes, le contrôle des actes budgétaire et l'examen de la gestion des collectivités et des établissement publics locaux.

La création des chambres régionales s'inscrit pleinement dans la logique de la décentralisation. L'intervention de magistrats professionnels permet de créer les conditions d'un contrôle plus rigoureux et approfondi qu'un contrôle par les services de l'Etat, dont les moyens sont limités. En outre, l'extension des compétences des chambres à l'examen de la gestion des collectivités, comme le fait la Cour des comptes s'agissant de la gestion de l'Etat, revient à prendre acte de l'importance du secteur public local dans l'économie nationale et répond à la demande citoyenne de renforcement du contrôle de l'utilisation de l'argent public.

Le rôle et les compétences des chambres régionales n'ont pas été définis très précisément par la loi de 1982 et, depuis, dix modifications législatives sont venues préciser le régime juridique des juridictions financières locales. L'ensemble des difficultés -votre rapporteur y reviendra- n'a pas encore été résolu, comme l'a montré le rapport du groupe de travail commun constitué en 1997 au sein des commission des finances et des lois de notre Assemblée, dont le président était Jean-Paul Amoudry et le rapporteur Jacques Oudin 19( * ) .

Ce rapport a débouché sur le dépôt d'une proposition de loi 20( * ) , discutée et adoptée par notre Assemblée le 11 mai 2000. Les préoccupations et les propositions formulées à cette occasion rejoignent celles de la mission.

III. DE NOUVEAUX DÉFIS POUR L'ACTION PUBLIQUE

A. DE PROFONDES MUTATIONS DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE

Les bouleversements de la société et de l'économie appellent de nouvelles réponses de la part des politiques publiques

1. L'évolution démographique

a) Le vieillissement de la population française

Si, contrairement à la situation observée ailleurs en Europe, la population française continue d'augmenter, la tendance de notre pays au vieillissement est inéluctable.

Une population en augmentation de deux millions depuis 1990

Au 8 mars 1999, d'après le dernier recensement de l'INSEE, la population française s'établit à 60.082.000 habitants , dont 58.416.500 en métropole et 1.665.500 dans les quatre départements d'outre mer. Notre pays compte, depuis le recensement de 1990, deux millions d'habitants de plus.

La France métropolitaine représente ainsi environ 1 % de la population mondiale et 16 % de celle de l'Union européenne.

Le nombre des naissances est estimé 21( * ) , pour 1999, à 744.100, chiffre en hausse -malgré la baisse depuis trois ans du nombre de femmes d'âge fécond- sous l'effet d'une augmentation, continue depuis 1995, de l'indicateur conjoncturel de fécondité 22( * ) , situé à 1,77 enfant par femme en 1999, contre 1,45 en moyenne pour l'Union européenne. Parallèlement, l'âge moyen de la première maternité (29,3 ans en 1998) continue de reculer.

Le nombre de décès est estimé en 1999 à 541.600, ce qui amène l' excédent naturel total de notre pays, pour cette année, à 202.500 personnes. La durée de vie augmente continûment, gagnant, entre 1998 et 1999, deux mois et demi : l'espérance de vie 23( * ) est située à 74,9 années pour les hommes et 82,3 années pour les femmes.

Le solde migratoire pour 1999 est, quant à lui, estimé par l'INSEE à 50.000 personnes, soit une augmentation totale de la population, si on ajoute à ce solde l'excédent naturel des naissances sur les décès, de 252.000 personnes.

Cette évolution récente, qui recèle des éléments positifs -comme l'augmentation de la fécondité- ne remet toutefois pas en cause les tendances de fond de la démographie française.

La poursuite de la déformation de la structure par âge de la population française.

Le vieillissement de la population est indéniablement la donnée majeure des décennies à venir. Si on enregistre encore en France -contrairement à l'Allemagne et à l'Italie, qui n'assurent leur croissance démographique, pour leur part, que par l'immigration- un excédent des naissances sur les décès, l'insuffisance de la natalité combinée à l'allongement de la durée de vie se traduisent par une nette augmentation de la part des personnes âgées dans la population . Dès aujourd'hui, en France, 20,3 % de la population 24( * ) a 60 ans ou plus et 1,2 million de personnes a 85 ans ou plus. En 20 ans, le nombre des personnes très âgées a été multiplié par 2,4. L'âge moyen de la population croît en conséquence : il est de 38,1 ans , contre 35 ans en 1975.

La structure par âge de la population française continue de se déformer, comme le montre le graphique suivant, qui fait apparaître la hausse tendancielle des classes les plus âgées :



Source : INSEE, " Données sur la situation sanitaire et sociale en France ", 1999

Champ d'analyse : France métropolitaine.


Comme l'ont mis en avant les personnes auditionnées par votre mission d'information 25( * ) , la courbe du nombre des naissances et celle du nombre des décès devraient se croiser vers 2030 26( * ) , date au-delà de laquelle, hors prise en compte du solde migratoire, la population diminuerait . C'est vers 2010 que devraient, quant à elles, se croiser les courbes des moins de 20 ans et des plus de 60 ans, ces classes d'âge devant être, après cette échéance, plus nombreuses que les 0-19 ans. En conséquence, l'âge médian 27( * ) de la population française, en hausse depuis 1980, devrait se situer, en 2050 , d'après les hypothèses, entre 42 et 51 ans.

En France, au cours du siècle qui s'ouvre, les plus de 60 ans seront donc plus nombreux que les moins de 20 ans.
En 2050, ils pourraient représenter 34 % de la population 28( * ) (ils étaient 10 % en 1850), contre 21 % pour les moins de 20 ans et 45 % pour les 20 à 59 ans.

Au-delà de la question, cruciale de l'avenir du système de retraites, ce sont, plus globalement, la prise en charge de la dépendance mais aussi la nature même des services rendus à la population qui doivent être redéfinis en fonction de cette nouvelle donne démographique. Les collectivités territoriales sont concernées au premier chef par le choc démographique à venir.

Si la France est globalement touchée par le vieillissement, l'évolution démographique des territoires n'est pourtant pas uniforme.

b) Des contrastes territoriaux marqués en matière démographique

La poursuite d'une urbanisation de plus en plus localisée

En métropole, en retenant les classifications de l'INSEE 29( * ) , les populations " urbaines " et " rurales " 30( * ) s'établissent respectivement, d'après le dernier recensement, à 43 et 15,4 millions de personnes. Ce recensement a confirmé les tendances observées depuis vingt ans : la croissance démographique des communes " rurales " (+ 0,51 % par an) est plus forte que celles des communes urbaines (+ 0,29 % par an). Pour autant, à l'intérieur du monde " rural ", ce sont les communes les plus proches des pôles urbains importants, appartenant à l'espace " périurbain ", qui absorbent l'essentiel de la croissance, ainsi que quelques " couloirs de peuplement ". Le Sénat oeuvre d'ailleurs activement pour la meilleure prise en compte du fait périurbain 31( * ) , même s'il n'est pas toujours écouté, ses propositions en la matière ayant été rejetées par le Gouvernement lors des débats d'aménagement du territoire.

Au contraire, on observe une stagnation de la population des communes rurales situées à l'écart de la zone d'influence des villes, voire une dégradation, pour les plus éloignées d'entre elles.

A l'intérieur des unités urbaines, la croissance des communes de banlieue se ralentit : 0,41 % par an, contre 0,86 % pendant la période intercensitaire précédente. En revanche, les communes de plus de 100.000 habitants, dont la population avait globalement diminué entre 1982 et 1990, retrouvent souvent le chemin de la croissance, à l'exception de Paris. Les grandes villes les plus dynamiques sont Nantes, Toulouse, Montpellier, Aix-en-Provence, Lyon, Orléans et Angers, avec des taux de croissance supérieurs à 0,7 % par an. Huit grandes " aires urbaines " totalisent à elles seules la moitié de l'augmentation de la population entre 1990 et 1999.

Si la France a donc continué à s'urbaniser, c'est inégalement, par une densification des grands pôles les plus dynamiques et de leurs périphéries. Les autres aires dynamiques se situent le long des littoraux atlantique et méditerranéen, en Alsace et dans le sillon alpin, ainsi que le long de certains fleuves.

De fortes disparités régionales

En métropole, huit régions sur vingt-deux ont vu leur population progresser, entre 1990 et 1999, plus rapidement que la moyenne nationale : le Languedoc-Roussillon (+ 0,90 % par an), suivi par l'Alsace (+ 0,70 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (+ 0,60 %), Rhône-Alpes, les Pays de la Loire (+ 0,57 %), Midi-Pyrénées (0,53 %) et enfin la Bretagne et l'Aquitaine (+ 0,42 %). A l'opposé, la population a stagné ou diminué dans cinq régions : le Limousin, l'Auvergne, la Champagne-Ardenne, la Bourgogne et la Lorraine. La région la plus peuplée reste l'Île-de-France (10,9 millions d'habitants) devant Rhône-Alpes (5,6 millions), Provence-Alpes-Côte d'Azur (4,5 millions) et Nord-Pas-de-Calais (4 millions) ; les régions les moins peuplées sont la Corse (moins de 300.000 habitants) et le Limousin (environ 710.000 habitants).

Avec l'Alsace, les régions de l'ouest (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes), sont les seules où la croissance de la population s'est accélérée entre les périodes intercensitaires (1982-1990 et 1990-1999), la hausse des entrées par rapport aux sorties compensant un excédent naturel en diminution.

Entre 1990 et 1999, les régions du sud et du sud-est (Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes) ont enregistré les plus fortes croissances (+ 699.000 personnes), Provence-Alpes-Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon se caractérisant par un solde naturel globalement stable et par un solde des entrées-sorties encore très élevé, bien qu'en retrait.

Midi-Pyrénées et Aquitaine sont parmi les régions ayant attiré le plus de monde (+ 210.000 à elles deux) mais l'accroissement naturel y reste faible. Dans ces régions, des disparités importantes existent entre les départements littoraux et les grandes métropoles (comme Toulouse) et les autres départements, où la diminution de population est quasiment générale.

L'Île-de-France a eu, entre 1990 et 1999, une croissance inférieure à la moyenne nationale et en forte diminution par rapport à la période précédente. La proportion de jeunes y étant importante, elle a le plus fort taux de natalité régional. Son solde naturel très élevé ne compense pourtant pas la dégradation du solde des entrées-sorties de la population (- 518.000 personnes entre 1990 et 1999).

Les régions situées dans un croissant nord , de la Basse-Normandie jusqu'à la Lorraine, ont connu une croissance démographique ralentie. La fécondité y est traditionnellement élevée, mais le solde naturel a diminué, suite aux départ des jeunes adultes, entraînant le vieillissement de la population.

L'Auvergne et le Limousin ont perdu 27.000 habitants, soit autant qu'entre 1982 et 1990, avec un solde naturel qui se dégrade (- 40.000) mais un solde des entrées-sorties qui s'améliore.

La situation particulière des départements d'outre-mer

Avec 1.665.000 habitants, les DOM représentent, en 1999, 2,8 % de la population totale. Entre les deux derniers recensements, leur population a augmenté de 206.400 habitants, rythme de croissance (+ 1,5 % par an) quatre fois supérieur à celui de la métropole (+ 0,37 % par an). Cette croissance tient essentiellement -pour 90 %- à un fort excédent naturel entre 1990 et 1999. Cet accroissement n'est cependant pas uniforme : depuis 1990, le taux de croissance démographique annuel de la Guyane est de 3,6 %, celui de la Réunion -qui reste, avec 705.100 habitants, le plus peuplé des DOM- d'1,9 % et celui de chacune des Antilles inférieur à 1 %. Un fort accroissement démographique est constaté en périphérie des villes.

La mutation de la démographie française -qui suit celle des principaux pays industralisés- cache donc en réalité des disparités territoriales fortes.

Si la société se transforme, tel est également le cas de l'économie, désormais mondialisée.

2. La mondialisation de l'économie française

Fort développement du commerce international, baisse du coût du transport, levée des barrières douanières : la récente et rapide globalisation des échanges a durablement et structurellement marqué l'économie française. Deux indicateurs simples -le commerce extérieur et les investissements directs de et vers l'étranger- permettent à eux seuls de prendre la mesure de l'ouverture de l'économie française , désormais totalement intégrée en premier lieu à l'Europe et, en second lieu, au reste du monde.

Des échanges avec l'extérieur qui représentent désormais un quart de l'activité de notre pays.

Alors que le produit intérieur brut français s'est élevé, en 1999, à 8.469 milliards de francs 32( * ) , les exportations françaises ont représenté la même année 2.166 milliards de francs et les importations 1.985 milliards de francs, soit une proportion de respectivement 25,6 % et 23,4 % du PIB .

En 1999, l'excédent commercial de la France, positif depuis 1992, a atteint 124 milliards de francs 33( * ) et a contribué à placer notre pays dans les tous premiers mondiaux en matière, notamment, d'agro-alimentaire, d'automobile, d'aéronautique et d'équipement professionnel.

Si l'Union européenne représente à elle seule les deux tiers des exportations et des importations françaises, -alors qu'en 1958 cette proportion était d'à peine 30 % 34( * ) - les échanges extra-communautaires de la France, représentent néanmoins quelque 6,6 % du PIB en 1995 (contre une moyenne européenne de 8,6 %). L'Europe est, devant les Etats-Unis et devant le Japon, la zone économique la plus ouverte et la plus tournée vers l'extérieur.

Des investissements transfrontaliers qui se multiplient


Au-delà des seuls échanges commerciaux, l'ouverture de l'économie française se manifeste par l'accroissement des investissements directs étrangers en provenance et à destination de notre pays. Ces investissements transnationaux sont en effet devenus l'un des vecteurs les plus dynamiques de la mondialisation : leur flux, largement lié à l'accroissement des fusions et acquisitions transfrontalières, a doublé entre 1996 et 1998, pour passer de 359 à 644 milliards de dollars 35( * ) .

D'après la Banque de France, les flux d'investissements directs étrangers dans notre pays auraient représenté 165,3 milliards de francs en 1998, 239,7 milliards de francs étant, la même année, directement investis à l'étranger par des entreprises françaises.

En quelques années, notre économie a donc profondément changé de nature. Et sans doute cette évolution n'est-elle pas terminée, l'avènement des technologies de l'information amplifiant la mondialisation de l'activité et projetant même, d'après certains économistes, les pays industrialisés dans l'ère d'une " Nouvelle économie ", fondée sur le savoir et ignorante des frontières nationales.

3. Le risque de fracture civique et sociale

L'ensemble des mutations précédemment décrites contribuent à accentuer la " fracture territoriale " entre les différents espaces français. Ces différenciations entre territoires tendent donc plus à se marquer qu'à s'estomper. De surcroît, les évolutions entraînées par l'inégal peuplement des espaces français, et leur intégration différenciée dans la globalisation économique, accentuent les risques de rupture dans l'acceptation de la norme républicaine , mais également dans l'égal accès des citoyens à l'emploi, à la culture et aux nouvelles technologies.

a) Les incivilités et la fracture sociale

Si les statistiques policières font remonter au milieu des années 1960 l'émergence de la petite délinquance, qui reste alors pour l'essentiel concentrée sur les dégradations des biens, les violences contre les personnes croissent fortement depuis 1994. C'est cet ensemble de faits, d'une gravité très inégale, qu'on a englobé sous le terme générique d'" incivilités ", car ils constituent tous une agression, symbolique ou réelle, contre les normes inhérentes à la vie en commun.

Ce phénomène multiforme affecte prioritairement des zones qui se dérobent, ou sont inadaptées, à l'organisation territoriale française : quartiers péri-urbains, grands ensembles immobiliers qui constituent des enclaves spécifiques, et plus rarement, quartiers centraux délaissés par leurs habitants du fait de leur vétusté.

Certes, la reprise de l'activité économique constatée depuis 1998 peut contribuer à intégrer dans le monde du travail, et donc socialiser, les jeunes adultes qui constituent l'essentiel des auteurs de ces incivilités.

Mais, faute de formation suffisante et, peut-être, d'une volonté de se conformer à des modes de vie parfois discrédités, la reprise économique ne pourra éliminer le chômage dit " structurel ", communément évalué aux environs de 8 % de la population active.

Les territoires qui concentrent les difficultés en matière d'emploi, de sécurité, d'urbanisme et de transports risquent donc, en dépit des -trop- nombreux dispositifs mis en oeuvre à leur intention (contrats de ville, contrats locaux de sécurité...), de demeurer à l'écart de l'amélioration économique générale, et leurs habitants d'être, de ce fait, encore plus marginalisés.

Les handicaps étant souvent cumulatifs, les quartiers " difficiles " concentrent souvent des familles monoparentales, ou au sein desquelles l'autorité paternelle n'est plus guère ni assurée ni respectée.

Les enfants issus de ces familles compensent parfois le lien distendu qui ne les unit plus guère à leurs parents par la constitution de bandes, qui englobent, ou parfois opposent, les fratries (l'âge étant alors le facteur dominant de constitution du groupe), et constituent le creuset de la délinquance. La diversité sociale , qui constitue un facteur d'intégration, régresse rapidement dans ces quartiers qui finissent par ne regrouper qu'une population " homogène " par l'exclusion sociale, économique et culturelle qui la frappe.

b) La fracture civique

Cette mise à l'écart ne peut qu'accentuer le scepticisme croissant constaté parmi la population française à l'égard de l'ensemble des " corps intermédiaires " chargés d'exprimer ses attentes envers les différents acteurs de la vie publique, et de transmettre et expliquer les réponses qui leur sont apportées par les institutions.

Cette indéniable " fracture civique ", dont les causes sont multiples -montée de l'individualisme, crise de la représentation politique, syndicale ou associative, penchant vers l'appartenance communautaire au détriment du lien républicain- peut conduire à une forme de nihilisme social qui, sous couvert de stigmatisation des institutions en place réputées incapables de répondre aux attentes des individus en difficulté, les éloigne encore plus des lois républicaines.

Différentes initiatives ont été prises pour enrayer ce phénomène, dont la loi du 10 novembre 1997 relative à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales. Plusieurs associations se sont également mobilisées pour sensibiliser les jeunes citoyens à l'exercice de leur capacité électorale.

De même, certaines municipalités ont-elles créé des conseils municipaux associés, constitués soit d'enfants, soit d'habitants ne possédant pas la nationalité française, pour les associer à la vie de la cité, et aux décisions qu'elle requiert.

Toutes ces entreprises vont dans le bon sens, et visent à combattre la désaffection envers les institutions représentatives que l'on peut tenter d'évaluer par le taux d'abstention aux diverses élections , sans que ce critère puisse rendre compte, à lui seul, de ce phénomène 36( * ) . Il reste que le risque profond d'une fracture civique, séparant les citoyens qui se reconnaissent globalement dans les valeurs essentielles de la République, et ceux qui les nient, soit de façon implicite, soit en dénigrant plus ou moins violemment les institutions qui les incarnent (école, mairie, forces de l'ordre ou de secours, comme les pompiers) ne doit pas être ignoré, pas plus que la difficulté des solutions à définir pour y remédier.

c) Les risques d'inégalités que peuvent engendrer les nouvelles technologies de la communication

A ces différentes inégalités qui pèsent sur la population française suivant ses lieux d'implantation s'en ajoute actuellement une nouvelle : l'inégalité " numérique ", c'est-à-dire l'accès inégal aux nouvelles technologies de l'information qui prennent une place croissante dans la vie quotidienne. L'accès au " réseau des réseaux " que constitue l'internet est, en effet, globalement réservé dans les faits à une élite urbaine, jeune et financièrement privilégiée.

Des efforts importants ont, certes, été accomplis durant ces dix dernières années pour équiper les établissements scolaires -collèges et lycées, et parfois même écoles primaires- en ordinateurs, et pour familiariser les élèves à leur utilisation. Mais la maîtrise de ce nouvel outil de recherche et de communication passe également par sa présence au domicile familial, ce que ne peuvent se permettre que les foyers les plus favorisés.

De plus, cette fracture numérique risque de s'aggraver avec le passage, prévu dans les deux ou trois années à venir, à l'internet à " haut débit ", dont la technique facilitera la transmission rapide, non plus seulement de l'écrit, mais des images, et qui devrait ainsi prendre une part déterminante dans les activités de communication et de gestion des entreprises. Or les technologies utilisées ne garantissent pas un égal accès de l'ensemble du pays à ces nouvelles procédures, les zones urbaines étant plus faciles à desservir.

B. UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE DE L'ACTION PUBLIQUE

1. La nécessité croissante d'une gestion de proximité

a) Une cohésion sociale renforcée

Les évolutions démographiques et socio-économiques décrites ci-dessus constituent de réelles menaces pour la cohésion sociale.

Elles sont donc autant de défis pour l'action publique qui devra définir les modes de gestion les mieux adaptés pour éviter les déchirures du tissu social.

Votre mission d'information a la conviction que la gestion de proximité apparaît la plus efficace pour faire face à ces différents défis.

Ce constat est particulièrement avéré dans le domaine de l'action sociale dont la gestion décentralisée a renforcé les performances. Elle a, en effet, notamment permis d'accélérer la programmation des équipements nouveaux en particulier pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Elle a également mieux répondu à l'exigence accrue des citoyens quant à la capacité de réaction des services publics aux différents problèmes sociaux. Elle a enfin contribué à mieux responsabiliser l'ensemble des acteurs de la filière sociale.

Sur le plan fonctionnel, les départements ont su engager progressivement depuis 1990 la restructuration de leur action sociale, en partant d'une approche globale et territorialisée . Ils ont ainsi privilégié une logique de projet, conçue autour d'un concept de " mission ", sur la logique de services. Cette démarche a tendu à faire coïncider l'intervention des services départementaux avec les territoires de vie, afin que la réponse sociale soit mieux adaptée à l'environnement réel des personnes. Elle s'accompagne d' expérimentations de formules diverses, notamment pour l'accueil du public, le traitement des demandes ou l'accompagnement social.

Or cette même approche devra prévaloir dans les prochaines années pour prendre en charge les différentes évolutions socio-économiques.

Le vieillissement de la population et le financement des situations de dépendance, qui auront un impact majeur sur les dépenses d'action sociale, justifieront une adaptation de l'action publique à l'environnement réel des personnes âgées et à la diversité des besoins suscitées par les situations de dépendance, par exemple le cas des personnes handicapées vieillissantes qui impliquera l'établissement de " passerelles " entre les travailleurs sociaux qui s'occupent des personnes handicapées et ceux qui ont en charge les personnes âgées afin de trouver une réponse adaptée à ce nouveau besoin.

Même si elle doit faire toute sa place à l'expression de la solidarité nationale et au rôle des acteurs socio-économiques, l'approche territoriale paraît la mieux adaptée. L'intervention des départements a ainsi permis une meilleure connaissance des besoins des personnes vieillissantes ainsi qu'un réel développement des services dont elles ont besoin. Injustement critiquée, la prestation spécifique dépendance instituée par la loi du 24 janvier 1997 - à la suite d'une initiative sénatoriale - a permis d'améliorer la perception du problème de la dépendance ainsi que la prise en charge des personnes en bénéficiant. Elle a en outre mis fin aux dérives de l'allocation compensatrice pour tierce personne.

En ce qui concerne l'aide sociale à l'enfance , la déstabilisation des familles et l'aggravation de la fracture sociale soulèvent de nouveaux problèmes qui conduisent à réfléchir sur une intervention accrue des collectivités locales. L'apparition du chômage de longue durée, la concentration des difficultés économiques sur des territoires déterminés ont fragilisé les familles et affaibli les solidarités de proximité. Parallèlement le modèle familial s'est transformé, avec notamment une multiplication des familles monoparentales. Ces phénomènes ne sont pas sans conséquence sur les dispositifs de protection de l'enfance. Or la décentralisation se traduit dans ce domaine par une meilleure évaluation des besoins et des réponses qui doivent leur être apportées.

Les évolutions démographiques et socio-économiques dessinent également de nouveaux besoins en matière d'éducation . Or comme l'a admis devant votre mission d'information M. Michel Garnier, directeur de la programmation et du développement au ministère de l'Education nationale, en matière de programmation de l'offre d'enseignement, les critères démographiques globaux sont insuffisants. Ils devraient, selon lui, s'accompagner, dans le cadre d'une contractualisation avec les établissements, d'une nécessaire adaptation aux réalités locales.

L'insertion constitue un autre enjeu qui justifiera des dispositifs plus décentralisés. L'intervention des collectivités locales dans la gestion du volet " insertion " du revenu minimum d'insertion (RMI) a ainsi été efficace. Contrairement à certaines idées reçues et ainsi que l'a rappelé devant la mission d'information M. Pierre Gauthier, Délégué interministériel au RMI, dans les domaines qui ont été transférés aux collectivités locales, les écarts entre les territoires que les politiques sociales conduites par l'Etat avaient laissé se creuser, ont eu plutôt tendance à se restreindre.

Les évolutions en matière de politique de la santé mettent également en évidence qu'une meilleure efficacité du système de soins doit être recherchée dans une approche territorialisée.

Les collectivités locales devront également jouer un rôle majeur pour éviter une dislocation du " lien civique " à laquelle pourraient conduire des évolutions marquées par la perte des repères traditionnels et par des phénomènes d'exclusion.

Enfin, cette exigence d'une cohésion sociale renforcée est particulièrement forte dans les départements d'outre-mer , dont les spécificités ont été relevées par votre rapporteur. A l'inverse des départements métropolitains, ces départements comptent, en effet, une population jeune et sont confrontés à des problèmes très sensibles en matière d'insertion sociale.

b) Les nouvelles attentes de la population

Outre une adaptation aux évolutions démographiques et socio-économiques, les politiques publiques devront répondre aux nouvelles attentes de la population.

A ce titre, la culture constitue d'ores et déjà un enjeu important. A l'heure de la mondialisation, en effet, la demande d'identification culturelle s'accroît.

Les collectivités locales n'ont pas attendu les lois de décentralisation pour s'investir dans le secteur culturel.

Dès le XIXè siècle, les grandes villes ont développé leurs équipements culturels, sans subventions étatiques. Elles ont souvent pris avant 1958 des initiatives culturelles modernes, notamment en organisant des festivals. Les départements ont pour leur part, dès les années soixante, géré un important patrimoine culturel.

Freiné par les besoins de reconstruction après la seconde guerre mondiale, l'intervention culturelle des collectivités locales s'est sensiblement renforcé par la suite. Depuis le début de la Vè République, les collectivités locales se sont impliquées de manière croissante dans ce secteur. Leur intervention a connu son plein essor dès le milieu des années soixante dix. Leur effort financier est ainsi trois fois supérieur à celui du ministère de la culture et deux fois plus importants que l'ensemble des dépenses culturelles de l'Etat.

Les élus locaux perçoivent parfaitement le rôle déterminant de la culture dans le développement local et dans le renforcement du sentiment d'appartenance à un territoire. Toute centralisation excessive ne peut au contraire que nuire à la nécessaire promotion de la diversité culturelle qui fait la richesse de notre pays.

Cette dynamique locale est également nécessaire au renforcement des réseaux culturels européens dont dépend la vitalité culturelle de l'Europe.

Les nouvelle attentes de la population portent également sur les nouvelles technologies de l'information . A l'heure de l'internet, assurer l'accès de l'ensemble de la population à ces nouveaux moyens de communication constitue un enjeu majeur pour éviter que la fracture sociale ne se double d'une " fracture numérique ". Là encore, comme en témoignent les initiatives prises par un certain nombre de collectivités locales, la gestion de proximité doit contribuer à une maillage efficace du territoire national.

L'augmentation du temps libre, qui résulte des évolutions socio-économiques, constitue un autre facteur que les politiques publiques ne peuvent ignorer. Dans ce cadre, le développement de la pratique sportive occupe une place importante. Ainsi les jeunes consacre aux activités sportives 75% de leur temps libre. Les collectivités locales contribuent d'ores et déjà de manière importante au financement du sport. Elles devront continuer à jouer un rôle majeur, notamment pour renforcer la fonction d'intégration sociale du sport et structurer la vie associative.

Les attentes de la population en matière de sécurité de proximité , déjà très sensibles, se renforceront probablement dans les prochaines années.

La première enquête de " victimisation ", qui s'est déroulé en 1999, a donné des résultats inattendus. Devant la mission d'information, M. Alain Bauer, coauteur d'un ouvrage sur les violences et l'insécurité urbaine, a indiqué que cette enquête avait mis en évidence que 16,8 millions de faits étaient subis par la population alors que la police ne recensait que 3,5 millions de crimes et délits.

Les réponses des élus locaux au questionnaire établi dans le cadre des Etats généraux organisés par le président Christian Poncelet à Bordeaux, le 17 mars dernier, ont mis en évidence que le sentiment d'insécurité augmente en fonction de la taille de la commune. Les élus locaux d'Aquitaine relient prioritairement la délinquance à la perte des repères sociaux (citée par 81 % d'entre eux). Si les atteintes aux équipements publics représentent les manifestations d'insécurité les plus graves (cités par 47 % des élus locaux), les incivilités et les effractions de biens privés arrivent en deuxième position (45 % chacune).

Un constat comparable est effectué par les élus locaux d'Alsace. 45% d'entre eux, interrogés dans le cadre des états généraux organisés à Strasbourg, le 19 mars 1999, ont déclaré être confrontés à l'insécurité dans l'exercice de leurs mandats. La perte des repères et de l'autorité (citée par 49% d'entre eux) ainsi que le délitement de la cellule familiale (cité par 38% des élus) constituent les facteurs essentiels du développement des phénomènes d'insécurité.

De plus en plus les politiques de sécurité devront être définies " sur mesure ". Le concept de police de proximité devra s'accompagner d'une dimension territoriale pertinente.

Plus généralement, l'action publique devra prendre en charge les attentes de la population en matière de prévention des risques . Le rapport d'étape de votre mission d'information " insécurité juridique et mandats locaux, deux enjeux majeurs pour la démocratie locale " a mis en évidence que les élus locaux étaient souvent en première ligne pour répondre à ces attentes quand bien même ils ne disposaient pas des moyens adaptés ou que les compétences relevaient en réalité de l'Etat par exemple pour l'élaboration des plans de prévention des risques. Ces attentes renforcées, qui conduisent à une application plus systématique du principe de précaution , se manifestent dans un contexte de pénalisation accrue des rapports sociaux et de recours au juge pénal pour trancher toute sorte de litiges. Le rapport d'étape en a souligné les conséquences sur l'action publique locale.

2. L'insertion des territoires dans l'ensemble européen

a) L'exigence d'une structuration efficace des territoires

Les travaux menés par le Sénat sur l'aménagement du territoire 37( * ) ont parfaitement mis en évidence que toute dérive vers une recentralisation de l'action publique ne pourrait avoir que des conséquences néfastes sur la structuration des territoires et sur la recherche indispensable de la cohésion territoriale.

L'ouverture des frontières rend indispensable une structuration forte des territoires afin de les mettre en position de capter les flux de richesses circulant dans l'ensemble communautaire. Dans cette perspective, c'est bien un aménagement multipolaire qu'il convient de promouvoir. En faisant ce choix, les politiques publiques nationales permettront une intégration efficace du territoire dans l'Union européenne.

La mise en oeuvre d'un tel objectif est néanmoins subordonnée à une claire définition des responsabilités des différents niveaux d'administration. L'Etat doit être recentré dans ses fonctions essentielles et porteur d'un projet national. Il lui revient de définir une stratégie d'ensemble, de corriger les déséquilibres financiers entre les collectivités territoriales et de mettre en place les grandes infrastructures intellectuelles et de communication. Pour le reste, il doit déléguer aux collectivités décentralisées l'essentiel des actions qu'exige sur le terrain l'aménagement du territoire, en leur transférant les moyens financiers et humains.

Ces orientations ont été concrétisées dans la loi d'orientation du 4 février 1995 qui précise que la politique d'aménagement et de développement du territoire est conduite par l'Etat " en association avec les collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration et des principes de la décentralisation " et dans la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, dont l'article 1 er a repris la même formulation.

Mais cet aménagement multipolaire suppose que tous les territoires soient également pris en compte dans les politiques d'aménagement du territoire. Le Sénat a, en conséquence, pu légitimement regretter que les nouvelles orientations retenues par la loi du 25 juin 1999 aient été marquées par la thèse selon laquelle la ville serait le lieu privilégié de la compétitivité internationale alors que les zones rurales seraient des zones de handicap à compenser et le plus souvent associées à la question des espaces naturels. Conforter les espaces périurbains, lutter contre la césure entre ville et campagne, seront donc autant de défis pour les politiques publiques dans les prochaines années.

b) La place croissante des politiques communautaires

L'insertion du territoire dans l'ensemble européen est également marquée par la place croissante des politiques communautaires qui ont des effets directs sur l'action publique nationale et locale.

Tel est évidemment le cas de la politique régionale européenne , laquelle représente désormais le deuxième poste de dépense de l'Union derrière la politique agricole commune.

Or la France ne tire pas tout le bénéfice de cette politique régionale, pour différents motifs qui tiennent notamment , votre rapporteur y reviendra, aux conditions de gestion des crédits communautaires au plan national.

En outre, les élus locaux ne sont pas toujours bien informés des " circuits " de financement communautaire. Ainsi, interrogés dans le cadre des Etats généraux organisés en Auvergne, le 12 mai dernier, 49% des élus de cette région estimaient manquer des informations nécessaires en matière de financement européen.

Cette insertion dans l'Union européenne concerne aussi les départements d'outre-mer. Après l'adoption en 1989 d'un programme qui leur était spécifiquement destiné (POSEIDOM), le traité d'Amsterdam a modifié l'article 299.2 du traité de Rome en permettant au Conseil de prendre des " mesures spécifiques " tenant compte des caractéristiques particulières des régions ultrapériphériques.

Sans qu'il soit besoin d'insister, on rappellera que c'est également l'environnement juridique et financier de l'action publique nationale qui est désormais de plus en plus influencée par les textes élaborés au niveau communautaire. Pour ne citer que quelques exemples particulièrement importants pour l'action des collectivités locales, on mentionnera le domaine de l 'environnement (qualité et assainissement des eaux, gestion des déchets) et celui des marchés publics . Le rapport d'étape de votre mission d'information a aussi souligné le poids croissant des normes techniques d'origine européenne.

La fonction publique territoriale a également été concernée par le développement de la construction européenne. La loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 a, en effet, ouvert certains emplois aux ressortissants communautaires, en vertu de l'article 39 du traité de Rome relatif à la liberté de circulation des travailleurs.

La démocratie locale n'échappe pas à ces évolutions. Introduit par le traité de Maastricht, l'article 19.1 du traité de Rome garantit le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union européenne résidant dans un Etat de l'Union dont ils ne sont pas ressortissants. Les modalités d'exercice de ce droit ont été précisées dans une directive du Conseil du 19 décembre 1994. Il a par la suite été inscrit dans notre Constitution ( article 88.3 ) et fait l'objet de la loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998.

La mise en place de l'euro implique un certain nombre d'adaptations budgétaires et comptables. Jusqu'en 2002, les collectivités locales continueront à réaliser la plupart de leurs opérations en francs avant qu'à cette date leurs comptabilités ne basculent vers l'euro.

C. LE DÉVELOPPEMENT DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

Les frontières entre Etat, même fixées de longue date, n'ont jamais fait obstacle à des solidarités informelles au sein de bassins de population qui les dépassent.

Ces liens transfrontaliers se sont formalisés après la deuxième guerre mondiale, d'abord entre les deux rives du Rhin, dont les habitants avaient particulièrement à coeur de traduire dans les faits la réconciliation entre la France et l'Allemagne à laquelle les appelaient le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer.

Mais ce mouvement pionnier s'est progressivement étendu aux autres régions frontalières françaises, avec l'encouragement moral et financier de l'Union européenne.

1. Le rapprochement franco-allemand d'après guerre

Amorcée avec l'instauration de jumelages entre communes (qui se développera également avec des communes anglaises dans les régions de l'Ouest de la France), le rapprochement entre les ennemis d'hier s'opère aussi entre des collectivités de plus grande envergure, comme l'entité bourguignonne, et le land de Rhénanie-Palatinat. Une coopération active associe les intérêts économiques : jumelage des chambres de commerce et d'industrie de Colmar et Fribourg, ou création de l'association " Regio Basiliensis " qui réunit des partenaires économiques d'Alsace et du pays de Bade.

En dépit de la bénédiction officielle donnée par l'Etat à ces rapprochements, il faut attendre 1983 pour que la France ratifie la convention signée à Madrid en 1980, sous l'impulsion du Conseil de l'Europe ; cette convention invite les Etats à développer ces actions qui transcendent les frontières.

Il est significatif de la réticence étatique française que la loi du 2 mars 1982 n'ait autorisé ces rapprochements qu'avec réserve, comme en témoigne le texte de l'article 65, consacré à ce sujet : " Le Conseil régional peut décider, avec l'autorisation du Gouvernement d'organiser, à des fins de concertation et dans le cadre de la coopération transfrontalière, des contacts réguliers avec des collectivités étrangères ayant une frontière commune avec la région ".

Cependant, ce texte, même restrictif, contenait deux innovations positives : il fournissait la première base légale à cette coopération transfrontalière, permettant ainsi la ratification, un an plus tard, de la convention de Madrid, et désignait la région comme collectivité qualifiée pour mener cette coopération.

2. L'affermissement des instruments juridiques et financiers

Tandis que les initiatives de coopération inter-régionale se multipliaient avec l'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne et la Belgique, la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (ATR), renforcée par la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire , fournissaient des outils juridiques diversifiés pour guider ces actions. Elles autorisent notamment la conclusion de conventions entre collectivités territoriales françaises et étrangères, la création de groupements d'intérêt public, la participation de collectivités territoriales étrangères au capital de sociétés d'économie mixte locales, l'adhésion de collectivités territoriales françaises à un organisme public de droit étranger.

Il est précisé que ces formules ne peuvent être utilisées " qu'avec des collectivités territoriales comme partenaires " (circulaire d'application de la loi " ATR "), " dans les limites des compétences [des collectivités territoriales] et dans le respect des engagements internationaux de la France " (loi " ATR ").

A cette évolution de la législation interne s'ajoutent les initiatives européennes : après la création, en 1988, des programmes d'action de coopération transfrontalière européens, le traité de Maastricht instaure un Comité des régions , consultatif, mis en place en 1994. Ses 222 membres, nommés pour quatre ans, élisent un Français comme premier président (M. Jacques Blanc, président de la région Languedoc-Roussillon) 38( * ) .

Cette reconnaissance institutionnelle s'accompagne de la mise en oeuvre, à partir de 1990, de l'initiative INTERREG , dotée de 1 milliard d'écus pour le programme I (1990-1994), portés à 2,4 milliards d'écus pour INTERREG II (1994-1999), puis à 4,875 milliards d'euros pour le troisième programme (2000-2006). Des sommes très importantes ont ainsi été affectées, sous forme de fonds structurels, aux actions de coopération transfrontalière.

Le Conseil de l'Europe , qui a joué un rôle déterminant dans la promotion de ces actions de coopération, avant même la mise en place des institutions de la Communauté économique européenne, a créé dès 1957 une Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux. Devenue, en 1994, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, cette instance a élaboré une Charte européenne de l'autonomie locale , ainsi qu'un programme spécifique pour les pays d'Europe centrale et orientale, et s'attache à harmoniser les politiques de décentralisation des Etats membres.

3. Une coopération active dans toutes les zones frontalières françaises et européennes

Toutes les régions frontalières françaises sont engagées dans la coopération avec leurs voisins . Ainsi :

La région Nord-Pas-de-Calais a créé une Euro-Région , structure qui englobe Bruxelles, les Flandres, la Wallonie et le Comté du Kent.

• Le Pôle européen de développement se situe au carrefour de la Belgique, du Luxembourg et de la France ( Meurthe-et-Moselle ).

• Sarre-Lor-Lux constitue une structure tripartite de coopération entre le Land de Sarre, le Luxembourg et la Région Lorraine .

• La Conférence tripartite rhénane s'étend sur la région du Rhin supérieur, c'est-à-dire l' Alsace , les cantons de Bâle ville et campagne, le Bade-Wurttemberg et la Rhénanie-Palatinat.

• La communauté de travail du Jura rassemble la France-Comté et 4 cantons suisses.

• Le Conseil du Léman rassemble les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie , et 3 cantons suisses limitrophes.

• La communauté de travail des Alpes occidentales se compose des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes , Ligurie, Piémont, Val d'Aoste et des cantons de Genève, du Valais et de Vaud.

• La communauté de travail des Pyrénées regroupe 4 communautés autonomes du Nord-Est de l'Espagne, Andorre et les régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées .

Ces actions sont soutenues par les instances politiques de l'Union européenne, et leur caractère prioritaire a été rappelé au sommet d'Edimbourg, en 1992 . En plus des programmes INTERREG précédemment décrits, le Fonds de développement des économies régionales (FEDER) incite à la constitution de réseaux-pilotes favorisant l'échange d'informations entre régions d'Europe.

Ainsi s'est constitué le programme RECITE (Regions and Cities of Europe) qui est ouvert aux collectivités locales ou régionales de plus de 50.000 habitants , et soutient des projets en matière de développement économique, de technologies de l'information et d'échanges universitaires. Ce programme a permis la constitution de projets très divers, comme les réseaux villes et régions d'industrie automobile (CAR), Finattlantic, tourisme en Méditerranée, Roc-Nord, qui réunit les deux régions les plus isolées de la communauté (le Jutland danois et la Crète), Euroceram pour les pays possédant une industrie de la céramique ou encore Eurisles, destiné aux îles de la Communauté.

Cette mise en réseau des collectivités territoriales d'Europe a conduit la Commission à organiser, en 1993 " Directoria ", première rencontre des directeurs des autorités locales et régionales .

Ce foisonnement d'initiatives françaises comme européennes illustre la vigueur de ces échanges transfrontaliers, dont le contenu souligne la solidarité européenne au quotidien. Cependant, beaucoup reste à faire pour accentuer ce mouvement positif.

CHAPITRE II

LA COMPLEXITÉ DU PAYSAGE INSTITUTIONNEL
DE LA DÉCENTRALISATION

I. L'ÉTAT : UN ACTEUR ESSENTIEL QUI N'A PAS ENCORE INTÉGRÉ LA LOGIQUE DE LA DÉCENTRALISATION

A. LE RÔLE AMBIGU DE L'ÉTAT : CONTRÔLEUR ET ACTEUR DE LA VIE LOCALE

1. l'État, contrôleur de la vie locale

L' obligation du contrôle des collectivités territoriales par l'État a valeur constitutionnelle. Les prérogatives de l'État figurent en effet au dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, selon lequel " le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ".

Le contrôle exercé par le représentant de l'État, s'il contribue à assurer la prééminence des intérêts nationaux sur les intérêts locaux et de faire prévaloir l'unité de l'ordre juridique français, doit être concilié avec le principe de libre administration des collectivités territoriales, qui a lui aussi valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a donc été amené à préciser par sa jurisprudence 39( * ) les limites à ne pas franchir par le législateur en matière de contrôle des collectivités.

a) Les principes : la substitution du contrôle a posteriori à la tutelle

Le contrôle de légalité constituait un des volets les plus importants de la loi du 2 mars 1982 40( * ) et la contrepartie de l'autonomie des collectivités territoriales : la loi transformait la tutelle a priori exercée par le préfet en un contrôle de légalité a posteriori confié au juge administratif, saisi par le préfet, c'est-à-dire un contrôle indirect et juridictionnel 41( * ) .

La loi du 22 juillet 1982 a complété celle du 2 mars en précisant les conditions d'exercice du contrôle administratif : les actes ne deviennent exécutoires qu'à la double condition d'avoir été publiés et transmis au représentant de l'État. La loi a dressé la liste des actes dont la transmission est une condition de caractère exécutoire, la sanction de la non-transmission étant l'absence de caractère exécutoire de l'acte.

Le préfet a la possibilité de saisir le tribunal administratif d'un recours, appelé " déféré préfectoral ", dans le délai de deux mois suivant la transmission de l'acte. Il est tenu d'informer sans délai l'autorité locale de son intention de saisir le juge et de lui communiquer toutes précisions utiles sur les illégalités qu'il a constatées. Cette procédure vise à limiter le recours au juge et à favoriser le dialogue entre la collectivité et le préfet ; elle tient compte au fait que nombre d'illégalités ne sont que le résultat d'erreurs involontaires.

D'autres formes de déférés préfectoraux existent : suspension d'extrême urgence des actes des collectivités locales en cas de menace pour une liberté publique ou individuelle, déféré en matière de défense nationale, etc. Les sursis à exécution ont été remplacés par des suspensions 42( * ) , accordées de droit si l'un des moyens évoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte.

b) Les insuffisances du contrôle de légalité

L'environnement normatif de l'action locale requiert désormais des capacités développées d'analyse juridique 43( * ) , qui peuvent faire défaut dans les petites collectivités, voire dans les préfectures et sous-préfectures chargées du contrôle de légalité. La complexité des affaires publiques locales aboutit aujourd'hui à une inflation du nombre d'actes soumis à transmission obligatoire.

Or, le contrôle de légalité est quantitativement insuffisant . Le nombre global d'actes contrôlés est très faible et très inégal d'un département à l'autre .

En 1997, 6,1 millions d'actes ont été transmis aux autorités chargées du contrôle de légalité. Celles-ci ont adressé 179.000 observations aux auteurs des actes et le nombre des déférés devant les tribunaux administratifs s'est élevé à 1623, soit un taux de recours contentieux de 2,6 pour 10.000 44( * ) .

Sur dix ans (1986-1996), le nombre d'actes transmis a augmenté de plus de 50 % alors que le nombre d'observations s'est accru de 91 % et le nombre de recours déposés, de 11,5 %.

La répartition par objet des recours a elle aussi connu une évolution significative 45( * ) , mais les déférés préfectoraux restent concentrés dans un nombre très restreint de domaines .

Dans de nombreux cas, les préfets se sont désistés après réformation ou retrait de l'acte entaché d'illégalité. Le nombre élevé des désistements après l'engagement des procédures contentieuses traduit l'efficacité de la concertation par les préfets en direction des exécutifs locaux après le dépôt d'un déféré 46( * ) .

L'inégalité de l'application du droit d'une collectivité à l'autre se manifeste par la diversité du taux des observations et du taux de recours, mais aussi par la disparité dans la pratique des transactions et des voies non contentieuses de règlement des litiges. Certains départements se caractérisent par l'absence de tout déféré préfectoral dans l'année, alors que d'autres atteignent ou dépassent la centaine.

L'exercice du sursis à exécution concernait en 1997 un déféré préfectoral sur trois . Malgré l'existence des procédures d'urgence, la lenteur de la justice administrative 47( * ) conduit à un véritable mépris du droit et à la multiplication des instances liée à l'utilisation des voies de recours 48( * ) .

Comme le souligne le rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales, des décisions en matière de marchés publics, ou concernant des autorisations d'occupation du sol, sont rendues après l'exécution du marché ou la réalisation des travaux. Aussi, la lenteur de la justice administrative peut-elle aller jusqu'à rendre parfois illusoire l'exécution des décisions de justice .

Les causes de l'insuffisance du contrôle de légalité sont multiples. Dans son rapport public 1993 intitulé : " Décentralisation et ordre juridique ", le Conseil d'État souligne " l'insuffisance quantitative et qualitative des moyens des préfectures face à l'explosion du volume des actes à contrôler, aux glissements continuels des compétences, aux modifications incessantes des législations de référence ", voire au " recul, en opportunité, des autorités préfectorales devant l'exercice d'une compétence dont on leur a, un temps, expressément demandé de ne pas abuser, dont le maniement risque de rendre plus difficiles leurs relations avec les élus, et dont la jurisprudence administrative a, de surcroît, implicitement admis quelles n'étaient pas tenues de faire usage ".

En définitive, il convient de se demander avec le Conseil d'État 49( * ) si " le champ dans lequel le contrôle de légalité trouve le plus clairement sa légitimité 50( * ) est ou non suffisamment couvert par les déférés préfectoraux ".

c) Les ambiguïtés du contrôle de légalité
(1) Le contrôle de légalité ne vaut pas certification

Dans l'arrêt Brasseur du 25 janvier 1991, le Conseil d'État a admis que les préfets n'étaient pas tenus de déférer aux tribunaux administratifs les actes dont ils avaient constaté l'illégalité et qu'ils n'avaient pas réussi à faire modifier par la collectivité. En conséquence, le contrôle de légalité n'a aucun caractère automatique .

De plus, l'absence d'observation de la part du contrôle de légalité n'est pas une garantie de la légalité de l'acte . Ainsi, des poursuites pénales peuvent être engagées contre des élus à propos d'actes sur lesquels le préfet n'avait émis aucune objection. Le contrôle de légalité est par nature administratif, distinct de l'appréciation pouvant être portée sur une situation donnée par le procureur de la République.

(2) Le préfet entre conseil et contrôle.

L'initiative du contrôle de légalité est confiée à des autorités directement impliquées dans l'action et la vie locales et qui sont des partenaires privilégiés des collectivités locales. Les préfets sont-ils en mesure de créer une étanchéité parfaite entre les différents pans de leurs actions ? Il peut se trouver en pratique des situations paradoxales dans lesquelles l'émission des actes contrôlés et le contrôle sont juxtaposés.

Considérant que les irrégularités sont souvent le fait d'une méconnaissance ou d'une maîtrise insuffisante du droit, les préfectures assurent localement une mission d'information et de conseil en direction des exécutifs territoriaux .

Si l'assistance à l'élaboration des actes est sollicitée par les exécutifs locaux, notamment dans les collectivités locales qui ne bénéficient pas des moyens juridiques suffisants, celle-ci ne manque pas de soulever des objections de principe tenant au respect de l'autonomie de gestion et de la libre administration des collectivités locales .

L'exercice du contrôle de légalité requiert la participation de l'ensemble des services déconcentrés, compte tenu de la diversité du champ de compétences des collectivités locales. Deux modalités sont pratiquées, la délégation du contrôle de légalité, et la simple consultation des services déconcentrés.

La délégation du contrôle à certains services se justifie par la spécificité et la technicité de la matière ; de nombreux préfets délèguent l'examen des actes d'urbanisme aux directions départementales de l'équipement et le contrôle des marchés des hôpitaux aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales.

Les préfets ne se dessaisissent pas de leur pouvoir de décision et conservent un pouvoir d'évocation sur les avis des directions départementales. Toutefois, la mise en oeuvre de la délégation se heurte à des problèmes de déontologie . Comme le souligne le Conseil d'État, " il est essentiel que ceux des services (DDE en particulier) qui interviennent pour le compte des collectivités locales comme conseillers, instructeurs de décisions ou maître d'oeuvre, ne puissent être juges et parties ; or un tel partage des rôles n'est pas toujours facile à opérer ".

La consultation des services déconcentrés compétents par le préfet est la formule la plus courante, notamment auprès des directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou auprès du réseau du Trésor public. La consultation peut prendre une forme intégrée, celle des " pôles de compétences ". Ceux-ci visent à harmoniser les pratiques de contrôle et la doctrine administrative des différents services ; à procéder à des expertises juridiques en commun sur des dossiers complexes ; à développer la circulation de l'information entre les services ; à élaborer des documents d'information à destination des collectivités locales ; à mettre en place des actions de formation communes aux agents des différents services ; à définir en commun des domaines prioritaires pour l'exercice du contrôle de légalité ; enfin à la détection précoce des illégalités.

Les pôles de compétences sont présents à titre expérimental dans une quarantaine de départements, sous une forme généraliste ou dans les spécialités des marchés publics ou de l'urbanisme ; ils s'inscrivent dans l'objectif d'interministérialité du contrôle.

Lors de son audition par la mission, M. Jean-Bernard Auby, président de l'association française de droit des collectivités territoriales, a conclu que la fonction des services déconcentrés était marquée d'une très grande ambiguïté ; bien que la décentralisation ait fait évoluer leur mission vers le contrôle et la régulation, ces services continuent néanmoins à mener des actions dans un grand nombre de domaines et exerçent une fonction de conseil souvent demandée par les collectivités de petite taille. Il a estimé que, compte tenu de cette ambiguïté, le contrôle de légalité ne pouvait pas fonctionner de façon satisfaisante.

(3) La dérive vers un jugement en opportunité ?

L'immixtion du juge dans la gestion locale est rendue possible par des procédures comme le " référé pré-contractuel " 51( * ) , qui permet au juge de prononcer l'arrêt d'une procédure de passation d'un marché ou d'une délégation de service public en cours de déroulement, dans l'hypothèse où les règles de publicité et de concurrence n'ont pas été respectées. Le juge peut, en référé et avant que le contrat ne soit conclu, prendre des mesures provisoires ou définitives qui ne sont pas susceptibles d'appel ; il dispose d'un pouvoir d'injonction qu'il fait respecter par des astreintes. Ces prérogatives du juge administratif peuvent avoir pour effet de substituer son pouvoir d'appréciation à celui de l'administrateur.

(4) La multiplication des recours au juge administratif

Les insuffisances du contrôle de légalité conduisent à une multiplication des recours directs des citoyens devant les tribunaux administratifs, en particulier les recours à l'initiative d'associations . Le Conseil d'État laisse entendre que " les autorités préfectorales renoncent si fréquemment à faire usage du pouvoir à elles dévolu que la charge d'entreprendre des actions contentieuses dont elles auraient dû assumer le poids s'en trouve reportée sur le citoyen ".

d) L'inadaptation des contrôles financiers
(1) Le contrôle des actes budgétaires

Après le contrôle de légalité, les actes budgétaires des collectivités territoriales et des établissements publics locaux sont soumis à un contrôle spécifique, le contrôle budgétaire. Cependant, toutes les collectivités locales ne sont pas soumises au contrôle des chambres régionales des comptes : les comptes des communes de moins de 2000 habitants, dont le montant des recettes ordinaires est inférieur à deux millions de francs, sont apurés par le trésorier-payeur général. Ainsi, près de 70.000 organismes 52( * ) entrent dans le champ de compétence des chambres régionales des comptes.

Exercé à l'initiative du préfet, le contrôle budgétaire 53( * ) implique que l'État, pour garantir la légalité, peut mettre sous quasi-tutelle budgétaire une collectivité locale . En effet, le juge peut procéder à la réformation de l'acte en cause 54( * ) et non pas seulement à son annulation ou à son retrait comme dans le cas du contrôle de légalité.

(2) Le contrôle juridictionnel des comptes

La chambre régionale des comptes juge, dans son ressort, l'ensemble des comptes des comptables publics des collectivités locales et de leurs établissements publics. Il s'agit d'un contrôle de régularité obligatoire ; la chambre régionale des comptes règle et apure les comptes par des jugements 55( * ) , que des irrégularités aient été relevées ou non. Le jugement définitif donne décharge au comptable ou éventuellement le met en débet, c'est-à-dire lui impose de reverser une somme à la collectivité. Les jugements définitifs sont susceptibles d'appel devant la Cour des comptes et les arrêts rendus en appel peuvent donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.

(3) Le contrôle de gestion : entre régularité et opportunité.

Dernier volet du contrôle financier, l'examen de la gestion des collectivités locales par les chambres régionales des comptes donne lieu à des observations 56( * ) qui, en l'état actuel du droit, sont réputées ne pas faire grief.

En 1988, le législateur 57( * ) a corrigé la rédaction issue de la loi du 2 mars 1982, afin que ces observations ne portent pas sur le " bon emploi " des crédits, mais sur leur " emploi régulier " par les collectivités. En 1990, il a posé le principe de la communication à l'assemblée délibérante des observations définitives 58( * ) .

Comme le souligne notre collègue M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur 59( * ) au nom de la commission des Lois du Sénat de la proposition de loi tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes, dont il est le coauteur avec notre collègue M. Jacques Oudin, il existe aujourd'hui un certain malaise concernant la procédure d'examen de la gestion.

Les principales critiques adressées aux interventions des chambres régionales des comptes sont la médiatisation excessive des observations provisoires et l'insécurité juridique liée à l'absence d'articulation avec le contrôle de légalité . De plus, il existe un décalage entre les conditions d'exercice de l'action locale et la perception que peut en avoir un contrôle opéré souvent plusieurs années après les décisions prises.

La crainte est légitime d'une dérive du contrôle vers un contrôle d'opportunité. L'absence de critères fiables et communs , les limites de la procédure contradictoire , la divulgation abusive des lettres d'observations provisoires, l'absence de hiérarchisation des observations et l'absence de procédure de recours contre les lettres d'observations définitives affaiblissent encore le contrôle de gestion.

En définitive, compte tenu de ces déficiences, les lettres d'observations ne peuvent constituer un instrument d'aide à une bonne gestion.

La perception des contrôles par les élus

Les " États généraux des élus locaux ", organisés par M. Christian Poncelet, président du Sénat, montrent la perception qu'ont les élus locaux du contrôle de légalité et des contrôles financiers.

• Les États généraux organisés en décembre 1998 dans le département de Vaucluse 60( * ) montrent que 53 % des élus sont satisfaits du contrôle de légalité, mais lui reprochent de ne pas constituer une garantie de sécurité juridique : 45 % des élus considèrent qu'il ne permet pas de prévenir les risques de contentieux, 41 % estiment qu'il ne remplit pas son rôle d'aide à la décision. Par ailleurs, 61 % des élus de Vaucluse estiment que le système actuel de contrôle des chambres régionales des comptes ne garantit pas suffisamment les droits de la défense.

• Les États généraux des élus locaux de la région d' Alsace 61( * ) , organisés en mars 1999, montrent que 62 % des élus d'Alsace sont satisfaits des modalités du contrôle de légalité et que 68 % d'entre eux dénoncent l'inadaptation du contrôle exercé par les chambres régionales des comptes aux spécificités de la gestion locale.

• Selon les États généraux organisés en septembre 1999 dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais 62( * ) , 70 % des élus portent une appréciation positive sur l'action du juge administratif. Pourtant, résultat contradictoire, 51 % des élus considèrent que les jugements administratifs constituent une source de complexification de l'action publique locale . Si 64 % des élus de Nord Pas-de-Calais sont satisfaits du contrôle de légalité 63( * ) que le préfet exerce sur leurs actes, ils lui reprochent toutefois son caractère trop contraignant et son manque d'impartialité.

83 % des élus locaux de Nord Pas-de-Calais expriment une opinion favorable sur l'action de la chambre régionale des comptes et 61 % d'entre eux estiment nécessaire de développer la mission de conseil et d'alerte des chambres.

2. l'État, acteur de la vie locale

Incarné au niveau local par le préfet et les services déconcentrés, l'État exerce des fonctions de gestion de la vie locale , que ce soit dans les domaines où la loi lui a reconnu une compétence, ou dans les matières censées avoir été transférées aux collectivités locales selon la logique des blocs de compétences : malgré la volonté initiale du législateur, la décentralisation n'a pas privé l'État de son rôle d'acteur local. Des pans entiers de l'action publique sont aujourd'hui " cogérés " : l'aide et l'action sociales, l'éducation, la culture, la sécurité...

De plus, l'État a été tenté de récupérer des compétences de gestion, notamment par la technique contractuelle 64( * ) , qui lui permet, bien que n'étant qu'un financeur parmi d'autres, de conserver de fait la maîtrise du pilotage du système.

Interrogé par votre rapporteur, qui considérait que les fonds structurels avaient été le moyen pour le préfet de région de reprendre du pouvoir et de recentraliser , M. Anastassios Bougas, chef d'unité adjoint à la direction de la coordination et de l'évaluation (DGXVI) à la Commission européenne, a confirmé cette analyse et reconnu que cette gestion des fonds structurels était une spécificité française.

Comme l'indique la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, les services déconcentrés de l'État peuvent concourir par leur appui technique aux projets de développement économique, social et culturel des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération qui en font la demande ; une convention définit les conditions de cet appui.

Or, dans certains cas, cette fonction d'appui est assurée par les mêmes services qui seront chargés, plus tard, au titre du contrôle de légalité, d'en évaluer la conformité à la loi. L' équipement est sans doute emblématique des multiples facettes de l'État : la gestion des routes nationales et l'intervention au bénéfice des communes relèvent en effet de logiques concurrentes voire contradictoires. Ainsi, dans les directions départementales de l'équipement (DDE), certains agents ou services sont partagés entre une fonction de conseil aux collectivités locales et leur appartenance à une structure chargée par ailleurs du contrôle de légalité.

Il existe un conflit d'intérêt potentiel entre le contrôle et le conseil. Toutefois, l'ambivalence n'est pas forcément négative, s'il s'agit d'un organisme collégial et s'il est possible d'assurer l'étanchéité des fonctions de conseil et de contrôle exercées par l'État à l'égard des collectivités locales.

A l'échelon territorial, le préfet incarne cette ambivalence de l'État. En particulier, il négocie et signe les contrats de plan et dirige les services déconcentrés chargés de mettre en oeuvre les politiques nationales correspondant aux attributions reconnues à l'État par la loi du 7 janvier 1983 relatives à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.



L'institution préfectorale

Le 17 février 2000, date anniversaire de la loi du 28 pluviose an VIII, le corps préfectoral fêtait son bicentenaire . Le préfet est le seul haut fonctionnaire dont les compétences ont une base constitutionnelle (article 72 de la Constitution). Sa particularité est de représenter l'État 65( * ) tout en étant le délégué du Gouvernement 66( * ) . Il agit et décide, au nom de l'autorité de l'État, aux lieu et place et pour le compte du Gouvernement, en toute validité juridique.

Les préfectures remplissent cinq missions essentielles 67( * ) :

- la permanence de l'État et la sécurité : maintien de l'ordre, protection des personnes et des biens, prévention et traitement des risques naturels, gestion des crises, mesures non militaires de défense...

- la réglementation et la garantie des libertés publiques : nationalité, police administrative, environnement et urbanisme, notion d'utilité publique, opérations électorales, entrée et séjour des étrangers, circulation et sécurité routières, procédures d'autorisation, coordination interministérielle des politiques publiques...

- le contrôle administratif des collectivités locales et des organismes publics : contrôle de légalité, contrôle budgétaire...

- la conduite et la cohérence des actions de l'État : direction des services de l'État dans le département ou la région, mise en cohérence à l'échelon territorial des politiques des politiques interministérielles, connaissance du contexte local...



- la rationalisation de la gestion des ressources et des moyens de l'État : gérer les enveloppes financières réparties à l'échelon régional ou à l'échelon départemental, organiser les actions communes à l'ensemble des services déconcentrés de l'État (patrimoine immobilier, recrutement, formation, action sociale).

Le préfet est l'unique ordonnateur secondaire des services déconcentrés des administrations civiles de l'État.

*

Pour ces raisons, l'État ne saurait être un partenaire parmi d'autres pour les collectivités locales . Il est ainsi d'autant plus regrettable que, faute d'une politique affirmée de déconcentration, l'État n'ait pas la capacité d'être, au niveau local, l'interlocuteur fiable que cherchent en lui les collectivités décentralisées 68( * ) .

B. UN ÉTAT QUI N'A PAS ADAPTÉ SON ORGANISATION À LA DÉCENTRALISATION

La réforme de l'État est au coeur des préoccupations publiques depuis la seconde guerre mondiale, même si jusqu'en 1958 la réforme des institutions politiques des IIIème et IVème Républiques a quelque peu pris le pas sur la réforme de l'administration 69( * ) .

L'institution de la Vème République en octobre 1958 réglait la dimension constitutionnelle de la réforme de l'État. Dès lors, la modernisation du fonctionnement administratif de l'État devint un sujet majeur de préoccupation dans les années 1960. En témoignent la mise en place de la région comme circonscription administrative de l'État en 1964, de même que la première initiative en matière de déconcentration 70( * ) , la simplification du versement des subventions d'investissement de l'État 71( * ) , ou les expériences de rationalisation budgétaire.

La décentralisation a constitué, pour l'État, un choc, dont il n'a pas encore tiré toutes les conséquences dans la réorganisation de ses propres services.

1. Le bilan mitigé des partages de services

Première conséquence de la décentralisation pour l'État, les partages de services ont été mis en oeuvre avec difficulté et parfois au mépris des principes retenus par le législateur.

a) Les principes retenus par les lois de décentralisation

Les lois de décentralisation, en même temps qu'elles créaient une rupture institutionnelle, ont posé le principe d'un transfert aux collectivités territoriales des services déconcentrés de l'État nécessaires à l'exercice de leurs nouvelles compétences.

(1) Le partage fonctionnel des services.

La loi du 2 mars 1982 a organisé le transfert, sous l'autorité respective des présidents du conseil général et du conseil régional, des services ou parties de services de la préfecture nécessaires à la préparation et à l'exécution des délibérations des assemblées locales ainsi qu'à l'exercice des pouvoirs désormais dévolus aux nouvelles autorités exécutives de ces collectivités 72( * ) .

(2) Le partage financier

A la suite de ce partage fonctionnel, un partage financier des services est intervenu. Le transfert de charges correspondant au transfert de l'exécutif a été organisé par le législateur.

Dans l'attente d'une clarification financière , restaient à la charge de l'État les prestations de toute nature qu'il fournissait pour le fonctionnement des services transférés aux régions et aux départements ou mis à leur disposition et pour les agents de ces services. Dans les mêmes conditions, restaient à la charge des départements et des régions les prestations de toute nature, y compris celles relatives à l'entretien et l'acquisition des matériels, qu'ils fournissaient pour le fonctionnement des services déconcentrés de l'État et pour leurs agents 73( * ) .

Après cette période transitoire, il convenait de substituer au principe du maintien des prestations réciproques celui du partage financier, sans transfert de charges 74( * ) .

(3) Les principes et les garanties liés aux transferts de services

La loi du 7 janvier 1983 75( * ) fixe les principes fondamentaux et les modalités des transferts de compétences. A la date des transferts, deux garanties essentielles étaient offertes aux collectivités locales :

- la transparence des évaluations, grâce à l'institution de la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC), composée exclusivement d'élus locaux ;

- la compensation financière intégrale et concomitante des charges ainsi transférées.

Les principes des transferts sont codifiés en partie aux articles L. 1321-1 et suivants du code général des collectivités territoriales :

- le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence 76( * ) ;

- la mise à disposition des services s'accompagne d'une mise à disposition des personnels 77( * ) , ceux-ci disposant dans un délai déterminé d'un droit d'option entre les deux fonctions publiques ;

- le transfert de compétences prévu par la loi est accompagné du transfert concomitant par l'État aux communes, aux départements et aux régions, des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences 78( * ) ;

- tout transfert de compétences de l'État au profit des départements et des régions s'accompagne du transfert des services correspondants 79( * ) ;

- les autres services de l'État dans les régions et les départements qui sont nécessaires à l'exercice des compétences transférées aux communes, aux départements et aux régions, sont mis à la disposition, en tant que de besoin , de la collectivité territoriale concernée 80( * ) ;

-  une commune a la possibilité de demander le concours des services de l'État, des régions et des départements pour l'exercice de ses compétences 81( * ) .

Force est de constater que les principes retenus par les lois de décentralisation sont trop souvent restés lettre morte.

b) Une mise en oeuvre complexe

La naissance de véritables services départementaux et régionaux devait résulter des transferts de compétences. Pourtant, les transferts de services se sont révélés difficiles à mettre en oeuvre et demeurent inachevés à l'heure actuelle.

(1) 1982 : les conventions transférant aux exécutifs locaux l'autorité sur certains services de la préfecture

Le transfert de l'exécutif départemental ou régional au président du conseil général ou régional devait s'accompagner de la mise à disposition par le préfet des services correspondants 82( * ) . Une convention devait être conclue en ce sens entre le représentant de l'État dans le département ou la région et le président du conseil général ou régional, approuvée par arrêté du ministre de l'Intérieur.

Signées au printemps 1982 sur la base d'une convention-type approuvée par décret, ces conventions ont été qualifiées de " Yalta administratif " , dans la mesure où elles définissaient les compétences, moyens, agents et locaux restant sous la responsabilité du préfet et ceux soumis à l'autorité du président de la collectivité territoriale concernée 83( * ) .

En pratique, ce transfert s'est effectué plus par changement d'étiquettes que par mutation géographique des implantations immobilières ou des agents affectés aux différentes tâches considérées. Dans le même bâtiment, la " préfecture ", au moins au départ, les agents sont restés sur place, seules les structures de commandement et les lignes de rattachement hiérarchiques étant modifiées.

(2) La mise à disposition des services techniques ne devait être que transitoire

Le principe d'une mise à disposition globale des services extérieurs de l'État, posé dans la loi du 2 mars1982, indique que la mise à disposition, en tant que de besoin, des services extérieurs de l'État est de droit dans la limite des compétences dévolues à la collectivité territoriale. Elle s'exerce dans le cadre contractuel au moyen d'une convention signée par le préfet et le président du conseil général ou régional.

En pratique, ces mises à disposition ont posé des difficultés de deux ordres :

- un chef de service extérieur de l'État se retrouvait à la fois placé sous l'autorité hiérarchique du préfet et " globalement " mis à la disposition d'un président élu à la tête d'une collectivité territoriale. Pour le président du conseil général ou régional, comment affirmer concrètement son autonomie, surtout peu de temps après la définition de celle-ci, en recourant à l'aide de fonctionnaires de l'État placés sous la responsabilité hiérarchique du préfet ?

- les fonctionnaires d'une même direction se voyaient commandés tantôt par le préfet, tantôt par le président du conseil général ou régional, et devaient pratiquer en permanence un " dédoublement fonctionnel " entre les missions assumées au nom de l'État, sous l'autorité hiérarchique du préfet, et les tâches effectuées pour le compte du président du conseil général ou régional.

C'est pourquoi ce système de mises à disposition globales ne devait être que transitoire , l'objectif affiché par les lois de décentralisation étant celui de la partition des services .

Mais la lenteur de la mise en oeuvre de cette partition des services extérieurs de l'État, la faiblesse numérique des personnels transférés aux collectivités territoriales lorsque cette partition s'est réalisée, et les difficultés liées au droit d'option des agents, ont abouti à la pérennisation du dispositif de mise à disposition globale des services de l'État.

(3) L'inégale partition des services

Bien que le principe de structuration administrative retenu pour l'avenir soit celui de la partition des services 84( * ) , les réalisations en la matière sont très inégales.

• Les partages de services ont été effectivement mis en oeuvre pour :

- les préfectures de département et de région ;

- les directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS) en 1985-1986. Cette partition s'est effectuée lentement mais sans difficultés majeures. Elle a abouti dans chaque département à la création de deux directions départementales, l'une pour les compétences étatiques, l'autre pour les compétences du conseil général ;

- les services centraux des directions départementales de l'équipement mis à disposition et les services maritimes ;

- les services des archives et des bibliothèques départementales de prêt.

•  Le " partage impossible " des services techniques déconcentrés de l'équipement illustre les obstacles à la partition des services. Celle-ci est en partie due aux difficultés d'organiser les transferts de personnels correspondants.

Une première disposition 85( * ) , restée lettre morte, prévoyait à la fois une partition des services ou parties de services en fonction de la répartition des compétences, et la création d'une conférence du parc des ponts et chaussées coprésidée par le préfet et le président du conseil général.

Puis, a été retenue en 1987 une solution qui sauvegarde beaucoup plus les intérêts de l'État que ceux du département 86( * ) . Il s'agissait du transfert des parties de services qui intéressent le département 87( * ) , sans que les subdivisions territoriales ne soient transférées aux conseils généraux, en vertu du principe retenu par le législateur selon lequel ne devaient pas être


transférées au département ou à la région les parties de services dont les communes auraient besoin pour assumer correctement leurs compétences
. Ainsi, les subdivisions territoriales restaient simplement mises à disposition du conseil général en tant que de besoin. Pour la gestion du parc des ponts et chaussées, deux organismes 88( * ) ont été créés, seul celui présidé par le préfet ayant une importance significative.

La mise en oeuvre concrète de ce dispositif réglementaire n'a pas été homogène sur l'ensemble du territoire. En conséquence, la " non-partition " de la direction départementale de l'équipement concentre tous les défauts du dispositif :

- le principe de la loi du 7 janvier 1983, selon lequel la mise à disposition des services de l'État au profit des collectivités locales ne devait être que temporaire, n'a pas été respecté ;

- le décret de 1987 ne fait pas référence au droit d'option des agents défini par le législateur, compromettant ainsi la réalisation ultérieure de tout partage de services.

Après que les lois de finances pour 1990 et 1991 eurent fixé les modalités de recours des départements aux activités industrielles et commerciales des DDE, le dispositif, expérimenté dans onze départements, a été généralisé par la loi du 2 décembre 1992 89( * ) .

Celle-ci avait deux objectifs principaux : elle organisait la mise à disposition des départements du parc et des subdivisions territoriales sous forme conventionnelle 90( * ) ; elle clarifiait les relations financières entre l'État et les départements en matière d'équipement et de fonctionnement.

Compromis entre des positions initiales opposées , cette loi a permis de maintenir l'unité du parc de l'équipement, défini comme " un élément du service public de la DDE " et d'éviter un démantèlement de cette direction départementale. Elle permet aussi à l'État de rester activement présent sur l'ensemble du territoire national. Cependant, elle est incontestablement en contradiction avec l'esprit et la lettre de la loi du 7 janvier 1983.

c)  Le partage non réalisé : des services en parallèle sinon en " doublon "

La faiblesse des réalisations en matière de partition des services contraste avec l'ampleur et la diversité des compétences transférées. En effet, les services de l'État après la décentralisation ont davantage été " amputés " de leurs prérogatives que recomposés dans un objectif d'efficacité... L'État a conservé les fonctionnaires affectés à des compétences pourtant transférées aux collectivités territoriales. Aucune partition de services ne semble actuellement envisagée, alors que certaines compétences transférées n'ont à ce jour donné lieu à aucune réorganisation des services de l'État :

- la mise en oeuvre des lois de décentralisation n'a entraîné aucun partage de services entre les communes et l'État ;

- la répartition des compétences en matière scolaire ne s'est accompagnée d'aucun partage de services. Les rectorats, les inspections académiques et les services techniques et administratifs chargés du fonctionnement et de l'équipement des collèges et des lycées sont demeurés des services d'Etat ; le personnel qui y est affecté est resté d'Etat ;

- de même, les services dépendant du ministère de la Culture n'ont pas été partagés avec la région pourtant compétente en matière culturelle ;

- les directions départementales de l'Agriculture et de la forêt (DDAF) n'ont donné lieu qu'à un partage très limité, l'État conservant dans les DDAF d'État les services chargés de l'équipement rural et de l'aménagement foncier dotés des agents les plus compétents, tandis que les conseils généraux peuvent estimer n'avoir reçu que des attributions et des moyens illusoires ;

- si la partition de la délégation régionale à la formation professionnelle (DRFP) s'est correctement déroulée, elle est toutefois peu significative, dans la mesure où les conseils régionaux se sont quant même trouvés dans l'obligation, pour assurer leur nouvelle compétence, de constituer des services propres en recrutant le personnel nécessaire.

L'incertitude a été entretenue par la prorogation des dispositions transitoires 91( * ) . En particulier, le délai dans lequel devait être achevée la procédure de réorganisation des services extérieurs de l'État a été prorogé d'un an, de même que la période au cours de laquelle les fonctionnaires exerçant leurs fonctions dans un service transféré pouvaient opter pour le maintien de leur statut ou demander à relever du statut de la fonction publique territoriale.

Les collectivités locales ont ainsi dû créer leurs propres services, parallèlement à ceux de l'État, dont les effectifs n'ont pas été diminués pour autant. Le coût de ce double système d'administration a pu être présenté par le journal Le Monde par la formule : " un moins un égale deux " 92( * ) .

En définitive, la politique de partition des services est à la fois inefficace et inachevée. Les découpages opérés se sont rarement révélés fonctionnels ; l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités territoriales est déroutant pour les citoyens qui ne savent plus à quelle direction administrative s'adresser.

2. La déconcentration et la restructuration des administrations territoriales de l'état sont toujours en chantier

L'importance stratégique des services déconcentrés doit être soulignée : 96 % des deux millions d'agents de l'État travaillent au sein de son administration territoriale. Celle-ci gère les deux tiers des crédits inscrits au budget de l'État et prend les trois quarts des décisions concernant les usagers.

La déconcentration peut être verticale, lorsqu'elle consiste à responsabiliser les services extérieurs de l'État, ou horizontale, quand elle accroît le rôle du préfet en matière de coordination de ces services, à l'exemple des décrets du 10 mai 1982.

a) Les enjeux de la déconcentration

Comme l'indique l'adage selon lequel " on peut gouverner de loin mais on n'administre bien que de près ", la décentralisation supposait la capacité de l'État à définir ce qui est véritablement d'essence nationale. Elle devait s'accompagner d'une modification profonde de l'organisation, des motivations et des méthodes de travail des services extérieurs de l'État.

La déconcentration, qui consiste à transférer des attributions de l'échelon central aux autorités de l'État implantées dans les circonscriptions administratives, fut le maître mot employé pour définir la réforme de l'administration française de 1958 à 1981 ; elle constituait alors un correctif technique et un palliatif de l'absence de décentralisation .

Il s'agissait pour l'État de se rapprocher du lieu d'application des politiques 93( * ) . Déconcentrer a consisté à mieux répartir les actions remplies par les administrations de l'État entre le niveau national de conception de ces actions et le niveau territorial d'exécution, sans remettre en cause la compétence de l'État dans ces domaines.

b) Un objectif sans cesse réaffirmé

Dès 1982, la déconcentration a été présentée comme le " deuxième pilier " de la décentralisation et son indispensable contrepartie. Gaston Defferre affirmait alors qu'il était " souhaitable qu'à chaque niveau de décentralisation corresponde un niveau de déconcentration aussi fort ".

Toutefois, les décrets du 10 mai 1982, relatifs aux attributions des commissaires de la République dans les départements et les régions, visent davantage à renforcer les pouvoirs des représentants de l'État sur les services déconcentrés qu'à leur transférer des compétences en provenance de l'échelon central.

La politique de renouveau du service public , définie par la circulaire du Premier ministre Michel Rocard du 23 février 1989, qui proposait " le développement des responsabilités par une déconcentration plus poussée " et la modernisation de la gestion administrative, ne peut être présentée comme une véritable mesure d'accompagnement de la décentralisation. Dès lors, la question de la déconcentration restait centrale lors des débats législatifs relatifs à l'administration territoriale de la République en 1992.

(1) La reconnaissance de la dimension territoriale de l'État.

Deux textes publiés en 1992 reconnaissent la dimension territoriale de l'État :

- la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République place sur un pied d'égalité services de l'État et collectivités territoriales en indiquant que " l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés 94( * ) de l'État " ;

L'intervention du législateur peut surprendre au regard de la répartition constitutionnelle entre pouvoir réglementaire et domaine de la loi. Comme le Sénat l'avait souligné, la déconcentration relève de la compétence du Gouvernement. Force est de constater que l'appel au législateur traduit l'incapacité de l'État à réformer ses propres structures ;

- le décret n° 92-604 du 1 er juillet 1992 portant charte de la déconcentration décline le principe selon lequel " la déconcentration est la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l'État ". La déconcentration devient le droit commun.

Le décret portant charte de la déconcentration allait très loin en limitant le champ d'intervention des administrations centrales et des services à compétence nationale aux " seules missions 95( * ) qui présentent un caractère national ou dont l'exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial ". De plus, la circonscription départementale devait être l'échelon territorial de mise en oeuvre des politiques nationale et communautaire.

(2) L'affirmation du principe de subsidiarité

La loi d'orientation sur l'administration territoriale de la République marque une rupture radicale avec les pratiques antérieures de la déconcentration. Elle introduit une innovation juridique essentielle : le principe de subsidiarité. Elle ajoute que " les missions qui intéressent les relations entre l'État et les collectivités territoriales, sont confiées aux services déconcentrés ".

La charte de la déconcentration réaffirme l'autorité et le pouvoir de direction du préfet sur les différents services déconcentrés. Elle étend les compétences des préfets en les chargeant de négocier les contrats conclus au nom de l'État avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics, alors qu'auparavant ils se bornaient bien souvent à signer des accords dont le contenu avait été arrêté à l'échelon central.

(3) La volonté de rendre la déconcentration irréversible

La réforme des services centraux et territoriaux de l'État constituait à nouveau un volet important du plan de réforme de l'État à l'automne 1995. L'objectif affiché est celui d'un double resserrement : resserrement des administrations centrales en termes de structures et d'effectifs ; resserrement des administrations territoriales autour du préfet pour conduire les politiques interministérielles.

Le Gouvernement dirigé par M. Alain Juppé avait souhaité rendre le processus de déconcentration irréversible , en affirmant la compétence de droit commun du préfet et en faisant des services déconcentrés non plus les " exécutants " mais les " opérateurs " des politiques publiques.

Aussi le décret du 15 janvier 1997 prévoyait-il la compétence du préfet pour les décisions administratives individuelles prises au titre des 4.200 régimes d'autorisation existants. Un " dispositif anti-remontée ", d'importantes délégations budgétaires globalisées, un allégement du contrôle financier central, la déconcentration géographique de 10 % des effectifs des administrations centrales accompagnaient cette réforme. Au 1 er janvier 1998, 73 % des décisions individuelles avaient été prises selon une procédure déconcentrée.

Plusieurs mesures ont été arrêtées à la suite des orientations fixées par la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'État et des services publics :

- création d'un fonds pour la réforme de l'État 96( * ) ;

- accentuation de la déconcentration de la gestion des personnels, déconcentration de la procédure de mise à disposition des fonctionnaires 97( * ) ;

- approfondissement de la déconcentration des crédits d'intervention et engagement dans la voie de la globalisation des crédits par une réduction du nombre d'articles budgétaires, réforme du contrôle financier local 98( * ) ;

- renforcement de la capacité d'action du préfet dans le domaine immobilier, notamment par l'institution à son profit d'une procédure d'avis conforme pour les projets immobiliers des services de l'État dans son département 99( * ) ;

- simplification des régimes d'autorisation et de déclaration administrative préalable 100( * ) ;

- reconnaissance du préfet comme autorité de droit commun pour prendre des décisions administratives individuelles entrant dans le champ des compétences des administrations civiles de l'État 101( * ) .

Les vingt-six décrets des 19 et 24 décembre 1997 déconcentrent environ six cents procédures qui représentent par an plusieurs milliers d'actes administratifs. Le préfet de département détient désormais une compétence de principe en matière de décisions individuelles . Les exceptions, limitativement admises au profit des ministres ou d'autres autorités (préfet de région, recteurs d'académie...), doivent être expressément prévues par un décret en Conseil d'État et soumises au Conseil des ministres s'il s'agit de retenir une compétence à l'échelon central.

c) Une mise en oeuvre laborieuse

La décentralisation devait amener " un jacobinisme rénové " , voire " rationalisé " ou " apprivoisé " 102( * ) . Mais l'État n'a pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation, de la territorialisation de l'action publique et de l'affirmation en 1992 du principe de subsidiarité... au point que la déconcentration apparaît aujourd'hui comme " une révolution permanente " 103( * ) .

Comme l'indiquait déjà le " rapport Guichard ", l'État est partout présent tout en étant faible et souvent absent quand on appelle son intervention. Certains commentateurs évoquent même " une multiplication pathétique de gadgets et d'opérations d'étiquetage, qui n'ont de réformes administratives que le nom " 104( * ) .

Même après la relance de la réforme de l'État par le Gouvernement de M. Alain Juppé en 1995, le " chantier " du pilotage des services territoriaux, clé de la déconcentration, est largement intact 105( * ) .

Ce constat est très largement partagé. A titre d'exemple, M. Marc Censi, président de l'Assemblée des districts et communautés de France, entendu par la mission, a souligné que la déconcentration n'avait pas beaucoup progressé et il a regretté qu'il faille trop souvent remonter jusqu'à l'administration centrale pour régler des problèmes locaux. M. Jean Auroux, président de la Fédération des maires de villes moyennes, a lui aussi observé que les services déconcentrés continuaient à faire remonter à Paris la prise de décisions même sur des problèmes secondaires.

(1) Les pouvoirs des préfets s'exercent sur un périmètre limité

La question des limites du pouvoir de direction du préfet, véritable enjeu de la déconcentration, reste entière. Le " périmètre administratif " sur lequel s'exerce ce pouvoir laisse de côté des pans entiers de l'action publique et de nombreux satellites de l'État. L'autorité du préfet sur les différents services extérieurs de l'État est très inégalement affirmée. Ainsi, les services de l'emploi, ceux de l'éducation nationale, les services financiers ou encore les architectes des bâtiments de France échappent traditionnellement à l'autorité du préfet .

En ce sens, M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'Association des régions de France, a regretté que tous les services de l'État ne soient pas subordonnés à l'autorité du préfet, en particulier dans le domaine de l'éducation où l'absence d'autorité hiérarchique du préfet sur le recteur conduit à des dysfonctionnements.

Comme le souligne la DGAFP 106( * ) , les conditions, au plan local, d'un traitement interministériel des problèmes ne sont pas toujours remplies, alors même que des politiques publiques aussi essentielles que l'aménagement du territoire, l'emploi ou la politique de la ville concernent une dizaine de services déconcentrés.

Bien que chaque ministère ait mis en place une commission chargée d'élaborer des propositions de déconcentration 107( * ) , les administrations centrales ont été assez réticentes à s'engager dans la voie des regroupements fonctionnels des services territoriaux. En pratique, les contradictions internes de l'État central ne manquent pas d'être répercutées à l'échelon local.

(2) La déconcentration de la gestion des personnels est incomplète

La gestion de la fonction publique de l'État s'effectue à un double niveau : le niveau central mène l'organisation générale et la répartition des postes, et l'échelon déconcentré gère certaines catégories d'agents 108( * ) d'un bout à l'autre de la chaîne ou assure certains actes de gestion élémentaires 109( * ) .

La déconcentration des actes matériels de gestion des corps de catégorie A reste à mettre en oeuvre, de même que la gestion des ressources humaines : formation, appréciation des compétences et des qualifications disponibles, etc.

La répartition parfois aléatoire des compétences entre l'État et les collectivités locales et la concurrence entre corps et ministères sont autant d'obstacles à franchir. Les partisans de la gestion nationale mettent en avant l'argument selon lequel les gestionnaires déconcentrés se sentiraient propriétaires de leurs agents, ne seraient matériellement pas en mesure de rééquilibrer les recrutements en fonction des besoins et des contraintes démographiques et géographiques.

Ces modes de pensée expliquent que les résultats de l'interministérialité au plan local soient mitigés : les possibilités récemment ouvertes de " mises à disposition croisées " ne sont quasiment pas utilisées.

(3) La déconcentration de la gestion des crédits

Dans le domaine des crédits de fonctionnement, le mouvement de déconcentration est déjà largement engagé. Mais les crédits d'investissement, après le décret du 13 novembre 1970, sont encore trop souvent gérés au niveau central. Deux mesures méritent d'être soulignées :

- le décret n° 99-896 du 20 octobre 1999 110( * ) devrait mettre en oeuvre le principe de déconcentration en matière de décisions de l'État relatives aux investissements publics. Il inverse la règle en faisant du maintien du pouvoir de décision central l'exception ;

- au 1 er janvier 2000, une expérience de globalisation des moyens de fonctionnement des préfectures a été lancée dans quatre préfectures (Doubs, Finistère, Isère, Seine-Maritime). Les préfets concernés bénéficient d'une délégation globale de l'ensemble de leurs moyens de personnel et de fonctionnement dans une enveloppe globale fongible. Cette expérimentation devrait engager les quatre préfectures concernées à réaliser les réformes de structures et de procédures devenues indispensables. Elle pourrait être généralisée en cas de succès.

(4) La politique immobilière de l'État : " volonté de déconcentrer, tentation de recentralisation "

Aujourd'hui, le patrimoine immobilier de l'État est mal connu et mal géré. Or, selon le rapport d'activité de l'Inspection générale de l'administration (IGA), les dispositions relatives à la déconcentration de la politique immobilière de l'État 111( * ) sont restées insuffisantes et n'ont pas résolu les questions de long terme, comme la stratégie d'implantation des services de l'État, l'acquisition ou la cession de biens immobiliers.

Malgré la mise en place d'une Commission interministérielle de la politique immobilière (CIPI) auprès du secrétariat général du Gouvernement, les ministères ont continué leur propre politique immobilière sans véritable pilotage interministériel. Les administrations centrales ont été encouragées en ce sens, notamment par une circulaire du Premier ministre en date du 21 février 1992 selon laquelle chaque ministère est pleinement responsable de son parc immobilier.

Cette juxtaposition permanente de deux logiques, l'une horizontale et l'autre verticale, ne facilite pas la conduite sur le terrain de la politique immobilière de l'État. Pour y remédier, six départements pilotes 112( * ) ont mené en 1995 une expérience de " pôles de compétences immobilières " sous forme d'un travail interministériel en réseau 113( * ) .

Malgré des résultats positifs au plan local, et le décret du 13 février 1997 prévoyant qu'aucune opération immobilière intéressant un ou plusieurs services déconcentrés de l'État ne peut être engagée sans l'accord exprès du préfet, l'IGA déplore l'insuffisance de l'information des préfets par les administrations centrales et la multiplication des initiatives ministérielles dans le domaine immobilier, pouvant signifier à plus ou moins brève échéance l'échec de la déconcentration de la politique immobilière de l'État.

d) L'insuffisante restructuration des services territoriaux de l'État

La réorganisation des services déconcentrés de l'État est d'autant plus nécessaire que leur partition dans les années 1980 n'a pas été complète, que la charte de la déconcentration du 1 er juillet 1992 est censée leur donner un rôle essentiel pour l'avenir dans l'accomplissement des missions de l'État, et que les élus locaux veulent trouver à leur niveau des interlocuteurs habilités à négocier et à engager valablement l'État.

L'effort de restructuration des administrations de l'État entrepris depuis la décentralisation est trop limité. En témoigne le nombre beaucoup trop élevé des directions sur le même territoire : plus d'une vingtaine de services déconcentrés se côtoient dans chaque département.

Devant l'inaction des administrations centrales, le législateur a été amené à plusieurs reprises à demander à l'État de réorganiser son administration territoriale ; cette intervention du législateur en dehors du domaine de la loi traduit l'incapacité de l'État à réformer ses propres structures.

Ainsi, la loi d'orientation n° 95-115 du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire prévoyait que les services déconcentrés de l'État, placés sous l'autorité du préfet, devaient faire l'objet dans un délai de dix-huit mois de " regroupements fonctionnels favorisant leur efficacité, leur polyvalence et leur présence sur le territoire ". Ces regroupements devaient être opérés dans le cadre d'un schéma de réorganisation des services de l'État, précisant les niveaux d'exercice des compétences de l'État et les adaptations de leurs implantations territoriales 114( * ) .

Une circulaire du Premier ministre en date du 24 octobre 1995 a demandé aux préfets de région et de département :

- de rechercher les regroupements entre les directions régionales et départementales dépendant d'une même administration dans les départements chefs-lieux de région ;

- d'examiner les possibilités de mutualiser entre plusieurs départements tout ou partie des fonctions ou des services des directions départementales d'un ministère : création de directions interdépartementales ;

- de chercher à regrouper des services exerçant des missions voisines ou complémentaires ;

- de proposer la gestion interministérielle de certains moyens matériels, immobiliers, financiers et humains ;

- de confier à un chef de service un rôle horizontal de coordination et d'animation.

Les réformes de structure sont restées très partielles. Le seul regroupement significatif reste celui des directions du travail et de l'emploi avec l'administration de la formation professionnelle. Aucune mesure structurelle n'a été prise pour remédier à l'émiettement de l'administration de l'État. Au contraire, de nouveaux ministères ont procédé à leur implantation territoriale (commerce extérieur, environnement) et de plus anciens l'ont renforcée en coiffant leurs directions départementales de directions régionales (agriculture et forêt).

Comme le conclut l'IGA, " la méthode de l'expérimentale en matière de réorganisation des services trahit ici sa fragilité ; en l'absence d'une volonté politique ou d'un consensus clairement affirmés, elle est impuissante à surmonter les oppositions au changement ".

e) Un pis-aller : la coordination sans réorganisation des services
(1) L'abandon de la réforme des structures territoriales de l'État

Il semblerait que les réformes de structures ne figurent plus au rang des priorités de l'actuel Gouvernement et soient délaissées, au profit de solutions moins exigeantes.

En effet, le comité interministériel à la réforme de l'État du 13 juillet 1999, estimant qu'une démarche tendant à une recomposition fonctionnelle des services se heurtait à des rigidités statutaires et rencontrait de nombreux obstacles structurels, a renoncé à cette réorganisation, préférant explorer d'autres voies.

(2) Des dispositifs de coordination multiples et peu ambitieux

Après l'abandon des expériences de recomposition des services déconcentrés, l'élaboration des " programmes pluriannuels de modernisation ", en application de la circulaire du Premier ministre du 3 juin 1998, a donné lieu à un rapport de synthèse en juillet 1999... dont le contenu ne paraît pas constituer une relance de la réforme de l'administration territoriale de l'État.

En effet, certains sujets majeurs n'ont absolument pas été abordés par les programmes 115( * ) : la politique immobilière de l'État, les formations interministérielles, les enveloppes de crédits, le resserrement de la nomenclature budgétaire, la simplification des dispositifs d'intervention de l'État...

Les actions envisagées par le Gouvernement sont les suivantes :

- le " projet territorial de l'État dans le département ", qui doit constituer une démarche collective associant tous les services déconcentrés de l'État dans le but d'élaborer une stratégie commune et de définir une organisation optimale ;

- en 1998-1999, l'accent a été plus particulièrement mis sur le développement des " nouvelles technologies de l'information et de la communication " dans le cadre du programme gouvernemental pour l'entrée de la France dans la société de l'information. Ainsi, les préfectures sont le pivot de la mise en place des systèmes d'information territoriaux (SIT), c'est à dire la mise en réseau informatique des services de l'État autour d'une messagerie et de bases de données communes à plusieurs services ;

- les décrets n° 99-895 et n° 99-896 du 20 octobre 1999 confient aux préfets la compétence pour fixer l'organisation des services déconcentrés placés sous leur autorité ;

- la promotion de l'interministérialité , consistant en la direction par le préfet des services déconcentrés de l'ensemble des ministères, est censée améliorer la cohésion de l'administration territoriale. Elle n'est toutefois qu'un pis-aller, destiné à masquer le manque d'ambition en ce qui concerne le regroupement des administrations ;

- la constitution de pôles de compétences entre des administrations civiles déconcentrées pour mener à bien des actions communes, qui rencontre un certain succès dans les domaines à forte interministérialité (gestion de l'eau par exemple) ;

- enfin, la loi d'orientation pour l'aménagement et de développement durable du territoire du 25 juin 1999 encadre la constitution des maisons des services publics mettant en commun dans un cadre conventionnel des moyens de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des organismes chargés d'une mission de service public.

II. UNE ORGANISATION TERRITORIALE EN DEVENIR

A. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES : L'ABSENCE D'UN MODÈLE UNIQUE

Il est classique de distinguer en Europe les Etats fédéraux , comme l'Allemagne, la Belgique, l'Autriche, la Russie et la Suisse, des Etats unitaires comme la France, le Royaume-Uni, les pays scandinaves, la Grèce, l'Irlande, le Portugal et les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale.

Cependant, une distinction trop rigoureuse entre ces deux formes étatiques tend à exclure des pays comme l'Italie, qualifié " d'Etat régional ", et l'Espagne, qualifié " d'Etat des autonomies " (la Belgique, quant à elle, a opté définitivement pour le fédéralisme après une lente évolution).

En outre, la mise en oeuvre de réformes décentralisatrices, d'un côté, le mécanisme d'intégration centralisatrice de Bruxelles, de l'autre, ont rendu moins nette la distinction entre Etats unitaires et Etats fédéraux et l'Europe d'aujourd'hui est marquée par une diversification croissante des formes étatiques et un rapprochement sensible des diverses organisations territoriales .

On assiste presque partout au renforcement d'une tendance toujours plus nette à la régionalisation. Cependant, force est de constater l'absence d'un modèle unique , auquel l'organisation territorial française serait invitée à se conformer.

1. Décentralisation et évolution du modèle fédéral

Il y a Etat fédéral quand deux principes essentiels sont respectés.

le principe d'autonomie qui exige que les composantes de l'Etat fédéral, elles-mêmes des Etats, conservent la liberté de fixer leur propre statut et de définir leur politique ;

le principe de participation qui veut que les composantes puissent participer à l'expression de la volonté fédérale à travers leur représentation dans les institutions de la fédération.

D'autre part, l'une des grandes différences entre l'Etat fédéral et l'Etat unitaire réside dans le fait que la répartition des compétences entre le niveau fédéral et les niveaux fédérés résulte d'un pacte initial : la Constitution. Ces compétences devraient être exclusives, mais la tendance générale des constitutions européennes est le développement de compétences concurrentes .

Par exemple, Länder et fédération ont des compétences propres en Allemagne, mais elles sont limitées (police, enseignement, organisation des collectivités locales pour les Länder, affaires étrangères, défense, monnaie, commerce, douanes, postes... pour la fédération). Le plus grand nombre des compétences sont concurrentes.

Autre exemple : en Suisse, l'article 3 de la Constitution confère au canton une compétence de principe ; la fédération reçoit des compétences exclusives pour lesquelles la fédération reçoit le droit de fixer les principes, l'application étant laissée aux cantons.

On assiste donc au développement du fédéralisme coopératif . En outre, les pactes initiaux se sont trouvés affectés à la fois par la pratique et par les conséquences de la construction européenne.

C'est ainsi qu'en Allemagne se sont multipliées les instances associant les Länder et la fédération (et s'efforçant de fonctionner selon la règle de l'unanimité) : conférence des ministres de l'éducation, des ministres-présidents, comité allemand de la recherche... Cette politique a permis une certaine uniformisation des règles en matière judiciaire, en matière de police et de fonction publique. Le système de péréquation des ressources fournit également un excellent exemple de coopération. De plus, la loi constitutionnelle du 12 mai 1969 a introduit le concept de " tâches communes de la fédération et des Länder " en matière économique, financière et éducative entre autres.

Voilà pourquoi, de modèle de conciliation entre l'unité et la diversité, l'Etat fédéral a évolué en pratique vers davantage d'uniformité et un renforcement des pouvoirs des fédérations. A cette évolution, trois grands facteurs ont contribué : l'utilisation intensive par la fédération des pouvoirs qui lui étaient réservés par la Constitution, la jurisprudence des cours constitutionnelles et les révisions du pacte fondateur lui-même.

D'autre part, la ratification du traité de Maastricht qui entraîne une nouvelle extension des politiques communes ne pouvait que susciter des réactions des Etats à l'intérieur de fédérations qui risquaient de se voir privés de pans entiers de leurs compétences ou voir l'exercice de celles-ci étroitement contrôlé sans avoir pu être associés aux discussions préalables sur les transferts de souveraineté. Le problème était d'autant plus sensible en Allemagne qu'en l'absence d'administration fédérale générale, c'est aux Länder qu'allait incomber l'application des nouvelles règles communautaires. Lors de la ratification du Traité, les Länder ont échangé leur approbation contre une révision de la constitution posant que les transferts de souveraineté à venir ne pourraient se faire sans l'accord du Bundesrat à la majorité des deux tiers .

2. Décentralisation et mutation de l'État unitaire

Aucun Etat européen ne correspond aujourd'hui à la version classique de l'Etat unitaire dont la France jacobine et napoléonienne fut le symbole et le modèle.

Les structures traditionnelles de l'Etat unitaire ont été affectées par un double mouvement qui tend à redonner au marché un certain nombre de fonctions que l'Etat s'était appropriées mais aussi à transférer des pouvoirs de décision au plus près du citoyen . Ce dernier mouvement de renforcement de l'autonomie locale connaît des fortunes diverses selon les pays : décentralisation en France, recentralisation au Royaume-Uni sous la pression des difficultés budgétaires, retour aux libertés municipales et décentralisation dans les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale pour démanteler les anciennes structures totalitaires.

La diversification est donc aussi l'apanage des Etats unitaires . Au Royaume-Uni, les règles du gouvernement local varient de l'Angleterre au Pays de Galles, et du Pays de Galles à l'Ecosse. Au sein même d'un Etat unitaire coexistent des composantes entretenant avec lui des relations plus ou moins étroites qui vont parfois au-delà de la décentralisation et jusqu'à l'autonomie et donc conduisent à une forme de préfédéralisme. Au Portugal, les Açores et Madère possèdent un statut adopté par l'Assemblée de la République mais élaboré par les assemblées législatives régionales qui disposent donc d'un vrai pouvoir législatif certes limité.

Le développement de l'autonomie locale et régionale (c'est-à-dire toutes les réformes de décentralisation) a lui-même beaucoup contribué à changer la physionomie de l'Etat unitaire.

Outre la grande décentralisation française de 1982-1985, objet même de ce rapport, on relève le même esprit de réforme au Luxembourg (loi communale du 13 décembre 1988), au Portugal (1984-1991), en Grèce (1986-1990), au Danemark (1988), en Suède (1992), en Norvège (1992) et aux Pays-Bas (1994). Ces réformes ont façonné une espèce de droit commun de l'autonomie locale en Europe, droit consacré par une convention du Conseil de l'Europe sur l'autonomie locale et régionale en vigueur depuis 1988 et signée par 23 pays. Les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale s'y réfèrent aujourd'hui pour mettre en place leur organisation territoriale.

Cette évolution décentralisatrice se caractérise par les traits suivants :

- adoption de systèmes de répartition des compétences par la loi (France) ;

- transformation des procédures de tutelle vers des systèmes de contrôle juridictionnel (France, Portugal, Suède) ;

- réduction du nombre de domaines dans lesquels les autorités centrales peuvent exercer un contrôle d'opportunité (Danemark, Finlande, Norvège, Pologne).

Mais, paradoxalement, même si la décentralisation traduit un degré d'autonomie inférieur au fédéralisme, elle est souvent mieux assurée dans les Etats unitaires que dans les Etats fédéraux ou autonomiques . En effet, dans ces derniers Etats, le statut des collectivités locales, la détermination des conditions d'exercice et l'exercice lui-même de la tutelle relèvent du législateur fédéré plus proche.

De même, l'appartenance a un Etat fédéral n'entraîne pas pour les collectivités locales une situation financière plus avantageuse . L'objectif d'assurer l'autonomie de décision par l'octroi aux entités subétatiques d'impôts propres et localisés est à peine réalisé au niveau des Etats fédérés eux-mêmes. La plupart des ressources des Länder allemands par exemple proviennent d'impôts partagés. Les impôts propres n'assurent qu'un montant très faible des ressources budgétaires (moins de 10 %). Il n'est guère surprenant que les collectivités locales ne soient pas mieux traitées à cet égard que les Etats fédérés. Seule la Suisse assure une répartition équilibrée de l'impôt entre les trois niveaux et les communes suisses perçoivent une part plus importante de l'impôt sur le revenu que la fédération elle-même.

Le critère de la forme de l'Etat, lorsqu'on veut apprécier le degré réel de décentralisation, apparaît donc de moins en moins déterminant.

En outre, certains Etats unitaires se sont lancés dans une expérience " régionaliste " qui les rapproche des Etats fédéraux.

Les choses se passent comme si les Etats unitaires poussés vers le fédéralisme (ou en tout cas un degré très abouti de décentralisation) refusaient d'opter pour la forme fédérale déclarée et s'en tenaient à une situation hybride. Le Royaume-Uni , après l'Italie, l'Espagne et la Belgique, est le dernier en date de cette catégorie nouvelle d'Etats régionalistes puisqu'en effet, le processus de " dévolution " au profit du Pays de Galles et de l'Ecosse vient d'aboutir avec le rétablissement des parlements gallois et écossais dans leurs anciens droits.

Le premier exemple dans cette catégorie hybride est celui de l'Italie , république une et indivisible, qui reconnaît et favorise les autonomies locales. L'Etat italien apparaît comme un Etat unitaire au sein duquel semblent admis des éléments d'autonomie politique et juridique au profit de divisions territoriales appelées régions.

Quant à la constitution espagnole , elle reconnaît et garantit le droit à l'autonomie des nationalités et des régions qui composent l'Espagne. Les régions sont invitées à se déclarer " communautés autonomes ". Deux régimes d'autonomie leur sont offerts : immédiate pour les " nationalités historiques " de l'Espagne et après un délai de cinq ans pour les autres. Le pouvoir législatif de ces régions autonomes n'est subordonné qu'à la constitution et le contrôle exercé par l'Etat est purement juridictionnel. La répartition des compétences est favorable aux communautés qui disposent de toutes les compétences sauf celles attribuées explicitement à l'Etat.

3. Régionalisation et décentralisation

Il faut partir d'une constatation : en Europe, il existe presque toujours un niveau différent de celui de la collectivité territoriale de base, mais il est rarement appelé région. La régionalisation présentée comme une nécessité de la construction européenne implique-t-elle nécessairement la création d'un niveau supplémentaire qui serait le troisième ? Ou la transformation du deuxième niveau existant en une entité encore plus autonome ?

Ces questions couvrent un débat sur la taille idéale du niveau intermédiaire, sur l'identité culturelle de l'entité ainsi créée, sur le degré d'autonomie à accorder à ces entités et donc sur l'unité de l'Etat pour les pays de tradition unitaire, (et surtout les nouvelles démocraties soucieuses d'éviter un éclatement centrifuge et tous les pays comptant de fortes minorités).

D'autre part, le débat sur la régionalisation en Europe semble ne pas prendre en compte certaines réalités de la décentralisation comme la coopération existant entre les collectivités locales de base : l'intercommunalité en France et aux Pays-Bas ou les " fédérations " en Finlande.

La régionalisation, qui aujourd'hui semble être considérée comme un moyen de mise en oeuvre d'un certain degré d'autonomie territoriale par rapport à l'Etat, avait au départ une connotation économique et relevait plus précisément de la mission d'aménagement du territoire. Il s'agissait de trouver un échelon de décision suffisamment vaste, sans être celui de l'Etat central, pour répondre aux nécessités de l'aménagement de l'espace.

Ce n'est qu'ensuite qu'apparaissent la culture et l'identité (en effet, le découpage régional souvent artificiel quand il existait ne s'appuyait que rarement sur un territoire historique). La région en Europe est présentée maintenant comme un moyen d'affirmer la diversité des cultures négligées jusque là par les Etats centralisateurs.

L'idée a pris corps en Europe qu'il est nécessaire de disposer de véritables collectivités régionales et locales autonomes et administrées par des élus, expression de la décentralisation. La région est donc devenue un niveau de décentralisation au même titre que la commune, mais elle doit être suffisamment vaste pour exercer des tâches d'aménagement de développement économique, social et culturel et de coordination et suffisamment proche pour demeurer sous le contrôle des citoyens.

Une telle approche paraît suffisamment souple pour permettre à chaque Etat de déterminer la structure de collectivités territoriales qui lui semble répondre le mieux à son histoire et à sa dimension .

Mais aujourd'hui nous ne pouvons pas mettre sur le même plan les régions à forte autonomie politique des Etats fédérés et régionalisés et les niveaux intermédiaires qui en tiennent lieu dans les Etats unitaires. Il faut donc distinguer entre les collectivités de troisième niveau appartenant à un Etat fédéral ou régional et les régions telles qu'elles viennent d'être définies, c'est-à-dire le meilleur niveau intermédiaire possible entre les communes et l'Etat.

On voit donc qu' il n'y a pas de modèle unique en Europe . Toutefois, on présentera ici l'évolution récente de quatre pays voisins (le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne).

4. La " dévolution " au Royaume-Uni

Il n'est pas dans la tradition britannique de cultiver l'uniformité. Le Royaume-Uni, malgré son nom, n'a jamais considéré que l'union et l'unité passaient par la standardisation des territoires, qui d'ailleurs sont chacun héritier d'une longue histoire particulière. Pourtant, ce pays s'est engagé dans une extraordinaire réforme décentralisatrice depuis 1999, réforme qui porte là-bas le nom de " devolution " et qui renforce l'échelon intermédiaire entre l'Etat et la commune . L'unité du pays repose sur la couronne et on juge que son organisation administrative peut varier au gré des nécessités historiques sans l'ébranler.

Au Royaume-Uni, le transfert de pouvoirs et de compétences étatiques au profit de collectivités infra-nationales se fait par la seule volonté du Parlement qui adapte ce transfert en fonction de chaque territoire. Les exigences d'autonomie des Ecossais, des Gallois et des Irlandais ont conduit à une régionalisation d'un genre inclassable qui conduit le pays au bord du fédéralisme.

La Grande-Bretagne continue à se classer elle-même parmi les Etats unitaires , mais le pays se dit " multinational " et reconnaît l'existence de quatre " nations-régions " en son sein : l'Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord. (Mais ne faudrait-il pas ajouter les Iles anglo-normandes et l'Ile de Man qui ont leur propre Parlement ?).

La " dévolution " britannique se traduit par un transfert du pouvoir de décision en matière économique, sociale et culturelle du Parlement vers une assemblée régionale élue au suffrage universel qui est dotée, à cet effet, de moyens politiques et administratifs importants.

L'Ecosse , qui a conservé depuis 1706 son système judiciaire et sa religion presbytérienne, est désormais dotée d'institutions politiques qui lui sont propres :

- un exécutif dont le chef est nommé par la Reine sur proposition du Président de l'Assemblée régionale écossaise ;

- un Parlement composé de 129 députés élus pour 4 ans (et autorisés à cumuler leur mandat avec celui de député aux Communes).

L'Ecosse jouit désormais d'un pouvoir législatif et d'une compétence générale d'administration (santé, enseignement primaire et secondaire, formation professionnelle, aide sociale et logement, développement économique et transports, justice et police, environnement, agriculture, pêche, forêt, sports, culture, administration locale). Cela a pour conséquence que la législation écossaise peut être amenée à modifier des lois britanniques pour une application en Ecosse. Les dotations de l'Etat nécessaires à l'accomplissement de ces tâches nouvelles restent décidées à Westminster (c'est-à-dire par l'Etat central).

Le Pays de Galles a obtenu, quant à lui, non pas le pouvoir législatif mais le pouvoir réglementaire. La commission exécutive du Parlement gallois s'apparente au bureau d'un conseil général français. Les pouvoirs transférés au Pays de Galles (peu nombreux à ce stade) feront l'objet d'une dévolution progressive.

En mettant en place ce programme de " dévolution ", le Royaume-Uni s'est engagé dans une logique de changement qui va dans le sens de la régionalisation souhaitée par Bruxelles, mais elle le fait en respectant l'héritage de l'Histoire en s'appuyant sur de très anciennes divisions du territoire.

5. L'Espagne : l'État des autonomies

L'État espagnol est fondé sur le principe de l'autonomie territoriale . Le territoire est organisé en communes, provinces et communautés autonomes. Il y a dix-sept communautés autonomes en Espagne qui possèdent des compétences très variables et inégales (comme c'est le cas désormais en Grande-Bretagne).

Ces communautés autonomes se rangent cependant en deux catégories : celles qui disposent de la pleine autonomie et celles dont l'autonomie est progressive. Comme en Angleterre, les communautés autonomes respectent les divisions historiques du territoire.

6. L'Italie : en route pour une autonomie toujours plus grande des régions

L'Italie était déjà sur la voie de la régionalisation mais la dernière réforme institutionnelle de 1999 augmente de manière considérable les pouvoirs des régions . En effet, les vingt régions qui composent l'Italie (cinq sont déjà autonomes : Sardaigne, Sicile, Val d'Aoste, Frioul-Vénétie Julienne, Trentin-Haut-Adige) vont pouvoir décider de leur forme de gouvernement et bénéficier d'une large autonomie financière et fiscale. L'Etat italien ne conservera à terme que la politique extérieure, la défense, l'économie, la monnaie et la sécurité.

En avril 2000, les présidents de région ont été élus pour la première fois au suffrage universel ; ils disposent désormais de pouvoirs étendus qui font d'eux de véritables gouverneurs de " régions-Etats " . Ils ont pour mission d'écrire la constitution de leur région et de choisir le mode de scrutin pour les prochaines élections régionales.

Comme dans le cas anglais et dans le cas espagnol, la régionalisation de l'organisation italienne conduit à une situation institutionnelle relativement complexe.

7. La permanence du modèle allemand

L'Allemagne est régulièrement présentée comme modèle parfait de l'organisation territoriale non tant pour le découpage du territoire que pour son système fiscal local.

L'Allemagne est constituée de seize Etats fédéraux : les Länder, qui disposent de certains attributs de souveraineté (gouvernement, pouvoir législatif, appareil judiciaire). Chaque Land comprend une assemblée délibérante élue au suffrage universel à la proportionnelle et un organe exécutif élu pour la durée de la législature par l'assemblée et dirigée par un ministre-président. Les Länder disposent de compétences exclusives (police, culture, système scolaire, organisation des collectivités locales) et de compétences partagées avec la Fédération (droit civil, droit fiscal, justice, gestion de la fonction publique, transports...).

Les Länder ont deux niveaux de collectivités locales : les communes et les arrondissements. Les communes ont une compétence générale pour toutes les affaires locales tandis que les arrondissements se chargent des tâches communales qui dépassent les possibilités des communes. Ce sont les Länder qui exercent la tutelle étatique sur leurs collectivités cependant très autonomes. Le système est basé sur un principe de coopération et de consensus et il est caractérisé par l'accomplissement de tâches communes et le financement croisé des opérations.

Les recettes des Länder et des collectivités locales sont définies dans le cadre global de la répartition des finances publiques entre les différents niveaux.

Les collectivités locales allemandes ne jouissent donc que d'une autonomie fiscale limitée : elles collectent toutefois des impôts qui leur sont propres mais pour la plus grande partie, leurs recettes proviennent d'impôts communs partagés entre les trois niveaux.

Le partage des impôts s'opère selon des dispositifs de péréquation qui prennent deux formes :

- une péréquation dite " horizontale ", qui constitue un mécanisme de solidarité entre les entités de même niveau (communes ou Länder). La péréquation horizontale en faveur des communes s'opère à partir de ressources tirées de la redistribution par le Land aux communes de 15 % du produit de l'impôt sur le revenu acquitté par leurs contribuables, dont le revenu imposable dépasse un certain seuil. Chaque Land définit librement les modalités de la péréquation entre les communes de son territoire, à condition toutefois de respecter certains principes comme la nécessaire prise en compte des écarts de capacité financière et de besoins financiers entre les communes.

- une péréquation dite " verticale " , qui intervient d'une part du Bund vers les Länder, d'autre part des Länder vers leurs communes. Chaque Land est tenu d'accorder aux communes de son territoire un pourcentage du produit des impôts partagés qu'il reçoit du Bund, selon des modalités qu'il détermine lui-même.

Lors de l'unification allemande, ce système de péréquation n'a pas pu être appliqué immédiatement à l'ex-RDA, les écarts de richesse entre les deux zones étant trop importants. Un système transitoire a alors été mis en place pour quatre ans, les Länder de l'Ouest conservant leur mode de péréquation, les autres bénéficiant des ressources du Fond de l'Unité Allemande.

Enfin, des subventions d'investissement sont accordées par le Bund et les Länder pour le financement de projets précis considérés comme prioritaires par ces derniers.

*

* *

Quels enseignements peut-on tirer de cette analyse comparée en ce qui concerne l'organisation territoriale française ?

S'il existe des différences d'approche décentralisatrice d'un pays à l'autre, elles se justifient par la forme institutionnelle de chaque Etat et par son histoire. On peut ainsi distinguer quatre catégories de pays :

1° - Les Etats unitaires, où les pouvoirs octroyés aux échelons locaux le sont par la loi et non par la Constitution (Danemark, Finlande, Grèce, Irlande, Luxembourg, Suède).

2° - Les Etats unitaires décentralisés, où les droits des collectivités locales sont en grande partie garantis par la Constitution (Pays-Bas, Royaume-Uni).

3° - Les Etats régionalisés, où la décentralisation va jusqu'à l'autonomie législative (Italie, Espagne).

4° - Les Etats fédéraux, où l'échelon intermédiaire a forme d'Etat et jouit de sa propre Constitution (Allemagne, Belgique, Autriche).

De ces comparaisons et de cette classification, il ressort que la France jouit d'un modèle de décentralisation tempérée. Son organisation territoriale ne s'éloigne de la moyenne que sur un point : le nombre de communes apparaît très élevé (36 750) mais cet inconvénient peut être pallié par les progrès de l'intercommunalité.

B. UNE NOUVELLE DONNE POUR L'ORGANISATION TERRITORIALE : LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'INTERCOMMUNALITÉ DE PROJET

Le renforcement de la coopération intercommunale constitue une préoccupation ancienne qui a néanmoins pris une nouvelle dimension avec la montée en puissance récente de l'intercommunalité de projet . Cette " nouvelle donne " aura nécessairement des conséquences sur l'organisation territoriale , sans que l'on puisse encore en évaluer précisément la portée.

1. Une préoccupation ancienne

a) Un remède à l'émiettement communal

Le développement des structures de coopération intercommunale s'est réalisé dans un contexte de très fort émiettement communal .

L'échec des tentatives de regroupement communal

L'histoire administrative, depuis 1789, a été marquée par différentes tentatives de regroupement communal.

Devant l'Assemblée Constituante , Thouret, Sièyès et Condorcet plaidèrent pour la création de quelque 6.500 grandes municipalités. Mirabeau défendit au contraire la transformation en communes des 44.000 paroisses de l'Ancien Régime. Il fut, en définitive décidé de créer une municipalité dans chaque ville ou paroisse, le nombre total étant cependant réduit de 44.000 à 38.000. Différents projets cherchèrent à remettre en cause cette organisation administrative. Il s'agissait de refondre les circonscriptions afin de réduire le nombre des communes.

La Constitution de l'an III (1795), pour sa part, distingua trois catégories de communes selon leur taille, et créa des municipalités de canton regroupant les communes de moins de 5.000 habitants. L'échec de cette tentative pesa fortement sur les nouveaux projets de regroupements élaborés au XIXème siècle. Il fallut attendre la Vème République pour que de nouvelles solutions globales soient recherchées.

Entre 1958 et 1970 , différents textes ont ainsi cherché à favoriser des regroupements avec des résultats très limités : 298 fusions intéressant 635 communes sur un total de 37.708 (en 1968) furent réalisées pendant cette période.

Une nouvelle impulsion au regroupement communal résulta de la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes.

Cependant, en dépit des incitations prévues par cette loi, le nombre des fusions entre 1972 et 1978 est resté limité à 897, intéressant 2.217 communes, alors que les plans départementaux, établis en application de la loi, concernaient 10.143 communes. Depuis 1978, certaines communes fusionnées ont, par ailleurs, choisi de faire le chemin inverse et de retrouver leur liberté.

b) Les principales étapes : une " stratification " des structures

L'échec des tentatives de regroupement communal a rendu d'autant plus nécessaire le développement des formules de coopération intercommunale. Avant l'adoption de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, le " paysage " de l'intercommunalité était néanmoins marqué par une " stratification " des structures.

Une " stratification " des structures de coopération intercommunale

La loi du 22 mars 1890 créa le syndicat de communes, établissement public qui permet d'adapter la gestion communale, soit aux nécessités techniques (électrification, adduction d'eau), soit à certaines activités qui, par leur nature, débordent les limites territoriales des communes (transport, urbanisme, assainissement).

Un décret du 20 mai 1955 institua les syndicats mixtes qui permettent aux communes et départements de s'associer entre eux, ainsi qu'avec des établissements publics locaux.

L'ordonnance du 5 janvier 1959 a autorisé la création de syndicats à vocation multiple (SIVOM). Comme leur nom l'indique, ces syndicats peuvent être chargés de plusieurs missions: adduction d'eau, lutte contre l'incendie, construction et gestion d'installations sportives, de locaux scolaires, de crèches, de maisons de retraite ou encore, transports de personnes.

La loi du 5 janvier 1988 a institué un " syndicalisme à la carte " en permettant à une commune de n'adhérer à un syndicat que pour une partie seulement des compétences exercées par celui-ci.

Dans le but de répondre au problème posé par les agglomérations, l'ordonnance du 5 janvier 1959 institua, pour sa part, les districts urbains. Cette formule, plus intégrée que les syndicats de communes, fut ensuite étendue aux zones rurales par la loi du 31 décembre 1970.

La loi du 31 décembre 1966 a créé la communauté urbaine, forme très intégrée de coopération destinée à répondre aux problèmes posés par les grandes agglomérations.

La loi du 31 décembre 1966 a créé d'office quatre communautés urbaines dans des grandes agglomérations (Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg). Huit autres agglomérations se sont dotées de cette structure de coopération (Cherbourg, le Creusot-Montceau-les-Mines, Dunkerque, Le Mans, Brest, le grand Nancy, Arras et Alençon).

Les syndicats d'agglomération nouvelle - qui ont résulté de la loi du 13 juillet 1983 -, ont été instaurés pour répondre aux besoins des villes nouvelles créées dans les années soixante-dix. Neuf villes nouvelles existent dont cinq en région parisienne.

En créant deux nouvelles structures -les communautés de communes et les communautés de villes-, la loi du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République, a entendu axer la coopération intercommunale sur le développement économique et l'aménagement de l'espace.

A la veille de la loi du 12 juillet 1999, la coopération intercommunale connaissait un dynamisme réel. En outre, l'intercommunalité à fiscalité propre avait connu un véritable essor.

Au 1er janvier 1999, on dénombrait 1 680 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, regroupant 19 065 communes, soit une population totale de 34,4 millions d'habitants, dont 12 communautés urbaines, 1 654 communautés de communes et districts et 9 syndicats d'agglomération nouvelle.

Cependant, la répartition sur le territoire des groupements à fiscalité propre était assez inégale. En outre, comme l'avait parfaitement mis en évidence le rapport établi par notre collègue Daniel Hoeffel, au nom du groupe de travail de votre commission des Lois sur la décentralisation, présidé par M. Jean-Paul Delevoye, 116( * ) la multiplication des structures s'est accompagnée d'une très grande complexité du régime juridique et financier , chaque catégorie étant dotée de règles spécifiques.

La coopération intercommunale -avec environ 18 000 structures pour 36 771 communes existantes- a donc largement reproduit le phénomène de dispersion auquel elle doit pourtant essayer de remédier.

En outre, les formules spécifiques à l'intercommunalité en milieu urbain n'ont pas connu le succès escompté (seulement cinq communautés de villes ont été créées : Aubagne, la Rochelle, Sicoval, Flers, Cambrai).

Sur le plan des compétences, les fonctions d'aménagement et de développement n'ont été que récemment mises au premier plan, notamment avec la création des communautés de communes.

Les incitations financières -notamment le bénéfice de la DGF dès la première année de fonctionnement du groupement- ont, en outre, suscité de très fortes tensions dans la répartition de la DGF.

La réforme opérée par la loi du 31 décembre 1993 a cherché à remédier à cette situation en favorisant une réelle intercommunalité de projet sur la base d'un coefficient d'intégration fiscale. Le poids du financement de l'intercommunalité continue néanmoins à peser fortement sur la DGF.

Sur le plan fiscal, l'unification des taux de taxe professionnelle doit permettre de réduire les concurrences entre communes pour attirer les entreprises.

Or le nombre d'établissements dotés de la taxe professionnelle unique restait encore faible avant l'entrée en vigueur de la loi de 12 juillet 1999 qui a entendu promouvoir la taxe professionnelle d'agglomération : au 1er janvier 1999, seulement 98 établissements publics de coopération intercommunale étaient soumis à ce régime fiscal sur 1680 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

c) Les lignes directrices d'une réforme de l'intercommunalité : le rôle actif du Sénat

Les lignes directrices d'une réforme du régime de la coopération intercommuanle avaient été clairement énoncées dans le rapport du groupe de travail sur la décentralisation, constitué au sein de votre commission des Lois.

Les conclusions du groupe de travail sur la décentralisation

Le groupe de travail sur la décentralisation de votre commission des Lois avait fait de la simplification de la coopération intercommunale une priorité en vue de l'adaptation des structures territoriales. Il avait ainsi retenu trois principes essentiels de nature à satisfaire cet objectif :

une réduction significative du nombre des catégories d'établissements publics de coopération intercommunale

Le groupe de travail avait recommandé la réduction du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale de même que la simplification du régime juridique de ces établissements publics à partir des deux logiques auxquelles répond la coopération intercommunale, à savoir une logique de gestion et une logique de projet. A cette fin, il avait jugé possible la fusion des districts et des communautés de communes . Compte tenu de l'échec des communautés de villes , le groupe de travail avait préconisé leur fusion avec les communautés de communes. Il avait, enfin, envisagé l'évolution des agglomérations nouvelles vers des formules de droit commun.

l'unification des règles applicables à partir d'un " tronc commun "

Le groupe de travail avait considéré que l'unification juridique pourrait être systématisée par la définition d'un corpus de règles qui formeraient le " tronc commun " du régime applicable à tous les établissements publics de coopération intercommunale. Ce tronc commun serait complété par des règles spécifiques à chaque catégorie et par différentes options que les élus pourraient, le cas échéant, utiliser.

Cette solution devait approfondir la démarche déjà engagée lors de l'élaboration du code général des collectivités territoriales . Le groupe de travail avait, en outre, entendu privilégier, dans le cadre de ce régime juridique unifié, l'idée d'une évolution progressive des compétences selon les besoins constatés par les élus eux-mêmes.

Une évolution du régime financier et fiscal qui favorise une véritable intercommunalité de projet en sanctionnant la coopération purement circonstancielle et qui réduise les concurrences abusives entre les communes en matière de taxe professionnelle.

Afin d'encourager une véritable intercommunalité de projet, le groupe de travail avait considéré que la mesure de l'intégration fiscale à travers le coefficient l'intégration fiscale devait aboutir à prendre en compte les seuls transferts effectifs de compétences entre les communes et leurs groupements.

Ecartant toute idée d'uniformisation des taux de la taxe professionnelle au niveau national, le groupe de travail avait, par ailleurs, souhaité le développement de la taxe professionnelle d'agglomération , outil essentiel pour assurer une solidarité locale et réduire les concurrences abusives entre les communes.

Les orientations retenues par le groupe de travail de la commission des Lois avaient en grande partie été reprises dans l e projet de loi relatif au développement de la coopération intercommunale déposé au Sénat le 22 avril 1997.

Le projet de loi relatif au développement
de la coopération intercommunale

Ce projet de loi qui a fait suite à des réflexions approfondies, menées notamment dans le cadre du " pré-rapport relatif à l'intercommunalité " établi par la Direction générale des collectivités locales, poursuivait trois objectifs principaux

La simplification du paysage institutionnel

Ce premier objectif se traduisait par la fusion au sein d'une même catégorie des districts, des communautés de communes et des communautés de villes. Une option fiscale au profit de la taxe professionnelle d'agglomération était ouverte à ces établissements publics. Des dispositions transitoires étaient prévues pour la création de cette catégorie unique.

La promotion de la taxe professionnelle d'agglomération

La taxe professionnelle unique faisait l'objet de mesures spécifiques, sans que l'adoption de ce régime fiscal soit systématisé. Ainsi, les communautés urbaines, créées après 1992, se voyaient reconnaître la faculté d'opter pour une taxe professionnelle

unique. La règle de lien entre les taux d'imposition était assouplie. Les groupements dotés d'une taxe professionnelle d'agglomération étaient autorisés à instituer une fiscalité additionnelle sur les impôts-ménages.

La correction des critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement

Cette correction était destinée à mieux apprécier l'intégration effective des groupements et à mieux répartir la dotation globale des groupements à taxe professionnelle unique en leur étendant le coefficient d'intégration fiscale.

2. Une relance récente : la loi du 12 juillet 1999

a) Les principaux objectifs

La loi du 12 juillet 1999, à laquelle le Sénat a apporté sa pleine contribution et dont le texte résulte des travaux de la commission mixte paritaire, réunie sous la présidence de M. Jacques Larché, a repris en bonne partie les conclusions de ces travaux antérieurs, notamment quant à l'objectif de simplification du régime juridique de la coopération intercommunale.

Une rationalisation des structures intercommunales

La loi du 12 juillet 1999 a cherché à rationaliser le " paysage " de la coopération intercommunale.

Au 1er janvier 2002, il n'existera plus que trois structures à fiscalité propre : les communautés urbaines, les communautés d'agglomération et les communautés de communes. La loi favorise, en outre, la transformation des syndicats d'agglomération nouvelle.

L'esprit de la réforme est donc d'aboutir à une meilleure spécialisation des structures. La communauté urbaine constitue la forme la plus intégrée destinée aux grandes agglomérations. La communauté d'agglomération doit s'adresser davantage aux communes de taille moyenne. La communauté de communes, dont la création n'est subordonnée à aucun seuil démographique, a vocation à concerner le milieu rural.

A côté de ces structures à fiscalité propre, les syndicats de communes (à vocation unique ou multiple) et les syndicats mixtes doivent continuer à prendre en charge une intercommunalité de services.

L'harmonisation des règles de fonctionnement

Conformément aux suggestions qui avaient été retenues par le groupe de travail de votre commission des Lois sur la décentralisation, la loi définit un " tronc commun " de règles applicables à l'ensemble des catégories d'établissements publics de coopération intercommunale ( chapitre V du titre 1er ).

On notera, parmi ces règles communes, le rôle reconnu au représentant de l'Etat tant pour prendre l'initiative que pour apprécier l'opportunité de créer une structure intercommunale ( article 35 ). Conformément aux travaux du Sénat, le pouvoir d'initiative du représentant de l'Etat a néanmoins été subordonné à l'avis préalable de la commission départementale de la coopération intercommunale. Cet avis est réputé négatif s'il n'est pas rendu dans un délai de deux mois.

Par ailleurs, les conditions de désignation des délégués intercommunaux sont désormais plus rigoureuses, seule la désignation de délégués choisis parmi les conseillers municipaux étant autorisée, une dérogation étant admise pour les syndicats de communes ( article 36 ). Cependant, l'idée de faire désigner les délégués intercommunaux au suffrage universel direct n'a pas été retenue par la législateur.

La promotion de l'intercommunalité en milieu urbain

Afin de répondre aux besoins du milieu urbain, la loi du 12 juillet 1999 crée une nouvelle catégorie, la communauté d'agglomération , destinée aux ensembles d'au moins 50 000 habitants organisés autour d'une commune centre de 15 000 habitants ou d'une commune chef lieu de département.

La communauté d'agglomération est dotée de compétences obligatoires considérées comme stratégiques pour le développement urbain (développement économique, aménagement de l'espace) et la cohésion urbaine (équilibre social de l'habitat, politique de la ville). Elle exerce des compétences étendues en matière d'urbanisme (création et réalisation de zones d'aménagement concerté lorsque celles-ci sont d'intérêt communautaire).

Elle doit en outre opter pour des compétences qui concernent la mise en place de réseaux techniques (voirie, assainissement et eau), les équipements (culturels et sportifs), les services urbains (ordures ménagères) et l'environnement. Elle est obligatoirement soumise au régime fiscal de la taxe professionnelle unique . Elle bénéficie d'un forte incitation financière puisque lui est attribuée, pendant cinq ans et dès la première année de création, une dotation par habitant au titre de la dotation globale de fonctionnement d'un montant de 250 francs en moyenne.

Afin de mieux hiérarchiser les différentes formules de coopération, la loi prévoit de relever le seuil démographique pour la création des communautés urbaines qui est désormais fixé à 5600 000 habitants (contre 20.000 habitants auparavant).

Les communautés urbaines existantes -au nombre de douze dont quatre créées d'office par la loi du 31 décembre 1996- sont maintenues dans le cadre juridique en vigueur, la possibilité leur étant néanmoins ouverte de passer dans le nouveau régime prévu par la loi.

La loi du 12 juillet 1999 a prévu que les nouvelles communautés urbaines devront exercer l'ensemble des compétences obligatoires et optionnelles des communautés d'agglomération.

Les communautés urbaines qui se créeront ou qui seront issues de la transformation d'un établissement public de coopération intercommunale préexistant à compter de la date de publication de la loi (le 13 juillet 1999) seront obligatoirement soumises au régime fiscal de la taxe professionnelle unique.

Celles qui ont été constituées avant cette date bénéficieront d'un délai allongé, comme l'avait souhaité le Sénat, jusqu'au 1 er janvier 2002, pour opter pour la taxe professionnelle unique à la majorité simple de leurs membres.

Cependant, la perception de la taxe professionnelle unique n'interdira pas aux communautés urbaines de percevoir un complément de ressources sous la forme d'une fiscalité additionnelle.

Un aménagement du régime des communautés de communes

Etendant aux communautés de communes la règle qu'elle applique, par ailleurs, aux communautés d'agglomération et aux communautés urbaines, la loi précise qu'elles devront désormais être d' " un seul tenant et sans enclave ".

Les communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique doivent désormais obligatoirement prendre en charge l'aménagement, la gestion et l'entretien des zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire d'intérêt communautaire.

Sous certaines conditions, les communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique, peuvent bénéficier d'une dotation globale de fonctionnement majorée (175 francs par habitant).

Les conditions requises pour le versement d'une DGF
majorée à une communauté de communes

Outre l'obligation d'avoir opté pour la taxe professionnelle unique , les conditions portent à la fois sur les seuils de population et sur les compétences exercées.

Ne peuvent bénéficier de cette DGF majorée que les seules communautés de communes dont la population est supérieure à 3.500 habitants.

En outre, lorsque la population de la communauté de communes est supérieure à 50.000 habitants, elle ne doit pas inclure de communes centre de plus de 15.000 habitants. Sur la proposition du Sénat, la loi vise également la commune chef-lieu de département.

Outre ces critères de population, les communautés de communes concernées, doivent exercer au moins quatre des cinq groupes de compétences traduisant un fort niveau d'ntégration.

Un premier groupe concerne le développement économique avec l'aménagement, l'entretien et la gestion de zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale ou touristique qui sont d'intérêt communautaire ainsi que des actions de dévelopement économique.

Dans un deuxième groupe relatif à l'aménagement de l'espace communautaire, figurent l'élaboration de schémas directeur et de secteur, l'aménagement rural et les zones d'aménagement concerté d'intérêt communautaire.

Un troisième groupe de compétences porte sur la création ou l'aménagement et l'entretien de la voirie d'intérêt communautaire.

Un quatrième groupe concerne le logement social d'intérêt communautaire et l'action, par des opération d'intérêt communautaire, en faveur du logement des personnes défavorisées. A la demande du Sénat, ce groupe de compétences a été substitué à l'eau et l'assainissement.

Enfin, un cinquième et dernier groupe de compétences est relatif à l'élimination et à la valorisation des déchets ménagers .

L'éligibilité à la DGF majorée est constatée par arrêté préfectoral à la date à laquelle la communauté de communes remplir l'ensemble des conditions énoncées ci-dessus.

Un arrêté préfectoral devrait établir, avant le 31 décembre de l'année de publication de la loi, la liste des communautés de communes existantes qui remplissaient d'ores et déjà ces conditions.

Les nouvelles communautés de communes auront le choix entre deux régimes fiscaux : la fiscalité additionnelle avec ou sans taxe professionnelle de zone (le recours à cette dernière formule étant néanmoins soumis à une condition de seuil de population calquée sur celle applicable aux communautés d'agglomération) ; la taxe professionnelle unique .

Les communautés de communes soumises au régime de la taxe professionnelle unique pourront opter pour une fiscalité mixte et percevoir, en conséquence, le produit d'une fiscalité additionnelle à la fiscalité sur les ménages.

b) Un premier bilan encourageant

Le premier bilan de mise en oeuvre de la loi du 12 juillet 1999 est encourageant.

Au 31 décembre 1999, 51 communautés d'agglomération ont été constituées. Elles regroupent plus de 6 millions d'habitants et 763 communes.

Sept grandes métropoles régionales ont constitué des communautés d'agglomération avec d'autres communes (Amiens, Chalons-en-Champagne, Clermont-Ferrand, Dijon, Poitiers, Rennes, Rouen). Vingt et un chefs lieux de département ont effectué la même démarche (Agen, Angoulême, Aurillac, Belfort, Chambéry, Chartres, Châteauroux, Evreux, La Rochelle, Le Puy, Périgueux, Rodez, Saint-Brieuc, Grenoble, Montauban, Niort, Pau, Quimper, Tarbes, Tours et Troyes).

Sept communautés d'agglomération sont des créations ex nihilo . Elles rassemblent 829 921 habitants qui n'étaient pas regroupés dans des structures à fiscalité propre. Les autres communautés d'agglomération résultent de la transformation d'établissements publics de coopération intercommunale préexistants : 25 sont issues d'un district, 15 d'une communauté de communes, 4 d'une communauté de villes.

L'analyse des compétences transférées aux communautés d'agglomération met en évidence qu'outre les compétences qui leur sont confiées à titre obligatoire, elles exercent également des compétences significatives dans la gestion de services, notamment dans le domaine de l'environnement et des déchets ménagers.

Compétences optionnelles des communautés d'agglomération

Compétence transférée

Nombre de communautés d'agglomération exerçant cette compétence à titre optionnel

Voirie

39

Eau

16

Assainissement

35

Environnement et ordures ménagères

44

Equipements culturels et sportifs

40

On dénombre par ailleurs 130 communautés de communes à taxe professionnelle unique réunissant les conditions pour bénéficier d'une DGF bonifiée. Deux communautés urbaines (Arras et Dunkerque) ont opté pour la taxe professionnelle unique.

Au total, l'intercommunalité à fiscalité propre a sensiblement progressé d'une année sur l'autre comme en témoignent les tableaux ci-dessous.

Les groupements à fiscalité propre au 1 er janvier 1999

 

Communautés urbaines

syndicats d'agglomération nouvelle

districts, communautés de villes et communautés de communes

avec TPU sans TPU

Total

population
(en millions
d'habitants)

4,5

0,7

3,4

24,4

33,137

nombre de groupements

12

9

98

1 562

1 681

nombre de communes

309

51

980

17 787

19 127

taille moyenne des groupements
(en milliers d'habitants)

379,1

80,7

34,6

15,7

19,7

Source : Direction générale des collectivités locales.

Les groupements à fiscalité propre au 1 er janvier 2000

 

communautés d'agglomération

communautés urbaines

syndicats d'agglomération nouvelle

districts, communautés de villes et communautés de communes

avec TPU sans TPU

Total

population
(en millions d'habitants)

6,1

4,6

0,7

5,2

20,3

37

nombre de groupements

51

12

9

236

1 541

1 849

nombre de communes

763

309

51

2 363

17 870

21 356

taille moyenne des communes (en milliers d'habitants)

119,3

385,9

79,4

22,1

13,2

20

Source : Direction générale des collectivités locales.

Le rôle croisant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre s'est traduit dans leurs budgets qui s'élevaient à quelque 55 milliards de francs en 1997.

Ce réel développement de l'intercommunalité de projet peut être un facteur important d'évolution de l'organisation territoriale. D'une part, la question du mode de désignation des délégués intercommunaux déjà soulevée lors des travaux préparatoires de la loi du 12 juillet 1999, ne manquera pas d'être de nouveau posée dans les prochaines années, au fur et à mesure que le poids des structures intercommunales dans le paysage local s'accroîtra.

D'autre part, se posera la question de leurs relations avec les communes et avec les collectivités départementales et régionales, le renforcement de l'intercommunalité devant être un facteur de plus grande efficacité de l'action publique.

Il s'agira donc d'avoir une vision claire des missions confiées aux différents niveaux d'administration locale, afin que l'intercommunalité soit un facteur de clarification et non pas source d'une nouvelle complexité dans notre organisation territoriale.

C. DES FACTEURS DE COMPLEXITE POUR L'ORGANISATION TERRITORIALE

Plusieurs facteurs de complexité pour l'organisation territoriale méritent d'être relevés. Ils tiennent aux ambiguïtés de la politique des pays, à la prolifération des " zonages " et aux mécanismes complexes des interventions communautaires.

1. Les ambiguïtés de la politique des pays

a) La loi d'orientation du 4 février 1995 : le pays espace de projet

La reconnaissance des pays dans la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire avait été fondée sur cinq principes directeurs qui, conformément au souhait du Sénat, privilégiaient la souplesse et faisaient du pays un périmètre pertinent pour la mise en oeuvre de projets de développement sans qu'il puisse s'agir de créer un nouvel échelon d'administration locale.

Reconnu comme outil essentiel de la politique d'aménagement et de développement du territoire, le pays devait , selon l'article 23 de la loi, exprimer la communauté d'intérêts économiques et sociaux et, le cas échéant, les solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural.

Le pays était fondé sur la libre adhésion des collectivités locales désireuses de travailler ensemble autour d'objectifs partagés et de définir, en concertation avec les autres acteurs concernés, un projet commun de développement. Reposant sur la volonté locale, la création du pays était simplement constatée par la commission départementale de la coopération intercommunale , l'autorité administrative se bornant à publier la liste et le périmètre des pays.

Ces derniers devaient exprimer une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale fondée sur une réalité spatiale . Ils ne devaient donc en aucun cas constituer une nouvelle structure ajoutant à la complexité de l'organisation territoriale.

Le législateur de 1995, soucieux d'affirmer pleinement la libre initiative locale, avait écarté du dispositif toute formule contraignante de coopération intercommunale dans le cadre du pays.

L'élaboration d'un projet de développement devait se fonder sur un diagnostic du territoire concerné permettant de concevoir des objectifs de développement et des actions inscrites dans la durée. Il devait permettre aux collectivités territoriales, en concertation avec les acteurs socioprofessionnels, d'agir autrement que dans les cadres traditionnels à partir d'un projet global qui transcende les logiques sectorielles, fédère des financements multiples et mobilise les différents acteurs pour sa mise en oeuvre.

Mais tel que conçu par le législateur de 1995, le pays n'avait pas la personnalité juridique. Il constituait un espace pertinent pour concevoir un projet global, lequel devait ensuite être porté par les collectivités parties prenantes au projet.

Lancée sur ces bases en 1995, l'opération de préfiguration a mis en évidence l'intérêt et la richesse du partenariat, expressément prévu par la loi du 4 février 1995, qui a permis de mobiliser au mieux les compétences au service de projets communs de développement.

Les élus locaux ont joué un rôle prépondérant dans l'initiative des projets. Les départements et les régions - déjà très engagés dans des politiques de développement local avant même l'émergence des pays - ont pu jouer un rôle d'impulsion appréciable. La participation active des acteurs socio-économiques doit également être relevée.

Au total, conçu de manière souple et en fonction des réalités locales, le pays devait permettre de fédérer des objectifs et de démultiplier des financements. Quelque 200 pays seraient en cours d'organisation sur le territoire national.

b) La loi du 25 juin 1999 : une procédure plus complexe

Il est malheureusement à craindre que les modifications introduites par la loi du 25 juin 1999, contre l'avis du Sénat, ne conduisent à une formalisation excessive de nature à mettre en cause la souplesse voulue à l'origine par le législateur et de conférer aux pays une position ambiguë dans l'organisation territoriale.

C'est ainsi que les pays doivent désormais faire l'objet d'une reconnaissance administrative. Un périmètre d'étude doit être arrêté par le préfet après avis conforme de la conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire et après avis simple de la commission départementale de la coopération intercommunale et des préfets de départements et de régions. Un périmètre définitif est ensuite établi après l'adoption de la charte du pays.

Le pays est obligatoirement doté d'un conseil de développement composé des représentants des milieux socio-professionnels et associatifs.

Par ailleurs, pour conclure un contrat particulier au contrat de plan, les pays devront se constituer en groupement d'intérêt public de développement local , sauf s'ils sont déjà organisés en établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre intégrant l'ensemble des communes inscrites dans le périmètre.

Le défaut de publication du décret d'application, plus d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, semble malheureusement confirmer que ces modifications risquent d'être source d'une plus grande complexité.

2. La prolifération des " zonages "

a) Le zonage : un outil complexe mais pourtant utile

Une indéniable source de complexité de l'action publique

De longue date, la mise en oeuvre des politiques publiques s'est appuyée, dans notre pays, sur la délimitation d'espaces géographiques particuliers -ou " zones "-, en fonction de critères propres à chacun des objectifs poursuivis.

Le territoire français a ainsi été successivement découpé en de multiples zonages qui ont, bien entendu, des incidences et des significations diverses, mais qui contribuent, globalement, à complexifier l'action publique , en aboutissant à un " brouillage " des interventions en matière d'aménagement du territoire. Le groupe de travail de la Commission des lois sur la décentralisation 117( * ) relevait déjà cette complexité, qui intervient, en outre, dans un contexte d'obsolescence du régime juridique des interventions économiques des collectivités locales, préjudiciable à l'efficacité de l'action publique en matière de développement économique.

Partant de ce constat, et estimant qu'" à partir de ces différents zonages, se sont progressivement accumulés des mécanismes et des procédures dont la cohérence échappe de plus en plus aussi bien aux élus locaux qu'aux entreprises " 118( * ) , le Premier ministre a chargé M. Jean Auroux, en avril 1998, de la rédaction d'un rapport 119( * ) établissant le bilan de ces zonages et proposant une réforme d'ensemble tendant à leur harmonisation et à leur simplification.

Ce rapport officiel dresse un constat sévère de la complexité du découpage en zones du territoire français : " Le découpage de notre territoire est devenu si extraordinairement complexe qu'il échappe désormais à la connaissance, voire à la compréhension du citoyen " moyen " qui ne se reconnaît plus dans les institutions qu'il finance et qui devraient être à son service. (...) Les élus, les décideurs et plus généralement les acteurs économiques ont le sentiment fondé de trouver dans le découpage évoqué ci-dessus plus d'entraves et d'obstacles que d'encouragements et de facilités pour entreprendre et créer des emplois. (...) Il n'est pas normal en effet que l'on compte de 40 à 60 découpages administratifs divers dans chacune de nos régions : il y a là un gisement manifeste d'économies, de cohérence et de modernisation de l'Etat, attendues par la population dans sa vie quotidienne. "

Le rapport dresse un inventaire " à la Prévert ", reproduit à la page suivante, des zonages existants, qui montre le foisonnement des différents découpages territoriaux :

La longueur de cette liste est, à elle seule, particulièrement éloquente , même si, comme le reconnaît l'auteur du rapport lui-même, il n'est pas forcément significatif de mettre sur le même plan districts scolaires, cantons ou zones d'intervention des fonds structurels communautaires.

En outre, pour la mise en oeuvre de certaines politiques -on pense notamment à l'aménagement du territoire- la légitimité d'un zonage territorial reste incontestable.

Un outil pourtant parfois utile dans son principe


La définition des zonages a reposé sur des logiques diverses, à l'intérêt inégal , dont on peut dresser la typologie suivante 120( * ) , en fonction des objectifs poursuivis :

- les zonages " institutionnels " :

Sont classés dans cette catégorie des découpages territoriaux aux incidences bien distinctes puisqu'y figure l'organisation territoriale de notre pays, fixée par la Constitution et par la loi (collectivités territoriales et leurs structures de coopération), qui fonde notre organisation politique et dont la légitimité est sans commune mesure avec celle d'autres zonages ou découpages divers de l'action administrative (zonages sociaux ou éducatifs, par exemple) à la légitimité faible et à l'intérêt réduit. Le rapport Auroux considère d'ailleurs que ce dernier type de zonage est " particulièrement proliférant ", chaque administration, voire chaque service, développant sa propre cartographie d'intervention.

- les zonages " prescriptifs " :

Certains zonages résultent d'une réglementation tendant à organiser ou protéger l'espace : ainsi en est-il des zonages urbanistiques (schémas directeurs, plan d'occupation des sols...) ou environnementaux, qui tendent à se multiplier (ZNIEFF 121( * ) , ZICO 122( * ) , zones de la loi " Montagne " ou de la loi " Littoral ", sans parler des quelque 1.000 sites envisagés pour constituer des zones spéciales de conservation des espèces ou des habitats, en vertu de la directive européenne du 21 mai 1992 -dite directive " Natura 2000 "-).

NOMBRE ET TYPES DE ZONAGES ADMINISTRATIFS DANS LA RÉGION
RHÔNE-ALPES EN 1998

NOMBRE

ZONAGES

DATE DE CRÉATION

12

Chambres de commerce et d'industrie

1702

292

Trésoreries

1804

12

Caisses d'allocations familiales

1918

62

Régions agricoles

1946

172

Unités urbaines

1952

147

Groupements de communes à fiscalité propre

1959

24

Centres des impôts fonciers

1960

87

Centres des impôts

1960

22

Périmètres de transports urbains

1960

2

Académies et 46 contrats scolaires

1965

5

Parcs naturels régionaux

1967

2

Parcs naturels nationaux

1967

37

Réserves naturelles

1967

58

Agences locales pour l'emploi

1970

544

Codes postaux

1972

18

Schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme

1973

4

Zones défavorisées de montagne

1975

11

Secteurs sanitaires

1977

76

Bassins d'emplois

1979

40

Bassins d'habitat régionaux

1980

20

PAIO 123( * ) et 35 missions locales

1982

3

Zones d'aménagement du territoire

1982

1931

Zones naturelles d'intérêt écologique,

faunistique et floristique

1982

27

Zones d'emplois

1983

30

Bassins de formation

1984

1

Périmètre à neige

1985

3

Zones Objectifs 2

1989

1

Zone objectif 5b

1989

34

Zones d'emploi formation

1989

57

Commissions locales d'insertion

1989

42

Zones touristiques

1990

207

Bassins de vie

1992

49

Contrats globaux de développement

1993

2

Territoires ruraux de développement prioritaire

1994

4

Zones à risques naturels majeurs

1995

40

Aires urbaines

1996

Source : Rapport Auroux précité .

- les zonages " de projet " :

Le rapport Auroux classe, notamment, les pays et les parcs naturels régionaux dans la catégorie des zonages fondés sur la mise en oeuvre d'un projet commun à plusieurs acteurs locaux, qui se rassemblent pour une action déterminée, en dehors de toute délimitation en fonction de critères préétablis. On pourrait également classer dans cette catégorie les " projets d'agglomérations " définis par l'article 26 de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

- les zonages " d'intervention économique " :

Ces zonages sont des périmètres d'intervention de certaines politiques publiques, définis en fonction de critères statistiques et servant de champ d'application à des mesures particulières telles que l'octroi de subventions, d'allégements d'impôts et ou de charges sociales, en fonction de critères d'éligibilité déterminés.

Ces zonages d'intervention économiques sont le fondement, au niveau national, de la politique d'aménagement du territoire et, au niveau communautaire, de la politique structurelle européenne , destinée à promouvoir la cohésion territoriale de l'Union européenne (les " fonds structurels ", qui représentent plus du tiers du budget de la communauté, soit le deuxième poste de dépense après la politique agricole commune.).

La logique qui sous-tend ces zonages est celle de la discrimination positive qui vise à donner plus à ceux qui ont moins, de façon à leur permettre de rattraper leur retard de développement économique. Cette discrimination constitue une exception au principe d'égalité, reconnue tant par le Conseil Constitutionnel que par le Conseil d'Etat. Elle repose en effet sur une logique de correction, au nom de l'intérêt général, d'inégalités de fait . C'est dans le même esprit que le droit européen autorise les aides publiques à certains territoires fragiles, (dites aides d'Etat à finalité régionale), bien que les aides publiques soient dans leur principe contraires au principe de libre concurrence posé par le traité instituant la Communauté européenne, dans la mesure où le marché intérieur n'est pas suffisamment homogène et où le retard de développement constitue, en lui-même, un facteur de distorsion de la concurrence, auquel il importe de remédier.

En dépit de leurs imperfections, voire de leurs effets pervers (effet de " bord " aux confins des zones éligibles, complexité, superposition, stigmatisation des territoires concernés...), les principes qui fondent les zonages d'intervention économique ne sont remis en cause ni au niveau national , comme l'a montré la récente discussion de la loi précitée d'aménagement du territoire, qui a maintenu et complété les zonages 124( * ) français définis par l'article 42 de la loi d'aménagement du territoire du 4 février 1995 ; ni au niveau européen , ces derniers faisant l'objet de la négociation actuelle sur les fonds structurels (et notamment la carte des sites français éligibles à l'objectif 2) et de celle sur les aides d'Etat à finalité régionale (carte de la prime à l'aménagement du territoire).

Ils répondent en effet à un impératif d'efficacité de la politique d'aménagement du territoire, qui nécessite des périmètres d'intervention ciblés, concentrés et limités dans leur durée.

Si la prolifération des zonages d'intervention est -c'est certain- préjudiciable à la clarté de l'action publique, c'est donc plus dans leurs modalités actuelles que dans leur principe qu'ils semble devoir être remis en cause.
Il paraît en effet difficile de penser une politique d'aménagement du territoire qui ne s'appuierait pas sur une discrimination territoriale.

Pour autant, il serait illusoire de penser pouvoir faire l'économie d'une réflexion sur l'harmonisation et la simplification des zonages d'intervention.

b) Une simplification toujours attendue

La réforme des zonages communautaires : restriction ou simplification ?

Tant dans la perspective du nouvel élargissement de l'Union européenne que face à la nécessité d'établir la programmation financière des actions communautaires sur la période 2000-2006, la politique agricole commune et la politique structurelle européenne ont été réformées, à compter du 1 er janvier 2000, au terme d'un processus ouvert en juillet 1997 par la communication " Agenda 2000 " de la Commission, et abouti au sommet de Berlin en mars 1999.

Compte tenu de leur importance pour l'Union et pour la France, ces deux réformes ont, d'ailleurs, fait l'objet d'analyses approfondies de la part de votre Haute assemblée 125( * ) .

A cette occasion, les zonages communautaires des fonds structurels ont été révisés . Mais il semble que le souci de maîtrise budgétaire de l'enveloppe de ces fonds ait été un motif de réforme au moins aussi puissant que le souci de simplification -ou plutôt de concentration- des zonages.

- La réforme du zonage de la PAT

A partir du 1 er janvier 2000, parallèlement à l'instauration d'une nouvelle génération de fonds structurels, la Commission européenne a imposé dans toute l'Europe une révision de la carte des " aides à finalité régionale ", qui permet, en France, à l'Etat d'attribuer, dans les zones éligibles, la prime à l'aménagement du territoire (PAT), mais aussi aux collectivités locales, d'accorder, si elles le souhaitent, des exonérations de taxe professionnelle pendant cinq ans, des aides à l'immobilier d'entreprise et des taux majorés d'aide à l'investissement pour les petites et moyennes entreprises.

Afin d'harmoniser les zonages des aides à finalité régionale au niveau européen, la Commission européenne a fixé un certain nombre de règles communes à respecter pour l'élaboration de la nouvelle carte , négociée entre les Etats-membres et la Commission (Direction générale de la concurrence).

Tout d'abord, la proportion de la population couverte, qui était de 39,9 %, soit 23,1 millions d'habitants, passerait à 34 %, soit 20,2 millions d'habitants. Cette diminution de 12 % s'accompagne d'une clause tendant à éviter la discontinuité du zonage : toutes les zones isolées de moins de 100.000 habitants seront comptabilisées pour 100.000 habitants. La Commission européenne impose, en outre, que toutes les zones retenues dans la carte le soient sur la base de critères quantitatifs justifiables. Pour cela, au maximum cinq critères statistiques doivent être utilisés, à l'exclusion de tout critère qualitatif.

Pour élaborer sa proposition 126( * ) de zonage, le Gouvernement français s'est appuyé sur les critères suivants :

- parmi les zones d'emplois dont la richesse est inférieure à la moyenne 127( * ) , ont été retenues celles qui ont un taux de chômage supérieur à la moyenne (11,3 % en 1998) ou qui connaissent une décroissance de leur population (diminution de plus de 1,2 % entre 1990 et 1995). 143 zones d'emploi correspondant à 15,3 millions d'habitants ont ainsi été sélectionnés ;

- à ces zones ont été ajoutés des sites en restructuration économique : zones où de fortes suppressions d'emplois ont été décidées depuis 1996 et où l'importance de certains secteurs industriels sensibles, comme la construction automobile, les chantiers navals, le textile, les industries de défense, est particulièrement marquée. Ces sites ont été sélectionnés lorsqu'ils présentent un taux de chômage de plus de 10 %. 19 zones, comptant 3,7 millions d'habitants, ont ainsi été ajoutées ;

- pour " utiliser " la marge de manoeuvre restante, par rapport au quota de population éligible fixé par Bruxelles, le Gouvernement a retenu 2 critères complémentaires conduisant à intégrer les zones perdant leur éligibilité à l'objectif 1 des fonds structurels (Corse et Hainaut, ainsi que des sites à taux de chômage particulièrement élevé (13,9 %) et concernés par des fermetures dans le secteur des mines et de l'énergie .

Il n'est pas évident que le nouveau zonage retenu permettra une réelle clarification de l'action publique, même si les objectifs poursuivis par la réforme engagée par la Commission étaient de définir plus objectivement les secteurs concernés et de renforcer la concentration géographique et donc la " lisibilité " de la carte des aides. La perte d'éligibilité pourrait, en revanche, s'avérer être un handicap pour certains territoires fragiles . Dans cette perspective, et au-delà du seul zonage, c'est une réforme d'ensemble de la PAT, tendant à la rendre plus accessible aux territoires fragiles (et aux petits projets) que votre Haute Assemblée réclame, votre Commission des Affaires économiques jugeant de longue date 128( * ) les seuils d'éligibilité à cette prime trop élevés.

- La réforme de la carte des zones éligibles aux fonds structurels

Si l'objectif 3 de la politique structurelle européenne relatif au " développement des ressources humaines " a vocation à concerner l'ensemble du territoire de l'Union européenne, les deux autres s'adressent au contraire à certaines zones prioritaires qui doivent, afin de pouvoir prétendre à un financement communautaire de leurs projets de développement, avoir été préalablement sélectionnées. Tel est le cas de l'objectif 1 des fonds structurels européens (" régions en retard de développement ", qui ne concerne plus, en France, pour la période 2000-2006, que les départements d'outre-mer) et de l'objectif 2 (" régions en reconversion économique et sociale ") pour lequel une nouvelle carte des zones éligibles vient d'être établie, pour la période 2000-2006 129( * ) , conformément au nouveau règlement européen relatif à la politique structurelle communautaire 130( * ) .

Cette réforme a conduit à une réduction de la proportion de la population concernée : la population éligible à l'objectif 2 au niveau communautaire ne doit pas dépasser 18 % du total européen, et la population française éligible est fixée à 18.568.000 habitants, ce qui représente, certes, une proportion (33 %) supérieure à la moyenne communautaire, mais également une diminution d'un quart par rapport à la précédente période de programmation 131( * ) .

La France bénéficiera, au titre de l'objectif 2, de plus de 36 milliards de francs de financements européens entre 2000 et 2006 . Le règlement communautaire a fixé les conditions que doit remplir la carte française des zones éligibles et des circulaires ministérielles 132( * ) ont précisé ces critères, qu'il serait fastidieux de développer ici trop longuement.

Notons toutefois que 50 % de la population doit être située dans des départements considérés comme " admissibles " au regard de critères identifiant une fragilité industrielle ou rurale par rapport à des moyennes communautaires définies par la Commission : les départements à caractère industriel doivent, à la fois, avoir connu entre 1995 et 1997 un taux de chômage supérieur à 10,7 %, un taux d'emploi industriel au moins égal à la moyenne de l'Union pendant un an au moins depuis 1985 et un déclin de cet emploi depuis l'année retenue.

De leur côté, les départements de type rural doivent réunir au moins deux conditions sur les quatre suivantes : avoir eu, en 1996, une densité de population inférieure à 100 habitants au kilomètre carré ; avoir eu un emploi agricole au moins égal au double de la moyenne de l'Union pendant un an depuis 1985 ; avoir connu un déclin démographique entre 1985 et 1996 ; avoir subi un taux de chômage supérieur à 10,7 % entre 1995 et 1997.

A l'intérieur ou en dehors des départements théoriquement admissibles (pour 50 % au plus de la population nationale éligible dans ce dernier cas), peuvent être proposées des zones urbaines en difficulté répondant à au moins un des cinq critères suivants : un taux de chômage de longue durée supérieur à 5,2 % ; un niveau élevé de pauvreté ; une situation environnementale dégradée ; un taux de criminalité élevé ; un faible niveau d'éducation. Ces critères peuvent être appliqués à l'échelle d'un quartier.

Au rang des autres zones pouvant être proposées, figurent les zones contiguës à un département éligible si elles réunissent elles-mêmes les conditions d'éligibilité similaires à celles de la zone de " rattachement ". Les zones confrontées ou menacées par un niveau élevé de chômage résultant d'une restructuration en cours ou prévue d'une ou plusieurs activités déterminantes dans les secteurs agricoles, industriels ou les services font également partie des territoires potentiellement éligibles.

La proposition de zonage française, élaborée après une large consultation nationale et locale, a été formellement approuvée par la Commission en février 2000.

Là encore, malgré la diminution de 7 à 3 du nombre d'objectifs de la politique structurelle, et donc du nombre de zonages attachés à ces objectifs , la réforme de cette cartographie européenne ne constitue qu'un progrès relatif en matière de lisibilité de l'action publique.

Vers une refonte des zonages nationaux ?

Malgré des critiques parfois vives -et, dans certains cas, injustement sélectives, concernant notamment les zones franches urbaines 133( * ) - et les nombreuses propositions formulées par le rapport précité de M. Jean Auroux, comme cela vient d'être dit, la récente discussion de la loi 134( * ) d'aménagement du territoire n'a pas remis en cause, au moins dans leur existence législative, les zonages établis successivement par la loi d'orientation d'aménagement du territoire précitée du 4 février 1995 et par le pacte de relance pour la ville de 1996 135( * ) .

Entre refus idéologique et pragmatisme, le Gouvernement semble balancer. Il affirme d'un côté sa volonté de réformer ces zonages, mais s'empresse de ne pas le faire. La réforme des cartes d'éligibilité européennes a, un temps, servi à justifier sa position ambivalente. Mais sa contradiction de fond apparaît toutefois de façon patente en certaines circonstances.

Ainsi, lors de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le Gouvernement s'était-il opposé à l'adoption d'un amendement de la commission spéciale du Sénat prorogeant jusqu'en 2006 certaines exonérations fiscales et sociales pour les entreprises créées dans les zones de revitalisation rurales, jugeant nécessaire un préalable " bilan de l'application du dispositif de chaque type de zone, pour réfléchir aux aménagements nécessaires, plutôt que de proroger dans la précipitation un dispositif qui doit être repensé dans sa globalité " 136( * )

Le Gouvernement proposait pourtant, quelques mois plus tard, sans que le préalable " bilan d'ensemble ", -s'il existe !- n'ait été porté à la connaissance du Parlement, dans le projet de loi de finances, de proroger ces mêmes exonérations -jusqu'en 2004 toutefois-. Ce ralliement -ou revirement ?- aussi tardif qu'implicite, ne peut que recueillir l'assentiment de votre mission d'information.

Sur proposition du Gouvernement, le législateur a même créé, dans la loi du 25 juin 1999, une nouvelle catégorie de zones, les " régions ultrapériphériques françaises ".

Reste donc inscrite dans la loi l'existence des zones d'aménagement du territoire, des zones de revitalisation rurale, des territoires ruraux de développement prioritaire, des zones urbaines sensibles, des zones de redynamisation urbaine, des zones franches urbaines et des régions ultrapériphériques françaises.

Mais, au-delà de l'existence même des zonages, c'est surtout la complexité des procédures qui leur sont liées qui contribuent à la lourdeur de l'action publique. Cette critique est traditionnellement formulée, en particulier, à l'encontre de la politique structurelle européenne.

3. Les mécanismes complexes des interventions communautaires

a) Un poids significatif dans la vie locale

L'apport financier de l'Europe à la politique française d'aménagement du territoire est très important. Ainsi, d'après le fascicule budgétaire récapitulatif (le " jaune ") sur l'aménagement du territoire, si les crédits du ministère en charge de cette action s'élèveront, en 2000, à 1,9 milliard de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement 137( * ) , cette somme est sept fois inférieure à celle (13,8 milliards de francs) que l'Union européenne allouera la même année à notre pays au titre de la politique structurelle (objectifs 1, 2 et 3 : 12,4 milliards de francs ; soutien transitoire des zones sortant de l'éligibilité : 1,2 milliard de francs ; instrument financier pour la pêche : 0,2 milliard de francs).

L'Europe est donc devenue un acteur d'aménagement du territoire plus important que le ministère français en charge de cette politique, ce qui revient à dire que l'Etat a laissé à l'Union européenne le soin d'assurer financièrement sa mission de cohésion territoriale.

Il est d'ailleurs couramment estimé que les fonds européens financent environ un tiers des contrats de plan Etat-régions , l'Etat et les collectivités locales participant également, pour chacun d'entre eux, à hauteur d'un tiers à leur financement.

D'ailleurs, le principe " d'additionnalité " 138( * ) , qui régit la mise en oeuvre des fonds structurels, interdit que les crédits communautaires ne se substituent purement et simplement aux dépenses de même nature de l'Etat membre : tout financement européen doit ainsi trouver un complément au moins égal au montant au sein de l'Etat-membre, souvent appelé " contrepartie nationale ".

Cette règle a pour effet d'associer très étroitement les deniers -et donc les instances- communautaires aux différents projets de développement économique des territoires.

La prégnance de l'Europe dans la vie locale est ainsi assurée, au-delà même de son impact, déjà important, en termes réglementaires ou normatifs, par sa participation financière aux projets locaux. Aussi est-il particulièrement important, pour les nombreux territoires concernés, que les mécanismes d'intervention communautaires soient simples et lisibles. Tel n'a pas été, jusqu'à présent, le cas, même si, pour la situation française, les torts apparaissent comme étant relativement partagés entre la Commission européenne et les cofinanceurs nationaux.

b) Une mise en oeuvre complexe

Une piètre consommation des enveloppes communautaires

Alors qu'elle représente pour notre pays un enjeu financier conséquent, la politique structurelle européenne y est mal utilisée : après avoir obtenu, au terme de négociations ardues, la mise à disposition d'une certaine masse de financements, la France peine paradoxalement à les consommer en temps et en heure !

Insuffisante réflexion stratégique préalable, lacune de la programmation locale, pénurie de projets dans les zones éligibles, procédures d'instruction, de programmation et de contrôle déficientes, circuits financiers complexes, absence de contreparties nationales : les motifs invoqués ne manquent pas et expliquent sans doute collectivement que le délai moyen de mandatement des fonds se soit élevé, pour la période de programmation passée, à 18 mois en moyenne 139( * ) et que la France ait figuré au rang des Etats-membres ayant le moins complètement consommé leur enveloppe structurelle. Cette sous-exécution varie suivant les objectifs, mais elle est bien réelle. Elle a d'ailleurs conduit la Commission à proposer, lors de la récente réforme des fonds structurels, un " dégagement d'office " des sommes non engagées pour pénaliser les Etats-membres n'ayant pas consommé leur enveloppe, et, au contraire, l'allocation d'une " réserve de performance " à mi-parcours, volant financier non attribué à l'origine mais destiné à encourager les " bons élèves ".

Dans son rapport officiel sur l'efficacité de la politique structurelle européenne 140( * ) , M. Pierre Trousset a dressé le constat suivant des insuffisances de la mise en oeuvre, en France, de la politique structurelle européenne pour la période 1994-1999 :

- le diagnostic initial, par le territoire concerné, de sa situation économique et sociale est parfois insuffisant ; les documents stratégiques de programmation 141( * ) des projets (documents uniques de programmation, DOCUP) sont lacunaires car souvent élaborés à la hâte, dans le cadre d'un partenariat trop réduit ;

- les relations entre l'échelon régional et départemental ne sont clairement définies ni au sein de l'organisation de l'Etat ni en ce qui concerne les collectivités locales ;

- le principe européen de " partenariat " dans la programmation et le suivi des interventions communautaires a alourdi et formalisé les procédures, même s'il a été inégalement appliqué ;

- la Commission européenne a elle-même fait preuve d'un certain manque de zèle. Le rapport estime qu' " Il n'est pas rare qu'un délai de 12 à 18 mois s`écoule entre la décision du comité de suivi et sa validation par la Commission, même s'il s'agit d'une simple modification de mesure " ;

- les contreparties nationales en provenance de l'Etat, des collectivités ou de financeurs privés ont parfois été difficiles à mobiliser, soit qu'elles n'aient pas été prévues dans les budgets, soit qu'elles aient été inexistantes dans les zones les plus fragiles, ou que la lourdeur des procédures ait joué comme un facteur dissuasif pour la présentation de projets ;

En outre, ce rapport indique que les circuits financiers sont particulièrement lourds :

- du coté communautaire : la procédure de " division par tranches " des engagements financiers et la subordination de l'ouverture de nouveaux crédits à la certification, par l'Etat membre, d'un certain pourcentage de dépenses engagées sur la tranche précédente génère des retards de paiement ;

- du côté national : les crédits des fonds structurels sont d'abord budgétairement rattachés, par le truchement de fonds de concours, aux crédits des différents ministères concernés (agriculture, intérieur, emploi, solidarité, outre-mer...). Les délais moyens de rattachement varieraient de 36 à 42 jours suivant l'instrument financier concerné. Dès lors, ces crédits sont " banalisés " et suivent les règles communes à l'ensemble de la procédure budgétaire nationale. En particulier, les crédits non consommés au terme de l'année 142( * ) doivent être reversés par les ordonnateurs secondaires pour n'être rétablis que dans le cadre de l'exercice suivant (3 à 4 mois plus tard).

En outre, la délégation des crédits des administrations centrales aux ordonnateurs secondaires que sont les Préfets apparaît comme particulièrement lente , elle engendrerait un retard supplémentaire de 1 à 3 mois .

Le rapport estime que le délai de la phase d'engagement est de 4 à 6 mois et celle de la phase de mandatement de 2 à 4 mois -même si le délai de paiement, une fois le titre de dépenses transmis par l'ordonnateur, n'est quant à lui que de 11 jours en moyenne- .

La lourdeur d'un tel système est patente.

Concluant ces développements, le rapport Trousset indique que " la longueur des délais (...) résulte du système budgétaire français et des choix politiques qui ont été faits par les autorités françaises , sans oublier les retards considérables résultant d'une mauvaise pratique de la programmation (...) Il est certain que les décalages considérables existant entre les sommes déléguées par la Commission et les montants délégués aux ordonnateurs secondaires (...) mettent en évidence un impact important de trésorerie au profit de l'Etat qui explique peut-être en partie le schéma de rattachement financier retenu ".

Le rapport estime ainsi qu'en février 1998, 5 milliards de francs du FEDER 143( * ) étaient " transitoirement " disponibles dans les caisses de l'Etat !

Un représentant de la Direction Générale XVI de la Commission européenne, auditionné par votre mission d'information 144( * ) faisait quant à lui état, pour la période 1994-1998, d'un retard dans l'engagement des crédits du FEDER alloués à la France de l'ordre de 10,9 % de l'enveloppe totale de la période concernée.

Une réponse de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement à une question écrite 145( * ) fait quant à elle apparaître, au 1 er juin 1999, un taux de réalisation effectif des projets programmés de seulement 40 %.

Ces indicateurs divers pointent tous l'inefficacité du système français de consommation des crédits communautaires .

La récente réforme a toutefois été l'occasion d'un effort de rationalisation de ces circuits, même s'il aurait pu être plus poussé de la part de l'Etat français.

Une complexité bruxelloise en voie de résorption ?

Le règlement précité sur les fonds structurels du 21 juin 1999 a visé à simplifier les procédures d'octroi des crédits communautaires, au travers :

- d'une simplification des règles d'engagement communautaire des crédits ;

- d'un rôle accru du comité de suivi, qui se voit investi du pouvoir d'adopter ou de modifier " le complément de programmation " des actions financées ;

- d'un dégagement automatique des crédits d'une tranche qui ne seront pas consommés dans les deux ans de leur octroi ;

- de la possibilité ouverte par le règlement de confier la mise en oeuvre et la gestion d'une partie des interventions à un organisme intermédiaire ou à une collectivité, dans le cadre d'une convention avec l'autorité de gestion.

Cet effort communautaire de simplification et de décentralisation de la politique structurelle n'a sans doute pas été assez accompagné au niveau français, l'Etat ne souhaitant pas se départir de son rôle d'interlocuteur privilégié des instances européennes et de " distributeur " de la manne communautaire, il est vrai largement plus abondante que ses propres crédits d'aménagement du territoire.

Une insuffisante décentralisation française des procédures de gestion

Alors que la lourdeur des circuits français est identifiée comme l'un des principaux obstacles à la mise en oeuvre de la politique structurelle dans notre pays, et que le règlement communautaire ouvrait la voie à un raccourcissement des procédures par une décentralisation accrue, l'Etat ne s'est finalement engagé que très prudemment dans la délégation aux collectivités de la gestion de cette politique .

Trois principaux changements 146( * ) ont ainsi été apportés par rapport à la précédente période de programmation :

- les comités de suivi et de programmation seront, de droit, co-présidés par les Préfets de régions et les présidents de Conseils régionaux , même si le Préfet de région reste l'autorité responsable de la gestion des crédits des fonds structurels ;

- le recours à la procédure de la " subvention globale " , qui permet aux Conseils régionaux, aux autres collectivités ou établissements publics, en fonction de leurs domaines de compétences, de se voir confier par l'Etat la responsabilité de la mise en oeuvre des programmes est possible, mais sera d'emblée limité, en vertu d'une circulaire ministérielle, à 25 % du programme concerné ;

- un dispositif de suivi informatisé de la réalisation des programmations devrait renforcer la transparence de leur gestion. Il devrait être accessible aux partenaires de l'Etat et permettre de suivre l'état d'avancement des dossiers de demande d'aide. L'administration 147( * ) estime en outre que les nouvelles dispositions relatives à la gestion financière des fonds structurels par l'Etat, qui ont été arrêtées par le Gouvernement en septembre 1999, permettront que les délais d'instruction des dossiers et les délais de versement des crédits communautaires aux bénéficiaires finals ne dépassent pas trois mois.

Il s'agit plus d'une évolution -qu'il faudra juger à l'expérience- que d'une véritable révolution, l'Etat restant le principal interlocuteur de la Commission et des collectivités locales pour la mise en oeuvre de la politique structurelle.

Cette situation, pénalisante pour les collectivités territoriales françaises, est très différente de celle qui prévaut dans d'autres Etats-membres, comme l'a montré l'audition, par votre mission d'information, d'un représentant de la Commission européenne. Ainsi un rapport de la Commission sur la mise en oeuvre du principe de " partenariat " -c'est-à-dire sur l'association de partenaires autres que les Etats à la gestion des fonds structuels- met en évidence le gradient européen suivant d'association des collectivités locales à la politique régionale communautaire :

- dans certains Etats, le poids des autorités régionales dans la mise en oeuvre de la politique structurelle est fort. Il s'agit des Etats fédéraux ou " régionaux " : Allemagne, Italie, Espagne notamment ;

- dans d'autres, il est modéré (Autriche, Belgique, Danemark, France, Pays-Bas) ; " en amélioration " (Grèce, Portugal, Royaume-Uni, Suède) ou au contraire inexistant (Luxembourg et Irlande).

D'après l'analyse de la Commission, en France, la tendance est à la diminution de la pondération de l'échelon local . En outre, les autorités déconcentrées bénéficieraient, à l'inverse des collectivités décentralisées, d'un regain d'influence. On assisterait donc à une recentralisation déconcentrée de la mise en oeuvre de cette politique communautaire.

Votre Haute assemblée avait, d'ailleurs, pressenti la réticence de l'Etat à favoriser tout dialogue direct entre les collectivités territoriales et Bruxelles, puisqu'à l'occasion de l'adoption de sa résolution sur la réforme de la politique structurelle, le Sénat mettait l'exécutif en garde contre toute tentative de " renationalisation " de la politique structurelle et l'engageait vivement à une décentralisation accrue de cette action. A cet égard, le Sénat estimait que l'expérience méthodologique, dans les années 1980, de la mise en oeuvre décentralisée des programmes destinés aux régions méditerranéennes aurait pu être poursuivie et approfondie. La suite des événements a montré que les craintes du Sénat n'étaient pas sans fondement.

D. LES SPÉCIFICITÉS DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

La décentralisation dans les départements d'outre-mer soulève des questions spécifiques, distinctes de la problématique métropolitaine.

Ces quatre départements 148( * ) , Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion, s'inscrivent aujourd'hui dans le même cadre institutionnel, défini par l'article 73 de la Constitution lequel prévoit que : " Le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ".

Ils sont intégrés à l'Union européenne en tant que " régions ultrapériphériques 149( * ) ".

Le principe de l'assimilation législative interdisant de conférer aux départements d'outre-mer une " organisation particulière " au sens de l'article 74 de la Constitution qui concerne les territoires d'outre mer, des régions monodépartementales ont été instituées (loi du 31 décembre 1982) et les aménagements à la répartition des compétences entre les différentes collectivités prévalant en métropole ont été limités.

La coexistence d'un département et d'une région sur un même territoire a aujourd'hui montré ses limites.

Le rapport 150( * ) établi à la demande du Premier ministre par MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et Michel Tamaya, député de la Réunion, fait état d'un " enchevêtrement dommageable des compétences " et de situations d' interventions concurrentes des deux collectivités dans les mêmes domaines.

En effet, la création des régions d'outre-mer en 1982, sur la base du modèle métropolitain, a engendré un transfert important de compétences du départements vers la région 151( * ) . Or, compte tenu de leur engagement antérieur, les départements ont parfois été tentés ou contraints de maintenir leur action dans un domaine normalement transféré.

C'est pourquoi le " rapport Lise-Tamaya " souligne que le redécoupage des blocs de compétence, en particulier entre le département et la région, est une étape nécessaire, mais devra être suivi d'un contrôle plus strict du respect, par les collectivités, de leur champ de compétences.

Le " rapport Lise-Tamaya " dénonce l'inachèvement de la décentralisation dans les départements d'outre-mer . Alors que les collectivités locales d'outre-mer, fortement sollicitées et appelées à faire face à une situation économique et sociale profondément dégradée, ont été contraintes de développer leurs interventions, les textes n'ont que très faiblement adapté l'organisation et les compétences de ces collectivités.

Le régime juridique applicable aux départements d'outre-mer est actuellement en cours de débat au Parlement : le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer répond en partie aux préoccupations des élus d'outre-mer, notamment en tendant à favoriser la coopération régionale décentralisée et en proposant un approfondissement de la décentralisation.

•   Il existe une volonté unanime de développer la coopération régionale décentralisée , par exemple en matière de contrôle de l'immigration, de justice, d'enseignement ou de culture. Les conseils généraux ou régionaux aspirent à négocier directement, avec les États voisins, sans devoir passer nécessairement par la métropole et par l'intermédiaire des diplomates du Quai d'Orsay. Or, la coopération décentralisée est actuellement limitée par la compétence exclusive de l'État en matière de relations avec les États étrangers, qui interdit en principe aux collectivités territoriales de signer un accord avec un État voisin, même dans des domaines relevant de leurs compétences.

Selon le projet de loi d'orientation, l'action internationale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion dans leur environnement régional se traduira en particulier par la possibilité, pour un conseil général ou régional, de demander aux autorités de la République d'autoriser son président à négocier des accords internationaux avec les États (ou organismes régionaux) voisins.

L'approfondissement de la décentralisation passe par la généralisation de la consultation des conseils généraux et régionaux d'outre-mer sur les projets de textes les concernant (lois, ordonnances, décrets comportant des dispositions d'adaptation de leur régime législatif et de leur organisation administrative, actes communautaires), le transfert de compétences actuellement exercées par l'État et l'aménagement des finances locales .

De plus, un des enjeux majeurs du développement économique des départements d'outre mer réside dans la décentralisation de la gestion des crédits européens 152( * ) .

Comme l'indique votre commission des Lois 153( * ) , ces aménagements sont bienvenus mais limités dans la mesure où ils n'ouvrent pas réellement la voie à une évolution différenciée . Celle-ci, à la suite d'une mission d'information 154( * ) dans les départements d'outre mer, a souligné les limites de la départementalisation conçue comme un modèle unique. La prise en compte de l'identité de chaque population et l'adaptation des lois et réglementations métropolitaines aux réalités locales sont plus que jamais nécessaires, mais doivent être conciliées avec le besoin d'une certaine stabilité institutionnelle favorable au développement économique. Afin de respecter l'identité culturelle de chaque département, il convient de faire du " cousu main ", selon l'expression de notre collègue M. José Balarello, rapporteur du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

Or, force est de constater que les perspectives d'évolution institutionnelle prévues par le projet de loi d'orientation sont très controversées :

•   la bi-départementalisation de la Réunion , qui pourrait se justifier au regard des impératifs démographiques et d'aménagement du territoire, ne suscite pas l'adhésion de l'ensemble des élus réunionnais et de la population ;

•   la création d'un Congrès dans les régions d'outre-mer monodépartementales fait partie des propositions du " rapport Lise-Tamaya ". Composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux, le Congrès aurait vocation à délibérer de toute proposition relative à l'évolution institutionnelle et à la répartition des compétences. Le Gouvernement pourrait ensuite déposer un projet de loi prévoyant la consultation des populations intéressées sur les propositions d'évolution institutionnelle formulées par le Congrès.

Constatant que le projet de Congrès a suscité l'avis défavorable de six des huit assemblées locales concernées et que la procédure envisagée est particulièrement lourde, le Sénat, suivant sa commission des Lois, n'a pas approuvé la création d'un congrès en Guadeloupe, Martinique et Guyane. Il s'est en outre opposé au projet de bidépartementalisation de la Réunion.

CHAPITRE III

LE CADRE DE L'EXERCICE DES COMPÉTENCES LOCALES :
DES BLOCS DE COMPÉTENCES À LA COGESTION

La clarification des compétences apparaît depuis plusieurs années comme l'une des priorités pour conférer à la décentralisation sa pleine efficacité.

La mission sénatoriale sur l'aménagement du territoire en avait fait l'un des grands axes de ses propositions 155( * ) . Plus récemment, le groupe de travail de votre commission des Lois avait souligné que la confusion actuelle des compétences constituait l'un des obstacles à l'approfondissement de la décentralisation 156( * ) .

L'article 65 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire avait expressément prévu une telle clarification dans le cadre d'une loi portant révision des lois des 7 janvier et 22 juillet 1983. Cette loi devait répartir " les compétences de manière à ce que chaque catégorie de collectivités territoriales dispose de compétences homogènes " et prévoir que " tout transfert de compétence est accompagné d'un transfert des personnels et des ressources correspondant ". La même loi devait également définir " les conditions dans lesquelles une collectivité pourra assumer le rôle de chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales ". Elle devait, enfin, déterminer les conditions dans lesquelles une " collectivité territoriale pourra, à sa demande, se voir confier une compétence susceptible d'être exercée pour le compte d'une autre collectivité territoriale. "

Ces orientations n'ont à ce jour pas eu de traduction législative. Pourtant la situation actuelle contribue à l'image brouillée de la décentralisation. Dans un contexte national où le poids excessif des prélèvements obligatoires pèse sur les contribuables, ces derniers sont en droit d'être de plus en plus exigeants sur l'utilisation des deniers publics. Ils sont également en droit d'identifier clairement " qui fait quoi " dans le paysage institutionnel local.

En transférant des blocs de compétences aux collectivités locales, les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 avaient poursuivi un double objectif d'efficacité et de simplification. Or, cette logique initiale a été progressivement dévoyée , très largement du fait de l'Etat qui a utilisé des politiques partenariales pour faire financer ses propres compétences par les collectivités locales.

Le contrat a constitué un instrument privilégié pour développer des actions communes entre l'Etat et les collectivités locales. La technique contractuelle est loin d'être inconciliable avec les principes de la décentralisation. Elle peut même être très efficace pour favoriser les synergies entre les actions menées dans un même domaine par des collectivités libres et responsables. Malheureusement, c'est une logique contractuelle inégalitaire qui a prévalu, l'Etat utilisant le contrat pour associer les collectivités locales à des politiques relevant de sa propre responsabilité sans pour autant partager la compétence.

I. UNE LOGIQUE INITIALE DÉVOYÉE

A. LA LOGIQUE INITIALE

1. Une nouvelle conception du rôle de l'Etat dans un cadre défini par la loi

a) Une nouvelle conception du rôle de l'Etat

La décentralisation est d'abord une réflexion sur l'Etat lui-même. La question du transfert des compétences en est une illustration particulièrement frappante.

Cette question soulève, en effet, d'abord le problème de la place des collectivités locales dans l'Etat.

Votre rapporteur a déjà eu l'occasion d'observer que l'idée même de décentralisation n'a émergé que difficilement dans notre pays. L'existence des collectivités territoriales n'a été consacré que tardivement par les textes constitutionnels, puisque la notion de " collectivités territoriales " n'apparaît pour la première fois que dans le titre VIII du projet de Constitution du 19 avril 1946. Si elle consacre elle aussi l'existence des collectivités territoriales, la Constitution du 4 octobre 1958 le fait de manière assez elliptique, ce qui peut expliquer que la portée exacte des dispositions du titre XII, relatif aux collectivités territoriales, et plus particulièrement l'article 72 qui affirme le principe de libre administration par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi, fassent l'objet d'interprétations divergentes .

Ce contexte constitutionnel peut expliquer que la place des collectivités territoriales par rapport à l'Etat n'ait pas reçu de réponses claires avant les lois de décentralisation et qu'elle demeure, depuis cette date, insuffisamment précisée.

Or l'idée même d'une répartition des compétences suppose, non pas une opposition, mais un partage ou plus précisément une division des rôles entre l'Etat et les collectivités locales.

Dans cette répartition des rôles, l'Etat a une position privilégié puisqu'il dispose de la " compétence de la compétence ". A travers le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, il exerce à titre exclusif la responsabilité de répartir les compétences. Il définit également les moyens d'exercice de ces compétences.

Certes, les collectivités locales ne sont pas totalement exclues de l'élaboration des principales règles qui les concernent mais leur participation n'est que partielle . Constitutionnellement, elles y participent à travers le Sénat qui les représente . Cependant le Gouvernement peut passer outre à l'opposition du Sénat en demandant à l'Assemblée nationale de se prononcer en lecture définitive, quand bien même les matières concernées intéressent directement les compétences et les moyens de fonctionnement des collectivités locales. Les prérogatives importantes reconnues au pouvoir exécutif dans la procédure législative lui permet en outre de faire prévaloir la position de l'Etat sur les demandes des collectivités locales. Il peut enfin imposer à ces dernières de nouvelles contraintes en usant de son pouvoir réglementaire autonome.

Cette situation met en évidence la position ambiguë de l'Etat , tout à la fois chargé de définir les règles de la répartition des compétences et acteur public directement intéressé à cette répartition.

Comme l'avait parfaitement souligné notre collègue Paul Girod dans le rapport qu'il établit au nom de votre commission des Lois sur la loi du 7 janvier 1983, le mot Etat peut en effet recevoir deux acceptions différentes, qu'il importe de distinguer au regard de la répartition des compétences.

Dans une première acception, l'Etat est synonyme des pouvoirs publics donc de l'ensemble des organes par lesquels s'exprime constitutionnellement la volonté nationale . A ce titre, il est fondé à définir les règles qui régissent les collectivités territoriales. Cette première acception est exprimée dans le deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution qui dispose que les collectivités territoriales " s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ".

Mais dans une seconde acception qui paraît prévaloir - même si elle n'est pas exclusive de la première - dans l'idée d'une répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales , le mot Etat désigne l'ensemble des administrations qui dépendent de l'autorité centrale, à quelque niveau que s'exerce la compétence qui leur a été consentie. Il vise donc un ensemble d'administrations qui le cas échéant peuvent se trouver en concurrence avec les administrations locales pour l'attribution d'une compétence. Notre collègue Paul Girod avait résumé cette double acception, en distinguant l'Etat-République et l'Etat-collectivité.

Tout l'enjeu est de veiller à ce que le partage des compétences selon les règles de l'Etat, producteur de normes, ne soit pas faussé par l'Etat acteur public local.

Or la période antérieure à la décentralisation avait précisément été marquée par une forme de concurrence entre l'Etat et les collectivités locales. Reconnues comme personnes morales de droit public, ces dernières ont participé, comme partenaires à part entière, à l'administration du territoire. Elles ont fait face de manière efficace aux besoins exprimés par la population, jouant un rôle d'innovation que l'Etat ne pouvait plus assumer. Elles ont à cette fin pleinement utilisé la " clause générale " de compétences qui leur avait été reconnue.

L'Etat parvint néanmoins pendant toute cette période à avoir une emprise croissante sur l'action publique locale. Concurrencé dans son rôle d'acteur public local par les collectivités locales qui, à travers la " clause générale " de compétences, pouvaient agir dans la plupart de ses domaines d'intervention, il eut recours à son pouvoir de tutelle qui lui permit d'" ajuster ", selon ses propres vues , les compétences des collectivités locales. Il s'appuya, pour ce faire, sur le caractère assez imprécis des textes " fondateurs " de 1871 et 1884, qui autorisaient toutes les adaptations sans conférer aux collectivités de moyens de défense.

L'esprit de la décentralisation est précisément de rompre avec ces pratiques, à partir d'une nouvelle vision du rôle de l'Etat et de la place des collectivités locales.

Le rapport " Vivre ensemble " avait parfaitement résumé cette nouvelle vision, en soulignant que " la décentralisation est un parti pris sur l'Etat " et qu'" une démocratie locale authentique a besoin d'un Etat qui en soit un, c'est à dire qui ne soit pas tout ". 157( * )

Cherchant à déterminer une liste des fonctions de l'Etat, le même rapport soulignait que " vouloir limiter le champ d'action directe de l'Etat, c'est opter pour une conception qui met l'accent sur l'adaptation des décisions aux cas particuliers , sur la vigilance des citoyens et la responsabilité politique des élus ; c'est accepter une certaine marge d'erreur, d'irrationalité et laisser aux citoyens le soin de redresser par le jeu de la responsabilité des élus ; c'est opter en faveur du contrôle politique des citoyens contre le contrôle technique tutélaire des fonctionnaires. "

Pour définir les fonctions de l'Etat, le rapport proposait plusieurs critères. En premier lieu, un principe de subsidiarité devait conduire à rechercher toujours le niveau adéquat d'exercice des compétences. Le niveau supérieur ne devrait être appelé à intervenir que dans les cas où les niveaux inférieurs ne pourraient pas exercer eux-mêmes les compétences correspondantes. En vertu de ce principe, l'Etat devrait donc déléguer aux collectivités locales tous les pouvoirs qu'elles sont en mesure d'exercer.

En deuxième lieu, un critère de simplicité devait, selon le rapport, conduire à confier à l'Etat ou aux collectivités des fonctions complètes . Si un partage des rôles était maintenu à l'intérieur d'une même fonction, l'attribution de compétence devrait porter sur des chaînes de décision cohérentes.

A compter de ce rapport, la question de la répartition des compétences est devenu un thème prioritaire des débats intéressant les collectivités locales. Il fit l'objet de plusieurs débats au Sénat, notamment dans le cadre du projet de loi relatif au développement des responsabilités locales qui faisait une priorité de la recherche de plus de simplicité et de clarté.

La nouvelle répartition des compétences
initiées par les lois de 1983 a par la suite poursuivi trois objectifs principaux, qui recoupent très largement les axes retenus par les réflexions et travaux antérieurs :


• une simplification, afin que la décision soit rapprochée du citoyen et que sa mise en oeuvre soit opérée au moindre coût ;


une meilleure organisation des services publics , par une suppression de l'imbrication des réglementations, des autorités et des financements croisés considérés, à l'époque, comme générateurs d'irresponsabilité ;


• une plus grande liberté , la dévolution de compétence devant permettre une définition du service mieux adaptée aux réalités locales, la suppression de nombreux contrôles et avis préalables devant autoriser une économie de temps et donc une plus grande disponibilité des élus pour l'action.

Le soubassement philosophique de cette démarche est bien l'idée de subsidiarité qui tend à laisser le maximum de responsabilité aux communautés les plus proches de l'homme et à ne transférer au niveau supérieur que les tâches qui ne peuvent être utilement accomplies aux niveaux inférieurs.

b) Un cadre fixé par la loi

La décentralisation ne peut avoir de portée véritable que si les collectivités locales bénéficient de garanties suffisantes sur la procédure selon laquelle le contenu de leur " libre administration " sera défini.

Les règles relatives à la libre administration doivent être fixées à un niveau suffisant pour qu'il ne puisse y être porté atteinte par quiconque, en particulier par l'Etat acteur public local.

Cette définition des règles applicables s'opère dans un cadre constitutionnel qui doit lui-même concilier deux principes. D'un côté, la Constitution affirme que la souveraineté appartient au peuple dans son ensemble. L'Etat en est l'expression et le garant. Il dispose, en conséquence, d'un droit d'évocation illimité qui pourrait s'opposer à toute limitation de ses pouvoirs.

La France demeure un Etat unitaire. L'indivisibilité de la République est consacrée par l'article 1er de la Constitution. Nos institutions restent, en outre, fondées sur l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer l'autorité qui n'en émane expressément. " Le Conseil constitutionnel a tiré toutes les conséquences de ce principe, également affirmé à l'article 3 de la Constitution, en déclarant non conforme la notion de " peuple corse " ( décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 ).

Mais d'un autre côté, la Constitution reconnaît l' existence des collectivités territoriales qui - à l'instar des personnes et des associations qui existent indépendamment de l'Etat - doivent pouvoir s'administrer librement.

La Constitution concilie ces deux principes, non sans une certaine ambiguïté. Son article 72 dispose, en effet, que " les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. "

Ces conditions sont précisées à l'article 34 qui disposent que " la loi détermine les principes fondamentaux des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources. "

Or, jusqu'aux lois de 1983, très peu de compétences avaient été à proprement parler définies par la loi. La répartition des compétences reposait sur la combinaison de la " clause générale " de compétences, reconnue aux communes et aux départements, et de la pratique de la tutelle qui permettait à l'Etat d'ajuster au coup par coup les compétences locales.

La notion d'affaires locales auxquelles renvoyaient en fait les lois " fondatrices " de 1871 pour le département et 1884 pour la commune n'avait en pratique pas prémuni les collectivités locales contre les transferts de charges .

Clarifier les ressources et les charges entre les collectivités locales et l'Etat avait donc constitué une demande pressante et légitime des élus locaux. Le rapport " Vivre ensemble " avait ainsi clairement affirmé que " seule la loi peut intervenir pour déplacer entre l'Etat et les collectivités locales les responsabilités et les moyens de les exercer. "

Cette orientation était conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel avait progressivement renforcé la compétence du législateur. Il avait ainsi affirmé cette compétence pour créer ou supprimer des ressources locales ( décision n° 68-35 DC du 30 janvier 1968 ) ou encore pour transférer à l'Etat des compétences jusque là exercées par une collectivité locale ( décisions n° 70-63 L du 9 juillet 1970 et n° 71-70 L du 23 avril 1971 ).

Après avoir consacré la valeur constitutionnelle du principe de libre administration, sans se référer d'ailleurs à une disposition constitutionnelle précise ( décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979 ), le Conseil constitutionnel a par la suite veillé au respect de ce principe par le législateur au cas par cas. Il a en particulier précisé qu'il impliquait que chaque collectivité territoriale " dispose d'un conseil élu doté d'attributions effectives . " ( décisions n° 85-196 DC du 8 août 1985 et n° 87-241 du 19 janvier 1988 ).

Le Conseil constitutionnel a également considéré que le législateur ne peut " méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales " en mettant à leur charge des obligations financières qui ne seraient pas " définies avec précision quant à leur objet et à leur portée " ( décision n° 90-274 DC du 29 mai 1990 ). Il ne peut imposer aux collectivités territoriales des contraintes excessives ( décisions n° 83-168 DC du 20 janvier 1984 et n° 98-407 DC du 15 janvier 1998 ). Il ne peut rester en-deçà de sa compétence en renvoyant à une convention conclue entre collectivités territoriales le soin de fixer les conditions d'exercice des compétences ( décision n° 95-358 DC du 26 janvier 1995 ).

En outre, les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver la libre administration ( décisions n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 et n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 ). Dans le même esprit, si une péréquation peut être mise en oeuvre par prélèvement sur les ressources des collectivités, ce prélèvement ne saurait avoir pour conséquence " d'entraver la libre administration des collectivités territoriales concernées et doit être défini avec précision quant à son objet et à sa portée " ( décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991 ).

Les lois de compétence de 1983 ont donc logiquement tiré les conséquences du principe constitutionnel de libre administration.

2. Des transferts de blocs de compétences en fonction des vocations dominantes de chaque niveau de collectivité locale

a) L'identification des vocations dominantes des différents niveaux

Comme l'avait parfaitement observé notre collègue Paul Girod, rapporteur de la loi du 7 janvier 1983, au nom de votre commission des Lois, les textes de 1983 n'ont pas été des textes de " répartition " des compétences.

L'article premier de la loi du 2 mars 1982 avait certes précisé que " des lois détermineront la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ".

Mais en réalité la loi du 7 janvier 1983, comme la loi du 22 juillet 1983 qui l'a complétée, n'a pas eu pour objet de redéfinir les compétences de chacun des niveaux de collectivités locales. Elle ont plus modestement cherché à définir quelle collectivité serait la mieux à même de se substituer à l'Etat pour mettre en oeuvre une compétence déterminée.

Il s'est donc agi de transférer aux collectivités locales des attributions jusque là exercées par l'Etat, donc de réduire le champ d'intervention de ce dernier, mais pas de procéder à une redistribution des compétences entre régions, départements et communes.

Ces textes ouvraient également un changement de perspective, très peu de dispositions postérieures aux lois de 1871 et 1884 ayant énuméré de manière précise les attributions des collectivités territoriales.

La question de la décentralisation avait, en effet, été davantage posée en termes de libertés locales que de compétences locales. Cette caractéristique peut expliquer que l'allégement progressif des tutelles, source d'une plus grande liberté, ait été recherché en priorité avant des questions plus pratiques comme les moyens de mettre en oeuvre les attributions locales.

Les compétences locales s'étaient donc organisées autour de la compétence générale reconnue aux collectivités locales mais aussi - comme votre rapporteur l'a déjà indiqué - d'une intervention croissante de l'Etat, par le biais de la tutelle , dans la définition des affaires locales.

Sortir de ce flou de la détermination des compétences impliquait la recherche de critères opérationnels permettant de désigner la collectivité la mieux à même d'exercer une compétence jusque là exercée par l'Etat.

Cette recherche conduisait à s'interroger sur l'existence d'affaires locales. Or l'absence de critères objectifs ne pouvait que conduire à considérer que ce critère était en réalité " introuvable ".

En outre, l'intérêt local avait lui-même été remis en cause sous l'impact de différents facteurs qui continuent à produire des effets dans le contexte actuel : le souci d'égalité qui incitait l'Etat à adopter des réglementations uniformes ; la solidarité et les impératifs de l'aménagement du territoire qui motivaient l'interventionnisme économique et social de l'Etat.

L'intérêt local était ainsi largement soumis à la volonté de l'Etat et pouvait évoluer au gré des circonstances comme l'illustre l'exemple des routes. Alors que la loi du 16 avril 1930 avait décidé le classement dans la voirie nationale de 40 000 kms de routes et chemins appartenant à la voirie départementale et communale, la loi de finances pour 1972 rétrocéda la totalité du réseau national secondaire au département.

Les notions d'affaires locales ou d'intérêt local ne constituant pas des critères suffisants pour déterminer les compétences, c'est une approche pragmatique qui fut privilégiée à partir des vocations dominantes de chaque niveau.

Ces vocations dominantes peuvent schématiquement être présentée comme suit 158( * ) :


• la commune doit avoir la maîtrise du sol, c'est à dire l'essentiel des compétences dans le domaine de l'urbanisme, et exercer la responsabilité des équipements de proximité ;


• le département assume une mission de solidarité et de péréquation, par la gestion des services d'aide sociale et par une redistribution entre les communes ;


• la région voit son rôle de réflexion et d'impulsion renforcé en matière de planification, d'aménagement du territoire et plus généralement d'action économique et de développement. A ce titre, elle reçoit la compétence de droit commun en matière de formation professionnelle.

L'Etat devait pour sa part conserver les grandes fonctions de souveraineté : affaires étrangères, défense et la responsabilité des grands équilibres économiques

b) La détermination de blocs de compétences

Cette idée de confier à chaque niveau des blocs de compétences n'était pas entièrement nouvelle. Comme votre rapporteur l'a indiqué précédemment, le rapport " Vivre ensemble " avait pour sa part préconisé de confier à l'Etat ou aux collectivités des " fonctions complètes " ou, à défaut, si un partage des rôles était maintenu à l'intérieur d'une même fonction, l'attribution de " chaînes de décision cohérentes ".

Telle qu'elle ressort de l'article 7 de la loi du 7 janvier 1983 -désormais codifié à l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales-, cette méthode des blocs de compétence a pour conséquence que " la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat s'effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l'Etat et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectées en totalité soit à l'Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions. "

Cependant ces transferts de compétences ainsi conçus ne sauraient se traduire par une tutelle d'une collectivité sur l'autre.

L'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales précise expressément que " la répartition des compétences entre les communes, les départements et les régions ne peut autoriser l'une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d'entre elles ".

L'article L. 1111-4 dispose expressément que " les décisions prises par les collectivités locales d'accorder ou de refuser une aide financière à une autre collectivité locale ne peut avoir pour effet l'établissement ou l'exercice d'une tutelle, sous quelque forme que ce soit sur celle-ci . "

Le principe retenu a par ailleurs été celui d'un transfert à droit constant , les collectivités locales devant en conséquence appliquer les réglementations correspondant à l'exercice des compétences par l'Etat. En outre les compensations financières des transferts de compétences ont été calculées à partir des engagements de l'Etat au moment du transfert, sans que - votre rapporteur y reviendra -soient pris en compte l'état des biens transférés et les besoins réels dans le domaine considéré.

B. UNE LOGIQUE DÉVOYÉE

En dépit de ses imperfections, la logique initiale des lois de décentralisation avait le mérite d'offrir un nouveau cadre pour l'action respective de l'Etat et des collectivités locales, de nature à clarifier l'action publique et d'en renforcer l'efficacité

Or cette logique a été largement dévoyée. Le schéma initial de répartition des compétences a évolué vers une confusion des compétences. Dans la période la plus récente, plusieurs dipositifs ont mis en évidence un mouvement de recentralisation des compétences.

1. De la confusion...

a) La multiplication des formules de cogestion

S'il avait conçu les transferts de compétences à partir des vocations dominantes de chaque niveau, le schéma initial des lois de 1983 n'était pas pour autant parfaitement rigoureux. Il laissait subsister de nombreux domaines où en pratique plusieurs niveaux étaient susceptibles d'intervenir.

Le principe d'un transfert par blocs de compétences en fonction des vocations dominantes de chaque niveau a été difficile à respecter, la plupart des domaines étant partagés.

Ainsi, pour l'éducation , l'Etat a-t-il conservé la pédagogie, le recrutement, la gestion et la rémunération des personnels enseignants, chaque niveau de collectivité se voyant attribuer la responsabilité d'un niveau d'enseignement pour l'investissement et le fonctionnement : l'école primaire à la commune, le collège au département, le lycée à la région et l'université à l'Etat.

Dans d'autres domaines tels que la culture ou le logement , tous les niveaux sont appelés à intervenir dans un cadre qui n'assure pas l'articulation de leurs actions respectives.

En outre, la logique des blocs de compétences n'a pas été exclusive de politiques partenariales entre les différents niveaux, ce qui a favorisé la complexité du cadre d'exercice des compétences.

Le domaine de l'aménagement du territoire en constitue une illustration frappante.

L'aménagement du territoire : une compétence partagée

L'article L. 110 du code de l'urbanisme énonce que " le territoire est le patrimoine commun de la Nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, de gérer le sol de façon économe, d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant en zones urbaines et rurales, les collectivités locales harmonisent , dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. "

L'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales précise par ailleurs que les communes, les départements et les régions " concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu'à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie. "

En vertu de ces textes, chaque niveau de collectivité a donc vocation à exercer des compétences dans le domaine de l'aménagement du territoire. Le principe d'un partenariat est, en outre, clairement posé. Aux collectivités s'ajoutent les structures intercommunales à fiscalité propre (communautés urbaines, communautés d'agglomération, communautés de communes), qui exercent à titre obligatoire des compétences en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique.

Le législateur a par ailleurs reconnu une mission spécifique à l'Etat qui est responsable de la définition et de la conduite " de la politique économique et sociale ainsi que de la défense de l'emploi " ( article L. 2251-2 du code général des collectivités territoriales).

Enfin, si une priorité régionale avait à l'origine été inscrite dans la loi en matière d'aides aux entreprises (article 4 de la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982), cette priorité était fragile et n'a pas résisté aux réalités locales.

Au demeurant, était-il envisageable d'ignorer le rôle de certaines collectivités dans un domaine aussi essentiel que l'aménagement du territoire ?

Utilisant pleinement leur compétence générale , les collectivités locales ont elles-mêmes eu tendance à sortir du cadre strict des compétences qui leur ont été transférées pour répondre aux besoins sociaux ou prendre des initiatives en faveur des territoires. Telle est aussi la dynamique de la décentralisation : laisser l'initiative locale s'exprimer librement, sous le contrôle des citoyens.

Les financements " croisés " , longtemps dénoncés comme source de complexité et de confusion, sont apparus souvent indispensables, par exemple pour réaliser des équipements dont le coût ne pourrait être assumé par une seule collectivité.

La clarification recherchée par les lois de 1983 n'a ainsi pas atteint parfaitement son but. Mais pouvait-il en être autrement ?

Le schéma des blocs de compétences constituait une construction rationnelle et pragmatique bâtie autour d'une certain nombre de principes qui recueillaient un consensus. Ces principes devaient permettre de canaliser une dynamique que la décentralisation est censée impulser à l'action publique locale.

Mais cette construction avait surtout le mérite de promouvoir une philosophie pour le partage des compétences : un Etat recentré sur ses fonctions essentielles, laissant aux collectivités locales le soin de gérer toute une série de missions jusque là assumées par lui.

Or l'Etat n'a pas respecté ce schéma. Il a au contraire de plus en plus sollicité les collectivités locales pour qu'elles contribuent au financement de ses propres compétences .

Le rapport du groupe de travail présidé par M. François Delafosse sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales avait, en 1994, proposé une typologie du partenariat qui distinguait :


• les contrats de plan Etat-régions , qui sont apparus avec les lois de décentralisation et des réforme des procédures de planification ;


• les procédures conventionnelles en dehors des contrats de plan , procédures très variables recouvrant notamment le schéma université 2000, les conventions de développement culturel, la participation des collectivités lcoales au financement d'infrastructures pour le compte de la SNCF (matériel, gares,...) ou la prise en charge des dépenses relatives aux lignes régionales ;


• les politiques partenariales se situant en dehors du processus conventionnel classique , telles que la politique du RMI sur laquelle votre rapporteur reviendra plus longuement ;


• des politiques contractuelles liées à la nouvelle répartition des compétences ou à une approche conventionnelle des transferts , par exemple dans le domaine de la formation professionnelle.

Le rapport pour 1999 de la commission consultative sur l'évaluation des charges observe que " les dépenses des collectivités locales liées à la mise en oeuvre de politiques définies par l'Etat représentent un coût croissant . "

Ces dépenses peuvent, selon le rapport, être regroupées en deux catégories la participation à des politiques menées en partenariat avec l'Etat , en particulier les contrats de plan Etat-région, qui font l'objet de développements spécifiques ci-dessous, et les charges nouvelles, lesquelles recouvrent les dépenses résultant de législations ou réglementations de portée générale s'imposant aux collectivités locales comme aux personnes publiques ou privées (par exemple, les dispositifs relatifs à la neutralisation de l'amiante dans les bâtiments), celles liées à des prescriptions européennes ou nationales destinées à répondre à des exigences d'intérêt général pour des équipements ou l'exercice de compétences locales (par exemple pour la gestion des déchets), les charges issues de la transposition directe ou indirecte aux collectivités locales de décisions prises par l'Etat (revalorisation des rémunérations des fonctionnaires ou des minimas sociaux, notamment).

Le législateur a lui-même tendu à privilégier des formules de cogestion au détriment d'une plus grande clarté de l'action publique. Tel fut en particulier le cas pour la mise en oeuvre du RMI et pour la politique d'aide au logement des personnes défavorisées.

Les lois des 1 er décembre 1988 et du 29 juillet 1992 relatives au RMI

La loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 bat en brèche le principe du transfert de blocs de compétences institué par la loi de décentralisation en mettant en place un ensemble complexe de compétences cogérées assorties d'un dispositif financier contraignant pour les départements.

Le RMI repose sur l'articulation entre un revenu minimum et une obligation pour le bénéficiaire de s'engager dans des actions visant à assurer son insertion sociale et professionnelle.

Le volet relatif à l'insertion -le " I " du RMI- repose sur la cogestion des décisions les plus importantes.

L'article 34 de la loi susvisée dispose ainsi que " le représentant de l'État dans le département et le président du conseil général conduisent ensemble et contractuellement l'action d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, avec le concours des autres collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public ou privé, notamment les associations, concourant à l'insertion et à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion " .

L'élément central de la politique d'insertion est le programme départemental d'insertion (PDI) annuel qui, aux termes de l'article 36, évalue les besoins à satisfaire, recense les actions d'insertion déjà mises en place, évalue les moyens supplémentaires à mettre en oeuvre, estime les besoins de formation des personnels et " définit les mesures nécessaires pour harmoniser l'ensemble des actions d'insertion conduites ou envisagées dans le département ".

Le champ du PDI peut être élargi " à l'ensemble de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et à l'ensemble des actions en faveur de l'insertion ".

Or, le PDI est élaboré et adopté par le conseil départemental d'insertion (CDI) dont les membres sont nommés conjointement par le président du conseil général et par le préfet. Afin de souligner encore le régime de la " cogestion ", l'article 35 prévoit que le CDI est coprésidé par le préfet et par le président du conseil général ou leur délégué.

A l'échelon inférieur, la cogestion est également à l'oeuvre dans le fonctionnement des commissions locales d'insertion (CLI) qui déclinent sur leur territoire les compétences des CDI, animent la politique locale d'insertion et approuvent les contrats d'insertion signés par les bénéficiaires de l'allocation (art. 42-1). Là encore, ce sont le préfet et le président du conseil général qui nomment conjointement les membres des CLI , soit en désignant leurs propres représentants, soit en choisissant d'un commun accord des représentants des communes ou des " forces vives " locales (système éducatif, institutions, entreprises, associations).

La cogestion institutionnelle n'a pas toujours suscité la dynamique attendue, sans doute parce qu'elle est apparue imposée par l'extérieur plutôt qu'animée par des initiatives communes. La Cour des comptes, dans son rapport public de 1995, soulignait que le rôle des CDI relevait " plus de l'information que de la décision lorsque leur intervention se réduit à avaliser les propositions préparées par le services de l'Etat et du département " .

Chaque PDI devait donner lieu, aux termes de l'article 39, à la signature d'une convention définissant les conditions, notamment financières, de mise en oeuvre du PDI. Là encore, la Cour des comptes, à l'occasion d'une enquête réalisée sur 20 départements en 1993, constatait l'absence d'une telle convention dans 10 départements sur 20, faisant allusion à l'attitude réservée des conseils généraux.

A la cogestion vient s'ajouter un mécanisme de mobilisation forcée des crédits départementaux . L'article 38 de la loi précitée dispose ainsi que " pour le financement des actions inscrites au programme départemental d'insertion et des dépenses de structure correspondantes, le département est tenu d'inscrire annuellement un crédit égal au moins à 20 % des sommes versées au cours de l'exercice précédent par l'Etat dans le département au titre de l'allocation de RMI " . Le taux précité a été porté à 17 % par la loi instituant la couverture maladie universelle (CMU).

Cette obligation d'inscription des crédits est accompagnée d'un report automatique des crédits non consommés d'une année sur l'autre. L'article 41 prévoit ainsi que " le montant des crédits n'ayant pas fait l'objet d'un engagement de dépenses, constaté au compte administratif, est reporté intégralement sur les crédits de l'année suivante " .

En l'absence d'affectation ou de report des crédits, le préfet est habilité à mettre en oeuvre la procédure d'inscription d'office d'une dépense obligatoire prévue à l'article 52 de la loi du 2 mars 1982 ; toutefois, cette procédure n'a jamais été mise en oeuvre dans cette hypothèse.

La nature des dépenses pouvant être financées par le département est entendue strictement. Lorsqu'une action d'insertion financée par le conseil général concerne plusieurs types de publics, la quote-part sur les " 20 % " est calculée au prorata de la part des bénéficiaires du RMI dans l'action ; il faut, par ailleurs, que le lien entre les actions et les bénéficiaires du RMI soit clairement établi.

Les dépenses d'assurance personnelle pour les bénéficiaires du RMI non couverts au titre de l'assurance maladie et maternité, prises en charge par les départements avant l'instauration de la CMU, n'étaient pas considérées comme des dépenses d'insertion et, à ce titre, ne pouvaient être imputées sur les crédits d'insertion. La seule exception autorisée était la prise en charge de l'aide médicale fournie aux bénéficiaires dans la limite de 3 % des crédits départementaux d'insertion.

Même si le PDI peut être étendu à l'ensemble des actions d'insertion et de lutte contre l'exclusion dans un département, la loi précise expressément que les crédits obligatoires au titre de l'article 38 doivent rester affectés aux bénéficiaires du RMI.

Cette absence de souplesse a souvent fait l'objet de critiques de la part des responsables des conseils généraux. Ainsi, à l'initiative de notre collègue, M. Jean Delaneau, une proposition de loi a été adoptée par le Sénat en mars 1998 (n° 91, 1997-1998) afin d'autoriser l'imputation des dépenses départementales consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, dans la limite de 10 %, sur le quota des crédits départementaux d'insertion. Cette proposition raisonnable, qui avait reçu un avis défavorable du Gouvernement, n'a jamais été mise en discussion à l'Assemblée nationale.

Il est à noter que le taux de consommation des crédits départementaux d'insertion n'a fait qu'augmenter pour atteindre 97 % en 1995, témoignant ainsi de la volonté d'agir des départements malgré des débuts difficiles.

Enfin, il faut rappeler que la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation du RMI a confirmé le principe de la cogestion et a, en outre, institué le Fonds d'aide aux jeunes (FAJ) financé par l'Etat et le département, la participation de ce dernier devant être " au moins égale " à celle de l'Etat.

L'emprise croissante de l'Etat sur les collectivités locales
en matière d'habitat et d'urbanisme
au début des années quatre-vingt-dix

La loi du 7 janvier 1983 laissait une relative autonomie à la commune pour définir ses propres options en matière d'habitat et de logement.

Certes, aux termes de l'article 77 de la loi précitée, les régions disposaient d'une compétence financière de droit commun pour attribuer des subventions en complément des aides de l'Etat ou de leur propre initiative, afin d'améliorer la qualité de l'habitat des quartiers et des logements existants ou l'équipement de terrains à bâtir.

Mais, aucune collectivité ne pouvant exercer de tutelle sur une autre, les communes disposaient d'une compétence réelle pour définir leurs priorités en matière d'habitat (art. 76) et établir un programme local de l'habitat (PLH) ayant pour fonction de déterminer les " opérations prioritaires et notamment les actions en faveur des personnes mal logées ou défavorisées " (art. 78). De nombreuses communes se doteront d'un PLH (plus de 300) alors que ce document n'avait pas de caractère obligatoire.

Au début des années 90, se fondant sur la lutte contre les exclusions par le logement, le Gouvernement mettra en place divers mécanismes afin d'asseoir son intervention dans un contexte où la crise de financement du logement social et l'insuffisance du financement par l'Etat des prêts locatifs aidés (PLA) génèrent de fortes tensions sur le marché locatif pour les personnes modestes ou en difficulté.


La loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement présentée par M. Louis Besson, institue une forme de cogestion entre le préfet et le président du conseil général dans le domaine du logement pour les personnes défavorisées. Un plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) doit être élaboré par l'Etat et par le département : il récapitule les mesures qui doivent permettre aux personnes en difficulté d'accéder à un logement indépendant ou de s'y maintenir : en particulier, le PDALPD " analyse les besoins et fixe par bassin d'habitat les objectifs à atteindre en matière de logement notamment (...) par la création d'une offre supplémentaire de logements et la mise en place d'aides spécifiques ".

Le plan est complété par un mécanisme financier spécifique -le fonds de solidarité pour le logement (FSL)- destiné à accorder des aides financières aux locataires ou aux candidats locataires.

De même que les fonds d'aide aux jeunes qui seront institués en 1992, les FSL sont financés à parité par l'Etat et le département , ce dernier étant tenu de compléter le niveau de la subvention déléguée par l'Etat à partir de la dotation annuelle inscrite chaque année en loi de finances.

Un autre instrument est mis en place en vue de favoriser l'attribution de logements locatifs sociaux du secteur des HLM aux personnes et familles défavorisées : le protocole d'occupation du patrimoine social (POPS) doit ainsi fixer des objectifs d'accueil de personnes en difficulté dans le parc social " lorsque la situation l'exige ". Il est conclu entre le préfet, les représentants des collectivités territoriales et des organismes d'HLM " à l'initiative d'au moins deux des partenaires ".

Lorsqu'un POPS, demandé par le préfet, n'est pas conclu en six mois, celui-ci peut désigner les ménages devant être impérativement logés par les organismes d'HLM, ces désignations s'imputant sur les droits à réservation du préfet dans le département ( art. L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation dans la rédaction issue de l'article 15 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 ).


La loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville (LOV) va imposer à certaines catégories de communes des contraintes particulières en matière de gestion de leur habitat.

Dès son article premier, la loi précitée met l'accent sur le principe du retour à l'intervention de l'Etat en matière d'équilibre de l'habitat : " afin de mettre en oeuvre le droit à la ville, les communes, les autres collectivités territoriales et leurs groupements, l'Etat et leurs établissements assurent à tous les habitants des villes des conditions de vie et d'habitat favorisant la cohésion sociale et de nature à éviter ou à faire disparaître les phénomènes de ségrégation ".

L'article 3 ajoute que " la réalisation de logements sociaux est d'intérêt national et que les communes ou leurs groupements doivent (...) permettre la réalisation de ces logements " .

Afin de garantir les objectifs, la LOV impose la réalisation d'un programme local de l'habitat (PLH) ainsi qu'une norme quantitative de réalisation de logements sociaux à certaines catégories de communes. Il s'agit de celles qui sont comprises dans une agglomération de plus de 200.000 habitants, dont la proportion de logements sociaux ne dépasse pas 20 % et dont le taux d'allocation-logement ne dépasse pas 18 % par rapport au nombre de résidences principales.

Les communes concernées doivent impérativement établir dans un cadre intercommunal un programme local de l'habitat définissant pour cinq ans " les objectifs et principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements " .

Le préfet joue un rôle important dans cette procédure : il est chargé de transmettre aux communes " toutes informations utiles " ainsi que " les objectifs locaux à prendre en compte " en matière de diversité de l'habitat et de répartition équilibrée des différents types de logements : le préfet peut éventuellement adresser des demandes motivées de modification à l'EPIC. L'aide financière de l'Etat en matière d'habitat et d'action foncière est conditionnée par l'adoption du PLH.

Au vu du PLH, les communes concernées doivent en outre s'engager à procéder aux actions foncières et aux acquisitions immobilières nécessaires pour réaliser un nombre minimal de logements sociaux en fonction du nombre de logements. Une pénalité financière est prévue en cas de non-respect de l'objectif sous forme d'une contribution communale représentant 1 % de la valeur locative imposée au titre de la taxe foncière. La procédure, extrêmement lourde, s'avérera difficile à mettre en oeuvre.

Par ailleurs, en l'absence de PLH, le préfet peut exercer par substitution au nom de l'Etat le droit de préemption urbain dans la commune.

b) Un cadre contraignant pour les collectivités locales

Or le cadre de cette cogestion est apparu contraignant pour les collectivités locales et peu respectueux de leur liberté de décision.

Comme l'attestent les deux exemples exposés ci-dessus, les dispositifs législatifs ont soit imposé aux collectivités locales des actions conditionnées par les décisions de l'Etat, soit ménagé à ce dernier la faculté de faire prévaloir son point de vue.

Le contrat, instrument privilégié de la cogestion, s'est développé dans un cadre inégalitaire, au détriment des collectivités locales. Votre rapporteur exposera, ci-dessous, de manière plus détaillée cette logique contractuelle inégalitaire .

Au total, cette déviation de la logique initiale s'est traduite par une intervention accrue de l'Etat là où il aurait dû se recentrer sur ses fonctions essentielles et par un encadrement plus strict des conditions d'exercice des compétences locales, là où l'initiative et la responsabilité des acteurs publics locaux auraient dû prévaloir.

Cette situation n'est pas satisfaisante au regard de l'efficacité de l'action publique , laquelle exige une meilleure définition du rôle respectif des différents acteurs. Elle n'est pas non plus satisfaisante pour le citoyen et le contribuable local qui sont en droit d'identifier les responsables des actions publiques et de connaître précisément quelle est la destination de la contribution qui leur est demandée.

Des dispositifs plus récents aggravent cette situation en favorisant une véritable recentralisation des compétences.

2. ... A la recentralisation des compétences

a) Des dispositifs coercitifs

A des dispositifs organisant la cogestion des compétences dans un cadre inégalitaire assurant la prédominance de l'Etat, s'ajoutent désormais des dispositifs qui n'hésitent pas à permettre une recentralisation des compétences au profit d'un Etat qui serait seul à même d'assurer la bonne exécution de la loi.

Votre rapporteur prendra l'exemple des dispositions prévues par la loi de lutte contre les exclusions, par la loi relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage et par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions

La loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a fait l'objet d'un large accord au sein des deux assemblées. Il reste que le Sénat, par la voix de son rapporteur, M. Bernard Seillier, avait souligné que les dispositifs prévus par le texte s'éloignaient souvent de l'esprit de la décentralisation.

La loi renforce les pouvoirs des préfets en matière de politique de l'habitat .

Tout d'abord, les mécanismes d'attribution des logements sociaux sont révisés afin de faciliter l'accès au logement des ménages aux ressources modestes ou défavorisés, en donnant une autorité plus grande au préfet en ce domaine.

Au dispositif à caractère contractuel des protocoles d'occupation du patrimoine sociale (POPS) est substitué un mécanisme institutionnel et réglementaire : la conférence intercommunale du logement (CIL).

Ces dernières sont inspirées des conférences communales du logement qui avaient été rendues obligatoires pour toutes les communes comprenant sur leur territoire une ou plusieurs zones urbaines sensibles par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 portant mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville . Présidée par le maire, ou en cas de carence par le préfet, la conférence communale devait élaborer une charte communale des attributions de logement en vue d'améliorer l'équilibre résidentiel et veiller à son application. Les conférences pouvaient être constituées au niveau intercommunal à la libre initiative des communes concernées.

A l'inverse, les conférences prévues par la loi du 29 juillet 1998 sont exclusivement intercommunales et leurs prescriptions sont plus précises.

En effet, la CIL est chargée d'établir la charte intercommunale du logement (CIL) définissant la répartition des objectifs départementaux quantifiés d'accueil des personnes défavorisées dans le parc de logements locatifs sociaux du bassin d'habitat relevant de l'organisme intercommunal.

L'Etat à travers l'action des préfets joue un rôle essentiel à tous les échelons de la procédure de constitution de la conférence. Il délimite le contour des bassins d'habitat et donc le périmètre intercommunal de la CIL autour des communes dotées d'une zone urbaine sensible ou comportant un parc de logements sociaux représentant plus de 20 % des résidences principales ; l'Etat est représenté au sein de la CIL au sein de laquelle les maires des communes concernées sont réunis avec les bailleurs sociaux, les représentants des associations d'aide au logement et les organismes collecteurs du " 1 % logement " ; le préfet préside la CIL en cas de carence du maire président ; le préfet transmet à la CIL l'objectif quantifié d'accueil des personnes défavorisées dans le bassin d'habitat qu'il a négocié préalablement au niveau départemental avec les organismes d'HLM  à charge pour la CIL d'en assurer la " déclinaison " locale ; enfin, en cas de refus de constitution de la CIL ou de carence de celle-ci, le préfet peut prononcer lui-même les attributions en relations avec les organismes HLM intéressés.

Par ailleurs, dans le domaine de l'habitat, la loi institue une nouvelle procédure de réquisition de logements vacants depuis plus de 18 mois, entièrement sous le contrôle du représentant de l'Etat

En matière de renforcement de la cogestion , la loi prévoit des contraintes plus précises en matière de gestion des fonds spécifiques à financement paritaire obligatoire que sont le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) et le Fonds d'aide aux jeunes (FAJ).

De plus, concernant la formation professionnelle , on notera le rôle d'impulsion joué par l'Etat auprès des régions en faveur de la formation des jeunes de 16 à 25ans confrontés à un risque d'exclusion professionnelle à travers la mise en oeuvre du programme " trajet d'accès à l'emploi " (TRACE).

Enfin, confirmant le principe de la cogestion en matière sociale, le texte prévoit un nouveau comité paritaire coprésidé par le préfet et le président du conseil général : le comité départemental de coordination des politique de prévention et de lutte contre l'exclusion.

La loi relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage

Cherchant à remédier aux insuffisances du dispositif issu de la loi du 31 mai 1990 relative à la mise en oeuvre du droit au logement, la loi donne une nouvelle définition du schéma départemental d'accueil des gens du voyage, institue des commissions consultatives départementales, précise les obligations des communes et prévoit des dispositions financières destinées à faciliter la réalisation et la gestion des aires d'accueil. Il renforce parallèlement les moyens à la disposition des maires pour faire cesser le stationnement illicite.

Plusieurs de ses dispositions peuvent être rapprochées - au moins dans leur inspiration - de celles qui figuraient dans la proposition de loi adoptée par le Sénat, le 6 novembre 1997. Elles s'en démarquent néanmoins, pour certaines d'entre elles, par un caractère contraignant voire coercitif qui n'est pas conforme au principe du partenariat entre l'Etat et les collectivités locales, qui doit animer la prise en charge de l'accueil des gens du voyage.

L'article premier de la loi prévoit que le schéma départemental sera élaboré conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général, après avis des conseils municipaux des communes concernées et d'une commission consultative départementale. Il devra ensuite être approuvé par le représentant de l'Etat et par le président du conseil général dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi. Passé ce délai, le représentant de l'Etat pourra approuver seul le document, lequel fera l'objet d'une publication.

L'article 3 de la loi reconnaît au représentant de l'Etat un pouvoir de substitution dans le cas où une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n'aurait pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental. Ce pouvoir de substitution pourra être exercé après mise en demeure restée sans effet pendant trois mois . Le représentant de l'Etat pourra alors acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires d'accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale défaillant.

Les dépenses d'acquisition, d'aménagement et de fonctionnement correspondantes seront considérées comme des dépenses obligatoires pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, lesquels deviendront de plein droit propriétaires des aires, à dater de l'achèvement des aménagements.

Le Sénat s'est opposé fermement à ces dispositions, adoptées en lecture définitive par la seule Assemblée nationale. Comme l'a parfaitement souligné notre collègue le président Jean-Paul Delevoye, rapporteur de ce texte au nom de la commission des Lois, le rôle dévolu aux collectivités locales ne pouvait être conçu et mis en oeuvre que dans le respect des principes de la décentralisation qui en font des acteurs pleinement responsables dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par la loi.

Peut-on encore considérer que les collectivités locales sont dotées d'" attributions effectives ", si l'Etat peut se passer de leur accord dans le domaine de compétences que la loi leur attribue, de manière exclusive ou conjointement avec l'Etat, en approuvant seul le schéma départemental ou en exerçant un pouvoir de substitution pour la réalisation des aires d'accueil ?

De telles mesures coercitives traduisent une interprétation erronée de l'article 72 de la Constitution. Elles ne peuvent que nourrir des contentieux et des tensions auxquelles le législateur doit précisément avoir pour objectif de mettre un terme.

Si l'Etat considérait que les collectivités locales n'étaient pas en mesure d'assurer la prise en charge de l'accueil des gens du voyage, il lui revenait d'en tirer toutes les conséquences, en prenant en charge directement et de manière exclusive cette mission.

Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains

Le titre II du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, intitulé " Conforter la politique de la ville " rassemble notamment des " dispositions relatives à la solidarité entre les communes en matière d'habitat " ( articles 25 à 34 ).

Il fixe un objectif de 20% de logements locatifs sociaux pour chaque commune de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants en Ile-de-France) comprise, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50.000 habitants avec au moins une commune centre de plus de 15 000 habitants.

Un prélèvement automatique sera opéré sur les ressources fiscales des communes ne satisfaisant pas à cet objectif. Ce prélèvement sera proportionnel au nombre de logements manquants par rapport au seuil de 20 % (1 000 francs par logement). Il ne pourra excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Seront néanmoins exonérées du prélèvement prévu par le projet de loi les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et sur le territoire desquelles on recense déjà 15 % de logements sociaux. En outre, les communes pourront déduire du prélèvement le montant des dépenses exposées pour atteindre l'objectif. Pour les communes disposant de ressources financières élevées, le texte prévoit une progressivité de la pénalité en fonction du potentiel fiscal .

Lorsque la commune est membre d'une communauté urbaine, d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté de communes compétente pour effectuer des réserves foncières en vue de la réalisation de logements sociaux et lorsque cette communauté est dotée d'un programme local de l'habitat, le montant du prélèvement sera versé à la communauté . Il sera utilisé pour financer des acquisitions foncières et immobilières en vue de la réalisation de logements sociaux. A défaut, le montant du prélèvement sera versé à un établissement public foncier et, à défaut d'établissement public foncier, à un fonds d'aménagement urbain affecté aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale pour des actions foncières et immobilières en faveur du logement social.

Le projet de loi précise que si une commune appartient à une structure intercommunale compétente en matière de programme local de l'habitat, c'est celui-ci qui fixera l'objectif de réalisation de logements sociaux de cette commune, par périodes triennales. L'objectif de logements à construire pour chaque période triennale est calculé à partir de la différence entre l'objectif de 20% à atteindre et le stock de logements sociaux recensés sur le territoire de la commune. L'objectif de réalisation sur trois ans ne peut être inférieur à 15 % du nombre de logements manquants, ce qui permettra d'atteindre l'objectif final en vingt ans.

Un bilan devra être établi à l'issue de chaque période triennale par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de programme local de l'habitat. Ce bilan sera communiqué au conseil départemental de l'habitat. Si, au vu de ce bilan, il apparaît que les engagements en matière de constructions de logements sociaux n'ont pas été tenus, le préfet, après avis du conseil départemental de l'habitat, prendra un arrêté motivé constatant la carence de la commune. A compter de cet arrêté, le prélèvement opéré sur les ressources fiscales de la commune sera doublé , sans pouvoir excéder 10% du montant des dépenses réelles de fonctionnement.

En outre, l'Etat pourra se substituer aux communes défaillantes. Il passera une convention avec un organisme pour la construction ou l'acquisition-réhabilitation de logements sociaux en vue de la réalisation de l'objectif fixé par la loi. Si l'Etat verse une subvention foncière, une dépense égale sera mise à la charge de la commune, qui s'ajoutera au montant du prélèvement majoré. L'Assemblée nationale a rendu obligatoire l'intervention du préfet qui ne disposera plus, en conséquence, d'un pouvoir d'appréciation en fonction du contexte local.

Comme l'a souligné le Sénat, sur les rapports de nos collègues MM. Louis Althapé, au nom de la commission des Affaires économiques, saisie au fond, Pierre Jarlier, au nom de la commission des Lois, et Jacques Bimbenet, au nom de la commission des Affaires sociales, saisies pour avis, l'ensemble de ce dispositif privilégie une démarche coercitive , traduisant une suspicion marquée à l'égard des collectivités locales. Il ne prend pas en compte la diversité des situations locales. Il prévoit des dispositions qui ne peuvent s'accorder avec la logique de la décentralisation . Il omet la responsabilité que doit assumer l'Etat pour apporter les financements nécessaires . Il ignore les difficultés auxquelles certaines communes déjà très urbanisées sont confrontées pour consacrer des espaces constructibles aux logements sociaux. Il méconnaît le " parcours résidentiel " aboutissant à l'accession sociale à la propriété .

Le Sénat a, pour sa part, adopté un dispositif privilégiant le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale pour apprécier la réalité des efforts des communes en faveur du logement social.

Il a prévu la mise en oeuvre de l'obligation de disposer de 20 % de logements sociaux par rapport aux résidences principales s'appuierait sur la prise en compte des besoins à partir d'un diagnostic des territoires concernés. Ce diagnostic serait réalisé dans le cadre des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme. Ce diagnostic se traduirait dans les objectifs retenus par ces documents d'urbanisme ainsi que dans la programmation prévue par les programmes locaux de l'habitat.

Les structures intercommunales joueraient un rôle majeur pour mettre en oeuvre ces différents objectifs, dans le cadre des compétences qui leur ont été confiées par le législateur. A cette fin, elles s'engageraient dans un contrat d'objectifs avec l'Etat, afin d'assurer une démarche partenariale . Il reviendrait à l'Etat de définir, dans ce cadre, les financements qu'il compte assurer.

C'est dans ce cadre territorial et contractuel ainsi défini que seraient envisagées une contribution des communes et établissements publics de coopération intercommunale ne respectant pas l'objectif fixé par le législateur et, le cas échéant, des pénalités conventionnelles lorsque les engagements conventionnels n'auraient pas été respectés.

Le Sénat a, en revanche, supprimé les dispositions du projet de loi prévoyant un prélèvement sur les recettes fiscales communales et permettant au représentant de l'Etat de se substituer aux communes.

Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains sera définitivement adopté par le Parlement à l'automne 2000.

b) Une présomption inacceptable : l'incapacité des collectivités locales à appliquer la loi

L'esprit de la décentralisation est bien de promouvoir un Etat recentré sur ses compétences essentielles, laissant aux collectivités locales le soin de prendre en charge les autres domaines de compétences.

Ce choix est un pari sur l'efficacité de la gestion publique : parce que les compétences sont exercées au niveau adéquat, elles sont gérées da la manière la plus efficace.

C'est aussi un pari démocratique : l'Etat tutélaire accepte que le processus de décision se rapproche du citoyen et que les décisions publiques prises par des collectivités de proximité puisse être soumises à un contrôle plus effectif de la part de ce dernier.

Ce double pari suppose l'acceptation d'un triptyque " liberté d'initiative, diversité, responsabilité " qui doit être au coeur de l'action publique locale. Dès lors que ce triptyque n'est plus respecté, c'est l'esprit même de la décentralisation qui est remis en cause.

Respecter cette règle du jeu constitue une exigence forte pour l'Etat. Le rapport " Vivre ensemble " avait parfaitement exprimé la portée d'une telle exigence en faisant valoir que même pour des compétences partagées entre l'Etat et les collectivités locales, ces dernières devaient disposer d'une certaine marge d'appréciation et que le niveau de service devait dépendre de l'appréciation localement portée par les élus et jugée par les électeurs. Le rapport en concluait que " même pour des compétences partagées, et guidées par l'Etat, le rôle dominant sera celui des institutions locales. " 159( * )

Or les dispositifs les plus récents témoignent que l'Etat accepte de moins en moins de s'inscrire dans cette " nouvelle donne " que constitue la décentralisation.

L' " Etat contractuel à la française " cède progressivement la place au retour d'un Etat tutélaire qui non seulement dicte aux collectivités locales ce qu'elles doivent faire mais s'arroge aussi le pouvoir de se substituer à elles quand il estime qu'elles ne remplissent pas correctement les obligations qu'il a lui-même définies.

Ce faisant, l'Etat reproduit les travers qui avaient été précisément dénoncés au moment des lois de décentralisation.

Il n'est pas inutile de relever que les motivations avancées à l'appui de cette nouvelle posture sont le plus souvent les mêmes que celles qui avaient fondé la démarche de l'Etat dans les années qui avaient précédé la décentralisation.

Le souci d'assurer l'égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire justifierait l'édiction de dispositifs uniformes au niveau national, l'Etat devant disposer de moyens de contrainte pour s'assurer que les collectivités se conforment bien à ce schéma unique.

Or paradoxalement, imposant cette règle d'uniformité aux collectivités locales, l'Etat n'hésite pas à s'en dispenser pour la mise en oeuvre de ses propres actions territoriales.

Peut-on dire, par exemple, que l'Etat assure l'égalité de traitement des citoyens sur toutes les parties du territoire en matière de sécurité ?

Ce positionnement de l'Etat exprime également une conception, que votre mission d'information entend fermement dénoncer, selon laquelle l'Etat serait seul à pouvoir définir l'intérêt général et à en être le garant sur l'ensemble du territoire.

Or collectivités publiques à part entière, disposant de la légitimité démocratique et soumises au contrôle des citoyens, les collectivités locales sont également en charge de l'intérêt général.

Il n'est donc pas acceptable qu'avant même l'adoption de nouveaux dispositifs leur imposant des obligations spécifiques, elles soient soupçonnées de ne pas vouloir les appliquer.

Votre mission d'information entend dénoncer fermement ce mauvais procès fait aux collectivités locales.


Le recours à la loi pour imposer aux collectivités locales, malgré l'opposition du Sénat, qui en vertu de la Constitution en assure la représentation, des dispositifs contraignants éloignés de l'esprit de la décentralisation, remet par ailleurs en cause l'idée communément partagée lors de l'adoption des lois de répartition des compétences, selon laquelle l'inscription des " règles du jeu " dans la loi constituait une garantie pour les collectivités.

II. UNE LOGIQUE CONTRACTUELLE INÉGALITAIRE

" Lieu après lieu, depuis quelques décennies, le panorama des méthodes des politiques publiques s'est, de fait, modifié progressivement en France (...). De tous côtés, des changements diversifiés semblent aller dans un même sens : la négociation plus explicite de l'action publique et la multiplication des contrats dans les politiques publiques ".

C'est en ces termes qu'un récent ouvrage, au titre explicite : " Gouverner par contrat " 160( * ) résume l'essor récent des procédures contractuelles dans le champ de l'action publique. Ni la liberté contractuelle des personnes publiques, ni le principe de la contractualisation entre ces personnes ne sont d'ailleurs des nouveautés juridiques.

La contractualisation n'est pas par essence contraire à la décentralisation. Elle peut au contraire apparaître comme son corollaire naturel et indispensable . Le lien contractuel implique, en effet, la liberté et l'égalité des parties, au contraire de la tutelle, relation verticale de subordination. Il est, dans ce sens, la condition et la manifestation de l'émancipation des collectivités territoriales et l'expression même d'une nouvelle organisation des pouvoirs.

Contractualisation et décentralisation seraient, dans cette optique, comme les deux faces d'une même médaille, l'une étant l'expression du nouvel ordre juridique institué par l'autre .

C'est donc bien plutôt dans ses modalités que dans son principe que le procédé contractuel peut remettre en cause certains des acquis de la décentralisation.

L'ampleur prise par le phénomène contractuel -pour ne pas dire sa prolifération récente-, particulièrement dès qu'il s'agit d'associer, dans des actions communes, l'Etat et les collectivités locales, n'est en effet pas sans conséquences sur l'équilibre de la décentralisation, tant en raison de la nouvelle répartition de fait des compétences -ou plutôt de leur financement- que la contractualisation induit, qu'à cause de l'asymétrie des relations contractuelles entre les parties.

Cette multiplication des instruments conventionnels s'est, par ailleurs, accompagnée de leur banalisation : un récent article de doctrine 161( * ) mettait ainsi en lumière " une sorte de mode contemporaine qui habille du terme " contrat " des procédures de concertation, qui présupposent ou expriment des accords de volonté de la part des personnes publiques, mais qui n'entraînent par elles-mêmes aucun effet juridiquement obligatoire . (...). Les illustrations actuelles du phénomène ne manquent pas, du " caractère platonique " des contrats de plan Etat-régions aux très récents contrats locaux de sécurité ". Cette évolution a parfois porté préjudice aux collectivités locales qui se sont ainsi vues privées du recours qu'implique une véritable relation contractuelle.

A. L'IMPORTANCE CROISSANTE DES TECHNIQUES CONTRACTUELLES

Parmi les procédures contractuelles, les contrats de plan Etat-régions figurent sans doute, par l'importance des sujets traités et par la masse des financements engagés, au premier rang en termes d'impact sur l'équilibre de la décentralisation française.

1. Les contrats de plan Etat-régions : une enveloppe financière considérable en partie seulement prise en charge par l'Etat

a) La contractualisation décentralisée, héritière de " l'ardente obligation " nationale

Depuis leur institution par les lois de décentralisation, et en particulier par la loi 162( * ) du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, qui dispose que " l'Etat peut conclure avec les collectivités territoriales, les régions, les entreprises publiques ou privées et éventuellement d'autres personnes morales, des contrats de plan comportant des engagements réciproques des parties ", en vue de l'exécution du plan de la Nation, quatre générations de contrats de plan Etat-régions se sont succédées.

Ces contrats de plan, initialement conçus comme une application du plan national, ont progressivement été, méthodologiquement et juridiquement, disjoints de la planification nationale , à laquelle ils ont survécu, au point d'être aujourd'hui le principal instrument stratégique du développement territorial de notre pays. Le dernier exercice de planification nationale remonte en effet au Xème plan (1989-1993). La loi précitée d'aménagement du territoire du 25 juin 1999 a, en outre, supprimé le " schéma national d'aménagement et de développement du territoire ", document de synthèse des divers schémas sectoriels d'aménagement du territoire, qui aurait dû être adopté par la voie législative 163( * ) . Votre Haute assemblée a vivement regretté la suppression de cet outil, démocratiquement délibéré, de mise en cohérence de la politique d'aménagement du territoire, à son sens indispensable.

b) Des financements croissants, répartis entre plusieurs partenaires

Quelques chiffres permettront de prendre la mesure de l'importance des contrats de plan, mais aussi de l'engagement financier respectif des différents partenaires .

La première génération de contrats de plan a couvert la période quinquennale de 1984 à 1988, la deuxième celle de 1989 à 1993, la troisième génération devait s'appliquer aux années 1994 à 1998, mais a en réalité été unilatéralement prolongée par l'Etat et s'est achevée en 1999. Au cours de ces trois périodes, les engagements financiers de l'Etat ont fortement augmenté en volume, puisqu'ils sont passés, pour l'ensemble des régions métropolitaines, de 41,9 164( * ) à 56,6 puis à 77,3 milliards de francs. Ils ont cependant diminué en valeur relative , leur part ayant évolué de 59,9 % à 55,4 %, puis à 52,1 % du montant total des contrats, du fait de l'engagement croissant des autres partenaires.

En moyenne annuelle, d'après le rapport public 1998 de la Cour des Comptes, qui a analysé l'exécution de la troisième génération de contrats de plan, ces crédits ont représenté pour l'Etat 18,6 % ou 15,5 % des autorisations de programme civiles ouvertes en loi de finances initiale, selon que l'on retient une période de cinq ou six ans ; la proportion est beaucoup plus forte dans certains secteurs, comme celui des routes (62 %).

L'apport global des régions , d'un montant de 71,3 milliards de francs pour la troisième génération, n'est que très légèrement inférieur à celui de l'Etat. Si l'on fait abstraction de la situation exceptionnelle de l'Ile-de-France, où la contribution de la région est de plus du double de celle de l'Etat (23,2 contre 11,2 milliards de francs), la part des autres régions est de 42 % en moyenne.

Lors de leur 69 e Congrès, en octobre dernier, consacré aux politiques contractuelles, les départements indiquaient par ailleurs avoir participé à hauteur de 18 milliards de francs au financement des contrats de plan 1994-1999.

A ces crédits s'ajoutent des fonds européens, ainsi que les contributions des autres partenaires (communes, établissements publics locaux...), qui portent le total des participations locales à un niveau supérieur à celui de l'Etat.

Lors de la récente table ronde 165( * ) sur les contrats de plan Etat-régions organisée par la Délégation du Sénat à l'aménagement du territoire, M. Michel Delebarre, président du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, développait un exemple particulièrement révélateur du poids financier respectif des différents contributeurs à certaines actions du contrat de plan entre l'Etat et cette région.

Pour les crédits consacrés aux routes nationales -qui relèvent d'une compétence de l'Etat- ce dernier soulignait que la part de l'Etat était rarement consommée en totalité et que, de surcroît, bien souvent, la contribution du co-contractant régional était appelée avant la sienne. Il estimait que cette méthode " donne aux collectivités territoriales, à la région en particulier, un sentiment un peu curieux. [...] Parfois, nous assurons un peu la trésorerie de l'Etat dans la mise en oeuvre des crédits routiers. "

M. Delebarre poursuivait : " sur les crédits routiers, 27 % sont une contribution de la région, 27,5 % du département, il y a une contribution de l'intercommunalité et une autre de la commune. L'Etat récupère la TVA sur l'ensemble. Je me suis demandé s'il ne gagnait pas de l'argent sur la mise en oeuvre des routes ! Je reconnais que l'image est caricaturale, mais c'est une mise en oeuvre un peu curieuse. Reconnaissons-le. "

Cet exemple illustre, d'ailleurs, nombre de défauts méthodologiques de la contractualisation Etat-régions (transfert de charges ; brouillage des compétences ; inexécution des engagements pris ; inégalité contractuelle...) qui seront plus longuement développés ci-après.

En comptabilisant la participation des diverses parties, les contrats de plan mettent en jeu des sommes importantes.

C'est ainsi un montant, considérable, de 220 milliards de francs 166( * ) -soit plus du triple de la première génération- qu'auront mobilisé les contrats de plan pour la période 1994-1999.

Pour la nouvelle génération de contrats , portant sur la période 2000 à 2006, l'engagement de l'Etat devrait s'élever à 120 milliards de francs 167( * ) , pour une participation des régions estimée à 110 milliards de francs , à laquelle s'ajoutent les contributions des autres collectivités. Rappelons que l'enveloppe des fonds structurels devrait, quant à elle représenter, sur la période, environ 100 milliards de francs de financements pour notre pays.

A ce propos, toujours lors de la table ronde sur les contrats de plan organisée par la Délégation à l'aménagement du territoire du Sénat, le Président du Conseil régional Nord-Pas de Calais faisait observer que des crédits communautaires avaient parfois financé des engagements pris par l'Etat dans le cadre des contrats de plan. Il estimait ainsi : " Il n'est pas pensable que les premiers (les crédits communautaires) viennent se substituer aux seconds (les fonds de l'Etat) dans certaines opérations. Or, dans les années passées, combien d'opérations avons-nous vu engagées avec une absence de crédits d'Etat et des crédits européens présentés comme étant la contrepartie d'Etat ? Nous souhaitons que la lecture de l'addition des crédits européens soit très précise, très transparente et très lisible ".

Force est de constater que l'Etat n'est donc qu'un financeur parmi d'autres, bien qu'il conserve de fait la maîtrise du pilotage du système .

S'agissant des seules dotations de l'Etat pour la prochaine génération, leur répartition a été arrêtée, en novembre dernier, de la façon suivante :

CONTRATS DE PLAN 2000-2006 :
MONTANT DE LA CONTRIBUTION DE L'ETAT

 

En millions
de francs

en francs
par habitant

Alsace

3 440

1 989

Aquitaine

4 794

1 652

Auvergne

3 937

3 012

Bourgogne

3 293

2 046

Bretagne

6 000

2 067

Centre

4 040

1 658

Champagne Ardenne

2 409

1 796

Corse

1 631

6 371

Franche Comté

4 177

3 744

Ile de France

19 895

1 821

Languedoc Roussillon

5 001

2 181

Limousin

3 033

4 272

Lorraine

6 302

2 730

Midi Pyrénées

6 387

2 506

Basse Normandie

3 777

2 659

Haute Normandie

4 054

2 281

Pays de la Loire

4 726

1 468

Picardie

3 012

1 623

Poitou Charentes

3 750

2 290

PACA

8 095

1 801

Rhône Alpes

9 063

1 609

Total métropole

121 293

2 076

Guadeloupe

1 284

3 046

Guyane

1 221

7 762

Martinique

1 119

2 933

Réunion

2 016

2 859

Total DOM

5 640

3 386

Total métropole + DOM

126 933

2 113

En ce qui concerne la part relative des différents ministères dans ces crédits contractualisés, trois d'entre eux représentent plus des deux tiers de l'enveloppe totale : l'équipement (38,4 % du total), l'éducation nationale (17,9 %), et l'agriculture (8,8 %).

Malgré leur masse financière et leur importance stratégique, les contrats de plan Etat-régions ne sont pas les seuls instruments juridiques de partenariat entre les collectivités locales et l'Etat. Au contraire, les autres formes contractuelles ont eu tendance à se multiplier. Cette prolifération devrait même connaître, avec la récente loi d'aménagement du territoire, une accélération.

2. Les contrats de ville ou la tentative de rationalisation d'une politique foisonnante

a) Une prolifération à laquelle la contractualisation n'a pas totalement mis fin

La politique de la ville, par nature interministérielle, concerne en outre, du fait de la multiplicité des sujets -sécurité, éducation, équipement, habitat, économie et emploi, justice...- un grand nombre d'acteurs, au premier rang desquels figurent les collectivités territoriales, en association avec l'Etat.

Depuis 20 ans, chacun s'accorde sur la nécessité d'une globalisation de cette politique ; aussi a-t-elle été l'un des lieux privilégiés du développement d'abord de partenariats divers, puis d'une contractualisation plus systématique entre les différentes collectivités impliquées.

A compter du milieu des années 1970, les éléments d'une " politique de la ville " se sont progressivement mis en place, réalisant la synthèse de plusieurs actions dispersées. Avec la création d'un ministère de la ville en 1991 et le vote de la loi d'orientation pour la ville, la même année, la politique de la ville a acquis un statut, confirmé par la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville de 1996 168( * ) , de politique transversale, cohérente et, d'ailleurs, non partisane.

Afin de lutter contre la dégradation de cités HLM, les pouvoirs publics ont, dès 1977, créé un groupe de travail interministériel " habitat et vie sociale " (HVS). Ce groupe eut pour mission de financer une partie de l'aménagement de cinquante sites de banlieues et d'y réaliser un accompagnement social.

Malgré la prise de conscience qu'elle a suscitée, cette première tentative de décloisonnement de la politique des banlieues ne prit pas assez en compte l'environnement des quartiers et ne permit pas une implication suffisante des habitants, ni des élus locaux. En outre, elle était soumise à une procédure administrative assez rigide.

C'est la raison pour laquelle, en 1981, la Commission pour le développement social des quartiers fut créée afin d'agir sur les causes de la dégradation des quartiers, de faire des habitants des acteurs du changement et d'associer les collectivités à ces opérations.

A compter de 1984, l'instrument de la politique de la ville fut le comité interministériel des villes , placé sous la présidence du Premier ministre.

En 1988, l'Etat renforça la coordination de ce qui était désormais la " politique de la ville ". Un décret n° 88-1015 du 25 octobre 1988 créa le Conseil national des villes et du développement urbain ; un Comité interministériel des villes et du développement social urbain ; une Délégation interministérielle à la ville (DIV).

En 1990, un ministère de la ville , confié à un ministre d'Etat, fut créé afin de coordonner les initiatives.

Parallèlement au lancement de programmes nationaux, le Comité interministériel des villes s'appuya sur des programmes territoriaux , dans le cadre de conventions signées à l'échelon des quartiers et de la ville : conventions ville-habitat, contrats de ville, programmes d'aménagement concerté du territoire (ou PACT urbains).

Dès son rapport d'information sur la politique de la ville de 1992 169( * ) , le Sénat constatait l'éparpillement de cette politique et estimait que " malgré l'apparence trompeuse du vocabulaire, la politique de la ville n'existe pas et n'est que l'accumulation d'actions dispersées ".

Pourtant était parue, en 1989 une circulaire 170( * ) du ministre de l'équipement et du délégué interministériel à la ville à l'adresse des préfets " relative au développement de la politique contractuelle avec les collectivités locales " . Cette circulaire, estimant que la politique de la ville concerne tous les aspects de la vie quotidienne, invitait les services de l'Etat à systématiser la contractualisation de sa mise en oeuvre et indiquait que les actions à développer devaient être, pour l'essentiel, définies et mises en oeuvre dans un cadre contractuel, avec des contenus diversifiés adaptés aux réalités locales et négociées à l'échelon local. " Le cadre contractuel résulte de la nature des problèmes posés, qui nécessitent un traitement global, et de la superposition sur un même territoire de compétences et de responsabilités multiples ".

D'après ce texte, étaient invités à contractualiser, outre l'Etat et les collectivités locales, les bailleurs sociaux et privés, le mouvement associatif et " l'ensemble des acteurs qui font la ville " , terme au demeurant peu explicite. Cette circulaire précisait enfin -si on peut dire, compte-tenu de l'imprécision du propos !- que ces conventions devaient " prendre en compte " les engagements déjà souscrits dans les contrats de plan au titre du développement social des quartiers et qu'elles pourraient conduire à des " contrats de ville " à vocation plus exhaustive.

Ce texte estimait que les collectivités territoriales " devaient " , dans ce cadre , " contribuer activement aux opérations d'investissement -aménagement urbain, équipements, transports- , mais aussi et surtout aux actions permettant l'amélioration de la vie quotidienne " .

Il était toutefois fort opportunément rappelé que la faculté de contracter devait " naturellement " rester facultative, et ne pouvait résulter que d'une volonté commune ! C'est bien le moins...

D'abord expérimentés dans 13 sites pilotes, les contrats de ville ont été généralisés à compter de 1994. Fondés sur une approche globale (habitat, aménagement urbain, éducation, santé, prévention, développement économique), ils sont censés traduire l'élaboration d'un programme local commun aux différentes parties, de durée quinquennale, pour le développement et la réhabilitation des quartiers.

Mais leur généralisation n'a pas entièrement gommé le caractère foisonnant et presque brouillon de la politique de la ville . Qu'on en juge plutôt : sans parler de la problématique de l'articulation entre contrats de ville, contrats d'agglomération, contrats de pays et contrats Etats-régions, qui sera abordée ci-après, la politique de la ville " bénéficie " à elle seule de 3 procédures contractuelles jusqu'à présent distinctes : les contrats de ville, les programmes d'aménagement concertés du territoire (PACT urbains) et les " conventions de sortie " des opérations de quartiers du Xème plan. Ces procédures contractuelles s'accompagnent par ailleurs de programmes divers, tels les grands projets urbains 171( * ) , par exemple.

L'essor de la contractualisation a donc été parallèle non seulement à celui de la politique de la ville mais aussi, serait-on tenté de dire, à la complexité de cette dernière.

En ce qui concerne les contrats de ville, ils ont été reconduits et pérennisés. Alors que les crédits qu'y a consacré l'Etat pour la période 1994-1999 se sont élevés à 10,4 milliards de francs, cette enveloppe devrait être de 17,4 milliards de francs pour les contrats de ville devant être signés pour la période 2000-2006 172( * ) .

Il existait, fin 1999, 308 contrats de ville, concernant 934 communes et 1.310 quartiers. Trois cents contrats devraient être signés pour la période 2000-2006. Une circulaire 173( * ) du premier ministre sur les contrats de ville de la période 2000-2006 a récemment réaffirmé la place qu'ils sont, à son sens, appelés à avoir, indiquant que " le contrat de ville sera la procédure de contractualisation unique pour la politique de la ville ". Un effort de clarification de cette politique semble pourtant demeurer nécessaire , ne serait-ce que pour préciser l'articulation des différents contrats.

Malgré l'apparente clarté du postulat de la prééminence du contrat de ville comme instrument contractuel de cette politique, la même circulaire -relativisant ainsi l'apparente simplicité du dispositif- indique en effet que :

- les contrats de ville, conclus pour la même période que les contrats de plan, et n'ayant pas le même champ d'application géographique, " déclinent " les priorités de ces derniers pour la politique de la ville ;

- les contrats de ville " en agglomération " ont vocation à " s'insérer " dans les futurs contrats d'agglomération ;

- ils peuvent également être intégrés aux futurs " contrats de pays " ;

- ils doivent servir de " cadre naturel " à la discussion des conventions en vigueur dans le champ du développement social urbain, notamment celles concernant l'habitat, le désenclavement des quartiers, la sécurité, l'éducation, l'environnement, la culture, l'intégration, l'emploi et le développement économique, la santé et la lutte contre les toxicomanies, la jeunesse et les sports, la lutte contre l'exclusion et mettant en oeuvre les conventions prévues par l'article 156 de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

La longueur de la liste de ces procédures est édifiante !

b) Une politique partagée

Même s'il a parfois tendance à se présenter comme l'unique financeur de la politique de la ville, l'Etat est en réalité accompagné -voire précédé- dans son action par d'autres partenaires. Au-delà du principe d'une participation possible de divers acteurs -tels que les caisses d'allocations familiales, les offices HLM, les chambres de commerce et d'industrie, les caisses d'assurance maladie, les associations-, c'est bien l'engagement -financier notamment, mais pas seulement,- des collectivités locales qui s'avère particulièrement déterminant.

L'annexe budgétaire récapitulant l'effort financier consacré à la politique des villes estime ainsi à 3,8 milliards de francs pour 2000 la contribution des collectivités territoriales, somme importante s'agissant d'une politique de solidarité et de cohésion nationale et qui concerne, par définition, des communes aux ressources fiscales peu abondantes 174( * ) .

La répartition de sa prise en charge financière, illustrée dans le graphique suivant, montre d'ailleurs le poids non seulement des collectivités, mais aussi de l'Europe ou d'autres acteurs comme la Caisse des dépôts et consignations (CDC) :



Source : annexe budgétaire jaune sur la politique de la ville du projet de loi de finances pour 2000.

La participation des acteurs non étatiques, et en particulier des collectivités, est donc tout sauf anecdotique. Elle est à la mesure de l'engagement de ces dernières pour l'emploi et la cohésion sociale. Elle doit s'accompagner, en contrepartie, d'une véritable reconnaissance de leur rôle .

La récente circulaire du premier ministre rappelle d'ailleurs aux services de l'Etat que l'appui apporté par le conseil régional aux contrats de ville en constitue un élément déterminant et que les conseils généraux " doivent être pleinement associés à l'ensemble du processus ". Le premier ministre " souhaite que soit proposée à chaque conseil général la signature d'une convention particulière sur la politique de la ville, parallèlement au volet du contrat de plan Etat-région relatif à la politique de la ville , convention particulière qui pourra s'accompagner de la signature par les conseils généraux des contrats de ville. A ce niveau également, les compétences propres des conseils généraux devront être sollicitées, qu'il s'agisse en particulier de l'action sociale (aide sociale à l'enfance, fonctionnement des circonscriptions de travail social, protection maternelle et infantile, prévention spécialisée, actions d'insertion liées au revenu minimum et au logement des plus démunis) ou de la gestion des collèges ".

Il est assez révélateur de la nature de la contractualisation actuelle que le chef du Gouvernement ait jugé utile de rappeler à ses services de telles évidences...

L'association des départements à la signature des contrats de ville figure explicitement à l'article 27 de la loi précitée d'aménagement du territoire qui dispose qu'en application des contrats de plan Etat-régions, l'Etat et la région peuvent conclure avec les communes ou les groupements de communes un contrat de ville.

La liste des procédures contractuelles ne s'arrête pas aux contrats de ville : parmi celle-ci, et au-delà d'une multitude de conventions diverses et des contrats déjà cités, on ne peut passer sous silence la récente émergence des contrats locaux de sécurité.

3. Les contrats locaux de sécurité : un outil perfectible

a) Une procédure qui couvre une part croissante du territoire

Les grandes lignes de la politique des " contrats locaux de sécurité " (CLS) ont été définies lors d'un colloque tenu à Villepinte en octobre 1997 sur le thème : " Des villes sûres pour des citoyens libres ". Depuis, deux circulaires 175( * ) sont venues déterminer le cadre de l'organisation et du fonctionnement de ces contrats.

La " Rencontre nationale des CLS ", tenue au mois de septembre 1999 176( * ) a permis de réaliser un premier bilan de leur mise en place et de dénombrer 292 CLS, alors que 433 étaient, à cette date, en cours de négociation. Ce sont donc au total plus de 700 contrats qui seraient signés ou sur le point d'être conclus, dont plus de la moitié concerne les 26 départements considérés comme " très sensibles " par le ministère de l'intérieur, où 80 % des faits de délinquance sont constatés. Les CLS recouvrent, d'après le bilan dressé à cette occasion, 429 communes situées en " zone police ", dont la population est de 13 millions d'habitants, soit 45 % de la population de cette zone. En outre, les CLS en cours de préparation portent sur 406 communes, comportant 10 millions d'habitants, soit 35 % de la population située en " zone police ". C'est donc au total 80 % de la population de la zone dont la sécurité est confiée à la police nationale qui est concernée par la mise en oeuvre d'un CLS.

Le principe du CLS, exprimé dans la circulaire du 28 octobre 1997, est le suivant : la sécurité, estime le Gouvernement, " ne peut pas être l'affaire des seuls services de la police et de la gendarmerie nationale ", d'autant que le sentiment d'insécurité " ne résulte pas seulement du bon exercice de leurs missions " . Il dépend de nombreux autres facteurs : cohésion sociale, conscience civique, qualité de la vie urbaine qui relèvent, pour une part, des compétences des collectivités territoriales , mais aussi des " initiatives émanant de la société elle-même ". " C'est pourquoi il convient d'organiser un partenariat actif et permanent avec tous ceux qui, au plan local, sont en mesure d'apporter une contribution à la sécurité, notamment les maires et les acteurs de la vie sociale ".

Les CLS, qui concernent, en général, une commune ou un groupement de communes, comportent deux volets (prévention de la délinquance et conditions d'intervention de la police et de la gendarmerie) et visent à mobiliser les acteurs, à optimiser leur action et à améliorer l'efficacité de leurs relations et de leur répartition des tâches.

Ils sont élaborés conjointement par le préfet, le procureur de la république et le ou les maires concernés, en association avec le recteur d'académie. Ils sont signés par les trois premiers ainsi que, " s'il y a lieu, par le recteur d'académie, le président du conseil régional et le président du conseil général ".

Parmi les principales actions à entreprendre dans la cadre d'un CLS figurent des objectifs aussi larges que :

- l'apprentissage de la citoyenneté et l'enseignement de la morale civique ;

- la promotion d'une solidarité et d'une sûreté de voisinage ;

- le soutien aux actions locales de prévention à l'égard des jeunes en voie de marginalisation ;

- la non discrimination à l'embauche ;

- la prévention des toxicomanies , des violences urbaines, des phénomènes de bandes ;

- la prévention de la délinquance et de la violence aux abords des établissements scolaires et la prévention de la violence en milieu scolaire ;

- la prévention de la récidive , l'aide aux victimes, la médiation pénale ;

- l'aide à la génération adulte dans ses fonctions d'autorité et d'éducation à l'égard des jeunes ;

- la prise en compte de la sécurité dans la politique d'urbanisme ;

- la fixation d'objectifs en termes de présence des forces de police et de gendarmerie , d'accueil du public, de recueil et de suivi des plaintes.

L'Etat s'est initialement engagé, pour la mise en oeuvre des CLS, à créer des " emplois de proximité " : adjoints de sécurité auprès de la police nationale et agents locaux de médiation sociale.

Si le principe des CLS est celui d'une approche globalisée et non plus sectorielle du problème de l'insécurité, qui permet en théorie de proposer un traitement complet de cette question, force est de reconnaître que leur mise en oeuvre s'est heurtée à un certain nombre d'obstacles et a généré des dysfonctionnements.

b) Une méthodologie perfectible

Une évaluation 177( * ) de la mission interministérielle d'évaluation des CLS ainsi que les rencontres nationales des CLS organisées en septembre 1999 ont permis de mettre en évidence les principaux défauts méthodologiques de ces contrats .

On peut, notamment, citer l'insuffisance des diagnostics de sécurité initiaux, le problème du rythme de recrutement, mais aussi de la définition du rôle et de la qualification des agents locaux de médiation sociale. Par ailleurs, il semble que certains parquets, insuffisamment impliqués lors de la conclusion des contrats, n'aient en outre pas eu les moyens de fournir, qualitativement et quantitativement, la nouvelle réponse qui était attendue d'eux, sans parler des difficultés inhérentes à l'organisation territoriale des services de l'Etat -on pense notamment à la carte judiciaire des parquets des mineurs, mais aussi à la nécessité d'un redéploiement des forces de police et de gendarmerie-.

Les co-contractants de l'Etat n'ont pu, en outre, qu'être déçus par la modestie de l'effort supplémentaire en termes de moyens que ce dernier a été prêt à consentir dans le cadre de la conclusion des CLS, à tel point que M. Jean-Pierre Sueur, président de l'Association des maires de grandes villes de France, déclarait 178( * ) à propos du CLS de la ville d'Orléans, dont il est le maire : " Je ne signerai le contrat que lorsque j'aurai obtenu de la part de l'Etat des policiers supplémentaires dans les quartiers difficiles, dont les missions seront redéfinies et orientées vers une police de proximité. L'Etat ne peut pas défendre le statu quo concernant ses moyens dès lors qu'il signe un CLS avec une collectivité ".

Bien plus, les départements , quoique compétents notamment en matière de protection de l'enfance et de prévention spécialisée, deux thèmes pourtant essentiels des contrats locaux de sécurité, ont souvent été écartés de leur négociation et de leur signature.

Le rôle du département en matière de prévention spécialisée est défini à l'article 45 du code de la famille et de l'aide sociale :

" Art. 45. Dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles. Ces actions comprennent :

1° Des actions tendant à permettre aux intéressés d'assurer leur propre prise en charge et leur insertion sociale ;

2° Des actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu ;

3° Des actions d'animation socio-éducatives.
"

Cette situation, pour le moins paradoxale pour une démarche qui se veut globale et partenariale et, sans aucun doute, contraire à l'efficacité de l'action publique, a d'ailleurs motivé la rédaction d'une deuxième circulaire interministérielle en date du 7 juin 1999, dans laquelle il est expressément disposé que :

" Le partenariat avec les collectivités locales devra rechercher à associer plus étroitement les conseils généraux et notamment leurs services chargés de l'aide sociale à l'enfance et de la prévention spécialisée, ainsi que les conseils régionaux pour ce qui concerne la formation ".

La circulaire insiste, quelques paragraphes plus loin :

" Les préfets examineront avec les présidents de conseils généraux de quelle manière le développement des actions de terrain de la prévention spécialisée peut contribuer à la réalisation des objectifs figurant dans les contrats locaux de sécurité ".

Juste retour des choses dans un domaine où la contractualisation, loin d'avoir accompagné la décentralisation, en avait au contraire quelque peu nié les avancées !

4. Les autres contrats : quelle cohérence globale et quelle place pour les collectivités territoriales ?

Il serait fastidieux de prétendre ici dresser la liste exhaustive de l'ensemble des autres procédures contractuelles entre collectivités publiques.

Trois types de contrats méritent toutefois d'être cités. Il s'agit, d'abord, des " contrats de pays ", ensuite des " contrats d'agglomération " et, enfin, des " contrats de parcs naturels régionaux ".

Une circulaire du premier ministre 179( * ) puis -dans un ordre chronologique quelque peu surprenant car inverse à la hiérarchie des normes- la loi précitée du 25 juillet 1999, ont en effet ouvert, sous certaines conditions, la possibilité aux pays 180( * ) et aux agglomérations 181( * ) de conclure des " contrats particuliers " -terme au demeurant peu clair- en application du contrat de plan Etat-région. De même, les parcs naturels régionaux se sont vu ouvrir la faculté de contractualiser avec l'Etat et une ou plusieurs régions 182( * ) .

C'est en 2003, échéance fixée pour la révision à mi-parcours des fonds structurels et des contrats de plan Etat-régions, que devrait être achevée cette contractualisation " particulière " une fois les différentes " chartes " de ces structures adoptées.

Outre les dangers, en termes d'incohérence et d'inefficacité, que ce foisonnement laisse redouter, la reconnaissance législative d'une capacité contractuelle à des structures qui ne sont pas des niveaux d'administration en tant que tels ne peut que laisser perplexe. Elle contribuera sans doute à diluer et brouiller encore un peu plus le dialogue contractuel entre l'Etat et les collectivités locales, déjà biaisé par une certaine asymétrie des partenaires.

B. LA RUPTURE DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES CONTRACTANTS

" Le système de relations contractuelles entre collectivités publiques actuellement en vigueur est, il est vrai, davantage placé sous le signe des rapports de force, et d'une certaine opacité , que sous celui du droit et de la transparence. [...] Il faut [...] éviter que le partenariat ne se traduise par l'assujettissement des partenaires les plus faibles ". C'est en ces termes que le Conseil d'Etat, dans son rapport public de 1993 consacré au thème " Décentralisation et ordre juridique " caractérisait l'équilibre -ou plutôt le déséquilibre- contractuel entre l'Etat et les collectivités locales.

Il n'est en effet pas douteux que, tant par sa méthode que du fait des matières traitées, la contractualisation a entraîné des transferts de charges aux dépens des collectivités et favorisé une certaine recentralisation. En outre, l'égalité des parties, qui doit présider, par nature, aux relations contractuelles, s'est, dans bien des cas, avérée largement illusoire.

1. Le contrat, vecteur de l'intervention de l'Etat

Au-delà du principe égalitaire du contrat, qui sous-entend la libre adhésion des parties, chacun s'accorde 183( * ) à reconnaître le déséquilibre de fait , en faveur de l'Etat, des relations contractuelles avec les collectivités locales. Tant la méthode que les matières contractuelles ont contribué à fausser la logique égalitaire du principe conventionnel.

a) La méthode, ou le déséquilibre dans la négociation du contrat

Les contrats entre les collectivités et l'Etat -et singulièrement les contrats de plan Etat-régions- sont en réalité le fruit d'une négociation inégale entre les partenaires. L'Etat édicte en effet les principes d'intérêt général auxquels devront se conformer les collectivités territoriales : ainsi, par exemple, les " noyaux durs " définis préalablement par l'Etat comme ses priorités pour les contrats 1994-1998, lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de Mende, en 1993, ont-il singulièrement encadré la négociation avec les régions.

Plus récemment, la circulaire 184( * ) du premier ministre relative à l'élaboration des contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006 a fixé l'architecture de ces contrats, défini le calendrier et le point de départ de leur négociation : l'élaboration d'un document relatif à " la stratégie de l'Etat dans la région " ! L'Etat a fixé -notamment au CIADT d'Arles en juillet 1999- les priorités des contrats de plan et, via les mandats de négociation des préfets, les enveloppes ministérielles et régionales de crédits.

Des premières analyses de la négociation récente laissent à penser que son centre de gravité s'est déplacé, par rapport à la précédente génération, vers le préfet de région, ce qui laisserait supposer une tendance à la centralisation déconcentrée du processus. Votre délégation à la planification vient de rendre ses conclusions sur la méthode de négociation 185( * ) .

Ce pilotage méthodologique par l'Etat n'est certes pas absolument illégitime, concernant un outil d'aménagement du territoire -et donc de péréquation nationale-. Il résulte probablement, outre d'une disproportion des moyens, et, parfois, d'une certaine attitude des services de l'Etat, sans doute également d'un souci de cohérence d'ensemble de l'action territoriale de l'Etat. L'incapacité répétée de l'Etat à remplir les objectifs fixés à la planification décentralisée, mise en lumière par le rapport précité de la Cour des Comptes, contredit toutefois quelque peu cette lecture optimiste.

Reste que cette prééminence est sans doute également la conséquence d'une insuffisance du système politique et juridique français , non seulement rétif à penser l'intérêt général en dehors de l'Etat, mais en outre imprégné de la notion d'acte unilatéral, comme le faisait remarquer devant votre mission d'information le professeur Jean-Marie Pontier 186( * ) .

Corroborant cette analyse, une récente étude publiée dans les cahiers de la décentralisation 187( * ) estime que " L'Etat se voit le plus souvent confier le rôle d'édicter les principes relevant de l'intérêt général auxquels les collectivités devront se conformer. (...) L'Etat conserve ainsi un rôle directeur de coordination en fixant les grandes lignes des politiques à mener avec les collectivités (...) Cette analyse (...) souligne l'inégalité sous-jacente entre l'Etat et les collectivités, qui se situent dans des registres de légitimité différents, semblant ainsi donner raison à ceux qui voient dans la contractualisation un nouveau moyen pour l'Etat d'intervenir dans les affaires locales. "

Il semble que ce " dirigisme " méthodologique ait en outre conduit à écarter de la négociation certains partenaires, et, singulièrement, les départements.

Ainsi, alors que, d'après le rapport précité de la Cour des comptes, la participation financière à la génération 1994-1999 des partenaires autres que l'Etat et la région (départements, villes ou établissements publics locaux) a pu s'élever de 40 % à plus de 110 % (en Alsace) du montant des crédits régionaux, ces derniers n'ont pourtant pas été associés de façon satisfaisante à leur signature. Une enquête menée à l'occasion du dernier congrès de l'assemblée des départements de France, réalisée de mars à octobre 1999, révélait ainsi que si 77 % des départements avaient établi un document stratégique en vue de la conclusion du contrat de plan et si 71 % des conseils généraux comptaient demander à être signataires des contrats de plan, les deux tiers (65 %) n'avaient pas été associés directement à la discussion entre le préfet et le président du conseil régional . D'après cette enquête, alors que 41 % des départements avaient déjà demandé à être signataires des contrats de plan, seuls 16 % avaient reçu une réponse positive de principe du préfet.

L'implication stratégique et financière des départements dans les contrats de plan contraste donc singulièrement avec le peu de cas qui semble parfois être fait d'acteurs essentiels -sauf lorsqu'il s'agit d'apporter de substantiels compléments de financement !-.

Interrogeant à l'automne dernier le Gouvernement 188( * ) sur les causes de " cette volonté manifeste d'absence de prise en compte de la réalité départementale " dans la négociation, et souhaitant que les départements soient associés comme partenaires à part entière et " non pas seulement comme des commanditaires financiers " , notre collègue Alain Dufaut avait obtenu une réponse qui, pour être, favorable dans son principe, n'en était pas moins en contradiction avec la réalité parfois observée sur le terrain.

b) Les matières contractuelles, ou le déséquilibre dans le contenu du contrat

Il est peu contestable que les procédés contractuels aient parfois servi à transférer sur le budget des collectivités locales des dépenses afférentes aux compétences... de l'Etat !

Dans son rapport précité, la Cour des Comptes, relevant que pour la génération de contrats de plan 1994-1999, les participations locales, régions comprises, s'étaient élevées à un niveau supérieur à celui de l'Etat, jugeait cet état de fait " paradoxal puisque les principales actions inscrites aux contrats concernent des domaines qui sont de la responsabilité de ce dernier : les infrastructures de communication (surtout les routes nationales) et la formation-recherche (principalement universitaire), pour 42,4 et 22,3 % des interventions cumulées de l'Etat et des régions ".

Ainsi non seulement l'Etat dirige-t-il la procédure mais oriente-t-il le contenu des contrats pour que ces derniers portent sur ses propres compétences ou sur des domaines de compétences partagées.

La génération de contrats en cours de signature n'échappe pas à cette règle qui, au contraire, s'accentue, avec l'élargissement de la contractualisation à des thèmes nouveaux tels que la justice ou la coopération internationale.

Le contrat est ainsi devenu un outil de transfert de charges, permettant en quelque sorte à l'Etat de contourner l'interdiction posée à l'article L.1611-1 du code général des collectivités territoriales, suivant lequel : " aucune dépense à la charge de l'Etat ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi " .

Trois exemples sont à cet égard particulièrement éloquents, et suffisamment connus pour être ici trop longuement développés. Il s'agit du financement des routes nationales, des plans universitaires successifs " Université 2000 " et " Université troisième millénaire " (U3M) ou encore de la sécurité publique , pour lesquels les procédés contractuels ont permis à l'Etat de trouver auprès des collectivités locales des financements qu'il était incapable de mobiliser seul.

Cette instrumentalisation des contrats permet, en quelque sorte, une relecture de la répartition -en fait mais non en droit- des compétences.

Celle-ci n'est pas modifiée, loin de là ; l'Etat n'abandonne en effet aucune de ses compétences . En revanche, il choisit d'en confier contractuellement l'exécution, en réalité le financement , aux régions et aux autres collectivités. Le contrat de plan permet alors une redistribution temporaire, renégociable, du financement des compétences étatiques. Il vient atténuer la rigidité de la répartition législative des compétences. On peut alors affirmer, à la suite du professeur Laurence Lalliot 189( * ) , que " le contrat de politiques publiques devient ainsi une alternative à la répartition législative des compétences. Pour l'Etat, il a l'avantage de la souplesse, pour les collectivités locales, l'inconvénient de la précarité et de l'incertitude ".

2. L'absence de sanction du non respect par l'Etat de ses engagements

Partenaire parfois plus dirigiste que réellement contractuel, l'Etat a en outre eu tendance à ne pas respecter les engagements auxquels il avait souscrit.

a) Une exécution défaillante des engagements financiers

Soulignons tout d'abord la difficulté méthodologique de l'évaluation de l'exécution des crédits des contrats de plans puisque, comme le relève la Cour des Comptes dans son rapport précité, en raison de l'insuffisance des dispositifs de suivi, le bilan d'exécution rendu public par le Gouvernement revêt un caractère largement " illusoire " et ne rend pas compte du degré de réalisation concrète des projets. En d'autres termes, relève la Cour, lorsque l'Etat annonce que, à la fin de 1997, le " taux de réalisation " des contrats est de 66,5 %, cela signifie que cette proportion de crédits a été soit affectée ou engagée au niveau national, soit déléguée aux préfets. Mais, indiquent les magistrats financiers, " nul ne peut connaître le montant total et exact des crédits délégués et encore moins mandatés ou payés " Il est néanmoins certain que des décalages importants existent, dus, d'après le même rapport, à l'insuffisante préparation de certains dossiers, aux enquêtes publiques qu'il faut parfois refaire, ainsi qu'à la complexité de la mobilisation simultanée des financements croisés, y compris européens.

Mais ces retards d'exécution sont en grande partie imputables à la lenteur d'engagement et d'exécution des crédits de l'Etat.

Un rythme d'engagement des crédits inférieur à celui des cocontractants régionaux

Force est de constater, à la suite de la Cour des Comptes, que les piètres taux d'exécution des contrats tiennent en grande partie à l'insuffisance des moyens financiers mis en place chaque année par l'Etat . Pour la génération 1994-1999, seule la prolongation d'un an de la durée des contrats a permis un rattrapage du taux d'exécution puisque seulement deux tiers des crédits d'Etat avaient été délégués à la fin de 1997 aux préfets de région. La Cour des Comptes indique dans son rapport public que la direction des routes estimait par ailleurs, à la fin de 1998, à 70 % le taux d'engagement des crédits, au lieu de 85 %, et qu'à ce rythme, il aurait fallu près de huit ans pour réaliser des programmes qu'il était prévu d'achever en cinq ans. On constate aussi que les crédits régionaux sont mis en place plus rapidement que ceux de l'Etat. La Cour des Comptes estime que, même si celui-ci doit rester en mesure d'adapter la dépense publique à la conjoncture économique nationale, " il est regrettable qu'il honore ses engagements avec tant de difficultés ". Elle estime en outre que le principe de l'annualité budgétaire et la pratique de la régulation des crédits apparaissent, à cette occasion, comme des moyens, couramment et parfois abusivement utilisés, de remettre en question des décisions et des arbitrages gouvernementaux antérieurs.

La Cour relève également des retards dans la délégation annuelle des crédits de la part de plusieurs ministères, auprès desquels les préfets de région doivent réitérer leurs interventions pour obtenir que les engagements signés soient respectés.

Une prolongation unilatérale de la durée des contrats

Chacun se souvient de la décision unilatérale de l'Etat de report d'une année de la date d'échéance des contrats de plan de la précédente génération, finalement fixée au 31 décembre 1999. Cette mesure, arrêtée en 1996, a été confirmée par le CIAT du 15 décembre 1997.

Dans une circulaire du 19 septembre 1996, adressée aux préfets de région par le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, plusieurs raisons avaient été avancées pour la justifier :

- la nécessité d'attendre le renouvellement des conseils régionaux en 1998, pour que les assemblées issues du scrutin puissent approuver les nouveaux plans régionaux ;

- le désir de prendre en compte le schéma national et les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire prévus par la loi d'orientation précitée du 4 février 1995 ;

- le souci -au demeurant légitime- de mettre la période contractuelle en adéquation avec celle des programmes d'emploi des fonds structurels.

Cette décision -prise puis assumée par deux gouvernements successifs- contraire, dans son principe, au procédé contractuel, a d'ailleurs eu un retentissement à la mesure de la légitime indignation des collectivités locales. Bien qu'aucun recours juridictionnel n'ait été déposé, certains articles de doctrine 190( * ) estiment d'ailleurs patente l'illégalité de cette décision.

Toute révision unilatérale serait en effet exclue par le décret n° 82-32 du 21 janvier 1983 relatif aux contrats de plan entre l'Etat et les collectivités territoriales ou des personnes morales autres que les entreprises publiques et privées. Son article 7 définit la procédure d'adoption, et donc par parallélisme, de renégociation, du contrat de plan par signature conjointe des deux parties. La rédaction du décret ne recèle aucune ambiguïté en la matière et les contrats de plan en ont repris le principe de procédure.

Le procédé unilatéral retenu par l'Etat lui a, certes, évité de mener de front plusieurs dizaines de révisions contractuelles, dans lesquelles, de surcroît, il aurait pu se heurter à des demandes parallèles de renégociation d'autres clauses. Juridiquement et politiquement, la technique employée apparaît toutefois pour le moins contestable et, en tous cas, contraire aux principes de la décentralisation.

Les engagements de la génération en cours seront-ils mieux exécutés ?

Votre mission d'information ne tient pas à faire à l'Etat de procès d'intention. Pour autant, et malgré les déclaration rassurantes à cet égard de certains membres du Gouvernement, qui tendraient à faire espérer que les anciennes pratiques sont révolues -Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement déclarant 191( * ) " je ne veux pas qu'on émette de la fausse monnaie " - on ne peut que se monter sceptique tant, par le passé, a été constante la tendance de tous les gouvernements à ne pas tenir en temps et en heure les engagements pris.

Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter au rapport d'information rédigé, en avril 1992 , par notre collègue Georges Mouly au nom de la Délégation du Sénat pour la planification 192( * ) , sur les contrats de plan Etat-régions des générations 1984-1988 et 1989-1993, dont les thèmes sont toujours d'actualité : importance des financements des régions ; méthodologie de négociation qui font de ces contrats des " contrats d'adhésion " ; transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales ; mauvaise exécution des engagements dans certains domaines...

L'annualité budgétaire : prétexte ou alibi ?

Le principe de l'annualité budgétaire, posé par l'article 2 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 juillet 1959 relative aux lois de finances, est souvent invoqué à l'appui de la thèse d'une impossibilité non pas politique, mais juridique ou technique, d'exécution d'engagements par nature pluriannuels.

Il est certain que les règles de comptabilité publique représentent par certains côtés un obstacle technique quotidien à la consommation des crédits. L'annualité budgétaire figure d'ailleurs également dans le droit des collectivités locales ( articles L. 1612-1 et L.1612-2 du code général des collectivités territoriales). Concrètement, elle impose une programmation des dépenses par exercice et induit une remise en cause annuelle qui fait qu'aucun intervenant n'est ex ante réellement assuré que son cocontractant tiendra ses engagements. Un certain nombre de projets sont ainsi suspendus chaque année, le temps pour les ministères de connaître leurs crédits et pour les collectivités de voter leur budget. En outre, la consommation effective des crédits, une fois ceux-ci théoriquement disponibles, dépend de la célérité des différentes délégations et mandatements, d'autant plus problématique qu'il s'agit de cofinancements.

Mais ces obstacles sont-ils réellement dirimants ?

Plusieurs propositions 193( * ) ont déjà été formulées pour améliorer techniquement les processus de consommation de crédits, fondées notamment sur le recours accru aux autorisations de programme, par nature destinées aux opérations pluriannuelles, la simplification des circuits ou l'amélioration du suivi de la consommation des crédits.

En outre, les contrats de plan ne sont pas, au regard de l'annualité budgétaire, dans une situation différente de celle de l'ensemble des contrats pluriannuels conclus par l'Etat ou par une collectivité. Les solutions jurisprudentielles applicables à ces contrats, en cas d'inexécution des engagements, pourraient donc logiquement leur être appliquées, comme l'indique l'article précité du professeur Laurence Lalliot :

" Dès lors que l'exécution d'un contrat s'étale sur plusieurs années, et on pense naturellement aux opérations importantes en matière de travaux publics, le contractant s'expose à cette incertitude : changement de majorité, difficultés particulières rencontrées par la collectivité, abandon des programmes, sont autant d'hypothèses qui peuvent donner lieu à une réduction, voire à une suppression des financements attendus. Ce cas de figure n'étant donc nullement marginal, il a déjà donné lieu à de nombreuses décisions jurisprudentielles d'où il ressort que la personne publique défaillante s'expose à engager sa responsabilité contractuelle : le motif tiré de l'insuffisance des ressources publiques ne saurait la dégager de son obligation contractuelle de paiement ". De ce point de vue, l'auteur relève toutefois la singularité de certains contrats de plan qui contiennent parfois des clauses qui tendent à limiter les effets de cette responsabilité contractuelle , les deux parties prenant soin de mentionner que le respect de l'obligation de payer reste subordonné à l'engagement budgétaire préalable des moyens correspondants.

Cette analyse montre toutefois l'absence d'incompatibilité de principe entre l'annualité budgétaire et contractualisation pluriannuelle et accrédite le sentiment -d'ailleurs partagé par la Cour des Comptes- que la comptabilité publique sert, dans bien des cas, de prétexte à un retard d'engagement des crédits.

Lors de son audition devant la mission d'information, le professeur Jean-Bernard Auby indiquait d'ailleurs ne pas bien comprendre l'argument de l'annualité budgétaire derrière lequel se réfugie à son sens l'Etat, estimant que ce principe ne l'empêchait pas " de passer, tous les jours, des contrats qui l'engagent au-delà du 31 décembre de l'année considérée ". Il poursuivait : " si l'Etat fait des travaux destinés à accueillir le ministère des finances et si le contrat doit se réaliser sur 18 mois, l'Etat est engagé sur 18 mois et s'il ne respecte pas son engagement, les entreprises qui sont en face lui feront payer des indemnités. Pourquoi la même logique ne s'appliquerait-elle pas dans les rapports avec les collectivités locales ? "

La question mérite, en effet, d'être posée. Elle implique, au préalable, de réfléchir à la nature même de l'engagement contractuel.

b) Une relation contractuelle dépourvue de force contraignante ?

Les contrats de plan -et avec eux les CLS, les contrats de ville et l'ensemble des procédés contractuels visés ci-dessus- sont-ils de simples engagements moraux dépourvus d'effets juridiques ?

Soulignons d'abord que la capacité contractuelle de l'Etat et des collectivités territoriales ne fait pas de doute. Les collectivités ont une personnalité juridique pleine et entière qui leur permet, notamment, de contracter.

Il existe même un certain nombre de dispositions générales en ce sens au sein du code général des collectivités territoriales, qui dispose que " les collectivités territoriales peuvent conclure entre elles des conventions par lesquelles l'une d'elles met à disposition d'une autre ses services et ses moyens afin de lui faciliter l'exercice de ses compétences " (art. L.5111-1). Pour les régions, le Code est plus précis encore puisque celles-ci " peuvent passer des conventions avec l'Etat, ou avec d'autres collectivités territoriales ou leurs groupements, pour mener avec eux des actions de leur compétence " (art. L.4111-2). Ce principe général du droit à la contractualisation a d'ailleurs été rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° DC 83-160 du 16 juillet 1983, à propos de la convention fiscale passée entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie, où il a estimé qu'" aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce que l'Etat passe des conventions avec les diverses collectivités territoriales de la République telles que les communes, les départements, les régions ou les territoires d'outre-mer ".

D'ailleurs, le Conseil d'Etat a reconnu la nature contractuelle des contrats de plan, malgré leur contenu parfois seulement " programmatique ", dans sa décision d'assemblée du 8 janvier 1988, Ministre chargé du plan et de l'aménagement du territoire contre communauté urbaine de Strasbourg .

Dans cette décision, le juge a même ouvert la possibilité d'une action en responsabilité contractuelle d'une partie envers l'autre :

" Considérant que la méconnaissance des stipulations d'un contrat, si elle est susceptible d'engager, le cas échéant, la responsabilité d'une partie vis-à-vis de son cocontractant, ne peut être utilement invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre d'une décision administrative ; que ni les dispositions précitées de la loi du 29 juillet 1982, ni aucune autre disposition législative n'ont entendu conférer à la stipulation dont s'agit du contrat de plan passé entre l'Etat et la région Alsace une portée autre que celle d'une stipulation contractuelle (...) "

Si les contrats de plan sont bien des contrats et donc peuvent, en cas de violation d'une stipulation conventionnelle, engager la responsabilité du contractant défaillant, et s'ils ne sont, pour ce motif, pas dépourvus de toute force contraignante, le Conseil d'Etat a toutefois jugé, dans son arrêt du 25 octobre 1996 Association Estuaire Ecologie , qu'ils n'emportent, par eux-mêmes, " aucune conséquence directe quant à la réalisation effective des actions ou opérations " qu'ils prévoient.

En l'espèce, une association avait formé un recours pour excès de pouvoir à l'encontre des décisions, prises par le préfet et le président du conseil régional des Pays-de-la-Loire, de signer un contrat de plan entre la région et l'Etat, qui comportait un programme n° 11 prévoyant l'extension d'une zone portuaire. Cette décision était contestée par l'association en tant qu'acte détachable du contrat et, par suite, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Dans ce cas, la recevabilité du recours n'est admise que dans la mesure où l'acte fait grief. Il doit produire des effets juridiques de nature à affecter la personne qui le conteste. Etait-ce le cas en l'espèce ? Autrement dit, le contrat de plan produit-il des effets juridiques suffisants pour que la décision de le signer puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ?

En première instance, le Tribunal administratif de Nantes avait jugé, le 23 mars 1995, la requête irrecevable. Saisi en appel, le Conseil d'Etat a considéré que le contrat de plan n'emporte en lui-même aucun effet juridique direct, pas plus qu'il ne porte suffisamment atteinte aux intérêts défendus par l'association pour lui donner qualité pour agir : dès lors, la requête de l'association est irrecevable.

De cette décision, très largement commentée, a souvent été tirée la conclusion que ces contrats, passés entre l'Etat et les collectivités locales, étaient totalement dépourvus de force juridique.

D'après cette interprétation, et compte-tenu des développements qui précèdent sur la méthode employée, les matières concernées et les taux d'exécution des engagements pris, on conçoit dès lors le danger que peut représenter pour l'autonomie des collectivités une telle procédure contractuelle !

Certains observateurs vont jusqu'à dénoncer, par le biais du processus contractuel, la résurgence d'une tutelle de l'Etat : " l'essor contractuel marque le passage d'une contrainte imposée (l'acte unilatéral) à une contrainte consentie (le contrat). Il ne signifie pas pour autant un déclin de la tutelle étatique " 194( * ) .

Pour autant, reste -juridiquement au moins, même si sa mise en oeuvre est politiquement plus délicate- ouverte la voie de la mise en cause de la responsabilité contractuelle d'une partie défaillante par son contractant, qui pourrait constituer un moyen de rééquilibrage de la relation contractuelle. D'autres solutions, notamment législatives, peuvent être envisagées pour renforcer l'égalité des parties et préciser les sanctions applicables en cas d'inexécution des stipulations contractuelles.

Par ailleurs, l'insuffisante identification des responsabilités réciproques dans la mise en oeuvre du contrat et la lourdeur d'opérations nécessairement conjointes sont des motifs de blocage qu'il ne faut pas sous-estimer. A cet égard, l'instauration d'une " collectivité chef de file ", désignant une des institutions signataires comme responsable de tel ou tel projet, permettrait sans doute aux procédures contractualisées de franchir une étape décisive.

CHAPITRE IV

FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE :
L'ETAT ÉLABORE DES RÈGLES INADAPTÉES DONT IL NE SUPPORTE PAS LES CONSÉQUENCES

Une décentralisation plus achevée ne peut à l'évidence être atteinte sans l'implication et le travail des agents des collectivités locales. La mission d'information tient à souligner la qualité, la richesse et le professionnalisme des agents territoriaux qui ont su se mobiliser au service de la décentralisation.

Les effectifs de la fonction publique territoriale s'élèvent à 1,46 million d'agents en 1996, contre 1,84 million dans la fonction publique de l'État et 847.000 dans la fonction publique hospitalière. La fonction publique territoriale représente ainsi 35,2 % de l'ensemble des effectifs de la fonction publique française.

De 1980 à 1996, les effectifs des agents territoriaux ont augmenté de 36 %, cette augmentation étant de 14 % pour la fonction publique de l'État et 21 % dans la fonction publique hospitalière. Cette différence tient à la jeunesse relative de la fonction publique territoriale, créée il y a seize ans.

Près de 30 % des personnels des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics sont des agents contractuels. Cette proportion élevée provient en partie du fait que les transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales n'ont pas donné lieu aux transferts nécessaires de personnels ; les collectivités ont donc dû faire face dans l'urgence à des besoins nouveaux.

Alors que les élus locaux devraient avoir à leur disposition les moyens humains, matériels, financiers et leur permettant de mettre en oeuvre les politiques publiques locales dans l'intérêt général, force est de constater que les règles régissant la fonction publique territoriale à l'heure actuelle ne remplissent pas les impératifs d'efficacité et de souplesse.

La création de la fonction publique territoriale, très récente comparée à celle de la fonction publique d'État, n'a pas suffisamment pris en compte les besoins spécifiques des collectivités locales (I). La construction statutaire est aujourd'hui caractérisée par des dispositions statutaires et réglementaires inadaptées et rigides (II), aggravées par les incertitudes croissantes concernant le volume de l'emploi public territorial (III).

I. UNE CONSTRUCTION STATUTAIRE LABORIEUSE QUI N'A PAS SUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE LES BESOINS SPÉCIFIQUES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Les lois de décentralisation 195( * ) prévoyaient la mise en place d'un statut de la fonction publique territoriale. Il s'agissait de lutter contre l' extrême diversité et la précarité caractérisant la situation des agents des collectivités locales et de doter les collectivités locales de moyens humains à la mesure de leur récente liberté de gestion et de leurs nouvelles compétences. Dès 1978, notre collègue M. Christian Bonnet, alors ministre de l'Intérieur, avait élaboré des dispositions législatives en ce sens.

Trois textes essentiels fondent en 1983-1984 le nouveau statut de la fonction publique territoriale : la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale.

Ces lois tendent à créer une fonction publique unique tout en reconnaissant deux versants paritaires et spécifiques. Elles constituent un profond bouleversement de la situation statutaire des personnels des collectivités locales.

Malgré les principes équilibrés affirmés par le législateur en 1984, la construction statutaire, longue et difficile, s'est en partie écartée du principe fondamental de spécificité des collectivités locales.

A. LES PRINCIPES POSÉS EN 1984 : UNITÉ, PARITÉ... SPÉCIFICITÉ

1. L'unité de la fonction publique territoriale

Premier principe affirmé par le législateur en 1984, l'unité de la fonction publique signifie que fonctionnaires de l'Etat et fonctionnaires des collectivités locales sont soumis à des règles communes en ce qui concerne leurs droits et obligations. Elle se traduit par l'existence d'un statut commun pour l'ensemble des personnels communaux, départementaux et régionaux, l'institution d'un Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, la création de centres communs de gestion (centre national et centres départementaux) et l'organisation d'une formation commune à tous les agents des collectivités.

2. La parité entre les fonctions publiques

Le principe de parité signifie l'égalité de traitement entre fonctionnaires de l'Etat et fonctionnaires territoriaux. Il se manifeste en 1983-1984 principalement 196( * ) par :

- l'adoption du titre premier du statut général de la fonction publique, définissant les droits et obligations communs aux trois fonctions publiques ;

- l'affirmation du principe de mobilité 197( * ) entre les fonctions publiques (mise à disposition 198( * ) lors de la constitution des corps, détachement, intégration, concours interne, tour extérieur, changement de corps) ;

- la mise en place d'une parité des rémunérations, principales et accessoires.

Le principe de parité entre les fonctions publiques, s'il a pour fondement légitime de donner une référence pour la détermination des droits et l'attribution d'avantages aux agents publics, présente de nombreux effets pervers, en particulier la quasi-impossibilité pour une collectivité territoriale de récompenser les efforts de productivité et les mérites individuels de ses agents ; de plus, les comparaisons opérées entre corps de l'État et cadres d'emplois de la fonction publique territoriale soulèvent des difficultés pratiques et n'est pas adaptée aux spécificités des collectivités locales.

3. La spécificité de la fonction publique territoriale

La reconnaissance de la spécificité des collectivités locales devait être la contrepartie de l'uniformisation découlant des deux principes précédents, unité et parité. Le législateur devait donc concilier les garanties accordées aux agents et le principe de la libre administration des collectivités locales.

Afin de tenir compte de l'existence de 50.000 employeurs locaux , les structures de gestion de la fonction publique territoriale et les prérogatives reconnues à chaque collectivité pour la gestion de son personnel distinguent la " territoriale " de la fonction publique de l'État.

B. LA DIFFICILE MISE EN PLACE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

La construction statutaire de la fonction publique territoriale devait être effective en quatre années, mais ne s'est achevée qu'en août 1994 avec la publication par voie réglementaire des derniers statuts particuliers prévus par le législateur.

Le retard pris dans l'achèvement des statuts particuliers tient en grande partie aux difficultés politiques inhérentes à la gestion de la fonction publique, chaque majorité gouvernementale ayant à coeur de rendre les règles relatives à la fonction publique territoriale conformes à sa conception de la décentralisation et de la plus ou moins grande liberté qu'elle souhaite reconnaître aux collectivités locales.

En effet, le Conseil constitutionnel a admis dès le 20 janvier 1984 que la gestion des personnels constituait un élément de l'application du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales . En conséquence, le droit de la fonction publique territoriale ne peut être édicté que par le législateur. C'est pourquoi plus de vingt lois sont venues modifier profondément ou partiellement la loi statutaire du 26 janvier 1984.

Toutefois, les mesures réglementaires très nombreuses sont elles aussi à l'origine de l'allongement considérable du délai de la construction statutaire.

La loi n° 87-529 du 13 juillet 1987, dite " loi Galland ", modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale, a permis de mieux adapter certaines des solutions retenues par la loi du 26 janvier 1984. Elle a donné l'occasion au Sénat d'affirmer sa conception de la fonction publique territoriale :

- il n'y a pas de contradiction entre l'adaptation de la fonction publique territoriale à la grande diversité des collectivités locales, et son rattachement pour l'essentiel aux principes généraux de la fonction publique ;

- l'unicité du statut de la fonction publique territoriale est elle aussi compatible avec les adaptations nécessaires à la diversité des collectivités ;

- la distinction du grade et de l'emploi, fondement du système de la carrière, est confirmée ; le retour au système de l'emploi n'est donc pas envisagé ;

- les obligations des fonctionnaires territoriaux en terme de secret et de discrétion professionnels ou de discipline doivent être affirmées ;

- un recrutement direct pour certains emplois doit être possible ;

- il faut renforcer le principe de mobilité des fonctionnaires entre les différentes collectivités locales.

S'agissant de la mobilité entre les deux fonctions publiques de l'Etat et des collectivités territoriales, la comparabilité entre les corps, fortement contestable, a été abandonnée à l'initiative du Sénat, qui a substitué au système rigide et inadapté des " corps comparables " celui des " cadres d'emplois ", plus souple et plus conforme au principe de spécialité des collectivités territoriales ;

- enfin, l'existence de statuts particuliers nationaux, regroupant les fonctionnaires titulaires de grades donnant vocation à occuper les mêmes emplois, n'est pas remise en cause.

Ces positions ont été réaffirmées lors du débat préparatoire à la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994 modifiant certaines dispositions relatives à la fonction publique territoriale, adoptée à l'initiative de notre collègue M. Daniel Hoeffel, alors ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales. Il s'agit de la dernière loi à avoir modifié en profondeur le statut des agents territoriaux.

II. DES DISPOSITIONS STATUTAIRES ET RÉGLEMENTAIRES INADAPTÉES ET RIGIDES

La parité entre les fonctions publiques ne devrait s'entendre que s'il existe une comparabilité entre les missions exercées par les fonctionnaires de l'État et par ceux des collectivités territoriales. Or, la spécificité du pouvoir local implique que ces tâches ne soient pas identiques.

Le rapport remis en octobre 1992 par M. Jacques Rigaudiat, conseiller référendaire à la Cour des comptes, pour une modernisation de la fonction publique territoriale, en arrive au même constat : " il convient de respecter la spécificité des collectivités locales afin de leur donner la souplesse nécessaire à la mise en place de politiques modernes de personnel, adaptées aux réponses que les élus locaux doivent apporter aux attentes de nos concitoyens ".

Pourtant, les atteintes portées à l'autonomie des autorités locales ont été multiples ; elles ont été dénoncées par le Sénat dès 1984 199( * ) . En effet, la contradiction possible entre le principe de parité entre les fonctions publiques et le principe de spécificité des collectivités territoriales a été " résolue " par une nette prédominance du premier sur le second.

La transposition du modèle de la fonction publique de l'Etat, en particulier la gestion collective qu'elle implique, entraîne des contraintes et des rigidités inutiles dans la gestion des personnels territoriaux.

L'inadaptation des règles de la fonction publique territoriale se traduit par a lourdeur des procédures (A) et les limites des institutions (B), mais aussi les contraintes pesant sur les rémunérations au nom du principe de parité (C), l'encadrement du recrutement contractuel (D), l'inadéquation des statuts particuliers aux nouveaux besoins des collectivités locales (E), ces problèmes étant parfois exacerbés dans les départements d'outre-mer (F).

A. DES PROCÉDURES TRÈS LOURDES

Les élus locaux sont souvent confrontés aux rigidités du statut 200( * ) , alors que la diversité des statuts et des métiers constitue une richesse de la fonction publique territoriale qui devrait être préservée.

1. Le recrutement et le système du concours

Le recrutement de personnes compétentes en nombre suffisant est essentiel pour les collectivités locales, dans la mesure où l'Etat a tendance à leur transférer sans cesse de nouvelles responsabilités.

L'entrée dans la fonction publique territoriale s'effectue en principe par concours, afin de respecter les principes d'égalité d'accès aux emplois publics et de transparence. Toutefois, les exceptions 201( * ) se multiplient à la base et au sommet de la hiérarchie. La spécificité de la fonction publique territoriale a conduit à développer les concours sur titres , plutôt que de systématiser les concours sur épreuves, et au système des " concours de réserve ". S'il permet de donner toute liberté de choix à l'autorité chargée de recruter, ce système a abouti à la multiplication des " reçus-collés " : tous les lauréats des concours ne sont pas nommés et ils perdent ainsi le bénéfice du concours.

Le rapport sur le recrutement, la formation et le déroulement de carrière des agents territoriaux, remis en mai 1998 par M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, met en évidence le caractère " déconcertant " de l'organisation des concours, lié à l'enchevêtrement des compétences entre le Centre national de la fonction publique territoriale et les centres de gestion, à la multiplicité des mesures de publicité des concours, voire aux illégalités parfois constatées dans les nominations aux emplois supérieurs.

Les principales critiques émises par ce rapport à l'encontre du recrutement par concours sont les suivantes :

- la procédure de recrutement est excessivement longue, il s'écoule entre trop de temps entre la déclaration de vacance d'un poste par une collectivité territoriale et le moment où le recrutement devient possible. Ce délai a été institué afin de favoriser la promotion interne.

- il existe une contradiction entre l'existence d'un statut national et le caractère local du recrutement. La centralisation excessive de l'organisation des concours génère un coût financier important ;

- le manque de transparence et de coordination dans l'organisation des concours, souvent dénoncé, est préjudiciable autant aux candidats qu'aux collectivités employeurs ;

- de nombreux agents territoriaux confirmés ne peuvent accéder au grade supérieur en raison de l' inadaptation de certaines épreuves du concours au contexte professionnel.

2. La formation

La formation est inhérente au système de la carrière. Elle permet de préparer les futurs fonctionnaires aux tâches de service public. Or, elle suscite de nombreux mécontentements.

En particulier, un agent qui vient d'être recruté par une collectivité ne peut prendre poste immédiatement. La contradiction entre les besoins immédiats des employeurs et la formation initiale des fonctionnaires, organisée après leur recrutement , est une source majeure de dysfonctionnements.

La plupart des fonctionnaires suivent une formation en deux temps : une formation initiale préalable à la titularisation et une formation d'adaptation à l'emploi après la titularisation. Quant aux administrateurs, leur formation initiale a lieu après réussite au concours, avant la nomination dans une collectivité territoriale.

De plus, l'effort de formation des collectivités territoriales peut sembler insuffisant au regard de celui de l'Etat ; il représente 1 % de la masse salariale dans les collectivités locales contre 3 à 6 % pour l'Etat employeur. Ces chiffres traduisent en partie la difficulté qu'éprouvent les collectivités locales à trouver une offre de formation adaptée à leurs besoins.

3. Le déroulement de carrière et la mobilité

La gestion des fonctionnaires est décentralisée , dans la mesure où chaque collectivité ou établissement détient la maîtrise de la création des emplois, du recrutement et de la gestion des agents.

La " loi Galland " du 13 juillet 1987 a institué les cadres d'emplois , qui constituent une spécificité de la fonction publique territoriale par rapport aux corps de la fonction publique de l'État. Chaque collectivité crée les cadres d'emplois dont elle a besoin et les gère librement ; ces cadres d'emplois ne sont pas hiérarchisés entre les niveaux départemental, régional ou national comme le sont les corps d'Etat. Nomination, titularisation, affectation, mutation, promotion et procédure disciplinaire relèvent de la seule décision de l'autorité territoriale.

Le système de la carrière 202( * ) signifie que la suppression d'un emploi ne peut entraîner le licenciement du fonctionnaire qui l'occupe : celui-ci reste rattaché par son grade au cadre d'emplois dont il relève ; il a droit à occuper un autre emploi .

Le système de la carrière est relativement facile à mettre en oeuvre pour l'Etat qui est employeur unique. Mais la multiplicité des employeurs territoriaux complique singulièrement la tâche dans la fonction publique territoriale, notamment pour les petites collectivités : quid de la petite commune qui délègue un service public local, supprime les emplois correspondants et se voit obligée d'offrir aux fonctionnaires concernés d'autres emplois ? La mutualisation du droit à la carrière a constitué une réponse (voir infra , les incidents de carrière).

Le système de la carrière ménage une certaine mobilité géographique ou inter-collectivité , en raison de l'existence de seuils démographiques 203( * ) , de quotas de promotion au sein des cadres d'emplois ou entre les cadres d'emplois, ou des positions statutaires comme le détachement, la mise à disposition, la disponibilité.

Institués par la voie réglementaire, les seuils démographiques sont imposés pour le recrutement de certains agents, afin d'assurer la parité entre les déroulements de carrière malgré la diversité des collectivités.

Ils restreignent la possibilité pour les collectivités territoriales de reconnaître le mérite de leurs agents et les responsabilités effectivement exercées. Ils constituent une contrainte forte qui méconnaît la réalité des communes qui se situent en deçà des seuils démographiques mais connaissent une expansion forte . Ils pénalisent les collectivités petites et moyennes qui, ne pouvant promouvoir leurs agents, sont condamnées à voir partir les plus expérimentés d'entre eux vers les grandes collectivités.

Le système des quotas de promotion interne et de promotion de grade limite la proportion des agents d'un cadre d'emplois susceptibles de bénéficier d'un avancement. Il transpose dans les collectivités locales les pyramidages statutaires en vigueur dans la fonction publique de l'État. Il paraît à bien des égards incompréhensible et générateur de pesanteur administrative et d'inégalités entre collectivités.

La mobilité au sein de la fonction publique territoriale est entravée par certaines dispositions inadaptées, comme l'interdiction de la mobilité entre filières au sein de la même collectivité .

Quant à la mobilité entre fonctions publiques, elle est quasiment inexistante des administrations territoriales vers l'Etat, en raison d'une absence de volonté politique et du corporatisme caractérisant certains corps d'Etat.

4. Les incidents de carrière

Lorsqu'un fonctionnaire se trouve privé d'emploi , il est pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale s'il relève de la catégorie A et par le centre de gestion s'il relève des catégories B ou C. La loi impose toutefois des règles contraignantes à la collectivité qui supprime un emploi : obligation de garder en surnombre le fonctionnaire intéressé pendant une année, versement au centre de gestion ou au CNFPT d'une contribution dégressive, etc. En contrepartie, le fonctionnaire ne peut refuser plus de trois offres d'emplois sous peine de licenciement.

La " décharge de fonctions " 204( * ) , rebaptisée " fin de détachement sur un emploi fonctionnel " en 1994, désigne la possibilité pour une collectivité territoriale de se séparer d'un fonctionnaire occupant un emploi dit " fonctionnel ", c'est à dire l'un des emplois de responsabilité désignés dans la loi 205( * ) . Le fonctionnaire déchargé de ses fonctions peut demander à être pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale 206( * ) ou à bénéficier d'une indemnité de licenciement.

La principale critique adressée au système de prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d'emploi consiste en l'absence de responsabilisation des différents acteurs .

B. DES INSTITUTIONS QUI ONT MONTRÉ LEURS LIMITES

La fonction publique territoriale est dotée d'institutions visant à assurer une cohérence dans l'application des règles statutaires par les 80.000 employeurs potentiels d'agents territoriaux.

Outre le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui remplit une fonction consultative auprès du Gouvernement et une mission d'étude et de traitement statistique, il s'agit du centre national de la fonction publique territoriale, des centres de gestion et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

1. Le CNFPT

Le Centre national de la fonction publique territoriale, établissement public à compétence nationale, regroupe toutes les collectivités et leurs établissements qui emploient au moins un agent.

A la fois organe d'aide à la gestion et organe de formation, il organise les concours des catégories A et B, gère la bourse nationale de l'emploi, prend en charge les fonctionnaires de catégorie A privés d'emploi, assure la conception, la programmation et la mise en oeuvre de toutes les actions de préparation aux concours et examens, de formation initiale, de formation d'adaptation à l'emploi, de formation continue et de formation personnelle. Les collectivités locales versent 1 % de leur masse salariale au CNFPT au titre de ces actions de formation.

Fort contesté, le CNFPT se voit reprocher un mode de fonctionnement très centralisé ; le manque d'autonomie de ses échelons déconcentrés ; la diversité de ses missions, éclatées entre la formation et la gestion ; ainsi que des erreurs de gestion, aggravant le ressentiment à l'égard de la charge financière obligatoire qu'il constitue pour les collectivités locales.

2. Les centres de gestion

Les centres de gestion regroupent obligatoirement les communes et établissements publics communaux employant moins de 350 fonctionnaires titulaires et stagiaires à temps complet. L'affiliation est facultative pour les autres collectivités et établissements.

Les centres de gestion, dont l'implantation est départementale, gèrent la bourse de l'emploi, prennent en charge les fonctionnaires des catégories B et C privés d'emploi, organisent des concours et examens professionnels et peuvent dispenser des actions de formation. L'absence de réelle coordination des actions des centres départementaux de gestion est préjudiciable aux collectivités qui ont recours à leurs services.

3. La CNRACL : une situation financière inquiétante

Comme l'ensemble du régime de retraite par répartition, le régime spécial des agents de la fonction publique territoriale est pénalisé par une évolution démographique préoccupante. Pourtant, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a initialement été excédentaire, avant que les mécanismes de solidarité auxquels elle participe, notamment la surcompensation, ne réduise ses marges financières jusqu'à engendrer des problèmes de trésorerie inquiétants.

La CNRACL comptait 2,9 actifs affiliés pour un retraité en 1997, 2,7 pour un en 1998 et 2,6 actifs pour un retraité en 1999 . La dégradation du rapport démographique va persister, en raison de l'augmentation de 3,5 % par an du nombre de retraités, due à l'allongement de l'espérance de vie et à l'arrivée des classes d'âge nombreuses à l'âge de la retraite, alors que le nombre d'actifs n'augmente que de 1 % par an, à savoir 2 % dans la fonction publique territoriale et une stagnation dans la fonction publique hospitalière.

La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales 207( * ) est contributeur net au titre des deux mécanismes de solidarité. En 1999, la compensation a coûté 5,3 milliards de francs aux collectivités territoriales employeurs et la surcompensation 5,5 milliards. Au total, la CNRACL contribue à hauteur de 19 milliards de francs , soit 30 % de ses emplois.

Après des recettes exceptionnelles en 1997, une série de mesures adoptées en octobre 1999 se sont donné pour objectif de financer la Caisse à hauteur de 6 milliards de francs : l'augmentation de la cotisation employeur et la diminution progressive du taux d'appel 208( * ) , c'est-à-dire le taux de surcompensation. Si la situation financière de la CNRACL peut être considérée comme rétablie jusqu'en 2001, de nouvelles solutions doivent être trouvées pour l'avenir. Les titularisations prévues par le protocole d'accord récemment conclu pour les hôpitaux publics devraient générer 10.000 cotisants supplémentaires à l'horizon 2001. L'équilibre des comptes de la CNRACL en 2002 pourrait être atteint par ce moyen.

C. LES RÉMUNÉRATIONS SONT CONTRAINTES AU NOM DU PRINCIPE DE PARITÉ

Les dispositions statutaires et réglementaires régissant la fonction publique territoriale ne donnent pas lieu à une concertation suffisante avec les employeurs locaux chargés de les appliquer.

La principale illustration en est la politique des rémunérations dans la fonction publique. Au nom des principes d'unité et de parité entre fonctions publiques, l'État définit la valeur du point fonction publique par des négociations avec les syndicats de fonctionnaires, sans inviter les élus locaux à participer à ces négociations.

En conséquence, les élus se voient imposer des dépenses de personnel considérables, qui atteignent 36 % des dépenses de gestion des collectivités locales, en hausse sensible (+6,7 % en 1999). Ces charges, sur lesquelles les collectivités locales n'ont pas de prise, ont été aggravées par les effets du protocole salarial du 10 février 1998.

Pourtant, le législateur a entendu redonner aux collectivités locales une certaine marge de manoeuvre en matière de compléments de rémunérations .

En effet, le principe de parité entre les fonctions publiques, défini à l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, ménage le pouvoir indemnitaire des assemblées locales 209( * ) . Cependant, le décret d'application n'a été publié que le 6 septembre 1991. Aussi, entre la loi de janvier 1984 et le décret de septembre 1991, les collectivités ont versé des primes à leurs agents dans la plus grande incertitude juridique. Dans le même temps, le législateur a autorisé le maintien des avantages collectivement acquis avant 1984 (article 111 de la loi statutaire), par exception au principe de parité.

Le Gouvernement fait valoir qu'un décret du 26 décembre 1997, créant une indemnité d'exercice de missions des préfectures, permet aux collectivités territoriales qui souhaitent le transposer de servir en pratique des indemnités supérieures à celles versées par l'État à ses agents (dans la mesure où l'État ne verse pas les indemnités maximales), tout en restant dans le cadre du principe de parité entre les fonctions publiques.

Deux difficultés subsistent malgré la réponse ainsi apportée par voie réglementaire :

- les collectivités territoriales qui avaient créé des indemnités après 1984, en raison de l'incertitude juridique liée à l'absence de décret d'application, sont inquiétées par les chambres régionales des comptes alors que la carence est le fait du pouvoir réglementaire ;

- les élus locaux n'ont aucune certitude que cette indemnité d'exercice de missions des préfectures sera maintenue dans la durée.

D. LE RECRUTEMENT DE CONTRACTUELS EST FORTEMENT ENCADRÉ

Les collectivités territoriales emploient 3 86.000 agents non-titulaires (hors contrats emploi-solidarité) dont 43.000 relèvent de la catégorie A 210( * ) , 54.000 de la catégorie B et 284.000 de la catégorie C (enquête annuelle de l'INSEE, chiffres au 31 décembre 1996).

Or, le recrutement d'agents contractuels par les collectivités territoriales est soumis à des règles cumulatives strictes, issues de la fonction publique de l'État : une délibération de l'assemblée locale doit procéder à la création d'emploi ; il ne doit pas exister de corps de fonctionnaires apte à assurer les fonctions correspondantes ; pour les emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins du service doivent justifier le recours à un contractuel.

Toutefois, certains cas ouvrent, dans la fonction publique territoriale, la possibilité de recourir à l'emploi contractuel :

- pour assurer le remplacement momentané de titulaires exerçant leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé maladie, d'un congé de maternité, etc. ;

- pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois ;

- dans les petites communes, pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet correspondant à 31 h 30 de travail par semaine au maximum ;

- pour certaines tâches déterminées : assistantes maternelles agréées, contrats emploi-solidarité, emplois jeunes, etc.

Le pouvoir d'appréciation des juges est considérable pour déterminer si les besoins du service justifient le recours à l'emploi contractuel. Ce rôle des juges est renforcé par une jurisprudence récente du Conseil d'État. Par un arrêt " Ville de Lisieux " 211( * ) du 30 octobre 1998, celui-ci a admis le recours des tiers à l'encontre des contrats de recrutement des agents non titulaires . Cet arrêt pourrait aboutir à une systématisation regrettable des recours à l'encontre des actes des collectivités locales, dans un domaine particulièrement sensible.

M. Didier Lallement, directeur général des collectivités locales au ministère de l'Intérieur, s'exprimant devant la mission, a reconnu les difficultés d'interprétation actuelles concernant le recrutement de personnels sous contrat à durée déterminée pour l'exercice d'une activité qui ne relève pas d'un cadre d'emploi statutaire.

Mais en réponse, le Gouvernement envisage des négociations sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique.

Une " nouvelle vague de titularisations " semble se profiler, alors que les collectivités territoriales recourent précisément aux non-titulaires pour retrouver en pratique une certaine capacité d'adaptation aux nouveaux besoins que les statuts particuliers ne peuvent satisfaire.

E. L'INADÉQUATION DES STATUTS PARTICULIERS AUX NOUVEAUX BESOINS DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Les besoins des collectivités locales en personnel qualifié sont accrus par les attentes des concitoyens. Or, les " nouveaux métiers " appellent de nouvelles compétences qui ne trouvent pas encore leur place dans les statuts particuliers . De plus, certaines fonctions anciennes sont remises en cause du fait de l'évolution des contraintes pesant sur les collectivités. Tel est le cas notamment des emplois de direction et de la fonction de juriste territorial.

S'agissant des emplois supérieurs de la fonction publique territoriale, M. Didier Duraffourg, président du syndicat national des secrétaires généraux et des directeurs généraux des collectivités locales, entendu par la mission, a estimé insuffisante la définition statutaire des emplois de direction des collectivités territoriales, celle-ci se contentant d'indiquer que les secrétaires généraux étaient chargés, sous l'autorité du maire, de diriger l'ensemble des services de la commune et d'en coordonner l'organisation. Il a regretté qu'en l'absence de clarification législative ou réglementaire, une abondante jurisprudence tende de plus en plus à définir les responsabilités des titulaires de la direction générale.

La définition par voie réglementaire des statuts particuliers de la fonction publique territoriale trouve ainsi sa limite lorsque celui-ci n'est pas en mesure de s'adapter avec la réactivité nécessaire aux évolutions des métiers et des compétences.

F. LE CAS PARTICULIER DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER.

1. La surrémunération est un frein à l'embauche

La surrémunération des fonctionnaires outre-mer, régie par la loi du 3 avril 1950, désigne l'application au traitement des fonctionnaires d'un coefficient multiplicateur fixé à 40 % en Guadeloupe, Guyane et Martinique et 53 % à la Réunion. Lors de la mission d'information 212( * ) de la commission des Lois du Sénat dans les départements d'outre-mer, les maires ont souligné le poids très lourd des rémunérations des fonctionnaires pour les finances communales et la difficulté, voire l'impossibilité, de titulariser les nombreux contractuels en raison du coût élevé du régime de rémunération applicable aux titulaires. Cette situation conduit en outre à interdire toute nouvelle embauche aux collectivités locales, qui de ce fait ne peuvent plus jouer le rôle de soutien à l'emploi qu'elles remplissaient autrefois.

2. Les indemnités d'éloignement

L'État commence à réexaminer le coût des rémunérations de la fonction publique outre-mer... pour ses seuls agents. En effet, tandis que le " rapport Lise-Tamaya " avait préconisé le plafonnement de l'indemnité d'éloignement attribuée aux agents de catégorie A en service en métropole et recevant une affectation dans les départements d'outre-mer, lors du débat sur le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer en juin 2000, l'Assemblée nationale, approuvée par le Sénat 213( * ) , a invité le Gouvernement à supprimer les indemnités d'éloignement allouées aux fonctionnaires de l'État affectés dans les départements d'outre-mer en application du titre premier du décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'État en service dans les départements d'outre-mer 214( * ) .

Ces indemnités d'éloignement, instituées à l'origine en raison des difficultés liées à la longueur des voyages et aux conditions de vie matérielles dans les départements d'outre-mer à cette époque, n'apparaissent plus justifiées. Cependant, le débat sur le coût des rémunérations dans la fonction publique territoriale ultramarine reste ouvert.

3. L'emploi de non-titulaires

Selon un rapport de l'Inspection générale de l'administration, les effectifs non titulaires dans les départements d'outre-mer représentent environ 30.000 personnes, soit 68,3 % des agents employés par les collectivités locales. L'hétérogénéité caractérise leur situation juridique.

En particulier, à la Réunion, les 11.600 journaliers communaux , embauchés sans aucun statut, demandent aujourd'hui leur intégration dans la fonction publique territoriale. Compte tenu de la surrémunération de 53 %, le coût de cette titularisation est évalué à un milliard de francs pour les communes. L'association des maires de la Réunion propose donc de définir un statut particulier pour les journaliers communaux et de reclasser ces personnels sur la base des rémunérations de la fonction publique métropolitaine.

L'IGA a dénoncé " l'indulgence " de l'État, qui a laissé se développer l'emploi local non statutaire sans rien entreprendre pour promouvoir une solution spécifique et homogène. Tout en écartant, pour des raisons budgétaires, la titularisation des agents en place, l'IGA propose de doter les agents non titulaires d'un acte formel d'engagement, de définir des principes rigoureux pour les recrutements futurs, d'instituer des éléments de paritarisme et de mieux organiser la carrière de ces personnels.

S'il paraît inopportun de titulariser les agents contractuels sur la base des rémunérations des titulaires, en raison d'un coût financier très lourd, la définition d'un véritable statut des contractuels devra être examinée.

III. LES INCERTITUDES QUANT AU VOLUME DE L'EMPLOI PUBLIC TERRITORIAL

Deux phénomènes majeurs subordonnent le volume de la masse salariale des collectivités locales sans que celles-ci n'en maîtrisent l'évolution : il s'agit de l'extension par l'État de la notion d'agent public (A) et des impératifs démographiques induisant à terme un besoin de renouvellement des effectifs (B).

A. L'EXTENSION DE LA NOTION D'AGENT PUBLIC CRÉE DES CHARGES POUR LES COLLECTIVITÉS EMPLOYEURS

1. La réduction de la possibilité pour les collectivités de recruter sur des contrats de droit privé

Les incertitudes liées à la définition même d'agent public sont en partie à l'origine de l'inflation des dépenses de personnel : aux augmentations d'effectifs doit être ajouté le développement des emplois " parapublics ".

Les augmentations d'effectifs ne seraient pas critiquables si elles résultaient des seuls choix des employeurs locaux, confrontés aux exigences nouvelles de leurs concitoyens. Mais elles résultent de politiques menées par l'État, dont les conséquences financières, qui n'ont pas été évaluées, pèsent sur les décisions locales.

En particulier, la solution retenue par la " jurisprudence Berkani " 215( * ) , à savoir l'extension considérable de la notion d'agent public , a été imposée par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, malgré l'avis très défavorable du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales.

La loi impose ainsi aux collectivités territoriales le recrutement contractuel de leurs agents non-titulaires sous un régime de droit public et pour une durée indéterminée . Les agents déjà en fonctions disposeront d'un droit d'option entre un contrat de droit privé et le passage au " contrat de droit public à durée indéterminée ". Mais, à l'avenir, les collectivités locales n'auront plus le choix du mode de recrutement de leurs agents de catégorie C entrant dans le champ d'application de la loi.

2. Une rigidité accrue de la gestion des personnels

Lors du débat parlementaire, le Sénat 216( * ) s'était inquiété des conditions dans lesquelles ces contrats de droit public à durée indéterminée pourront être conclus, gérés et rompus le cas échéant. Il avait donc supprimé cette disposition, contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

De plus, il avait attiré l'attention du Gouvernement sur les difficultés particulières des agents non titulaires occupant plusieurs emplois permanents à temps non complet au regard du principe d'interdiction du cumul des activités et des rémunérations dans le secteur public .

Lors de son audition devant la mission, interrogé sur la " jurisprudence Berkani " du Tribunal des conflits, M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'État, auteur du rapport sur le recrutement, la formation et le déroulement de carrière des agents territoriaux, s'est demandé si cette jurisprudence ne contraindrait pas le Gouvernement à proposer " un statut des contractuels ", tout en soulignant la contradiction fondamentale entre le statut et le contrat.

Force est de constater que la " simplification " censée être apportée par la " jurisprudence Berkani " est sérieusement battue en brèche par l'existence d'exceptions non négligeables, au premier rang desquelles les emplois jeunes 217( * ) .

La mission d'information renvoie aux travaux en cours du groupe de travail de la commission des Affaires sociales du Sénat sur l'avenir des emplois jeunes, présidé par notre collègue Alain Gournac. Elle constate que la perspective de leur intégration dans la fonction publique territoriale suscite l'inquiétude légitime des employeurs territoriaux, en raison du coût financier d'une telle mesure.

B. LE RENOUVELLEMENT DES EFFECTIFS

Les départs à la retraite des agents publics vont atteindre des proportions jamais égalées : d'ici à 2012, la moitié des agents civils de l'État vont partir à la retraite ; la proportion est plus faible dans la fonction publique territoriale mais reste significative.

En ce qui concerne les prévisions de départs à la retraite 218( * ) , il convient de distinguer d'une part, la fonction publique de l'État 219( * ) et la fonction publique hospitalière, où le problème est majeur et immédiat, d'autre part la fonction publique territoriale, où le problème du remplacement se pose avec un peu moins d'urgence. Toutefois, deux correctifs doivent être apportés : le corps des administrateurs territoriaux est vieillissant ; la faiblesse des données statistiques disponibles empêche de mesurer avec précision l'ampleur du renouvellement à venir.

L'âge moyen des agents de la fonction publique territoriale est de 43 ans et celui des administrateurs de 50 ans, appelant dans les huit prochaines années le remplacement de la moitié des administrateurs.

Les départs massifs à la retraite des agents publics doivent être anticipés. Le remplacement des agents sortants ne doit pas être automatique mais permettre à chaque collectivité de redéfinir l'affectation des personnels en fonction des besoins du service public Les départs à la retraite nécessitent l'institution d'une véritable politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences , fondée sur un diagnostic des besoins à moyen terme. En fonction des besoins, la reconversion éventuelle des agents doit être encouragée. La GPEC doit permettre de définir les actions de formation et les programmes de recrutement pour les dix ou quinze ans à venir, voire d'envisager les réformes législatives adéquates.

En effet, en l'état actuel des textes, il est peu probable que les collectivités locales employeurs disposent des outils statutaires leur permettant de faire face aux besoins en personnel qualifié que vont générer ces départs. L'ampleur du phénomène devrait conduire à s'interroger sur les adaptations à apporter au statut .

CHAPITRE V

UN SYSTÈME DE FINANCEMENT
QUI NE GARANTIT PAS L'AUTONOMIE LOCALE

La décentralisation n'a pas bouleversé l'architecture du système de financement local. Elle a confirmé le partage des ressources entre fiscalité directe et dotations de l'Etat, tout en procédant à certaines réformes de nature à renforcer l'autonomie financière des collectivités locales (I).

Depuis, les liens entre les collectivités locales et les contribuables locaux se sont progressivement distendus, tout d'abord en raison de la prise en charge croissante des impôts locaux par l'Etat, puis par la réduction de l'assiette des impôts locaux ou de la capacité des collectivités à en voter le taux (III).

L'accroissement de la prise en charge par l'Etat de la fiscalité locale s'est accompagnée d'une politique restrictive en matière de dotations budgétaires, les concours de l'Etat aux collectivités locales évoluant moins vite que, d'une part, le coût des compétences qui leur ont été transférées et, d'autre part, que les dépenses obligatoires que l'Etat met à leur charge (II). L'absence de vision d'ensemble et la logique strictement budgétaire qui régissent les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales conduisent à penser que les finances locales sont la variable d'ajustement du budget de l'Etat (IV).

Malgré les déclarations d'intention, le poids des ressources consacrées à la péréquation reste modeste. Les quelques avancées se traduisent par des mécanismes de redistribution des ressources entre collectivités plutôt que par une amélioration du caractère péréquateur des concours de l'Etat (V).

Au total, le contrôle par l'Etat des ressources locales s'accroît, au point de remettre en cause la capacité des collectivités locales à s'administrer librement (VI).

I. LA NOUVELLE DONNE DE LA DÉCENTRALISATION

A. L'HÉRITAGE DU " PLAN DE DÉVELOPPEMENT DES RESPONSABILITÉS LOCALES "

La décentralisation, en matière de finances locales, n'a pas commencé en 1982.

Le 8 avril 1978 a débuté au Sénat, en première lecture, la discussion de deux projets de lois 220( * ) dont l'objet était de refondre le système de financement des collectivités locales. Ces textes constituaient, selon l'expression du ministre de l'intérieur de l'époque, le premier acte de la mise en oeuvre d'un " plan de développement des responsabilités locales " destiné à définir de " nouveaux rapports entre l'Etat et les collectivités locales ". Ce plan était porté par le ministre de l'intérieur, notre collègue M. Christian Bonnet.

Le projet du gouvernement de M. Raymond Barre comportait trois volets. D'une part, il s'agissait d'aller au bout de la tradition française de financement des collectivités locales par la fiscalité, en conférant aux collectivités la possibilité de voter les taux des impôts directs qu'elles perçoivent.

D'autre part, il était prévu de moderniser le principal concours financier de l'Etat en transformant le versement représentatif de la taxe sur les salaires en une dotation globale de fonctionnement, dotée de mécanismes de répartition péréquateurs.

Une fois ces deux étapes franchies, il était envisagé, dans un troisième temps, d'élaborer un texte destiné à " d'une part, donner aux collectivités locales une plus grande liberté dans l'exercice de leurs compétences ; d'autre part, transférer vers elles un certain nombre de compétences aujourd'hui assumées par l'Etat. ".

Les principales orientations du " projet Bonnet " présenté au Sénat

le 8 novembre 1978

- " aucune norme ne pourra être imposée par l'Etat à une collectivité locale à l'occasion notamment de l'octroi de tel ou tel concours financier. Seule la loi pourra le faire. " ;

- " en matière financière, les collectivités locales disposeront d'une liberté totale, sous réserve, bien entendu, chacun le comprendra, que leur budget soit équilibré et que leur ratio d'endettement ne dépasse pas un certain seuil. Dans la même perspective d'allégement des tutelles, l'étude du principe d'une certaine globalisation des subventions spécifiques d'équipement est activiement poussée " ;

- " introduire plus de clarté dans les rapports entre l'Etat et les collectivités locales, alléger les procédures et assurer, au niveau le plus convenable, la solution de certains problèmes par le transfert d'un certain nombre de compétences " ;

- " créer des blocs de compétences exclusives mettant fin, dans toute la mesure du possible, aux compétences croisées, sources de dilution des responsabilités " ;

- " chaque fois que des compétences seront transférées aux départements ou aux communes, jugés mieux à même de les assurer, les ressources correspondantes seront transférées du budget de l'Etat à celui des collectivités locales. "

Cette démarche a été menée à son terme, par deux gouvernements successifs. La loi de finances pour 1979 a supprimé le versement représentatif de la taxe sur les salaires, qui a été remplacé par la dotation globale de fonctionnement issue des dispositions de la loi du 3 janvier 1979. Cette dotation a conservé le caractère de prélèvement sur les recettes de l'Etat, réaffirmant ainsi le principe d'un financement des collectivités locales par la fiscalité.

La loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale constitue aujourd'hui le socle des règles applicables en matière de vote des taux des impôts directs locaux par les collectivités locales. Elle a également jeté les bases des mécanismes de péréquation des ressources fiscales en créant le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).

Le troisième volet du plan Bonnet, celui relatif à la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, a été repris dans ses grandes lignes par la majorité issue des élections de 1981, et par le gouvernement de notre collègue M. Pierre Mauroy.

A cette occasion, il n'a pas été procédé à un réexamen d'ensemble des charges des collectivités locales et des recettes qui permettent de les financer . Les charges nouvelles ont été isolées et financées par des ressources spécifiques. Pour respecter la tradition française, ces ressources sont principalement fiscales, l'Etat transférant certains impôts aux collectivités, et peuvent être complétées par des dotations budgétaires .

B. UN RENFORCEMENT DE L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS

Le symbole de la décentralisation en matière de finances locales est le vote des taux de leur fiscalité directe par les exécutifs locaux. Auparavant, les collectivités ne votaient que des produits et les services fiscaux se chargeaient d'en déduire les taux correspondants.

La consécration du pouvoir fiscal des collectivités locales a constitué une étape nouvelle dans la mise en oeuvre du principe de libre administration affirmé à l'article 72 de la Constitution de 1958 221( * ) et à ouvert la voie aux innovations résultant des lois de décentralisation.

En s'inspirant de la formulation de l'article 72, l'article premier de la loi du 2 mars 1982 dispose que " les communes, les départements et les régions s'administrent librement par des conseils élus ". Plusieurs dispositions traduisent concrètement la réaffirmation de ce principe :

- les actes budgétaires deviennent exécutoires de plein droit. Ils restent toutefois soumis à un contrôle budgétaire exercé par le préfet, qui ne peut saisir les nouvelles chambres régionales des comptes que si un budget à été voté ou exécuté en déséquilibre, si une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou si un budget n'a pas été adopté dans les délais. Pour le reste, les collectivités votent librement leurs budgets ;

- le principe du vote des taux a été étendu aux impôts transférés aux collectivités locales en contrepartie des transferts de compétence 222( * ) . Depuis l'ordonnance n° 86-1243 du 1 er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, les collectivités peuvent également fixer librement les tarifs des services publics (sauf en matière de transport urbain et de cantines scolaires) ;

- après la dotation globale de fonctionnement, les subventions d'équipement font également l'objet d'une tentative de globalisation à travers la création de la dotation globale d'équipement (DGE) ;

- les élus locaux ordonnateurs peuvent réquisitionner leur comptable s'il refuse de payer une dépense ou de percevoir une recette ;

- les régimes de contrôle et d'approbation préalable en matière d'emprunt ont été supprimés, même si les emprunts ne peuvent toujours servir à rembourser d'autres dettes. Les restrictions en matière financières ont progressivement été levées mais le processus est toujours en cours, de manière résiduelle. Par exemple, la loi du 26 décembre 1999 relative à la prise en compte des résultats du recensement dans les dotations de l'Etat aux collectivités locales a supprimé l'autorisation préalable du ministre de l'intérieur pour les emprunts obligataires à l'étranger.

II. LA COMPENSATION FINANCIÈRE DES TRANSFERTS DE CHARGES : THÉORIE ET PRATIQUE

Les collectivités locales ont été diversement concernées par les transferts de compétences opérés au cours des années 80 :

- les transferts aux communes portent sur les compétences des services communaux d'hygiène et de santé, le mode de calcul des contingents d'aide sociale, la participation des communes aux dépenses d'enseignement, l'organisation des transports scolaires, les bibliothèques municipales, l'élaboration des documents d'urbanisme et la délivrance des autorisation d'utilisation du sol, et les ports de plaisance. Avant leur transfert, l'exercice de ces compétences coûtait à l'Etat 1,4 milliard de francs par an ;

- les transferts aux départements portent sur l'action sociale et la santé, la planification scolaire, la construction, l'équipement et le fonctionnement des collèges (loi du 22 juillet 1983 et du 25 janvier 1985), les transports scolaires (loi du 22 juillet 1983), les bibliothèques départementales (loi du 22 juillet 1983), les ports et les cultures marines. Avant leur transfert, l'exercice de ces compétences coûtait à l'Etat 44,8 milliards de francs par an.

- les transferts aux régions portent sur la formation professionnelle et l'apprentissage (loi du 7 janvier 1983, loi du 23 juillet 1987, loi quinquennale du 20 décembre 1993, loi du 19 décembre 1989), la construction, l'équipement et le fonctionnement des lycées, des établissements d'éducation spéciale, des écoles de formation maritime et aquacole et des lycées d'enseignement agricole, les ports fluviaux et les voies navigables (optionnel), les aides au renouvellement et à la modernisation de la pêche côtière et les aides aux entreprises de culture marine. Avant leur transfert, l'exercice de ces compétences coûtait à l'Etat 14,1 milliards de francs par an.



Les transferts de compétences réalisés en application des lois de décentralisation reposent sur un principe clair : le transfert simultané aux collectivités des ressources nécessaires à l'exercice de ces compétences .

A. LES PRINCIPES DE LA COMPENSATION

1. Une compensation intégrale à la date du transfert

Le code général des collectivités territoriales détermine les règles applicables en matière de compensation financière des transferts de compétences, et notamment que :

- " tout accroissement net des charges résultant des transferts de compétences (...) est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences " (article L. 1614-1) ;

- " ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert , par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées " (article L. 1614-1) ;

- " toute charge nouvelle incombant aux collectivités du fait de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée " (article L. 1614-2) ;

- " le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges est constaté pour chaque collectivité par arrêté conjoint du ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé du budget, après avis d'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et comprenant des représentants de chaque catégorie de collectivités concernées " (article L. 1614-3)

Cette commission a vu le jour sous le nom de " commission consultative sur l'évaluation des charges ". Outre le magistrat de la Cour qui la préside, elle est composée de huit représentants des communes, quatre représentants des conseils généraux et quatre représentants des conseils régionaux. Son secrétariat est assuré par la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur.

2. Une compensation constituée au moins pour moitié par des ressources fiscales

Le code général des collectivités territoriales définit également les modalités de la compensation :

- " les charges (...) sont compensées par le transfert d'impôts d'Etat (...) et, pour le solde , par l'attribution d'une dotation générale de décentralisation " (article L. 1614-4) ;

- " les transferts d'impôts d'Etat représentent la moitié au moins des ressources attribuées par l'Etat à l'ensemble des collectivités locales " (article L. 1614-5) ;

- " les pertes de produit fiscal résultant, le cas échéant, pour les départements ou les régions, de la modification, postérieurement à la date des transferts impôts et du fait de l'Etat , de l'assiette ou des taux de ces impôts sont compensées intégralement , collectivité par collectivité (...) par des attributions de dotation de décentralisation " (article L. 1614-5).

Les impôts d'Etat transférés aux collectivités locales par l'article 99 de la loi du 7 janvier 1983 ont été :

- pour les départements : d'une part, la taxe sur les véhicules à moteur (vignette) et, d'autre part, les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière exigibles sur les mutations à titre onéreux (droits de mutation) ;

- pour les régions : la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules à moteur (cartes grises).

La loi de 1983 a exclu le financement par la fiscalité des compétences transférées aux communes.

B. LES AMBIGUÏTÉS D'UN SYSTÈME COMPLIQUÉ

1. Le mode de calcul des compensations ne permet pas une compensation intégrale

a) Le calcul des compensations repose sur la distinction entre l'évolution théorique et l'évolution réelle des ressources et charges transférées

Le mode de calcul des compensations retenu par les lois de décentralisation repose sur un postulat de départ ambigu, et à l'origine de la grande complexité du système. Il part en effet du principe que, à compter du transfert de compétence, le coût de leur exercice pour les collectivités locales n'augmentera pas plus vite que la dotation globale de fonctionnement (DGF). Comme pour confirmer le bien fondé de cette approche, le code général des collectivités territoriales ajoute que les montants ainsi calculés " assurent la compensation intégrale des charges transférées ".

Or, comme il a été choisi d'assurer principalement la compensation des transferts de compétences par la dévolution aux collectivités locales d'impôts d'Etat, dont l'évolution du produit est totalement déconnectée de celle de la DGF, un écart apparaît entre le montant théorique des ressources transférées aux collectivités et leur montant réel, qui résulte de l'évolution des bases des impôts transférés. De même, rien n'assure que le coût réel des compétences transférées soit équivalent à leur coût théorique, résultant de l'indexation sur la DGF du coût de la compétence au moment du transfert.

En outre, il est important de rappeler que, en 1983, la DGF était indexée sur l'évolution du produit de la taxe sur la valeur ajoutée , qui est l'un des impôts au rendement le plus dynamique. Depuis 1990, les modalités d'indexation de la DGF ont été modifiées à de nombreuses reprises, dans un sens moins favorable que l'indexation sur la TVA. Par ailleurs, le mode de calcul de cette dotation doit désormais prendre en compte les opérations de " recalage de la base " et de régularisation de son montant, dans les conditions prévues aux articles L. 1613-1 et L. 1613-2 du code général des collectivités territoriales.

La complexification du mode de calcul de la DGF s'est accompagnée d'une réduction de son rythme d'évolution. Par conséquent, s'il était concevable en 1983 de lier l'évolution de la compensation des transferts de compétences à une dotation dont le montant évoluait en fonction du produit d'un impôt assis sur les transactions et l'activité économique, la pertinence de ce lien n'apparaît plus aussi nettement aujourd'hui.

Le tableau ci-dessous confirme que les écarts, tant en dépenses qu'en recettes, entre les montants théoriques et les montants réels s'accentuent depuis l'entrée en vigueur des lois de décentralisation, et que les montants théoriques sont toujours inférieurs aux montants réels.

Financement des transferts de compétences : écarts entre théorie et pratique

 

1984

1990

1996

Départements

 
 
 

Coût théorique/coût réel des compétences transférées

0,94

0,89

0,73

Produit théorique/produit réel de la fiscalité transférée

0,98

0,62

0,86

Régions

 
 
 

Coût théorique/coût réel des compétences transférées

0,93

0,44

0,46

Produit théorique/produit réel de la fiscalité transférée

0,78

0,46

0,40

Données chiffrées  : Commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement, 1999.

Les écarts entre les montants réels et les montants théoriques ont conduit la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) à élaborer une double comptabilisation :

- d'une part, la CCEC a mis en place un suivi de l'évolution théorique des transferts de charge , par l'analyse de l'évolution théorique du coût des compétences (qui détermine le " droit à compensation " des collectivités locales) et le suivi du " produit théorique " de la fiscalité transférée et de l'évolution de la dotation générale de décentralisation (DGD), qui est la seule variable de ce système dont l'évolution réelle est la même que son évolution théorique, c'est-à-dire le taux de progression de la DGF.

Contrairement aux dispositions du code général des collectivités territoriales, la DGD ne finance pas seule le " solde " entre le coût des compétences et le produit de la fiscalité transférée. Elle est complétée par une DGD spécifique au financement de la formation professionnelle et par deux dotations d'équipement, la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES) et la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC). Ces deux dernières dotations ne sont d'ailleurs pas indexées sur la DGF mais sur l'évolution de la formation brute de capital fixe des administrations publiques ;

- d'autre part, la CCEC assure le suivi des évolutions réelles du coût des compétences transférées et du produit de la fiscalité transférée. Toutefois, elle ne le fait que " pour information ", l'ensemble du système d'évaluation des transferts de charges reposant sur les évolutions fictives.

Il arrive cependant que le réel et le fictif se recoupent. Ainsi, l' article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales prévoit que si le produit fictif de la fiscalité transférée se révèle supérieur au coût théorique des compétences transférées, il est procédé à un prélèvement sur le produit réel de la fiscalité transférée, d'un montant égal à la différence entre les deux montants théoriques .

b) Cette distinction n'a pas permis une compensation intégrale des charges transférées

Pour les gestionnaires locaux, il est surtout important que l'évolution réelle des recettes transférées soit en adéquation avec l'évolution du coût réel des compétences.

Il ressort du tableau ci-dessous que les recettes transférées augmentent beaucoup moins vite que les charges transférées . Ainsi, alors que les charges transférées étaient 1,4 fois supérieures aux recettes transférées en 1987, elles étaient 2 fois supérieures en 1996. Entre ces deux dates, le coût des compétences transférées a augmenté de 111 % alors que les recettes transférées n'ont augmenté que de 39,6%.

Evolution des recettes et des dépenses transférées par les lois de décentralisation
(en millions de francs)

 

1987

1996

Evol. en %

Recettes

Recettes transférées *

Recettes totales des collectivités **

Part (en %) des recettes transférées dans les recettes totales

44.583

467.925

9,5

62.258

749.557

8,3

39,6

60

Dépenses

Coût des compétences transférées *

Dépenses totales des collectivités locales **

Part (en %) des compétences transférées dans les dépenses totales des collectivités

62.563

463.155

13,5

132.423

745.788

17,8

111,6

60

Coût des compétences transférées / recettes transférées

1,4

2,1

 

* Source : Commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement , 1999.

** Source : Les collectivités locales en chiffres, DGCL,1999.

En réalité, l'écart entre l'évolution des dépenses et des recettes n'est pas aussi important. En effet, les départements assumaient déjà 52 % des dépenses d'aide sociale et 62 % des dépenses de transport scolaire dès avant le transfert des ces compétences. En sens inverse, les régions percevaient déjà 35 % du produit de la taxe sur les cartes grises avant le transfert de cet impôt.

Par conséquent, pour avoir une idée de l'évolution de l'adéquation entre l'évolution des recettes et des dépenses, il faut prendre en compte uniquement l'évolution des recettes et des dépenses que les collectivités ont acquis au moment des lois de décentralisation :

- pour les départements, il faut établir le montant de ce que la CCEC appelle les " dépenses de référence ", en déduisant du coût des compétences transférées la fraction de ces compétences qu'ils exerçaient avant le transfert ;

- pour les régions, il faut établir le montant des " recettes de référence ", en ne prenant en compte que l'évolution de la fraction du produit de la taxe sur les cartes grise antérieurement perçue par l'Etat.

Même avec cette méthode, il apparaît que les compensations ont été défavorables aux collectivités locales, du moins aux départements et aux régions 223( * ) :

- la compensation des transferts de charges aux départements

Entre 1985 et 1994, les départements ont globalement bénéficié du mode de compensation des transferts de charges. Toutefois, à partir de 1991, le poids des dépenses d'action sociale s'est accru , notamment sous l'effet de la montée en puissance des dépenses de revenu minimum d'insertion (qui n'ont pas donné lieu à compensation), et, dans le même temps, le rendement des impôts transférés a décru. Depuis 1995, le coût des compétences transférées est supérieur aux recettes transférées.

Le ratio coût des compétences transférées/ressources transférées est passé de 1,26 en 1989 à 0,89 en 1996.

Source : Commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement, 1999.

Ce résultat global masque toutefois d'importantes disparités territoriales . La tableau ci-dessous retrace, pour l'année 1996, le rapport entre le montant réel des ressources transférées et le coût réel des compétences transférées pour chacun des départements métropolitains. Lorsque le ratio est supérieur à 1, le montant des ressources transférées est supérieur à celui des charges :

Départements : ressources transférées/coût réel des compétences transférées en 1996

1,02 à 1,81

Hautes-Alpes (05) ; Aude (11) ; Cantal (15) ; Charente-Maritime (17) ; Corrèze (19) ; Corse (20) ; Côtes d'Armor (22) ; Indre-et-Loire (37) ; Loire-Atlantique (44) ; Lozère (48) ; Haute-Marne (52) ; Meurthe-et-Moselle (54) ; Haute-Saône (70) ; Yonne (89) ; Territoire de Belfort (90) ; Corse du Sud ; Haute Corse ; Paris

0,93 à 1,02

Alpes-de-Haute-Provence (04) ; Calvados (14) ; Charente (16) ; Cher (18) ; Creuse (23) ; Dordogne (24) ; Drôme (26) ; Gard (30) ; Ille-et-Vilaine (35) ; Jura (39) ; Haute-Loire (43) ; Lot (46) ; Lot-et-Garonne (47) ; Meuse (55) ; Morbihan (56) ; Moselle (57) ; Orne (61) ; Pyrénées-Atlantiques (64) ; Seine-Maritime (76) ; Deux-Sèvres (79) ; Haute-Vienne (87) ; Vaucluse (84) ; Vosges (88)

0,89 à 0,93

Allier (03) ; Ardèche (07) ; Ardennes (08) ; Aveyron (12) ; Hérault (34) ; Indre (36) ; Landes (40) ; Manche (50) ; Nièvre (58) ; Hautes-Pyrénées (65) ; Bas-Rhin (67) ; Saône et Loire (71) ; Yvelines (78) ; Vendée (85)

0,82 à 0,89

Alpes-Maritimes (06) ; Côte d'Or (21) ; Doubs (25) ; Eure (27) ; Finistère (29) ; Gers (32) ; Gironde (33) ; Isère (38) ; Loir-et-Cher (41) ; Loire (42) ; Marne (51) ; Nord (59) ; Oise (60) ; Pas-de-Calais (62) ; Rhône (69) ; Sarthe (72) ; Savoie (73) ; Somme (80) ; Tarn et Garonne (82) ; Val de Marne (94)

0,57 à 0,82

Ain (01) ; Aisne (02) ; Ariège (09) ; Aube (10) ; Bouches-du-Rhône (13) ; Eure-et-Loir (28) ; Haute-Garonne (31) ; Loiret (45) ; Puy-de-Dôme (63) ; Maine-et-Loire (49) ; Mayenne (53) ; Pyrénées-Orientales (66) ; Haut-Rhin (68) ; Haute-Savoie(74) ; Seine (75) ; Seine-et-Marne (77) ; Tarn (81) ; Var (83) ; Vienne (86) ; Essonne (91) ; Hauts-de-Seine (92) ; Val d'Oise (95)

Source : commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement, 1999.

- la compensation des transferts de charges aux régions

Contrairement aux départements, les régions ont toujours été pénalisées par le mode de compensation des compétences transférées, sauf en 1984 et 1985. Par ailleurs, le ratio coût des compétences transférées/ressources transférées n'a cessé de se dégrader, passant de 0,96 en 1986 à 0,66 en 1996.



Source : Commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement, 1999

A la différence des départements, toutes les régions sont " pénalisées " par le système de compensations puisque, en 1996, les dépenses transférées étaient supérieures aux recettes transférées dans l'ensemble des régions métropolitaines  :

Régions : ressources transférées/coût réel des compétences transférées en 1996

Alsace

0,95

Champagne-Ardenne

0,81

Midi-Pyrénées

0,74

Aquitaine

0,62

Franche-Comté

0,71

Nord-Pas-de-Calais

0,74

Auvergne

0,66

Haute-Normandie

0,49

Pays-de-la-Loire

0,50

Basse-Normandie

0,70

Ile-de-France

0,66

Picardie

0,60

Bourgogne

0,73

Languedoc-Roussillon

0,64

Poitou-Charentes

0,60

Bretagne

0,68

Limousin

0,69

Provence-Alpes-Côte d'Azur

0,78

Centre

0,47

Lorraine

0,92

Rhône-Alpes

0,55

Source : Commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement, 1999.

2. La remise en cause du principe du financement par la fiscalité

Le premier alinéa de l' article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que " au terme de la période visée à l'article 4 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée [3 ans], les transferts d'impôts d'Etat représentent la moitié au moins des ressources attribuées par l'Etat à l'ensemble des collectivités locales ".

La rédaction de cet alinéa appelle trois remarques préalables :

- tout d'abord, la référence à un délai de trois ans peut-être interprétée de deux manières. Au premier abord, il peut être compris que la loi accorde un délai de trois ans pour satisfaire l'obligation d'un financement des compétences transférées constitué pour moitié au moins par des ressources fiscales.

La commission consultative sur l'évaluation des charges semble retenir une interprétation différente. Dans son rapport au Parlement de 1999, elle indique en effet qu' " il peut être observé qu'à l'issue du processus de transferts de compétences dans les délais prescrits à l'article 4 de la loi du 7 janvier 1983, c'est-à-dire dans un délai maximum de trois ans après son entrée en vigueur, le principe de l'article L. 1614-5 a été respecté. ". Cette interprétation est sujette à caution car on se demande pourquoi le législateur aurait pris la peine d'apporter cette précision si la règle ne devait s'appliquer que pendant une période très courte 224( * ) ;

- il est précisé que la proportion de 50 % de ressources fiscales s'applique " à l'ensemble des collectivités locales ", et non à chacune des catégories de collectivités locales. Cette rédaction est cohérente avec le choix de financer exclusivement par dotations budgétaires les transferts de compétences en direction des communes. Elle implique donc que les départements ou les régions pourraient être financés majoritairement par des dotations budgétaires si, au total, les ressources fiscales représentent plus de 50 % des crédits transférés à l'ensemble des collectivités ;

- l 'article L. 1614-5 ne précise pas si le pourcentage de 50 % s'applique aux recettes théoriques ou aux recettes réelles des collectivités. Néanmoins, compte tenu du fonctionnement du dispositif de compensation, on peut penser qu'il s'agit du produit théorique.

L'analyse de la structure des recettes transférées montre que la règle de 50% n'est plus respectée depuis 1988 s'agissant des recettes théoriques. Pour les recettes réelles, la règle était encore respectée en 1998, dernière année avant le début du processus de réduction des taux des droits de mutation.

Part des ressources fiscales dans les ressources transférées

(en %)

 

1984

1988

1992

1998

1999

Produit théorique

 
 
 
 
 

Départements

58,4

59,6

59,5

59,2

51,2

Régions

41,5

18,4

18,3

15,5

13,3

Ensemble des collectivités

55,3

49,7

49,6

47,6

40

Produit réel

 
 
 
 
 

Départements

58,7

74,5

74,5

65,4

-

Régions

57,7

37,6

40,7

40,5

-

Ensemble des collectivités

57,6

64,8

64,3

66,2

-

Données chiffrées : Commission consultative sur l'évaluation des charges, rapport au Parlement, 1999

L'écart entre les deux séries de chiffres figurant dans le tableau précédent s'explique surtout par le fait que l'assiette réelle des impôts transférés a évolué beaucoup plus rapidement que le taux de progression de la DGF sur lequel est indexé le produit théorique. Par ailleurs, le produit théorique de la taxe sur les cartes grises transférée au région a été sous évalué en 1983, au moment du transfert, contribuant ainsi à minorer la part de la fiscalité dans les ressources théoriques des régions.

Au delà du respect du seuil de 50 % prévu par le code général des collectivités territoriales, la réduction de la part des ressources fiscales dans les ressources transférées témoigne du fait que, passée la première vague des transferts de compétences, le financement budgétaire des transferts, conçu au départ comme un solde, est progressivement devenu la norme :

- les nouveaux transferts n'ont pas donné lieu à des transferts de fiscalité mais à des majorations de dotation générale de décentralisation (DGD) . Ainsi, pour ne citer que les exemples ayant de fortes implications financières, le transfert aux régions de la compétence en matière de formation professionnelle intervenu en 1985 a eu pour effet de réduire de 41 % à 21 % la part de la fiscalité dans les ressources théoriques transférées des régions et de 60 % à 38 % la part de la fiscalité dans les ressources réelles transférées. De même, la régionalisation de la compétence ferroviaire se traduit par des majorations de DGD ;

- l'assiette et le taux des impôts transférés sont progressivement réduits . Dès 1998, l'élargissement de l'assiette de la taxe à l'essieu perçue par l'Etat a eu pour conséquence de réduire le produit de la vignette, malgré la mise en place d'une compensation dont ne connaît pas encore les modalités définitives.

De manière plus significative, le gouvernement a entrepris, depuis la loi de finances pour 1999, une politique de réduction et d'unification des taux des droits de mutation qui, outre qu'elle a supprimé au passage le pouvoir des départements de voter les taux de ces impôts, a entraîné une diminution importante de la part de la fiscalité dans les ressources transférées. Il s'en suivra également un ralentissement de l'évolution du montant des ressources transférées, puisque les départements perdent une recette fortement soumise aux aléas du marché immobilier mais qui évoluait globalement plus vite que la DGD, à laquelle la compensation a été intégrée.

3. Le régime de compensation est-il respectueux de la libre administration des collectivités locales ?

Dans son rapport au Parlement de 1997, la commission consultative sur l'évaluation des charges estime que " le raisonnement tendant à mettre au regard des dépenses effectivement engagées dans les domaines des compétences transférées les concours de l'Etat est peu convaincant au regard des principes de la décentralisation et des revendications des collectivités locales en matière de décentralisation et d'autonomie ".

Elle ajoute qu'il n'est " pas possible, sauf à méconnaître les principes de la décentralisation, de considérer qu'une dépense réalisée localement doit être entièrement couverte par une dotation de transfert ".

A l'appui de ces affirmations, elle constate que :

- les compensations étaient intégrales à la date du transfert ; l'augmentation du coût des compétences résulte de décision des collectivités, qui ont été libres " de décider, postérieurement, des dépenses supplémentaires, ce qu'elles ont d'ailleurs fait " ;

- le choix de compenser les transferts de compétences par des transferts d'impôts a permis " aux nouvelles collectivités compétentes, en raison du dynamisme de l'assiette et de la liberté de fixation des taux d'imposition qui leur était accordée, d'adapter ces ressources transférées à leurs besoins ".

- la comparaison de l'évolution des charges et des ressources transférées relève d'une analyse " historiquement erronée " qui " méconnaît la logique institutionnelle née de la décentralisation et le poids des charges supportées par la collectivité indépendamment des transferts de charges résultant de la décentralisation ".

Un tel raisonnement n'apparaît pas totalement recevable pour au moins quatre raisons :

- il part du principe que les collectivités auraient dû assurer les compétences transférées de manière identique à celle dont l'Etat les exerçait antérieurement. Dans cette logique, les collectivités locales n'auraient jamais pu, voire dû, réaliser de leur propre initiative les efforts qu'elles ont faits en matière par exemple, de rénovation, d'entretien et d'équipement des établissements scolaires.

Cette conception est pourtant encore à l'oeuvre en 2000 puisque le montant de la compensation versée aux régions en contrepartie de la régionalisation de la compétence ferroviaire, généralisée par le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains examiné par le Parlement au printemps 2000, a été calculé à partir d'une étude réalisée six ans plus tôt par un cabinet privé et ne tient pas compte des besoins d'investissement que les régions devront satisfaire. Pour la première fois, une compensation ne sera donc même pas intégrale à la date du transfert ;

- il juge conforme au principe de libre administration que le transfert de compétences antérieurement assumées par l'Etat puisse se traduire par une réduction de la marge de manoeuvre des collectivités dans l'exercice de leurs compétences " traditionnelles " , ce qui est le cas puisque le coût des compétences transférées n'est plus couvert par montant des ressources transférées.

En pratique, entre 1987 et 1996, la part des dépenses liées à l'exercice des compétences transférées dans les dépenses totales des collectivités locales s'est accrue, passant de 13,5 % à 17,8 %. Dans le même temps, la part des ressources transférées dans les ressources totales des collectivités se réduisait, passant de 9,5 % à 8,3 %. L'exemple de la régionalisation de la compétence ferroviaire illustre également ce phénomène, puisque les collectivités devront financer la rénovation des équipements sur leurs " ressources propres " ;

- la CCEC est sélective dans son invocation du principe de libre administration et de l'esprit des lois de décentralisation. Elle n'insiste par exemple jamais sur l'échec de la globalisation des dotations de compensation des transferts de compétence, pourtant au coeur de l'idée décentralisatrice. Ainsi, en 2000, outre que la DGD est encore une accumulation de concours particuliers, l'ensemble des crédits n'y sont pas rassemblés puisqu'il subsiste deux dotations d'équipement, une dotation spécifique à la formation professionnelle et des crédits inscrits au ministère de la culture.

Toutefois, compte tenu de la pratique de l'Etat en matière d'indexation des dotations, cette entorse aux principes de la décentralisation reste préférable à une fusion de l'ensemble des dotations, puisque les deux dotations d'équipement bénéficient d'une indexation plus favorable que la DGD.

- la justification de l'absence de compensation intégrale des transferts de charges par l'accroissement des autres charges supportées par la collectivité nationale constitue un aveu de taille : les collectivités locales sont donc bel et bien, dans l'esprit des administrations de l'Etat, la variable d'ajustement des finances publiques.

C. L'ALOURDISSEMENT DES CHARGES NON COMPENSÉES : UN RISQUE POUR LES BUDGETS LOCAUX

1. Les transferts de charges ne concernent pas seulement les domaines mentionnés par les lois de décentralisation

Comme l'indique la commission consultative sur l'évaluation des charges dans son rapport au Parlement de 1997, " la question des charges nouvelles supportées par les collectivités locales indépendamment des transferts de compétences constitue désormais le centre des préoccupations financières des élus locaux. La stabilisation des budgets locaux et de la fiscalité locale ne peut aller sans une stabilisation des charges. Or, les collectivités locales enregistrent des charges nouvelles sur lesquelles elles n'ont parfois aucune prise ".

La CCEC, dans son rapport au Parlement de 1999, a entrepris d'établir une typologie de ces charges nouvelles non compensées :

Les " charges nouvelles " des collectivités locales

La commission consultative sur l'évaluation des charges, dans son rapport au parlement de 1999, distingue trois catégories de " charges nouvelles ", en précisant que cette notion est " généralement employée pour qualifier des transferts non compensés " :

1. Les charges résultant des législations ou réglementations de portée générale s'imposant aux collectivités comme aux autres personnes publiques ou privées.

Ces charges ont généralement pour origine un objectif de sécurité qui s'impose aux propriétaires de biens immobiliers.

Le patrimoine des collectivités locales entre dans le champ d'application de diverses législations ou réglementations qui peuvent représenter des coûts importants.

Trois réglementations récentes, peuvent, à cet égard, être mentionnées :

- le décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis qui oblige tous les propriétaires de bâtiments collectifs à effectuer certaines opérations en vue de rechercher, d'enlever ou de neutraliser dans leurs constructions la présence d'amiante dans les flocages ou calorifugeages ;

- les décrets n° 94-699 du 10 août 1994 et n° 96-1136 du 18 décembre 1996 fixant les exigences et les prescriptions de sécurité relatives aux aires collectives de jeux ;

- le décret n° 96-495 du 4 juin 1996 sur les exigences de sécurité des cages de buts de football, de handball, de hockey sur gazon et en salle et des paniers de basket qui impose au propriétaire un entretien régulier des équipements, l'établissement d'un plan précisant la périodicité des visites de vérification et d'entretien ainsi que la tenue d'un registre comportant les dates et résultats des contrôles.

2. Les charges liées à des prescriptions européennes ou nationales destinées à répondre à des exigences d'intérêt général pour des équipements ou l'exercice de compétences des collectivités locales.

Ces charges correspondent aux échéances européennes et nationales imposées pour la mise aux normes de services publics locaux.

Deux domaines représentent actuellement des enjeux financiers considérables : la collecte et l'élimination des déchets, d'une part et l'eau et l'assainissement, d'une part.

Pour la gestion des déchets, la loi n° 92-646 du 12 juillet 1992 a prévu l'interdiction à compter du 1 er juillet 2002 de la mise en décharge brute de déchets et la valorisation de 75 % des emballages ménagers à cette même date. Sa mise en oeuvre représente un coût financier estimé à 60 milliards de francs d'investissements sans compter les coûts d'élimination des déchets, c'est à dire leur collecte et leur traitement, qui passeraient de 100 francs la tonne à un montant compris entre 300 francs et 600 francs la tonne.

Le rapport de l'Observatoire des finances locales pour 1999, établi par notre collègue Joël Bourdin, précise qu'en 1998, 85 % des communes qui ont instauré une taxe ou une redevance générale, le produit moyen par habitant de celles-ci est respectivement de 380 et de 243 francs. Par ailleurs, la taxe ne suffit généralement pas à assurer l'intégralité du financement du service d'élimination et de traitement des ordures ménagères de sorte qu'il est souvent procédé à un abondement budgétaire.

Dans le second secteur, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 et la directive européenne n° 91-271 du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, conduisent à la réalisation d'investissements importants d'ici à 2005.

Le rapport de M. Tavernier " la fiscalité au secours de l'eau " (AN n° 1807 du 22 septembre 1999) fait ressortir que les collectivités locales sont à l'origine de plus de 85 % de la dépense publique dans ce secteur, soit 75,7 milliards de francs en 1997.

L'augmentation globale de la facture d'eau moyenne, de 1991 à 1997, s'est élevée à 61 % avec des évolutions différentes pour chacun de ses éléments soit + 29 % pour la fourniture d'eau, + 58 % pour l'assainissement (principalement du fait de la directive communautaire de 1991) et + 241 % pour les redevances des agences.

3. Les charges issues de la transposition aux collectivités locales de diverses décisions.

Certaines décisions prises par l'État et sur lesquelles les collectivités ont peu ou pas de prise ont des conséquences financières pour celles-ci.

Il en est ainsi des revalorisations de rémunérations qui, en application du principe de parité avec la fonction publique d'Etat, sont transposées à la fonction publique territoriale.

Cette transposition des réformes ou des accords salariaux concernant la fonction publique d'Etat a un impact financier d'autant plus sensible que les frais de personnel correspondent à un poste de dépenses important, en particulier pour les communes.

Le rapport précité de l'Observatoire des finances locales relève un regain de croissance des frais de personnel des collectivités du fait principalement des effets du protocole salarial du 10 février 1998 qui a prévu, d'une part, des majorations des traitements des agents de la fonction publique territoriale et, d'autre part, une revalorisation des bas salaires. Sur trois exercices, de 1998 à 2000, le coût serait de 9,5 milliards de francs.

Par ailleurs, les collectivités locales doivent prendre en compte, notamment dans le cadre de leur politique sociale, l'effet de la revalorisation des minima sociaux.

Ainsi, toute révision du montant du revenu minimum d'insertion (RMI) a des conséquences financières directes sur les budgets des départements. Elle se traduit par une augmentation des crédits destinés au financement des actions d'insertion dont l'article 38 de la loi du 1 er décembre 1988 a prévu l'inscription obligatoire.

Le montant du plafond de ressources pour bénéficier de certaines prestations d'aide sociale est souvent défini par référence à des allocations dont le montant est fixé par l'Etat. Tel est notamment le cas de l'aide à domicile des personnes âgées dont le bénéfice est conditionné à des ressources inférieures au minimum vieillesse. Toute majoration de l'allocation de référence a des effets sur le public éligible à l'aide sociale départementale
. "

Les observations de la CCEC sur ces nouvelles charges imposées aux collectivités locales peuvent être complétées par deux remarques :

- les ressources des collectivités locales évoluent moins vite que leurs charges nouvelles . La principale ressource de fonctionnement des communes et des départements est la dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, pour les trois années d'application de l'accord salarial du 10 février 1998, la DGF a augmenté nettement moins vite que le surcoût provoqué par cet accord 225( * ) .



Données chiffrées : lois de finances, rapport sur les rémunérations dans la fonction publique (PLF 99).

Le surcoût induit par le financement des charges non compensées peut aboutir à une augmentation de la pression fiscale sur les contribuables locaux. Ainsi, depuis 1993, le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères a progressé de près de 7 milliards de francs, le produit de cette taxe augmentant chaque année de plus de 5 % ;

- l'Etat incite fortement les collectivités locales à financer des dépenses qui relèvent de ses compétences , notamment en matière d'enseignement supérieur, avec le plan U3M, et en matière de voirie, notamment dans le cadre des plans Etat-régions. Lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, a observé qu'à partir de 1987, l'Etat avait refusé de financer des dépenses qu'il prenait en charge auparavant, en matière de santé, de construction de routes ou de travaux sur les bâtiments universitaires.

Les procédures contractuelles permettent par ailleurs à l'Etat d'orienter les dépenses des collectivités locales tout en se désengageant financièrement. En effet, la part de l'Etat dans des contrats représentant des sommes de plus en plus élevées diminue depuis le début des années 80, comme l'a relevé le rapport Chérèque de 1998 226( * ) , sans que la marge de manoeuvre des régions pour déterminer le contenu des contrats se soit véritablement accrue.

2. Un décalage entre les procédures et les enjeux financiers

Malgré l'importance des enjeux financiers liés aux transferts de charges non compensés, les décisions à l'origine de ces charges ne donnent pas lieu à concertation :

- elles échappent, en droit ou en fait, au contrôle parlementaire . En droit, lorsqu'elles relèvent du pouvoir réglementaire. C'est le cas en matière de normes techniques, en matière de rémunération des agents mais également de taux de cotisation à la caisse nationale des agents des collectivités locales (CNRACL). En 2000, les taux des cotisations " employeurs " ont augmenté, provoquant un coût supplémentaire de 550 millions de francs pour les collectivités locales. Le Parlement n'est donc pas en mesure d'influencer la prise de décision.

En fait car, lorsque de telles dispositions résultent de textes législatifs, les études d'impact annexées aux projets de loi sont souvent insuffisantes, comme l'illustre l'exemple de la loi 96-369 du 3 mai 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours. Le coût de la réforme s'avère très supérieur aux 11,6 milliards de francs initialement envisagés. Entre 1998 et 1999, le montant des contributions demandées aux collectivités locales a progressé de 11 % ;

- il n'existe pas de procédure de consultation des collectivités locales , mise à part, parfois, l'organisation d'un débat au sein du comité des finances locales.

Cette procédure n'est d'ailleurs pas exempte d'effets pervers pour les collectivités locales, comme en témoigne l'exemple des mesures de redressement financier de la CNRACL décidées à la fin de l'année 1999. Le comité des finances locales, suivant les recommandations du groupe de travail qu'il avait constitué sur le sujet, s'était prononcé en faveur d'une augmentation conjointe des cotisations " employeurs " et " employés ". Le gouvernement a finalement décidé de n'augmenter que les cotisations " employeurs ", mais s'est targué d'agir conformément aux recommandations du comité.

La loi n° 95-9 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a souhaité pallier le manque de concertation dans l'élaboration des décisions ayant des conséquences financières sur les collectivités locales par une amélioration de l'information disponible. Dans ce but, elle a modifié l' article L. 1613-3 du code général des collectivités territoriales, dont la rédaction actuelle prévoit désormais que :

- la commission consultative sur l'évaluation des charges réalise chaque année un bilan du coût réel des compétences transférées ;

- la CCEC réalise également un bilan des transferts de charges non prévus par les lois de décentralisation, " même lorsque le législateur a expressément prévu en ces matières de déroger au principe de la compensation intégrale " ;

- le bilan comprend en annexe un " état de la participation des collectivités locales à des opérations relevant de la compétence de l'Etat et des concours de l'Etat à des programmes intéressant les collectivités locales ".

Ces dispositions n'ont reçu qu'une application partielle. Le premier rapport de la CCEC en application de l 'article L. 1613-3 du code général des collectivités territoriales n'est paru qu'en 1997. Il n'a reçu de suite qu'en 1999 227( * ) . Par ailleurs, aucun de ces deux rapports ne comporte d'annexe relative à la participation des collectivités locales à des opérations relevant de la compétence de l'Etat.

L'absence de vision d'ensemble de l'évolutions des charges des collectivités locales , notamment au regard de l'évolution de leurs ressources, contribue à dégrader la qualité du dialogue entre les collectivités et l'Etat en encourageant un véritable " jeu non coopératif " : à chaque nouveau transfert, les collectivités locales se transforment en effet en " lobbyistes " soucieux de préserver leurs intérêts financiers, l'Etat, ayant beau jeu de discréditer les prétentions maximalistes d'élus locaux peu économes des deniers publics.

Ce mode de fonctionnement contribue également à encourager une pratique contraire à l'esprit de la décentralisation, celle des concours spécifiques . En effet, l'absence de vision d'ensemble permet à l'Etat de présenter les problèmes un par un, conduisant ainsi les collectivités à fragmenter leurs revendications. L'Etat peut alors consentir à octroyer un concours spécifique pour résoudre un problème donné, comme il l'a par exemple fait récemment en créant une sous-dotation au sein de la dotation globale d'équipement (DGE) des départements destinées au financement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

III. LE DÉMANTÈLEMENT DE LA FISCALITÉ LOCALE

A. UNE FISCALITÉ LOCALE DE PLUS EN PLUS " VIRTUELLE "

1. Une marge de manoeuvre fiscale de plus en plus réduite

a) La marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales ...

La marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales se définit comme la capacité des collectivités d'influencer le montant de leurs recettes fiscales en votant les taux de leurs impôts . Plus les impôts considérés représentent une part importante des recettes des collectivités locales, plus la marge de manoeuvre fiscale est grande.

La part des recettes fiscales correspondant à des impôts dont les collectivités locales votent les taux, rapportée aux recettes totales hors emprunt des collectivités locales françaises, est importante comparée à celles des autres pays de l'Union européenne. En 1995, une étude réalisée par le Crédit local de France faisait apparaître que, au sein de l'Union européenne, seules les collectivités suédoises avaient une marge de manoeuvre fiscale (60 %) supérieure à la situation des collectivités françaises (54 %).

En revanche, les modalités du vote des taux par les collectivités locales françaises correspondent aux pratiques en vigueur dans l'Union européenne. Il apparaît en effet que, plus la possibilité de voter les taux s'applique à une fraction importante des recettes fiscales des collectivités locales, plus la liberté de voter les taux est encadrée :

- la Belgique , les Pays-Bas et la Grande-Bretagne accordent une liberté totale en matière de vote des taux, mais les impôts concernés représentent moins de la moitié des recettes fiscales des collectivités ;

- à l'inverse, au Danemark et en Italie , les collectivités votent les taux de la plupart des impôts qu'elles perçoivent, mais leur liberté en matière de vote des taux est encadrée par des mécanismes de plafonnement des taux.

- l' Allemagne a le régime le plus restrictif puisque les collectivités locales supportent un encadrement des taux alors que le impôts concernés ne représentent qu'une faible part de leurs recettes fiscales. A l'inverse, en Espagne , les collectivités votent librement les taux d'impôts qui représentent près de 60 % de leurs recettes fiscales totales.

La situation de la France s'apparente à celle du Danemark et de l'Italie. Le produit des quatre taxes directes locales représentait en 1999 environ 70 % du total des recettes fiscales des collectivités .

Cependant, la liberté des collectivités locales de voter les taux de leurs impôts connaît des limites .

Tout d'abord, l' article 1636 B septies du code général des impôts prévoit, d'une part, que " les taux des taxes foncières et de la taxe d'habitation votés par une commune ne peuvent excéder deux fois et demie le taux moyen constaté l'année précédente pour la même taxe dans l'ensemble des communes du département ou deux fois et demie le taux moyen constaté au niveau national s'il est plus élevé " et, d'autre part, que " le taux de la taxe professionnelle voté par une commune ne peut excéder deux fois le taux moyen de cette taxe constaté l'année précédente au niveau national pour l'ensemble des communes ".

L' article 1636 B sexies dispose aussi que le taux de la taxe professionnelle acquittée par les entreprises ne peut pas augmenter plus, ou baisser moins, que le taux de la taxe d'habitation ou, s'il est inférieur, le taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières.

Les collectivités locales n'utilisent pas toujours la possibilité de faire varier librement les taux de leurs impôts directs qui leur a été conférée par la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, et continuent souvent, comme auparavant, à faire varier l'ensemble des taux dans les mêmes proportions.

Décisions prises en 1999 par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en matière de vote des taux

 

Communes

EPCI

Variation dans les mêmes proportions

31.263

943

Variation différenciée

5.198

172

Total

36.678

1.710

Source : Direction générale des impôts

Le vote par les différents niveaux de collectivités de taux qui s'appliquent à une même assiette aboutit parfois à annuler l'effet pour les contribuables des baisses de taux décidées par une collectivité.

Ainsi, en 1999, 6,3 % des communes ont diminué les taux de leurs quatre taxes mais cela s'est traduit dans seulement 3,5 % des communes par une baisse des taux globaux. Dans 73,9 % des communes, il y a eu simultanément stabilisation ou augmentation des taux communaux et des taux globaux. Dans 19,7 % des communes, il y a eu diminution des taux globaux alors que les communes ne diminuaient pas les leurs, notamment en raison de la baisse de leurs taux par dix départements et trois régions.

Si les collectivités locales sont contraintes en matière de fixation des taux, elles utilisent largement leur capacité de prendre des délibérations pour accorder aux contribuables locaux des exonérations . En matière de taxe d'habitation, 6.894 communes ont décidé en 1999 un abattement général à la base de 15 %, alors même que le code général des impôts accorde déjà des exonérations et des dégrèvements très larges pour les contribuables modestes.

En matière de taxe professionnelle, 10.372 communes, 67 départements et 14 régions ont opté pour l'exonération de taxe professionnelle en cas de création d'entreprises industrielles dans les zonages d'aménagement du territoire. A l'inverse, très peu de communes utilisent leur possibilité de revenir sur des exonérations accordées par la loi (seulement 18 ont supprimé l'exonération de taxe professionnelle dans les zones de revitalisation rurales).

Ces données méritent d'être soulignées car elles témoignent du fait que les collectivités utilisent les facultés qui leurs sont accordées en matière de fiscalité, quand bien même les exonérations qu'elles accordent ne font pas l'objet d'une compensation financière de la part de l'Etat.

b) ... se réduit peu à peu

La part des recettes fiscales correspondant à des impôts dont les collectivités votent les taux dans leurs recettes totales hors emprunt s'élevait à 54 % en 1995. Cette proportion est aujourd'hui inférieure car, en raison de la conjonction de plusieurs phénomènes, la marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales françaises tend à se réduire :

La suppression de certains impôts

L'article 53 de la loi de finances pour 1993 a supprimé les parts régionales et départementales de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

L'article 29 de la loi de finances pour 1999 a supprimé la taxe additionnelle régionale aux droits de mutation à titre onéreux, soit plus de 10 % des recettes fiscales totales des régions.

La loi de finances rectificative pour 2000 supprime la part régionale de la taxe d'habitation, soit près de 15 % de leurs recettes fiscales totales et 22 % du produit des quatre taxes.

En deux ans, la suppression de deux impôts perçus par les régions a réduit d'environ 25 % le montant total des recettes fiscales des régions.

La suppression de la possibilité de voter les taux

L'article 29 de la loi de finances pour 1999 a réduit le taux des droits de mutation à titre onéreux des départements sur les locaux à usage professionnels et, de fait, a supprimé leur capacité à voter les taux de cet impôt.

L'article 9 de la loi de finances pour 2000 a poursuivi la réforme de 1999 en unifiant les taux départementaux des droits de mutation à titre onéreux sur les locaux d'habitation.

En matière de vote des taux par les collectivités locales, les évolutions constatées en métropole contrastent avec celles de l'outre-mer. A compter de l'entrée en vigueur de la loi d'orientation pour l'outre-mer discutée au Parlement au printemps 2000, l'Etat transférera les droits sur les tabacs aux départements d'outre-mer, ainsi que le vote de leurs taux.

Les taux votés s'appliquent à des bases réduites

L'article 44 de la loi de finances pour 1999 a supprimé la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires, soit environ un tiers de l'assiette d'un impôt dont le produit représente environ la moitié du produit des quatre taxes directes locales. Avec cette réforme, un sixième du pouvoir fiscal des collectivités locales est en voie de disparition.

2. L'évolution des taux et des bases détermine de moins en moins l'évolution du produit

Le produit perçu par les collectivités locales est en partie acquitté par les contribuables et en partie par l'Etat, par le biais des dégrèvements. Toutefois, la montée en puissance des compensations, et notamment depuis la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle, aboutit à déconnecter l'évolution des ressources locales liées à la fiscalité locale de l'évolution du produit fiscal proprement dit.

A cet égard, il est intéressant de constater que, dans son tableau récapitulatif de l'évolution des produits, des bases et des taux d'imposition des quatre taxes directes locales, le bulletin statistique de la direction générale des collectivités locales présente maintenant les résultats en deux colonnes : une colonne " produit fiscal " et une colonne " produit fiscal+compensation ". Pour 1999, le " produit fiscal " des quatre taxes a augmenté de 0,7 % tandis que le " produit fiscal + compensation " a progressé de 4,2 %.

Pour les communes, le produit des quatre taxes a augmenté de 0,6 % alors que le produit " quatre taxes + compensations de taxe professionnelle " a augmenté de 4 %. S'agissant de la seule taxe professionnelle des communes, l'année 1999, première année de la disparition progressive de la part " salaires ", est caractérisée par les évolutions suivantes :

L'évolution en 1999 des taux, des bases et du produit
de la taxe professionnelle perçue par les communes

Taux

+ 0,5 %

Bases " fiscales "

- 2,1 %

Bases " fiscales " + exonérations

+ 3,8 %

Produit

- 2,2 %

Produit + compensation

+ 4,8 %

Source : Bulletin d'informations statistiques, DGCL, n° 32, octobre 1999.

3. Peut-on encore parler d'impôts directs locaux ?

Jusqu'à ces dernières années, il était aisé d'identifier le produit des impôts directs locaux, qui correspondait au produit perçu par les collectivités locales, qu'il soit acquitté par les contribuables ou par l'Etat, qui prend en charge les dégrèvements. Les compensations étaient d'une nature différente, distinctes des ressources fiscales. Elles font d'ailleurs l'objet de notification, comme les dotations de l'Etat, et ne sont pas inscrites en recettes fiscales dans les budgets locaux.

Aujourd'hui, les compensations ne sont plus un phénomène marginal . Leur montant a été multiplié par 13 depuis 1983 et par 3,3 depuis 1987 et s'établit en 2000 (en tenant compte de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation), à 66,4 milliards de francs, soit près de 20 % du montant total du produit de la fiscalité directe locale, 345,4 milliards de francs. Le caractère massif du remplacement de recettes fiscales locales par des compensations se traduit par un brouillage de la ligne de partage entre fiscalité et compensations.

Par exemple, en 1999, les régions ont comptabilisé dans leur budget la compensation de la suppression de la taxe additionnelle régionale aux droits de mutation à titre onéreux comme des recettes fiscales, de sorte que l'analyse de leurs comptes administratifs ne permet pas de faire apparaître une diminution de la part de leurs recettes fiscales dans leurs recettes totales.

De même, la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle, soit un tiers de l'assiette de cet impôt, a remis en cause la fiabilité du principal indicateur de richesse des collectivités locales, le potentiel fiscal. Celui-ci se définissait en effet par l'application aux bases des " quatre taxes " du taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxes. Or, avec la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle, les écarts relatifs entre le potentiel fiscal des collectivités ont été bouleversés car toutes n'avaient pas la même proportion de bases " salaires " sur leur territoire. En conséquence, les collectivités dans lesquelles les bases " salaires " étaient importantes ont vu leur potentiel fiscal augmenter, au détriment de celles dans lesquelles la part des bases " salaires " était moins importante.

La modification des écarts relatifs de potentiel fiscal ayant des conséquences sur l'éligibilité aux différentes dotations de solidarité versées par l'Etat, ainsi que sur le montant des attributions de ces dotations, la loi du 28 décembre 1999 relative à la prise en compte du recensement général de population de 1999 dans la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales a modifié la définition du potentiel fiscal des communes et des départements en y intégrant la compensation de la suppression de la part " salaires ", afin de neutraliser les effets de la réforme de la taxe professionnelle.

Cette évolution améliore à court terme la fiabilité de cet indicateur. A moyen terme, en figeant les écarts, elle en réduit la pertinence. En effet, en majorant le produit total pris en compte, l'intégration des compensations limitera l'effet sur le potentiel fiscal des augmentations et des diminutions de bases.

En tout état de cause, peu à peu, l'expression " fiscalité locale " tend à devenir un terme générique qui englobe non seulement le produit des impôts locaux mais également les compensations, qui ne sont pourtant plus des recettes fiscales puisque leur montant n'évolue ni en fonction des taux, ni des bases des impôts locaux.

B. LE COÛT DE LA NON RÉFORME

1. Des inégalités qui se perpétuent et amènent l'Etat à supprimer tout ou partie des impôts directs locaux

a) Les inégalités " inévitables "

Les impôts directs locaux sont sources d'inégalités, entre collectivités, en raison de l'inégale répartition des bases sur le territoire 228( * ) , et entre contribuables, parce que les taux sont généralement plus élevés là où les bases sont peu importantes.

Ces inégalités, si elles traduisent la nécessité d'un renforcement de la péréquation, sont le reflet de la diversité des territoires et la contrepartie du principe d'autonomie fiscale des collectivités locales.

Les taux et les bases des communes et de leurs groupements en 1999

 

Taux

Bases

(en francs/habitant)

Taxe d'habitation

Moyenne métropole

Minimum

Maximum

13,52

10,65 (Franche-Comté)

21,56 (Nord-PDC)


5.691
3.148 (Nord PDC)

8.459 (Ile-de-France))

Foncier bâti

Moyenne métropole

Minimum

Maximum

17,17

11,56 (Corse)

24,15 (H. Normandie)

5.588

3.401 (Nord PDC)

9.502 (Ile-de-France)

Foncier non bâti

Moyenne métropole

Minimum

Maximum

40,77

19,68 (C. Ardennes))

77,01 (Midi-Pyrennées)

210

27 (Corse)

545 (C.Ardennes)

Taxe professionelle

Moyenne métropole

Minimum

Maximum

14,36

11,08 (Franche-Comté)

19,94 (PACA)

11.472

1.191 (Corse)

15.968 (Ile-de-France)

Source : guide statistique de la fiscalité directe locale, DGCL, 1999.

L'inégale répartition de la richesse fiscale sur le territoire n'est pas un défaut propre aux impôts directs locaux. Les écarts constatés entre les taux ou les bases des impôts directs locaux, de l'ordre de un à deux ou de un à trois, se retrouvent en matière d'impôt sur le revenu.

Produit par habitant de l'impôt sur le revenu

(en millions de francs)

Alsace

4.923

Ile de France

9.670

Aquitaine

4.217

Languedoc-Roussillon

3.588

Auvergne

3.572

Limousin

3.740

Basse-Normandie

3.431

Lorraine

3.446

Bourgogne

4.030

Midi-Pyrénées

3.946

Bretagne

3.677

Nord - Pas de Calais

3.219

Centre

4.232

PACA

4.903

Champagne-Ardennes

4.226

Pays de Loire

3.461

Corse

3.274

Picardie

4.007

Franche Comté

3.509

Poitou-Charentes

3.613

Haute-Normandie

3.971

Rhône-Alpes

4.600

Population de 1999, impôt sur le revenu perçu en 1998.

Données chiffrées : INSEE, Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

b) Les inégalités injustifiables

L'assiette de la taxe d'habitation

L'assiette de la taxe d'habitation, qui repose sur les valeurs locatives, est la plus fréquemment mise en cause en raison de son obsolescence. Selon les dispositions des articles 1516 et 1518 du code général des impôts, les valeurs locatives doivent être révisées tous les six ans, actualisées tous les trois ans et revalorisées chaque année au moyen de coefficients forfaitaires. Ces dispositions ne sont pas appliquées. Si elles sont revalorisées chaque année en loi de finances, les valeurs locatives n'ont été actualisées qu'une fois, en 1980, et n'ont pas été révisées depuis 1970. L'évolution des bases de la taxe d'habitation ne prend donc pas en compte l'évolution des loyers, qu'elle est pourtant censée refléter.

Pour remédier aux inconvénients de l'assiette de la taxe d'habitation, la loi du 30 juillet 1990 a posé le principe d'une révision générale des bases de cet impôt. Les travaux de révision ont été lancés, et les frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'Etat sur le produit des impôts locaux ont été majorés pour les financer. L'article 68 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 prévoit que " les résultats de la révision générale des évaluations cadastrales seront incorporés dans les rôles d'imposition au plus tard le 1 er janvier 1997 ". Le comité des finances locales a délibéré pour fixer les conditions dans lesquelles cette réforme pourrait être réalisée sans transferts de charges excessifs entre collectivités. Le Gouvernement avait annoncé son intention de procéder à la réforme dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1998, mais a renoncé au dernier moment.

Aujourd'hui, le Gouvernement, dans le rapport sur la taxe d'habitation remis au Parlement en application de l'article 28 de la loi de finances pour 2000, considère que les travaux de simulation réalisés à partir des résultats de la révision des bases de 1990 " ont mis en évidence que cette réforme conduit à des transferts entre contribuables, insatisfaisants, tant sur le plan de l'efficacité économique que sur le plan de la justice sociale ". La mise en oeuvre de la révision de 1990 est donc " enterrée ". Pour l'avenir, le Gouvernement précise que " la garantie de l'autonomie des collectivités locales, le traitement équitable des contribuables locaux sur le territoire national et le recours à un dispositif simple d'actualisation dans le temps devront guider toute nouvelle approche de la modernisation de l'assiette de la taxe d'habitation ".

La révision des bases entraînerait sans doute des transferts entre contribuables pas toujours conformes à l'objectif de justice sociale 229( * ) . Il n'en demeure pas moins que, selon le rapport du Gouvernement, " du fait du vieillissement des valeurs locatives, la répartition de l'impôt entre contribuables est devenue de plus en plus inéquitable. L'évolution des valeurs locatives diverge en effet de plus en plus des réalités économiques. Il en résulte des transferts " cachés " et injustifiés entre les contribuables des quatre taxes et entre contribuables d'une même taxe 230( * ) ".

L'assiette de la taxe professionnelle

La taxe professionnelle a été créée par la loi du 29 juillet 1975 pour remplacer la patente, seize ans après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959 qui en fixait le principe.

L'assiette du nouvel impôt reposait sur la valeur locative des immobilisations et 20 % de la valeur des salaires bruts versés par l'entreprise. Afin d'éviter d'éventuels transferts de charges entre collectivités et entre redevables à l'occasion du changement de régime, le nouvel impôt a été " calibré " dans le but de respecter les équilibres antérieurs.

Pour stabiliser le montant des cotisations, donc des ressources, des collectivités locales, la fraction de l'assiette reposant sur les immobilisations a été établie en fonction de bases indiciaires et fictives. La valeur locative des terrains et des locaux est déterminée de la même manière que celle retenue pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties tandis que les équipements et les biens mobiliers sont pris en compte à hauteur de 16 % de leur valeur d'acquisition, indépendamment de l'éventuelle dégradation du patrimoine de l'entreprise.

Malgré le choix d'une assiette indiciaire, l'entrée en vigueur du nouvel impôt s'est traduite par des bouleversements dans le montant des cotisations acquittées, si bien que, depuis vingt-cinq ans, le régime de la taxe professionnelle est régulièrement modifié dans le but soit de garantir les ressources locales, soit d'alléger le poids de l'impôt pour les redevables.

Dès 1976, les bases ont fait l'objet d'un écrêtement pour limiter les augmentations de cotisations. En 1982 , la part des salaires prise en compte dans l'assiette a été réduite de 20 à 18 %, avant d'être supprimée en 1999. Le lissage de la prise en compte des immobilisations dans l'assiette décidé en 1982, ainsi que la réduction pour embauche et investissement créée en 1988, ont tenté de limiter les conséquences de l'évolution du patrimoine ou de la masse salariale sur le montant des cotisations. Le plafonnement des cotisations à hauteur d'un certain pourcentage de la valeur ajoutée de l'entreprise à partir de 1979 et l'abattement général de 16 % décidé en 1986 permettent également de freiner l'augmentation des cotisations, tandis que, à l'inverse, la cotisation minimum créée en 1980 avait pour objet de garantir un certain niveau de recettes aux collectivités locales.

Le bilan du " pilotage à vue " de la taxe professionnelle pendant plus de deux décennies est contrasté . S'il a procuré aux collectivités locales une ressource dynamique et stable 231( * ) tout en limitant l'augmentation des cotisations, cet équilibre n'a pu être atteint qu'au prix d'un effort budgétaire important de l'Etat et du maintien de fortes inégalités entre contribuables. Le mode de calcul de l'assiette et les divers mécanismes d'exonération et de dégrèvement conduisent à exonérer, en 1997, 1,5 million d'entreprises. Le nombre de redevables payant effectivement la taxe professionnelle s'élève à 2,1 millions. Au total, 10 % des entreprises acquittent 80 % du produit de la taxe professionnelle. La charge de l'impôt reste en outre inégalement répartie entre les secteurs d'activité.

Au total, le Conseil des impôts a considéré dans son rapport de 1997 que " si la nature d'un bon impôt est d'être large dans son assiette, modéré dans son taux, proportionné aux capacités contributives des contribuables, compréhensible par ces derniers et aisément recouvrable par l'administration, force est de reconnaître que la taxe professionnelle ne répond aujourd'hui à aucune de ces conditions ".

c) La stratégie des gouvernements successifs : payer plutôt que réformer

La modification de l'assiette des impôts locaux est un exercice périlleux politiquement. Même lorsque les conséquences d'une réforme peuvent être positives dans leur globalité, son entrée en vigueur reste conditionnée par ses conséquences sur les situations individuelles, qui doivent être examinées attentivement afin d'éviter l'apparition de nouvelles injustices. Ainsi, dans son commentaire de l'article 6 du projet de loi de finances rectificative pour 2000 relatif à la réforme de la taxe d'habitation 232( * ) , le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale justifie le report de l'entrée en vigueur de la révision des bases cadastrales de 1990, en évoquant par exemple les conséquences néfastes que présenterait le nouveau dispositif sur les communes de Nantes et de Tulle.

Les déclarations d'intention en matière de réforme des impôts locaux sont rarement suivies d'effet. Par exemple :

- la loi du 30 juillet 1990 sur la révision des évaluations cadastrales avait posé le principe, confirmé par l'article 33 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses mesures d'ordre économique et financier, du remplacement de la taxe d'habitation perçue par les départements par la création d'une taxe départementale sur le revenu. Un an après, le statu quo prévalait et la mise en oeuvre de cette innovation était " reportée " par la loi du 15 juillet 1992 portant diverses dispositions fiscales ;

- l'article 14 de la loi du 10 janvier 1980, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que " la taxe professionnelle aura pour base la valeur ajoutée ". L'article 13 de cette loi prévoit que l'assiette de la taxe professionnelle s'applique " jusqu'à l'année au titre de laquelle elle sera assise sur la valeur ajoutée ".

Confrontés à des intérêts contradictoires, les gouvernements successifs ont préféré financer par le budget de l'Etat des allégements d'impôts locaux plutôt que de mettre en oeuvre des réformes plus globales :

- pour limiter les injustices de l'assiette de la taxe d'habitation, le législateur, au fil des ans, a mis en place des dispositifs d'exonérations et de dégrèvements en faveur des contribuables défavorisés. En 1999, les collectivités locales ont perçu 71,4 milliards de francs au titre de la taxe d'habitation mais seulement 60,2 milliards de francs ont été acquittés par les contribuables de cette taxe, la différence, soit 11,2 milliard de francs selon les estimations de la loi de finances pour 1999, étant à la charge de l'Etat par le biais des dégrèvements. Par ailleurs, l'Etat a versé 7,2 milliards de francs au titre de la compensation des exonérations de taxe d'habitation.

- en matière de taxe professionnelle, l'Etat se substitue en 2000 aux contribuables de cet impôt à hauteur de 45,8 milliards de francs s'agissant des dégrèvements. Le coût du seul plafonnement en fonction de la valeur ajoutée s'élève à près de 40 milliards de francs. En outre, l'Etat verse aux collectivités locales 22,8 milliards de francs au titre de la compensation de la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle et 11,8 milliards de francs au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui compense notamment l'abattement général de 16 % sur les bases décidé en 1986. Il convient d'ajouter à ces sommes la prise en charge par l'Etat de certaines des exonérations décidées par les divers dispositifs d'aménagement du territoire, par exemple les exonérations en zone de revitalisation rurale, dont le coût estimé pour 2000 s'élève à 172 millions de francs.

La prise en charge par l'Etat d'une part croissante de la fiscalité locale est préoccupante non seulement au regard du principe de l'autonomie fiscale des collectivités locales, mais également du point de vue de l'équilibre des finances publiques.

2. Une charge croissante pour le budget de l'Etat

L'Etat devient contribuable local par deux voies :

- la prise en charge des dégrèvements . Dans ce cas de figure, le produit perçu par les collectivités locales ne change pas. Il y a seulement un transfert de l'impôt local des contribuables locaux vers l'Etat donc le contribuable national.

Le coût pour l'Etat des dégrèvements est passé de 18,3 milliards de francs en 1988 à 63 milliards de francs en 2000. Cette augmentation s'est effectuée par palliers. Entre 1989 et 1990, leur coût est passé de 18,7 milliards de francs à 26 milliards de francs. Entre 1992 et 1995, il est passé de 31,2 milliards de francs à 53,4 milliards de francs. Afin de freiner cette croissance, la loi de finances pour 1996 a instauré un gel du taux pris en compte pour la calcul du dégrèvement à son niveau de 1995. En conséquence, à compter de 1996, toute augmentation du taux de taxe professionnelle décidée par les collectivités locales se traduit par un alourdissement de la cotisation des contribuables, et non par un accroissement de la prise en charge par l'Etat. Malgré cette disposition, le coût des dégrèvements a continuer de progresser, mais à un rythme moins soutenu.

Après avoir augmenté de 70% entre 1991 et 1995, le coût des dégrèvements a progressé de " seulement " 21 % entre 1996 et 2000. La loi de finances pour 2000 évalue à 63 milliards de francs le coût des dégrèvements en 2000, dont 45,8 milliards de francs pour la taxe professionnelle et à 12,3 milliards de francs pour la taxe d'habitation. La loi de finances rectificative pour 2000 met un place un dispositif de gel du taux pris en compte pour la prise en charge par l'Etat des dégrèvements de taxe d'habitation à son niveau de 2000.

- le versement aux collectivités locales de compensations d'exonérations accordées aux contribuables ou de la suppression de tout ou partie d'un impôt local. Les principales compensations sont la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui compense notamment l'abattement forfaitaire sur les bases de taxe professionnelle décidé dans la loi de finances pour 1987, le prélèvement sur les recettes de l'Etat qui finance la plupart des exonérations de taxe d'habitation et de taxes foncières et, dorénavant, les compensations de la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle de la réforme des droits de mutation à titre onéreux.

Les compensations ont connu un rythme de progression moins soutenu que celui des dégrèvements jusqu'à la fin des années 90. Alors que leur montant était comparable à celui des dégrèvements en 1990 (24,4 milliards de francs contre 26 milliards de francs), il est devenu très nettement inférieur jusqu'en 1998 (29,7 milliards de francs contre 58,9 milliards de francs). Entre 1996 et 1998, le montant des compensations a même régressé car la DCTP, devenue la variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, a commencé à diminuer d'année en année.

Depuis 1998 et le début du processus en cours de suppression progressive des impôts locaux, le montant des compensations augmente de manière très rapide. Il est passé de 29,7 milliards de francs en 1998 à 60,6 milliards de francs dans la loi de finances pour 2000, soit un doublement en deux ans.

La part des compensations dans le total des concours de l'Etat aux collectivités locales (dotations, compensations, dégrèvements) est passée de 12,6 % en 1995 à 20,7 % en 2000, tandis que celle des dotations a diminué de 66,4 % à 60,4 % et celle des dégrèvements est restée stable, à environ 20 %.

En 2000, l'Etat consacre 37,8 milliards de francs de plus aux collectivités locales qu'en 1998, soit autant que l'augmentation totale des ses concours entre 1992 et 1998. Au sein de ces crédits, seuls 2,8 milliards de francs ont été consacrés à l'augmentation de ses dotations aux collectivités locales. 30,8 milliards de francs sont consacrés à l'augmentation des compensations et 4,1 à l'augmentation du coût des dégrèvements 233( * ) .

Part de l'augmentation des nouvelles compensations d'exonérations fiscales dans l'augmentation des concours de l'Etat aux collectivités locales (hors dégrèvements)

1999

2000

68,8 %

71,2 %

Données chiffrées : Lois de finances.

L'augmentation du coût pour l'Etat des collectivités locales est donc sans commune mesure avec l'augmentation des ressources des collectivités qui en résulte, et se traduit par une augmentation des dépenses structurelles du budget général.

La stratégie actuelle de remplacement des impôts locaux par des subventions aboutit donc à rigidifier la structure des dépenses publiques et à rogner les marges de manoeuvre budgétaires en créant des dépenses nouvelles pour lesquelles l'Etat s'engage sur une très longue durée.

Coût de la prise en charge par l'Etat de la fiscalité directe locale

(en millions de francs)

 

1988

2000

Evol. en francs

Evol. en %

COMPENSATIONS

 
 
 
 

Contrepartie de l'exonération d'impôt foncier (chapitre 41-51)


3.600


200


- 3.400


- 94 %

Contrepartie de l'exonération de taxes sur les propriétés non bâties (chapitre 41-51)

-


25


+ 25


-

Application de l'article 3 de la loi du 10 janvier 1980 (chapitre 41-21)


22


-


- 22


-

Compensation aux départements des réductions de taxe de publicité foncière (chapitre 41-23)


33,5


15


- 19


- 55 %

Dotation de compensation aux régions des pertes de recettes fiscales immobilières (chapitre 41-55)


-


5.134


+ 5.134


-

Compensation aux départements de la baisse des droits de mutation (DGD)


-


7.904


+ 7.904


-

DCTP (prélèvement sur recettes)

18.807

11.899

- 6.908

- 37 %

Exonérations fiscalité locale (prélèvement sur recettes)


-


12.578


+ 12.578


-

Suppression de la part salariale de la TP (prélèvement sur recettes)


-


22.850


+ 22.850


-

Total compensations

22.441

60.605

+ 38.165

+ 170 %

DÉGRÈVEMENTS

 
 
 
 

Dégrèvements (chapitre 15-01)

18.301

63.000

+ 44.699

+ 244 %

TOTAL

40.742

123.605

+ 82.864

203 %

Source : Lois de finances

3. Un manque à gagner pour les collectivités locales

A la différence des dégrèvements, le montant des compensations n'évolue pas en fonction des bases ou des taux votés par les collectivités locales, mais en fonction de mécanismes d'indexation qui peuvent être regroupés en deux catégories :

- la prise en compte de l'évolution des bases avec un gel des taux à la date d'entrée en vigueur de la mesure .

Cette solution a par exemple été retenue par l'article 21 de la loi de finances pour 1992 qui a transformé en exonérations certains dégrèvements de taxe d'habitation et par l'article 9 de la loi de finances pour 1993 qui a supprimé les parts régionales et départementales de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Ce mécanisme permet à l'Etat d'assumer le coût de la mesure qu'il décide, à la date de sa décision.

- l'indexation du montant de l'exonération accordée au contribuable à la date d'entrée en vigueur de la mesure sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Cette solution a été retenue par l'article 44 de la loi de finances pour 1999 pour la calcul de la compensation de la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle et par l'article 29 de la loi de finances pour 1999 pour compenser la suppression de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux. Elle s'applique également, de fait, à la compensation des réductions d'assiette et de taux des impôts dévolus au financement des compétences transférées, qui sont intégrées dans la dotation générale de décentralisation (DGD), elle-même indexée sur la DGF. La loi de finances rectificative pour 2000 prévoit un dispositif de ce type pour la compensation de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

a) Les modes d'indexation entraînent des manques à gagner

Le principe des compensations n'est pas en lui-même source de manque à gagner pour les collectivités locales. Il arrive en effet que, certaines années, les compensations versées soient supérieures au produit qui aurait résulté du jeu normal des bases et des taux.

Toutefois, tendanciellement, les indexations retenues pour les compensations sont défavorables aux collectivités locales :

- pour les compensations qui évoluent en fonction des bases réelles et des taux de l'année d'entrée en vigueur de la mesure, il y a manque à gagner dès que les taux de l'année en cours sont supérieurs aux taux de l'année d'entrée en vigueur de la mesure ;

- pour les compensations indexées sur la DGF, il y a manque à gagner dès lors que les bases (ou le produit) de l'impôt augmentent plus vite que le taux d'évolution de la DGF.

Le tableau ci-dessous compare l'évolution du produit de la part régionale de la taxe d'habitation et le taux d'évolution de la DGF sur lequel sera indexée la compensation de la suppression de cet impôt. En quatre ans, l'indexation sur la DGF n'aurait été favorable qu'une seule fois aux régions.

Evolution comparée de la DGF et de la part régionale de la taxe d'habitation

(en %)

 

1996

1997

1998

1999

2000

Taux d'évolution de la DGF *

+ 1,68

+ 1,26

+ 1,38

+ 2,78

+ 0,82

Taux d'évolution du produit voté de la part régionale de la taxe d'habitation

+ 6,87

+ 1,61

+ 2,62

+ 2,48

-

* Le taux d'évolution retenu pour l'indexation des compensations est le taux après " recalage " et " régularisation " du montant de la DGF. A titre exceptionnel, en 2000, la compensation de la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle a été indexée sur l' " indice de la DGF " calculé en ajouté 50 % du taux de croissance du PIB au taux d'évolution des prix.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 relative à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, a considéré que, dès lors qu' " un mécanisme de compensation de la perte de recettes " était prévu, le législateur pouvait édicter des exonérations de fiscalité locale " sans qu'elles aient pour effet de restreindre les ressources des collectivités locales au point d'entraver leur libre administration. " Il ressort de cette formulation que le Conseil a implicitement considéré que les mécanismes de compensation d'exonération aboutissaient à restreindre les ressources des collectivités locales.

b) Les mécanismes d'érosion du montant des compensations

En raison de la déconnexion entre l'évolution des compensations et celles des bases d'imposition, il n'est pas possible pour les collectivités locales de se prévaloir d'un quelconque " dû " au titre des compensations. Leur montant peut à tout moment être modifié par la loi. Dès lors, il est tentant pour l'Etat, à la recherche d'économies budgétaires, de réduire le montant des compensations.

Dans la première moitié des années 90, la situation des finances publiques était particulièrement tendue et le montant du déficit de l'Etat croissait d'année en année. L'Etat a donc recherché des moyens de freiner la progression de l'ensemble de ses dépenses, et notamment de ses concours financiers aux collectivités locales. Les compensations n'ont pas échappé à ce mouvement et les dispositifs dits de " réfaction " ont fait leur apparition.

Le principe des réfactions est le suivant : lorsqu'une exonération au titre d'un impôt local était décidée, une compensation était versée aux collectivités concernées. Toutefois, pour limiter le coût des compensations, il était prévu que le montant des compensations serait réduit lorsque le montant des recettes fiscales d'une collectivité augmenterait dans des proportions jugées suffisamment importantes pour que la collectivité puisse se passer d'une partie de la compensation.

Les réfactions permettent donc de " rogner " petit à petit le montant des compensations versées aux collectivités dont les recettes fiscales sont dynamiques.

Les dispositifs de réfaction des compensations d'exonérations de fiscalité locale

L'article 53 de la loi de finances pour 1993 fixe les modalités de la compensation aux départements et aux régions de la suppression des parts régionales et départementales de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Cette compensation est calculée en multipliant les bases de cet impôt constatées pour l'exercice en cours par le taux de 1992 pour les régions et de 1993 pour les départements.

Le montant de la compensation versée aux départements et aux régions fait l'objet d'une réfaction. Le montant de cette réfaction est égal à 1 % du montant du produit des " quatre taxes " perçu par un département ou une région multiplié par le rapport entre le potentiel fiscal du département ou de la région et le potentiel moyen des départements ou des régions. Par conséquent :

- si le potentiel fiscal du département ou de la région est supérieur au potentiel fiscal moyen, le montant de la réfaction est inférieur à 1 % du produit des quatre taxes. S'il est supérieur, la réfaction est également supérieure à 1 % du produit des quatre taxes ;

- plus le produit des quatre taxes est élevé, plus le montant de la réfaction est élevé.

L'article 54 de la loi de finances pour 1994 définit les modalités de calcul de la réfaction appliquée aux attributions de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP).

Si le produit de taxe professionnelle perçu par une collectivité a été multiplié entre 1987 et l'année en cours par un coefficient compris entre 1,2 et 1,8, les attributions de DCTP sont diminuées de 15 % . Si ce coefficient est compris entre 1,8 et 3, la réfaction est de 35 %. Si le coefficient est supérieur à 3, la réfaction est 50 %.

Le IV bis de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 fixe les modalités de compensation aux collectivités locales de la réduction pour embauche et investissement (REI).

Cette compensation fait également l'objet d'une réfaction, qui s'élève à 2 % du produit des quatre taxes perçu par la collectivité. Certaines collectivités, déterminées en fonction d'indicateurs proches des critères d'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine, sont exonérées de réfaction.

Le choix de transformer la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) en variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales a permis de réduire de manière beaucoup plus efficace le montant des compensations versées aux collectivités locales.

La DCTP est une dotation qui, depuis 1987, regroupe plusieurs compensations d'exonérations de taxe professionnelle, notamment l'abattement général de 16 % sur les bases décidé par la loi de finances pour 1987 et la réduction de 20 % à 18 % de la part des salaires prise en compte dans l'assiette de la taxe professionnelle, décidée en 1982.

La loi de finances pour 1996 a créé l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales dans le but de fixer un plafond à l'effort financier en faveur des collectivités locales. L'enveloppe normée rassemble la plupart des dotations de l'Etat aux collectivités, au premier rang desquelles la DGF. Chacune des composantes de l'enveloppe évolue en fonction d'une indexation qui lui est propre et, si la progression qui en résulte est supérieure au taux de progression fixé pour l'enveloppe normée, l'ajustement est réalisé par la diminution du montant d'une dotation chargée de jouer le rôle de variable d'ajustement. La DCTP a été choisie pour remplir cette fonction. En conséquence, et alors que les bases que la DCTP était censée compenser ont augmenté, le montant de la DCTP est passé de 17,6 milliards de francs en 1996 à 11,8 milliards de francs en 2000, soit un gain de 5,8 milliards de francs pour l'Etat.

L'exemple suivant illustre l'ensemble des points évoqués ci-dessus : la compensation versée à un conseil général au titre de l'abattement de 16 % sur les bases de taxe professionnelle évolue non seulement beaucoup moins vite que les bases réelles de taxe professionnelle (premier manque à gagner) mais, de surcroît, son montant diminue depuis 1995 en raison des mécanismes de réfaction et, surtout, de la transformation de la DCTP, qui compense l'abattement de 16 %, en variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales (deuxième manque à gagner).

Manque à gagner provoqué par les modalités de compensation de l'abattement de 16 % sur les bases de la taxe professionnelle dans un département de 1,5 million d'habitants

(en milliers de francs)

 

1987

1990

1993

1995

1997

1999

2000

Bases abattues à 16 %

2217764

2778386

3600203

3898090

4139012

4162059

4141720

Taux de TP (en %)

4,02

4,07

4,14

4,52

4,86

5,14

5,19

Produit résultant des bases abattues

89155

113080

149048

176194

201156

213930

214955

Compensation

88930

104163

108703

91885

88585

73415

51683

Différence (manque à gagner)

225

8917

40345

84309

112571

140515

163272

% du manque à gagner dans le produit potentiel

0,25

8,56

37,12

91,75

127,08

191,40

315,20

Manque à gagner par rapport à n-1 (en %)

 

56,05

38,68

18,66

4,81

11,15

16,20

Source : Conseil général

Ce département reçoit en 2000 51,6 millions de francs au titre de la compensation de l'abattement de 16 % sur les bases de taxe professionnelle alors que, si ces bases n'avaient pas été abattues, elles lui auraient rapporté 214,9 millions de francs.

c) Les conséquences sur la taxe foncière et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères

La multiplication des exonérations de taxe professionnelle et de taxe d'habitation s'est traduite depuis le début des années 90 par une montée en puissance de la part de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les ressources fiscales des collectivités locales.

Alors que les taux de cet impôt ont augmenté à peine plus rapidement que ceux de la taxe d'habitation, le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties a crû nettement plus vite que celui de la taxe d'habitation, au point de lui être supérieur depuis 1992.

Evolution du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d'habitation depuis 1990

(en millions de francs)

 

1990

1992

1998

Taxe d'habitation

46.955

48.127

68.569

Foncier bâti

45.462

54.060

82.981

Source : les collectivités locales en chiffre, DGCL, 1999.

Lors de son audition par la mission, M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes a craint que le recours à cet impôt ne se heurte un jour à l'absence de révision des bases et a jugé qu'une telle éventualité constituerait une menace pour la fiscalité directe locale.

En outre, depuis 1990, la part de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, assise sur les mêmes bases que la taxe foncière sur les propriétés bâties, dans le produit total des quatre taxes est passée de 4,4 % à 5,2 %.

IV. LES COLLECTIVITÉS LOCALES, VARIABLE D'AJUSTEMENT DU BUDGET DE L'ETAT

A. L'ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES CONCOURS DE L'ÉTAT

1. Les concours de l'Etat : un ensemble hétérogène

Les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales regroupent les dotations versées aux collectivités locales, les compensations d'exonérations de fiscalité locale et la prise en charge par l'Etat de dégrèvements d'impôts locaux.

La majorité de ces crédits n'est pas inscrite en dépense du budget général mais prend la forme de prélèvements sur les recettes de l'Etat . Cette particularité s'explique par le fait que les sommes concernées servent à couvrir des charges qui incombent aux collectivités locales et non à l'Etat. Lorsqu'ils figurent au budget général, les concours de l'Etat aux collectivités locales sont éparpillés entre différents fascicules budgétaires, principalement les charges communes et l'intérieur, mais aussi l'emploi et la solidarité et la culture.

a) Les dégrèvements

Les dégrèvements d'impôts locaux pris en charge par l'Etat sont retracés au chapitre 15-01 du budget des charges communes. Ils font partie du produit fiscal perçu par les collectivités locales et, à l'inverse des dotations, ne font pas l'objet d'une notification spécifique aux collectivités locales.

Leur montant est individualisé dans les documents budgétaires depuis 1988 seulement. Depuis 1995, le coût pour l'Etat de chacune des quatre taxes directes locales est également identifié. Depuis la loi de finances pour 1998, ces documents indiquent également le montant des admissions en non valeur correspondant aux impôts directs locaux.

Leur coût est passé de 18,3 milliards de francs en 1988 à 63 milliards de francs en 2000, dont 45,8 milliards de francs pour la taxe professionnelle, 12,3 milliards de francs pour la taxe d'habitation 234( * ) , 2,4 milliards de francs pour les taxes foncières et 2,5 milliards de francs pour les admissions en non valeur.

b) Les compensations

Les compensations sont techniquement des dotations. Elles ne font pas partie du produit fiscal des collectivités locales et leur sont notifiées comme les autres dotations.

Leur montant a doublé depuis 1998, passant de 29,7 milliards de francs à 60,6 milliards de francs.

Jusqu'en 1998, le principal poste de compensations était le prélèvement sur les recettes de l'Etat au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale, qui regroupe les exonérations de taxe d'habitation pour 7,5 milliards de francs en 2000, les exonérations de taxe sur le foncier bâti pour 1,4 milliard de francs (dont celles prévues par le pacte de relance pour la ville), les exonérations de taxe sur le foncier non bâti pour 2,1 milliards de francs, les exonérations accordées en Corse, les exonérations dans les zones de revitalisation rurale pour 172 millions de francs et les exonérations de droits de mutation de fonds de commerce pour 50 millions de francs.

Les crédits correspondants s'élevaient à 11,9 milliards de francs en 1998. Ils venaient s'ajouter à la dotation de compensation de la taxe professionnelle (17,3 milliards de francs) et à diverses compensations d'exonérations inscrites au budget du ministère de l'intérieur, pour 495 millions de francs.

Un nouveau prélèvement sur les recettes de l'Etat a été créé en 1999 pour financer la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, dont le montant s'élève à 22,8 milliards de francs en 2000. Par ailleurs, la suppression de la taxe régionale sur les mutations à titre onéreux s'est traduite par l'inscription d'environ 5 milliards de francs au budget du ministère de l'intérieur. La réforme des droits de mutation perçus par les départements a pour sa part abouti à majorer la dotation générale de décentralisation (DGD) de 7,9 milliards de francs en 2000. Ces crédits, bien qu'intégrés à une dotation de l'Etat, peuvent néanmoins légitimement être considérés comme des compensations.

Evolution du montant des compensations depuis 1992

(en millions de francs)

 

1992

1998

2000

Diverses compensations inscrites au budget du ministère de l'intérieur

2.120

495

240

Compensations aux régions des pertes de recettes fiscales immobilières

-

-

-

DCTP

22.138

17.343

11.899

Exonérations relatives à la fiscalité locale

6.500

11.900

12.578

Suppression de la part " salaires " de la TP

-

-

22.850

TOTAL

24.405

29.738

52.701

TOTAL (y compris compensation aux départements de la réforme des droits de mutation)

-

-

60.605

Données chiffrées : lois de finances.

c) Les dotations de l'Etat

Les dotations de l'Etat aux collectivités locales relèvent de trois catégories, les dotations de compensation des charges transférées et les dotations au sens strict, qui sont elles-mêmes partagées entre dotations de fonctionnement et dotations d'équipement.

Le montant total des dotations s'élève à 176,6 milliards de francs en 2000. Il a progressé de 40 % depuis 1990.

La part de chacune des trois catégories dans le total des dotations est relativement stable depuis l'entrée en vigueur des transferts de compétences prévus par les lois de décentralisation, environ 15 % pour les dotations de compensation de compétences transférées, 70 % pour les dotations de fonctionnement et environ 15 % pour les dotations d'équipement.

Les dotations de compensation des charges transférées

Dans l'esprit des lois de décentralisation, les dotations de compensation des charges transférées étaient appelées à rester marginales. Le principe posé en 1982 et repris à l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales était celui du financement des compétences transférées par des transferts d'impôt, le solde étant compensé par la voie budgétaire.

Des impôts à fort rendement, notamment la vignette et les droits de mutation, ont été transférés aux départements et aux régions. Leur produit s'établit à plus de 40 milliards de francs (47,1 milliards de francs en 1998, 41,7 milliards de francs prévus pour 2000), soit 1,5 fois plus que le montant des dotations de compensation, qui s'élève en 2000 à 28,1 milliards de francs.

Toutefois, depuis les transferts initiaux, aucun impôt nouveau n'a été transféré aux collectivités locales et l'ensemble des ajustements ont été opérés par la voie budgétaire, par l'intermédiaire de la dotation générale de décentralisation. Récemment, la réforme des droits de mutation perçus par les départements réalisée par les lois de finances pour 1999 et 2000 s'est traduite par une majoration du montant de la DGD (de 3,3 milliards de francs en 1999 et de 4,6 milliards de francs en 2000 ) tandis que la recentralisation de la compétence d'aide médicale prévue par la loi du 28 juillet 1999 relative à la couverture maladie universelle a conduit à réduire le montant de la DGD de 9,1 milliards de francs. Ces mouvements internes à la DGD expliquent la diminution de 32 milliards de francs à 28,1 milliards de francs du montant total des dotations de compensation entre 1999 et 2000.

Contrairement au principe posé par l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales, l'ensemble des compensations versées par l'Etat au titre des compétences transférées ne sont pas regroupées dans la DGD, gérée par le ministère de l'intérieur. Il subsiste des crédits inscrits au budget du ministère de l'emploi (la " DGD-formation professionnelle ") et de la solidarité et au budget du ministère de la culture (les " crédits Culture "). Par ailleurs, deux dotations d'équipement, la dotation départementale d'équipement des collèges et la dotation régionale d'équipement scolaire, sont inscrites au titre VI du budget du ministère de l'intérieur.

Les dotations de compensation des charges transférées

( en millions de francs)

 

1985

1992

2000

DGD

8.762

14.525

13.718

DGD Corse

-

-

1.311

DGD-Formation professionnelle

-

2.990

7.964

DDEC

-

1.279

1.719

DRES

-

2.585

3.464

TOTAL*

8.762

21.379

28.176

* Il conviendrait d'ajouter à ce total les crédits transféré en gestion du ministère de la culture vers la DGD, dont le montant s'établit à 909 millions de francs dans la loi de finances pour 2000.

Données chiffrées : lois de finances

La DGD et ses satellites sont indexées sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Cependant, cette indexation ne permet pas d'anticiper l'évolution de leur montant, qui dépend également, et de plus en plus, de leur périmètre.

Les deux dotations d'équipement sont indexées sur le taux d'évolution de la formation brute de capital fixe des administrations publiques.

Les dotations de fonctionnement

Il existe six dotations de fonctionnement versées par l'Etat aux collectivités locales, dont le montant varie du simple (108 millions de francs pour le reversement à la Corse du produit de la taxe intérieur sur les produits pétroliers) au centuple (112 milliards de francs pour la dotation globale de fonctionnement). Le montant total des dotations de fonctionnement versées en 2000 s'élève à 119,1 milliards de francs, soit 38 % de plus qu'en 1990.

A elle seule, la dotation globale de fonctionnement (DGF), représente 94% de cette masse. Elle évolue en fonction de modalités complexes, fixées aux articles L. 1613-1 et L. 1613-2 du code général des collectivités territoriales :

- l'indice de progression de la DGF est " égal à la somme du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne annuelle du prix à la consommation des ménages (hors tabac) de l'année de versement et de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut de l'année en cours, sous réserve que celui-ci soit positif " ;

- toutefois, pour obtenir le montant de la DGF au titre d'une année, il ne suffit pas d'appliquer cet indice au montant de la DGF de l'année précédente. Il faut au préalable procéder au " recalage " du montant de la DGF de l'année en cours, c'est-à-dire recalculer son montant en fonction des derniers indices économiques connus. C'est à ce nouveau montant qu'est appliqué l'indice prévu à l' article L. 1613-1 ;

- ensuite, s'il s'avère que, au titre d'un exercice, le montant versé aux collectivités s'est révélé supérieur à ce qu'il aurait dû être si l'indice avait été calculé à partir des indicateurs de prix et de PIB définitifs, il faut retrancher le trop perçu du montant de la DGF. Cette opération s'appelle la " régularisation " du montant de la DGF.

Les opérations de recalage et de régularisation ont souvent joué dans un sens défavorable aux collectivités locales depuis leur entrée en vigueur au milieu des années 90, le taux de progression de la DGF se révélant inférieur à l'indice défini par le code général des collectivités territoriales. Toutefois, ces dispositifs peuvent jouer dans les deux sens. En 2001 et 2002, le taux réel d'évolution de la DGF sera vraisemblablement supérieur à l'indice de la DGF.

Les taux de progression de la DGF

(en %)

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001*

2002*

Taux d'évolution de la DGF

+ 1,68

+ 1,26

+ 1,38

+ 2,78

+ 0,82

+ 3,02

+ 3,22

Indice de la DGF

(article L. 1613-1 du CGCT)

+ 3,55

+ 1,95

+ 2,40

+ 2,75

+ 2,05

+ 2,70

+ 2,40

* estimations

Source : Direction générale des collectivités locales

Les modalités d'indexation de la DGF jouent un rôle de plus en plus important, car elles déterminent l'évolution d'un nombre de plus en plus grand de concours de l'Etat aux collectivités locales :

- au sein des dotations de fonctionnement versées aux collectivités locales, la dotation spéciale instituteurs (2,3 milliards de francs en 2000) et la dotation élu local (276 millions de francs en 2000) sont indexées sur le taux d'évolution de la DGF ;

- la DGD et ses " satellites " sont également indexées sur la DGF ;

- de plus en plus, les compensations d'exonérations fiscales sont indexées sur la DGF. Depuis 1999, cette indexation a été retenue pour compenser la suppression de leurs droits de mutation des régions, la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle et, à compter de 2001, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

Par conséquent, lorsque la DGF progresse faiblement, un volume désormais considérable de crédits en supporte les conséquences. En 2000, sur 230 milliards de francs environ versés par l'Etat aux collectivités locales au titre des dotations et des compensations, 165 milliards de francs étaient indexés sur le taux de progression de la DGF. Compte tenu du faible taux de progression de la DGF en 2000 (0,8 %), la loi de finances pour 2000 a disposé que, par dérogation, la compensation de la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle évoluerait en fonction de l'indice prévu à l' article L. 1613-1 (2,05 %) et non en fonction du taux réel d'évolution de la DGF.

Les dotations de fonctionnement comprennent également les dotations de l'Etat aux deux fonds nationaux de péréquation, le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et le fonds national de péréquation (FNP).

L'Etat verse à chacun de ces fonds une dotation dont le montant évolue en fonction du taux d'évolution des recettes fiscales de l'Etat, " net des remboursements et dégrèvements et des prélèvements sur recettes, tel que cet indice résulte des évaluations de la loi de finances initiale, et corrigé le cas échéant de l'incidence d'éventuels transferts de recettes liés à des transferts de compétence aux collectivités territoriales, à d'autres personnes morales publiques ainsi qu'aux communautés européennes " . Une correction de ce type est intervenue en 2000 pour tenir compte du transfert à la sécurité sociale du produit d'une partie des droits sur les tabacs, ce qui a abouti à un taux d'indexation de - 0,3 % des dotations aux FNPTP et FNP, alors même que, à structure constante, les recettes fiscales de l'Etat augmentaient fortement.

Par ailleurs, l'Etat reverse au FNPTP la fraction du produit de la taxe professionnelle acquittée par la Poste et France Télécom qui correspond à la différence entre le montant perçu au titre d'une année et le montant de ce produit en 1994.

Les dotations de fonctionnement versées aux collectivités locales

( en millions de francs)

 

1985

1992

2000

DGF

66.107

92.225

112.036

Dotation spéciale instituteurs

-

3.321

2.353

Dotation élu local

-

-

276

TIPP Corse

-

-

108

FNPTP

4.203

807

3.575

FNP

-

-

827

TOTAL

70.310

96.353

119.175

Données chiffrées : lois de finances

Les dotations d'équipement

Les dotations d'équipement, dont le montant s'élève en 2000 à 29,2 milliards de francs, représentent environ 20 % des dotations de l'Etat hors compensation des charges transférées.

Chacune des trois dotations de l'Etat présente des spécificités, qui les distinguent des dotations classiques que sont les dotations de fonctionnement.

Deux d'entre elles, le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et le produit des amendes de police, n'évoluent pas en fonction de taux d'indexation fixés par la loi. Ce sont des dotations " à guichet ouvert ", dont le montant est déterminé respectivement par l'évolution du montant des investissements des collectivités locales et par le montant des amendes de police dressées sur le territoire des communes bénéficiaires.

La dotation globale d'équipement des communes et des départements est indexée sur le taux d'évolution de la formation brute de capital fixe des administrations publiques. Depuis la réforme de cette dotation dans la loi de finances pour 1996 235( * ) , la DGE n'est plus vraiment une dotation puisque ce sont les préfets qui décident de son attribution.

Les dotations d'équipement versées aux collectivités locales

(en millions de francs)

 

1985

1992

2000

DGE

3.570

5.433

5.415

FCTVA

10.808

21.100

21.820

Amendes de police

391

950

2.040

TOTAL

14.769

27.483

29.275

Données chiffrées : lois de finances

Les crédits des différents ministères et comptes spéciaux du Trésor

La logique de la décentralisation aurait voulu que les concours de l'Etat aux collectivités locales soient progressivement globalisés au sein de dotations libre d'emploi pour les collectivités locales.

Cette évolution n'a pas eu lieu et, plutôt qu'à une globalisation, on a assisté depuis vingt ans à une augmentation du nombre de dotations. L'éclatement des concours financiers de l'Etat entre différentes dotations, dont le taux de progression peut être modifié en fonction de la conjoncture, permet d'éviter une réflexion globale sur l'adéquation entre le montant des dotations de l'Etat et l'évolution des charges des collectivités locales .

Malgré tout, les dotations représentent un progrès par rapport aux subventions, dont le versement aux collectivités locales est à la discrétion des administrations de l'Etat. Dans le " jaune " budgétaire relatif à l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales, les subventions sont comprises dans le champ de l'effort financier de l'Etat.

En 2000, les subventions de fonctionnement s'élèveraient 5,4 milliards de francs et les subventions d'investissement à 7,1 milliards de francs. Ce montant n'est pas négligeable. Il est, par exemple, supérieur à celui de la DGE.

Les concours financiers des collectivités locales à l'Etat

Les flux financiers entre l'Etat et les collectivités locales ne sont pas à sens unique.

Le rapport remis au premier ministre en 1994 par le groupe de travail sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales présidé par M. François Delafosse, recense les flux financiers des collectivités locales vers l'Etat, en insistant notamment sur :

- les fonds de concours versés par les collectivités locales et qui abondent le budget de l'Etat en cours d'exercice : leur montant s'établissait à 7,3 milliards de francs en 1993. Il était de 5,8 milliards de francs en 1999 ;

- le versement par la CNRACL de compensations et de surcompensations aux autres régimes de retraite. En 1999, le coût de ces versements s'élevait à 19,8 milliards de francs, dont 10,8 à la charge des collectivités locales et 8,9 à la charge des hôpitaux ;

- les participations au financement d'opérations de l'Etat qui ne prenent pas la forme de fonds de concours et qui, de ce fait, peuvent difficilement être évaluées en termes financiers (financement de bibliothèques, laboratoires ou équipements universitaires, infrastructures dont l'Etat est maître d'ouvrage).

2. La réduction de la part des dotations dans l'effort total de l'Etat

Le tableau ci-dessous permet de mettre en évidence trois séquences dans l'évolution de la structure des concours de l'Etat aux collectivités locales depuis la fin des années 80 :

- entre 1988 et 1992, les crédits consacrés à la prise en charge de la fiscalité locale (compensations et dégrèvements) ont augmenté à un rythme très soutenu (+ 55 %), mais les dotations de l'Etat également (+ 28 %) ;

- entre 1992 et 1996, les taux de progression de ces deux postes ont été réduits de presque moitié. En volume, les dotations ont augmenté plus que les compensations et les dégrèvements, de 19,9 milliards de francs contre 17,3 milliards de francs.

- entre 1996 et 2000, le taux de progression des dotations a été à nouveau divisé par deux tandis que le taux de progression des compensations et des dégrèvements passait de + 28 % à + 44 %. En volume, les compensations et dégrèvements ont augmenté trois fois plus que les dotations, de 35,2 milliards de francs contre 11,4 milliards de francs.

Evolution des concours de l'Etat aux collectivités locales depuis 1988

(en millions de francs)

Données chiffrées : lois de finances

En 1996, les dotations représentaient 66,6 % des concours de l'Etat aux collectivités locales, les compensations 12,6 % et les dégrèvements 20,9 %. En 2000, les dotations sont passées à 57,7 %, les compensations à 20,7 % et les dégrèvements à 21,6 %.

B. L'ENVELOPPE NORMÉE : UN " RENDEZ-VOUS MANQUÉ "

L'article 32 de la loi de finances pour 1996 a regroupé la dotation globale de fonctionnement, la dotation spéciale pour le logement des instituteurs, les dotations de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de péréquation, la dotation élu local, la dotation globale d'équipement, la dotation générale de décentralisation, la dotation de décentralisation pour la formation professionnelle, la dotation générale de décentralisation pour la Corse, la dotation départementale d'équipement des collèges, la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation de compensation de la taxe professionnelle (hors réduction pour embauche et investissement) au sein d'un " ensemble ".

Cet " ensemble ", connu désormais sous le nom d'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, comprend toutes les dotations de fonctionnement et d'investissement de l'Etat (à l'exception du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et des amendes de police), ainsi qu'une compensation d'exonérations fiscales, la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

L'enveloppe normée évolue en fonction d'un taux d'indexation indépendant du taux d'évolution de chacune de ses composantes.

Entre 1996 et 1998, les modalités d'indexation de l'enveloppe normée ont pris le nom de " pacte de stabilité ". De 1999 à 2001, le pacte a été remplacé par le " contrat de croissance et de solidarité ".

Lors de l'examen par le Sénat du texte qui allait devenir l'article 32 de la loi de finances pour 1996, le président de la commission des finances de l'époque, le Président Christian Poncelet, déclarait : " Voilà quatre ans, c'est à cette même tribune que j'ai lancé la formulation de " pacte de stabilité financière ". Je me réjouis qu'elle soit aujourd'hui reprise par le Gouvernement. Pourtant, je n'hésite pas à le dire, je ne reconnais pas mon enfant. Il est quelque peu défiguré. Je crains que le rendez-vous tant attendu ne soit un rendez-vous manqué. " 236( * )

Que s'est-il passé ?

1. Concilier maîtrise des dépenses publiques et stabilité des concours aux collectivités locales : une bonne idée ...

a) Maîtriser les dépenses publiques

Les concours de l'Etat aux collectivités locales ont augmenté à un rythme très rapide depuis le début des années 80. Ils ont été multipliés par deux entre 1988 et 2000, passant de 151,1 milliards de francs à 292,3 milliards de francs.

L'évolution d'une telle masse de crédits se doit d'être suivie avec attention, notamment en période de rareté de la ressource budgétaire.

Jusqu'au milieu des années 90, il n'existait pas de pilotage d'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités locales, et l'Etat se contentait de mettre en place des dispositifs destinés à limiter l'augmentation du montant de ses concours :

- en matière de dotations, les modes d'indexation des enveloppes était sujets à des révisions fréquentes. Par exemple, le mode d'indexation de la dotation globale de fonctionnement a été revu à plusieurs reprises, en fonction de la situation budgétaire de l'Etat 237( * ) . De même, en 1994, il a été décidé de procéder à une réfaction du taux de compensation du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, dont la seule justification était la recherche d'économies budgétaires 238( * ) . La réforme de la DGE en 1995 obéissait à la même logique.

- s'agissant des compensations d'exonérations d'impôts locaux, les ingénieux mécanismes de réfaction inventés entre 1991 et 1995 ont déjà été présentés 239( * ) . Le coût des dégrèvements de taxe professionnelle a pour sa part été contenu par le gel à son niveau de 1995 du taux retenu pour calculer la fraction des cotisations à la charge de l'Etat : depuis 1995, toutes les augmentations de taux de taxe professionnelle sont à la charge des entreprises et non de l'Etat 240( * ) .

Ces dispositifs ponctuels ont été mal vécus par les élus locaux car ils étaient ressentis comme arbitraires . De plus, ils n'ont pas permis de freiner significativement l'augmentation du coût pour l'Etat des concours financiers aux collectivités locales.

L'idée d'un " pacte de stabilité financière " pluriannuel avait donc pour but de créer les conditions d'une approche globale en matière de concours aux collectivités locales, afin que l'Etat puisse prévoir de manière fiable quelle serait l'évolution de ses dépenses en faveur collectivités locales et, le cas échéant, procéder à des ajustement concernant ses autres postes de dépenses de manière à respecter une norme globale d'évolution des dépenses publiques.

b) Améliorer la prévisibilité de l'évolution des budgets locaux

Le début des années 90 marque l'apparition d'une forte demande de stabilité financière chez les élus locaux, pour lesquels l'élaboration de leurs budgets devenait de plus en plus difficile en raison de la multiplication de mesures imprévues qui se traduisaient par des dépenses nouvelles, sans que les recettes ne soient modifiées à due concurrence. La première moitié de la décennie a ainsi été marquée par des majorations du taux de cotisation employeur à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et du forfait hospitalier, par la prolifération des normes en matière d'environnement et de sécurité ou encore par la prise en charge par les collectivités de dépenses relevant de la compétence de l'Etat, notamment dans le cadre du plan Université 2000. Le rapport " Delafosse ", remis au Premier ministre en 1994, lançait le débat sur les transferts de charges " rampantes ".

Parallèlement à cette pression sur les dépenses, les concours de l'Etat aux collectivités locales étaient soumis à des fluctuations fréquentes. Le taux d'indexation de la DGF a été modifié quatre fois entre 1990 et 1995.

En matière fiscale, le Président Poncelet insistait, lors de la discussion au Sénat du projet de loi de finances pour 1996, sur les conséquences néfastes sur les budgets locaux " des ruptures de contrat ", des " entorses aux principes de la compensation ", de la " suppression des remises en cause des règles du jeu [découvertes ], chaque année, lors de l'examen des articles du projet de loi de finances ".

2. ... qui a été détournée de son objet initial ....

Le pacte de stabilité issu de l'article 32 de la loi de finances pour 1996, comme le contrat de croissance et de solidarité prévu par l'article 57 de la loi de finances pour 1999, organisent, pour une période de trois ans, le plafonnement du montant total des dotations comprises dans l'enveloppe normée.

Chacune de ces dotations, à l'exception de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), continue d'évoluer en fonction du taux d'indexation qui est le sien. De son côté, l'enveloppe normée évolue en fonction d'un mode d'indexation qui lui est propre. La DCTP joue le rôle de variable d'ajustement du dispositif : son montant est égal à la différence entre le montant total de l'enveloppe normée et le montant de la somme des différentes dotations qui la composent.

Les taux d'indexation retenus pour l'enveloppe normée reflètent la situation macroéconomique du pays. En 1996, en période de basse conjoncture, l'indexation retenue était le taux d'évolution des prix. En 1999, l'amélioration de la situation économique a permis de prendre en compte une fraction du taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) dans le taux d'indexation de l'enveloppe normée. Cette fraction s'établit à 20% pour 1999, 25 % pour 2000 et 33 % pour 2001.

Ce mécanisme ne permet pas d'atteindre l'objectif de stabilité financière recherché par les élus locaux :

- malgré son caractère pluriannuel, il ne permet pas de remédier à l'imprévisibilité de l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales. Comme le soulignait le rapporteur général de la commission des finances, notre collègue Alain Lambert, " l'évaluation a priori de leur DCTP par les collectivités devient rigoureusement impossible " 241( * ) . De même, les dotations indexées sur le taux d'évolution de la DGF restent soumises aux conséquences sur ce taux des mécanismes de recalage et de régularisation, qui le rendent totalement imprévisibles . Les dotations de l'Etat aux fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de péréquation, indexées sur l'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat sont également tributaires des modifications du périmètre du budget général ;

- il remet en cause le principe de la compensation des exonérations d'impôts locaux en transformant la DCTP en variable d'ajustement ;

- il aboutit à une perte de recettes pour les collectivités locales . En effet, tant que l'augmentation du montant total de l'enveloppe normée reste inférieure à celle de l'ensemble des dotations qui composent l'enveloppe (à l'exception de la variable ajustement), l'Etat réalise des économies puisque l'écart entre les deux progressions se traduit par une baisse de la DCTP. Ce phénomène s'explique par le fait que, pour le calcul de l'enveloppe normée, la principale dotation qui la compose, la DGF, évolue en fonction d'un indice qui prend en compte l'évolution des prix et 50 % du taux de croissance du produit intérieur brut. La DGF augmente plus vite que l'enveloppe normée, ce qui se traduit par une baisse de la DCTP ;

- il repose sur une logique purement budgétaire et, comme le faisait remarquer le président Poncelet, ne s'étend pas " à l'ensemble des flux financiers entre l'Etat et les collectivités locales ". Alors que les élus locaux attendaient principalement la création d'un lien entre l'évolution de leurs charges et celle des dotations de l'Etat , le dispositif proposé en 1996 et repris en 1999 laisse de côté cette question. Il ne tient aucun compte de l'évolution des charges locales et ne s'interroge pas sur l'efficacité et le caractère adapté ou non des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Au contraire, l'ensemble des dotations de fonctionnement et d'investissement sont maintenues en l'état, le seul changement résidant dans le régime de la DCTP, qui devient la dotation " sacrifiée ".

La création de l'enveloppe normée s'apparente donc surtout à une nouvelle astuce destinée à réduire le montant des compensations versées aux collectivités locales . De fait, le montant de la DCTP inscrit en loi de finances est passé de 19,1 milliards de francs en 1995 à 11,8 milliards de francs en 2000.

Comme le soulignait le Président Poncelet dès 1995, le dispositif de l'enveloppe normée " reflète avant tout, une fois de plus, la volonté du Gouvernement d'utiliser les concours qu'il verse aux collectivités locales comme la variable d'ajustement de son propre budget ".

3. ... et qui n'a pas modifié la nature des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales

L'utilisation d'expressions telles que " pacte de stabilité " et " contrat de croissance et de solidarité " ne traduit pas la réalité du fonctionnement du mécanisme de l'enveloppe normée depuis 1996. Notre collègue député Didier Migaud, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1996, soulignait ainsi : " Le pacte, c'est quoi ? C'est un accord, une convention, un contrat. Encore faut-il qu'il y ait plusieurs personnes et que les autres aient exprimé un accord ! Le mot " pacte " ne s'applique donc pas du tout à ce que vous nous proposez : il s'agit en fait d'une décision unilatérale de l'Etat . " 242( * )

La création de l'enveloppe normée n'a pas permis de créer les conditions d'un débat constructif entre l'Etat et les collectivités locales :

- l'Etat, en choisissant d'appliquer à l'enveloppe des taux d'indexation tellement restrictifs qu'ils sont par avance intenables, a marqué sa volonté de ne pas rompre avec la pratique des " rallonges " accordées au coup par coup , et dont la médiatisation permet d'occulter le fait que leur montant est sans rapport avec l'évolution des charges des collectivités locales. Dans la loi de finances pour 2000, année qui a connu le plus d' " abondements extérieurs " 243( * ) à l'enveloppe normée, leur montant s'est établi à 1,35 milliard de francs . A titre de comparaison, le surcoût pour l'année 2000 du seul accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 s'élève à 3,5 milliards de francs ;

- à l'inverse, les collectivités locales sont placées en position de faiblesse . Elles sont à la merci du bon vouloir de l'Etat en matière budgétaire et présentent, chaque année à l'occasion de la discussion budgétaire, l'image peu flatteuse d'un lobby dépensier contraint de quémander des subventions supplémentaires.

L'incompréhension entre le financeur et les bénéficiaires de l'enveloppe normée provient principalement de l'importance des baisses de DCTP supportées par les collectivités locales, dont l'ampleur apparaît choquante, arbitraire voire injustifiée puisque les baisses sont les plus élevées lorsque la DGF augmente beaucoup, c'est-à-dire en période de forte croissance économique.

Pour cette raison, à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances pour 1999 et 2000, le Sénat a porté la fraction du taux de croissance du PIB pris en compte pour le calcul de l'enveloppe normée à 50 % 244( * ) . En alignant le taux de croissance de l'enveloppe normée sur celui de sa principale composante, la DGF, ce dispositif permettait, pour un coût budgétaire limité, une quasi stabilisation du montant de la DCTP. L'objectif de plafonnement du montant des concours de l'Etat était respecté sans pour autant aboutir forcément à réduire le montant de la DCTP. La Haute Assemblée n'a pas été suivie sur ce point par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale.

V. LA PÉRÉQUATION EN PANNE

A. LE CONTRASTE ENTRE LES BESOINS ET LES CREDITS

1. Les difficultés de mesurer les écarts de richesse

La mesure des écarts de développement et de richesse entre les différentes parties du territoire se heurte à de nombreuses difficultés .

Une première difficulté provient de la détermination du périmètre des territoires pris en compte . Les écarts au sein d'une même commune, d'un même département et, a fortiori, d'une même région peuvent être importants.

Une deuxième difficulté résulte du choix des indicateurs retenus pour déterminer les écarts . Ces indicateurs peuvent être des données économiques, telles que le produit intérieur brut par habitant, le revenu par habitant ou le taux de chômage. Les zonages d'aménagement du territoire et les zonages européens privilégient ce type de critères.

Les critères peuvent également être fiscaux. Le ministère de l'intérieur calcule le potentiel fiscal des différentes collectivités, qui permet de comparer leurs bases fiscales par habitant 245( * ) , et l'effort fiscal, qui mesure la pression fiscale locale pesant sur les contribuables d'une collectivité 246( * ) . Ces indicateurs sont pris en compte pour le calcul des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Ils sont parfois combinés, pour l'élaboration d'" indices synthétiques ", avec des données économiques et sociales, telles que la longueur de voirie, le nombre d'élèves, la proportion de logements sociaux ou le nombre de bénéficiaires d'aides au logement.

La combinaison de plusieurs critères au sein d'indices synthétiques a pour but de permettre de saisir de manière globale la situation d'une collectivité . Néanmoins, aucun des instruments existant aujourd'hui n'apporte de garantie de fiabilité totale . Par exemple, l'indice qui détermine l'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine (DSU) prend en compte le potentiel fiscal, les bénéficiaires d'aide au logement, le revenu par habitant et la proportion de logement sociaux. Malgré le grand nombre de critères, de nombreuses communes, pourtant manifestement défavorisées, ne sont pas éligibles à cette dotation car les personnes défavorisées résidant sur leur territoire occupent habitent des logements privés relevant du " parc social de fait " plutôt que des logement sociaux au sens strict.

Différentes techniques pour cibler les territoires prioritaires

Les critères d'éligibilité à la prime d'aménagement du territoire après la réforme de 1999 :

- parmi les zones dont le revenu net imposable moyen par foyer fiscal est inférieur à la moyenne nationale, ont été retenues : (1) les zones dont le taux de chômage au 31 décembre 1998 était supérieur à la moyenne nationale et (2) les zones dont le déclin démographique entre 1990 et 1995 est supérieur à 1,2 % ;

- parmi les zones présentant un risque industriel (importance d'emplois industriels sensibles, nombre d'emplois ayant fait l'objet d'une décision ou d'une annonce de restructuration depuis 1996), ont été retenues celles dont le taux de chômage est supérieur à 10 % ;

- les zones perdant l'éligibilité à l'ancien objectif 1 des fonds structurels européens ;

- les franges de certaines grandes agglomérations confrontées à un taux de chômage supérieur à 13,9 % (Marseille, Montpellier, Bordeaux, Rouen, Amiens).

Les critères de l'objectif 2 des fonds structurels après la réforme de 1999 :

- pour moitié, la population régionale vivant dans les zones d'emplois industriel ou rural dégradé (taux de chômage et taux d'emploi industriel supérieurs à la moyenne communautaire et pertes d'emplois industriels depuis six ans, densité de population inférieure à 100 habitants au kilomètre-carré ou taux d'emploi agricole supérieur au double de la moyenne de l'Union et déclin démographique ou chômage inférieur à la moyenne) ;

- pour un quart, la population régionale habitant dans une zone urbaine sensible ;

- pour un quart, la population régionale habitant dans une zone de revitalisation rurale.

Les zonages d'aménagement du territoire :

- les zones de revitalisation rurale comprennent les communes appartenant aux territoires ruraux de développement prioritaires situées soit dans les arrondissements dont la densité démographique est inférieure ou égale à 33 habitants au kilomètre carré, soit dans les cantons dont la densité démographique est inférieure ou égale à 31 habitants au kilomètre carré, dès lors que ces arrondissements ou cantons satisfont également l'un des trois critères suivants : le déclin de la population totale ; le déclin de la population active ; un taux de population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale. Elles comprennent également les communes situées dans les cantons dont la densité démographique est inférieure ou égale à cinq habitants au kilomètre carré ;

- les zones de revitalisation urbaine appartiennent aux ZUS et sont confrontées à des difficultés particulières appréciées en fonction d'un indice établi à partir de la population du quartier, de la proportion de jeunes de moins de 25 ans, de la proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme, du potentiel fiscal des communes intéressées ;

- les zones franches urbaines sont un sous ensemble des ZRU caractérisé par un taux de chômage supérieur à 13,5 %, un pourcentage de jeunes de moins de 25 ans supérieur à 36 %, un pourcentage de non diplômés supérieur à 29 % et un potentiel fiscal communal inférieur à 3.800 francs. En outre, la commission européenne a imposé à la France que les zones franches urbaines ne regroupent pas plus de 1 % de la population totale.

L'indice synthétique qui détermine l'éligibilité à la DSU tient compte du potentiel fiscal (45 %), de la proportion de logements sociaux (15 %), du nombre de bénéficiaires d'aides au logement (30 %) et du revenu par habitant (10 %)

Pour avoir une idée vraiment fine de la richesse d'un territoire, il peut sembler opportun de considérer ses ressources au regard des charges des collectivités qui le composent. En effet, les territoires les plus riches sont parfois également ceux qui doivent assumer les charges les plus importantes . Telle fut la démarche du Sénat lors de l'examen de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire n° 95-9 du 4 février 1995 dont l'article 68, adopté à son initiative, prévoit que " l'ensemble des ressources, hors emprunt, des collectivités territoriales et de leurs groupements, au sein d'un même espace régional, fait l'objet d'un calcul cumulé. Ces ressources comprennent les concours de toute nature reçus de l'Etat, les recettes de péréquation provenant de collectivités territoriales extérieures à l'espace considéré, les bases de calcul de l'ensemble des ressources fiscales multipliées pour chaque impôt ou taxe par le taux ou le montant unitaire moyen national d'imposition à chacun de ces impôts ou de ces taxes, les produits domaniaux nets de la région, des départements qui composent celle-ci, des communes situées dans ces départements et de leurs groupements.

Les ressources ainsi calculées, rapportées, par an, au nombre des habitants de l'espace régional considéré, sont corrigées afin de tenir compte des charges des collectivités considérées et de leurs groupements.
"

L'objectif de cette disposition était de réaliser, " à compter du 1 er janvier 1997, une péréquation financière (...) entre les espaces régionaux de métropole ", les ressources de chaque région, pondérées par ses charges, ne pouvant " être supérieures à 80 p. 100 ni excéder 120 p. 100 de la moyenne nationale par habitant des ressources des collectivités territoriales et de leurs groupements. "

Les difficultés posées par l'évaluation de la richesse d'une région apparaissent dans le tableau ci-dessous. Même si certaines régions sont généralement dans les premières places pour chacun des indicateurs sélectionnés tandis que d'autres sont plus souvent moins bien placées, les critères ne jouent jamais de manière unilatérale . Ainsi, on constate que la région de Haute-Normandie cumule le PIB par habitant le plus élevé après la région Ile-de-France avec le 19 ème rang des régions métropolitaines en matière de taux de chômage. Le Limousin bénéficie du taux de chômage le plus faible après l'Alsace mais se classe au 21 ème rang pour le PIB par habitant et supporte la plus forte pression fiscale des régions de métropole.

Les mêmes difficultés sont rencontrées à l'intérieur de chaque région, voire de chaque département.

Régions

PIB/hab. 1996


Taux de chômage 1997 (en %)


Part des foyers fiscaux imposés à l'impôt sur le revenu en 1994 (en %)

Part des prestations sociales dans le revenu disponible brut des ménages 1996 (en %)

Potentiel fiscal 2000

Effort fiscal 2000

Alsace

136.312 (3)

7,9 (1)

57,1 (2)

32,6 (5)

477,14 (3)

0,96 (6)

Aquitaine

119.828 (7)

13,4 (16)

45,5 (12)

37,2 (11)

386,56 (12)

1,04 (8)

Auvergne

108.501 (18)

11,3 (6)

43,8 (17)

38,5 (15)

365,56 (15)

1,27 (13)

Basse Normandie

115.300 (12)

12,1 (11)

44,5 (14)

36 (2)

414,58 (7)

1,48 (20)

Bourgogne

117.220 (11)

11,8 (10)

48,6 (7)

38,6 (16)

394,54 (11)

0,98 (7)

Bretagne

111.964 (15)

11,5 (7)

44,4 (15)

36,5 (10)

343,06 (20)

1,26 (12)

Centre

118.660 (9)

11,7 (9)

50,9 (4)

37,5 (13)

403,80 (9)

1,34 (15)

Champagne Ardennes

122.015 (5)

12,8 (14)

47,9 (9)

35,4 (7)

408,60 (8)

1,18 (9)

Corse

106.350 (20)

13,5 (17)

38,7 (22)

47,1 (22)

342,41 (21)

0,86 (3)

Franche Comté

120.172 (6)

10,3 (3)

48,4 (8)

36,5 (9)

424,71 (6)

1,29 (14)

Haute Normandie

137.351 (2)

14,8 (19)

50,2 (5)

37 (4)

461,52 (4)

1,41 (18)

Ile de France

207.278 (1)

10,9 (4)

64,4 (1)

30 (1)

670,58 (1)

0,58 (1)

Languedoc Roussillon

101.553 (22)

17,2 (22)

41,4 (21)

43,4 (20)

360,71 (18)

1,34 (16)

Limousin

105.392 (21)

9,7 (2)

43,7 (18)

44,2 (21)

341,85 (22)

1,75 (22)

Lorraine

114.976 (13)

11,6 (8)

46,4 (11)

39,1 (17)

401,69 (10)

0,87 (4)

Midi Pyrénées

113.068 (14)

12,2 (12)

44,3 (16)

39 (3)

364,68 (16)

1,52 (21)

Nord - Pas de Calais

110.783 (16)

16,3 (21)

42,5 (20)

41,4 (19)

361,56 (17)

1,40 (17)

Pays de Loire

118.104 (10)

12,6 (13)

44,7 (13)

35,6 (8)

374,11 (14)

1,21 (10)

Picardie

109.835 (17)

13,7 (18)

47,8 (10)

37,3 (12)

383,62 (13)

1,46 (19)

Poitou Charentes

108.006 (19)

13,2 (15)

42,7 (19)

38,3 (14)

348,24 (19)

1,25 (11)

PACA

119.211 (8)

16 (20)

48,9 (6)

39,7 (18)

442,59 (5)

0,80 (2)

Rhône Alpes

130.178 (4)

11,2 (5)

51,4 (3)

35,2 (6)

483,32 (2)

0,96 (5)

Entre parenthèses : rang de classement de " richesse ". Source : INSEE, DGCL.

2. Un faible volume de crédits

Les instruments financiers de la péréquation peuvent être rangés dans trois catégories :

- la dotation globale de fonctionnement (DGF). Premier concours de l'Etat aux collectivités locales, l'enveloppe de la DGF des communes est divisée en deux sous-dotations, la dotation forfaitaire et la dotation d'aménagement. La vocation de la dotation d'aménagement est de bénéficier aux communes " défavorisées " et aux structures intercommunales. Elle est elle-même divisée en trois enveloppes : la dotation d'intercommunalité versée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). La DGF des départements est elle aussi partagée entre une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation ;

- les fonds de péréquation . L'inégale répartition des bases de taxe professionnelle sur le territoire est la première cause d'inégalité de richesse entre collectivités. Par conséquent, la création de la taxe professionnelle en 1975 s'est accompagnée de la création de fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) qui ont pour but, lorsqu'il existe dans une commune un établissement dit " exceptionnel ", c'est-à-dire dont les bases par habitant sont supérieures à deux fois la moyenne nationale des bases par habitant, de répartir le produit correspondant aux bases supérieures à deux fois la moyenne nationale entre les autres communes du départements. Ces fonds sont gérés par les conseils généraux.

Les fonds départementaux, qui redistribuent entre des collectivités des recettes de taxe professionnelle, ont ensuite été complétés par la création de fonds nationaux de péréquation, qui versent des attributions aux communes mal dotées en bases fiscales. Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) est issu de l'article 6 de la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale. Il a été scindé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dont l'article 70 crée le fonds national de péréquation (FNP).

- les mécanismes de solidarité financière entre collectivités . Le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF), la dotation de fonctionnement minimale (DFM) des départements et le fonds de correction des déséquilibres régionaux (FCDR) prélèvent une partie des recettes fiscales de collectivités " riches " pour les redistribuer, en fonction de critères fixés par la loi, à des collectivités moins " favorisées ".

L'ensemble de ces instruments représente un montant très limité au regard de l'ensemble des ressources des collectivités locales . Les transferts de l'Etat ayant une vocation péréquatrice s'élèvent en 2000 à 18,5 milliards de francs, soit 10,4 % du montant total des dotations de l'Etat.

Les FDPTP ont redistribué en 1999 moins de 3 % du produit de la taxe professionnelle perçu par les communes 2,9 milliards de francs sur 97,8 milliards de francs).

Les crédits de la péréquation en 2000

(en millions de francs)

Péréquation nationale

Solidarité entre collectivités

DSU métropole.

3.618

FSRIF 726

726

DSR métropole

593

FCDR393

393

FNPTP (pertes de bases)

919

DFM 875

875

FNPTP (pertes de DCTP)

892

 
 

FNP

3.815

FDPTP (en 1998)

2.929

Dotation de péréquation de la dotation d'intercommunalité

5.077

 
 

1 ère part de la dotation de péréquation de la DGF des départements

3.607

 
 

TOTAL

18.521

TOTAL

4.675

Données chiffrées : Ministère de l'intérieur

3. La péréquation : du " saupoudrage " ?

Les instruments financiers de la péréquation sont nombreux , leur fonctionnement est complexe et le montant de leurs ressources est limité . A ces trois défauts s'ajoutent des critères d'éligibilité larges , qui conduisent à répartir des enveloppes réduites entre de nombreux bénéficiaires.

Les bénéficiaires de la péréquation en 2000

 

Nombre de bénéficiaires (hors garantie)

Dotation moyenne par habitant

(en francs)

Dotation maximale par habitant

(en francs)

Dotation minimum par habitant

(en francs)

DSR " bourgs-centres "

4.043

71

139

0,8

DSR " péréquation "

33.644

51

1.531 1

10

FSRIF (entre 5 et 10.000 habitants)

19

172

316

31

FSRIF (plus de 10.000 habitants)

122

220

429

34

DSU (entre 5 et 10.000 habitants)

102

154

284

72

DSU (plus de 10.000 habitants)

686

154

607

26

FNP (total)

17.619

113

1.506 2

8

FNP " part principale "

17.619

88

1.056 3

8

FNP " majoration "

15.981

35

576 4

12

1 Seules 11 communes perçoivent plus de 600 francs par habitant.

2 Seules 6 communes perçoivent plus de 350 francs par habitant.

3 Seules 6 communes perçoivent plus de 300 francs par habitant.

4 Seules 4 communes perçoivent plus de 65 francs par habitant.

Source : Direction générale des collectivités locales

B. LA FAIBLESSE DES INSTRUMENTS EXISTANTS

1. La DGF des communes est peu péréquatrice

a) Les modalités de répartition de la DGF des communes et des structures intercommunales

La structure actuelle de la DGF a été conçue pour renforcer progressivement le poids de la péréquation dans la masse totale des crédits. Avant 1993, la DGF était partagée en une dotation de base, une dotation de compensation et une dotation de péréquation.

En 1993, ces trois sous-dotations ont été fusionnées en une seule dotation forfaitaire et une nouvelle sous-dotation à vocation péréquatrice, la dotation d'aménagement, a été créée. Elle regroupe la dotation d'intercommunalité 247( * ) , la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.

L'objectif de cette réforme était de maintenir à toutes les communes une dotation égale à son montant de 1993 et, pour les années suivantes, d'accorder à la dotation d'aménagement une part croissante des crédits supplémentaires.

Pour atteindre cet objectif la répartition de la DGF s'effectue de la manière suivante :

- la masse totale des crédits à répartir est définie par la loi de finances ;

- le comité des finances locales décide quelle proportion de l'augmentation de la masse il va accorder à la dotation forfaitaire. Cette proportion peut varier entre 50 % et 55 %. En d'autres termes, la dotation forfaitaire bénéficie au minimum de la moitié des crédits supplémentaires au titre d'une année, et au maximum de 55 % des crédits supplémentaires ;

Architecture de la dotation globale de fonctionnement

 

Evolution

 
 
 

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT

 

Taux de la DGF :
Inflation + ½ PIB

 
 
 

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT DES DEPARTEMENTS

 

Taux de la DGF :
Inflation + ½ PIB

 
 
 

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT DES COMMUNES ET GROUPEMENTS

 

Taux de la DGF :
Inflation + ½ PIB

 
 
 

DOTATION FORFAITAIRE DES COMMUNES

 

Taux : de 50 % à 55 % du taux de la DGF

 
 
 


DOTATION D'AMENAGEMENT

 

Différence entre DGF des communes et groupements et dotation forfaitaire

 
 
 


DOTATION DES GROUPEMENTS

 

En fonction de la population regroupée et de la dotation par habitant

 
 
 


SOLDE DSU/DSR

 

Différence entre dotation d'aménagement et dotation des groupements

 
 
 


DSU


DSR

 

Croissance de la DSU et de la DSR entre 45 % et 55 % du solde

 
 
 
 

QUOTE-PART
outre-mer

QUOTE-PART
outre-mer

 

Montants de la DSU et de la DSR pondérés par le rapport entre la population outre-mer et la population nationale

 
 
 
 

DSU METROPOLE

DSR METROPOLE

 

DSU ET DSR diminuées des quotes-parts

- une fois défini le montant de la dotation forfaitaire, le solde constitue le montant de la dotation d'aménagement. Au sein de cette dotation , le comité des finances locales fixe ensuite le montant de la dotation d'intercommunalité ;

- une fois établi le montant de la dotation d'intercommunalité, le solde des crédits disponibles est réparti entre la DSU et la DSR.

Par conséquent, la DGF étant une enveloppe fermée, la DSU et la DSR jouent le rôle de variable d'ajustement . Plus la dotation forfaitaire augmente, et moins la dotation d'aménagement augmente. Au sein de la dotation d'aménagement, plus la dotation d'intercommunalité augmente, et moins la DSU et la DSR augmentent (elles peuvent même diminuer).

b) Les crédits consacrés à la péréquation ne parviennent pas à " décoller "

La réforme de la DGF de 1993 a permis de faire passer la part de la dotation d'aménagement dans la masse totale des crédits de la DGF des communes de 5,8 % en 1993 à 8,3 % en 1995. En 1995, des simulations réalisées par la direction générale des collectivités locales envisageaient que la dotation d'aménagement pourrait représenter 15,7 % de la DGF des communes en 2000. Ces simulations tablaient sur un taux de croissance de la DGF de 3,5 % par an, qui aurait permis d'atteindre un montant de 98,9 milliards de francs en 2000.

En fait, le montant total de la DGF des communes et des groupements s'élève en 2000 à 93,4 milliards de francs, soit 5 milliards de moins que prévu . Ce montant n'a pu être atteint que parce que la masse de la DGF résultant des mécanismes d'indexation de cette dotation fait l'objet de majorations par les lois de finances. Le montant qui résulte de la seule évolution " naturelle " de la DGF n'est que de 91,5 milliards de francs.

La part de la dotation d'aménagement dans ce total n'est que de 11,5 %. En tenant compte des majorations dont bénéficie la DGF, qui ne concernent que la dotation d'aménagement, la part de la dotation d'aménagement passe à 13 %.

La dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale sont particulièrement pénalisées par les modalités actuelles de répartition de la DGF :

- la progression de la dotation d'intercommunalité aboutit à stabiliser la part de la DSU et de la DSR au sein de la dotation d'aménagement :

La répartition " spontanée " de la dotation d'aménagement

 

1996

1997

1998

1999

2000

Partage (en %) de la dotation d'aménagement entre EPCI et DSU-DSR résultant des mécanismes de répartition ( hors abondements ) :

Intercommunalité

DSU-DSR

57,8

42,2

59,1

40,9

57

43

55

45

58,5

41,5

Données chiffrées : Comité des finances locales

- en conséquence, la part des crédits de la DSU et de la DSR résultant des mécanismes de répartition de la DGF plafonne à 5 % du total :

Evolution de la part de la DSU et de la DSR dans le total de la DGF

(en millions de francs)



* Les montant retenus sont les montants hors contributions et hors abondements budgétaires.

Données chiffrées : Comité des finances locales.

Lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, a estimé que " le mode répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) permettait de corriger 40 % des écarts de potentiel fiscal, mais que ce taux n'avait pas augmenté depuis de nombreuses années ".

Les gouvernements successifs ont tenté de limiter les conséquences des mécanismes de répartition de la DGF sur la DSU et la DSR par deux moyens :

- la modification des règles applicables : afin de limiter l'augmentation de la dotation forfaitaire liée à la prise en compte des résultats du recensement, la loi du 28 décembre 1999 relative à la prise en compte des résultats du recensement général de 1999 dans la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales a prévu que les augmentations de population constatées en 1999 seraient intégrées au calcul des attributions de dotation forfaitaire en trois ans, de manière à éviter une augmentation brutale de la dotation forfaitaire, et donc une réduction à due concurrence du montant de la DSU et de la DSR ;

- l' augmentation des crédits disponibles : en théorie, la DGF est une enveloppe fermée, ce qui signifie que lorsque le montant de l'une de ses composantes augmente, cela se traduit par une réduction symétrique du montant des autres composantes. Afin de limiter les conséquences du jeu de la répartition à enveloppe fermée, le montant des dotations de solidarité fait l'objet de majorations par des crédits extérieurs à la DGF. La première majoration de ce type a été décidée par l'article 73 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui a prévu que les crédits " libérés " par l'extinction progressive de la DGF de la région Ile-de-France viendraient abonder la dotation de fonctionnement minimale des départements, la DSU et la DSR.

Depuis, le recours aux abondements extérieurs s'est multiplié . Pour les années 1999 à 2001, le contrat de croissance et de solidarité prévoit une majoration de 500 millions de francs de la DSU. La loi de finances pour 2000 a majoré la masse totale de la dotation d'aménagement de 200 millions de francs, la DSU de 500 millions de francs et la DSR " bourgs-centres " de 150 millions de francs supplémentaires. En outre, pour limiter l'impact du développement de l'intercommunalité sur la DSU et la DSR, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale  a prévu que les nouvelles communautés d'agglomération ne seraient pas financées par les crédits " classiques " de la DGF, mais par des crédits supplémentaires qui abonderaient le montant de la dotation d'intercommunalité.

Les majorations du montant des dotations de solidarité permettent de limiter les effets de la répartition sur la DSU et la DSR.

L'évolution de la DGF et de ses composante avant et après prise en compte des contributions et abondements budgétaires

(en %)

 

1999

2000

DGF totale

Avant abondements et contributions

+ 2,7

+ 0,8

Après abondements et contributions

+ 3,2

+ 2

Dotation de solidarité urbaine

Avant abondements et contributions

+ 23

- 2,6

Après abondements et contributions

+ 44,9

+ 14,0

Dotation de solidarité rurale

Avant abondements et contributions

+ 24,5

- 2,7

Après abondements et contributions

+ 24,8

+ 6,1

Données chiffrées : Lois de finances, Comité des finances locales

Cependant, les majorations ne permettent pas de modifier la structure de la répartition de la DGF, qui reste dominée par le poids de la dotation forfaitaire . Sept ans après l'entrée en vigueur de la réforme de 1993, la répartition de la DGF en 2000, en tenant compte des abondements dont ont bénéficié les dotations de solidarité, produit le résultat suivant :

Complexité et péréquation

Le recours à des abondements extérieurs pour augmenter le montant des dotations de solidarité constitue depuis 1998 une source de complexification des modalités de répartition de la DGF, qui sont désormais plus opaques que jamais . Par exemple, en 2000, le montant de la dotation d'aménagement qui résulte des mécanismes de répartition de la DGF s'élève à 10.215 millions de francs alors que la somme du montant de ses composantes (dotation d'intercommunalité, DSU et DSR) s'élève à 12.084 millions de francs.

Néanmoins, compte tenu de l'architecture d'ensemble du système de répartition de la DGF, la complexité semble devenue le prix à payer pour atteindre les objectifs recherchés .

En 2000, la DSU a été majorée de 500 millions de francs supplémentaires et la fraction " bourgs-centres " de la DSR a été majorée de 150 millions de francs. Ces opérations ont permis à la DSU de progresser de 14 % et à la DSR " bourgs-centres " d'augmenter de 24,9 %.

A la demande de votre rapporteur, le ministère de l'intérieur a simulé quel aurait été le taux de progression de ces deux dotations si, au lieu de les abonder respectivement de 500 millions de francs et de 150 millions de francs la masse totale des crédits à répartir entre elles avait fait l'objet d'un abondement global de 650 millions de francs. Dans ce cas de figure, la DSU aurait augmenté de 9,7 % au lieu de 14 %, et la DSR " bourgs-centres " de seulement 2,2 % au lieu de 24,9 %.

c) L'origine du blocage

La part de la dotation d'aménagement dans le total de la DGF des communes aurait pu être plus élevée si le comité des finances locales avait choisi, chaque année, de favoriser le plus possible la dotation d'aménagement au détriment de la dotation forfaitaire. Le comité peut en effet choisir d'accorder entre 50 % et 55 % du taux de croissance de la DGF à la dotation forfaitaire. Or, au cours des cinq dernières années, il n'a choisi de limiter à 50 % la progression de la dotation forfaitaire qu'une fois, en 1996. Plus les dotations de solidarité bénéficient d'abondements dans le cadre des lois de finances, et plus le comité des finances locales choisit de privilégier la dotation forfaitaire.

Evolution de la part de l'augmentation de la DGF consacrée à la dotation forfaitaire par le comité des finances locales

1996

1997

1998

1999

2000

50 %

52 %

53 %

54 %

55 %

Source : Comité des finances locales

Cette situation s'explique par plusieurs raisons :

- l'ensemble des communes doit faire face à des augmentations de charges, de personnel surtout, qui conduisent le comité à faire en sorte que la principale dotation de fonctionnement, la dotation forfaitaire, évolue à un rythme convenable ;

- compte tenu des critères d'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine, certaines communes ne sont pas éligibles à cette dotation alors même qu'elles ne peuvent pas être considérées comme favorisées. Une progression trop faible de la dotation forfaitaire les pénaliserait durement ;

- depuis 1996, la répartition de la DGF entre dotation forfaitaire et dotation d'aménagement doit prendre en compte les effets du système de l'" enveloppe normée " des concours de l'Etat aux collectivités locales, qui aboutissent à une baisse annuelle du montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP). Pour certaines communes, notamment celles qui ne sont pas éligibles à la DSU ou la DSR, les baisses annuelles de DCTP sont parfois supérieures aux augmentations de DGF. Par conséquent, afin de ne pas handicaper plus ces communes, le comité des finances locales est contraint de garantir une progression minimale de la dotation forfaitaire. Autrement dit, les taux de progression de l'enveloppe normée retenus par le pacte de stabilité et de croissance, puis par le contrat de croissance et de solidarité, ont contribué à freiner le développement de la péréquation au sein de la DGF.

En tout état de cause, même si le comité des finances locales favorisait chaque année au maximum la dotation d'aménagement au détriment de la dotation forfaitaire, l'équilibre général ne s'en trouverait pas fondamentalement modifié. En 2000, l'affectation à la dotation forfaitaire de 50 % du taux de croissance de la DGF aurait aboutit à majorer la dotation d'aménagement de seulement 32 millions de francs. En 1999, le gain pour la dotation d'aménagement aurait représenté 1,2 milliard de francs. Ces montants sont à comparer avec le montant total de la dotation forfaitaire, qui s'élève à plus de 80 milliards de francs.

L'incapacité de la dotation d'aménagement à accroître sa part dans le montant total de la DGF des communes provient en réalité de la règle selon laquelle la dotation forfaitaire bénéficie d'au moins la moitié de la croissance du montant de la DGF.

2. Les fonds nationaux de péréquation

a) Des fonds à l'objet de moins en moins défini

Lorsque l'article 6 de la loi du 10 janvier 1980 a institué un fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP), son objet était clair. La rédaction, en vigueur, de cet article prévoit que " les ressources du fonds sont versées aux communes dont le potentiel fiscal est inférieur par habitant à la moitié de la moyenne nationale et dont les impôts sur les ménages sont au moins égaux à la moyenne nationale ramenées à l'habitant dans leur groupe démographique. Les attributions allouées à ce titre sont déterminées en proportion de l'insuffisance, par rapport à la moitié de la moyenne nationale, du montant des bases de taxe professionnelle par habitant. "

Il s'agissait donc de verser à certaines communes " pauvres " (dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à la moyenne nationale) des attributions destinées à compenser leur faible richesse en bases de taxe professionnelle (leur montant est proportionnel à l'écart de leurs bases par habitant par rapport à la moyenne nationale).

Aujourd'hui, il n'y plus un fonds mais deux. L'article 70 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a transformé l'ancienne première part de la deuxième fraction du FNPTP en un fonds à part entière, le fonds national de péréquation (FNP) régi par les dispositions de l' article 1648 B bis du code général des impôts.

En 2000, les dépenses totales de ces deux fonds s'élèvent à 6.862 millions de francs. Elles étaient destinées à :

- verser des compensations aux communes qui enregistrent d'une année sur l'autre une perte de base de taxe professionnelle importante (919 millions de francs/FNPTP) et à celles qui connaissent des difficultés financières importantes (3 millions de francs de francs/FNPTP) ;

- verser des attributions aux communes dont le potentiel fiscal est faible et l'effort fiscal élevé en métropole (3.610 millions de francs/FNP) et outre-mer (101 millions de francs/FNP) ;

- compenser aux collectivités locales les exonérations de taxe professionnelle dans les zones de revitalisation rurale (58 millions de francs/FNP) et dans les zonages créés par le pacte de relance pour la ville (342 millions de francs/FNPTP) ;

- compenser les pertes de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) enregistrées par les communes éligibles à la DSU et à la DSR " bourgs-centres ", les communes éligibles à la DSR " péréquation " et dont le potentiel fiscal est inférieur à 90 % de la moyenne de leur strate et les groupements dont une ou plusieurs communes sont éligibles à la DSU ou à la DSR " bourgs-centres ", à hauteur de la proportion que représentent les habitants de ces communes dans la population totale du groupement (892 millions de francs/FNPTP) ;

- verser une compensation à un fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle dont les ressources ont diminué de plus du quart à la suite d'un changement d'exploitant (34 millions de francs/FNP) ;

- financer la dotation de développement rural, la DDR (740 millions de francs/FNPTP) ;

- financer l'augmentation de la fraction " bourgs-centres " de la dotation de solidarité rurale prévue à l'article 65 de la loi de finances pour 2000 (150 millions de francs / FNPTP).

Il ressort de cette énumération que :

- l'idée initiale de compensation des inégalités de richesse en base de taxe professionnelle a progressivement été remplacée tout d'abord par la compensation des pertes de bases de taxe professionnelle (13 % des dépenses en 2000), puis par la compensation des inégalités de richesse fiscale en général (54 % des dépenses totales en 2000) ;

- plus de 20 % des crédits du FNPTP et du FNP sont utilisés pour financer d'autres dispositifs péréquateurs (les exonérations dans les zonages d'aménagement du territoire, les pertes de DCTP, les FDPTP, la DSR) ;

- 10 % des crédits des deux fonds (25 % des dépenses du seul FNPTP) sont consacrés à la DDR, qui n'est pas une dotation péréquatrice.

b) La péréquation finance la péréquation

Le financement par le FNPTP et le FNP d'autres dispositifs péréquateurs ne s'est pas accompagnée d'une augmentation symétrique de leurs moyens. Il en résulte deux conséquences :

- l'Etat peut mettre en oeuvre de nouvelles mesures péréquatrices (exonérations dans les zonages d'aménagement du territoire, compensations de baisse de DCTP, compensations à un FDPTP, majoration de la dotation de solidarité rurale) sans accroître le montant total de son effort financier en faveur de la péréquation ;

- une réduction des crédits disponibles pour le FNP.

Le FNP est dépendant financièrement du FNPTP. Sa principale ressource est constituée du " solde " du FNPTP, c'est-à-dire de la différence entre les ressources du FNPTP et ses dépenses. Plus les dépenses du FNPTP sont élevées, moins le solde reversé au FNP est important .

En 1999, la décision de financer par le FNPTP la compensation des pertes de DCTP s'est traduite par une dépense supplémentaire de 769 millions de francs, donc une baisse d'autant du solde reversé au FNP. En 2000, la compensation des baisses de DCTP coûte 892 millions de francs, auxquels il convient d'ajouter les 150 millions de francs prélevés pour financer la dotation de solidarité rurale.

Cette baisse des ressources du FNP n'a été que partiellement compensée puisque les ressources de ce fonds n'ont été majorées que de 150 millions de francs. Le manque à gagner pour 1999 s'élève donc à 419 millions de francs en 1999 et à 892 millions de francs en 2000.

c) Une situation paradoxale

Le décalage entre l'évolution des recettes et des dépenses du FNPTP et du FNP place ces fonds en situation très délicate sur le plan financier alors que, d'une part, les crédits des fonds augmentent et que, d'autre part, des crédits qui pourraient légitimement être affectés à ces fonds continuent d'être versés au budget général de l'Etat.

Jusqu'en 2000, les manques à gagner provoqués par l'augmentation des dépenses étaient relativement " indolores " pour les fonds car le montant total de leurs ressources continuait à croître dans des proportions supérieures aux manques à gagner, notamment en raison de l'affectation au FNPTP d'une fraction croissante du produit de la fiscalité locale de France Télécom.

En 2000, les ressources des deux fonds s'élèvent à 6.862 millions de francs contre 6.493 millions de francs en 1999, soit une augmentation de 6,5 %. Pourtant, malgré cette augmentation de 369 millions de francs, les crédits du FNP n'augmentent que de 0,2 % et, une fois prélevées les sommes destinées à financer les exonérations en zone de revitalisation rurale, les crédits disponibles pour financer la plus péréquatrice des missions du FNPTP et du FNP, les attributions aux communes à faible potentiel fiscal et à forte pression fiscale, affichent une baisse de 0,2 %.

Les situations de ce type pourraient être évitées si les ressources en principe dévolues au FNPTP n'étaient en partie perçues par l'Etat.

L' article 1648 A bis du code général des impôts prévoit que le FNPTP est alimenté par " le produit de la cotisation de péréquation de la taxe professionnelle prévue à l'article 1648 D ". Depuis 1983, cette cotisation est acquittée par les entreprises situées dans les communes où le taux global de taxe professionnelle est inférieur aux taux global moyen constaté l'année précédente. Son produit s'établissait à 1,1 milliards de francs en 1987, à 2,7 milliards de francs en 1992 et à 5,1 milliards de francs en 1999.

Seule une partie du produit de la cotisation de péréquation bénéficie aux collectivités locales, par l'intermédiaire du FNPTP. Deux dispositions ont en effet détourné une partie du produit vers le budget de l'Etat :

- l'article 31 de la loi de finances pour 1989 a majoré les taux de la cotisation et prévu que, à compter de 1990, le produit de ces majorations serait " reversé au budget de l'Etat par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ". Entre 1990 et 1998, près de 40 % du produit de la cotisation de péréquation a ainsi été affecté au budget de l'Etat ;

- l'article 44 de la loi de finances pour 1999, dans le cadre des mesures de financement de la réforme de la taxe professionnelle, a procédé à une nouvelle majoration des taux de la cotisation de péréquation, au profit du budget de l'Etat.

Désormais, plus de la moitié du produit de la cotisation de péréquation (2.850 millions de francs en 1999, pour en produit total de 5.160 millions de francs) alimente le budget de l'Etat et ne sert pas à financer la péréquation.



Pour mémoire, il convient de rappeler que le FNPTP bénéficie également de la fraction du produit de la fiscalité locale acquittée par France Télécom et La Poste correspondant à la différence entre le montant acquitté par ces établissements en 1994 et le produit acquitté au cours de l'année n-1. Cette fraction s'élève en 2000 à 2 milliards de francs. La fraction conservée par le budget général s'élève à environ 4,8 milliards de francs.

3. La péréquation des réductions de crédits

Un nouveau débat se fait jour en matière de péréquation : faut-il considérer comme de la péréquation des mesures destinées à dispenser de réduction de crédits les collectivités locales défavorisées ?

Les trois exemples suivants, la réforme de la dotation globale d'équipement (DGE), la modulation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) et la réduction progressive du montant des compensations d'exonération fiscale versées aux collectivités locales, ont en commun de procéder à une réduction du montant d'un concours de l'Etat aux collectivités locales.

Dans les trois cas, la baisse n'a pas été appliquée uniformément à l'ensemble des collectivités. Les collectivités " défavorisées " ont été épargnées, l'ensemble de l'effort étant supporté par les collectivités " riches ".

a) La réforme de la DGE

La dotation globale d'équipement (DGE) a été créée par l'article 103 de la loi du 2 mars 1982 afin de se substituer progressivement aux subventions spécifiques.

Après plusieurs modifications, le régime de la DGE fonctionnait en 1995 à partir d'une division en deux " parts ". La première part constituait la dotation "globale " proprement dite et ses crédits étaient répartis entre les communes de plus de 10.000 habitants en fonction d'un taux de concours forfaitaire. La deuxième part, réservée aux petites communes et aux petites structures intercommunales, constituait une entorse au principe de la globalisation. Ses crédits étaient attribués par une commission en fonction de la nature des projets.

La loi de finances pour 1996 a considéré qu'il convenait, dans le cadre de la péréquation, de concentrer les crédits de la DGE sur l'équipement des très petites communes et structures intercommunales (moins de 2.000 habitants) et sur les communes et structures intercommunales de taille moyenne mais dont le potentiel fiscal est faible (moins de 20.000 habitants avec un potentiel fiscal inférieur à 1,3 fois la moyenne nationale).

En réalité, cette opération était destinée à réaliser des économies budgétaires puisque la réforme de la DGE ne s'est pas traduite par un accroissement de l'effort en faveur des communes les moins favorisées mais par la suppression des crédits antérieurement consacrés aux communes de plus de 10.000 habitants.

En 1996, les derniers crédits de la première part de la DGE s'élevaient à 821 millions de francs et ceux de la deuxième part à 2.199 millions de francs, soit un total de 3.020 millions de francs. L'année suivante, le total de la DGE des communes n'était plus que de 2.404 millions de francs. Sur les 821 millions de francs de l'ancienne première part, seuls 205 millions de francs ont été réorientés vers les communes défavorisées.

Prévue à l'origine pour améliorer la péréquation, la réforme de la DGE des communes en 1996 a permis à l'Etat de réaliser 616 millions de francs d'économies au détriment des communes.

b) La modulation des baisses de DCTP

Depuis que les dotations de l'Etat aux collectivités locales sont inscrites dans le cadre plus vaste de l' " enveloppe normée ", la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) joue le rôle de variable d'ajustement de cette enveloppe. Si les dotations autres que la DCTP qui composent l'enveloppe augmentent plus vite que cette dernière, son montant diminue. Ainsi, depuis 1996, le montant de la DCTP a diminué d'un tiers, passant de 17,6 milliards de francs en 1996 à 11,8 milliards de francs en 2000.

Le contrat de croissance et de solidarité, qui s'applique de 1999 à 2001 en vertu des dispositions de l'article 57 de la loi de finances pour 1999, prévoit que les baisses de DCTP enregistrées par les communes éligibles à la DSU et à la DSR, par les départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale (DFM) et par les régions éligibles au fonds de correction des déséquilibres régionaux (FCDR) sont limitées à 50 % de la baisse théorique.

Cette disposition ne constitue pas un " cadeau " de l'Etat aux collectivités défavorisées. Son coût est nul pour l'Etat puisque la limitation des baisses de certaines collectivités se traduit par une augmentation des baisses supportées par les autres collectivités. Ainsi, en 1999, le montant total de la DCTP a baissé d'environ 16% mais, en raison de l'exonération de 50 % de la baisse des collectivités défavorisées, les collectivités " non exonérées " ont accusé une baisse de près de 25 %.

Si le principe des réductions de DCTP peut être jugé contestable, il n'en demeure pas moins que le choix d'alléger le poids des baisses supportées par certains par une aggravation des baisses subies par d'autres s'inscrit incontestablement dans une logique de péréquation 248( * ) . Les collectivités " riches " assument l'effort dont sont dispensées les collectivités " défavorisées ".

En revanche, le caractère péréquateur du " deuxième volet " des exonérations de baisse de DCTP est plus discutable. Les lois de finances pour 1999 et pour 2000 prévoient que les communes éligibles à la DSU et à la DSR " bourgs-centres ", les communes éligibles à la DSR " péréquation " dont le potentiel fiscal est inférieur à 90 % de la moyenne de leur strate et les groupements dont une ou plusieurs communes membres sont éligibles à la DSU ou à la DSR " bourgs-centres " sont remboursées par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) de leur baisse de DCTP, ce qui, pour les communes au moins 249( * ) , revient à les exonérer totalement de baisse. Le coût de la prise en charge par le FNPTP des exonérations de baisse de DCTP réduit le montant des crédits disponibles pour financer le reste des missions du FNPTP, et en particulier le montant des crédits transférés par le fonds au fonds national de péréquation (FNP).

En conséquence, l'exonération totale de baisse de DCTP des communes éligibles à la DSU et à la DSR a été réalisée par un prélèvement sur les ressources du FNP, principal instrument de péréquation en faveur des petites communes.

c) Les compensations d'exonérations fiscales sont-elles péréquatrices ?

En 2000, l'Etat consacre 68,7 milliards de francs 250( * ) à la compensation aux collectivités locales d'exonérations fiscales décidées par des dispositions législatives. Lorsque la part " salaires " de la taxe professionnelle aura totalement disparu, en 2004, les compensations devraient représenter plus de 100 milliards de francs.

Le montant des compensations versées par l'Etat aux collectivités locales, à la différence des dégrèvements, n'évolue pas comme les bases et les taux des impôts locaux. Les compensations ne sont plus des ressources fiscales. Elles évoluent en fonction de deux types d'indexation, soit une indexation qui prend en compte l'évolution réelle des bases en gelant le taux à la date d'entrée en vigueur de l'exonération, soit en indexant le montant exonéré à la date d'entrée en vigueur de la mesure sur le taux d'évolution de la DGF. Avec le temps, le montant des compensations devient donc totalement déconnecté de la réalité des bases et des taux des collectivités .

Les compensations ainsi calculées sont fréquemment évoquées dans les débats relatifs à la péréquation, qu'elles soient assimilés à des dispositifs péréquateurs, ou qu'elles soient considérées comme ayant vocation à financer la péréquation :

- les compensations, indexées sur la DGF, sont présentées comme péréquatrices car, si elles privent les collectivités locales du produit qui aurait résulté d'éventuelles augmentations des bases ou des taux, elles garantissent aux collectivités dont les bases diminuent un certain niveau de ressources. Cette argumentation a été utilisée par le ministre de l'économie et des finances lors de la discussion des dispositions du projet de loi de finances pour 1999 relatives aux modalités de compensation de la part " salaires " de la taxe professionnelle ;

- les compensations sont parfois évoquées comme ayant vocation à financer la péréquation car, compte tenu de la déconnexion entre leur montant et les bases des collectivités, leur fondement originel et, partant, leur légitimité tendent à disparaître peu à peu. L'expérience de la DCTP montre qu'il est possible de détourner des compensations de leur objet initial pour financer d'autres priorités. De même, l'article 44 de la loi de finances pour 1999 prévoit que, à compter de 2004, la compensation de la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle disparaîtra et les crédits correspondant seront intégrés à la DGF.

Le rapport " La France de l'an 2000 " remis au Premier ministre en 1994 appelait d'ailleurs à " regrouper l'ensemble des compensations dans un fonds de péréquation à vocation nationale ".

Les compensations et leur mode de calcul constituent surtout un moyen pour l'Etat de réduire le coût budgétaire des exonérations qu'il décide. L'indexation sur la dotation globale de fonctionnement permet de ne prendre en compte ni l'évolution des bases, ni celle des taux, et de faire évoluer les montants en fonction du taux d'évolution de la DGF, qui est la plupart du temps inférieur 251( * ) .

En outre, le montant des compensations versées fait l'objet de réfactions en fonction de l'évolution du produit de l'impôt concerné, ou de du produit " quatre taxes ", qui continue à être perçu par la collectivité. Par conséquent, plus le produit perçu augmente, plus le montant de la compensation diminue . Ces dispositifs de réfactions, inventés entre 1992 et 1994, lorsqu'il fallait à tout prix réduire les dépenses de l'Etat, ne doivent pas être considérés comme péréquateurs car les pertes des collectivités les plus riches ne se traduisent pas par une augmentation des ressources des plus défavorisés. Ils entraînent donc une perte nette de ressources pour les collectivités locales.

C. LES NOUVELLES FORMES DE PÉRÉQUATION

1. La péréquation volontaire des ressources fiscales : la taxe professionnelle unique

Depuis plusieurs années, il est admis que la façon la plus efficace de réduire les écarts de richesse au sein d'un même espace de développement est de partager le produit de l'impôt dont l'assiette est la plus dynamique mais également la plus inégalement répartie 252( * ) .

Dans cette perspective, la nouvelle forme de structure intercommunale destinée au milieu urbain, la communauté de villes, avait été dotée par la loi d'orientation du 6 février 1992 du régime fiscal de la taxe professionnelle unique , qui consiste à transférer à la structure intercommunale la perception de la taxe professionnelle antérieurement perçue par les communes membres, et d'appliquer un taux unique sur l'ensemble du territoire de l'établissement public de coopération intercommunale.

Ce régime fiscal est péréquateur car il permet aux communes riches en taxe professionnelle de partager cette ressources avec celles qui ont des bases moins importantes, mais qui contribuent néanmoins au dynamisme économique d'ensemble, notamment en assument les  " charges de centralité ".

Les communautés de villes, notamment en raison de la rigidité de leur statut, n'ont pas rencontré le succès escompté. En revanche, le régime fiscal de la taxe professionnelle unique a été adopté par un nombre significatif de groupements ruraux. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a relancé la mise en place de la taxe professionnelle unique en milieu urbain, avec la création de la formule des communautés d'agglomération et en milieu rural avec la mise en place d'une incitation financière pour certaines communautés de communes qui adoptent ce régime fiscal.

La marge de progression de cette forme de péréquation que constitue la mutualisation du produit de la taxe professionnelle sur un ensemble économique cohérent reste importante puisque, en 1999, sur 634,7 milliards de francs de bases de taxe professionnelle du secteur communal, seuls 44,5 milliards de francs, soit 7 %, étaient imposées sous le régime de la taxe professionnelle unique.

2. La péréquation forcée des ressources fiscales

Les mécanismes de prélèvement sur les ressources fiscales des collectivités locales constituent une forme d'entorse au principe de libre administration des collectivités locales . Toutefois, la mutualisation des ressources fiscales fait désormais partie des solutions permettant d'améliorer la péréquation.

Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) ont été créés afin de mieux répartir entre les communes riveraines d'un " établissement exceptionnel ", une centrale nucléaire par exemple, le produit de cette fiscalité exceptionnelle. Les FDPTP sont alimentés, en application des dispositions de l' article 1648 A du code général des impôts, par l'écrêtement des bases des communes sur le territoire desquelles se trouve un établissement dont les bases, rapportées au nombre d'habitant de la commune, excèdent deux fois et demi les bases de taxe professionnelle constatées au niveau national. Les sommes ainsi perçues, 2.733 millions de francs en 1998, sont réparties par le ou les conseils généraux qui gèrent le FDPTP entre les communes pour lesquelles la présence de cet " établissement exceptionnel " occasionne des charges (les communes " concernées ") et les communes les moins riches (les communes " défavorisées ").

Le régime des FDPTP comporte des avantages . Il permet notamment une péréquation au plan local , la gestion par les conseils généraux permettant plus de souplesse que l'application de critères d'éligibilité mécaniques. L'article 40 de la loi de finances rectificative pour 1999 prévoit que le Gouvernement doit établir un rapport étudiant les modalités de mise en oeuvre d'un écrêtement assis non sur les bases des établissements exceptionnels mais sur l'ensemble des bases par habitant des communes elles-mêmes. Une telle évolution permettrait d'accroître les ressources des FDPTP d'environ 1,2 milliard de francs selon les estimations du ministère de l'intérieur. Elle obligerait cependant à revoir entièrement les critères de répartition des fonds puisque, en l'absence de référence à un établissement exceptionnel, il ne serait plus possible de distinguer les communes " concernées ". La réforme envisagée porte donc en germe un changement de nature profond des FDPTP.

Le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) prévu à l' article L. 2531-12 du code général des collectivités territoriales a été créé afin d' " améliorer les conditions de vie dans les communes urbaines d'Ile-de-France supportant des charges particulières au regard des besoins sociaux de leur population sans disposer de ressources fiscales suffisantes ". La région Ile-de-France se caractérise en effet par des écarts importants en matière de bases fiscales, que le très faible développement de l'intercommunalité dans cette région, notamment à taxe professionnelle unique, ne contribue pas à résorber. Il a donc été décidé d'alimenter le FSRIF " par des prélèvements sur les ressources fiscales des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de la région Ile-de-France ".

Le premier prélèvement concerne les communes dont le potentiel fiscal est supérieur d'au moins 40 % au potentiel fiscal moyen des communes de la région. Le deuxième prélèvement, créé par l'article 95 de la loi du 12 juillet 1999, concerne les communes et les établissement publics de coopération intercommunale faisant application de la taxe professionnelle de zone dont les bases totales d'imposition à la taxe professionnelle excèdent 3,5 fois la moyenne des bases de taxe professionnelle.

Le mécanisme de solidarité financière entre régions, le fonds de correction des déséquilibres régionaux (FCDR) , prévu à l' article L. 4332-4 du code général des collectivités territoriales, est également financé par prélèvement sur les recettes fiscales des régions contributrices, qui sont les régions dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au potentiel fiscal moyen par habitant et dont le taux de chômage est inférieur au taux de chômage national.

En revanche, le mécanisme de solidarité financière entre départements prévu à l 'article L. 3334-8 du code général des collectivités territoriales est financé par un prélèvement non pas sur les recettes fiscales des départements contributeurs mais sur leurs attributions de DGF.

Le Conseil constitutionnel a fixé des limites à la pratique des prélèvements opérés par l'Etat sur les ressources de certaines collectivités au bénéfice d'autres collectivités. Dans sa décision du 6 mai 1991 relative au fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France 253( * ) , il a précisé que ce type de ponction ne peut être opérée " qu'à titre exceptionnel et ne doit concerner qu'une partie de l'impôt local ; il doit être défini avec précision quant à son objet et à sa portée ; il ne doit pas avoir pour conséquence d'entraver la libre administration des collectivités concernées ".

3. Les contrats de plan sont-ils péréquateurs ?

Les contrats de plan pourraient constituer un instrument efficace de péréquation . Si le montant des enveloppes accordées à chaque région était déterminé de manière inversement proportionnelle à la richesse des régions, les actions financées par les contrats pourraient contribuer au rattrapage des régions les moins riches.

Dans son rapport public de 1998, la Cour des comptes a constaté que les précédentes générations ne remplissaient pas cet objectif :

" La décision a été prise en CIAT, au début de l'année 1993, de moduler la contribution de l'Etat aux troisièmes contrats de plan sur la base de critères objectifs permettant d'aider davantage les régions les moins favorisées. Il s'agissait de s'affranchir de la règle implicite selon laquelle l'Etat, jusqu'alors, apportait autant que les régions, favorisant ainsi celles qui faisaient un effort financier plutôt que celles qui avaient le plus de besoins.

Les régions métropolitaines ont ainsi été classées en trois groupes, en fonction de trois éléments : le potentiel fiscal par habitant en 1992 ; la moyenne du taux de chômage au cours des années 1990, 1991 et 1992 ; la variation de l'emploi entre 1984 et 1991. Par rapport aux contrats précédents, leurs enveloppes financières devaient être majorées, selon ce classement, de 23,5 %, 14,1 % et 9,4 % en francs courants, l'Ile-de-France devant avoir, pour sa part, une dotation réduite de 10 %.

Cette décision n'a pas été respectée.
(...) A deux exceptions près (Picardie et Nord-Pas-de-Calais) les régions ont obtenu une majoration supérieure à celle qui avait été annoncée ; que la dotation de l'Ile-de-France a été elle aussi augmentée ; que chacun des trois groupes s'est vu attribuer en moyenne à peu près la même augmentation (42 % pour le premier, 38 % pour chacun des deux autres) et, surtout, que le classement relatif des régions a été complètement bouleversé. "

Le tableau ci-dessous compare les attributions par habitant accordées par la nouvelle génération de contrats de plan avec le potentiel fiscal par habitant en 2000 de chacune des régions. Plus le potentiel fiscal d'une région est élevé et plus, du point de vue de la péréquation, le montant de son attribution par habitant devrait être faible :

Comparaison du montant par habitant accordé à chaque région au titre des contrats de plan 2000-2006 et du potentiel fiscal des régions

Régions

Enveloppe des contrats de plan 2000-2006 en francs par habitant*

Potentiel fiscal 2000*

Alsace

1.721 (14) (20)**

477,14 (3)

Aquitaine

1.633 (15) (11)

386,56 (12)

Auvergne

2.043 (8) (8)

365,56 (15)

Basse Normandie

2.491 (4) (16)

414,58 (7)

Bourgogne

1.533 (18) (12)

394,54 (11)

Bretagne

2.050 (7) (3)

343,06 (20)

Centre

1.477 (20) (14)

403,80 (9)

Champagne Ardennes

1.796 (13) (15)

408,60 (8)

Corse

6.371 (1) (2)

342,41 (21)

Franche Comté

1.974 (9) (17)

424,71 (6)

Haute Normandie

1.835 (12) (19)

461,52 (4)

Ile de France

1.386 (22) (22)

670,58 (1)

Languedoc Roussillon

1.977 (10) (5)

360,71 (18)

Limousin

3.027 (2) (1)

341,85 (22)

Lorraine

2.321 (5) (13)

401,69 (10)

Midi Pyrénées

2.198 (6) (7)

364,68 (16)

Nord - Pas de Calais

2.519 (3) (6)

361,56 (17)

Pays de Loire

1.415( 21) (9)

374,11 (14)

Picardie

1.623 (17) (10)

383,62 (13)

Poitou Charentes

1.958 (11) (4)

348,24 (19)

PACA

1.628 (16) (18)

442,59 (5)

Rhône Alpes

1.480 (19) (21)

483,32 (2)

* entre parenthèses, rang de classement (par ordre décroissant).

** entre parenthèses et en italique, rang de classement théorique si les enveloppes des contrats de plan avaient été attribuées de manière inversement proportionnelle au potentiel fiscal.

Il ressort de ce tableau que, dans deux régions, les attributions par habitant accordées correspondent à l'inverse du rang de classement de ces régions en terme de potentiel fiscal. Dans treize régions, les contrats de plan sont plus généreux que n'aurait pu le laisser supposer le rang de classement en fonction du potentiel fiscal et dans sept régions les contrats de plan sont moins généreux que n'aurait pu le laisser supposer le potentiel fiscal.

VI. UN ÉTRANGE MOUVEMENT DE RECENTRALISATION DES FINANCES LOCALES

Les relations entre l'Etat et les collectivités locales sont marquées par une tendance accentuée à la recentralisation des pouvoirs 254( * ) . Les finances locales n'échappent pas à ce mouvement.

En matière de finances locales, la recentralisation se traduit par un contrôle accru de l'Etat sur les ressources des collectivités locales . Ce contrôle est rendu possible par la transformation d'impôts locaux en dotations dont l'Etat maîtrise le montant et le taux d'évolutions.

Le coût pour l'Etat de cette politique de transformation d'impôts en dotations est très élevé. Entre 1998 et 2000, les dépenses de l'Etat consacrées au remplacement de ressources locales par des ressources budgétaires ont augmenté de plus de 30 milliards de francs.

Dès lors, il est nécessaire de se demander pour quelles raisons l'Etat consacre autant de moyen à réduire l'autonomie financière des collectivités locales.

A. LA MÉCANIQUE DE LA RECENTRALISATION

Les finances locales n'ont jamais vraiment été décentralisées. Certains chantiers n'ont pas été ouverts. Comme le souligne notre collègue député Jean-Pierre Balligand, " les collectivités locales doivent pouvoir tabler sur des marges de manoeuvre réelles : progrès de la gestion patrimoniale et consolidation des comptes, politique tarifaire repensée, liberté d'emprunts, mobilisation de la trésorerie, possibilité de constituer de réserves, de disposer du produit de la ristourne des frais de révision des bases de TP, etc. Il serait temps que l'Etat considère les collectivités locales comme des partenaires majeurs (et non en condition de minorité). " 255( * )

Toutefois, les évolutions actuelles marquent un recul par rapport à l'équilibre issu des lois de décentralisation , qui repose sur le partage du financement local entre des impôt dont les collectivités votent les taux et des dotations versées par l'Etat.

1. La transformation d'impôts locaux en dotations budgétaires

La réduction de la part des impôts dans les recettes totales des collectivités locales est une tendance ancienne. Le principal concours de l'Etat aux collectivités locales, la DGF, était, à l'origine, la compensation de la suppression d'un impôt local.

Cette tendance avait été mise en sommeil avec l'entrée en vigueur des lois de décentralisation. A bien des égards, la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale peut d'ailleurs être considérée comme la première loi de décentralisation. La loi du 2 mars 1982 prévoit que les nouvelles compétences transférées devront être financées par des ressources fiscales, les dotations budgétaires n'intervenant que pour le solde. La fiscalité locale est donc un élément constitutif de la décentralisation à la française .

Pourtant, depuis la fin des années 80, et depuis 1998 surtout, le pouvoir fiscal des collectivités locales s'érode . Les départements ne perçoivent plus la taxe foncière sur les propriétés non bâties et ne votent plus les taux des droits de mutation à titre onéreux. Les régions ne perçoivent plus la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la taxe additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux ni, à compter de 2000, la taxe d'habitation. En 2004, lorsque la part salariale de la taxe professionnelle aura disparu, l'ensemble des collectivités locales sera privé du tiers du produit de cet impôt, qui représente environ la moitié de leurs ressources fiscales.

Pour les régions, catégorie de collectivités la plus touchée, la part de la fiscalité dans les ressources totales est passée de 55 % en 1995 à 47 % en 1999 et s'établira à 40 % après la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

La disparition des recettes fiscales fait l'objet de compensations versées par l'Etat . Ces compensations sont organisées selon des modalités généralement fixées par les lois de finances. Leur régime peut être changé à tout moment si le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale, qui a le dernier mot en matière législative, le souhaitent. Il n'existe pas de " droit à compensation " pour les collectivités locales , comme l'ont montré les nombreuses modifications qu'ont subi les mécanismes de compensation existant aujourd'hui, et en particulier la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), dont le montant diminue d'année en année.

Les évolutions actuelles placent donc les collectivités locales en situation de dépendance financière par rapport à l'Etat. Elles maîtrisent de moins en moins l'évolution de leurs ressources.

2. Les concours de l'Etat aux collectivités locales sur la sellette

A la lecture des décisions du Conseil constitutionnel relatives aux différents textes organisant le remplacement d'impôts locaux par des dotations de l'Etat, on pourrait penser que le remplacement d'une ressource fiscale par une ressource budgétaire ne change rien ou presque pour les collectivités locales. Par exemple, dans sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 relative à la loi de finances pour 1999, le Conseil constitutionnel a considéré que le remplacement de la part salariale de la taxe professionnelle par une compensation n'avait pas pour effet " de diminuer les ressources globales des collectivités locales ". Dès lors que les compensations évolueraient à un rythme satisfaisant, la disparition des impôts locaux serait donc neutre pour les collectivités locales.

Cette analyse se heurte à la pratique de l'Etat qui, au contraire, situe ses relations avec les collectivités locales dans le cadre d'un rapport de force . Les suppressions d'impôts locaux n'ont pas seulement pour objet d'accorder aux contribuables des baisses d'impôt, mais tendent également à affirmer un droit de regard de l'Etat sur les recettes des collectivités locales .

Le rapport du Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire pour 2001 permet de dissiper les éventuels doutes sur la réalité du mouvement de recentralisation. Loin d'être rassurant pour les collectivités locales, ce document souligne que les transferts de l'Etat aux administrations publiques locales " augmentent plus vite que la dynamique générale des dépenses ", laissant entendre que les collectivités locales coûtent trop cher à l'Etat et freinent ses efforts de maîtrise des dépenses publiques. Au cours de son audition par la mission le 8 mars 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait également souligné que les concours de l'Etat aux collectivités locales était l'un des postes budgétaires qui augmentait le plus.

Dès lors, la mécanique, et la finalité, de la recentralisation apparaissent clairement :

- dans un premier temps, l'Etat a supprimé des impôts locaux et les a remplacés par des compensations qui lui ont permis de contrôler une part plus grande des ressources locales , au prix d'un effort budgétaire conséquent ;

- dans un deuxième temps, oubliant que l'augmentation de ses transferts aux collectivités résulte de sa décision de remplacer des ressources fiscales par des dotations budgétaires, l'Etat " enfonce le clou " et stigmatise le coût des dépenses en faveur des collectivités locales, comme pour préparer le terrain à une éventuelle réduction de leur montant.

Plus que jamais, l'Etat mène le jeu et, loin de considérer les collectivités locales comme des partenaires, laisse planer l'ambiguïté sur ses orientations en matière financière, sans jamais vraiment préciser ce qu'il compte faire de ses pouvoirs accrus.

B. POURQUOI L'ÉTAT RECENTRALISE-T-IL ?

Quel est l'intérêt pour l'Etat de contrôler l'évolution des recettes des collectivités locales ? Pourquoi consacrer autant de moyens financiers à la réduction de l'autonomie financière des collectivités locales ?

1. Améliorer la justice fiscale ?

La transformation d'impôts locaux en dotations de l'Etat présente au moins un avantage : elle allège d'autant la charge fiscale pesant sur les contribuables et, ce faisant, permet de remédier aux injustices qui résultent de l'inadaptation des bases des impôts locaux.

Alléger la pression fiscale ?

Ce point a été mis en avant par le Gouvernement à l'occasion des débats sur la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et sur la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

Quoi qu'il en soit, la volonté du gouvernement de réduire le poids des prélèvements obligatoires n'apparaît pas clairement à la lumière de l'évolution du taux global de prélèvements obligatoires depuis 1997. Le taux de pression fiscale est en effet passé de 44,8 % du produit intérieur brut en 1996 à 44,9 % en 1997 et 1998, avant d'atteindre un pic historique en 1999 avec 45,7 %.

S'agissant de la fiscalité des entreprises, l'allégement de taxe professionnelle dont bénéficient les entreprises a été " compensé " par la mise en place de multiples nouveaux prélèvements :

Récapitulation des mesures prises depuis 1997 au détriment
des moyennes et grandes entreprises.

MUFF 1997 :

Imposition de certaines plus-values à long terme au taux normal de l'IS et instauration d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés (fixée à 15 % pour 1997 et 1998 et à 10 % pour 1999) pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes : 23,1 MdsF en 1997, 1 7,4 MdsF en 1998 et 12,4 MdsF en 1999

LFI 1998 :

- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes : 200 MF

 

- Limitation de la déductibilité des provisions pour renouvellement ;

 

=> surcroît de recettes en 1998 : 4 MdsF

 

- Suppression de l'avantage fiscal lié à la provision pour fluctuation des cours.

 

=> surcroît de recettes en 1998 : 1 MdF

LFI 1999 :

- Quadruplement en trois ans du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle  (0,35 % en 1998, 1 % en 1999, 1,5 % en 2001) ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 700 MF

 

- Rétablissement (au taux de 2,5 %) de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes versés par une filiale à sa mère ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 4,5 MdsF

 

- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 50 à 45 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 1 MdF

 

- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 500 MF

PLF 2000 :

- Doublement de la fraction imposable des dividendes versés par une société fille à sa mère (quote-part de frais et charges de 5 %) ;

 

=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 4,2 MdsF

 

- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 45 à 40 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ;

 

=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 1,5 MdF

PLFSS 2000 :

Institution d'une contribution sociale de 3,3 % sur les bénéfices des sociétés (CSB) affectée au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " ;

 

=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 4,2 MdsF

 

- Création d'un taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

 

=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 3,6 MdsF

Source : Commission des finances, Rapport général, Tome I, projet de loi de finances pour 2000.

Remédier à l'inadaptation de l'assiette des impôts locaux ?

Le Gouvernement n'a jamais précisé pourquoi il avait décidé d'alléger le poids pour les contribuables des impôts locaux plutôt que celui d'impôts d'Etat, voire de la fraction du produit des impôts locaux qu'il perçoit au titre des frais d'assiette de dégrèvement.


Il a cependant justifié la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle et de la part régionale de la taxe d'habitation par la volonté de remédier aux inconvénients liés à l'assiette de ces impôts.

La réforme de la taxe professionnelle a été présentée comme une réforme destinée à favoriser l'emploi. En effet, malgré l'existence d'une réduction pour embauche et investissement, la cotisation de taxe professionnelle des entreprises augmentait lorsque des emplois étaient créés.

Cependant, dans son rapport au Président de la République de 1997, le Conseil des impôts remarquait que la taxe professionnelle n'était pas l'impôt qui était le plus de nature à décourager les créations d'emploi : " l'ordre de grandeur du prélèvement opéré par la taxe professionnelle sur le coût du travail (environ 2 %) est sans rapport avec celui opéré par le prélèvement fiscalo-social total sur le travail salarié. En d'autres termes, lorsque le travail doit supporter 100 F d'impositions 256( * ) , à peine 2 F relèvent de la taxe professionnelle (...) La taxe professionnelle pesant davantage sur le capital que sur le travail et représentant un prélèvement limité sur ce dernier facteur n'apparaît donc pas comme un vecteur pertinent d'une politique d'abaissement du coût du travail. " 257( * ) .

La réforme de la taxe d'habitation opérée par la loi de finances rectificative pour 2000 a été présentée comme la volonté d'alléger le poids d'un impôt injuste pour les contribuables les plus défavorisés. Cet objectif a surtout pu être atteint par la refonte des dégrèvements de taxe d'habitation, qui a permis d'exonérer totalement de cet impôt l'ensemble des contribuables dont le revenu est proche du revenu minimum d'insertion et qui a porté de 7,7 millions à 8,7 millions le nombre de contribuables dont la cotisation est proportionnelle au revenu.

La suppression de la part régionale de la taxe d'habitation est surtout une mesure favorable aux contribuables qui ne sont pas éligibles aux mécanismes de dégrèvements et d'exonération et qui verront leur impôt baisser quand même. De plus, un allégement uniforme de taxe d'habitation de même ampleur aurait pu être atteint, comme l'a proposé le Sénat, par une réduction des frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'Etat sur le produit des impôts locaux.

2. Renforcer la péréquation ?

La suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle comme la suppression de la part régionale régionale de la taxe d'habitation ont permis au Gouvernement de faire valoir que le remplacement d'un impôt par une dotation constituait une forme de péréquation en remédiant partiellement aux injustices liées à l'inégale évolution des bases sur le territoire :

- lors de la discussion au Sénat des dispositions relatives à la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle, le secrétaire d'Etat chargé du budget a considéré que : " Ce dispositif, il est vrai, introduit un mécanisme implicite de péréquation. Cela veut dire qu'une commune qui, par malheur, perdrait de la taxe professionnelle, parce qu'une grande entreprise fermerait ses portes ou parce qu'elle réduirait le nombre de ses salariés, verrait sa compensation stabilisée. Au détriment de qui, me demanderez-vous ? D'autres communes qui connaissent une progression très rapide de leurs investissements et de la main d'oeuvre percevront, effectivement, avec le dispositif proposé par le Gouvernement, un peu moins " 258( * ) ;

- lors de la discussion au Sénat des dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2000 relatives à la suppression de la part régionale, la secrétaire d'Etat chargée du budget a estimé que " le dispositif que le Gouvernement propose n'est pas défavorable à la majorité des régions, qu'il ne l'est peut-être qu'à celles qui, en effet, bénéficient d'un potentiel fiscal supérieur à la moyenne nationale " 259( * ) .

Au cours de son audition par la mission le 8 mars 2000, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, a estimé que la prise en charge par l'Etat de la fiscalité locale résultait surtout d' " une tendance naturelle des fonctionnaires du ministère de l'économie et des finances, qui semblaient difficilement admettre les conséquences financières de la pluralité des collectivités locales et préféraient l'instauration de règles de répartition uniformes sur le plan national à une adaptation locale des règles nationales ".

3. Maîtriser la dépense publique ?

Lorsque la France transmet chaque année à la commission européenne son programme pluriannuel des finances publiques, tous les comptes des administrations publiques sont agrégés. Au niveau européen, l'appréciation portée sur les performance de la France en matière de finances publiques ne distingue pas entre les comptes de l'Etat, de la sécurité sociale ou des collectivités locales.

Cette nouvelle donne conduit l'Etat à s'intéresser d'encore plus près à l'évolution du solde des administrations publiques locales, qui est aujourd'hui positif alors que celui de l'Etat est négatif.

La logique de la consolidation des comptes a par exemple conduit le ministre de l'économie et des finances, lors de son audition par la mission le 8 mars dernier, à juger légitime de faire financer par les collectivités locales des dépenses qui relèvent pourtant de l'Etat, puisque la situation budgétaire des collectivités locales est meilleure que celle de l'Etat. Ainsi, il a justifié le choix du Gouvernement de ne compenser aux collectivités locales que la moitié des pertes de DCTP dues au succès des communautés d'agglomération (250 millions de francs sur 497 millions de francs) en expliquant que " le déficit de l'Etat s'élevait encore à 206 milliards de francs, tandis que les collectivités locales dégageaient, pour leur part, un excédent budgétaire ".

Poussée à son terme, cette logique constitue une désincitation à la bonne gestion financière puisqu'elle revient à considérer que, compte tenu des bons résultats financiers des collectivités locales, l'Etat serait fondé à réduire les recettes ou accroître les dépenses locales.

Cette logique pourrait également expliquer la volonté de l'Etat de contrôler l'évolution des ressources locales. L'obligation de rendre des comptes au niveau européen conduit l'Etat à souhaiter maîtriser l'ensemble des facteurs qui ont un impact sur le solde global des administrations publiques. En contrôlant l'évolution des ressources locales, il devient possible pour l'Etat d'influer indirectement sur le niveau de leurs dépenses et donc, le cas échéant, de " fermer le robinet des recettes " afin d'éviter un dérapage des dépenses.

Un tel raisonnement, d'inspiration jacobine, repose sur l'idée que les exécutifs locaux seraient d'irréductibles dépensiers alors que l'Etat serait vertueux. Rien n'est moins sûr. Les dépenses des collectivités locales augmentent surtout en raison des charges nouvelles qui résultent de décisions prises par l'Etat et qui s'imposent à elles, ainsi que, dans une moindre mesure, de la reprise de l'investissement. L'Etat pour sa part décide de l'ensemble de ses charges, à l'exception des intérêts de la dette, et pourtant ne parvient pas à maîtriser l'évolution de ses dépenses, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1999, dans lequel elle souligne que " si l'augmentation en volume des dépenses devait se poursuivre à ce rythme, le succès des efforts de maîtrise des dépenses affichés dans le programme pluriannuel des finances publiques se trouverait compromis ".

*

Il ressort de l'analyse des différents aspects des finances locales depuis les lois de décentralisation les éléments suivants :

- les transferts de compétences opérés par les lois de décentralisation ne se sont pas accompagnés du transfert des ressources correspondantes ;

- l'Etat préfère supprimer peu à peu les impôts directs locaux plutôt que de les moderniser ;

- l'Etat détermine de manière unilatérale l'évolution de ses concours financiers aux collectivités locales, en fonction d'une logique budgétaire qui ne tient pas compte de l'évolution des charges des collectivités locales ;

- les dispositifs de péréquation manquent d'ambition ;

- l'ensemble de ces éléments conduit à rendre les budgets locaux de plus en plus tributaires des décisions de l'Etat.

CHAPITRE VI

UN BILAN SECTORIEL

La mission s'est attachée à présenter un bilan de la décentralisation par grands secteurs. Dans l'impossibilité de couvrir tout le champ de l'action publique, elle a focalisé ses analyses sur sept domaines :

- l'aide sociale, compétence de droit commun du département (I) ;

- la formation professionnelle, secteur déjà largement investi par la Région (II) ;

- les politiques de sécurité, compétence de l'Etat pourtant largement partagée (III) ;

- l'éducation, qui a fait l'objet des transferts de compétences les plus visibles en matière de construction et d'entretien des bâtiments scolaires (IV) ;

- la culture, peu concernée par les lois de décentralisation (V) et le sport (VI), qu'elles ont oublié, domaines dans lesquels l'initiative des collectivités locales s'est néanmoins largement déployée ;

- enfin, les interventions économiques des collectivités locales, où le droit est manifestement en décalage avec les réalités (VII).

I. L'AIDE SOCIALE

De même que l'Etat, les collectivités locales sont impliquées dans la lutte contre les exclusions : à côté du rôle joué par les communes ou leurs groupements dans la politique de la ville ou de celui assumé par les régions pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes, les départements tiennent une place éminente dans la mesure où les lois de décentralisation leur ont confié la gestion des prestations d'aide sociale.

Il convient d'évoquer les divers aspects de l'évolution du régime juridique de l'aide sociale avant de dresser le bilan de l'action décentralisée en ce domaine.

A. L'ALTÉRATION PROGRESSIVE DU PRINCIPE DES " BLOCS DE COMPÉTENCE "

Le principe des blocs de compétence cohérents et homogènes, qui souffrait dès l'origine de quelques concessions dans le domaine social, a été particulièrement mis à mal dans ce secteur pour trois raisons : tout d'abord, les services de l'Etat ont trop souvent tenté de tirer parti des zones de conflits potentiels avec les collectivités territoriales.

Ensuite, la mise en place des nouveaux instruments de lutte contre la pauvreté et les exclusions a permis le retour aux mécanismes de cogestion ; enfin, les départements ne disposent que d'une influence trop réduite sur les paramètres extérieurs d'évolution de leurs coûts.

1. La volonté originelle de clarification

Parmi les diverses compétences transférées, la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 portant transferts en matière d'action sociale et de santé -qui bénéficiait du lent travail de maturation opéré lors de la préparation du projet de loi pour le développement des responsabilités des collectivités locales en 1979- est sans doute celle qui a appliqué avec le plus de fidélité la théorie des " blocs de compétence ".

Il est vrai que le régime antérieur issu du décret du 29 novembre 1953, qui substituait la notion d'aide sociale -plus moderne et plus respectueuse de la dignité de l'individu- à celle d'assistance sociale, elle-même issue des grandes lois sociales de la Troisième République, avait poussé à l'extrême le principe des financements croisés .

Les décrets d'application du 17 novembre 1954 et du 21 mai 1955 prévoyaient ainsi que les décisions en matière d'aide sociale, dont la mise en oeuvre relevait des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS), étaient financées par l'Etat, les départements et les communes suivant des clés de financement complexes : selon les domaines, l'Etat prenait à sa charge le tiers, les deux tiers ou les quatre cinquièmes des dépenses, les collectivités locales supportant le solde ; le partage entre les départements et les communes était lui-même calculé différemment selon les secteurs d'intervention et aboutissait à la fixation de contingents communaux représentant en moyenne 10 % des dépenses d'aide sociale.

a) Un principe simple

En réponse à ce système centralisé et déresponsabilisant, la loi du 22 juillet 1983 oppose un principe originellement simple : le département -échelon suffisamment proche des besoins locaux mais cependant assez vaste pour assurer une certaine cohérence territoriale- est doté d'une compétence de droit commun en matière d'aide sociale légale et en matière de prévention sanitaire .

Concernant l'aide sociale, le département est devenu ainsi responsable :

- de l'aide médicale jusqu'au 1 er janvier 2000, date à laquelle cette compétence a été à nouveau transférée soit aux organismes d'assurance maladie, soit à l'Etat dans le cadre de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 relative à la couverture maladie universelle (CMU) ;

- de l'aide sociale à l'enfance , qui recouvre notamment les dépenses relatives aux placements d'enfants en établissement ou en milieu ouvert ;

- de l'aide aux personnes handicapées adultes , à savoir l'aide à domicile, les frais d'hébergement en établissement ou dans une famille d'accueil et les dépenses liées à l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) ;

- de l'aide aux personnes âgées comprenant la prise en charge des frais d'hébergement en maison de retraite, en unité de long séjour ou en logement-foyer ou chez un particulier, l'aide ménagère ou l'allocation représentative de services ménagers, ainsi que la prise en charge des repas servis dans les foyers restaurants.

Depuis la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997, le département assure également la prise en charge de la prestation spécifique dépendance (PSD) versée sous conditions de ressources, destinée à couvrir l'aide dont la personne âgée dépendante a besoin, à son domicile ou en établissement pour l'accomplissement des actes essentiels de sa vie.

Dans le champ sanitaire, le département a reçu la responsabilité :

- de la protection sanitaire de la famille et de l'enfance ;

- de la lutte contre les " les fléaux sociaux " (prophylaxie de la tuberculose et des maladies sexuellement transmissibles ) ;

- du dépistage précoce des affections cancéreuses et de la surveillance après traitement des anciens malades ;

- enfin, des actions de lutte contre la lèpre .

A ce titre, le département finance les centres de la protection maternelle et infantile (PMI), la formation et l'agrément des assistantes maternelles, les services départementaux de vaccination et enfin les dispensaires antivénériens ou antituberculeux .

Aux termes de la loi du 22 juillet 1983, le département est doté d'une compétence générale , l'Etat ne conservant qu'une compétence résiduelle dans certains domaines limitativement énumérés par la loi soit dans des domaines financés par la sécurité sociale, soit pour des prestations faisant appel à la solidarité nationale.

La logique des blocs de compétences se heurtait néanmoins, dès l'origine, à de multiples obstacles tenant à l'histoire du secteur, à la nature juridique de l'aide sociale légale et à certaines contraintes empiriques.

b) L'émiettement structurel du secteur social

La compétence de droit reconnue au département dans le domaine social et médico-social ne signifie pas que celui-ci détienne une autorité juridique sur un système hiérarchique uniformisé : le conseil général joue, en réalité d'abord, un rôle d'impulsion et de coordination auprès de multiples intervenants dont il assure le financement.

Pour des raisons historiques, l'action sociale a souvent reposé sur les initiatives louables prises à titre privé par des institutions caritatives ou des associations de parents d'enfants handicapés. Utilisant comme support juridique le statut d'association, de fondation, les institutions privées sont aujourd'hui ainsi près de 90.000 à intervenir en matière d'action sanitaire et sociale selon le Centre national de la vie associative .

Un autre élément historique tient à la place de la commune qui a joué la première un rôle en matière de prise en charge des indigents ou de gestion des hospices. Avec les lois de 1982, les communes n'ont reçu aucune attribution nouvelle mais ont continué à exercer leurs compétences traditionnelles à travers des établissements publics ad hoc mais aussi les centres communaux d'action sociale (CCAS) : ces derniers ont pour vocation d'assurer une mission globale de prévention et de développement social, d'instruire les demandes d'aide sociale et d'exercer éventuellement les compétences déléguées à la commune par le département. Au demeurant, les communes se sont naturellement impliquées dans le développement social urbain et l'insertion des personnes au chômage en recourant aux formules de contrats aidés par l'Etat (contrats emploi-solidarité ou contrats emplois consolidés).

Corollaire de ce rôle historique de l'échelon municipal, la participation financière de la commune aux dépenses sociales départementales a été maintenue sous forme de contingents communaux jusqu'au 1 er janvier 2000, date de leur suppression par la loi relative à la couverture maladie universelle.

En raison du transfert de la compétence d'aide médicale et de la difficulté de mesurer la part relative des dépenses correspondantes dans le montant du contingent communal, l'article 13 de la loi du 27 juillet 1999 susvisée a prévu en effet la suppression complète des contingents communaux d'aide sociale, assortie, pour des raisons de neutralité financière, d'une réduction à due concurrence du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) que verse l'Etat aux communes et d'une augmentation de la DGF départementale.

Comme l'a souligné M. Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, lors de son audition, l'émiettement du secteur social et médico-social, qui est un phénomène ancien, peut générer des dysfonctionnements et peut faire parfois perdre en productivité et en efficacité.

c) La définition centralisée de l'aide sociale légale

Il importe de souligner que le transfert de compétence ne porte que sur l'aide sociale légale. Il ne concerne pas les prestations d'action sociale facultative que peuvent créer les communes et les départements, ni les interventions des régimes de sécurité sociale , ni les subventions de l'Etat au titre de ses programmes d'action sociale.

Il convient en effet de distinguer les notions d'aide sociale et d'action sociale. L'aide sociale légale concerne l'ensemble des prestations dont les conditions d'attribution sont fixées par la loi pour l'ensemble des résidents.

L'action sociale publique, entendue au sens large, recouvre l'aide sociale légale mais aussi l'action sociale facultative qui relève de la libre initiative des collectivités locales mais aussi de l'Etat, des organismes de sécurité sociale ou encore des institutions privées.

Comme le rappellent les auteurs de doctrine 260( * ) , la construction juridique de l'action sociale est beaucoup plus fuyante que celle de l'aide sociale : " elle ne constitue donc pas un ensemble homogène d'interventions ou de prestations, ni même de services (...), elle n'est pas non plus enfermée dans une définition précise. Elle ne constitue pas, pour ses promoteurs, une obligation mais une simple faculté ".

L'aide sociale, en revanche, constitue une obligation pour la collectivité publique et un droit pour l'individu . L'article 124 du code de la famille et de l'aide sociale (CFAS) dispose clairement que " toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d'attribution, des formes de l'aide sociale telles qu'elles sont définies par le présent code " .

Suivant les définitions classiques, l'aide sociale est un droit alimentaire (qui répond à un besoin vital), subjectif (accordée sur demande en fonction de situations caractéristiques) et subsidiaire (versée si la personne ou ses obligés alimentaires ne peuvent faire face à ses besoins).

Autrement dit, " l'aide sociale hérite de la très vieille fonction de l'assistance de dispenser des ressources subsidiaires à tous ceux dont l'existence ne peut pas être assurée sur la base du travail ou de la propriété " 261( * ) .

En effet, aide sociale ou action sociale sont, en tout état de cause, des prestations ou des actions qui se délivrent " sans contrepartie requise de leur bénéficiaire, selon un principe de solidarité nationale médiatisé par la puissance publique, à la différence des dispositifs de prévoyance et d'assurance sociale qui eux reposent sur une contribution des assurés " .

Le caractère obligatoire de l'aide sociale légale a des conséquences importantes pour des collectivités locales décentralisées qui n'ont pas juridiquement " la compétence de leur compétence " : l'Etat conserve son pouvoir de réglementation générale et fixe le taux minimum des prestations d'aide sociale légale et les conditions légales minimales d'accès à celle-ci .

La fixation du " corpus " de l'aide sociale légale constitue une prérogative de l'Etat qui s'appuie pour préparer les textes réglementaires sur la Direction de l'action sociale du ministère de l'emploi et de la solidarité, laquelle apparaît à bien des égards comme une structure administrative originale par rapport à nos voisins européens.

En effet, une telle structure administrative, qui se justifie dans un Etat décentralisé mais unitaire, n'a pas de raisons d'être dans un Etat fédéral doté de collectivités autonomes ni dans les Etats où l'aide sociale est confiée à des communes institutionnellement et historiquement très fortes.

Du point de vue des collectivités locales décentralisées, le dispositif juridique actuel présente l'inconvénient de laisser à l'Etat une marge de manoeuvre non négligeable pour jouer des ambiguïtés entre l'action sociale facultative et l'aide sociale obligatoire.

S'agissant de l'aide médicale , avant la mise en place de la CMU, certains départements avaient prévu, dans les barèmes d'aide sociale légale, des conditions de ressources avantageuses pour toutes les personnes pour lesquelles la prise en charge du forfait journalier et le ticket modérateur n'étaient pas de droit 262( * ) . Le dispositif de la CMU, en mettant un place la couverture maladie complémentaire gratuite, a prévu que les départements, en contrepartie du transfert de charges, connaîtrait une diminution de leur DGF " d'un montant égal aux dépenses consacrées à l'aide médicale en 1997 diminué de 5 % ".

Mais, le transfert financier, imposé par la loi, a porté aussi bien sur les dépenses qui avaient été engagées par les départements au titre de leurs obligations légales minimales, que sur les dépenses qui avaient été engagées de leur propre initiative et à titre facultatif.

Une analyse analogue pourrait être conduite à propos de la prestation spécifique dépendance (PSD). Le texte de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 ne prévoit pas de montant minimum de la prestation, laissant planer une confusion sur le point de savoir si celle-ci est une prestation d'action sociale nouvelle sui generis ou bien une prestation d'aide sociale légale.

Le Gouvernement, pour sa part, a choisi de mettre l'accent sur l'édiction nécessaire de ce montant minimum, mettant ainsi en avant le caractère " d'aide sociale légale " de la prestation sans pour autant proposer de compensation financière de cette redéfinition des charges.

d) Une compétence résiduelle de l'Etat aux contours flous

La compétence résiduelle de l'Etat est définie par l'article 35 de la loi du 22 juillet 1983.

Cet article dispose que demeurent à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale :

- les cotisations d'assurance maladie des adultes handicapés ;

- l'allocation aux familles dont les soutiens indispensables accomplissent le service national ;

- l'allocation simple aux personnes âgées ;

- les frais afférents à l'interruption volontaire de grossesse ;

- l'allocation différentielle aux adultes handicapés (AAH) ;

- les frais d'hébergement, d'entretien et de formation professionnelle des personnes handicapées dans les établissements de rééducation professionnelle mentionnés à l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale ;

- les frais de fonctionnement des centres d'aide par le travail (CAT) ;

- les dépenses d'aide sociale engagées en faveur des personnes sans domicile de secours ;

- les mesures d'aide sociale -pour les personnes accueillies en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)-, en matière de logement, d'hébergement et de réadaptation sociale.

L'exposé des motifs de la loi susvisée expliquait cette énumération en soulignant que l'Etat devait conserver un nombre limité de prestations : celles qui relèvent de la solidarité nationale, celles dont les bénéficiaires ne peuvent être rattachés avec certitude à une collectivité territoriale et enfin celles dont le montant est lié automatiquement à des prestations de sécurité sociale.

La circulaire d'application du 4 novembre 1983 a effectué une distinction entre les prestations dont le financement est lié à la sécurité sociale, les prestations faisant appel à la solidarité nationale et les prestations de subsistance.

Comme l'indique le rapport public de la Cour des comptes de 1995 263( * ) , les critères de détermination du champ de compétences de l'Etat apparaîssent parfois fondés sur des critères largement énigmatiques, sinon de pure opportunité.

S'agissant des rapports entre la sécurité sociale et l'assurance maladie , on peut retenir que ce ne sera qu'avec la loi de finances rectificative du 11 juillet 1986 que les départements prendront finalement en charge les cotisations d'assurance personnelle, des réticences ayant été exprimées sur ce point en 1983. La loi relative à la CMU a mis fin, de fait, à cette prise en charge, permettant ainsi une certaine clarification.

En revanche, l'intervention du département dans le domaine sanitaire, s'agissant en particulier du dépistage du cancer ou de la tuberculose, soulève du point de vue des interrogations, compte tenu de la compétence éminente de l'Etat en matière de politique sanitaire.

A la limite, il eut été plus justifié de confier au département une compétence en matière de santé scolaire, dans le fil de la compétence générale qui lui est reconnue en matière de protection de l'enfance, sachant que sur ce point les déficiences constatées rendent très difficile l'évaluation juste du transfert de charge.

Le critère de la solidarité nationale a rendu particulièrement complexe les partages dans le secteur de l'aide sociale aux personnes handicapées.

La sécurité sociale est restée logiquement compétente sur les maisons d'accueil spécialisées (MAS) qui reçoivent les personnes les plus lourdement handicapées nécessitant des soins médicaux constants et intensifs.

Par ailleurs, le maintien des centres d'aide par le travail (CAT) et des ateliers protégés dans le domaine de compétence de l'Etat a été justifié par la volonté de donner une valeur de priorité nationale à l'insertion professionnelle des handicapés.

Enfin, l'Etat a conservé dans son domaine de compétence les dépenses d'aide sociale pour les personnes sans domicile de secours ainsi que les dépenses d'aide sociale des personnes recueillies dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

Dès le départ, la compétence de l'Etat dans le domaine de l'aide sociale, bien que résiduelle en droit, était loin d'être résiduelle en fait ; assise sur des critères empiriques, elle a justifié le maintien de services extérieurs de l'Etat étoffés.

Ceci explique notamment qu'une répartition des compétences apparemment simple ait ouvert la voie à des " incidents de frontière ".

2. Des difficultés de mise en oeuvre des compétences partagées

a) La prise en charge des personnes handicapées

• Les régimes juridiques des différents établissements pour personnes handicapées formant un véritable puzzle qui peut générer des conflits.

Il convient de rappeler pour mémoire que la prise en charge des enfants handicapés est financée par l'assurance maladie de la sécurité sociale et par l'Etat à travers le budget de l'Education nationale.

Concernant les adultes handicapés , les structures d'hébergement (foyers de vie, foyers d'accueil, foyers occupationnels) sont financ ées par les départements tandis que les dépenses des MAS réservées aux handicaps les plus lourds sont financées par l'assurance maladie de la Sécurité sociale et que les structures de réinsertion professionnelle, telles que les CAT et les ateliers protégés, sont financées principalement par l'Etat -même si les frais d'hébergement, hors activités socio-éducatives, incombent au département.

Depuis 1986, il existe en outre des foyers à double tarification (FDT) dont le financement est assuré par le département pour les frais afférents à l'hébergement et par l'assurance maladie pour la prise en charge des soins.

De fait, les compétences et les obligations de financement respectives de l'Etat et des départements ont été effectuées essentiellement en fonction des catégories d'établissements sociaux et médico-sociaux. Or, la frontière entre eux reste souple. Ainsi, devant la pénurie de certaines catégories d'établissements et en l'absence de critère précis du handicap, les personnes handicapées sont orientées autant en fonction du nombre de places disponibles que de l'évaluation du handicap.

Cette situation est particulièrement préjudiciable aux départements du fait du retard pris depuis longtemps par l'Etat en matière de construction de MAS. Ainsi, dans son rapport public de 1993 264( * ) , la Cour des comptes estimait que les personnes atteintes d'un handicap lourd (polyhandicapées ou affectées d'un retard mental profond et sévère) étaient placées autant dans des structures prévues pour ce type de prise en charge que dans des foyers d'hébergement relevant des départements. Dans certains cas, ces personnes sont même parfois hébergées dans des structures pour personnes âgées.

Enfin, le système de tarification des FDT, établissements créés par simple circulaire, pose des problèmes car le " forfait-soins " pris en charge par l'assurance maladie est plafonné à 45 % du prix de journée total. En cas de dépassement, les départements sont fortement sollicités pour prendre en charge la différence.

•  S'agissant des adultes handicapés relevant des structures d'aide par le travail, la prise en charge de droit des frais d'hébergement par le département est souvent utilisée par les gestionnaires d'établissement comme variable d'ajustement pour pallier la couverture incomplète des dépenses d'insertion professionnelle insuffisamment financées par l'Etat.

En effet, l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale distingue, s'agissant des établissements d'aide par le travail, d'une part, les frais concernant l'entretien et l'hébergement de la personne handicapée et, d'autre part, les charges de fonctionnement de l'activité sociale de l'établissement, (...) liées à l'activité de caractère professionnel, ainsi que les frais de transport collectif. Or l'article 35 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ne met à la charge de l'Etat, au titre de l'aide sociale, que les " frais de fonctionnement " des CAT : sur le terrain, la distinction entre les catégories de dépenses est en pratique peu aisée à faire et les départements ont beaucoup de mal à dresser le bilan exact des dépenses de fonctionnement imputables à l'activité du CAT. Le risque d'imputation erronée ou contestable de certains types de dépense est bien présent.

Cela apparaît d'autant plus regrettable que les conséquences sont différentes du point de vue des règles de récupération de l'aide sociale.

L'article 168 précité dispose ainsi que les frais d'hébergement des personnes handicapées sont à la charge des intéressés et subsidiairement, de l'aide sociale ; mais que les frais de fonctionnement des ateliers sont pris en charge sans qu'il soit tenu compte des ressources des intéressés.

•  L'Assemblée des départements de France (ADF) souligne le développement, au cours de ces dernières années, d'institutions " situées entre les CAT et les MAS " -souvent dénommées foyers occupationnels, foyers promotionnels, centres d'adaptation, d'accueil de jour ou sections annexes de CAT-, dont les dépenses ont été mises à la charge des départements du fait d'une interprétation restrictive de la notion de travail protégé, en l'absence de texte législatif confiant explicitement cette compétence aux départements.

•  Un autre point de litige entre l'Etat et les départements porte sur le financement des auxiliaires de vie . Ces personnels, très utiles pour les personnes handicapées, ont été créés par simple circulaire à partir de 1981 et financés par subventions forfaitaires annuelles de l'Etat dans le cadre d'une convention conclue entre le préfet et l'organisme promoteur. Comme le rappelle le rapport public de la Cour des comptes, lors de la décentralisation, ce service n'a été rattaché explicitement ni au département dans la liste des prestations légales d'aide sociale qui lui incombent, ni à l'Etat au titre de l'article 34 de la loi du 22 juillet 1983 susvisée.

Du fait de l'absence de revalorisation de l'effort de financement de l'Etat, les personnes intéressées par la création de nouveaux postes d'auxiliaires se sont naturellement tournées vers les départements pour lesquels les moyens financiers n'avaient nullement été transférés.

Il convient de noter que le plan triennal relatif aux personnes handicapées du 25 janvier dernier fait état de la création de nouveaux postes d'auxiliaires de vie, les départements étant à nouveau invités à financer de manière complémentaire ce poste de dépenses en cas d'insuffisance de personnels sur le terrain.

•  La mise en oeuvre de l'amendement " Creton " et ses difficultés illustrent également la complexité des relations entre l'Etat et les collectivités locales décentralisées.

L'article 22 de la loi du 13 janvier 1989 ( art. 6-I bis de la loi du 30 juin 1975 ) a prévu qu'un enfant handicapé accueilli dans un établissement spécialisé pour enfant pourrait être maintenu dans celui-ci au-delà de l'âge réglementaire de 20 ans jusqu'à ce qu'une place se libère dans une structure pour adultes.

Il est prévu dans ce cas que la décision fixant le maintien " s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais d'hébergement et de soins dans l'établissement pour adultes désigné par la COTOREP " .

Ce système, qui devait conduire à une responsabilisation financière des organismes chargés de l'offre de places dans les établissements pour handicapés adultes, a entraîné une multiplication des situations conflictuelles. D'une part, le dispositif en ne prenant pas en compte les frais afférents à l'insertion professionnelle a écarté de facto la mise en jeu de la responsabilité financière de l'Etat en cas d'insuffisance de places en CAT. Par ailleurs, les départements ont souvent été amenés à contester les critères sur lesquels les CDES et les COTOREP ont considéré qu'un jeune adulte maintenu en institut médico-éducatif (IME) relevait d'un simple hébergement par le département, et non pas d'un accompagnement médicalisé en MAS.

En définitive, contrairement aux intentions initiales, l'amendement " Creton " a conduit à un " embouteillage " dans les instituts médico-éducatifs (IME) du fait du maintien des jeunes adultes dans ces institutions au détriment des enfants handicapés qui nécessitaient ce mode de prise en charge.

L'édiction de la circulaire ainsi que l'effort engagé par l'Etat pour créer de nouvelles places en MAS ont contribué à apaiser les tensions. Il reste que la question des règles de prise en charge des frais n'a pas fait l'objet d'une clarification législative.

b) La prise en charge des parents isolés en difficulté

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) constituent des institutions sociales et médico-sociales qui jouent un rôle particulier en matière de réinsertion de personnes en difficulté. L'approfondissement de la crise de l'emploi dans les années 80, conjugué au développement du nombre des familles monoparentales, a souvent entraîné des phénomènes d'exclusions pour des mères en charge de jeunes enfants.

Aux termes de la loi du 30 juin 1975, les CHRS peuvent assurer avec ou sans hébergement, tout ou partie des missions suivantes : " l'accueil, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active et l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en détresse ".

Les CHRS développent largement les activités d'accueil, notamment d'écoute et d'orientation, aux côtés des missions plus classiques d'hébergement. Dans ce cadre, ils sont souvent conduits à recevoir des mères isolées avec de jeunes enfants et réclament à ce titre une contribution au conseil général.

Conformément à la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986, le département a une mission générale de protection de la famille et de l'enfance et à ce titre, il lui revient d'assurer " la prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées avec des enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique ".

La difficulté en l'espèce est que le département est conduit à assumer financièrement les conséquences de décisions prises par des établissements financées essentiellement par l'aide sociale de l'Etat : les départements ne sont pas autorisés à coordonner leur action avec l'ensemble de celle des services de protection maternelle et infantile.

Il a été demandé aux préfets, par voie de circulaire, de passer des accords avec les présidents de conseils généraux permettant de régler les questions de financement, l'objectif étant d'éviter les séparations familiales et d'assurer dans une même structure l'accueil de la mère et de l'enfant. L'article 134 de la loi relative à la lutte contre les exclusions incite les établissements relevant de la compétence de l'Etat et du département à rechercher des solutions évitant la séparation des membres d'une même famille.

Au-delà du souci légitime d'éviter la séparation de la mère et des enfants, la difficulté est de savoir si ces familles à la dérive parfois sans domicile connu relèvent bien d'un hébergement au titre de la protection de l'enfance financé par le département ou si le placement ne relève pas plutôt en priorité des structures ayant vocation à jouer un rôle d'adaptation sociale.

Il semble que certains préfets aient systématiquement renvoyé le financement de l'accueil des mères avec enfants isolés vers les structures de la protection de l'enfance pour des raisons apparemment purement budgétaires, afin d'alléger le coût des prises en charge dans les CHRS déjà très sollicités.

c) La judiciarisation de l'aide sociale à l'enfance

Si le département est seul responsable du financement des mesures d'aide sociale à l'enfance, le dispositif prévu par la loi de 1983 instaure néanmoins un partage original des compétences : en effet, les décisions de placement en établissement ou en famille d'accueil ainsi que les mesures d'assistance éducative peuvent être décidées aussi bien par les services du conseil général que par le juge des enfants. Le président du conseil général a une compétence liée quant à l'admission des enfants confiés à ses services.

La protection de l'enfance intervient suivant une gradation de moyens en fonction de la difficulté des situations.

Les services de l'ASE peuvent tout d'abord prévenir les risques courus par les enfants au sein d'une famille lorsque les conditions d'existence de celle-ci peuvent mettre en danger la santé, la sécurité ou la moralité des enfants : les services de l'ASE peuvent donc accorder des secours financiers, assurer l'intervention d'une travailleuse familiale ou d'une aide ménagère ou encore prendre une mesure d'assistance éducative : soit une mesure d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), soit une mesure de placement temporaire en établissement. Dans tous les cas, les décisions de l'ASE sont prises en accord avec les parents.

Lorsque la situation familiale apparaît très dégradée, ou lorsque le danger pour l'enfant devient effectif seul le juge des enfants, intervenant en matière civile ou en matière pénale, peut prendre des décisions remettant en cause l'exercice de l'autorité parentale.

Le juge peut ainsi ordonner des mesures d'assistance éducative sur la base de l'article 375 du Code civil " si la santé, la sécurité, la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises " : il peut s'agir d'AEMO, voire d'une mesure de placement si l'enfant doit être retiré de son milieu familial. L'exécution de ces mesures judiciaires et leur financement est à la charge du département.

En cas d'actes de délinquance, le juge tranche au pénal, sur la base de l'ordonnance du 2 février 1945, le juge peut prendre deux types de mesures : soit des mesures " éducatives ", -" de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation "-, qui sont sensiblement les mêmes que celles prévues au titre de l'assistance éducative, et qui sont assurées et financées en pratique par le service départemental de l'ASE ; soit des mesures de placement du mineur délinquant dans un établissement ou une structure appropriée financée alors par le budget de l'Etat au titre de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Enfin, il convient de rappeler que le financement de l'accueil des enfants admis en qualité de pupilles de la Nation et du service des tutelles d'Etat sur les mineurs est à la charge du département.

L'examen des populations accueillies en établissement, ou bénéficiant d'une mesure d'AEMO, montre la part croissante des décisions d'origine judiciaire. Au début des années 80, le nombre de placement en établissement d'origine judiciaire s'élevait à 60 % ; ce taux passe à 71 %, voire 75 % dans certaines départements, dans les années 90. Il est observé une tendance à la baisse des placements décidés directement par les services de l'ASE (de 50.000 par an en moyenne dans les années 80 à 34.000 par an dans les années 90) en raison notamment de la diminution du nombre de pupilles de l'Etat due aux progrès de la contraception et au développement des aides aux familles monoparentales. Dans le même temps, les placements d'origine judiciaire se maintiennent continûment à niveau élevé, de l'ordre de 72.000 par an. Parallèlement, sur les mesures d'AEMO en cours, le taux de mesures décidées par le juge passe de 66 % en 1982 à plus de 70 % dix ans plus tard :

Les mesures décidées par le juge (mesures d'AEMO ou de placement) le sont pour une durée sensiblement plus longue que celles décidées par l'ASE.

La part croissante prise par les populations relevant d'une décision judiciaire traduit en fait, selon les services de conseils généraux, une tendance des juges à renvoyer vers l'ASE des jeunes qui relèveraient plus de l'éducation surveillée que de l'assistance éducative .

De fait, l'évolution des missions et du fonctionnement des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) gérés par l'Etat est préoccupante.

Malgré l'effort récent de planification, de renforcement et de redéploiement engagé par le ministère de la justice, les départements constatent que leurs services sont de plus en plus sollicités, en l'absence d'autres réponses pertinentes, pour accueillir des jeunes ayant, par ailleurs, commis des actes de délinquance.

Les efforts annoncés avec la création notamment des unités éducatives renforcées, sont loin de pouvoir satisfaire le besoin croissant de prise en charge éducative lourde de mineurs délinquants : cela conduit les magistrats dans un certain nombre de situations à pallier le manque de places en institutions de la PJJ par des prises en charge au titre de l'assistance éducative.

Ce phénomène de " judiciarisation " de la protection de l'enfance préoccupe légitimement les responsables des départements car il est moins le reflet d'une évolution des situations des familles en difficulté que d'une dérive des pratiques professionnelles.

En effet, " la judiciarisation " ne semble pas correspondre à une aggravation effective de la situation des jeunes concernés mais à une dérive dans les pratiques de certains acteurs du système de protection de l'enfance, préoccupés de " se protéger " contre toute erreur d'évaluation du risque encouru par un mineur et des conséquences pénales qui en découlent.

L'insuffisance de la prévention administrative et le manque de concertation dans les décisions de placement contribuent à restreindre l'autonomie des départements.

Elle conduit à affaiblir la responsabilité des parents, à restreindre les libertés individuelles et à réduire le champ des actions de prévention, tout en alourdissant les charges qui pèsent sur les budgets départementaux.

Près de 20 ans après la mise en place d'une formule originale de compétences partagées par les lois de 1982, les parties prenantes sont placées en situation de " défiance " , comme le soulignait M. Jean-Jacques Andrieux, directeur général de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (UNASEA) au cours de son audition.

d) Des COTOREP insuffisamment attentives aux préoccupations des départements

Instituée par la loi du 30 juin 1975, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) jouent un rôle décisif pour évaluer la nature et la gravité du handicap et décider des modalités appropriées de prise en charge des personnes victimes d'un handicap physique ou mental.

Les COTOREP ont tout d'abord pour attribution de se prononcer sur la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, de classer l'intéressé en fonction de ses capacités professionnelles puis de l'orienter professionnellement soit vers le milieu ordinaire de travail, soit vers une formation, soit vers le milieu protégé (centres d'aide par le travail ou atelier protégé). Tel est l'objet de l'activité de la première section des COTOREP qui concerne les relations des personnes handicapées avec le monde du travail.

La deuxième section des COTOREP est compétente pour instruire les demandes d'attribution des aides financières. Elle décide du taux d'invalidité de la personne handicapée, de l'attribution des allocations en espèces, à savoir l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et de l'admission éventuelle de la personne dans un établissement spécialisé lorsque le handicap est incompatible avec toute activité professionnelle (maison d'accueil spécialisé ou autre).

La composition des COTOREP s'efforce d'instaurer un équilibre entre les parties prenantes administratives, médicales ou associatives. Il est à noter que la présence des conseils généraux a été renforcée depuis le décret du 6 mai 1995.

Les décisions prises par les COTOREP n'associent pas réellement le financeur qu'est le département, qui demeure néanmoins lié par les décisions de ces commissions. En effet, les COTOREP ont vocation à évaluer le handicap, à se prononcer sur le principe des allocations et à désigner l'établissement habilité à accueillir la personne handicapée.

La composition des COTOREP

Les COTOREP sont composées de 20 membres nommés pour trois ans renouvelables par le préfet. Elles comprennent :

- 3 conseillers généraux ainsi que 3 suppléants, élus par l'Assemblée dont ils font partie ;

- 4 personnes proposées par la Direction départementale du travail et de l'emploi et de la fonction publique (DDTEFP) dont au moins un représentant de l'ANPE et un médecin du travail ;

- 2 personnes désignées par le président du conseil général, dont un médecin, et 2 personnes désignées par le préfet, sur proposition du Directeur départemental de l'action sanitaire et sociale (DDASS) et de la DDTEFP ;

- 4 représentants des organismes d'assurance maladie et d'allocations familiales ;

- 2 personnes choisies par le préfet, sur proposition de la DDASS et de la DDTEFP, parmi les personnes présentées par les organismes gestionnaires des CAT, ateliers protégés et centres de rééducation professionnelle, ainsi qu'une personne choisie par le président du conseil général parmi les organismes gestionnaires de foyers d'hébergement pour personnes handicapées ;

- 2 personnes choisies par le préfet sur proposition de la DDTE et de la DDASS parmi les personnes présentées par les associations représentatives des personnes handicapées ;

- 1 personne choisie par la DDTE parmi les personnes présentées par les organisations syndicales ;

- 1 personne qualifiée choisie parmi les personnes présentées par les organisations syndicales de salariés les plus représentatives.

Le président de la COTOREP est désigné, soit par le préfet parmi les membres de la commission, soit à la demande du préfet, par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la commission a son siège. Une circulaire du 25 mai 1984 précise, sur ce point, que la présidence devrait être confiée alternativement à la DDASS et à la DDT.

Enfin, il faut citer le problème du transport des personnes handicapées qui peut être effectué par ambulance sur décision de la COTOREP, les frais de transport étant mis alors à la charge du département.

Le président du conseil général, qui se prononce sur la prise en charge de la prestation, demeure lié par les décisions de la COTOREP. Il ne peut contester ni l'évaluation de la situation du demandeur, ni son orientation vers l'établissement choisi.

3. De nouvelles formes de " partenariat imposé "

Avec la loi du 1 er décembre 1988, le choix a été fait du retour à une forme de cogestion en matière d'insertion des titulaires du RMI. Ce choix a été confirmé et amplifié en 1990 avec l'instauration des fonds départementaux de solidarité pour le logement (FSL) et en 1992 pour la mise en place des fonds d'aide aux jeunes (FAJ).

a) Le revenu minimum d'insertion (RMI)

A rebours de la logique initiale des blocs de compétence, la loi du 1 er décembre 1988 relative au RMI a imposé, au titre de la lutte contre l'exclusion sociale, de nouvelles formes de partenariat entre Etat et collectivités locales prévoyant des procédures de financement et de décision conjointes.

Ainsi, la mise en place des commissions locales d'insertion et des commissions départementales d'insertion, l'élaboration du programme départemental d'insertion, l'agrément de certains organismes d'accueil passent-ils par une décision conjointe du préfet et du conseil général .

Par ailleurs, le département est tenu d'inscrire dans son budget un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées au cours de l'exercice précédent par l'Etat au titre de l'allocation attribuée à des personnes résidant dans le département.

Le rapport sur l'évaluation du RMI de mars 1992 265( * ) a analysé clairement les conséquences du nouveau dispositif au regard des principes de 1982 : " Le RMI a aussi contredit l'esprit des lois de décentralisation en pratiquant d'abord une certaine inversion des compétences : l'Etat verse une allocation qui n'est pas étrangère à l'aide sociale, et le département est invité à intervenir dans le soutien à l'insertion -qui passe surtout par l'emploi, compétence revenant à l'Etat-. Surtout, il est en contradiction avec la théorie des " blocs de compétence " en mettant en oeuvre une compétence cogérée, l'insertion, dans laquelle l'Etat est un partenaire " obligé " du Conseil général, alors que l'objectif d'autonomie des différentes collectivités -avec son corollaire : " qui décide paie "- était essentiel dans les lois de décentralisation " .

Dans le même sens, le rapport public de la Cour des comptes de 1995 souligne que le financement des dépenses liées à l'insertion s'est " écarté des principes posés par la loi de décentralisation " en établissant " un lien automatique et forfaitaire " entre les finances départementales et le montant des dépenses supportées par l'Etat au titre de l'allocation : " ce lien est d'autant plus dérogatoire que les départements ne sont pas associés à la décision d'attribution de l'allocation et que le montant et les conditions d'attribution du RMI sont fixés par voie réglementaire " .

Dans l'analyse qu'elle a réalisée près de dix ans après la création du dispositif de la loi du 1 er décembre 1988, l'ADF met en évidence le " manque de clarté et de lisibilité " du système avec une demande forte d'une clarification des compétences et des responsabilités de chacun.

La croissance élevée du nombre de bénéficiaires constatée de 1988 à 1999 est allée de pair avec une banalisation du dispositif par rapport à ses objectifs initiaux et au public originellement visé.

L'ADF regrette le taux d'insertion trop faible des bénéficiaires, malgré la mobilisation de plus en plus importante des départements, ainsi que la difficulté d'instruire de manière pertinente des contrats individualisés et annuels. Le dispositif d'insertion cogéré fait apparaître une absence de coordination entre les multiples acteurs de la prise en charge.

Le département est ainsi trop souvent placé dans la situation paradoxale d'être impliqué au coeur des difficultés de l'insertion sur le terrain, tout en ayant des moyens et des prérogatives trop réduits pour jouer un rôle véritablement efficace. La " cogestion " demande au département de jouer un rôle de " partenaire actif " sans pour autant lui confier les outils nécessaires pour faire face, au plus près, aux besoins d'insertion et en en ne lui permettant pas de devenir un véritable " chef de file ".

Le secteur de l'insertion fait intervenir les départements dans un secteur d'intervention où l'Etat dispose d'une large maîtrise des instruments de la formation professionnelle, de la politique de l'emploi et de la politique du logement social. Les relations avec les partenaires institutionnels, avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) notamment, sont souvent difficiles.

En conclusion, on peut se demander si la cogestion n'est pas un frein plutôt qu'un accélérateur pour l'insertion.

b) Le logement pour les plus démunis

L'Etat a toujours entendu restrictivement l'article 35 de la loi du 22 juillet 1983 qui a mis à sa charge les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réadaptation prévues par le code de la famille et de l'aide sociale : il a fait valoir que ce dispositif visait exclusivement le financement des CHRS.

La progression du nombre de personnes exclues du logement et de sans abri ont rendu nécessaire une programmation des capacités d'accueil d'urgence pour les personnes les plus démunies.

La loi n° 90-449 du 31 mai 1990, visant à la mise en oeuvre du droit au logement , dite " loi Besson ", a érigé le principe du droit au logement en " un devoir de solidarité pour l'ensemble de la Nation " et a institué le principe d'une " aide de la collectivité pour les personnes qui connaissent des difficultés particulières pour se loger " , a fixé des dispositifs d'action spécifique pour mobiliser les acteurs tant nationaux que locaux.

Le département a été retenu comme échelon pertinent pour évaluer les besoins et programmer les actions de la politique du logement pour les personnes défavorisées dans une logique de cogestion .

La loi crée le plan départemental pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD ) , élaboré conjointement par le préfet et par le président du Conseil général, qui détermine les catégories de personnes à prendre en charge ainsi que les objectifs à atteindre, notamment par la centralisation des demandes de logement et la création d'une offre supplémentaire de logements.

Par ailleurs, dans chaque département ont été institués des Fonds de solidarité pour le logement (FSL) destinés à verser des aides financières aux personnes et aux familles en difficulté pour l'accès à un logement ou pour le maintien dans les lieux ainsi qu'à assurer le financement de mesures d'accompagnement social.

Ces fonds présentent la particularité d'être financés à parité par l'Etat et par les départements, ces derniers étant tenus d'abonder les fonds au même niveau que les crédits délégués par le Préfet. Les crédits consacrés par l'Etat aux FSL ont connu une progression rapide : ils sont passés de 150 millions de francs dans le budget pour 1991 à 548 millions de francs dans le budget pour 2000. Les départements sont tenus d'abonder le montant inscrit en lois de finances à parité en complétant les enveloppes déléguées.

Les FSL ont fait l'objet de diverses critiques, les objectifs préventifs du FSL ont été perdus de vue, conduisant celui-ci à devenir un instrument de garantie financière pour les bailleurs et notamment les bailleurs sociaux. Par ailleurs, il a été regretté l'apparition d'une certaine confusion entre la notion " d'accompagnement social ", dont la mise en oeuvre relèverait de la responsabilité des bailleurs ou des associations, et la notion de " suivi social " nécessitant l'intervention appropriée d'un professionnel qualifié du secteur social. Enfin, les délais et coûts de gestion du dispositif par les caisses d'allocations familiales (CAF) ont donné lieu à des reproches dans de nombreux départements.

La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions dans ses dispositions relatives à l'accès au logement, a cependant pérennisé les FSL en confirmant le principe de cogestion initié dans la loi du 31 mai 1990.

Le rôle de coordination du PDALPD triennal est souligné. Celui-ci intègre en tant que de besoin les dispositions du plan pour l'hébergement d'urgence pour les personnes sans abri introduit par la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat.

De même, les FSL, pour lesquels l'Etat s'engage à un effort supplémentaire qui devra être accompagné par les départements, font l'objet de diverses mesures correctrices et de précision. La possibilité d'ériger les FSL en groupement d'intérêt public, présidé alternativement par le préfet et par le président du conseil général, permet d'asseoir l'existence de ces organismes qui peuvent ainsi acquérir la personnalité morale.

c) Les fonds d'aide aux jeunes (FAJ)

Créés par la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi relative au revenu minimum d'insertion (RMI), les FAJ ont pour objet de délivrer des aides financières directes et temporaires aux jeunes âgés de 18 à 25 ans pour une durée limitée.

De même que pour les FSL, le financement est assuré à parité par l'Etat et par le département, la participation de ce dernier devant au moins être égale à celle de l'Etat.

De même que pour l'accès au logement, la loi relative à la lutte contre les exclusions confirme la mission des FAJ dans l'esprit de la " cogestion obligatoire ". Le montant de la participation de l'Etat est de 285 millions de francs dans le budget 2000.

La loi précitée dispose que les jeunes relevant du programme TRACE qui rencontrent des difficultés matérielles, notamment de logement, bénéficient de l'accès au FAJ durant les périodes " interstitielles " où ils ne bénéficient pas d'une rémunération au titre d'un stage, d'un contrat de travail ou d'une autre mesure dans le cadre des actions d'accompagnement personnalisé.

4. L'Etat conserve une emprise forte sur des facteurs essentiels d'évolution de la dépense départementale d'aide sociale

Qu'il s'agisse des efforts de revalorisations des rémunérations des personnels des établissements sociaux et médico-sociaux ou de la fixation des normes applicables au secteur, l'Etat dispose d'une large influence sur des facteurs qui conditionnent l'évolution de la dépense locale.

a) Le département ne contrôle pas l'évolution des rémunérations des personnels sociaux et médico-sociaux

Les dépenses de personnel représentent un poste important de la dépense sociale départementale : selon l'estimation réalisée par l'ADF au début de l'année 2000 266( * ) , les rémunérations des personnels représentaient 27,5 milliards de francs, soit environ 18 % de la dépense brute d'aide sociale.

Comme l'avait souligné le rapport public de la Cour des comptes de 1995, la dépense de personnel joue un rôle prépondérant dans l'évolution de frais d'hébergement en établissement qui représentent plus de la moitié des dépenses directes d'aide sociale : les trois quarts de la dotation versée aux établissements sociaux et médico-sociaux par les départements couvrent des dépenses de personnels.

Les personnels des institutions gérées par les associations sont des personnels de droit privé relevant de conventions collectives passées avec des fédérations d'employeurs.

La convention collective du 15 mars 1966 de la Fédération 267( * ) des syndicats nationaux d'employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées à but non lucratif (SNAPEI, SNASEA, SOP) concerne 180.000 salariés environ.

La convention collective du 31 octobre 1951 " des établissements privés d'hospitalisation et de soins, de cure et de garde à domicile à but non lucratif ", dite convention FEHAP, s'applique principalement aux établissements sanitaires privés participant au service public hospitalier, mais aussi de manière significative aux établissements et services sociaux et médico-sociaux. Sur ce seul champ, 70.000 salariés sont concernés.

Compte tenu du caractère public du financement des associations dans le secteur social et médico-social, les avenants aux conventions collectives ne peuvent être appliqués qu'après une procédure d'agrément spécifique faisant intervenir la puissance publique : l'article 16 de la loi n° 75-355 du 30 juin 1975 dispose que les conventions collectives de travail dans le secteur social ou sanitaire à but non lucratif " ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent, après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans les conditions fixées par voie réglementaire " .

Composition de la commission d'agrément

Le décret n° 77-1113 du 30 septembre 1977 relatif à l'agrément des conventions collectives de travail, des conventions d'entreprise ou d'établissement et des accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services à caractère social ou sanitaire à but non lucratif fixe la composition de la commission d'agrément de la manière suivante :

- deux représentants du ministre chargé de la santé et de l'action sociale ;

- un représentant du ministre chargé de la sécurité sociale ;

- un représentant du ministre chargé du travail ;

- un représentant du ministre chargé de l'agriculture ;

- deux représentants du ministre chargé de l'économie, des finances et du budget :

- un représentant du garde des sceaux, ministre de la justice ;

- trois présidents de conseil général désignés par l'assemblée des présidents de conseils généraux de France ou leurs suppléants ;

- deux maires désignés par l'association des maires de France ou leurs suppléants.

Le président de la commission est désigné parmi les membres de celle-ci par le ministre chargé de la santé et de l'action sociale.

Le ministre chargé de la solidarité joue donc un rôle clé pour la mise en oeuvre d'accords salariaux passés entre les représentants des salariés et les employeurs mais dont le financement sera assuré, en pratique, par les départements.

•  Or, les conditions dans lesquelles ont été agréés les accords dits " Durieux-Durafour " en 1992 ont montré que la procédure ne garantissait pas de certains dérapages.

La Cour des comptes rappelle que c'est par une simple circulaire du ministère de la santé, en date du 29 décembre 1991, et par deux décrets du 2 janvier 1992, que la décision a été prise d'étendre aux agents du secteur social et médico-social le bénéfice du protocole sur l'amélioration des conditions de vie et de travail des personnels de la fonction publique hospitalière de novembre 1991.

Par ailleurs, les avenants aux conventions collectives conclus en mars 1992 ont d'abord fait l'objet d'un refus d'agrément en août 1992, avant d'être finalement agréés par une décision du 20 avril 1993 à effet rétroactif.

La Cour des comptes relève à l'époque que les décisions ministérielles ont été prises " sans que les services du ministère soient capables d'estimer l'incidence des mesures ainsi accordées sur les finances départementales " et sans connaître non plus " la marge de manoeuvre budgétaire des départements " .

La mise en oeuvre des accords " Durafour " va influer largement sur la hausse de la dépense sociale départementale qui a atteint plus de 8 % par an en moyenne entre 1992 et 1993. L'impact rétroactif de la mesure n'a pas peu contribué à alourdir le coût.

•  Il convient également de rappeler que les hausses incompressibles de coût intervenaient dans un contexte où les départements n'étaient pas aptes à imposer des normes globales d'évolution aux dépenses des établissements . La tarification au " prix de journée " des dépenses des établissements, qui a été en vigueur jusqu'en juillet 1999, ne permettait pas aux départements de donner force opposable aux taux d'évolution préconisés par eux au moment de l'agrément annuel du budget de l'établissement.

Dans la mesure où les commissions de la tarification sanitaire et sociale ne considéraient pas, dans leur jurisprudence, que les normes d'évolution des dépenses fixées par les départements revêtaient un caractère opposable, les établissements étaient à même de contester avec succès au contentieux les budgets initialement notifiés afin d'obtenir que les départements couvrent par une rallonge budgétaire les dépassements constatés. Une certaine déresponsabilisation des parties prenantes en a résulté. Ce dispositif présentait en outre des effets pervers importants dans des structures, telles que les CAT, faisant coexister une prise en charge financée par l'Etat, dans le cadre d'un régime de dotation globale, et une prise en charge des frais d'hébergement financée par l'aide sociale départementale sans dotation globale opposable.

Depuis le 1 er janvier 2000, le caractère opposable du taux directeur d'évolution des enveloppes de financement du secteur social et médico-social a été imposé par le législateur, que les établissements soient financés par l'assurance maladie, par l'Etat ou par les départements.

Certes, l'effet de la transposition du protocole " Durafour " devient maintenant moins perceptible et, comme le fait remarquer M. Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, l'évolution du point d'indice de rémunération dans le secteur social et médico-social est demeuré modeste au cours des années qui ont suivi ; il reste que les départements vont devoir faire face à des risques croissants de dérive dans un contexte où la pyramide des recrutements réduit leurs marges de manoeuvre en matière d'évolution des dépenses de personnel.

(a) Le glissement vieillesse technicité (GVT)

La masse des rémunérations des personnels sociaux et médico-sociaux évolue non seulement en fonction des mesures catégorielles ou générales d'augmentation du pouvoir d'achat mais également en fonction des mesures d'ancienneté et de promotion appliquées individuellement à chacun des salariés concernés.

Ce phénomène est connu sous le nom de glissement-vieillesse-technicité (GVT), qui se compose :

- d'un effet de carrière (ou GVT positif), qui retrace l'incidence positive sur la masse salariale des avancements et promotions dont bénéficient régulièrement les fonctionnaires ;

- d'un effet de noria (ou GVT négatif) qui traduit l'incidence généralement négative sur la masse salariale du jeu des entrées-sorties.

Or, s'agissant du secteur social et médico-social, dans lequel les conventions collectives ont été mises en place en 1951 et 1966, le recrutement est relativement jeune : du fait de la pyramide des âges, les départs à la retraite, générateurs de GVT négatif, sont actuellement relativement peu nombreux alors que le vieillissement des effectifs entraîne, en revanche, un important effet de GVT positif.

L'effet GVT génère donc nécessairement une hausse mécanique et inéluctable du salaire moyen par tête dans le secteur social et médico-social.

Toute revalorisation des rémunérations salariales interviendrait donc dans un " paysage salarial " dont l'arrière-plan fait déjà apparaître des tendances inévitables à la hausse.

(b) Les revalorisations spécifiques de rémunération

Les employeurs et plusieurs syndicats représentatifs des personnels relevant de la convention SNAPEI de 1966 ont conclu, le 21 avril 1999, un avenant visant à revaloriser le statut du personnel d'encadrement. Cet accord prévoit des revalorisations salariales et des modifications du régime indemnitaire visant notamment à combler le retard apparu par rapport aux cadres techniques et administratifs, aux cadres chefs de service ou aux cadres de direction régis par la convention collective FEHAP de 1951.

Cet avenant, qui fait suite à un précédent avenant du 6 mai 1997 qui n'avait pas été agréé, répond à une demande forte des personnels concernés alors même que des difficultés de recrutement se font parfois sentir sur le terrain.

L'accord d'avril 1999 n'a jusqu'ici pas fait l'objet d'un agrément, même si, au cours d'une réunion de concertation en février 2000, le ministère a fait savoir qu'il n'émettrait pas d'objections " sur le principe " de l'agrément de l'avenant " cadres ".

Un agrément s'inscrit en perspective d'évolution pour les prochaines années. Mais le facteur essentiel de changement réside sans doute dans la mise en oeuvre des 35 heures.

(c) La mise en oeuvre du passage aux 35 heures

La loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail invite les partenaires sociaux à négocier une réduction du temps de travail par la mise en place d'un dispositif d'aide financière.

Au moment du vote de la loi, une question aurait pu se poser sur le point de savoir s'il était opportun d'étendre le champ de la réduction du temps de travail au secteur " non concurrentiel " : le Gouvernement, et sa majorité à l'Assemblée nationale, ont tranché en indiquant clairement dans la loi que la réduction du temps de travail pouvait être mise en oeuvre " dans le cadre d'une convention collective ou d'un accord de branche agréés en application de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975 " c'est-à-dire dans le secteur social et médico-social.

Le passage aux 35 heures hebdomadaires des salariés du secteur social et médico-social ne s'effectue pas dans les mêmes conditions que pour les salariés des entreprises du secteur concurrentiel : le secteur associatif se caractérise par un certain émiettement des structures qui ne facilite pas les réorganisations d'emploi du temps. Par ailleurs, les aides et les services à la personne qui sont prédominants dans l'activité du secteur médico-social, s'effectuent à des rythmes et des horaires réguliers qui ne peuvent être profondément modifiés. Enfin, la prise en charge d'une même personne peut s'effectuer dans des structures sociales et médico-sociales différentes , ce qui soulève des problèmes d'harmonisation des horaires et de coordination des prises en charge.

Dans le secteur sanitaire et social, la réduction du temps de travail est donc une réforme complexe où il faut réussir à conjuguer le maintien de la qualité des soins et des prestations, le respect des attentes des personnels, la réponse aux besoins des organisations et la maîtrise des coûts nécessaire à l'équilibre des comptes sociaux.

Le dispositif de réduction du temps de travail est naturellement complexe dans le secteur social et médico-social puisqu'il fait intervenir :

- un accord de branche , en date du 1 er avril 1998, conclu au niveau de l'UNIFED qui porte sur l'organisation de la flexibilité dans l'organisation du travail sans entrer dans les détails de la durée du travail ou des compensations salariales ;

- des accords au niveau des conventions collectives concernées, à savoir la convention du 15 mars 1966 (SNAPEI, SNASEA, SOP), la convention du 31 octobre 1951 (FEHAP), la convention de la Fédération des centres de lutte contre le cancer et la convention de la Croix-Rouge française ;

Il est à noter que les gestionnaires de ces conventions collectives ont fait le choix de négocier rapidement les accords en anticipant sur la baisse de la durée légale au 1 er janvier 2000 afin de permettre aux services et établissements de ne pas être mis en situation de payer des heures supplémentaires.

- des accords au niveau de chaque association gestionnaire déclinés le cas échéant, au niveau des divers établissements de l'association.

La mise en place du dispositif s'est avérée particulièrement lourde en pratique, puisque le ministère de l'emploi et de la solidarité a décidé en janvier 1999 d'écarter l'idée d'un agrément automatique des accords locaux faisant référence aux avenants passés dans le cadre des conventions collectives et de demander que chacun des accords locaux , c'est-à-dire près de 3.000 accords d'entreprises ou d'associations, soit soumis à agrément ministériel après passage devant la Commission nationale d'agrément. Compte tenu des masses de documents en jeu et de l'ampleur de la tâche, l'instruction des accords locaux a été déconcentrée au niveau des DDASS.

Les départements entreront au cours des prochaines années dans une période d'incertitude car la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ne pourra s'effectuer à coût constant que si un certain nombre de conditions sont réunies.

Comme l'a analysé -dans son avis budgétaire annuel 268( * ) - notre collègue M. Jean Chérioux, qui a longtemps présidé la commission des Affaires sociales de l'Assemblée des présidents de conseils généraux (APCG), les accords collectifs de branche sont apparemment équilibrés mais leur réussite suppose de tenir un certain nombre de paris.

L'accord conclu par le SNAPEI par exemple, prévoit que la modération salariale, assortie des aides légales, permettra de financer les embauches supplémentaires rendues nécessaires par la réduction du temps de travail.

Cet accord prévoit :

- un gel de la valeur du point et des mesures catégorielles en 1999 et 2000,

- une suspension à durée indéterminée de la majoration familiale de traitement pour les naissances à venir.

Pour les associations qui, compte tenu de la durée actuelle du travail, se situent au-dessus de 6 % d'embauches compensatrices ou de 10 % de réduction du temps de travail, il est ouvert la possibilité de conclure des accords d'établissements prévoyant la neutralisation des progressions de carrière sur un an, deux ou trois ans, en tant que de besoin. Ce mécanisme revient en quelque sorte à neutraliser l'effet du glissement GVT sur une durée temporaire, les promotions à l'ancienneté reprenant leur cours, sans rattrapage rétroactif, au-delà de la période de gel.

Pour les départements, la réduction du temps de travail ne peut s'opérer de manière neutre que si trois paris réussissent :

- que les accords locaux d'établissement respectent les équilibres de financement organisés par les avenants aux conventions collectives : il importe d'éviter tout dérapage , avec l'accord plus ou moins tacite des collectivités locales intéressées, au moment de la définition des engagements initiaux ;

- que les salariés des établissements adhèrent, au cours des trois prochaines années, à l'effort de modération salariale qui leur sera demandé,

- que les embauches compensatrices puissent s'intégrer efficacement dans la nouvelle organisation des rythmes de travail des travailleurs sociaux, sans diminution de la qualité du service aux usagers : en cas de dysfonctionnement persistant, les départements seraient fortement sollicités pour financer des emplois supplémentaires.

Le rappel des divers éléments qui concourent à la détermination de l'évolution des dépenses de personnel dans le secteur social et médico-social, illustre bien la relative situation d'impuissance dans laquelle se trouvent placés les départements financeurs , qui ne jouent qu'un rôle consultatif parmi d'autres catégories employeurs au sein de la commission nationale d'agrément, et se retrouvent sous la double contrainte du " fait accompli " résultant des accords passés entre employeurs et représentants du personnel et du pouvoir d'arbitrage revenant en définitive à l'Etat.

Aussi, les conseils généraux souhaitent que les partenaires sociaux présentent à la Commission nationale d'agrément une étude détaillée sur le coût prévisionnel des mesures négociées par type de financeurs à partir d'un échantillon représentatif d'établissements sociaux et médico-sociaux.

Elle a souhaité, par ailleurs, la mise en place d'un système d'évaluation du coût réel constaté des avenants et accords agréés, assorti éventuellement d'un dispositif permettant le report de la mise en application de certaines mesures d'une année sur l'autre, en cas de dérapage manifeste.

b) Le poids des normes

Les normes techniques

L'incidence financière des nouvelles normes techniques, régulièrement renouvelées, est un problème récurrent pour les collectivités territoriales qui sont rarement associées à leur élaboration.

La dépense départementale d'aide sociale en 2000 comprend 154 milliards de francs de dépenses de fonctionnement mais aussi 95 milliards de francs de dépenses d'équipement dont 39 milliards de francs de dépenses directes.

Ces dépenses d'investissement sont en hausse de 7,7 % par rapport à l'année précédente. L'ADF rappelle à cet égard l'effet inflationniste de la multiplication des normes de sécurité et environnementales.

La question du respect des normes d'équipement est particulièrement sensible dans les maisons de retraite dont les pensionnaires sont particulièrement vulnérables en cas d'accident. Les élus locaux ne peuvent donc que respecter à la lettre les nouvelles normes qui sont imposées même si leur utilité n'est pas démontrée.

Les normes de moyens

A côté des dépenses d'investissement, l'Etat peut parfois être tenté d'imposer des normes en termes de moyens plutôt que de définir des critères objectifs. Tel est le cas en particulier en matière de protection maternelle et infantile (PMI).

Les décrets d'application de la loi du 18 décembre 1989 relatifs à la PMI ont été promulgués en incluant des normes de moyens.

Si les départements reconnaissent que plusieurs des observations relatives à la définition des missions du service et aux obligations de transmission ont été prises en compte, un désaccord persistant existe sur le principe même de la définition de normes de moyens.

Il est ainsi prévu des normes minimales pour les consultations de planification familiale et les consultations prénatales et infantiles.

La définition de telles normes ne tient pas compte d'éléments aussi importants que l'état sanitaire de la population du département, son caractère plus ou moins urbanisé ou encore le nombre et la dispersion des consultations hospitalières et des praticiens libéraux.

En ignorant ces données, la mise en oeuvre de telles normes risque d'aboutir à des décisions arbitraires ne tenant pas compte de la réalité et des enjeux d'une politique départementale de protection maternelle et infantile.

L'imposition de normes pour les sages-femmes et les puéricultrices s'inscrit à tort dans la même démarche qui privilégie la définition des moyens au détriment de la fixation des objectifs d'une politique de PMI.

Les normes risquent de perdre beaucoup de signification s'il n'est pas tenu compte de la réalité des missions et des tâches confiées aux personnels concernés.

B. LA DÉCENTRALISATION A PERMIS UNE AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE DANS LE DOMAINE SOCIAL

1. L'amélioration des performances en matière sociale

a) Une dépense maîtrisée dans un contexte difficile

La dépense d'aide sociale a fortement augmenté au cours des 15 dernières années. La dernière étude de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) réalisée sur un échantillon représentatif de 29 départements métropolitains relative à l'évolution des dépenses nettes d'aide sociale 269( * ) montre que celle-ci serait passée de 38,4 milliards de francs à 82,8 milliards de francs en 1999. Elles représentent 60 % environ des dépenses de fonctionnement des départements.

Ce chiffre doit être complété, pour être exhaustif, par celui des contingents communaux d'aide sociale qui représentent la participation des communes à l'effort d'aide sociale départementale. Les contingents représentaient, en 1999, 12,2 milliards de francs. Il convient de rappeler que ce dispositif de financement croisé est supprimé à compter de l'exercice 2000 du fait de l'entrée en vigueur de la CMU.

Cette évolution est à la fois subie et voulue : subie parce que la persistance de la crise au cours des années 80 et la montée de l'exclusion ont entraîné, à travers la mise en place du RMI, à partir de 1988, une forte progression des dépenses d'insertion et d'aide médicale ; elle est aussi volontaire parce que les départements ont engagé un effort d'amélioration du taux d'équipement, notamment en faveur des personnes handicapées, pour assurer un rattrapage des retards constatés.

Face à la forte progression des dépenses, force est de constater que les budgets départementaux ont su absorber sans choc majeur une profonde modification des contours des publics et des dépenses d'aide sociale : ils ont su également répondre avec rapidité aux besoins des personnes traditionnellement accueillies dans les structures d'aide sociale notamment les personnes handicapées.

DEPENSES NETTES D'AIDE SOCIALE DEPARTEMENTALE 1984-1999

(France métropolitaine)

(en milliards de francs)

1984

1989

1995

1996

1997

1998

1999

Aide sociale à l'enfance

15,0

16,8

23,9

24,9

25,9

27,1

27,8

Aide sociale en direction des personnes âgées

8,7

9,3

13,1

13,5

13,1

12,3

11,7

Aide sociale en direction des personnes handicapées

6,2

7,7

12,8

13,5

14,1

15

15,8

Aide médicale

2,0

2,6

6,4

6,3

6,9

7,2

7,7

Charges d'insertion des bénéficiaires du RMI

 

0,2

3

3,2

3,5

4

4,2

Autres dépenses

6,5

8,7

13,8

14,2

14,8

15,4

15,6

Dépense nette totale

38,4

45,3

73

75,6

78,3

81

82,8

Source lettre de l'ODAS avril 2000

Les travaux de l'ODAS auquel il sera fait référence permettent d'effectuer une analyse comparative des dépenses sur les données les plus récentes.

Les résultats de l'ODAS sont établis à partir de données rassemblées auprès d'un échantillon représentatif de 29 départements.

Par convention, les dépenses observées sont les dépenses nettes d'aide sociale : elles tiennent compte des recettes directes correspondantes, avant déduction du contingent communal, afin d'offrir une photographie la plus réaliste possible de l'effort des collectivités publiques concernées.

Les données relatives aux bénéficiaires de l'aide sociale départementale sont issues de l'enquête " Aide sociale " de la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (DREES) du ministère de l'emploi et de la solidarité 270( * ) .

L'aide sociale à l'enfance représente presque, avec 28 milliards de francs en 1999, le premier poste de dépenses de l'aide sociale départementale .

Entre 1995 et 1999, ces dépenses augmentent de 4 % par an en moyenne, soit sensiblement plus que l'inflation.

Comme le souligne l'ODAS, cette augmentation tient pour beaucoup à l'accroissement de la masse salariale des personnels des établissements et des assistantes maternelles. De surcroît, le coût moyen d'un placement a fortement augmenté (150.000 francs par an en 1998 contre 87.000 francs en 1989) en raison du renforcement de l'encadrement dû à la difficulté croissante de la prise en charge des enfants en danger.

Enfin, l'augmentation du nombre d'enfants accueillis joue également un rôle. Certes, le nombre d'enfants placés augmente peu : il passe de 134.000 en 1989 à 135.109 en 1992 et à 138.063 en 1999. La relative stabilité des placements de 1989 à 1992 semble due à la mise en place du RMI qui a contribué à stabiliser les ressources des familles en difficulté. Mais, en revanche, le nombre d'actions éducatives en milieu ouvert ou à domicile augmente sensiblement : celles-ci passent de 112.777 en 1992 à 127.684 en 1996, soit une hausse de 13,22 %. Cette progression montre la volonté des départements et de leur service d'aide à l'enfance d'assurer un maintien de l'enfant dans son environnement.

L'aide sociale aux personnes âgées représente 11,7 milliards de francs en 1999 alors que son montant ne dépassait pas 8,7 milliards de francs en 1984.

Plusieurs phénomènes se conjuguent, compliqués au demeurant par les conséquences de la phase transitoire consécutive à la mise en place de la prestation spécifique dépendance.

Il apparaît que le nombre de bénéficiaires des aides ménagères (66.600 en 1999 contre 101.016 en 1992) diminue régulièrement en raison de l'élévation du niveau de vie des personnes âgées : le coût total de l'aide ménagère passe donc de 1,5 milliard de francs en 1989 et en 1992 à 1 milliard de francs environ en 1999.

Le nombre de personnes âgées accueillies en établissement ou chez des particuliers (accueil familial) est lui aussi plutôt sur une pente descendante : il passe de 133.900 en 1992 à 123.000 en 1999 en raison de l'augmentation du niveau de vie des personnes âgées mais aussi du fait que l'entrée en établissement s'effectue en moyenne à un âge de plus en plus avancé. Il reste que les dépenses augmentent encore fortement passant de 4,8 milliards de francs en 1984 à 5,7 milliards de francs en raison du coût plus élevé de la prise en charge de personnes devenues de plus en plus dépendantes.

Le facteur essentiel de progression des dépenses proviendra donc de l'augmentation de l'aide au maintien à domicile par le biais du versement de l'ACTP aux personnes âgées de plus de 60 ans : les dépenses vont tripler de 1984 à 1996 passant de 1,8 milliard de francs à 5,3 milliards de francs.

A compter de 1997, ces dépenses diminueront en raison de l'institution de la PSD, les données demeurant toutefois difficiles à analyser en raison du caractère récent de la prestation.

L'aide sociale aux personnes handicapées connaît également une progression non négligeable : elle représente 15,8 milliards de francs en 1999 contre 6,2 milliards de francs en 1984.

Le première phénomène est celui de l'augmentation modérée mais régulière du nombre de places en établissement (79.300 en 1999 contre 69.091 en 1992). La modernisation des établissements et de leurs conditions de vie explique une progression du coût de l'hébergement. 12,5 milliards de francs en 1999 contre 4 milliards de francs en 1984, soit un quasi-triplement. Ce phénomène recouvre une diversification des modes de prise en charge : le nombre de places d'accueil de jour a triplé en passant de 3.116 en 1992 à 8.600 en 1999 ; les bénéficiaires de l'aide ménagère ou d'auxiliaires de vie atteint 12.800 en 1999 au lieu de 6.970 en 1992.

La part de l'ACTP aux personnes de moins de 60 ans représente une dépense de 3,3 milliards de francs en 1999 (90.342 bénéficiaires).

Les dépenses d'insertion constituent le poste de dépenses d'aide sociale qui a connu la progression la plus spectaculaire : ces dépenses qui étaient quasi-inexistantes en 1984, avec 2 milliards de francs, atteignent en 1999 11,9 milliards de francs. Le RMI mis en place en 1988, loin d'atténuer la charge des départements, a en réalité été un puissant facteur d'accélération des dépenses puisqu'il a permis une meilleure identification des personnes et familles en difficulté et qu'il a généré l'ouverture d'un certain nombre de droits connexes (prise en charge des dépenses de cotisation d'assurance personnelle et de l'aide médicale). Les dépenses d'aide médicale qui vont être transférées à l'assurance maladie à compter du 1 er janvier 2000, représentaient 7,7 milliards de francs en 1999.

b) La décentralisation n'est pas un facteur d'aggravation des inégalités de l'offre sociale

Selon une idée reçue, communément répandue, la décentralisation aurait pour effet de renforcer les inégalités en matière de réponse sociale sur le territoire. En raison des inégalités de potentiel fiscal entre les départements, les citoyens auraient droit à un traitement différencié selon leur localisation.

Cette approche est simplificatrice à l'excès : la réalité est qu'il existe des disparités en matière d'équipement pour personnes âgées et pour personnes handicapées sur le territoire, mais que celles-ci étaient bien antérieures à la décentralisation . Elles tiennent notamment à des raisons historiques et aux conditions dans lesquelles l'initiative privée s'est manifestée sur le terrain.

Ainsi, les initiatives des collectivités locales et des associations a été le principal moteur de la création d'établissements pour enfants handicapés au cours des années 50 et 60. Ces initiatives, qui se sont poursuivies au niveau des structures pour adultes, n'étaient pas nécessairement coordonnées et n'avaient donc pas de raison d'aboutir à une densité égale d'un département à l'autre.

La gestion centralisée n'est pas une garantie d'homogénéité

Au-delà des diversités historiques, il apparaît qu'une gestion centralisée ne garantit nullement une homogénéisation des prestations et des structures sur l'ensemble du territoire national. La Cour des comptes relevait, dans son rapport de 1996, que les disparités géographiques existaient avant la décentralisation en matière sociale.

De surcroît, il existe également des disparités importantes dans les domaines du secteur social et médico-social dont l'Etat a conservé la gestion. Ainsi, le taux d'équipement en CAT, financés sur le budget de l'Etat, varie de un à deux suivant les départements.

S'agissant de l'implantation des maisons d'accueil spécialisé (MAS) financées par l'assurance maladie, M. Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, rappelait que le taux d'équipement variait de un à cinq selon les départements. Il est vrai qu'il s'agit d'établissements créés par la loi du 30 juin 1975 dont l'implantation demeure relativement récente.

L'examen de la densité de places en MAS rapportées à la densité par habitant fait apparaître des écarts encore plus importants : certains départements comptent 0,25 place de MAS pour 1.000 habitants alors que, pour d'autres, ce taux atteint 7,52.

Mais surtout il est frappant de constater qu'une prestation non contributive, telle que l'AAH, dont le financement est assuré par l'Etat et dont les règles d'attribution sont fixées uniformément sur tout le territoire national, fait également apparaître d'importantes disparités départementales, ce qui est pour le moins paradoxal.

L'enquête IGF/IGAS de janvier 1999 sur les dysfonctionnements de l'allocation aux adultes handicapés avait mis en évidence que les taux d'attribution de l'AAH variaient de 1,14 % à 0,78 % en 1996 selon les départements, les taux étant particulièrement élevés dans la partie la plus rurale du grand ouest et plus faible dans la région parisienne. Le rapport soulignait l'influence de facteurs tels que la plus ou moins forte capacité d'accueil des handicapés et de la richesse imposable.

Une analyse plus récente 271( * ) portant sur un échantillon représentatif de 24 départements montre qu'à la fin de 1998, le taux d'allocation de l'AAH pour 1.000 habitants de 25 à 49 ans variait de 8 à 48, soit dans un rapport de 1 à 6 .

Les disparités ne s'expliquent pas seulement en raison des différences de profil des demandeurs qui se présentent à chaque COTOREP. C'est ainsi qu'interviennent également " la pression de la demande " (nombre de dossiers à traiter) et la situation locale en matière de chômage et de minima sociaux.

(a) La décentralisation a permis un effort de rattrapage en matière d'équipements pour personnes handicapées adultes ou âgées

•  Les études sur l'évolution des disparités départementales en matière d'aide sociale qui sont nécessairement des études lourdes nécessitant un certain recul, ne portent que sur la période qui s'étend jusqu'à 1993, soit les dix premières années de la décentralisation. L'analyse devra être affinée sur les années suivantes où les dépenses d'insertion et d'aide médicale ont pris une place plus importante dans les budgets départementaux en raison de l'augmentation du chômage de longue durée et de l'aggravation des phénomènes d'exclusion.

Par ailleurs, la mise en place de la PSD à partir de 1997 et la suppression corrélative de l'attribution de l'ACTP aux personnes âgées de plus de 60 ans a certainement des incidences sur les disparités de prestation comme il est de règle dans les premières années de fonctionnement d'un dispositif nouveau.

Pour autant, le débat, focalisé sur la question des disparités dans l'attribution de la PSD, ne doit pas occulter les phénomènes de longue durée : la décentralisation de l'aide sociale sur près de dix ans n'a pas été synonyme d'une tendance à la dispersion des niveaux d'intervention des départements elle est allée de pair, au contraire, avec une convergence des niveaux de dépenses par habitant .

Comme le souligne M. Jean-Louis Sanchez, directeur de l'ODAS, " Parmi les diverses inquiétudes exprimées lors de la décentralisation de l'aide sociale, l'une des plus vives portait sur l'aggravation des inégalités en matière d'offre de services des départements. Même si la réglementation nationale assurait, et continue d'assurer, l'uniformisation des conditions minimum d'accessibilité aux droits, on pouvait penser que les disparités déjà existantes avant la décentralisation allaient perdurer, voire s'accroître. Or, l'analyse de l'évolution des dépenses de l'ensemble des départements permet de constater l'existence d'une tendance plutôt orientée vers la convergence des budgets d'action sociale. " 272( * )

La Cour des comptes, dans son rapport de 1995, relevait ainsi une tendance à la réduction des écarts géographiques de la dépense par habitant entre 1988 et 1993, retenant comme base de calcul le rapport entre la dépense moyenne des départements ayant le montant des dépenses par habitant le plus élevé d'une part et celles des départements ayant le montant des dépenses par habitant le plus faible d'autre part.

Cette méthode fait apparaître une réduction des écarts départementaux importante (- 25,3 %) pour l'aide médicale pour des raisons tenant à l'uniformisation des règles d'attribution d'une aide aujourd'hui " recentralisée ".

Elle fait ressortir également une réduction significative des écarts concernant l'aide sociale à l'enfance (- 8,5 %) et l'aide sociale aux personnes handicapées , à la fois pour les dépenses d'ACTP (- 9,9 %) et pour les aides à l'hébergement (- 10,4 %). Seule l'aide sociale aux personnes âgées ne fait pas apparaître de baisse d'écart, ce qui s'explique à la fois parce que les données statistiques n'intègrent pas l'effet du versement de l'ACTP à des personnes de plus de 60 ans, mais aussi parce que les dépenses d'aide ménagère ou d'hébergement en établissement ont légèrement diminué du fait des tendances démographiques et de l'amélioration du niveau de vie des personnes âgées.

L'ODAS a également réalisé une étude en retenant comme indicateur de dispersion le rapport de la dépense du 81 ème département au 15 ème département.

Evolution comparée des dépenses d'aide sociale et de leur dispersion 273( * )

 

Taux de croissance
des dépenses
entre 1984 et 1991

Taux d'évolution
de l'indicateur de dispersion 1985-1991

Tendance
1991-1993

Aide sociale aux personnes âgées

- 3 %

- 4 %

La dispersion reste importante

Aide sociale à l'enfance

+ 24 %

- 6 %

Poursuite du resserrement à un rythme lent

Allocation compensatrice

+ 50 %

- 19 %

Accélération du mouvement qui date surtout de 1989

Hébergement des personnes handicapées

+ 97 %

- 12 %

Mouvements erratiques depuis 1989, qui se poursuivent

Ensemble de l'aide sociale

+ 42 %

- 3 %

 

Sources : SESI, ODAS

Elle souligne ainsi que c'est dans le secteur de l'hébergement des personnes handicapées, où la croissance des dépenses a été la plus forte, que la réduction des disparités a été la plus significative. Or, dans ce domaine, " l'augmentation des prestations repose essentiellement sur la mise en oeuvre d'orientations politiques s'adaptant au contexte financier ".

En revanche, peuvent être considérées comme des domaines à plus faible convergence de dépenses, l'aide sociale à l'enfance et l'aide sociale aux personnes âgées.

L'aide sociale à l'enfance (ASE) est un secteur dont la dépense augmente peu et pour lesquels l'éventail des dépenses se resserre donc légèrement. L'ODAS fait néanmoins observer que les plus fortes augmentations de dépenses concerne en majorité les départements du sud et de l'ouest de la France dont les dépenses étaient traditionnellement moins élevées : l'uniformisation s'est donc effectuée sur des critères socio-démographiques.

L'aide sociale aux personnes âgées non handicapées ne connaît pas d'évolution forte : cela ne signifie pas qu'il n'y ait eu aucun mouvement, mais les principales hausses et les principales baisses concernent des départements dont la dépense était faible. Au demeurant, le niveau d'intervention des départements dépend beaucoup des données socio-démographiques.

•  L'effort des départements a donc été particulièrement soutenu en ce qui concerne les établissements d'accueil pour personnes handicapées.

Le nombre de places d'accueil est passé de 39.000 en 1984 à 71.000 en 1994, puis à 92.000 au 1 er janvier 1998 principalement sous forme de la création de foyers occupationnels et de foyers d'hébergement.

Cet effort a permis un véritable rattrapage des retards constatés au moment des lois de décentralisation qui s'est poursuivi dans les années 1990 au moment où la crise s'approfondissait et où une part plus importante des budgets locaux était absorbée par les dépenses d'insertion.

Dix ans d'évolution des établissements médico-sociaux pour adultes handicapés

 

Nombre

Nombre de places installées

Evolution du nombre de places

TE (1) pour
1.000 habitants 0-19 ans

Evolution du CV (2)

 

1988

1998

1988

1998

 

1988

1998

1988/1998

Foyer d'hébergement

935

1.229

30.915

39.283

+ 27 %

1,04

1,24

- 19 %

Foyers occupationnels

345

882

13.755

29.731

+ 11,6 %

0,46

0,94

- 22 %

Foyers à double tarification

nd

187

nd

6.222

nd

nd

0,20

nd

* Coefficient de variation

Champ : France métropolitaine

Date : données au 1 er janvier 1988 et 1998

Source : DREES/Enquête ES - Population INSEE - projections Omphale


Ces données appellent deux observations.

L'effort en matière d'équipements pour personnes handicapées concerne non seulement les adultes handicapés physiques et mentaux mais également des personnes âgées proches de l'âge de 60 ans pour lesquelles l'infirmité s'est déclarée tardivement, même si les données statistiques ne permettent pas de mesurer la part relative des deux catégories de population. Les départements ont réalisé un effort à la fois qualitatif et quantitatif : une première période a été consacrée à la transformation de places vétustes d'hospices en autant de places plus adaptées et plus coûteuses dans les foyers d'accueil modernisé.

Cet effort s'est poursuivi pour faire face à l'afflux régulier de nouveaux demandeurs, de l'ordre de 5.000 par an en moyenne. L'aide sociale en matière d'hébergement des personnes handicapées adultes ou vieillissantes constitue un poste de dépense important, ce qui conduit à nuancer les reproches adressés aux départements concernant leur manque de " générosité " en matière de gestion de la PSD.

La seconde observation porte sur la nécessité du maintien d'une marge de manoeuvre financière des départements . Les investissements pour créer des places nouvelles sont d'autant plus aisés que la section de fonctionnement du budget social est équilibrée. A cet égard, le renchérissement du coût des services peut amoindrir la faculté d'investissement des budgets départementaux.

c) Les départements ont su développer leurs services sociaux

Dans son rapport public de 1995 relatif à l'aide sociale départementale, la Cour des comptes a reconnu le caractère " réussi " du partage des services et des effectifs résultant de la mise en oeuvre de la loi du 22 juillet 1983. Des conventions ont assuré le partage des services et des effectifs à partir du début de l'année 1985. Trois agents sur quatre des DDASS ont été transférés aux départements. Aucune difficulté majeure n'est apparue en matière de personnel.

Les dépenses de personnel affectées aux différentes missions de l'action sociale ont augmenté de 6 % par an en moyenne entre 1984 et 1989 avant les mesures de revalorisation catégorielle (accord " Durieux-Durafour ") pour des raisons liées à la revalorisation du statut des travailleurs sociaux mais aussi à des décisions volontaristes des responsables départementaux. C'est ainsi que les effectifs ont souvent dû être renforcés pour assurer les tâches liées à la mission d'insertion des titulaires du RMI.

Par ailleurs, les départements ont souhaité fréquemment augmenter le recrutement d'agents de catégorie A afin de renforcer le taux d'encadrement qui était souvent inférieur à la moyenne dans les services sociaux de l'Etat.

Il convient également de rappeler que les services de l'Etat avaient recours à une " facilité " de gestion du personnel : traditionnellement en effet les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) mettaient à disposition du service social départemental, dans la cadre de la " polyvalence de secteur ", des services chargés du suivi des familles. Un remboursement partiel des frais correspondants auprès des caisses de CAF et de MSA était prévu dans le cadre de conventions.

A partir de 1983, un mouvement de déconventionnement s'est engagé : d'une part, il s'agissait pour les départements de recouvrer une certaine autonomie dans l'organisation de leurs services ; d'autre part, les CAF, dont les personnels étaient parfois réticents à l'égard de l'émergence du nouveau pouvoir local, y ont vu une occasion de se recentrer sur leur mission familiale. Alors que 89 CAF sur 124 étaient conventionnées avec les départements au moment de la décentralisation, seules 52 l'étaient encore en 1996 et une vingtaine d'entre elles envisageaient alors de se retirer 274( * ) .

•  A partir du 1 er janvier 1987, les dépenses de matériel et de fonctionnement, les immeubles et les équipements ont également fait l'objet de conventions de partage.

A cet égard, il est important de rappeler, comme le fait la Cour des comptes, qu'au moment des transferts de compétences, l'informatique était très peu développé au sein des services sociaux. " L'aide sociale générale pouvait être traitée le plus souvent manuellement, malgré un nombre important de dossiers ". Les départements ont donc procédé à l'informatisation de la plupart des grandes prestations.

•  Enfin, les départements ont souvent pris l'initiative de développer des projets d'organisation innovants autour de la notion de territorialisation de l'action sociale . Traditionnellement, les découpages administratifs dans le secteur social s'articulent autour de catégories de population aux caractéristiques communes (handicapés, chômeurs, ...) ou à partir de la gestion de grandes prestations (RMI, AAH, etc.).

Le risque de cette approche " segmentée " est de manquer d'efficacité face à la tendance à la diversification des prestations sociales et surtout d'empêcher la concrétisation d'un " projet " d'insertion ou de prise en charge des personnes concernées.

Comme le rappelle M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'ODAS, les départements ont souvent initié des démarches pour remettre en cause l'organisation traditionnelle des services.

Dans le secteur de la protection de l'enfance , de nombreux départements ont ainsi procédé à un regroupement des services d'aide sociale à l'enfance et de prévention maternelle et infantile. S'agissant de l'action sociale, le tiers des départements ont procédé à des restructurations autour du concept de " projet " (santé, prévention et politique de l'enfance, de la mère et de la famille, personnes âgées et handicapées, insertion).

Certains départements ont choisi une démarche de déconcentration de l'ensemble des services au niveau de " maisons du département " afin de regrouper des services d'action sociale aussi bien que des services techniques et culturels.

Simultanément, deux tiers des départements ont procédé au redécoupage des circonscriptions d'action territoriale en s'efforçant d'être mieux adaptés aux bassins de vie.

Ces tentatives et ébauches d'une action sociale territorialisée plus lisible et plus proche du citoyen permettent de relativiser les reproches émis par la Cour des comptes sur le faible nombre de schémas départementaux des établissements sociaux et médico-sociaux régulièrement adoptées.

2. Les défis à relever

Même si elles ont déjà fait la preuve de leur aptitude à concilier équité et efficacité , les collectivités décentralisées sont aujourd'hui confrontées aux défis de l'exclusion et de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

a) Des besoins élevés en matière de renforcement de la cohésion sociale et de prévention pour la jeunesse

Au cours des prochaines années, les collectivités locales -et particulièrement les départements- seront confrontées à une demande élevée pour participer au renforcement de la cohésion sociale.

Celle-ci passera tout d'abord par le renforcement des mécanismes classiques de lutte contre les exclusions d'où qu'elles proviennent. Comme le montre les résultats plutôt décevants de la reprise économique sur la diminution du nombre de titulaires du RMI qui se maintient juste au-dessus de la barre du " million ", le " noyau dur " de l'exclusion représentée par les bénéficiaires de minima sociaux demeure très difficile à résorber.

La société moderne, caractérisée par un fort déploiement des dispositifs de couverture des risques sociaux, se révèle implacable pour ceux qui se retrouvent à sa marge après avoir quitté les mécanismes de protection sociale traditionnels adossés au monde du travail.

La fonction " insertion " des budgets départementaux n'est pas appelée à disparaître d'elle-même sous l'influence de la croissance retrouvée. L'avenir est plutôt au développement d'une approche personnalisée des personnes en situation d'exclusion illustrée par l'article premier de la loi du 29 juillet 1998 qui dispose que les collectivités publiques ou chargées d'un service public " prennent les dispositions nécessaires pour informer chacun de la nature et de l'étendue de ses droits et pour l'aider, éventuellement par un accompagnement personnalisé, à accomplir les démarches administratives ou sociales nécessaires à leur mise en oeuvre dans les délais les plus rapides ".

L'aide à la gestion d'un budget, les actions socio-éducatives, le tutorat à l'intégration en entreprise, le suivi des contrats d'insertion sont tout autant de missions que les collectivités locales devront assumer de manière plus vigoureuse. En ce domaine, il devient de plus en plus essentiel que l'Etat transfère aux collectivités locales des leviers d'action pour leur permettre une intervention plus efficace.

L'autre aspect de la cohésion sociale réside dans l'ensemble des mesures de prévention ou de soutien à la jeunesse .

D'ores et déjà, de nombreux aspects de la politique de la ville et de la solidarité urbaine, dans laquelle les grandes communes sont fortement intervenues, comprennent divers dispositifs en faveur des jeunes dans les quartiers (opérations Ville Vie Vacances notamment).

L'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (UNASEA) a évoqué, lors de son audition, les tendances sociologiques de fond qui expliqueront le maintien d'un niveau élevé de prestation dans le secteur de l'aide à l'enfance : développement des familles monoparentales, difficultés économiques entraînant des difficultés de transmission des valeurs et se traduisant par une aggravation des échecs scolaires et des incivilités commises par les jeunes, affaiblissement des liens de solidarité " naturels " au sein de la famille élargie ou à travers les relations de voisinage, perception fataliste du recours à un " minimum social ".

A cela, on peut ajouter que les départements sont de plus en plus souvent conduits à prendre en charge des jeunes dont la moyenne d'âge est plus élevée et qui sont parfois fortement " désocialisée ", se situant aux franges de la compétence de la protection judiciaire de la jeunesse.

Il serait regrettable que l'Etat n'assume pas plus clairement les responsabilités institutionnelles et financières qui sont les siennes pour adapter et moderniser les organismes relevant de la protection judiciaire de la jeunesse. Si tel n'était pas le cas, le dispositif de l'aide sociale à l'enfance départementale à l'enfance pourrait subir une certaine déstabilisation sauf à trouver les solutions innovantes d'accompagnement de mineurs difficiles.

b) La question lourde de la dépendance

•  Les données démographiques montrent que l'allongement de la durée de la vie et le vieillissement des générations d'après guerre conduiront à des chocs inéluctables.

La France sera confrontée, d'ici à 2006, au départ en retraite des générations nombreuses du " baby boom " de l'après-guerre. Ce phénomène se conjugue avec l'allongement de la durée de la vie et se traduit par un fort vieillissement de la population.

Le nombre de personnes de plus de 60 ans augmenterait de 10 millions à l'horizon 2040 pour représenter 22 millions de personnes, soit le tiers de la population totale contre un cinquième en 1995.

Le nombre de personnes âgées dépendantes est appelé naturellement à fortement augmenter.

Le vieillissement de la population est à l'origine de la multiplication des phénomènes de dépendance. En 1995, sur 8 millions de personnes âgées de 65 ans, plus de 290.000 personnes étaient confinés au lit ou au fauteuil et 3.700.000 personnes, sans être immobilisées, avaient besoin de l'aide d'un tiers pour les actes de la vie courante : s'habiller, se laver, etc. Dans son récent rapport 275( * ) , M. Jean-Pierre Sueur évalue, pour sa part, à 900.000 le nombre de personnes âgées dépendantes vivant à domicile.

•  Jusqu'à l'intervention de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 instituant la prestation spécifique dépendance (PSD), les personnes âgées dépendantes étaient considérées comme des personnes handicapées et percevaient à ce titre l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). En 1998, 198.000 personnes de 60 ans et plus bénéficiaient de l'ACTP en France métropolitaine contre 116.000 en 1988. Progressivement, l'ACTP est devenue la principale prestation en espèces versée aux personnes âgées dépendantes. Pourtant, si l'ACTP avait été conçue pour apporter une réponse adéquate aux besoins des personnes handicapées adultes, son adaptation au problème de la dépendance était plus contestable.

L'ACTP était versée aux personnes âgées présentant un taux de handicap de 80 % au moins et justifiant de ressources inférieures au plafond d'attribution de l'AAH, majorée par le montant de l'ACTP : elle ne pouvait pas être modulée en fonction de la gravité de la perte d'autonomie de la personne.

Par ailleurs, l'ACTP, attribuée par les COTOREP sans contrôle des conditions du recours effectif à une tierce personne, avait été détournée de sa vocation originelle pour devenir une simple prestation en espèces. Il en résultait un problème d'équité, la prestation étant versée aussi bien à des personnes isolées, pour qui l'aide à domicile était une nécessité vitale, qu'à des personnes âgées bénéficiant de soins de leur famille sans aucun contrôle de qualité.

Enfin, se posait la question d'une homogénéisation des règles de l'aide sociale : l'ACTP conçue pour des personnes handicapées à la naissance ou atteintes précocement dans leur vie active était assortie de mesures favorables en termes d'obligation alimentaire et de récupération sur succession dont on pouvait se demander si elles étaient légitimement applicables à des personnes frappées par la dépendance à un âge avancé. Il convient de rappeler que l'aide sociale financée par la solidarité nationale vise à apporter une aide à des personnes dans le besoin qui ne peuvent être soutenues par leur famille ou dont les moyens sont insuffisants.

La prise de conscience des dysfonctionnements de l'ACTP avait conduit le législateur, dans la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, à demander la conduite d'une expérimentation relative à la prise en charge des personnes dépendantes.

•  Avec la loi du 24 janvier 1997 a été instituée une nouvelle prestation d'action sociale en faveur des personnes âgées de 60 ans et plus, qui remplissent des conditions de dépendance et qui disposent de ressources inférieures à un plafond, variable selon l'importance du besoin, et donc selon le montant de la prestation attribuée. Le demandeur peut cumuler la prestation et ses ressources dans la limite des plafonds de ressources -fixés par décret à 6.249 francs pour une personne seule et 10.415 francs pour un couple- majorés de la prestation accordée prise en compte dans la limite de 80 % de la majoration pour tierce personne (soit 4.603 francs au 1 er juin 2000).

Le plafond de cumul ne peut donc, en tout état de cause, dépasser 10.852 francs par mois pour une personne seule (15.018 francs pour un couple). Le montant maximum de la PSD est donc supérieur à celui de l'ACTP.

•  A la différence de l'ACTP, la PSD est une prestation en nature , c'est-à-dire affectée au paiement de dépenses préalablement déterminées par l'équipe médico-sociale : elle est destinée à couvrir l'aide, dont la personne âgée a effectivement besoin, à son domicile ou dans un établissement, pour l'accomplissement des actes essentiels de sa vie, " nonobstant les soins qu'elle est susceptible de recevoir ".

La PSD se décline à partir des mêmes conditions de ressources qu'elle soit versée à domicile ou en établissement.

S'agissant de la PSD à domicile, l'aide peut être apportée directement, soit par un ou plusieurs salariés, recrutés en tant qu'aide à domicile, soit par un service d'aide à domicile agréé. Un membre de la famille peut être recruté comme aide à domicile, à l'exclusion du conjoint ou du concubin. 10 % du montant de l'aide peuvent être utilisés pour des prestations (port de repas à domicile, protections, téléalarmes, ...) autres que la rémunération de l'aide à domicile.

Dans le cas de personnes âgées dépendantes en établissement, la PSD est versée directement à l'établissement pour financer les surcoûts liés à l'état de dépendance. La mise en oeuvre de ce principe supposait toutefois la mise en place d'une réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes afin de distinguer les dépenses résultant de la perte d'autonomie de la personne accueillie (intervention d'une tierce personne) des autres dépenses de soins ou d'hébergement. Dans l'attente de la tarification, la loi prévoit que la PSD est versée à taux réduit aux établissements pour contribuer au paiement des frais d'hébergement.

Comme on le sait, la PSD fait l'objet d'un débat important qu'il n'appartient pas à votre mission d'information d'éluder, ni de trancher définitivement .

Dans son intervention du 21 mars 2000 sur l'avenir des retraites, le Premier ministre a porté un jugement sévère sur la PSD qui lui est apparue " à l'expérience, comme un échec " : il a ajouté que la prestation ne bénéficiait qu'à une faible partie des personnes concernées puisqu'elle n'était attribuée qu'à 120.000 d'entre elles. Il a estimé qu'elle était très souvent d'un montant insuffisant et qu'elle était enfin très inégalitaire, car sa mise en oeuvre par les conseils généraux était particulièrement disparate et parce que son montant variait considérablement d'un département à l'autre pour des situations pourtant identiques.

Dans ce contexte, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a demandé à M. Jean-Pierre Sueur de préparer un rapport qui lui a été transmis en mai dernier.

Votre mission tient d'abord à souligner que les résultats de la PSD, comme il est de règle pour toute nouvelle prestation, doivent être appréciés dans la durée , les données disponibles confirmant le caractère toujours évolutif du nombre de bénéficiaires.

C'est ainsi que le nombre de bénéficiaires a crû constamment depuis la mise en place du dispositif passant de 23.000 à la fin de 1997 à 86.000 en décembre 1998, puis à 117.000 en décembre 1999. En un an, le nombre de bénéficiaires s'est accru de 36 %, ce qui montre bien que le dispositif n'est pas figé. Au total, depuis la création de la PSD, plus de 270.000 dossiers ont été soumis à l'examen des conseils généraux, dont près de 200.000 ont bénéficié d'une décision favorable.

Le taux d'acceptation est de 75 % pour les demandes émanant de personnes qui vivent à leur domicile et de 84 % pour celles qui résident en établissement.

Le montant moyen de la prestation est d'environ 3.400 francs pour les personnes qui résident à domicile et de 1.800 francs pour les personnes résidant en établissement. Il existe néanmoins des disparités entre les départements, le montant moyen de la PSD varie de 3.800 francs par mois dans le quart des départements où il est le plus élevé contre 2.900 francs dans le quart des départements dans lesquels il est le plus faible.

La loi relative à la prestation spécifique dépendance est sans doute perfectible ; pour autant il convient de ne pas lui faire des reproches qu'elle ne mérite pas.

Tout d'abord, la loi de 1997 a toujours été conçue comme une loi provisoire qui peut donc être amendée . Les conseils généraux, lorsqu'ils ont été consultés, ont été favorables à des propositions d'amélioration permettant d'ajuster le dispositif en fonction des besoins constatés sur le terrain : le plafond de ressources peut être modifié par décret ; le taux des dépenses autres que de personnel pouvant être réglées par la PSD, actuellement fixé à 10 %, peut être augmenté ; enfin, le seuil du recours sur succession actuellement prévu à 300.000 francs pourrait être élevé comme certains départements ont déjà choisi de le faire.

Ensuite la loi de 1997 a incontestablement permis une coordination des multiples intervenants impliqués dans la prise en charge des personnes âgées à travers les conventions obligatoires passées avec les organismes de sécurité sociale selon un cahier des charges national et la mise en place du Comité national de la coordination gérontologique .

Sur le terrain, se constituent des équipes médico-sociales comprenant au moins un médecin et un travailleur social qui ont pour mission d'assurer une prise en charge de proximité au plus près des besoins des usagers.

Par ailleurs, il est important de rappeler que la faiblesse du montant moyen de la PSD versée en établissement est inhérente à la phase préalable à l'instauration de la réforme de la tarification par le Gouvernement qui a pris près de deux ans de retard .

Il est certain que l'insuffisance des moyens de médicalisation des établissements en raison de l'insuffisance de financement par l'assurance maladie, fait supporter aux usagers des charges indues au titre des soins.

A l'opposé de la recherche d'une amélioration raisonnée et progressive du texte de 1997, la démarche proposée dans le rapport de M. Jean-Pierre Sueur apparaît une fois encore éloignée de l'esprit de la décentralisation : prestation d'un montant unique et uniforme sur tout le territoire, suppression de tout recours sur succession, fixation rigide des conditions d'attribution de la prestation.

Ce dispositif, comme le RMI, est un dispositif national que les départements seraient invités à cofinancer et où ils interviendraient comme " prestataires de services contraints ".

La réflexion devrait plutôt se porter sur l'amélioration du dispositif actuel dans le respect des contraintes financières qui s'impose au département ou dans une réforme plus globale qui distinguerait mieux ce qui relève d'une prestation uniforme financée par la solidarité nationale et la coordination d'une offre de services au niveau des collectivités décentralisées.

II. LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Dans des sociétés évoluant rapidement sous l'effet des nouvelles technologies de l'information, la diffusion des progrès techniques nécessite un réel effort de formation à toutes les étapes du parcours professionnel.

De ce point de vue, la France présente un handicap : la proportion au sein de la population active de ceux qui ne possèdent aucun diplôme ou un diplôme de faible niveau demeure beaucoup trop importante : en 1996, près d'un actif sur cinq, (19 %) n'a aucun diplôme et 30 % un certificat d'études primaires. Ceci conduit au demeurant à s'interroger sur le caractère performant d'un système scolaire dans lequel 32 % des personnes de 25 à 64 ans n'avaient pas dépassé le niveau du premier cycle du secondaire en 1995, alors que ce taux d'échec était dans le même temps de 16 % en Allemagne et de 14 % aux Etats-Unis 276( * ) .

En dépit de la volonté d'opérer en 1983 un transfert de compétences, renforcé en 1993 par la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, le pouvoir de décision des régions apparaît modeste face au " domaine réservé " de l'Etat dans un système aux multiples intervenants.

A. UN TRANSFERT CLAIR EN APPARENCE

1. Les choix de 1983

Lorsque la région est devenue une collectivité locale de plein exercice, au même titre que le département et la région, le législateur a souhaité articuler les compétences de la région autour de la notion de développement économique. Ainsi, l'article 59 de la loi du 2 mars 1982 dispose que le " conseil régional  a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l'aménagement du territoire et pour assurer la préservation de son identité dans le respect de l'intégrité de l'autonomie et des attributions des départements et des communes ".

Logiquement, la formation professionnelle est apparue comme une compétence qui pouvait être assumée de manière pertinente à l'échelon régional en articulation avec les compétences confiées en matière de développement économique et dans le prolongement des compétences confiées en matière d'enseignement secondaire et supérieur.

L'article 82-1 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 confie donc à la région une compétence de droit commun pour la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue. A cet effet, un fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue est créé dans chaque région et sa gestion confiée au conseil régional.

Cette compétence de la région a été étendue, par la loi du 20 décembre 1993, à l'ensemble de la formation continue en faveur des jeunes de moins de 26 ans.

2. L'apprentissage

S'agissant de l'apprentissage, traditionnellement tourné vers l'artisanat et les petites entreprises pour des jeunes aptes à acquérir des savoir-faire par une confrontation directe au monde du travail, la compétence des régions porte sur la création et le financement des centres de formation d'apprentis (CFA).

Ces centres, gérés par des associations, sont créés par conventions quinquennales signées par le président du conseil régional, les autres collectivités locales, les organismes consulaires, les établissements d'enseignement privés, les syndicats et les associations. Ils sont financés par le produit de la taxe d'apprentissage et surtout par la subvention régionale qui couvre les frais relatifs au logement, au transport et aux repas des apprentis suivant un barème indicatif établi chaque année par le Gouvernement.

La région joue par ailleurs un rôle de programmation : elle est chargée d'élaborer un schéma prévisionnel de l'apprentissage qui doit venir s'intégrer dans le document plus global que constitue le plan régional de formation professionnelle des jeunes .

Le schéma prévisionnel est précisé par la carte de l'apprentissage , préparée par la région, qui définit le nombre de CFA, leur aire géographique, leur capacité d'accueil et la nature des différentes sections qu'ils comportent.

L'Etat conserve une place non négligeable : tout d'abord, il exerce un contrôle pédagogique sur le contenu des enseignements et la qualification des personnels des CFA ; ensuite il conserve la maîtrise des primes et des exonérations de charges sociales aux entreprises qui forment des apprentis.

En matière d'apprentissage, les circuits de financement faisaient apparaître en 1996 que l'Etat mobilisait budgétairement 8,5 milliards de francs 277( * ) tandis que les régions intervenaient à hauteur de 4,2 milliards de francs dans le fonctionnement des CFA cofinancés, en outre, par le produit de la taxe d'apprentissage perçue auprès des entreprises à hauteur de 3,4 milliards de francs.

L'opacité des modalités de distribution des fonds perçus auprès des entreprises par les organismes collecteurs au titre de la taxe d'apprentissage fait l'objet de critiques récurrentes. La loi du 6 mai 1996 a ainsi recentré l'affectation du produit de la taxe d'apprentissage sur le financement des CFA entre lesquels la péréquation a été renforcée.

3. La formation professionnelle continue

Aux termes de l'article 84 de la loi du 7 janvier 1983, la région est compétente pour arrêter chaque année un programme régional d'apprentissage et de formation professionnelle continue (PRDF) .

Ce programme donne lieu à la consultation du comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi (COREF) ainsi que des comités départementaux correspondants.

Le COREF est une instance purement consultative ; composé de représentants de l'Etat, de la région et des partenaires sociaux, présidé par le préfet ou par le président du conseil régional selon les sujets abordés, il est informé des programmes et moyens mis en oeuvre dans chaque région par l'ANPE et l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Ces plans doivent permettre à la région de se déterminer sur les orientations générales qu'elle entend mettre en oeuvre pour les catégories de formation à aider, les organismes habilités à les délivrer ou les priorités à établir concernant les publics bénéficiaires. Ils doivent permettre de recenser les actions cofinancées avec l'Etat dans le cadre des contrats de plan ou des contrats d'objectifs. Ces derniers sont conclus entre l'Etat, une région et des organismes socioprofessionnels pour fixer des objectifs concernant le " développement coordonné des différentes voies de formation professionnelle ".

Les programmes régionaux sont mis en oeuvre par voie de conventions passées avec les établissements publics d'enseignement, les organismes paritaires de formation ou d'autres organismes habilités.

La compétence de la région en matière de formation professionnelle se présente de manière originale par rapport aux compétences locales traditionnelles, telles que l'aide sociale, qui supposent la distribution de prestations ou la gestion d'un dispositif administratif : l'exercice de la compétence régionale repose sur l'affirmation d'une fonction de coordination et de régulation au sein de l'espace régional : l'objectif de la région est de parvenir à jouer " un rôle central de régulation " en exerçant une " mission d'animation du partenariat régional, de production de systèmes cohérents de filières de formation et de définition d'une politique régionale répondant aux attentes des jeunes, des chômeurs et des entreprises " 278( * ) .

" Acteur émergent " sur la scène des collectivités locales en raison de son histoire, intervenant dans un secteur marqué par une segmentation des intervenants et des zones d'influence, la région a été conduite à développer le caractère partenarial de ses politiques et de ses interventions . Ainsi les PRDF ont été conçus davantage comme des schémas directeurs que comme des engagements programmatiques et les contrats d'objectifs comme des protocoles d'intention plutôt que des conventions normatives.

Le souhait des régions qui pourrait être de devenir l'acteur pivot du système de formation professionnelle, c'est-à-dire celui " dont le positionnement dans le système (...) détermine la stratégie des autres acteurs " (1) peut se heurter néanmoins à diverses contraintes.

Les branches professionnelles sont faiblement organisées au niveau régional, voire inexistantes à cet échelon : cela explique sans doute que seules une dizaine de régions avaient signé des contrats d'objectifs en 1995 ; ces contrats couvrent des secteurs déterminés tels que le BTP, la réparation et le commerce automobile qui ne représentent pas l'ensemble du tissu économique.

Il convient de souligner également le poids des services de l'Etat et notamment de l'Education nationale dont le caractère centralisé n'est plus à souligner.

4. La formation professionnelle des jeunes

La loi quinquennale du 20 décembre 1993, présentée par M. Michel Giraud, alors ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, a renforcé les attributions des régions dans le domaine de la formation professionnelle des jeunes.

Avant 1993, quatre grands acteurs institutionnels intervenaient sur les voies de formation :

- le rectorat et la direction régionale de l'agriculture pour l'enseignement professionnel dans les lycées qui regroupe près de 60 % des jeunes en formation ;

- le conseil régional pour l'apprentissage ;

- la délégation régionale à la formation professionnelle pour les actions d'insertion et de qualification réalisées dans le cadre du crédit de formation individualisée (CFI) ;

- les organisations professionnelles et interprofessionnelles pour la formation en alternance à travers les instruments que sont le contrat de qualification et le contrat d'adaptation.

La loi " Giraud " procède à une décentralisation en deux temps. A compter du 1 er juillet 1994, les régions ont reçu compétence pour organiser les actions qualifiantes pour les jeunes : il s'agit des actions de formation professionnelle continue pour les jeunes de moins de 26 ans et leur accordant une qualification relevant du champ de l'enseignement technologique au sens de la loi du 16 juillet 1971 ou reconnue par les branches professionnelles.

En outre, de 1994 au 1 er janvier 1999, a été ouverte une période de transition au terme de laquelle doit être opéré le transfert de la formation dite " préqualifiante " pour les jeunes de moins de 26 ans. Ce terme recouvre les actions de formation continue de jeunes sans qualification de 16 à 25 ans auparavant assumées par les DRFP dans le cadre du crédit formation individualisé (CFI).

Ce transfert a reposé sur une procédure conventionnelle et progressive. Des conventions ont été passées entre les régions et l'Etat afin de mettre en oeuvre les stages de formation préqualifiante pour les jeunes issus du système scolaire sans aucun diplôme et inscrits dans une agence pour l'emploi. Ces conventions ont porté également sur le financement des permanences d'accueil d'information et d'orientation (PAIO) qui jouent avec les missions locales un rôle important dans le dispositif.

Par ailleurs, la loi du 20 décembre 1993 confirme le rôle " d'acteur pivot " des régions en leur confiant la préparation annuelle du plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes (PRDFPJ).

Aux termes de l'article 83 de la loi du 7 janvier 1983 modifiée, ce plan a pour objet " la programmation à moyen terme des réponses aux besoins de formation, permettant un développement cohérent de l'ensemble des filières de formation et prenant en compte les réalités économiques régionales et les besoins des jeunes, de manière à leur assurer les meilleures chances d'accès à l'emploi ".

La vocation de ces plans régionaux est de couvrir l'ensemble des filières de formation : formation initiale, apprentissage, contrats d'insertion en alternance, actions de formation professionnelle pour les jeunes demandeurs d'emploi.

Le plan établit une forme subtile de gestion partagée avec l'Etat : il est élaboré par le conseil régional " en concertation avec l'Etat " après consultation obligatoire de diverses instances : organismes consulaires, conseils généraux, conseil académique de l'Education nationale, comité régional de l'enseignement agricole, conseil économique et social régional, organisations d'employeurs et de salariés.

Le plan est mis en oeuvre par des conventions d'application " approuvées par le conseil régional " puis " signées, d'une part, par le président du conseil régional et, d'autre part, par le préfet de région et les autorités académiques concernées ".

Au 31 décembre 1997, seules 3 régions sur 26 n'avaient pas encore conclu de conventions de délégations de compétences avec l'Etat.

Comme en matière de formation continue, le rôle de la région est moins de diriger que de coordonner : La région joue un rôle d'autant plus actif qu'elle sait mettre en place des pratiques partenariales avec les différents intervenants du secteur.

La réforme de 1993 a eu pour effet de renforcer le poids financier des régions dans le domaine de la formation des jeunes : la part du financement public des organismes de formation par les conseils régionaux est passé de 25 % en 1993 à près de 33 % en 1995.

B. UN ETAT OMNIPRÉSENT DANS LE DOMAINE DE LA FORMATION

L'Etat conserve une place centrale dans le dispositif de formation professionnelle.

Si la région a été dotée en 1983 d'une compétence de " droit commun ", celle-ci n'est pas considérée comme une compétence " exclusive ".

Cette lecture repose sur une interprétation extensive de l'article L. 900-1 du code du travail qui fait de la formation professionnelle " une obligation nationale à laquelle chacun doit contribuer ".

L'article 82-1 de la loi du 7 janvier 1983 a souligné, il est vrai, que les compétences régionales dans le respect des règles (...) figurant dans le code du travail en matière de formation professionnelle ainsi que dans les lois non codifiées relatives auxdites actions ".

Le rapport au Gouvernement 279( * ) de M. Gérard Lindeperg, député de la Loire, illustre bien cette conception relativement restrictive de la décentralisation en matière de formation professionnelle : " En inscrivant le principe d'une compétence de droit commun, le Législateur n'a pas posé de principe d'exclusivité de l'intervention des régions sur les domaines d'intervention transférées, mais un principe d'autonomie politique, administrative et financière sur les actions qu'elles conduisent ".

1. L'Etat conserve en droit et en fait une compétence considérable

Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, la compétence " résiduelle " de l'Etat porte tout d'abord sur les politiques de formation en faveur de certaines catégories de la population (détenus, réfugiés, éducation surveillée, handicapés) correspondant à l'expression d'une solidarité nationale et dont les actions ne relèvent pas d'une région déterminée.

L'Etat demeure compétent en ce qui concerne les actions de portée nationale de formation professionnelle continue ou d'apprentissage.

Par actions de portée nationale, il faut entendre les actions relatives à des stages assurés par un même organisme dans plusieurs régions, soit des formations destinées à des apprentis ou à des stagiaires sans considération d'origine régionale.

Cette définition permet à l'Etat d'inscrire directement des crédits de formation aux budgets des différents ministères qui ne relèveront pas des fonds régionaux de la formation professionnelle et de l'apprentissage. L'instrument principal de gestion de ces crédits et l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) qui comprend près de 200 sites de formation sur tout le territoire et qui est dotée d'un budget de près de 4 milliards de francs.

Compte tenu du poids de l'AFPA mais aussi de l'ANPE, dans le dispositif de formation, l'Etat conserve un levier d'action non négligeable : c'est l'Etat qui procède à l'agrément des stages dont il rémunère les stagiaires suivant une procédure de gestion très centralisée.

L'ASSOCATION NATIONALE POURLA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA)

Créée en 1949, l'AFPA est une association de la loi de 1901 à gestion paritaire (Etat, partenaires sociaux, AFPA) chargée d'une mission de service public par délégation du ministre du travail.

Composante du service public de l'emploi, l'AFPA intervient aux côtés de l'ANPE et des services déconcentrés de l'Etat, pour permettre à des personnes engagées dans la vie active, d'acquérir une qualification, de la maintenir ou de la développer afin de favoriser leur insertion ou leur évolution dans l'emploi en fonction des besoins du marché du travail. Depuis 1994, les relations de l'AFPA avec l'Etat sont régies par un " contrat de progrès ". Le contrat signé pour la période 1999-2003 précise que la mission centrale de l'AFPA est de permettre à des demandeurs d'emploi adultes d'acquérir une qualification favorisant leur insertion dans l'emploi.

L'AFPA est théoriquement gérée par deux organes délibérants, l'assemblée générale et le bureau. Mais comme le rappelle la Cour des comptes, dans son rapport public annuel de 1997, " le président élu par l'assemblée générale a toujours été choisie au sein du collège des représentants de l'administration ; le ministère du travail, chargé de la tutelle de l'AFPA, désigne en fait le directeur général et le fait ensuite agréer par " l'assemblée générale ".

En 1998 le budget de l'AFPA était de 5,44 milliards de francs dont 73 % provenaient d'une subvention de l'Etat. L'AFPA employait 11.397 salariés, répartis sur 190 sites d'information et d'orientation professionnelle et 262 sites de formation. L'AFPA avait procédé à 161.118 actions de formation et avait accueilli 155.000 stagiaires environ.

Enfin, l'Etat conserve également la maîtrise des stages créés en application de programmes établis en fonction des orientations prioritaires de l'Etat définies conformément à la procédure prévue à l'article L. 910-2 du code du travail. Celles-ci sont déterminées par le comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale après consultation des organisations professionnelles et syndicales.

Le Plan national d'action pour l'emploi (PNAE) adopté en 1998 illustre cette notion de programme prioritaire.

La dernière compétence maintenue par la loi à l'Etat porte sur les " études et actions expérimentales nécessaires à la préparation de (ses) actions ainsi que les moyens pour assurer l'information sur les politiques engagées ".

Mais surtout l'Etat conserve par-delà les textes plusieurs attributions essentielles qui lui donne un pouvoir de fait considérable .

C'est lui qui définit le cadre juridique des interventions de la formation professionnelle : les modalités de conventionnement des organismes de formation ou le statut des stagiaires relèvent du pouvoir normatif de l'Etat.

L'Etat reste maître du contenu pédagogique des formations dispensées : il détermine les programmes de formation et gère l'homologation des filières et des diplômes ; il assure le contrôle pédagogique du dispositif.

De surcroît, l'Etat conserve un rôle prépondérant dans la définition des relations avec les partenaires sociaux : les confédérations d'employeurs et les syndicats qui disposent d'une représentation nationale se tournent naturellement vers l'Etat pour la définition des orientations prioritaires.

En matière de contrôle , l'Etat détient une vraie compétence exclusive, qu'il s'agisse du respect par les employeurs de l'obligation de financement du contrôle, des dépenses des organismes collecteurs de fond ou du contrôle pédagogique des organismes de formation.

2. L'Etat a étendu son rôle d'impulsion en sollicitant des financements croisés

Les régions sont sollicitées sur de multiples partenariats qui mobilisent entre le quart et le tiers de leurs ressources 280( * ) .

De multiples instruments sont utilisés dont les deux principaux sont le contrat de plans Etat-région (CEPA) et le programme d'intervention communautaire (PIC). Mais, il est possible de citer également les contrats d'objectifs territoriaux (COT), les conventions tripartites relatives à l'allocation de formation reclassement.

Le rapport Delafosse avait mis l'accent sur le risque de dilution des responsabilités résultant de la multiplication de ces procédures de financement croisé.

3. La région occupe encore une place restreinte dans le système de financement de la formation professionnelle

En 1996, la région n'était que le troisième financeur de la formation professionnelle (13 milliards de francs soit 9,2 %), loin derrière l'Etat qui représentait près de 41 % des dépenses et des entreprises qui financent environ 40 % du dispositif.

FINANCEMENT FINAL DE LA FORMATION

PROFESSIONNELLE EN 1996

(en millions de francs)

 

Insertion des jeunes

Demandeurs d'emploi

Actifs occupés

Total

Etat

7.532

16.553

31.044 (1)

55.129

Régions

8.102

3.309

701

12.112

UNEDIC

-

8.047

-

-

Entreprises

10.732

27

43.617

54.376

Total général (2)

27.324

28.845

79.737

135.906

Source : MES/DARES, compte économique de la formation professionnelle

(1) Il s'agit de la formation allouée aux agents de la fonction publique

(2) y compris les autres collectivités locales

Certes, les régions, depuis la mise en oeuvre de la loi quinquennale qui a étendu leurs compétences en matière de formation des jeunes, ont accru leur part relative dans la structure de la dépense : en 1987, les régions ne représentaient que 6,3 % de la dépense totale et leur budget, qui depuis a quasiment triplé, représentait alors 4,4 milliards de francs.

Il reste que l'Etat conserve la maîtrise de quatre cinquième des crédits publics relatifs à la formation professionnelle. Qui plus est, il apparaît que de 1984 à 1993, soit sur les dix premières années de la décentralisation, l'Etat a multiplié par trois ses crédits d'intervention en faveur des salariés (hors fonction publique) tandis que les régions les doublaient.

Le transfert de compétences est certes bien réel en matière de formation professionnelle mais en ce domaine la décentralisation demeure néanmoins largement inachevée.

III. LA SÉCURITÉ

A. UNE COMPÉTENCE LARGEMENT PARTAGÉE

Les lois de décentralisation n'ont pas modifié la répartition des compétences entre l'Etat et le maire en matière de police générale. Cependant, en prévoyant l'institution de droit du régime de police d'Etat, sur demande du conseil municipal, sous certaines conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, l'article 88 de la loi du 7 janvier 1983 aurait pu aboutir à la généralisation de ce régime. Il n'en fut rien et l'étatisation de la police dans certaines communes n'a pas freiné le développement des polices municipales, dont le statut a été récemment clarifié par le législateur.

Dans ce domaine, comme dans d'autres, les collectivités locales ont dû intervenir, pour faire face aux besoins de la population, en prenant en charge des missions relevant en principe de l'Etat.

1. Un pouvoir étendu du maire en matière de police

a) L'objet de la police municipale

Investi d'une compétence générale de police administrative au niveau communal, le maire doit assurer l'ordre public local. Il est également chargé d'attributions de police en tant qu'agent de l'Etat. Enfin, il est officier de police judiciaire.

En tant qu' autorité de police municipale , le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ( article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales).

L' article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales énonce les buts de la police municipale. Celle-ci doit assurer le bon ordre , la sûreté , la sécurité et la salubrité publiques.

Le même article donne une liste détaillée mais non limitative des matières dans lesquelles ce pouvoir de police municipale s'exerce. Les missions ainsi confiées au maire se caractérisent à la fois par leur diversité et par leur complexité.

Le maire est ainsi chargé de la répression des rixes et disputes, des bruits de voisinage (au titre des atteintes à la tranquillité publique), de la prévention et de la réparation des pollutions de toute nature, ou encore de la sûreté et de la commodité de passage sur les voies publiques.

On sait que ce pouvoir de police, ainsi largement défini, a pu être, dans la période récente, à l'origine d'une mise en cause plus fréquente de la responsabilité personnelle des maires 281( * ) .

Le maire dispose par ailleurs de pouvoirs de police portant sur des objets particuliers (articles L. 2213-1 et suivants du code général des collectivités territoriales), sa compétence pouvant alors être plus strictement limitée. Ainsi, pour la police de la circulation, le maire n'est compétent que sur les voies communales et sur les seules sections des routes nationales et routes départementales, situées à l'intérieur de l'agglomération, sous réserve des pouvoirs dévolus au préfet sur les routes à grande circulation ( article L. 2213-1 ).

Enfin, le maire dispose de pouvoirs de police spéciale , notamment en ce qui concerne la police rurale, qui lui sont confiés par le code rural.

En tant qu'agent de l'Etat , le maire exerce -cette fois sous l' autorité du représentant de l'Etat- une mission d'" exécution des mesures de sûreté générale ".

Enfin, en vertu de l'article 16 du code de procédure pénale, le maire a la qualité d' officier de police judiciaire qu'il tient de droit sans habilitation préalable. A ce titre, il est placé sous la surveillance du procureur de la République.

b) Les limites du pouvoir de police du maire

Les pouvoirs de police du maire sont néanmoins encadrés de plusieurs manières.

Le préfet dispose d'un pouvoir de substitution en vertu de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui l'autorise à prendre pour toutes les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales les mesures nécessaires au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques.

Mais lorsqu'une seule commune est en cause, ce pouvoir ne peut être exercé par le préfet qu'après une mise en demeure du maire restée sans résultat.

Quand le maintien de l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le préfet peut par ailleurs se substituer par arrêté motivé, aux maires des communes concernées pour exercer les pouvoirs de police relatifs à la répression des atteintes à la tranquillité publique et au maintien du bon ordre dans des endroits où il se fait de grands rassemblements de personnes.

Les règlements pris par les autorités supérieures constituent une seconde limite aux pouvoirs du maire en matière de police municipale. Le maire a alors la possibilité de prendre des mesures plus sévères que celles fixées par le règlement (en matière de police de la circulation par exemple).

En revanche, il ne peut prendre des arrêtés assouplissant ces règlements. Les mesures plus restrictives doivent être justifiées par des circonstances particulières de temps et de lieu .

Les pouvoirs de police du maire s'exercent en outre dans le cadre légal sous le contrôle du juge administratif . Ainsi les mesures de police doivent-elles être strictement nécessaires pour assurer l'ordre public mais pas au-delà. Les interdictions générales et absolues sont prohibées. Les mesures en cause doivent respecter le principe d'égalité, les discriminations étant en conséquence illégales. Enfin, le maire ne doit pas commettre de détournement de pouvoir en usant de ses prérogatives dans un but autre que celui en vue duquel elles lui ont été confiées.

Certains régimes spéciaux de police peuvent également limiter les pouvoirs du maire.

Dans les communes dotées d'une police d'Etat, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage, incombe à l'Etat. Celui-ci a également la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d'hommes ( article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales).

Enfin, à Paris, en vertu de l'arrêté des Consuls du 12 Messidor an VIII, la véritable compétence de police appartient au préfet.

La loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 a néanmoins rapproché les compétences du maire de Paris de celles des maires des communes à police étatisée. Lui ont ainsi été dévolues des compétences en matière de salubrité sur la voie publique, de maintien de l'ordre sur les foires et marchés, de gestion et de conservation du domaine ( articles L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales).

Dans les communes des départements de la " petite couronne " parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val de Marne), le préfet, en plus des compétences qui lui sont conférées dans les communes à police étatisée, a la charge de la police de la voie publique sur les routes à grande circulation, y compris en ce qui concerne la liberté et la sûreté.

2. L'affirmation du rôle des polices municipales

a) L'émergence des polices municipales

Les travaux préparatoires de la loi du 15 avril 1999 ont mis en évidence la place croissante des polices municipales, mouvement que n'a pas freiné le processus d'étatisation de la police. 282( * )

En avril 1998, le ministère de l'Intérieur recensait 3030 communes dotées d'une police municipale, employant 13 098 agents . Depuis 1984, le nombre de communes concernées a augmenté de 73 % tandis que le nombre des agents a plus que doublé

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE POLICE MUNICIPALE

Années

1984

1993

1998

1998/1984

Nombre de communes

1 748

2 849

3 030

+ 73 %

Nombre d'agents

5 641

10 977

13 098

+ 132 %

Cependant, les polices municipales présentent une réalité très hétérogène tant par le nombre des agents qu'elles emploient que par les équipements, notamment l'armement, qu'elles utilisent ou par les missions qu'elles remplissent.

Sur l'ensemble des communes dotées d'une police municipale, plus de 1400 communes, soit près de la moitié, ne disposent que d'un seul agent alors que seules 5 communes en ont au moins 100.

Les polices municipales sont principalement implantées dans le sud-est, le sud-ouest, la région parisienne, le nord et l'Est de la France.

Sur les 13 000 agents de police municipale en exercice, 4.946 soit un peu plus du tiers (37,8 %) sont armés , essentiellement avec des armes de la 4ème catégorie, dites armes défensives.

Dans de nombreuses communes, les agents de police municipale se bornent à une simple activité de police administrative effectuée de jour, telle la surveillance des marchés. Dans d'autres communes, ils effectuent de véritables missions de sécurité publique, souvent la nuit, intervenant en complément, et souvent même, à la place, des services de l'Etat.

Ce mouvement de développement des polices municipales n'a pas été freiné par le processus d'étatisation de la police. Sur 686 communes de plus de 10 000 habitants disposant d'une police municipale , 495 communes sont placées sous le régime de la police d'Etat .

L'étatisation de la police : les conditions applicables

La loi du 23 avril 1941 avait fixé à 10 000 habitants le seuil démographique à partir duquel l'étatisation était susceptible d'intervenir.

Le nouveau mouvement impulsé par l'article 88 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, qui aurait pu conduire à la généralisation de la police d'Etat, n'a pas eu de traduction concrète pour des raisons essentiellement budgétaires.

Les principes de l'étatisation sont actuellement fixés par l'article L. 2214-1 du code général des collectivités territoriales issu de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, précisé par le décret n° 96-827 du 16 septembre 1996.

En vertu de ces dispositions, la police d'Etat peut être désormais établie dans les communes dont la population permanente ou saisonnière est supérieure à 20 000 habitants et dont les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones urbaines, les communes de chefs-lieux de département étant en tout état de cause placées sous ce régime.

Dans les communes dotées d'un tel régime, les agents de police de la commune peuvent être intégrés dans les cadres de la police nationale en vertu de l'article L. 412-50 du code des communes. L'article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales transfère à l'Etat la responsabilité en matière d'atteintes à la tranquillité publique, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage, et la charge du bon ordre en cas de grands rassemblements occasionnels.

A l'heure actuelle, la police est étatisée dans 1625 communes regroupant 29 millions d'habitants.

b) Le nouveau cadre juridique issu de la loi du 15 avril 1999

Le statut des policiers municipaux était marqué, avant l'adoption de la loi du 15 avril 1999, par de nombreuses ambiguïtés : leurs compétences légales était très en-deçà de leur rôle réel, leur statut souffrait de très graves insuffisances, notamment en ce qui concerne la formation et l'équipement.

Nouvelle étape dans la démarche qui avait cherché depuis plusieurs années, à mieux préciser le cadre légal de l'intervention de ces polices, la loi du 15 avril 1999 - dont le texte est issu des travaux de la commission mixte paritaire, réunie sous la présidence de M. Jacques Larché - a permis d'opérer un certain nombre de clarifications, non sans aboutir à un encadrement renforcé des polices municipales 283( * ) .

La loi du 15 avril 1999

Une convention de coordination

Présentée comme la pierre angulaire du projet, la convention de coordination, qui associe le maire de la commune et le préfet, a pour objet d'assurer sur le terrain la complémentarité des forces de police municipales et des forces de sécurité dépendant de l'Etat . Elle est obligatoire dans toutes les communes employant au moins cinq agents de police municipale. Elle peut cependant intervenir facultativement, à la demande du maire, dans les communes employant moins de cinq agents. Elle est conclue entre le maire de la commune et le préfet, après avis du procureur de la République. Elle précise la nature et les lieux d'intervention des agents de police municipale et les modalités de la coordination de leur action avec celle de la police et de la gendarmerie nationale.

L'absence de convention de coordination emporte : l'interdiction du travail de nuit des agents, entre 23 H et 6 H , à l'exception des gardes statiques des bâtiments communaux et de la surveillance de fêtes ou manifestations organisées par la commune ; l'impossibilité de l'armement des agents.

Le projet initial prévoyait l'intervention d'un règlement de coordination , conforme à un règlement type approuvé par décret en Conseil d'Etat et pouvant, à défaut d'accord entre le maire et le préfet pendant un délai de six mois, être pris par le préfet seul, après avis du procureur de la République. En retenant le principe d'une convention, la commission mixte paritaire a confirmé la position du Sénat qui avait estimé qu'il était impossible de soumettre une police municipale à un règlement pris sans l'accord du maire employeur.

Le double agrément des agents

La loi prévoit un double agrément des agents. En plus de l'agrément par le procureur de la République qui existait adéjà, les agents devront recevoir l'agrément du préfet avant d'être nommés par le maire et assermentés.

L'agrément pourra être retiré ou suspendu par le préfet ou le procureur de la République, après consultation du maire, ce dernier ayant alors la faculté de proposer un reclassement dans un autre cadre d'emploi, dans les conditions prévues en cas d'inaptitude physique reconnue d'un agent de la fonction publique territoriale.

Une identification commune des tenues et des équipements

La carte professionnelle, la tenue, la signalisation des véhicules et les équipements dont sont dotés les agents de police municipale feront l'objet d'une identification commune de nature à n'entraîner aucune confusion avec ceux utilisés par la police et la gendarmerie nationales. Il est de plus précisé que le port de la carte professionnelle et de la tenue seront obligatoires pendant le service.

L'autorisation d'utilisation en commun occasionnelle des services de police municipale

En cas de manifestation exceptionnelle, à l'occasion d'un afflux important de population ou en cas de catastrophe naturelle, le préfet pourra autoriser les maires de communes limitrophes ou appartenant à une même agglomération à utiliser en commun, pour un délai déterminé , tout ou partie de leurs moyens de police municipale, uniquement pour l'exercice d'activités de police administrative.

La soumission à des règles de déontologie

Un code de déontologie des agents de police municipale sera élaboré par décret, après avis de la commission consultative des polices municipales.

La vérification des services

Des vérifications de l'organisation et du fonctionnement d'un service de police municipale pourront être demandées par le maire, le préfet ou le procureur de la République. Ces vérifications seront décidées par le ministre de l'intérieur, après avis de la commission consultative des polices municipales. Elles seront opérées par les services d'inspection relevant de l'Etat. Les modalités en seront fixées après consultation des maires qui seront destinataires des conclusions, au même titre que le préfet et le procureur de la République.

Des compétences élargies de police judiciaire sous l'autorité fonctionnelle de la hiérarchie judiciaire

La loi n'a pas modifié les dispositions actuelles du premier alinéa de l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales qui charge les agents de police municipale d'exécuter, sous l'autorité du maire, des tâches de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité et de la salubrité publique.

Dans le domaine de la police judiciaire, les agents de police municipale gardent la qualification d'agent de police judiciaire adjoint que leur reconnaît l'article 21 du code de procédure pénale . Mais la loi accroît leurs compétences dans ce domaine et leur donne des moyens juridiques supplémentaires.

Les agents de police municipale resteront, chargés d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire . Des lois spéciales les habilitent en outre à constater certaines infractions (publicité, protection de la nature, pêche).

La loi élargit leurs compétences à la constatation d'infractions au code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat . Ces compétences qui sont, à l'heure actuelle limitées pour l'essentiel à la police du stationnement des véhicules seront donc être étendues à certains aspects de la police de circulation. La loi leur permet en outre de constater des infractions relatives à la conservation du domaine public routier.

Les agents de police municipale ont désormais la possibilité, dans leur domaine de compétences, de dresser de véritables procès verbaux alors qu'ils ne pouvaient auparavant qu'établir des rapports à l'intention du maire.

La loi habilite les agents de police municipale à relever l'identité d'un contrevenant pour dresser les procès verbaux concernant les infractions qu'ils sont habilités à constater. Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, l'agent de police municipale devra en rendre compte immédiatement à un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. Ce dernier pourra alors lui ordonner de lui présenter sur le champ le contrevenant afin de procéder lui-même à une vérification d'identité. A défaut de cet ordre, l'agent de police municipale ne pourra pas retenir ce contrevenant.

La loi ouvre également la possibilité aux agents de police municipale d'effectuer, dans le prolongement des infractions au code de la route qu'ils sont autorisés à verbaliser, une première constatation de l'état alcoolémique d'un contrevenant. Cette constatation s'opère par analyse de l'air expiré à l'aide d'un éthylotest. Si le test révèle une présomption d'alcoolémie ou si le contrevenant refuse de s'y soumettre, l'agent de police municipale doit en référer à un officier de police judiciaire selon une procédure transposée de celle applicable en matière de relevé d'identité. Cet officier fera lui-même procéder aux vérifications et constatations légales.

Les policiers municipaux doivent rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent de toute infraction dont ils ont eu connaissance.

Concernant les contraventions qu'ils sont autorisés à verbaliser, leurs procès-verbaux doivent être adressés simultanément au maire et, par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire, au procureur de la République.

La reconnaissance législative de la qualité d'agent de la fonction publique territoriale

Les agents de police municipale sont des fonctionnaires territoriaux recrutés dans le cadre d'un statut particulier, ce qui avait été jusqu'à présent admis implicitement. Le cadre d'emploi des agents de police municipale est un cadre d'emploi de catégorie C faisant l'objet d'un statut particulier établi par le décret n° 94-732 du 24 août 1994. Lors des débats, le ministre s'est engagé à prévoir la création un cadre d'emploi de catégorie B pour les personnels d'encadrement.

Une amélioration du statut

La loi institue une formation continue obligatoire des agents de police municipale. Cette formation sera assurée par le Centre national de la fonction publique territoriale, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. Elle sera financée par une redevance pour prestations de service, versée par les communes concernées. La loi étend aux agents de police municipale les dispositions en matière de pensions de réversion applicables aux policiers nationaux, aux pompiers et aux gendarmes.

La création d'une commission consultative des polices municipales

Créée auprès du ministre de l'intérieur, cette commission consultative des polices municipales est composée pour un tiers de représentants des maires de communes employant des agents de police municipale, pour un tiers de représentants de l'Etat, et, pour le dernier tiers, de représentants des policiers municipaux, choisis par les organisations syndicales représentatives de fonctionnaires territoriaux. Cette commission est présidée par un maire qui a voix prépondérante en cas de partage.

Elle devra donner son avis sur les normes techniques qui doivent être arrêtées en matière d'équipements des polices municipales et sur le code de déontologie des agents de police municipale ainsi qu'en matière de demande de vérification d'un service de police municipale

L'armement des agents de police municipale

Avant la loi du 15 avril 1999, les conditions d'armement des agents de police municipale étaient prévues au plan réglementaire par le décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l'application du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions.

L'article 25 du décret du 6 mai 1995 prévoyait que les fonctionnaires et agents des administrations publiques chargées d'un service de police ou de répression sont autorisés, après simple visa du préfet, à détenir et à acquérir la plus grande partie des armes individuelles de première catégorie, (armes de guerre), les armes de quatrième catégorie (armes à feu d'autodéfense et leurs munitions), et de sixième catégorie (armes blanches), catégorie d'armes dont la détention est libre d'une manière générale. En outre, les administrations ou services publics peuvent acquérir ces mêmes armes en vue de leur remise aux agents précités.

Quant à l'article 58 de ce décret, il autorisait ces mêmes fonctionnaires à porter ces catégories d'armes dans l'exercice de leurs fonctions. Il revenait néanmoins au maire de décider d'armer ou non les agents placés sous son autorité en fonction des missions qu'il leur confie. Dans la majeure partie des cas, les maires ont opéré ce choix lorsqu'ils assignent aux policiers municipaux des missions les exposant à des risques (îlotages, rondes nocturnes sur la voie publique, notamment).

Cette liberté laissée aux maires a pour contrepartie la responsabilité applicable à la commune dans le cas où les policiers municipaux disposent d'un armement.

Le procureur de la République pouvait, par ailleurs, à tout moment retirer son agrément à des agents de police municipale, leur interdisant ainsi d'exercer leurs fonctions et donc d'être dotés d'une arme.

Les maires ont, dans l'ensemble, usé avec discernement de cette prérogative. Sur les 13 000 agents de police municipale en exercice seulement 37,7 % (soit 4 946 agents en avril 1998) sont armés. Certaines grandes villes (Lyon, par exemple) n'ont pas jugé nécessaire d'armer leur police municipale. D'autres n'ont prévu l'armement que d'une petite partie de leurs policiers municipaux (10 sur 205 agents à Marseille).

Leur armement est pour l'essentiel constitué d'armes de la 4ème catégorie, dites armes défensives . Quelques communes ont préféré doter leurs agents d'armes de 6ème catégorie, dites armes blanches mais on compte également 239 armes de 1ère catégorie.

La loi pose le principe d'un armement sous conditions des agents.

Des autorisations nominatives pourront être accordées aux agents par le préfet, sur demande motivée du maire, lorsque la nature des interventions et les circonstances le justifieront, et sous réserve de l'existence d'une convention de coordination.

Les circonstances et les conditions dans lesquelles un agent pourra porter une arme, de même que la catégorie et le type d'armes qui seront autorisées, ainsi que les conditions de leur acquisition et de leur détention par les communes sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. Le même décret précise les modalités de la formation des agents destinés à porter une arme.

B. LES LIMITES ACTUELLES DE LA POLITIQUE DE PROXIMITE

Depuis quelques années, en outre, dans la lignée des réflexions menées dans le cadre du colloque de Villepinte, le Gouvernement a affirmé sa volonté de privilégier une politique de proximité.

Devant votre mission d'information, M. Patrice Bergougnoux, directeur général de la police nationale, a indiqué que la police de proximité avait pour objet d'organiser les services de police selon le principe de territorialisation autour de territoires bien identifiés. Elle a été mise en oeuvre à partir d'avril 1999, dans une première phase, à la préfecture de police et sur cinq sites pilotes. Cette expérimentation a été étendue à 62 autres sites à l'automne 1999. Au total, elle concerne 2 millions d'habitants dans 37 départements hors Paris. La généralisation de la police de proximité devait concerner en juin 2000, 63 circonscriptions entières de police, soit 10 millions d'habitants, en priorité dans les zones couvertes par un contrat local de sécurité. Une deuxième phase sera lancée en octobre 2000, puis une troisième phase en juin 2001.

Cependant, les conditions de mise en oeuvre de cette politique suscite de nombreuses interrogations , soulignées par le Sénat notamment dans le cadre de l'examen des crédits affectés à la sécurité dans le projet de loi de finances. 284( * )

1. Des mesures marquées par de nombreuses incertitudes

a) Les contrats locaux de sécurité

Votre rapporteur a précédemment souligné les insuffisances qui affectaient le dispositif des contrats locaux de sécurité, illustrant ainsi les ambiguïtés des politiques contractuelles que l'Etat engage avec les collectivités locales 285( * ) .

On rappellera que ces contrats ont été prévus par une circulaire interministérielle du 28 octobre 1997. Ils ont pour objet de mobiliser tous les partenaires publics et tous les acteurs sociaux dans la mise en oeuvre au plan local d'un dispositif préventif et répressif de lutte contre l'insécurité. Leur mise en oeuvre a fait l'objet d'une nouvelle circulaire interministérielle en date du 7 juin 1999.

Les contrats locaux de sécurité sont cosignés par le préfet, le procureur de la République et le ou les maires concernés. Ils associent, outre les services de l'Etat, des partenaires privés tels les bailleurs sociaux, les sociétés de transport en commun, les organismes consulaires ou des associations.

Au 1 er octobre 1999 , 292 contrats avaient été signés. Une dizaine de contrats avaient également été signés par le président du conseil régional, 38 par le président d'un conseil général et 136 par le recteur ou l'inspecteur d'académie. Certains bailleurs sociaux, des sociétés de transport urbains ou encore des organismes consulaires ont signé de tels contrats au lieu d'y être simplement associés. Huit contrats thématiques concernent les transports publics notamment à Lille. Etaient en cours d'élaboration à cette même date, 431 autres contrats, dont 85 contrats intercommunaux et 5 spécifiques aux transports publics.

Devant votre mission d'information, M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale, a indiqué que la gendarmerie prenait part à un tiers des contrats locaux de sécurité, pour un tiers dans les zones où la gendarmerie est seule intéressée et pour les deux tiers dans les zones partagées avec la police nationale, en particulier en milieu suburbain. Il a relevé le risque de confusion des rôles et des responsabilités.

Les contrats locaux de sécurité doivent déterminer des objectifs à atteindre et des actions à engager sur la base d'un diagnostic territorial de sécurité.

Les actions prévues dans ce cadre ont principalement concerné le développement de l'îlotage, l'amélioration de l'accueil du public et l'assistance aux victimes.

Le caractère trop sommaire des diagnostics locaux de sécurité a été souligné, au mois d'octobre 1998, par une mission interministérielle d'évaluation des contrats. Cette évaluation a mis en évidence que l'urgence de la signature du contrat a été parfois plus importante que le diagnostic et le contrat lui-même. Elle a également relevé la réticence de certains maires ainsi que l'insuffisante concertation des services de l'Etat avec les conseils généraux.

En outre, les contrats locaux de sécurité s'insèrent dans un dispositif institutionnel trop complexe.

La circulaire du 7 juin 1999 a cherché à opérer un certain nombre de clarifications, notamment quant au lien entre les contrats locaux de sécurité et les conseils communaux et départementaux de prévention de la délinquance.

Elle recommande la création de tels conseils là où ils n'existent pas pour assurer le suivi local des contrats et prévoit d'en élargir la composition aux différents partenaires concernés.

Elle précise par ailleurs l'articulation des contrats avec la politique de la ville. Le contrat local de sécurité doit constituer la convention thématique du contrat consacré à la sécurité et se substituer aux contrats d'action de prévention pour la sécurité dans la ville, lorsqu'ils existent.

Une cellule nationale d'animation et de suivi des contrats locaux et de sécurité a été mise en place au ministère de l'intérieur au printemps 1999.

b) Les emplois de proximité

Devant votre mission d'information, M. Patrice Bergougnoux, directeur général de la police nationale, a indiqué que 14 072 postes d'adjoints de sécurité avaient été ouverts au 1 er mars 2000, dont 1 280 en cours de formation et que 8 200 agents locaux de médiation sociale avaient été mis en place à la fin de 1999, dont 5 760 dans les départements très sensibles.

Les conditions de mise en place de ces emplois suscitent de nombreuses inquiétudes dont votre commission des Lois s'est fait l'écho lors de l'examen des crédits du ministère de l'intérieur pour 2000. 286( * )

Les adjoints de sécurité

Le statut des adjoints de sécurité - qui relèvent des " emplois-jeunes " - a été précisé par un décret du 30 octobre 1997. Agés de 18 à 25 ans , ils sont engagés pour cinq ans , sur la base d'un contrat de droit public . Leur mission est de faire face à des besoins qui ne sont pas satisfaits dans le domaine de la prévention, de l'assistance et du soutien, en particulier dans les quartiers les plus sensibles. Ils ne peuvent participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre. Ils peuvent porter une arme lorsque leur mission le justifient.

Le recrutement a lieu dans un cadre départemental, après une sélection opérée à partir de tests psychologiques et d'un entretien. Aucun diplôme n'est exigé.

Une formation initiale d'une durée de 10 semaines - contre 8 semaines prévues initialement - est délivrée aux intéressés. Elle comprend une partie théorique en école d'une durée de 8 semaines et un stage de deux semaines dans un service. Un tuteur les prend en charge.

Les adjoins de sécurité sont rémunérés au SMIC sur la base de 169 heures de travail mensuelles.

En pratique, ils ont été affectés majoritairement à des tâches d' îlotage et d' accueil dans les commissariats. Ils sont le plus souvent dotés d'une arme .

Des difficultés de recrutement sont apparues. En outre, un déficit de candidatures a été observé en région parisienne. Une mission d'inspection commune de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale de la police nationale a souligné l'absence d'un encadrement suffisant , le manque de formation spécifique des tuteurs des adjoints et la déficience de la formation des adjoints eux-mêmes.

Les agents locaux de médiation sociale

Recrutés pour cinq ans et sur la base d'un contrat de droit privé , dans le cadre des dispositions de l'article premier de la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, les agents locaux de médiation sociale doivent remplir des missions de prévention, périphériques de la sécurité publique au sens strict.

Ils sont mis en place dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Le coût de leur rémunération est réparti entre l'employeur (20%) et le ministère de l'emploi (80%).

Ces agents sont principalement employés par des communes mais aussi par d'autres personnes morales chargés d'une mission de service public, notamment des sociétés HLM ou des entreprises de transport public.

Les agents exercent en pratique des missions très variées, tels que le service de nuit dans les logements sociaux, la surveillance dans les transports en commun, aux abords des établissements scolaires ou des espaces verts, l'accueil des victimes, la médiation sociale ou encore la prévention de la toxicomanie.

Des difficultés sont apparues dans l'encadrement et la formation de ces agents, les collectivités étant souvent démunies de cadres pouvant assumer ces missions.

c) Les difficultés rencontrées dans le redéploiement des personnels vers les zones sensibles

Une politique de proximité efficace suppose des moyens importants en personnels placés au contact des populations . Or les effectifs de police, bien que stables depuis 1995, sont lourdement grevés par les vacances de postes résultant du temps de formation des agents appelés à remplacer les nombreux personnels partant en retraite 287( * ) . Il ne serait pas acceptable que, du fait de ces départs à la retraite, la sécurité de nos concitoyens repose sur des emplois-jeunes inexpérimentés, peu formés et recrutés dans des conditions qui ne garantissent pas la qualité de leur action. En outre, accaparés par des tâches administratives, des gardes statiques ou des tâches " indues ", trop de policiers ne sont pas sur le terrain.

Une bonne répartition des effectifs de police et de gendarmerie sur le territoire constitue par ailleurs, une condition indispensable pour assurer l'efficacité des politiques de sécurité publique.

Devant votre mission d'information, notre collègue Jean-Jacques Hyest, coauteur avec M. Roland Carraz du rapport " une meilleure répartition des effectifs de police et de gendarmerie pour une meilleure sécurité publique ", a souligné le paradoxe existant entre la dotation élevée en personnels de sécurité et le développement de la délinquance, l'accroissement des inégalités territoriales et le très fort sentiment d'insécurité éprouvé par nos concitoyens. Il a fait observer que le découpage des circonscriptions de police remontait à 1941 et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une révision alors que 80% des français vivaient désormais dans des zones urbaines et périurbaines.

A la suite du rapport précité, le Gouvernement avait retenu, lors du conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1998, le principe d'un redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie qui aurait permis d'affecter un plus grand nombre de policiers et de gendarmes dans les zones sensibles. Ce plan aurait abouti à la fermeture de 94 commissariats.

Le projet global de redéploiement a, en définitive, été abandonné par le Premier ministre le 20 janvier 1999, après que des oppositions se furent exprimées tant de la part des élus concernés que des personnels. Une concertation au cas par cas avec les élus a été privilégiée.

2. Un fort sentiment d'insécurité

Ces incertitudes affectant la politique de proximité en matière de sécurité s'inscrivent dans un contexte marqué par la détérioration des statistiques de la délinquance et de la criminalité et par une aggravation de la délinquance de proximité.

a) Une croissance globale des infractions

Inversant la tendance qui avait été enregistrée les trois années précédentes, l'année 1998 a été marquée par une détérioration de ces statistiques.

3 565 525 crimes et délits ont été recensés, soit environ 72 000 de plus que l'année précédente. Les vols représentent plus de 64% de la criminalité. La délinquance dite de voie publique représente plus de la moitié (54,9%) de la délinquance enregistrée.

Quatre régions (Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais) concentrent plus de la moitié (55,11%) des crimes et délits constatés en France métropolitaine.

Les statistiques restaient orientées à la hausse au premier semestre de 1999 (+ 2% au niveau national, +3,9% à Paris).

M. Patrice Bergougnoux, directeur général de la police nationale, a observé, lors de son audition par votre mission d'information, une stabilisation de l'évolution de la délinquance à partir du deuxième semestre de 1999. Il a relevé que cette stabilisation correspondait à la phase de mise en oeuvre de la police de proximité et y a vu un signe encourageant pour poursuivre et généraliser la réforme.

b) Une aggravation de l'insécurité quotidienne

En tout état de cause, les statistiques officielles ne permettent pas de retracer véritablement l'insécurité réellement subie ou perçue par les citoyens dans leur vie quotidienne. Elles ne recensent, en effet, que les faits signalés par leurs victimes. Or trop souvent, les victimes d'infractions sont dissuadées de porter plainte.

Les taux d'élucidation des infractions de proximité restent particulièrement faibles : 13% pour les vols, moins de 10% pour l'ensemble de la délinquance de voie publique (contre 85% pour les homicides et en moyenne 28,66% pour l'ensemble des infractions).

En outre, 80% des affaires élucidées dans ces matières sont classées sans suite par les parquets, faute de moyens adéquats pour les traiter. Il y a donc là une rupture de la chaîne répressive que ne peut suffire à justifier l'encombrement des tribunaux.

Depuis plusieurs années, l'apparition de comportements provocants, dits " incivilités ", susceptibles d'être réprimés par une contravention, sont difficilement ressentis par la population.

Au total, l'enquête de " victimisation " menée par l'Institut des hautes études de sécurité intérieure en association avec l'INSEE, a mis en évidence, en octobre dernier, que les faits de délinquance commis en 1998 seraient cinq fois supérieurs à ceux des statistiques officielles.

Ce constat inquiétant doit être complété par l'aggravation de la violence de proximité. Depuis 1988, les dégradations et les coups et blessures volontaires ont plus que doublé. Les vols avec violence ont pour leur part progressé de 75%.

En 1998, le service des renseignements généraux a recensé 26 000 faits de violence urbaine , soit 10 000 de plus qu'en 1997. La moitié de ces faits ont porté sur des incendies de biens (8 000 voitures en ont été victimes).

La croissance de la violence dans les transports en commun constitue un phénomène particulièrement préoccupant. Elle affecte la vie quotidienne des agents et des usagers.

Enfin, la délinquance des mineurs continue de progresser de manière préoccupante. En 1998, le nombre de mineurs impliqués dans des crimes ou des délits a atteint 171 787, soit une hausse de 11,23%. Ils représentent 60% des personnes mises en cause pour des vols de deux roues à moteur et 34,11% sur l'ensemble des vols. Ils sont également plus fréquemment responsables de la délinquance de voie publique (36% de l'ensemble des faits recensés).

IV. L'ÉDUCATION

L'histoire de l'enseignement en France prend un tournant idéologique, décisif pour son organisation, quand, à la fin du XVIII e siècle, les philosophes militent pour que sa responsabilité soit confiée à l'Etat. C'est chose faite, dans les principes, sous la Révolution. Puis l'Empire donne en droit à l'Université le monopole de l'enseignement, mais dans la pratique l'enseignement primaire est laissé à l'Eglise. A partir de 1830, sous l'influence d'une opinion plus libérale, on admet que l'initiative de l'Etat s'accommode bien de la liberté de l'enseignement. Ce principe trouve sa traduction dans la loi Falloux de 1850 pour l'enseignement secondaire, qui instaure la possibilité pour les communes et les départements de financer jusqu'à 10 % du budget des écoles privées. Cette liberté sera par la suite étendue progressivement à l'ensemble de l'enseignement. Cette évolution est capitale, car c'est par ce premier biais que les collectivités locales font leur entrée dans le champ de la compétence scolaire.

Plus tard, la III e République organise un enseignement primaire étatique remarquablement efficace et remarquablement centralisé et renforce la séparation entre enseignement public d'Etat et enseignement privé. Il faut attendre les années cinquante pour que cette séparation s'atténue avec l'octroi d'aides financières à tout enfant d'âge scolaire inscrit dans l'enseignement public ou privé (loi Marie et Barangé) puis avec le principe de la participation de l'Etat au financement de l'enseignement privé (loi Debré du 31 décembre 1959).

Tout au long du XX e siècle, la sécularisation et la démocratisation de l'enseignement public ont renforcé la place primordiale de l'Etat central dans l'organisation de l'enseignement même si les collectivités locales étaient déjà associées pour la construction et l'entretien des bâtiments et le logement des enseignants (écoles communales et logement des instituteurs depuis 1886). En 1980, les collectivités locales assument déjà 14,5 % des dépenses totales d'éducation (locaux, personnels de service, crédits de fonctionnement, activités périscolaires). On comprend donc qu'à la veille des grandes lois de décentralisation, les collectivités locales avaient une vraie légitimité à demander que soit partagée la responsabilité de l'enseignement.

En 1983, deux traits principaux et opposés caractérisent l'Education nationale.

1. C'est une institution républicaine, héritière des idées de la Révolution reprises dans le préambule de la Constitution de 1946 ( " L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat " ) et partant plus liée au pouvoir central que partout ailleurs en Europe.

2. Qu'il s'agisse d'enseignement public ou privé, les collectivités territoriales apportent déjà une participation financière, ce qui justifie parfaitement leur aspiration à prendre des responsabilités plus grandes, sous l'effet du puissant mouvement de décentralisation mis en branle dans les autres secteurs.

C'est pourquoi, soucieux de respecter les grands principes constitutionnels, le législateur préférera conserver à l'Etat sa fonction d'organisation du service public de l'enseignement et cédant au poids des traditions et de l'Histoire, il parviendra à un équilibre délicat qui relève plus du partage que du transfert de compétences. Il est clair que l'Etat a gardé toutes les fonctions importantes de la politique éducative en transférant seulement aux collectivités locales les charges des dépenses d'investissement, d'équipement et de fonctionnement qu'il avait du mal à assumer.

A. LE PARTAGE DES COMPÉTENCES

L'idée était d'améliorer le service public en créant un cadre nouveau permettant une participation directe des divers interlocuteurs en partageant les compétences entre l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements secondaires et en organisant une véritable concertation entre le service public, ses acteurs et ses bénéficiaires.

Le primat de l'Etat en matière pédagogique est aussitôt réaffirmé ainsi que la responsabilité des communes dans le domaine de l'équipement et de l'entretien des écoles primaires. Le département obtient la charge des collèges et la région celle des lycées ; l'Etat conserve les universités.

D'autre part, les collectivités territoriales se voient confier des attributions nouvelles en matière de planification scolaire (définition des besoins de formation, fixation des investissements à réaliser et localisation des établissements), de construction et de gestion des établissements et de participation au fonctionnement du système éducatif (présence reconnue des élus locaux au sein des instances consultatives départementales et académiques, ainsi que dans les conseils d'administration des établissements d'enseignement). Enfin, en conférant aux établissements d'enseignement le statut d'établissement public local, la loi organise d'étroites relations entre ces établissements et les institutions locales.

1. L'organisation institutionnelle

a) Le champ d'application des transferts de compétences

La construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des établissements scolaires du premier et du second degré relèvent désormais de la compétence des collectivités territoriales . Le transfert s'applique aussi bien aux établissements scolaires construits après le transfert qu'à ceux existant lors du transfert.

Comme il a été dit, la répartition des compétences est organisée selon un principe en apparence simple qui confie aux communes la responsabilité des écoles (ce n'est qu'une confirmation), aux départements celle des collèges et aux régions celle des lycées et établissements de même niveau.

Le patrimoine concerné comprenait le jour du transfert (1 er janvier 1986) 7.319 établissements du second degré, soit près de 30.000 bâtiments principaux accueillant environ 4,4 millions d'élèves.

Il faut noter que les établissements privés sous contrat sont également concernés par le transfert de compétences, puisque les régions et les départements participent désormais à la prise en charge des dépenses de fonctionnement pour les élèves de ces établissements.

b) Les nouvelles règles de planification et de programmation des équipements scolaires

Premièrement, la région a compétence pour déterminer le schéma régional des formations qui définit, à un horizon donné, les besoins qualitatif et quantitatif de formation qui peuvent être satisfaits par les collèges, les lycées et les autres établissements visés par la réforme. La région arrête ce schéma en tenant compte des orientations fixées par le Plan après accord des départements et avant transmission au représentant de l'Etat.

En second lieu, la région et le département arrêtent les programmes prévisionnels d'investissement. Etablis pour les collèges par les départements, pour les lycées et les autres établissements de même niveau par la région, ces programmes assurent la mise en oeuvre du schéma prévisionnel des formations (localisation des établissements, capacité d'accueil, mode d'hébergement des élèves). Ils sont arrêtés, après accord de chacune des collectivités concernées, par les projets situés sur son territoire.

Partant de ces programmes, le préfet arrête, sur proposition de l'autorité académique, la liste des opérations que l'Etat s'engage à pourvoir en postes.

c) Le régime des établissements publics locaux d'enseignement
(1) Un nouveau statut

Les établissements d'enseignement sont devenus des établissements publics locaux sans que toutefois lycées et collèges soient soumis au droit commun des établissements publics locaux. Les EPLE ont donc un régime juridique complexe . Seuls les actes du conseil d'administration et du chef d'établissement relatifs au contenu et à l'organisation de l'action éducative sont soumis à un relatif régime d'autonomie. Ils sont exécutés quinze jours après leur transmission à l'autorité académique, sous réserve toutefois que cette autorité, dans ce délai, n'en ait pas demandé l'annulation.

Le régime des actes budgétaires est particulièrement lourd et se rapproche de celui des collectivités décentralisées, mais les EPLE sont soumis à un triple contrôle, celui de la préfecture, celui de la collectivité locale de rattachement et celui de l'autorité académique. Cette situation a d'ailleurs soulevé de nombreuses critiques.

(2) Une ouverture sur l'extérieur

D'autre part, la loi du 22 juillet 1983 ouvre aux maires la possibilité d'utiliser les locaux scolaires implantés sur sa commune sous la responsabilité et après avis du conseil d'administration et accord de la collectivité propriétaire. De plus, les collectivités peuvent organiser dans les établissements scolaires, pendant les heures d'ouverture et avec l'accord des instances et autorités responsables, des activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires. Ces activités doivent s'inscrire dans le prolongement de la mission publique d'éducation.

Autre nouveauté apportée par la décentralisation : le maire peut, après avis de l'autorité scolaire responsable, modifier les heures d'entrée et de sortie des établissements pour tenir compte des circonstances locales.

d) Les prérogatives conservées par l'Etat
(1) Prérogatives de l'Etat et moyens de contrôle

L'Etat continue à définir les objectifs généraux de la politique d'éducation . Il conserve la responsabilité de la définition des orientations pédagogiques , des contenus d'enseignement et des diplômes qui sanctionnent les formations ainsi dispensées. L'Etat conserve la gestion des personnels (recrutement, formation, rémunération).

L'Etat fixe la structure pédagogique générale des établissements. Chaque année, l'autorité académique définit les différentes formations dispensées dans les lycées et collèges (mais les établissements peuvent aussi faire des propositions). La fixation de la structure pédagogique doit tenir compte du schéma prévisionnel des formations et elle agit forcément sur les objectifs programmés par les collectivités en matière de structure, localisation et configuration des bâtiments scolaires.

D'autre part, il incombe à l'Etat de fixer la liste annuelle des opérations de construction ou d'extension des établissements. L'inscription sur la liste ne restreint pas théoriquement le pouvoir des collectivités de décider des investissements à engager : en revanche, elle conditionne le financement des opérations de construction ou d'extension par les dotations spécifiques versées aux collectivités en vue de compenser le transfert des dépenses d'investissement en matière scolaire : dotation régionale d'équipement scolaire pour les régions, dotation départementale d'équipement des collèges pour les départements. La liste annuelle doit tenir compte des programmes prévisionnels et ne peut prévoir d'opérations non décidées par les collectivités locales.

Il ressort pourtant de ce mécanisme que l'Etat s'est donné les moyens de peser financièrement sur l'exercice des compétences transférées.

(2) Mise en place d'instances de concertation territoriale

L'association des représentants des collectivités au fonctionnement du service public de l'Education se réalise, en dehors du conseil d'administration des EPLE, dans le cadre des conseils de l'Education nationale du département et de l'académie , institués par l'article 12 de la loi du 12 juillet 1983, en remplacement des organismes consultatifs compétents en matière scolaire.

Ces conseils sont présidés par le représentant de l'Etat, du département ou de la région selon que les questions examinées sont de la compétence de l'Etat ou d'une des collectivités locales. Ils se réunissent au moins deux fois par an. Ces instances consultatives dont le fonctionnement est lourd et complexe sont malgré tout conçues comme le pivot de la concertation et du partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales.

2. L'organisation financière

L'enseignement fait l'objet d'un financement partagé entre l'Etat et les collectivités territoriales.

a) Un financement partagé

Les dépenses d'équipement relatives aux établissements publics d'enseignement sont entièrement supportées par les collectivités territoriales en ce qui concerne les investissements lourds.

L'Etat prend à sa charge les dépenses relatives au premier équipement en matériel réalisées dans le cadre d'un programme d'intérêt national correspondant à l'introduction de nouvelles technologies ou à la fourniture de matériels spécialisés (informatique, bureautique, télématique).

Pour les dépenses de fonctionnement, l'Etat reste la principale source de financement puisqu'il supporte la rémunération des personnels et les dépenses de fonctionnement pédagogique des établissements (manuels scolaires, maintenance du matériel acquis par l'Etat).

De plus, l'Etat supporte 80 % du forfait d'internat des établissements privés sous contrat.

b) Des mécanismes spécifiques de compensation.
(1) Compensation des charges de fonctionnement.

Le transfert de compétences dans le domaine du fonctionnement des établissements scolaires a entraîné l'attribution d'une part supplémentaire de dotation générale de décentralisation.

(2) Compensation des charges d'équipement.

Dans le domaine de l'investissement, il s'agit de dotations spécifiques : la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES) et la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC). Ces crédits ne peuvent être utilisés à des opérations de création ou d'extension d'établissement qu'à condition que celles-ci figurent sur la liste annuelle d'opérations arrêtée par le préfet de région.

Les modalités de répartition annuelle des dotations entre les collectivités sont assez complexes. La DRES est ventilée entre les régions au moyen de critères statistiques prenant en compte l'existant (superficie des bâtiments, effectifs scolarisés, prévisions démographiques).

La DDEC est d'abord scindée en enveloppes régionales en fonction des mêmes critères ; ces enveloppes sont ensuite distribuées entre les départements d'une même région par la conférence des présidents des conseils généraux.

c) Financements conjoints entre collectivités de niveaux différents.

Les lois de décentralisation prévoient différentes possibilités, pour les collectivités territoriales, de participer au financement d'établissements ne relevant pas de leur compétence directe. Dans tous les cas, la participation doit être fixée par convention entre les collectivités concernées ; à défaut d'accord, le représentant de l'Etat a la possibilité de trancher.

Pour les élèves fréquentant un établissement et résidant dans une autre collectivité de rattachement, des mécanismes de répartition intercommunale, interdépartementale et interrégionale des charges de fonctionnement ont été prévus. Pour les cités scolaires ou les établissements regroupant collège et lycée, une convention s'impose entre collectivités de rattachement pour la répartition de l'ensemble des charges.

En outre, une procédure d'appel de responsabilité a été instituée pour permettre à une commune de se substituer à la région ou au département pour assumer la responsabilité soit d'une opération d'investissement concernant un lycée ou un collège soit des dépenses de fonctionnement d'un ou plusieurs établissements.

3. La prise en charge par les collectivites de leurs nouvelles competences.

a) Transferts et mises à disposition de personnels.
(1) Les principes.

La loi du 22 juillet 1983 met à la charge de l'Etat tous les frais de personnel , ce qui entraîne que sont exclus du transfert les personnels enseignants et les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service (ATOS) qui sont pourtant, à titre principal, chargés d'une tâche incombant aux collectivités, à savoir le fonctionnement courant des établissements.

En outre, la situation des personnels des services déconcentrés dits académiques est encore plus complexe : ils continuent à travailler dans les cadres hiérarchiques des rectorats et des inspections d'académie. Les personnels, comme l'administration centrale, restent réticents à l'égard d'un transfert.

(2) Des transferts limités.

L'Etat s'est refusé à transférer les personnels des services du ministère où étaient exercées auparavant la plupart des compétences elles-mêmes transférées. En contrepartie, le recrutement par les collectivités territoriales de personnels de l'Education nationale a été fréquent.

(3) Une collaboration étroite entre services académiques et collectivités territoriales.

La plupart des collectivités recourent ponctuellement à l'aide des services déconcentrés de l'Education nationale.

b) L'organisation des services locaux

Les collectivités se sont progressivement dotées de services scolaires : on assiste à une croissance régulière du nombre d'agents affectés à la gestion des nouvelles compétences. D'une manière générale, la prise en charge par les collectivités territoriales de leurs nouvelles compétences a été rendue plus difficile par les hésitations concernant les mises à disposition des services de l'Etat et les transferts de personnels , mais aucun transfert en provenance des services de l'Education n'ayant en définitive eu lieu, les collectivités ont dû se doter de services scolaires parfois mal adaptés.

B. UN BILAN SATISFAISANT MALGRÉ DES INSUFFISANCES

1. Les insuffisances de la programmation

Grâce aux schémas prévisionnels des formations , les régions détiennent un rôle prépondérant en matière de planification scolaire.

Les programmes prévisionnels d'investissement (PPI) assurent la mise en oeuvre des orientations du schéma prévisionnel des formations et définissent, à l'horizon choisi par la région ou le département, la localisation des établissements, leur capacité d'accueil et le mode d'hébergement des élèves.

Le concours apporté par les services académiques aux collectivités a été assez important dans le domaine des schémas prévisionnels. S'agissant des PPI, la participation des rectorats a été très variable.

Il en résulte de grandes disparités d'une région à l'autre et surtout de grandes différences d'appréciation dans l'analyse des perspectives en matière d'effectifs scolaires entre la collectivité et le rectorat.

La fonction de régulation en matière de programmation scolaire relève du préfet de région qui, en établissant sur proposition du recteur la liste annuelle des opérations, a le pouvoir non de restreindre directement l'action des collectivités territoriales mais de déterminer quelles opérations bénéficient de la DRES ou de la DDEC. Cette procédure n'est pas toujours appliquée. Souvent les collectivités financent leurs dépenses au-delà des dotations de compensation sur leurs ressources propres . La régulation ne peut alors pas fonctionner.

2. Des financements multiples

a) Les contributions des communes

L'application de la loi prévoit la participation des communes au financement des collèges publics.

Les départements définissent le taux de participation des communes puis le produit attendu est réparti au prorata du nombre d'élèves de chaque commune fréquentant le collège et en fonction de leur potentiel fiscal.

Ce dispositif fixait l'extinction de la participation communale au 31 décembre 1994 avec possibilité pour les conseils généraux de la réduire progressivement ou même de la supprimer dès 1990.

Quant à la participation des communes à l'investissement des collèges, elle a pu se poursuivre jusqu'en 1999 (avec possibilité d'extinction anticipée).

En outre, les communes sont fréquemment sollicitées pour apporter le terrain lors du financement d'une construction scolaire.

b) Les concours de l'Etat

La compensation des charges transférées en matière de fonctionnement des établissements publics locaux d'enseignement s'effectue dans le cadre de la dotation générale de décentralisation. S'agissant des dépenses d'investissement, on a vu qu'il y avait deux dotations, la DDEC et la DRES. La DGD a augmenté de plus de 30 % de 1983 à 1993 ; la DDEC a quadruplé et la DRES plus que triplé pendant la même période.

En outre, l'Etat, à la suite de différents plans d'urgence (le dernier est de l'automne 1998), a été amené à verser des subventions exceptionnelles (plus de 4 milliards en 1988 et 1993 et 1,6 milliard entre 1994 et 1996).

Le dispositif de compensation financière spécifique à la décentralisation scolaire n'a pas permis de couvrir les dépenses effectivement engagées par les collectivités locales. Le taux de couverture est ainsi apparu très insuffisant (exemple : taux de couverture de la DDEC en 1993 : 14,38 %).

3. Le remarquable effort des collectivités locales

La contribution des conseils généraux aux budgets de fonctionnement des collèges est passée de 3,1 milliards en 1986 à 4,6 milliards en 1990, puis à 5,3 milliards en 1992. Les régions, de leur côté, ont dépensé 4 milliards de francs pour les dépenses de fonctionnement des lycées en 1992 contre 2,4 milliards en 1986.

Mais c'est surtout l'immense effort financier volontairement consenti par les collectivités locales pour rénover et améliorer les établissements scolaires comme pour faire face à la nécessité d'en construire de nouveaux qui frappe les esprits et illustre le mieux le succès de la décentralisation. Les conseils généraux ont apporté 19 milliards à ces dépenses entre 1986 et 1990 (or, la DDEC ne couvrait que 32,7 % des dépenses en 1986 et 23,2 % en 1990).

L'effort des régions est encore plus grand : plus de 31 milliards de 1986 à 1990 (avec une DRES qui représentait 68 % des dépenses en 1986 et 20 % en 1990).

1992

Départements

Collèges

Régions

Lycées

TOTAL

Dépenses de fonctionnement

5,3

3,9

9,2

Dépenses d'investissement

7,9

15,2

23,1

TOTAL

13,2

19,1

32,3

(en milliards de francs)

Quand on compare les efforts des collectivités locales à ceux que l'Etat consentait à la date des transferts et leurs réalisations à celles qui étaient alors les siennes, il n'est pas difficile de conclure que le rapprochement du pouvoir de décision du terrain où elle s'applique a permis de satisfaire mieux et plus vite les besoins à une période de forte croissance démographique. Les investissements ont été multipliés par 5 pour les collèges et par 12 pour les lycées.

La très forte croissance des dépenses d'investissement pour les collèges est due au souci des élus départementaux d'offrir aux élèves et à leurs enseignants un cadre de qualité, mais elle s'explique aussi très simplement par l'état de dégradation général du parc au moment du transfert : il fallait remettre les bâtiments aux normes de sécurité et de confort.

Les conseils régionaux se sont efforcés de développer les capacités d'accueil des lycées, car les élèves devenaient plus nombreux et le gouvernement se proposait de mener coûte que coûte 80 % des élèves jusqu'au baccalauréat.

Les statistiques fournies par la direction de la programmation et du développement du ministère de l'éducation nationale font état, pour la dernière année connue (1998), de 27,8 milliards de francs consacrés par les départements à l'éducation et de 29,4 milliards pour les régions. Ces chiffres comprennent les 9,7 milliards dépensés par les départements pour assurer le ramassage scolaire ainsi que les sommes apportées par les départements et les régions au plan U2M.

LE PARTAGE DU COÛT DE L'ÉDUCATION EN 1998

607 milliards de francs ont été dépensés en 1998 par la France pour son système éducatif, soit 7,2 % du PIB et 10 300 F. par habitant. La dépense moyenne par élève est de 37 200 F. L'Etat est le principal financeur (65 %) devant les collectivités locales (20 %), les ménages (7 %), les entreprises (6 %), les caisses d'allocations familiales (1,5 %) et les autres administrations (0,7 %).

Sur les 607 milliards de francs dépensés en 1998, 498,1 milliards (soit 82 %) l'ont été pour des activités d'enseignement. Les 18 % restants sont utilisés à l'organisation du système d'enseignement (administration, orientation, recherche, documentation) pour 13,3 milliards, aux cantines, internats, médecine et transports scolaires pour 61,1 milliards de francs, à l'achat de livres, fournitures, vêtements spécifiques pour 22,7 milliards et pour la formation des personnels 12,1 milliards.

Il convient de noter qu'à l'intérieur des dépenses pour les activités d'enseignement, la part des dépenses relatives au second degré est prédominante (41,2 %) et que la part des dépenses consacrées à l'enseignement supérieur s'accroît sensiblement (16,5 % contre 13,6 en 1985), tandis que le premier degré reste stable.

Parmi les collectivités locales, les communes sont le plus gros financeur (12,5 %), car elles ont la charge des rémunérations des personnels non enseignants du premier degré, du fonctionnement et de l'investissement des écoles.

C. LA QUESTION DES TRANSPORTS SCOLAIRES

L'organisation et la responsabilité des transports sont confiées à deux types d'autorités décentralisées :

- les départements ont en charge les transports scolaires hors du périmètre urbain,

- l'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains l'est également en matière scolaire à l'intérieur de ces périmètres.

Ces autorités organisent le transport scolaire, mais elles peuvent, toutefois, passer avec d'autres personnes publiques (communes, groupement de communes) et même avec des personnes privées -associations de parents d'élèves, ou associations familiales- des conventions qui leur permettent de confier à ces personnes l'organisation même du service.

Le département et les autorités organisatrices en général sont compétents pour :

- créer et définir les services de transport scolaire, c'est-à-dire pour décider de la création des circuits de ramassage, de leur modification, de la fermeture des circuits ;

- fixer les catégories d'élèves admis dans le circuit ;

- décider de l'ouverture éventuelle du service à d'autres usagers ;

- déterminer les conditions du service du ramassage scolaire, notamment prévoir quelles communes et quels établissements scolaires seront concernés par le ramassage. Enfin, pour fixer les horaires, les fréquences, les points d'arrêts du circuit ;

- décider du financement du transport scolaire. Il leur incombe donc de décider de la politique tarifaire qu'elles entendent mener et peuvent décider, soit d'instaurer la gratuité du transport des élèves, soit de fixer le taux de participation des familles ;

- choisir le mode d'exploitation du service qui leur convient le mieux : régie, délégation de service public ;

- enfin, prendre les mesures de sécurité en faveur des élèves.

En matière de sécurité, l'Etat reste compétent pour définir les règles de sécurité et vérifier leur observation et pour le contrôle technique des véhicules. Il exerce également un pouvoir général en matière d'encadrements des tarifs, de réglementation technique et sociale et de tenue de registre des transporteurs.

En application de l'article 30 de la loi du 22 juillet 1983, le département ou l'autorité compétente peut confier par convention, tout ou partie de l'organisation des transports scolaires, à des communes, des groupements de communes, syndicats mixtes, établissements d'enseignements, associations de parents d'élèves et associations familiales.

Le financement est un financement croisé : Etat/collectivités territoriales. Ainsi, a été mise en place la compensation des charges transférées. Un droit à compensation a été défini par le décret du 18 juin 1984 précité. A ce titre, l'Etat alloue aux autorités compétentes des ressources équivalentes aux dépenses qu'il effectuait à la date du transfert. Cette compensation s'est traduite par l'attribution d'une part supplémentaire de la dotation générale de décentralisation. Une actualisation intervient chaque année, conformément aux dispositions de l' article L. 1614 du code général des collectivités territoriales. Des subventions d'équipement peuvent s'ajouter à la DGD. La question grave qui se pose aujourd'hui vient du nombre toujours plus grand d'élèves transportés. Ce nombre croît sous l'effet de la suppression de classes dans les zones rurales. On est donc en droit de se demander si, plutôt que d'organiser à un coût de plus en plus dispendieux le ramassage scolaire, source de fatigue et d'insécurité pour les élèves, il ne serait pas plus efficace de maintenir avec cet argent les classes supprimées par le rectorat.

D. LA PARTICIPATION DES RÉGIONS AU FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

L'effort des régions en faveur des universités est déjà très conséquent , qu'il s'agisse de la recherche, de l'innovation technologique, de la formation permanente, ou même de la participation au montage pédagogique (financement de formations de deuxième ou de troisième cycle, plus particulièrement liées au développement économique local). En outre, les régions ont été associées à la réflexion engagée en 1990-1991 sous le nom de " Université 2000 " par le Ministère de l'Education nationale et la réalisation de ce programme se fait avec l'effort financier des collectivités locales à hauteur d'au moins 50 % . Cette politique, qui a englobé les nouveaux départements des Instituts Universitaires de Technologie (IUT), va se poursuivre avec le plan " U3M " et à travers les nouveaux contrats de plans Etat-Régions.

L'Etat ne peut, à lui seul, faire face à la crise de l'enseignement supérieur, devenu un enseignement de masse qui exige, en matière d'équipement, un vrai changement d'échelle.

Bien que l'enseignement supérieur reste de la seule compétence de l'Etat, les régions y sont ainsi de plus en plus étroitement associées sur le plan financier.


L'Etat doit cependant consulter les collectivités concernées pour les projets situés sur leur territoire, l'implantation et les aménagements des établissements d'enseignement supérieur. La région est également consultée sur les aspects régionaux de la carte des formations supérieures et de la recherche.

Depuis la loi du 4 juillet 1990, l'Etat a la possibilité de confier aux collectivités territoriales la maîtrise d'ouvrage de construction ou d'extension d'établissements d'enseignement supérieur. Le plan Université 2000 (1990-1998) a représenté un engagement budgétaire de 32 milliards de francs répartis à parité entre l'Etat et les régions.

Le plan U3M qui s'étend de 2000 à 2006 a pour objectif de prolonger la politique de construction universitaire mise en oeuvre par U2000. Il vise à améliorer les locaux universitaires existants, à facilite les conditions de vie et de travail des étudiants et à permettre la création de réseaux universitaires et l'intégration de l'université dans la ville.

Le plan U3M suscite cependant une véritable inquiétude : son coût est incertain et les nouvelles obligations pour les collectivités territoriales semblent particulièrement lourdes. Pour l'enseignement supérieur, l'ensemble du plan U3M devrait représenter plus de 38 milliards de francs dont 18 à la charge de l'Etat. Les régions devront financer le plan U3M selon des priorités qu'elles n'auront pas la possibilité de remettre en cause .

Si la culture fut peu concernée par la décentralisation, l'initiative et le dynamisme des collectivités territoriales leur ont cependant permis de devenir des acteurs de premier plan de l'action culturelle. La tendance de l'Etat à rétablir une certaine forme de tutelle et à instrumentaliser les financements croisés, très utilisés dans le domaine de la culture, rend toutefois nécessaire une clarification des responsabilités.

V. LA CULTURE

A. L'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES A PRIS SON ESSOR AVANT LA DÉCENTRALISATION

Après la Révolution et la disparition des corporations et des maîtrises, le secteur culturel, beaucoup plus réduit que nous ne l'entendons aujourd'hui, était désorganisé. L'intervention de l'Etat dans le domaine de la culture a été très tardive, ses premières grandes initiatives datant du XVIIIe siècle, et restant cantonnées à la capitale. Sous la pression des besoins, les municipalités prirent l'initiative de créer des établissements d'enseignement musical. Puis ce schéma se répéta dans tous les secteurs culturels que les collectivités territoriales ont peu à peu investis. Dès le XIXe siècle les grandes villes avaient ainsi développé leurs équipements culturels, notamment des théâtres, des bibliothèques et des musées, sans subvention ou aide d'aucune sorte de l'Etat, constituant un tissu important d'institutions culturelles.

Freinées par les besoins de la reconstruction, les collectivités locales ont cependant pris quelques initiatives culturelles très modernes sous la IVe République. Les villes de Strasbourg, Avignon ou Cannes ont notamment organisé des festivals, de théâtre ou de musique, dès le début des années cinquante. Sous la Ve République, l'effort des collectivités locales en faveur de la culture s'est développé. Les départements ont ainsi eu dès les années soixante un important patrimoine culturel à gérer.

La création du Ministère des Affaires culturelles en 1959 n'a pas entravé les initiatives locales. Au contraire, près de vingt ans avant le mouvement de décentralisation, les ministres français de la culture ont tendu à associer les collectivités territoriales à leur action en faveur du développement et de la diffusion de la culture.

Alors qu'André Malraux, qui s'est vu confié la création du ministère, défend une conception très centralisatrice dans le domaine de la culture, il incite les collectivités locales à collaborer à la mise en oeuvre de ses initiatives les plus importantes. Il va ainsi les associer progressivement à l'exécution des plans quinquennaux de modernisation économique et sociale, qu'il a mis en place dans le domaine de la culture, et à l'inventaire général des richesse artistiques de la France. Il prévoit également des partenariats directs avec les collectivités territoriales, en créant les maisons de la culture, financées à parité par l'Etat et les villes concernées.

Les initiatives de Jacques Duhamel, ministre des affaires culturelles de 1971 à 1973, ont concrétisé la prise de conscience du rôle essentiel des collectivités locales dans le domaine de la culture , et ont visé à accroître les moyens de coopération entre les collectivités locales et l'Etat, notamment à travers la politique des chartes entre l'Etat et les villes, la transformation des maisons de la culture en centres d'action culturelle, le plan décennal pour la musique, la collaboration avec la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) et la mise en place du fonds d'intervention culturel (FIC), permettant de financer des opérations innovantes proposées par les collectivités locales.

Aux termes de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, les collectivités locales participent, dans le cadre des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE), aux missions d'information du public dans ces domaines et à la formation des personnels intervenant dans le secteur de la construction.

Ainsi, l'intervention culturelle des collectivités locales a trouvé son plein essor dans les années soixante-dix. D'abord influencées par les orientations définies par l'Etat, les collectivités territoriales ont mis en place à cette époque des politiques culturelles autonomes et ont augmenté leur effort financier en faveur de la culture.

L'évolution des dépenses culturelles des départements montre que l'augmentation des sommes consacrées à la culture n'est pas directement corrélée aux lois de décentralisation, mais résulte de la politique volontariste menée par les départements . Entre 1979 et 1978, le budget culturel des départements progresse de 88 %, puis de 80,6 % entre 1978 et 1981, passant de 0,305 milliard de francs en 1975 à 1 milliard de francs en 1981 (288( * )) .

La même remarque peut s'appliquer aux communes . Elles consacraient près de 9,6 milliards de francs en 1978 à la culture. De 1978 à 1993, ces dépenses ont progressé en moyenne de 5 % par an, l'augmentation la plus forte se situant en début de période entre 1978 et 1984.

Lorsque les lois de décentralisation sont votées, les collectivités locales se sont déjà vu reconnaître de fait une place essentielle dans l'action culturelle , soit en partenariat avec l'Etat, soit de leur propre initiative.

B. LES PRINCIPES RETENUS PAR LES LOIS DE DÉCENTRALISATION

La culture tient une part bien modeste dans les lois de décentralisation qui ont toutefois permis de clarifier les modalités d'intervention des collectivités locales dans quelques domaines circonscrits de l'action culturelle.

1. La confirmation des compétences exercées par les collectivités territoriales dans le domaine culturel

Le caractère très restreint de la décentralisation dans le secteur de la culture résulte à la fois des conceptions centralisatrices du ministre de la culture, de la jeunesse relative du ministère à cette époque, et de la forte demande d'intervention étatique des milieux culturels, craignant une instrumentalisation de la culture par les collectivités locales (289( * )) .

Dans ce contexte, les lois de décentralisation n'ont pas pris la mesure du dynamisme que les collectivités locales avaient déjà manifesté dans le domaine culturel et les transferts de compétence et de responsabilité prévus par les lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983 sont restés très limités.

La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, attribue une compétence générale aux trois niveaux de collectivités, en relation avec l'Etat : " la commune, les départements et les régions concourent, avec l'Etat, à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, sanitaire, culturel et scientifique et à l'amélioration du cadre de vie ".

La loi du 7 janvier 1983 définit une nouvelle organisation des pouvoirs dans le domaine de l'architecture et du patrimoine. Elle prévoit (art. 70) la création des zones de protection du patrimoine architectural et urbain (ZPPAU). Les ZPPAU permettent d'élaborer, avec l'accord des conseils municipaux, des documents d'urbanisme spéciaux pour les abords des monuments historiques et pour les quartiers et sites à protéger pour des raisons architecturales et historiques. Ce texte toutefois n'attente pas aux prérogatives de l'Etat en matière de protection du patrimoine, qui sont exercées par les préfets de région et les architectes des bâtiments de France, dont l'avis lie la collectivité territoriale en matière de protection, de restauration des monuments historiques ou d'aménagement d'une ZPPAU.

Par ailleurs, la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, complétant la loi 7 janvier 1983, comporte une section consacrée à l'environnement et à l'action culturelle (regroupant les articles 56 à 68). Aux termes de ces dispositions, la compétence de chaque niveau de collectivités locales est reconnue (avec quelques nuances) dans cinq domaines : création et gestion de bibliothèques, création et gestion de musées, création et gestion d'établissements d'enseignement public de musique, de danse et d'art dramatique, création et gestion d'établissement d'enseignement public des arts plastiques, conservation des archives.

2. Des compétences partagées

Certaines compétences relèvent de manière privilégiée d'un niveau de collectivité, ainsi en est-il notamment de la compétence des départements en matière d'archives. Cependant, aucune collectivité publique n'exerce le monopole d'une des compétences culturelles transférées , chaque collectivité intervenant dans l'ensemble des fonctions culturelles.

a) Les enseignements culturels

Aux termes de l'article 63 de la loi du 22 juillet 1983, les établissements d'enseignement public de la musique, de la danse et de l'art dramatique relèvent de l'initiative et de la responsabilité de chaque niveau de collectivité territoriales. Cette décentralisation est cependant plus réduite qu'il n'y paraît, la compétence de l'Etat demeurant totale dans le domaine de l'enseignement général. Les lois de décentralisation ne l'ont pas dessaisi de son pouvoir de programmation des enseignements artistiques, de musique et de danse que reçoivent les enfants scolarisés.

La loi du 22 juillet 1983 prévoit que les écoles d'art peuvent être classées ou agréées par l'Etat, en accord avec la collectivité. Dans ce cas, l'Etat définit les qualifications exigées du personnel enseignant, assure le contrôle de leurs activités ainsi que le fonctionnement pédagogique des établissements. Le classement offre certes un label de qualité mais aussi de nombreuses contraintes sur lesquelles les collectivités locales ne peuvent influer.

b) Les bibliothèques

On distinguait jusqu'en 1983 trois catégories de bibliothèques municipales en fonction du contrôle plus ou moins étendu de l'Etat sur ces bibliothèques et du statut des bibliothécaires : les bibliothèques classées, les bibliothèques contrôlées, les bibliothèques surveillées. Dans les trois cas, les financements étaient croisés. Les lois de décentralisation ont entendu clarifier les règles et mettre fin à une certaine confusion juridique dans ce domaine.

La loi du 22 juillet 1983 précise que les bibliothèques municipales sont organisées et financées par les communes. Leur activité reste cependant soumise au contrôle technique de l'Etat. Dans le cas des bibliothèques classées, les dépenses relatives aux personnels scientifiques d'Etat sont prises intégralement en charge par l'Etat.

La loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacles cinématographiques créera une nouvelle catégorie de bibliothèque municipale : les bibliothèques municipales à vocation régionale (BMVR), le financement de ces nouveaux équipements devant être assuré par l'augmentation de la dotation générale de décentralisation des communes.

En ce qui concerne les départements, l'article 60 de la loi du 22 juillet 1983 leur transfère la responsabilité des bibliothèques centrales de prêt , auparavant créées et gérées par la direction du livre du ministère de la culture. Le transfert de compétence n'a toutefois pas été total. Les personnels scientifiques de l'Etat, les conservateurs, ont conservé le statut d'Etat qui leur était applicable avant 1983. Les autres personnels peuvent choisir d'appartenir à la fonction publique de l'Etat ou à la fonction publique territoriale. Les agents qui n'appartiennent pas à la fonction publique territoriale sont mis à la disposition du président du conseil général.

c) Les archives

Jusqu'en 1983, les archives relevaient de l'Etat, les départements prenant à leur charge les dépenses relatives aux bâtiments et aux personnels. L'article 66 de la loi du 22 juillet 1983 a transféré l'essentiel des compétences en matière d'archives aux départements (les communes et les régions étant propriétaires de leurs archives et pouvant les conserver elles-mêmes, sauf exceptions législatives concernant les archives des communes).

Les départements sont cependant soumis à de nombreuses obligations : les archives départementales doivent accueillir les archives des services extérieurs de l'Etat établis dans le département, les autres archives publiques constituées dans leur ressort ainsi que les archives que les communes sont tenues ou choisissent de déposer.

Toutes les tâches de conservation et de mise en valeur des archives sont soumises au contrôle technique et scientifique de l'Etat.

d) Les autres compétences

Chaque niveau de collectivités locales peut également créer et gérer des musées départementaux , les personnels des musées pouvant choisir leur statut de la même façon que les personnels des bibliothèques. La politique des collectivités locales est cependant largement contrainte par la définition des objectifs et priorités nationales définies par l'Etat, ainsi que l'a indiqué à la mission d'information Mme Maryvonne de Saint-Pulgent, conseiller d'Etat, dénonçant à cet égard le risque d'hégémonie de certaines valeurs artistiques soutenues par l'Etat, risque qui " disparaîtrait si les décideurs publics territoriaux pouvaient être libérés de la tutelle culturelle étatique ".

3. Des compétences encadrées

Les compétences, partagées entre les différents niveaux de collectivités, restent largement encadrées par l'Etat, peu désireux de perdre le contrôle des activités culturelles. La décentralisation dans le domaine culturel est donc à la fois limitée et surveillée .

De nombreuses normes techniques et des obligations législatives ou réglementaires encadrent strictement les actions des collectivités locales et restreignent leur autonomie dans chacun de leur domaine d'intervention.

Certains décrets tendent également à renforcer ou confirmer les pouvoirs de l'Etat dans le domaine culturel. Le contrôle scientifique et technique de l'Etat à l'égard des institutions culturelles décentralisées a ainsi été largement entendu. Il s'applique à la conservation des archives, au fonctionnement des musées et des bibliothèques et se double d'un contrôle pédagogique sur les établissements d'enseignement artistique décentralisés.

Le décret n° 88-1037 du 9 novembre 1988 relatif au contrôle technique de l'Etat sur les bibliothèques des collectivités territoriales et le décret n° 88-849 du 28 juillet 1988 relatif au contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives des collectivités territoriales ont ainsi prévu : la liberté d'accès des représentants de l'Etat dans toutes les parties des bâtiments publics destinés à un usage culturel, la possibilité de rendre des avis immédiatement suspensifs concernant les constructions ou aménagements des locaux, la restauration ou la désaffectation du domaine public de certains documents, la prise de mesures d'urgence en cas de péril sur les collectivités publiques et la production de rapports généraux en particulier sur l'ensemble des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des institutions décentralisées.

Le décret du 8 novembre 1990 complète ce dispositif en étendant aux bibliothèques centrales le contrôle technique de l'Etat sur les bibliothèques territoriales.

4. L'évolution depuis 1983

a) Une lente mise en oeuvre des lois de décentralisation

Il a fallu attendre le décret n° 86-102 du 20 janvier 1986 pour que les transferts prévus par les lois de 1983 en matière de bibliothèques et d'archives puissent être pleinement effectifs.

De plus, les opérations d'équipement du territoire en bibliothèques départementales que l'Etat s'était engagé à mener en 1984 n'ont été achevées qu'en 1991. Rappelons que, dans le même temps, les conseils généraux ont développé les politiques de lecture publique départementale, augmenté les dessertes de livres, recruté des personnels, etc.

En ce qui concerne les personnels des bibliothèques, les décrets leur permettant d'exercer leur droit d'option entre le statut de la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale n'ont été pris que le 2 septembre 1991.

b) L'évolution législative

Certains textes ont offert aux collectivités territoriales la possibilité d'élargir le domaine de leur action culturelle. Cependant, il semble que ces dispositions tendent à pallier les faibles marges de manoeuvre budgétaires de l'Etat qu'à approfondir la décentralisation.

La loi du 13 juillet 1992 permet aux communes, groupements de communes, départements et régions d'attribuer des subventions à des entreprises existantes, exploitant des salles de spectacles cinématographiques (réalisant en moyenne hebdomadaire moins de 2 200 entrées), alors que le maintien des salles de spectacles, notamment dans les zones rurales, était menacé. Ces compétences nouvelles ont été perçues comme une sollicitation financière inavouée des acteurs locaux. On estime ainsi qu'à l'heure actuelle une salle de cinéma sur cinq est gérée directement ou indirectement par une commune .

La loi n° 99-198 du 18 mars 1999 portant modification de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles a étendu aux départements d'outre-mer l'application de l'ordonnance du 13 octobre 1945 précitée et leur a donc offert la possibilité de subventionner les entreprises de spectacles vivants.

Ce texte prévoit également que les collectivités territoriales, et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent exonérer de taxe professionnelle, dans la limite de 40 % les théâtres nationaux, les autres théâtres fixes, les tournées théâtrales et les théâtres démontables exclusivement consacrés à des spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique, les concerts symphoniques, etc. Cette disposition encourage les collectivités territoriales à apporter leur soutien financier sous forme d'exonération d'impôt, aux entreprises de spectacles vivants, palliant ainsi, une fois encore, les carences de l'Etat sans compensation financière et sans que leur responsabilité réelle dans ce secteur de la culture ne soit accrue .

5. Les cas particuliers des départements d'outre-mer, puis de la Corse

La loi n° 84-747 du 2 août 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion donne aux régions d'outre-mer compétence en matière d'élaboration d'un programme culturel régional. Cette loi prévoit l'attribution d'une dotation globale pour le développement culturel.

L'article 56 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse prévoit de renforcer les responsabilités culturelles de la collectivité. Il convient de préciser que la nouvelle collectivité territoriale n'a pas bénéficié d'un réel transfert de compétence dans la mesure où elle ne reçoit pas le monopole de responsabilité dans les domaines énumérés à l'article 56 (290( * )) . La circulaire conjointe du ministère de l'intérieur et du ministère de la culture du 19 août 1992 précise que " ces dispositions n'entraînent pas l'exclusivité de l'intervention de la collectivité de Corse ", les autres collectivités, et surtout l'Etat, conservent leurs pouvoirs dans le secteur de la culture.

C. LES FAITS  : DYNAMISME ET EFFICACITE DE L'ACTION CULTURELLE DES COLLECTIVITES LOCALES, RETICENCE DE L'ETAT

1. Un dynamisme local avéré

a) La prise de conscience de l'importance du développement culturel local

Dans les faits, les collectivités locales ont développé des politiques culturelles riches et diversifiées en s'appuyant sur leur clause générale de compétence, et en dépassant largement les responsabilités que leur ont conféré les textes législatifs.

Dans ce mouvement de décentralisation, dû à l'initiative des collectivités locales plutôt qu'à des textes de portée restreinte, la prise de conscience par les responsables locaux du rôle déterminant de la culture, en termes d'image, de renforcement du sentiment d'appartenance à un territoire et de développement local a eu un rôle essentiel.

Conscientes de l'évolution du contexte où la valorisation du patrimoine est désormais perçue comme un élément d'attraction essentiel pour le territoire, et où l'attractivité culturelle est un atout dans les décisions d'implantation des acteurs économiques (291( * )) , les collectivités locales ont largement investi le domaine de la culture. Elles en sont devenues les premiers financeurs publics et sont désormais des pôles d'innovation culturelle , l'Etat perdant peu à peu son rôle moteur (292( * )) .

b) La mobilisation de moyens importants

Dans le domaine de la culture, les collectivités locales ont fourni un effort financier considérable .

Les services culturels municipaux ont connu une rapide montée en puissance. En 1982, 77 % des communes de plus de 30 000 habitants et 65 % des villes d'une taille inférieure avait une délégation culturelle. En 1985, on recensait 120 offices culturels dans les villes de plus de 9 000 habitants.

En 1993, les dépenses culturelles des communes se sont élevées à 30,5 milliards de francs. Les communes de plus de 10 000 habitants ont presque quadruplé leurs dépenses culturelles entre 1978 et 1990, soit une progression de 93 % en termes corrigés de l'inflation. Les communes plus modestes ont également renforcé leurs efforts en faveur du développement culturel. Ces efforts se traduisent par un important accroissement de l'offre culturelle publique locale.

Les dépenses des grandes municipalités soulignent également l'importance des moyens mis au service de la culture. On constate que seules deux grandes municipalités consacraient moins de 10 % de leur budget à la culture en 1993. Enfin, l'investissement représentait 26 % de la dépense culturelle des communes en 1993, les villes modestes et les villes périphériques investissant proportionnellement plus que les villes-centres.

Pour leur part, les départements dépensent en moyenne 5,4 milliards de francs par an pour la culture, soit près de 100 francs par habitant et 2,7 % de leurs dépenses totales. De 1975 à 1993, la dépense totale des conseils généraux dans le secteur culturel a plus que quintuplé en francs constants.

Les régions métropolitaines dépensent en moyenne 1 500 millions de francs pour la culture, soit environ 26 francs par habitants et 2,4 % des budgets régionaux. Depuis 1976, les crédits régionaux alloués à la culture ont été multipliés par douze en francs constants. Depuis 1988, cette progression s'est cependant ralentie et s'est stabilisée autour d'un rythme annuel de 5 %.

La comparaison des volumes de dépenses consacrées respectivement par l'Etat et les collectivités locales au financement de la culture met en exergue le dynamisme de ces dernières. Elles dépensent près de deux fois plus que l'Etat dans le domaine de la culture ainsi que l'indique le schéma suivant :

LES DÉPENSES CULTURELLES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES
( en milliards de franc non comprises les autorisations de programme)

Ensemble des collectivités publiques

 
 
 

59,4 M

 
 
 
 
 
 

100 %

 
 
 

Etat Collectivités territoriales


 

22 M

 
 
 

37,4 M

 
 

37 %

 
 
 

63 %

 

Ministère Autres ministères Régions Départements Communes

de la culture


13,1 M

 

8,9 M

 
 

1,5 M

 

5,4 M

 

30,5 M

22 %

 

15 %

 
 

2,5 %

 

9,1 %

 

51,4 %

c) Des politiques innovantes, adaptées aux besoins locaux

Les collectivités locales sont en mesure d'apporter des réponses aux aspirations nouvelles des populations , jeunes notamment, d'une manière différente de celle de l'Etat, qui pour sa part semble avoir du mal à adapter ses interventions aux évolutions de la société.

Le champ d'intervention des collectivités locales a évolué depuis les lois de décentralisation, s'attachant, outre les secteurs traditionnels, tels que le spectacle vivant et les arts plastiques, à développer les pratiques en amateur et l'éducation artistique et culturelle. De même, les collectivités territoriales assument l'essentiel des dépenses en matière de culture scientifique, technique et industrielle, alors que l'Etat a du mal à pérenniser ses projets dans ce domaine. Les collectivités territoriales ont également un rôle moteur dans le soutien aux musiques actuelles amplifiées, à la musique traditionnelle et dans le secteur du multimédia.

2. L'emprise de l'Etat

a) L'instrumentalisation des financements croisés

Le système de financement des actions culturelles est d'une grande complexité . Il présente certes l'avantage de permettre la réalisation d'investissements d'équipements trop coûteux pour une seule collectivité publique. Mais de nombreux observateurs (293( * )) constatent que l'une des parties contractantes, le plus fréquemment l'Etat, devient prescripteur des dépenses de l'autre, alors qu'elles sont liées par un accord de cofinancement. L'Etat instrumentalise les financements croisés : au titre d'une participation financière très minoritaire, les services centraux s'octroient la direction des projets culturels, notamment dans le domaine de l'enseignement musical spécialisé. De même, le dysfonctionnement des fonds régionaux pour l'art contemporain (FRAC) qui auraient dû être le lieu d'un partenariat décentralisé entre l'Etat et les régions montre que l'Etat suscite des partenariats déséquilibrés, impliquant des contributions financières des collectivités locales, alors qu'il conserve la maîtrise de la politique culturelle menée dans ce cadre.

Il semble que l'on ait atteint les limites de la contractualisation et du cofinancement et que le système actuel aboutisse à une mauvaise adéquation entre la nature des activités, leur mode de financement, et le niveau territorial qui en est responsable. Ainsi l'inventaire est une compétence de l'Etat qui est majoritairement financée par les départements, qui l'utilisent dans le cadre de leur politique culturelle. Dans certains domaines, il semble donc qu'un transfert de compétences et des ressources aux collectivités locales permettrait une meilleure lisibilité et une plus grande proximité entre le décideur et l'expression des besoins.

b) Les obstacles à la déconcentration

Malgré des annonces répétées, la déconcentration de la gestion des crédits du ministère de la culture s'est faite très lentement . Le taux de 30 % de crédits déconcentrés que le Premier ministre avait fixé comme objectif à la fin de 1995 n'était pas atteint à cette date. On estime aujourd'hui que la part des crédits déconcentrés varie de 15 à 30 % selon les secteurs concernés.

C'est sans doute dans ce domaine que les efforts les plus importants restent à faire, afin que les collectivités locales puissent s'adresser à un interlocuteur unique et que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) puissent disposer d'une plus grande autonomie, pour d'adapter leurs interventions aux particularités locales.

Le récent rattachement des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) au ministère de la culture a rendu la situation plus complexe encore. En effet, les directions régionales de l'environnement, dont dépendaient auparavant les SDAP, conservent aujourd'hui encore certaines compétences, notamment en matière de suivi de la profession des architectes. De plus, la difficulté d'établir des liens de subordination entre les SDAP au niveau départemental et les DRAC au niveau régional pénalise largement la mise en oeuvre des politiques culturelles locales (294( * )) .

De même, les collectivités locales se heurtent à la multiplicité des acteurs intervenant dans le domaine des pratiques amateurs, de la jeunesse et de l'action culturelle dans les quartiers. Outre le ministère de la culture, interviennent en effet dans ces secteurs le ministère de la ville et le ministère de la jeunesse et des sports, par le biais des directions de la jeunesse et de l'éducation populaire.

L'attachement des services centraux à leurs compétences dans le secteur culturel, très lisible et valorisant, constitue sans doute l'un des obstacles les plus difficiles à surmonter, pour mettre en oeuvre une déconcentration efficace, adaptée au dynamisme et à l'efficacité des collectivités locales dans les différents domaines culturels.

VI. LE SPORT

A. AVANT LA DÉCENTRALISATION : DÉJÀ UN TERRAIN DE CHOIX POUR L'INITIATIVE LOCALE

Les communes furent les premières collectivités publiques à investir le domaine sportif. Incitées par l'Etat à renforcer leur action, elles ont rapidement développé des outils et des politiques autonomes.

1. Développement des équipements

Les communes se sont intéressées au sport par le biais des équipements sportifs , qu'elles ont construits à partir des années trente.

L'Etat, pour remédier au retard de la France dans le domaine des installations sportives, engage un programme d'équipement, qu'il finance à parité avec les communes, pour un montant total de 63 millions de francs. Cette politique d'implantation d'équipements sportifs sur le territoire se poursuit, par le biais, dès 1946, des grilles d'équipements puis des lois de programmes d'équipements sportifs et socio-éducatifs, prises au cours des IV éme et V ème Plans.

Dès les années soixante-dix, cependant, cette politique subit ses premiers infléchissements. Sous l'effet de la diversification des pratiques sportives et de la crise économique, l'Etat perd progressivement son rôle d'impulsion. Après 1968 le budget de l'Etat consacré au sport diminue régulièrement, alors que les communes continuent leurs efforts et renforcent leurs moyens, financiers et humains, pour mener à bien des politiques autonomes.

2. Création des services municipaux des sports

Les communes ont été incitées, dès la Libération, à créer des offices municipaux des sports (OMS), puis des services municipaux des sports. Dans ce domaine également, le rôle moteur de l'Etat s'est peu à peu réduit, laissant l'initiative aux communes .

Rapidement, les communes concluent que ce n'est pas aux OMS, associations de la loi 1901, de prendre la responsabilité de la gestion des installations sportives et créent les premiers services municipaux des sports à la Libération. Compléments naturels des OMS, ils ont en charge la gestion des équipements sportifs et des deniers communaux alloués au sport.

Cette tendance est renforcée par l'obligation faite aux communes, par la loi n° 51-662 du 24 mai 1951, de " faire surveiller d'une façon constante par du personnel qualifié, titulaire du diplôme d'Etat, toute baignade d'accès payant pendant les heures d'ouverture au public ". Au fur et à mesure qu'elles construisent des équipements sportifs, les villes se dotent ainsi de services des sports.

La dernière intervention de l'Etat dans ce domaine date de la fixation du tableau indicatif des emplois communaux (295( * )) , dès lors les communes vont multiplier leurs services des sports de façon plus autonome.

3. Les départements

Les premières interventions des départements dans le domaine sportif sont également antérieures aux lois de décentralisation.

Certains conseils généraux n'ont pas attendu l'intervention du législateur de 1982 pour engager une véritable politique départementale du sport , dès les années soixante. Quelques conseils généraux ont créé des conseils départementaux des sports à vocation consultative, d'autres ont recruté des animateurs sportifs cantonaux, afin de développer l'animation sportive en milieu rural.

B. LES LOIS DE DÉCENTRALISATION ET LA LOI " SPORT " : LES SILENCES DU LÉGISLATEUR SUR LES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

1. Le sport : un domaine oublié par les lois de décentralisation

Le sport est l'un des rares domaines qui ne fasse l'objet d'aucun article dans les différentes lois de décentralisation. Tout au plus, la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 comportait-elle une section relative à l'environnement et à l'action culturelle, faisant état des promenades et des randonnées .

En fait, les seules dispositions concrètes mais implicites relatives au sport concernent la répartition des charges des équipements scolaires, et par conséquent des équipements sportifs scolaires, entre les différents niveaux de collectivités (296( * )) . Ces dispositions peu précises ont d'ailleurs donné lieu à des difficultés dans la détermination de la compensation relative à la mise à disposition des équipements communaux pour les élèves des collèges et des lycées.

Il a d'ailleurs fallu attendre une circulaire du 9 mars 1992 pour que soient définies les modalités de ce transfert de compétence. Les charges de fonctionnement relèvent du budget des établissements, alors que les investissements se rapportent à la construction, et sont à la charge des collectivités locales.

2. La loi sport du 16 juillet 1984

Le silence des textes relatifs à la décentralisation n'est pas compensé par la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Il avait été envisagé, lors de la préparation de ce texte de spécialiser les compétences de chaque catégorie de collectivités territoriales dans le domaine sportif. La région aurait reçu compétence en matière de formation et de développement du sport de haut niveau, le département en matière d'action sociale et d'insertion par le sport et la commune en matière d'animation et de développement des activités physiques et sportives.

Les quelques dispositions relatives aux collectivités territoriales qui sont en fait prévues par la loi de 1984 n'ont, au moins dans sa version initiale, aucune valeur impérative . Si les collectivités locales font le choix de développer ce domaine de leur action, elles doivent le faire en respectant la réglementation prévue par la loi. En matière d'équipements sportifs, elles devront se soumettre à l'homologation, et elles seront contraintes d'observer la réglementation concernant l'enseignement, l'encadrement et l'animation des activités physiques et sportives.

3. Les modifications successives de la loi " sport "

Quelques aménagements et précisions ont été apportés en matière d'exercice des compétences dans le domaine du sport par les modifications successives de la loi du 16 juillet 1984.

La réforme de 1992 (297( * )) précise notamment les modalités de collaboration entre les collectivités territoriales et l'Etat. Les services déconcentrés de l'Etat peuvent ainsi apporter leur soutien technique aux collectivités territoriales, dans la mise en oeuvre de projets de développement économique et social, sur la base d'une convention passée entre les deux parties.

La loi du 16 juillet 1984 a également été modifiée en vue " d'adapter les statuts actuels des clubs sportifs professionnels français aux nouvelles conditions financières du sport professionnel de haut niveau en Europe ". Les modifications, introduites en 1994 (298( * )) et pérennisées en 1999 (299( * )) , tendent à permettre aux collectivités territoriales d'octroyer des subventions aux clubs sportifs dans des conditions précises (relatives aux plafond, convention, et modalités d'utilisation de ces subventions). Cette disposition étend certes le champ d'action des collectivités territoriales, mais constitue également un moyen de pallier les carences financières de l'Etat .

Enfin, une nouvelle réforme de la loi du 16 juillet 1984 est actuellement soumise au Parlement. Certaines dispositions concernent directement les collectivités territoriales, mais cette fois encore, l' occasion d'éclaircir les responsabilités des acteurs locaux dans le domaine sportif a été négligée . Seules quelques mesures précisent les obligations des collectivités locales en matière de construction d'équipements sportifs scolaires, et confient au département une nouvelle responsabilité dans le domaine des sports de nature. Le conseil général devra ainsi établir un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, et un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature.

Il est regrettable qu'aucune compensation financière ne soit prévue comme corollaire de ces nouvelles responsabilités.

La répartition historique des compétences, caractérisée par la prépondérance des communes, n'a donc pas été bouleversée par les différents textes de loi précités. En revanche, on peut estimer que le mouvement général de décentralisation a incité les départements et les régions à renforcer leur action dans le domaine du sport, en raison notamment de la disparition de la tutelle de l'Etat.

C. UN DYNAMISME QUI CONFIRME LA PRÉPONDERANCE DES COMMUNES

1. Un effort financier considérable

Les crédits alloués au sport par les collectivités territoriales ont augmenté de 1 005 % entre 1981 et 1990 (300( * )) .

Les communes sont les premiers financeurs publics du sport.

L'effort qu'elles consacrent au financement du sport est en constante augmentation . Entre 1981 et 1989, l'effort communal a augmenté de 73 % en francs constants, s'élevant en 1989 à 22 milliards de francs.

La principale caractéristique liée à cette augmentation est l'évolution de la répartition des financements au profit des dépenses de fonctionnement. La forte croissance des investissements en équipements sportifs (décennie 1970) s'est ralentie mais a largement contribué à l'augmentation des dépenses de fonctionnement qui sont passées en dix ans de 60 % du budget sport à 82 %. Ainsi, dès 1989, sur les 22 milliards de francs consacrés au sport par les communes, 18 % concernaient des opérations d'investissement (soit 4 milliards de francs) et 82 % étaient alloués aux dépenses de fonctionnement (soit 18 milliards de francs).

En 1999, les communes consacrent environ 27 milliards de francs au sport. Le sport représente 6 à 7 % du budget global des communes.

Dans les départements , les crédits affectés au sport sont stables . Les politiques sportives peuvent sembler relativement étrangères aux compétences traditionnelles des départements, les conseils généraux ont cependant pris la pleine mesure du formidable outil d'insertion sociale que constitue le sport. Les crédits sportifs, qui s'élevaient à 1,08 % du budget des conseils généraux à la fin des années quatre-vingt, représentent à la fin des années quatre-vingt-dix, 1,06 % de ces budgets. En 1999, les dépenses des départements consacrées au sport s'élèvent à 2,35 milliards de francs, environ 55 % de ces crédits étant consacrés à l'investissement, et 45 % aux dépenses de fonctionnement.

L'effort financier des régions en faveur du sport a été multiplié par dix-huit de 1982 à 1994. Les contributions des régions au sport représentent environ 0,87 % du budget des conseils régionaux, soit 0,75 milliard de francs toutes régions confondues en 1999.

C'est à partir de 1986 que les régions ont recruté des personnels, à l'image du Nord-Pas-de-Calais et de la Bourgogne, pour développer des actions dans le domaine du sport, et ce en l'absence de toute obligation. Les efforts des conseils régionaux sont d'ampleur très variée. A l'heure actuelle, seule la région Nord-Pas-de-Calais est dotée d'un service des sports et des loisirs occupant seize agents ; dans les autres régions, deux personnes en moyenne gèrent les politiques et actions sportives.

L'effort financier des collectivités locales en faveur du sport est largement supérieur à celui de l'Etat, ainsi que le montre le tableau suivant.

Acteurs

Dépenses engagées
en 1999
(en MdF)

Pourcentage du total

Etat

14

31,7%

Communes

27

61,3 %

Départements

2,35

5,3 %

Régions

0,75

1,7 %

 

Soit 44,1

Soit 100 %

Soit toutes collectivités locales

30,1

68,3 %

Source : Ministère de la jeunesse et des sports

2. L'action relative aux équipements et installations sportives

a) Action en matière de sécurité

Le premier pouvoir du maire dans le domaine sportif est également un devoir et consiste à assurer la sécurité des sportifs et du public , lors des entraînements et diverses manifestations sportives. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police municipale, le maire intervient, par arrêté portant autorisation d'ouverture au public, sur les questions de sécurité. Il fixe les conditions d'utilisation des équipements sportifs de sa commune et les modalités des manifestations sur la voie publique. Il engage sa responsabilité pénale, au titre de l'infraction de coups et blessures volontaires si un sportif ou un spectateur subit un dommage en raison d'une carence de sa part.

Il faut ajouter à cette compétence générale prévue par l' article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation, un pouvoir de police spéciale, celle des baignades et des activités nautiques dans une zone s'étendant jusqu'à 300 mètres du rivage, aux termes de la loi dite " littoral " du 3 janvier 1986.

b) Les installations sportives

L'action des collectivités locales dans le domaine des équipements et des installations sportives dispose d'une forte visibilité . Les communes consacrent près de 50 % des crédits alloués au sport à la construction et à l'entretien des installations sportives.

Cet axe des politiques sportives communales, permettant la mise à disposition des usagers, est essentiel. Les communes veillent ainsi à offrir aux associations sportives, aux clubs sportifs, et à la population scolaire les moyens de pratiquer leur discipline. Dans les pays européens voisins, les clubs possèdent eux-mêmes leurs installations et les municipalités, ou autorités équivalentes, n'interviennent pas dans ce domaine.

Selon les représentants des services du ministère de la jeunesse et des sports auditionnés par la mission d'information, l'association étroite des acteurs locaux (communes, départements et régions) aux fédérations et aux acteurs nationaux est une particularité française, qui explique, le développement constant du nombre de pratiquants sportifs et permet à la France d'être le pays le " plus médaillé " proportionnellement à sa population.

Cette situation est cependant remise en cause. Malgré les efforts financiers des acteurs locaux, le patrimoine sportif, construit essentiellement dans les années soixante-dix, et le début des années quatre-vingt, est largement dégradé. Sa rénovation nécessiterait environ soixante milliards de francs .

A cette usure, s'ajoutent les impératifs techniques et de sécurité qui impliquent d'importants investissements de mise aux normes . Outre les fréquents changements de réglementation de la pratique des sports, décidés par les fédérations, qui induisent de régulières et coûteuses transformations des terrains et des stades, la loi du 13 juillet 1992 a ajouté à la loi de 1984 des dispositions relatives à l' homologation des enceintes sportives . Celles-ci définissent des normes très contraignantes pour les établissements recevant du public au titre des manifestations sportives. Les difficultés et le coût de cette mise aux normes ont entraîné plusieurs reports successifs de la date limite à laquelle devront être homologuées les installations sportives, soit le 1 er juillet 2004, aux termes du projet de loi modifiant la loi de 1984 en cours de discussion.

Ces dispositions, indispensables, lorsqu'elles concernent la sécurité du public et des sportifs, limitent la marge de manoeuvre des collectivités locales , qui ne peuvent pratiquement plus envisager la construction de nouvelles installations sportives.

3. Un soutien indispensable au mouvement sportif

L'action des collectivités locales en faveur du mouvement sportif revêt deux formes, le soutien au sport amateur et le soutien au sport de haut niveau .

Sans les subventions municipales, la mise à disposition de personnel communal, notamment d'emplois-jeunes, et la mise à disposition d'installations sportives, la plupart des associations sportives seraient dans l'incapacité de fonctionner, alors que leur mission d'intégration sociale est unanimement reconnue.

Les communes favorisent également le développement du sport de haut niveau, notamment en subventionnant les clubs sportifs . La loi du 28 décembre 1999 a d'ailleurs pérennisé la possibilité pour les collectivités territoriales d'accorder des aides à ces clubs. Sans ces subventions, qui grèvent parfois lourdement le budget des petites communes, de nombreux clubs professionnels, dans certaines disciplines, telles que le rugby, le basket, le handball, le hockey, et le football n'existeraient plus, incapables de compenser la perte de ces ressources par des financements privés suffisants.

Outre la construction et l'entretien des équipements sportifs nécessaires à l'enseignement sportif pour les collégiens, les départements ont essentiellement développé des politiques axées sur l'attribution de subventions. Ces subsides bénéficient aux projets sportifs des communes et au fonctionnement de grands clubs sportifs (en général professionnels).

Les régions , pour leur part, soutiennent l'implantation des pôles sportifs de haut niveau sur leur territoire. De plus, elles ont développé des politiques de soutien au mouvement sportif.

La formation sportive est une activité plus récente. Les régions ont en effet créé des modules de formation, notamment pour les sportifs de haut niveau, et les personnes encadrant la pratique du sport amateur bénévolement. Cette politique comble certaines lacunes de la politique de formation délivrée par l'Etat, et répond aux aspirations des sportifs.

4. Des initiatives pour les nouvelles pratiques sportives

Au-delà de leurs rôles traditionnels de soutien au mouvement sportif et d'équipement du territoire en installations sportives, les collectivités locales développent de nouvelles politiques sportives , adaptées aux nouveaux besoins.

Au cours des quinze dernières années le sport a connu des mutations importantes . Le développement du temps libre a induit un fort accroissement de la pratique sportive et une large diversification. La pratique individuelle du sport a considérablement augmenté (13 millions de licenciés sur 30 millions de pratiquants). De plus, les populations sportives se sont largement diversifiées et comptent désormais des adultes et des personnes âgées.

Les collectivités territoriales ont rapidement mis en place des réponses appropriées à ces évolutions. Elles ont notamment veillé à répartir les temps d'utilisation des installations sportives, afin de permettre aux nouveaux publics d'en disposer. Elles ont renforcé leurs politiques d'animation et de développement sportifs, organisant notamment des manifestations adéquates sur la voie publique pour les " nouveaux sports ", telles que les randonnées cyclistes, ou les courses pour patineurs sur route.

D. DES DYSFONCTIONNEMENTS QUI HANDICAPENT LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LE DOMAINE DU SPORT

Dans la mise en oeuvre de leur politique sportive, les élus locaux se heurtent à deux écueils majeurs : la volatilité des normes qu'ils doivent respecter et l'absence d'un interlocuteur unique représentant l'Etat.

1. La multiplicité des services extérieurs compétents

La répartition des compétences entre les différents ministères contribue à multiplier le nombre des représentants de l'Etat compétents dans un secteur précis du domaine sportif, et par conséquent le nombre d'interlocuteurs des collectivités territoriales. L'absence de concertation et de coordination entre les services extérieurs de l'Etat constitue un facteur de complexification et handicape la mise en place de politique locale sportive cohérente.

Les services extérieurs du ministère de la jeunesse et des sports ne disposent que de très peu de crédits déconcentrés et ne peuvent intervenir dans tous les domaines concernés par l'action sportive des collectivités territoriales.

Depuis 1982, les professeurs d'éducation physique étant placés sous la responsabilité du ministère de l'Education nationale et non plus sous la responsabilité du ministère des sports, les collectivités locales souhaitant mettre en oeuvre (et financer) des activités péri ou extra scolaires doivent obtenir l'accord du rectorat, tout en respectant les cadres de contrat fixés par le ministère de la jeunesse et des sports.

De même, depuis 1994, les crédits permettant la réalisation d'équipements sportifs de proximité sont affectés au ministère des affaires sociales et de la ville. Ces équipements sont donc financés par les crédits du Fonds social urbain, déconcentrés et gérés par les directions départementales de l'équipement. Pour autant, le ministère de la jeunesse et des sports participe toujours aux différents politiques de requalification sociale des quartiers dégradés ainsi qu'aux actions éducatives et de prévention en faveur des jeunes en difficultés (qui peuvent d'ailleurs prendre la forme d'activité péri ou extra scolaires).

Selon les actions et les projets qu'elles souhaitent développer, les collectivités territoriales doivent parvenir à réunir et convaincre trois ou quatre représentants de l'Etat. Les financements de ces actions deviennent donc particulièrement complexes et les responsabilités s'entremêlent , souvent au détriment des élus locaux.

2. Normes et responsabilité

Les normes de sécurité et d'hygiène applicables aux installations sportives ne sont nullement remises en cause. Elles permettent souvent de résoudre des situations dangereuses et d'éviter à l'avenir des accidents graves, à l'instar des mesures régissant l'homologation des installations ouvertes au public, prises après la catastrophe de Furiani. De plus, ces dispositions législatives prévoient des délais d'adaptation permettant de répartir la charge financière qu'elles induisent sur plusieurs années. Il n'en est pas de même de toutes les normes que les collectivités territoriales doivent respecter, notamment celles qui ont une valeur infra-législative.

a) Les normes techniques

Les fédérations sportives disposent d'un monopole absolu pour les règles techniques relatives à leur discipline (règlement sportif). Au-delà des règles techniques pures, les fédérations se sont vu reconnaître (301( * )) la capacité d'édicter des normes réglementaires concernant les équipements utilisés lors des compétitions sportives qu'elles organisent.

Le décret n° 93-1034 du 31 août 1993 détermine les conditions dans lesquelles les modifications de normes peuvent intervenir. Deux dispositions restreignent le pouvoir des fédérations : une étude préalable à toute modification doit être réalisée pour prévoir les conséquences économiques, et une interdiction est prévue, empêchant les fédérations, d'imposer un type de matériau ou de matériel, seul le résultat obtenu devant être défini.

Ces quelques restrictions ne prévoient aucune périodicité de modification des règles. Les collectivités territoriales sont donc soumises aux réformes incessantes des normes , engendrant des travaux d'adaptation multiples et coûteux.

Enfin, il convient de rappeler que les fédérations peuvent influencer très largement sur le pouvoir de police du maire s'exerçant sur les installations sportives. En effet, lorsqu'un maire décide pour des raisons de sécurité ou d'hygiène de ne pas délivrer l'autorisation d'ouverture au public, les représentants de la fédération appliquent une sorte de sanction implicite, en déclarant perdante l'équipe sportive du territoire. Cette pression, ajoutée aux pressions économiques, conduit parfois des élus locaux à autoriser des rencontres, et à engager ainsi leur responsabilité.

b) Les règles applicables aux personnels sportifs

Outre son rôle de définition des conditions de recrutement du personnel des services municipaux des sports (par l'arrêté du 16 mai 1966), le ministère des sports enrichit régulièrement la liste des brevets d'Etat nécessaires pour encadrer ou enseigner les différentes disciplines sportives. Ces dispositions indispensables pour la sécurité des sportifs se révèlent parfois inadaptées aux besoins des collectivités locales , qui ne peuvent trouver les personnels disposant des compétences et des qualifications requises.

Les collectivités territoriales rencontrent ainsi des difficultés à mettre en oeuvre leur politique sportive lorsqu'elles ne peuvent recruter le personnel nécessaire pour la mener à bien. En raison de la multiplication des conditions de compétence et de diplôme, et des changements fréquents de la nomenclature des brevets d'Etat délivrés par le ministère de la jeunesse et des sports, certaines collectivités territoriales sont contraintes de renoncer à leurs projets.

De plus, dans certaines disciplines récentes, les brevets d'Etat n'existent pas encore. Les collectivités territoriales hésitent alors à recruter des personnels ayant une pratique sûre de ces disciplines, mais dont les compétences ne sont pas sanctionnées par un diplôme, la responsabilité de l'autorité exécutive de la collectivité locale pouvant être engagée en cas d'accident.

VII. LES INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

A. LA SITUATION ANTÉRIEURE À 1982 : UN CADRE JURISPRUDENTIEL RESTRICTIF

Les collectivités territoriales sont elles-mêmes des agents économiques de premier plan par le seul exercice de leurs compétences traditionnelles. Les flux financiers que produit l'accomplissement de leurs missions leur donnent une place importante dans l'économie locale en tant qu'acheteurs comme en tant qu'employeurs. Ce rôle économique essentiel se distingue de celui d'intervenant au profit des entreprises du secteur marchand.

Les relations entre les collectivités locales et l'économie n'ont longtemps été appréciées qu'à travers ce qu'il est convenu d'appeler l'" interventionnisme économique " c'est-à-dire le moment où la collectivité publique intervient dans un domaine réservé à l'initiative privée. Ces interventions sont demeurées soumises à des conditions très restrictives sinon à une interdiction totale et très largement définie par la jurisprudence administrative. Mais les lois de décentralisation de 1982 ont marqué un tournant décisif en reconnaissant et en confirmant les capacités d'intervention des collectivités locales dans le secteur économique.

Auparavant, les interventions économiques des collectivités locales évoluaient dans un cadre jurisprudentiel restrictif .

Dans de nombreux avis ou décisions du Conseil d'Etat, apparaissent plusieurs préoccupations : souci de ne pas fausser les règles du droit commercial et en particulier celles qui concernent la faillite ; souci de respecter les règles de la concurrence qui se trouveraient violées si des aides publiques pouvaient être attribuées à des entreprises privées ; nécessité de sauvegarder les finances locales contre les risques financiers encourus dans une gestion de type privé.

Le juge administratif considérait que seules des circonstances particulières de temps et de lieu ou un intérêt public local pouvaient justifier une intervention des collectivités locales .

Mais les premières transformations apportées par le Conseil d'Etat à sa position traditionnelle ont été progressivement élargies : ainsi a-t-il été admis qu'une commune crée un service dès lors que son prix était plus modique et ses conditions plus favorables que ceux du secteur privé ( Syndicat des exploitants de cinématographes de l'Oranie, 12 juin 1959 ) ; quant à la notion d'intérêt public local, elle a été élargie des besoins primordiaux aux besoins les plus divers.

Allant encore plus loin, le Conseil d'Etat a admis des interventions des collectivités locales justifiées par leur nature même, parce qu'elles se rattachent à un service public de nature administrative : création par une commune d'un service de consultation juridique à l'occasion de la réalisation d'un lotissement ( Sect. 23 décembre 1970, préfet du Val-d'Oise et ministère de l'intérieur contre commune de Montmagny ).

Dans le domaine des services publics industriels et commerciaux, la Haute Juridiction a considéré qu'un tel service pourrait être assuré dans le cas où il constitue le prolongement d'un service existant. Poursuivant cette évolution, le Conseil d'Etat en est venu à admettre des aides directes aux entreprises en vue du développement économique.

B. LES LOIS DE DÉCENTRALISATION : PRINCIPES ET LIMITES

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 autorise explicitement pour la première fois les collectivités locales à intervenir en faveur des entreprises. Son article 5 dispose, en effet, que " la commune peut intervenir en matière économique dans les conditions prévues au présent article ".

Dans le même esprit, la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 , relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, dispose dans son article premier que ces mêmes collectivités règlent par leurs délibérations les affaires d'intérêt local : " A ce titre, elles concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, social et culturel, ainsi qu'à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie ".

De plus, la loi n° 83-645 du 13 juillet 1983, définissant les choix stratégiques, les objectifs et les grandes actions du développement de la Nation pour le IX e Plan reconduit les règles établies par le plan intérimaire en ce qui concerne les interventions économiques des collectivités locales, sous réserve, en cas de besoin d'un réexamen à mi-parcours.

Dans le même temps, la liberté des collectivités locales était renforcée par la suppression de tous contrôles a priori remplacés par une possibilité de recours juridictionnel dans le seul cas de violation de la loi.

La nouvelle législation établit une distinction entre, d'une part, les interventions proprement dites en faveur du développement économique et, d'autre part, l'aide aux entreprises en difficulté et la protection des intérêts économiques et sociaux.

S'agissant de l'action en faveur de l'intervention économique, la loi distingue entre les aides directes, limitativement énumérées et strictement encadrées, et les aides indirectes , en principe libres, car elles sont censées ne pas profiter à l'entreprise en établissant un lien financier entre elles et la collectivité qui les accorde.

L'aide aux entreprises en difficulté et la protection des intérêts sociaux est également libre, sous réserve de conditions peu contraignantes. En particulier, les conditions et les modalités de l'aide doivent être formalisées par une convention conclue entre la collectivité et l'entreprise, et il ne peut être pris aucune participation dans le capital d'une société commerciale hormis les sociétés d'économie mixte locales et, pour les régions, les sociétés de développement régional et les sociétés de financement.

Hormis les conditions particulières propres à telle ou telle catégorie d'aides, le législateur, principalement sous l'influence du Sénat, a établi trois grandes limites de principe à la nouvelle liberté des collectivités locales :

- la première limite concerne le respect des compétences de l'Etat : ce dernier " a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale ainsi que la défense de l'emploi " ;

- la deuxième tient à la réaffirmation du principe selon lequel l'intervention économique des collectivités locales s'exerce " sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe de l'égalité des citoyens devant la loi " ;

- enfin, les interventions économiques des collectivités locales doivent respecter " les règles de l' aménagement du territoire ".

S'ajoute à ces limites de droit interne l'exigence de la compatibilité des aides des collectivités locales avec les dispositions du droit communautaire relatives aux aides publiques, en particulier l'article 92 du Traité de Rome , lequel dispose que " sauf dérogations prévues par le Traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges avec les Etats membres, les aides accordées par les Etats, ou au moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ". Les aides des collectivités locales sont assimilées à des aides de l'Etat.

C. LE DISPOSITIF RÉSULTANT DE LA NOUVELLE LÉGISLATION

1. L'action en faveur du développement économique

L'action en faveur du développement économique regroupe les interventions en direction des entreprises et de leur environnement, afin de favoriser la création et l'extension des entreprises.

Faute d'être dégagé par la loi elle-même, le critère de distinction entre aides directes et aides indirectes l'a été par la juridiction administrative 302( * ) : l'aide directe se traduit par la mise à disposition de moyens financiers à l'entreprise bénéficiaire, avec une conséquence comptable (immédiate ou potentielle) dans son compte de résultats.

Quant aux aides indirectes , elles recouvrent toutes les autres formes d'aides consistant soit à mettre à la disposition des entreprises des biens immeubles, soit à améliorer leur environnement économique et à faciliter l'implantation ou la création d'activités.

a) Les aides directes au développement économique

L'utilisation par les collectivités locales des aides directes en faveur du développement économique s'effectue sous une quadruple contrainte.

Première contrainte , ces aides sont limitativement énumérées par la loi (art. 4 de la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982). Il s'agit de la prime régionale à la création d'entreprises, de la prime régionale à l'emploi , de prêts, avances et bonifications d'intérêts.

Aucune forme nouvelle d'aide directe ne peut être envisagée en dehors de ces dispositions, sous réserve d'une habilitation législative expresse donnée aux collectivités locales 303( * ) .

Deuxième contrainte , le régime des aides directes se caractérise par la prééminence conférée à la région dans la loi du 2 mars 1982 : les initiatives éventuelles des départements et des communes sont ainsi subordonnées à l'intervention préalable de la région.

Cette prééminence de la région comporte trois conséquences pour les autres collectivités :

- les communes et les départements ne peuvent que compléter l'aide régionale lorsque celle-ci n'atteint pas le plafond fixé par décret ;

- elles ne doivent intervenir que dans les zones et les secteurs d'activités retenus par le conseil régional ( art. L 1511-2 al. 2 du code général des collectivités territoriales) ;

- elles ne peuvent accorder une aide directe à une entreprise que si la région a décidé, au préalable, de lui octroyer une aide.

Toutefois, la région ne peut rien faire qui s'apparenterait à une mise sous tutelle des départements et des communes.

Troisième contrainte , ayant trait à la forme, l'octroi des aides directes résulte, pour toutes les catégories d'aides, d'une décision de l'exécutif local prise en exécution d'une délibération de l'assemblée locale. C'est une compétence qui ne peut faire l'objet d'aucune délégation.

Quatrième et dernière contrainte , de pure logique, les aides directes destinées aux entreprises ne peuvent être versées que si l'entreprise se trouve dans une situation régulière au regard de ses obligations fiscales et sociales.

Ces contraintes s'appliquent aux différentes aides directes, que l'on peut regrouper en deux catégories : d'une part les primes, d'autre part les prêts, avances et bonifications d'intérêts.

La prime régionale à l'emploi (PRE) est accordée aux entreprises ayant pour objet l'une des activités déterminées par le conseil régional et réalisant une création, une extension ou une reconversion. Son montant varie de 10 000 F à 20 000 F par emploi, dans la limite de trente emplois (il est de 40 000 F dans les zones de montagne et dans celles ayant bénéficié de l'ancienne aide spéciale rurale). La PRE ne peut être cumulée avec la prime d'aménagement du territoire (PAT).

La prime régionale à la création d'entreprises (PRCE) a un montant forfaitaire, à la différence de la précédente : d'un montant maximum de 150 000 F, elle peut être accordée aux entreprises ayant pour objet l'une des activités définies par le conseil régional, qui s'engagent à créer un certain nombre d'emplois.

Les primes sont donc encadrées par des dispositions strictes. En outre, la prime à la création d'entreprise est réservée aux entreprises créées depuis moins d'un an, la prime régionale à l'emploi à celles dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 300 millions de francs. Les emplois créés doivent être à durée déterminée.

Les prêts, avances et bonifications d'intérêts , accordés à des conditions plus favorables que celles du marché font l'objet d'une réglementation uniforme , qui ne varie pas en fonction d'un zonage géographique 304( * ) . Il doit s'agir de prêts à long terme , impliquant des créations d'emplois (jusqu'à 30 pour une création d'entreprise) et respectant un écart maximum avec le taux moyen du marché des obligations 305( * ) . Les avances ne comportant pas paiement d'un intérêt sont interdites.

b) Les aides indirectes

Contrairement aux aides directes, les aides indirectes sont libres . Les trois catégories de collectivités locales (communes, départements, régions) sont donc placées sur un pied d'égalité pour octroyer, seule ou conjointement, des aides indirectes en faveur du développement économique.

Cette liberté autorise un foisonnement d'initiatives : promotion et aides à la commercialisation de produits , conseil en gestion , actions en faveur de l'immobilier d'entreprises, crédit bail immobilier, toléré de manière exceptionnelle, en particulier dans le domaine du commerce et de l'artisanat.

Une première exception à cette liberté concerne les rabais consentis sur les loyers ou les prix de vente d'un bâtiment qui ne sont autorisés que dans des conditions strictes.

La liberté des collectivités locales est également fortement encadrée en matière de garanties d'emprunts , en raison de l'utilisation massive par les collectivités locales de ce procédé, qui n'entraîne pas de charge immédiate pour celles-ci mais peut se révéler très lourd de conséquences en cas de défaillance de l'emprunteur 306( * ) . A la règle initiale du plafonnement des engagements, le législateur a ajouté des règles prudentielles nouvelles 307( * ) concernant les garanties accordées à des personnes privées 308( * ) pour les emprunts qu'elles souscrivent.

Autre limite à la marge d'initiative des collectivités locales, elles ne peuvent, en principe, sauf autorisation par décret en Conseil d'Etat, prendre de participation dans le capital de sociétés commerciales autres que les SEM. Cependant, afin de faciliter la mutualisation des risques et de limiter les conséquences financières des aléas assumés par les collectivités locales, la loi les autorise à participer au capital de sociétés anonymes ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers octroyés à des personnes de droit privé, notamment à des entreprises nouvellement créées. Les modalités de constitution et de fonctionnement de ces sociétés de garantie ont été fortement encadrées par le décret n° 88-491 du 2 mai 1988.

2. La protection des intérêts économiques et sociaux de la population

Cette protection constitue le second volet de l'intervention économique des collectivités locales ; elle recouvre les aides aux entreprises en difficulté, les actions destinées à assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural et subsidiairement les aides en faveur des entreprises exploitant un cinéma.

a) Les aides aux entreprises en difficulté

Le régime actuel de ces aides se caractérise selon l'origine de celles-ci : interdites lorsqu'elles proviennent des communes, elles sont autorisées lorsqu'elles émanent des départements ou des régions.

En ce qui concerne le département (alinéas 1 et 2 de l' article L. 3231-3 du code général des collectivités territoriales), les aides aux entreprises en difficulté, qui ont pour objet la mise en oeuvre de mesures de redressement, ne sont pas subordonnées à une intervention préalable de la région et sont prévues en des termes extrêmement larges. Il n'y a pas en la matière la distinction entre aides directes et indirectes qui existe à propos des aides économiques ; toutefois, une exception vise la prise de participation au capital d'une société commerciale, interdite en l'absence d'autorisation par décret en Conseil d'Etat, même dans le cas d'une entreprise en difficulté.

Quant à la région , sa compétence est affermie par l' article 4211-1-6° du code général des collectivités territoriales.

Elle a pour mission, dans le respect des attributions des départements et des communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement économique, social et culturel de la région par toutes interventions dans le domaine économique, dans les mêmes conditions et limites que celles prévues pour le département et après consultation préalable des conseils municipaux et des conseils généraux concernés.

La circulaire n° 82-102 du 24 juin 1982 du ministère de l'intérieur et de la décentralisation a précisé que la notion de protection des intérêts économiques et sociaux de la population " doit être interprétée à la lumière des circonstances propres de chaque affaire, une certaine proportion devant exister entre l'importance de la collectivité concernée et la gravité des conséquences prévisibles du sinistre qui pourrait se produire faute d'une tentative de sauvetage de l'entreprise ".

La même circulaire a tenté de donner quelques critères, juridiques et économiques, destinés à guider les élus dans leurs interventions.

• Critères juridiques :

Ce sont la cessation de paiement, le dépôt de bilan, la suspension provisoire des poursuites, le règlement judiciaire. Ces critères ont l'inconvénient de ne pouvoir être constatés qu'une fois la situation gravement détériorée. C'est pourquoi il convient de les compléter par des critères économiques dont l'évolution est plus progressive.

• Critères économiques :

Il s'agit de baisses du carnet de commandes, d'incidents de paiement des cotisations sociales, de chômage technique ou de mesures de licenciement.

L'aide de la collectivité est subordonnée , on l'a vu, à la conclusion d'une convention prévoyant les mesures nécessaires au renflouement de l'entreprise.

b) Le maintien des services nécessaires à la population

Les articles L. 2251-3, L. 3231-3 et L. 4211-1 (6°) du code général des collectivités territoriales qui trouvent leur source dans les articles 5 et 66 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiés par la loi n°88-13 du 5 janvier 1988) autorisent respectivement les communes, les départements et les régions à accorder des aides directes et indirectes, lorsque cette intervention a pour but " d'assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural et que l'initiative privée est absente ou défaillante ".

L'intervention des collectivités locales est donc subordonnée à trois conditions :

- elle doit porter sur un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population , sans qu'il s'agisse nécessairement d'un service public. Peuvent être aidées toutes sortes d'activités publiques ou privées dès lors qu'elles concourent à satisfaire des besoins de la population : stations-service, hôtels, restaurants, magasins d'alimentation, débits de tabac ou de boissons, etc. ;

- le service concerné doit être nécessaire à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural (notion plus large que la notion de commune rurale qui est limitée aux communes de moins de 2.000 habitants) ; peuvent être pris en compte non seulement les besoins de la population résidente mais aussi ceux de la population de passage ;

- l'initiative privée doit être défaillante .

Ces interventions obéissent aux règles applicables aux actions en faveur des entreprises en difficulté.

c) Les subventions des communes aux entreprises exploitant un cinéma

Prévue à l' article L 2251-4 du code général des collectivités territoriales qui reprend les dispositions de l'article 5 § IV de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, cette intervention concerne les communes rurales . Elle s'adresse aux entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation des salles de spectacle cinématographique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à l'exclusion des entreprises spécialisées dans la projection des films visés à l'article 279 bis du code général des impôts. Elle est subordonnée aux stipulations d'une convention entre l'exploitant et la commune.

D. LE BILAN QUANTITATIF ET QUALITATIF

Les interventions économiques des collectivités territoriales sont mal connues parce que leur recensement n'est ni complet ni fiable. D'autre part, le phénomène lui-même est mal encadré, car les règles communautaires sont difficiles à assimiler, peu suivies et rarement contrôlées. Quant aux règles nationales mises en places depuis 1982, elles sont apparues en décalage avec les réalités locales, au point que des réformes ont été envisagées dès 1988 sans jamais pourtant être conduites à terme.

Il est difficile aujourd'hui encore de recenser les instruments de mesure des aides accordées par les collectivités territoriales. En revanche, il est plus aisé de percevoir les écarts de pratique entre les collectivités et l'assouplissement de fait imposé au cadre juridique communautaire et national. On distingue mal la combinaison entre les interventions de l'Union européenne et celles de l'Etat et entre ce dernier et les autres niveaux d'administration décentralisée.

Trois aspects de cette tentative de bilan se dégagent toutefois.

• Les aides des collectivités territoriales aux entreprises sont restées modérées (rapportées au montant de leurs dépenses) mais elles n'ont fait que se développer et se diversifier.

• Le cadre juridique communautaire et national éclate sous le coup des nécessités pratiques.

• L'efficacité de ces interventions reste difficile à mesurer.

1. Le développement constant des aides aux entreprises

Les interventions des collectivités territoriales se sont intensifiées sous l'effet de plusieurs facteurs : le déclin ou la disparition d'activités industrielles traditionnelles, les restructurations entraînées par l'introduction des techniques nouvelles de production ou de gestion des entreprises, l'accentuation de la concurrence et la mobilité accrue des entreprises.

Les collectivités territoriales ont donc été soit contraintes d'intervenir (déclin, restructuration) pour lutter contre le chômage, soit tentées de le faire (accentuation de la concurrence, mobilité accrue) pour provoquer une décision d'implantation.

a) Il n'est pas aisé de mesurer l'importance des aides accordées.

Le recensement quantitatif des interventions économiques des collectivités locales se révèle par nature :

incomplet : depuis 1991, seules les collectivités de plus de 5.000 habitants sont prises en compte au lieu de celles de 700 habitants auparavant. Or, les communes de moins de 5000 habitants regroupent 40% de la population et 95% des communes ;

• peu fiable : les définitions des catégories d'aides diffèrent selon les caractéristiques retenues par le ministère des finances et la loi, en particulier pour ce qui concerne la distinction entre aides directes et indirectes.

Toutefois, un bilan quantitatif des interventions économiques des collectivités locales peut être fait globalement puis par secteur d'activité, nature de collectivités et par nature des aides accordées.

à Le bilan global : une part réduite dans les budgets locaux

Entre 1984 et 1994, les aides au développement économique accordées par les collectivités locales au secteur privé ont triplé (4,4 milliards de francs à 14,3 milliards de francs) pour se stabiliser ensuite (13,8 milliards de francs en 1998). Elles représentent en 1984 comme en 1998 la quasi-totalité des interventions économiques des collectivités locales (95,9 % et 99,5 %). Au regard de leurs dépenses totales, les aides représentent une part minime de l'effort des collectivités locales : 1,50 % pour les communes, 1,60 % pour les départements et 5,15 % pour les régions en 1998. La prudence des collectivités locales et l'interdiction faite aux communes par la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'aider les entreprises en difficulté explique ce phénomène.

Au total des aides accordées par les collectivités locales, il faut ajouter les garanties d'emprunts dont l'encours s'élevait à 235 milliards de francs en 1998. Les communes interviennent pour 62 % dans l'encours des garanties d'emprunts et le logement représente 93 % de cet encours.

à Les collectivités concernées : la prédominance des régions

En 1998, la part des communes et groupements représente près de la moitié (47,1 %) des interventions des collectivités locales et celle des départements le quart (25,2 %). La part des régions qui atteignait en 1994 40,9 % des interventions a diminué (27,7 % des interventions en 1998).

Toutefois, cette analyse doit être mesurée à l'aune des moyens budgétaires de chaque collectivité ; ainsi les interventions économiques représentaient, en 1994, 4,7 % des dépenses d'équipement des communes, 5,2 % de celles des départements et 10,3 % de celles des régions.

à La répartition par secteur d'activité : l'industrie, le commerce, l'artisanat et le logement en tête

Deux grands secteurs d'activité concentrent près des deux tiers des aides : l'industrie, le commerce et l'artisanat (40,1 %) et le logement (23,1 %). La part de l'industrie est en diminution constante depuis 1984 puisqu'à cette date, ce secteur représentait 50 à 55 % du total des aides.

Trois autres secteurs d'activité méritent attention :

• l'agriculture qui reçoit 11,6 % des aides et dont la part a le plus chuté depuis 1984 (-17,4 %) Ce sont les régions qui contribuent le plus sous formes de subventions (63,7 %) ;

• le tourisme qui, en 1998, réunit 5,1 % des aides dont 45 % en provenance des départements ; ce secteur a vu sa part osciller entre 8 % et 5 % entre 1984 et 1998 ;

• le bâtiment et les travaux publics dont la part dans le total des aides est de 8,4 % soit une valeur moyenne depuis 1983 ; les communes représentent 83 % de l'effort consenti en faveur de ce secteur.

à La nature des aides accordées : la prééminence des aides directes

Les aides directes représentent plus de 75 % du total des aides (10,5 milliards de francs en 1998 soit 75,94 %) ; cette prépondérance est encore plus marquée pour deux types de collectivités : les départements (83,7 %) et les régions (82,9 %).

Les secteurs qui bénéficient des aides directes étaient, par ordre décroissant, en 1998 : logement (25,6 %), industrie commerce et artisanat (30 %), agriculture (13,6 %), bâtiment et travaux publics (9,5 %).

Les aides indirectes (hors garanties d'emprunts et de cautionnements) qui sont en progression de 2,1 % en 1998 par rapport à 1997, représentent moins d'un quart des aides des collectivités locales (24 % en 1998) et sont essentiellement octroyées par les communes (63,25 % en 1998).

Les prises de participation des collectivités locales dans les sociétés mixtes locales, les sociétés de développement régional ou autres sociétés représentent 30,4 % des aides indirectes en 1998.

La participation aux fonds de garantie est extrêmement réduite (1,5 % en 1998), ce qui prouve que ces fonds sont vraiment tombés en désuétude.

b) La multiplication des initiatives, parfois au-delà du cadre légal

Les difficultés économiques et la dégradation de l'emploi ont provoqué, à la faveur des lois de décentralisation, une implication directe plus forte des élus locaux dans le développement, qu'elle soit volontaire ou contrainte. Ils sont devenus des acteurs du développement très sollicités .

Le cadre était souple ; les collectivités ont fait preuve d'imagination ; les aides se sont diversifiées. Finalement, le développement des initiatives aux différents niveaux d'administration publique a débouché sur une certaine confusion institutionnelle . Les objectifs des lois de décentralisation ne se sont pas traduits dans les faits dans la mesure où les régions auxquelles la loi avait octroyé une compétence d'impulsion, de coordination et d'initiation, parallèlement à celle de l'Etat, ont rarement exercé ce rôle, en raison du caractère très localisé des interventions Les départements ont souvent conduit leur propre politique .

Les contrôles des chambres régionales des comptes de même que les enquêtes de la Direction générale des collectivités locales, indiquent que les aides directes notamment les primes régionales à la création d'entreprises (PRCE) et les primes régionales à l'emploi (PRE) sont relativement délaissées et que les collectivités agissent largement sans référence au cadre législatif de 1982 .

Les collectivités sont plutôt tentées d'accorder des prêts et avances à taux très bonifiés ou nuls. L'utilité économique de ces prêts à taux faible ou nul est mise en avant par les collectivités lorsqu'ils sont destinés à l'artisanat ou à des PME dans la mesure où ils permettent d'accroître les capitaux permanents de ces entreprises. Ils répondent ainsi pour partie au manque de fonds propres des sociétés petites ou moyennes. Les collectivités se substituent donc aux établissements bancaires sous le coup de la nécessité.

S'agissant des aides indirectes , les garanties d'emprunt ou les cautionnements apportés à des entreprises privées par les collectivités territoriales (principalement les communes) ont un peu décliné en nombre, mais cette diminution n'a pas été compensée par un recours accru aux fonds de garantie dont la loi n°88-13 du 5 janvier 1988 entendait faire un instrument de mutualisation des risques pris par les collectivités en matière de garantie d'emprunt.

Cette loi a autorisé la participation de plein droit des régions, des départements et des communes au capital de sociétés anonymes ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers octroyés à des personnes de droit privé (en 1994, seuls cinq régions et cinq départements participaient au capital de ces sociétés de garantie).

Les sociétés de capital-risque, qui permettent un soutien en fonds propres aux PME-PMI afin de les aider dans leur phase de démarrage ou de développement, rencontrent une faveur plus grande auprès des collectivités même si ces participations restent modestes.

Les collectivités ont également développé des actions d'animation pour la promotion économique de leur territoire, la prospection d'investisseurs nationaux ou internationaux, le conseil et la diffusion d'informations.

Cependant, l'essentiel des interventions des collectivités territoriales reste concentré sur les aides à l'immobilier d'entreprise et aux terrains : aménagement de zones d'activités économiques, réalisation d'ensembles immobiliers destinés à accueillir des entreprises, aides foncières et aides à la construction d'immeubles destinés à des entreprises particulières. Or, il s'avère qu'avant même de profiter à des entreprises déterminées, ces aménagements sont de lourdes charges pour les collectivités jusqu'à ce qu'ils trouvent preneurs.

Enfin, d'une façon générale, les collectivités locales ont aussi délégué une partie de leur compétence dans le domaine de l'action économique en ayant recours, au-delà même des actions de promotion et de prospection, à des structures spécialisées de droit privé, placées sous leur contrôle (" agences économiques " ou " comités d'expansion ").

2. Les interventions économiques des collectivités territoriale sont-elles efficaces ?

Les collectivités territoriales se proposent de favoriser la création ou l'extension d'entreprises et plus particulièrement de PME-PMI. A cet objectif correspondent des aides sous forme d'avances de garanties d'emprunts, d'apports en capitaux propres ou de primes à la création d'emplois.

Ces mesures peuvent avoir leur utilité Mais comme l'ont mis en évidence les travaux du Sénat sur la proposition de loi présentée par nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Francis Grignon, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires, les outils dont disposent les collectivités locales pour soutenir la création de PME-PMI, pourraient être perfectionnés 309( * ) .

Les dispositifs existants de soutien à la création d'entreprises souffrent, en effet, d'une insuffisante prise en considération des besoins réels des petites et moyennes entreprises

En outre, les entreprises sont très attentives à un niveau modéré de charge fiscale locale. Au-delà, il ressort de toutes les enquêtes d'opinion auprès des chefs d'entreprise qu'ils sont particulièrement sensibles au contexte de développement offert par les collectivités publiques : aménagement de l'espace, y compris de zones d'activités ; voirie et infrastructures ; services publics de la formation professionnelle et de l'emploi, mise en réseau des initiatives privées et publiques et développement de synergies (par exemple, en matière de transferts de technologie et de savoir-faire).

Autrement dit, les entreprises attendent d'abord des collectivités territoriales, agents économiques et sociaux de premier plan, qu'elles exercent leurs compétences propres et traditionnelles.

Les interventions économiques répondent également à l'objectif d'aménagement du territoire . Certaines régions ont moins d'atouts ou sont entrées dans une phase de déclin. En l'absence d'intervention publique, la stagnation voire la régression économique de ces territoires nuiront à la collectivité et à ses membres. Il y a donc nécessité de rééquilibrer. La loi du 4 février 1995 a défini des " zones d'aménagement du territoire ". Il appartient aux collectivités territoriales par les aides économiques qu'elles accordent de renforcer les effets de cette politique en lui apportant des moyens financiers supplémentaires.

Les collectivités territoriales veulent aussi aider les entreprises les plus petites à anticiper et à financer les progrès qualitatifs indispensables à leur survie, au maintien de leurs positions ou à leur développement. Les outils qui correspondent à cet objectif sont notamment les fonds d'aide au conseil, à la communication, à l'embauche de cadres, à l'exportation.

Les effets sont cependant parfois décevants.

Tout d'abord, l' impact sur le comportement des entreprises, qui obéit à des lois économiques, est incertain . Dans le domaine économique, les collectivités territoriales n'ont aucune assurance d'avoir une influence déterminante sur le comportement des entreprises pour deux raisons : la décision d'investir et de recruter ne leur appartient pas ; les résultats obtenus peuvent être remis en cause à court, moyen ou long terme par une multitude de facteurs sur lesquels elles n'ont aucune prise : stratégie des groupes internationaux, conjoncture économique, capacités de gestion des dirigeants des entreprises aidées...

En second lieu, la dispersion des initiatives peut s'avérer inefficace. La multiplicité des niveaux d'intervention (communal, intercommunal, départemental, régional, étatique, européen) encourage les " chasseurs de primes " et peut provoquer de coûteux doubles emplois.

En troisième lieu, la concurrence entre les collectivités peut leur être préjudiciable. Les entreprises d'une taille importante et désireuses de changer d'implantation ou de créer de nouvelles unités peuvent, en effet, être tentées de mettre en concurrence plusieurs collectivités françaises ou même une collectivité française et une collectivité étrangère.

Les collectivités territoriales prennent elles-mêmes conscience des risques de cette concurrence. Cinq présidents de région du Grand-Est ont ainsi signé le 15 mars 1995 une clause de non-concurrence destinée à éviter toute délocalisation d'une région vers une autre.

En quatrième lieu, le risque d'une neutralisation des politiques d'aménagement du territoire existe. Les collectivités qui bénéficient d'un niveau d'activité économique supérieur, voire très supérieur, à la moyenne nationale disposent, à pression fiscale égale et malgré l'existence de dispositifs légaux de péréquation, de moyens financiers beaucoup plus importants pour aider les entreprises installées ou s'implantant sur leur territoire. Leurs interventions risquent de neutraliser le soutien différencié que l'Etat et l'Union européenne s'efforcent d'apporter, par leurs politiques d'aménagement du territoire, aux zones défavorisées.

Enfin, les collectivités peuvent encourir des risques financiers . Ces risques sont relatifs lorsque les sommes en cause, quoique élevées, représentent une fraction minime du budget de la collectivité concernée mais il est arrivé que certaines collectivités fragiles aillent jusqu'à la cessation temporaire de paiement.

E. UN CADRE JURIDIQUE EN DÉCALAGE AVEC LA RÉALITÉ

La pratique des collectivités territoriales s'est souvent écartée des règles en vigueur mais, à la décharge de celles-ci, il convient de signaler que ces règles soulevaient de véritables difficultés d'interprétation et donc d'application dues à leur imprécision.

Tout d'abord, la loi de 1982 a créé des catégories sans les définir : aides directes et aides indirectes. L'administration a fini par admettre que les aides directes se traduisent par l'octroi de moyens financiers aux entreprises bénéficiaires et que les aides indirectes consistent, soit à louer ou vendre à des entreprises des immeubles, soit à favoriser l'environnement économique général, à faciliter l'implantation ou la création d'activités économiques ou à créer les conditions propices à un meilleur développement économique. Cette distinction ne semble pas avoir suffi à lever les incertitudes qui demeurent sur le régime juridique applicable.

1. Les manquements aux règles

• Les collectivités territoriales créent des régimes d' aides directes ou versent des concours financiers aux entreprises sans fondement juridique. Les plafonds des primes et les taux des prêts, avances et bonification d'intérêts ne sont pas toujours respectés. De nombreux départements accordent des aides alors que la région ne les octroie pas.

• En matière d' aides indirectes à l'immobilier d'entreprises , l'interdiction de consentir des rabais sur les locations ou rétrocession aux entreprises situées dans des zones non éligibles à la prime d'Etat d'aménagement du territoire (PAT) n'est pas toujours respectée et, dans les zones éligibles, le plafonnement du rabais (25 % de la valeur vénale) est le plus souvent ignoré.

D'autre part, les collectivités territoriales, d'après la Cour des comptes, feraient un usage abusif du crédit-bail.

• Les irrégularités concernant l'octroi des garanties , la participation à des fonds de garantie , à des sociétés de capital-risque et au capital d'entreprises sont moins nombreuses. Toutefois, reste entier le problème des collectivités qui ont pris des participations dans des sociétés privées en dehors des conditions fixées par la loi.

• Certaines collectivités, par " satellites " interposés, interviennent dans le secteur concurrentiel, hors de leur champ de compétence. Cette intervention peut soulever des difficultés au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie et de celui de l'égalité des citoyens devant la loi.

• La pratique confiant à des tiers l'octroi de concours publics fait encourir aux collectivités locales le risque de gestion de fait.

2. Les difficultés d'interprétation et de contrôle

a) Les incertitudes du cadre juridique résultent tout d'abord du droit communautaire

Le Traité de Rome pose comme principe que les aides accordées par les Etats sous quelque forme que ce soit sont incompatibles avec le marché commun dans la mesure où elles affectent les échanges entre les Etats membres. Cependant, ce principe admet des exceptions : sont possibles les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions... La Commission se réserve de statuer sur leur légalité lors de son examen de la compatibilité des régimes nationaux d'intervention économique avec les règles de la Communauté. Les aides des collectivités territoriales sont donc indirectement soumises au respect des obligations communautaires.

Dans le contrôle qu'elle exerce, la Commission apprécie les effets que les aides peuvent produire sur les marchés concernés . Cette appréciation est très largement fondée sur des circonstances de fait, telles que l'intensité de l'aide, l'importance de l'entreprise bénéficiaire et des courants commerciaux, la situation du marché (notamment au regard de difficultés conjoncturelles et structurelles), les éventuelles conséquences sur d'autres secteurs d'activités, l'incidence sur les marchés extérieurs et intérieurs.

La Commission dispose ainsi d'une compétence exclusive et d'un large pouvoir d'appréciation , sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes qui veille au respect des règles de procédure, afin d'assurer la protection des droits des tiers (Etats, entreprises concurrentes et entreprises bénéficiaires), tant par rapport aux décisions prises par les dispensateurs d'aides que par rapport à celles de la Commission.

En vertu de l'article 93-3 du Traité, les Etats membres sont dans l'obligation de notifier tout projet d'aide particulière ou de régime d'aides afin de permettre à la Commission de procéder à son examen préalable ; le projet ne peut être mis en oeuvre avant que la Commission ait reconnu définitivement sa compatibilité avec le marché commun.

En matière d'aides, le droit communautaire ne distingue pas entre aides directes ou indirectes , toutes les aides sont comptabilisées. Des aides régulières sur le plan national ne le seront pas forcément au regard du droit communautaire plus strict qui a été élaboré par la Commission. Une autre difficulté tient à ce fait justement que les dispositions applicables en droit communautaire résultent d'actes de la Commission dont la valeur juridique demeure incertaine. La Cour de justice ne s'est pas encore prononcée sur la compétence de la Commission pour arrêter de telles normes.

Enfin, ni les administrations déconcentrées de l'Etat ni les collectivités territoriales ne sont suffisamment informées des obligations de notification à la Commission des aides allouées. Les administrations françaises ne sont pas d'ailleurs seules en cause.

Le droit communautaire des aides aux entreprises

Les principes à partir desquels seront examinées au niveau communautaire les aides accordées par les Etats membres aux entreprises sont contenus dans des communications de la Commission qui sont dénommés " encadrements " ou " lignes directrices ".

Ces documents n'ont pas de portée juridique mais ils constituent la doctrine de la Commission en matière d'aides et leurs dispositions s'imposent dans les faits aux Etats membres dans la mise en oeuvre de leurs régimes d'aides.

Les principaux encadrements publiés à ce jour sont :

- l'encadrement des aides d'Etat aux petites et moyennes entreprises (paru au JOCE le 23 juillet 1996) qui prévoit que les taux d'aide maximaux à l'investissement sont de 15 % brut pour les petites entreprises (moins de 50 salariés) et de 7,5 % pour les moyennes entreprises (moins de 250 salariés). Dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels, le taux d'aide est plafonné à 30 %. Dans les DOM, il peut atteindre 75 % .

- l'encadrement des aides à finalité régionale pour la période 2000-2006 (paru au JOCE le 10 Mars 1998 pour application au 1 er janvier 2000) établi des règles d'attribution des aides dans les zones en retard de développement (zones éligibles à la PAT " industrie " et DOM) ;

- l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement (parue au JOCE le 10 mars 1994) concerne les aides aux investissement permettant de réduire ou d'éliminer la pollution. Il fixe des taux d'aide maximaux qui varient selon la nature de l'aide, la taille de l'entreprise concernée et sa localisation ;

- l'encadrement des aides à la recherche et au développement (paru au JOCE le 17 février 1996) régit les aides liées directement à la production ultérieure et à la commercialisation de nouveaux produits, procédés ou services. Les taux d'aide maximaux varient en fonction de l'activité aidée, la taille de l'entreprise concernée et sa localisation ;

- enfin, la communication " de minimis " (paru au JOCE le 6 mars 1996) qui fixe un seuil d'aide au-dessous duquel la Commission considère que l'aide ne peut fausser la concurrence, ce qui la dispense d'une notification préalable. Ce seuil est fixé à 100 000 euros par entreprise sur trois ans.

Il est à noter que le règlement du Conseil du 7 mai 1998 (JOCE du 14 mai 1998) habilite la Commission à arrêter des règlements d'exemption de notification sur les aides en faveur notamment des PME, de la recherche et du développement et de la protection de l'environnement. Ceux-ci, non encore arrêtés, auront vocation à remplacer les encadrements actuels.

b) La réglementation nationale est également génératrice de difficultés

Les règles concernant les interventions économiques des collectivités territoriales au profit du secteur marchand s'insèrent dans le droit administratif, mais elles coexistent par définition avec le droit bancaire, celui des sociétés et des principes de droit commercial ou civil.

Devant l'abondance de questions juridiques non résolues, il n'est pas surprenant que le contrôle de légalité s'exerce malaisément surtout lorsque les aides sont versées à partir d'un fonds global ou par l'intermédiaire d'un tiers.

De plus, les décisions à analyser sont nombreuses ; elles peuvent émaner, pour une même opération ou plusieurs opérations liées entre elles, de plusieurs collectivités de niveaux différents. Le secrétariat général pour les affaires régionales, la préfecture du département et une sous-préfecture peuvent, à propos d'une même affaire, être amenés à exercer leur contrôle de légalité.

Mais les préfets doivent prioritairement apporter leur concours au développement économique local et à la lutte contre le chômage. Or, tels sont les motifs affichés de toutes les aides. Le préfet est investi par le Gouvernement de l'obligation de participer activement à la sauvegarde et au développement de l'emploi alors que les moyens dont il dispose sont limités et qu'il est dès lors contraint à s'appuyer sur ceux des collectivités territoriales.

Au surplus, l'Etat n'est fréquemment plus capable de dégager, en face des crédits des fonds structurels européens qu'il doit mettre en oeuvre, les contreparties nationales requises par le principe communautaire d'additionnalité. Celles-ci sont alors négociées auprès des collectivités territoriales. Un contrôle strict de la légalité de l'intervention de ces dernières pourrait, dans de telles hypothèses, aboutir indirectement à priver notre pays de certains financements communautaires.

DEUXIÈME PARTIE




LES PROPOSITIONS

DE LA MISSION D'INFORMATION :

POUR UNE RÉPUBLIQUE TERRITORIALE


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DEUXIÈME PARTIE
LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION : POUR UNE RÉPUBLIQUE TERRITORIALE

Le bilan établi par votre mission d'information souligne à la fois l'efficacité des collectivités territoriales et les menaces qui planent sur la décentralisation.

Forcé de s'adapter aux réalités de la mondialisation dans un cadre européen plus contraignant, l'Etat est tenté de faire des collectivités locales les instruments de ses politiques. Il cède trop souvent à la tentation récurrente de la recentralisation .

Dans un environnement institutionnel complexe , la confusion des responsabilités constitue un terrain propice au foisonnement des initiatives, tout en présentant le risque de contribuer au découragement des élus et de rendre l'action publique peu lisible pour les citoyens.

Malgré les performances de leur gestion financière , les collectivités locales sont à la merci d'un retournement de conjoncture. Leurs marges de manoeuvre se resserrent sous l'effet conjoint de l'alourdissement des charges dont elles n'ont pas la maîtrise, de la moindre progression de leurs ressources et des atteintes à leur pouvoir fiscal. Cette évolution met en péril leur capacité à répondre aux besoins nouveaux.

L'épuisement des mécanismes de la dotation globale de fonctionnement, la mise en cause de la fiscalité locale et le développement des formules contractuelles dans un cadre à la fois imprécis et déséquilibré témoignent d'un essoufflement de la décentralisation , préjudiciable à l'efficacité de l'action publique et à l'approfondissement de la démocratie de proximité.

*
* *

Pour la mission d'information, retrouver l'esprit de la décentralisation est un impératif . Il s'agit de mieux associer les citoyens pour affronter ensemble les nouveaux défis sociaux et de construire, avec l'Etat et non contre l'Etat, une République territoriale rénovée .

C'est pourquoi la mission s'est prononcée en faveur d'une relance vigoureuse et concertée de la décentralisation , qui passe par :

la définition d'un nouveau contrat de confiance avec l'Etat, dans le cadre d'une organisation institutionnelle plus efficace ;

•  une clarification des compétences, dans le sens d'une décentralisation renforcée ;

•  des moyens humains mieux adaptés et des marges de manoeuvre financière préservées, le principe de libre administration des collectivités locales étant mieux garanti.

CHAPITRE I

UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE PLUS EFFICACE

Renforcer le cadre institutionnel de la décentralisation passe d'abord une adaptation de l'Etat aux conséquences de cette grande réforme (I).

Cet objectif nécessaire justifie, en outre, d'accompagner les mutations de l'organisation administrative locale avec le double souci de l'efficacité et de la simplification (II).

I.  POUR UN ÉTAT TERRITORIAL ADAPTÉ À LA DÉCENTRALISATION

A. UN ÉTAT RECENTRÉ SUR SES COMPÉTENCES ESSENTIELLES

a) L'État n'a pas le monopole de l'intérêt général

L'État unitaire, dont le modèle ne saurait être considéré comme figé, a tardé à prendre en compte le rôle plein et entier des collectivités locales. Lors de son audition par la mission, M. Jean Picq, conseiller-maître à la Cour des comptes et auteur d'un rapport sur la réforme de l'État, estimait que l'État en France avait été sérieusement ébranlé par la décentralisation mais que son architecture était encore le résultat d'un climat de méfiance envers les collectivités locales .

Appelant de ses voeux un changement d'attitude de l'État, la mission plaide pour l'instauration de relations de confiance avec les collectivités locales. Comme l'affirmait M. Christian Poncelet, président du Sénat, devant le Congrès de l'assemblée des départements de France, " nous avons besoin d'un État moderne, responsable, davantage à l'écoute des collectivités locales et d'un État majeur, qui tire définitivement les conséquences des lois de décentralisation ".

Dans l'idée de donner corps à un " État contractuel à la française " et de faire vivre la " République territoriale ", la mission prône un renoncement aux mesures centralisatrices qui révèlent la défiance de l'État à l'égard des acteurs locaux.

En effet, l'État n'a pas le monopole de l'intérêt général , auquel participent également les collectivités locales. Dès lors, la recherche de l'équité dans la diversité est plus efficace, au regard du principe d'égalité, qu'un traitement uniforme et donc le plus souvent inadéquat des situations sur l'ensemble du territoire.

En ce sens, la mission recommande une meilleure association des élus locaux aux décisions ayant une incidence sur leurs charges ou leurs ressources. Aussi l'élaboration des textes réglementaires doit-elle être organisée en concertation avec les élus locaux.

Une modification de la conception même des textes réglementaires ne s'impose-t-elle pas ? Il faudrait passer de la règle précise et impersonnelle fixée par l'État à la détermination d'un cadre juridique d'application souple et variée, favorisant l'expérimentation.

b) L'État doit se désengager des fonctions de gestion

L'État doit accepter de concevoir son rôle en fonction de la nouvelle donne que constitue la décentralisation et la reconnaissance aux collectivités territoriales de compétences de plein exercice 310( * ) .

En particulier, l'État doit se recentrer sur ses fonctions régaliennes (justice, police, ordre public et sécurité, diplomatie et affaires étrangères, défense, monnaie et finances) et permettre aux collectivités locales d'assumer leurs compétences dans les meilleures conditions, y compris en reconnaissant une certaine diversité dans la mise en oeuvre des politiques publiques. Son rôle réside essentiellement dans la péréquation , afin de réduire les inégalités de ressources entre collectivités locales, et dans la solidarité nationale .

Selon le rapport " Poursuivre la décentralisation " 311( * ) , réaffirmer les mission de l'État consiste en la révision de la répartition des compétences avec les collectivités locales, pour limiter les compétences partagées et les financements croisés.

Comme l'indiquait M. Christian Poncelet, président du Sénat, devant l'Académie des sciences morales et politiques, " l'État doit s'appliquer à lui-même le principe de subsidiarité. S'il doit conserver tout son pouvoir d'orientation et de mise en cohérence, les décisions concernant la vie des territoires doivent, elles, être systématiquement prises au niveau local le plus proche. D'une manière générale, l'État moderne doit être un État modeste recentré sur ses fonctions régaliennes, sa mission de stratégie et ses attributions de garant de la cohésion sociale et territoriale. "

La mission considère que les départs massifs à la retraite des fonctionnaires de l'État est une occasion de repenser le rôle et les missions de l'État et de réduire le poids des dépenses induites de fonction publique qui représentent aujourd'hui 40 % du budget de l'État.

B. RÉNOVER LA FONCTION DE CONTRÔLE

La mission déplore la " rupture de légitimité " entre les actes de l'État, qui bénéficient d'une présomption d'efficacité et de régularité, et ceux des collectivités locales, soumis à un contrôle parfois tatillon. Or, l'ensemble des collectivités territoriales fonctionnent, au moins autant que l'État, au bénéfice de l'intérêt public.

Le principe de libre administration des collectivités territoriales suppose que le juge accepte que les décideurs locaux aient une marge d'appréciation pour tout ce qui n'est pas interdit par la loi, alors que, trop souvent, celui-ci considère que tout ce qui n'est pas autorisé par le législateur est en fait interdit aux élus locaux.

1. L'État doit veiller à la qualité du contrôle de légalité

L'affaiblissement de la qualité du service rendu par l'État aux collectivités locales aboutit à une perte d'ingénierie au niveau local , renforçant encore l'emprise des administrations centrales. La mission souhaite une meilleure qualité du service rendu par l'État en matière de contrôle de légalité, notamment en direction des collectivités ayant des moyens juridiques limités.

a) Sanctionner les défaillances manifestes du contrôle de légalité

Le sentiment d'insécurité juridique qui pénalise aujourd'hui la vie publique locale, mis en évidence dans le rapport d'étape de la mission d'information, est alimenté par le fait que le contrôle de légalité ne vaut pas certification de légalité.

Or, la cour administrative de Marseille 312( * ) ayant récemment introduit un nouveau cas de responsabilité de l'État dans l'exercice du contrôle de légalité, sur le terrain de la faute simple 313( * ) , il est dans l'intérêt de l'État d'améliorer la qualité de ce contrôle.

Cette solution jurisprudentielle permettrait aux collectivités locales d'engager la responsabilité de l'État dans tous les cas où les défaillances de ce contrôle sont préjudiciables aux décideurs locaux. Il n'est en effet pas acceptable que les élus soient inquiétés par le juge financier voire par le juge pénal alors que le contrôle de légalité intervenu en amont n'a donné lieu à aucune observation ni à un déféré .

Une telle solution a néanmoins donné lieu à certaines objections.

M. Jean-Pierre Duport, président de l'Association du corps préfectoral, a rappelé que le contrôle de légalité n'était que la capacité de saisir le juge en cas de doute. Il a estimé que la responsabilité de l'État ne pouvait être mise en cause pour non-exercice du contrôle de légalité.

L'engagement de la responsabilité de l'État au titre du contrôle de légalité pourrait allonger le délai dans lequel les actes des collectivités locales deviendraient exécutoires, en raison de l'encombrement des juridictions administratives. De plus, le risque existerait d'un développement de contrôles pointilleux.

Tout en ne sous-estimant pas la valeur de ces objections et en relevant qu'un renforcement mal maîtrisé du contrôle de légalité pourrait conduire à une paralysie administrative la mission souligne néanmoins l'intérêt de la jurisprudence admettant la responsabilité financière de l'État pour réparer le préjudice causé à une collectivité locale.

b) Renforcer la qualité juridique du contrôle

Dans son rapport d'étape, la mission d'information a souhaité que le contrôle de légalité participe davantage à la sécurisation juridique. A cette fin, elle a préconisé qu'il continue à s'exercer dans les préfectures mais dans un cadre rénové , notamment grâce à une meilleure formation des agents qui en ont la charge, par l'adaptation des outils d'analyse et par l'apport de compétences extérieures.

Reçu par la mission, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a envisagé un renforcement de l'interministérialité pour l'élaboration des instructions aux préfets en matière de contrôle de légalité . Il a souhaité de la diffusion plus rapide de l'information juridique vers les préfectures grâce à la constitution d'une banque de données juridiques et aux possibilités du réseau " intranet " ainsi que l'amélioration de l'évaluation grâce à des outils statistiques plus élaborés et plus fiables.

Afin de renforcer l'articulation entre contrôle de légalité et contrôle de gestion , M. Hubert Blanc, conseiller d'État, reçu en audition par la mission, a regretté que les services préfectoraux utilisent peu la procédure prévue aux articles L. 234-1 et L. 234-2 du code des juridictions financières prévoyant que le préfet peut transmettre à la chambre régionale des comptes, à titre préventif, les conventions relatives à des délégations de service public ou aux marchés publics afin que celle-ci formule des observations dans le délai d'un mois.

Lors de son audition par la mission, M. François Tutiau, président de l'association des juristes territoriaux, s'est demandé s'il fallait maintenir le caractère rétroactif des annulations contentieuses, compte tenu des délais très tardifs dans lesquels les jugements intervenaient. Il a proposé une annulation, valable uniquement pour l'avenir, à compter de la date du jugement, afin d'éviter les problèmes juridiques liés à l'exécution des jugements, éventuellement sous astreinte.

La mission prend acte de cette dernière proposition. Considérant qu'elle remet en cause un des fondements du droit administratif français, elle ne peut la retenir, mais souhaite attirer ainsi l'attention sur les conséquences de la lenteur de la justice administrative sur l'action publique locale.

2. La fonction de conseil doit être développée

a) Les attentes des élus sont fortes

Pour les élus locaux de Nord Pas-de-Calais 314( * ) , le renforcement des moyens des services préfectoraux n'est pas véritablement de nature a améliorer l'efficacité du contrôle de légalité. 56 % d'entre eux appellent de leurs voeux le développement d'une fonction nouvelle de conseil et d'aide à la décision au sein des préfectures.

Le renforcement du conseil aux collectivités locales , unanimement souhaité, recueille l'approbation contrastée des élus selon la formule considérée :

- l'instauration d' agences intercommunales de conseil gérées par les élus locaux et composées d'agents de la fonction publique territoriale est la structure qui respecte le plus l'autonomie des collectivités locales (40 % des suffrages des élus du Nord Pas-de-Calais, 60 % de ceux des élus du département de Vaucluse, 72 % en Alsace) ;

- la création d'une fonction spécifique de conseil au sein des services déconcentrés de l'État est plébiscitée (36 % des élus du Nord Pas de Calais) mais peut susciter des réserves quant à son articulation avec le principe de libre administration des collectivités territoriales ;

- le développement des services juridiques internes des collectivités locales semble moins attrayant que le regroupement intercommunal (18 % des élus du Nord Pas-de-Calais).

b) Renforcer les capacités d'expertise interne

La mission juge essentiel de renforcer les services juridiques des collectivités locales . En ce sens, M. Jean-Bernard Auby, président de l'association française de droit des collectivités territoriales, s'est déclaré réservé sur le soutien que l'État pourrait apporter aux collectivités locales en matière de conseil juridique, estimant que celles-ci devaient avant tout améliorer leur capacité d'expertise interne .

Lors de son audition par la mission, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a souhaité quant à lui le développement de la mission de conseil des préfets aux collectivités locales, en particulier dans les domaines des marchés publics et de l'urbanisme, tout en refusant d'entrer dans une logique de certification des décisions des collectivité locales.

Parce qu'il respecte le plus la spécificité des collectivités locales, le développement de structures intercommunales de conseil est une des voies envisageables. De plus, le travail sur le terrain des associations d'élus, tendant à apporter un conseil juridique de qualité aux collectivités locales ne disposant pas d'un service spécifique étoffé, mérite d'être salué.

77 % des élus d'Alsace estiment par ailleurs nécessaire de développer la mission d'alerte et de conseil des chambres régionales des comptes ; ils demandent la garantie de la confidentialité des observations et le renforcement du caractère contradictoire de procédures.

M. Jacques Oudin, membre de la mission et rapporteur du groupe de travail sur les chambres régionales des comptes commun aux commissions des Lois et des Finances du Sénat, a souhaité la création d'une structure capable de conseiller les collectivités locales, tout en écartant l'idée que ce rôle soit confié aux chambres régionales des comptes.

Le rapport du groupe de travail a clairement mis en évidence les obstacles à l'exercice d'une telle fonction par les chambres régionales des comptes, tant au regard des moyens humains limités de certaines d'entre elles que du risque d'un dédoublement fonctionnel, incompatible avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. Jean-Paul Amoudry, président de ce groupe de travail commun et rapporteur de la proposition de loi tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes, a ajouté que ce conseil pourrait prendre la forme d'un groupement d'intérêt public , composé de représentants du Parlement, des collectivités locales, du Comité des finances locales et de personnalités qualifiées. Cet organisme, qui pourrait avoir une antenne dans chaque département, serait un référent indépendant, garantissant l'autonomie des collectivités locales.

La mission prend acte du fait que cette proposition n'a pas été retenue en dernière analyse par le Sénat. Tout en souscrivant pleinement à l'objectif poursuivi par MM. Jacques Oudin et Jean-Paul Amoudry, auteurs de la proposition de loi, de renforcer la fonction de conseil auprès des collectivités locales ainsi que l'information juridique et financière de ces dernières, le Sénat a estimé que la formule proposée d'un groupement d'intérêt public et de missions juridiques pourrait apparaître lourde par rapport à l'objectif poursuivi. En conséquence, la question reste posée de la structure la mieux adaptée pour conseiller les collectivités locales en matière juridique et financière.

3. Les contrôles financiers

Lors de l'examen de la proposition de loi relative aux procédures applicables devant les chambres régionales des comptes, le Sénat, suivant sa commission des Lois 315( * ) , a adopté plusieurs mesures tendant à rénover les conditions d'exercice de l'examen de la gestion des collectivités territoriales.

Tout d'abord, le Sénat a réaffirmé que la nécessité d'un contrôle a posteriori des collectivités locales n'était pas contestable et s'inscrivait dans le droit fil de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen 316( * ) du 26 août 1789. L'existence d'un contrôle financier est en effet la contrepartie de l'autonomie et des responsabilités des collectivités locales.

Afin de mieux assurer la sécurité juridique des actes des collectivités locales et de promouvoir un véritable dialogue entre les élus locaux et les chambres régionales des comptes, le Sénat a :

- donné une définition légale de l'objet de l'examen de la gestion . Portant sur la régularité des actes de gestion et sur l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs fixés, le contrôle de gestion ne saurait dériver vers un contrôle de l'opportunité. La définition des objectifs de la gestion locale relève exclusivement des élus, responsables devant le suffrage universel, et ne sauraient faire l'objet d'observations de la part des chambres régionales des comptes ;

- précisé que les lettres d'observations provisoires des chambres régionales des comptes ne sont pas susceptibles de communication ;

- prévu la présentation de ses conclusions par le ministère public avant l'arrêt des observations définitives sur la gestion par la chambre ;

- renforcé le rôle de la Cour des comptes afin d' homogénéiser les procédures mises en oeuvre par les différentes chambres régionales des comptes sur l'ensemble du territoire national ;

- reconnu aux chambres régionales des comptes un " droit d'alerte " sur les insuffisances du cadre législatif et réglementaire en vigueur ;

- renforcé le caractère contradictoire des procédures . La faculté de demander la rectification des observations définitives sur la gestion est prévue ; il s'agit d'inscrire les missions des chambres régionales des comptes dans le cadre des principes généraux de notre droit ;

- précisé que les lettres d'observations définitives sont des actes " susceptibles de faire grief " et d'être déférées devant le Conseil d'État ;

- révisé les seuils en dessous desquels l' apurement administratif est applicable. Le seuil de population a été porté de 2.000 à 2.500 habitants pour les communes et à 10.000 habitants pour les groupements de communes, le montant des dépenses ordinaires pris en compte passant de 2.000.000 F à 7.000.000 F ;

- précisé les inéligibilités applicables en cas de gestion de fait, afin de rendre à cette procédure sa vocation qui est de rétablir la séparation entre l'ordonnateur et le comptable ;

- enfin, établi un " délai de neutralité " de six mois précédant les élections pendant lequel les lettres d'observations définitives ne pourraient être publiées, délai qui concernerait les élections auxquelles il doit être procédé pour la collectivité concernée.

La mission s'inscrit dans le droit fil des positions adoptées par le Sénat, tendant à rénover le contrôle de gestion des collectivités locales.

C. CHANGER L'ORGANISATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT

1. Parfaire les partages de services

La mission dénonce le maintien des effectifs des services de l'État dans les secteurs où la responsabilité a été transférée aux collectivités territoriales, par exemple pour les collèges et les lycées.

Elle souhaite voir appliqué le principe fixé par la loi, selon lequel tout transfert de compétence est accompagné d'un transfert de personnel. Ce principe ne doit subir aucune exception ou atténuation.

A titre d'exemple, la commission consultative sur l'évaluation des charges résultant des transferts de compétences 317( * ) a rappelé qu'il convenait d'organiser les conditions du transfert des personnels consécutif à la mise en oeuvre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 qui a confié aux régions, à compter du 1 er janvier 1999, la compétence en matière de formation professionnelle continue des jeunes de moins de vingt-six ans.

2. Alléger l'organisation territoriale de l'État

Les services de l'État doivent adapter leurs interventions aux besoins spécifiques du territoire sur lequel ils agissent, plutôt que de faire prévaloir une conception trop uniforme. Ainsi, l'organisation de l'État doit tenir compte de l'extrême diversité des territoires (zone de montagne, zone littorale, zones fortement urbanisées, zones rurales et enclavées, etc.).

En effet, comme le souligne le " rapport Santel " 318( * ) , " le principe d'adaptation est un de ceux qui caractérisent le service public. Pourtant, la conception administrative dominante est encore celle de l'uniformité : au nom du principe d'égalité, l'administration territoriale de l'État devrait être uniforme de Lille à Mende et de Brest à Grenoble. C'est confondre la nécessaire égalité du service rendu au public, avec l'égalité des moyens, en l'occurrence de l'organisation ".

Le choix des niveaux pertinents de déconcentration soulève la question du découpage administratif de l'État. La loi relative à l'administration territoriale de la République du 6 février 1992 et la charte de la déconcentration militent pour le maintien de l'identité entre les circonscriptions d'action de l'État avec le découpage des collectivités décentralisées.

Toutefois, dans ce cadre, il ne paraît pas nécessaire que chaque ministère cumule une direction départementale et une direction régionale , alors même que les compétences sont partagées et parfois entièrement transférées aux collectivités locales.

Au regard de l'objectif d'efficacité de l'action publique, la mission ne considère pas pertinent qu'à chaque niveau de collectivité décentralisée corresponde un niveau déconcentré de l'État .

Lorsque les compétences sont décentralisées, il n'est pas conforme à l'impératif d'efficacité et de bonne gestion que l'État maintienne des services d'exécution à l'échelon local. L'État doit admettre qu'en matière d'action sociale ou d'équipement, l'intervention de l'État dans les tâches de proximité et de gestion fait double emploi avec l'intervention des collectivités locales.

Selon la compétence considérée, la direction départementale serait seule maintenue : tel pourrait être le cas en matière d'action sociale ; dans d'autres cas, la direction régionale serait l'échelon le plus pertinent et rendrait superfétatoire le maintien des directions départementales ; par exemple en matière d'emploi. En complément, le " rapport Picq " 319( * ) suggérait de regrouper les actuels services départementaux et régionaux de l'État en quelques grandes directions territoriales 320( * ) .

Entendu par la mission, M. Jean-Pierre Duport, président de l'Association du corps préfectoral, a estimé que, tant qu'une compétence restait du ressort de l'État, les services extérieurs étaient nécessaires . Il a toutefois admis que tous les ministères ne devaient pas bénéficier de tels services .

L'organisation des services de l'État et de leurs modes de coopération pourrait varier d'un département à l'autre, d'une région à l'autre 321( * ) . En effet, pour certaines missions, l'intervention de plusieurs échelons n'est pas efficace. A titre personnel, M. Jean-Pierre Duport, président de l'association du corps préfectoral, en a convenu, se demandant s'il était nécessaire que l'organisation de l'État soit la même sur toutes les parties du territoire.

Comme l'écrit Bruno Rémond 322( * ) , conseiller-maître à la Cour des comptes : " Tout est possible ! il faut simplement s'attacher à faire coïncider la logique des territoires, celle des politiques publiques et celles des institutions politiques comme des structures administratives ".

D. UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA DÉCONCENTRATION

1. Dénoncer les ambiguïtés de la déconcentration

a)  L'inertie des administrations centrales

Deux formes de déconcentration peuvent être distinguées 323( * ) ; qu'elle soit territoriale ou fonctionnelle, la déconcentration se heurte à l'inertie des administrations centrales .

Comme le rappelle le " rapport Picq " 324( * ) , les administrations centrales, elles-mêmes largement dépossédées par les cabinets ministériels de leur rôle de conception des politiques, ont beaucoup de mal à se dépouiller de la seule responsabilité importante qu'elles peuvent encore exercer : la gestion.

Or, dès lors que les administrations centrales s'occupent systématiquement d'exécution et de gestion, elles perdent de vue ce qui devrait être au coeur de leur vocation : l'élaboration des politiques publiques.

De plus, si un véritable transfert des tâches de gestion des administrations centrales vers les services extérieurs paraît un élément indispensable de la déconcentration, le risque est grand cependant de reproduire le modèle administratif centralisé, consistant à conserver au centre les fonctions " nobles ", en particulier la conception stratégique des politiques publiques, pour laisser les tâches ingrates aux échelons locaux, diminuant encore leur attractivité pour les agents. A titre d'illustration, au titre de la déconcentration seuls 88 emplois ont été supprimés en administration centrale au profit de l'administration territoriale de 1994 à 1999.

b) Quels liens entre décentralisation et déconcentration ?

Les liens entre décentralisation et déconcentration ne font pas l'objet d'un consensus. Deux conceptions opposées rendent compte des ambiguïtés de la déconcentration des services de l'État :

- la déconcentration peut être pensée comme un processus indépendant de la décentralisation. Priorité du début des années 1990, la déconcentration constituait un compromis entre la direction des affaires publiques par l'État, la recherche d'une meilleure gestion des ministères, et l'adaptation locale des interventions ;

- au contraire, la déconcentration peut être perçue comme une adaptation de l'État à la décentralisation , par la constitution d'échelons territoriaux suffisamment forts pour servir d'interlocuteurs aux élus locaux.

La mission considère qu' à bien des égards, déconcentration et décentralisation apparaissent comme deux termes antinomiques . Alors que la décentralisation consiste en un partage des pouvoirs entre l'État et les collectivités locales, l'État, par la déconcentration, ne partage pas son pouvoir mais se rapproche seulement des citoyens en installant sur place des services spécialisés dotés d'une certaine autonomie.

En d'autres termes, " la déconcentration véhicule encore des arrière-pensées ou des présupposés ignorant la décentralisation et largement nourris de l'essoufflement du mouvement de réformes locales.

"  Nourrie des dysfonctionnements indéniables du paysage administratif local et présentée comme l'un des défis de la décentralisation, la déconcentration ne finit-elle pas par être une forme de déni de la décentralisation ?
" 325( * )

En ce sens, M. Jean Picq, conseiller-maître à la Cour des comptes, entendu par la mission, a considéré que la déconcentration était un moyen de maintenir le pouvoir du centre . L'État s'est servi de la déconcentration pour éviter de poursuivre l'effort de décentralisation, comme l'illustre le développement de la police de proximité.

La déconcentration peut ainsi apparaître comme un moyen alternatif pour contourner la logique de la décentralisation ou la figer à mi-parcours dans un hybride de " déconcentralisation ".

La déconcentration pose certainement la question de l'échelon pertinent d'intervention de l'État , c'est-à-dire la détermination d'un interlocuteur pertinent pour les collectivités locales. Mais, lorsque les impératifs de coordination tendent à limiter les marges de manoeuvre de chacun des partenaires, la déconcentration agit comme un frein à la décentralisation .

La mission considère qu'une nette priorité doit être donnée à la décentralisation, processus fondé sur la légitimité démocratique de l'élection, plutôt qu'à la déconcentration, que l'État ne parvient pas à organiser .

En effet, la déconcentration a pu être pour l'État un moyen de reprendre le contrôle des compétences qui avaient été décentralisées : le développement récent du pouvoir de substitution des préfets en est l'illustration. En période de recentralisation des pouvoirs, la déconcentration n'est pas une priorité .

La mission d'information juge nécessaire de rompre le lien entre déconcentration et décentralisation , seule cette dernière pouvant être l'expression de l'entière confiance accordée par l'État aux collectivités locales.

2. Redéfinir les rôles respectifs des administrations centrales et des services déconcentrés

La mission recommande de faire respecter une définition des rôles entre le centre et le terrain correspondant à l'objectif d'efficacité et de simplicité. A ce titre, le respect du principe d'égalité ne doit pas être perçu comme un frein à la déconcentration des services de l'État.

Les administrations centrales doivent préparer les grands choix stratégiques nationaux, élaborer les politiques publiques et les normes juridiques nécessaires à la garantie de l'intérêt général et de la cohésion nationale, fixer des objectifs aux services déconcentrés et promouvoir systématiquement l'évaluation.

Les services déconcentrés doivent être en mesure de mettre en oeuvre les politiques publiques, étant bien entendu que la mise en oeuvre ne se limite pas à l'exécution mais suppose une véritable capacité d'étude de la part de ces services, la contractualisation des objectifs et des moyens avec l'administration centrale, l'évaluation systématique des résultats et une autonomie de gestion suffisante.

3. Promouvoir une véritable " interministérialité de terrain "

La mission souscrit à l'idée, préconisée par le " rapport Picq ", d'une " mission régionale ", instrument d'une véritable interministérialité de terrain dégagée des tâches de gestion , se consacrant entièrement aux fonctions d'expertise, de planification et d'évaluation.

Des fusions de services doivent être envisagées. Par exemple, certains départements pourraient relancer l'expérience de regroupement des directions départementales de l'agriculture et des directions départementales de l'équipement, dont les missions sont complémentaires.

Interrogé sur les fusions de services, M. Jean-Pierre Duport, président de l'association du corps préfectoral, s'est déclaré opposé à des regroupements autoritaires de services de l'État, estimant nécessaire de maintenir dans chaque département des spécialistes dans chaque domaine de compétence.

A défaut de cette formule très intégrée, des délégations interservices 326( * ) , voire de simples rapprochements entre services 327( * ) doivent être


systématisés. Une véritable organisation interministérielle suppose toutefois d'aller plus loin que des relations bilatérales, par la mise en place de véritables réseaux interservices étendus.

Cette interministérialité passe par le renforcement de l'autorité préfectorale sur les services déconcentrés de l'État, réduits et restructurés autour de " pôles de compétences " placés sous l'autorité du préfet. Le double rattachement, hiérarchique et fonctionnel , d'un service déconcentré au préfet et à son administration centrale, doit être conçu selon une logique de réseau.

Lors de son audition par la mission, M. Émile Zuccarelli, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a souhaité réaffirmer le pouvoir de coordination des préfets sur les services déconcentrés. Il a noté que l'autorité des préfets ne pouvait s'exercer de la même façon à l'égard des différents services et d'un département à l'autre . Il a jugé préférable de proposer une " boîte à outils ", incluant la déconcentration des crédits, afin que les préfets choisissent le mode d'organisation le plus adapté à leur département.

En particulier, la mise en commun de moyens humains ou matériels doit être encouragée. Il s'agit de confier au préfet les moyens techniques et humains lui permettant d'agir sur l'ensemble des secteurs de compétence étatique avec la même marge de manoeuvre que celle dont disposent les présidents de conseil général ou régional. Cette mise en réseau concerne le partage de services juridiques et les formations de niveau interministériel . Il convient aussi d'encourager l'organisation du travail en équipe des sous-préfets, chacun ayant un domaine de spécialisation. La voie d'un renforcement de l'autorité du préfet par une présence suffisamment longue dans un poste (quatre ou cinq ans) mérite d'être explorée 328( * ) .

Le rattachement du corps préfectoral au Premier ministre pourrait permettre de mieux affirmer son caractère interministériel. Dans cette conception, le rattachement au ministère de l'Intérieur ne se justifie plus que par des raisons historiques, lorsque les missions du préfet consistaient avant tout à faire respecter l'ordre public.

En ce sens, s'exprimant devant l'Académie des sciences morales et politiques, M. Christian Poncelet, président du Sénat, s'est déclaré favorable à l'idée d'instituer une véritable " mission de coordination interministérielle des politiques publiques, placée auprès du Premier ministre et à laquelle seraient directement rattachés les préfets ", ajoutant qu'aujourd'hui " la gestion du corps préfectoral par le ministère de l'Intérieur ne s'imposait plus ".

4. Renforcer le rôle du préfet comme interlocuteur des collectivités locales

Entendu par la mission, M. Jean Puech, président de l'Assemblée des départements de France, a déploré que le préfet soit un interlocuteur de moins en moins " décisionnaire " face aux élus locaux et qu'il se trouve trop souvent mis à l'écart par les administrations déconcentrées au profit d'un dialogue direct avec leur administration centrale.

Comme l'indiquait notre collègue M. Daniel Hoeffel, membre de la mission d'information et rapporteur pour avis des crédits de la décentralisation 329( * ) , " la déconcentration doit faire des services déconcentrés, sous l'autorité des préfets, de véritables interlocuteurs pleinement responsables des collectivités locales ".

Faire du préfet sinon l'interlocuteur unique, du moins un interlocuteur responsable dans les domaines de compétence de l'État, est inséparable de la réflexion sur les niveaux pertinents de déconcentration. A défaut, les dérives actuellement constatées, tendant à faire de la déconcentration un moyen de contrer la décentralisation, se perpétueraient.

Cette conception suppose de rompre la chaîne de commandement entre les services déconcentrés et les administrations centrales, au profit de l'affirmation du commandement par le préfet. En d'autres termes, le préfet doit être le pivot de l'organisation territoriale de l'État et ne doit pas être concurrencé par les services déconcentrés sur lesquels il est censé avoir autorité.

A cette condition, les collectivités territoriales n'auraient pas en face d'elles des services d'exécution qui leur opposent une concurrence ou font double emploi dans l'exercice de leurs compétences , mais un préfet reconnu comme un interlocuteur compétent.

La mission est favorable à l'évaluation des services déconcentrés par le préfet : les services de l'État doivent s'engager sur des objectifs précis et vérifiables au regard du principe de l'efficacité des politiques publiques.

Cette évaluation, que semblent tant redouter les services de l'État, serait un moyen objectif de mesurer l'efficacité des politiques mises en oeuvre par les services déconcentrés, afin d'en comparer les mérites avec les résultats des politiques menées par les collectivités territoriales .

II. ACCOMPAGNER LES MUTATIONS DE L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE LOCALE

A. POURSUIVRE LE RENFORCEMENT DE L'INTERCOMMUNALITE SANS REMETTRE EN CAUSE L'IDENTITE COMMUNALE

1. La commune, cellule de base de la démocratie locale

a) Une perception claire par les élus locaux du rôle de l'intercommunalité

En souscrivant au renforcement de l'intercommunalité de projet, le Sénat a clairement marqué sa conviction que des compétences partagées pouvaient être des compétences mieux exercées.

Ce constat vaut également en matière fiscale . La mise en commun du produit de la taxe professionnelle sur un périmètre supra-communal constitue un moyen efficace pour prévenir les concurrences néfastes entre communes et éviter des distorsions de richesses fiscales entre communes voisines.

Cette " plus-value " que peut apporter l'intercommunalité à l'exercice des compétences communales est désormais bien perçue par les élus locaux.

Interrogés dans le cadre des Etats généraux organisés à Strasbourg, le 19 mars 1999, par le président Christian Poncelet, 75% des élus d'Alsace ont déclaré souscrire au renforcement de l'intégration fiscale des établissements publics de coopération intercommunale par la promotion de la taxe professionnelle unique.

Les élus locaux d'Auvergne, interrogés lors des Etats généraux qui se sont tenus le 12 mai 2000, estiment très majoritairement (66%) que l'intercommunalité est un cadre adéquat pour la mise en oeuvre de véritables politiques structurantes. 78% d'entre eux sont engagés dans des structures intercommunales.

Une majorité des élus locaux de Basse-Normandie a également marqué sont intérêt pour le rôle de l'intercommunalité comme cadre pour la mise en oeuvre de véritables projets politiques intercommunaux, lors des Etats généraux organisés à Caen, le 22 octobre 1999. Ils approuvent très massivement le transfert de certaines ressources fiscales des communes membres aux groupements et notamment la promotion de la taxe professionnelle à taux unique sur le territoire du groupement (71%).

L'approbation de la dynamique qui peut résulter de l'intercommunalité ressort clairement des réponses des élus de Vaucluse, au questionnaire qui leur a été adressé dans le cadre des Etats généraux, 71% d'entre eux se prononçant en faveur d'un renforcement de l'intégration fiscale.

b) Une réaffirmation nécessaire de la place des communes

En dépit de cette adhésion très large au renforcement de la coopération intercommunale, un nombre non négligeable d'élus locaux expriment des interrogations sur l'avenir de la commune.

40% des élus d'Auvergne voient ainsi dans l'intercommunalité un risque de disparition des communes. 30% des élus de Basse-Normandie expriment le même sentiment.

Ces craintes expliquent la très faible adhésion à l'idée de faire désigner les délégués intercommunaux au suffrage universel direct. 32% seulement des élus d'Alsace marquent leur approbation à cette éventualité. 58% des élus de Basse-Normandie y sont hostiles.

Face à ces interrogations, votre mission d'information entend affirmer que les communes doivent demeurer les cellules de base de la démocratie locale.

Niveau d'administration de proximité, elles doivent continuer à jouer un rôle essentiel dans la prise en charge d'un certain nombre de besoins relevant de la vie quotidienne de nos concitoyens .

L'identité communale
constitue une richesse qui doit être préservée dans un contexte d'ouverture des frontières et de mondialisation de l'économie, rendant d'autant plus essentiel le renforcement des repères de proximité. Le réseau d'élus locaux qui bénévolement répondent aux attentes les plus diverses de la population constitue un atout que notre pays doit conforter.

Le développement de l'intercommunalité ne doit donc pas se faire au détriment de l'identité communale.

Présentant à votre mission d'information différentes expériences étrangères, le professeur Gérard Marcou a ainsi fait valoir que les récentes évolutions en Allemagne dans le domaine de la coopération intercommunale n'avaient pas dévitalisé les communes, qui peuvent continuer à exercer des compétences auxquelles elles restent attachées.

Dans ce domaine comme dans d'autres, la subsidiarité devra donc constituer un objectif des politiques mises en oeuvre.

2. Un mouvement de rationalisation de l'intercommunalité qui doit être approfondi

a) Des progrès incontestables

Le bilan établi par votre mission d'information a mis en évidence le renforcement continu de l'intercommunalité de projet.

Ce mouvement engagé avant même l'adoption de la loi du 12 juillet 1999, a été conforté par les dispositions de ce texte auquel le Sénat a apporté sa pleine contribution.

La suppression d'un certain nombre de structures (districts, communautés de villes et, à terme, les syndicats d'agglomération nouvelle) et une meilleure hiérarchisation des catégories d'établissements publics de coopération intercommunale (communautés urbaines, communautés d'agglomération, communautés de communes) sont de nature à rationaliser le " paysage " de l'intercommunalité.

Le nombre élevé (51) de communautés d'agglomération créées avant le 31 décembre 1999 souligne l'impact positif d'un dispositif incitatif qui peut permettre de remédier à l'échec des formules de coopération en milieu urbain.

En outre, les incitations financières adoptées au profit des communautés de communes soumises au régime de la taxe professionnelle unique, grâce à l'impulsion du Sénat, ont contribué efficacement à un recours accru à ce régime fiscal, facteur de rationalisation en ce qu'il évite les concurrences abusives entre les communes pour attirer les entreprises. Elles ont également permis, comme l'avait demandé le Sénat, de réaliser un indispensable rééquilibrage entre le milieu urbain et le milieu rural, que les communautés de communes ont désormais vocation à concerner principalement.

Sur le plan des compétences, les fonctions d'aménagement et de développement - exercées à titre obligatoires par les structures à fiscalité propre - sont désormais placées au premier rang. Or elles jouent un rôle stratégique dans le renforcement des territoires.

Le régime juridique de l'intercommunalité a incontestablement été clarifié par la réduction du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale. La dispersion des structures avait, en effet, constitué l'un des facteurs essentiels de la complexité excessive du cadre juridique applicable. En outre, la mis en place - conformément aux recommandations du groupe de travail de votre commission des Lois - d'un " tronc commun " des dispositions ayant vocation à s'appliquer à l'ensemble des catégories d'établissements publics de coopération intercommunale constitue un élément essentiel de simplification.

b) Des améliorations souhaitables

Votre mission d'information souhaite que ce mouvement de rationalisation soit poursuivi et approfondi.

Différentes interrogations soulevées par le Sénat lors des travaux préparatoires de loi du 12 juillet 1999 330( * ) devront en particulier recevoir des réponses dans les prochaines années.

L'objectif de simplification du cadre juridique de l'intercommunalité, déjà engagé, devra être parachevé. Quels que soient les progrès qui ont résulté à la fois de la réduction du nombre de catégories d'établissements publics de coopération intercommunale et de l'édiction de règles communes dans le code général des collectivités territoriales, les dispositions applicables demeurent encore complexes. Ce constat vaut particulièrement pour le dispositif fiscal , sensiblement corrigé par la loi du 12 juillet 1999.

Comme le Sénat l'a, à maintes reprises, souligné lors de l'examen des projets de codification, l'effort de rassemblement et de rationalisation des textes applicables aux collectivités locales et à leurs établissements publics doit nécessairement être complété par une nécessaire simplification de leur contenu.

La rationalisation des structures devra également être poursuivie. Outre la transformation des districts et des communautés de villes, déjà acquise ou en voie de l'être, celle des syndicats d'agglomération nouvelle apparaît souhaitable. Tel est le sens des dispositions de la loi du 12 juillet 1999 les concernant.

Par ailleurs, la transformation des structures existantes devra s'inscrire dans le cadre de la hiérarchisation souhaitée par le législateur entre les catégories destinées aux grandes agglomération (les communautés urbaines), celles destinées aux agglomérations de taille moyenne (les communautés d'agglomération) et celles concernant plus spécifiquement le milieu rural (les communautés de communes).

Enfin, le législateur a souhaité maintenir, aux côtés d'une intercommunalité à fiscalité propre, une intercommunalité syndicale ayant vocation à prendre en charge différents services. Le Sénat a veillé à ce que les dispositions de la loi du 12 juillet 1999 ne mettent pas en cause des syndicats de communes existant depuis de nombreuses années et qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Cependant le choix - opéré dès la loi d'orientation du 6 février 1992 qui a créé les communautés de communes et les communautés de villes - de doter les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de compétences optionnelles portant sur la gestion de différents services ou équipements pose la question de la conciliation de ces missions avec celles exercées par les structures syndicales classiques.

La loi du 12 juillet 1999 a prévu un certain nombre de règles destinées à assurer ces complémentarités.

Pour l'avenir néanmoins des évolutions progressives seront probablement souhaitable, à mesure que les structures à fiscalité propre s'affirmeront dans l'exercice de leurs compétences optionnelles. La formule du syndicat mixte peut être une formule adaptée pour faciliter la recherche des complémentarités et favoriser les évolutions des structures existantes. Telle a été la démarche du législateur, la loi du 12 juillet 1999 ayant autorisé les communautés d'agglomération et les communautés urbaines à transférer certaines de leurs compétences à un syndicat mixte dont le périmètre inclut en totalité le périmètre communautaire.

En toute hypothèse, votre mission d'information juge indispensable que ces différentes évolutions soient fondées sur une démarche volontaire des élus locaux, démarche seule de nature à garantir le succès de la coopération intercommunale. La commission départementale de la coopération intercommunale - dont le Sénat a renforcé le rôle lors des travaux préparatoires de la loi du 12 juillet 1999 - peut constituer un cadre efficace pour favoriser les concertations nécessaires et veiller au développement harmonieux de la coopération intercommunale.

Le Sénat s'est, à ce titre, légitimement inquiété du contenu de certaines dispositions relatives à l'urbanisme prévues par le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. 331( * ) Le périmètre des nouveaux schémas de cohérence territoriale ne devra pas, en effet, être un moyen de remettre en cause les périmètres de l'intercommunalité définis dans le cadre des dispositions de la loi du 12 juillet 1999. En outre, le contenu de ces schémas ne devra pas conduire à faire prévaloir les choix d'urbanisme de l'agglomération sur les préoccupations légitimes d'établissements publics de coopération intercommunale situés dans sa périphérie qui pourront avoir été intégrés dans le périmètre du schéma.

Le Sénat avait adopté plusieurs dispositions de nature à prévenir ces risques , notamment en renforçant le rôle de la commission départementale de la coopération intercommunale et en exigeant des majorités qualifiées pour surmonter des désaccords entre établissements publics de coopération intercommunale parties prenantes au schéma. Ces garanties n'ont malheureusement pas été maintenues par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture du projet de loi, après l'échec de la commission mixte paritaire. Les réserves exprimées par le Sénat demeurent donc d'actualité.

Sur le plan fiscal , la promotion de la taxe professionnelle unique comme outil de rationalisation des politiques fiscales, s'inscrit dans le contexte de la réforme de la taxe professionnelle qui, opérée par la loi de finances pour 1999, a prévu la suppression progressive de la part " salaires ", soit le tiers des bases de cette taxe.

Cette démarche paradoxale et contradictoire, voulue par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale, pose la question de la pérennité de cette taxe , et donc soulève de fortes interrogations sur l'avenir de la taxe professionnelle unique comme mode de financement de l'intercommunalité.

Enfin, le financement de l'intercommunalité par la dotation globale de fonctionnement soulève le problème des équilibres de cette dotation et de sa capacité à financer simultanément des objectifs très variées, au détriment de sa fonction de base. Votre rapporteur développera plus longuement cet aspect essentiel pour l'avenir, dans le cadre du chapitre consacré aux perspectives du système de financement local 332( * ) .

3. Vers une élection directe des délégués intercommunaux ?

a) Une question importante pour la démocratie locale...

La question du mode de désignation des délégués intercommunaux a fait l'objet depuis plusieurs années de nombreuses réflexions et propositions.

Devant votre mission d'information, M. Jean-Pierre Sueur, président de l'Association des maires de grandes villes de France, tout en se déclarant partisan du maintien des communes et des départements, a ainsi estimé que la montée en puissance des agglomérations devait s'accompagner de l'élection au suffrage universel des organes délibérants de ces structures, de plus en plus amenées à voter le taux de leurs impositions, sans avoir de légitimité.

Lors de l'examen en première lecture de la loi du 12 juillet 1999, l'Assemblée nationale avait envisagé un dispositif qui, concernant les seules communautés urbaines, aurait ouvert la voie à une désignation directe des délégués intercommunaux.

Après des débats approfondis tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat et au sein de la commission mixte paritaire, celle-ci a, en définitive, décidé de ne pas maintenir ce dispositif.

La proposition de l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi du 12 juillet 1999 : une désignation directe des délégués des communautés urbaines

Lors de l'examen en première lecture de la loi du 12 juillet 1999, l'Assemblée nationale avait prévu des modalités nouvelles de désignation des délégués des communautés urbaines, qui aurait eu lieu désormais à l'occasion de l'élection des conseillers municipaux. L'Assemblée nationale suggérait ainsi, pour les seules communautés urbaines , de s'engager dans la voie d'une élection au suffrage universel direct des délégués d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre même si cette désignation ne devait pas être distincte de celle des conseillers municipaux.

Ce mécanisme aurait été limité aux seules communes d'au moins 3 500 habitants . Il aurait consisté à ce qu'au sein de chaque liste de candidats à l'élection municipale, soient " distingués " les candidats qui, une fois élus, auraient été appelés à devenir délégués de la commune au sein de la communauté urbaine. Chaque liste devait comporter autant de candidats appelés à devenir délégués que de sièges à pourvoir au sein de l'organe délibérant de la communauté urbaine pour représenter la commune. Les sièges de délégués auraient été répartis à la représentation proportionnelle entre les listes, au prorata du nombre de sièges obtenus par chacune d'entre elles au sein du conseil municipal. Une liste complémentaire aurait été établie lorsque le nombre de sièges de délégués au sein du conseil aurait été supérieur à celui des conseillers municipaux. Le texte adopté par l'Assemblée nationale renvoyait, par ailleurs, aux dispositions applicables aux conseillers municipaux pour les cas de vacance ou de démission ( article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales).

Cette rédaction soulevait des difficultés réelles qui ont été mises en évidence par les travaux du Sénat 333( * ) . D'une part, elle introduisait une différence de régime dans le mode de désignation entre les communes de plus de 3 500 habitants et les autres. Auraient siégé au sein de l'organe délibérant des délégués procédant de l'élection directe alors que d'autres seraient issus des conseils municipaux. Outre le problème de principe que pouvait poser cette différence de régime juridique pour des délégués d'un même organe délibérant, les communes de moins de 3.500 habitants auraient pu subir un affaiblissement de leur position au sein de celui-ci. Cette disposition aurait également eu des effets sur la situation des conseillers municipaux eux-mêmes dont certains seulement auraient, pour toute la durée du mandat municipal, eu vocation à siéger au sein du conseil de la communauté urbaine. Enfin, outre celles liées à l'organisation du scrutin, plusieurs difficultés pratiques auraient dû être surmontées : le cas des communes ne faisant pas partie de la communauté urbaine au moment du scrutin ; celui d'une communauté urbaine se créant à échéance éloignée du renouvellement des conseils municipaux ; la situation résultant d'une démission d'un délégué en cours de mandat.

Pour cet ensemble de raisons et tout en jugeant que la réflexion devrait être poursuivie afin que la question essentielle de la légitimité des délégués intercommunaux trouve à terme une solution satisfaisante, le Sénat avait considéré qu'il était prématuré de s'engager dans la voie d'une désignation directe alors même que le processus d'approfondissement de l'intercommunalité de projet était loin d'être achevé.

b) ...Dont tous les effets doivent être mesurés

Votre mission d'information considère que le rôle croissant exercé par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dotés de compétences très étendues et du pouvoir majeur de lever l'impôt constitue un véritable enjeu démocratique . La question d'une élection au suffrage universel direct des délégués des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mérite donc d'être posée.

En prévoyant, dans tous les cas, la désignation des délégués intercommunaux des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au sein des conseils municipaux, la loi du 12 juillet 1999 a apporté une clarification souhaitable , de nature à mieux assurer la légitimité de ces délégués, clarification à laquelle le Sénat a pleinement souscrit.

Sur l'initiative de M. Jean-Claude Gaudin et plusieurs de nos collègues, dont votre rapporteur, le Sénat a adopté, le 15 juin dernier, une proposition de loi qui permet au conseil municipal de Paris, Marseille et Lyon, de porter leur choix pour siéger au conseil de la communauté urbaine, sur des conseillers d'arrondissement, qui bénéficient également de la légitimité du uffrage universel. 334( * )

Pour autant, alors que la réussite du processus en cours de renforcement d'une intercommunalité de projet suppose l'implication des élus municipaux, il convient de mesurer le risque d'opposer deux légitimités concurrentes, situation qui, en définitive, mettrait en cause la réussite des projets de développement.

L'élection directe des délégués intercommunaux aurait, en effet, des conséquences sur la nature des établissements publics de coopération intercommunale et sur leurs relations avec les communes, structures de base de la démocratie locale.

C'est pourquoi, souscrivant aux conclusions qui se sont dégagées lors de l'examen de la loi du 12 juillet 1999 , votre mission d'information considère que, si elle ne doit pas être écartée, la perspective d'une désignation directe des délégués intercommunaux ne devrait être envisagé qu'une fois acquis le développement de l'intercommunalité de projet autour de structures à fiscalité propre.

B. PROMOUVOIR UNE DOUBLE EXIGENCE D'EFFICACITÉ ET DE SIMPLIFICATION

La montée en puissance de l'intercommunalité de projet, favorisant l'émergence de territoires de projet, redessinera le paysage institutionnel et modifiera sans doute les relations entre les différents niveaux de collectivités, sans que l'on puisse encore apprécier avec certitude la nature et l'ampleur de ces évolutions à venir. Les développements ci-dessus ont démontré que cette nouvelle donnée pouvait se concilier avec l'existence des communes, dont le rôle demeure essentiel dans la gestion de proximité.

Privilégiant une démarche pragmatique , votre mission d'information a par ailleurs écarté toute idée d'un  " grand soir " de la carte territoriale qui aboutirait à supprimer tel ou tel niveau d'administration locale.

Chaque niveau de collectivité a sa légitimité ancrée dans l'histoire administrative et la réalité des territoires. En dehors de la région créée par la loi, l'existence des communes et des départements a été consacrée par la Constitution (article 72).

L'analyse menée dans la première partie du présent rapport sur les systèmes institutionnels des Etats voisins a, par ailleurs, mis en évidence que le nombre de niveaux d'administration locale ne constituait pas une véritable originalité du système français.

Si une originalité de notre organisation locale existe, elle réside essentiellement dans le nombre de communes. Or le développement de l'intercommunalité a précisément pour objet de pallier les inconvénients de l'émiettement communal.

Pour autant une exigence de clarté s'impose à l'action publique vis à vis des citoyens et des contribuables. Elle implique de rechercher les voies d'une organisation territoriale la plus rationnelle en privilégiant l'efficacité et la simplification.

1. L'exigence d'efficacité

a) Une identification claire des missions respectives des différents niveaux

La complémentarité des différents niveaux passe tout d'abord par une identification claire de leurs missions respectives. En s'appuyant sur les vocations dominantes de chaque niveau d'administration locale et en leur transférant des blocs de compétences les lois de 1983 avaient d'ailleurs obéi à cette logique.

Si, comme on l'a vu, la logique des blocs de compétences n'a pu être mise en oeuvre avec toute la rigueur souhaitable, il n'en demeure pas moins que chacun des niveaux a su identifier assez clairement ses missions essentielles . Cette évolution n'a pu qu'être encouragée par un contexte économique difficile qui s'est traduit par une progression plus limitée des ressources locales, obligeant ces dernières à des arbitrages entre leurs différentes actions. Elle doit être confirmée et approfondie.

La mission sénatoriale sur l'aménagement du territoire avait recherché cette identification en matière d'aménagement du territoire en considérant que la région devait être le chef de file de la programmation et de la coordination interdépartementale, jouant à ce titre un rôle privilégié pour la mise en place de grandes infrastructures et l'action économique, tandis que le département devait être le chef de file du développement rural 335( * ) .

• Le département doit demeurer l'échelon des solidarités sociales et territoriales. Institué sous la période révolutionnaire, organisé en collectivité territoriale par la loi du 10 août 1871, le département a su s'appuyer sur son expérience en mettant à profit les nouvelles capacités d'action que lui a conférées la décentralisation pour renforcer ses moyens et ses compétences traditionnelles. L'évolution des budgets départementaux (111,3 milliards de francs en 1983, 252,1 milliards de francs en 1999) témoigne de la place des départements dans le processus de décentralisation.

Par une mise en oeuvre efficace de ses compétences, le département a su répondre aux nouvelles attentes de la population notamment dans le domaine social, qui représente désormais près de 60% des dépenses de fonctionnement dans les budgets départementaux.

Le département est par ailleurs un espace de solidarité , non seulement par le biais de la péréquation départementale de la taxe professionnelle mais aussi par l'intermédiaire du budget départemental qui corrige certaines inégalités entre communes, en permettant notamment l'équipement des communes rurales.

Ils jouent également un rôle très efficace dans de nombreux autres domaines, par exemple celui des transports.

Certaines voix s'élèvent, par ailleurs, pour estimer que le canton n'aurait plus de signification en milieu urbain.

Telle a été la position exprimée devant votre mission d'information par M. Jean-Pierre Sueur, président de l'Association des maires de grandes villes de France, qui a suggéré de remplacer l'élection au suffrage universel des conseillers généraux par l'élection au suffrage universel de l'assemblée intercommunale, laquelle désignerait des représentants au conseil général.

Votre mission relève que cette question trouvera probablement sa place dans le cadre du débat sur les régimes électoraux.

Elle entend néanmoins affirmer son attachement à une représentation effective des territoires et à la préservation du lien de proximité entre les conseillers généraux et les électeurs.

• Collectivité territoriale plus jeune, la région a une vocation plus orientée vers l'impulsion et la coordination en matière d'aménagement du territoire et de développement économique.

Les différents textes généraux applicables aux régions ont confirmé cette vocation. Dès la loi du 5 juillet 1972 qui, leur reconnaissant la personnalité morale, les a érigées en établissements publics, les compétences régionales ont été spécialisées dans le domaine économique et social.

Tout en leur étendant la " clause générale " de compétence ( article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales), les lois de décentralisation ont néanmoins confirmé cette vocation particulière.

L'article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales précise que la région " a pour mission, dans le respect des attributions des départements et des communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement économique, social et culturel de la région (...) ". On retrouve cette même vocation dans la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, dans la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ou encore dans la loi d'orientation du 4 février 1995 qui a prévu l'élaboration d'un schéma régional d'aménagement et de développement du territoire ainsi que la création, dans chaque région, d'une conférence régionale qui est un cadre pour la concertation des différents partenaires.

L'affirmation de cette vocation spécifique peut passer par certaines précisions concernant les compétences régionales . Telle a été la démarche du législateur qui a confié aux régions la responsabilité d'élaborer un schéma régional en matière de tourisme (loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992), ainsi que de nouvelles compétences en matière de formation professionnelle (loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993) et, sur la demande de la région intéressée, de traitement de déchets industriels (loi n° 95-101 du 2 février 1995). En outre, la loi d'orientation du 4 février 1995 (article 67) a permis une expérimentation de la régionalisation des réseaux ferroviaires d'intérêt local. Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit de transférer à l'ensemble des régions, le 1 er janvier 2002, les compétences que l'Etat détient en qualité d'autorité organisatrice des transports ferroviaires de voyageurs d'intérêt régional.

L'i mpact de ces transferts de compétences sur les budgets régionaux ne doit cependant pas être sous-estimé. Ces budgets s'élèvent à quelque 86 milliards de francs en 1999. Cette même année, les dépenses totales pour la formation professionnelle continue et l'apprentissage ont progressé à un rythme élevé (+6,2%). De même l'expérimentation - qui a concerné 7 régions - en matière ferroviaire a pesé sur les budgets tant en investissement qu'en fonctionnement.

La réforme du mode de scrutin régional et la mise en place
d'une procédure d'adoption sans vote du budget régional

Le mode de scrutin mis en place par la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 (scrutin de liste à un seul tour, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne) n'a pas permis l'émergence de majorité stables dans toutes les régions.

En 1986, quatorze présidents de conseils régionaux (sur 22 en métropole) avaient pu être élus au premier tour, en bénéficiant d'une majorité absolue de suffrages.

En 1992, deux présidents de conseils régionaux seulement ont été élus à la majorité absolue et quatre régions bénéficiaient d'une majorité homogène (Auvergne, Basse-Normandie, Franche-Comté et Pays-de-Loire). Les autres conseils régionaux ont été contraints de rechercher des majorités à partir d'accords avec un ou plusieurs groupes charnières très minoritaires, ces derniers jouant ainsi un rôle d'arbitre et exerçant une fonction-clé sans rapport avec leur représentativité réelle.

A l'issue des élections régionales de 1998, trois conseils régionaux seulement disposent d'une majorité absolue (Basse-Normandie, Limousin et Pays-de-Loire), ce qui ne signifie pas que les dix-neuf autres assemblées régionales soient en situation de blocage.

L'adoption sans vote du budget régional

L'absence de majorité absolue n'a pas toujours empêché les conseils régionaux de fonctionner. Avant 1998, deux régions seulement s'étaient heurtées à une impossibilité de faire adopter leur budget (Haute-Normandie en 1995 et en 1996 et Ile-de-France en 1997). Sur cent trente budgets proposés entre 1993 et 1997, trois seulement ont été rejetés, soit une proportion de 2,3 %. Cependant les difficultés s'étaient aggravées dans la période ultérieure dans plusieurs conseils régionaux. Issue de propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale, la loi du 7 mars 1998 a prévu une nouvelle procédure complexe d'adoption sans vote des budgets régionaux. Cette nouvelle procédure a eu pour objet de doter l'exécutif des moyens de surmonter les blocage s pouvant résulter de l'absence de majorité stable , lors de l'adoption du budget, acte essentiel pour la vie de chaque région. Après des premières applications qui ont suscité des controverses, ce dispositif a été renforcé et complété par la loi du 19 janvier 1999, laquelle a parallèlement réformé le mode de scrutin régional. Le Sénat avait marqué ses réserves sur une procédure - adoptée par la seule Assemblée nationale en lecture définitive - qui aboutit en pratique à un véritable dessaisissement de l'assemblée délibérante.

La réforme du mode de scrutin régional

La loi du 19 janvier 1999, adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale, a modifié également le mode de scrutin régional. Elle a prévu qu'à compter du prochain renouvellement des conseils régionaux, les conseillers régionaux seront élus dans le cadre régional au scrutin de liste à deux tours. Si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour , il lui est attribué le quart des sièges arrondi à l'entier supérieur . Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ( sauf celles qui n'auraient pas recueilli 3 % des suffrages exprimés) à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

Si aucune liste n'a obtenu la majorité absolue au premier tour, il est procédé à un deuxième tour auquel peuvent se présenter les listes ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés. Les fusions de listes sont autorisées, sauf pour celles n'ayant pas obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés . L'attribution des sièges au deuxième tour s'effectue dans les conditions décrites ci-dessus, sous réserve que la " prime majoritaire " est attribuée à la liste ayant obtenu la majorité relative.

Le Sénat avait pour sa part confirmé son attachement à l'organisation des élection régionales dans des circonscriptions départementales. Il avait fixé la prime majoritaire au tiers des sièges, afin de veiller à la constitution effective de majorités.

b) Encourager les formules de coopération interdépartementale et interrégionale

Un plus grande efficacité de l'action publique locale peut aussi passer par le développement des formules de coopération entre départements et entre régions.

Ces collectivités ont su de longue date mettre en oeuvre les coopérations nécessaires sur des sujets d'intérêt commun . Les régions ont notamment mis en place ces coopérations sous forme d'associations ou d'accords ponctuels : Conférence des régions du Sud Europe Atlantique ; Association " Grand Est " ; Association du grand Sud ; Association Axe atlantique ; l'Axe alpin ; la conférence permanente des présidents des régions du bassin parisien ; l'Association entre la Bretagne et les Pays de la Loire ; l'Association entre la région Champagne Ardennes et la région Picardie ; l'Association TGV normand ; l'Association pour la promotion de l'axe Calais-Bayonne ou encore le " Pool " agronomique de l'ouest.

Votre mission d'information souhaite que cette démarche puisse être engagée chaque fois qu'elle paraît de nature à renforcer l'efficacité de l'action publique, en assurant une plus grande synergie entre les actions entreprises par plusieurs collectivités.

Il conviendra néanmoins de tirer les conséquences de l'échec des formules institutionnelles mises en place par le législateur pour offrir un cadre juridique à ces coopérations.

La coopération interrégionale prévue par l'article L. 5611-1 du code général des collectivités territoriales, sous la forme soit de conventions interrégionales, soit d'institutions d'utilité commune, n'a jamais été mise en oeuvre.

Il n'existe pas non plus d'ententes interrégionales, au sens de l'article L. 5621-1 du code général des collectivités territoriales. Instituée par la loi d'orientation du 6 février 1992, cette formule qui a la forme d'un établissement public, n'a donc pas rencontré plus de succès que celles mises en place auparavant, en dépit de l'assouplissement de ses règles de création prévu par la loi d'orientation du 4 février 1995.

c) Vers un droit à l'expérimentation institutionnelle ?

Enfin, l'exigence d'efficacité doit conduire à s'interroger sur la reconnaissance d'un droit à l'expérimentation institutionnelle .

Cette question pose, à l'évidence, des difficultés d'ordre constitutionnel, que votre mission d'information n'a pas sous-estimées.

On sait, par exemple, que le Conseil constitutionnel a censuré le système d'assemblée unique imaginé en 1982 pour les départements d'outre-mer, en considérant que les mesures d'" adaptations " admises par l'article 73 de la Constitution pour ces départements ne sauraient avoir pour effet de leur conférer une " organisation particulière " prévue par l'article 74 pour les seuls territoires d'outre-mer ( décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982 )

Cependant, la rigidité de l'organisation institutionnelle et l'exigence d'uniformité peuvent freiner certaines évolutions qui seraient pourtant de nature à renforcer l'efficacité de l'action publique.

Dans ces conditions, votre mission d'information considère qu'il pourrait être envisagé de permettre aux collectivités locales, par une démarche volontaire, d'expérimenter des formules institutionnelles nouvelles qui en fonction des résultats de l'expérimentation pourrait, le cas échéant, être étendue ultérieurement à d'autres collectivités.

Ces formules expérimentales devraient être mises en oeuvre dans un cadre juridique précis de nature à garantir le respect du caractère unitaire et indivisible de la République.

2. L'exigence de simplification

a) Le pays doit rester un espace de projet

Tel qu'il a été conçu dans le cadre des dispositions de la loi d'orientation du 4 février 1995, le pays devait rester un espace de projet et ne devait en aucune manière constituer un nouveau niveau d'administration locale.

La première partie du présent rapport a mis en évidence que la loi du 25 juin 1999 a sensiblement complexifié le dispositif applicable aux pays au point de susciter des incertitudes quant à leur place exacte dans le paysage local.

Ces incertitudes ressortent des réponses au questionnaire adressé aux élus locaux dans le cadre des Etats généraux.

Ainsi, les élus d'Auvergne voient d'abord dans le pays un espace naturel de projet et de coopération (42% des réponses). Une majorité d'entre eux son déjà engagés dans un pays (56%). Mais 88% constatent le manque de clarté de l'articulation entre les pays, les établissements publics de coopération intercommunale et les collectivités locales.

De même, 53% des élus de basse-Normandie considèrent que le pays doit demeurer un outil ponctuel de développement local. 37% d'entre eux souhaite une clarification juridique notamment des relations avec les collectivités et établissements publics de coopération intercommunale.

Votre mission d'information considère que le pays doit demeurer un espace de projet et qu'il n'a pas vocation à devenir un nouvel échelon territorial.

b) Pour une harmonisation des zonages et une simplification des procédures qui leur sont attachées

Dans leur principe, ces zonages ont une légitimité qui ne peut guère être contestée. Ils sont en particulier un instrument indispensable dans la mise en oeuvre des politiques d'aménagement du territoire.

Le bilan réalisé par votre mission d'information a néanmoins souligné que la superposition des zonages constituait un élément de complexité qui mettait en cause l'efficacité de l'action publique locale. Il a mis en lumière que la simplification dans ce domaine était toujours attendue.

Votre mission d'information souhaite que la réflexion soit poursuivie en vue d'une meilleure harmonisation des différents zonages.

Au-delà des zonages, c'est également à la complexité des procédures qui leur sont attachées, qu'il convient de remédier.

Il est en particulier indispensable de surmonter la lourdeur patente du circuit financier d'attribution des enveloppes communautaires au titre de la politique structurelle européenne , lourdeur qui se traduit par une sous-consommation des enveloppes attribuées à la France.

Votre mission d'information juge donc indispensable que cette procédure soit davantage décentralisée afin que les collectivités locales ne soient plus pénalisées par une organisation défaillante.

C. RENFORCER LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

Un des éléments constitutifs de la possibilité d'expérimentations institutionnelles souhaitée par de nombreuses collectivités territoriales tient dans le renforcement des coopérations décentralisées.

Certes, les difficultés qui brident l'essor de ces coopérations ne relèvent pas entièrement de l'Etat ou des Etats, et toutes les collectivités territoriales ne sollicitent pas avec la même force que leur soient accordées des marges de manoeuvre plus importantes en ce domaine.

Mais pour celles qui souhaitent aller de l'avant, la voie n'est pas toujours libre.

1. Les principaux freins au développement de la coopération décentralisée

Tout d'abord, le souhait de coopérer par delà les frontières nationales n'est pas ressenti avec la même vivacité dans toutes les régions frontalières , dont certaines sont marquées par des relations ambivalentes avec leurs voisins, surtout en cas d'inégalité de développement économique. Des traditions culturelles différentes, ajoutées à la barrière linguistique, peuvent concourir également à une relative indifférence mutuelle.

L'organisation territoriale différente entre les Etats ne facilite pas non plus la mise en oeuvre concrète des initiatives locales . Ainsi, pour la zone du Rhin supérieur, qui est une des premières à avoir amorcé des contacts entre la France, l'Allemagne et la Suisse, la disparité des structures administratives et des législations dans les domaines fiscal, social, de l'urbanisme urbain et commercial comme du droit du travail, entrave durablement les rapprochements souhaités.

Les exemples les plus cités par les responsables de cette région touchent aux infrastructures de transport (construction de ponts sur le Rhin, harmonisation des liaisons routières et ferroviaires), particulièrement importantes dans une zone où les travailleurs frontaliers tant français qu'allemands sont très nombreux. La réduction des diverses nuisances engendrées par les activités industrielles nécessiterait également une conjugaison des efforts entrepris de chaque côté de la frontière. Dans cette zone du Rhin supérieur, l'ancienneté de la coopération se traduit aussi par une pluralité de structures compétentes qui n'est pas un facteur d'efficacité : ainsi coexistent la Commission intergouvernementale franco-germano-suisse, la Conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur, et le Conseil rhénan.

2. Promouvoir une politique globale et intégrée dans les objectifs de l'aménagement du territoire national

Le renforcement de l'autonomie d'action des collectivités territoriales doit être accompagné du rappel de quelques principes de base, rappel nécessaire pour dissiper toute éventuelle ambiguïté sur le rôle respectif de l'Etat et des collectivités territoriales. Ces principes pourraient être ainsi définis : les collectivités territoriales doivent rester dans les limites de leur compétence ; elles doivent respecter les engagements internationaux de la France, et ne peuvent passer de convention avec un Etat étranger ; enfin, ces conventions sont soumises au contrôle de légalité de droit commun.

Une fois ces préalables réaffirmés, il faut s'attacher à promouvoir une politique globale de coopération transfrontalière, intégrée dans les objectifs de l'aménagement du territoire français . Ces objectifs viseraient ainsi la réduction des inégalités entre territoires, non seulement au sein des frontières nationales, mais également au sein de l'espace européen.

L'un des moyens les plus opérationnels pour parvenir à ce résultat est de permettre aux diverses collectivités territoriales d'être , non plus seulement des interlocuteurs de la Commission européenne, comme c'est le cas depuis le traité de Maastricht, mais également des acteurs de la définition des fonds structurels et de leur répartition .

Seule, en effet, une étroite association des collectivités territoriales aux décisions qui les intéressent au premier chef permettra de renforcer leurs coopérations transnationales, car elle instituera notamment une information directe des intervenants européens de leurs projets en ce domaine. En effet, le niveau européen semble le seul pertinent pour traiter cette question. Ainsi serait-il opportun de :

- Doter les instances de coopération transfrontalière d'un budget commun leur permettant de mener des actions communes ;

- Développer des services communs dans le domaine de l'emploi, de l'assurance maladie et des prestations sociales ;

- Reconnaître le rôle déterminant joué par les collectivités dans la gestion des fonds communautaires, et leur mise en oeuvre sur les territoires transfrontaliers ;

- Simplifier les structures déjà en place en matière de coopération transfrontalière : ainsi, dans la région du Rhin supérieur, la Commission intergouvernementale et la Conférence du Rhin supérieur font double emploi et seule cette dernière semble en mesure d'assumer les missions de coopération ;

- Promouvoir des modes d'action souples et adaptables aux circonstances : ainsi, la construction d'un pont sur le Rhin nécessite actuellement un traité qui doit être ratifié par le Parlement. L'Etat co-financeur d'un pont pourrait consentir à la réalisation d'un tel ouvrage sans qu'elle soit subordonnée à la conclusion d'un traité, qui en retarde la création.

CHAPITRE II

DES COMPÉTENCES CLARIFIÉES ET RENFORCÉES

Entre une logique de répartition des compétences qui aboutirait à une spécialisation illusoire des différents niveaux et une situation de cogestion généralisée source de confusion de l'action publique, votre mission d'information a estimé qu'il était possible de privilégier une démarche intermédiaire qui, tout à la fois, cherche à clarifier les compétences par grands secteurs de la vie sociale et préserve la mise en oeuvre de formules partenariales entre l'Etat et les collectivités, entre collectivités elles-mêmes.

Cette démarche pragmatique est confortée par l'expérience de près de vingt ans de mise en oeuvre de la décentralisation.

D'un côté, peu nombreux sont les domaines de l'action publique qui ne justifient pas l'intervention de plusieurs niveaux . La pratique des cofinancements est souvent indispensable pour faire aboutir des projets utiles au développement des territoires. Cependant l'efficacité de l'action publique et le droit des citoyens de connaître la destination des deniers publics commandent que les partenariats soient développés dans un cadre rénové qui garantisse l'équilibre des relations entre les différents partenaires.

D'un autre côté, le maintien de formes de partenariats ne doit pas dispenser de rechercher une répartition plus homogène des compétences entre les différents niveaux. Cette démarche est source d'efficacité mais aussi de clarté pour les citoyens qui doivent pouvoir identifier clairement les vocations principales des administrations publiques. Elle peut justifier certains ajustements de compétences qui doivent reposer, dans chaque cas, sur la recherche du niveau le plus adéquat. Mais ces ajustements ne peuvent être acceptables que si, au préalable, le cadre juridique et financier d'exercice des compétences est clarifié.

C'est pourquoi, votre mission d'information considère que toute clarification des compétences est subordonnée à une amélioration du cadre juridique dans lequel elles sont exercées (I).

C'est sous cette réserve que peut être recherchée une rationalisation de la répartition des compétences au service d'une meilleure efficacité de l'action publique (II).

I. UN PRÉALABLE : UNE AMÉLIORATION DU CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER D'EXERCICE DES COMPÉTENCES

A. DES PRINCIPES MIEUX AFFIRMÉS POUR L'EXERCICE DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES

1. Une compensation intégrale et évolutive des charges transférées

La loi du 2 mars 1982 a posé, à juste titre, le principe d'une compensation des charges transférées par des ressources fiscales et, pour le solde, par des attributions budgétaires.

Ce système souple et dynamique ne permet pas, par construction, une compensation intégrale des charges transférées puisque les recettes transférées évoluent selon un rythme qui leur est propre, différent du coût des compétences. La compensation pourrait donc aussi bien être favorable que défavorable. En pratique, elle est défavorable , même si les résultats sont différents selon les compétences et selon les collectivités. Globalement, le système de compensation a toujours été défavorable aux régions et est défavorable aux départements depuis 1994 336( * ) .

Les transferts de compétences se sont donc traduits pour les collectivités locales soit par une augmentation de leur fiscalité, soit par l'éviction d'autres dépenses obligatoires.

Le caractère défavorable des compensations s'accentue depuis que l'Etat a renoncé, au milieu des années 80, à les financer par des transferts d'impôts et a privilégié la voie de la compensation budgétaire, notamment par le biais de la dotation générale de décentralisation (DGD). La DGD est indexée sur le taux d'évolution de la DGF alors que les impôts transférés, la vignette, les droits de mutation et les cartes grises, progressent à un rythme dynamique quoique sujet à des fluctuations fortes d'un exercice à l'autre.

Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains discutée au Parlement au printemps 2000, et en particulier ses dispositions relatives à la régionalisation de la compétence ferroviaire, introduit une nouveauté de nature à rendre encore plus défavorable le taux de couverture des charges transférées par les recettes transférées. En effet, il remet en cause le principe selon lequel la compensation est intégrale au moins à la date du transfert (les ressources transférées sont égales au coût pour l'Etat de la compétence lorsqu'il la transfère) puisque l'assiette de la compensation a été déterminée à partir d'un audit ancien, réalisé en 1994 par un cabinet privé d'audit, et qui ne prend pas en compte des dépenses certaines à venir, telles que la rénovation des gares, la compensation des tarifs sociaux décidés par l'Etat ou les régionalisation de lignes à venir.

A la lumière de ces éléments, il conviendrait de :

Tirer les conséquences du rôle croissant joué par la DGD en revalorisant son mode d'indexation .

Lorsque l'indexation de la DGD sur la DGF a été décidée, en 1983, la DGF était elle-même indexée sur l'évolution du produit le la TVA, qui est un impôt à fort rendement . Il serait donc opportun de revenir à l'esprit d'origine. Plusieurs modes d'indexation sont envisageables :

- une solution a minima consisterait à considérer que l'indice de la DGF prévu à l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales, qui prend en compte l'évolution des prix et 50 % du taux de croissance du produit intérieur brut, constitue un taux plancher. Si, une année, la DGF augmente plus vite que l'indice prévu par le code général des collectivités territoriales, son taux d'évolution est retenu. Si elle augmente moins vite, l'indice de la DGF est appliqué ;

- une solution plus équitable consisterait à indexer la DGD sur l'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat , en francs constants et à périmètre du budget de l'Etat constant. De cette façon, les ressources servant à financer les compétences transférées évolueraient au même rythme que les ressources de l'Etat. En cas de mauvaise conjoncture, les collectivités participeraient à l'effort national en voyant leurs recettes diminuer dans les mêmes proportions que celles de l'Etat.

Une indexation de la DGD sur l'évolution du coût des compétences transférées doit en revanche être exclue car elle serait profondément inflationniste, les collectivités étant assurées de voir leur DGD augmenter si elles augmentent leurs dépenses.

Mieux tenir compte des modifications législatives et réglementaires qui affectent l'exercice des compétences transférées.

Le droit actuel prévoit que " toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée ". Le montant des compensations est donc révisé seulement lorsque le coût des compétences augmente du fait de modifications réglementaires. En cas de modification législative, la révision du montant des compensations n'est pas obligatoire.

Par exemple, la DGD des départements n'a pas été modifiée par la création du revenu minimum d'insertion (RMI), qui a pourtant renchéri le coût de la compétence en matière d'aide sociale car, juridiquement, la mise à la charge des départements du volet " insertion " du RMI ne constituait pas un transfert plein et entier de compétence, seul susceptible de donner lieu à compensation.

Un dispositif de révision périodique du montant de la base des compensations, sous l'égide de la commission consultative sur l'évaluation des charges, devrait être mis en place. De plus, le caractère automatique de la compensation devrait être étendu aux modifications par voie législative des règles relatives à l'exercice des compétences transférées.

S'assurer que la compensation est intégrale à la date du transfert .

Une telle préconisation ne devrait pas avoir lieu d'être puisque la loi le prévoit déjà. Toutefois, le précédent de la régionalisation du transport ferroviaire incite à la prudence.

Une procédure d'avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges devrait être envisagée.

Revoir la procédure de consultation de la commission consultative sur l'évaluation des charges

L'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) émet un avis sur les modalités de compensation des transferts de charges, ou les modalités de diminution des ressources locales en cas de recentralisation de compétence.

En pratique, la portée de cet avis est faible. Par exemple, dans le cas de la recentralisation de la compétence d'aide médicale par la loi du 25 juillet 2000 relative à la couverture maladie universelle (CMU), la CCEC n'a pas été consultée à l'occasion de l'élaboration du projet de loi " CMU ". Elle n'a pas non plus été consultée sur le montant de la réduction de la DGD des départements inscrit dans le projet de loi de finances pour 2000. Elle s'est réunie après coup, en décembre 1999, pour donner son avis sur l'arrêté de répartition de la baisse de la DGD entre les différents départements.

De même, la CCEC ne se prononcera pas sur le montant de la compensation aux régions du transfert de la compétence ferroviaire avant son inscription dans la loi de finances pour 2001. Elle se prononcera après, pour apprécier la répartition de ces crédits entre les régions.

Cette procédure curieuse vient sans doute d'une interprétation stricte de la rédaction du code général des collectivités territoriales qui prévoit que " le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges est constaté pour chaque collectivité par arrêté conjoint du ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé du budget , après avis " de la CCEC. Cette rédaction peut laisser entendre que la CCEC doit apprécier la répartition d'une enveloppe donnée entre les collectivités prévue par un arrêté, mais n'est pas compétente pour se prononcer sur le montant total de l'enveloppe.

Il conviendrait de la modifier pour préciser que la CCEC doit se prononcer sur le montant des compensations inscrit dans les projets de loi de finances, quitte à se réunir à nouveau pour donner son avis sur l'arrêté de répartition des crédits entre les collectivités.

2. Une réelle liberté d'organisation dans la mise en oeuvre des compétences transférées

a) Retrouver l'esprit de la décentralisation

La décentralisation repose sur un triptyque " liberté d'initiative, diversité, responsabilité ".

Si l'Etat transfère des compétences aux collectivités locales, c'est parce qu'il estime que ces compétences seront exercées de manière plus efficace à un niveau de proximité.

Quelle peut être la signification de cette démarche si le cadre juridique d'exercice de la compétence est tellement détaillé que les collectivités locales ne disposent plus d'aucune marge d'appréciation ?

Le bilan établi par votre mission d'information a mis en évidence que l'Etat avait de plus en plus la tentation de confier des compétences aux collectivités locales en définissant au préalable l'objectif à atteindre et les moyens à mettre en oeuvre en prévoyant, en outre, des sanctions pour le cas où une collectivité n'aurait pas respecter ces prescriptions.

Il y a là une déviation manifeste de l'esprit de la décentralisation. Retrouvant de vieux réflexes, l'Etat traite les collectivités locales comme des acteurs mineurs incapables par eux-mêmes de promouvoir l'intérêt général.

Or, de deux choses l'une : soit l'Etat considère que le domaine de compétences en cause est d'intérêt national, il lui revient alors de le prendre en charge seul sans solliciter les collectivités locales ; soit il estime que ce domaine compétences, tout en relevant principalement de ces dernières, justifie néanmoins son intervention. Il lui appartient alors de s'inscrire dans le cadre d'un partenariat équilibré avec les collectivités locales.

Tel est le sens de l'Etat contractuel " à la française " dont votre mission d'information souhaite l'émergence.

Or les dispositifs récents témoignent au contraire d'un retour de l'Etat tutélaire, dont les relations avec les collectivités locales sont marquées du sceau de la suspicion.

Votre mission d'information juge indispensable un retour à l'esprit de la décentralisation qui permet une gestion de proximité fondée sur l'initiative et respectant la diversité des réalités locales.

A cette fin les collectivités locales doivent disposer d'une véritable liberté d'organisation dans la mise en oeuvre de leurs compétences.

b) Quelles voies juridiques pour mieux garantir le respect des compétences locales ?

Le bilan établi par votre mission d'information a rappelé que la définition des compétences des collectivités locales dans un cadre défini par le législateur était apparue comme un progrès par rapport à la situation antérieure pendant laquelle les collectivités avaient subi de multiples transferts de charges imposés par l'Etat tutélaire.

Or ce rôle de la loi, conforme d'ailleurs aux exigences constitutionnelles telles qu'elles ont été précisées par le Conseil constitutionnel, n'a pas suffi à mettre un terme à ces transferts de charges imposés. Le bilan figurant dans la première partie du présent rapport le met clairement en évidence.

Plus grave, les dispositifs législatifs récents, adoptés de part la volonté du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale, contre la position exprimée par le Sénat, font ressortir que la loi ordinaire, loin d'être protectrice des compétences locales, peut être source de contraintes excessives tant en ce qui concerne le contenu des compétences que les moyens de leur exercice en particulier sur le plan financier .

Votre rapporteur a précédemment rappelé le caractère relativement elliptique des dispositions de l'article 72 de la Constitution, qui fixe le principe de la libre administration par des conseils élus " dans les conditions prévues par la loi " et de l'article 34, qui confie au législateur le soin de définir les principes fondamentaux " de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ".

Dès lors, votre mission d'information s'est interrogée sur le point de savoir si ce cadre constitutionnel ne devait pas être précisé pour mieux assurer le respect de la libre administration des collectivités locales.

Elle a donc pris connaissance avec le plus grand intérêt de la proposition de loi constitutionnelle issue de l'initiative de M. le président du Sénat, qui tendrait à inscrire dans la loi fondamentale la garantie de l'autonomie fiscale des collectivités locales, le principe de compensation intégrale et concomitante des transferts de compétences et de charges et qui consacrerait le rôle de représentant des collectivités territoriales de la République dévolu au Sénat par la Constitution, en lui conférant un pouvoir législatif équivalent à celui de l'Assemblée nationale pour les projets et propositions de loi relatifs aux collectivités locales. 337( * )

3. Un droit à l'expérimentation sur la base du volontariat

Dans une société complexe, l'action publique doit pouvoir s'adapter en permanence aux nouveaux défis qui se présentent à elle.

Cette exigence d'adaptation qui s'impose notamment à l'action publique locale, implique une certaine souplesse dans le cadre juridique d'exercice des compétences. Elle peut également justifier qu'avant que de nouvelles compétences ne leur soient transférées, les collectivités locales puissent les avoir expérimentées.

Cette méthode n'est pas inconnue de notre législation. Outre qu'il a pu prévoir dans certains domaines des dispositifs limités dans le temps afin de pouvoir en dresser un bilan et apprécier l'opportunité de les reconduire, le législateur a également mis en place de véritables expérimentations .

Le transport ferroviaire de voyageurs d'intérêt régional ou le domaine social donnent une illustration de cette méthode.

Un exemple d'expérimentation en matière de compétences :
le transport ferroviaire de voyageurs d'intérêt régional 338( * )

La décentralisation du transport ferroviaire régional s'est effectuée en plusieurs étapes.

Envisagée, dès 1974, par M. Olivier Guichard, elle a fait l'objet d'une expérience intéressante dans la région Nord-Pas-de-Calais à la fin de la décennie. La loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 a par la suite ouvert à la SNCF et aux régions la faculté de signer des conventions.

A la suite du rapport de nos collègues Hubert Haenel et Claude Belot, au nom de la commission sénatoriale d'enquête sur la SNCF, la loi d'orientation du 4 février 1995 (article 67) a organisé une expérimentation de la régionalisation. En application de ces dispositions et de celles de l'article 15 de la loi n° 97-533 du 25 juin 1997 portant création de l'établissement public " Réseau ferré de France ", une expérimentation a été engagée dans six puis dans sept régions volontaires (Alsace, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes et Limousin).

L'expérimentation, qui devait en principe s'achever le 31 décembre 1999, a été prolongée de deux ans par l'article 21 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Cette expérimentation a posé les principes d'un transfert de compétences de l'Etat vers les régions pour les transports collectifs d'intérêt régional.

Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit de transférer à l'ensemble des régions les compétences que détient l'Etat en qualité d'autorité organisatrice du transport ferroviaire de voyageurs d'intérêt régional. Ce transfert de charges doit être compensé sous la forme d'un versement par l'Etat, d'une compensation annuelle indexée. Les régions conclurait une convention avec la SNCF, fixant les conditions d'exploitation et de financement des services relevant de la compétence régionale. Un bilan de ce transfert devrait être établi cinq ans après l'entrée en vigueur de la réforme.

En 1998, l'Etat a versé 2,813 milliards de francs aux régions expérimentatrices, lesquelles ont prévu d'investir 6 milliards de francs dans la nouvelle génération des trains TER et dans les rénovations de matériels. Deux cent rénovations de gares ont été réalisées en partenariat avec les régions, les départements et les communes. On estime que l'expérimentation a permis une augmentation de 6% du nombre de trains en 1998 contre 2,3% dans les régions non expérimentales. La SNCF s'est pour sa part montrée satisfaite de l'expérimentation en termes de niveau d'activité.

Le Sénat a souscrit au choix de la date du 1 er janvier 2002 pour la généralisation de la régionalisation du transport ferroviaire régional. En revanche, il a souligné que la ressource prévue par le projet de loi au titre de la compensation financière des régions était très insuffisante. Il a relevé qu'en ne prenant en compte que les déficits courants d'exploitation qui seront constatés en 2000 et la dotation nécessaire au renouvellement du matériel roulant, la compensation envisagée faisait l'impasse sur un certain nombre de charges , notamment l'indispensable modernisation des gares régionales et le manque à gagner généré par les tarifs sociaux décidés et mis en oeuvre par l'Etat. En outre, les modalités d'évolution prévues pour la compensation lui sont apparues comme sans rapport avec une vision dynamique du développement du service public ferroviaire régional. Le Sénat a donc adopté une série de modifications inspirées de la volonté de compensation équitable des charges nouvelles qui seront supportées par les régions, afin de donner à celles-ci les moyens véritables d'exercer les missions qui leur sont ainsi confiées.

Expérimentations et initiatives locales en matière sociale

Le revenu minimum d'insertion a fait l'objet de diverses expérimentations à l'initiative des collectivités locales avant l'entrée en vigueur de la loi du 1 er décembre 1988.

Deux catégories d'expérimentations peuvent être distinguées : certaines expériences résultent d'une démarche propre des collectivités locales, parfois en relation avec l'association ATD-Quart Monde : dès février 1985, le département de l'Ille-et-vilaine met en place un revenu minimum familial garanti (RMFG) qui sera transformé, en juin 1986, en un dispositif de complément local de ressources (CLR) dans le cadre d'une convention associant l'Etat, le conseil général d'Ille-et-Vilaine et les communes ; le conseil général du Territoire de Belfort crée en mars 1986, avec l'aide de l'Etat, un dispositif dénommé " contrat-ressources personnalisé d'autonomie ".

Le succès des expériences précitées a conduit l'Etat à solliciter les collectivités locales pour élargir le champ des expériences. Par circulaire n° 86-23 du 29 octobre 1986, parfois appelée " circulaire Zeller ", l'Etat propose de s'associer au financement des compléments locaux de ressources (CLR) qui lui seront proposés par les collectivités locales. Ce dispositif qui laisse une liberté de choix à l'échelon territorial aboutira à la mise en place de CLR par voies de convention dans plusieurs départements. Notre ancien collègue, M. Pierre Louvot, dans son rapport sur le projet de loi relatif au RMI, avait ainsi analysé les CLR mis en place dans le Doubs, en Indre-et-Loire, dans la ville de Grenoble avec le concours du département de l'Isère, dans la Marne, en Haute-Loire, dans le Rhône et dans la Sarthe. Près de 25 dispositifs locaux seront ainsi recensés par le CERC dans une étude de 1988 339( * ) .

Les solutions innovantes retenues par les collectivités locales en matière de droits dérivés (aide à l'accès au logement, dispositifs de réinsertion) et les enseignements concrets des expériences conduites sur le terrain ont été utiles lors de la préparation de la loi de 1988 dont on peut regretter qu'elle n'ait pas toujours appliqué les principes décentralisateurs à l'oeuvre dans les expériences initiales.

La prestation dépendance a également fait l'objet d'expérimentations. A l'initiative de la commission des Affaires sociales du Sénat, la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale comportait une disposition (article 38) autorisant des " dispositifs expérimentaux d'aide aux personnes âgées dépendantes " .

Quelques principes simples ont été alors retenus : tout d'abord, les expérimentations devaient être conduites dans le cadre de conventions conclues entre les départements, des organismes de sécurité sociale et, éventuellement, d'autres collectivités territoriales, dans le cadre d'un cahier des charges établi sur le plan national.

Par ailleurs, un Comité national était chargé d'évaluer les résultats des expérimentations, montrant ainsi la volonté du législateur de ne pas préjuger des résultats définitifs.

Douze départements sur plus de quarante postulants ont été retenus pour l'expérimentation qui a été lancée à compter de la publication du cahier des charges en octobre 1995.

Il est à noter que cette expérimentation a été interrompue de manière anticipée du fait du dépôt d'un projet de loi sur la prestation spécifique dépendance par le gouvernement de M. Alain Juppé en octobre 1995.

Ces expérimentations permettent de rechercher de manière pragmatique dans quelles conditions l'action publique pourra être conduite de la manière la plus efficace .

Dès lors qu'elles ne mettent pas en cause l'égalité devant la loi des citoyens et des entreprises situées sur le territoire concerné, elles apparaissent parfaitement compatibles avec le cadre fixé par la Constitution.

C'est pourquoi, votre mission d'information souhaite qu'un véritable droit à l'expérimentation soit reconnu aux collectivités locales dans le domaine des compétences.

B. DE NOUVELLES RÈGLES DU JEU POUR L'EXERCICE EN PARTENARIAT DE COMPÉTENCES PARTAGÉES

1. Entre l'Etat et les collectivités locales : un partenariat rééquilibré

a) Pour un Etat " contractuel "

L'Etat " contractuel " que votre mission d'information souhaite voir émerger est un Etat qui a pleinement intégré le rôle et la place des collectivités locales dans le fonctionnement des institutions et la mise en oeuvre de l'action publique.

Recentré sur ses fonctions essentielles, cet Etat fait confiance aux collectivités locales pour prendre en charge les missions qui appellent une gestion de proximité.

Si nécessaire, il peut développer avec elles des partenariats notamment pour fédérer les énergies au service de l'intérêt général.

A cette fin le contrat peut être un vecteur efficace pour mettre en place des cofinancements lorsqu'ils s'avèrent indispensables.

Selon la formule utilisée devant votre mission d'information par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, président de l'Association des régions de France, le cofinancement est nécessaire à un " actionnariat de projet ".

Mais il importe de définir un cadre contractuel clair et équilibré.

b) Une nouvelle règle du jeu pour les relations contractuelles entre l'Etat et les collectivités locales

La clarification du cadre contractuel des relations entre l'Etat et les collectivités locales doit être envisagée aux différentes étapes de la procédure contractuelle.

Mais la pertinence du recours à la technique contractuelle doit au préalable être examinée. Selon le domaine concerné, la contractualisation peut être source de confusion et doit donc être écartée.

Il en est ainsi pour des compétences qui appelant une gestion de proximité peuvent en réalité parfaitement être décentralisées. La technique contractuelle n'est alors rien d'autre qu'un moyen pour l'Etat de garder la maîtrise d'oeuvre alors même que les financements sont majoritairement apportées par les collectivités locales.

Dans des domaines qui, à l'inverse, relèvent des compétences régaliennes de l'Etat, la contractualisation peut être de nature à diluer les responsabilités. Elle nuit donc à la clarté de l'action publique. Le contrat doit donc être réservé aux domaines qui relèvent effectivement d'une responsabilité partagée entre l'Etat et les collectivités locales.

Un second préalable concerne l'éparpillement des procédés contractuels. Il apparaît indispensable que pour un même domaine, les actions conjointes menées par l'Etat et les collectivités locales fassent l'objet d'un document contractuel unique. Cette méthode est source de clarté et d'efficacité.

Ces préalables étant posés, votre mission d'information juge d'abord nécessaire une première clarification qui porte sur les collectivités qui doivent être associées à ce partenariat. Contrairement à une pratique observée dans la période récente, décrite dans la première partie du présent rapport, si l'Etat veut solliciter les collectivités locales dans un domaine considéré, il doit associer dès la phase de négociation, tous les partenaires dont les compétences seront concernées par le contrat.

Une deuxième clarification doit porter sur les conditions de négociation du contrat.

Votre mission d'information juge nécessaire que cette négociation soit menée au plus près des réalités locales. L'Etat doit donc rompre avec la tradition de l'acte unilatéral qui imprègne encore trop souvent les comportements administratifs. Le " dirigisme méthodologique " n'est pas adapté à une négociation équilibrée entre partenaires responsables.


La clarification doit également porter sur le contenu des contrats passés par l'Etat avec les collectivités locales.

Le contrat ne doit plus être, comme il l'a été trop souvent, un instrument de transfert de charges de l'Etat vers les collectivités, sans transfert parallèle des responsabilités.

Selon le principe " qui paie commande ", l'Etat ne peut avoir recours à la technique contractuelle pour faire financer ses propres compétences par les collectivités locales tout en gardant la maîtrise d'oeuvre.

En outre, une définition précise des engagements respectifs de l'Etat et des collectivités cocontractantes apparaît indispensable à l'efficacité même de l'outil contractuel.

Enfin, la clarification souhaitée par votre mission d'information implique que les partenaires au contrat respecte les engagements qu'ils ont souscrits.

Le bilan établi par le présent rapport a mis en évidence que l'Etat s'était trop souvent dispensé d'exécuter les obligations qu'il avait lui-même librement contractées.

Cette démarche décrédibilise l'Etat comme partenaire des collectivités locales. Elle met en cause la portée même du procédé contractuel qui n'a de sens que pour autant que les cocontractants se sentent tenus par les engagements figurant au contrat.

La mauvaise exécution des obligations contractuelles peut également mettre en cause l'efficacité de l'outil contractuel. Il en est ainsi notamment des retards dans les financements, retards qui perturbent le bon déroulement des actions conjointement décidées.

Ces défaillances posent le problème de l'organisation de l'Etat, de sa capacité à concevoir et à appliquer des procédures efficaces .

Mais les collectivités locales ne doivent pas subir les conséquences des insuffisances des procédures appliquées par l'Etat.

C'est pourquoi, votre mission d'information considère que les défaillances de l'Etat dans le respect de ses obligations contractuelles pourraient faire l'objet de sanctions financières.

De telles sanctions inciteraient à une meilleure définition du contenu et de l'échéancier des obligations respectives des partenaires au contrat. Elle les conduirait, le cas échéant, à mieux distinguer entre, d'une part, l'énoncé d'objectifs n'ayant pas de traduction immédiate et donc insusceptibles d'engager la responsabilité contractuelle et, d'autre part, les engagements précis des cocontractants pouvant mettre en jeu leur responsabilité en cas de défaillance.

2. Entre collectivités locales : la promotion de la collectivité chef de file

Le bilan établi par votre mission d'information a souligné qu'à l'expérience, il était apparu illusoire de chercher à supprimer toute forme de cofinancements entre collectivités pour la réalisation d'un même projet. Tel est en particulier le cas pour la réalisation de grands équipements, le concours de plusieurs collectivités étant alors souvent indispensable.

Le cofinancement, s'il s'exerce dans le cadre d'un véritable partenariat , peut également traduire de véritables solidarités et complémentarités en vue d'une plus grande efficacité de l'action publique.

La notion de collectivité chef de file peut contribuer à assurer une plus grande cohérence des actions communes ainsi conduites.

Elle a été mise en avant, sur l'initiative du Sénat, par la loi d'orientation du 4 février 1995. Le II de l'article 65 de cette loi a prévu, en effet, qu'une loi de clarification des compétences entre l'Etat et les collectivités locales devrait définir " les conditions dans lesquelles une collectivité pourra assumer le rôle de chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales. "

Or cette notion, n'a, à ce jour, pas reçu de traduction législative .

Pourtant elle conserve toute sa pertinence pour clarifier les conditions d'exercice des compétences

C'est pourquoi, lors de l'examen de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le Sénat avait adopté un article additionnel prévoyant la désignation d'une collectivité chef de file pour des actions communes menées par la voie conventionnelle par les collectivités et leurs groupements en matière d'aménagement du territoire et de développement économique .

Le texte issu des travaux du Sénat, écarté par l'Assemblée nationale lors de la lecture définitive du projet de loi après échec de la commission mixte paritaire, était libellé comme suit :

" Lorsque, pour l'exercice de leurs compétences relatives à l'aménagement du territoire et au développement économique, les collectivités territoriales et leurs groupements décident de mener des actions communes dans des conditions fixées par une convention, cette convention désigne pour chacune des actions envisagées l'une de ces collectivités ou l'un de ces groupements pour en coordonner la programmation et l'exécution.

"  La convention peut charger la collectivité ou le groupement chef de file d'exercer pour le compte des parties à la convention les missions du maître d'ouvrage au sens de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée et d'en assumer les droits et les obligations. Un cahier des charges annexé à la convention peut, en outre, définir les moyens communs de fonctionnement nécessaires à la réalisation de ces actions.

" Sauf stipulations contraires, pour des actions communes à la région, au département et au groupement : la région est la collectivité chef de file pour la programmation et l'exécution des actions d'intérêt régional ; le département ou le groupement est la collectivité chef de file des actions relatives au développement local et à la promotion des solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural. "


Ainsi conçue, cette notion de collectivité chef de file n'a pas pour objet de modifier la répartition actuelle des compétences entre les collectivités territoriales. Elle a vocation à régir la mise en oeuvre d'actions communes à plusieurs collectivités, notamment celles décidées dans le cadre du contrat de plan.

Dans le dispositif adopté par le Sénat, la collectivité chef de file devait jouer un rôle de coordination de la programmation et de l'exécution de ces actions communes.

Garante de la cohérence des objectifs communs aux différentes collectivités, la collectivité chef de file n'exercerait en aucun cas un pouvoir de contrainte.

Cette notion ne remet donc pas en cause le principe fondamental des lois de décentralisation qui prohibe toute tutelle d'une collectivité sur l'autre.

Chaque collectivité pourrait exercer ses compétences dans le cadre du partenariat avec d'autres collectivités autour d'objectifs communs et d'engagements librement pris ou sous une autre forme qui lui paraîtrait plus appropriée.

Ce partenariat ne modifierait pas, par ailleurs, les compétences de l'Etat dans son rôle de garant de la cohésion nationale.

La fonction de chef de file est donc une fonction d'animation et de coordination dans un cadre volontaire destiné à favoriser une plus grande cohérence de l'action des collectivités territoriales.


En outre, le Sénat avait prévu que les parties à la convention pourraient décider de lui confier les responsabilités du maître d'ouvrage. Un cahier des charges annexé à la convention pouvait définir les moyens communs de fonctionnement nécessaires à la réalisation de ces actions.

Le Sénat avait jugé nécessaire de désigner dans la loi la collectivité qui serait, en principe, chef de file pour des actions communes à la région et aux départements . Les parties à la convention auraient eu néanmoins la faculté, en fonction du contexte local, de désigner un autre chef de file.

Sauf stipulation contraire , pour des actions communes à la région et au département, la région devait être la collectivité chef de file des actions d'intérêt régional , le département exerçant la même mission pour le développement local et la promotion des solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural.

Il serait évidemment souhaitable que s'applique un principe de subsidiarité dans le choix de la collectivité chargée d'exercer cette mission de coordination.

Ainsi précisé, ce dispositif semblait de nature à répondre aux exigences constitutionnelles, telles qu'explicitées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 , notamment quant à l'exercice par le législateur de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution de définir les principes de la libre administration des collectivités, de leurs compétences et de leurs ressources.

Votre mission d'information considère que la notion de collectivité chef de file, sans remettre en cause le contenu des compétences, peut apporter une clarification utile dans la mise en oeuvre des partenariats entre collectivités.

C. DES MOYENS INSTITUTIONNELS RENFORCÉS

Pour faire face à des tâches toujours plus nombreuses, les collectivités locales ont dû avoir recours à divers modes de gestion des services publics, tendant à mieux adapter ces derniers aux besoins et aux exigences des usagers.

Elles ont néanmoins été confrontées à certaines rigidités du cadre institutionnel dans lequel elles exercent ces missions. Surmonter ces rigidités par la promotion de formules institutionnelles adaptées qui garantissent à la fois l'efficacité et la sécurité juridique de l'action publique locale demeure une préoccupation d'actualité.

En outre, les collectivités locales ont décliné tous les modes de la gestion déléguée, dont le rôle mérite d'être souligné.

Enfin, le statut des sociétés d'économie mixte locale, lesquelles occupent une place importante dans le paysage local, pourrait être aménagé.

1. La recherche de formules adaptées pour surmonter les rigidités du cadre institutionnel

Il existe de nombreuses formules de gestion directe ou déléguée, mais les services publics sont tous régis par des textes distincts dont l'objet ne peut pas être étendu au-delà de celui pour lequel ils ont été conçus Certains services nouveaux résultant de nouveaux besoins de la population n'entrent pas dans les cadres existants.

Les associations régies par la loi du 1 er juillet 1901 sont utilisées par les collectivités locales pour gérer plus souplement certaines opérations qu'étoufferaient les règles de la comptabilité publique locale. Il s'agit essentiellement des activités socio-culturelles, mais il peut arriver qu'elles interviennent dans des projets de développement économique local.

Le recours à cette formule associative n'est néanmoins pas sans risque pour les collectivités locales et pour les élus qui peuvent notamment se trouver exposés à la procédure de gestion de fait.

Le recours excessif aux associations para-administratives et ses dangers ont été relevés dans divers rapports de la Cour des Comptes.

Ce recours aux associations pour la gestion de certains services locaux fait courir un triple risque aux collectivités et à leurs responsables :

- un risque financier, pour la collectivité, au titre des engagements pris ;

- un risque pour les personnes, élues ou fonctionnaires de la collectivité (ingérence et maniement de deniers publics - gestion de fait) ;

- un risque de mise en jeu par le juge judiciaire de la responsabilité des dirigeants de l'association qui auraient commis des fautes de gestion.

C'est pourquoi différentes réflexions ont eu pour objet de définir une nouvelle forme juridique permettant de mieux concilier l'efficacité de l'action publique avec la nécessaire sécurité juridique.

Tel fut notamment l'objet de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale sous la précédente législature, qui tendait à faciliter la création d'établissements publics locaux (rapport n° 3289 de M. Christian Dupuy, député - Xe législature)

La proposition de loi se proposait de doter les collectivités territoriales d'un instrument juridique simple destiné à favoriser le développement des services publics.

Elle se fondait sur le constat que le choix risqué que font très souvent les élus locaux de confier à des associations de la loi de 1901 la gestion de certains services publics montrait bien qu'ils ne disposaient pas d'instruments juridiques adaptés.

La proposition de loi facilitant la création d'établissements publics locaux

Adoptée par l'Assemblée nationale, le 16 janvier 1997, la proposition de loi posait le principe de la création d'une nouvelle catégorie d'établissements publics, dotés de la personnalité morale et de l'autonomie administrative et financière et placés sous la tutelle d'une ou plusieurs collectivités locales.

L'établissements public local (EPL) serait créé par une délibération de l'assemblée délibérante ou par des délibérations concordantes des collectivités intéressées. Au conseil d'administration de l'EPL, les représentants de la collectivité ou des collectivités seraient majoritaires.

Le président du conseil d'administration serait l'ordonnateur des dépenses et des recettes de l'EPL. Le personnel relèverait du statut de la fonction publique territoriale quand le service public serait à caractère administratif et des dispositions du code du travail quant il serait à caractère industriel et commercial (à l'exception du directeur et de l'agent comptable).

L'EPL serait soumis en matière financière, budgétaire et comptable aux règles de la comptabilité publique et aux règles budgétaires et comptables de la collectivité territoriale dont il dépend.

Enfin, le comptable de l'établissement serait soit un comptable direct du Trésor, soit, si la délibération qui l'a créé le prévoit, un agent comptable nommé par le préfet, sur proposition du conseil d'administration, après avis du trésorier payeur général.

Cette proposition de loi n'a pas été examinée par le Sénat avant la fin de la Xè législature.

Votre mission d'information n'entend pas préjuger des résultats d'un examen plus approfondi d'un dispositif de ce type, dont toutes les conséquences devraient être évaluées.

Cependant, force est de constater que l'adéquation des moyens institutionnels à la dispositions des collectivités locales pour mener à bien leurs missions demeure d'actualité.

2. Le rôle de la gestion déléguée

La gestion des services publics s'est beaucoup développée depuis le lendemain de la Grande Guerre, car les besoins de la population n'ont pas cessé de croître sous la pression de l'évolution économique et sociale.

Aujourd'hui, en matière de services publics locaux, les modes sont divers et combinent gestion déléguée et gestion directe . Les modes de gestion associent les acteurs publics de tous les niveaux et ils associent aussi acteurs publics et acteurs privés.

On peut considérer que, devant la variété des situations rencontrées, reflet elles-mêmes de la variété des modes de partenariat, le pragmatisme doit l'emporter. Collectivités publiques et acteurs privés doivent concourir ensemble à la satisfaction des besoins collectifs en respectant des impératifs d'efficacité et d'économie de moyens.

Devant votre mission d'information, M. Marceau Long, président de l'Institut de la gestion déléguée, vice-président honoraire du Conseil d'Etat, a tenu à préciser qu'il n'y avait pas, selon lui, de hiérarchie entre la gestion directe et la gestion déléguée, et que le choix entre ces deux modes devait se faire au cas par cas.

Parmi les modes de gestion traditionnelle, la régie directe est le plus ancien. En l'espèce, il n'y a pas création d'une personne morale distincte de la collectivité et celle-ci garde un contrôle absolu sur l'exploitation du service. Les opérations effectuées en dépenses et en recettes sont directement enregistrées au budget de la collectivité.

Puis, avec l'intervention croissante des collectivités locales dans le domaine économique et social, on a isolé les activités industrielles ou commerciales assurées par les collectivités locales dans des régies pourvues de l'autonomie budgétaire (mais non de la personnalité morale).

Le degré suivant est la régie personnalisée, c'est-à-dire une régie dotée de l'autonomie financière et de la personnalité morale. Une délibération du conseil municipal décide de la création d'une régie personnalisée. La régie est administrée par un conseil d'administration. L'agent comptable reste un comptable direct du trésor ou un agent comptable spécial nommé par le préfet.

La collectivité peut également déléguer le service public au secteur privé :

- la gérance (l'exploitation du service est confiée à une personne privée rémunérée par la collectivité dans des conditions fixées par contrat) ;

- la régie intéressée (l'exploitant est rémunéré selon un forfait et par participation aux résultats ; la collectivité supporte seule les pertes éventuelles et prend en charge les investissements) ;

- la concession (contrat par lequel la collectivité confie à une personne privée ou publique l'exploitation d'un service public ; le concessionnaire est rémunéré par les redevances des usagers, à charge pour lui d'assurer le fonctionnement du service à ses risques et périls) ;

- l'affermage (distinct de la concession dans la mesure où l'entrepreneur privé ne supporte pas les frais initiaux d'installation du service mis en oeuvre ; le fermier reçoit une partie des redevances et la collectivité une autre partie avec laquelle elle essaie d'amortir les frais supportés à l'origine).

Force est d'observer qu'au cours de la dernière décennie, le législateur a encadré de manière très forte la procédure de délégation de service public. Ces règles nouvelles ont pu complexifier les procédures que les élus locaux doivent mettre en oeuvre.

Devant votre mission d'information, M. Marceau Long a ainsi précisé que l'application de la loi du 29 janvier 1993, dite " loi Sapin ", entraînait une procédure en dix huit étapes (ou seize étapes pour la  " procédure allégée ").

Tout en relevant qu'il n'existait toujours pas de définition légale, ni de la délégation, ni de la concession de service public, il a néanmoins considéré que le nouveau cadre législatif avait apporté plus de transparence et qu'il mettait la France " à l'abri " au regard du droit communautaire même si les instances européennes continuaient à se méfier de la notion d'intuitu personae.

La définition de la délégation résulte de la jurisprudence qui a considéré que, pour qu'il y ait délégation, il fallait qu'une partie substantielle de l'exploitation soit assurée par la rémunération du service. Encore faut-il s'entendre sur la notion de " partie substantielle " (15, 20 ou 25% ?).

En dépit de certaines incertitudes et des complexités qui peuvent affecter son régime juridique, le rôle de la gestion déléguée dans l'action publique locale doit néanmoins être souligné.

3. Les sociétés d'économie mixte

Le partenariat s'est développé entre les collectivités locales, entre les collectivités locales et l'Etat et entre les collectivités locales et le secteur privé. Le partenariat public-privé, significatif de l'évolution des mentalités et des pratiques, répond à la nécessité de surmonter les rigidités du cadre institutionnel imposé aux collectivités locales.

Créées par le décret du 27 décembre 1926, les sociétés d'économie mixte (S.E.M.) permettent d'associer des capitaux publics et privés pour la poursuite d'objets d'intérêt général. Les SEM se sont particulièrement illustrées dans l'aménagement du territoire à partir des années 50.

Toutefois, le cadre juridique des SEM n'était pas suffisamment précis ni suffisamment souple, c'est pourquoi une clarification fut apportée par la loi du 7 juillet 1983 qui a introduit les principes du droit des sociétés commerciales. Cette loi renforce le contrôle des collectivités locales sur les SEM tout en assouplissant leur fonctionnement, ce qui en fait un outil privilégié pour la gestion des services publics locaux.

Le statut juridique des SEM est calqué sur celui des sociétés anonymes : elles en revêtent la forme avec une différence concernant le capital minimum obligatoire qui doit être d'au moins 1 000 000 de francs pour les sociétés d'aménagement et de 1 500 000 francs pour les sociétés de construction. Les collectivités territoriales doivent y détenir (séparément ou à plusieurs) plus de la moitié du capital sans que cette prise de participation ne puisse aller au-delà de 80 %.

La gestion des SEM locales est placée sous le régime du contrôle a posteriori. Certains actes sont soumis à l'obligation de transmission au préfet dans les quinze jours de leur adoption. (Il s'agit des procès-verbaux du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, des procès-verbaux des assemblées générales et des contrats).

Lorsque le représentant de l'Etat juge qu'une délibération met en péril la santé financière des collectivités locales concernées, il saisit, dans le délai d'un mois , la Chambre régionale des comptes. Cette saisine entraîne une seconde lecture par le Conseil d'administration ou de surveillance ou par les assemblées générales. La Chambre régionale des comptes dispose d'un délai d'un mois à compter de la saisine pour faire connaître son avis au préfet, à la SEM locale et aux assemblées délibérantes des collectivités locales concernées.

Forts de l'excellent bilan des SEM, les élus dirigeants de SEM réclament aujourd'hui une modernisation du cadre juridique de l'économie mixte locale.

Depuis le début des années 1990, les SEM rencontrent des difficultés économiques, juridiques et administratives qui grèvent leur action.

Premièrement, l'expérience a fait ressortir la nécessité de renforcer le contrôle démocratique des assemblées délibérantes des collectivités territoriales sur les opérations confiées aux SEM et sur les SEM elles-mêmes.

Deuxièmement, l'évolution du cadre juridique et de la doctrine administrative a créé une contradiction flagrante entre le droit et la volonté politique des élus locaux sur trois points : les relations financières entre les collectivités territoriales et les SEM, le droit de la concurrence, le statut de l'élu administrateur de SEM.

En ce qui concerne les relations financières , la jurisprudence du Conseil d'Etat a eu pour effet d'interdire aux collectivités locales de soutenir les SEM dont elles sont les actionnaires majoritaires (pas d'aides directes ou indirectes en dehors des conditions fixées par les lois du 7 janvier et 2 mars 1982 sur les aides des collectivités locales aux entreprises privées).

En ce qui concerne le droit de la concurrence , la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique a soumis les SEM, au même titre que les sociétés privées fermières ou concessionnaires de services publics, mais contrairement aux établissements publics, à un régime de mise en concurrence pour les délégations de services publics. Ceci met une collectivité locale actionnaire d'une SEM dans l'obligation de la mettre en compétition avec d'autres sociétés pour exploiter le service (pour lequel la SEM avait été créée !).

Enfin, en ce qui concerne le statut des élus administrateurs de SEM , les risques liés aux délits de prise illégale d'intérêt et de favoritisme justifient qu'ils bénéficient d'une protection juridique renforcée.

Les SEM sont également pénalisées (contrairement aux sociétés d'HLM classiques) par l'interdiction faite aux collectivités locales d'accorder des aides financières pour conduire et gérer leurs programmes de logements sociaux.

Les élus demandent aujourd'hui que :

- les collectivités soient en meure d'exercer pleinement leurs responsabilités d'actionnaires majoritaires par tout concours financier nécessaire ;

- les relations financières entre les collectivités et leur SEM s'inscrivent dans un cadre conventionnel propre à l'économie mixte locale garantissant une totale transparence et un contrôle effectif des assemblées délibérantes ;

- la sécurité juridique soit rétablie et permette aux collectivités territoriale le libre choix de leurs modes de gestion.

La Fédération nationale des Sociétés d'économie mixte préconise une refonte du statut. Elle souhaite l'ouverture d'un débat sur l'assouplissement de la composition du capital (il y aurait donc des SEM à capitaux publics minoritaires). La Fédération récuse également la multiplicité des contrôles qui pèsent sur les SEM.

L'avant-projet de loi préparé par M. Emile Zuccarelli contenait des mesures destinées aux SEM.

Il autorisait les collectivités locales à accorder aux SEM des avances en compte courant d'associés. Il prévoyait aussi qu'à l'avenir les conventions pour lesquelles les collectivités déléguaient des opérations d'aménagement à des SEM locales comporteraient obligatoirement un plan de financement global de l'opération mentionnant le montant total de la participation demandée à la collectivité. Ces mesures ont été jugées insuffisantes par les SEM et les élus locaux.

Lors de son audition devant la mission, M. Loïc Le Masne, président de la Fédération nationale des SEM a estimé que le " projet Zuccarelli " ne répondait pas aux aspirations des SEM ; il a déclaré en outre que les collectivités locales devaient bénéficier de marges de manoeuvre plus grandes dans l'exercice de leur rôle d'actionnaires.

M. Loïc Le Masne a fait remarquer aussi qu'une réforme des SEM devrait apporter un peu de souplesse dans les contrôles, estimant qu'elles étaient aujourd'hui les entreprises les plus contrôlées de France, puisque, comme les entreprises privées, elles étaient soumises au contrôle d'un conseil d'administration, d'un commissaire aux comptes et de l'administration fiscale, mais, du fait de leur actionnariat public, elle relevaient également du contrôle de la légalité et de celui de la Chambre régionale des comptes.

Ces légitimes préoccupations des élus dirigeants de SEM devront être prises en considération.

II. UNE RÉPARTITION PLUS RATIONNELLE DES COMPÉTENCES AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE

La mission n'a pas limité ses réflexions aux moyens de clarifier le cadre juridique de l'exercice des compétences.

Elle s'est interrogée sur l'opportunité de nouveaux transferts de compétences de l'Etat aux collectivités locales, dans le sens d'une décentralisation renforcée.

Sans couvrir tout le champ de l'action publique, elle a voulu formuler quelques propositions, en tenant compte de la vocation principale de chacun des niveaux de collectivités locales, des évolutions constatées dans le partage du financement des compétences de l'Etat ainsi que des réalités du terrain .

Les suggestions de la mission concernent l'éducation, la formation professionnelle, l'équipement, l'action sociale et médico-sociale, la culture, la sécurité, les services d'incendie et de secours et, enfin, les interventions économiques.

D'autres domaines pourraient justifier un examen complémentaire, afin de mieux préciser la répartition des compétences. Tel pourrait en particulier être le cas de l'environnement , même si, dans ce domaine, la détermination de blocs de compétences très délimités peut être difficile à concevoir et pas nécessairement souhaitable. Pour autant, le financement de la gestion de l'eau, les limites territoriales de compétence pour la gestion des déchets et l'énergie, constitueront des enjeux importants pour l'action publique locale au cours des prochaines années.

Ces propositions -dont la mise en oeuvre exigera une réelle volonté politique- sont formulées sous les réserves précédemment soulignées. Toute nouvelle décentralisation de compétence suppose en particulier un accord préalable sur la réalisation de deux conditions déterminantes : une compensation juste et évolutive des charges transférées et une liberté réelle d'organisation pour les collectivités locales. L'expérimentation sur la base du volontariat, chaque fois que possible, présente l'avantage de garantir l'adhésion des collectivités intéressées et de préserver l'avenir.

A. L'ÉDUCATION : TRANSFÉRER LA RESPONSABILITÉ DES BÂTIMENTS UNIVERSITAIRES AUX RÉGIONS

La participation substantielle des collectivités territoriales -et en particulier des régions- au financement des universités , dans le cadre du plan " université 2000 ", axé sur l'investissement immobilier, puis du plan " U3M ", inscrit dans les contrats de Plan Etat-Région 2000-2006 et comportant un nouveau volet " vie étudiante ", pose de longue date la question du transfert aux régions de l'enseignement supérieur, compétence de l'Etat.

La mission a pris position en faveur d'un transfert aux régions de la construction et de l'entretien des bâtiments universitaires . La vocation de la région en matière de développement économique et d'aménagement du territoire, de même que ses compétences dans le domaine de la formation professionnelle, en particulier en faveur des jeunes, plaident pour ce transfert. L'Etat contribuerait à assumer la charge du personnel enseignant et des dépenses pédagogiques.

L'ampleur des dépenses nécessaires pour réhabiliter un patrimoine dégradé et adapter ses capacités d'accueil à l'explosion du nombre d'étudiants ne doit pas être éludée. Il est clair qu'un transfert aux régions devrait être subordonné à un état des lieux et faire l'objet d'une négociation préalable , sérieuse, sur les modalités de compensation par l'Etat des charges transférées, tenant compte de la richesse des régions et du nombre d'étudiants prévisible. Ce transfert ne serait pas exclusif d'une participation des départements volontaires et des villes au financement.

La mission d'information n'entend remettre en cause la compétence pédagogique de l'Etat ni dans l'enseignement supérieur, ni dans les enseignements primaire et secondaire, tout en préconisant le développement de l'expérimentation, nécessaire pour mieux adapter le système éducatif à l'évolution de besoins diversifiés.

*

* *

La mission s'est par ailleurs préoccupée des conditions de recrutement et de gestion des personnels intervenant dans la vie quotidienne des établissements du second degré.

Les personnels administratifs, techniques, ouvriers, de service et de santé (ATOS) ne sont pas un ensemble homogène. Ceux qui relèvent du cadre A (21 %) ont des fonctions de direction. Les ATOS du cadre B (8 %) s'occupent d'administration scolaire et universitaire. Le cadre C (71 %) est chargé de l'entretien général et de la vie pratique quotidienne des établissements scolaires. L'ensemble de ces personnels représentent 205 520 agents (dont un quart dans les établissements universitaires). Enfin, les ATOS se partagent entre un petit nombre affecté à l'administration centrale (4 042 personnes) et dans les services académiques (29 773 personnes). La plupart des ATOS sont donc déconcentrés, c'est-à-dire en l'occurrence affectés dans les établissements du second degré et du supérieur. Les emplois ATOS sont répartis, par l'administration centrale, entre les académies. En l'absence de création de poste, il y a redéploiement entre les académies, mais aujourd'hui il n'existe plus de marge pour redéployer.

Aussi bien les établissements que les collectivités locales déplorent que le nombre des personnels ATOS reste insuffisant.

Le rôle des ATOS relevant du cadre C pour le bon fonctionnement des établissements et l'importance de cette présence adulte au milieu des élèves sont reconnus par tous et tout le monde s'accorde pour demander la création de postes nouveaux. La Commission d'enquête sénatoriale sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements du second degré s'en est émue 340( * ) .

La gestion des personnels ATOS est rendue difficile aujourd'hui en raison du transfert de compétences aux collectivités locales en matière de constructions scolaires. En effet, après avoir consacré, comme on l'a vu, des sommes considérables à la restauration et à la construction d'établissements, les collectivités locales ne comprennent pas que maintenant l'Etat leur mesure chichement les moyens de l'entretien quotidien des bâtiments.

Ce problème est resté pendant, car toute évolution sur le statut ou le mode de recrutement des ATOS constitue un point très sensible dans les discussions avec les organisations syndicales. En effet, ces dernières considèrent que les ATOS contribuant à la bonne exécution du service public de l'éducation doivent conserver leur statut actuel et ne dépendre que de l'Etat en tant que fonctionnaires associés au projet éducatif global dont l'Etat a la maîtrise.

Une première solution consisterait à rationaliser la gestion de ces personnels au niveau académique en favorisant la mutualisation des moyens entre plusieurs établissements.

Une partie des tâches des ATOS pourrait également être confiée à des sous-traitants : cela est plus particulièrement vrai pour le nettoyage et la restauration. Le ministère de l'Education nationale étudie actuellement le développement des formules d'externalisation.

Interrogé par la Commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements du second degré, le précédent ministre de l'éducation nationale avait indiqué à la commission que le ministère étudiait des formules de contractualisation avec les collectivités territoriales afin qu'elles puissent participer au recrutement de personnels ATOS supplémentaires.

Pour répondre aux besoins des établissements et aux préoccupations des élus locaux, au nom de la proximité et de l'efficacité, le transfert aux collectivités locales du recrutement et de la gestion des personnels intervenant dans la vie quotidienne des établissements du second degré devrait être envisagé . Un tel transfert de compétences devrait s'accompagner d'une compensation financière correspondante. Les collectivités seraient libres d'opter pour le type de gestion qui leur semblerait, au vu des circonstances locales, le mieux adapté.

Pour les responsables locaux, cette réforme ne serait pas entièrement une nouveauté puisqu'ils ont déjà en charge cette compétence pour le primaire et qu'ils complètent déjà les défaillances de l'Etat dans le secondaire et le supérieur.

Une telle réforme devrait s'engager dans la plus large concertation avec les personnels concernés.

B. LA FORMATION PROFESSIONNELLE : RENFORCER LA COMPÉTENCE DES RÉGIONS

La formation professionnelle est un domaine dans lequel la compétence transférée aux régions, loin de devenir une compétence de droit commun de plein exercice, est devenue une compétence partagée où l'Etat continue de jouer un rôle prédominant tout en conservant la maîtrise des contours de sa sphère de compétence.

Par le biais de l'Association pour la formation permanente des adultes (AFPA) ou du fonds national pour l'emploi (FNE), l'Etat conserve de grandes possibilités d'intervention tout en ayant par ailleurs transféré aux régions une large fraction des dépenses ordinaires ce qui lui a permis de réduire le niveau de ses charges ordinaires.

Alors que les régions ont une connaissance du tissu socio-économique local, il apparaît peu efficace de les cantonner à une responsabilité résiduelle, même si l'Etat doit conserver globalement la maîtrise des orientations prioritaires qui couvrent les secteurs les plus décisifs de la politique économique et sociale.

Votre mission d'information a estimé que la conjoncture économique favorable permettait de franchir une nouvelle étape en faveur de la décentralisation de la formation professionnelle afin d'assurer une adéquation des performances de l'appareil de formation professionnelle aux débouchés offerts par les bassins d'emplois locaux.

L'Etat ne devrait conserver en dernier ressort de compétences que sur les seules actions de formation professionnelle qui relèvent de la solidarité nationale et qui ne peuvent à ce titre être rattachées à aucune région déterminée : il s'agit des actions en faveur des détenus, des étrangers ayant le statut de réfugiés, des jeunes relevant des institutions d'éducation surveillée et des personnes handicapées dont le financement doit impliquer l'ensemble de la collectivité nationale.

En revanche, deux domaines pour l'avenir devaient connaître une décentralisation plus achevée :

- le premier porte sur les actions de formation continue qui ne relèvent pas aujourd'hui du fonds régional de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Il s'agit notamment des actions de formation de droit commun de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ;

- le second concerne les programmes prioritaires, en faveur notamment des chômeurs de longue durée, relevant des orientations prioritaires définies annuellement par le comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale. Là encore les régions peuvent jouer un rôle plus décisif en articulation avec les compétences dévolues au département en matière d'insertion.

La décentralisation doit passer prioritairement par une réorganisation territoriale de l'AFPA en agences régionales placées sous la responsabilité des régions.

L'objectif doit être, dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux , de permettre aux régions de détenir une marge d'impulsion élargie tant en ce qui concerne l'homologation des enseignements que l'adaptation de leurs contenus aux réalités locales.

Qu'il s'agisse de l'apprentissage ou de la formation continue des adultes, la décentralisation passe par une influence reconnue des régions dans l'organisation des filières et par la possibilité d'adaptation de la réglementation nationale.

Le transfert des centres locaux de l'AFPA à la région, dans un cadre conventionnel respectueux des contraintes et des besoins des acteurs socio-économiques, permettra de mieux insérer ces organismes dans la vie économique régionale.

C. L'ÉQUIPEMENT : CONFIER AU DÉPARTEMENT L'ENTRETIEN DES ROUTES NATIONALES

Il convient de rappeler que la loi du 2 mars 1982 confie au président du conseil général la gestion du domaine public routier départemental.

La définition de ce dernier remonte historiquement à un décret impérial du 16 décembre 1811 qui opérait un classement des routes en distinguant les " routes impériales " des routes départementales. Il prévoyait les mesures nécessaires à leur création et à leur entretien.

Un décret-loi du 14 juin 1938 a par la suite précisé que les " routes départementales, les chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun sont fondus en une seule catégorie de voies dénommées  chemins publics départementaux  ". Cette appellation sera modifiée par le code de voirie routière qui reviendra à l'appellation de routes départementales.

De fait, la distinction entre routes départementales et routes nationales n'a rien d'intangible. Parce que le réseau des routes nationales qui atteignait près de 82.000 km en 1970 entraînait par sa taille une trop forte dispersion des moyens financiers, la loi n° 71-1061 du 29 décembre 1971 a transféré près de 53.000 km de routes nationales dans la voirie départementale.

La mission d'information a estimé que près de trente ans après l'opération de 1971, une nouvelle opération de transfert devrait intervenir afin de permettre aux départements, avec le soutien des régions, de procéder aux travaux d'entretien dont le besoin se fait sentir.

Le transfert devrait porter sur une partie importante du réseau routier national non concédé, l'Etat devant demeurer compétent en matière d'investissements sur le réseau autoroutier non concédé.

Comme le rappelle notre collègue M. Gérard Miquel dans son rapport spécial annuel 341( * ) , des études techniques sur le réseau national non concédé montrent que, s'agissant des chaussées, 11 % des voies nécessitent des interventions lourdes. Concernant les ouvrages d'art, 10 % d'entre eux doivent faire l'objet d'un simple entretien courant et 66 % nécessitent un entretien spécialisé. Dans 5 % des cas, la structure est atteinte de manière grave ce qui nécessitera des travaux de réhabilitation réparation.

De fait, comme le rappelle le rapporteur spécial, le problème de l'entretien du réseau routier national est devenu crucial . Les crédits d'entretien sont en baisse alors même que " la faiblesse de ces dotations conduit immanquablement à une dégradation du patrimoine routier ".

Enfin, il est indéniable que les collectivités locales, notamment les régions, sont déjà fortement sollicitées par la voie de fonds de concours sur le réseau routier national.

Les collectivités locales sont ainsi fréquemment " invitées " à participer au financement de travaux de renforcement ou d'élargissement à deux fois deux voies sur le réseau routier national qui répondent à une demande forte de la part des usagers. En 2000, les dépenses du budget de l'Etat afférentes au réseau national non concédé représentaient 6,3 milliards de francs (dont 3,4 milliards de francs au titre de l'entretien) alors que les fonds de concours devaient contribuer à hauteur de 4 milliards de francs au financement.

Dans le bilan complet 342( * ) qui est dressé par le rapport " Delafosse ", il apparaît qu'en 1993 les fonds de concours impliquant les collectivités locales avaient servi à 78 % à financer les travaux sur les routes nationales, soit 5,7 milliards de francs au total versés par les régions pour près de 70 % et par les départements pour 25 %.

Un nouveau transfert doit être opéré en matière d'entretien des routes nationales assorti des moyens nécessaires pour permettre aux départements d'accomplir cette mission.

D. L'ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE : DÉMÊLER L'ÉCHEVEAU DES COMPÉTENCES PARTAGÉES ENTRE L'ETAT ET LE DÉPARTEMENT

1. Clarifier la répartition des compétences

La mission d'information propose tout d'abord de rétablir une unité d'action en matière de politique de santé en transférant à l'Etat les actions départementales de prévention sanitaire

Une telle mesure de recentralisation apportée sera en réalité une opération de clarification et de simplification car la prévention sanitaire constitue un élément essentiel de la politique de santé qui ne saurait relever d'approches cloisonnées en fonction de compétences.

Il est donc proposé de transférer à l'Etat les compétences confiées au département dans les domaines :

- des actions de lutte contre la lèpre ;

- du dépistage précoce des affections cancéreuses et de la surveillance après traitement des anciens malades ;

- de la prophylaxie de la tuberculose et des maladies vénériennes (lutte contre les " fléaux sociaux ").

La mission d'information suggère ensuite de simplifier les règles de prise en charge des personnes handicapées

Afin de simplifier et de clarifier le dispositif, il est proposé une répartition des compétences non plus par catégorie d'établissement mais par fonction correspondant à un besoin.

Le département deviendrait la collectivité " chef de file " pour l'exercice de la fonction " vie quotidienne et accompagnement social " recouvrant l'hébergement, les loisirs et l'aide à l'autonomie, que la personne handicapée soit à domicile ou en établissement.

L'Etat assurerait la fonction " emploi, travail ou activité " suivant la nature du handicap ; la fonction " soins " incomberait aux organismes de protection sociale.

Pour chacun des établissements, une clé de répartition juste et équitable entre les financeurs devra être déterminée en fonction d'une appréciation exacte de la réalité de la nature des dépenses.

2. Revenir à l'esprit des " blocs de compétence " pour gérer les nouveaux domaines de l'action sociale

La mission d'information propose de revenir à l'esprit de la décentralisation en mettant fin aux formules de cofinancement obligatoire des fonds d'aide aux jeunes (FAJ) et des fonds de solidarité pour le logement (FSL)

Les FAJ et les FSL ne peuvent être supprimés car ils représentent des formules utiles d'aide aux personnes en difficulté pour l'aide à l'accès ou au maintien dans un logement ou pour l'entrée des jeunes en difficulté dans la vie active.

En revanche, il faut revenir à l'esprit des lois de décentralisation : les missions actuellement dévolues aux FAJ et aux FSL doivent être confiées aux départements.

En contrepartie l'effort financier de l'Etat doit être maintenu :

- soit sous la forme du transfert d'une recette fiscale dont les départements fixeraient les taux ;

- soit sous la forme d'une " dotation de mission décentralisée " qui pourrait comprendre une partie fixe indexée sur le niveau des dotations actuellement déléguées par l'Etat au titre des FAJ et des FSL et une partie variable, jouant une fonction de péréquation, en tenant compte de critères tels que le nombre de jeunes en difficulté, le nombre de logements sociaux ou de places en structure d'hébergement d'urgence.

Les conseils généraux pourront ajuster au mieux les critères d'attribution des aides des FSL et des FAJ pour tenir compte des situations locales dans le respect du cadre légal.

Enfin, la mission d'information préconise d'engager une consultation en vue de clarifier les responsabilités dans le dispositif départemental d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMI afin d'en améliorer l'efficacité

Le nombre de bénéficiaires du RMI s'est beaucoup accru depuis 1988 ; depuis un an la reprise de la croissance n'entraîne pas de baisse significative des titulaires du RMI.

Le système actuel manque de clarté et de visibilité ; l'objectif doit être de mettre fin à la " cogestion ", c'est-à-dire à la présidence conjointe du conseil départemental de l'insertion (CDI) et à l'élaboration conjointe du programme départemental d'insertion (PDI).

En partant de l'existant, il convient de préciser quelles sont les missions assumées par chacun en analysant les compétences et les responsabilités réellement exercées.

Une fois les responsabilités clarifiées, le plan départemental d'insertion sera fondé sur une démarche partenariale ; il s'agira d'une convention précisant les engagements de chaque partenaire dans un cahier des charges.

La présence des collectivités locales devrait être réaffirmée au niveau des bureaux des commissions locales d'insertion (CLI) dont les fonctions devraient être plus importantes en matière de contrôle d'exécution et de validation des contrats.

Le rôle des départements dans la gestion du RMI devrait être conçu en cohérence avec la clarification de leurs responsabilités dans la gestion des FSL et des FAJ.

E. LA CULTURE : MIEUX ORDONNER UN PAYSAGE CONFUS

Comme on l'a vu dans la première partie de ce rapport, la culture est un domaine qui a fait l'objet de transferts de compétence limités , circonscrits aux bibliothèques et aux archives . Pour le reste, l'enchevêtrement des compétences partagées entre l'Etat et les collectivités locales, agencé par une multitude de contrats, a engendré une complexité flagrante. Les financements croisés sont la règle. Au moyen de contributions financières modérées, l'Etat continue de piloter nombre de projets culturels locaux.

Les tentatives pour clarifier les compétences entre l'Etat et les collectivités locales n'ont jamais abouti et le ministère de la culture a préféré la déconcentration à la décentralisation.

Cette situation n'a pas découragé le dynamisme des collectivités locales, lesquelles éprouvent trop souvent cependant le sentiment de dépenser beaucoup en restant fortement influencées par les orientations du ministère dans leurs initiatives.

La mission propose deux mesures de clarification .

La première concerne la protection du patrimoine , prérogative régalienne de l'Etat pour des raisons historiques liées au droit de propriété sur les monuments classés, mais cogérée avec les collectivités locales en matière d'usage et de transformation du patrimoine. Ainsi, l'entretien du patrimoine représente le second poste de dépense des départements. L'inventaire des richesses archéologiques, architecturales et patrimoniales, compétence de l'Etat, est majoritairement financé par les départements, dans le cadre de leur politique en matière de tourisme.

La mission propose de transférer l'inventaire aux départements , avec les personnels compétents, ce qui permettrait une meilleure lisibilité et une plus grande proximité entre le décideur et l'expression des besoins.

Les communes peuvent être associées à l'inventaire du patrimoine architectural du XXè siècle à conserver, ainsi qu'à la protection et à la promotion des éléments non classés du patrimoine immobilier.

La seconde proposition de la mission concerne l'enseignement artistique . La répartition actuelle des compétences manque de clarté. L'enseignement artistique est dispensé dans les établissements d'enseignement général, écoles, collèges et lycées. Les collectivités locales peuvent en outre créer chacune à leur niveau des écoles publiques d'art à vocation spécifique : musique, danse, arts plastiques. Le fonctionnement des écoles est placé sous le contrôle de l'Etat, qui pourtant ne contribue qu'à hauteur de 10 % au financement de l'enseignement artistique organisé par les collectivités locales.

La mission propose de décentraliser les écoles, selon leur niveau, en les plaçant sous l'entière responsabilité des collectivités locales -majoritairement des communes- qui sont à l'origine de leur création, dans le cadre d'un schéma départemental d'enseignement artistique. Les régions seraient chef de file pour l'enseignement de haut niveau à vocation professionnelle.

Un financement approprié devrait accompagner ce transfert de responsabilités, associant l'Etat, le département et peut-être la région, pour contribuer à aider les communes les moins riches à faire face aux besoins.

Les collectivités disposeraient d'une plus grande latitude pour recruter les personnels chargés de l'enseignement artistique, en particulier des professeurs de musique titulaires de diplômes délivrés par les conservatoires.

F. LA SÉCURITÉ : OUVRIR DROIT À L'EXPÉRIMENTATION POUR PLACER UNE POLICE TERRITORIALE DE PROXIMITÉ SOUS L'AUTORITÉ DES MAIRES

1. Une exigence : relever le défi de la délinquance de proximité

La sécurité constitue, après le chômage, la deuxième préoccupation de nos concitoyens.

Or, le bilan établi par votre mission d'information a souligné une évolution inquiétante des phénomènes d'insécurité.

D'une part, la délinquance connaît globalement une forte progression , la délinquance dite de voie publique occupant une place prédominante dans ce bilan (54,9%).

D'autre part, l'insécurité de proximité s'aggrave, avec notamment l'apparition de formes nouvelles de délinquance , telles que les violences urbaines et ce qu'il est convenu d'appeler les " incivilités ".

Par ailleurs, la progression de la délinquance des mineurs constitue un phénomène très préoccupant.

Face au défi que constitue l'insécurité, l'Etat doit à l'évidence jouer un rôle majeur. C'est à lui qu'il revient en priorité de garantir le respect du droit à la sûreté qui, selon l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sont au même titre que la liberté, la propriété et la résistance à l'oppression, des droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

Pour autant, le maire s'est vu reconnaître un pouvoir de police générale. En outre, le développement des polices municipales a mis en évidence que, face aux carences de l'Etat, les communes ont été de plus en plus appelées à intervenir dans ce domaine, au point que la sécurité peut apparaître d'ores et déjà comme une compétence très largement partagée entre l'Etat et les communes.

Tel est le sentiment exprimé par une forte majorité des élus d'Aquitaine (62% de réponses dans ce sens), lors des Etats généraux organisés à Bordeaux, le 17 mars dernier. Ce sentiment est encore plus affirmé dans les communes de plus de 10 000 habitants (83% des réponses).

2. Mieux associer les élus locaux aux politiques de sécurité

L'Etat a lui-même incité les collectivités locales à s'associer à son action dans des partenariats, tels que les contrats locaux de sécurité. Cette démarche témoigne du besoin accru d'une territorialisation des politiques de sécurité.

Le bilan établi par votre mission d'information a néanmoins relevé les limites actuelles de la politique de la police de proximité menée par l'Etat. Cette politique a fait l'objet d'une mise en route laborieuse et reste marquée par beaucoup d'incertitudes.

Son succès sera donc subordonné à la correction des différents défauts qui ont pu être constatés : faiblesse des diagnostics préalables, mise en cohérence des différents dispositifs, mise à niveau des effectifs, formation des personnels.

En outre, comme l'a suggéré le président Christian Poncelet, à l'occasion des Etats généraux des élus locaux, qui se sont tenus à Bordeaux, sans remettre en cause l'essence régalienne des politiques de sécurité, celles-ci doivent entrer dans le " nouvel âge " de la compétence partagée avec ceux qui incarnent le pouvoir de proximité, se trouvent confrontés au désarroi et aux attentes de leurs concitoyens et dont le bilan est en partie jugé sur l'état de la sécurité dans leur commune.

Certes, les polices municipales, par le rôle préventif et dissuasif qu'elles assument, contribuent à associer les maires à la mise en oeuvre des politiques de sécurité dans le cadre désormais prévu par la loi du 15 avril 1999. Cette association pourrait néanmoins prendre une forme plus ambitieuse.

A cette fin, les communes pourraient se voir reconnaître un droit à l'expérimentation pour la création d'une police territoriale de proximité placée sous l'autorité du maire et soumise au contrôle de l'Etat et des procureurs de la République.

Cette police territoriale pourrait résulter de la fusion des polices municipales existantes et des unités territoriales de la police nationale.

Ses missions devraient concerner la sécurité publique de proximité . Elle devrait à cette fin traiter en priorité la petite délinquance et veiller à un meilleur accueil des victimes.

Les services relevant de l'Etat pourraient, pour leur part, davantage se consacrer à la criminalité organisée et à la grande délinquance sur un ressort territorial élargi.

Dans les communes ayant fait ce choix, le maire disposerait d'une plénitude de compétences pour gérer les problèmes de sécurité qui touchent directement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Il jouerait un rôle majeur, en liaison avec la gendarmerie et la police nationale, pour faire en sorte que certaines parties du territoire ne soient pas des " zones de non droit " où les lois de la République ne s'appliqueraient pas.

Enfin, votre rapporteur relève que l'évolution des politiques de sécurité dans les prochaines années posera la question de la mise en commun des moyens des communes sur un périmètre plus large que le territoire communal. Le rôle de la coopération intercommunale dans ce domaine ne devra donc pas être occulté, même si sa traduction concrète peut s'avérer plus délicate, le pouvoir de police étant un pouvoir propre du maire.

G. LES SERVICES DÉPARTEMENTAUX D'INCENDIE ET DE SECOURS : RENFORCER LE RÔLE DU DÉPARTEMENT

1. Le bilan de la départementalisation

La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 a prévu la départementalisation des services d'incendie et de secours, dans un délai de cinq ans, afin de favoriser une distribution des secours égale sur l'ensemble du territoire et de rationaliser l'action de structures locales très hétérogènes. Ces services ont été installés, suivant les départements, entre le printemps 1997 et le printemps 1998.

Le service départemental d'incendie et de secours est un établissement public commun au département, aux communes et aux structures intercommunales . Son conseil d'administration est composé de représentants de ces collectivités et établissements, le préfet y siégeant de plein droit 343( * ) .

Les transferts des personnels et des biens affectés au service d'incendie et de secours doivent s'opérer dans un délai de cinq ans suivant la promulgation de la loi du 3 mai 1996. Au 31 décembre 1999, les transferts réalisés concernaient 60 % des effectifs de sapeurs-pompiers professionnels, 40 % des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires et l'ensemble des matériels roulants, tandis que 67 schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) étaient arrêtés par le préfet.

La réforme de 1996 a entraîné une harmonisation à l'intérieur du département. Outre la création d'un corps départemental de sapeurs-pompiers (professionnels et volontaires), le régime du travail a été revu à la baisse, le régime indemnitaire à la hausse 344( * ) , la faculté pour les collectivités locales de rémunérer les vacations des sapeurs-pompiers volontaires étant devenue obligation. Malgré les efforts considérables des collectivités locales en direction des personnels et pour améliorer la qualité du service d'incendie et de secours, le mécontentement des sapeurs-pompiers s'est traduit par plusieurs mouvements de grève.

La réforme a aussi conduit à une importante mise à niveau des infrastructures et des équipements, afin d'uniformiser la couverture des risques dans le département. A terme, la mutualisation des ressources et des moyens devrait permettre des économies d'échelle... à condition de réussir dans des conditions équitables la mutualisation des charges .

Comme le relevait notre collègue M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis 345( * ) du budget de la sécurité civile, " plusieurs présidents de SDIS estiment qu'il leur sera difficile de mettre en oeuvre avant le 3 mai 2001, date prévue par la loi du 3 mai 1996, l'ensemble des dispositions prévues pour la départementalisation des services d'incendie et de secours, en raison des enjeux financiers de la réforme ".

2. Le financement très contesté des SDIS

Le services départementaux d'incendie et de secours sont financés par les communes et établissements publics de coopération intercommunale membres ainsi que par le département. Les contributions de ces collectivités au budget du SDIS constituent des dépenses obligatoires dont la répartition est fixée par le conseil d'administration selon des paramètres fixés par la loi. Une très grande diversité caractérise ainsi les clés de répartition des cotisations de chacune des collectivités membres du SDIS. La mise à niveau des équipements, source de dépenses supplémentaires considérables pour un grand nombre de collectivités, a exacerbé les tensions liées à la répartition des charges et à la péréquation entre les communes.

En pratique, en fonction des " clés de répartition " propres à chaque SDIS, la part des départements dans le financement peut varier de 10 % à 99,99 %, laissant donc apparaître des clivages sensibles entre collectivités.

De plus, les élus locaux s'interrogent légitimement sur le financement d'un service dont le pouvoir décisionnel relève, pour une grande part, de l'État , tandis que le coût en est largement supporté par les collectivités locales. Ainsi, l'Etat fixe le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers, tandis que la direction opérationnelle des secours est partagée entre le préfet et le maire, selon leurs pouvoirs de police respectifs.

Or, l'Etat tend à se désengager, comme en témoigne la diminution des crédits de subvention pour les dépenses de services d'incendie et de secours de la sécurité civile.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur 346( * ) au nom de la commission des Lois d'une proposition de loi de notre collègue Jean Faure tendant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir, soulignait ainsi " la nécessité de redéfinir de manière plus claire et plus stable les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales en matière de secours ".

3. Pour un renforcement du rôle du département

La commission de suivi et d'évaluation de la loi du 3 mai 1996, présidée par M. Jacques Fleury, député et parlementaire en mission, dont le rapport vient d'être remis au ministre de l'Intérieur, propose trois pistes pour la réforme du financement des services d'incendie et de secours :

- un renforcement de l'implication financière de l'Etat (aides exceptionnelles en cas de catastrophes de grande ampleur ; aide aux collectivités les moins riches ou les plus exposées...) ;

- une contribution des sociétés d'assurance et d'autoroute et des agences régionales d'hospitalisation aux dépenses de sécurité civile ;

- une révision des règles de répartition des contributions entre le département, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de nature à contenir les charges des communes et un aménagement en conséquence de la représentation de ces collectivités et établissements au sein des conseils d'administration des SDIS.

De son côté, l'Assemblée des Départements de France (ADF) et l'Association des présidents de SDIS (APSIS) demandent qu'une réflexion de fond soit engagée sur le devenir de la compétence incendie et secours, en raison de la dualité des pouvoirs et des responsabilités entre les présidents de SDIS et les préfets, et que soit mis à l'étude le recours à la fiscalisation directe par le SDIS.

Pour sa part, votre mission souhaite que le rôle du département dans le fonctionnement des SDIS soit renforcé.

Pour autant, un aménagement de la répartition des responsabilités entre collectivités ne doit pas occulter l'impératif d'une plus grande implication financière de l'Etat, dont le rôle ne doit pas se limiter à la prise de décisions que les collectivités doivent ensuite supporter .

H. LES INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES DES COLLECTIVITÉS LOCALES : ADAPTER LE DROIT AUX RÉALITÉS LOCALES

Les interventions économiques des collectivités locales peuvent être utiles et efficaces, à la condition d'être engagées et conduites dans un contexte juridique encadrant convenablement leur liberté de manoeuvre.

Comme le soulignait notre collègue Daniel Hoeffel, rapporteur du groupe de travail de la commission des lois sur la décentralisation 347( * ) , les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer pour maintenir un certain niveau d'équité sociale et territoriale . Elles peuvent contribuer à créer un cadre cohérent pour les entreprises et promouvoir des projets collectifs. A travers des démarches partenariales, les élus locaux, qui connaissent le tissu économique, sont bien placés pour identifier les besoins et imaginer des solutions pour l'emploi local.

Or, comme on l'a vu, l'efficacité des interventions économiques des collectivités locales est mise en question par la complexité du cadre juridique national, en décalage avec la réalité, à laquelle s'ajoutent les incertitudes résultant de son défaut d'harmonisation avec le droit communautaire d'inspiration plus libérale. Ainsi, la distinction entre les aides directes et les aides indirectes -que la loi n'a pas définie précisément- s'avère d'autant moins pertinente que le Traité de Rome ne la prend pas en compte. Les dispositions communautaires applicables résultent d'actes de la Commission européenne dont la valeur juridique demeure incertaine. Les collectivités locales ne sont pas suffisamment averties des obligations de notification à la Commission européenne auxquelles elles doivent se soumettre.

M. Emile Zuccarelli, précédent ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, avait élaboré un projet de loi, destiné à simplifier la législation nationale et à l'adapter au cadre communautaire, qui n'a pas été présenté au Parlement.

LE " PROJET ZUCCARELLI "

Le " projet Zuccarelli " se proposait de supprimer la distinction entre aides directes et aides indirectes et de lui substituer un régime unique de subventions dont les collectivités locales détermineraient elles-mêmes les critères d'attribution dans la limite de taux plafonds fixés par référence aux plafonds admis par la Commission européenne. Le projet supprimait donc la prime régionale à l'emploi, la prime régionale à la création d'entreprise, les bonifications d'intérêts, les prêts et avances à des conditions plus favorables que le taux du marché, de même que toutes les aides à l'immobilier d'entreprise ainsi que la possibilité de financer ou d'accorder sans limitation de montant des aides en nature aux entreprises.

En outre, le projet plafonnait le montant total annuel des dépenses des collectivités locales et des groupements en faveur des entreprises à un pourcentage de leurs recettes de fonctionnement.

Les nouveaux moyens d'intervention prévus par le projet de loi

A la place des aides qu'il supprimait, le projet dotait les collectivités locales de moyens d'interventions nouveaux qui devaient leur permettre de soutenir la création et le développement d'entreprises par des subventions aux investissements et en facilitant leur accès au crédit et au renforcement de leurs fonds propres.

Les subventions

Les subventions auraient pu être distribuées par les communes, les départements, les régions et les groupements intercommunaux au profit d'investissements matériels ou immatériels ; mais elles n'auraient concerné que les entreprises de moins de 250 salariés.

Le montant des subventions aurait été plafonné à 600 000 francs, dans la limite de 50 % de l'investissement réalisé.

L'accès au crédit

Le projet prévoyait de permettre aux collectivités locales et à leurs groupements de doter des fonds de garantie auprès de société de garantie sans forcément être actionnaires de ces établissements.

Le renforcement des fonds propres

Deux modalités d'intervention nouvelles auraient été offertes aux collectivités locales :

1° - Possibilité de doter des fonds d'investissement auprès de sociétés de capital-investissement ;

2° - Possibilité de prendre en charge les commissions dues par les bénéficiaires de garanties d'apport en fonds propres.

Dans l'attente d'une réforme, une circulaire récente du Premier ministre, en date du 8 février 1999, relative à l'application au plan local des règles relatives aux aides publiques, a tenté de mettre au clair ce qui est autorisé et ce qui est interdit par combinaison du droit national et du droit européen. Ce texte, certainement utile pour guider les élus locaux dans leurs initiatives, ne suffit pas cependant à clarifier une situation confuse.

Votre mission considère qu'une meilleure coordination avec le droit communautaire est un objectif prioritaire, afin de faire bénéficier les territoires des fonds structurels européens dans les meilleures conditions. Il faut en particulier abandonner la distinction entre aides directes et indirectes et redéfinir les interventions en fonction des plafonds communautaires, en prenant en compte des éléments objectifs tels que le coût des opérations subventionnées ou la taille de l'entreprise.

Il paraît souhaitable de rechercher une plus grande complémentarité entre les différentes collectivités, en organisant des partenariats, à partir de l'approche globale d'un projet économique.

Afin de garantir les collectivités locales contre les risques financiers encourus, les ratios prudentiels existants devraient être préservés, ce qui n'exclut pas de recourir à de nouveaux critères. Ainsi, la participation d'une collectivité au financement d'un projet pourrait être plafonnée en fonction de la charge relative qui en résulterait pour son budget.

Le réalisme et la prudence qui devraient guider toute réforme des interventions économiques des collectivités locales n'interdisent pas l'innovation et l'audace.

C'est ainsi que le Sénat a adopté le 10 février 2000 une proposition de loi (n° 254, 1998-1999) tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires , issue des travaux du groupe de travail " Nouvelles entreprises et territoires ", constitué au sein de la commission des affaires économiques, et animé par nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Francis Grignon. Parmi un ensemble de mesures destinées à promouvoir la création d'entreprises, ce texte ouvre des perspectives novatrices à l'action publique locale . Votre mission tient à souligner tout l'intérêt de ce dispositif, qui permettrait aux collectivités locales de contribuer à la naissance et au développement des entreprises innovantes.

LA PROPOSITION DU SÉNAT EN FAVEUR DE LA CRÉATION
ET DU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES

Le Sénat, souhaitant améliorer l'environnement de la création d'entreprises dans une logique de développement local mieux réparti, plus durable et plus harmonieux, a adopté la proposition de loi, présentée par MM. Raffarin, Grignon et plusieurs de leur collègues, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires. Le Sénat entend ainsi veiller au développement territorial, faciliter les financements de proximité, simplifier le statut juridique et social de l'entrepreneur et, d'une manière générale, favoriser l'essor des petites et moyennes entreprises.

Quatre articles de la proposition de loi sénatoriale concernent plus spécifiquement les collectivités territoriales. Les modifications qu'ils contiennent avaient déjà été introduites par le Sénat lors de la discussion de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, mais le Gouvernement s'y était opposé, au motif de la discussion à venir d'un projet de loi réformant le régime des interventions économiques des collectivités locales (projet Zuccarelli).

L'article 3 de la proposition de loi a trait à la participation des collectivités territoriales à la création " d'incubateurs territoriaux ". A la différence d'une pépinière d'entreprises, un incubateur accueille les porteurs de projets avant même la création de leur entreprise, et les accompagne tout au long de celle-ci. Si le Gouvernement envisage de faciliter la création de structures de ce type au sein des universités et des organismes de recherche, aucune disposition ne le permet à l'heure actuelle pour les collectivités territoriales.

La proposition de loi vise donc à combler un vide juridique, en donnant la possibilité aux collectivités territoriales et à leurs groupements de mettre à la disposition des porteurs de projets " des locaux, du matériel, des moyens, y compris humains " - voire des équipements - afin qu'ils puissent notamment réaliser un plan de financement de leur projet de création d'entreprise. Une convention est conclue entre le bénéficiaire et la collectivité : elle fixe d'ailleurs, le cas échéant, le montant d'une bourse dont le bénéficiaire peut bénéficier pendant deux ans au plus, sous certaines conditions, afin " d'atténuer (...) les conséquences financières sur sa situation individuelle de son projet de création d'entreprise ".

Cette bourse serait réservée, sous conditions de ressources, aux jeunes créateurs d'entreprises de moins de 25 ans.

Plusieurs partenaires (collectivités, établissements publics, SEML, etc.) peuvent décider d'effectuer en commun cette mise à disposition : ils signent alors une convention entre les différents partenaires, déterminant notamment le mode de sélection des porteurs de projets.

L'article 3 permet également aux collectivités locales de participer la constitution ou à l'abondement de " fonds d'amorçages territoriaux ". Ces fonds d'investissement, appelés à intervenir avant même le recours au capital-risque, pourraient ainsi agir à l'échelon local. La participation financière des collectivités territoriales pourrait y être indirecte, en finançant les frais d'instruction des petits dossiers : sinon, toute participation directe sera soumise à un plafond (défini ultérieurement par décret en Conseil d'Etat), étant établi que de toute façon " la part des concours financiers publics au fonds d'amorçage ne peut excéder la moitié du total des concours ".

L'article 4 institue un label de " pôle d'incubation territorial ", décerné dans le cadre du contrat de plan Etat-région, et qui pourrait permettre à ce pôle d'accéder à des aides et à des avantages fiscaux spécifiques.

Il instaure par ailleurs, à l'appréciation des collectivités locales, une possibilité d'exonération totale ou partielle de la taxe professionnelle pour les entreprises qui ont été créées grâce à l'action d'un pôle d'incubation territorial, pour une durée maximale de trois ans.

L'article 6 encadre le soutien financier des collectivités territoriales aux organismes qui distribuent des avances remboursables , soutien qui pour l'heure relève d'une pratique sans fondement légal.

Deux plafonds sont ainsi prévus, aucune collectivité ne pouvant apporter à elle seule plus de 30 % des fonds distribués par un tel organisme, et l'ensemble des concours publics reçus par celui-ci ne pouvant en excéder 60 % (70 % dans certaines zones définies par la loi " Pasqua " du 4 février 1995).

Enfin, l'article 8 a directement trait aux avances remboursables dont peuvent bénéficier, sous certaines conditions, les créateurs d'entreprises : c'est-à-dire des prêts, sans intérêt, financés par l'Etat, remboursables sous cinq ans.

Il prévoit que les collectivités territoriales peuvent contribuer à la mise en oeuvre et au financement de ces avances, par le biais d'une convention passée avec l'Etat.

CHAPITRE III

POUR UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

La prise en compte de la spécificité des collectivités territoriales, la responsabilité accrue des élus dans le choix de leurs collaborateurs, la simplification des structures et la réduction des charges financières ont toujours constitué les priorités du Sénat en matière de fonction publique territoriale.

Ces priorités demeurent d'actualité, l'assouplissement des contraintes statutaires devant permettre de mieux affirmer la spécificité des collectivités locales (II).

Mais ces dernières devront en outre relever le défi de la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale (I).

I. RELEVER LE DÉFI DES 35 HEURES

A. DE TROP NOMBREUSES INCERTITUDES

1. L'absence de norme

Une enquête de l'Association des Maires de France sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale met en évidence que l'absence de référence législative sur la durée du travail dans la fonction publique territoriale est ressentie par les maires.

En effet, à l'heure actuelle, aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe la durée hebdomadaire de travail des agents des collectivités territoriales. La jurisprudence administrative 348( * ) considère qu'il appartient à l'organe délibérant de régler l'organisation des services de la collectivité, et notamment de fixer la durée hebdomadaire du travail du personnel territorial.

Toutefois, le décret n° 94-725 du 24 août 1994 relatif à la durée hebdomadaire du travail dans la fonction publique de l'Etat, qui fixe cette durée à 39 heures, peut servir de référence aux collectivités territoriales. La parité entre les fonctions publiques en matière de rémunération conduit à la parité en matière de temps de travail.

Le législateur a déjà eu l'occasion de se prononcer en faveur de l'annualisation du temps de travail , dans la seule fonction publique territoriale. L'expérimentation de l'annualisation du temps de travail 349( * ) des agents à temps partiel et des agents à temps non complet 350( * ) est prévue par la " loi Hoeffel " du 27 décembre 1994. Toutefois, en raison de l'absence de décret d'application cette dernière disposition est restée lettre morte... laissant les élus locaux et les agents, notamment les agents techniques spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), dans l'incertitude juridique.

La loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail a ouvert la voie à une réduction du temps de travail dans la fonction publique, en des termes peu précis 351( * ) .

2. Le constat établi par le " rapport Roché "

Le rapport remis le 10 février 1999 par M. Jacques Roché , conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques, aboutit aux conclusions suivantes :

- l'environnement réglementaire actuel est inadapté ; son cadre rigide n'a pas empêché une extrême diversification des situations qui se sont développées par accumulation de mesures ponctuelles, sans réflexion globale ;

- la durée hebdomadaire de travail n'est plus qu'une référence théorique tant les instruments de modulation à la disposition des agents sont nombreux (congés supplémentaires, autorisations d'absence, horaires variables...) ;

- pour opérer des comparaisons incontestables et pertinentes, seul le décompte annuel des heures travaillées permet de prendre en compte toutes les variations et modulations qui affectent le temps de travail ;

Ainsi, dans la fonction publique territoriale, 25 % des collectivités affichent une durée hebdomadaire de travail inférieure ou égale à 35 heures tandis que 41 % se situeraient entre 36 et 38 heures hebdomadaires ;

- faute d'un instrument de mesure uniforme, les différences constatées dans les durées de travail ne sont pas lisibles. Des inégalités de traitement des personnels se sont développées sans que des motifs objectifs les justifient ou continuent de les justifier ; en particulier, les modifications du régime indemnitaire, censées compenser les " particularismes " de certaines fonctions, ne sont pas réexaminés ; ces pratiques constituent un obstacle à la polyvalence et à la mobilité des agents ;

- la souplesse introduite dans l'aménagement du temps de travail n'a pas été assez axée sur les besoins des usagers mais trop souvent liée à la conclusion d'accords locaux suite à certains conflits ;

- en général, la réduction et l'aménagement du temps de travail n'ont pas été l'occasion d'une réflexion globale sur l'organisation du travail .

B. UNE MÉTHODE CONTESTABLE

1. La méthode réglementaire a été retenue après l'échec d'un accord-cadre

Le projet d'accord cadre relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique n'ayant été approuvé que par un seul syndicat, la CFDT, M. Emile Zucarelli, précédent ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a constaté, le 28 février 2000, l'échec des négociations 352( * ) avec les syndicats et a renoncé à un accord fixant des règles communes pour la réduction du temps de travail dans la fonction publique .

M. Michel Sapin, actuel ministre de la fonction publique, n'a pas tenté de relancer la concertation avec les organisations syndicales, préférant procéder par la voie réglementaire .

L'objectif du Gouvernement est l'entrée en application des " 35 heures " dans les fonctions publiques au 1 er janvier 2002 , date de la généralisation de la mesure dans le secteur privé.

Deux avant-projets de décrets relatifs à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ont été mis à disposition sur le site internet du ministère de la fonction publique, l'un concernant la fonction publique de l'Etat, l'autre la territoriale, étant bien entendu que le second ne pourrait être adopté qu'après une intervention du législateur.

Les collectivités locales se verront imposer les " 35 heures "
sans en maîtriser les règles ni les modalités.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, a exposé les principes du passage aux 35 heures dans les fonctions publiques :

- le décompte des heures de travail dans le public ne peut suivre des modalités différentes de celles de la " loi Aubry " concernant le secteur privé ;

- il faut disposer d'un cadre national strict, fixé par décret, permettant un traitement égal de l'ensemble des fonctionnaires ; pour le reste, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques sera décentralisée et déconcentrée ;

- dans les services de l'État, les 35 heures seront une occasion d'améliorer le service aux usagers par une réorganisation du travail ; les besoins en emplois s'apprécieront dans ce cadre et tiendront compte de la priorité accordée à la résorption de l'emploi précaire ;

- le Gouvernement reconnaît que la politique de l'emploi dans les collectivités territoriales s'inscrit dans le cadre du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales... La position du Gouvernement paraît pour le moins contradictoire au regard de l'étroitesse de la marge de manoeuvre laissée aux élus locaux par l'avant-projet de décret pour la fonction publique territoriale.

Les modalités de la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques sont contenues dans les avant-projets de décrets :

- la définition du temps de travail serait identique dans les secteurs public et privé ; la durée du travail effectif s'entendrait comme " le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles " 353( * ) ;

- la durée du travail effectif serait fixée à trente-cinq heures par semaine, le décompte du temps de travail étant réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1600 heures ; cette durée serait susceptible d'être réduite pour tenir compte de sujétions particulières (travail de nuit, travaux pénibles ou dangereux, horaires décalés, etc.) ;

- le travail serait organisé selon des " cycles " pouvant être définis par service ou par nature de fonction ;

- les heures supplémentaires feraient l'objet d'une compensation horaire, ou, à défaut, seraient indemnisées ;

- au cours d'une même semaine, la durée du travail ne pourrait dépasser quarante-huit heures ; calculée sur une période de douze semaines, elle ne pourrait dépasser quarante-quatre heures ;

- la durée quotidienne de travail ne pourrait excéder dix heures, l'amplitude maximale de la journée de travail étant fixée à douze heures.

Selon l'avant-projet de décret : " Les dispositions du décret relatif à l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique de l'État sont applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant ".

La mission d'information ne peut que constater l'étroitesse de la marge de manoeuvre que le Gouvernement envisage de laisser aux employeurs locaux : le décret se contenterait d'appliquer à la fonction publique territoriale les règles édictées pour les agents de l'État, selon une conception restrictive du principe de parité !

Or, le principe de parité entre les fonctions publiques, posé par la loi, doit pouvoir être corrigé par la loi. Au regard de la hiérarchie des normes, il paraît pour le moins singulier d'envisager que la loi concernant les collectivités territoriales serait subordonnée dans son contenu aux solutions retenues par décret pour les agents de l'Etat, alors même que le principe de spécificité des collectivités territoriales a même valeur que le principe de parité.

2. Une disposition nationale est-elle nécessaire ?

En tout état de cause, la mission d'information prend acte de la grande richesse des solutions imaginées par les collectivités territoriales elles-mêmes, en l'absence de toute règle à valeur nationale : les exemples sont nombreux de collectivités ayant adopté une mesure de réduction du temps de travail tout en améliorant le service rendu aux usagers, par une extension de la plage des horaires d'ouverture au public, en recherchant une plus grande souplesse dans la gestion des personnels, en favorisant la polyvalence des agents et en redéployant les personnels en fonction des nouveaux besoins.

Les collectivités territoriales qui ont anticipé le " passage aux 35 heures " n'ont pas bénéficié d'un cadre législatif et réglementaire de référence ; la capacité d'innovation ainsi gagnée laisse à penser qu'un cadre national, uniformisant, n'est pas adapté à la situation très contrastée des collectivités locales.

Pour autant, les collectivités qui auront attendu le vote de la loi ne devront pas être pénalisées lors du passage aux trente-cinq heures. La question d'une compensation financière de la part de l'État, tenant compte du coût d'adaptation et de réorganisation des services, mérite d'être posée. En effet, le risque existe que le coût financier la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ne conduise les collectivités à augmenter la pression fiscale. De plus, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail devra être progressive afin de permettre la meilleure adaptation possible des personnels concernés à la nouvelle organisation du travail.

Sans vouloir empiéter sur le débat parlementaire qui devrait avoir lieu lors de la prochaine session, la mission d'information considère que la création d'emplois ne saurait être l'objectif unique de la réduction du temps de travail . Au contraire, il semble de bonne gestion que la question de la création d'emplois ne soit examinée que dans un second temps, après avoir envisagé toutes les mesures en faveur des redéploiements d'effectifs et de la réorganisation des services.

II. ASSOUPLIR LES CONTRAINTES STATUTAIRES ET AFFIRMER LA SPÉCIFICITÉ DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Les employeurs locaux ne souhaitent pas que soient remis en cause les principes régissant la fonction publique territoriale , mais considèrent que leur application conduit souvent à des difficultés de gestion du personnel. Si la fonction publique territoriale doit continuer à relever d'un statut national fixant des droits et obligations, les collectivités locales doivent en revanche bénéficier d' une certaine souplesse dans la gestion de leur personnel .

A ce sujet, Mme Martine Buron, vice-présidente de l'association des petites ville de France, a mis en évidence les difficultés rencontrées par les villes de 3.000 à 20.000 habitants, en termes de recrutement dans les filières sociales ou de création de postes à horaire réduit ou variable.

62 % des élus d'Alsace 354( * ) souhaitent un assouplissement des conditions de recrutement des personnels territoriaux. Le développement de la mobilité des personnels constitue la deuxième priorité des élus alsaciens (20 %) ; vient ensuite l'adaptation des formations initiale et continue (14 %).

A. RESPECTER LA LIBERTÉ DE RECRUTEMENT ET DE GESTION DES EMPLOYEURS LOCAUX

1. Professionnaliser les concours

La mission estime qu'une révision du système des concours est nécessaire, afin de ne plus en faire le mode de recrutement quasi-exclusif dans la fonction publique territoriale.

En effet, le système du concours a-t-il vocation à rester le mode exclusif de recrutement dans la fonction publique, alors que les départs à la retraite sont une occasion de diminuer le nombre de fonctionnaires, de les affecter aux postes où les besoins vont être les plus sensibles demain, et d'embaucher les personnes qui auront les compétences requises, sans pour autant remplir les conditions de diplôme ou réussir l'ensemble des épreuves d'un concours inadapté aux réalités professionnelles ?

Lors de son audition par la mission, M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, auteur d'un rapport sur le recrutement, la formation et le déroulement de carrière des agents territoriaux, publié en mai 1998, a préconisé la révision des épreuves des concours et la substitution de concours sur titres aux concours sur épreuves .

La mission est favorable à une meilleure reconnaissance de l'équivalence des titres. Cette solution permettra aux collectivités de recruter les agents diplômés, lesquels, en l'état actuel des textes, sont recrutés beaucoup plus facilement dans la fonction publique de l'État, qui ne leur impose pas de nouvelles épreuves.

Pour l'accès à certains métiers, notamment dans les filières techniques, sociales et culturelles, la possession du diplôme d'État correspondant devrait suffire. Organiser des épreuves spécialisées n'a guère de sens et se révèle coûteux pour les collectivités, alors que l'aptitude des agents à l'exercice de la profession a déjà été validée par l'obtention du diplôme d'État correspondant. A titre d'exemple, les collectivités locales devraient pouvoir recruter les ingénieurs des grands corps de l'État sans leur faire passer un nouveau concours, mais aussi les assistantes sociales diplômées d'État et les professeurs de musique diplômés du conservatoire.

Constatant que l'essentiel des mesures visant à améliorer la gestion des concours relevaient du pouvoir réglementaire, la mission regrette l'absence d'instance de concertation en la matière .

2. Respecter la liberté contractuelle et la liberté de gestion

La mission estime que le recrutement contractuel doit rester un moyen privilégié de souplesse. Les rigidités du statut peuvent être assouplies par la voie de la contractualisation, sans remettre en cause la " voie royale " d'intégration dans la fonction publique territoriale, à savoir le concours, la nomination et la titularisation.

A la suite du protocole d'accord du 14 mai 1996, la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique, dite " loi Perben ", s'est donné pour objectif la résorption de l'emploi précaire. Par dérogation aux règles normales de recrutement dans la fonction publique territoriale, la loi a autorisé l'ouverture de concours réservés à certains agents non titulaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. La prévention de sa reconstitution et l'amélioration des garanties offertes aux agents non titulaires relèvent quant à elles du pouvoir réglementaire.

La mission considère que l'objectif de réduire la part de l'emploi contractuel dans la fonction publique doit être bien compris. En effet, certains besoins ne peuvent être assurés que par des contractuels . Il est essentiel de respecter en ce domaine la liberté de l'employeur, notamment pour certains emplois supérieurs .

La régulation du recrutement contractuel par le contrôle de légalité ayant été renforcée, le recrutement de non-titulaires fait aujourd'hui l'objet de motivations précises de la part des collectivités employeurs, réduisant ainsi le risque de dérive.

Les modes de recrutement doivent prendre en compte les nouveaux métiers nécessaires à l'accomplissement des missions des collectivités locales.

B. AFFIRMER LE POUVOIR DE DÉCISION DES COLLECTIVITÉS LOCALES : POUR UN PRINCIPE DE PARITÉ QUI NE SOIT PAS À SENS UNIQUE

Il est regrettable que le Gouvernement ait pour principe de calquer purement et simplement les règles applicables à la fonction publique territoriale sur celle de l'Etat, au mépris de la spécificité des collectivités territoriales.

Lors de son audition par la mission, M. Michel Delebarre, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), a regretté que le véritable employeur de la fonction publique territoriale soit désormais l'Etat , à travers la production législative et réglementaire et la conduite des négociations avec les syndicats.

Il a fait part du paradoxe suivant :

- le principe de parité entre les fonctions publiques est formellement " respecté ", en raison de l'unité de décision, permettant à l'Etat de régir l'ensemble de la fonction publique d'Etat et territoriale ;

- mais il n'existe aucune parité de fait, notamment en matière de rémunération et d'indemnités.

Les négociations dans la fonction publique doivent associer les élus locaux. Il n'est pas acceptable que l'État soit seul à édicter les règles s'imposant à l'ensemble des employeurs publics, alors qu'il n'en supporte pas les conséquences financières.

La mission estime nécessaire d' organiser la représentation des collectivités locales employeurs dans les négociations touchant la fonction publique. Cette participation pourrait être garantie par la loi.

C. LA FORMATION ET LA MOBILITÉ : POUR UNE FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE PLUS ATTRACTIVE

1. Une formation initiale rénovée

La mission souhaite :

- la mutualisation des efforts de formation initiale des administrateurs territoriaux avant leur recrutement. Il s'agit d'éviter la situation actuelle, dans laquelle les collectivités de taille moyenne sont dissuadées d'embaucher des administrateurs, ceux-ci les quittant rapidement pour de plus grandes collectivités. Cette solidarité entre les collectivités territoriales pourrait employer la voie contractuelle ;

- la validation des acquis, permettant de tenir compte de la valeur professionnelle de l'agent et d'améliorer la formation complémentaire d'application, qui serait mieux définie et plus courte ;

- l'organisation de la formation sur le terrain , c'est-à-dire au sein même de la collectivité qui a procédé au recrutement de l'agent.

2. Une obligation de fidélité ?

Constatant que de nombreux jeunes embauchés quittent leur collectivité d'origine à l'issue des six mois de formation complémentaire d'application, il serait utile de créer une obligation de fidélité à l'égard de la collectivité employeur, pour une durée de trois ans.

La loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale a complété la loi du 12 juillet 1984 relative à la formation des fonctionnaires territoriaux afin de prévoir que les agents ayant suivi une formation initiale pourront être soumis à l'obligation de servir dans la fonction publique territoriale . A cette occasion, le Sénat avait approuvé l'obligation de servir dans la fonction publique territoriale, considérée comme " le complément logique " de l'obligation de formation.

Cette mesure est restée lettre morte faute de décret d'application.

Jugeant que les petites communes étaient souvent appelées à former les jeunes fonctionnaires territoriaux, Mme Martine Buron, vice-présidente de l'Association des petites villes de France, a souhaité qu'une durée minimale d'emploi dans la collectivité de première affectation leur soit imposée.

A défaut, une obligation contractuelle pourrait être envisagée, la deuxième collectivité remboursant une partie des sommes engagées par la première au titre de la formation de l'agent.

3. La mobilité et le déroulement de carrière : récompenser le mérite et les compétences

La mobilité interne à la fonction publique territoriale, comme la mobilité en direction de la fonction publique de l'État, doivent être développées. Les positions statutaires sont sans doute trop strictement encadrées.

La mission souhaite la poursuite de l'adaptation des quotas d'avancement et les seuils démographiques , récemment assouplis par voie réglementaire, afin d'éviter les effets de seuils désastreux pour les collectivités dont les besoins en personnel qualifié sont sous-estimés. Il s'agit de tenir compte non seulement de la situation de la collectivité à un instant donné, mais aussi de prendre en considération les évolutions, en particulier la croissance démographique ou le caractère touristique de la collectivité.

Afin de favoriser la mobilité interne à la fonction publique territoriale, la mission souhaite un assouplissement de l'interdiction de la mobilité à l'intérieur d'une même collectivité, d'une filière à l'autre . Il est regrettable que les obstacles à la mobilité fonctionnelle des agents, liés au cloisonnement excessif entre les filières, s'ajoute aux difficultés de la mobilité géographique.

Le déroulement de carrière des agents territoriaux pourrait laisser davantage de place à la mobilité au sens large, y compris aux expériences dans le secteur privé. En particulier, les règles interdisant le cumul des activités et des rémunérations et ménageant des exceptions doivent être remises à plat , comme le préconise un récent rapport du Conseil d'État.

La mission recommande des " passerelles " entre fonction publique territoriale et fonction publique de l'État. Elle se félicite qu'un décret du 16 novembre 1999 permette aux administrateurs territoriaux d'être détachés dans le corps des administrateurs civils.

Enfin, la mission souhaite que la promotion interne traduise davantage la valeur professionnelle des agents que l'évolution de carrière purement statutaire, à l'ancienneté. Les collectivités locales doivent pouvoir sanctionner les compétences de leurs agents et récompenser le mérite .

D. LE PRINCIPE D'ADAPTATION ET L'ANTICIPATION DES BESOINS DES COLLECTIVITÉS LOCALES : L'EXEMPLE DE L'INTERCOMMUNALITÉ

Lors de son audition par la mission, M. Emile Zuccarelli, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a réaffirmé le principe de la carrière mais a reconnu qu'il était possible de compléter les filières par de nouveaux cadres d'emplois, en fonction des nouveaux métiers .

Après la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, les structures intercommunales, dotées de compétences élargies, devront disposer de personnels adaptés à leurs missions spécifiques .

Conséquence de l'intercommunalité, les franchissements de seuils vont bouleverser la gestion des ressources humaines : la structure intercommunale, en raison de son importance démographique, pourra recruter des agents auxquelles les communes membres n'ont pas accès.

Les adaptations du statut, permettant une plus grande mobilité et encourageant les " intercommunalités de projet ", pourraient être recherchées, au lieu de pénaliser systématiquement les agents qui choisissent une mobilité professionnelle ou géographique.

La fonction publique territoriale devra tenir compte à la fois des contraintes des communes participant au groupement, mais aussi de l'entité juridique autonome que constitue l'EPCI.

Si la transformation d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n'affecte pas la situation des agents déjà en fonctions 355( * ) , il en va différemment en cas de création : le nouvel établissement de coopération intercommunale est un employeur local à part entière au sens de la loi statutaire du 26 janvier 1984. La création d'emplois par l'organe délibérant s'accompagnera généralement des suppressions d'emplois dans les communes adhérentes . Les personnels sont nommés par le président de l'EPCI par mutation, détachement, ou à partir des listes d'aptitude établies après concours.

Le fonctionnaire, titulaire ou stagiaire, ne peut être muté dans le nouvel EPCI qu'avec son accord explicite ; le transfert est en général effectué par mutation. Si le fonctionnaire refuse le transfert, les suppressions d'emplois s'accompagnent d'un dispositif protecteur 356( * ) . Les agents non titulaires (de droit public ou de droit privé) ne bénéficient d'aucune garantie de carrière, mais, sauf accord contraire des parties, les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance 357( * ) .

Afin de rendre attractif le transfert des agents communaux vers les nouveaux EPCI, l'organe délibérant pourra maintenir aux agents concernés, à titre individuel, les compléments de rémunération ayant le caractère d'avantages acquis que leur versait leur précédent employeur sur le fondement de l'article 111 de la loi du 24 janvier 1984.

CHAPITRE IV

UN SYSTÈME DE FINANCEMENT LOCAL RENOVÉ

La mission considère que la rénovation du système de financement local devait comprendre trois axes.

Tout d'abord, elle juge indispensable de garantir l'autonomie fiscale des collectivités locales en modernisant les impôts locaux (I).

Ensuite, elle souhaite renforcer la dimension péréquatrice des concours de l'Etat aux collectivités locales et s'orienter vers une simplification et une amélioration de l'efficacité des dispositifs existants (II).

Enfin, elle plaide en faveur d'une modification des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, afin de lier l'évolution des concours de l'Etat à l'évolution des contraintes qui pèsent sur les budgets locaux et d'assurer un meilleur partage de la croissance entre l'Etat et les collectivités locales (III).

I. LA FISCALITE LOCALE, CONDITION NÉCESSAIRE DE LA LIBRE ADMINISTRATION

La Constitution du 4 octobre 1958 pose, sans le définir, le principe de libre administration des collectivités locales. L'article 72 dispose que les collectivités territoriales de la République " s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ". L'article 34 précise que la loi détermine les principes fondamentaux " de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ", et fixe les règles concernant " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ", impôts locaux compris.

La tradition française de financement des collectivités locales par l'impôt a rendu le principe de libre administration indissociable de la notion d'autonomie financière et fiscale.

Les résultats des enquêtes menées auprès des élus locaux dans plusieurs régions de France à l'occasion de la tenue, à l'initiative du Président du Sénat, des Etats généraux des élus locaux témoignent du lien étroit entre libre administration et autonomie fiscale dans l'esprit des élus. Par exemple, 71 % des élus d'Auvergne ayant répondu à l'enquête ont estimé que la réduction de l'autonomie fiscale des collectivités n'est pas compatible avec le principe de libre administration.

A. LA LIBRE ADMINISTRATION NE SE RESUME PAS A LA LIBERTÉ DE DÉPENSER

1. Un modèle possible

La rédaction actuelle de la Constitution de 1958 ne prévoit pas explicitement que les collectivités locales bénéficient de ressources d'origine fiscale. Elle n'établit a fortiori pas de lien entre l'existence d'une fiscalité directe locale et le principe de libre administration.

Dans la plupart des pays de l'Union européenne, les collectivités locales s'administrent librement sans pour autant maîtriser l'évolution de toutes leurs ressources fiscales. En Allemagne, la Constitution prévoit un partage du produit des impôts d'Etat entre l'Etat fédéral et les collectivités locales. Les ressources de celles-ci s'apparentent donc plus à des prélèvements sur les recettes fiscales de l'Etat, dont le taux d'indexation serait fixé par la Constitution, qu'à une fiscalité directe.

En 1995, dans tous les pays de l'Union européenne à l'exception de la Suède, la part des ressources locales provenant d'impôts dont les taux sont votés par les collectivités locales était inférieure à la part de ces ressources dans les budgets locaux français. Cette plus grande dépendance envers l'Etat ne semble pourtant pas constituer un obstacle à l'exercice normal de compétences étendues 358( * ) .

Par ailleurs, la capacité réelle des collectivités locales française à agir sur le montant de leurs recettes fiscales est parfois mise en doute. Lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, M. Philippe Valletoux, membre du directoire du Crédit local de France-Dexia, a considéré que " l'autonomie fiscale des collectivités locales était réelle en apparence, mais théorique dans les faits. Il a mis l'accent sur le rôle de l'Etat en matière de recensement et de calcul de la matière imposable, de fixation des règles de plafonnement et de liaison des taux des taxes directes locales, enfin d'exécution des tâches administratives de recouvrement et d'encaissement de l'impôt local ".

Ces éléments peuvent conduire à considérer que le coeur de la libre administration des collectivités ne réside pas dans leur mode financement mais dans leur latitude à décider librement de leurs dépenses. Cette conception a été relayée par la secrétaire d'Etat chargée du budget à l'occasion du débat au Sénat sur la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation : " On peut soutenir que la libre administration s'entend essentiellement de la liberté d'emploi des ressources, le législateur devant veiller à ce qu'elles soient suffisantes en quantité pour permettre aux collectivités locales d'exercer les compétences qui leur sont dévolues " 359( * ) .

Un tel raisonnement avait déjà été tenu par le Gouvernement dans les observations qu'il a présentées au Conseil constitutionnel lorsque celui-ci a été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions de la loi de finances pour 1999 : " la libre administration repose essentiellement, pour être effective, sur la libre disposition des sommes nécessaires à l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales. Aucune règle constitutionnelle n'implique de privilégier une catégorie de ressources par rapport à une autre ".

Au cours de l'assemblée plénière du Conseil économique et social du 20 juin 2000, la rapporteuse au nom de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire d'un projet d'avis relatif à la décentralisation et au citoyen a estimé que le débat sur la nature des ressources des collectivités locales ne constituait pas un véritable enjeu : " Peut-être, a-t-elle déclaré , conviendrait-il de mettre un terme au débat sur le choix qu'il serait indispensable d'opérer entre les dotations de l'Etat et la fiscalité locale. L'essentiel est plutôt de permettre à ces collectivités d'assurer leurs compétences et de répondre aux besoins, quelle que soit l'origine de leurs moyens financiers ".

2. Une solution inadaptée au contexte français

Si la notion d'autonomie fiscale est aussi étroitement associée au principe de libre administration, c'est que la fiscalité locale est perçue comme un rempart contre la tentation centralisatrice de l'Etat.

Lors de son audition par la mission le 8 mars dernier, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du Comité des finances locales, a souligné que " dans un Etat encore jacobin comme la France, il était fondamental et conforme à notre culture que coexistent des recettes fiscales propres, levées sous la responsabilité des collectivités locales, et des transferts de l'Etat ". M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, a pour sa part qualifié de décentralisation " tronquée " un système dans lequel les collectivités locales ne pourraient plus voter le taux des impôts qu'elles perçoivent.

En théorie, la libre administration pourrait se contenter de la liberté de dépenser. Cependant, en France, force est de constater que la réduction de l'autonomie fiscale des collectivités locale s'inscrit dans une logique centralisatrice puisqu'elle s'accompagne de la réduction de la capacité des collectivités à décider de leurs dépenses. Un nombre croissant de dispositions législatives et réglementaires imposent aux collectivités des dépenses obligatoires nouvelles, tandis que, par le biais des contrats de plan, l'Etat oriente les choix de dépenses des collectivités locales.

Par conséquent, faute du maintien de la capacité des collectivités locales à agir sur le montant de leurs ressources, la tendance décrite par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de finances rectificative pour 2000, ne sera pas susceptible d'être renversée : " Nous devenons des quasi-préfets. Nous gérons des dotations et des circulaires. Il ne nous manque plus que les casquettes, mais nous sommes prêts à les porter, s'il nous faut assumer jusqu'au bout ce destin, qui est de servir la cause non pas de la décentralisation mais d'une certaine déconcentration ! " 360( * ) .

Notre collègue Pierre Mauroy, lors du débat consacré à la décentralisation, organisé au Sénat le 3 novembre 1998, a parfaitement résumé l'importance du lien entre libre administration et fiscalité locale dans le contexte français : " En France, il existe en effet, presque mécaniquement, une tendance forte de l'Etat à recentraliser (...) En France, l'Etat recentralise normalement, naturellement, quelle que soit la couleur de ceux qui sont au pouvoir, et notamment au Gouvernement (...) Je comprends la préoccupation des élus de vouloir, par exemple, établir des budgets assis sur des recettes clairement définies afin de ne pas être à la merci des dotations de l'Etat, trop facilement susceptibles d'être remises en cause " 361( * ) .

B. UN ATOUT À PRÉSERVER

En matière de financement local, la France est par de nombreux aspects en avance sur ses voisins. Par exemple, lors de leur audition par la mission le 15 juin 1999, les représentants du cabinet Arthur Andersen ont souligné que " notre pays avait des atouts et des exemples à proposer, car il avait notamment été un précurseur en matière de concessions de service public alors que, cent ans plus tard, la Grande Bretagne et les pays scandinaves s'interrogeaient sur les meilleures méthodes pour établir un partenariat public/privé ".

Il en va de même en matière de fiscalité directe locale. Alors que la France supprime progressivement ses impôts locaux, ses voisins les plus proches, l'Espagne et l'Italie, s'inspirent de son exemple et accroissent la marge de manoeuvre fiscale de leurs collectivités locales.

En Espagne, depuis 1997, les communautés autonomes ont la possibilité de moduler le taux et le barème de la fraction de l'impôt sur le revenu qui leur était antérieurement reversée par l'Etat.

En Italie, une réforme de 1997 a créé à compter du 1 er janvier 1998 un impôt régional sur les activités productives assis sur la valeur ajoutée nette (hors amortissements) produite par les entreprises et les collectivités publiques au plan régional, ainsi qu'un impôt régional et un impôt communal additionnels à l'impôt sur le revenu. La création de ces impôts additionnels a été décidée pour compenser la perte de recettes provenant pour les communes de la suppression d'impôts anciens et archaïques.

Trois raisons principales plaident pour que la France ne renonce pas à l'acquis de la fiscalité directe locale :

1. Un impératif démocratique

Au cours de son audition par la mission le 8 mars 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rappelé que, selon lui, " la part communale de la taxe d'habitation constituait le coeur de l'autonomie fiscale des collectivités locales ". En effet, la taxe d'habitation est l'impôt qui unit les élus locaux à leurs concitoyens, qui sont électeurs mais également contribuables. Or, comme le relève notre collègue député René Dosière dans son avis au nom de la commission des lois sur les crédits des collectivités locales dans le projet de loi de finances pour 2000, " il est particulièrement dangereux d'opérer une distinction entre le contribuables et les électeurs " car " ne pas payer l'impôt local constitue une forme d'exclusion civique. De ce point de vue, la substitution du budget de l'Etat à la fiscalité locale, dans les conditions où elle se pratique, conduit à augmenter considérablement le nombre de foyers exonérés (...). Il s'agit d'une régression démocratique qui ne peut que développer l'irresponsabilité, parmi les habitants, et parfois aussi, parmi les élus " 362( * ) .

Pour que les électeurs puissent véritablement juger de la capacité des " conseils élus " à administrer leur collectivité, il faut que ceux-ci soient en mesure d'être jugés non pas sur la manière dont ils répartissent des crédits qui leurs sont alloués, mais sur l'ensemble de leurs orientations , et notamment sur le rapport entre le niveau de la pression fiscale locale et la qualité des services fournis aux citoyens .

Du point de vue des collectivités locales, la disparition de la fiscalité locale constituerait un recul par rapport au principal acquis de la décentralisation, la suppression des tutelles administratives et financières . En effet, en s'arrogeant la maîtrise de l'évolution du montant des ressources locales, l'Etat crée une nouvelle tutelle budgétaire et, de fait, reprend d'une main ce qu'il a donné de l'autre moins de vingt ans auparavant.

2. Une nécessité économique

A niveau de ressource équivalent, il n'est pas neutre pour une collectivité de bénéficier de transferts de l'Etat plutôt que de ressources fiscales.

Le système actuel de financement des collectivités à la fois par des dotations de l'Etat et par des ressources propres, fiscales notamment, est protecteur pour les collectivités locales car il leur permet d'avoir des ressources d'origines différentes, dont le montant ne fluctue pas en fonction des mêmes paramètres. Lorsque l'Etat connaît une situation budgétaire tendue, les collectivités peuvent s'ajuster en maîtrisant leurs dépenses mais aussi en recourant à la fiscalité. Lorsque les bases augmentent faiblement en raison de la conjoncture économique, les concours de l'Etat, qui progressent de manière relativement stable, jouent un rôle contra-cyclique efficace. La complémentarité des modes de financement des collectivités locales est donc source de sécurité pour les budgets locaux.

La fiscalité locale est source de dynamisme économique , puisque l'augmentation des bases qui résultent de la mise en oeuvre des politiques locales (constructions de logements, attraction d'entreprises, etc.) permet d'intéresser les collectivités au succès de leurs actions. Il peut en résulter une baisse des taux d'imposition puisque les bases augmentent.

L'existence de ressources propres dont les collectivités déterminent le montant leur permet de s'administrer de manière plus libre puisqu'elles sont à même de mobiliser les ressources nécessaires au financement d'action qu'elles jugent prioritaires.

Les collectivités ne financent évidemment pas la totalité de leurs investissements par des hausses d'impôts mais, comme le souligne notre collègue député René Dosière, " le pouvoir fiscal donne à la collectivité une plus grande capacité d'endettement et donc de programmation de ses dépenses d'investissement ". Cette analyse est corroborée par les critères utilisés par les agences de notation financière, dont le rôle est de déterminer la capacité des collectivités locales à rembourser leur dette : " la flexibilité fiscale étant une variable d'ajustement très importante en cas de tensions financières, elle représente un facteur d'analyse majeur et peut avoir une influence significative sur les notes attribuées par Standard & Poor's " 363( * ) .

En d'autres termes, si l'existence d'une fiscalité locale est importante dans la mesure où une collectivité doit pouvoir mobiliser des ressources soit pour financer une action prioritaire ou pour faire face à ses engagements financiers, il convient que la pression fiscale soit modérée de manière à pouvoir utiliser l'impôt lorsque c'est nécessaire. La fiscalité locale constitue donc une puissante incitation à une gestion locale prudente et responsable, puisque de faibles taux d'imposition ne peuvent être durablement atteints que par la maîtrise des dépenses de fonctionnement.

Plus généralement, l'intérêt économique de l'existence d'une fiscalité directe locale a été bien résumée par l'OCDE, dans les termes suivants 364( * ) :

" La responsabilisation des collectivités locales - Dans un contexte décentralisé, les niveaux d'administration locaux doivent financer leurs actions par des ressources locales, et essentiellement fiscales. L'obligation de maintenir ou d'augmenter la base fiscale est une forme d'incitation à la mobilisation locale en faveur du développement économique. Des attitudes malthusiennes des collectivités locales face au développement d'activités économiques, comme par exemple un faible intérêt pour l'aménagement de zones d'activités et une préférence pour une activité résidentielle, cèdent le pas à de véritables stratégies de croissance économique. Un élu local dont les ressources se composent essentiellement de subventions centrales se trouve placé dans la position d'un quémandeur ; un élu local responsable des rentrées fiscales devient un acteur du développement. "

La fiscalité locale renforce l'initiative locale

Lorsque, dans les observations qu'il a présentées à la suite de la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1999, le Gouvernement estime que " la libre administration repose essentiellement, pour être effective, sur la libre dispositions des sommes nécessaires à l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales ", il raisonne comme si les collectivités étaient des services déconcentrés de l'Etat ou des préfets auxquels on confie des enveloppes de crédits globalisées.

Or, la gestion locale ne se résume pas à la mise en oeuvre de politiques décidées par l'Etat, mais implique l'élaboration de stratégies territoriales qui nécessitent de pouvoir moduler le montant des recettes en fonction des priorités du moment.

La fiscalité locale est la contrepartie de l'interdiction des déficits de fonctionnement

Les raisonnements de l'Etat en matière de libre administration des collectivités locales témoignent des libertés que prennent les Gouvernements successifs avec les règles de gestion comptable.

L'Etat emprunte pour financer ses dépenses de fonctionnement, pour payer ses fonctionnaires par exemple. Dans la loi de finances initiale pour 2000, le déficit de la " section de fonctionnement " du budget de l'Etat s'élevait à près de 50 milliards de francs.

La loi interdit de telles largesses aux collectivité locales. Par conséquent, la fiscalité doit pouvoir jouer le rôle de variable d'ajustement des budgets locaux et financer leurs dépenses obligatoires lorsque les dotations reçues ne permettent pas de couvrir les dépenses.

3. Une exigence constitutionnelle

La Constitution du 4 octobre 1958 n'établit pas de lien explicite entre la principe de libre administration et l'existence d'une fiscalité directe locale.

Ce lien a été établi à deux reprises par la jurisprudence du Conseil constitutionnel :

- le Conseil a fixé un principe général selon lequel " les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités locales au point d'entraver leur libre administration " 365( * ) ;

- le Conseil a établi qu'un prélèvement par l'Etat sur les ressources fiscales d'une collectivité ne peut être opéré " qu'à titre exceptionnel et ne doit concerner qu'une partie de l'impôt local ; il doit être défini avec précision quant à son objet et à sa portée ; il ne doit pas avoir pour conséquence d'entraver la libre administration des collectivités concernées " 366( * ) ;

Le Conseil n'a jamais considéré que ces principes avait été enfreints mais a eu l'occasion de les réaffirmer. Il a jugé conforme à la Constitution un prélèvement sur les recettes fiscales d'une collectivité en relevant " qu'eu égard au montant du prélèvement en cause par rapport à l'ensemble des recettes de fonctionnement du budget de la ville de Paris, sa suppression n'est pas contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales " 367( * ) .

Lorsqu'il s'est prononcé sur la conformité à la Constitution de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle, le Conseil a rappelé que les règles posées par la loi " ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités au point d'entraver leur libre administration " mais a considéré que, puisque " en contrepartie de la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle, la loi institue une compensation (...) ces règles n'ont ni pour effet de diminuer les ressources globales des collectivités locales ni de restreindre leurs ressources fiscales au point d'entraver leur libre administration " 368( * ) .

La décision relative à la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle confirme l'existence d'un seuil minimal de ressources fiscales en deçà duquel la libre administration des collectivités locales serait remise en cause. En effet, elle laisse entendre que la transformation d'un impôt en dotation pourrait porter atteinte à la libre administration par deux biais différents :

- d'une part, si la mesure proposée avait pour effet de diminuer les ressources globales des collectivités locales ;

- d'autre part, si la mesure proposée restreignait de manière exagérée les ressources fiscales locales.

Il ressort de ce double critère qu'une réforme qui remplacerait un impôt local par une compensation plus intéressante financièrement pour les collectivités locales pourrait malgré tout être jugée contraire à la Constitution si elle faisait disparaître une part trop importante des recettes fiscales locales.

C. POUR DES IMPÔTS LOCAUX ADAPTÉS ET GARANTIS CONSTITUTIONNELLEMENT

La préservation de l'acquis de la fiscalité directe locale se heurte à une double difficulté. D'une part, le " flou " de la rédaction actuelle de la Constitution n'a pas permis au Conseil constitutionnel de considérer que les atteintes successives au pouvoir fiscal local avaient été de nature à entraver la libre administration des collectivités locales.

D'autre part, l'archaïsme et le caractère injuste des impôts directs locaux affaiblit le plaidoyer en faveur de l'autonomie fiscale des collectivités locales.

1. Vers une réforme de la Constitution ?

Le Conseil constitutionnel a considéré à plusieurs reprises que la suppression d'un impôt local ne devait pas avoir pour effet de réduire les ressources globales des collectivités, et que l'existence d'impôt locaux était une condition nécessaire du principe de libre administration.

Cette jurisprudence prétorienne n'a jamais abouti à censurer une disposition législative. La position du Conseil constitutionnel peut se comprendre puisque la rédaction actuelle de la Constitution n'offre aucune piste qui pourrait lui permettre de définir le seuil en deçà duquel une suppression d'impôt local remettrait en cause la libre administration des collectivités locales.

La définition d'un tel seuil serait d'ailleurs un exercice compliqué, puisque les différents niveaux de collectivités locales n'ont pas tous la même proportion de recettes fiscales dans leurs recettes totales. Par exemple, à la différence des communes, les régions et les départements bénéficient des impôts transférés au moment des lois de décentralisation. Certaines collectivités bénéficient de produits domaniaux très importants qui réduisent la part de la fiscalité dans leurs recettes totales.

Le Président du Sénat, M. Christian Poncelet, le président du comité des finances locales, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, le président de l'association des maires de France, notre collègue Jean-Paul Delevoye, le président de l'association des départements de France, notre collègue Jean Puech, et le président de l'association des régions de France, notre collègue Jean-Pierre Raffarin, ont considéré qu'il était temps de faciliter la tâche du Conseil constitutionnel en instaurant une protection constitutionnelle de l'autonomie fiscale des collectivités locales .

Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle déposée sur le bureau du Sénat le 22 juin 2000, ils affirment que " la protection constitutionnelle de l'autonomie fiscale des collectivités locales est, plus que jamais, indispensable en raison des menaces qui plânent sur l'existence même de l'impôt local.

" Par ailleurs, l'autonomie fiscale des collectivités locales est, en France, bien plus nécessaire que dans d'autres Etats, notamment fédéraux, pour que nos collectivités puissent asseoir définitivement leur autonomie politique, dans un pays marqué par une tradition multiséculaire de centralisation.

" Le législateur de 1982 ne s'y était d'ailleurs pas trompé en prévoyant qu'une partie des transferts de charge serait compensée par des ressources fiscales nouvelles transférées par l'Etat ".

Le dispositif proposé pour le nouvel article 72-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 repose sur quatre principes :

- l'autonomie fiscale est consubstantielle du principe de libre administration : " la libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de ressources fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi " ;

- une meilleure définition du seuil en deçà duquel la suppression d'impôt locaux serait de nature à remettre en cause la libre administration : " les ressources fiscales représentent la part prépondérante des ressources des collectivités territoriales " ;

- une invitation à une réforme en profondeur de la fiscalité directe locale dépassant les traditionnelles " quatre taxes ", en rappelant que " les collectivités territoriales peuvent percevoir le produit des impositions de toute nature " ;

- l'interruption du mouvement de remplacement des impôts locaux par des dotations : " toute suppression d'une ressource fiscale perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de ressources fiscales équivalentes ".

2. Des impôts locaux adaptés

L'éventualité d'une protection constitutionnelle de la fiscalité locale rend plus que jamais nécessaire une réforme de celle-ci, en faisant bénéficier les collectivités du produit d'impôts modernes, ou modernisés, qui ne soient pas principalement caractérisés par les injustices qu'ils engendrent entre collectivités ou entre contribuables et qui procurent aux budgets locaux une ressource assise sur la croissance.

Aucune réforme de grande envergure de la fiscalité locale n'a été menée à son terme. La création de la taxe professionnelle a été caractérisée par l'obsession de ne pas bouleverser excessivement les équilibres atteints par l'ancienne patente. L'application à la taxe professionnelle d'une assiette fondée sur la valeur ajoutée prévue par la loi 10 janvier 1980 n'a été mise en oeuvre. La révision des valeurs locatives cadastrales décidée en 1990 a été réalisée mais jamais appliquée. Le projet de remplacer la part départementale de la taxe d'habitation par une taxe départementale sur le revenu a été enterré.

Le Gouvernement issu des élections législatives de 1997 a pour lui le mérite de la constance. Il met en oeuvre avec détermination une politique de réforme de la fiscalité locale en supprimant peu à peu les impôts existants et en les remplaçant par des dotations budgétaires . L'inadaptation des impôts locaux lui permet de rencontrer peu de résistance dans cette entreprise.

Il appartient aujourd'hui aux élus locaux d'élaborer des projets alternatifs. Toutefois, pour être crédibles, ces propositions devront s'appuyer sur des simulations fines de leurs conséquences sur les contribuables et sur les ressources des collectivités locales. Seul le Gouvernement est en mesure de procéder à un tel exercice. La première condition d'une réforme d'envergure de la fiscalité locale réside donc dans la volonté du Gouvernement de " tester ", sans a priori, les différentes réformes possibles .

Plusieurs pistes sont envisageables. La plupart d'entre elles sont connues depuis longtemps, mais la viabilité de leur mise en oeuvre n'a jamais été évaluée sérieusement.

Rénover les impôts existants

La modernisation des impôts actuels pourrait marquer la volonté des collectivités locales de lier fiscalité locale et justice fiscale :

- la taxe d'habitation : le Gouvernement issu des élections législatives de 1997, dans son rapport sur la taxe d'habitation remis au Parlement en application de l'article 28 de la loi de finances pour 2000 a enterré définitivement la révision des bases décidée en 1990 en considérant que les travaux de simulation réalisés à partir des résultats de la révision des bases de 1990 " ont mis en évidence que cette réforme conduit à des transferts entre contribuables, insatisfaisants, tant sur le plan de l'efficacité économique que sur le plan de la justice sociale ".

Pour sauver la taxe d'habitation, il convient donc d'envisager d'autres pistes de réforme de son assiette. Une première piste consisterait à conserver une assiette fondée sur la valeur locative, mais à la rendre plus dynamique en substituant aux valeurs indiciaires actuelles une valeur locative déclarée par le contribuable, à charge pour le législateur de définir un système d'équivalence pour logements habités par leurs propriétaires.

Une deuxième piste consisterait à remplacer l'assiette actuelle de la taxe d'habitation par une assiette fondée sur le revenu, afin de prendre en compte la capacité contributive des contribuables.

Cette idée est ancienne. Elle avait été soutenue par la commission spéciale constituée à l'Assemblée nationale pour examiner le projet de loi devenu la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale. Animée par le souci " d'aller plus loin dans la voie de la personnalisation de l'impôt ", la commission s'était prononcée en faveur d'une réforme tendant à " substituer à la part départementale de la taxe d'habitation un impôt proportionnel sur le revenu. Se trouverait ainsi satisfait le voeu généralement exprimé de lier les impositions locales sur les ménages aux revenus de ces derniers. L'impôt proportionnel serait assis sur des bases très voisines de l'impôt sur le revenu et ne nécessiterait donc aucune déclaration supplémentaire. Il ne s'appliquerait donc qu'aux personnes imposables à l'impôt sur le revenu et serait assorti d'abattements familiaux analogues à ceux qui sont pratiqués en matière de taxe d'habitation. Il serait dû non seulement au titre des résidences principales mais aussi, moyennant une réduction des bases, au titre de chacune des résidences dont le redevable a la jouissance " 369( * ) .

L'article 56 de la loi du 30 juillet 1990 sur la révision des évaluations cadastrales avait posé le principe de la substitution à la part départementale de la taxe d'habitation, d'une taxe proportionnelle sur le revenu mais son application a été reportée par la loi du 15 juillet 1992 portant diverses dispositions fiscales.

Dans son rapport sur la modernisation de la fiscalité locale 370( * ) , notre collègue député Edmond Hervé va plus loin et estime que " l'assiette de la taxe d'habitation doit être constituée par les revenus des habitants (...) Pour des raisons de simplicité et d'équité, nous proposons de retenir les revenus pris en compte pour le calcul de la CSG ". Dans son esprit, ce n'est pas seulement la part départementale mais l'ensemble de l'assiette de la taxe d'habitation qui doit être revue.

Votre rapporteur considère pour sa part que, dans un premier temps, il serait judicieux d'asseoir sur le revenu un impôt perçu par les départements et destiné à financer des dépenses sociales. La CSG, dont l'assiette large touche tous les contribuables mais aussi tous les revenus, permettant ainsi de pratiquer des taux peu élevé, présente les caractéristiques d'un impôt moderne adapté aux besoins des collectivités locales.

- la taxe professionnelle : avec la suppression progressive de la part salariale de son assiette, la taxe professionnelle va devenir un impôt assis uniquement sur les immobilisations, donc sur le capital. Dans son quinzième rapport au président de la République, le Conseil des impôts a établi que c'était précisément cette fraction de l'assiette de la taxe professionnelle qui pénalisait la compétitivité des entreprises. La revendication des organisations représentatives des entreprises d'une suppression de la taxe professionnelle va donc se trouver renforcer.

Il est encore temps de donner sa chance à l'assiette de la taxe professionnelle prévue par la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, c'est-à-dire la valeur ajoutée . Comme l'a remarqué M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, la mise en place de la cotation minimale de taxe professionnelle et le plafonnement du montant des cotisations en fonction de la valeur ajoutée tendent à transformer progressivement la taxe professionnelle " au sein d'un tunnel de taux, [en] un impôt calculé au niveau national en fonction de la valeur ajoutée ". La nationalisation de cet impôt, préconisée par le Conseil des impôts, devient progressivement une réalité.

La mise en place de l'assiette " valeur ajoutée " au plan local a souvent été déclarée impossible en raison des difficultés de sa localisation sur le territoire. Votre rapporteur suggère que soit expertisée une éventuelle transposition à la taxe professionnelle de l'assiette du nouvel impôt régional sur les entreprises perçu par les régions italiennes depuis 1998 et dont l'assiette repose sur la valeur ajoutée nette (hors immobilisations).

Une autre solution, avancée par M. Michel Klopfer, mériterait d'être examinée : " si l'on souhaite transformer un impôt archaïque en impôt moderne, une solution existe qui passe à la fois par une assiette nationale (la valeur ajoutée ou, mieux encore, l'excédent brut d'exploitation pour que la masse salariale soit totalement hors-jeu) et par une base locale (les immobilisations limitées aux seules valeurs foncières). La valeur ajoutée n'étant pas localisable sur le territoire, elle serait calculée nationalement pour chaque entreprise et pondérée localement par les implantations utilisées. Chaque collectivité disposerait ainsi comme assiette d'un pourcentage de l'excédent brut d'exploitation de l'entreprise correspondant à la part des immobilisations foncières qu'elle abrite sur son territoire " 371( * ) ;

- les taxes foncières : les taxes foncières, et notamment la taxe foncière sur les propriétés bâties, sont rarement évoquées lors des discussions sur la réforme de la fiscalité locale. Pourtant, cet impôt rapporte plus aux collectivités locales que la taxe d'habitation. Les exonérations et les dégrèvements y sont moins nombreux qu'en matière de taxe professionnelle ou de taxe d'habitation, ce qui permet aux collectivités locales de bénéficier pleinement des augmentations de produit qui résultent des augmentations des taux. De fait, les taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties augmentent plus vite que les taux de la taxe d'habitation. Pourtant, l'assiette des taxes foncières n'est pas plus juste que celle de la taxe d'habitation puisqu'elle repose sur des valeurs locatives qui n'ont pas été révisées depuis 1970 pour les propriétés bâties et 1961 pour les propriétés non bâties.

Lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, a craint que le recours à la taxe foncière sur les propriétés bâties " ne se heurte un jour à l'absence de révision des bases " et a estimé qu'elle telle éventualité " constituerait une menace pour le maintien d'une fiscalité directe locale ".

A la fin des années 70, M. Jacques Thyraud avait rendu au nom du comité d'études de la politique foncière un rapport qui plaidait en faveur de la transformation des taxes foncières en un impôt déclaratif assis sur la valeur vénale des propriétés. Cette proposition avait été reprise à son compte par la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner les dispositions de la loi du 10 janvier 1980 : " L'un des avantages de cette solution est de n'exiger aucune définition des terrains à bâtir, le seul critère étant la valeur vénale qui varie selon les vocations nouvelles attribuées à un terrain. De plus, le caractère très évolutif d'une telle assiette favoriserait une relative stabilité des taux (...) Il deviendrait ainsi possible de juguler certains phénomènes spéculatifs, de mettre fin à des sous impositions choquantes " 372( * ) .

Sans se prononcer sur cette proposition, votre rapporteur suggère qu'elle serve de base à une réflexion sur l'évolution de l'assiette des taxes foncières.

Transférer le produit de certains impôts ?

Dans de nombreux pays, au premier rang desquels l'Allemagne, les recettes fiscales des collectivités locales sont principalement constituées du transfert par l'Etat d'une fraction du produit de certains impôts, selon une clef de répartition prévue par la loi, voire la Constitution.

Des dispositifs de ce type existent également en France, puisque l'Etat reverse à la collectivité territoriale de Corse le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers perçus dans l'île. Une extension de cette pratique donne lieu à des débats récurrents. Ainsi, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi appelé à devenir la loi du 10 janvier 1980, le rapporteur du texte au nom de la commission des finances, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, déclarait : " Nous serons obligés d'en venir un jour à la suppression de la taxe d'habitation et à son remplacement par une affectation directe aux collectivités locales d'une partie de l'impôt sur le revenu " 373( * ) .

Au cours de l'été 1999, un article du président de la région Limousin, M. Robert Savy, relançait le débat sur le partage des impôts d'Etat. Votre rapporteur ne se prononce pas en sa faveur car elle ne constituerait qu'une forme améliorée de prélèvements sur les recettes de l'Etat, dont l'expérience a montré que l'Etat n'était pas prêt à fixer les modes d'indexation en partenariat avec les collectivités locales. En outre, cette solution ne permet de maintenir la capacité des collectivités locales à voter le taux des impôts qu'elles perçoivent.

Par ailleurs, cette solution provoquerait des transferts de richesse entre collectivités locales puisque les bases des impôts nationaux ne sont pas réparties sur le territoire de la même manière que celles des actuels impôts locaux.

Transférer certains impôts

Les lois de décentralisation ont prévu que les compétences transférées aux collectivités seraient financées au moins pour moitié par des transferts d'impôts d'Etat. Avec les droits de mutation, la vignette et la taxe sur les cartes grises, les départements et les régions ont ainsi pu bénéficier de ressources certes volatiles, mais globalement dynamiques.

Cette pratique a été abandonnée depuis le milieu des années 80 mais le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer discutée au Parlement au printemps 2000 lui a donné une nouvelle actualité en prévoyant le transfert aux départements d'outre-mer le vote des taux des droits sur les tabacs.

Il conviendrait d'explorer la possibilité de nouveaux transferts. Dans un premier temps, ces transferts pourraient se substituer aux compensations d'exonérations versées par l'Etat aux collectivités locales.

Permettre le vote de taux additionnels aux impôts perçus par l'Etat

En Espagne, depuis 1997, les communautés autonomes peuvent voter des taux additionnels à l'impôt sur le revenu, voire en modifier le barème.

Les solutions de ce type permettent de conserver aux collectivités locales un pouvoir en matière de vote des taux tout en les faisant bénéficier d'impôts modernes et dynamiques. En période de basse conjoncture, les collectivités locales subiraient les mêmes contraintes que l'Etat. Elles présentent également l'avantage de ne pas conduire à des transferts de richesse entre collectivités.

En revanche, elles peuvent se révéler contre-péréquatrices s'il s'avère que les bases des impôts d'Etat sont plus importantes dans les collectivités riches.

Créer de nouveaux impôts

L'Italie a créé en 1997 un nouvel impôt régional sur les entreprises et deux impôts régionaux et communaux additionnels à l'impôt sur le revenu. Ce trois nouveaux impôt ont remplacé d'anciens impôts archaïques.

En France, l'Etat créé à son profit de nouveaux impôts à fort rendement, tels que la contribution sociale généralisée (CSG) ou la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). La même créativité pourrait être utilisée pour procurer aux collectivités locales des sources de revenus modernes et adaptées à leurs besoins et, à terme, remplacer certains des impôts actuels.

Le partage de l'impôt sur le revenu dans plusieurs pays de l'Union européenne

Les différentes modalités de partage de l'impôt sur le revenu entre l'Etat et les collectivités locales dans les pays de l'Union européenne témoignent de la diversité des moyens de faire bénéficier les collectivités locales du produit d'impôts modernes et dynamiques tout en, dans certains cas, préservant ou accentuant leur marge de manoeuvre fiscale.

Pays-Bas

L'impôt sur le revenu, comme l'ensemble des impôts d'Etat, alimente un fonds qui est ensuite reversé aux collectivités locales. Le montant des sommes affectées au fonds est déterminé par le Gouvernement, en fonction de l'évolution des besoins des collectivités, et fait l'objet d'un vote du Parlement.

Allemagne

Le produit de l'impôt sur le revenu est partagé entre l'Etat fédéral et les collectivités locales en fonction d'une clef de répartition fixe : 42,5 % pour l'Etat fédéral, 42,5 % pour les länder et 15 % pour les communes.

Danemark

Outre le barème national, l'impôt sur le revenu comprend un taux provincial, un taux communal et un " complément ecclésiastique communal ".

Les taux de ces trois compléments locaux sont fixés librement par les autorités provinciales et communales. Toutefois, l'addition des taux nationaux et locaux ne doit pas conduire à un prélèvement global supérieur à 58% du revenu imposable d'un contribuable. L'éventuel excédent est restitué au contribuable par l'Etat et les collectivités locales.

Belgique

Les communautés linguistiques et les régions bénéficient du reversement d'une fraction de l'impôt sur le revenu perçu par l'Etat. Les régions peuvent également voter des impôts additionnels à l'impôt sur le revenu ou, au contraire, accorder des remises.

Les communes peuvent créer librement des centimes additionnels à l'impôt d'Etat sur le revenu.

Italie

Depuis le 1 er janvier 1998, une fraction de l'impôt sur le revenu calculé selon le barème d'Etat est prélevée pour le comptes des budgets régionaux. A compter de 2000, le taux, fixé par les régions, est compris entre 0,5 % et 1%.

Depuis le 1 er janvier 1999, les communes perçoivent un impôt additionnel à l'impôt sur le revenu, dont la base est constituée du revenu imposable à l'impôt sur le revenu. Le taux de cet impôt comprend deux composantes : un taux fixe déterminé par l'Etat et un taux variable déterminé par les communes. Il est plafonné à 0,2 %, l'augmentation ne pouvant dépasser 0,5 % en trois ans.

Espagne

Depuis le 1 er janvier 1997, les communautés autonomes ont le pouvoir de voter un barème d'impôt sur le revenu, en complément du barème d'Etat allégé d'autant, ainsi que de moduler les abattements et les réductions d'impôt. En mars 1999, huit communautés autonomes en avaient utilisé cette faculté. Le montant de l'impôt régional sur le revenu ne peut être inférieur ou supérieur de 20 % au montant de l'impôt d'Etat appliqué au même revenu.

Par ailleurs, une fraction de l'impôt perçu par l'Etat doit être reversée aux communautés autonomes. Cette fraction est progressivement portée de 15 % à 30 %.

Depuis 1980 et 1981, au Pays basque et en Navarre, l'impôt sur le revenu, comme l'ensemble des impôts à l'exception de la TVA et des droits de douane, est géré, collecté et perçu par les deux communautés autonomes. Il est prévu que le poids global des prélèvements obligatoires de nature fiscale ne peut être inférieur au poids des mêmes prélèvements perçus par l'Etat.

Source : Direction de la législation fiscale.

II. UNE PÉRÉQUATION RENFORCÉE

A. LA PÉRÉQUATION EST-ELLE COMPATIBLE AVEC LA DECENTRALISATION ?

1. Les termes du débat

Les écarts de richesse entre les différentes parties du territoire s'accroissent depuis vingt ans. La péréquation est donc indispensable pour préserver l'homogénéité du tissu économique et social national.

La décentralisation et l'autonomie fiscale des collectivités locales sont parfois ressenties comme de nature à entretenir ces inégaliités plutôt qu'à les résorber.

2. La péréquation est le corollaire de la décentralisation

L'échange reproduit ci-dessous entre une ministre et un parlementaire élu local, intervenu à l'occasion du débat au Sénat sur la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, témoigne de deux conceptions différentes de la péréquation :

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat : (...) la libre administration des collectivités locales poussée jusqu'à son terme signifie-t-elle que chacun garde ses ressources et refuse de " péréquer " en faveur des régions le plus pauvres ?

M. Jean-Pierre Raffarin : C'est le rôle du contrat de plan. 374( * )

D'une part, la ministre oppose libre administration et péréquation et sous entend que seule une politique étatique centralisée permet d'assurer la redistribution des richesses entre les territoires.

D'autre part, notre collègue souligne que, dans un Etat unitaire décentralisé, il appartient à l'Etat de maintenir la cohérence territoriale non pas en ponctionnant les ressources fiscales des collectivités locales, dont il convient de respecter l'autonomie, mais en modulant le montant des concours financiers qu'il verse aux collectivités locales en fonction de leur richesse .

L'exemple des contrats de plan est révélateur. Ces contrats représentent une enveloppe financière très importante, que l'Etat pourrait répartir en tenant compte de la richesse des régions. Pourtant, il ne le fait pas. La volonté initiale de classer les régions en trois groupes en fonction de leur niveau de richesse pour les attributions des contrats 1994-1999 n'a pas été respectée. Pour les contrats de plan 2000-2006, l'objectif de modulation en fonction des richesse n'a même pas été repris.

En réalité, la politique consistant à vouloir opérer une redistribution des richesses fiscales entre les collectivités trahit l'incapacité de l'Etat à introduire plus de péréquation dans les critères de répartition des dotations qu'il verse aux collectivités locales.

B. AMÉLIORER LE CARACTÈRE PÉRÉQUATEUR DE LA DGF

En 2000, seuls 13 % des crédits de la DGF des communes sont consacrés à la péréquation.

Plusieurs solutions sont possibles pour améliorer cette proportion. Leur mise en oeuvre serait cependant particulièrement délicate car ces solutions ont pour effet soit d'aboutir à des transferts de richesses entre collectivités soit d'accroître le coût de la DGF pour l'Etat.

1. Modifier l'ordre de répartition des composantes de la DGF ?

Le droit actuel prévoit que les crédits supplémentaires résultant de l'augmentation du montant de la DGF d'une année sur l'autre sont répartis entre la dotation forfaitaire, versée à toutes les communes, et la dotation d'aménagement, péréquatrice et versée aux structures intercommunales et aux communes défavorisées, selon une clef de répartition défavorable à la péréquation puisque le comité des finances locales doit affecter à la dotation forfaitaire entre 50 % et 55 % du taux de croissance de la DGF.

En d'autres termes, la dotation d'aménagement constitue le solde de la DGF des communes une fois déterminé le montant de la dotation forfaitaire. Son taux de progression ne peut pas dépasser 50 % de l'augmentation de la DGF, et peut descendre, comme en 2000, jusqu'à 45 %.

A titre de comparaison, le code général des collectivités territoriales prévoit que, au sein de la DGF des départements, la dotation de péréquation représente 45 % des crédits disponibles.

Une première piste pour renforcer le poids de la péréquation dans la DGF des communes consisterait à renverser les rôles et à décider que la dotation d'aménagement reçoit entre 50 % et 55 % de l'augmentation de la DGF au titre d'une année, la dotation forfaitaire recevant le solde.

Une telle solution permettrait d'affirmer clairement le choix de la péréquation au détriment du minimum garanti pour toutes les communes. Elle pourrait également constituer une incitation à l'intercommunalité, les communes soucieuses de compenser la baisse de leur dotation forfaitaire ayant intérêt à adhérer à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, puisque ces EPCI perçoivent tous une DGF.

Cette solution comporterait pourtant des inconvénients puisqu'elle pénaliserait les communes qui, sans être riches, ne sont pourtant pas éligibles aux dotations de solidarité qui constituent la dotation d'aménagement, la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). De tels cas de figure sont courants du fait du caractère imparfait des critères d'éligibilité aux dotations de solidarité (de la DSU en particulier, qui est accordée en fonction du nombre de logement sociaux mais ne tient pas compte du " parc social de fait ").

L'éventuelle entrée en vigueur de cette solution est donc conditionnée par une révision des critères d'attribution des dotations de solidarité, afin d'éviter qu'une réforme tendant à améliorer la péréquation ne pénalise certaines communes défavorisées.

2. Dissocier la dotation d'intercommunalité de la DGF des communes ?

La dotation d'aménagement représente 13 % des crédits de la DGF des communes en 2000. Parmi ces 13 %, 6 % sont consacrés à la dotation d'intercomunalité et 7 % à la DSU et la DSR.

La part de la péréquation en faveur des communes n'augmente pas, en raison du développement de l'intercommunalité, qui aboutit à accroître chaque année le montant de la dotation correspondante. Pour compenser la faible progression de la DSU et de la DSR, les Gouvernements dégagent chaque année des crédits supplémentaires, qu'ils consacrent aux deux dotations de péréquation.

Pour améliorer la lisibilité du dispositif et éviter que l'intercommunalité ne pèse sur la DSU et la DSR, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, a proposé de dissocier la dotation d'intercommunalité de la DGF des communes. De cette façon, la DSU et la DSR pourraient bénéficier de l'intégralité de l'augmentation de la dotation d'aménagement et parvenir à des taux de progression acceptables.

Les crédits consacrés aujourd'hui par le Gouvernement à majorer la DSU et la DSR pourraient directement être affectés à l'intercommunalité. Le Gouvernement s'est partiellement engagé dans cette voie avec la loi sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale, qui organise pour les nouvelles communautés d'agglomération un financement extérieur à l'enveloppe de la DGF des communes. Ces communautés bénéficient d'un abondement de 500 millions de francs du montant de la dotation d'intercommunalité et, si cette somme est insuffisante, d'un prélèvement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

Cette solution présente l'avantage de réserver la DGF des communes aux communes et de garantir une meilleure progression du montant des dotations de solidarité.

Elle présente l'inconvénient d'avoir un coût budgétaire puisqu'elle remet en cause le principe de la répartition à enveloppe fermée entre les EPCI et les communes. Dans la situation actuelle, si la dotation d'intercommunalité augmente beaucoup, la DSU et la DSR jouent le rôle de variable d'ajustement. Dans le cadre d'une enveloppe autonome pour la dotation d'intercommunalité, l'augmentation mécanique du montant de cette dotation, en raison de l'augmentation du nombre d'habitants résidant dans des communes appartenant à des structures intercommunales, se traduira par une augmentation du coût pour l'Etat du financement de l'intercommunalité.

Toutefois, des simulations seraient nécessaires pour déterminer dans quelle proportion le surcoût qui en résulterait pour l'Etat serait supérieur aux sommes qu'il consacre chaque année à améliorer le taux de progression de la DSU et de la DSR et pour financer les communautés d'agglomération.

En 1994, le commissariat général du Plan 375( * ) proposait de " réviser la dotation ville-centre afin de favoriser les regroupements intercommunaux ", autrement dit de réorienter vers le financement de l'intercommunalité les crédits de la fraction " bourgs-centres " de la DSR.

3. Lier l'évolution de la dotation forfaitaire à celle de la dotation d'intercommunalité ?

Le développement de l'intercommunalité aboutit à une situation paradoxale : les communes transfèrent des compétences à des EPCI, qui perçoivent une DGF en contrepartie, mais, dans l'autre sens, la dotation forfaitaire des communes ne baisse pas lorsqu'elles n'exercent plus certaines compétences.

Les mécanismes actuels de répartition de la DGF conduisent donc à financer deux fois les mêmes compétences : une fois en versant aux communes leur dotation forfaitaire et une deuxième fois en versant une dotation d'intercommunalité aux EPCI.

Il pourrait être envisagé, pour tirer les conséquences du développement de l'intercommunalité, de mettre progressivement fin à ces doublons en accordant une moindre dotation forfaitaire aux communes membres de structures intercommunales à fiscalité propre, à due concurrence des compétences qu'elles ont transférées.

Les sommes ainsi dégagées viendraient majorer le montant de la DSU et de la DSR.

C. RATIONALISER LES DISPOSITIFS ACTUELS

Les mécanismes actuels de péréquation souffrent de trois faiblesses :

- il sont complexes. Chaque année, lors de la séance du comité des finances locales consacrée à la répartition des crédits du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et du fonds national de péréquation (FNP), les élus dénoncent l'opacité et la complexité de ces deux " usines à gaz " ;

- ils ne font l'objet d'aucune évaluation quand à leur efficacité ;

- leurs moyens sont limités.

1. Simplifier les dispositifs actuels ?

L'objectif de dispositifs péréquateurs est de parvenir à la correction la plus fine possible des écarts de richesse. Les critères d'éligibilité aux différents fonds de péréquation sont donc inévitablement complexes. Le ministère de l'intérieur consacre chaque année beaucoup d'énergie pour collecter les données qui permettent d'établir les indices synthétiques déterminant l'éligibilité au fonds de solidarité de la région Ile-de-France, à la dotation de solidarité urbaine ou à la dotation de solidarité rurale.

S'agissant du FNPTP, du FNP ou encore des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), la longueur des articles du code général des impôts qui leur sont consacrés est inversement proportionnelle au volume des crédits qui leur sont affectés :

- les ressources des FDPTP dépendent de l'écrêtement de bases de taxe professionnelle, qui est calculé de manière différente selon que ces bases sont communales, intercommunales, selon le régime fiscal de la structure intercommunale concernée et selon la catégorie à laquelle elle appartient. La répartition des crédits obéit également à des règles différenciées en fonction de ces mêmes paramètres ;

- le FNPTP et le FNP pâtissent également de la diversité d'origine de leurs ressources. Leurs dépenses sont soit décidées par le comité des finances locales, soit financées par prélèvement " automatique " sur leur recettes.

Les bénéficiaires de ces fonds sont aujourd'hui dans l'incapacité de percevoir précisément les raisons de la modification d'une année sur l'autre du montant des attributions qui leur sont versées, d'autant plus que, chaque année ou presque, la loi de finance modifie les règles du jeu.

L'amélioration de la lisibilité du fonctionnement des fonds de péréquation passe par une meilleure identification de l'objet de chacun des dispositifs. En 2000, le FNPTP et le FNP remplissent sept missions différentes, certaines n'ayant d'ailleurs aucun lien avec la réduction des écarts de richesse entre territoires.

Toutefois, une telle entreprise de clarification, si elle débouchait sur une simplification des mécanismes de répartition, conduirait inévitablement à des transferts de ressources entre collectivités. Le bien fondé de ces transferts serait difficile à établir en raison de l'absence d'instrument de mesure de l'efficacité des différents instruments financiers de la péréquation.

2. Mieux cibler les dispositifs actuels ?

Les critères d'éligibilité aux différents instruments de péréquation conduisent à verser des attributions à un nombre très élevé de communes. En 2000 :

- 92 % des communes sont éligibles à la fraction " péréquation " de la dotation de solidarité rurale ;

- 76 % des communes de plus de 10.000 habitants sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine (mais seulement 12 % des communes dont la population est comprise entre 5.000 et 10.000 habitants) ;

- 51 % des communes de plus de 10.000 habitants de la région Ile-de-France sont éligibles au FSRIF ;

- 48 % des communes bénéficient d'attributions du FNP.

Mécaniquement, un durcissement des critères d'éligibilité à ces dotations permettrait d'accroître le montant des transferts en direction des communes les plus défavorisés.

Toutefois, plus des critères d'éligibilité sont stricts, plus ils se doivent d'être fiables afin d'éviter les injustices. Or, déjà aujourd'hui, les critères d'éligibilité, notamment ceux de la DSU, laissent de côté certaines communes qui, au regard de leur potentiel fiscal, ne peuvent pas être considérées comme riches.

3. Renforcer les moyens des dispositifs actuels ?

Les crédits consacrés aux instruments financiers de la péréquation sont en deçà des besoins.

Ce constat a conduit le parti socialiste, au cours de sa convention consacrée aux " territoires " tenue en juin 2000, à préconiser de porter à 25 % la part des concours de l'Etat ayant une vocation péréquatrice. Il a estimé la proportion actuelle à environ 15 %.

Ce taux correspond à la part de la péréquation dans la DGF. La part du total des concours péréquateurs dans l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales est de 10,4 %. Le montant total des crédits de la péréquation (c'est-à-dire les dotations péréquatrices versées par l'Etat ajoutées aux dispositifs de redistributions entre collectivités) est de 23,1 milliards de francs, soit le quart du montant total de la DGF.

L'augmentation de ce montant par réorientation vers les collectivités défavorisées de crédits aujourd'hui attribuées sans condition de richesse se heurte au problème des transferts de richesse et à la difficulté de définir des critères d'éligibilité fiables.

L'augmentation de ce montant par augmentation de la masse totale des concours de l'Etat aux collectivités locales est également envisageable puisque, aujourd'hui, l'Etat perçoit de manière indue des crédits qui auraient vocation à alimenter les budgets locaux et qui pourraient donc légitimement être réorientés vers la péréquation. Il en va ainsi :

- du produit de la fiscalité locale de France Télécom , dont les collectivités locales ne perçoivent, par le biais du FNPTP, que la fraction du produit supérieure au produit acquitté en 1994, soit environ un tiers du total en 2000. L'Etat continue de percevoir l'équivalent du produit de la fiscalité locale de France Télécom en 1994, soit près de 5 milliards de francs.

De nombreux élus locaux plaident en faveur d'une mise au droit commun de la fiscalité locale de France Télécom. Cette évolution semble inévitable, notamment pour des raisons de concurrence équitable entre France Télécom et ses concurrents. Cependant, à titre transitoire, l'Etat pourrait décider d'affecter une fraction plus importante de ce produit au FNPTP 376( * ) ;

- du produit de la majoration de la cotisation de péréquation décidée par la loi de finances pour 1989. Entre 1990 et 1998, plus de 40 % du produit de cette cotisation a alimenté le budget de l'Etat et non le FNPTP. Cette proportion a augmenté depuis la loi de finances pour 1999 qui a majoré cette cotisation pour financer le coût pour l'Etat de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.

Dans un rapport consacré à la péréquation de la taxe professionnelle 377( * ) , notre collègue député Gérard Fuchs a jugé qu'il serait " ambitieux (...) d'accroître la part de l'augmentation du taux de la cotisation de péréquation allant aux fonds de péréquation. Votre rapporteur ne méconnaît pas la difficulté d'une telle entreprise, compte tenu des contraintes budgétaires, alors que la compensation par l'Etat de la réforme de la taxe professionnelle est évaluée par la loi de finances pour 1999 à 11,8 milliards de francs pour la seule année 1999 ".

L'affectation au FNPTP de la majoration de 1989 au lieu de celle de 1999 permettrait de concilier le souci de M. Fuchs de ne pas remettre en cause l'équilibre financier de la réforme de la taxe professionnelle tout en majorant les ressources du FNPTP de plus de 1,5 milliard de francs. La perte de recettes pour le budget de l'Etat ne devrait pas être considérée comme une réduction de ses ressources mais comme la disparition d'un avantage indu, dans le cadre d'un retour à l'esprit de la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, qui a prévu que le produit de la cotisation de péréquation était destiné à financer le FNPTP ;

- du montant des réfactions appliquées à certaines compensations versées aux collectivités locales dont les recettes fiscales augmentent rapidement . Plusieurs dispositions législatives prévoient que le montant des compensations d'exonérations fiscales versées à une collectivité est réduit si le produit des quatre taxes perçu par cette collectivité augmente à un rythme élevé. Les collectivités dont le produit des quatre taxes augmente faiblement sont dispensées de réfaction.

Le jeu des réfactions est aujourd'hui un moyen pour l'Etat de réduire le coût des compensations. S'il était prévu que les économies ainsi réalisées étaient consacrées à alimenter un fonds de péréquation, les réfactions deviendraient un instrument de la réduction des écarts de richesses entre collectivités.

En 1994, le commissariat général du Plan préconisait d'augmenter les crédits consacrés à la péréquation en regroupant " l'ensemble des compensations dans un fonds de péréquation à vocation nationale ". La mise en oeuvre d'une telle proposition se heurterait aux difficultés pratiques de détermination des critères d'éligibilité suffisamment incontestables pour justifier l'atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités que constituerait une remise en cause totale des compensations qu'elles perçoivent au titre des exonérations de leurs bases fiscales.

Votre rapporteur préfère se réjouir du succès de la forme la plus décentralisatrice de péréquation, la mise en commun volontaire des recettes de la taxe professionnelle, principale source d'écart de richesse entre collectivités, dans le cadre de la taxe professionnelle unique (TPU). Entre 1999 et 2000, le nombre de communes concernées par ce régime fiscal a été multiplié par trois, de même que le nombre d'habitants résidant dans des communes à TPU.

III. UNE NOUVELLE DONNE POUR LES CONCOURS DE L'ÉTAT

Si on considère que des concours de l'Etat aux collectivités locales adaptés devraient, d'une part, permettre aux collectivités locales d'exercer leurs compétences dans de bonnes conditions et, d'autre part, ne pas être de nature de remettre en cause l'équilibre des finances publiques, force est de constater que la configuration actuelle ne répond pas à ces deux exigences.

La politique de remplacement des impôts par des dotations budgétaires entraîne une augmentation rapide des dépenses structurelles incompressibles de l'Etat tandis que, au contraire, les dotations de fonctionnement, d'équipement et de compensation des charges transférées, augmentent moins vite que le coût des dépenses obligatoires des collectivités locales.

A. FIXER DES RÈGLES DU JEU CLAIRES

1. Instaurer un véritable rendez-vous triennal

Les finances locales sont un domaine dans lequel le " pilotage à vue " est la règle. Certaines réformes très importantes pour l'équilibre financier des collectivités locales résultent de textes préparés dans l'urgence et sans concertation, comme la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle ou la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

En matière de dotations, les taux d'indexation restrictifs prévus par la loi sont régulièrement contournés à l'occasion de l'examen des lois de finances au gré de la conjoncture économique mais aussi du degré d'insatisfaction rencontré parmi les élus de terrain de la majorité parlementaire. Les effets d'annonces se multiplient, et se traduisent par la mise en place de " tuyaux " entre les dispositifs, les mesures nouvelles annoncées par un Gouvernement étant souvent financées en prélevant les crédits d'autres enveloppes. La création de l'enveloppe normée pluriannuelle des concours de l'Etat aux collectivités locales n'a pas constitué un progrès à cet égard.

En matière de dépenses, les charges nouvelles interviennent au gré des évolutions législatives et réglementaires, en dehors de toute cohérence .

L'inscription des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales dans un cadre triennal aurait pu contribuer à remédier à certains de ces travers si elle avait su dépasser la logique purement budgétaire . Il convient aujourd'hui de " densifier " le contenu des pactes ou des contrats appelés à régir pendant trois ans les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales en instaurant un véritable " rendez-vous  triennal ", dont l'ordre du jour comprendrait trois volets :

- l'annonce par le Gouvernement de la norme de progression qu'il entend appliquer à l'enveloppe normée des concours aux collectivités locales ;

- une présentation détaillée des hypothèses à partir desquelles cette norme a été établie. Cette présentation comprendrait les prévisions d'évolution des dépenses des collectivités locales pour la période concernée ainsi que les prévisions d'évolution des autres recettes des collectivités locales, fiscales notamment. Le Gouvernement expliquerait également de quelle manière ses orientations en matière de finances locales s'inscrivent dans le cadre général de sa stratégie budgétaire ;

- l'annonce des réformes susceptibles d'intervenir en matière de finances locales pendant la période concernée. Ces réformes seraient prises en compte dans la détermination de la norme d'évolution. Aucune autre réforme susceptible de remettre en cause les prévisions de recettes et de dépenses retenues par le Gouvernement pour établir la norme de progression de l'enveloppe normée ne pourrait entrer en vigueur pendant la période de trois ans 378( * ) .

Les conditions de détermination de l'évolution des concours de l'Etat reflètent largement la nature de la relation entre l'Etat et les collectivités locales. En Grande-Bretagne, l'Etat fixe cette norme d'évolution de manière unilatérale, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur l'évolution des besoins des collectivités locales. En Allemagne, système fédéral, c'est la Constitution qui organise le partage de la richesse nationale entre le niveau central et les collectivités locales.

En France, la détermination du montant des enveloppes accordées aux collectivités locales appartient essentiellement au pouvoir exécutif en raison de la faible marge de manoeuvre du Parlement en matière budgétaire. En l'état actuel de notre droit constitutionnel, il ne peut pas en être autrement. Toutefois, les collectivités locales peuvent légitimement attendre de l'Etat qu'il justifie les options qu'il retient, et qu'il ne modifie pas les règles du jeu en cours de route.

Le rendez-vous triennal présenterait l'avantage de remédier à l'opacité actuelle des règles d'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales, souvent ressenties comme arbitraires par les élus locaux, en faisant apparaître clairement les enjeux, les choix et les perspectives d'avenir.

2. Associer les collectivités locales aux décisions qui ont des conséquences sur leurs budgets

Les efforts réalisés par les collectivités locales en matière d'assainissement financier sont remis en cause par l'intervention de dispositions législatives et réglementaires qui s'imposent à elles et qui se traduisent par une aggravation de leurs charges.

Il en est ainsi particulièrement dans le domaine des rémunérations des agents et des normes techniques qui s'appliquent à leurs équipements. Dans ces deux domaines, il est urgent de revoir les procédures applicables :

- les collectivités locales devront désormais être associées à la négociation des accords salariaux dans la fonction publique. Les décisions prises par l'Etat dans ce domaine ont des conséquences très lourdes pour les budgets locaux. Entre 1990 et 1997, les dépenses de personnel de l'Etat ont progressé de 32 % tandis que celles des administrations publiques locales ont augmenté de 46 %. Ce taux de progression supérieur n'est pas due uniquement aux recrutements, qui n'expliqueraient qu'un cinquième de l'augmentation des dépenses locales, mais aussi à la structure de la fonction publique territoriale qui compte une proportion plus élevée d'agents de catégorie C. En 2000, l'accord salarial du 10 février 1998 se traduit par un surcoût de 41,3 milliards de francs, dont 23,3 %, soit 10 milliards de francs, à la charge des collectivités locales. Pourtant, les collectivités n'ont pas été associées à la négociation de cet accord.

- en matière de normes techniques , votre mission a déjà plaidé, dans son rapport d'étape, pour une nouvelle approche 379( * ) qui aboutisse notamment à accroître la participation des représentants des élus dans les instances où sont étudiées et décidées les normes ; à préciser l'étude d'impact afin d'évaluer le coût des normes sur les budgets ; à établir un lien juridique entre la durée de validité des normes respectées lors de la réalisation d'un équipement et la durée d'amortissement comptable de cet équipement.

Les dispositions ayant une incidence sur les budgets locaux, qu'elles donnent lieu ou non à compensation financière, devraient systématiquement et préalablement à leur entrée en vigueur être soumises à l'avis d'instances telles que le comité des finances locales, à qui le Gouvernement a pris l'habitude de soumettre certains textes, mais surtout la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC).

L'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà une procédure de consultation de la CCEC dans le cadre des compétences transférées. Cette disposition n'est pas toujours respectée puisque la commission ne s'est pas réunie entre 1996 et 1999, et que cela n'a pas empêché la publication de textes législatifs et réglementaires relatifs aux dépenses et aux recettes transférées.

Depuis 1995, le bilan des transferts de charges réalisé par la commission, dans le cadre d'un rapport au Parlement, comprend également un bilan des charges qui ne s'inscrivent pas dans le cadre des compétences transférées. Cet apport pourrait être complété en prévoyant que la commission émet un avis sur tous les textes qui ont un impact financier sur les collectivités locales, et pas seulement sur les transferts de compétences au sens strict. L'avis de la commission devrait comprendre une évaluation précise des conséquences des dispositions proposées sur les budgets locaux .

Dans les deux cas, la consultation de la CCEC devrait être préalable à l'examen de la disposition concernée par le Parlement s'il s'agit d'une mesure législative ou de la publication du texte au journal officiel s'il s'agit d'une disposition réglementaire.

B. REVOIR LE MODE D'INDEXATION DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT

A l'exception des dégrèvements, dont le montant évolue de manière automatique, et des subventions, dont le montant dépend de la volonté de l'Etat, les concours de l'Etat aux collectivités locales évoluent en fonction d'indexations fixées par la loi.

Les taux d'indexation des dotations de l'Etat aux collectivités locales sont donc au coeur des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales. Ils jouent un rôle de plus en plus grand depuis que les impôts locaux sont progressivement transformés en dotations.

1. Associer les collectivités locales à la croissance

Depuis la création de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, les débats sur la pertinence du mode d'indexation de chaque dotation a été éclipsé par celui sur le taux d'évolution de l'" ensemble " qui regroupe toutes les dotations de fonctionnement et d'équipement. En effet, si l'indexation de l'une des composantes de l'enveloppe normée est revalorisée, cela se traduit par une réduction du montant de la variable d'ajustement, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, (DCTP).

Pourtant, les deux débats doivent être menés de front :

a) Quelle progression pour l'enveloppe normée ?

Le débat sur le taux d'indexation de l'enveloppe normée est en réalité un débat sur le taux de progression de la DCTP , puisque toutes les autres dotations qui composent l'enveloppe évoluent en fonction de mécanismes qui n'ont pas été modifiés depuis 1996. Par conséquent, la véritable question dans le cadre d'une réflexion sur le fonctionnement d'une enveloppe normée est : dans quelles conditions peut-il être acceptable pour les collectivités locales de consentir à une baisse de la DCTP ?

Le rôle de la variable d'ajustement est de permettre un plafonnement de la contribution de l'Etat. Dès lors, il faut admettre que la dotation qui joue ce rôle puisse baisser. En revanche, organiser une baisse annuelle du montant de la variable d'ajustement comme c'est le cas depuis 1996 n'est pas acceptable.

Il s'agit donc de déterminer quel est le " bon plafond " pour l'enveloppe normée. Votre rapporteur considère que l'enveloppe normée devrait augmenter au même rythme que sa principale composante, la DGF . Dans ce cas de figure, la DCTP ne baisserait que si les autres dotations qui composent l'enveloppe normée augmentaient plus vite que la DGF. Si les autres dotations évoluaient moins vite que la DGF, la DCTP continuerait à progresser, ce qui serait légitime puisque, à l'origine, la DCTP est une compensation d'exonérations de bases de taxe professionnelle qui, elles, continuent à augmenter.

Dans l'état actuel du mode de calcul de l'enveloppe normée 380( * ) , le bon taux de progression à retenir pour l'enveloppe serait " l'indice de la DGF ", qui prend en compte l'évolution des prix et la moitié du taux de croissance en volume du produit intérieur brut.

Cette suggestion reste une proposition a minima puisqu'elle revient à considérer que l'Etat, malgré la contribution positive des collectivités locales aux finances publiques et au dynamisme de l'économie nationale, n'accorderait aux collectivités locales que la moitié de la croissance du PIB en valeur.

b) Quelle progression pour les dotations de fonctionnement et d'équipement ?

Pour permettre un plafonnement des concours de l'Etat sans réduire arbitrairement le montant de la DCTP, il conviendrait que l'enveloppe normée évolue au même rythme que sa principale composante, la DGF. Une fois posé ce préalable, il n'en reste pas moins que les modalités d'indexation des dotations qui composent l'enveloppe normée doivent elles aussi faire l'objet d'un nouvel examen.

Ces dotations évoluent selon trois modes d'indexation différents :

- le taux d'évolution de la formation brute de capital fixe des administrations publiques s'applique aux trois dotations d'équipement, la dotation globale d'équipement et les deux dotations de compensation des charges transférées, la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC) et la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES).

Ce taux paraît le plus approprié, même si les crédits de la DRES et de la DDEC n'ont pas permis de couvrir l'ensemble des dépenses résultant du transfert des compétences correspondantes. S'il fallait remédier à cette difficulté, une revalorisation périodique de l'assiette des dotations serait préférable à une modification de leur indexation, qui a le mérite d'être lisible et adaptée au type de dépense financé par ces dotations ;

- le taux d'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat s'applique aux dotations de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de péréquation. Ce mode d'indexation est également pertinent s'agissant de dotations qui, historiquement, ont été mises en place pour remplacer l'affectation à ces fonds de compensations d'exonérations fiscales. Toutefois, il conviendrait de préciser que ce taux est calculé indépendamment des modifications du périmètre du budget de l'Etat 381( * ) ;

- le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement concerne évidemment la DGF, mais également plusieurs dotations qui évoluent comme elle, au premier rang desquelles la DGD et ses " satellites " (la DGD Corse et la DGD Formation professionnelle).

Le taux d'évolution de la DGF est différent de l'indice de la DGF prévu à l'article L.1613-1 du code général des collectivités territoriales puisqu'il tient compte du recalage de la base de la DGF et de la régularisation de son montant. Ce taux peut donc être supérieur à celui de l'indice de la DGF. Il lui a le plus souvent été inférieur.

Sachant que les dépenses obligatoires des collectivités locales augmentent à un rythme soutenu, leur principale dotation de fonctionnement doit-elle continuer à évoluer en fonction d'un indice qui ne tient compte que de la moitié du taux de croissance du PIB en valeur ? Ne devrait-elle pas plutôt dépendre d'un indicateur d'évolution des charges des collectivités locales ? Une telle démarche serait cohérente avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle " le législateur peut définir des catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire ; que toutefois les obligations ainsi mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration " 382( * ) .

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 avait prévu la création d'un indicateur de charges, qui n'a jamais été mis en oeuvre. Lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, a souligné que les pays qui utilisaient de tels mécanismes tendaient à les faire disparaître en raison des difficultés pratiques qu'ils posaient.

Une solution alternative pourrait consister à mettre en place des planchers d'évolution pour les dotations de fonctionnement, en fonction du taux d'évolution de certaines dépenses obligatoires. Par exemple, jusqu'au début des années 90, la DGF ne pouvait pas augmenter moins vite que les rémunérations des agents de la fonction publique territoriale.

Au cours de leur audition par la mission le 8 mars 2000, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, et M. Alain Guengant, ont évoqué la possibilité d'une indexation de la DGF, voire de toutes les dotations de fonctionnement, sur le taux d'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat (à périmètre du budget de l'Etat constant). De cette manière, les collectivités locales bénéficieraient dans les mêmes proportions que l'Etat des recettes fiscales engendrées par la croissance économique et, en cas de ralentissement de l'activité économique, supporteraient le même contrecoup que l'Etat. Dans une telle hypothèse, il conviendrait cependant de neutraliser l'effet des éventuelles baisses d'impôt décidées par l'Etat sur le taux de progression de ses recettes fiscales au titre d'une année.

Le maintien d'un lien entre l'évolution des concours de l'Etat et le taux de croissance du PIB en valeur pourrait également être envisagé, en soulignant que, compte tenu du rôle important de soutien à la croissance joué par les collectivités locales, la part du taux d'évolution du PIB qui leur serait consacrée devrait au moins être supérieure à 50 %.

2. Le cas particulier de l'indexation des compensations d'exonérations fiscales

Depuis la loi de finances pour 1999, les compensations d'exonérations fiscales tendent à être indexées sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Cette indexation concerne désormais la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, la compensation de la part régionale de la taxe d'habitation, la compensation de la taxe additionnelle régionale sur les droits de mutation et la compensation de la baisse du taux des droits de mutation à titre onéreux des départements, incluse dans la dotation globale de décentralisation. Le taux d'évolution de la DGF est déconnecté de l'évolution des bases qui sont compensées. Il évolue souvent moins vite que ces bases.

En 2000, l'écart entre le taux d'évolution de la DGF (0,8 %) et le taux de progression des anciennes bases " salaires " de la taxe professionnelle (plus de 3 %) a conduit le Gouvernement à accepter d'indexer, pour cet exercice seulement, la compensation non pas sur le taux d'évolution de la DGF mais sur l'indice de la DGF prévu par le code général des collectivités territoriales, qui s'élève en 2000 à 2,04 %. En 2001, une telle dérogation ne sera pas nécessaire car le taux d'évolution de la DGF sera vraisemblablement élevé, et supérieur à l'indice de la DGF.

En matière de compensation, il convient de respecter un principe simple : la transformation d'impôt locaux en dotations budgétaires réduit la marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales et se traduit par une modification de leur système de financement, qui a ses partisans et ses détracteurs. Les partisans et les détracteurs de cette modification s'accordent pour penser qu'elle ne doit pas se traduire par une perte de ressource manifeste pour les collectivités locales. Pour que cette volonté commune soit traduite dans les faits, trois évolutions sont possible en matière d'indexation des compensations d'exonérations fiscales :

- prévoir que le taux d'indexation ne peut être inférieur à l'indice de la DGF prévu à l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. Si le taux d'évolution de la DGF est supérieur à l'indice de la DGF, il s'applique. S'il lui est inférieur (en cas de régularisation négative importante par exemple), c'est l'indice de la DGF qui s'applique. De cette manière, les dérogations de même nature que celle accordée en 2000 à la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle n'auront plus à être âprement négociées par les collectivités locales et les parlementaires, mais seront de droit.

- aligner le taux de progression des compensations sur celui des recettes fiscales de l'Etat. Les compensations s'analysant comme un transfert des contribuables locaux vers les contribuables nationaux, il serait légitime que les ressources correspondantes des collectivités locales évoluent dans les mêmes proportions que celles de l'Etat ;

- indexer le montant des compensation sur une fraction du taux de croissance du PIB en valeur comprise entre 50 % et 100 %.

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

Proposition n° 1 : Recentrer l'Etat sur ses compétences régaliennes, ses fonctions de conception et de réglementation, son rôle de garant des grands équilibres économiques et de la solidarité nationale.

Proposition n° 2 : Associer les collectivités locales à l'élaboration des textes réglementaires qui les concernent.

Proposition n° 3 : Promouvoir une nouvelle conception du contrôle de légalité qui le fasse participer à la sécurisation juridique.

Proposition n° 4 : Moderniser le contrôle financier conformément aux orientations retenues par le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes.

Proposition n° 5 : Parfaire les partages des services territoriaux de l'Etat correspondant aux transferts de compétences aux collectivités locales.

Proposition n° 6 Eviter la superposition des services déconcentrés car il n'est pas nécessaire qu'à chaque niveau de collectivité décentralisée corresponde un niveau déconcentré de l'Etat ; regrouper certains services déconcentrés.

Proposition n° 7 : Renforcer l'autorité du préfet sur les services déconcentrés ; pour développer l' " interministérialité " de terrain, généraliser les " pôles de compétences " autour des préfets.

Proposition n° 8 : Instituer une mission de coordination interministérielle placée auprès du Premier ministre, à laquelle seraient rattachés les préfets.

Proposition n° 9 : Poursuivre la simplification du cadre juridique de l'intercommunalité et la rationalisation des structures intercommunales ; renforcer le rôle de la commission départementale de la coopération intercommunale.

Proposition n° 10 N'envisager une éventuelle réforme tendant à élire les délégués intercommunaux au suffrage universel direct qu'une fois acquis le développement de l'intercommunalité de projet autour de structures à fiscalité propre, et préserver la place des communes comme cellules de base de la démocratie locale.

Proposition n° 11 : Encourager les formules de coopération interdépartementale et interrégionale.

Proposition n° 12 : Expérimenter des formules institutionnelles nouvelles, sur la base du volontariat, tenant compte des spécificités locales, dans un cadre juridique précis de nature à garantir le caractère unitaire et indivisible de la République.

Proposition n° 13 : Promouvoir les pays comme espaces de projet, et non pas comme nouvel échelon territorial.

Proposition n° 14 : Assurer une meilleure harmonisation des différents zonages.

Proposition n° 15 : Mieux associer les collectivités locales à la procédure d'attribution des fonds structurels européens.

Proposition n° 16 : Renforcer la coopération décentralisée, notamment en dotant les instances de coopération transfrontalière d'un budget commun, en simplifiant les structures en place, et en favorisant des modes d'action souples et adaptables aux circonstances.

Proposition n° 17 : Afin de mieux adapter la compensation des charges transférées à leur évolution réelle, revaloriser le mode d'indexation de la dotation générale de décentralisation ; réviser périodiquement le montant de la base des compensations ; prévoir la révision automatique du montant des bases lorsque le coût des compétences augmente par suite de modifications législatives des règles relatives à l'exercice des compétences transférées.

Proposition n° 18 : N'admettre aucune exception à la règle légale d'évaluation des charges transférées à la date du transfert.

Proposition n° 19 : Recueillir l'avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges sur le montant des compensations inscrit dans les projets de loi de finances et sur l'arrêté de répartition des crédits entre les collectivités.

Proposition n° 20 : Réserver la contractualisation entre l'Etat et les collectivités aux domaines qui relèvent effectivement d'une responsabilité partagée.

Proposition n° 21 : Associer dès la phase de négociation tous les partenaires dont les compétences seront concernées par le contrat, au plus près des réalités locales.

Proposition n° 22 : Inciter l'Etat à tenir ses engagements contractuels, en prévoyant des sanctions financières en cas de défaillance.

Proposition n° 23 : Donner un contenu légal à la notion de collectivité chef de file pour assurer un rôle de coordination de la programmation et de l'exécution des actions communes à plusieurs collectivités territoriales, sans remettre en cause la prohibition de toute tutelle d'une collectivité sur l'autre.

Proposition n° 24 : Promouvoir l'expérimentation, chaque fois que possible, avant tout éventuel nouveau transfert de compétences.

Proposition n° 25 : Transférer aux régions la responsabilité de la construction et de l'entretien des bâtiments universitaires.

Proposition n° 26 : Transférer à chaque niveau de collectivité la responsabilité de la gestion des personnels concourant à la vie quotidienne dans les établissements d'enseignement entrant dans son domaine de compétences.

Proposition n° 27 : Réorganiser l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) en associations paritaires régionales, afin de renforcer les compétences des régions en matière d'organisation des filières, d'homologation des formations et d'adaptation des règles nationales.

Proposition n° 28 : Transférer aux départements la responsabilité des travaux d'entretien sur les routes nationales non classées, dans le respect des règles de compensation des transferts de charge.

Proposition n° 29 : Transférer à l'Etat les compétences départementales en matière de prévention sanitaire afin d'unifier les blocs de compétence en matière de santé publique.

Proposition n° 30 : Simplifier les règles de prise en charge des personnes handicapées en recentrant la compétence des départements exclusivement sur les fonctions d'hébergement et d'accompagnement social.

Proposition n° 31 : Confier intégralement aux départements l'exercice des missions actuellement assumées en faveur des familles ou des jeunes en difficulté par les fonds de solidarité pour le logement (FSL) et les fonds d'aide aux jeunes (FAJ) en assurant une compensation par transfert des crédits d'Etat affectés à ces fonds.

Proposition n° 32 : Mettre fin à la cogestion en matière d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMI en clarifiant les compétences respectives de l'Etat et des collectivités territoriales dans un cadre partenarial.

Proposition n° 33 : Transférer aux départements l'inventaire, l'Etat conservant ses prérogatives régaliennes en matière de conservation du patrimoine.

Proposition n° 34 : Reconnaître explicitement aux collectivités locales, et en particulier aux communes, la responsabilité des établissements d'enseignement artistique, en associant à cette compétence un financement approprié.

Proposition n° 35 : Reconnaître aux communes un droit à l'expérimentation pour la création d'une police territoriale de proximité, placée sous l'autorité du maire et soumise au contrôle de l'Etat et des procureurs de la République.

Proposition n° 36 : Clarifier le cadre juridique des interventions économiques des collectivités locales en harmonisant la législation nationale avec le droit européen, notamment en supprimant la distinction entre aides directes et indirectes et en redéfinissant les aides selon des critères plus objectifs ; renforcer les moyens juridiques des collectivités locales pour aider à la création d'entreprises innovantes.

Proposition n° 37 : Renforcer le rôle des départements dans le fonctionnement des services d'incendie et de secours.

Proposition n° 38 : Pour mieux adapter la fonction publique territoriale aux spécificités des collectivités locales, professionnaliser les concours et promouvoir le concours sur titres, en reconnaissant l'équivalence des diplômes, pour des qualifications spécifiques.

Proposition n° 39 : Préserver la voie du recrutement contractuel, indispensable élément de souplesse.

Proposition n° 40 : Organiser la représentation des collectivités territoriales employeurs dans les négociations touchant la fonction publique.

Proposition n° 41 : Mutualiser la formation initiale des administrateurs territoriaux avant leur recrutement ; valider les acquis, pour adapter la formation complémentaire à la valeur professionnelle de l'agent ; organiser la formation initiale sur le terrain.

Proposition n° 42 : Imposer aux agents une durée minimale d'emploi dans la collectivité de première affectation.

Proposition n° 43 : Poursuivre l'adaptation des quotas d'avancement et des seuils démographiques.

Proposition n° 44 : Pour rendre la fonction publique plus attractive, lever les obstacles à la mobilité d'une filière à l'autre ; favoriser la mobilité entre collectivités, et entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d'Etat.

Proposition n° 45 : Favoriser la promotion interne comme sanction d'une compétence et reconnaissance de la valeur professionnelle de l'agent.

Proposition n° 46 : Compléter les filières de la fonction publique territoriale par de nouveaux cadres d'emplois, pour prendre en compte les nouveaux métiers.

Proposition n° 47 : Adapter le statut de la fonction publique territoriale à l'évolution de l'intercommunalité.

Proposition n° 48 : Inscrire la garantie de l'autonomie fiscale des collectivités locales dans la Constitution, afin de renforcer le principe constitutionnel de libre administration.

Proposition n° 49 : Moderniser la fiscalité locale en ne négligeant aucune piste : rénover l'assiette des impôts existants ; tranférer de nouvelles ressources fiscales aux collectivités locales, soit pour remplacer les impôts actuels, soit pour remplacer certaines dotations de l'Etat. Ces nouvelles ressources pourraient provenir soit du transfert d'impôts, soit de la possibilité pour les collectivités locales de voter des taux additionnels aux impôts d'Etat, soit de la création de nouveaux impôts.

Proposition n° 50 : Pour améliorer la péréquation, renforcer le caractère redistributif des dotations de l'Etat aux collectivités locales, et notamment de la dotation globale de fonctionnement.

Proposition n° 51 : Mesurer l'efficacité des dispositifs actuels de péréquation de manière à permettre une simplification et un meilleur ciblage.

Proposition n° 52 : Réorienter vers la péréquation des crédits qui en sont aujourd'hui détournés, tels que la fiscalité locale de France Télécom ou une partie de la fraction du produit de la cotisation de péréquation perçue par l'Etat.

Proposition n° 53 : Poursuivre la politique d'encouragement à l'application du régime fiscal de la taxe professionnelle unique.

Proposition n° 54 : Fixer la norme d'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales (" l'enveloppe normée ") après un débat parlementaire au cours duquel auront été présentées les mesures susceptibles d'affecter les budgets locaux, notamment les nouvelles charges, au cours de la période pour laquelle s'applique cette norme d'évolution.

Proposition n° 55 : Associer les collectivités locales aux décisions qui ont des conséquences sur leurs budgets, notamment en matière de rémunération des agents et de détermination des normes techniques.

Proposition n° 56 : Revoir les modalités d'évolution des concours de l'Etat en prévoyant des modes d'indexation qui tiennent compte de l'objet de chaque dotation et qui permettent de faire bénéficier les collectivités de leur contribution à la croissance du produit intérieur brut.

OBSERVATIONS DU GROUPE SOCIALISTE

SUR LES PROPOSITIONS FIGURANT DANS LA MOTION ADOPTÉE
PAR LA MISSION D'INFORMATION SUR LA DÉCENTRALISATION

La décentralisation est aujourd'hui approuvée par l'ensemble des élus comme un acquis irréversible ; ceux-ci souhaitent poursuivre ce mouvement en simplifiant ce qui peut l'être dans le fonctionnement comme dans les champs d'action des institutions locales.

Il était temps de procéder à un bilan. C'est dans cette perspective, que le Gouvernement a confié à Pierre Mauroy la présidence d'une commission, où siègent tous les représentants des associations d'élus, chargée de faire des propositions pour rendre la décentralisation plus légitime, efficace et solidaire. Celle-ci rendra ses conclusions au début de l'automne prochain.

Les travaux de la mission d'information nous paraissent être une contribution intéressante à verser au dossier de la décentralisation.

Ce rapport est plus un constat, qu'un ensemble de propositions concrètes et de ce fait susceptible de recueillir un certain consensus.

Cependant parmi les mesures préconisées dans la motion du rapport de la mission d'information un certain nombre appellent des réserves, inquiétudes, voire opposition de notre part.

Les propositions formulées, apparaissent plus comme une liste de souhaits quelquefois insuffisamment articulés et hiérarchisés que comme des propositions concrètes et précises.

Ainsi par exemple:

Si nous n'avons pas d'opposition a priori à l'idée de promouvoir " une collectivité chef de file " pour les compétences partagées, encore faudrait-il que cette notion soit précisée au regard de critères déterminants (compétence principale, financeur principal...) et veiller à ce qu'elle n'entraîne pas la tutelle d'une collectivité locale sur une autre.

Avant toute réforme tendant au transfert des constructions universitaires à la région, il est indispensable d'évaluer avec précision les besoins pour l'avenir en matière d'investissement et de maintenance des universités. Il en va de même pour le transfert de la gestion des personnels administratifs et techniques des établissements d'enseignement. En règle générale toute modification des compétences entre l'Etat et les collectivités ou entre collectivités doit être précédée d'une étude d'impact approfondie prenant en compte l'existant et les perspectives à moyen terme.

La suggestion " d'ouvrir droit à l'expérimentation pour placer une police territoriale de proximité sous l'autorité des maires" par contre appelle notre opposition totale. L'Etat se doit d'assurer l'égale sécurité de tous. Le principe de libre administration des collectivités locales permet aux communes qui le souhaitent de se doter d'une police municipale. La loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales a fourni un cadre législatif précis à l'action des polices municipales ; il convient de ne pas aller au-delà.

Sur ce plan des missions régaliennes il nous semble dangereux de trop expérimenter en laissant un pouvoir très important aux collectivités locales, lequel pourrait entraîner des dérives.

S'agissant des propositions faites concernant la fonction publique territoriale, la présentation de celles-ci laisse à penser que le recrutement de contractuels serait insuffisant. Or le statut de la fonction publique territoriale permet le recrutement d'agents contractuels pour des tâches spécifiques à durée déterminée ; aller au-delà remettrait en cause le principe du concours qui préside à une fonction publique indépendante et compétente. Nous sommes opposés à toute extension du recrutement de contractuels.

La promotion des métiers territoriaux par les institutions en charges de l'organisation des concours doit être une priorité, afin de recruter dans de bonnes conditions des professionnels devant remplacer les nombreux départs à la retraite et de prendre en compte l'évolution des tâches au sein de nos collectivités dans une perspective prospective. Pour autant nous pensons que les cadres d'emploi existant sont assez larges pour intégrer les nouveaux métiers et qu'il n'est pas nécessaire d'en créer de nouveaux.

En ce qui concerne la rénovation du système du financement local, nous regrettons que la solidarité entre les collectivités locales soit trop peu abordée. De même, il nous semblerait souhaitable de préciser les axes d'une " modernisation de la taxe d'habitation "

Enfin, la proposition de loi constitutionnelle du président Poncelet, est pour nous inacceptable. Outre le fait, qu'elle confère au Sénat un droit de veto parfaitement injustifié sur tous les textes relatifs aux collectivités territoriales, en constitutionalisant les relations entre l'Etat et les collectivités locales elle fait descendre la Constitution à un niveau qui n'est pas le sien. Les règles de compensation des charges transférées sont déjà prévues par les lois de décentralisation et le dispositif proposé impliquerait que l'on modifie la Constitution chaque fois que l'on voudrait adapter ces règles. La nécessaire réforme de la fiscalité locale ne passe pas par une révision constitutionnelle.

ANNEXES

_____

ANNEXE 1

RAPPEL DES PROPOSITIONS DU RAPPORT D'ÉTAPE
DE LA MISSION D'INFORMATION

PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION
EN VUE DE RENFORCER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE
DE L'ACTION LOCALE


I. RÉNOVER L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DES COLLECTIVITÉS LOCALES : DES RÈGLES DU JEU CLAIRES
POUR DES ÉLUS RESPONSABLES

1. Assurer la sécurité juridique en établissant un " corpus " de règles claires

achever la codification des textes applicables aux collectivités locales, non seulement la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales mais aussi les codes sectoriels intéressant les compétences locales ;

codifier les incriminations relevant du droit pénal spécial ;

• clarifier les règles applicables dans plusieurs secteurs d'intervention des collectivités locales et rechercher une simplification des textes, notamment en matière financière et fiscale ;

promouvoir une nouvelle approche des normes techniques applicables aux collectivités locales, par une meilleure évaluation de leur coût financier dans le cadre des études d'impact des projets de loi et décrets en Conseil d'Etat, par une association plus fréquente des collectivités locales au processus d'élaboration des normes, par une plus grande stabilité des normes applicables et par le renforcement de l'information des élus locaux sur les normes en vigueur.

2. Assurer la sécurité juridique en clarifiant les responsabilités

• mieux préciser la responsabilité des différents acteurs dans la conduite des actions publiques locales par une clarification de la répartition des compétences et des modalités de leur exercice, notamment à travers le recours à des procédés contractuels ;



approfondir la réforme de l'Etat afin de clarifier les missions et l'organisation des services déconcentrés ;

• mieux définir les modalités de répartition des responsabilités au sein même des collectivités locales ;

renforcer les moyens de contrôles propres aux collectivités locales et reconnaître la fonction de juriste au sein des filières de la fonction publique territoriale ;

• promouvoir une nouvelle conception du contrôle de légalité qui le fasse participer à la sécurisation juridique ;

• moderniser le contrôle financier conformément aux orientations retenues par le groupe de travail du Sénat sur les chambres régionales des comptes.

II. CONCILIER LES EXIGENCES DU MANDAT LOCAL ET LA PÉNALISATION ACCRUE DE LA SOCIÉTÉ

La mission, qui n'a pas estimé souhaitable de rétablir un régime spécifique et dérogatoire au profit des élus locaux, a envisagé plusieurs mesures, la plupart de caractère général, donc susceptibles de concerner l'ensemble des citoyens :

1.
revaloriser la voie civile comme mode normal de réparation des préjudices en appliquant aux dommages subis à l'occasion de fautes d'imprudence ou de négligence des procédures accélérées inspirées des dispositifs existants ; favoriser la transaction ; autoriser le représentant de l'Etat à élever le conflit dès la phase d'instruction ;

2. rendre à la sanction pénale sa finalité qui est de réprimer une faute morale :

• en limitant le nombre d'incriminations pénales dès lors que les comportements en cause ne revêtent aucune intention de nuire ;

• en clarifiant, conformément au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, la définition de certaines infractions pénales susceptibles de concerner les élus locaux, notamment le délit de favoritisme dans les marchés publics ;

3. caractériser la faute d'imprudence ou de négligence susceptible d'engager la responsabilité personnelle en privilégiant une causalité adéquate qui impliquerait un lien direct entre la faute et le dommage et, à défaut, subordonnerait la responsabilité à l'existence d'une violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité imposée par les lois ou les règlements ;

4. promouvoir un recours plus systématique à la formule du témoin assisté et modifier les conditions de la mise en examen qui ne pourrait intervenir qu'en présence d'indices graves ou concordants ; clarifier les conditions de la garde à vue en appliquant une règle de proportionnalité entre les mesures susceptibles d'être prises et la dangerosité des intéressés ou la nécessité d'assurer leur protection.

5. mieux sanctionner les recours abusifs et remédier à l'" atomisation " actuelle de l'action publique ;

6. poursuivre la réflexion sur les voies et moyens d'utiliser la responsabilité de la collectivité locale pour tous les cas où les faits non volontaires reprochés à un élu local ne sont pas détachables des fonctions, en s'inspirant, le cas échéant, du système des infractions administratives prévu en droit allemand ;

7. charger, selon les cas, l'Etat ou la collectivité locale, de la protection juridique de l'élu et permettre la prise en charge par la collectivité locale de l'assurance personnelle de ce dernier ainsi que l'intervention des associations départementales de maires dans les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, de menaces ou d'agressions à raison de leurs fonctions.

PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION
EN VUE D'AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXERCICE
DES MANDATS LOCAUX

En matière de conditions d'exercice des mandats locaux, diverses améliorations ont déjà été proposées lors de l'examen du projet de loi ordinaire relatif à la limitation du cumul des mandats et des fonctions.

Pour autant, l'adoption de ces dispositions ne répondrait pas à l'ensemble des problèmes rencontrés quotidiennement par les élus locaux dans l'exercice de leurs mandats et fonctions.

Afin de favoriser l'accès des citoyens aux fonctions électives locales et de rééquilibrer la représentation sociologique des élus, la mission a adopté les propositions suivantes :

1. Concilier plus aisément une activité professionnelle et l'exercice d'un mandat local

•  La mission a souhaité que la durée des autorisations d'absence et des crédits d'heures puisse être considérée comme une période de travail effectif pour le calcul des cotisations sociales au titre du régime général de la sécurité sociale et de l'assurance chômage.

Cette mesure est destinée à éviter que les salariés élus locaux ne soient pénalisés au moment du calcul de la pension de vieillesse du régime général, ou le cas échéant, lors du calcul du montant des indemnités journalières d'assurance maladie ou des indemnités de chômage.

La mission estime que l'exercice du mandat ne doit plus conduire à un affaiblissement du niveau de protection sociale de l'élu dans son domaine professionnel. Une table ronde pourrait réunir les partenaires sociaux et l'Etat pour déterminer les modalités de cette prise en charge.

•  Par ailleurs, la mission a proposé que la réglementation du droit du travail autorise explicitement une création d'emploi à durée déterminée ou le recours au travail temporaire, sur toute la durée du ou des mandats électifs du salarié élu local, afin de faciliter son éventuel remplacement durant les périodes d'absence liées à l'exercice de son mandat.

2. Faciliter l'exercice à plein temps du mandat local

•  La mission a estimé qu'à l'avenir un plus grand nombre de salariés hommes et femmes souhaiteront renoncer temporairement ou durablement à l'exercice de leur activité professionnelle pour se consacrer plus entièrement à leur mandat local, y compris dans des collectivités locales de taille moyenne.

Pour ne pas décourager les vocations des salariés du secteur privé, la mission a demandé que le droit à suspension du contrat de travail et à réintégration à l'issue du mandat, ainsi que le mécanisme d'affiliation automatique au régime général de sécurité sociale, soient étendus à tous les maires, maires-adjoints, présidents d'organismes de coopération intercommunales, conseillers généraux et conseillers régionaux renonçant à leur activité professionnelle pour exercer leur mandat, nonobstant toute considération liée à l'importance démographique de la collectivité.

•  Par ailleurs pour les personnes ayant exercé les fonctions de maires à plein temps, la mission a souhaité le maintien du versement de l'indemnité sur une période de six mois à l'issue du mandat, soit dans l'hypothèse où l'ancien élu est inscrit au chômage, soit qu'ayant repris ou créé une activité indépendante, le niveau de ses revenus soit inférieur à celui procuré par les indemnités. Cette " indemnité d'aide au retour à la vie professionnelle " devra être financée par un organisme ad hoc financé par des cotisations versées par les collectivités locales afin d'assurer une mutualisation des risques entre elles.

•  Enfin, la mission s'est prononcée pour l'amélioration du régime de retraite des élus à plein temps.

Les élus qui ont renoncé au cours de leur mandat à leur activité professionnelle pour se consacrer à l'exercice de leur mandat doivent être autorisés à maintenir leur adhésion aux régimes de retraite par rente pendant toute la durée de leur mandat.

D'une manière générale, la retraite des élus locaux devrait être améliorée :

- soit en revalorisant le niveau des retraites versées par l'IRCANTEC, selon des modalités à déterminer avec cet organisme ;

- soit en généralisant à l'ensemble des élus le dispositif des retraites par rente à des taux de cotisations modulées selon que l'élu exerce son mandat à plein temps ou maintienne son activité professionnelle.

3. Revaloriser les indemnités de fonction

La mission a exprimé son attachement au principe de gratuité du mandat, tout en préconisant un aménagement du régime des indemnités de fonction :

•  La mission a souhaité que le montant des indemnités de fonction soit revalorisé pour permettre aux élus locaux d'exercer leurs fonctions dignement sans pour autant grever trop lourdement les finances publiques. Le nouveau barème, adopté dans le cadre de la discussion du projet de loi ordinaire relatif à la limitation du cumul des mandats, constitue une avancée importante.

•  Par ailleurs, la mission a proposé, dans un souci de clarté et compte tenu de l'importance croissante des responsabilités incombant aux élus locaux, que les assemblées délibérantes se prononcent de droit sur le taux maximal des indemnités de fonction qui peut être réduit pour des raisons liées à l'intérêt de la collectivité locale ou consécutives à la mise en oeuvre des mesures de plafonnement des indemnités en cas de cumul.

•  Les progrès en matière d'indemnisation doivent être assortis d'une mesure de solidarité en faveur des communes rurales : le bénéfice de la dotation " élu local " serait étendu à toutes les communes de métropole de moins de 3.500 habitants dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne de leur strate démographique.

•  Enfin, la mission s'est prononcée en faveur d'une clarification légale du statut juridique de l'indemnité de fonction et du caractère insaisissable de la fraction correspondant à des frais d'emploi.

4. Reconnaître et généraliser l'exigence de formation de l'élu

•  Afin de mieux orienter les actions de formation vers les préoccupations concrètes des élus locaux, la mission a demandé que le Conseil National de la Formation des élus locaux soit habilité à édicter un schéma pluriannuel des objectifs prioritaires de formation qui devait être respecté lors de l'agrément des organismes de formation.

•  Par ailleurs, la commission a souhaité que le droit à la formation posé par la loi du 3 février 1992 soit complété en précisant que chaque responsable d'une collectivité territoriale devra suivre au moins une formation au cours de l'exercice de son mandat.

ANNEXE 2

LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES

• M. Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, ministre de l'Intérieur (2 mars 1999)

• M. Christian SAUTTER, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (8 mars 2000)

• M. Emile ZUCCARELLI, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (16 mars 1999)



• M. Philippe ADNOT, sénateur de l'Aube, rapporteur du groupe de travail du Comité des finances locales (CFL) (15 décembre 1999)

• MM. Jean-Paul AMOUDRY, sénateur de Haute-Savoie, président, et Jacques OUDIN, sénateur de Vendée, rapporteur, du groupe de travail commun de la commission des lois et de la commission des finances sur les chambres régionales des comptes (7 décembre 1999)

• M. Jean-Jacques ANDRIEUX, directeur général de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (UNASEA) (5 avril 2000)

• M. Jean-Bernard AUBY, président de l'Association française de droit des collectivités territoriales, professeur à l'Université de Paris II (6 mai 1999)

• M. Jean AUROUX, président de la Fédération des maires de villes moyennes, accompagné de MM. Bruno BOURG-BROC, Bernard MURAT et Antoine ROGNARD, membres du conseil d'administration de cette association (27 avril 1999)

• M. Claude BADRONE, sous-directeur au service de la législation fiscale au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (26 octobre 1999)

• M. Jean-Pierre BALLIGAND, vice-président de l'Institut de la Décentralisation, député de l'Aisne (8 mars 2000)

• MM. Alain BAUER et Xavier RAUFER, auteurs de l'ouvrage " Violences et insécurités urbaines " (28 mars 2000)

• M. Jean BERGOUGNOUX, président du groupe d'études et de réflexion interrégional (GERI) (11 mai 1999)

• M. Patrice BERGOUGNOUX, directeur général de la police nationale (21 mars 2000)

• M. Hubert BLANC, conseiller d'Etat (10 juin 1999)

• M. Anastassios BOUGAS, chef d'unité adjoint à la direction de la coordination et de l'évaluation (DG XVI) à la Commission européenne (8 juin 1999)

• M. Joël BOURDIN, sénateur de l'Eure, rapporteur de l'Observatoire des finances locales (3 novembre 1999)

• M. Roger BRUNET, géographe, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (11 mai 1999)

• Mme Martine BURON, vice-présidente de l'Association des petites villes de France (APVF), M. Claude HAUT, membre du Bureau, et M. Adrien ZELLER, vice-président (24 mars 1999)

• M. Pierre CALAME, président de la Fondation Charles-Léopold Meyer (15 juin 1999)

• Me Régis de CASTELNAU, président de l'Association française des avocats spécialisés dans le conseil aux collectivités locales (18 mai 1999)

• M. Marc CENSI, président de l'Assemblée des districts et communautés de France (27 avril 1999)

• M. Yves CHARPENEL, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice (18 mai 1999)

• M. Jean-Louis CHAUZY, président de l'assemblée permanente des présidents des conseils économiques et sociaux régionaux, et M. Pierre TROUSSET, président d'honneur (7 avril 1999)

• M. Gérard CHRISTOL, président de la conférence des bâtonniers (18 mai 1999)

• M. Jacques CREYSSEL, directeur délégué du mouvement des entreprises de France (MEDEF) (8 mars 2000)

• M. Michel DELEBARRE, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) (5 avril 2000)

• M. Joël DELPLANQUE, directeur des sports au ministère de la jeunesse et des sports (5 avril 2000)

• M. Claude DOMEIZEL, sénateur des Alpes de Haute-Provence, président de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) (8 décembre 1999)

• M. Gérard-François DUMONT, démographe, ancien recteur de l'académie de Nice, professeur à l'université de Paris-Sorbonne (11 mai 1999)

• M. Xavier DUPONT, directeur de la solidarité au conseil général d'Ille-et-Vilaine (22 juin 1999)

• M. Jean-Pierre DUPORT, préfet de la région d'Ile-de-France et président de l'association du corps préfectoral (6 mai 1999)

• M. Didier DURAFFOURG, président du syndicat national des secrétaires généraux et des directeurs généraux des collectivités locales (9 février 2000)

• Mme Bernadette DURAND, chargée du développement, M. Régis PELTIER, responsable de la mission développement de la branche retraite de la Caisse des dépôts et consignations, Mme Michelle VERRECCHIA, responsable de la gestion administrative du Fonds de pension des élus locaux (FONPEL) (15 décembre 1999)

• M. Pierre FAUCHON, sénateur de Loir-et-Cher, rapporteur du groupe de travail de la commission des lois du Sénat sur la responsabilité pénale des élus locaux (10 juin 1999)

• M. Hugues FELTESSE, directeur général de l'Union nationale interfédérale des oeuvres privées sanitaires et sociales (UNIOPSS) (29 mars 2000)

• M. Jean-Pierre FOURCADE, sénateur des Hauts-de-Seine, président du comité des finances locales, (8 mars 2000)

• M. Jacques FOURNIER, membre honoraire du Conseil d'Etat (29 juin 1999)

• M. Michel GARNIER, directeur de la programmation et du développement au ministère de l'éducation nationale (9 février 2000)

• M. Pierre GAUTHIER, directeur de l'action sociale, délégué interministériel au revenu minimum d'insertion (4 avril 2000)

• M. Guy GILBERT, professeur à l'université Paris X Nanterre (3 novembre 1999)

• M. Alain GUENGANT, professeur à l'université de Rennes (8 mars 2000)

• M. Daniel HOEFFEL, sénateur du Bas-Rhin, vice-président de l'Association des maires de France (AMF) (9 novembre 1999)

• M. Dominique HOORENS, directeur des études du Crédit local de France (29 février 2000)

• M. Jean-Jacques HYEST, sénateur de Seine-et-Marne, coauteur du rapport " Une meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour une meilleure sécurité publique " (4 avril 2000)

• M. Jean-Jacques ISRAEL, membre du Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau de Paris, et M. Michel CEOARA, membre de la commission de droit administratif de l'Ordre des avocats au Barreau de Paris (18 mai 1999)

• M. Didier LALLEMENT, directeur général des collectivités locales au ministère de l'intérieur (6 juillet 1999)

• M. Alain LARANGÉ, inspecteur général de l'administration, et M. Sébastien COMBEAUD, inspecteur de l'administration (1 er juillet 1999)

• M. Philippe LAURENT, consultant, président de la société Philippe Laurent Consultants (29 février 2000)

• M. Loïc LE MASNE, président de la fédération nationale des sociétés d'économie mixte, accompagné de M. Maxime PETER, directeur général (21 mars 2000)

• Mlle Elke LÖFFLER, administrateur au département de la gestion publique de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) (8 juin 1999)

• M. Marceau LONG, président de l'Institut de la gestion déléguée, vice-président honoraire du Conseil d'Etat (28 mars 2000)

• M. Gérard MARCOU, universitaire, professeur à l'université de Paris I (28 mars 2000)

• M. François MASSEY, directeur régional et départemental de la jeunesse et des sports (région Centre et département du Loiret) (29 mars 2000)

• Mme Mireille MONTAGNE, directeur de la vie sociale du département de la Savoie (22 juin 1999)

• M. Frédéric NÉRAUD, secrétaire général de la Fédération nationale des maires ruraux (24 mars 1999)

• M. Bruno ODIN, directeur de l'Association des maires de Charente-Maritime et président de l'association des directeurs d'associations des maires, et M. Michel OCYTKO, directeur de l'Association des maires d'Indre-et-Loire et responsable de la formation des élus (9 novembre 1999)

• M. Jean PICQ, conseiller maître à la Cour des Comptes, auteur d'un rapport sur la réforme de l'Etat (29 février 2000)

• M. Jean-Marie PONTIER, professeur de droit public à l'Université d'Aix-Marseille III (1 er juillet 1999)

• M. Jean PUECH, sénateur de l'Aveyron, président de l'Assemblée des départements de France (27 avril 1999)

• M. Jean-Pierre RAFFARIN, sénateur de la Vienne, président de l'Association des régions de France (10 février 1999)

• M. Michel RICARD, directeur-adjoint de l'architecture et du patrimoine au ministère de la culture (8 février 2000)

• M. Jacques RIGAUD, président de RTL (26 janvier 2000)

• M. René RIZZARDO, directeur de l'Observatoire des politiques culturelles (9 février 2000)

• Mme Maryvonne de SAINT PULGENT, Conseiller d'Etat (8 février 2000)

• M. Jean-Louis SANCHEZ, délégué général de l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale décentralisée) (22 juin 1999)

• M. Rémy SCHWARTZ, maître des requêtes au Conseil d'Etat, auteur d'un rapport sur le recrutement, la formation et le déroulement de carrière des agents territoriaux (26 janvier 2000)

• M. Pierre STEINMETZ, directeur général de la gendarmerie nationale (14 mars 2000)

• M. Jean-Pierre SUEUR, président de l'Association des maires de grandes villes de France (10 février 1999)

• M. Philippe THILLAY, secrétaire national de l'association " Les Francas " (5 avril 2000)

• MM. Maurice TRUNKENBOLTZ, président du conseil d'administration de l'IRCANTEC, Jean-Philippe TRESARRIEU, directeur du service administration et pilotage des fonds gérés, Jacques MEUNIER, responsable juridique et fiscal, et Arnaud-José LOKO, responsable de l'actuariat (15 décembre 1999)

• M. François TUTIAU, président de l'association des juristes territoriaux (10 juin 1999)

• M. Philippe VALLETOUX, membre du Directoire du Crédit local de France-Dexia (8 mars 2000)

• M. Alain VAN  der MALIÈRE, directeur de la DRAC d'Ile-de-France (8 février 2000)

• M. Eric WOERTH, directeur associé d'Arthur Andersen, responsable des collectivités locales, accompagné de M. Philippe PEUCH-LESTRADE, associé (15 juin 1999)

• M. Maurice WYNEN, maire de Paziols (Aude) (18 mai 1999)

I.



1 " Sécurité juridique, conditions d'exercice des mandats locaux : des enjeux majeurs pour la démocratie locale et la décentralisation ", rapport n° 166, 1999-2000.

2 " Chambres régionales des comptes et élus locaux : un dialogue indispensable au service de la démocratie locale ". Rapport (n° 520 - 1997-1998) établi par M. Jacques Oudin au nom du groupe de travail présidé par M. Jean-Paul Amoudry.

3 Les deux premières missions d'informations sur la décentralisation, présidées par M. Daniel Hoeffel, dont le rapporteur était M. Christian Poncelet, ont abouti à la publication des rapports n° 490 du 12 jullet 1983 et n° 177 du 19 décembre 1984. La troisième mission d'information sur la même thème, dont le président était M. Charles Pasqua et le rapporteur M. Daniel Hoeffel, a conduit à la publication du rapport n° 248 du 27 mars 1991.

4 La mission d'information sur l'avenir de l'espace rural français, présidée par M. Jean François-Poncet et dont les rapporteurs étaient MM. Hubert Haenel, Jean Huchon et Roland du Luart, a établi le rapport n° 249 du 27 mars 1991. La mission d'information sur l'aménagement du territoire, présidée par M. jean François-Poncet et dont les rapporteurs étaient MM. Gérard Larcher, Jean Huchon, Roland du Luart et Louis Perrein a publié le rapport n° 343 du 13 avril 1994.

5 " Démocratie locale et responsabilité ", rapport (n° 328 du 7 juin 1995) établi par M. Pierre Fauchon, au nom du groupe de travail présidé par M. Jean-Paul Delevoye.

6 " La décentralisation : Messieurs de l'Etat, encore un effort ", rapport (n° 239 - 1996-1997) établi par M. Daniel Hoeffel au nom du groupe de travail de la commission des Lois présidé par M. Jean-Paul Delevoye.

7 Rapport de M. Jacques Oudin, déjà cité.

8 Avis adopté le 21 juin 2000, sur le rapport de Mme Claudette Brunet-Léchenault.

9 C. Eisenmann " Les structures de l'administration ", in Traité de Science administrative, Paris, Mouton, 1966, p. 298 et 299.

10 Déclaration de politique générale , 8 juillet 1981.

11 Cf. " Sécurité juridique, conditions d'exercice des mandats locaux : des enjeux majeurs pour la démocratie locale et la décentralisation ", les rapports du Sénat n° 166 (1999-2000), p.23.

12 Cf. " Maîtriser la société de l'information : quelle stratégie pour la France ? ", rapport de MM. Alain Joyandet, Pierre Hérisson et Alex Türk, au nom de la mission commune d'information sur l'entrée dans la société de l'information (n° 436, 1996-1997).

13 Ces difficultés ont été décrites dans l'avis consacré au bilan et aux perspectives financières de la décentralisation adopté au cours de sa séance du 6 juillet 1994 par le conseil économique et social, ainsi que par Jacques Méraud dans Les collectivités locales et l'économie nationale (Crédit local de France - Dexia,, 1997).

14 Depuis 1995, sur l'initiative du Sénat, un Observatoire des finances locales a été créé au sein du comité des finances locales. En son nom, notre collègue Joël Bourdin présente chaque année un précieux rapport sur la situation financière des collectivités locales.

15 Les données relatives aux dépenses de fonctionnement et d'investissement des collectivités locales figurant dans le présent chapitre ne comprennent pas les dépenses des établissements publics de coopération intercommunale.

16 Les collectivités locales en chiffres 1999, DGCL, p. 51.

17 Dans le projet de loi de finances pour 2000, le déficit de fonctionnement de l'Etat s'établissait à près de 50 milliards de francs.

18 La stabilisation de la part des communes et des EPCI dans le total pourrait également s'expliquer par une augmentation rapide de la fiscalité perçue par les départements et les régions. Mais cette explication n'est pas vérifiée.

19 Chambres régionales des comptes et élus locaux - un dialogue indispensable au service de la démocratie locale, n°520, 1997-98.

20 Proposition de loi tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes, présentée par MM. Jacques Oudin, Jean-Paul Amoudry, Philippe Marini, Patrice Gélard, Joël Bourdin, Paul Girod et Yann Gaillard, session ordinaire de 1999-2000, n° 84.

21 Source : INSEE Première, n° 698, février 2000.

22 L'indicateur conjoncturel de fécondité est la somme des taux de fécondité par âge observés une année donnée. Cette indicateur donne le nombre d'enfants qu'aurait une femme tout au long de sa vie, si les taux de fécondité observés l'année considérée à chaque âge demeuraient inchangés.

23 L'espérance de vie à la naissance est égale à la durée de vie moyenne d'une génération fictive qui aurait tout au long de son existence les conditions de mortalité par âge de l'année considérée.

24 Source : " Données sur la situation sanitaire et sociale en France en 1999 ", La Documentation française.

25 Et plus particulièrement M. Jean Bergougnoux, Président du groupe d'étude et de réflexion interrégional, dont sont issus les chiffres ci-dessous.

26 Selon le scénario dit " central " de l'INSEE, avec un indice de fécondité de 1,8 enfant par femme.

27 Age tel que 50 % de la population est plus âgée et 50 % moins âgée.

28 Avec les hypothèses suivantes : indice de fécondité 1,8 ; mortalité tendancielle ; migrations 50.000/an ; calcul du GERI pour la France métropolitaine.

29 Voir INSEE Première n° 692 - Janvier 2000.

30 L'INSEE donne les définitions suivantes :

Aire urbaine : ensemble de communes d'un seul tenant et sans enclave, constitué par :

- un pôle urbain (unité urbaine offrant au moins 5.000 emplois),

- une couronne périurbaine composée de communes rurales ou d'unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente possédant un emploi travaille dans le reste de l'aire urbaine.

Espace à dominante rurale : ensemble des communes, non multipolarisées, qui n'appartiennent pas à une aire urbaine.

31 Voir notamment le rapport d'information n° 415 de M. Gérard Larcher " Les terroirs urbains paysagers : pour un nouvel équilibre des espaces périurbains ", Sénat 1997-1998.

32 Source : INSEE, Point de conjoncture - Octobre 1999, données CVS-CJO.

33 En données FAB-FAB, y compris le matériel militaire ; Source : Tableau de bord du commerce extérieur, douanes françaises.

34 D'après une reconstitution d'Eurostat sur la base d'une Europe à 12 pour la période 1958-1994, qui permet de comparer l'évolution des échanges, citée par la lettre de l'OFCE n° 172, lundi 16 février 1998.

35 Source : " Les notes bleues de Bercy " n° 174, janvier 2000.

36 Ainsi, le taux d'abstention aux élections municipales depuis le début de la V e République a-t-il évolué comme suit :

Date des élections municipales Taux d'abstention

8 mars 1959 25,3 %

14 mars 1965 21,8 %

14 mars 1971 24,7 %

13 mars 1977 21,1 %

6 mars 1983 21,6 %

12 mars 1989 27,1 %

11 juin 1995 30,6 %

Il faut cependant relever que ce taux progresse avec le rythme des consultations électorales, qui s'est accentué depuis 1979 avec l'instauration des élections européennes, puis des élections régionales, en 1986. Il ne peut donc être considéré à lui seul comme le signe d'une désaffection envers la vie publique.

37 Cf. le rapport établi par MM. Gérard Larcher, Jean Huchon, Roland du Luart et Louis Perrein, au nom de la mission d'information sur l'aménagement du territoire, présidée par M. Jean-François Poncet (n° 343, 1993-1994).

38 La présidence du Comité des régions est assurée depuis le début de l'année 2000 par un belge, M. Jos Chabert.

39 Décision 82-137 DC du 25 février1982 et décision 92-316 DC du 20 janvier 1993. Dans le second cas, le législateur avait voulu instituer la suspension automatique, pendant trois mois, de l'exécution des actes des collectivités en matière d'urbanisme, de marchés et de conventions de délégation de service public lorsque le représentant de l'État demandait au juge administratif le sursis à exécution.

Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions privaient ainsi de garanties suffisantes l'exercice de la libre administration des collectivités locales. Puis, dans la décision 94-358 DC du 26 janvier 1995, il a approuvé un dispositif de suspension similaire, limitée toutefois à un mois.

40 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

41 Articles L. 2131-6, L. 3132-1, L. 4142-1, L. 1111-7 et L. 2511-23 du code général des collectivités territoriales.

42 Projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives, en attente de promulgation.

43 Pour une critique de l'insécurité juridique actuelle, voir le rapport d'étape de la mission commune d'information : rapport n° 166 (Sénat, 1999-2000) intitulé : " Sécurité juridique, conditions d'exercice des mandats locaux : des enjeux majeurs pour la démocratie locale et la décentralisation ", janvier 2000.

44 En 1996, 5,9 millions d'actes ont été transmis, 176.000 observations ont été adressées et le nombre des déférés devant les tribunaux administratifs s'est élevé à 1961, soit un taux de recours contentieux de 3,3 pour 10.000 .

45 Les questions de personnel représentaient 71 % des recours en 1988 et 36 % en 1996 ; les contentieux relatifs à l' urbanisme sont passés de 14 à 27 % ; ceux traitant des marchés et contrats , de 5 à 19 % et les saisines relatives aux finances publiques, de 2 à 8 %. A l'opposé, certains domaines, où les collectivités locales disposent pourtant de pouvoirs importants, sont caractérisés par une absence totale de déféré préfectoral : aide et action sociales, aide aux investissements de l'enseignement privé, activités du service d'incendie et de secours, etc.

46 Rapport du Gouvernement au parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, troisième trimestre 1999.

47 Le délai théorique d'élimination du stock d'affaires en cours devant les tribunaux administratifs s'établit en 1998 à deux ans. Il est de trois ans et deux mois devant les cours administratives d'appel.

48 En 1989, sur 738.000 actes administratifs en matière d'urbanisme pris par les autorités locales et transmis aux préfets, il y a eu 7.000 recours et finalement 272 déférés. Or, à la même période, le Conseil d'État a été saisi de 732 recours en appel dans ce domaine, soit 2,5 fois plus que le nombre des déférés.

En 1997, les décisions des tribunaux administratifs ont été favorables aux préfets dans 72 % des cas ; le taux d'appel contre les jugements au fond devant les cours administratives d'appel s'est élevé à 17,8 %. Ce taux est très variable d'une année sur l'autre (30,5 % en 1996, 13,5 % en 1995).

49 Rapport public 1993 : " Décentralisation et ordre juridique ".

50 Ce champ vise les actes dont il est difficile pour les citoyens soit d'apprécier la portée en raison de leur complexité particulière, soit d'entreprendre la contestation en raison de la lourdeur des moyens qu'il faudrait mettre en oeuvre ; ou les actes engageant les collectivités territoriales dans des voies hasardeuses pour l'utilisation de leur patrimoine ou de leurs revenus.

51 Introduit par la loi n° 92-10 du 4 janvier 1992, complétée par la loi n° 93-122 du 29 juillet 1993.

52 En 1997, tel était le cas de 16200 collectivités locales, 22300 établissements publics locaux et 30200 établissements publics spécialisés.

53 Les quatre points du contrôle budgétaire sont : le respect du calendrier d'adoption du budget ; l'existence d'un équilibre réel de la section d'investissement et de la section de fonctionnement ; la sincérité des documents budgétaires ; l'inscription des dépenses obligatoires. En 1997, les chambres régionales des comptes ont émis 1.300 avis budgétaires.

54 Budget primitif, budget supplémentaire, décision modificative, compte administratif.

55 En 1997, le nombre total de jugements rendus sur les comptes des comptables publics s'est élevé à 17000, ce qui correspond à un rythme de contrôle quadriennal. 300 débets ont été prononcés et 140 jugements traitant de gestion de fait ont été rendus.

56 En 1997, les chambres régionales des comptes ont adressé 995 lettres d'observations définitives aux collectivités locales.

57 Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation.

58 Loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative au financement des partis et des campagnes électorales.

59 Rapport n° 325 (Sénat, 1999-2000), mai 2000, et rapport d'information n° 520 (Sénat, 1997-1998) du groupe de travail commun des commissions des finances et des lois, intitulé : " Chambres régionales des comptes et élus locaux : un dialogue indispensable au service de la démocratie locale ", juin 1998.

60 40 % des élus locaux du département du Vaucluse consultés ont répondu au questionnaire.

61 51,5 % des élus locaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin consultés ont répondu au questionnaire.

62 Près de 48 % des élus locaux de la région Nord Pas-de-Calais consultés ont répondu au questionnaire.

63 Dans le département du Nord, les 224.000 actes transmis au préfet n'ont donné lieu qu'à 8.000 lettres d'observations, 50 déférés préfectoraux et 11 saisines de la chambre régionale des comptes.

64 Voir infra, chapitre III, " Une logique contractuelle inégalitaire ".

65 Sauvegarde de l'intégrité des institutions républicaines, puissance publique, fonctions régaliennes (souveraineté, autorité, paix).

66 Mise en oeuvre des politiques nationales. Le préfet est le représentant exclusif et direct du Premier ministre et de chacun des ministres.

67 Article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, décret n° 82-389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets et à l'action des services et organismes publics de l'État dans les départements.

68 Rapport du Commissariat général du Plan : " Pour un État stratège, garant de l'intérêt général ".

69 Deux mesures symbolisent la volonté du général de Gaulle de doter l'État d'une administration moderne et efficace : d'une part, la création de l'École nationale d'administration par l'ordonnance n° 45-2263 du 9 octobre 1945, unifiant le recrutement de la haute fonction publique ; d'autre part, l'adoption de la loi du 19 octobre 1946 portant statut général de la fonction publique.

70 Décret n° 64-805 du 29 juillet 1964 fixant les dispositions réglementaires applicables aux préfets.

71 Décret n° 72-196 du 10 mars 1972.

72 Articles 26 et 73 de la loi du 2 mars 1982.

73 Principe des prestations réciproques posé par les articles 30 et 77 de la loi du 2 mars 1983.

74 Loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 qui règle les modalités du partage financier des services.

75 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

76 Article 19 de la loi du 7 janvier 1983.

77 Article 28 de la loi du 2 mars 1982.

78 Article 5 de la loi du 7 janvier 1983 et article 102 de la loi du 2 mars 1982.

79 Article 7 de la loi du 7 janvier 1983.

80 Article 10 de la loi du 7 janvier 1983.

81 Article 12 de la loi du 7 janvier 1983.

82 Article 26 de la loi du 2 mars 1982.

83 Au niveau départemental, ces conventions ont eu pour résultat de transférer au président du conseil général, dès 1982 : le secrétariat de l'assemblée départementale ; le bureau du budget départemental ; le service s'occupant d'administrer le personnel payé par le département ; le service chargé de toutes les aides financières, subventions, concours ou autres accordés par le conseil général (actions économiques, scolaires ou culturelles, aides au communes, formation professionnelle) ; le service programmant les activités départementales ; le bureau gérant l'architecture et la voirie départementales ainsi que le patrimoine immobilier départemental ; les services départementaux d'incendie et de secours et la protection civile.

84 Article 8 de la loi du 7 janvier 1983.

85 Décret du 31 juillet 1985.

86 Décret n° 87-160 du 13 février 1987.

87 Transports scolaires, services gérant les ports, voirie départementale, contrôle des subventions départementales.

88 Le comité financier de gestion, présidé par le président du conseil général, et le comité des collectivités utilisatrices, présidé par le préfet.

89 Loi n° 92-1255 du 2 décembre 1992 relative à la mise à disposition des départements des services déconcentrés du ministère de l'équipement et à la prise en charge des dépenses de ces services.

90 La convention signée par le président du conseil général et le préfet devait fixer le détail des prestations et des sommes concernées. Si le département ne souhaitait pas recourir au parc, il pouvait conclure une convention de retrait , dont la dure maximale était fixée à dix ans.

91 Loi n° 89-19 du 13 janvier 1989 portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales.

92 Cité dans le numéro 293 des Cahiers français, " Les collectivités locales en mutation ", octobre - décembre 1999.

93 Par exemple en faisant de l'octroi du permis de construire une compétence de niveau préfectoral, confiée au directeur départemental de l'équipement.

94 Les " services extérieurs " de l'État sont renommés " services déconcentrés " ; ceux-ci sont organisés dans le cadre des circonscriptions territoriales que sont la circonscription régionale, la circonscription départementale et la circonscription d'arrondissement.

95 Rôle de conception, d'animation, d'orientation, d'évaluation et de contrôle.

96 circulaires du 9 juillet 1996 et 7 mars 1997.

97 décret n° 97-695 du 31 mai 1997.

98 décret du 16 juillet 1996.

99 décret n° 97-142 du 13 février 1997.

100 décret n° 97-503 du 21 mai 1997.

101 décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 et décrets des 19 et 24 décembre 1997.

102 Pierre Grémion.

103 Jean-Pierre Balligand, député. Il présente aussi la déconcentration comme " le Lazare administratif ", ressuscité en 1995...

104 Alain Richard, ancien député, ancien rapporteur général du budget à la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Entretien publié dans la revue " Pouvoirs locaux " en 1992 (numéro spécial pour les dix ans de la décentralisation).

105 Rapport d'activité de l'Inspection Générale de l'Administration (IGA).

106 Rapport du M. Gilbert Santel, directeur général de l'administration et de la fonction publique, délégué interministériel à la réforme de l'État, intitulé : " La modernisation de l'administration territoriale de l'État " (octobre 19 98).

107 Mission sur l'organisation de la déconcentration des administrations centrales (MODAC).

108 Tel est le cas des professeurs des écoles.

109 A l'exclusion d'actes plus complexes et sensibles, comme l'avancement au choix, la mutation , etc.

110 " Les investissements civils exécutés par l'État et les investissements exécutés avec une subvention de l'État sont d'intérêt régional ou départemental, à l'exception des investissements d'intérêt national déterminés par décret ".

111 Dès 1982, la nécessité de procéder au partage de services et de locaux. entre l'État et les collectivités territoriales a conduit à donner plus de compétences aux préfets dans le domaine immobilier. Le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets dans les départements prévoit que " le préfet est responsable, sous l'autorité de chacun des ministres concernés, de la gestion du patrimoine immobilier et des matériels des services de l'État dans le département ". Cette position de chef de file a été confirmée par la charte de la déconcentration du 1er juillet 1992 qui confie aux préfets la gestion du parc immobilier de l'État.

112 Loire Atlantique, Meurthe-et-Moselle, Yvelines, Haute-Vienne, Essonne et Hauts-de-Seine.

113 Un chargé de mission pour les questions immobilières prépare les documents de programmation que sont le schéma départemental d'implantation des services de l'État et le programme annuel d'équipement et d'entretien.

114 Articles 25 et 26 de la loi du 4 février 1995.

115 Malgré les termes mêmes de la circulaire du Premier ministre du 3 juin 1998 selon lesquels " le programme fixera les orientations ministérielles en matière de développement de la déconcentration ".

116 " La décentralisation : Messieurs de l'Etat encore un effort ! " (n° 239, 1996-1997).

117 Voir le rapport d'information n° 239, Sénat 1996-1997, pp.66-67, p.124 et la motion adoptée par le groupe de travail, p.8, point 1.

118 Lettre de mission du Premier Ministre à M. Jean Auroux.

119 " Réforme des zonages et aménagement du territoire ", rapport à M. le Premier ministre, par M. Jean Auroux.

120 Typologie inspirée du rapport AUROUX précité.

121 Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique.

122 Zone d'importance communautaire pour les oiseaux.

123 Permanence d'accueil d'information et d'orientation

124 Zones d'aménagement du territoire ; zones de revitalisation rurale ; territoires ruraux de développement prioritaire ; zones urbaines sensibles ; zones de redynamisation urbaine ; zones franches urbaines ; régions ultrapériphériques françaises.

125 Sur la PAC, voir : " Quelle réforme pour la politique agricole commune ? ", rapport d'information n° 466, Sénat, 1997-1998, président : M. Philippe François, rapporteurs : MM. Marcel Deneux et Jean-Paul Emorine.

Sur la réforme des fonds structurels : voir la résolution du Sénat et le rapport n° 88 de M. Jean-Pierre Raffarin, novembre 1998, au nom de la Commission des Affaires économiques.

126 Cette proposition a été avalisée par les services du Commissaire Monti

127 78.454 francs par foyer fiscal en 1994.

128 Voir les rapports budgétaires pour avis sur l'aménagement du territoire de M. Jean Pépin au nom de la Commission des Affaires économiques, projets de loi de finances pour 1999 et 2000.

129 Pour de plus amples développements sur la réforme de la politique structurelle européenne, voir le rapport précité de M. Jean-Pierre Raffarin, au nom de la Commission des Affaires économique, Sénat, 1998, n° 88.

130 Règlement (CE) 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les fonds structurels.

131 C'est-à-dire par rapport aux anciens zonages 2 et 5b.

132 Voir notamment la circulaire du 9 septembre 1999 de la ministre de l'aménagement du territoire sur la préparation des propositions régionales de zonage pour le futur " objectif 2 ".

133 Voir à ce sujet le rapport pour avis n°  91 de M. Gérard Larcher au nom de la Commission des Affaires économiques sur les crédits de la politique de la ville dans le projet de loi de finances pour 2000, Sénat, 1999-2000.

134 Loi précitée n° 99-533 du 25 juin 1999.

135 Loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

136 Propos de Mme Dominique Voynet, Journal officiel du 6 avril 1999, Sénat, page 2117.

137 Les crédits totaux consacrés par l'Etat à l'aménagement du territoire s'élèveraient, d'après le " jaune " budgétaire à 56 ,5 milliards de francs, y compris en comptabilisant toutes les exonérations fiscales et sociales liées à cet objectif.

138 Défini à l'article 11 du règlement communautaire précité du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les fonds structurels.

139 Information donnée par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, lors de son audition devant la Commission des Affaires économiques le 30 juin 1999.

140 " Pour une efficacité renforcée des politiques structurelles communautaires ", avril 1998.

141 Elaborés par les Préfets de région, les Présidents de conseils régionaux et les autres partenaires.

142 En pratique, les délégations de crédits des administrations centrales s'arrêtent au 30 novembre et tout paiement de subvention est interdit à partir du 15 décembre.

143 Fonds européen de développement économique régional.

144 Le 8 juin 1999.

145 Question n° 19657 de M. Marcel Vidal, réponse au Journal Officiel du 16 décembre 1999, Sénat, questions, page 4147.

146 Décidés lors d'une réunion ministérielle du 1 er septembre 1999.

147 Voir notamment le site Internet de la DATAR : www.datar.gouv.fr.

148 Loi de départementalisation du 19 mars 1946.

149 Article 299-2 du Traité d'Amsterdam.

150 Rapport intitulé : " Les départements d'outre mer aujourd'hui : la voie de la responsabilité " (juin 1999).

151 Équipements routiers, fiscalité, interventions économiques...

152 Pour la période 2000-2006, les crédits des fonds structurels européens s'élèveront à 23 milliards de francs et les crédits inscrits dans les contrats de plan État-région à 5,6 milliards de francs. L'utilisation de ces crédits, aujourd'hui entravée par une organisation administrative trop pesante, devra à l'avenir relever de décisions locales et non métropolitaines.

153 Rapport n° 393 (Sénat, 1999-2000) de M. José Balarello au nom de la commission des Lois (juin 2000).

154 Rapport n° 366 (Sénat, 1999-2000) intitulé : " Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion : la départementalisation à la recherche d'un second souffle ".

155 Cf. rapport précité, p. 1221 et ss.

156 Cf. rapport précité, p. 50 et ss.

157 Rapport précité, p. 92.

158 Cette description avait été faite devant les commissions réunies du Sénat par M. Gaston Defferre, ministre de l'intérieur, lors de la présentation du projet de loi relatif à la répartition des compétences.

159 Rapport précité, p. 98-99.

160 De M. Jean-Pierre Gaudin, aux presses de Sciences-Po. Le passage cité figure en introduction.

161 " Les matières contractuelles " par le professeur Jacques Moreau, in AJDA du 20 octobre 1998.

162 Loi n° 82-653.

163 Des schémas de services collectifs ont toutefois été institués. Mais leur parution, par décret, n'est pas intervenue à temps pour constituer un réel " cadrage " de la négociation de la 4 ème génération de contrats plan Etat-régions.

164 Les chiffres cités dans ce paragraphe sont issus du rapport public 1998 de la Cour des comptes.

165 Tenue le 19 janvier 2000 au Sénat.

166 Chiffre issu du rapport officiel de M. Jacques Chérèque sur les contrats de plan : " Plus de région et mieux d'Etat ", 1998.

167 Auxquels s'ajoutent le financement de grands projets d'infrastructure pour un total de 18 milliards de francs.

168 Voir le rapport de la commission spéciale du Sénat n° 1, 1996-1997, président M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur M. Gérard Larcher.

169 Rapport de M. Gérard Larcher au nom de la Commission des Affaires économiques, Sénat n° 107, 1992-1993.

170 Circulaire du 2 février 1989 relative au développement de la politique contractuelle avec les collectivités locales.

171 Dont le rapport pour avis n° 91 de M. Gérard Larcher au nom de la Commission des Affaires économiques sur les crédits de la politique de la ville dans le projet de loi de finances pour 2000 dresse un bilan pour le moins mitigé.

172 D'après les informations rendues publiques par M. Claude Bartolone en octobre 1999.

173 Circulaire du 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000-2006.

174 Notre collègue Gérard Larcher, dans le cadre de la rédaction de ses rapports pour avis des crédits de la ville dans les projets de loi de finances pour 1999 et 2000, au nom de la Commission des Affaires économiques, a pu constater la distorsion entre les moyens de communes telles que Mantes-la-Jolie et Valenciennes et l'ampleur des problèmes posés à ces collectivités.

175 Circulaire du 28 octobre 1997 relative à la mise en oeuvre des CLS et circulaire du 7 juin 1999 relative aux CLS.

176 Voir la brochure éditée en janvier 2000 par le ministère de l'intérieur rendant compte de ces travaux.

177 Voir le rapport d'étape de la mission interministérielle d'évaluation des CLS en date du 30 septembre 1998, dit " rapport Karsenty ", dont le contenu est révélé par la gazette des communes, des départements et des régions en date du 1 er février 1999.

178 Dans l'article de " La Gazette " du 1 er février 1999 précité, page 23.

179 Circulaire du 31 juillet 1998 relative à la préparation des contrats de plan Etat-régions.

180 S'ils sont constitués en EPCI ou si les collectivités concernées ont constitué un GIP ou un syndicat mixte (article 25).

181 Les conditions figurent à l'article 26 de la loi du 25 juin 1999.

182 Article 29 de la loi du 25 juin 1999.

183 Voir notamment les actes de la journée d'études " Décentralisation et contractualisation " organisée par l'Institut de la décentralisation et la région Nord-Pas-de-Calais le 13 septembre dernier, ou l'ouvrage " L'action publique par convention ", les cahiers de la décentralisation n° 3, février 2000, par MM. Gaudin et Dubois.

184 Circulaire du 31 juillet 1998.

185 Voir le rapport n° 446 (1999-2000) présenté par M. René André au nom de la délégation du Sénat à la planification : " Les troisièmes contrats de plan Etat-Région (1994-1999)  : une ambition inachevée ".

186 Lors de son audition le 1 er juillet 1999.

187 Article précité de MM. Gaudin et Dubois.

188 Sénat, Séance du 10 novembre 1999, Journal officiel des débats, page 4816, question orale n° 346 adressée à la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

189 Dans sa contribution à la journée d'études de l'Institut de la décentralisation du 13 septembre 1999.

190 Voir l'article précité du professeur Laurence Lalliot.

191 In Le Monde du samedi 24 juillet 1999.

192 Rapport n° 288, Sénat, 1991-1992.

193 Notamment dans le rapport précité de M. Sueur " Demain la ville ", ou lors de la journée d'études de l'Institut de la décentralisation.

194 MM. G. Marcou, F. Rangeon, J.L. Thiébault, " Le Gouvernement des villes et les relations contractuelles entre collectivités publiques " in le Gouvernement des villes, Descartes et cie, 1997.

195 Article 1 er de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions : " ...Des lois détermineront... les garanties statutaires accordées aux personnels des collectivités territoriales... "

196 L'organisation des fonctionnaires en cadres d'emplois et le recours au recrutement par concours avec établissement de listes d'aptitude par ordre de mérite sont aussi des traductions du principe de parité.

197 " L'accès des fonctionnaires de l'État, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques constituent des garanties fondamentales de leur carrière " (article 14 de la loi du 13 juillet 1983 - Titre Ier du statut général).

198 Le partage des services entre l'État et les collectivités territoriales nécessitait un partage des personnels compétents. En ce sens, les articles 122 et 123 de la loi du 26 janvier 1984 ont prévu un droit d'option entre le statut de fonctionnaire territorial et le statut de fonctionnaire de l'État, ouvert aux fonctionnaires de l'État exerçant leur fonctions dans un service de l'État transféré aux collectivités locales et aux fonctionnaires des collectivités exerçant leurs fonctions dans un service relevant de l'État. Les fonctionnaires n'ayant pas fait usage de leur droit d'option dans le délai prévu par la loi sont réputés avoir opté pour le maintien de leur statut antérieur.

199 Rapport n° 82 (Sénat, 1983-1984) de M. Daniel Hoeffel au nom de la commission des Lois et rapport n° 170 (Sénat, 1986-1987) de M. Paul Girod.

200 Dans le département de Vaucluse, lors des États généraux des élus locaux en décembre 1998, 52 % des élus locaux ont considéré que le statut n'était pas compatible avec le principe de libre administration des collectivités locales, et le principe de liberté de recrutement qui en est le corollaire.

Ils sont 74 % à exprimer la même opinion en Alsace (États généraux de mars 1999).

201 Le recrutement sans concours de fonctionnaires de catégorie C a été proposé par le Sénat (article 38 de la loi statutaire du 26 janvier 1984). De plus, les emplois réservés et les emplois fonctionnels font aussi exception au principe du concours.

202 Opposé au système de l'emploi en vigueur pour les agents territoriaux avant 1984, permettant leur licenciement en cas de suppression d'emploi.

203 Les emplois correspondant aux grades supérieurs d'un cadre d'emplois ne peuvent être créés que dans les collectivités dont l'importance démographique est suffisante.

204 Article 53 de la loi statutaire du 26 janvier 1984.

205 directeur général des services, directeur général adjoint des services des départements et des régions ; secrétaire général, secrétaire général adjoint des communes de plus de 5.000 habitants ; directeur général des services techniques ou directeur des services techniques des communes de plus de 20.000 habitants ; directeur ou directeur adjoint de certains établissements publics...

206 Au 31 mars 2000, 192 fonctionnaires de catégorie A involontairement privés d'emploi étaient pris en charge par le CNFPT.

207 Deux modalités du principe de solidarité, caractérisant les régimes par répartition, doivent être distinguées :

- la compensation généralisée à l'ensemble des régimes de retraite (créée en 1974), qui utilise pour référence les pensions les plus faibles versées ;

- la surcompensation (mise en place en 1985) concernant les régimes spéciaux, qui prend pour base la moyenne pondérée des pensions.

208 De 36 % actuellement, le taux de surcompensation passerait à 34 % en 2000 et 30 % en 2001. A titre personnel, lors de son audition par la mission, M. Claude Domeizel, président de la CNRACL et membre de la mission d'information, a estimé que ce taux aurait dû être abaissé à 22 %.

209 Dans sa rédaction issue de la loi du 28 novembre 1990, il dispose : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État ".

210 les modalités de recrutement les plus fréquentes dans la catégorie A sont le recrutement de non-titulaires (39 %) et les mutations (26 %).

211 " Eu égard à la nature particulière des liens qui s'établissent entre une collectivité publique et ses agents non titulaires, les contrats par lesquels il est procédé au recrutement de ces derniers sont au nombre des actes dont l'annulation peut être demandée au juge administratif par un tiers y ayant un intérêt suffisant ".

212 Rapport n° 366 (Sénat, 1999-2000) intitulé : " Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion : la départementalisation à la recherche d'un second souffle ".

213 Rapport n° 393 (Sénat, 1999-2000) de M. José Balarello, au nom de la commission des Lois.

214 Le décret prévoit le versement d'une " indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer " non renouvelable aux fonctionnaires de l'État qui reçoivent une affectation dans l'un de ces départements et dont le précédent domicile était distant de plus de 3000 km du lieu d'exercice de leurs nouvelles fonctions, s'ils accomplissent une durée minimum de services de quatre années consécutives dans leurs nouvelles fonctions.

Le montant de cette indemnité d'éloignement correspond à un an de traitement indiciaire de base (seize mois pour la Guyane). S'y ajoute une majoration familiale de respectivement un mois et quinze jours de traitement brut pour le conjoint et chacun des enfants à charge accompagnant le fonctionnaire affecté outre-mer.

215 Cet arrêt du 25 mars 1996 du Tribunal des conflits, " Préfet de la région Rhône Alpes, préfet du Rhône, contre conseil de prud'hommes de Lyon ", opère un revirement de jurisprudence concernant les agents non titulaires de l'État et des collectivités territoriales, en posant que " les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi ".

216 Rapport n° 1 (1999-2000) de M. Jean-Paul Amoudry au nom de la commission des Lois.


217 Fin avril 1999, 183.000 emplois jeunes étaient créés, dont 164.000 ont déjà été embauchés. Les collectivités territoriales représentent à elles seules 39 % des emplois créés, soit près de 40.000, et 5.500 communes sont engagées dans le dispositif.

218 En considérant les départs à la retraite certains (inscrits dans la pyramide des âges), à l'horizon 2015, la moitié des salariés actuellement présents dans le secteur public auront plus de 60 ans contre un peu plus d'un tiers dans le privé.

219 Entre 2005 et 2015, le nombre annuel des départs à la retraite sera de 65.000. Jusqu'en 2040, ce nombre sera de 60.000. D'ici la fin de l'année 2012, environ 45 % des agents en fonctions dans les administrations civiles de l'État, soit 807.000 personnes, seront partis à la retraite.

220 JO Sénat, séance du 8 novembre 1978, p. 3057 et suivantes.

221 " Les collectivités territoriales de la république sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité est créée par la loi.

" Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi.

" Dans les départements et les territoires, le délégué du Gouvernement à la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. "

222 à partir du 1 er janvier 1983 pour la taxe sur les cartes grises, à partir du 1 er juin 1984 pour les droits de mutation et du 1 er décembre 1984 pour la vignette

223 Dans son rapport au Parlement de 1999, la commission consultative sur l'évaluation des transferts de charges indique que " la compensation des transferts intervenus en faveur des communes ayant, pour la plupart des compétences, obéit à des logiques spécifiques, aucune étude pertinente ne peut être menée ".

224 Par ailleurs, dans sa rédaction d'origine, l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 94 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1984, devait s'appliquer
" pendant la période de trois ans prévue à l'article 4 de la loi n° 88-3 du 7 janvier 1983 ". En conséquence, en retenant à l'article L.1614-5 les mots " Au terme de la période ... ", le législateur a manifestement souhaité que la proportion de 50 % s'applique à compter du terme de la période de trois ans.

225 A l'origine de la DGF, il existait un mécanisme dit de " surgarantie " qui jouait lorsque l'indexation de la DGF était inférieure à l'augmentation du traitement des agents d'un certain indice.

226 La part de l'Etat dans le financement des contrats de plan s'établissait à 60 % pour la période 1984-88, 55% pour la période 1989-93 et 52 % pour les contrats 1994-99.

227 La présentation et le contenu de ces rapports s'inspirent du rapport sur " la compensation des transferts de compétences entre l'Etat, les départements et les régions " présenté en septembre 1996 par notre collègue Paul Girod au nom de l'Observatoire des finances locales.

228 Les inégalités sont particulièrement importantes en matière de taxe professionnelle, puisque 5 % des collectivités locales perçoivent 95 % du produit de cet impôt.

229 En 1999, 25 % des cotisations de HLM augmenteraient, 5,6% des cotisations des locaux non-HLM appartenant à la catégorie " luxe " diminueraient de plus de 25 % tandis que 13,3 % des cotisations des locaux non-HLM appartenant à la catégorie " médiocre " augmenteraient de plus de 100 %.

230 Dans son rapport " Pour une modernisation de la fiscalité locale " (Assemblée nationale, onzième législature, n° 1066), notre collègue député Edmond Hervé rappelle que "
la taxe d'habitation, dans son principe, ne prend pas en compte la capacité contributive du foyer. La caricature de ce constat fut révélée en 1997 lorsque l'on apprit que 12.500 contribuables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ne payaient pas de taxe d'habitation ! ".

231 Comme le relève l'agence de notation financière Standard & Poor's, les fluctuations de la taxe professionnelle sont "
limitées dans la mesure où elle est calculée sur un stock et non sur un flux et peu de collectivités ont donc assisté à une réduction de leurs bases même en période de récession. Ce n'est pas le cas en Suède par exemple, où les ville perçoivent l'impôt sur le revenu, ou en Allemagne où les régions perçoivent également l'impôt sur les sociétés " (" La notation des collectivités locales ", octobre 1999).

232 Assemblée nationale, n° 2387, onzième législature.

233 En neutralisant l'effet de la recentralisation de l'aide médicale des départements, qui se traduit en théorie par une baisse des dépenses des départements de 9,1 milliards de francs et s'est accompagnée d'une réduction de même montant de la dotation générale de décentralisation, l'augmentation des dotations s'élève à 11,9 milliards de francs.

234 Avant l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la taxe d'habitation prévues par la loi de finances rectificative pour 2000.

235 Sur ce point, cf. infra, le 3 du B du V.

236 JO Sénat, séance du 24 novembre 1995, p. 2915.

237 A sa création, la dotation globale de fonctionnement était indexée sur l'évolution des recettes de TVA. Puis, elle a évolué comme les prix jusqu'en 1990. En 1991, elle a augmenté en fonction d'un indice prenant en compte les prix et 50 % du taux de croissance du PIB. En 1992 et 1993, cet indice a été calculé à partir des deux tiers du taux de croissance du PIB. En 1994 et 1995, seuls les prix ont été retenus. Depuis 1996, l'indice de la DGF tient compte des prix et de la moitié du taux de croissance du PIB.

238 Sur ce point, voir le rapport de notre collègue député Gérard Saumade, " Soutenir l'investissement local ", Assemblée nationale, onzième législature, n° 1782, pp. 83-84.

239 Cf. supra III, B, 3.

240 La loi de finances rectificative pour 2000 met en place un dispositif de même esprit s'agissant de la prise en charge par l'Etat des dégrèvements de taxe d'habitation, en gelant les taux à leur niveau de 2000.

241 JO Sénat, séance du 24 novembre 1995, p. 2917.

242 JO Assemblée nationale, séance du 21 octobre 1995, p. 2301.

243 L'expression " abondements extérieurs " désigne les majorations du montant de certaines dotations lorsqu'elles ne sont pas prises en compte pour le calcul de l'enveloppe normée. Si elles l'étaient, le montant de la DCTP serait réduit d'autant.

244 Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1996, nos collègues députés Didier Migaud, Augustin Bonrepaux et Jean-Pierre Balligand avaient présenté un amendement indexant l'enveloppe normée sur " la somme de l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation et des deux tiers de la croissance en volume associés au projet de loi de finances ".

245 L'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales dispose que " le potentiel fiscal d'une commune est déterminé par application aux bases communales des quatre taxes directes locales du taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxes. Il est majoré du
montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 ", c'est-à-dire la compensation de la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle.

246 L'article L. 2334-5 du code général des collectivités territoriales définit l'effort fiscal comme le rapport entre le produit des " quatre taxes " perçu dans une commune et son potentiel fiscal (diminué de la part correspondant à la taxe professionnelle).

247 85 % des crédits de la dotation d'intercommunalité sont répartis en tenant compte de la richesse des communes, mesurée par leur potentiel fiscal. Les 15 % restants ne tiennent compte que de la population des communes et de leur coefficient d'intégration fiscale.

248 Même si, compte tenu du caractère imparfait des critères d'éligibilité aux dotations de solidarité, certaines collectivités, et surtout des communes, qui ne sont pas favorisées doivent néanmoins supporter le poids de lourdes baisses de DCTP.

249 Les EPCI ne sont remboursés qu'à hauteur de la fraction de leur population résidant dans une commune éligible à la DSU ou à la DSR " bourgs-centres ".

250 En tenant compte de la compensation de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

251 Cf. supra, 3 du B du III.

252 En 1995, 5 % des collectivités locales percevaient 95 % du produit de la taxe professionnelle.

253 n° 91-291 DC.

254 Sur ce point, voir le 2 du B du I du chapitre III de la présente partie.

255 Institut de la Décentralisation, Info Parlement, mai 2000.

256 Au sens large, c'est à dire en englobant les cotisations sociales.

257 Conseil des impôts,
La taxe professionnelle , quinzième rapport au Président de la République, 1997.

258 JO Sénat, séance du 24 novembre 1999, p. 4861.

259 JO Sénat, séance du 7 juin 2000, p. 3741.

260 Michel Borgetto et Robert Lafore. Droit de l'aide et de l'action sociale, Domat droit public, Montchrestien.

261 Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Librairie Arthème Fayard, 1995.

262 Ces dispositifs sont plus connus sous leur appellation de " carte santé " ou de " passeport de soins ".

263 La décentralisation en matière d'aide sociale, Cour des Comptes, rapport au Président de la République, décembre 1995.

264 Les politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes, Cour des Comptes, rapport au Président de la République, 1993.

265 RMI, le pari de l'insertion - Rapport de la commission présidée par Pierre Vanlerenberghe, 1992.

266 Sur les données transmises par 72 départements.

267 La Fédération rassemble : le syndicat général des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif (SOP), le syndicat national des associations pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (SNASEA), le syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (SNAPEI).

268 Avis n° 93 (Sénat 1999-2000) présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2000 par M. Jean Chérioux, sénateur (Tome I - Solidarité).

269 La lettre de l'ODAS, numéro spécial, 1 er avril 2000.

270 Etudes et résultats, DREES, n° 68 - juin 2000.

271 Etudes et résultats n° 39 novembre 1999 - Direction de la recherche, de l'étude, de l'évaluation et des statistiques (DREES).

272 L'action sociale, dix ans de décentralisation 1984-1994 -Jean-Louis Sanchez, Claudine Padieu- ODAS.

273 L'action sociale, dix ans de décentralisation 1984-1994, op.cit.

274 Action sociale, la décentralisation face à la crise -1996 - Jean-Louis Sanchez- ODAS Editeur..

275 L'aide personnalisée à l'autonomie : un nouveau droit fondé sur le principe d'égalité - rapport remis à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité par M. Jean-Pierre Sueur, Maire d'Orléans - Mai 2000.

276 Cf. " La formation professionnelle - diagnostics, défis et enjeux " ; contribution du secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, mars 1999.

277 Y compris le coût des primes et exonérations de charges sociales

278 Rapport sur l'évaluation des politiques régionales de formation professionnelle, Comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation continue, octobre 1999.

279 " Les acteurs de la formation professionnelle : pour une nouvelle donne, " Rapport au Premier ministre par Gérard Lindeperg, député de la Loire, conseiller régional Rhônes-Alpes, septembre 1999.

280 C. Julien " les politiques régionales de formation professionnelle continue " L'Harmattan, 1998.

281 Cf. rapport d'étape précité de votre mission d'information.

282 Cf. le rapport étabi par M. Jean-Paul Delevoye, au nom de la commission des Lois (n° 455, 1997-1998).

283 La loi du 15 avril 1999 a fait l'objet des décrets n°s 2000-275, 2000-276 et 2000-277 du 24 mars 2000.

284 Cf. L'avis de M. Jean-Patrick Courtois, au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi de finances pour 2000 (n° 94, 1999-2000,Tome II, Intérieur : police et sécurité).

285 Cf. supra, chapitre III.

286 Cf. rapport précité de M. Jean-Patrick Courtois, p. 22 et ss.

287 Dans les cinq prochaines années, plus de 24.000 départs sont attendus, soit du fait de la limite d'âge, soit pour départ anticipé.

(288) Ces chiffres sont cités par Jacqueline Mengin et Jacques Lepage, dans " Le rôle culturel du département " (La Documentation Française, Paris, 1987).

(289) Cette analyse est commune à Mme Maryvonne de Saint-Pulgent, conseiller d'Etat, M. Jacques Rigaud, président de RTL, auteur d'un ouvrage sur la refondation de la politique culturelle, M. René Rizzardo, directeur de l'Observatoire des politiques culturelles, et M. Michel Ricard, directeur de l'architecture et du patrimoine, entendus par la mission commune d'information les 26 janvier et 8 février 2000.

(290) Ces domaines sont la diffusion artistique et culturelle, les enseignements artistiques, les travaux de conservation des monuments n'appartenant pas à l'Etat, sous réserve des dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

(291) Cf. audition de M. Michel Ricard, directeur-adjoint de l'architecture et du patrimoine au ministère de la culture, du mardi 8 février 2000.

(292) Cf. auditions de M. Jacques Rigaud, précitée, et de M. René Rizzardo, précitée.

(293) Cf. audition de Mme Maryvonne de Saint-Pulgent, précitée.

(294) Cf. audition de M. Ricard, précitée.

(295) Par l'arrêté du 3 novembre 1958.

(296) Ces dispositions sont prévues par l'article 14 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983.

(297) Loi n° 92-652 du 13 juillet 1992, modifiant la loi du 16 juillet 1984.

(298) Loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

(299) Loi n° 99-1124 du 28 décembre 1999 portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.

(300) Colloque sur le financement du sport, 23 mars 1991.

(301) Par l'article 42
bis de la loi du 16 juillet 1984.

302 Conseil d'Etat, 18 novembre 1991, Département des Alpes-Maritimes, avec les conclusions du Commissaire du Gouvernement Pochard.

303 Conseil d'Etat, 15 février 1993, Région Nord-Pas-de-Calais. Voir aussi Conseil d'Etat, 6 juin 1986, Département de la Côte-d'Or, A.J.D.A. 1986, p 594 et Conseil d'Etat, 1 er octobre 1993, Commune de Vitrolles c/ M. Catalan pour des exemples de délibérations de collectivités locales jugées illégales.

304 Selon le ministère de l'intérieur, les aides des collectivités aux conditions du marché sont libres.

305 Défini par un arrêté du ministre des finances du 23 janvier 1996.

306 Voir les rapports publics de la Cour des Comptes, 1983 et 1988, Journaux officiels, et son rapport public particulier de novembre 1996.

307 Art. 10, 11 et 12 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation..

308 Ces règles ne s'appliquent pas aux personnes morales de droit public (collectivités locales, établissements publics dont les chambres consulaires...).

309 Cf. rapport (n° 189, 1999-2000) de M. Francis Grignon, au nom de la commission des affaires économiques, saisie au fond, ainsi que les avis (n° 201, 1999-2000) de M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, et (n° 200, 1999-2000) de M. Joseph Ostermann, au nom de la commission des finances, saisies pour avis.

310 Présidé par M. Jean-Paul Delevoye, le groupe de travail de la commission des Lois du Sénat a publié le rapport de M. Daniel Hoeffel, n° 239 (Sénat, 1996-1997) intitulé : " La décentralisation : Messieurs de l'État, encore un effort ! ", en mars 1997.

311 Rapport de la commission du Livre Blanc présidée par Jacques Chaban-Delmas, ancien Premier ministre, et René Monory, alors président du Sénat, intitulé : " Poursuivre la décentralisation : réflexions sur le bilan et les perspectives de la décentralisation ", 1994.

312 Arrêt du 21 janvier 1999, Ministre de l'Intérieur contre commune de Saint Florent et autres : " Si le préfet n'est pas tenu de déférer au juge administratif toutes les décisions illégales des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et si, par conséquent, son abstention ne saurait par elle-même engager la responsabilité de l'État, l'abstention prolongée du préfet de Haute-Corse de ne pas déférer au tribunal administratif les décisions importantes et aux illégalités facilement décelables du syndicat intercommunal à vocation multiple du Nebbio constitue, en l'espèce, une faute de nature à engager la responsabilité de l'État envers les communes de Saint Florent et autres ".

S'il existe une contradiction apparente entre le fait de reconnaître un caractère discrétionnaire au déféré préfectoral, et le fait de retenir quand même la responsabilité de l'État alors que le préfet s'est abstenu de déférer, cette contradiction peut être résolue en admettant que l'absence de déféré préfectoral s'il n'est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir peut néanmoins donner lieu à une indemnisation en cas de faute.

313 En l'espèce, il s'agissait de l'abstention prolongée du préfet de Haute-Corse de déférer à la juridiction administrative un certain nombre de délibérations aux illégalités facilement décelables prises par le bureau d'un syndicat intercommunal.

314 États généraux de septembre 1999.

315 Rapport n° 385 (Sénat, 1999-2000) de M. Jean-Paul Amoudry, mai 2000.

316 " La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ".

317 Délibération n° 99-3 adoptée le 8 juin 1999.

318 Rapport de M. Gilbert Santel, directeur général de l'administration et de la fonction publique, délégué ministériel à la réforme de l'État, intitulé : " La modernisation de l'administration territoriale de l'État ", octobre 1998.

319 Rapport " L'État en France : servir une nation ouverte sur le monde " (mai 1994) de la mission sur les responsabilités et l'organisation de l'État présidée par Jean Picq, conseiller-maître à la Cour des comptes.

320 Direction de l'équipement, de l'environnement et du monde rural ; direction de la santé, de la population et de la solidarité ; direction des affaires économiques ; direction des affaires culturelles.

321 Cette proposition figure dans le " rapport Santel ".

322 Entretien dans le numéro 293 des Cahiers français, " Les collectivités locales en mutation ", octobre-décembre 1999.

323 La délégation territoriale, ou déconcentration horizontale, consiste à favoriser la coordination des services de l'État sur un même territoire, par une délégation du pouvoir central aux préfets, représentants de l'État dans le département ou la région. Elle est complémentaire de la délégation fonctionnelle, ou déconcentration verticale, qui met en valeur la spécificité des métiers et la ligne hiérarchique de commandement entre le centre et ses établissements publics.

324 Rapport " L'État en France : servir une nation ouverte sur le monde " (mai 1994 de la mission sur les responsabilités et l'organisation de l'État présidée par Jean Picq, conseiller-maître à la Cour des comptes.

325 M. Jean-Pierre Balligand, député.

326 Le délégué, désigné par le préfet, aurait une autorité directe sur les chefs de service concernés.

327 par exemple entre les directions départementales de l'équipement et celles de l'agriculture et de la forêt.

328 En deux ans de 1997 à 1999, dans 85 départements le préfet a changé de poste une ou plusieurs fois.

329 Avis n° 94, tome I (Sénat, 1999-2000), au nom de la commission des Lois, sur les crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

330 Cf. Les rapports de M. Daniel Hoeffel, au nom de la commission des Lois, saisie au fond (n° 281, 1998-1999) et de M. Michel Mercier, au nom de la commission des Finances, saisie pour avis (n° 283, 1998-1999).

331 Cf. les rapports précités de M. Louis Althapé, au nom de la commission des Affaires économiques, saisie au fond, et de M. Pierre Jarlier, au nom de la commission des Lois, saisie pour avis.

332 Cf. infra, chapitre V, II.

333 Cf. rapport précité de M. Daniel Hoeffel au nom de votre commission des Lois, p.105 et ss.

334 Proposition de loi de M. Jean-Claude Gaudin, Michel Mercier, Emmanuel Hamel, Serge Mathieu, Francis Giraud et André Vallet, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine.

335 Cf. rapport précité, p. 128 et ss.

336 Sur ce point, voir le II du chapitre V de la première partie du présent rapport.

337 Proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières, présentée par MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin.

338 Cf. le rapport précité établi par notre collègue Louis Althapé, au nom de la commission des Affaires économiques, sur le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

339 Protection sociale et Pauvreté, protection légale et expériences locales de revenu minimum garanti -CERC- n° 88,1988 - La Documentation française.

340 " Mieux gérer, mieux éduquer, mieux réussir : redonner son sens à l'autorisation budgétaire ", rapport (n° 328, 1998-1999) de MM. Francis Grignon, Jean-Claude Carle et André Vallet au nom de la commission d'enquête présidée par M. Adrien Gouteyron.

341 Annexe n° 24 : Equipement, transports et logement (tome II - Transports : routes et sécurité routière) du rapport général n°  89 (25 novembre 1999) sur le projet de loi de finances pour 2000.

342 Rapport du groupe de travail sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales présidé par M. François Delafosse, conseiller maître à la Cour des comptes.

343 Le schéma d'analyse et de couverture des risques (SDACR) est en effet arrêté par le préfet sur avis conforme du conseil d'administration.

344 Le Gouvernement a refusé de prendre les dispositions réglementaires prévues par la loi du 3 mai 1996 pour harmoniser les régimes de travail des sapeurs-pompiers professionnels à la suite de leur regroupement au sein de corps départementaux, laissant aux SDIS le soin de traiter cette question. En revanche, la progression des indemnités, décidée par l'Etat, est supportée par les collectivités concernées.

345 Rapport n° 94 (Sénat, 1999-2000), projet de loi de finances pour 2000.

346 Rapport n° 31 (Sénat, 1999-2000), octobre 1999. La commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi, celle-ci " tendant à permettre une participation des pratiquants d'activités sportives ou de loisir aux frais de secours engagés par les communes ".

347 " La décentralisation - Messieurs de l'Etat encore un effort ! " - Rapport (n° 239, 1996-1997) au nom du groupe de travail présidé par M. Jean-Paul Delevoye.

348 Conseil d'Etat, 10 octobre 1990, commissaire de la République du département de Seine et Marne contre commune de Montereau-Fault-Yonne.

349 Seule l'expérimentation de l'annualisation du service à temps partiel a fait l'objet d'un décret d'application.

350 Il faut distinguer, d'une part, les emplois à temps complet ou à temps incomplet (nature de l'emploi créé), d'autre part le service à temps plein et celui à temps partiel (façon dont un emploi à temps complet est occupé).

351 Article 14 de la loi du 13 juin 1998 : " Dans les douze mois suivant la publication de la présente loi, et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au parlement un rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique. "

352 Des désaccords majeurs sur le décompte annuel du temps de travail, sur la base de 1600 heures, sont à l'origine de l'échec des négociations.

353 Quant à la période d'astreinte , elle s'entend comme " une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ".

354 États généraux des élus locaux de mars 1999.

355 Article 41 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (article L. 5211-41 du code général des collectivités territoriales) : l'ensemble des personnels de l'établissement transformé est réputé relever du nouvel établissement dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les siennes.

356 Articles 97 et 97 bis de la loi du 24 janvier 1984 : maintien en surnombre jusqu'au reclassement, prise en charge au-delà de ce délai par le CNFPT des fonctionnaires de catégorie A, et par le centre de gestion, des fonctionnaires de catégorie B ou C. Voir supra, les incidents de carrière.

357 Article 35 de la loi du 12 juillet 1999 (article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales) : le nouvel EPCI est substitué aux communes dont il reprend les compétences, directement ou indirectement, dans toutes leurs délibérations,, tous leurs actes et tous leurs contrats, afférents aux compétences transférées.

358 L'agence de notation financière Standard & Poor's relève que, "
à l'échelle européenne, les responsabilités assumées par les collectivités locales françaises restent relativement limitées. Les compétences les plus lourdes financièrement, telles que la santé ou l'éducation (définition des programmes scolaires, rémunération des professeurs) sont gérées en France par l'Etat, alors que dans de nombreux pays tels que l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique ou l'Italie, elles sont administrées et financées par les régions " (" La notation des collectivités locales, octobre 1999).

359 JO Sénat, séance du 7 juin 2000, p. 3741.

360 JO Sénat, séance du 7 juin 2000, p. 3740.

361 JO Sénat, séance du 3 novembre 1998, p. 4156.

362 Assemblée nationale, onzième législature, avis n° 1865.

363 " La notation des collectivités locales ", octobre 1999.

364 Groupe de travail n° 6 sur les politiques de développement régional (DT/REG(97)10), Les politiques régionales dans les années 90 : réorientation vers une recherche de la compétitivité et des partenariats avec les niveaux infrarégionaux, 16-17 décembre 1997.

365 Décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991.

366 Décision n° 91-291 du 6 mai 1991.

367 Décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991.

368 Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1999.

369 JO AN, séance du 17 mai 1979, p. 3931.

370 Assemblée nationale, onzième législature, n° 1066.

371 " Moderniser la taxe professionnelle ",
Les Echos , 3 février 1999.

372 JO AN, séance du 17 mai 1979, p. 3931.

373 JO Sénat, séance du 3 novembre 1978, p. 3061.

374 JO Sénat, séance du 7 juin 2000, p. 3741.

375 Rapport au premier ministre, " La France de l'an 2000 ", 1994.

376 Toutefois, l'article 1635 sexies du code général des impôts prévoit que le produit de la fiscalité locale de France Télécom perçu par l'Etat finance la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

377 Assemblée nationale, onzième législature, rapport d'information n° 1779.

378 Si un tel dispositif était actuellement en vigueur, le Gouvernement aurait dû trouver d'autres sources de financement que la DCTP pour l'intercommunalité. En effet, pour la période 1999-2001, le contrat de croissance et de solidarité prévoit uniquement que la DCTP est la variable d'ajustement de l'enveloppe normée et ne précise pas qu'elle a vocation à financer l'intercommunalité. A l'initiative du Sénat, la loi du 12 juillet 1999 relative à l'intercommunalité dispose d'ailleurs que le financement de l'intercommunalité par la DCTP ne sera possible que jusqu'au terme du contrat de croissance et de solidarité. Le prochain contrat devra donc revoir le mode de financement des communautés d'agglomération.

379 Rapport précité, p. 43 et ss.

380 Pour le calcul de l'enveloppe normée, la DGF est calculée à partir de son " indice " prévu à l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales tandis que les dotations qui sont indexées sur la DGF évoluent comme le taux de progression de la DGF, c'est à dire l'évolution de la DGF en tenant compte du recalage de et de la régularisation du montant de cette dotation.

381 Dans la loi de finances pour 2000, le transfert des recettes du budget de l'Etat vers la sécurité sociale a conduit les dotations aux deux fonds de péréquation à légèrement diminuer alors que, malgré 40 milliards de francs de baisses d'impôts, les recettes fiscales nettes de l'Etat augmentaient quand même de 2,7 %.

382 Décision n° 90-274 DC du 29 mai 1990.



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